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SCIENCE & VIE


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LE 18 JUILLET

LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE GUERRES & HISTOIRE


La référence en histoire des civilisations. Le leader de l’histoire militaire.
8 numéros par an Bimestriel + 2 hors-séries par an

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Édito

L a pensée militaire du XXe siècle, et celle du nôtre, repose, pour beaucoup, sur deux
grands théoriciens, Carl von Clausewitz et Antoine de Jomini. Or, le Prussien comme le Suisse sont des
acteurs des guerres napoléoniennes, le premier, contre la France, le second, avec elle jusqu’en 1813.
Tous deux ont bâti leur œuvre considérable sur l’observation et l’analyse des campagnes du Corse.
Voilà déjà une raison forte de lire ce quatrième hors-série de Guerres & Histoire. Une deuxième raison
tient à la possibilité de prendre – en un seul numéro et avec une cartographie repensée – une vue globale
des éléments de la guerre napoléonienne. Citons-les pêle-mêle, en sachant que chacun a fait couler des
flots d’encre et mobilisé les enseignants des écoles de guerre dans le monde entier durant deux siècles.
Figurent au fronton la supériorité de l’offensive, la recherche de la bataille, la nécessité d’obtenir la
surprise et de tirer des jambes des soldats la vitesse maximum du mouvement, la vision claire de ce
qui constitue le théâtre principal – celui où doit s’obtenir la supériorité. La manœuvre des forces selon
de stricts critères de proximité, leur concentration en un point unique, vient ensuite. La constitution de
fortes réserves d’artillerie et de cavalerie, la capacité à défendre – et à basculer, le cas échéant – une
ligne d’opérations – qui joint l’armée à sa base logistique et permet la retraite – suivent en bonne place.
Enfin, et vous le constaterez à loisir dans les études de cas, Napoléon manie en maître la manœuvre en
position centrale et celle sur les derrières, avant d’être égalé par ses adversaires.
Directement ou indirectement, nos quatre auteurs ont insisté sur un point majeur, celui de la bataille
décisive. Vous n’en trouverez aucune, hormis celle de Waterloo. En réalité, par ses plus beaux succès –
LIBELLÉS
Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland, Wagram – le Premier Consul puis Empereur n’obtient jamais que DES SYMBOLES
du temps additionnel. Il gagne juste pour rester dans la course, sauver son empire et sa couronne. Mais DE CARTES
jamais il n’obtient la paix durable qui, seule, donne la victoire. Qu’importe que l’Autriche, la Prusse
Bataille
ou la Russie quittent la guerre après une déculottée ! Elles y reviendront, tôt ou tard, et au pire moment.
Cette lutte de vingt ans contre des coalitions continentales sans cesse renaissantes ne pouvait trouver X Brigade
de fin heureuse qu’en battant l’Angleterre – mais Trafalgar est bien, elle, une bataille décisive. Ou en XX Division
XXX Corps d’armée
s’entendant avec elle : peut-être n’était-ce pas impossible. Mais Napoléon en était-il capable, alors XXXX Armée
qu’il est l’homme qui ne sait pas s’arrêter, ni même rétropédaler ? Sa grandeur tragique tient à cela : il Siège
agit avec génie dans le champ militaire. Mais sa gloire est une illusion car, pour citer Patrick Bouhet,
« ce n’est pas dans ce champ seul que peut apparaître la solution d’un conflit ». C’est le diamant brut Artillerie
que Clausewitz a dégagé de l’étude des 45 batailles que nous vous proposons ici.
Cavalerie
Inoxydablement vôtre. Position de
Jean Lopez, directeur de la rédaction Napoléon

Une publication du groupe Président : Ernesto Mauri


RÉDACTION – 8, rue François-Ory – 92543 Montrouge Cedex. Tél. 01 46 48 48 48. Pour correspondre avec la rédaction : courrier.SVGH@mondadori.fr
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Comité éditorial : Benoist Bihan, Michel Goya, Laurent Henninger, Yacha MacLasha, Éric Tréguier.
Ont collaboré à ce numéro : Stéphane Béraud, Frédéric Bey, Patrick Bouhet, Antoine Reverchon.
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Guerres & Histoire HS No 4 • 3


Sommaire
6 22
1re campagne d’Italie 1796-1797 Campagne d’Égypte 1798-1799
Une campagne fulgurante et stupéfiante Une série de victoires sans résultats
De Montenotte à Mondovi ● Lodi
● ● Pyramides ● Mont-Thabor
● Castiglione ● Bassano ● Arcole ● Rivoli ● Aboukir

32 38
2e campagne d’Italie 1800 Campagne d’Allemagne 1805
Vienne, ultime rival déclaré L’empereur se retourne vers l’est
● Marengo ● Ulm ● Austerlitz
ILLUSTRATIONS : AKG – CARTES : JÉRÔME GRASSELLI POUR « G&H »

46 54
Campagne de Prusse 1806 Campagne de Pologne 1807
La Prusse mise à genoux Les chauds et froids de la Grande Armée
en quatre semaines ● Eylau ● Friedland
● Iéna
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62 68
Campagne d’Espagne 1808 Campagne d’Autriche 1809
Napoléon manœuvre en terre hostile Le début des victoires laborieuses
● Somosierra ● Abensberg ● Landshut ● Eckmühl ● Ratisbonne
● Essling ● Wagram ● Znaïm

84 94
Campagne de Russie 1812 Campagne de Saxe 1813
Quand un empereur perd son armée Et la France abandonna l’Allemagne
● Smolensk ● Borodino ● Lützen ● Bautzen ● Dresde
● Bérézina ● Leipzig ● Hanau

106 122
Campagne de France 1814 Campagne de Belgique 1815
La France mûre pour s’avouer vaincue La chute de l’Empire en épilogue
● Brienne/La Rothière ● Champaubert/Montmirail/ ● Ligny ● Waterloo
Château-Thierry/Vauchamps ● Montereau
● Craonne ● Laon/Reims ● Arcis-sur-Aube
Guerres & Histoire HS No 4 • 5
6 • Guerres & Histoire HS No 4
Arcole, 15 novembre
1796. L’image de
Bonaparte brandissant
un drapeau et
exhortant ses soldats
à avancer est entrée
dans la légende.

RE
LA 1 CAMPAGNE
D’ITALIE ●●●

1796-1797
Alors que l’Italie ne devait être qu’un théâtre d’opérations
secondaire dans la lutte entre la France et les coalisés,
elle est placée au premier plan par les succès
de Bonaparte contre l’Autriche. Un stratège est né.
●●●
●●
●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 7


UNE CAMPAGNE
FULGURANTE
ET STUPÉFIANTE

À la veille de la campagne d’Italie de 1796, le


Directoire a atteint ses objectifs militaires. Après
quatre années de guerre, la République a réussi
à affaiblir la 1re coalition des monarchies européennes et à
occuper toute la rive gauche du Rhin. Il reste cependant à bri-
ser la volonté autrichienne pour faire accepter la prépondérance
française. Dans ce but, Carnot conçoit un plan fondé sur une
offensive principale en Allemagne et une opération secondaire
de diversion en Italie. Ce plan va être bouleversé par la nomina-
tion, le 2 mars 1796, de Bonaparte au poste de commandant de
menacés de débordement, les Autrichiens doivent se replier.
Bonaparte peut maintenant se retourner contre les Sardes pour
renouveler une combinaison d’attaques frontales avec des mou-
vements de contournement qui obligent Colli à battre en retraite
vers Cherasco, menacent Turin et poussent les Sardes à deman-
der l’armistice, signé le 28 avril. En deux semaines, Bonaparte
a contourné les Alpes et pris pied dans la vallée du Pô.
Après avoir neutralisé les Sardes, Bonaparte dispose de la
supériorité numérique pour se retourner contre les Autrichiens.
Il exécute une audacieuse « manœuvre sur les arrières » qui
l’armée d’Italie. Il va en effet profiter de ce premier comman- déborde les défenses sur le Pô de l’armée autrichienne et la force
dement d’armée pour appliquer ses réflexions révolutionnaires à se replier vers le Tyrol en laissant 4 500 hommes dans la place
PAR STÉPHANE BÉRAUD sur l’art de la guerre à un théâtre d’opérations qu’il étudie de de Mantoue.
Spécialiste de l’histoire façon détaillée depuis 1794. Après cette première offensive éclair, qui fait tomber le
militaire napoléonienne, Milanais et la Lombardie dans l’escarcelle française, Bonaparte
Stéphane Béraud a Les Sardes, maillon faible se heurte à un dilemme stratégique. Il doit achever sa conquête en
publié une étude stra- La campagne d’Italie s’ouvre par un coup de tonnerre qui prenant la forteresse de Mantoue tout en se préparant à repous-
tégique sur la première désintègre en quelques jours la coalition austro-sarde. Pleinement ser les prochaines contre-offensives autrichiennes. Il bénéficie
campagne d’Italie. Il a
conscient de la dimension politique du conflit, Bonaparte sait cependant de deux avantages : les riches plaines de l’Italie du
entamé une tétralogie
sur la révolution qu’il faut d’abord frapper le royaume de Sardaigne, le maillon Nord pour ravitailler son armée, et son réseau de communica-
militaire napoléonienne faible de la coalition. Il conçoit une offensive contre le point de tions qui autorise des mouvements rapides des unités sur les
(2 volumes parus) qui jonction des armées ennemies permettant de « manœuvrer en lignes intérieures. En conséquence, Bonaparte adopte un disposi-
ambitionne de dresser position centrale » pour les séparer et les écraser successivement. tif « d’attente stratégique » au cœur du quadrilatère lombard :
un panorama complet Bonaparte profite d’une offensive mal coordonnée des des unités de première ligne surveillent les voies d’accès et s’ap-
de tous les compar-
Autrichiens qui étendent leur dispositif tout en dégarnissant puient sur une réserve centrale.
timents de l’art de la
guerre durant l’Empire. leur point de jonction avec les Sardes. Il refuse son aile droite De leur côté, les Autrichiens profitent de la passivité française
face au gros des forces autrichiennes du général Beaulieu et sur le front allemand pour reconstituer leurs forces. Ils lancent
concentre ses forces par des marches de nuit tandis que la divi- successivement quatre offensives pour libérer Mantoue et recon-
sion Sérurier capte l’attention des Sardes. Fixés de front et quérir leurs possessions italiennes. Bonaparte parvient chaque

Alors qu’en 1793, la 1re coalition En charge des questions militaires L’armistice de Cherasco, signé
comprend l’Autriche, la Prusse, au sein du Comité de salut public le 28 avril, accorde immédiatement
la Sardaigne, Naples, l’Angleterre, et du Directoire, Lazare Carnot (1753- à Bonaparte des forteresses clefs pour
les Provinces-Unies, l’Espagne, 1823) est baptisé « l’organisateur les communications françaises (Coni,
la Russie ainsi que plusieurs princes de la victoire » lors de la séance Tortone et Alexandrie) ainsi que le libre
italiens et allemands, en 1796 l’Autriche de la Convention du 28 mai 1795, en passage du Pô à Valenza. Il aboutit
constitue la dernière puissance hommage au succès de ses réformes au traité du 15 mai 1796 par lequel
continentale importante en lutte contre militaires qui ont mené les armées le royaume de Sardaigne se retire
la France après le retrait de la Prusse de la République à la victoire. de la coalition.
et de l’Espagne.

8 • Guerres & Histoire HS No 4


Col du Saint-Gothard Bonaparte
2108 m
Adige Bolzano Marche sur Vienne Col de Tarvis

Piave
812 m
Tagliamento
WURMSER 16 mars 1797

Oglio
Septembre 1796 Campoformio
Bre
n
ALVINCZY Traité - 18 oct. 1797

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Janvier 1797

As
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Bassano

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WURMSER

Add
8 sept. 1796
juillet 1796 Rivoli

a
LOMBARDIE ALVINCZY - NOV.1796 Trieste
Aoste D 14 jan. 1797
Ti

Vicence
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10 mai 1796 Castiglione Caldiero


Balt

Milan Lodi 5 août 1796 Venise


Arcole

Mincio
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14 mai 1796 Padova


17 nov. 1796
BEAULIEU
PIEMONT avril 1796 Adige
Doire Rip
aire Mantoue

Po

Siège de juin 1796
Turin Alexandrie Plaisance
Asti au 2 fév. 1797
7 mai 1796
a
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Tortona Ferrare
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Armistice entre Bonaparte T Parme


et le roi de Sardaigne
Cherasco Modène
Dego Ravenne
S tu 28 avril 1796 15 avril 1796 NNINS
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di Gênes APPE
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o nte Mondovi Montenotte
21 avril 1796
96 o

12 avril 1796 Rimini


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17

Col de Tende
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Col de Cadibone (459 m)


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M

1871 m
13

Bonaparte

ro
26 mars 1796

au
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Me
Nice

0 km
km 50 10
100
00 km
0 Italie 1796-97

Napoléon exploite l’incapacité du


commandement autrichien à coordonner
ses multiples colonnes d’attaque.

+ loin
fois à contrer ces offensives en infligeant à ses adversaires de Bonaparte, d’autant que la reddition de Mantoue a convaincu
retentissantes défaites à Castiglione, Bassano, Arcole et Rivoli. le Directoire que le théâtre italien pouvait apporter la victoire Pour aller
Il élabore de fulgurantes répliques en exploitant la propension du sur Vienne. En mars 1797, l’armée d’Italie dispose d’une force
commandement autrichien à multiplier les colonnes d’attaques de manœuvre de 60 000 hommes qui s’enfoncent en territoire La Campagne
d’Italie, Carl von
sans être capable d’en assurer la coordination. La manœuvre la autrichien et parviennent au col de Semmering à moins de Clausewitz, Pocket, 1999.
plus décisive est celle qui aboutit à la bataille de Rivoli, qui inflige 100 km de Vienne. Bonaparte sait cependant qu’il ne peut indé-
Bonaparte en Italie.
des pertes sévères aux Autrichiens (plus de 14 000 hommes) et finiment étirer ses lignes de communications, alors que Moreau Naissance d’un stratège
provoque dans la foulée la reddition de Mantoue dont les défen- n’a pas encore lancé son offensive sur le Danube. Le général en 1796-1797, Stéphane
seurs, minés par la maladie, ne croient plus à une libération. chef se transforme alors en diplomate émérite, en négociant les Béraud, éd. Bernard
Le rapport des forces bascule désormais au profit de préliminaires de Leoben puis le traité de Campoformio. ■ Giovanangeli, 2008.
Bonaparte in Italy,
Kevin Zucker,
Operational Studies
Group, 1979.
Le quadrilatère lombard, ou Par le traité de paix de Campoformio, signé
mantouan, a pour côtés les Alpes le 17 octobre 1797, Vienne cède les Pays-Bas
au nord, le Pô au sud, l’Adige à l’est autrichiens (actuelle Belgique) à la France, renonce
et le Mincio à l’ouest. Les coins au Milanais et à la Lombardie et reconnaît la
de ce quadrilatère sont contrôlés République cisalpine formée par le Milanais, la
par les villes de Peschiera, Vérone, Lombardie et la République cispadane. La cession
Legnago et Mantoue. de la rive gauche du Rhin est prévue, mais exclut
les possessions prussiennes autour de Cologne et
doit être ratifiée par la diète impériale, en fonction
de compensations accordées sur la rive droite.

Guerres & Histoire HS No 4 • 9


1796-1797- La 1re campagne d’Italie

PREMIÈRES VICTOIRES,
DE MONTENOTTE
À MONDOVI
Du 12 au 21 avril 1796

ANTS
COMMAND
Bon aparte
Colli
Beaulieu et
EFFE C TIFS
mes
40 000 hom
mes
52 000 hom

L
’ouverture de la première campagne d’Italie est mar- PERTES
es
quée par la topographie accidentée et cloisonnée 6 000 homm
0 ho m m es
du théâtre d’opérations des Alpes et des Apennins. 12 00 (Montenotte)
RÉ E D ix jours : du 12
Du fait de la guerre de montagne qui en résulte, les DU
ondovi)
premières victoires de Bonaparte ne prennent pas la au 21 avril (M NTEMENT en
E L’AFFRO
forme d’une bataille au sens classique du terme impliquant une NATURE D sées par une offensive
po
unité de lieu, de temps et d’action. Elles se composent d’une Batailles im
rale
succession de combats se déroulant sur plusieurs sites, lors de position cent NEL
O PÉRATION nt le repli des
différentes journées et n’impliquant qu’une fraction des armées en RÉSULTAT ises entraîna
ça
présence. Le génie militaire de Bonaparte consiste à articuler ces Victoires fran r la rive gauche du Pô
su
Autrichiens
combats pour en obtenir un résultat stratégique dans les mêmes
S U LT AT POLITIQUE utralisant le

conditions que pour une bataille décisive classique. tice de Cherasco ne
Armis ardaigne
Le premier objectif de Bonaparte est de briser l’alliance entre royaume de S
Sardes et Autrichiens en s’emparant du point de jonction entre
les deux armées ennemies. Il pourra ainsi isoler le royaume de
Sardaigne et le forcer à sortir du conflit. Pour obtenir ce résultat,
Bonaparte décide de contourner les Alpes en prenant l’offensive Celui-ci a attaqué le 11 avril les positions françaises sur les contre-
par la route côtière qui va de Nice à Gênes, avant de pivoter vers forts du Monte Legino qui protège la voie d’accès vers le col de
le nord-ouest et de franchir le col de Cadibone qui sépare les Alpes Cadibone. Bonaparte riposte le 12 avril en lançant Laharpe de
des Apennins. front, Masséna sur Montenotte pour déborder la droite ennemie, et
Augereau encore plus à l’ouest sur Dego pour menacer la ligne de
Beaulieu attaque le premier communications autrichienne vers Alexandrie. Sérurier est chargé
Bonaparte pensait prendre l’offensive le 15 avril, mais il est de détourner l’attention des Sardes. Argenteau tente de résister
devancé par son adversaire qui attaque le 10 avril les avant- mais bat en retraite quand il découvre le mouvement tournant de
postes français de Voltri. Beaulieu dispose de 32 000 hommes Masséna. Cette première victoire de Bonaparte (« Ma noblesse
pour prendre l’aile droite française en tenaille entre ses forces et date de Montenotte » répondra-t-il à une question sur ses ancêtres)
celles d’Argenteau, en charge de la droite autrichienne qui doit contient en germe les principes de la bataille napoléonienne :
prendre Savone. Mais Bonaparte profite du décalage entre les fixation de l’ennemi par une attaque frontale combinée avec un
mouvements des deux colonnes autrichiennes pour refuser son aile mouvement d’enveloppement menaçant sa ligne naturelle de
droite face à Beaulieu et concentrer ses forces contre Argenteau. retraite. Elle témoigne aussi de la capacité de Bonaparte à obtenir
la supériorité numérique sur le point d’attaque par des mouve-
ments coordonnés des différentes divisions. En l’occurrence, les
18 000 hommes de Laharpe et Masséna ont logiquement triomphé
Général autrichien (1725-1819) des 6 000 hommes d’Argenteau.
d’origine wallonne, Jean-Pierre de La victoire de Montenotte donne aux Français la maîtrise
Beaulieu se distingue lors de la guerre de la position centrale de Carcare, qui contrôle les communi-
de Sept Ans puis contre les armées cations entre les deux armées coalisées, et leur permet de se
de la République française en Flandre retourner contre les 15 000 Sardes en profitant du repli autri-
et sur le Rhin. Il obtient à 71 ans son chien. Bonaparte dispose des 7 000 hommes d’Augereau et des
premier commandement d’armée face 12 500 de Sérurier qui menace Ceva à partir d’Ormea. Dans le
à Bonaparte. même temps, Masséna doit poursuivre Argenteau en direction
d’Acqui. Une réserve est placée à Carcare, quartier général de
Bonaparte, afin d’être dirigée, si nécessaire, sur l’une des deux

10 • Guerres & Histoire HS No 4


+ loin
ailes françaises. Tous les éléments de la manœuvre en position capitulation de Provera, le 14 avril, autorisent la concentration
centrale sont ainsi réunis : Bonaparte occupe une position qui lui des divisions Augereau, Sérurier et Masséna contre les troupes Pour aller
permet de porter son effort contre l’une des deux ailes ennemies, sardes de Colli. Ce dernier doit évacuer successivement les posi-
lesquelles sont incapables de se porter mutuellement secours. tions de Ceva, La Bicocca et Mondovi les 16, 18 et 21 avril, sous L’Éducation militaire
de Napoléon,
L’action contre les Sardes se heurte cependant le 13 avril à une la pression des attaques d’Augereau. Bonaparte débouche dans J. Colin, Teissèdre, 2001.
forte résistance du corps de liaison de Provera établi à Cosseria, les plaines du Piémont et capture le 25 avril Alba qui sépare
Relire : Principes de la
puis le 14 avril à une contre-offensive autrichienne sur Dego. définitivement les deux armées coalisées. Il reçoit à Cherasco les guerre de montagnes du
Bonaparte est contraint d’intervenir avec Laharpe et Augereau plénipotentiaires sardes qui signent un armistice le 28 avril. Il n’a Lt-Gal de Bourcet,
pour reprendre la localité afin de verrouiller son flanc droit fallu que deux semaines au général en chef de l’armée d’Italie C. Becker, Economica,
et ses communications vers Savone. La reprise de Dego et la pour contourner les Alpes et s’installer dans la vallée du Pô. ■ 2008.
Montenotte 1796,
Vincent Gérard,
VaeVictis n° 128, 2016.
La position de Bonaparte lui permet de
porter son effort contre les ailes ennemies
sans qu’elle puissent s’aider l’une l’autre.

Alba Serravalle

Cherasco ida Acqui XXXX


orm Terme
B BEAULIEU
XX
ARGENTEAU

3 Cortemilia
1

1
1

XXXX Dego
X Voltri
2 14-15 avril
COLLI Montenotte
12 avril CERVONI G ênes
Ceva XXX Monte Legino
Mond ov i 11 avril Varazze
PROVERA XX
21 avril Col de
COUVERTURE
Millesimo Cadibone
1 LAHARPE
Carcare 1
XX
Savone
1
MASSÉNA
1
Tanaro

XX ACTION
XX
PRINCIPALE
Garessio
SÉRURIER AUGEREAU
Ormea
FIXATION-DIVERSION

0 km 5 10 15 20 km

Guerres & Histoire HS No 4 • 11


1796-1797- La 1re campagne d’Italie

LODI, UNE MANŒUVRE


SUR LES ARRIÈRES
QUI CRÉE LA LÉGENDE
10 mai 1796

ANTS
COMMAND
Bon ap arte
Colli
Beaulieu et
EFFE C TI FS

L
mes
’armistice de Cherasco garantit la sécurité des 25 000 hom es
m
arrières de l’armée d’Italie et permet son ren- 10 000 hom
forcement. Bonaparte dispose maintenant de PERTES
es
40 000 hommes contre 25 000 Autrichiens. Ce 1000 homm
0 ho m m es
rapport de forces favorable autorise une ambi- 2 00
tieuse manœuvre sur les arrières visant la destruction de DU R É E
à 20 heures
l’armée ennemie. Elle consiste à déborder l’un de ses flancs De 7 heures NTEMENT sant à
E L’AFFRO
pour intercepter ses lignes de communications et l’obliger à NATURE D rce d’un cours d’eau vi
fo
reculer de façon précipitée et en ordre dispersé. Le repli de Passage en arrière-garde
e
Beaulieu sur la rive gauche du Pô suppose, pour assurer le bousculer un NEL
O PÉRATION
succès de la manœuvre, de régler préalablement la question RÉSULTAT ise accélérant le repli
ça
déterminante du point de franchissement du fleuve (voir enca- Victoire fran le Mincio
r
autrichien su
dré ci-dessous). Bonaparte prévoit de déborder la gauche de
S U LT AT P OLITIQUE
l’armée autrichienne, le plus à l’est possible, en contournant les RÉ cisive
no n dé
Bataille
rivières qui descendent des Alpes et en coupant ses communi-
cations vers le premier centre logistique important de Mantoue.

L’arme de la diversion
Afin de surprendre Beaulieu, Bonaparte doit cependant limiter Beaulieu à Fombio qu’il repousse plus au nord, sur Codogno.
l’amplitude de sa manœuvre pour parvenir au point de passage en Ce succès lui permet de faire franchir le Pô au reste de l’armée
quelques marches. Il monte une opération de diversion suggérant et force Beaulieu à abandonner le Milanais.
l’imminence d’un passage en force du Pô à Valenza et effectue Pour obtenir une victoire décisive, Bonaparte doit empê-
dans le même temps une rapide marche de flanc au sud du fleuve cher le passage de l’Adda par Beaulieu. Ce dernier, à la hauteur
pour capturer Plaisance le 7 mai et constituer dans la foulée de sa réputation de sabreur, réagit rapidement à la manœuvre
une tête de pont sur la rive gauche du Pô. Bonaparte se heurte et bouscule l’avant-garde française dans la soirée du 8 mai.
à un détachement commandé par le général Liptay envoyé par L’attaque menée tête baissée par le commandant autrichien
va sauver son armée. Ce premier choc fait en effet craindre à
Bonaparte d’être face à toute l’armée autrichienne avec seu-
lement la moitié de ses forces. Il décide donc de reporter sa
marche sur Lodi en attendant la concentration de toute son

POUR FRANCHIR LES COURS D’EAU,


armée (Masséna et Sérurier sont encore sur la rive droite, res-
pectivement à 35 et 90 kilomètres de Codogno). Le 10 mai,
TOUT LE MONDE EST SUR LE PONT il peut reprendre son avance ; mais Beaulieu a profité de
l’hésitation de Bonaparte pour franchir l’Adda et rétablir ses
La campagne d’Italie est marquée du Pô à Plaisance, le chef de communications avec Mantoue. Les Français se retrouvent à
par de multiples combats pour le bataillon Andréossy, directeur des
franchissement de cours d’eau. Le ponts de Bonaparte, fait passer Lodi face à l’arrière-garde autrichienne.
théâtre d’opérations de l’Italie du l’avant-garde sur des bateaux Beaulieu a confié le soin au général Sebottendorf de
Nord est en effet structuré par le capturés, puis établit un pont défendre la localité et son pont pour recueillir les derniers éléments
Pô et ses affluents qui constituent volant permettant de faire passer encore à l’ouest de l’Adda. Il dispose de 10 000 hommes renforcés
autant d’obstacles naturels 500 hommes toutes les heures. par une quinzaine de pièces d’artillerie. L‘avant-garde française
impliquant des moyens adaptés Pour accélérer le débit des troupes, de Dallemagne parvient à s’emparer de la ville, mais son élan se
de franchissement. Bonaparte, qui Andréossy lance un deuxième pont
ne dispose pas d’équipages de flottant. Résultat : quand l’avant- brise sur le pont, qui enjambe l’Adda sur 135 mètres à la sortie
ponts, organise ses manœuvres garde autrichienne est au contact, nord-est. Bonaparte élabore son plan d’attaque sous les boulets
à partir des infrastructures la tête de pont française est assez et la mitraille ennemis. Il fait canonner l’artillerie autrichienne
existantes. Lors du franchissement forte pour la repousser. par une batterie d’une vingtaine de pièces et envoie le général

12 • Guerres & Histoire HS No 4


Lam
Tic
L'A

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Ad

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Brescia

lio
xxxx Milan
BEAULIEU Lodi
Vers
1
Mantoue
Codogno Fombio
xx 1
LIPTAY 2
Pô Crémone
Pavie G ua r d a m i g l i o
Turin V al enz a
Sale 2 Plaisance
1
XX X
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1

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MASSÉNA DALLEMAGNE

Tr
XX XX
SÉRURIER LAHARPE
XX
Cherasco
AUGEREAU
Scriv
ia
Gênes

Lodi 1796

L’armée autrichienne se replie vers le Tyrol,


et Bonaparte prend conscience de son destin
sous les acclamations de la foule milanaise.
Beaumont avec un détachement de cavaliers pour trouver un gué
en amont du fleuve et tomber sur le flanc droit des Autrichiens. Il
n’a cependant pas la patience d’attendre le résultat de cette opé-
Au même moment, entre en scène la cavalerie de Beaumont qui
accélère la retraite de Sebottendorf à la nuit tombée. L’armée
autrichienne se replie derrière le Mincio, puis vers le Tyrol à la
Pour aller
Napoléon
+ loin
ration de débordement et rassemble un groupe de grenadiers pour suite de la reprise de l’offensive française, fin mai, après la signa- Bonaparte,
les lancer sur le pont. Le feu de l’artillerie autrichienne les fait ture de la paix avec le roi de Sardaigne. Entre-temps, l’armée 1re campagne d’Italie, Jean
hésiter à mi-parcours, lorsque plusieurs soldats découvrent que la française effectue le 15 mai une entrée triomphale dans Milan. Tranié et J.-C. Carmigniani,
Pygmalion, 1990.
rive gauche est peu profonde et se laissent glisser sur les bancs de C’est une des plus belles journées dans la vie de Bonaparte qui
sable pour progresser dans l’eau jusqu’aux hanches. Ils abordent prend conscience de son destin sous les acclamations de la foule. Au pont de Lodi,
R. Hidalgo,
la rive opposée pour se déployer en tirailleurs et facilitent l’attaque L’accrochage secondaire de Lodi marque les contemporains et D. Marcolini, L. Nosworthy,
de la colonne. Profitant de cette diversion pour franchir le reste du la postérité. Il correspond au « point de bascule » de la vie de No Turkey Valgame, 2009.
pont, la colonne culbute toute résistance et neutralise l’artillerie. Bonaparte, qui entre dans la légende. ■

Karl Philipp Sebottendorf (1740- Issu de l’école d’artillerie de Metz, Né en Hongrie, Anton Liptay (ou Liphtay) de
1818) est un général autrichien qui a Antoine-François Andréossy (1761- Kisfalud (1745-1800) s’engage dans l’armée
servi durant la guerre de Succession 1828) prend part à la campagne autrichienne en 1788. Il est affecté à l’armée
de Bavière (1778-1779). Il est affecté de Hollande, en 1787, où il est fait d’Italie en 1796 et participe aux combats de
à l’armée autrichienne d’Italie en 1796, prisonnier. Il est affecté à l’armée Montenotte, Fombio, Mantoue, Arcole ou
où il dirige l’aile gauche de l’armée d’Italie en 1796, puis est fait général de encore Lodi. Blessé à de multiples reprises
commandée par Beaulieu. Après Lodi, brigade en 1798. Il écrivit un mémoire (Castiglione, Bassano), il l’est une dernière
il est également engagé à Borghetto relatif aux projets de canaux de fois à Vérone en mars 1799, et succombe
et Bassano. navigation en terrains accidentés. finalement quelques mois plus tard.

Guerres & Histoire HS No 4 • 13


1796-1797- La 1re campagne d’Italie

À CASTIGLIONE,
LE TRIOMPHE DE LA
POSITION CENTRALE
5 août 1796

ANTS
COMMAND
Bon ap arte
Wurmser
EFFECTIFS es

E
m
n juin 1796, la situation de Bonaparte est loin d’être 30 000 hom es
m
assurée malgré ses récentes victoires contre Beaulieu. 25 000 hom
L’Autriche ne désarme pas et profite de la passivité PERTES
es
française sur le front allemand pour reconstituer, sur le 1 500 homm
0 ho m m es
théâtre italien, une nouvelle armée placée sous les ordres 3 00
du général Wurmser. Celui-ci dispose de 47 000 hommes pour déli- DU R É E à 19 heures
de 5 heures
vrer Mantoue et reconquérir la Lombardie. En face, l’armée française Une journée, NTEMENT
E L’AFFRO la suite
comprend 40 000 hommes dont une partie doit être immobilisée pour NATURE D chée par Bonaparte à
rech er rale
Bataille tion cent
investir la forteresse de Mantoue. Les Autrichiens peuvent attaquer les uvre en posi
plaines italiennes par trois voies d’accès possibles. À l’ouest, la route d’une manœ N NEL
OPÉRAT IO
de la Chiese qui présente l’avantage de déboucher à Brescia sur la RÉSULTAT ise entraînant le repli de
ça
Victoire fran rs le Tyrol
ligne de communications française vers Milan. À l’est, la route de la ichienne ve
l’armée autr
vallée de la Brenta, qui aboutit dans les plaines de Vénétie, implique POLITIQUE
RÉSULTAT
le contrôle rapide d’un passage sur l’Adige. Au centre, la vallée de no n décisive
Bataille
l’Adige qui constitue la route la plus directe vers Mantoue mais aussi
la plus attendue.
Bonaparte a disposé ses troupes au sein d’un triangle défensif
dont les trois sommets sont respectivement La Corona au nord,
Legnago à l’est et Salo à l’ouest. Au centre de ce triangle, la division

5 août 1796,
matinée
Général autrichien
(1724-1797) d’origine
strasbourgeoise,
Dagobert Sigmund
von Wurmser a
initialement combattu
dans les armées de
Louis XV avant de se xx
distinguer dans les MASSÉNA
armées autrichiennes,
notamment lors de xx
raids de cavalerie
AUGEREAU xxx
durant la guerre
de Succession de x WURMSER
Bavière et contre
les Turcs. Il a exercé MARMONT
avec succès plusieurs x
commandements VERDIER
d’armée en Allemagne
contre les armées x Redoute
françaises de la KILMAINE
République. À 72 ans,
il est nommé à la tête
de l’armée d’Italie.

14 • Guerres & Histoire HS No 4


CASTIGLIONE, L’ARCHÉTYPE
DE LA BATAILLE NAPOLÉONIENNE
La combinaison de feintes, de intervient avec l’engagement
combats d’usure et d’attaques de d’une masse de rupture, souvent
rupture de la bataille de Castiglione interarmes soutenue par un assaut
Masséna, qui concentre les effectifs les plus importants, contrôle a été érigée en modèle théorique général de la ligne de façon à
la vallée de l’Adige. Despinoy et Augereau interdisent le passage de la « bataille napoléonienne disloquer l’armée adverse. Cette
avec attaque tournante ». Elle dislocation doit être aggravée par
de l’Adige entre Vérone et Legnago. Sauret tient Salo et contrôle
comprend généralement une une exploitation intensive menée
la rive ouest du lac de Garde. En deuxième ligne, Bonaparte tient phase de diversion et de combat par la cavalerie pour empêcher
à sa disposition la cavalerie et la réserve d’artillerie de Kilmaine de fixation pour inciter l’adversaire l’ennemi de retrouver son équilibre
établi à Valeggio. Enfin, la cité de Mantoue est assiégée par Sérurier. à engager ses forces sur une matériel et moral. L’enchaînement
Bonaparte a optimisé la disposition de ses forces de façon à pouvoir aile de la ligne de bataille, puis de ces phases suppose bien sûr
aussi bien assiéger Mantoue que concentrer ses troupes en une jour- à le menacer sur une autre aile un « coup d’œil » permettant un
pour le pousser à engager ses minutage précis sous peine de
née de marche face à chacune des voies d’accès à la cité.
réserves. Le moment décisif faire avorter la combinaison.
Déceler les forces de diversion
La principale difficulté liée au dispositif « d’attente stratégique »
consiste à distinguer l’attaque principale des attaques secondaires
lancées par l’adversaire. C’est en effet la condition préalable pour
déterminer la zone de concentration des forces et évaluer les effec-
position centrale. Il neutralise tout d’abord Quasdanovich qu’il bat
le 3 août à Lonato et force à se replier vers le Tyrol. Il se retourne
le surlendemain contre Wurmser lors de la bataille de Castiglione,
Pour aller + loin
La 1re Campagne
tifs nécessaires pour contrer chacune des attaques. Or, les premières première grande bataille rangée dirigée par Bonaparte, qui est consi- d’Italie. La
informations reçues sur les mouvements ennemis ne permettent pas dérée comme l’archétype de la bataille napoléonienne (voir encadré naissance d’un aigle,
Gérard Bouan, Economica,
de dissiper le « brouillard de la guerre ». Le 29 juillet, Masséna est ci-dessus). Bonaparte tente de piéger Wurmser en refusant son aile 2011.
repoussé de La Corona tandis que des unités autrichiennes sont gauche, ce qui incite ce dernier à avancer son aile droite contre
Triumph & Glory,
signalées à l’est de Vérone. En fait, cette colonne est une simple Masséna pour se porter sur Lonato afin de se lier à Quasdanovich, Richard H. Berg,
force de diversion et une troisième colonne déloge Sauret de Salo sans savoir que ce dernier est en pleine retraite. Dans le même GMT Games, 2000.
pour capturer la ville de Brescia qui commande la ligne de commu- temps, Bonaparte envoie la division Sérurier contre l’aile gauche
nications vers Milan. Bonaparte concentre ses forces au sud-ouest autrichienne. Cette attaque est déclenchée trop précocement, avant
du lac de Garde pour empêcher la jonction des deux principales la fixation des forces de Wurmser, ce qui lui permet de faire interve-
colonnes autrichiennes qui descendent le long de l’Adige (Wurmser nir ses réserves contre la nouvelle menace. Bonaparte doit s’engager
avec 24 000 hommes) et de la Chiese (Quasdanovich avec 18 000 physiquement pour relancer ses troupes à l’assaut avant d’envoyer
hommes). Il démontre son sens de l’adaptation en levant le siège une masse de rupture de grenadiers appuyés par 18 canons contre
de Mantoue pour privilégier la destruction des forces adverses. la redoute du Monte Medolano, point d’ancrage de la ligne autri-
L’abandon de tout le matériel de siège permet de renforcer la force chienne avec l’aile gauche attaquée par Sérurier. C’est le signal
de manœuvre avec les soldats de Sérurier et sert d’appât pour attirer d’une attaque générale de toute la ligne française qui ne parvient
Wurmser vers Mantoue. Dans le même temps, Bonaparte se porte pas à disloquer l’armée de Wurmser mais l’oblige à se replier vers le
contre Quasdanovich pour exécuter une magistrale manœuvre en Tyrol en abandonnant tous les acquis de la libération de Mantoue. ■

Cet affrontement est la première grande bataille rangée


dirigée par Bonaparte, qui doit s’engager physiquement.

3
xxx
MASSÉNA 3
xx WURMSER
3
5 août 1796,
après-midi AUGEREAU 3
2 Repli
xx 3 vers Mantoue
VERDIER
x
1 2
MARMONT
x 2
XX KILMAINE 2
x xx
DESPINOY SÉRURIER

Guerres & Histoire HS No 4 • 15


1796-1797- La 1re campagne d’Italie

L’AUTRICHE DISPERSE
SES FORCES À BASSANO
ET POURSUIT SON REPLI
8 septembre 1796

ANTS
COMMAND
Bon aparte
Wurmser
EFFECTIFS es

M
m
algré la victoire de Castiglione, la situation des 20 000 hom
es
Français en Italie est encore précaire. Les États 7 000 homm
italiens qui avaient signé un armistice après PERTES
Lodi se remobilisent aux côtés des coalisés dès 400 hommes
es
l’annonce d’un retour offensif autrichien. Une 4 000 homm
e
guérilla de partisans, les barbets, se développe dans les Apennins R É E n de journé
DU
ur né e, de 7 heures à fi
et menace les communications françaises. Enfin, la garnison de Une jo NTEMENT
E L’AFFRO suite
la citadelle de Mantoue a été renforcée par Wurmser avant son NATURE D r B onaparte à la
sée pa
repli vers le Tyrol. Elle comprend désormais 16 000 hommes Bataille impo re sur les arrières
d’une manœ
uv
qui empêchent toute offensive profonde de l’armée d’Italie en NEL
O PÉRATION trichien
Autriche. Wurmser a conservé la confiance du conseil aulique RÉSULTAT ise entraînant le repli au
ctoire fran ça
Vi ul
et reconstitué son armée qui comprend 50 000 hommes tandis que ue et le Frio
vers Manto E
Bonaparte rééquipe ses 46 000 hommes. Ce dernier reçoit instruc- PO LI TI QU
tion de Carnot de soutenir l’offensive des armées françaises RÉSULTAT cisive
no n dé
Bataille
d’Allemagne en pénétrant dans le Tyrol. Wurmser, qui a connais-
sance du projet d’offensive de l’armée d’Italie vers Innsbruck par
le Trentin, conçoit un plan audacieux destiné à la piéger dans la
vallée du haut Adige. Il compte sur le détachement du général
Davidovitch pour l’attirer en reculant pas à pas vers Trente. reposent au contraire sur un calcul rigoureux des liaisons entre
les différentes divisions de façon à pouvoir les concentrer rapi-
Poursuivre le poursuivant dement en cas de contact avec l’ennemi. Ils reposent surtout
Pendant ce temps, avec le gros de ses forces, il descendra vers sur un minutage précis des opérations qui suppose un service
la plaine lombarde par la vallée de la Brenta de façon à tomber de renseignement efficace.
sur les arrières de Bonaparte qui sera pris entre les deux armées
autrichiennes. Mais Bonaparte a intégré dans ses plans cette hypo- Une journée à 60 kilomètres
thèse d’une offensive autrichienne par la Brenta. Il a préparé un L’offensive contre Davidovitch ne doit pas être déclen-
contre-piège consistant à « poursuivre le poursuivant » qui sera chée trop rapidement de façon à éviter un retour des troupes
écrasé contre la ligne défensive française sur l’Adige, appuyée sur de Wurmser, ce qui conduirait à l’encerclement des forces
les garnisons renforcées de Vérone et Legnago. françaises. Il est nécessaire d’attendre que les deux armées
Le commandement autrichien renouvelle les erreurs des autrichiennes soient suffisamment éloignées l’une de l’autre
offensives précédentes en divisant ses forces sans leur assu- pour les battre en détail. Or, Bonaparte apprend que Wurmser
rer de possibilité de soutien mutuel. Les succès de Bonaparte doit quitter Davidovitch et entamer la descente de la val-
lée de la Brenta le 4 septembre. Le même jour, il bouscule
Davidovitch à Rovereto et se porte avec 30 000 hommes sur
Trente. Il fait occuper la ville pour éviter tout retour offensif
Le conseil aulique de la guerre, ou de ce dernier puis se lance à la poursuite de Wurmser. Dans
Hofkriegsrat, est une institution qui a la journée du 6 septembre, les Français parcourent près de
initialement vocation à se cantonner dans 60 kilomètres. Au petit matin du 7 septembre, Augereau force
l’administration de la guerre (recrutement, le défilé de Primolano défendu par l’arrière-garde de Wurmser.
armement et ravitaillement) mais qui a Les Autrichiens refluent vers Bassano, annonçant l’arrivée de
tendance à s’immiscer dans la conduite Bonaparte. Wurmser, jusque-là persuadé que les Français se
des opérations par le biais d’instructions dirigeaient vers le Tyrol à la rencontre de Moreau, doit rap-
aux commandants d’armée, souvent peler en catastrophe la division Mészáros, lancée en direction
redondantes avec celles transmises par de Vérone, et mener un combat de retardement avec les unités
le Kaiser. qu’il a sous la main à Bassano. Il est surpris en flagrant délit

16 • Guerres & Histoire HS No 4


Tren t e XXX

Primolano
XXX 7 septembre 1796
W URMSER
D AVIDOVITCH
Rovereto
4 septembre 1796

XX

M ESZAROS Bassano
8 septembre 1796

XX
V ERS
XXXX T RÉVIS E

Br
en
M ASSÉNA
Salo

ta
LAC DE
V i c en c e
Brescia GARDE
B ONAPARTE
Vé ron e
Cas tig l ion e Pe s c h i e r a Villanova Pado u e
Og

XX
Borghetto
lio

Ronco
Chiese

X A UGEREAU

K ILMAINE
M a n to ue L eg n a g o
10 septembre 1796

17 septembre 1796
Adige

Les succès de Bonaparte reposent sur


un minutage précis des opérations et donc
un service de renseignement efficace.
de dispersion de ses forces. Électrisés par une harangue de 20 000 hommes, alors que Wurmser, qui commandait initia-
Bonaparte, ses soldats balaient l’armée autrichienne qui est lement 25 000 soldats, s’est retrouvé avec 7 000 hommes et
coupée en deux : une partie se retire à l’est vers le Frioul, l’autre a été logiquement laminé par l’armée d’Italie. Il sauve les
partie se dirige avec Wurmser vers Mantoue. Bassano est une meubles en rejoignant Mészáros pour reconstituer une force
nouvelle illustration de la capacité de Bonaparte à concentrer de 14 000 hommes et déjouer la surveillance de Kilmaine sur
sur le point d’attaque plus de forces que son adversaire. En l’Adige, qu’il franchit à Legnago avant de s’enfermer dans la
l’occurrence, après avoir fait occuper Trente, il disposait de citadelle de Mantoue. ■

Les armées françaises d’Allemagne sont Tandis que l’armée de Jourdan


Pour aller
re
1 Campagne
+ loin
l’armée de Sambre-et-Meuse, commandée est battue par l’archiduc Charles à d’Italie, Bassano-
par Jourdan, qui démarre son offensive à Wurtzbourg le 3 septembre 1796, le Arcole-Rivoli, Michel
partir des rives du Rhin entre Düsseldorf général Victor Moreau (1763-1813) Molières, Gloire et Empire
et Mayence pour aller en direction de continue son avance et arrive sur le no 18, mai-juin 2008..
Ratisbonne par Francfort et Wurtzbourg, et, Lech fin août avant de se replier vers le
plus au sud, l’armée de Rhin-et-Moselle, Rhin à la mi-septembre. Cette retraite
sous les ordres de Moreau, qui s’élance de consacre l’échec du plan de Carnot
Kehl et doit remonter la vallée du Neckar qui prévoyait un effort principal sur le
en direction du Danube. théâtre allemand.

Guerres & Histoire HS No 4 • 17


1796-1797- La 1re campagne d’Italie

ARCOLE, LA VICTOIRE
DE LA DÉTERMINATION
Du 15 au 17 novembre 1796

ANTS
COMMAND
Bon apar te
Alvinczy
EFFECTIFS es

A
m
près la victoire de Bassano, Bonaparte resserre 17 000 hom es
m
son emprise sur la forteresse de Mantoue de façon 20 000 hom
à réduire à 6 000 hommes les effectifs affectés au PERTES
es
siège. Le conseil aulique autrichien accélère les 4 500 homm
0 ho m m es
préparatifs pour monter une nouvelle tentative de 7 00
R É E Trois jours
libération de Mantoue. Il retombe cependant dans les errements DU NTEMENT
E L’AFFRO suite
précédents en divisant la force de manœuvre en deux masses sépa- NATURE D e par Bon aparte à la
lle im po sé s
rées : une force principale basée dans le Frioul et composée de Batai arrière
uvre sur les
28 000 hommes sous les ordres d’Alvinczy ; une force secondaire d’une manœ N NEL
OPÉR AT IO trichien
de 10 000 hommes dans le Tyrol sous les ordres de Davidovitch. RÉSULTAT ise entraînant le repli au
an ça
Bonaparte conserve le dispositif de défense qui lui a réussi et qui Victoire fr
POLITIQUE
combine avant-postes et forces de réserve prêtes à venir rapidement RÉSULTAT
décisive
en soutien. Il espère encore une fois jouer de sa position centrale Bataille non
pour compenser son infériorité numérique. Son objectif est de
concentrer le maximum de troupes face à la colonne autrichienne
la plus agressive tout en retardant l’avance de l’autre colonne et
en espérant que Wurmser ne tentera aucune sortie de Mantoue.

Les Français à la peine… à Villanova avec 17 000 hommes. Bonaparte tente de bloquer la
Sur le papier, la situation n’a jamais été aussi déséquilibrée au progression autrichienne en attaquant le 12 novembre à Caldiero,
détriment des Français avec 40 000 soldats contre près de 70 000 mais il est repoussé après avoir perdu plus de 2000 hommes. La
Autrichiens (comprenant 46 000 soldats sous les ordres d’Alvinczy situation française devient critique face aux deux mâchoires de la
et 23 000 enfermés dans Mantoue). Or, les premières nouvelles tenaille autrichienne qui se rapprochent de Vérone.
sont mauvaises : Augereau et Masséna sont repoussés à Bassano et
Fontaniva par Alvinczy, tandis que Vaubois doit abandonner Trente ...les Autrichiens dans la nasse
à Davidovitch. Les Autrichiens ont atteint leur premier objectif Ayant échoué à manœuvrer en position centrale, Bonaparte
en reprenant le contrôle de la vallée de la Brenta qui assure une décide de profiter de la topographie des lieux pour attaquer les
liaison latérale entre les deux composantes de l’offensive contre arrières d’Alvinczy. Ce dernier s’est en effet engagé dans une
Mantoue. Bonaparte décide de se replier sur l’Adige pour opé- nasse formée par les monts Lessini au nord, l’Adige au sud et dont
rer en position centrale contre les deux colonnes ennemies. Il les deux côtés se resserrent progressivement jusqu’à Vérone qui
est suivi de près par Alvinczy qui se porte sur Vérone pour se ferme l’issue ouest. Bonaparte opère une marche de flanc à l’abri
lier à Davidovitch. Le commandant autrichien franchit l’Alpone de l’Adige pour boucler l’entrée de la nasse formée par la ligne
Villanova-Arcole qui suit la rivière Alpone. Comme pour l’Adda
lors de la manœuvre de Lodi, l’Alpone doit jouer le rôle de bar-
rière topographique en permettant de couper les communications
Général autrichien (1735-1810) adverses par la capture du pont de Villanova. Dans la nuit du 14 au
d’origine hongroise, Josef Alvinczy 15 novembre 1796, il fait construire un pont de bateaux à Ronco
von Borberek s’est distingué durant la et fait traverser l’Adige à ses troupes. Au petit matin du 15, la
guerre de Sept Ans et contre les Turcs. division Masséna capture Porcile pour sécuriser le flanc gauche
Il contribue à la victoire de Neerwinden de l’offensive française pendant qu’Augereau se porte sur Arcole.
en 1793. Avec Wurmser, il succède en La belle mécanique napoléonienne va alors s’enrayer. Le village
1796 à Beaulieu à la tête de l’armée d’Arcole est en effet défendu par un détachement de 2 000 hommes
d’Italie, mais il est lui aussi battu par chargés de protéger l’aile gauche d’Alvinczy, et son accès n’est
Bonaparte, à Arcole puis Rivoli. possible que par une digue enjambant les fondrières qui séparent
dans cette zone l’Adige de l’Alpone. Les assauts français canalisés

18 • Guerres & Histoire HS No 4


par la digue se brisent sur le tir nourri des fantassins autrichiens,
soutenus par plusieurs pièces d’artillerie. Dans le même temps,
Alvinczy se replie sur Villanova et envoie des renforts sur Arcole.
contre-attaquer sur la digue en s’exposant à de lourdes pertes. La
bataille d’usure commence à tourner à l’avantage des Français et
ébranle la confiance d’Alvinczy. Masséna en profite le 17 novembre
Pour aller + loin
Les Trois Journées
Bonaparte tente de forcer le destin en se jetant dans la mêlée. Il se pour s’emparer d’Arcole tandis qu’Augereau traverse l’Alpone d’Arcole, Jean-Marc
lance à la tête de ses troupes en direction du pont mais le feu ennemi plus en aval à Albaredo, épaulé par un détachement qui doit prendre Delpérié, Vae-Victis n°127,
s’intensifie et son aide de camp Muiron est tué en le protégeant de les Autrichiens à revers en passant par Legnago. Cette manœuvre mai-juin 2016.
son corps. Bonaparte s’en tire par un bain forcé dans les marais de achève de démoraliser Alvinczy qui ordonne une retraite générale Arcole 1796,
l’Alpone. Son plan aussi est à l’eau, l’effet de surprise est manqué en direction de Vicence puis par la vallée de la Brenta. Le pari de Frédéric Bey,
VaeVictis, collection
et les attaques sont repoussées. renouveler trois jours de suite des attaques contre de fortes posi-
Jeux d’Histoire, 2016.
Bonaparte décide néanmoins de renouveler son attaque le tions défensives a finalement payé. Il démontre la détermination de
16 novembre mais sans plus de succès. Cette fois, les Autrichiens Bonaparte qui ne s’est pas laissé entamer par la défaite de Caldiero
ont commis l’erreur de quitter leurs positions défensives pour et a élaboré des contre-mesures adaptées. ■

La belle mécanique napoléonienne s’enraye : les assauts


français se brisent sur le tir nourri des Autrichiens.

Vé ron e
Alpone

San

X
M ic h e l e San
M a r ti no
Cald ie ro
XXX Tre nte
KILMAINE
ALVINCZY
Villanova
San
Pr im olano
Adig Bonifacio
e
Porc ile

Albaro Arcole Ro ve re to
XX XX
R o n co
AUGEREAU MASSÉNA

Albaredo
XX
0 5 100 155 km
km
XX
DAVIDOVITCH Bassano
XX
M ASSÉNA
XXX
V AUBOIS
i
S a llo
o si n
Le s A LVINCZY
Rivoli
R ivol i Monts
LAC DE V i c e nc e
GARDE Caldiero
Br
en

Brescia Bussolengo
Bussolengo
ta

Vérone
one

V il lano va
Pe s c h i e r a XX
Alp

Cast iglione
Oglio Arcole Padou e
Borghetto A UGEREAU Ronc o
Chiese XX
XX
JOUBERT L e g n ago
Mantoue Adige
K ILMAINE

Guerres & Histoire HS No 4 • 19


1796-1797- La 1re campagne d’Italie

À RIVOLI, BONAPARTE
PREND L’AVANTAGE
GRÂCE AU TERRAIN
14 janvier 1797

ANTS
COMMAND
Bon ap ar te
Alvinczy
EFFECTIFS es

A
m
près la difficile victoire d’Arcole, Bonaparte ne dis- 20 000 hom es
m
pose toujours pas d’effectifs suffisants pour entamer 28 000 hom
une offensive au cœur de l’Autriche et conserve sa PERTES
es
position défensive. Dans les deux camps, les effec- 5 000 homm es
0 ho m m
tifs s’équilibrent et s’élèvent à 45 000 hommes. 14 00
Cette fois, ce sont les avant-postes d’Augereau près de Legnago DURÉE
à 17 heures
qui sont attaqués le 8 janvier 1797, mais Bonaparte refuse de fon- De 5 heures NTEMENT
E L’AFFRO arte
cer tête baissée sur les premières colonnes ennemies repérées. NATURE D ive préparée par Bonap
ns
Bien lui en prend car dès le 13 janvier, le voile se déchire sur la Bataille défe NNEL
OPÉRATIO trichien
nouvelle offensive d’Alvinczy. Ce dernier répète les erreurs des RÉSULTAT ise entraînant le repli au ue
an ça anto
offensives précédentes en divisant inutilement ses forces. Cette Victoire fr lation de M
l et la capitu
tactique, qui devrait permettre de tromper Bonaparte par des offen- vers le Tyro E
POLITIQU
sives de diversion, se heurte au réseau de renseignement français RÉSULTAT
ai lle non décisive
et au système de communications par estafette de l’armée d’Italie Bat
qui informent Bonaparte en quelques heures.

Un terrain propice à la défense


Ainsi, Joubert, placé en avant-poste à Rivoli, l’avertit qu’il a été
repoussé par des forces autrichiennes en large supériorité numé- facilement accessible pour des colonnes de toutes armes venant du
rique. Estimant les forces autrichiennes sur l’Adige à 15 000 sud et utilisant la route de Vérone, comme c’est le cas des forces
hommes, Bonaparte en déduit que l’effort principal d’Alvinczy françaises. En revanche, un accès par le nord, autrement dit la route
porte sur Joubert. Il déclenche immédiatement la concentration de suivie par les Autrichiens, est beaucoup plus difficile. Seuls deux
ses forces sur Rivoli pour réunir 23 000 hommes face aux 28 000 sentiers, impraticables pour l’artillerie, permettent de franchir le
Autrichiens. L’adversaire est en supériorité numérique mais cette Monte Baldo et le Monte Magnone situés au nord des hauteurs de
supériorité est compensée par la topographie de Rivoli qui se prête Trombalora. Alvinczy est donc obligé d’acheminer son artillerie
parfaitement à la défensive (voir encadré ci-dessous). Le plateau et sa cavalerie par les routes longeant chaque berge de l’Adige,
de Rivoli, entouré par les hauteurs de Trombalora, est en effet et plus spécialement par la route bordant la rive droite, qui passe
par San Marco avant d’aboutir au plateau de Rivoli. Le village
de San Marco apparaît donc comme le point clé que les Français
doivent tenir à tout prix pour empêcher la réunion de l’artillerie et

RIVOLI, LE MODÈLE DE LA BATAILLE


de la cavalerie autrichiennes avec l’infanterie d’Alvinczy.
Dès son arrivée, vers 2 heures du matin, Bonaparte ordonne
DÉROGATOIRE EN POSITION CENTRALE l’occupation du village. De son côté, Alvinczy facilite la tâche des
Français en élaborant un plan complexe qui repose sur l’attaque
Quand Napoléon doit intérieures. Celle-ci doit permettre convergente de pas moins de six colonnes différentes. L’attaque
combattre en état d’infériorité de contenir les attaques ennemies
numérique, il met en œuvre un tout en concentrant le gros des principale doit être portée par les 3 colonnes du centre, arrivant par
système de bataille dérogatoire forces face à l’attaque principale le nord du plateau et respectivement commandées par les généraux
au modèle archétypique de la adverse. La bataille sur position Liptay, Köblös et Ocksay. L’artillerie et la cavalerie transiteront
bataille de Castiglione. À l’instar centrale implique un terrain sous les ordres de Quasdanovich par la route située entre l’Adige et
de la manœuvre en position adapté à la défense comprenant le Monte Magnone et chercheront à rejoindre le gros de l’infante-
centrale qui se situe à l’échelon des obstacles topographiques, rie autrichienne après avoir balayé le village de San Marco. Enfin,
stratégique, la bataille en position comme celui de Rivoli, ou bien
centrale, qui relève du champ des fortifications qui permettent les deux dernières colonnes seront chargées de prendre de flanc la
tactique, répond au même souci : de compartimenter le champ ligne de défense française : à l’ouest, Lusignan progressera le long
compenser l’infériorité numérique de bataille pour faciliter cette du Tasso, tandis qu’à l’est Wukassovitch suivra la route qui mène
par l’utilisation des lignes concentration des forces. à Vérone. Bonaparte a bien vu qu’il doit concentrer ses forces

20 • Guerres & Histoire HS No 4


dans le secteur le plus favorable au déploiement des troupes autri-
chiennes qui va de San Marco à Caprino. Aux premières lueurs
de la journée du 14 janvier, il ordonne à Joubert de contrecarrer
l’arrivée de la colonne de Lusignan. Après une longue manœuvre
de contournement, il surgit sur le côté ouest du plateau de Rivoli,
menaçant de couper la ligne de retraite française. C’est le moment
Pour aller + loin
Les Guerres de la
le libre déploiement de la principale force autrichienne en réoccu- critique de la bataille. Bonaparte analyse froidement la situation et Révolution (1792-
pant les approches septentrionales du plateau de Rivoli. Après un considère que le centre autrichien est épuisé par les efforts fournis. 1797), Antoine de Jomini,
succès initial, l’offensive française est arrêtée et se transforme en Il déclenche une violente préparation d’artillerie contre San Marco Hachette, 1998.
débandade. Bonaparte doit rétablir la situation en envoyant en ren- et repousse Quasdanovich avant de mettre en déroute les troupes Premières Gloires,
fort les avant-gardes de Masséna qui viennent d’arriver de Vérone de Köblös et Liptay. Il envoie Masséna et Rey, tout juste arrivé Frédéric Bey,
VaeVictis, collection
après une épuisante marche de nuit. La situation sur la gauche sur le champ de bataille, contre Lusignan dont la colonne est tota-
Jeux d’Histoire, 2017.
française est stabilisée, mais le danger se précise sur la droite, lement mise hors de combat. La retraite de l’armée autrichienne
avec la mise en batterie par Wukassovitch de plusieurs pièces se transforme dès le lendemain en débâcle. L’épilogue de la qua-
d’artillerie face aux gorges d’Osteria. Au même moment, la tête trième offensive autrichienne avortée se termine le 2 février 1797
de colonne de Quasdanovich s’empare de San Marco et prend pied par la reddition de Mantoue qui permet à Bonaparte de rassembler
sur le plateau. Enfin, l’extrême gauche française est menacée par toutes ses troupes pour l’ultime offensive vers Vienne. ■

Alvinczy élabore un plan complexe qui repose sur l’attaque


convergente de pas moins de six colonnes différentes.

Guerres & Histoire HS No 4 • 21


22 • Guerres & Histoire HS No 4
Le 6 juillet 1798, la
traversée du désert
menant Bonaparte
vers les Pyramides
et les mamelouks est
épuisante. Tous vont à
pied, sauf les malades.

LA CAMPAGNE
D’ÉGYPTE ●●●

1798 - 1799
L’objectif de la campagne est d’attaquer l’Angleterre
sur la route terrestre des Indes ; mais elle résulte surtout
d’un double calcul. Bonaparte veut construire son destin,
tandis que le Directoire cherche à éloigner un général
qui commence à l’inquiéter.

Guerres & Histoire HS No 4 • 23


1798 - 1799 - La campagne d’Egypte

UNE SÉRIE DE
VICTOIRES SANS
RÉSULTATS

E n paix avec l’Autriche depuis la signature du traité de


Campoformio (voir p. 9), la France du Directoire a sur
les bras un jeune général, aussi brillant qu’ambitieux,
et un « ennemi héréditaire » hors de portée, protégé qu’il
est par la Manche et la Royal Navy. Reçu triomphalement à
Paris à son retour d’Italie, nommé commandant de l’armée
d’Angleterre, Bonaparte décline rapidement « l’honneur
périlleux » de diriger une « descente » outre-Manche, opé-
ration jugée par trop hasardeuse sans maîtrise de la mer. Il
préfère relancer une proposition déjà formulée en août 1797 :
quitter l’Égypte depuis deux jours seulement. Le débarquement
s’opère près de l’anse du Marabout, à une douzaine de kilo-
mètres d’Alexandrie, où Bonaparte s’engouffre le 2 juillet avec
une avant-garde de moins de 5 000 hommes. L’Égypte est alors
dirigée par les mamelouks, une caste de guerriers au mode de
gouvernement semi-féodal, tout en faisant théoriquement partie
de l’Empire ottoman que Bonaparte veut ménager. La première
grande bataille a lieu le 21 juillet lorsque l’armée française ren-
contre près des pyramides de Gizeh, sur la route du Caire, les
troupes de Mourad Bey. La cavalerie mamelouk, impuissante
s’emparer de l’Égypte, étape sur la route des Indes, pour face aux carrés français, est balayée. Mourad Bey se replie vers
PAR FRÉDÉRIC BEY abattre la puissance anglaise. Le projet, bientôt enrichi d’une le sud. Ibrahim Bey, chargé de la défense du Caire, s’enfuit
Né durant le premier attaque surprise sur Malte, finit par obtenir l’agrément du vers la Syrie. Bonaparte peut établir son quartier général au Caire
septennat du général Directoire, notamment grâce à l’appui de Talleyrand, alors dès le 24 juillet, d’où il va désormais organiser la conquête de
de Gaulle, Frédéric ministre des Relations extérieures. Bonaparte veut soigner la Haute-Égypte.
Bey est un concepteur son image en marchant sur les traces d’Alexandre le Grand
de jeux d’histoire,
consacrés aux grandes
et de César, et le Directoire est ravi de le voir s’éloigner de Prisonnier de sa conquête
batailles de l’Antiquité, Paris pour longtemps. En moins d’un mois, le pays est conquis. Mais Nelson fait à
du Moyen Âge et du Tout réussit à Bonaparte au cours de la première phase de nouveau parler de lui lorsqu’il découvre les 13 vaisseaux et 4
Premier Empire, qui son expédition orientale. Avec une escadre de 13 vaisseaux de frégates de l’escadre française de l’amiral Brueys à l’ancre, dans
ont fait les beaux jours ligne, une armada de navires de transport et une armée de 30 000 la rade d’Aboukir. Il passe immédiatement à l’attaque le 1er août,
des magazines Casus hommes, il quitte Toulon le 19 mai 1798, sans révéler sa destina- capturant ou détruisant 13 navires français. Bonaparte, selon une
Belli et VaeVictis. Il est
tion. Premier coup de chance, l’escadre anglaise de surveillance formule passée à la postérité, est désormais « prisonnier de sa
également l’auteur de
plusieurs livres et de commandée par Nelson vient d’être dispersée par un violent conquête ».
très nombreux articles mistral et lui laisse le champ libre. Le convoi arrive devant Malte Maître des grandes villes et du Delta, depuis la bataille des
sur les mêmes sujets. le 9 juin et les Français s’emparent de l’île avec une facilité Pyramides, et maître de la vallée du Nil jusqu’aux Cataractes,
déconcertante. L’armada reprend la mer le 17 juin et arrive en grâce à la campagne menée par Desaix, Bonaparte apprend au
vue d’Alexandrie le 1er juillet. Nelson, qui sillonne désespé- cours de l’hiver de 1798 à 1799 l’entrée en guerre de l’Empire
rément la Méditerranée à la recherche des Français, vient de ottoman. Le plan de la Porte consiste à concentrer une première

Le chef Mourad Bey (v. 1750- Ibrahim Bey (1735-1817) est l’allié La Porte, ou Sublime Porte, désigne,
1801) est, avec son allié mamelouk de Mourad Bey à la tête de l’Égypte en langage diplomatique, l’Empire
Ibrahim, à la tête de l’Égypte — sous lorsque débute la campagne de ottoman. Le terme vient de la porte
domination turque — depuis 1791. Bonaparte. Mais il n’intervient pas d’honneur monumentale permettant
Il combat à plusieurs reprises l’armée durant la bataille des Pyramides et se d’entrer dans Constantinople.
de Bonaparte avant de cesser les replie. Ayant progressivement perdu
hostilités et de s’allier aux Français, toute influence, il se réfugie en Syrie
mais meurt peu avant la capitulation puis au Soudan.
de Belliard au Caire.

24 • Guerres & Histoire HS No 4


St- Jean d’A cre 19/03 au 21/04/99
H aïfa 18/03/99 N azareth
Mer
C ésarée
Méditerranée 16 avril 1799

N aplouse

Victoire navale anglaise


J affa
à Aboukir 1er août 1798 Jérusalem
V IAL G aza
11 juillet 1798 25 février 1799
Rosette Damiette
Aboukir
K LÉBER C AMPAGNE
D UGUA DE S YRIE - 1799
Alexandrie El-Arich
2 juillet 1798
Chebreiss
13 juillet 1798 Salahieh IBRAHIM B EY
11 août 1799 se réfugie
Bilbéis en Palestine
L ANNES
BASSE- D UGUA
ÉGYPTE B ONAPARTE
Suez
Pyramides de Gizeh Le Caire
21 juillet 1798
Repli de Mourad Bey
D ESAIX PÉNINSULE
25/08/1798
Fayoum DU SINAÏ

M OURAD B EY Sediman Beni Suef


7 oct. 1798

Bonaparte veut soigner son image en marchant sur les traces


d’Alexandre, et le Directoire est ravi de le voir loin de Paris.
armée à Rhodes et l’autre en Syrie, dans le cadre d’une double 1800. Kléber, qui tient solidement l’Égypte, est assassiné
offensive prévue pour le printemps 1799. Bonaparte cherche au Caire le 20 juin 1800. Le commandement passe alors
alors à prendre de vitesse ses adversaires en marchant dès le au médiocre général Menou qui est vaincu à Canope par le
6 février sur la Syrie avec 13 000 hommes, laissant 16 000 petit corps expéditionnaire anglais d’Abercromby le 21 mars
hommes garder l’Égypte. Son objectif est de détruire les forces 1801. L’armée française est alors rapatriée en France avec les
en train de se concentrer à Saint-Jean-d’Acre et à Damas, puis honneurs de la guerre par des navires anglais qui récupèrent
de revenir en Égypte affronter l’armée ottomane de Rhodes qui également Malte. Les campagnes d’Égypte et de Syrie, mal-
doit y débarquer. Avec sa rapidité habituelle, Bonaparte s’empare gré de brillantes victoires, se soldent par un échec militaire
d’El-Arich le 20 février, de Gaza le 25, de Jaffa le 7 mars et cuisant. Bonaparte a été confronté, notamment en Syrie, à des
parvient sous les murs de Saint-Jean-d’Acre le 18 mars. Tout écueils annonciateurs de ceux qui seront les siens tout au long
en ouvrant la tranchée du siège d’Acre, Bonaparte, avec un de sa carrière : la puissance navale anglaise et la profondeur
détachement de 4 000 hommes seulement, parvient le 16 avril à stratégique des vieux empires, comme celui des Ottomans,
vaincre — à 1 contre 6 — l’armée d’Abdallah Pacha au Mont- pourtant en crise profonde. ■
Thabor. Mais le siège de Saint-Jean-d’Acre, place entourée par la
mer sur 3 côtés et soutenue par une escadre anglaise, s’éternise.
Le 20 mai, apprenant le débarquement imminent des Ottomans
en Égypte, Bonaparte abandonne le siège pour se précipiter vers
Le Caire. En concentrant rapidement 10 000 hommes sur le point
de débarquement des Turcs, à Aboukir, Bonaparte les rejette à
Pour aller + loin
la mer avec fracas le 25 juillet 1799, sauvant pour un temps Bonaparte. La campagne
l’Égypte française. d’Egypte, J. Tranié et
Apprenant les défaites françaises en Allemagne et en Italie J.-C. Carmigniani, Pygmalion,
et inquiet pour son avenir, Bonaparte décide alors de rega- 1997.
gner la France. Il s’embarque le 22 août 1799 sur une frégate Le sultan de feu,
rapide, laissant l’Égypte à Kléber. Ce dernier infl ige de nou- Lionel Liron, Les Jeux
du Griffon, 2014.
velles défaites aux Turcs, notamment à Héliopolis le 20 mars

Guerres & Histoire HS No 4 • 25


1798 - 1799 - La campagne d’Egypte

AUX PYRAMIDES,
BONAPARTE S’OUVRE
LA ROUTE DU CAIRE
Le 21 juillet 1798

ANTS
COMMAND
Bon ap arte
Mourad Bey
EFFECTIFS is
ça
20 000 Fran ouks
000 m am el
23

A
près son débarquement à Aboukir et la prise s
PERTES et 250 blessé
d’Alexandrie le 2 juillet, Bonaparte marche direc- ée fran ça ise : 30 tués mmes hors de
Arm ho
tement vers Le Caire et cherche à vaincre l’armée cha : 20 000
Armée du pa blessé ou prisonniers)
principale des mamelouks. Ces derniers ont décidé (tués ,
combat
de livrer une bataille décisive contre les enva- DURÉE
rnée
hisseurs français aux abords de leur capitale. « L’opposition de Une demi-jou TEMENT
style » entre l’armée française et celle des mamelouks a déjà éclaté D E L’AFFRON ux camps
NATURE s de
ptée par le
au grand jour à Chebreiss, le 13 juillet, lors de leur première Bataille acce N NEL
rencontre. Ce jour-là, Bonaparte a rapidement compris qu’il lui OPÉRATIO
RÉSULTAT ise, chute du Caire et
ça
fallait former son infanterie en carré et organiser rigoureusement Victoire fran la Basse-Égypte
r
les salves de ses soldats et de ses artilleurs pour repousser les mainmise su
charges effectuées au galop par les cavaliers mamelouks et leur U LT AT P OLITIQUE gypte ;
RÉS l’É
te es t maître de
infliger de lourdes pertes. Bonapar l’armée mamelouk
de
élimination
Mourad à gauche, Ibra à droite
C’est Mourad Bey qui organise la défense du Caire. Il dispose
au total d’environ 35 000 hommes. Les Français arrivant par la rive
gauche du Nil, Mourad Bey décide de s’y établir en force avec
8 000 mamelouks et 15 000 fantassins. Ibrahim Bey est installé sur
la rive droite du fleuve avec la réserve. L’aile droite de Mourad de former l’armée en carrés, un par division. Le dispositif tac-
Bey est solidement ancrée au Nil : l’infanterie a pris position dans tique prescrit par Bonaparte est le suivant : une demi-brigade est
le village d’Embabeh qui a été entouré d’une tranchée garnie de déployée sur le côté du carré qui fait face à l’ennemi et une autre
30 canons sur affûts fixes. Les cavaliers mamelouks couvrent la sur le côté opposé ; la troisième demi-brigade de chaque division
plaine entre Embabeh et les pyramides, 2 000 d’entre eux restant est partagée entre les deux autres côtés du carré ; cavalerie, équi-
en réserve en soutien d’Embabeh. Si la volonté de Mourad Bey pages et état-major sont au centre de chaque carré ; les fantassins
de livrer bataille est évidente, Ibrahim Bey ne témoigne pas de sont déployés debout sur trois rangs tirant à tour de rôle (face aux
la même envie d’en découdre et se contente de couvrir Le Caire. mamelouks il a été jugé trop dangereux de déployer les hommes
L’armée de Bonaparte qui débouche face au camp de Mourad du premier rang à genoux) ; l’artillerie, lorsqu’elle entre en action,
Bey est forte de 17 000 fantassins, répartis en 5 divisions, 3 000 s’avance en avant de chaque angle du carré, sous la protection des
cavaliers et 42 canons. Comme à Chebreiss, Bonaparte ordonne compagnies d’élite de l’infanterie. Les carrés sont mobiles et ne
s’arrêtent que face à un assaut. Des colonnes d’attaque peuvent
sortir des carrés où s’y replier en fonction des circonstances. En
ce 21 juillet, les 5 carrés de division sont déployés, de la droite, le
Le 13 juillet 1798, à Chebreiss, sur la côté des pyramides, vers la gauche, le côté du Nil, de la façon sui-
rive gauche du Nil, Bonaparte remporte vante : Desaix, Reynier, Dugua, Vial et Bon. Le champ de bataille
son premier succès face à la cavalerie est plat et parsemé de palmeraies qui peuvent à la fois gêner les
de Mourad Bey. Les mamelouks Français dans leur déploiement en carré et les mamelouks dans
échouent devant la formation en leurs charges.
carrés d’infanterie adoptée par l’armée Les deux armées recherchent la bataille. Mourad Bey compte
française, une tactique que le général sur la redoute d’Embabeh pour appuyer les charges de ses mame-
en chef va réemployer par la suite. louks. Bonaparte, installé au centre du carré de Dugua, lui-même
au centre de l’armée, repère à la longue-vue le dispositif adverse.
Il remarque rapidement que les canons d’Embabeh ne pourront

26 • Guerres & Histoire HS No 4


Pyramides

Menchat Bakary

Nehya

Birket el Khyam
Fuite de
M OURAD B EY 3 et 4
vers la Haute-Égypte Attaque de la cavalerie
D ESAIX R EYNIER
de Mourad Bey Kem El Ahmar
Geyneneh 15h00 D UGUA
V IAL
Saft el Leben El Ma'tamdyeh B ON

Bechtil
Kafr Tahermès Zencin
M OURAD B EY
Position Myt Oqbeh
après la D ESAIX
Bataille
3 R EYNIER Geziret
XX
XX D UGUA
XX XX D UGUA 1 V IAL
DESAIX Dakrour B ON
VIAL 4
Gyseh K. Ouaraq el hader
Ile de Embabeh
rs eh Boulac
Te Ile de Raoudah 2 BON 1 et 2
Ile
Attaque du camp par
Bon et Vial, 15h00

Vieux Caire Boulac L E NIL Damanhour


Choubra
Le Caire Guiez
Fuite D'I BRAHIM B EY
vers la Syrie

La discipline des Français et la puissance de leurs tirs


ne laisse aucune chance aux cavaliers mamelouks de Mourad.
pas appuyer l’aile gauche de l’armée de Mourad Bey, trop éloignée
de la redoute. C’est donc de ce côté qu’il envisage de pousser
son offensive, pour se retourner ensuite sur Embabeh. Mourad
gauche, Vial et Bon, la mission de s’emparer du village. Les
colonnes d’assaut qui sortent des carrés sont confiées à Rampon
et à Marmont. Mourad Bey réagit en envoyant les 2 000 mame-
Pour aller
L’Expédition
+ loin
Bey prend l’initiative d’ouvrir les combats vers 15 h 30 en lançant louks placés en soutien d’Embabeh, renforcés par ceux qui d’Egypte. Le rêve
6 000 cavaliers mamelouks à l’attaque, espérant ainsi atteindre les viennent de refluer derrière la redoute, charger les assaillants. oriental de Bonaparte,
Français avant que la formation de leurs carrés ne soit achevée. Rampon et Marmont forment immédiatement leurs hommes en L. Murat et N. Weill,
Gallimard, 1998.
C’est la division Desaix qui achève la dernière son déploiement en carré : trois fois de suite, les charges de mamelouks se brisent
carré, au sortir d’une palmeraie. Les soldats de Desaix sont néan- sur les formations défensives des Français. Ces nouveaux Les Pyramides
1798, Frédéric Bey,
moins totalement prêts lorsque les mamelouks les assaillent. Les échecs sanglants provoquent la fuite définitive des survivants. VaeVictis n° 23, 1998.
premières salves et les tirs à la mitraille des canons font un ravage L’infanterie d’Embabeh tente alors une sortie désespérée, afin
chez les mamelouks, dont la charge est stoppée nette. Les cava- de ne pas être coupée des débris de la cavalerie de Mourad Bey
liers ont beau tournoyer autour des carrés, à la recherche d’une qui se tiennent encore dans la plaine. Les fantassins égyptiens
faille, se replier pour mieux revenir à l’assaut avec leurs sabres, la sont pris de flanc sous le feu des Français et se dispersent dans
discipline des Français et la puissance de leurs tirs ne leur laisse une déroute des plus complètes. Dans la foulée, les troupes de
aucune chance. Refoulés par les carrés de l’aile droite française, Bonaparte s’emparent de la redoute. Mourad Bey, blessé, a déjà
les cavaliers mamelouks se dirigent ensuite sans plus de succès à pris la fuite avec les 3 000 cavaliers qui lui restent. Sur l’autre
l’attaque des carrés de l’aile gauche, s’exposant par là même aux rive du Nil, Ibrahim Bey est resté passif, se contentant de recueil-
tirs du carré de la division de Dugua qui avance opportunément lir les fuyards qui ont traversé le Nil à la nage ou en chaloupe,
sur leurs arrières et les met en déroute. avant de prendre la fuite vers la Syrie. La bataille des Pyramides
s’achève sur une victoire décisive de Bonaparte qui n’a perdu
Fébrilité en défense égyptienne qu’une trentaine de tués et 250 blessés alors que 20 000 hommes
Bonaparte observe que les échecs répétés des charges des de l’armée ennemie sont hors de combat. Le fruit de cette vic-
mamelouks provoquent une inquiétude visible parmi les défen- toire s’appelle Le Caire, capitale égyptienne qui va ouvrir ses
seurs d’Embabeh. Il confie alors aux deux divisions de son aile portes à Bonaparte dans les jours qui suivent. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 27


1798 - 1799 - La campagne d’Egypte

LES DAMASQUINS
EN ÉCHEC DEVANT
LE MONT THABOR
Le 16 avril 1799

ANTS
COMMAND onaparte
lébe r, puis B
K
rt ir de 16 h 00
à pa Bey
lah P ac ha, Ibrahim
Abdal

L
a bataille du Mont-Thabor ne peut être comprise que ks )
(mamelou
dans la perspective du siège de la place de Saint- Kléber et
EFFECTIFS 0 Français (divisions
Jean-d’Acre, où se sont réfugiés Djezzar Pacha et 4 00
2 500, puis valerie)
ement de ca 3 de
son armée et sous les murs de laquelle Bonaparte et Bon, détach quins au moins, dont 2/
0 D am as
son armée sont arrivés le 18 mars 1799. Privé de son 30 00
train de siège, capturé en mer pendant son transport par l’escadre cavalerie
anglaise du commodore Sidney Smith, Bonaparte s’engage PERTES et blessés
ise : 300 tués s et noyés,
dans un siège très difficile dont il confie les travaux au général Armée frança a : 6 000 tués, blessé
ch
Caffarelli. La défense de la ville est dirigée par Phélippeaux, un Armée du pa s
er
500 prisonni
émigré, ancien condisciple de Bonaparte à l’École d’artillerie de E
DU R É
Paris, débarqué dans la place avec une centaine d’officiers et de entière
Une journée NTEMENT
canonniers anglais le 5 avril. Mais bientôt, les chrétiens de Damas E L’AFFRO
NATURE D deux camps
informent Bonaparte qu’une grande armée turque d’au moins ptée pa s
r le
Bataille acce NNEL
30 000 hommes marche au secours d’Acre. Bonaparte envoie la OPÉRATIO suite du
RÉSULTAT ise qui permet la pour
division Kléber précédée par des reconnaissances de cavalerie Victoire fr an ça
e
dirigées par Murat et Junot, pour évaluer la situation. siège d’Acr
POLITIQUE onaparte
RÉSULTAT s la situation globale, B
L’armée panachée du pacha Ne m od ifie pa
er la Syrie dè
s le 20 m ai
L’armée d’Abdallah, le pacha de Damas, comprend des devant quitt
mamelouks, commandés par Ibrahim Bey, des janissaires, des
Arabes, des Naplousiens et des Samaritains. Elle est composée
aux deux tiers par de la cavalerie. Son objectif est de venir bri-
ser le siège d’Acre. De son côté Bonaparte a emmené 13 000
hommes avec lui en Syrie. Début avril, il déplore déjà la perte
de 1 000 hommes tués ou blessés, de 1 000 autres malades et a Bonaparte quitte alors Saint-Jean-d’Acre avec la division Bon
laissé 2 000 hommes tenir garnison à Qatiya, El-Arich, Gaza et et la cavalerie pour rejoindre la division Kléber. Son objectif
Jaffa. Les opérations de siège mobilisant 5 000 hommes, il ne est maintenant de vaincre et détruire l’armée d’Abdallah avant
lui en reste que 4 000 pour agir directement contre Abdallah. Il qu’elle n’approche de Saint-Jean-d’Acre. Murat est d’ores et déjà
apprend que celui-ci a pu traverser le Jourdain au pont de Jacob détaché vers le pont de Jacob, pour couper la voie de retraite
le 7 avril et que le détachement confié à Junot (160 cavaliers des Ottomans et pour faire lever le siège de Safed, où se trouve
et 400 fantassins) a affronté avec succès le lendemain plus de une petite garnison française. Dans le même temps, Bonaparte
3 000 cavaliers dans la vallée de Cana, aux abords de Nazareth. demande à Kléber de rejoindre Junot à Nazareth. Une fois réunis,

Ahmad Djezzar Pacha (1735-1804), Le commodore (grade intercalaire entre « Enclouer » un canon est une des
mamelouk d’origine bosniaque, devient capitaine de vaisseau et contre-amiral) méthodes les plus simples, rapides
gouverneur de la région de Saint- William Sidney Smith (1764-1840) est et efficaces d’empêcher l’ennemi
Jean-d’Acre puis de Damas. Corrompu un des auteurs du coup de main contre d’utiliser immédiatement la pièce en
et cruel mais fidèle à la Porte, il est Toulon, durant la Révolution, où la moitié cas de capture. On enfonce un clou
nommé par celle-ci pacha d’Égypte en de la flotte à l’ancre est incendiée. Grand d’acier carré dans la lumière (trou de
1798, lorsque les Français envahissent adversaire de Bonaparte en Égypte, il mise à feu) de la pièce, puis l’on brise
le pays. C’est en cette qualité qu’il est le rival de Nelson. Avec ses deux la tête du clou. Il ne reste alors plus
défend Acre avec ténacité quand vaisseaux, il vient notamment renforcer de prise pour le retirer.
Bonaparte assiège la place. l’artillerie turque de Saint-Jean-d’Acre.

28 • Guerres & Histoire HS No 4


Bonaparte fait avancer ses soldats en retenant leur tir,
et laisse les cavaliers ennemis s’enferrer dans le piège.

+ loin
les deux généraux prennent l’offensive et dispersent l’avant-garde Bon, un peu de cavalerie et d’artillerie. Avec beaucoup d’à-propos,
de l’armée d’Abdallah, avant de découvrir la totalité de celle-ci il s’est immédiatement mis en marche avec sa petite colonne, dès Pour aller
aux pieds du mont Thabor. Avec les 2 500 hommes dont il dispose, réception du message de Kléber, craignant que celui-ci ne subisse Saint-Jean-d’Acre
Kléber forme alors le projet de marcher depuis Nazareth vers la un désastre. Il fait maintenant tirer ses canons pour annoncer son et le Mont-Thabor,
plaine et d’y surprendre de nuit le camp de l’armée adverse. Il arrivée. Ses hommes veulent attaquer immédiatement. Bonaparte mars-mai 1799, Fabrice
envoie un messager prévenir Bonaparte de cette manœuvre. les tempère et ordonne de constituer 2 carrés qu’il fait avancer Delaître, Historic’One, 2010.
méthodiquement dans la plaine, jusqu’à former un vaste triangle
Kléber en mauvaise posture avec celui de la division Kléber. Le général en chef retient les
Le 16 avril au matin, Kléber et sa division, après s’être égarés, tirs de ses soldats, laissant les cavaliers ennemis s’enferrer au
débouchent trop tard pour surprendre l’ennemi qu’ils trouvent déjà centre du triangle. Par un coup de canon de 12, il libère fina-
en ordre de bataille : les cavaliers sont déployés dans la plaine et lement ses hommes qui ouvrent le feu et provoquent des ravages
les fantassins ont pris position autour du village de Fouli. Dans chez l’ennemi, pris entre plusieurs feux. La cavalerie d’Abdallah,
ces circonstances, Kléber n’a guère le choix. Comme l’année éreintée, prend la fuite. Kléber lance immédiatement une attaque
précédente aux Pyramides, ou comme quelques jours aupara- sur le village de Fouli, qui est enlevé à la baïonnette. Dès lors,
vant sur la route de Nazareth, les Français se forment en 2 carrés, l’armée du pacha de Damas s’évanouit dans une fuite éperdue. Le
pour attendre la charge des cavaliers ennemis. L’expérience et le camp des Ottomans est capturé, avec un immense butin. Murat,
sang froid des fantassins, qui retiennent leurs tirs jusqu’aux der- en embuscade au pont de Jacob, accable encore un peu plus les
niers instants, sont d’une redoutable efficacité face aux cavaliers fuyards, dont beaucoup se noient dans le Jourdain.
« damasquins » qui attaquent en poussant d’impressionnants hur- En une seule journée, une armée de 2 500, puis de 4 000
lements. Les troupes montées d’Abdallah sont formées en 4 corps hommes après l’arrivée opportune de Bonaparte, a totalement
et se ruent à l’assaut des 2 carrés pour tenter de les briser, puis détruit une armée 7 à 8 fois plus nombreuse. Cette victoire au pied
après un premier échec, pour essayer de les isoler. Les combats se du mont Thabor frappe les esprits. C’est le souvenir des exploits
poursuivent ainsi pendant 6 heures. Kléber, craignant pour la soli- des croisades qui est d’abord exalté par les historiens contempo-
dité du carré de Junot, ordonne bientôt de réunir toute sa division rains. C’est sans doute aujourd’hui la cohésion tactique et la valeur
en un seul carré. Sous un soleil torride, les Français souffrent de de Kléber et Bonaparte qui est mise en avant, comparée à celle de
la soif et commencent à manquer de munitions. Kléber envisage leurs adversaires du jour. Pour autant la victoire du Mont-Thabor
d’abandonner ses blessés, d’enclouer ses canons et de se faire reste sans lendemain, même si Bonaparte peut poursuivre pendant
jour au milieu de l’ennemi en direction d’Acre. Il est 16 heures : encore un mois le siège d’Acre, avant de courir en Égypte où
Bonaparte arrive alors sur le champ de bataille avec la division débarque une autre armée ottomane. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 29


1798 - 1799 - La campagne d’Egypte

ABOUKIR, ÉPILOGUE
D’UNE CAMPAGNE
SANS LENDEMAIN
Le 25 juillet 1799

ANTS
COMMAND
Bonaparte
acha
Mustapha P
EFFECTIFS (divisions Lannes

R
entré de Syrie où il a perdu 4 000 hommes, Bonaparte is )
est installé au Caire depuis le 14 juin. Un mois plus 8 700 França tachement de cavalerie valiers
et Lanusse,

m oins , do nt 300 ca
tard, il apprend le débarquement à Aboukir de l’ar- ans au
18 000 Ottom
mée ottomane de Mustapha Pacha, précédemment s
PERTE S et 500 blessé
rassemblée à Rhodes. ise : 100 tués s
Armée frança a : 10 000 tués, blessé onniers
Les troupes de Mustapha, convoyées et débarquées par une ch is
Armée du pa 0 prisonniers + 4 000 pr
flotte anglo-turque, sont composées principalement d’infanterie yé s, 3 00 d’Abo uk ir
et no fort
reddition du
(janissaires, contingents des Balkans et d’Anatolie) et de seu- le 2 août à la
lement 300 cavaliers. Aussitôt à terre, Mustapha s’empare le DURÉE
rnée
14 juillet du fort et de la redoute d’Aboukir dont les 300 défen- Une demi-jou TEMENT
seurs français sont submergés. Marmont, arrivé sur place avec E D E L’AFFRON ux camps
NATUR les de
ptée par
1 200 hommes, comprend immédiatement qu’il ne peut agir seul. Bataille acce N NEL
OPÉRAT IO ypte reste
Il regagne Alexandrie et envoie des messagers prévenir Bonaparte RÉSULTAT ète des Français. L’Ég
ctoire co m pl
de la situation. Sur les conseils du commodore Sidney Smith qui Vi
ur deux ans
l’accompagne, le plan de Mustapha consiste à se retrancher dans française po
POLITIQUE onaparte
la presqu’île d’Aboukir, pour y attendre d’arrivée de la cavalerie RÉSULTAT s la situation globale, B
ifi e pa ao ût
Ne mod e le 22
mamelouk de Mourad Bey, repliée en Haute-Égypte depuis la itter l’Égypt
bataille des Pyramides. choisit de qu

Bonaparte fonce sur Alexandrie


Hormis quelques conseillers, l’armée de Mustapha ne compte
aucun soldat anglais. Bonaparte ne le sait pas encore et craint
plus que tout la présence de troupes britanniques à Aboukir. Le
général en chef français compte maintenant sur l’effet de surprise
en concentrant avec la rapidité qu’on lui connaît le maximum de chargé d’empêcher Mourad Bey d’arriver à Aboukir.
troupes pour rejeter les Turcs à la mer. Les Français marchent à Le 25 juillet, Bonaparte marche sans plus attendre sur
toute allure vers Ramanieh, puis arrivent à Alexandrie le 23 juillet. Aboukir. Mustapha Pacha est littéralement installé le dos à la mer :
L’ultime rassemblement de l’armée à lieu le lendemain à Birket, les Turcs ont aménagé leur position en fortifiant deux « dunes »
à mi-chemin entre Alexandrie et Aboukir. En moins de 10 jours, — retranchement du Puits sur la gauche couvert de canons, et
Bonaparte est parvenu à réunir 7 700 fantassins, 1 000 cavaliers et retranchement du Cheikh sur la droite —, chacune occupée par
15 canons. Des renforts conduits par Kléber et Reynier sont encore 1 000 hommes. Le centre de cette première ligne est couvert par un
en route. Desaix, qui commande en Haute-Égypte est par ailleurs corps de 2 000 hommes, un peu en retrait, disposant d’un retran-
chement lui-même appuyé sur un village. Enfin, les janissaires et
le gros de l’armée sont solidement postés à l’abri d’une deuxième
ligne de retranchements (la redoute construite à l’origine par les
La 32e demi-brigade de ligne est formée Français), qui barre l’extrémité de la presqu’île, deux kilomètres
en 1796 selon la loi de l’amalgame, qui en arrière des deux dunes. La garde du pacha est en réserve dans
mêle bataillons de volontaires et soldats le camp du village d’Aboukir. L’ensemble du dispositif est protégé
professionnels de l’ancienne armée royale. par les canons de la flotte d’accompagnement qui patrouille le long
Affectée à l’armée d’Italie dans la division de la côte. Bonaparte, lui, est le dos au mur. Il doit vaincre pour ne
Masséna, elle se distingue à Rivoli et Mantoue. pas perdre l’Égypte. Après avoir observé les positions ennemies de
Elle est l’héritière du 32e régiment de ligne, dit son « coup d’œil » très sûr, rassuré par l’absence de troupes britan-
de Bassigny. Après la bataille des Pyramides, niques et sans attendre de renforts, il décide de passer à l’attaque.
son chef est le vicomte Jean Barthélemy Claude Bonaparte a organisé sa petite armée de manière très ration-
Toussaint Darmagnac (1766-1855). nelle. Davout, avec 300 cavaliers, surveille les communications

30 • Guerres & Histoire HS No 4


C haloupes
C anonnières
C haloupes
C anonnières V illage d'A boukir

CAMPS
DU VIZIR
2 assauts 5
4

MONTAGNE DU
CHEYKH
3
5

5
For t d'A boukir L’ensemble du
3 attaque
e

française dispositif de
1
1
3
3 C haloupes Mustapha Pacha
LANUSSE
1 1
C anonnières
est protégé par les
1re attaque
française
1 Guides 2
canons de la flotte
xx
2
2
RADE d’accompagnement
LANNUSSE
MURAT
D ’ AB
A B O U KI
KIR qui patrouille le
x
GUIDES
xx
MONTAGNE DU
PUITS LANNES
long de la côte.
xx MURAT 2
2
LANNES
2e attaque
française
2

F lotte d ’accompagnement en patrouille le long de la côte

+ loin
avec Alexandrie, vitales. Pour l’attaque, les unités sont rassemblées ordres du colonel Crétin, la batterie s’installe et foudroie les Turcs
en plusieurs groupes, chacune avec un objectif précis. Destaing qui laissent un vide large de 400 mètres dans leur ligne de défense. Pour aller
et 2 300 hommes sur la gauche et Lannes avec 2 700 hommes sur Murat s’y engouffre, suivi de l’infanterie française, 18e de ligne en Les Guerres de la
la droite doivent chacun s’emparer d’une des dunes. Murat, au tête. Les Turcs, soutenus par leur artillerie, marchent à leur rencontre Révolution, Jean
centre avec la cavalerie, est chargé de contourner les dunes et de et, pour la première fois de la journée, les repoussent avec fracas. Tranié, Quatuor, 2000.
menacer leurs arrières. Enfin, Lanusse se tient en réserve avec Bonaparte ordonne la retraite et fait reformer les rangs. Fidèles à
2 400 hommes. L’attaque débute à 7 heures. Les troupes françaises leurs habitudes guerrières, les soldats turcs profitent de cette accal-
se lancent à l’assaut des deux dunes qui sont rapidement enlevées mie pour quitter leurs retranchements et venir couper les têtes des
à la baïonnette. La cavalerie française parvient à se glisser der- Français tombés au combat. Bonaparte en profite pour relancer son
rière les soldats ottomans en déroute et les repousse vers la mer. attaque. Lannes et la 69e demi-brigade mènent l’assaut. Les soldats
Lannes et Destaing se rabattent ensuite vers la redoute du centre. français, rageurs, tiennent à venger leurs morts que l’ennemi veut
La défense des Turcs est cette fois plus soutenue. Une colonne de maintenant mutiler. Ils enlèvent cette fois la redoute. Murat et ses
renforts arrive depuis leur seconde ligne pour les renforcer mais cavaliers lancent une nouvelle charge qui les mène dans le camp
la cavalerie de Murat, parvenue derrière le village, les sabre et de Mustapha Pacha. Le chef ottoman blesse légèrement Murat d’un
les contraint à faire demi-tour. La défense de la redoute du centre coup de pistolet avant d’être fait prisonnier. Les soldats turcs fuient
s’effondre bientôt. La totalité de la première ligne turque vient en désordre vers la mer pour se réembarquer.
d’être balayée. Selon les mots d’un témoin, « la mer est couverte de turbans ».
Le commodore Sidney Smith qui était descendu à terre est à deux
Les Turcs relèvent la tête doigts d’être pris. Il a tout juste le temps de s’enfuir sur une cha-
Bonaparte a désormais le choix. Doit-il se contenter de ce pre- loupe. Quatre mille Turcs se réfugient dans le fort d’Aboukir. Ils
mier succès ou doit-il pousser encore plus loin son avantage ? Sans capituleront une semaine plus tard. Les Français déplorent une
hésitation, le général en chef ordonne aux troupes de Lannes et centaine de morts et 500 blessés. Les Turcs ont 10 000 hommes
Destaing de faire une pause et lance la réserve de Lanusse à l’assaut hors de combat, 3 000 autres sont faits prisonniers. L’armée de
de la deuxième ligne turque. La fameuse 32e demi-brigade de Mustapha n’existe plus. La victoire est complète, suscitant l’admi-
ligne ayant nettoyé le village, Bonaparte peut désormais prépa- ration de Kléber, arrivé trop tard pour participer aux combats.
rer sereinement sa nouvelle attaque. Il repère à l’est un éperon qui Néanmoins, Bonaparte choisit de quitter l’Égypte moins d’un
s’avance dans la mer sur lequel il pourrait installer ses 15 canons mois après son brillant succès, démontrant ainsi le peu de valeur
et prendre en enfilade la gauche des positions ottomanes. Sous les stratégique du pays. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 31


e
LA 2 CAMPAGNE
D’ITALIE 1800

À son retour d’Égypte, Bonaparte concentre ses forces


contre l’Autriche, dernière puissance combattant la
France sur le continent, après le retrait de la Russie
de la deuxième coalition. Si des combats ont lieu en
Allemagne, la victoire décisive a lieu à Marengo, en Italie.

32 • Guerres & Histoire HS No 4


Le 14 mai 1800,
Bonaparte et ses
troupes gravissent
le col du Grand-Saint-
Bernard (2 470 m). Le
Premier Consul, à dos
de mulet, est guidé par
un jeune montagnard.

Guerres & Histoire HS No 4 • 33


1800 - La 2e campagne d’Italie

VIENNE,
ULTIME RIVAL
DÉCLARÉ

A près le succès politique du 18 Brumaire,


Bonaparte doit consolider son pouvoir sur le plan
militaire et vaincre l’Autriche qui est la dernière
puissance militaire en guerre contre la France, dans le cadre
de la deuxième coalition. Cumulant les fonctions de chef
d’État et de chef de guerre, il a les mains libres pour élaborer
une stratégie globale de concentration des forces au service
de ses objectifs opérationnels. Le Premier Consul décide de
porter son effort en Italie où son adversaire a choisi de masser
ses principales forces, avec le général Melas placé à la tête de
contre le flanc sud de l’armée autrichienne d’Allemagne, soit
en Lombardie contre le flanc nord de celle d’Italie.
Cependant, alors que Bonaparte regroupe son armée, le
général Melas déclenche son offensive le 5 avril 1800. Il jette
75 000 hommes contre les 30 000 hommes de Masséna et le force
à s’enfermer dans Gênes à partir du 18 avril. Bonaparte adapte en
conséquence son plan : son objectif est de se porter en Lombardie
par le col du Grand-Saint-Bernard pour ensuite s’emparer de
la position clef du défilé de la Stradella qui constitue un point
de passage obligé entre les Apennins et le Pô. Ce plan suit le
PAR STÉPHANE BÉRAUD 90 000 hommes. schéma classique de la manœuvre napoléonienne sur les arrières
(voir biographie p. 8) Bonaparte organise une armée de réserve (voir encadré ci- visant à prendre le contrôle des lignes de communications enne-
dessous) et élabore un plan : tandis que l’armée du Rhin de mies (en l’espèce, la ligne passant par Plaisance et Mantoue). Il
Moreau doit se porter en Forêt-Noire et sur le haut Danube pour espère ainsi pouvoir s’établir en position défensive pour bloquer
occuper les Autrichiens en Allemagne, l’armée de réserve doit la retraite de l’armée autrichienne et lui imposer la bataille dans
tomber sur les arrières de l’armée de Melas, dont la tête serait des conditions lui assurant la victoire.
fixée par l’armée de Ligurie du général Masséna, chargée de
couvrir Gênes et d’empêcher toute offensive autrichienne en Le fort de Bard résiste… en vain
Provence. Masséna, qui fixe le gros des forces autrichiennes d’Italie,
Cette manœuvre repose sur le contrôle de la Suisse qui doit résister suffisamment longtemps pour permettre à Bonaparte
constitue un formidable saillant entre l’Allemagne et l’Italie, d’exécuter sa manœuvre. Ce dernier déclenche le passage des
et autorise une action de l’armée de réserve, soit en Souabe Alpes le 14 mai. Malgré la résistance du fort de Bard (qui ne
tombera que le 1er juin) empêchant le passage de l’artillerie,
l’armée française bouscule les troupes autrichiennes chargées de
défendre la vallée d’Aoste et débouche le 26 mai dans le Piémont
avec 33 000 hommes. Ces troupes doivent être complétées par
L’ARMÉE DE RÉSERVE DE 1800, les 12 000 hommes de Moncey détachés de l’armée du Rhin
PRÉCURSEUR DE LA GRANDE ARMÉE pour rejoindre l’Italie par le Saint-Gothard. Bonaparte peut vite
disposer de plus de 40 000 hommes auxquels il faut ajouter les
Depuis le 18 Brumaire, Bonaparte officier supérieur d’artillerie. (…) 20 000 hommes de Masséna et de Suchet qui seront libérés par
dispose des pouvoirs pour façonner Chacun de ces corps sera composé la retraite que le général Melas ne devrait pas tarder à précipiter.
un instrument militaire adapté à de 18 000 à 20 000 hommes, Le Premier Consul peut donc espérer affronter Melas en posi-
ses principes de guerre. Il imagine dont deux régiments de hussards
ainsi la création du corps d’armée ou chasseurs, et seize pièces
tion d’égalité numérique et de supériorité morale, grâce à son
qui doit structurer l’armée de d’artillerie. » Le corps d’armée apparition soudaine sur les arrières autrichiens. Il préfère cepen-
réserve, comme indiqué dans constitue une nouvelle unité dant reporter l’affrontement, et se porte le 1er juin sur Milan pour
une lettre adressée le 25 janvier autonome, et remplace la division s’emparer des magasins ennemis et lier ses forces à celles de
1800 à Berthier, alors ministre des campagnes révolutionnaires. Moncey. Mais le 7 juin, il apprend la capitulation de Masséna.
de la Guerre : « Chacun de ces Son caractère interarmes et sa taille Cette nouvelle bouleverse les plans français, car elle libère les
grands corps sera partagé en deux critique constituent les deux traits
divisions, commandées chacune fondamentaux qui vont assurer son
forces autrichiennes affectées au siège de Gênes et rétablit les
par un général de division et deux efficacité durant les campagnes communications de Melas par la mer via l’escadre britannique
généraux de brigade, et chacun impériales, et être copiés par toutes de l’amiral Keith. Bonaparte se décide cependant à lancer ses
des grands corps aura en outre un les armées d’Europe. troupes vers la Scrivia qu’il franchit le 13 juin. Mais, soucieux

34 • Guerres & Histoire HS No 4


XXX

XXXX MONCEY
Adda
BONAPARTE

XXXX

MELAS Pô

APENNINS

Scrivia

XX
MASSÉNA

L’armée française bouscule les troupes autrichiennes chargées


de défendre la vallée d’Aoste et débouche dans le Piémont.
de bloquer les voies de retraite de Melas, Bonaparte disperse
les 31 000 hommes de son armée, entre Casale et Novi, sur un
front de 50 kilomètres. Or, après plusieurs jours d’hésitation, le
transforme in extremis le désastre qui se profilait à 17 heures en
victoire à 20 heures. La convention d’Alexandrie, qui suspend
les hostilités à partir du 15 juin, oblige l’armée autrichienne à se
Pour aller + loin
L’Esprit de la guerre
général Melas a décidé de risquer la bataille pour rétablir ses retirer derrière le Mincio, en restituant toutes les places occupées moderne. De
communications avec Mantoue et Vienne. À l’aube du 14 juin, en Ligurie, au Piémont et en Lombardie. Après la reprise des Rosbach à Ulm, Général
H. Bonnal, Librairie militaire
l’armée autrichienne débouche dans la plaine de Marengo. hostilités en novembre, Moreau remporte sa plus belle victoire
Chapelot, 1903.
En infériorité numérique, les Français accumulent les pertes le 3 décembre à Hohenlinden. L’Autriche se décide à traiter
Napoléon Bonaparte.
et cèdent du terrain. Le rappel de Desaix sauve la situation et et signe la paix de Lunéville le 9 février 1801.■
2e campagne d’Italie, J.
Tranié et J.C. Carmigniani,
Pygmalion, 1991.

Formée au début de l’année 1799, L’amiral George Keith (1746- La victoire de La paix de Lunéville
la deuxième coalition comprend 1823) commande l’escadre Hohenlinden, à l’est confirme la paix de
également l’Angleterre, Naples, britannique de Méditerranée. de Munich, contre Campoformio de 1797 :
la Turquie et la Russie ; mais cette Son rôle est de participer au l’armée autrichienne de l’Autriche renonce à la
dernière s’en retire après la retraite blocus de Gênes et surtout à l’archiduc Jean, permet Belgique, reconnaît à la
de Souvarov, à la suite de la bataille celui de Malte, en préparant à l’armée du Rhin de France la rive gauche du Rhin
de Zürich, les 25 et 26 septembre un éventuel débarquement du franchir l’Inn puis de et accepte le rétablissement
1799, qui donne à la France le corps expéditionnaire anglais menacer Vienne. de la République cisalpine
contrôle de la Suisse. (10 000 hommes) qui se qui consacre la domination
rassemble à Minorque. française en Italie du Nord.

Guerres & Histoire HS No 4 • 35


1800 - La 2e campagne d’Italie

À MARENGO,
LES AUTRICHIENS
SONT À VAU-L’EAU
14 juin 1800

ANTS
COMMAND
Bon aparte
Melas
EFFECTIFS 0 de Desaix)
mes (+ 5 00
23 000 hom
mes
30 000 hom

L
e 5 mai 1800, le Premier Consul se rend à l’Opéra PERTES
es
où il fait acclamer le nom du général Moreau dont 5 500 homm
0 ho m m es
on vient d’apprendre la victoire à Stockach, en 9 50
Allemagne. Puis, dans la nuit, il troque l’habit DU R ÉE à 21 heures
de 7 heures
de chef d’État contre celui de général en chef. Il Une journée, NTEMENT
E L’AFFRO
quitte Paris le 6 mai à 2 heures du matin et franchit les Alpes NATURE D pa r Melas
oquée
le 26 mai avec 33 000 hommes. Après ce coup de maître ini- Bataille prov NNEL
OPÉR ATIO
tial, Bonaparte temporise en rejoignant les forces de Moncey RÉSULTAT ise
an ça
à Milan où il demeure jusqu’au 8 juin. Pendant ce temps, le Victoire fr
POLITIQUE , puis
général Melas obtient la capitulation de Masséna enfermé RÉSULTAT armes du 15 juin 1800
us pe ns ion d’ r 1801
S vrie
dans Gênes et concentre ses troupes à Alexandrie. Bonaparte ville du 9 fé
ne lance son offensive que le 12 juin mais en éparpillant ses paix de Luné
forces pour intercepter toutes les voies possibles de repli autri-
chien, en détachant au sud la division Boudet sur Novi et au
nord la division La Poype en direction de Valenza.
Après une ultime reconnaissance infructueuse de la plaine
de Marengo dans la soirée du 13 juin, Bonaparte retourne
passer la nuit à une dizaine de kilomètres plus à l’est, à
Torre di Garofoli. Il est alors convaincu que son adversaire
cherche à se dérober. La canonnade qui lui parvient dans la matinée lui démontre le contraire. Le général Melas vient de
déclencher le franchissement de la Bormida à la hauteur de
Marengo. Au total, plus de 30 000 Autrichiens se préparent
à fondre sur 23 000 Français. La supériorité est encore plus
nette du côté de l’artillerie puisque les Autrichiens disposent
LA CHARGE DE RUPTURE d’une centaine de canons contre une vingtaine de pièces du
côté français. La marche du gros de l’artillerie française
FONDATRICE DE KELLERMANN a en effet été retardée de quinze jours par la résistance du
fort de Bard.
L’évènement tactique majeur de la charge vigoureuse contre le flanc
bataille de Marengo est la charge de la colonne autrichienne qui mit Les premières attaques de Melas contre Marengo sont
de cavalerie de Kellermann, qui bas les armes ». Il précise qu’à repoussées. Mais, la supériorité de l’artillerie autrichienne
transforme en quelques minutes quelques minutes près, la charge
une défaite certaine en victoire aurait échoué, ce qui est confirmé
imprévue. Si le renversement par Murat qui, dans son rapport à
de situation résulte d’une action Berthier, considère que Kellermann
interarmes associant également « par une charge faite à propos, sut Général français La victoire de Stockach est
l’infanterie de Boudet et l’artillerie fixer la victoire encore flottante ». (1763-1813), Jean remportée le 3 mai 1800
de Marmont, la charge de S’il révèle l’exceptionnel coup Victor Marie Moreau au nord-ouest du lac de
Kellermann en constitue toutefois d’œil de Kellermann, ce succès a exercé plusieurs Constance par le général
l’action décisive, ce qui a d’ailleurs démontre surtout le potentiel des commandements d’armée Moreau, qui repousse l’armée
été reconnu par Marmont lui-même actions de rupture de la cavalerie (du Nord et du Rhin) avant autrichienne du général
dans ses mémoires. Il confirme lourde utilisée en masse. Napoléon
d’être nommé à nouveau Kray vers Ulm et permet de
que juste après avoir tiré quelques n’oubliera jamais cette leçon
coups de mitraille, Kellermann tactique et forgera la meilleure commandant de l’armée couvrir l’offensive de l’armée
est passé avec ses 400 chevaux cavalerie lourde d’Europe pour du Rhin par Bonaparte de réserve de Bonaparte
devant ses pièces et « fit une obtenir ses victoires. en décembre 1799. à travers les cols suisses.

36 • Guerres & Histoire HS No 4


14 juin 1800,
matinée

ne tarde pas à produire son effet et les troupes de Victor RO


NA
doivent bientôt battre en retraite. D’autant que la colonne TA
du général Ott qui débouche du village de Castelceriolo XXX
ALEXANDRI E O TT CAST ELCERIOLO
vers le sud menace de déborder l’aile droite française XX
commandée par Lannes. Bonaparte se porte à cheval sur XXX MONNIER + GARDE

la ligne de bataille et engage la division Monnier avec la M ELAS XXX TORRED I


G AROFOLI
garde consulaire pour stabiliser ce secteur, mais la pression LANNES
autrichienne est trop forte. À partir de 14 heures et jusqu’à MARENGO XX
XXX

A
XXX

ID
17 heures, toute la ligne française se replie progressivement S ANGI ULIANO

RM
VICTOR KELLERMANN

BO
vers San Giuliano. O’R EILLY
Melas va cependant pécher par excès de confiance et
L A GUARACA
commettre plusieurs erreurs qui vont lui coûter la victoire. Le
commandant autrichien gaspille tout d’abord sa supériorité
numérique en cavalerie en dispersant celle-ci de telle sorte
qu’il ne lui reste plus de réserve consistante pour transformer XX
ORBA
la retraite française en déroute. De plus, contusionné par une
chute de cheval et persuadé que la victoire est assurée, Melas BOUDET

abandonne le champ de bataille vers 15 heures pour laisser le V ERS


FRU GAROLO
général Kaim organiser la poursuite. Enfin, celle-ci est mal RIVALTA SCRIVIA
coordonnée : les deux ailes des généraux Ott et O’Reilly ont
adopté des axes de marche divergents qui les mettent dans
l’impossibilité de venir soutenir le centre, lequel progresse
sans éclairage de cavalerie.

Conseil de guerre et riposte 14 juin 1800,


Or, dans le même temps, Bonaparte a rappelé à lui la soirée
division Boudet et le général Desaix qu’il avait initialement
envoyés sur Novi. Ils rejoignent à San Giuliano les rescapés
de l’armée française vers 17 heures. Après un rapide conseil
de guerre avec Desaix, Bonaparte lance immédiatement ces RO
troupes fraîches (plus de 5 000 hommes) sur la tête de colonne NA
TA
autrichienne. Marmont parvient à rassembler une batterie
d’une quinzaine de pièces qui soutient l’infanterie de Boudet A LEXANDRI E
XXX
O TT XX
pour foudroyer l’avant-garde autrichienne. Celle-ci, surprise CAST ELCERIOLO
MONNIER + GARDE
par la résistance soudaine d’un ennemi supposé en déroute, se XXX TORRED I
GAROFOLI
débande rapidement. Desaix lance la poursuite avec ses fan- LANNES
X
tassins tandis que Kellermann charge le flanc des Autrichiens. MARENGO XXX KELLERMANN
L’action combinée de l’artillerie de Marmont, de l’infanterie de K AIM
A
ID

XXX
RM

S AN
Boudet et de la cavalerie de Kellermann (voir encadré p. 36)
BO

G I ULIANO VICTOR
culbute l’avant-garde autrichienne et entraîne la capture de son L A G UARACA
chef. La panique de l’avant-garde s’étend à toute la colonne XXX
principale. En quelques minutes, la situation est retournée : XX
O’R EILLY
les unités autrichiennes refluent vers les ponts de la Bormida, BOUDET
poursuivies par les troupes françaises. La bataille perdue à
17 heures est définitivement gagnée à 20 heures. L’effet de sur- ORBA
prise et l’optimisation de la coordination interarmes ont modifié
l’issue d’une bataille mal engagée par Bonaparte. Malgré les V ERS
FRU GAROLO
erreurs et hésitations du Premier Consul, la manœuvre de la SCRIVIA
R IVALTA
Stradella et la bataille de Marengo constituent la première
combinaison réussie d’une manœuvre sur les arrières et d’une
bataille à front renversé. ■

Général autrichien (1729- Claude-Victor Perrin Général autrichien (1737- Le général Louis Charles
Pour aller
Marengo, 14 juin
+ loin
1806), ancien de la guerre de (1764-1841), dit Victor, 1801), Konrad Valentin von Antoine Desaix (1768-1800) 1800, Mal A. Berthier,
Sept Ans, Michael Friedrich participe à la première Kaim a commencé sa carrière se distingue durant les B. Gainot et B. Ciotti,
Benedikt von Melas a campagne d’Italie et militaire en 1750 au sein de campagnes de la Révolution Lemme Edit, 2010.
combattu sur la Sambre en se distingue à Dego, l’armée royale française. en Allemagne puis en Premières Gloires,
1793 et sur le Rhin en 1794 Mondovi et La Favorite. Considéré comme l’un des Égypte. Il est mortellement Frédéric Bey,
et 1795. Il est nommé début Revenu en France, il meilleurs généraux de l’armée blessé à Marengo à la tête VaeVictis, collection
1799, à l’âge de 70 ans, retourne en Italie en d’Italie, il commande les de l’assaut qui détermine Jeux d’Histoire, 2017.
commandant de l’armée 1799 pour être placé en unités du centre qui attaquent la victoire.
autrichienne d’Italie. première ligne à Marengo. Marengo.

Guerres & Histoire HS No 4 • 37


LA CAMPAGNE
D’ALLEMAGNE 1805
La troisième coalition fomentée par l’Angleterre contraint
Napoléon à changer ses plans. Oublié le débarquement
outre-Manche : le danger se précise sur le Rhin. Un
échec stratégique bientôt compensé par les succès
militaires, couronnés par la célèbre victoire d’Austerlitz.

38 • Guerres & Histoire HS No 4


Le 2 décembre 1805,
à Austerlitz, le général
Jean Rapp, au centre,
à la tête de la cavalerie
de la Garde, charge la
garde impériale russe
et capture le général-
major prince Repnine.

●●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 39


1805 - La campagne d’Allemagne

L’EMPEREUR
SE RETOURNE
VERS L’EST

L a campagne de 1805 marque, paradoxalement, un


constat d’échec pour Napoléon et une réussite straté-
gique du Royaume-Uni.
Constat d’échec car la manœuvre combinée pour gagner le
temps nécessaire au débarquement de l’armée française sur les
côtes britanniques prévu par Napoléon échoue de facto dès le
moment où la flotte franco-espagnole ne réussit pas à tromper
puis distancer la Royal Navy. Dès le 21 août 1805, lorsque
l’amiral Villeneuve se retire à Cadix, le plan peut être consi-
déré comme manqué. C’est ce que comprend bien Napoléon,
les corps d’armée, qu’il a expérimenté en 1800, et en réintrodui-
sant l’appellation de « Grande Armée ». Il définit les buts de la
campagne dès le 23 août dans une lettre adressée à Talleyrand :
«... Je cours au plus pressé (…) Au 1er vendémiaire [23 sep-
tembre], je me trouve avec 200 000 hommes en Allemagne (...)
Je marche sur Vienne, et ne pose les armes que je n’aie Naples et
Venise, et augmenté tellement les États de l’Électeur de Bavière
que je n’aie plus rien à craindre de l’Autriche. »

Sept corps pour une armée


lorsqu’il apprend la nouvelle. La manœuvre était, peut-être, trop La campagne en Allemagne peut être divisée en trois phases :
PAR PATRICK BOUHET complexe et ne tenait pas suffisamment compte des spécificités la manœuvre d’Ulm, la poursuite de Koutouzov et la prise
Adjoint au chef de liées aux opérations navales et de l’état réel des flottes française de Vienne, la campagne de Moravie et la bataille d’Austerlitz.
la division « straté- et espagnole. Mais face à la supériorité numérique et qualitative La première phase commence le 29 août, lorsque l’Empereur
gie » de l’état-major de la Royal Navy, cela semblait être le seul moyen de frapper ordonne à Berthier d’organiser l’armée principale en sept corps
de l’armée de l’air, l’ennemi principal au cœur. numérotés de 1 à 7 (Bernadotte, Marmont, Davout, Soult,
Patrick Bouhet poursuit
Le Royaume-Uni, de son côté, a réussi à former une nouvelle Lannes, Ney, Augereau), une réserve de cavalerie (Murat)
des travaux historiques
et théoriques dans les coalition, la troisième, qui permet de menacer Napoléon à revers. et la Garde impériale (Bessières). Soit un total de 145 000
domaines de la pensée Réunissant et finançant les empires de Russie, d’Autriche et les fantassins, 38 000 cavaliers et plus de 300 pièces d’artillerie.
stratégique, de l’histoire royaumes de Suède et de Naples, le Premier ministre William Pitt À cela s’ajoutent les forces laissées en France pour se garantir
de l’aéronautique et détourne l’armée française de son objectif principal en obligeant d’attaques venant de la mer, l’armée d’Italie sous Masséna et
du Premier empire. Napoléon à renverser son dispositif d’ouest en est face à la menace les forces de Gouvion-Saint-Cyr qui font face aux Autrichiens
Il collabore aux maga-
qui pèse sur les frontières terrestres de la France et de ses alliés. et aux Napolitains.
zines Guerres&Histoire
et DSI, et écrit pour C’est en fin de compte l’armée destinée à débarquer sur les côtes La manœuvre d’Ulm (voir p. 42) conduit à l’élimination de
diverses publications à anglaises et à prendre Londres qui se bat à Austerlitz… l’armée de l’archiduc Ferdinand entre le 25 septembre et le
caractère académique. Donc, à la fin d’août 1805, Napoléon doit tenir compte des 20 octobre 1805, veille de la bataille navale de Trafalgar. Les
efforts d’armement entrepris par l’Autriche et de l’impossibilité opérations débutent à ce moment en Italie sans résultats notables
de franchir la Manche. La menace la plus dangereuse se situant (Masséna contre l’archiduc Charles). Napoléon, ayant obtenu
maintenant sur le Rhin, il renverse son dispositif en officialisant une victoire majeure, engage la poursuite de Koutouzov qu’il

Le général russe Mikhaïl Koutouzov William Pitt le Jeune (1795-1806) est déjà La troisième coalition, outre
(1745-1813) est nommé en 1805 Premier ministre à 24 ans. Il demeure au la Grande-Bretagne, regroupe
commandant en chef de l’armée envoyée pouvoir jusqu’en 1801 puis de mai 1804 essentiellement l’Empire
au secours de l’Autriche. La défaite à janvier 1806. Adversaire le plus résolu russe, l’Empire d’Autriche et le
d’Austerlitz lui vaut la disgrâce, mais de la France républicaine puis impériale, royaume de Suède. La Prusse,
Alexandre 1er le replace en 1812 à la il quitte ainsi le pouvoir en 1801 parce que objet d’une lutte diplomatique
tête des armées russes, et il affronte la paix d’Amiens lui semble trop douce. entre la France et la Russie,
à nouveau les troupes de Napoléon Incorruptible, bourreau de travail, il incarne décide finalement de conserver
durant les batailles de la Moskova le patriotisme anglais jusqu’à l’arrivée de sa neutralité.
et de la Bérézina. Churchill au XXe siècle.

40 • Guerres & Histoire HS No 4


M oscou

Royaume du xxxx
Royaume-Uni
Danemark D antzig BENNIGSEN
20 000
R é p u bl i q u e
bata ve H ano v re V arso vie xxxx
B er lin
BUXHOEVEDEN
P r u ss e 40 000
L ondres 27 août
D resde
xxxx
XXXX 22 sept.
KOUTOUZOV
38 000
NAPOLÉON 17 sept. Aus t e r li t z
165 000 Te s c h e n
P ar is
U lm xxxx
9 xxx ARCHIDUC V ienne
Brest A UGEREAU Strasbourg
13 500 FERDINAND 72 000
2 sept. xxxx
Suisse ARCH . JEAN
22 000 A u t r i che
xxxx xxxx
M ASSÉNA
. CHARLES
50 000 R oy. ARCH
94 000
France d ’Italie V enise

V igo
V ILLENEUVE
25 juillet
T oulon Empire
L e Fer rol Corse R ome otto man
Espag n e C onstantinople

M adr id

L isbonne
NE
LS
ON

Cadix
G ibraltar
Malte
Trafalgar 19-20 août
21 octobre

Cette campagne peut être divisée en trois phases :


la manœuvre d’Ulm, la poursuite de Koutouzov et la prise
de Vienne, la campagne de Moravie et la bataille d’Austerlitz.

+ loin
veut détruire à son tour avant sa jonction avec l’autre armée du Rhin ; l’Allemagne échappe aux Habsbourg. Les alliés de
russe de Buxhoeveden et celles des archiducs Charles et Jean la France profitent de gains territoriaux qui les renforcent et Pour aller
qui rejoignent le théâtre principal des opérations. Il n’y par- constituent un glacis protecteur plus puissant composé de La Campagne de
vient pas malgré des combats partiels coûteux (Amstetten, le la Bavière, du Wurtemberg, du pays de Bade et du royaume 1805 en Allemagne,
5 novembre, Dürenstein le 11, Hollabrünn le 16), prend Vienne d’Italie. Cependant, un nouvel acteur majeur est apparu, la P.-C. Alombert et J. Colin,
mais s’enfonce de plus en plus en Europe centrale, loin de Russie, et un autre se fait menaçant : la Prusse. Teissèdre (5 vol.), 2002.
ses bases. Le 19 novembre, Koutouzov fait sa jonction avec En fin de compte, la France, qui ne pourrait pas résister Austerlitz. Napoléon,
Buxhoeveden et le corps autrichien de Liechtenstein dans les à l’ensemble de l’Europe coordonnée, doit battre ses adver- l’Europe et la Russie,
environs d’Olmütz [aujourd’hui Olomouc]. Dès lors commence saires en détail donc garder l’initiative dans les opérations. O. Sokolov, Commios, 2006.
la troisième phase de la campagne qui est conclue par la légen- Mais vaincre dans cette guerre, ce serait battre l’Angleterre, Jours de Gloire.
daire victoire d’Austerlitz. qui pour détourner les coups n’a d’intérêt que de provoquer des Campagne : le
Danube, Frédéric Bey,
coalitions. L’on voit ici ce qu’il y a de relatif dans la victoire VaeVictis no 41, 2001.
C’en est fini du Saint-Empire d’Austerlitz, qui passe pour le modèle de la bataille décisive.
La campagne se termine donc par un coup de tonnerre. Si elle a bien évité la catastrophe d’un écrasement dès 1805,
L’Autriche, qui signe la paix à Presbourg (Bratislava), le elle a avant tout permis à la France de rester dans la course et
26 décembre 1805, perd des territoires et doit payer de fortes n’est un résultat majeur que vis-à-vis de l’Autriche d’une part
indemnités, est particulièrement diminuée. Elle est dépossédée et de la Prusse, retardée dans son attitude belliqueuse, d’autre
de 17 % de ses habitants et de 14 % de ses revenus annuels. part. La Russie quant à elle poursuit le combat, comme le
Surtout, le Saint-Empire disparaît au profit de la Confédération Royaume-Uni… ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 41


1805 - La campagne d’Allemagne

MOUVEMENT
TOURNANT
CONTRE ULM
Du 15 au 20 octobre 1805

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
rdinand
Archiduc Fe l Mack
éc ha
Feld-mar
EFFECTIFS
mes
35 000 hom 0 hommes
– 26 00

U
lm est moins un siège proprement dit que le résultat 25 00 0
d’une manœuvre d’ensemble conduite avec déter- PE R TE S
blessés
mination par Napoléon face à un adversaire indécis 200 tués et
pr is on niers
et pusillanime, Mack, qui assure le comman- 25 365
dement effectif de l’armée confiée à l’archiduc DURÉE
bre 1805
Ferdinand. La capitulation de plus de 25 000 hommes marque en 15 – 20 octo TEMENT
E D E L’AFFRON
réalité le point final de la destruction d’une armée autrichienne NATUR
qui comptait à l’origine plus de 60 000 hommes, qui sont d’abord Siège NNEL
OPÉRATIO l’archiduc
battus dans huit combats de détail avant d’être dispersés, forcés à RÉSULTAT l’a rm ée de
de
se replier ou à se rendre. Destruction
Ferdinand
Pourtant, en ce début de septembre 1805, cette armée est le fer POLITIQUE militaire imm
édiat
de lance de l’offensive qui progresse vers le Rhin et la France. Elle RÉSULTAT t politique et
is sem en
Affaibl
doit coordonner ses opérations avec l’armée de l’archiduc Charles de l’Autriche lliance bavaroise
l’a
en Italie (près de 90 000 hommes), celle de l’archiduc Jean qui Maintien de
assure la jonction au centre du dispositif (plus de 20 000 hommes),
et les deux armées russes qui arrivent de Galicie et de Pologne. Il
est aussi prévu une opération anglo-russo-suédoise au nord contre
le Hanovre et une autre au sud de la péninsule italienne par des
forces anglaises, russes et napolitaines. Murat de renforcer Mack dans cette certitude en agissant de ce
côté tandis que le reste des sept corps et de la Garde commencent
Mack surveille la Forêt-Noire leur mouvement tournant par la gauche dans une manœuvre que
Les Autrichiens se sont engagés en Bavière au début de même Mack reconnaîtra comme proche de celle de 1800 en Italie.
septembre en se figurant la rallier par le seul poids de leur puis- Mais les Autrichiens sont surpris par le mouvement, sa rapidité
sance. Mais l’électeur Maximilien IV maintient son alliance avec et l’ensemble des opérations de « déception » (feintes) mises en
la France et son armée ne vient pas renforcer celle de l’archi- œuvre par Napoléon (désinformation par des agents dont sûrement
duc Ferdinand mais celle de Napoléon. Mack, qui commande le célèbre Schulmeister, action de Murat…). Toutefois, il ne
effectivement l’armée autrichienne, s’installe autour d’Ulm dans semble pas que l’Empereur ait compté sur une telle passivité de
une position qu’il croit propice pour attendre ses alliés russes et Mack. La manœuvre qui au mieux devait obliger les Autrichiens
pour surveiller les débouchés de la Forêt-Noire par lesquels il à se replier et peut-être à accepter une bataille dans une situation
pense que les Français vont passer. De son côté, Napoléon charge défavorable, pour conserver leur ligne de communication avec

Karl Freiherr Mack von Leiberich Karl Ludwig Schulmeister (1770-1853), L’archiduc Jean-Baptiste Joseph
(1752-1828), général autrichien, est fils d’un pasteur luthérien, est connu pour la Fabien Sébastien d’Autriche (1782-
chargé après le traité de Campoformio légende qui en a fait le « maître espion » de 1859) est le 9e fils de Pierre-Léopold
de réorganiser l’armée d’Italie. Battu par Napoléon entre 1805 et 1809. Mais en l’absence de Toscane, empereur Habsbourg de
Championnet en 1798, fait prisonnier, il de témoignages sérieux et de documents 1790 à 1792, et le frère de l’archiduc
s’évade en 1800 et obtient en 1805 le probants, il est difficile d’établir la réalité des Charles (1771-1847), qui commande
commandement de l’armée autrichienne exploits qu’on lui prête. Il est toutefois établi l’armée d’Italie. Il commande l’armée
de Bavière. Considéré comme le qu’il a fourni aux Autrichiens les renseignements de Bavière battue à Hohenlinden en
responsable de la défaite d’Ulm, il est qui les ont amenés à s’enfermer dans Ulm, 1800, puis l’armée territoriale du Tyrol
alors déchu de son rang. erreur qui va s’avérer fatale. en 1805.

42 • Guerres & Histoire HS No 4


Vienne, devient un encerclement complet et une destruction en capitule avec les plus de 25 000 hommes qui lui restent. L’archiduc
détail des forces autrichiennes qui réagissent trop tard. Ferdinand a bien tenté une sortie, mais l’armée dont il avait le
La première rencontre d’importance à lieu à Donauwörth, commandement nominatif est détruite et il est vite poursuivi par
le 7 octobre. Elle est suivie des batailles de Wertingen le 8, de Murat et sa cavalerie.
Gunzbourg le 9, de Haslach-Jungingen le 11, de Memmingen et
d’Elchingen le 14, de Nerenstetten le 16, Neresheim le 17. Tous Le résultat marque les esprits
ces combats sont remportés par les Français, même dans des Le résultat obtenu le 20 octobre 1805 frappe les observateurs de
situations désavantageuses grâce à leur supériorité tactique. La l’époque par son ampleur — la destruction complète d’une armée
première phase de la manœuvre consiste donc à couper la ligne en 13 jours —, et la méthode pour l’atteindre — la manœuvre
de retraite naturelle des Autrichiens en les débordant. Dès que ce sans engagement majeur de l’ensemble des forces. Cette première
résultat est obtenu, deux possibilités sont à prendre en compte. Une partie de la campagne a aussi permis de valider le concept du corps
fuite par le nord en traversant l’écran formé par la ligne des corps d’armée, qui comprend toutes les armes — infanterie, cavalerie,
français ou un repli vers l’armée de l’archiduc Jean au sud. Mack, artillerie, génie — et peut donc remplir toutes les missions d’une
le 9 octobre, penche tout d’abord vers la seconde, avant de revenir armée, du renseignement aux opérations défensives et offensives.
sur Ulm et de prévoir une fuite par la Bohême. Le dispositif mis Sa taille lui permet aussi de résister à des assauts plus impor-
en place par l’Empereur permet de s’adapter à l’évolution de la tants, le temps d’être renforcé. Le corps d’armée peut donc être
situation, même si certains éléments de la Grande Armée, parfois autant un pion opératif dans le cadre de la manœuvre, qu’un pion
mis en danger comme la division Dupond à Haslach, peuvent tactique dans celui de la bataille, voire un élément stratégique
malgré tout vaincre grâce à une forte cohésion et d’excellentes compte tenu de sa capacité à mener des opérations isolées sur un
qualités tactiques. Le dispositif tient aussi compte d’une poten- théâtre particulier. La campagne de 1805 démontre l’ensemble de
tielle arrivée des Russes jusqu’au 12 octobre. Rassuré de ce côté, ces capacités, d’autant que l’état-major mis en place, au-delà de
Napoléon concentre ses forces contre Mack et Ulm dont le siège la seule personnalité et du génie de Napoléon, prouve aussi son
commence le 15 octobre par une première attaque repoussée. Le aptitude à concevoir et à conduire des opérations avec la souplesse
20, certain de ne plus pouvoir être secouru par Koutouzov, Mack et la rapidité nécessaires.■

Les Autrichiens sont surpris par la rapidité du mouvement


tournant, qui rappelle la manœuvre opérée en 1800 en Italie.

Ho f

BERNADOTTE
F r an cf or t E ger
AUGEREAU
M ayen ce
B ambe rg B ayr eu th
M
ain

MARMONT
WREDE (Bav.) DEROY (Bav.)
F uite de l’archiduc Jean
W ur zbur g
vers la B ohême
DAVOUT
M an n h ei m
NAPOLÉON N ur ember g
He id elb er g
SOULT A n s b ach E MPIRE
D ’ A U T R IC H E
F R A N C E K ar ls r uh e N
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in
E l l wan gen ge E ck müh l
R as t at t n
G mün d N eresheim In golst adt
B aden N eubou r g
S t u t t gar t Donauworth L and sh ut
GARDE H e i d e nh ei m Mu ns te r (Liaison
sar
Gunzburg
We r t i ngen avec les Russes)
I

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S t r as bour g cka
Ne
F r euden s tadt U lm Elchingen K I E NM AYE R
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MURAT D anube
M u n i ch
L and sberg
M e mmi n gen
N euf - B r i sach
F r ei bur g

Guerres & Histoire HS No 4 • 43


1805 - La campagne d’Allemagne

AUSTERLITZ,
UNE RÉUSSITE
EXEMPLAIRE
2 décembre 1805

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
ov
hal Koutouz
Feld-maréc xandre 1er
urs Ale
Empere
1er
et François
EFFECTIFS viron
mes dont en
73 000 hom rs

L
a bataille d’Austerlitz oppose, le 2 décembre 1805, lie
l’armée française, commandée par Napoléon en 13 000 cava
139 canons 000 à
personne, à une armée austro-russe commandée mes dont 14
86 000 hom rs et 250 à 300 canons
nominalement par le général russe Koutouzov, 16 000 cava
lie
mais en réalité placée sous la tutelle très directe de
PERTES
l‘empereur de Russie Alexandre Ier, accompagné de François Ier 0 hommes
9 000 à 9 50
d’Autriche. Elle est de fait, un lieu de concentration non seulement ho m mes
38 000
de troupes mais aussi du pouvoir politique. DUR É E 7 h à 17 h
heures, de
Austerlitz est tout d’abord un chef-d’œuvre de « deception », Environ 10 NTEMENT
c’est-à-dire de « tromperie » de l’ennemi. Eu égard à la situation E L’AFFRO
NATURE D ensive
off
sur le théâtre d’opérations et à la réalisation des objectifs straté- Défensive - NNEL
giques via l’ensemble des actions tactiques considérées comme OPÉRATIO
RÉSULTAT re
eu
des ensembles homogènes, Napoléon doit livrer une bataille qui Victoire maj
POLITIQUE IIIe coalition – fin de
lui permette d’éviter le regroupement des forces coalisées et RÉSULTAT
utriche de la France
l’entrée en guerre effective de la Prusse. Il doit aussi obtenir une Retrait de l’A édiate et directe sur la
ac e im m
victoire rapide, car son pouvoir n’a pas et n’aura jamais la légi- la men
timité et la solidité de celui des monarques qui s’opposent à lui.

Un jeune homme arrogant


Il y parvient par deux opérations. La première, militaire, vise
à mettre en confiance l’armée coalisée. En offrant une maigre
brigade de cavalerie légère comme appât, à Wischau, il laisse
penser que l’armée française cherche à éviter la bataille, et même dû prendre mon extrême modération pour une marque de grande
la craint. Cet échec tactique apparent est le premier pas vers le terreur ; ce que je désirais sous le point de vue militaire, et ce
succès d’une opération pensée globalement. Ceci est encore qui a donné lieu à la bataille d’Austerlitz. » Cependant, il ne faut
renforcé par les ouvertures diplomatiques de Napoléon en direc- pas sous-estimer des facteurs que Napoléon ne connaît peut-être
tion d’Alexandre Ier qui conduisent à la célèbre rencontre entre pas. La logistique des troupes alliées est précaire car les alen-
l’Empereur et le prince Dolgoroukov, aide de camp d’Alexandre. tours d’Olmütz ne peuvent plus suffire à nourrir les troupes et la
Le premier en décrit lui-même le sens dans un courrier : « Ce retraite — sage militairement, car elle permet de gagner du temps
jeune homme est d’ailleurs de la plus excessive arrogance ; il a et de se rapprocher de certains renforts — n’est pas envisagée
pour des raisons politiques. Cela pourrait provoquer la rupture
avec l’Autriche déjà fortement affaiblie et remettre en question
l’engagement prussien. Surtout, cela ne correspondrait pas aux
Le 28 novembre 1805, peu Le prince Piotr Ivanovitch ambitions d’Alexandre et à l’humeur belliqueuse de son entou-
de temps après Hollabrünn et Bagration (1765-1812) rage. Enfin, la manœuvre logistique consistant à faire basculer la
avant Austerlitz, des cavaliers sert sous les ordres du ligne de communication française de Vienne vers Brünn (Brno),
français sont défaits par général Souvorov, en contribue aussi à rendre l’analyse de la situation par l’état-major
les forces austro-russes de Pologne puis en Italie. austro-russe inexacte, et le conduit à une fausse manœuvre qui les
Koutouzov, près de Wischau, Après Austerlitz, il combat mène à attaquer la droite française, la route de Vienne, en croyant
en Moravie. Bien que mineur, à Eylau, Heilsberg et ainsi couper l’armée française de ses ressources. Napoléon l’a dit
leur succès convainc les Friedland, en 1807. Il est lui-même : la bataille d’Austerlitz n’est que le résultat du plan de
coalisés qu’une victoire sur tué en 1812 lors de la campagne de Moravie.
Napoléon est à leur portée. bataille de la Moskowa. Le 2 décembre, au matin, ce sont plus de 72 000 hommes

44 • Guerres & Histoire HS No 4


Welat itz
Br unn
Kritschen Bosenitz
BAGRATION R aussnitz
2 Contre-attaques
XXX BESSIÈRES françaises Santon
1
I
2
BERNADOTTE Garde XXX
(V) LANNES
Walspitz
Latain 1 attaques des Austro-Russes
XXX
au matin
4
MURAT 1
3 attaques françaises 2
au centre S c hlappanitz
3 4 retraite de la garde
2
1 4
P unto w itz 3 Auste r litz
XXX VANDAMME 4
IV 3 3 attaque de la garde - 13h00
SOULT
Tu r as 10h00 KOLLOWRATH
Pr a tz e n L i ttawa
à 13h00
ST. HILAIRE 3 Krzenowitz
Mar xdor f Kobelnitz LIECHTENSTEIN
XXXX
4 CONSTANTIN
G ARDE
ALEXANDRE Ier
LANGERON
FRANCOIS Ier
BUXHOEVEDEN KOUTOUZOV

S ok o lnitz 4 poursuite française


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2 4

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XXX
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DAVOUT
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Menitz eni
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ng
É ta

Vers V ienne

Après trois heures de combat, 9 000 Français réussissent


à arrêter des colonnes composées de 40 000 adversaires.
et 139 canons du côté français qui s’opposent à plus de 85 000
Austro-Russes et environ 300 pièces. Ces chiffres sont bien
entendu des approximations, mais il est admis que les coalisés
les Autrichiens près de 8 000. Les pertes de la Grande Armée
sont de 9 000 à 9 500 tués, blessés, disparus et prisonniers.
Le récit classique de la bataille d’Austerlitz présente l’image
Pour aller + loin
Austerlitz,
bénéficient d’une certaine supériorité numérique. Vers 7 heures, d’une bataille réglée a priori : Napoléon a tout prévu et le 2 décembre 1805,
la bataille commence et les troupes coalisées se mettent en mou- combat se déroule comme si l’empereur des Français avait été J. Garnier, Fayard, 2005.
vement vers la droite française. Après trois heures de combat, aux commandes des deux armées. Ceci conduit même les his- Austerlitz en sa
9 000 Français réussissent, en tirant parti du terrain, à arrêter des toriens russes puis soviétiques à plaider pour une trahison, donc campagne, P. Bouhet,
colonnes composées de près de 40 000 adversaires. À 11 h 30, à la connaissance par Napoléon du plan du général autrichien in Guerres et armées
après une forte contestation, les deux hauteurs qui surplombent Weyrother. En réalité, il a su profiter au mieux de la souplesse, napoléoniennes. Nouveaux
le plateau du Pratzen sont aux mains des Français et les troupes de la mobilité et de l’excellence tactique des corps d’armée. regards, Nouveau monde,
2013.
austro-russes en déroute. Napoléon fait en sorte de pouvoir s’adapter et réagir à toutes les
situations. Et si les Austro-Russes n’avaient pas fait l’erreur d’atta- Austerlitz, Rising
Eagles, Walter
Victoire totale à la nuit tombée quer, la bataille n’aurait pas eu lieu et Napoléon aurait sûrement dû Vejdovsky, Hexasim, 2016.
Le centre coalisé est rompu. Une contre-attaque de la garde se replier devant des forces beaucoup plus importantes à la suite
Austerlitz, 1805, F. Bey,
russe ne change rien à la situation. À la gauche de l’armée fran- de la jonction de toutes les armées alliées. C’est là qu’Austerlitz VaeVictis nos 58 (2004) et
çaise, les combats n’ont pas débuté avant 10 h 30 et l’offensive devient une réussite exemplaire. En effet, les dispositions prévues 64 (2005).
de l’infanterie française n’est lancée que vers 12 heures contre à 8 heures 30 du soir sont obsolètes à 4 heures du matin. Et pour-
Bagration qui lutte pied à pied et réussit vers 16 h 30 à désen- tant, il a pu sembler que le plan français était la réponse parfaite
gager ce qui reste de ses troupes. À 17 heures, alors que la nuit à celui des coalisés. Cela confirme surtout qu’Austerlitz est une
est tombée, tout est terminé. La victoire est totale. Les Russes possibilité née de la rencontre d’un chef avec une armée, un outil
ont perdu environ 30 000 hommes, tués, blessés ou prisonniers, militaire, les deux étant au sommet de leur art. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 45


LA CAMPAGNE
DE PRUSSE 1806

Pour sa méthode, la manœuvre de corps d’armée,


et son objectif atteint, la destruction de l’armée ennemie,
la campagne prussienne de 1806 est sans nul doute
la plus réussie de toutes les opérations napoléoniennes.
Mais la paix sera brève : les Russes entrent en Pologne.

46 • Guerres & Histoire HS No 4


Le 27 octobre 1806,
Napoléon entre
à Berlin à la tête de
ses troupes, moins
d’un mois après
l’ultimatum lancé par
la Prusse à la France...

Guerres & Histoire HS No 4 • 47


1806 - La campagne de Prusse

LA PRUSSE MISE
À GENOUX EN
QUATRE SEMAINES

A lors que Napoléon, dès le 12 juillet 1806, constitue la


Confédération du Rhin pour y rassembler ses alliés
allemands, la Prusse, inquiète que la Saxe l’aban-
donne au profit des Français, mène de secrètes négociations avec
l’Angleterre et la Russie, qu’elle va réussir à entraîner dans la
guerre à ses côtés. Spectateur passif de l’écrasement de l’Autriche
en 1805, c’est en effet Berlin qui prend l’initiative, un an plus tard,
de la rupture avec la France. Les préparatifs militaires s’engagent
dès le mois d’août et s’accélèrent en septembre. Le 1er octobre, la
Prusse émet un ultimatum exigeant que la France évacue la rive
Prussiens, risquant d’être débordés et coupés de Berlin, doivent
faire demi-tour pour affronter les Français. Mais par quelle route ?
Pour le découvrir, Napoléon organise son armée en 4 groupes :
2 avant-gardes, l’une face au nord et l’autre face à l’ouest, soute-
nues par le gros de l’armée, la cavalerie de Murat devant occuper
la plaine de Leipzig. Comme les Prussiens font mouvement vers
Magdebourg, l’Empereur fait pivoter son dispositif vers l’ouest
pour marcher à l’ennemi. Le 14 octobre, Napoléon engage les
Prussiens à Iéna. Il croit affronter le corps principal de Brunswick,
mais il ne s’agit que d’un détachement dirigé par Hohenlohe qui,
droite du Rhin avant le 8 octobre. en infériorité numérique, est mis en déroute. Vingt kilomètres au
PAR FRÉDÉRIC BEY nord, Davout, avec le seul IIIe corps, livre et remporte à Auerstaedt
(voir biographie p. 24)
La Prussienne est belliqueuse... une bataille défensive, à 1 contre 2,5, face à Brunswick. L’arrivée
Napoléon réunit alors son armée sur le Main, au sud de la Prusse. de Bernadotte lui permet de prendre l’offensive et de refouler les
Alors que la mobilisation prussienne pèche par sa lenteur et son Prussiens. Brunswick est tué au cours de la bataille, la famille
ignorance des positions françaises, l’Empereur avait donné dès le royale est contrainte à la fuite. Le 15, Murat lance ses cavaliers à
19 septembre des ordres pour réunir un groupe central (IIIe, IVe, VIe la poursuite des débris de l’armée ennemie.
corps et Garde impériale) dans la zone Ansbach-Bamberg-Amberg-
Wurtzbourg, couvert par le VIIe corps face à la Hesse, le Ve corps ...mais la victoire foudroyante
face aux débouchés de Thuringe et le Ier corps face aux débouchés Refoulés le 17 octobre lors des combats de Nordhausen et de
de Saxe. La cavalerie légère est déployée sur un front large de Halle, les Prussiens, selon le Bulletin de la Grande Armée,
200 km, pour constituer un réseau de surveillance. « disparaissent comme un brouillard d’automne au lever du soleil ».
L’armée prussienne est commandée par le vieux duc de La poursuite s’accélère, Berlin est occupé dès le 25. Les Français
Brunswick. Le roi Frédéric-Guillaume III, poussé par sa bel- achèvent l’enveloppement des Prussiens, vaincus à Altenzaun et
liqueuse épouse Louise, est également présent. La principale Zehdenick le 26 puis culbutés par les cavaliers français aux combats
faiblesse de l’armée prussienne réside paradoxalement sur ce qui de Boizenburg le 27 et de Prenzlau le 28. La brigade infernale de
fit sa force un demi-siècle plus tôt. Pétris de principes rigoureux et hussards du général Lasalle, soutenue par les cavaliers de Milhaud

+
intangibles — discipline du soldat, automatismes des manœuvres, et les fantassins de Roguet, achève le travail et s’empare de Stettin
Pour aller loin rigidité des formations —, ses chefs n’ont pas tenu compte des le 29 octobre. Blücher capitule à Lübeck le 7 novembre. Il ne reste
évolutions formidables apparues avec les guerres de la Révolution. guère au roi de Prusse, réfugié à Königsberg, que les 15 000 hommes
Notes sur la Or Napoléon déclenche une offensive fulgurante vers la Saxe à du général L’Estocq. Ils sont pour l’instant hors de portée de la
Prusse dans sa
grande catastrophe, partir du 8 octobre. L’armée est formée en 3 colonnes dans la dis- Grande Armée, d’autant que les Russes débouchent en Pologne à
Carl von Clausewitz, position de « bataillon carré » : front égal à la profondeur (60 km), leur secours. En une semaine, entre les 9 et 15 octobre, Napoléon et
Ivrea, 1999. avant-garde précédant le gros de l’armée d’une journée, colonnes sa Grande Armée ont totalement écrasé l’armée prussienne. Deux
Iéna-Auerstaedt. Le constituées de 2 corps à une demi-journée de distance et précédées combats préliminaires, Schleiz et Saalfeld, puis deux grandes
triomphe de l’Aigle, d’une brigade de cavalerie, bagages réduits au minimum. La tra- batailles, Iéna et Auerstaedt, auront suffi à faire basculer la Prusse
F.-G. Hourtoulle, versée des monts de Thuringe, isolant les différentes colonnes, est dans la réalité d’un désastre qui va longtemps désespérer le pays,
Histoire & Collections, dangereuse, mais ce risque est compensé par la rapidité du mouve- du simple soldat à la famille royale. Trois semaines de plus suffisent
2007 ment. Les 9 et 10 octobre, les combats perdus de Schleiz et Saalfeld à la destruction complète des forces armées prussiennes, prises au
Napoléon 1806, sont catastrophiques pour les Prussiens : le prince Louis-Ferdinand piège entre l’Elbe et l’Oder. On n’avait encore jamais assisté, au
Denis Sauvage,
est tué et les débouchés sur la vallée de la Saale sont ouverts. cours de l’ère moderne, à une victoire aussi foudroyante dans une
Shakos, 2016.
En 4 jours, Napoléon a tourné le flanc gauche ennemi. Les guerre opposant deux puissances européennes majeures. ■

48 • Guerres & Histoire HS No 4


Hambourg Boizenburg
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Armée française
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Salzbourg

Les Bulletins de la Grande Le duc de Brunswick (1735-1806) En 1805, le général Lasalle


Armée – suite de ceux de la est un vieux briscard prussien, dont – déjà légendaire – reçoit de
campagne d’Italie – donnent les premières campagnes remontent Napoléon le commandement
le récit officiel des opérations, à Frédéric II, et où il se montre au mieux. d’une brigade réunissant les
souvent sous la dictée En revanche, il ne brille guère durant les 5e et 7e hussards. Elle est
de Napoléon. Paraissant guerres de la Révolution (sa défaite à Valmy) bientôt surnommée la brigade
irrégulièrement, ils sont très et prend sa retraite en 1794. Il reprend du infernale, à la suite de la
lus dans l’armée, les écoles service en 1806, pour pousser à la guerre poursuite échevelée de l’armée
et même dans les villages où contre la France. À nouveau commandant prussienne après Iéna : 400 km
les maires en donnent des en chef, il se montre hésitant et connaît en deux semaines, qui lui
lectures publiques. l’humiliation puis la mort à Auerstaedt. livrent 20 villes et forteresses !

Guerres & Histoire HS No 4 • 49


1806 - La campagne de Prusse

L’EMPEREUR ET SA
GRANDE ARMÉE
TRIOMPHENT À IÉNA
14 octobre 1806

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I elfingen
ohenlohe-Ing
Prince de H
EFFECTIFS ts sur le
mes présen
82 750 hom de journée,

D
epuis Bamberg, Napoléon a projeté et réussi une taille en fin
marche rapide dans le dos des Prussiens. À la champ de ba t 60 000 environ seront
en
dont seulem engagés
suite des succès de Schleiz et Saalfeld, l’Empereur effec tivem ent
mes
s’installe à Gera le 13 octobre. Après avoir craint 53 000 hom
un retour offensif des Prussiens, il est désormais PERTES et blessés
et 7 500 tués 000 prisonniers,
convaincu d’un repli général de ses adversaires sur Magdebourg. entre 4 000 sé s, 15
ou bles
Napoléon ordonne alors une conversion vers la gauche de la totalité 12 000 tués ux capturés
et 30 drapea
de son armée dans le but de provoquer une grande bataille. Le Ve 200 canons
corps de Lannes qui est entré dans Iéna s’est ensuite établi par la DURÉE 6 h à 16 h
force sur le plateau du Langrafenberg. Napoléon le rejoint vers 10 heures, de NTEMENT
E L’AFFRO
16 heures et observe à la lunette ce qu’il croit être le gros de l’armée NATURE D
rencontre
prussienne. Il juge désormais probable — et souhaitable — une Bataille de NNEL
AT OPÉRATIO
bataille décisive dès le lendemain. RÉSULT èt e de s Français
m pl S
Victoire co IONNELLE
Q U EN CE S OPÉRAT ite co m mence
CONSÉ ux, la poursu
Une nuit d’intenses préparatifs Prusse m ise à ge no
ATÉGIQUE
S
L’Empereur décide de bivouaquer auprès de ses soldats. Les ENCES STR re neuf
CONSÉQU vaincue : il faudra enco
grenadiers du 40e régiment de ligne sont d’abord désignés pour t
La Prusse es signer un traité de paix
de
organiser son campement et sa protection avant d’être relevés par mois avant
les « grognards » de la garde impériale, dès son arrivée sur place.
Lorsque la nuit tombe, Napoléon, qui s’inquiète de l’absence d’ar-
tillerie française sur le Langrafenberg, découvre qu’un convoi est
bloqué dans un défilé très étroit. Il fait élargir le passage à coups
de pioche par les soldats. Enfin, les premières pièces d’artillerie
parviennent au sommet. Pour Napoléon, il est en effet capital de
disposer de tous ses canons. Il se plaît d’ailleurs à répéter que Au total, l’Empereur dispose, à portée de main, d’environ 80 000
« c’est avec l’artillerie que l’on fait la guerre ». Dans ce cas précis, hommes qui pourront participer à un moment ou à un autre aux
l’ennemi sera d’autant plus surpris qu’il n’imagine pas les Français combats du 14 octobre, sans tenir compte des corps de Bernadotte
capables de disposer de leur parc d’artillerie sur le plateau. et de Davout, déployés plus au nord. À Iéna, les corps d’armée
À Kapellendorf, Hohenlohe passe une nuit tranquille. Avec de Ney et de Soult, qui n’ont pas encore gravi le Langrafenberg,
ses 35 000 hommes et les 15 000 de Rüchel, il ne devrait avoir doivent entrer en scène après ceux d’Augereau et Lannes. La
aucun mal à vaincre les corps d’armée de Lannes et Augereau, préoccupation principale de Napoléon est de déployer son armée
qu’il pense isolés face à lui, s’ils commettaient la folie de venir dans la plaine, à partir de la position exiguë qu’il occupe sur les
l’attaquer. En aucun cas, il ne pense avoir à faire face à Napoléon hauteurs. Pour cela il faudra faire preuve d’ordre et de méthode.
et à la majeure partie de la Grande Armée. Au cours de cette nuit C’est sans aucun doute pour cela que l’Empereur insiste sur un
froide, les avant-postes de l’armée prussienne, dont les feux sont dispositif initial en deux lignes de deux corps d’armée chacune, afin
étendus sur plus de 20 kilomètres, se trouvent presque au contact d’éviter la confusion dans les rangs. Le point le plus important de
de ceux de l’armée française, concentrée sur le seul plateau du son plan est la mise en place d’une grande batterie, composée des
Langrafenberg. À 6 heures, un épais brouillard prolonge l’obscurité canons de la division Suchet et de ceux de la garde impériale. Son
nocturne. Napoléon d’un côté et Hohenlohe de l’autre disposent à objectif : écraser de boulets les villages situés en contrebas et semer
cet instant de forces égales, mais le premier se croit en infériorité le désordre dans l’armée ennemie, avant l’attaque des fantassins
numérique alors que le second est persuadé du contraire. français. Dans le camp prussien, c’est la dispersion des forces qui
Comme à Rivoli, Marengo ou Austerlitz, Napoléon prévoit prédomine. Tauentzien, avec les brigades Zweiffel, von Schönberg
d’engager le combat avant que toutes ses forces soient parvenues et les troupes légères de von Bila, soit 6 500 hommes au total, a
sur le site envisagé de la bataille. C’est en alimentant celle-ci avec bivouaqué en arrière de Lützeroda et de Closewitz, ne laissant que
des troupes de plus en plus nombreuses qu’il compte l’emporter. quelques détachements en observation à l’avant des villages. Le

50 • Guerres & Histoire HS No 4


Her mstedt
SAINT-HILAIRE
55e L

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43e L Dès le lever du
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DIVISION
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Fusiliers

gros des forces de Hohenlohe, environ 24 000 hommes, est dis- subissent une série de revers sur chaque ligne de défense. Après
persé dans un carré délimité par les quatre villages de Kötschau, ces premiers succès français, la bataille s’intensifie en avant du
Kapellendorf, Gross-Romstedt et Isserstedt. Enfin, Holtzendorff village de Vierzehnheiligen. Là, de 9 heures à 10 heures du matin,
se trouve avec environ 5 500 hommes à Dornbourg. Les 35 000 Lannes attaque la nouvelle ligne de défense établie par Tauentzien,
hommes de Hohenlohe sont donc séparés en trois groupes distincts entre Krippendorf et Vierzehnheiligen, deux kilomètres en arrière
incapables de se soutenir immédiatement. Enfin, Rüchel est encore de la première qui a déjà cédé. L’attaque des Français pivote sur la
à Weimar, avec environ 15 000 combattants. gauche, afin de s’orienter sur un axe plein ouest. Le corps d’Au-
gereau débouche à son tour à 10 heures, à l’extrême gauche du
Une matinée dans le brouillard dispositif français. De son côté, Ney, à peine arrivé sur le champ
À cause du brouillard intense, de la dispersion des troupes prus- de bataille, se lance dans la mêlée. À partir de 9 h 30 et jusqu’à
siennes et du fait de l’arrivée progressive des corps français sur les 10 heures, il engage l’ennemi avec une remarquable énergie, mais se
lieux, la bataille d’Iéna se décompose en une combinaison de quatre retrouve dangereusement isolé de reste de l’armée. Cette offensive
ou cinq affrontements, concomitants ou successifs. Napoléon donne précipitée donne lieu à de violents combats de cavalerie aux cours
l’ordre, dès le lever du jour, d’attaquer. Il a repéré les positions desquels les chasseurs à cheval et hussards français affrontent avec
ennemies la veille, et malgré le brouillard, il ne déclenche donc succès des cuirassiers ennemis, avant d’être débordés par le nombre.
pas le combat en aveugle. Lannes descend en premier des hauteurs À cet instant, Napoléon se trouve en avant de la garde impériale. Il
du Langrafenberg pour venir affronter Tauentzien. Dans le camp vient de suspendre par ailleurs ses attaques, dans le but de remettre
prussien, seul le général von Grawert, à la tête de la 1re division, de l’ordre dans son armée et d’y voir plus clair. Déconcerté par l’at-
a pris de sa propre initiative une série de mesures qui permettent taque précoce de Ney, qu’il aurait souhaité déclencher deux heures
aux Prussiens de se préparer à l’assaut imminent des Français. plus tard, après avoir achevé le déploiement de ses deux ailes et
De 6 h 30 à 9 heures du matin, les divisions Gazan et Suchet (Ve
corps) livrent un combat acharné aux troupes de Tauentzien pour
prendre le contrôle des villages de Closewitz, Cospeda et Lützeroda.
L’action se déroule au centre du champ de bataille. Celle-ci prend La ville d’Iéna est dominée La méthode d’attaque de l’armée prussienne repose
de l’ampleur avec l’arrivée de Soult (IVe corps), qui, après avoir par les hauteurs boisées du avant tout sur l’infanterie. Elle correspond à une
marché vers la zone des combats, prend à partie, entre 9 heures et Langrafenberg (220 m) et de succession d’avances au pas cadencé et de tirs,
11 heures, les troupes du général Holtzendorff. L’action se déroule Windknollen, qui débouchent en échelons, comme on a pu en voir une tentative
cette fois-ci sur le flanc droit de la Grande Armée. Dans le même vers l’ouest sur des plateaux à Valmy. Elle témoigne d’un conservatisme suranné
temps, le gros des troupes prusso-saxonnes, sous Hohenlohe, et le ouverts et ondulés descendant et de ce que l’on pourrait considérer comme une forme
VIe corps de Ney progressent vers le centre du champ de bataille. jusqu’à Weimar et Apolda. Le d’aveuglement, au regard de ce que les dernières
L’Empereur a prévu que, le moment venu, Ney déboucherait sur la terrain entre Iéna et Weimar campagnes en Europe ont démontré : s’il y a un pays
droite de Lannes et Soult. Alors que Napoléon envoie de plus en est barré par trois lignes où les leçons d’Austerlitz n’ont pas été retenues,
plus de bataillons à l’assaut de l’ennemi, les troupes prussiennes successives de villages. c’est bien en Prusse !

Guerres & Histoire HS No 4 • 51


1806 - La campagne de Prusse
le rassemblement de sa cavalerie, Napoléon n’hésite pourtant pas
longtemps. Maintenant que les troupes de Ney sont engagées, il Le chaos s’installe dans les
ne lui reste plus qu’à les soutenir : l’Empereur envoie dans un pre-
mier temps la brigade de cavalerie de Trelliard à son secours. Entre
rangs ennemis, et les cavaliers
11 heures et 13 heures, les deux armées s’affrontent dans un combat
général le long de la ligne Isserstedt-Vierzehnheiligen-Krippendorf.
français, épaulés par les
fantassins, lancent la
Un après-midi dans la lumière poursuite, sabre au clair.
Le brouillard se dissipe enfin à la mi-journée. Augereau à
gauche et Soult à droite sont désormais liés au centre de la Grande
Armée. Hohenlohe, qui sent la bataille lui échapper, se décide à de Zezschwitz. Soult bifurque de son côté vers le nord pour arrêter
réagir. Mais face aux assauts furieux des Français, ses contre- les soldats ennemis qui tentent leur chance en direction d’Apolda.
attaques en échelons (voir p. 51), menées de manière désuète À 16 heures, la bataille d’Iéna est terminée. Weimar est pris. Les
et au pas cadencé, ne pèsent pas lourd. Si la première manque d’al- Prussiens et les Saxons accélèrent leur retraite éperdue, désormais
lant, la seconde, organisée autour de 28 escadrons de cavalerie tirés en direction d’Erfurt. Napoléon fait une apparition à Weimar. Il
de la réserve, a, un temps, plus de succès. Mais ne parvenant pas à peut savourer sa victoire, car elle est totale : 12 000 Prussiens et
se soustraire à la pression que lui imposent les Français, Hohenlohe Saxons sont tués ou blessés, 15 000 faits prisonniers, 200 canons et
choisit d’attendre l’arrivée des renforts de Rüchel, en bombardant 30 drapeaux capturés ! Les pertes françaises se situent entre 4 000
Vierzehnheiligen avec des obus incendiaires qui mettent le feu au et 7 500 tués ou blessés. La Prusse est à genoux.
village. Grâce à l’action des corps de Soult, d’Augereau et des pre- La raison principale de la défaite prussienne provient de l’inca-
miers éléments de la réserve de cavalerie, Napoléon lance à partir pacité de ses chefs à engager la totalité de leurs forces de manière
de 13 heures une attaque sur toute la largeur du front. Elle se pour- coordonnée. Hohenlohe a dispersé ses troupes. Il s’est persuadé que
suit jusqu’à 14 h 30, sans que le corps de Rüchel n’ait pour l’instant Tauentzien pourrait arrêter à lui seul l’avant-garde française, il a cru
le temps d’intervenir. L’offensive, qui voit tous les corps d’armée trop longtemps nécessaire de maintenir les troupes de Holtzendorff
français attaquer de concert, a raison des lignes de résistance suc- à Dornbourg, il a voulu ménager les Saxons lorsqu’il s’est enfin
cessives des Prussiens qui plient avant de rompre définitivement. décidé à contre-attaquer. À l’inverse, les Français sont entrés en
Les villages tombent les uns après les autres aux mains des action dès leur arrivée dans la zone des combats. Les maréchaux, en
troupes françaises. L’ultime assaut de la Grande Armée est massif. particulier Lannes et Ney, n’ont jamais tergiversé. Napoléon, enfin,
Napoléon engage simultanément, de gauche à droite, le 105e de apparaît comme le chef d’orchestre de ce triomphe : à titre de com-
ligne, la totalité du corps de Lannes et la division Saint-Hilaire de paraison, Hohenlohe ne s’engage personnellement dans la bataille

+
Pour aller loin Soult. Ney et la garde impériale se tiennent en réserve. À partir de
14 heures, le chaos s’installe dans les rangs ennemis, et les cavaliers
français, épaulés par les fantassins, lancent alors la poursuite, sabre
que 4 heures après le début de celle-ci, alors que la défaite des
troupes de Tauentzien et de Holtzendorff est déjà consommée. Dans
le même temps, Napoléon a inspecté le futur champ de bataille,
Iéna. Octobre
1806, A. Blin, au clair. Sur un front désormais large de 9 kilomètres, la bataille organisé l’arrivée de son artillerie sur le plateau et soigneusement
Perrin, 2003. tourne au désastre pour les Prussiens. À 14 h 30, Rüchel débouche calculé les délais de marche nécessaires de chacun de ses corps
Iéna et Auerstaedt. enfin aux environs de Kapellendorf. À la tête des dernières troupes d’armée avant de donner ses ordres. Murat parcourt ainsi 60 kilo-
La victoire prussiennes organisées, il attaque en direction de Gross-Romstedt. mètres de nuit pour rejoindre Iéna avec sa cavalerie, et combat sur
foudroyante, F. Bey, Une fois sur le plateau, il est implacablement repoussé par des 40 km pendant la journée du 14 octobre, jusqu’à Weimar ! Pour
Quatuor, 2006. troupes françaises désormais très largement supérieures en nombre. livrer la bataille décisive d’Iéna, les corps d’armée français ont tous
Iéna 1806, À 15 h 30, l’armée prussienne n’est plus constituée que de longues marché, souvent plusieurs dizaines de kilomètres — sauf le corps
Frédéric Bey, colonnes de fuyards. La cavalerie des corps de Lannes et d’Auge- de Lannes et la Garde, qui ont bivouaqué sur le Langrafenberg —,
VaeVictis no 71, 2006. reau encercle et capture les derniers éléments des troupes saxonnes combattu, puis marché à nouveau pour poursuivre l’adversaire. ■

AUERSTAEDT, UNE OMBRE SUR LA VICTOIRE DE NAPOLÉON À IÉNA ?


Napoléon ne connaissait de rencontre, que son se matérialise lui aussi que cette grande unité de
peut-être pas exactement ni ampleur a transformé en globalement au cours de plus de 25 000 hommes
le nombre ni l’identité des bataille décisive. Comme double bataille d’Iéna- serait capable de résister,
forces qu’il a rencontrées à Iéna, mais dans des Auerstaedt. C’est bien le temps de lui envoyer du
à Iéna, il ne leur a pas conditions plus difficiles, Napoléon qui a décidé de soutien, à n’importe quelle
pour autant épargné une Davout est parvenu à engager détacher les jours précédents force adverse. Inutile donc
destruction complète. efficacement et de façon les corps de Davout et de chercher une quelconque
Qui plus est, lorsque cohérente ses forces, alors Bernadotte en direction de jalousie ou rivalité entre
Napoléon entre à Weimar, que son adversaire ne lui Naumbourg et au défilé de Napoléon et son lieutenant,
il ne sait pas ce qui s’est opposait que des attaques Kösen, pour y bloquer la route qui recevra d’ailleurs sans
passé à Auerstaedt. De parcellaires, au fur et à de Leipzig aux Prussiens. Il tarder les récompenses
ce fait, les historiens ont mesure que les régiments ne l’a pas fait par hasard, tout et les honneurs dus à son
longuement échafaudé des débouchaient sur le champ de comme il n’a pas retenu sans incroyable exploit. Napoléon
interprétations contradictoires bataille. réfléchir Davout, son meilleur a simplement choisi
sur l’hypothèse que c’est maréchal, le plus autonome d’envoyer le bon général
le maréchal Davout qui La victoire d’Auerstaedt et le plus habile de ses au bon endroit et au bon
aurait sauvé la journée du vaut-elle plus que celle lieutenants, pour accomplir moment. Malgré quelques
14 octobre en remportant la d’Iéna ? Son déroulement cette mission périlleuse. accrocs et imprévus, le plan
difficile bataille d’Auerstaedt, remet-il en cause la valeur du des opérations de Napoléon
livrée à 1 contre 2,5 face à plan général de Napoléon ? Envoyer en avant le était, à la mi-octobre 1806,
l’armée du duc de Brunswick, La question ne se situe pas maréchal Davout et le tout à fait magistral. Si
à une vingtaine de kilomètres vraiment là. L’Empereur IIIe corps, c’était pour Davout avait échoué, c’est
au nord d’Iéna. Auerstaedt, est globalement à l’origine l’Empereur un moyen de Napoléon qu’il aurait d’abord
comme Iéna, est une bataille d’un éclatant succès qui limiter ses risques, sachant fallu blâmer.

52 • Guerres & Histoire HS No 4


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ronne ?” demande Pépin le Bref tout de ces hériers vraiment pas
aupape... Adresse .................................................................................................. comme les autres !
Eylau, 8 février 1807 :
Napoléon déclenche
à midi une charge
immense de cavalerie
contre l’armée russe.
La victoire est acquise
mais elle est chère et
sans bénéfice.

54 • Guerres & Histoire HS No 4


3
LA CAMPAGNE
DE POLOGNE 1807
Pour stopper l’avance des troupes russes et imposer
le blocus continental au commerce britannique,
la France doit se battre en Pologne. La campagne, et ses
deux batailles majeures, Eylau en hiver et Friedland
en été, marque l’apogée de l’Empire napoléonien.

●●●

●●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 55


1807 - La campagne de Pologne

LES CHAUDS ET
FROIDS DE LA
GRANDE ARMÉE

F ace à Napoléon, le tsar Alexandre se rêve en « pro-


tecteur » de l’Europe conservatrice. Il rend l’Autriche
responsable de sa défaite d’Austerlitz, en 1805, et
nullement découragé, rejoint la Prusse au sein de la coalition
de 1806, dans l’espoir d’une revanche. Mais Iéna et Auerstaedt
mettent l’armée prussienne hors-jeu dès le mois d’octobre, et
lorsque les troupes russes de Bennigsen pénètrent en Pologne,
Napoléon est déjà installé à Berlin.

Objectif de Napoléon, le blocus


de Bennigsen à Pultusk, tandis que Davout assaille les deux divi-
sions de Golymin et que Ney repousse L’Estocq de Soldau. Les
combats sont acharnés et les pertes sont lourdes. Les Russes se
replient vers Ostrolenka, puis en direction de Königsberg tout
en affirmant avoir obtenu la victoire.
À la fin janvier, Napoléon et Bennigsen échafaudent de
nouveaux plans. Le général russe remet son armée en marche,
dans l’idée d’effectuer un mouvement qui contournera la gauche
française. Napoléon concentre alors les corps de son armée vers
Willenberg. Il demande à Ney de couvrir le front et de retarder
À l’automne 1806, l’objectif de Napoléon est de poursuivre Bennigsen, et lance Bernadotte dans une manœuvre de contour-
PAR FRÉDÉRIC BEY sa marche vers la Prusse-Orientale et la Pologne pour s’assurer nement des Russes sur leur droite, en direction d’Eylau. C’est le
(voir biographie p. 24)
le contrôle des côtes de la Baltique et permettre la mise en œuvre schéma avorté de la manœuvre de Pultusk qui est en quelque sorte
du décret sur le blocus continental (voir p. 64) tout juste signé à remis à l’ordre du jour. Après un premier contact et des premiers
Berlin. Les premières escarmouches entre les deux armées ont affrontements à Jonkowo, Bennigsen, conscient des tentatives
lieu à la fin novembre sur la Vistule. Les Russes se retirent et de débordement dont il est la cible, abandonne son plan. Il rétro-
les Français entrent triomphalement à Varsovie le 28 novembre. grade à toute vitesse vers Königsberg, via Landsberg et Eylau.
Désormais déployée le long du fleuve, entre Thorn et Varsovie, C’est là, le 7 février 1807 que les deux armées se retrouvent face
la Grande Armée est prête à lancer une offensive vers le nord, à face pour une des plus effroyables boucheries de toute l’épopée
mais Napoléon hésite à s’engager dans une campagne d’hiver. napoléonienne. La bataille, frontale et sans artifice, provoque
Pendant ce temps, les Russes accélèrent la concentration de des pertes apocalyptiques : entre 15 000 et 20 000 Français sont
leurs forces. Bennigsen dispose désormais de quatre divisions mis hors de combat, les Russes déplorent 11 000 morts et un
à Pultusk et deux autres divisions rassemblées plus au nord, à total de pertes supérieur aux Français. Malmené, Napoléon va
Golymin, pour maintenir le contact avec les troupes prussiennes passer près d’une semaine sur le champ de bataille, pour prouver
qui rétrogradent alors vers l’est. Le 15 décembre, Napoléon se à l’Europe qu’il est bien le vainqueur de la bataille d’Eylau.
décide à lancer une vigoureuse offensive sur toute la ligne de
front, mais le temps exécrable et la boue l’empêchent de réussir Une brillante manœuvre
une manœuvre de débordement. Le 26 décembre 1806, Lannes Après un siège difficile, Dantzig tombe enfin le 27 mai aux
et ses 20 000 hommes attaquent directement les 37 000 hommes mains des Français. Au début du mois de juin 1807, Napoléon
a reconstitué en Pologne une armée de 100 000 hommes, avec
l’apport de nouveaux conscrits et des renforts venus d’Italie avec
le maréchal Masséna. Bennigsen dispose de 85 000 hommes
La quatrième coalition Levin August von aux alentours de Heilsberg, au sud de Königsberg. L’Estocq et
regroupe l’Angleterre, Bennigsen (1745-1826) 5 000 Prussiens couvrent son flanc droit, jusqu’à la Baltique, et
la Prusse, la Russie et est un officier allemand 18 000 Russes, dirigés par Tolstoï, sont déployés à Ostrolenka,
la Suède. L’Autriche, entré au service la Russie bien plus au sud et sans liaison directe avec l’armée principale.
vaincue à Austerlitz en 1773. Battu à Eylau et En livrant le VIe corps de Ney en appât à l’offensive lancée
et qui a signé le traité à Friedland, on le reverra le 5 juin par Bennigsen, Napoléon va réussir une des plus
de Presbourg, n’en fait toutefois à Borodino belles manœuvres de sa carrière : il attire volontairement les
bien entendu pas partie. (1812) et à Leipzig (1813) Russes vers le sud, où se trouve le corps de Davout, prêt à
où il est anobli par le tsar. servir de pivot immobile à l’opération préparée par Napoléon.
L’Empereur donne l’ordre à Davout de rétrograder lentement,

56 • Guerres & Histoire HS No 4


Königsberg
Mer Baltique
Fr ied lan d
Ey lau
XXXX
Dantzig 8 Fév.
BENNIGSEN

Heilsberg
10 Jan.

3 Fév.
A l lenstein

Willenberg
XXXX

L obau
1 Fév. NAPOLÉON 1 Fév.
NEY

Ostrolenka
Neidenburg
25 Dec.
Soldau

Mlawa

31 Jan.
Vis

Golymin
tul
e

P ultus k
P loc k
22 Déc. Czar n o vo 25 Déc.
Rhin

Mod lin
Varsovie

puis de bloquer Bennigsen pendant qu’il débordera le flanc


droit des Russes avec le reste de l’armée. Les jeux sont faits
dès le 11 juin. Profitant à plein de l’action aspirante de Ney,
Bennigsen retraverse l’Alle le 14 juin au matin pour venir l’atta-
quer en force. Il ne sait pas que dans la nuit précédente Napoléon
a déjà organisé la concentration de ses troupes pour contre-atta-
Pour aller + loin
D’Eylau à Friedland,
Napoléon se retrouve solidement installé avec toute son armée quer dans l’après-midi du 14 juin. Les Russes, qui combattent F.-G. Hourtoulle,
entre Königsberg et Bennigsen. Ce dernier, dépassé par les évé- désormais le dos à la rivière, sont écrasés. La victoire fran- Histoire & Collections, 2007.
nements, passe la rivière Alle vers l’est le 13 juin au soir par çaise est cette fois complète, la moitié des 60 000 hommes de Jours de Gloire
l’unique pont de Friedland. Napoléon réussit le lendemain, à Bennigsen sont hors de combat. Le 16 juin, Soult s’empare de Campagne II :
l’échelle tactique, le même coup de génie que celui réussi à Königsberg. Napoléon et le tsar Alexandre se rencontrent sur La Pologne, Frédéric Bey,
VaeVictis no 47, 2007.
l’échelle stratégique depuis le 5 juin, avec cette fois le corps le radeau de Tilsit à partir du 7 juillet pour conclure une paix
d’armée de Lannes comme appât. Le croyant isolé devant lui, qui marque l’apogée de l’empire napoléonien. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 57


1807 - La campagne de Pologne

EYLAU,
UNE VICTOIRE
DOULOUREUSE
8 février 1807

ANTS
COMMAND er
N ap oléo n I
Bennigsen
EFFECTIFS 000 hommes
mes puis 30
45 000 hom
renforts
arrivant en 0 Prussiens
ses et 15 00

L
e général russe Bennigsen lance par surprise, à la 65 00 0 R us
mi-janvier 1807, une audacieuse offensive d’hiver. PERTES sés
15 000 bles
Rapidement en difficulté, il se résout très vite à rétro- 5 000 tués et et 900 Prussiens
s
grader vers Königsberg. Les Français, Murat et sa 30 000 Russe
cavalerie en tête, accrochent son arrière-garde les 6 et DUR É E
8 h à minuit
7 février près du village d’Eylau. 16 heures, de NTEMENT
E L’AFFRO
Napoléon, bien qu’en infériorité numérique, ne veut NATURE D
rencontre
pas laisser échapper son adversaire. Bennigsen dispose sans Bataille de ATÉGIQUE
S
U ENCES STR campagne de
doute de 64 000 hommes. D’autres sources parlent de 72 000 à CONSÉQ la
ut attendre
80 000 hommes. Son front, à plus d’un kilomètre d’Eylau, s’étend Aucune, il fa la guerre
te m ps po ur achever
en largeur sur 4 500 mètres. L’infanterie est déployée en ordre serré prin
sur deux lignes. La cavalerie couvre les deux ailes, avec un groupe
en réserve au centre. La particularité du dispositif russe réside dans
la mise en place de trois grandes batteries d’artillerie.
après 8 heures, par une terrible canonnade. Sur la gauche de la
Quatre kilomètres de front Grande Armée, Français et Russes lancent sans grand succès leurs
Napoléon a réparti les 45 000 hommes dont il dispose de premières attaques. Les choses sérieuses commencent à 9 heures,
manière plus dispersée pour couvrir au total 4 000 mètres de lorsque Napoléon décide d’attaquer sur sa droite, en profitant de
front. Le corps du maréchal Soult est en première ligne, sur toute l’arrivée progressive sur le champ de bataille des divisions du
cette longueur. Dans le plan général de Napoléon, la décision doit Ier corps de Davout. La division Saint-Hilaire, séparée du reste
venir des troupes qui ne sont pas encore arrivées sur le champ de du IVe corps et placée sous les ordres directs de l’Empereur, est
bataille : Davout (15 000 hommes) qui est alors à 15 km d’Eylau, envoyée à la rencontre des unités de pointes de Davout pour mener
et Ney (14 500 hommes), occupé à surveiller les Prussiens de cette offensive qui connaît de jolis succès jusqu’à 10 heures. Les
L’Estocq à près de 35 kilomètres de la gauche de l’armée. La Russes la stoppent enfin grâce à leur cavalerie avant de reculer sur
cavalerie est déployée en réserve. Tôt dans la matinée du 8 février, une ligne perpendiculaire à celle de leur centre. C’est alors que
la garde impériale se positionne aux abords de l’église d’Eylau Napoléon décide de porter ce qu’il pense être le coup de grâce, en
et le corps d’Augereau se place sur la droite du corps de Soult. lançant le VIIe corps d’Augereau contre le centre ennemi. Mais les
L’Empereur compte attaquer par les ailes avant de frapper deux divisions s’égarent à cause d’une terrible tempête de neige.
au centre. Bennigsen se satisfait de sa position d’attente et espère Elles marchent parallèlement à la ligne de front russe et débouchent
écraser les Français grâce à son artillerie. La bataille s’ouvre, peu face à leur principale batterie, qui ouvre le feu à la mitraille et

Sur la droite, la première des trois Après une expérience à moindre échelle
batteries russes compte 40 pièces à Austerlitz, Napoléon décide, avec
lourdes et 20 légères. Massée la grande charge d’Eylau, d’utiliser
devant Eylau, en plein centre de sa cavalerie comme une force de choc
la ligne russe, la deuxième batterie offensif, comme une arme de pénétration
rassemble 70 pièces lourdes. capable de rompre les dispositifs défensifs
Enfin une troisième batterie de les plus solides. La cavalerie se voit
40 pièces lourdes est placée entre confier une mission autonome qui n’entre
la deuxième batterie et le village pas dans le cadre d’une combinaison
de Klein-Sausgarten. inter-armes.

58 • Guerres & Histoire HS No 4


provoque des pertes effroyables. Bennigsen exploite ce carnage
en lançant une partie de ses réserves dans la bataille. La situation
est désormais fort compromise, car la cavalerie russe s’engouffre
Napoléon se refuse à lancer la Garde à pied dans la bataille. À
15 heures, il est rassuré et rentre à Eylau. Mais L’Estocq est par-
venu à se soustraire à la poursuite du maréchal Ney. Débouchant
Pour aller + loin
Eylau (8 février
dans le trou béant laissé par le VIIe corps qui reflue en déroute. sur l’aile droite russe, les Prussiens traversent le champ de bataille 1807), Frédéric
pour aller contre-attaquer sur la gauche de Bennigsen. Face à ces Naulet, Economica, 2007.
Une charge de 11 000 chevaux troupes fraîches, les Français reculent à nouveau. Ney débouche Eylau 1807,
Frédéric Bey,
Une colonne offensive de 4 000 Russes approche maintenant du alors à son tour sur le champ de bataille à partir de 18 heures. En
VaeVictis no 77, 2007.
cimetière d’Eylau. Avec sang-froid, et pour la première fois depuis attaquant vers 19 heures sur l’arrière du flanc droit russe, alors que
Marengo, l’Empereur envoie un bataillon de la Vieille Garde pour la nuit tombe, Ney provoque la retraite de Bennigsen. Les combats
les repousser. Il fait rassembler par Murat toute la cavalerie dispo- se poursuivent jusque tard dans la nuit, les Russes contre-attaquant
nible, soit 80 escadrons et près de 11 000 chevaux. L’objectif est de pour couvrir leur retraite en direction de l’Alle. L’Estocq gagne
briser les trois lignes d’infanterie russe placées au centre du front, de son côté Königsberg. L’épuisement des régiments de cavalerie
protégées par leur grande batterie. La grande charge est déclen- français rend néanmoins toute tentative de poursuite très difficile.
chée à midi. Les dragons de Grouchy nettoient le terrain avant que Le lendemain, Napoléon découvre avec stupeur l’ampleur de
les cuirassiers d’Hautpoul ne chargent, ouvrant une brèche dans les ses pertes. Avec 5 000 morts (dont 16 généraux) et 15 000 blessés,
deux premières lignes ennemies. Napoléon engage la Garde à che- son armée est saignée à blanc. Le bilan est encore pire pour les
val pour enfoncer le clou. Grenadiers et chasseurs à cheval partent Russes : 7 000 tués, 5 000 blessés abandonnés sur place et 15 000
à l’assaut. Au terme de cette charge immense et spectaculaire, autres évacués vers Königsberg. Les Français ont fait 4 000 prison-
3 000 cavaliers français sont hors de combat, mais leur mission est niers, portant à 30 000 hommes le nombre de Russes hors de combat.
accomplie. Le centre de la Grande Armée est rétabli, et Bennigsen Les Prussiens ont perdu 900 hommes. Si la victoire française est
ne peut plus envisager la moindre action offensive sur Eylau. incontestable, Russes et Français regagnent leurs quartiers d’hiver
Sans nouvelles concrètes de Ney et des Prussiens de L’Estocq, sans avoir obtenu le moindre bénéfice de la bataille d’Eylau. ■

L’Empereur veut attaquer par les ailes, puis frapper au centre.


Quant à Bennigsen, il espère l’écraser par son artillerie.

N EY
16h00 LESTOCQ
15h00
Retraite
S chlod it t en ordonnée
de nuit
MARKOV Ku t s c h i t t e n
TOUTCHKOV
XXXX
A nkla p p en
BENNIGSEN Lampasch
SOMOV

DOKHTOUROV

SACKEN
SOULT L ev
al
IV e CORPS
KAMENSKI
Le

Cimet ière
Pre u s s i s c h - E y l a u
gr

10h00 OSTERMANN
an
d

Garde K le i n - S a u s g a r t e n
10h30
AUGEREAU
D’ 10h30
VII e CORPS Ha 14h00
BAGGOVOUT
ut
po
Sa
S e r p a llen
ul in
Gr t-H
ou ila
Garde ch K lei ire
y n Mil Friant
MURAT hau Marulaz
Rothenen d DAVOUT

Guerres & Histoire HS No 4 • 59


1807 - La campagne de Pologne

FIN DE PARTIE
POUR LES RUSSES
À FRIEDLAND
14 juin 1807

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
Bennigsen
EFFECTIFS
mes le matin
26 000 hom près-midi
0 l’a
puis 80 00
ho m mes

A
u début de juin 1807, Napoléon a reconstitué la 60 00 0
Grande Armée, désormais forte de 600 000 hommes PERTES 0 blessés
0 tués et 6 30 ns
sous les armes, Français et alliés, dans toute l’Eu- environ 1 70 000 blessés et 80 cano
,7
rope. Seuls 100 000 hommes, dont ceux du corps 11 000 tués
de Masséna, rappelé d’Italie, vont participer active- DURÉE 22 h 30
, de 8 h 00 à
ment à l’offensive d’été contre les Russes en Pologne, dans l’espoir 14 heures 30 N TEMENT
E L’AFF R O bataille
d’obtenir une victoire et la paix. Bennigsen est à la tête de forces à NATURE D e Bennigsen dans une
tir
peu près égales dans cette région, dont environ 10 000 Cosaques. Napoléon at
piège NNEL
Le Russe s’appuie sur Königsberg, dernière grande ville prus- OPÉRATIO
sienne à ne pas être tombée aux mains de Napoléon. RÉSULTAT gn e
mpa
Fin de la ca
AT POLITIQUE
Bennigsen dans la souricière RÉ SU LT té de Tilsit
nc lu e par le trai
Paix co
Le fantasque général décide d’aller attaquer Napoléon — qu’il
nomme par provocation le « vaincu d’Eylau » — en marchant sur
la basse Vistule. L’Empereur, qui souhaite couper les Russes de
Königsberg, est un instant pris de court. Il a rangé ses corps d’ar-
mée le long de la Passarge : du nord au sud, on trouve Bernadotte
(Ier corps), Soult (IVe corps) et Davout (IIIe corps). La réserve de
cavalerie et la garde impériale sont en arrière. Lannes, avec la
réserve d’infanterie, et Mortier (VIIIe corps), sont entre Dantzig
et la Passarge. L’armée polonaise, commandée par Poniatowski, Friedland, le 13 juin au soir, dans l’espoir de regagner Königsberg
occupe la Pologne et couvre le flanc droit, en liaison avec Masséna. où se sont déjà réfugiés L’Estocq et ses 5 000 Prussiens.
Napoléon va réussir sa première manœuvre, grâce au VIe corps du Bennigsen découvre dans la matinée du 14 juin la présence
maréchal Ney, établi à Altkirch, en avant du front français. Le 5 juin de l’avant-garde française constituée des 26 000 soldats du corps
1807, Bennigsen lance en effet une offensive sur Ney qui lui est de réserve de Lannes. En effet, Napoléon avait sciemment lancé
livré en appât et qui va l’entraîner, en se retirant, dans une véritable la veille son maréchal, qui était alors à Eylau, à la poursuite de
souricière. Dès le 11 juin, profitant à plein de l’action aspirante de Bennigsen pour tenter de le pousser une nouvelle fois à la faute. Le
Ney, Napoléon parvient à se placer, avec une grande partie de son général russe, jugeant Lannes isolé et donc une proie facile, com-
armée, entre Königsberg et Bennigsen. Ce dernier, dépassé par met l’imprudence de retraverser l’Alle vers l’ouest avec ses 60 000
les événements, franchit en catastrophe la rivière Alle vers l’est, à hommes, en utilisant le pont de bois fixe et trois ponts de bateaux de
Friedland. Il déploie ensuite son armée, dos à la rivière, pour enga-
ger la bataille. Il ignore que depuis le 13 juin au soir, Napoléon fait
converger plus de 50 000 hommes des corps de Ney, Mortier, Victor
Le général Alexandre-Antoine Hureau de Sénarmont (qui vient de remplacer Bernadotte blessé), de la garde impériale
(1769-1810) organise à Friedland ses canons en deux et des divisions de cavalerie Grouchy et Latour-Maubourg vers
batteries de 15 pièces – il en garde 6 en réserve – qu’il Friedland. De 8 heures à 13 heures, Lannes mène une éprouvante
déploie sur les flancs de la division Dupont. Mais il avance bataille défensive pour contenir les colonnes russes que Bennigsen
plus vite que les fantassins, et attaque ainsi seul le lance contre lui. Il reçoit bientôt le soutien de la division Verdier
centre de l’armée russe. Les attelages tractant les pièces du corps de Mortier, puis de la grosse cavalerie de Nansouty. Les
foncent, suivis à la course par les artilleurs. C’est une Russes perdent du temps en cherchant à combiner aux mieux leurs
sorte de « charge d’artillerie ». La batterie, qui tire 2 600 actions. Finalement, Gortchakov attaque Heinrichsdorf, sur la
coups en trois heures, de très près (entre 100 et 400 m route de Königsberg, et Bagration Posthenen, sur la route d’Eylau.
des cibles), cause des pertes immenses aux Russes. Mortier déploie son artillerie et stoppe la poussée russe contre la

60 • Guerres & Histoire HS No 4


OUVAROFF
Grouchy 1
Ro
ute 4 GALITZINE
de 4

nis 1
gb Nansouty
erg
MORTIER
1 LAMBERT
VIIIe CORPS Gué
Heinrichsdorf 3
Kloschenen
1

Alle
GORTCHAKOV
3
Oudinot
2
LANNES Pont de
Ve Corps GARDE RUSSE bateaux

Verdier 3
KOLLOGRIBOF BENNIGSEN
2 Fr i e d l a n d
Sénarmont 2
VICTOR
1er Corps
3 3 4
2 Chapelle
Latour-
Maubourgg 2
Po s t h e n e n
GARDE BAGRATION

2 NEY
VIe Corps
PLATOV
MARCHAND
Bothke i n B ois de
S o r t l ac k

Les troupes ennemies sont bientôt entassées dans Friedland,


accablées par les tirs à la mitraille des canons français.

+ loin
droite française. Lannes, avec une parfaite maîtrise tactique, utilise des cavaliers de Latour-Maubourg et du reste du corps de Victor,
les moindres replis du terrain pour tenir. Les grenadiers d’Oudinot renverse les troupes ennemies qui se retrouvent bientôt entassées Pour aller
et les cuirassiers de Nansouty parviennent à boucher les brèches dans le village de Friedland, accablées par les tirs à la mitraille des La Victoire. Juin
ouvertes par l’ennemi. Napoléon, qui était à Eylau à 10 heures, canons français. Bennigsen est personnellement parvenu à franchir 1807, Yves Amiot,
arrive sur le champ de bataille un peu après midi, au moment où l’Alle, mais les ponts sont bientôt détruits par les tirs des Français Librairie José Corti, 1980.
les Russes marquent une pause. Il observe les positions ennemies à et les soldats de son aile gauche n’ont plus d’autre solution que La Bataille
la longue-vue et arrête son plan : s’emparer des ponts de Friedland, de se jeter dans la rivière. Ney et Dupont font alors leur jonction de Friedland,
en plein centre, et détruire les deux ailes russes acculées à la rivière. dans le village en flammes. L’offensive de Napoléon continue à se Didier Rouy, Azure Wish
développer jusqu’à l’extrême gauche du dispositif français. Dos à Enterprise, 1996.
Napoléon attaque par la droite la rivière, les Russes résistent comme ils le peuvent. Gortchakov
À 13 heures, Napoléon s’installe à Posthenen et prend person- tente de reprendre Friedland aux Français. Après avoir pénétré un
nellement la direction de la bataille. Il fait monter progressivement instant dans le village, ses troupes sont refoulées vers le nord. La
en ligne les renforts qui arrivent de toute part. Disposant à 17 heures colonne située à l’extrême droite de la ligne russe découvre un gué
de 80 000 hommes, il lance d’abord son offensive sur la droite. qui permet à Gortchakov de sauver quelques milliers d’hommes.
Le maréchal Ney traverse les bois de Sortlack, pour atteindre une À 22 h 30, les Russes déplorent 11 000 morts, 7 000 blessés et
boucle de l’Alle. Les canons russes de la rive droite de la rivière un nombre difficile à évaluer de noyés. Ils abandonnent 80 canons
font néanmoins des dégâts dans les rangs français. Une contre- et des dizaines de drapeaux. Napoléon a perdu 1 700 tués, et envi-
attaque de la garde à cheval russe est arrêtée par la cavalerie de ron 6 300 Français sont blessés. Si la lutte a été chaude, le succès
Latour-Maubourg et l’offensive lancée par Victor. Bientôt confinés de Napoléon est total. L’Empereur a manœuvré pour obtenir une
dans la boucle de l’Alle, les Russes tentent de se dégager, mais sans bataille décisive le 14 juin, jour anniversaire de Marengo, et il est
succès. La défaite de Bennigsen est désormais scellée. L’offensive parvenu à ses fins de la plus brillante des manières. Il cherche ainsi
décisive des Français a lieu en plein centre, appuyée par la batte- à marquer les esprits et à obtenir avec le traité de Tilsit, fruit de sa
rie du général Sénarmont. La division Dupont, accompagnée victoire, la manifestation de l’apogée de son Empire. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 61


LA CAMPAGNE
D’ESPAGNE 1808
Dans un pays où la population rejette la présence
française, la campagne ne s’apparente pas à un
affrontement militaire entre deux armées, mais bien
à une occupation se heurtant à une résistance. Une
situation complexe pour Napoléon et son état-major.

62 • Guerres & Histoire HS No 4


Le 30 novembre
1808, à Somosierra,
le 3e escadron de
chevau-légers polonais,
de service auprès de
l’Empereur, charge les
batteries espagnoles.

●●●

●●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 63


1808 - La campagne d’Espagne

NAPOLÉON
MANŒUVRE EN
TERRE HOSTILE

L a défaite de la flotte franco-espagnole à Trafalgar, le


21 octobre 1805, d’abord, et la menace des puissances
autrichiennes, russes et prussiennes à l’est, ensuite, ont
enlevé tout espoir à Napoléon d’agir directement et de manière
décisive sur le sol britannique. En conséquence, le 21 novembre
1806, il a signé le décret dit de « Berlin » qui ferme l’ensemble des
ports du continent européen au commerce britannique pour l’atta-
quer dans ce qu’il pense être un point faible majeur. L’application
stricte de cette mesure est toujours à l’ordre du jour en 1808. Les
aménagements, politiques et économiques, n’apparaîtront en effet
Les tensions internes à la couronne d’Espagne qui opposent
Charles IV à son fils Ferdinand, le rôle du Premier ministre
Godoy et les soubresauts d’une société tiraillée entre extrême
conservatisme, vu de France, et progressisme des Lumières
forment l’arrière-plan qui transforme la péninsule ibérique en pou-
drière et en piège. Mais Napoléon, guidé par sa méfiance vis-à-vis
de la solidité de l’alliance espagnole, ses objectifs stratégiques et
son souhait de poursuivre aussi la politique de Louis XIV qui a
permis de créer des liens du sang entre les deux monarchies, pro-
fite de la situation. Le 2 mai 1808, un soulèvement antifrançais et
que vers 1810. de soutien à Ferdinand est écrasé par Murat à Madrid. Le 5 mai, à
PAR PATRICK BOUHET Le blocus continental, réponse au blocus naval, constitue le Bayonne, à la suite de manœuvres diplomatiques et personnelles
(voir biographie page 40) pilier d’une véritable guerre économique conduite par l’Empire de Napoléon, Ferdinand VII abdique. La couronne est proposée à
français contre le Royaume-Uni. Faute de guerre d’escadres, il Joseph Bonaparte, alors roi de Naples, le 10.
faut contrôler les ports. Une autre raison peut expliquer certaines
décisions : la volonté de Napoléon de reconstituer une marine Une invincibilité mise à mal
suffisamment puissante pour s’opposer à la Royal Navy. Pour Mais militairement, les choses s’engagent très mal. En Espagne,
atteindre ce but, il doit s’appuyer sur tous les moyens de ses alliés, le général Dupont placé à la tête d’un corps d’armée capitule,
des marines de guerre constituées aux ressources naturelles dispo- dans des conditions terribles à Bailén. La réputation d’invincibilité
nibles. Ou a minima neutraliser, comme l’ont fait les Britanniques, des armées impériales est mise à mal, la situation est telle que
les forces navales qui pourraient faire pencher la balance encore Joseph abandonne Madrid, le 22 juillet 1808. Au Portugal, Junot
plus au profit de ceux-ci. C’est pourquoi, le Portugal, allié écono- est battu et doit capituler, dans des conditions honorables, face aux
mique de la Grande-Bretagne, est attaqué par Junot avec l’aide de Britanniques venus soutenir leur allié en août 1808. La Prusse,
l’Espagne en application d’une convention secrète. Des troupes l’Autriche et la Russie se remettent lentement des campagnes de
françaises d’appui entrent en Espagne sous les commandements 1805, 1806 et 1807. Ce théâtre d’opérations semble sûr et calme.
de Moncey et Dupont. Murat, nommé commandant en chef en Davout et Oudinot, principalement, assurent la sécurité à l’est des
Espagne, le 20 février 1808, rêve déjà d’une couronne qui corres- frontières de l’Empire en bénéficiant de l’appui des armées de la
pondrait à son ambition et à celle de son épouse Caroline, sœur Confédération du Rhin et du Grand-Duché de Varsovie.
de l’Empereur. Aussi Napoléon pense qu’il peut régler les affaires espa-
gnoles et portugaises personnellement et conduit une armée de
150 000 à 200 000 hommes contre les forces espagnoles réunies
contre Joseph et lui. Il doit d’une part retrouver le prestige perdu
Charles IV (1748- Manuel Godoy (1767-1851), à Bailén, d’autre part en terminer avec ses adversaires, y compris
1819) est un souverain favori et amant de la reine avec l’armée du général Moore (voir p. 67) ce qui mettrait fin
faible, dominé par son Marie-Louise, devient Premier à la présence britannique dans la péninsule et surtout au soutien
entourage. Son fils ministre en 1792 et exerce qu’elle apporte à la résistance portugaise et espagnole. L’armée
Ferdinand complote quasiment seul le pouvoir. d’Espagne est composée d’une réserve de cavalerie sous les ordres
contre lui. En mars 1808, Par sa politique incohérente, de Bessières et de 7 corps d’armée (Victor, Lefebvre, Mortier,
il abdique en faveur de il est discrédité, haï de tous, Ney, Soult, Moncey, Gouvion St-Cyr) et de la garde impériale.
son fils, puis le force à lui et devient la marionnette de La campagne débute le 6 novembre avec l’arrivée de Napoléon à
rendre sa couronne et la Napoléon. Arrêté en mars Vitoria. L’objectif est de percer le centre des lignes espagnoles qui
transmet à Napoléon Ier. 1808, il finit sa vie en exil. s’étendent de la Catalogne à la Galice, puis de détruire les armées

64 • Guerres & Histoire HS No 4


L a C orogne
16 jan. 1809
S antander
16 no v. 1808 B ayo n n e xxxx
xxx B ilbao NAPOLÉON

1
SO ULT
L eon P ampelune
V itor ia
B u r go s
10 no v. 1808 xxxx
P ORT UGAL 2
PALAFOX
T ordesillas V a l l ad o l i d 3 NE Y
xxx Douro xxxx
S a r a go s s e
S o m o s i e r ra
MOORE

Eb
30 no v. 1808 B arcelone

re
VIVES

WELLESLEY Tage M adrid


Vimeiro 4 déc. 1808
21 août 1808 E S PA G N E V alence
JUNOT Guadiana
L isbonne
D UPON T

B ailén
19 juillet 1808
Armée
C ordoue M u rc i e française
S é v il l e Armée
espagnole
xxxx
1 BLAKE

M alag a xxxx
2 BELVEDERE

xxxx
3 CASTANOS

Objectif : percer le centre des lignes espagnoles, de la Catalogne


à la Galice, puis détruire les armées ennemies isolées.

+ loin
ennemies isolées les unes des autres à partir de la position centrale parce qu’il est absent ; l’Autriche, profitant de son engagement en
conquise. Dans la foulée, il s’agit aussi de reprendre Madrid et de Espagne, réarme et pense profiter de la situation pour venger la Pour aller
réinstaller Joseph sur son trône. Dès le 10, Soult occupe Burgos campagne de 1805. Le 23 janvier, Napoléon est revenu à Paris. L’Espagne contre
tandis que Victor l’emporte le 11 contre les forces espagnoles des Cette courte campagne d’Espagne est à l’image des guerres Napoléon, J.-R.
généraux Blake et de La Romana. Le 23, c’est Lannes, qui vient menées par Napoléon. Ce sont souvent les événements qui lui Aymes, Nouveau Monde/
d’arriver, qui l’emporte à Tudela. La manœuvre n’atteint pas tous commandent. La multiplicité des adversaires implique toujours Fondation Napoléon, 2003.
les objectifs espérés car toutes les armées espagnoles n’ont pas été le risque d’être attaqué là où il n’est plus. Par ailleurs, la stabi- A History of the
détruites, mais Napoléon entre à Madrid le 4 décembre. lité du régime impérial n’est pas suffisante pour qu’une longue Peninsular War,
absence ne comporte pas de risques intérieurs. Enfin, la campagne Sir Charles Oman (dir.),
Greenhills Books, 1999.
Les Anglais en embuscade d’Espagne démontre aussi les limites du système napoléonien.
Tomb for an
Renseigné alors sur les mouvements britanniques, il se retourne La prise de la capitale, la victoire sur le champ de bataille, ne
Empire, Francisco
contre eux. Agissant depuis Lisbonne vers Salamanque, Moore sont pas suffisantes pour obtenir la paix souhaitée par Napoléon. Ronco, Bellica Third
espère aider les armées espagnoles en menaçant le flanc et les Le terrain, notamment par son manque de communication et les Generation, 2009.
arrières français. Le 29 décembre, après une affaire d’avant-garde faibles capacités logistiques — d’autant plus au milieu d’une
défavorable à la cavalerie de la Garde, tombée dans une embus- population majoritairement hostile —, ne permet pas non plus
cade de la cavalerie anglaise, l’Empereur arrive à Benavente. Le d’emporter des victoires majeures voire décisives dans des délais
1er janvier à Astorga, il se rend compte que Moore s’échappe ; il courts. Napoléon ne reviendra jamais en Espagne, qu’il ne verra
charge Soult et Ney de la poursuite et repart vers Valladolid dans plus que sous un prisme stratégique en laissant la direction des
l’attente d’informations en provenance de France. Mais les nou- opérations à son frère Joseph et ses maréchaux, dont seul un petit
velles sont mauvaises : des intrigues politiques renaissent à Paris nombre sortira grandi. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 65


1808 - La campagne d’Espagne

LES POLONAIS
À L’ASSAUT DU COL
DE SOMOSIERRA
Le 30 novembre 1808

ANTS
COMMAND er
Nap oléon I Juan
Benito San
Général Don
EFFECTIFS nons
mes et 12 ca ns
33 500 hom et 22 cano
m es
12 500 hom
sur 150

L
e premier objectif de la campagne est de regagner PERTES ou blessés
la couronne de Joseph. Pour cela, il faut reprendre ch ev au -légers tués et 0 selon les
57 00
rtaine s, en tre 200 et 2 is
Madrid, après avoir rompu la ligne de défense espa- Ince pr
canons sont
gnole. Seulement voilà : la route de Burgos à Madrid sources – 16
passe par un col, ou plutôt des gorges, Somosierra. DURÉE heures envi
ron
Le 30 novembre 1808, l’Empereur ordonne au maréchal Victor 9 heures à 12 N TE MENT
E L’AFF R O
d’ouvrir la voie vers la capitale. NATURE D
Cependant, la position espagnole est forte. La route tra- Offensive
BATAILLE
verse, en effet, un défilé de six kilomètres de long et s’élève RÉSULTAT ise
ct oire ta ctique frança
de 300 m, jusqu’à 1 440 m ; il faut aussi franchir un pont de Vi
POLITIQUE
pierre somme toute assez étroit. Les Espagnols sont dispo- RÉSULTAT
rid
sés de façon à barrer cet accès : l’infanterie assure les flancs Prise de Mad
tandis que quatre batteries sont installées aux coudes successifs
formés par la route. Cela représente 22 pièces en tout. La pre-
mière batterie prend par son tir le pont en enfilade, la dernière
couvre le col de ses feux. Le dispositif mis en place par le
général San Juan semble tirer le meilleur parti du terrain et
des moyens dont il dispose. vite : il ordonne alors à la cavalerie d’agir. L’escadron de service
est en tête. La charge va durer sept, huit minutes tout au plus.
Guerre dans le brouillard Sur 150 cavaliers polonais, 57 sont tués ou blessés. Mais les
L’action débute vers 9 heures. Le brouillard matinal est quatre batteries espagnoles sont prises. Les troupes du général
encore très dense. C’est la division du général Ruffin (9e léger, San Juan, dont bien peu ont réellement participé au combat, se
24e et 96e de ligne) du corps de Victor qui engage la progres- débandent — le général lui-même sera massacré par ses propres
sion. Le dispositif français, qui repousse dans un premier temps hommes quelques semaines plus tard. Le verrou qui bloquait la
les avant-postes espagnols, est le suivant : le 96e de ligne, avec route vers Madrid a été brisé.
six pièces, avance par la route, le 24e de ligne sur sa gauche
et le 9e léger sur la droite, sur les pentes. L’intention première Un mouvement d’humeur ?
du maréchal Victor est de déborder les positions ennemies par La victoire assurée, l’épisode devient un élément majeur de
les deux flancs. Mais le terrain est difficile et le feu espagnol la geste héroïque de l’Empire, et des Polonais ayant servi sous
suffisamment dense pour freiner les 24e de ligne et 9e léger. Le les aigles françaises en particulier. Cependant, la décision peut
96e arrive donc seul face à la première batterie espagnole, et être interrogée : mouvement d’humeur de l’Empereur face aux
ne peut lui opposer, depuis la route, que deux pièces. Elles ne tentatives de faire rétablir l’ordre par certains de ses subordon-
suffisent pas à soutenir la progression qui est donc bloquée au nés, ou volonté de ne pas perdre le temps qui permettrait aux
niveau du pont. Cela fait déjà trois heures que les combats ont Espagnols de renforcer les défenses de Madrid ? En un mot,
débuté. Le brouillard s’est dissipé. était-ce un expédient ou une analyse adéquate du contexte ? Il
L’Empereur, accompagné de la cavalerie de la garde n’en reste pas moins que la surprise, la rapidité et l’effet moral
impériale, est présent depuis une heure. Un escadron d’un des de la charge ont débloqué la situation.
régiments de la Garde est toujours de service auprès de lui. Ce Napoléon arrive devant Madrid le 2 décembre 1808
jour-là, c’est le 3e escadron du très récent régiment de chevau- et découvre que la cité a été mise en état de défense. Vers
légers polonais. Les autres unités sont en arrière, formées en 15 heures, la division Lapisse du corps du maréchal Victor (16e
colonne au bord de la route. léger, 45e, 8e et 54e de ligne) attaque le secteur nord-ouest de
Napoléon envoie des reconnaissances, en particulier le chef la ville. La nuit venue, les premières maisons sont emportées.
de bataillon Lejeune. Il juge que les choses ne vont pas assez Le 3 décembre, une sommation est envoyée aux défenseurs ;

66 • Guerres & Histoire HS No 4


sans succès. Les opérations de siège reprennent alors et une
brèche est ouverte dans les murs du Buen Retiro. La division
Villatte (27e léger, 63e, 94e et 95e de ligne), envoyée à l’assaut,
Le premier objectif politique majeur de la campagne est
atteint. Joseph Bonaparte peut reprendre le contrôle de sa capi-
tale. Mais cela n’implique pas qu’il conquiert celui du pays. Un
Pour aller + loin
Gloire et Empire.
pénètre dans la ville, tandis que les derniers défenseurs espa- résultat immédiat a donc bien été atteint, mais celui poursuivi no 14 : 1808, La
gnols, environ 5 000 hommes, s’enfuient. La capitulation est ne le sera jamais. Car ces premières victoires n’ont ni anéanti campagne d’Espagne,
signée le 4 décembre au matin et les troupes françaises prennent les forces militaires, y compris britanniques, ni brisé la résis- LCV, 2007 ; no 19 : 1808-
possession de Madrid. tance de la société espagnole. ■ 1809, Napoléon en
Espagne, LCV, 2008.
Somosierra 1808,
Frédéric Bey,
La première batterie prend le pont en enfilade, VaeVictis no 83, 2008.

la dernière couvre le col : le dispositif est efficace.

S omosie r r a

Église
et cure

4 e batterie Chapelle

3 e batterie

2 e batterie

Moulin 1 re batterie

Pont

9e d’infanterie
légère
96 e
de ligne Le Britannique John Moore
(1761-1809) est envoyé en
1808 au Portugal, d’où il
passe en Espagne pour aider
24 e de ligne les résistants à l’invasion
française. Après avoir cru
Cavalerie
de la prendre au filet le corps de
Garde Soult, il échappe au piège de
Napoléon et se réfugie à La
Corogne, où il est tué avant
d’avoir pu rembarquer.

Armée Protégé de Godoy, le général


Div. de dragons française
R acs Benito de San Juan (1727-
La Houssaye Armée
espagnole
1809) assume en 1808 le
Tirailleurs
commandement en chef des
Batterie forces espagnoles affectées
V il lar g io à la défense de Madrid.
Blessé à Somosierra, il perd la
bataille. Il se retire à Talavera,
pour rassembler une nouvelle
armée. Mais il est exécuté lors
de la mutinerie de ses soldats.

Guerres & Histoire HS No 4 • 67


À Essling, le 22 mai 1809,
Napoléon subit le premier
revers important de
sa carrière militaire,
quelques semaines avant
la victoire de Wagram.

68 • Guerres & Histoire HS No 4


LA CAMPAGNE
D’AUTRICHE 1809
Cette campagne de trois mois annonce, par ses
difficultés à vaincre, les futurs échecs français.
Épuisement des troupes, pression relâchée sur l’ennemi
qui s’inspire désormais de l’organisation napoléonienne,
expliquent en partie la victoire finale en demi-teinte.
●●●
●●
●●
●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 69


1809 - La campagne d’Autriche

LE DÉBUT
DES VICTOIRES
LABORIEUSES

A vril 1809, les pluies et le brouillard enveloppent


l’Allemagne du Sud et interrompent le fonction-
nement du télégraphe optique. Commandant
par intérim de l’armée d’Allemagne (cf. encadré) en l’absence
de Napoléon, le maréchal Berthier se retrouve en première ligne,
pour conjurer la plus grave menace militaire depuis l’avènement de
l’Empire. Profitant de l’engagement de l’élite de la Grande Armée
en Espagne, l’Autriche envahit la Bavière, principal allié allemand
de la France. Battue à trois reprises par la France, elle a décidé de
mettre cette fois tous les atouts de son côté : elle a mobilisé la plus
abandonné la rigidité de l’organisation unitaire pour adopter une
organisation modulaire en corps d’armée, selon le modèle napo-
léonien. Enfin, elle a placé cet instrument rénové entre les mains
de son meilleur général en chef, l’archiduc Charles.
À ces atouts, il faut ajouter l’impéritie du maréchal Berthier qui
interprète mal les instructions impériales. Malgré les bruits de bottes
en Europe centrale, Napoléon a dû maintenir son armée en posture
défensive de façon à obtenir le soutien du tsar Alexandre, mobiliser
les États de la Confédération du Rhin, et transférer une partie de
ses troupes encore en Espagne. Comme à son habitude, il prévoit
imposante armée jamais mise sur pied par les Habsbourg (600 000 pour parer à toutes les éventualités un plan en arborescence incluant
PAR STÉPHANE BÉRAUD hommes comprenant 350 000 troupes de première ligne). Elle a deux scénarios : un scénario optimal de concentration à Ratisbonne
(voir biographie p. 8)

N uremberg xxx xxx


2 - Offensive autrichienne KOLLOWRATH
secondaire
AUTRICHE
DAVOUT
Début des
opérations

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üh 4 - Retraite
l autrichienne
R at isbonne
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A bensbe rg
3 - Concentration CHARLES
e
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nub et riposte françaises
L andau
xxx L andshut
P f a ff e n h o f e n P assau
OUDINOT
U lm 4 - Retraite
A ugsbourg autrichienne
Le télégraphe optique xxx 1 - Offensive autrichienne
a été mis en service en 1794 principale
pour communiquer avec les
h

MASSÉNA
Lec

armées aux frontières et s’est B r aun au


Iller

M ühldor f
développé sous l’Empire M unic h
Inn
r
Isa

pour transmettre rapidement M emmingen AUTRICHE


(six heures entre Paris et
Strasbourg, par exemple)
des messages codés entre
Paris et les principales villes Campagne 1809 - Début
de l’Empire.

70 • Guerres & Histoire HS No 4


L’ARMÉE D’ALLEMAGNE
À la suite de l’invasion trois divisions de vétérans
de l’Espagne, la Grande Armée du IIIe corps (Morand, Friant
est supprimée et remplacée et Gudin). Napoléon appelle
qui lui permet de contrer les différentes menaces contre la Bavière, par l’armée du Rhin commandée par ailleurs 180 000 conscrits
la Franconie ou la Saxe, en cas d’attaque autrichienne fin avril ; un par Davout. Pour faire face et demande à ses alliés de lui
scénario plus prudent de concentration cent kilomètres plus à l’ouest aux menaces autrichiennes, fournir 100 000 hommes. Avec
Napoléon va réussir le tour cet afflux de jeunes conscrits
autour de Donauwörth, pour assurer la sûreté de la concentration des de force d’improviser une et de troupes étrangères,
forces françaises, en cas d’attaque autrichienne début avril. Lorsque nouvelle armée alors que l’armée d’Allemagne pâtit d’une
l’Autriche attaque le 9 avril, Berthier pense que l’option Ratisbonne plus de 200 000 vétérans sont cohésion plus faible, à l’origine
du plan impérial doit être déclenchée, alors qu’au même moment engagés en Espagne. Son de paniques observées lors
Napoléon lui écrit que cette option est caduque. L’interruption du noyau de 90 000 hommes est des journées d’Essling et
télégraphe optique empêche Napoléon de transmettre ses instruc- notamment composé des de Wagram.
tions dans les délais. Le maréchal panique et multiplie les ordres et
contrordres, ce qui aboutit à disperser l’armée d’Allemagne en deux

+ loin
groupements autour des localités de Ratisbonne et d’Augsbourg,
distantes de 120 kilomètres. En quelques marches, l’archiduc
Charles peut donc se retrouver au milieu des forces françaises pour
cette première phase de la campagne est toutefois positif puisque
l’armée autrichienne a renoncé à son offensive et se replie vers la
Pour aller
les battre « en détail » à la manière napoléonienne. Bohême après avoir perdu plus de 30 000 hommes. 1809. De Ratisbonne
à Znaïm, E. Buat,
L’archiduc Charles va être sauvé par une faute de Napoléon qui Lib. militaire Chapelot, 1909.
Quatre batailles en quatre jours décide de marcher sur Vienne au lieu de le poursuivre « l’épée dans
La Révolution militaire
Mais Napoléon arrive enfin sur le théâtre d’opérations allemand les reins ». Il laisse ainsi son adversaire s’échapper pour recons- napoléonienne, t. 1 : Les
le 17 avril 1809. Il profite de la lenteur de l’archiduc Charles pour tituer son armée et s’inviter à nouveau à la table de jeu. Obligé manœuvres, S. Béraud,
menacer ses communications et bloquer son armée dans la nasse for- d’obtenir une victoire rapide pour éviter un renforcement de la coa- éd. B. Giovanangeli, 2007.
mée par l’Inn et le Danube, dont les principaux points de passage sont lition antifrançaise, Napoléon doit combattre sur le terrain choisi Jours de Gloire.
contrôlés par des garnisons françaises. Lors de quatre batailles livrées par l’ennemi, ce qui aboutit aux batailles frontales d’Essling les Campagne : le
en quatre jours (Abensberg le 20, Landshut le 21, Eckmühl le 22 et 21 et 22 mai et de Wagram les 5 et 6 juillet. À l’issue de ces deux Danube, Frédéric Bey,
Ratisbonne le 23 avril), Napoléon rétablit la situation et accroche rencontres sanglantes, Napoléon est nerveusement épuisé et ne VaeVictis no 41, 2001.
sévèrement l’archiduc Charles. Il coupe l’armée autrichienne en déclenche que tardivement la poursuite de l’armée autrichienne.
deux tronçons et force son aile gauche à se replier sur Vienne, tandis Celle-ci se retire en bon ordre vers la Bohême et fait face à ses pour-
que Charles se replie sur Ratisbonne. Il échoue cependant dans sa suivants lors de la bataille de Znaïm. Après deux jours de combats
manœuvre d’encerclement car les deux corps de Bellegarde des- indécis, l’archiduc Charles, menacé plus au nord par les succès
cendus de Bohême ont rompu le verrou de Ratisbonne et ouvert polonais, propose un armistice qui aboutit le 14 octobre 1809 au
une nouvelle ligne de communications vers Prague. Le bilan de traité de Schönbrunn et met fin à la cinquième coalition. ■

L’archiduc Charles va être sauvé par une faute de Napoléon


qui décide de marcher sur Vienne au lieu de le poursuivre.

P ilsen

xxxx Fin des


CHARLES
opérations
C ham
B r ün n
Regen Au s t e r l i t z
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Ra t i s b o n n e
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NAPOLÉON P assau H ol labr ünn


L andshut xxx
rch

Ne u m a r k t M a ut er n L’archiduc Charles-Louis
Ma

HILLER K rems
xxx L inz d’Autriche (1771-1847) a remporté
E bersberg M elk N üssdor f
LEFEBVRE les victoires de Wetzlar et de
B r aun au
M unic h S aint Wurtzbourg en 1796, de Stokach
La m b a c h Vi e n n e
n

er P ölten
In

St
ey en 1799. Il est surtout le principal
r

s
I sa

Ip

artisan de la modernisation de
l’armée autrichienne.
n
au
Tr

s
Enn En signant le traité de
Schönbrunn, l’Autriche s’engage
S a i nt M ichael à verser 85 millions de francs
I nnsbr üc k
d’indemnités de guerre et perd
4 millions de sujets sur des
Campagne 1809 - Fin territoires revenant au duché de
Varsovie, à la France et à la Bavière.

Guerres & Histoire HS No 4 • 71


1809 - La campagne d’Autriche

ABENSBERG, UN SUCCÈS
QUI CACHE UNE ERREUR
20 avril 1809

ANTS
COMMAND er
Napoléon I s et général Hiller
ui
Archiduc Lo
EFFECTIFS

D
ans la nuit du 16 au 17 avril 1809, Napoléon arrive mes
à Donauwörth et découvre la pagaille mise par 55 000 hom
0 ho m mes
42 00
Berthier dans le dispositif français : ses forces sont S
PER TE
écartelées entre Ratisbonne (Davout) au nord-est es
1 100 homm
et Augsbourg (Masséna et Oudinot) au sud-ouest, es
6 700 homm
séparées de plus de 100 kilomètres « protégés » par un mince nuit
DURÉE début de la
rideau de trois divisions bavaroises, sous les ordres du maréchal du matin au
De 8 heures NTEMEN T
Lefebvre. Quant à l’armée autrichienne, elle s’est séparée en E L’AFFRO mps
NATURE D ée pa r les deux ca
deux : une force secondaire débouche de la Bohême en direction aille ac ce pt
Bat NNEL
de Ratisbonne, une force principale, sous les ordres de l’archiduc OPÉRATIO on de
RÉSULTAT ise entraînant la scissi le
Charles, franchit l’Isar à Landshut en direction de Pfaffenhausen. oi re fran ça de so n ai
Vict parée
ichienne sé
Dès le 17 avril, Napoléon prend une décision audacieuse qui l’armée autr Hiller)
ps
reflète son tempérament militaire agressif : plutôt que de réunir ses gauche (cor

+
Pour aller loin forces sur la rive gauche du Danube, il ordonne à Davout de le
rejoindre par la rive droite, en se portant sur Neustadt. L’objectif est
RÉSULT AT
Bataille non
POLITIQUE
décisive
La Campagne de rejoindre les autres corps d’Oudinot et de Masséna qui vont à sa
de 1809. Les rencontre. Davout se met en marche dans la journée du 19 avril
opérations du 20
et, après un combat de rencontre qu’il remporte, près de Teugen,
au 23 avril, Michel
Molières, LCV, 2003. à mi-chemin entre Ratisbonne et Neustadt, il a à la nuit tombée Napoléon passe la nuit du 19 au 20 avril à Vohburg (10 km
remporté le pari lancé par l’Empereur. à l’ouest de Neustadt). C’est là qu’il reçoit à 6 heures du matin
le compte rendu très optimiste de Davout qui lui fait croire qu’il
a battu le gros de l’armée autrichienne, alors qu’il a simplement
repoussé ses avant-gardes. Napoléon ordonne alors aux forces réu-
XXX
Saint Michael
nies près d’Abensberg de balayer les Autrichiens situés en face
KOLLOWRATH
Ratisbonne d’elles vers l’Isar. Il constitue dans ce but un corps provisoire
confié au maréchal Lannes, épaulé par Lefebvre et Vandamme.

XXX
Da
nu
be Victoire en trompe-l’œil
Bad Abbach LIECHTENSTEIN Son plan semble imparable : l’aile gauche (Davout) doit fixer
XXX

DAVOUT XXX
3. Inaction de la droite
autrichienne
ses opposants tandis que la masse centrale (Lannes et soutiens)
r
Teugen abe doit perforer l’armée ennemie et que l’aile droite (Masséna et
eL
oss
ROSENBERG
Straubing
XXX 1. Attaque Gr Oudinot) doit couper la ligne de retraite autrichienne qui passe par
LANNES de Napoléon Schierling
Eckmühl Landshut. Napoléon ne doute pas que cette action va précipiter un
Abensberg r
Neustadt XXX XXX
abe
XXX HOHENZOLLERN
ein
eL repli général des Autrichiens et conclure cette campagne.
Kl
LOUIS
LEFEBVRE Rohr Les forces de Lannes se mettent en marche à l’aube vers Rohr,
2. Repli de la gauche
autrichienne au sud-est. À droite, Napoléon accompagne les forces bavaroises,
xxx
Rottenburg qui franchissent l’Abens en direction de l’est et du sud. Sous la
Ergoldsbach
HILLER
pression, le corps d’Hiller se replie à l’est de la Laber que viennent
Pfaffenhausen
border les forces de Lannes dans la soirée.
s
Aben

Isar Dans le rapport de la journée pour Davout qu’il dicte à Berthier,


Napoléon qualifie la bataille d’Abensberg de second Iéna. Il réa-
lise cependant, à la lecture des derniers rapports de Davout, que
Landshut la retraite du gros des forces autrichiennes vers Landshut n’est pas
4. Marche de Masséna confirmée. Il n’a pas encore compris que la facile progression des
sur Landshut troupes françaises vers la Laber n’est due qu’à la faiblesse des effec-
XXX

MASSÉNA Moosburg tifs adverses sur ce point. Il a certes obtenu l’avantage en séparant
l’aile gauche autrichienne du gros des forces de l’archiduc Charles,
mais sans provoquer sa déroute. Il va pourtant s’en convaincre et
donner ses ordres pour parachever son offensive vers Landshut. ■

72 • Guerres & Histoire HS No 4


L’AFFAIRE MANQUÉE
DE LANDSHUT
21 avril 1809

ANTS
COMMAND er
Napoléon I s et général Hiller
ui
Archiduc Lo
EFFECTIFS

A
près Abensberg, Napoléon passe la nuit à Rohr : il es
dort peu, et envoie ses ordres à 5 heures du matin. 6 000 homm
es
5 000 homm
Il est persuadé d’avoir provoqué la déroute de S
PER TE
l’ensemble de l’armée autrichienne qui devrait
770 hommes
se replier sur Landshut ou Straubing. Il ne reste es
1 500 homm
plus qu’à lancer une poursuite générale pour récolter les fruits e
DURÉE n de journé
du « second Iéna ». Davout doit donc nettoyer ses arrières avant matin à la fi
5 heures du NTEMEN T
d’aller sur Ratisbonne attaquer les corps autrichiens (Bellegarde E L’AFFRO rg
NATURE D s la bataille d’Abensbe
et Kollowrath) sur la rive gauche du Danube et les acculer contre rs uite ap rè
Pou NNEL
les montagnes de Bohême. Napoléon espère de son côté capturer OPÉRATIO finitif
RÉSULTAT ise entraînant le repli dé
les restes de l’armée autrichienne en la devançant sur l’Inn. oire fran ça vers Vien ne
Vict ne
he autrichien
de l’aile gauc
Charles fait du Napoléon POLITIQUE
RÉSULTAT
n décisive
Simple illusion : il n’a fait qu’accrocher une partie du corps Bataille no
d’Hiller, et le gros des forces de Charles conserve sa liberté d’ac-
tion. Napoléon ignore en outre que l’archiduc a compensé la perte
des liaisons avec le corps d’Hiller par le rétablissement de celles
avec les corps de Bellegarde et Kollowrath. Il a ainsi opéré, dans

+ loin
la pure tradition napoléonienne, un changement de sa ligne d’opé- ensemble vers le sud en direction d’Ergoldsbach, tandis que les divi-
rations vers la Bohême qui lui permet d’ignorer la menace contre sions de Lannes et bavaroises, sous les ordres directs de Napoléon, se Pour aller
ses communications vers la Haute-Autriche par l’Isar et l’Inn. porteront sur Landshut. En parallèle, les forces de Masséna doivent La Manœuvre de
Sa perception erronée de la situation dicte les mouvements capturer les passages de l’Isar pour intercepter le repli autrichien. Landshut,
ordonnés par l’Empereur : Davout et Lefebvre doivent progresser Devant Landshut, situé en partie entre deux bras de l’Isar, H. Bonnal, librairie militaire
Napoléon s’impatiente : il veut aller vite pour empêcher le génie Chapelot, 1905.
autrichien de détruire les ponts. Sur son ordre, son aide de camp, le
général Mouton, capture le premier pont puis lance les grenadiers
xxx Saint Michael du 3e bataillon du 17e de ligne sur le second pont, sous un feu
KOLLOWRATH
Ratisbonne meurtrier. Il pénètre enfin dans Landshut au milieu des Autrichiens
vers 4 heures de l’après-midi. Napoléon aurait consacré le fait
xxx

LIECHTENSTEIN Da
d’armes en s’exclamant : « Mon Mouton est un lion ! »
nu
be Mais ce fait d’armes dissimule un double échec opération-
Bad Abbach 4. Concentration autrichienne
sur la gauche de Davout
Teugen
xxx nel. La lenteur de Masséna, qui est entré dans la ville par le sud, a
xxx ROSENBERG
DAVOUT xxx r
permis à Hiller d’échapper au piège tendu par Napoléon. Celui-ci
abe Straubing
2. Attaque de Davout HOHENZOLLERN eL ne découvre le second échec que dans la nuit lorsqu’il reçoit le
oss
soutenue par Lefebvre Eckmühl Gr
xxx
Abensberg LEFEBVRE
Schierling
abe
r rapport envoyé par Davout. Ce dernier n’a le 21 avril que trois
Neustadt eL
ein divisions, alors qu’après Ratisbonne, l’archiduc Charles a opéré sa
xxx
Rohr Kl
OUDINOT
xxx jonction avec les corps autrichiens de la rive gauche du Danube et en
LANNES
Rottenburg commande désormais 14 ! Pourtant Davout, soutenu par Lefebvre,
Ergoldsbach
attaque au matin et marche vers l’est en refoulant les Autrichiens de
Pfaffenhausen
1. Attaque Schierling. Mais il s’arrête près d’Eckmühl quand lui est confirmée
s
Aben

de Napoléon
la jonction de Charles avec l’armée de Bohême. L’archiduc masse en
xxx
Isar effet ses forces sur son aile droite pour tourner la gauche de Davout.
LOUIS Au même moment, les résultats des reconnaissances envoyées vers
Landshut
xxx Straubing confirment à Napoléon l’absence d’Autrichiens sur l’Isar.
HILLER
Il découvre enfin son erreur. Depuis deux jours, il accumule des
Moosburg
xxx
3. Marche de Masséna
succès faciles contre une force secondaire et s’éloigne du cœur
MASSÉNA
sur Landshut des combats face à la force principale autrichienne déployée entre
0 5 10 Km
Ratisbonne et Eckmühl. L’offensive sur Landshut s’apparente donc
à un inutile et dangereux coup d’épée dans l’eau ! ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 73


1809 - La campagne d’Autriche

COMMENT ECKMÜHL
AURAIT PU ÊTRE UNE
BATAILLE DÉCISIVE
22 avril 1809

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
harles
Archiduc C
EFFE CTI FS

A
mes
près deux jours d’affrontement contre les forces 70 000 hom
mes
autrichiennes à Abensberg et Landshut, Napoléon 54 000 hom
doit admettre que le bilan est contrasté. Il a enrayé PERTES
es
l’offensive ennemie mais sans parvenir à déséqui- 3 500 homm
0 ho m m es
librer l’archiduc Charles qui conserve sa liberté 4 00
d’action. Il a en outre mis en danger les forces de Davout et doit DU R ÉE
à 21 heures
maintenant repositionner d’urgence ses troupes pour venir le De 13 heures NTEMENT deux
E L’AFFRO
soutenir à Eckmühl. Génie de l’adaptation aux circonstances, NATURE D t acce ptée par les enne
alemen ichi
Napoléon ne perd pas une minute pour réviser entièrement son Bataille initi fusée par l’armée autr
re
dispositif de combat. Il bénéficie pour cela, d’une part de la camps puis NNEL
OPÉRATIO
flexibilité de son armée modulaire, dont les corps d’armée auto- RÉSULTAT ise entraînant le repli de
ça e
Victoire fran rs la Bohêm
nomes peuvent être affectés sans délai à de nouveaux objectifs, ichienne ve
l’armée autr
et d’autre part d’un État-Major général efficace, capable de trans- POLITIQUE
RÉSULTAT
crire et diffuser rapidement sa pensée. Napoléon multiplie les no n décisive
Bataille
ordres de deux heures à cinq heures du matin pour faire remonter
ses forces et tomber sur l’armée autrichienne qui menace les
corps de Davout et Lefebvre.

Offensives autrichiennes
Après la chute de Ratisbonne, l’archiduc Charles s’est
enfin décidé à prendre l’offensive contre Davout. Il demande
à Kollowrath de traverser le Danube pour marcher par Bad en effet reçu l’ordre d’attendre l’arrivée de Kollowrath et ce n’est
Abbach sur Abensberg afin de couper les communications du IIIe que vers 13 heures que Montbrun est obligé de se replier sous
corps. Cette offensive nord-sud sera soutenue par une offensive la pression ennemie.
générale est-ouest des corps de Liechtenstein, Hohenzollern et Au même moment le canon tonne en provenance
Rosenberg, déjà en position face à Davout. d’Eckmühl. C’est l’Empereur qui arrive sur le champ de
Ce plan, s’il avait été appliqué énergiquement, pouvait bataille. Les forces de Lannes, Vandamme et Masséna se
redonner l’initiative au camp autrichien. L’aile gauche de Davout sont mises en marche à l’aube avec Napoléon qui arrive au
est en effet seulement protégée par la cavalerie de Montbrun sud d’Eckmühl vers 14 heures. Il gravit avec l’avant-garde
et ne peut pas tenir longtemps face aux 28 000 hommes de les hauteurs d’Unterdeggenbach (sud-est d’Eckmühl) et
Kollowrath. La lenteur de l’armée autrichienne va une fois de découvre le déploiement autrichien sur un terrain cultivé,
plus hypothéquer son offensive. Les colonnes autrichiennes ont légèrement vallonné et couronné de forêts. Il peut apercevoir

Le feld-maréchal comte Kollowrath Le petit duché, puis Électorat Les grenzers sont des troupes
(1748-1816) est le spécialiste de de Wurtemberg, entre dans d’infanterie légère autrichiennes,
l’artillerie dans l’armée autrichienne. l’alliance française en 1805, lors venant de Croatie et de Transylvanie,
Son cursus est typique de sa de la formation de la 3e coalition. où elles gardent la frontière (grenze, en
génération : quand il ne combat pas À contrecœur, mais Napoléon paie allemand) face aux Turcs. Durant les
le Turc, il court sus au Français. Il est bien. Contre 12 000 soldats et guerres contre la France républicaine
de la campagne de 1805 et de celle son entrée dans la Confédération puis impériale, elles sont transformées
de 1809. Il retourne en Transylvanie du Rhin, le duché devient royaume en infanterie de ligne. Les Français
après la paix de Vienne. en 1806, double sa superficie et respectent leur agressivité à Marengo
sa population. et à Austerlitz.

74 • Guerres & Histoire HS No 4


xxx
BELLEGARDE S a i n t M ic hael
Ra t i s b o n n e

xxx
KOLLOWRATH Le 22 avril, à
xxx 13 heures, le
LIECHTENSTEIN
Bad Abbach
xxx
3. Attaque puis repli canon tonne
xxx de l'archiduc Charles
HOHENZOLLERN
r
en provenance
xxx be d’Eckmühl:
DAVOUT La
T e u ge n ROSENBERG se
os
e

r
xxx
Gr c’est l’Empereur

be
nub

St r a u b i n g

La
LEFEBVRE
xxx
Da

ne
qui arrive sur

lei
E c k mü h l

K
A bensberg
N eustadt
xx LANNES le champ de
R ohr
VANDAMME
bataille.
xxx
2. Attaque de
Napoléon
OUDINOT xxx
R ottenburg MASSÉNA
ns

E r gol ds bac h
Abe

P f a ff e n h a u s e n

Isar

La n d s h u t 1. Poursuite de la
gauche autrichienne
xxx
BESSIÈRES

M oosburg

le vallon nord-sud d’Eckmühl dans lequel serpente la route


vers Ratisbonne. Les forces autrichiennes sont déployées en
équerre pour faire face à l’ouest aux forces de Davout épau-
villages d’Ober-Laiching et Unter-Laiching, qui sont pris après
d’intenses combats. La manœuvre de débordement de Lannes
se heurte également à de fortes résistances et progresse diffi-
Pour aller + loin
Eggmühl 1809.
lées par celles de Lefebvre et au sud à l’arrivée des forces cilement au nord de la Grosse Laber. La supériorité numérique Storm over Bavaria,
de Napoléon. L’empereur rédige immédiatement ses ordres : française et l’action conjointe des forces de Davout et Napoléon Ian Castle, Oprey, 1998.
Davout et Lefebvre doivent rejeter la ligne autrichienne vers finissent cependant par obliger Rosenberg à se replier sous la La Bataille
la route de Ratisbonne, Vandamme doit déboucher d’Eckmühl protection des troupes à cheval. Un ultime affrontement général d’Eckmühl,
pour remonter cette route pendant que Lannes déboîte vers l’est de cavalerie lourde se déroule vers 19 heures sur la route de Didier Rouy, Azure Wish
Enterprise, 1996.
pour attaquer les arrières de la ligne autrichienne. L’affaire Ratisbonne, opposant 29 escadrons autrichiens à 66 escadrons
est rondement menée : les Wurtembergeois prennent la ville des divisions Nansouty et Saint-Sulpice.
d’Eckmühl après un combat acharné contre les grenzers autri- Charles a frôlé la catastrophe en montant une offensive à
chiens qui les repoussent par deux fois. Ils ouvrent la voie pour contretemps et sur le mauvais secteur du champ de bataille. Il
permettre à la masse de cavalerie (53 escadrons) rassemblée a concentré l’essentiel de sa force de manœuvre pour une mis-
par Napoléon de passer la Grosse Laber. sion de débordement trop large. Sa conception déficiente dès
l’origine est aggravée par une exécution qui souffre des travers
Charles frôle la catastrophe traditionnels de l’armée autrichienne : l’attaque des colonnes
Vers 14 heures, l’archiduc Charles est informé de la menace se focalise sur des objectifs topographiques sans coordination
contre son flanc sud et comprend qu’il a perdu l’initiative. Il des efforts. Napoléon ne peut pas pour autant se targuer d’une
annule son offensive et confie à Rosenberg la mission de cou- bataille décisive. Malgré les succès tactiques français, il n’a pas
vrir le repli des autres corps au nord du Danube. Entre-temps, pu enfermer dans la nasse du Danube l’armée autrichienne, qui
Davout a lancé les divisions Friant et Saint-Hilaire contre les s’échappe vers la Bohême. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 75


1809 - La campagne d’Autriche

L’EMPEREUR PREND
RATISBONNE, MAIS
CHARLES S’ÉCHAPPE
23 avril 1809

ANTS
COMMAND er
Napol éon I
Kollowrath
EFFECTIFS

D
ans la soirée du 22 avril, alors que les cuirassiers mes
37 000 hom
français ont malmené leurs homologues autri- 00 0 ho m mes
26
chiens et que l’armée autrichienne se replie dans PERTES
es
la confusion vers Ratisbonne, Napoléon suspend 2 000 homm
es
la poursuite malgré l’avis de Lannes. Cette 6 000 homm
décision surprenante témoigne, pour certains analystes des opé- DURÉ E
heures
rations de 1809, d’une usure psychologique de Napoléon qui De midi à 19 TEMENT
DE L’AFFRON l
n’a plus l’énergie de ses premières campagnes. Il est vrai que NATURE ille d’Eckmüh
rès la bata
les troupes françaises sont harassées mais cela n’a pas entamé Poursuite ap NNEL
OPÉRATIO
dans le passé la détermination de Napoléon à préserver le RÉSULTAT ise accélérant le repli de
ça e
continuum des opérations qui seul permet de maintenir le désé- Victoire fran rs la Bohêm
ichienne ve
quilibre de l’adversaire. Cette suspension des combats permet l’armée autr
POLITIQUE
à l’archiduc Charles de faire passer le Danube à l’ensemble de RÉSULTAT
non décisive
son armée. Il utilise le pont de pierre de Ratisbonne et un pont Bataille
de bateaux qu’il lance en aval, à l’ouest de Weichs. Il confie au
corps de Kollowrath, établi dans Ratisbonne sur les hauteurs
de Stadtamhof — au nord de la cité et sur la rive droite —, la
mission de protéger la retraite.

Coups de canon sur le Danube


Dans la matinée, les divisions Gudin, Morand et Vandamme ce sera finalement le cas, pour une poursuite sur la rive méri-
se mettent en marche vers Ratisbonne. Elles refoulent les unités dionale, il ne peut pas laisser entre les mains ennemies ce pont
autrichiennes, qui se replient vers Ratisbonne avant de franchir sur le Danube qui menace ses lignes de communications. Par
le Danube. Kollowrath attire ainsi les Français vers la ville et ailleurs, un siège en règle prendrait trop de temps et permettrait
les détourne du pont de bateaux sur lequel passent les dernières à l’archiduc Charles de reconstituer ses forces. Napoléon décide
unités autrichiennes. La cavalerie française ne repère que tardi- donc de prendre d’assaut sans délai la cité. La division de tête
vement le point de passage et l’artillerie à cheval, envoyée par Gudin atteint les hauteurs sud de la ville vers 10 heures. Les
Lannes pour détruire le pont, ne peut que canonner les dernières forces de Lefebvre arrivent vers midi et celles de Davout vers
forces de couverture. 1 heure de l’après-midi. Napoléon, qui est monté à cheval à
Il reste à prendre Ratisbonne dans laquelle Kollowrath a 7 heures, arrive vers midi en vue des remparts. Vers 14 heures, il
laissé deux régiments. Napoléon doit capturer la cité s’il veut veut juger l’effet des tirs d’artillerie et s’approche d’une batterie
poursuivre les Autrichiens au nord du Danube. S’il opte, comme lorsqu’il est atteint au pied par un tir de fusil en provenance de
la muraille. La blessure est légère mais douloureuse, car un nerf
est touché. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre
et Napoléon est rapidement entouré par des milliers de soldats.
Dominique Vandamme Jean Lannes (1769-1809), Très ému par ces marques d’affection, l’Empereur remonte à
(1770-1830) est un des maréchal de France et cheval après avoir été pansé par le chirurgien Yvan et parcourt le
meilleurs divisionnaires de duc de Montebello, d’un front des divisions Saint-Hilaire et Friant pour rassurer l’armée
Napoléon. D’abord à l’armée courage exceptionnel, sur sa santé.
d’Allemagne avec Moreau, il fait l’Italie, l’Égypte, la Les murailles de la ville sont anciennes et ne peuvent pas
commande une division du Pologne, l’Espagne, résister à une artillerie de siège ; mais l’enceinte est défendue par
corps Soult à Austerlitz. En avec un dégoût croissant un profond fossé, dominé par des murs escarpés, qui forme une
1809, il prend le 8e corps, de la guerre. La jambe puissante position fortifiée pour des troupes déterminées. Les
qui se distingue à Abensberg arrachée au soir d’Essling, forces de Lannes tentent des attaques brusquées contre les prin-
puis à Eckmühl. il agonise six jours. cipales portes, mais sans succès. La mission est pour le moins

76 • Guerres & Histoire HS No 4


périlleuse : la raideur des murs de contrescarpe et d’escarpe
impose de descendre et de remonter du fossé avec des échelles
puis de traverser la promenade au pied des murailles avant d’esca-
maréchal. Il est retenu par ses aides de camp et devancé par ses
soldats qui cette fois parviennent à prendre pied sur le parapet
avant de prendre la porte de Straubing, ce qui permet à la division
Pour aller + loin
Mémoires du
lader ce dernier élément fortifié. Ce parcours d’obstacle doit être Morand de s’élancer dans la ville vers 17 heures. Les combats général baron
franchi sous le tir de l’artillerie et des tireurs d’élite autrichiens. de rue durent jusqu’à 19 heures, au moment où la division Friant de Marbot, Mercure de
En fin d’après-midi, Lannes repère, près de la porte de Straubing capture le pont de pierre et prend pied dans Stadtamhof sur la France, 2001.
(Ostentor), une maison adossée aux remparts qu’il fait écrouler rive nord du Danube.
par son artillerie pour combler le fossé et enjamber la muraille de La garnison autrichienne est capturée mais elle a rempli
l’escarpe. Plusieurs attaques lancées sur ce point sont repoussées sa mission. L’armée de l’archiduc Charles a réussi à échapper
malgré les admonestations de Lannes. La légende retient alors le à l’étreinte impériale et se replie avec ses équipages vers la
geste du maréchal qui s’empare d’une échelle et s’élance vers les Bohême. Napoléon prend alors la décision fatale du 25 avril de
remparts pour rappeler à tous qu’il a été grenadier avant d’être ne pas poursuivre mais de se porter sur Vienne. ■

La nouvelle se répand comme une traînée de poudre :


l’Empereur a été atteint par un tir de fusil venant de la défense.

Da S t adtamhof
nu
be
We i c h s

xxx
Kollowrath

Ratisbonne

XXX
XXX LANNES
XXX
DAVOUT LEFEBVRE

Guerres & Histoire HS No 4 • 77


1809 - La campagne d’Autriche

À ESSLING,
LA PREMIÈRE DÉFAITE
IMPORTANTE
21 et 22 mai 1809

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
harles
Archiduc C
EFFECTIFS es

À
l’issue de la « campagne des quatre jours » qui m
60 000 hom es
voit l’archiduc Charles repoussé de Bavière, m
90 000 hom
Napoléon décide le 25 avril de marcher sur PER TES
mes
Vienne plutôt que de poursuivre l’armée autri- 20000 hom es
m
chienne à travers la Bohême. Il viole ainsi son 22000 hom
principe de continuum des opérations qui consiste à déséquili- DURÉE
brer le gros des forces adverses pour le désorganiser, puis à le Deux jours NTEMENT
E L’AFFRO
poursuivre sans répit pour que cette désorganisation temporaire NATURE D deux camps
devienne durable et susceptible de produire des effets poli- aille acce ptée par les
Bat NNEL
OPÉRATIO
tiques. Il justifie cette décision dans le 9e bulletin du 19 mai RÉSULTAT ise entraînant le repli de anube
ça D
1809 par des motifs discutables d’ordre logistique (difficultés Défaite fran ise sur la rive droite du
ça
d’une poursuite à travers la Bohême) et géographique (impor- l’armée fran
POLITIQUE
tance politique et militaire du contrôle de Vienne). RÉSULTAT
n décisive
Bataille no
Un franchissement périlleux
Or, à cette date, la situation stratégique est incertaine pour
Napoléon. L’élite de ses troupes s’use contre des ennemis
insaisissables en Espagne, ses arrières sont menacés par le sou-
lèvement du Tyrol et l’agitation en Allemagne, l’archiduc Jean
se replie d’Italie et peut venir renforcer à tout moment l’archiduc de 100 000 hommes répartis en cinq colonnes qui convergent vers
Charles. Ce dernier a reconstitué ses forces sur la rive gauche du les villages d’Aspern et d’Essling pour repousser les Français.
Danube, que les Français doivent franchir s’ils veulent obtenir Le choc entre les deux armées se produit à partir de 4 heures de
la victoire. L’empereur doit donc tenter la difficile opération de l’après-midi.
franchissement avec le risque de combattre dos au fleuve, comme En situation d’infériorité numérique, l’armée française
Bennigsen à Friedland. est contrainte à la défensive. Les divisions Molitor et Boudet
Dans la matinée du 21 mai, 25 000 hommes sous les ordres combattent avec acharnement pour défendre la tête de pont sur
de Masséna se positionnent entre Aspern et Essling après avoir la rive gauche en attendant les renforts. Mais un imprévu tactique
franchi le Danube à Kaiserebersdorf, à quelques kilomètres au vient remettre en question le plan d’attaque impérial. Utilisant la
sud-est de Vienne. Ils doivent marcher vers le nord pour éclairer position avantageuse qu’il occupe sur la rive gauche du Danube en
les autres corps de l’armée française. Charles a été informé par ses amont des ponts lancés par Napoléon, l’archiduc Charles envoie
espions dans Vienne des mouvements français de franchissement contre eux des corps flottants à la dérive, et provoque deux
et a organisé la riposte dans la nuit du 20 au 21 mai. Il envoie plus ruptures temporaires dès le 20 mai puis le 21.

L’armée française combat en Espagne Sous la conduite de l’aubergiste Andreas Hofer


depuis mai 1808 ( voir campagne (1767-1810), le Tyrol se soulève en avril 1809
p. 62), avec plus de 200 000 hommes contre les troupes d’occupation franco-
comprenant l’essentiel des vétérans bavaroises. Après Eckmühl, les Bavarois tentent
de la Grande Armée de 1805. de reprendre Innsbruck mais sont battus.
Napoléon doit envoyer Lefebvre avec un corps
d’armée. Après l’armistice de Znaïm, abandonné
par les Autrichiens, Hofer continue la lutte
jusqu’à sa capture, en janvier 1810. Il est fusillé
et sa mort éteint l’insurrection.

78 • Guerres & Histoire HS No 4


h
ac
sb
us
R

XXX
XXX
HILLER XXX XXX

XXX XX ROSENBERG
REUSS HOHENZOLLERN
S tammersdor f BELLEGARDE Wa g r am
21 mai Gerasdorf
xxx DEDOWICH
matin
LIECHTENSTEIN Ader k l a a Baumersdor f

Markgrafneusiedl

L eop ol d au S üs s e n b r u n n
F lor isdor f
Nussdor f
Brei ten l ee
xx R aa sdor f

GUDIN

Adossé à un fleuve tumultueux, xxx Asper n


xxx

ravitaillé par des ponts qui DAVOUT


MASSÉNA

xxx
E ssl i n g

menacent de rompre, RES. C.


Gross-Enz ersdor f

n’importe quel chef aurait Ile Lobau

renoncé. Mais pas Napoléon. Vienne xxx

LANNES
xx Mühleuten
ST-CYR
K a iserebersdor f

Napoléon décide néanmoins de continuer la lutte le 22 mai


dès 3 heures du matin. Il renforce Masséna avec les divisions
du corps de Lannes et la Garde, totalisant 60 000 hommes face
aux 90 000 Autrichiens. Adossé à un fleuve tumultueux et relié
à des sources d’approvisionnement par des ponts qui menacent
de rompre à tout moment, n’importe quel commandant d’armée
h
aurait renoncé. Mais avec son audace coutumière, Napoléon tente ac
sb
us
R
de forcer le destin. Il pense en effet pouvoir profiter des points de
fixation d’Aspern et Essling pour attaquer entre ces deux villages 22 mai
contre le centre autrichien. Lannes devra conduire l’attaque vers après-midi
le nord avant de se rabattre vers le fleuve à l’ouest, tandis que S tammersdor f
Wag r am
XXX
Davout effectuera la même manœuvre vers l’est. L’attaque est Gerasdorf
Baumersdorf
lancée à 7 heures et ébranle le front autrichien mais deux ruptures Reuss
Ade r k laa
successives des ponts à 8 et 9 heures empêchent l’arrivée du corps Markgrafneusiedl

de Davout et imposent un repli français. L e opoldau S üs s e n b r u n n


F lor i s do r f
Nussdor f

Conseils de guerre exceptionnels B re i t e n l e e


R aasdo r f
Charles relance en avant ses unités qui parviennent à prendre
Aspern vers 11 heures. Elles échouent en revanche à prendre XXX
XXX
xxx
LIECHTENSTEIN
Essling suite à l’intervention de la Garde. Du côté français, l’ob- XXX HOHENZOLLERN
XX
BELLEGARDE
jectif est désormais de se replier en bon ordre sur l’île Lobau pour HILLER
Aspern
RES. Grenadiers

pouvoir ensuite regagner la rive droite du Danube. Fait excep- Essling XXX
GARDE ROSENBERG
tionnel et signe de sa nervosité, Napoléon réunit à deux reprises MASSÉNA
LANNES G ro s s - E n z e r s d o r f
ses maréchaux en conseil de guerre pour discuter des mesures
à prendre en vue de la retraite. Les ponts sont réparés le 24 mai
et l’armée repasse sur la rive droite le 25 mai. Il a éprouvé des V ie n n e 2. Retraite de l'armée
Ile Lobau française sur l'île Lobau
pertes importantes sans parvenir à prendre pied sur la rive gauche
XXX
du Danube. Le bilan aurait été nettement plus lourd si l’archiduc 1. Rupture des ponts et immobilisation Mühleuten
de Davout sur la rive droite du Danube DAVOUT
Charles avait fait preuve de plus d’agressivité et avait décidé de K ai ser eb er sd o r f
bombarder les Français entassés dans l’île Lobau et de passer sur
la rive droite L’échec est indiscutable pour Napoléon qui enregistre
la première défaite importante de sa carrière. ■

Pour rompre les ponts de l’ennemi, on lance contre eux


Pour aller
Napoleon’s Great
+ loin
des corps flottants : des bateaux lourdement chargés, des
Adversaries, Gunther
radeaux équipés d’une pièce de bois verticale pour qu’ils ne Rothenberg, Batsford, 1982.
puissent pas passer sous le tablier, et des brûlots portant
Napoléon et l’Autriche.
des obus et des grenades qui éclatent successivement, afin
La campagne de 1809,
de décourager toute tentative de stopper les corps. Puis ont Tranié et Carmigniani,
été mis au point les ancêtres des mines : des tonneaux ou Copernic, 1979.
des caisses, remplis de poudre et surmontés d’un levier qui
Aspern-Essling
déclenche la mise à feu en touchant le pont. 1809, Frédéric Bey,
VaeVictis, collection Jeux
d’Histoire, 2009.
Guerres & Histoire HS No 4 • 79
1809 - La campagne d’Autriche

WAGRAM, UN SUCCÈS
NON DÉCISIF
ET CHÈREMENT PAYÉ
5 et 6 juillet 1809

ANTS
COMMAND er
Napol éon I
harles
Archiduc C
EFFECTI FS

L
’échec sanglant d’Essling oblige Napoléon à mes
190 000 hom es
reconstituer ses forces pour tenter un deuxième 0 000 ho mm
14
affrontement du « fort au fort ». De son côté, Charles PE R TE S
mes
estime qu’il ne peut pas rassembler des effectifs 30 000 hom
mes
équivalents et opte pour une posture de « défense 40 000 hom
réactive » fondée sur des travaux de fortifications au nord de DURÉ E
la plaine du Marchfeld, derrière la rivière du Russbach qui se Deux jours NTEMENT
E L’AFFRO
prolonge à l’ouest par les collines de Bisamberg. NATURE D deux camps
ptée par les
Bataille acce NNEL
L’Empereur se mouille OPÉRATIO
RÉSULTAT ise entraînant le repli de
ça e
À la suite de l’échec d’Essling, l’Empereur prépare minu- Victoire fran rs la Bohêm
ichienne ve
tieusement sa nouvelle tentative de franchissement du Danube. l’armée autr
POLITIQUE 1809
Il fait construire une estacade en amont des ponts et fait RÉSULTAT 14 octobre
S ch önbrunn du
déployer une flottille de barques pour protéger ceux-ci contre Traité de
les projectiles flottants. L’ancien pont de bateaux utilisé pour la
bataille d’Essling est consolidé et doublé d’un pont de pilotis
de plus de 750 mètres. L’île Lobau qui sert de tremplin pour
franchir le Danube est fortifiée avec 109 canons. Ces mesures autrichiennes construites entre Aspern et Gross-Enzersdorf. Mais
de préparation sont efficaces puisque le franchissement se l’avantage moral obtenu dans la matinée est annulé par l’échec
déroule sans incident de la soirée du 4 juillet jusqu’à celle du de l’attaque brusquée lancée en fin de journée pour profiter des
5 juillet. Durant cette phase, l’Empereur surveille étroitement dernières heures de luminosité.
les opérations, ne quittant pas les bords du fleuve et revenant Dans le contexte d’une bataille acceptée par les deux camps,
à ses quartiers, « mouillé, comme s’il avait été trempé dans le Napoléon sait qu’il doit élaborer, selon ses propres mots, « un
Danube ». système ou une combinaison » de façon à provoquer un désé-
Il obtient un premier avantage en réussissant à franchir quilibre qu’il n’a pas réussi à installer lors de la manœuvre. Le
sans opposition le Danube et à surprendre l’adversaire en jetant plan conçu est classique au regard du modèle napoléonien de la
ses ponts à l’est de l’île Lobau afin de contourner les défenses bataille : l’Empereur prévoit une attaque débordante de Davout
contre la gauche autrichienne afin de la couper des renforts de
l’archiduc Jean et de sa principale ligne naturelle de retraite.
Quand l’adversaire aura engagé ses réserves pour faire face à
L’ARTILLERIE EN 1809 cette attaque débordante, une attaque de rupture sera conduite
au centre.
La campagne de 1809 marque cependant son avance en matière
un tournant dans l’utilisation de de doctrine d’emploi privilégiant La bonne droite de l’Autriche
plus en plus massive de l’artillerie. un rôle d’arme d’assaut, comme le Mais le 6 juillet, c’est l’archiduc qui prend l’initiative en
Elle résulte de la dégradation de démontre l’offensive de la grande
déclenchant, dès 4 heures du matin, une attaque générale sur le
la qualité de l’infanterie dont les batterie à Wagram. Composée
meilleurs éléments sont engagés de 100 pièces disposées sur un secteur du Russbach. Si la gauche autrichienne est bloquée par
en Espagne. Pour compenser front de 2000 mètres face à la Davout, le centre réussit à prendre le « pivot » d’Aderklaa tandis
la diminution des vétérans dans zone comprise entre Aderklaa et que la droite progresse irrésistiblement et capture Aspern vers
ses unités, Napoléon développe Süssenbrunn, elle neutralise les 11 heures après avoir repoussé les Français de Süssenbrunn et
son artillerie en renforçant celle pièces adverses puis martèle le Breitenlee. Napoléon doit intervenir personnellement pour rallier
de la Garde. En face, l’archiduc centre autrichien pendant près
les troupes de Saint-Cyr et de Legrand. La gauche française
Charles met en œuvre une d’une heure et demie, jouant
réforme visant une utilisation ainsi un rôle déterminant dans le est en voie de dislocation.
plus concentrée de ses canons. succès de l’attaque de rupture de Napoléon démontre alors sa parfaite maîtrise des actions
L’artillerie française conserve Macdonald. indirectes. Plutôt que de barrer directement la route à la droite

80 • Guerres & Histoire HS No 4


ch
ssba
Ru

XXX
S t ammersdor f
Collines de Bisamberg

XXX
XX
NOSTITZ
De leur côté,
Reuss Gerasdorf
xxx
BELLEGARDE
Wa g r am
XXX
les Autrichiens
LIECHTENSTEIN
HOHENZOLLERN
XXX
ROSENBERG profitent
RES. GRENADIERS
XX

Ade r k l a a
Baumersdor f
de la passivité
KOLLOWRATH
XXX

k r af-
Mar kg
française sur
Nussd or f
F lor isdor f
L e opoldau S üs s e n b r u n n XXX
XXX
XXX neusiedl le front
MARMONT
1. Attaque de la
droite autrichienne
XXX
MACDONALD
OUDINOT
DAVOUT
3. Attaque
allemand pour
xxx
XXX
B re i t e n l e e
MASSÉNA
R aa sdo r f
4. Attaque décisive du
de Davout
reconstituer
KLENAU
XX
ST SULPICE centre français leurs forces.
XX
MARULAZ
LASALLE
Asp e r n 2. Mouvement de flanc de Masséna

Essling
XX Gross-Enz ersdor f
BOUDET

V ie n n e
Ile Lobau

Mühleuten

K a iserebersdor f

wagram 1809

autrichienne en renforçant sa gauche, il maintient une stricte


économie des forces sur ce secteur et conserve ses réserves pour
l’attaque de rupture au centre qui sera lancée après les premiers
en ligne est préparée par l’intervention de la cavalerie de la
Garde suivie par la mise en place d’une grande batterie d’ar-
tillerie (cf. encadré). Peu après midi, alors que Napoléon aperçoit
Pour aller + loin
Wagram, F. Naulet,
succès de Davout. Afin de gagner le temps nécessaire au déclen- les progrès de Davout, il déclenche l’attaque de rupture de Economica, 2009.
chement de l’attaque au centre, Napoléon décide de faire glisser Macdonald en direction de Süssenbrunn. La colonne massive Aspern and Wagram
les unités de Masséna vers le sud pour ralentir la progression française s’enfonce dans l’aile droite autrichienne mais subit 1809, Ian Castle, Osprey,
de la droite autrichienne. Il consent juste à renforcer Masséna des pertes importantes. Elle est heureusement soutenue par une 1994.
par quatre régiments de cuirassiers. Sous la couverture de ces offensive générale déclenchée vers une heure de l’après-midi Wagram 1809,
« gros talons », ce dernier rétablit une ligne défensive par une par Napoléon qui fait plier l’ensemble de la ligne autrichienne. Laurent Martin,
audacieuse marche de flanc de la zone d’Aderklaa jusqu’à la Charles ordonne la retraite vers 14 h 30. L’attaque de rupture a Battles Magazine no 12,
2012.
rive nord du Danube. précipité le repli de l’armée autrichienne mais n’a pas entraîné sa
Au centre, l’espace abandonné par la marche de Masséna dislocation comme en 1805. Cet échec relatif illustre la difficulté
vers le sud est occupé par Macdonald qui doit commander de créer un déséquilibre tactique pour compenser l’absence de
l’attaque de rupture en direction de Süssenbrunn. Sa montée déséquilibre opérationnel. ■

Laurent, marquis de Gouvion-Saint-Cyr Claude Legrand (1762-1815) Jacques-Etienne Macdonald (1765-


(1764-1830), fils d’un tanneur, abandonne devient général de division en 1840), d’une famille écossaise réfugiée en
une carrière de dessinateur pour celle des 1799. Il se couvre de gloire à France sous Louis XIV, est déjà général de
armes. Déjà général sous Robespierre, Austerlitz, se tient mieux que division en 1795. Il appuie le coup d’État
il démontre ses remarquables qualités bien à Iéna et Eylau, puis, en de Bonaparte le 18 Brumaire puis tombe
de manœuvrier en Allemagne. Ne 1809, à Ebersberg, Essling et en disgrâce. Napoléon le rappelle pour la
l’aimant guère, mais reconnaissant son Wagram. Il mourra des graves campagne de 1809. À la tête de l’aile droite
intelligence, Napoléon ne lui confie que blessures reçues au passage de de l’armée d’Italie, il arrive à pic sur le
des tâches difficiles, aux limites de la la Berezina, en novembre 1812. champ de bataille de Wagram. Fait unique,
diplomatie, en Italie et en Espagne. Napoléon le fait maréchal sur le champ.

Guerres & Histoire HS No 4 • 81


1809 - La campagne d’Autriche

À ZNAÏM, UN ÉPILOGUE
MI-FIGUE MI-RAISIN
10 et 11 juillet 1809

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
harles
Archiduc C
EFFECTIFS

A
soir de la victoire de Wagram, Napoléon, épuisé, mes
ne donne pas d’instructions pour la poursuite. Cette 73 000 hom
0 ho m mes
50 00
inertie est une indéniable négligence de sa part. S
PER TE
Sa victoire est loin d’être décisive, comme le sou- es
3 000 homm
lignent les pertes importantes dans les deux camps. es
5 000 homm
Si l’archiduc Charles décide de continuer la lutte, il sera soutenu par
DURÉE
l’archiduc Jean, alors que Napoléon devra opérer des détachements Deux jours NTEMENT
pour protéger ses communications vers Vienne et la Bavière. Au E L’AFFRO m
NATURE D s la bataille de Wagra
matin du 7 juillet, il se retrouve donc sans information fiable sur la rsui te ap rè
Pou NNEL
retraite autrichienne, et ne se décide que le soir à envoyer des avant- OPÉRATIO istice du
RÉSULTAT ise conduisant à l’arm
gardes par les routes qui conduisent vers la Bohême et la Moravie. oi re fran ça
Vict
09
Ce n’est que le 8 juillet après-midi que Marmont fournit des 12 juillet 18
POLITIQUE 1809
renseignements déterminants sur le repli de l’armée autrichienne RÉSU LT AT 14 octobre
Sch önbrunn du
vers la Bohême, et le 10 juillet, Napoléon apprend que ce repli se Traité de
Pour aller loin
La Révolution
+ fait sur Znaïm. Il ordonne en conséquence à Davout, Oudinot et
la Garde de soutenir Masséna et Marmont en marche vers cette
cité. Entre-temps, Marmont a franchi la Thaya au nord de Laa et
militaire rencontre les Autrichiens vers 11 heures du matin à environ six
napoléonienne,
t. 2 : Les batailles,
kilomètres à l’est de Znaïm. L’archiduc Charles a fait occuper le De son côté, l’archiduc Charles s’est résolu à déployer en
S. Béraud, éd. plateau à l’est de la ville pour protéger son armée qui passe la ligne de bataille les 50 000 hommes dont il dispose. Le combat
B. Giovanangeli, 2013. Thaya au sud de Znaïm, ce que découvre Marmont le 10 lorsqu’il s’ouvre le matin du 11 juillet avec l’arrivée du corps de Masséna
parvient à s’emparer des hauteurs à l’est du plateau. qui prend le pont d’Oblass au sud de Znaïm et se lie aux forces
de Marmont. Napoléon arrive au quartier général de Marmont à
Teswitz vers 10 heures. Il comprend aussitôt que son inertie ini-
tiale l’empêche de surprendre son adversaire en train de passer la
Thaya, car il ne dispose pas de forces suffisantes. Davout, Oudinot
et la Garde ne peuvent pas entrer en ligne avant le 12 juillet et
2. Offensive française
avec débordement par le nord Masséna et Marmont ne peuvent seuls exécuter cette manœuvre.
XXX
4. Contre-attaques
autrichiennes MARMONT Échec des attaques françaises
Vers Prague
Il faut toutefois tenter de fixer l’ennemi en attendant l’arrivée
des renforts et empêcher un nouveau repli de l’archiduc Charles
Znaïm
qui prolongerait encore la campagne. Napoléon lance donc
Vers Brünn
Marmont contre le flanc gauche des Autrichiens pour les attirer le
3. Repli autrichien
XXXX plus au nord possible, en menaçant leur ligne naturelle de retraite
CHARLES
afin de faciliter le passage de la Thaya par les unités de Masséna.
Th
ay
a Mihlfraun L’attaque de Marmont est repoussée par l’archiduc Charles qui
Teswitz
parvient également à rejeter Masséna dans la Thaya. Dans l’après-
a
midi, Napoléon relance Marmont sans plus de succès, tandis que
ay Masséna progresse laborieusement vers Znaïm.
Th
Mais en fin d’après-midi, Napoléon, après avoir réuni un
Oblass Pumlitz conseil de guerre, décide d’accepter une proposition d’armistice
des Autrichiens. Cette décision, a priori surprenante, qui prive
Napoléon de la possibilité d’abattre la puissance des Habsbourg,
1. Axe de la retraite
autrichienne avant la bataille
XXX s’explique par l’épuisement de l’armée et par le résultat mitigé de
MASSÉNA la campagne. D’où cette transaction diplomatique qui va s’avé-
rer fatale, puisqu’elle maintient sur l’échiquier européen l’acteur
autrichien qui sera le principal responsable de l’échec de la cam-
pagne de 1813, à l’origine de la chute du régime impérial. ■

82 • Guerres & Histoire HS No 4


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84 • Guerres & Histoire HS No 4
Le 7 septembre 1812,
Napoléon, depuis la
colline de Chevardino,
observe la canonnade.
Malgré son air
maussade, la victoire
revient aux Français.

LA CAMPAGNE
DE RUSSIE 1812
La crise diplomatique entre la Russie et la France,
en particulier sur la question polonaise, fait vite oublier
le traité de Tilsit : une Grande Armée de 450 000 hommes
fait alors route en juin vers Moscou. Mais au début de
l’hiver, ils ne seront que quelques milliers à revenir.
●●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 85


1812 - La campagne de Russie

QUAND UN
EMPEREUR PERD
SON ARMÉE

M algré l’alliance passée à Tilsit en 1807, les


relations entre l’empereur des Français et le
tsar de Russie se dégradent au fil des ans.
Napoléon reproche à Alexandre de ne pas l’avoir aidé contre
l’Autriche en 1809 ; Alexandre est furieux de l’annexion à l’Em-
pire, en 1810, du grand-duché d’Oldenbourg dont le souverain est
son parent. Il refuse de marier une de ses filles à « l’ogre corse »,
qui contracte du coup un mariage autrichien et fait craindre un
renversement d’alliance. Les crises diplomatiques se succèdent,
sur l’application du blocus continental, sur les velléités polonaises
le corps autrichien (34 000) de Schwarzenberg doit attaquer à
Brest-Litovsk l’armée de réserve russe (Tomasov, 30 000).
Les 24 et 25 juin, Napoléon franchit le Niémen. Barclay recule
devant le nombre jusqu’au camp retranché de Drissa qui couvre
les routes de Moscou et Saint-Pétersbourg, tandis que Bagration
doit venir harceler les arrières ennemis. Napoléon lance Murat à la
poursuite de Barclay, détache Davout vers Minsk pour intercepter
Bagration poursuivi par Jérôme, et reste lui-même à Vilna, hésitant
entre l’objectif militaire de battre Barclay et l’objectif politique
de rattacher la Lituanie à la Pologne, mais aussi pour régler les
d’agrandir leur État rétabli par Napoléon… problèmes de ravitaillement aggravés par les pluies diluviennes.
PAR ANTOINE REVERCHON
Celui-ci est convaincu que les Russes, soudoyés par l’argent
Antoine Reverchon est anglais, vont frapper alors que la France est plongée dans le guê- Un tiers des effectifs en moins
journaliste au Monde, pier espagnol : ils réunissent d’ailleurs une armée à la frontière Apprenant que Bagration a semé Jérôme - aussitôt relevé de son
où il participe aux hors-
polonaise ; le tsar rétorque qu’il s’agit de faire taire les provo- commandement -, et que Barclay s’est retranché, il quitte Vilna
séries à thématique
historique et aux cations de Varsovie et… de dissuader les Français d’attaquer. le 16 juillet vers Vitebsk pour tourner Barclay et le séparer de
atlas La Vie/Le Monde Napoléon veut crever l’abcès : il réunit une armée multinationale Bagration. Réalisant la faiblesse de sa position, Barclay l’évacue
(Atlas de l’Occident, de 450 000 hommes pour écraser l’armée russe placée juste der- le même jour et atteint Vitebsk le 23, laissant Wittgenstein (35 000)
Atlas de la France). Il rière la frontière. Après quoi le tsar fera la paix, comme après couvrir la route de Saint-Pétersbourg. Après de durs combats à
collabore régulièrement Friedland ! Ostrovno, Napoléon arrive devant Vitebsk le 26, où il espère livrer
à Guerres&Histoire. Il
La Grande Armée est divisée en quatre groupes : au la bataille attendue. Mais Barclay a appris que, rejoint par Davout
est également l’auteur
de La France pouvait- centre, à Kovno, six corps et la réserve de cavalerie à Moguilev le 23, Bagration a été battu et contraint de faire retraite
elle gagner la guerre (300 000 hommes) doivent attaquer frontalement la 1re armée plus à l’est. Il lève le camp la nuit du 27 et marche vers Smolensk,
en 1870 ? et de Et si russe (Barclay de Tolly, 120 000) basée à Vilna ; au nord, à où Bagration le rejoint le 4 août.
Napoléon avait gagné Tilsit, Macdonald (30 000) doit prendre Riga, sécuriser la côte Napoléon dépité déclare alors que la campagne de 1812 est
à Waterloo ?, deux balte et les fleuves qui porteront le ravitaillement ; à 150 km au terminée : le manque de ravitaillement, la chaleur étouffante, la
livres de la collec-
sud, à Grodno, quatre corps (78 000) commandés par Jérôme poursuite et les combats ont réduit les effectifs d’un tiers. On res-
tion « Mystères de
guerre » chez l’éditeur Bonaparte doivent empêcher la 2e armée russe (45 000) de tera à Vitebsk pour organiser les territoires conquis, passer l’hiver
Economica. Bagration (voir p. 44), de rejoindre Barclay ; plus au sud encore, et préparer la campagne de 1813.

Le prince Michel Barclay de Tolly Le prince Charles de Schwarzenberg


(1761-1818) est un feld-maréchal russe (1771-1820), diplomate (ambassadeur
d’origine écossaise. Il se distingue à Saint-Pétersbourg) et excellent chef
durant la campagne de Pologne de de guerre, est à Wagram puis, la paix
1807, à Eylau, où il est blessé. Puis il signée, négocie le mariage de Napoléon
réorganise l’armée russe. En 1812, il avec Marie-Louise. L’Empereur lui
est nommé à la tête de la 1re armée de confie le commandement du corps
l’Ouest. Malade, il participe à Borodino autrichien qui entre en Russie avec la
et est rendu responsable de l’abandon Grande Armée. Il le sert avec honneur.
de Moscou. En 1813, les alliés le font commandant
suprême de leurs armées.

86 • Guerres & Histoire HS No 4


Napoléon est persuadé, à tort, que la prise de Moscou
et la défaite de son armée pousseront le tsar à négocier.
Mais côté russe, Bagration et les généraux arrachent à un
Barclay jugé trop timoré l’ordre d’attaquer les Français affai-
blis. Le 8 août, l’armée russe avance vers Vitebsk par la rive
Murat à Winkowo le 18 octobre, ce qui convainc Napoléon de
retourner à Smolensk où l’attendent ravitaillement et renforts,
pour y prendre des quartiers d’hiver plus proches de sa base. Afin
Pour aller + loin
La Campagne de
droite du Dniepr. Napoléon, ravi de rompre avec sa prudente de battre Koutouzov encore une fois, il prend la route du sud. 1812 en Russie,
résolution, opère par le sud un mouvement tournant qui, en Les avant-gardes s’affrontent à Malo-Iaroslavetz le 24. Le 25, Carl von Clausewitz,
franchissant le Dniepr, lui permet de gagner Smolensk par la Napoléon choisit pour la première fois de renoncer à la bataille Complexe, 2005.
rive gauche où court la route de Minsk, meilleure que celle tant recherchée pour retourner à Smolensk par le plus court La Campagne de
de Vitebsk. Mais le sacrifice d’une division donne le temps chemin. Russie 1812, Eugène
Tarlé, Gallimard, 1950.
à Barclay de revenir à Smolensk avant Napoléon. Le 17, les
Français attaquent la ville et refoulent sur la rive droite Barclay, La Grande Armée n’est plus Highway to
Kremlin, Kevin
qui s’enfuit vers l’est le soir du 18. Napoléon envoie Junot cou- Koutouzov suit une route parallèle, attaquant timidement Zucker, Operational
per sa route en traversant le Dniepr en amont de la ville tandis l’arrière-garde, les Cosaques se chargeant des traînards et des Studies Group, 2001.
que Ney le poursuit, mais Junot refuse d’obéir, et Barclay se fourrageurs. La désorganisation gagne peu à peu, les effectifs
dérobe à nouveau à l’issue de la bataille de Valoutina, le 19. Si fondent, vaincus par la boue puis la neige. Surtout, l’insuffisance
Junot est cassé de son commandement, Barclay est remplacé des stocks réunis dans les villes étapes oblige à reculer toujours
le 29 par Koutouzov (voir p. 40), qui promet de livrer bataille plus vers l’ouest. En revanche, les tentatives russes de capturer
pour sauver Moscou. la colonne française échouent : le 2 novembre à Viazma, du 14
Le 4 septembre, Koutouzov prend position à Borodino. Pour ne au 18 à Krasnoï, et surtout du 26 au 28 à la Bérézina, où les
pas laisser échapper l’occasion une troisième fois, Napoléon lance troupes de Wittgenstein venues du nord et celles de Tchitchagov
une attaque frontale le 7. Après une lutte acharnée, les Russes (voir p. 92) — qui remplace Tomasov — venues du sud arrivent
abandonnent le terrain, laissent les Français entrer dans Moscou trop tard pour bloquer le passage.
le 14, et se replient au sud de la ville. Napoléon est persuadé, Les pertes sont encore plus lourdes sur la route de Vilna en
à tort, que la prise de sa deuxième capitale et la défaite de son raison du froid (-28°). Le 6 décembre, Napoléon quitte l’ar-
armée pousseront le tsar à négocier. Mais l’incendie qui éclate mée pour Paris. Du 11 au 13, les débris de la Grande Armée,
le 15 détruit en cinq jours les deux tiers de la ville, privant les 23 000 hommes, repassent le Niémen à Kovno. Un anéantisse-
Français des quartiers d’hiver espérés. ment qui ouvre la voie à la révolte de toute l’Europe occupée,
Après cinq semaines d’attente, Koutouzov renforcé attaque jusqu’à la chute de l’Empire. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 87


1812 - La campagne de Russie

LES RUSSES PERDENT


SMOLENSK
MAIS SE DÉROBENT
Du 15 au 19 août 1812

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
Tolly
Barclay de
EFFECTIFS es

A
vant de marcher vers Vitebsk le 8 août, Bagration m
182 000 hom ration = 90 000)
avait pris la précaution de laisser en arrière la ag
116 000 (- B
division Neverovski (7 000 hommes) à Krasnoïé,
PERTES
sur la rive gauche du Dniepr. Refoulé par Ney le mes
30 000 hom
mes
15 août, Neverovski alerte ses chefs. Le corps le 30 000 hom
plus proche de Smolensk (Raïevski) fait demi-tour. Le 16 août DURÉE
au matin, alors que l’armée française arrive peu à peu devant la 3 jours pleins NNEL
OPÉRATIO ain,
ville, 15 000 soldats russes y sont présents, tandis que l’armée RÉSULTAT éo n occupe le terr
rebrousse chemin à marches forcées. mée de N ap ol
ales. S urtout,
L’ar
s pe rtes so nt quasi ég retraite de
Smolensk s’étend sur la rive gauche du Dniepr, entourée mais le uper la
re visant à co tant à celui-ci de
d’une solide muraille médiévale garnie de tours devant laquelle la manœuv ué , pe rmet
ho
s’étendent des faubourgs, au sud de la ville et sur la rive nord du Barclay a éc
s’échapper.
fleuve traversé d’un pont.

Attaque générale au canon


Au fur et à mesure de leur arrivée, les troupes françaises
se disposent en arc de cercle au sud de la ville, Ney à gauche,
Davout au centre, Poniatowski à droite, Eugène (voir p. 90), la
Garde et Junot en arrière. La fusillade et la canonnade montent répétés, les Français s’emparent des faubourgs, mais ne peuvent
en intensité tout au long de la journée. Napoléon, arrivé sur place en déboucher sous le feu nourri des remparts. Sur la droite,
le matin, constate que la ville ne peut être prise qu’au prix d’un Poniatowski réussit à installer en fin de journée une batterie de
assaut en règle le lendemain. 60 canons sur une hauteur au bord du Dniepr, qui prend en enfi-
Dans la nuit du 16 au 17, Barclay fait relever Raïevski lade le cours du fleuve, bombarde le pont et les batteries russes,
par Dokhtourov, et envoie Bagration vers l’est sur la route de tandis que les artilleurs français commencent à repérer les points
Moscou afin de protéger sa retraite d’un éventuel mouvement faibles de la muraille pour y pratiquer une brèche.
tournant des Français. Malgré les protestations de ses généraux, Barclay décide
Le 17 au matin, une attaque russe contre les tirailleurs fran- d’évacuer la ville. Aux feux déclenchés par les canons fran-
çais qui avancent vers les faubourgs fait croire à Napoléon que çais s’ajoutent dans la nuit l’incendie des magasins de vivres
les Russes vont livrer bataille devant la ville. Mais comme rien et l’explosion des dépôts de munitions, tandis que les Russes se
ne se passe, il ordonne l’attaque générale à 14 h. Les batteries retirent dans les faubourgs de la rive nord. La ville est bientôt
françaises canonnent les remparts sans grand effet, tandis que les la proie des flammes, et avec elle les blessés russes laissés en
batteries russes ripostent depuis la rive nord. Après des assauts arrière. Un spectacle grandiose et terrifiant pour les Français qui
comprennent que la prise de Smolensk n’apportera ni le ravi-
taillement, ni les abris espérés.
Le 18 au matin, les Français entrent dans la ville en ruines.
Maréchal d’Empire, le Andoche Junot (1771- Les Russes tirent toujours depuis la rive nord, mais dans la soirée,
prince polonais Joseph 1813) sort du rang, où il se Barclay retire ses troupes vers le nord avant de les faire obli-
Poniatowski (1763-1813) signale par sa témérité. Aide quer vers l’est, afin de dissimuler son intention de reculer vers
sert les Autrichiens, les de camp de Bonaparte dès Moscou, et non Saint-Pétersbourg comme le croira Napoléon qui
Prussiens puis Napoléon 1795, général en Égypte, il observe le mouvement à la lunette du haut d’un bastion domi-
lorsque celui-ci crée le grand- tombe ensuite en disgrâce nant le Dniepr. Barclay envoie une première colonne à 12 km
duché de Varsovie. Il se jusqu’en 1807. En Russie, vers le nord avant d’obliquer vers l’est en direction de Loubino,
couvre de gloire en Russie, il se montre apathique. Puis pour y retrouver la route de Moscou ; une deuxième colonne
puis en Allemagne, où il se il sombre dans la folie et se qui doit faire de même oblique vers l’est 4 km au nord de la
noie à la bataille de Leipzig. défenestre en 1813. ville. Mais au cours de cette marche de nuit par des chemins

88 • Guerres & Histoire HS No 4


S tab na

C uirassiers
BARCLAY

V E CORPS
Cosaques G renadiers

IV E CORPS
BAGRATION G o r b o u n o vo
III E
CORPS VIII E
CORPS

I ER CORPS II CORPS
E

VII E
CORPS

Évacuation totale S mo lens k T ic h i n i n o


le 17 août - 23h00 Valoutina-Gora
2
1 Crêtes de Valoutina
1
2
L ou bi no

VI E CORPS

1 MURAT
Vers S olo vie vo
NEY et Moscou
1

Pro u d i t c h i n o
DAVOUT

V E CORPS (pol.)

PONIATOWSKI
Garde
BESSIERES
Legion Vistule
JUNOT
VIII E
CORPS (westp., all.)

Smolensk est bientôt la proie des flammes, spectacle


grandiose et terrifiant pour les Français qui comprennent
qu’ils n’auront ni le ravitaillement, ni les abris espérés.

+ loin
de traverse, plusieurs corps se perdent et retournent au point de L’Empereur, le 17, avait envoyé l’ordre à Junot de franchir
départ, sauf une avant-garde (Toutchkov) qui parvient à Loubino. le Dniepr en amont, à Prouditchino, soit pour prévenir d’un Pour aller
Or, Bagration s’est retiré jusqu’à Dorogobouj, beaucoup trop à retour de Bagration, soit pour couper une retraite éventuelle La Campagne de
l’est pour pouvoir protéger la retraite de Barclay : Toutchkov de Barclay. Junot franchit le fleuve mais, attaqué le 18 par Russie 1812, Curtis
(voir p. 90) se retrouve seul pour remplir cette mission… l’arrière-garde de Bagration, il se contente d’occuper une tête Cate, Tallandier, 2012.
de pont. Malgré l’ordre d’attaquer, porté par Murat en personne Napoleon Later
Barclay arrive à s’échapper le 19, Junot — soit il refuse d’obéir à un rival, soit il réagit de Battles :
À l’aube du 19, Ney, sorti de Smolensk sur la route de manière paranoïaque (son caractère est devenu erratique depuis Smolensk – Lubino,
Moscou, croit à un retour offensif des unités russes en réalité éga- des blessures reçues à la tête lors de la campagne d’Italie) — Keith Poulter, 3W, 1992.
rées et les attaque, puis les suit vers midi jusqu’à Toutchkov sur refuse de bouger.
les crêtes de Valoutina, derrière lesquelles défilent les colonnes La nuit tombe alors que Ney et Davout s’emparent de la
de Barclay remises sur le bon chemin. dernière crête avant Loubino, mais c’est trop tard, l’armée de
Napoléon qui a suivi un moment la route de Saint-Pétersbourg Barclay est passée. Napoléon rentré à Smolensk éclate de colère
avant de comprendre son erreur rejoint Ney en début d’après- contre Junot, son ami de jeunesse, et le relève de son comman-
midi et le fait renforcer par Davout. Mais Barclay renforce de dement : ce général ne s’en remettra jamais et mourra en se
son côté Toutchkov avec les corps qui arrivent successivement. défenestrant l’année suivante. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 89


1812 - La campagne de Russie

À BORODINO,
DE SÉRIEUSES PERTES
POUR PEU DE GAINS
7 septembre 1812

ANTS
COMMAND er
Nap oléon I
Koutouzov
EFFECTIFS es

L
m
e soir du 5 septembre, Napoléon, lancé à la pour- 130 000 hom es
m
suite de Koutouzov, aperçoit les feux de camp de 128 000 hom
l’armée russe, visiblement prête à la bataille. Dans PERTES
mes
l’attente de l’arrivée de ses troupes échelonnées 50 000 hom
0 ho m mes
sur la route, il fait attaquer le soir même la redoute 58 00
de Chevardino, que Koutouzov avait fait édifier sur la route de DU R É E
e 6 h à 16 h)
Moscou en avant de ses positions. 10 heures (d NNEL
OPÉRATIO e. L’armée de
Celles-ci dessinent un S inversé sur un axe nord-sud. Au RÉSULTAT an ça is
ctoire fr s Russes
nord, elles s’appuient sur une ligne de redoutes édifiées C’est une vi le terrain et le
Napoléon oc cupe
pe rtes. L’armée de
derrière le cours de la rivière Kolotcha, un petit affluent de la
t su bi de plus lourdes éantie, mais elle
on an
Moskova traversé par la grande route de Moscou où se situe, en n’a pas été s que
Koutouzov à défendre Moscou alor vers la
avant de la position russe, le village de Borodino que Koutouzov nc er an ce
doit reno it son av
çaise poursu uvoir
a également fait fortifier comme avant-poste. Mais la rivière l’armée fran où Napoléon pense po la
pita le russ e, nd uiront à
dessine un coude vers l’ouest. Pour ne pas être tourné par le sud, co
ca
ir les né go ciations qui
où court la vieille route de Moscou, Koutouzov a fait construire ouvr
des redoutes et des flèches sur une crête située derrière des paix.
ruisseaux à sec, affluents de la Kolotcha : du nord au sud, la
« grande redoute », le hameau de Semionovskoié et trois flèches.
C’est cette ligne que tient l’armée de Bagration, derrière laquelle
Koutouzov a placé ses réserves.

Tir de mitraille sur l’Empereur long de la journée du lendemain, ses fossés servant d’abri lorsque
La journée du 6 septembre est consacrée au repos, au les boulets russes tombent trop près de la tente de l’Empereur.
ravitaillement des troupes et, côté russe, au renforcement des Pendant ses reconnaissances, Napoléon a en effet jugé que le
fortifications de campagne. Chacun sait dès lors que la bataille point faible des Russes était leur aile gauche. C’est sur ce point
aura bien lieu le lendemain. Napoléon parcourt à deux reprises qu’il décide de lancer une attaque frontale, précédée d’un bom-
le front des positions, au point d’essuyer un tir de mitraille russe bardement intensif. Eugène mènera une attaque de diversion
devant Borodino. Il passe la nuit sur la route de Moscou face à contre Borodino sur la route de Moscou, Ney et Davout mène-
Borodino sur la rive gauche de la Kolotcha, et y laissera sa tente ront l’attaque principale, Poniatowski, à droite, débordera l’aile
le lendemain pour faire croire que l’effort principal se fera sur gauche russe. Mais au dernier moment, Koutouzov a prolongé
cet axe. Mais c’est la redoute de Chevardino, prise le 5 par les celle-ci dans la nuit en plaçant dans le bois d’Outitsa le corps
Français, sur la rive droite, qui lui servira d’observatoire tout au de Toutchkov.

Fils de Joséphine, première femme Issu d’une fratrie de trois La redoute est une
de Napoléon, le prince Eugène de généraux russes, Nikolaï fortification isolée capable de
Beauharnais (1781-1824) est de toutes Alexeïevitch Toutchkov se défendre, en général, sur
les aventures de son beau-père. En 1805, (1765-1812) commande en 3 côtés. Elle peut comporter
il est fait colonel général des chasseurs 1812 un corps sous Barclay des flèches, ouvrage en forme
à cheval, puis vice-roi d’Italie. En 1812, de Tolly. Il est du combat de de pointe destinée à casser
il commande le 4e corps de la Grande Smolensk et se tient à gauche l’approche ennemie par des
Armée et montre toutes ses qualités à à Borodino, où il est blessé tirs de flanc.
Borodino et sur la Bérézina. à la tête de ses grenadiers.
Il meurt peu après.

90 • Guerres & Histoire HS No 4


M osk
ova
Armée
française COSAQUES
Goroshko va
Armée
russe

1 4 Phases
Ma s l o v a
Pont détruit
4

ORNANO BAGGAVOUT PLATOV


Cavalerie légère 4
UVAROV

KORFF

PRINCE EUGENE DELZONS Gorki OSTERMANN - TOLSTOÏ


V E CORPS IV E
CORPS XXXX
Borodino
V
LECCHI
BROUSSIER
1 U RO 3
TO
KH
DO RP
S
KOUTOUZOV
K olotcha E CO
GROUCHY V
GERARD 5

RAÏEVSKI
Val u ye va GRANDE
REDOUTE VII E
CORPS
ve rs Moscou
CONSTANTIN
XXXX NEY G ARDE
SIVERS
A l e x i n k i III E
CORPS
NANSOUTY

2 S e mi on o v s koié
NAPOLÉON Fomkina
BOROZDIN
5
JUNOT VIII E
CORPS
2
VIII E CORPS C hevardino
3
a

A n c i e n n e rou t e
emk

DAVOUT FLÈCHES Se
ve rs Moscou
K am

I ER CORPS my
D o ron i n o on
ovk a 5

MURAT Bois d’Outitsa


BAGRATION
GARDE 2

R ES . TOUTCHKOV
III E
CORPS
1
PONIATOWSKI M ILICES
V E CORPS
C OSAQUES

Les flèches et les redoutes défendues par Bagration


sont prises et reprises au prix de très lourdes pertes.
Davout propose d’appuyer le mouvement tournant de
Poniatowski, mais Napoléon refuse : il ne veut pas utiliser ses
réserves pour boucher le trou que ce mouvement créerait dans sa
ses troupes de l’aile droite pour renforcer sa gauche. Il envoie
vers 11 h sa cavalerie faire un raid de diversion contre Eugène.
Les Russes sont rapidement repoussés, mais ce mouvement
Pour aller + loin
Napoléon. 1812 :
ligne, et préfère les garder au cas où l’aile droite russe passerait à conforte Napoléon dans son souci de garder des réserves en La campagne de
l’offensive ; surtout, il craint qu’un mouvement tournant n’incite cas de contre-attaque. Russie, J. Tranié et
à nouveau les Russes à se dérober… Vers midi, les Français sont finalement maîtres des flèches et J.-C. Carmigniani,
Pygmalion, 1998.
du hameau de Semionovskoié, et tournent leurs canons contre la
La canonnade la plus intense grande redoute. Entre 15 et 16 heures, la cavalerie lourde saxonne Borodino, Battle of
the Moskova 1812,
La canonnade, commencée dès 6 heures le matin du 7 sep- et polonaise, appuyée par Eugène qui a traversé la Kolotcha, Richard H. Berg,
tembre, sera la plus intense de toutes les batailles napoléoniennes, fait tomber définitivement l’aile gauche russe en entrant dans la GMT Games, 2004.
car les Russes, avec 640 canons, ont les moyens de riposter aux grande redoute par l’arrière. Le combat se poursuit cependant
590 pièces françaises. Les historiens ont calculé que les Français à coups de canons sans guère plus de mouvements, les Russes
ont tiré ce jour-là 60 000 coups de canon et les Russes 50 000, soit refusant d’abandonner la partie. Vers 17 heures, Napoléon, qui
en moyenne trois coups par seconde sur la durée de la bataille… a quitté son poste d’observation, vient parcourir les positions
Eugène s’empare facilement de Borodino ; en revanche, les conquises.
flèches et les redoutes défendues par Bagration sont prises et Au soir de cette tuerie, Koutouzov a gardé intacte une partie
reprises au prix de très lourdes pertes, tandis que Poniatowski de son aile droite, et Napoléon sa Garde, malgré les supplications
ne parvient pas à déboucher de la forêt d’Outitsa, au sud. de ses généraux qui demandent que « les vieilles moustaches
Napoléon et Koutouzov nourrissent ce combat frontal autour achèvent le travail ». Chacun pense en effet que la bataille
de lignes fortifiées, prémisses des guerres à venir, à coups va reprendre le jour suivant. Mais Koutouzov, à l’annonce du
de renforts pour remplacer les effectifs qui fondent à grande décompte des pertes et privé des fortifications de son aile gauche,
vitesse sous la canonnade. Bagration est mortellement blessé choisit la retraite, ce dont Napoléon ne s’apercevra que le len-
vers midi par un éclat de métal. Koutouzov détache peu à peu demain matin. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 91


1812 - La campagne de Russie

LA BÉRÉZINA,
UNE CATASTROPHIQUE
VICTOIRE MILITAIRE
Du 25 au 29 novembre 1812

ANTS
COMMAND er
Napol éon I v
et Tchitchago
Wittgenstein
EFFECTIFS

L
a paix conclue avec la Suède et la Turquie en mes
20 000 hom
avril 1812 permet au Tsar de faire revenir les 00 0 ho m mes
50
troupes engagées en Finlande et dans les Balkans. PERTES
es
Wittgenstein ainsi renforcé au nord (34 000 6 000 homm
es
hommes), Tomasov (remplacé par Tchitchagov) 2 000 homm
au sud, avec 24 000 hommes, repoussent devant eux respecti- DURÉ E bre
le 28 novem
vement les corps de Macdonald et de Schwarzenberg qui leur Dix heures NNEL
OPÉRAT IO
RÉSULTAT s, les
sont opposés pour converger afin de couper la retraite des restes
ct oi re française. Certe bi moins
de la Grande Armée. Attaquée en queue par Koutouzov, celle- C’est une vi n et ont su
pent le terrai ntinué
ci, espère le tsar, sera contrainte de capituler. Russes occu s l’armée française a co
de pe rt es . M ai
r la m an œ uv re
a fait échoue urer
sa retraite et à l’encercler et à capt uva
Stratagème au sud de Borisov russe qui vi
sait
à la Bérézin
a sa
Après avoir appris que Wittgenstein a occupé Vitebsk le m pe reur . « Napoléon r et acquit même
l’E
t son honneu
6 novembre et évacué Smolensk le 17 novembre, Napoléon intégralemen oire. » (Clausewitz)
el le gl
dirige les troupes par la route du sud-ouest vers Minsk, où ont une nouv
été accumulées d’abondantes provisions. Mais le 16 novembre,
Tchitchagov s’empare de Minsk, puis le 21 de Borisov, où
est situé le seul pont sur la Bérézina. La retraite étant coupée,
Napoléon envoie Oudinot attaquer Borisov et fait rechercher se montre à Borisov le soir du 25 pour conforter le stratagème,
des passages possibles sur la rivière au nord de cette ville. avant de gagner Studianka le matin du 26. Le premier pont
Les éclaireurs d’Oudinot avaient découvert le 22 un gué à est achevé à 13 heures le 26 ; le second, pour l’artillerie et les
Studianka, vers lequel Napoléon averti fait converger les voitures, le sera vers 16 heures Oudinot traverse le soir du 26,
troupes par des chemins de traverse, et ordonne aux ponton- mais le pont d’artillerie s’effondre vers 20 heures, il faut le
niers du général Éblé d’y construire deux ponts. reconstruire. Il s’effondrera à nouveau par deux fois dans la
Afin de tromper Tchitchagov, qui s’est retiré sur la rive nuit. Ney traverse le matin du 27, puis Napoléon et la Garde
droite après avoir coupé le pont de Borisov, Oudinot envoie des l’après-midi, Junot et Poniatowski dans la soirée, Eugène et
unités entasser des poutres et des planches au sud de Borisov, Davout dans la nuit du 27. Il ne reste sur la rive gauche que
afin de faire croire à une tentative de passage. Tchitchagov rap- la masse des traînards qui ne songent pas à quitter les feux de
pelle les patrouilles envoyées au nord le long de la rive droite bivouac pour passer, et les troupes de Victor chargées de sur-
et marche vers le sud. Les pontonniers peuvent travailler sans veiller Wittgenstein qui, contournant sans les voir les Français
être inquiétés, quoique dans des conditions effroyables, dans entassés à Studianka, a rejoint Tchitchagov à Borisov.
une eau glacée, les journées du 25 et du 26. Napoléon lui-même Lorsque ce dernier se rend compte de sa bévue, il marche

Pierre Christianovitch, L’amiral Pavel Vassilievitch Tchitchagov Nicolas-Charles Oudinot


comte Wittgenstein (1768- (1767-1849) commande en 1812 l’armée (1767-1847) est le maréchal
1842), est issu d’une famille russe de Moldavie. En marchant vers le plus blessé de l’Empire
germano-balte au service du l’ouest, il se heurte à Schwarzenberg, qui (22 ou 27 fois, on en
tsar. En 1812, il commande tient l’aile droite de la Grande Armée. Il discute…). Il n’est absent
le 1er corps russe. Il manque le repousse puis, remontant vers le nord, qu’en Espagne. Chef du 2e
l’encerclement des Français vient couper la retraite de Napoléon sur corps durant la campagne
sur la Bérézina puis prend la Bérézina. Il est rendu responsable de de Russie, il montre son
la tête de l’armée russe en l’échec de Borisov. habituel courage au
1813, à la mort de Koutouzov. passage de la Bérézina.

92 • Guerres & Histoire HS No 4


vers le nord par la rive droite, mais Ney défend la tête de
pont tout au long de la journée du 28, protégeant le défilé des
troupes. Wittgenstein arrive à son tour par la rive gauche du
nouvelle ruée des traînards et des civils. Mais 10 000 d’entre
eux, privés de passage, tomberont aux mains des Cosaques.
Pendant ce temps, les dernières unités organisées, dont les
Pour aller + loin
L’Effroyable
fleuve, provoquant la panique des traînards qui se ruent sur les équipages de l’Empereur, toujours protégées des attaques de tragédie, M.-P. Rey,
ponts : c’est à ce moment que se déroulent les scènes les plus Tchitchagov par Ney, filent par la digue qui traverse les maré- Flammarion, 2012.
terribles qui forgeront le sinistre nom de la Bérézina. cages en direction de Vilna. La Bérézina. Une victoire
Les troupes de Victor résistent jusqu’à la nuit à Wittgenstein Koutouzov, cantonné à Kopys sur le Dniepr, à une journée militaire, F. Beaucour, J.
avant de franchir les ponts à leur tour. Les pontonniers mettent de marche de Studianka, n’aura pas esquissé un mouvement Tabeur et L. Ivtchenko,
Economica, 2006.
le feu à leurs ouvrages à 8 heures le matin du 29, suscitant une durant la bataille... ■
La Bérézina 1812,
Frédéric Bey,
Ludifolie éditions, 2012.
Dans des conditions effroyables, deux ponts sont construits :
un pour les troupes, l’autre pour l’artillerie et les voitures.

xxx Vers Orsha


WITTGENSTEIN
a

1
ézin

WITTGENSTEIN xxx Bobr


Bér

2
VICTOR xxx
Z e m b in xxx
Studienka 2 DAVOUT
3 xxx KOUTOUZOV
JUNOT xxx VICTOR
EUGÈNE 2 xxx
DAVOUT EUGÈNE
OUDINOT
OUDINOT
NEY
Borisov xxx JUNOT

1 NEY

Feintes 1
2
françaises Position le 28 nov.

xxx Ucholodi
1 Position le 25 nov.
1

TCHITCHAGOV Pont de bateaux

Pont

Vers Minsk

RUSSIE Ve rs
Moscou
XXXX
Po lotsk WITTENGSTEIN
Niémen Ko vno V it e b s k
Doro gobouj
XXX
S molensk
Königsberg VICTOR Moskova
XXX
Orsha
V ilna S t udianka XXX Kr asnoï
NAPOLÉON
XXXX
OUDINOT
LI T UANIE KOUTOUZOV
XXXX Bor iso v XXX Kopys
Minsk DABROWSKI
Gro dno
TCHITCHAGOV
Dniepr

RUSSIE
Béré zino

réz
ina

Guerres & Histoire HS No 4 • 93


LA CAMPAGNE
DE SAXE 1813
La dernière campagne outre-Rhin est un échec patent
pour l’Empereur. Son art est désormais assimilé par
les coalisés, qui bénéficient en outre de la supériorité
numérique, et l’usure continue, considérable et sans
remède des forces françaises les condamne à la ruine.

94 • Guerres & Histoire HS No 4


À Hanau, le 30 octobre
1813, la cavalerie de
la garde impériale
affronte celle de la
Bavière, ex-allié de
Napoléon et qui a
changé de camp le 8.

Guerres & Histoire HS No 4 • 95


1813 - La campagne de Saxe

ET LA FRANCE
ABANDONNA
L’ALLEMAGNE

L a désastreuse campagne de 1812 en Russie a fait trembler


l’édifice napoléonien sur ses bases, mais c’est celle de
1813 qui marque la fin du « Grand Empire » puis préfi-
gure la chute du régime, l’année suivante.
Lorsque Napoléon Ier quitte la Grande Armée, le 5 décembre
1812 en Lituanie, celle-ci n’existe déjà quasiment plus.
L’Empereur décide alors de rentrer à Paris pour reconstituer
une armée et, surtout, raffermir un régime qui a dangereusement
vacillé sous la tentative de coup d’État du général Malet. La fin
de la campagne de Russie, quant à elle, ne signifie en rien la fin
Armée apparaissent au grand jour. Le 4 juin 1813, un armistice
est signé à Pleiswitz. Napoléon sent que l’Autriche est mena-
çante. En outre, les pertes françaises ont été importantes sans
avoir permis d’obtenir d’avantages décisifs. Il espère que pen-
dant ce répit de deux mois, il pourra se renforcer et, par une
manœuvre diplomatique, réussir à maintenir l’Autriche au mieux
dans l’alliance française, au pire hors de la guerre. L’objectif des
coalisés est bien sûr inverse, et ils cherchent surtout à miner le
système des alliances de Napoléon. Une entrevue orageuse entre
le chancelier Metternich et l’Empereur, le 26 juin, ne doit laisser
de la guerre. L’empereur de Russie, Alexandre Ier, a décidé de que peu d’illusions à Napoléon sur les intentions de l’Autriche.
PAR PATRICK BOUHET poursuivre son avantage en Allemagne.
(voir biographie p. 40) En décembre 1812, la Prusse, auparavant alliée à la France Les coalisés serrent les rangs
contre son gré, se déclare neutre. Puis, le 17 mars, elle s’engage Mais il accepte, malgré tout, sa médiation et il est décidé qu’un
avec la Russie et entre ainsi dans la sixième coalition (voir congrès se tiendra à Prague, tandis que l’armistice est prolongé
p. 100). Lorsqu’après avoir réussi à reconstituer une armée de jusqu’à la mi-août. Aucun des belligérants ne veut apparaître
campagne de plus de 200 000 hommes en moins de trois mois, comme l’agresseur, mais aucun ne semble non plus souhaiter

+
Napoléon arrive à Erfurt, le 25 avril 1813, il doit tenir compte de réellement un compromis. Napoléon double ses effectifs. Les
Pour aller loin l’ensemble de ces données dans ses calculs. Tout au long de la coalisés renforcent leurs liens, reçoivent le soutien financier et
campagne à venir, son but principal sera de reprendre Berlin. Ce matériel du Royaume-Uni, définissent leurs objectifs communs
Napoléon- serait un rude coup politique pour les coalisés et un succès militaire pour faire taire leurs divisions, ainsi qu’un plan qui vise à chasser
Metternich.
Le jour où l’Europe
qui assurerait des ressources pour le ravitaillement de l’armée. les Français d’Allemagne. Allemagne où l’exaspération, quant
a basculé, Günter Mais son premier objectif est de reconquérir Dresde et d’y aux conséquences économiques et sociales de la présence fran-
Müchler, France- rétablir le roi de Saxe chassé de sa capitale, le 26 mars. C’est la çaise, touche la population de tous les États et fait naître un
Empire, 2013. condition nécessaire au maintien de son système d’alliances et de sentiment antifrançais plus que réellement national.
Allemagne la Confédération du Rhin, d’autant que les coalisés menacent les Lorsque les opérations reprennent, ce sont 770 000 coalisés qui
1813, de souverains de la perte de leurs États s’ils ne les rejoignent pas. sont opposés à environ 530 000 Français et alliés sur un théâtre
Lützen à Leipzig, À Lützen le 2 mai, puis à Bautzen, les 20 et 21, Napoléon d’opérations immense qui s’étend de la Baltique au Tyrol et des
F. Bey, Hexasim, 2011. bat les armées coalisées, mais les limites de la nouvelle Grande bords du Rhin à l’empire d’Autriche. Napoléon vise toujours
Berlin et souhaite battre les armées ennemies successivement
avant leur regroupement et ainsi, peut-être, obtenir la dissolution
de la coalition comme il l’a fait en 1805. Les coalisés veulent
Le 23 octobre 1812, profitant de
eux livrer une bataille décisive toutes forces réunies, en évitant
l’absence de l’Empereur, le général
Claude-François de Malet
des batailles partielles où l’Empereur est présent.
(1754-1812), ancien gouverneur Une série de combats et batailles aux chances fluctuantes
de Rome déjà incarcéré en 1808 commence alors. Davout, qui a repris Hambourg en mai, rem-
pour conspiration, annonce la mort porte une victoire dès le 18 août. Bernadotte, devenu prince
de Napoléon, la fin de la guerre et héritier de Suède et commandant de l’armée coalisée du Nord,
la formation d’un gouvernement bat Oudinot à Grossbeeren, le 23. Si Napoléon gagne une grande
provisoire. Le coup d’État échoue bataille à Dresde, les 26 et 27 août, le corps d’armée du général
et les conjurés sont fusillés le 29. Vandamme est détruit à Kulm, le 30. Le 6 septembre, le maréchal
Ney est battu à son tour à Dennewitz par le Prussien Bülow.

96 • Guerres & Histoire HS No 4


MECKLENBOURG Elster
Ell CZERNICHEV
E S tett in
H ambourg
b be
DAVO U T 30 mai PRUSSE T hor n

er
Od
Elbe
B rême

H avelberg
WESTPHALIE POLOGNE
Küstr in
S pandau
B er lin
P osen
Armée WITTGENSTEIN
française M agdebourg
BÜLOW
Armée 3 juin
coalisée
L uc kau
EUGÈNE Printemps
Armée SAXE 1813
G log au
autrichienne
(neutre) 21 mai
T org au Od
2 mai Ba u t z e n
er
Ville avec garnison L eig nitz
française encerclée Le i p z i g
L ütz en
par les coalisés
D resde 3 juin B reslau
E r f ur t Elbe
NAPOLEON
BLÜCHER
Sa
ale
AU
UT
TRI
RICH
C E
CH P r ague

BAVIÈRE
B ay reuth

La situation se dégrade tant, que la Bavière entame son aban- xxx


don de l’alliance française dès le 10 septembre, puis rejoint la Ber lin
coalition le 8 octobre. Les 16, 17 et 18 octobre 1813 a lieu, BERNADOTTE Spre
e
Été-
Automne
à Leipzig, la plus grande bataille livrée en Europe jusqu’à la G r o s s be e r e n xxxx 1813
Première Guerre mondiale. Napoléon, n’étant pas parvenu à NAPOLÉON
D ennevitz
battre ses ennemis les uns après les autres, ne pouvait que plier Elbe
Ode
sous le poids du nombre et la volonté de ses adversaires. Il aban- r

donne alors l’Allemagne et passe le Rhin, le 2 novembre, non


K atsba ch
sans avoir sévèrement battu les Bavarois à Hanau.
Breslau
Les Français lassés de la guerre L eip zig D r esde
xxx
Napoléon pouvait-il encore gagner ? Politiquement, il n’ar-
rive plus à diviser ses adversaires car, malgré des divergences Ku lm xxx BLÜCHER
notables, ils sont unis dans leur rejet de la domination française.
SCHWARZENBERG
Même au sein de l’Empire et de son gouvernement, les soutiens
deviennent moins sûrs. Les Français aspirent à la paix et l’ex-
priment. L’ambition de Napoléon n’est plus la leur. D’ailleurs,
la France a-t-elle encore les ressources pour mener longtemps
ce qui s’apparente de plus en plus à une guerre d’usure ? La des opérations par Napoléon sont mis en cause. S’il affirme qu’il
campagne de 1813 doit être avant tout considérée comme une ne faut jamais se concentrer au contact de l’ennemi au risque de se
victoire diplomatique et financière britannique, tandis que la faire battre en détail, les coalisés font l’inverse ; et par des marches
manœuvre diplomatique qui, chez Napoléon, précède ou accom- concentriques l’obligent à une bataille qu’il n’a pas provoquée.
pagne toujours les opérations militaires, a échoué. Ils réussissent ainsi là où la coordination, liée aux moyens de
S’agissant des opérations militaires, l’offensive sur Berlin communication disponibles, n’est plus suffisante pour conduire
tentée par Napoléon s’accompagne, selon les réactions de ses les plans conçus par l’Empereur et obtenir puis conserver l’initia-
adversaires, d’une manœuvre sur lignes intérieures. Elle a induit tive. Il est néanmoins certain que la nette supériorité numérique
un constant jeu de va-et-vient qui a épuisé les troupes, tandis que des coalisés leur facilite les choses. Sur le plan tactique également,
les coalisés ont toujours réussi à esquiver les offensives conduites l’armée impériale a perdu sa supériorité. En 1813, tous les belligé-
par l’Empereur. Surtout, cette méthode ne semble plus adaptée. rants sur le théâtre allemand sont organisés et combattent selon le
Les masses, l’espace et le temps sont d’une tout autre dimension principe du corps d’armée et sur la base de tactiques comparables,
qu’en 1796 ou 1809. Même les principes qui fondent la conduite voire supérieures, à celles des Français. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 97


1813 - La campagne de Saxe

VICTOIRE INSUFFISANTE
À LÜTZEN
2 mai 1813

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
ittgenstein
Blücher - W

L
e plan de Napoléon au début de la campagne est de EFFECTIFS es (78 000 engagés)
m
marcher sur Stettin en reprenant Berlin et de repor- 144 000 hom mmes
ter la guerre plus à l’Est de façon à conserver ses 00 0 et 140 000 ho
Entre 93
alliances, et les ressources matérielles et politiques s
PERTES és et blessé
et 22 000 tu
qu’elles offrent. Il veut aussi débloquer les places Entre 19 000 és et bles sés
et 20 000 tu
fortes occupées par des unités françaises et alliées, puis manœu- Entre 8 500
vrer sous leur protection. Mais ce sont les coalisés qui ont pris DURÉE h
12 h à 18-19
l’initiative et passé l’Elbe dès le 11 avril. Ce plan est alors revu à 6 heures, de MENT
L’AFFRONTE française
la baisse. Il s’agit, à l’inverse de Iéna en 1806, de couper l’armée NATURE DE que surprenant l’armée
ennemie de ses communications avec la Prusse par l’aile gauche, si ve – A tta
Défen NNEL

+
OPÉRATIO ndemain
c’est-à-dire par Dresde, tandis que celle-ci s’avance vers Bayreuth. RÉSULTAT ise et sans le
Pour aller loin Les coalisés sont lents, et Napoléon a le temps d’adapter son Victoire ch èrem ent acqu

dispositif. Le 1er mai 1813, un premier combat oppose les Français POLITIQUE
La Russie contre RÉSULTAT
Napoléon, à l’armée commandée par le général russe Wittgenstein. Les Aucun
Dominic Lieven, coalisés reculent mais Bessières est tué par un boulet. Le 2 mai,
éd. des Syrtes, 2012. Napoléon continue son mouvement sur Leipzig. Les coalisés lui
La Bataille imposent alors une bataille comportant deux phases principales.
de Lützen, E. De midi à 17 heures environ, c’est une phase défensive. Garde en arrière, les corps de Macdonald (11e) et de Marmont (6e)
Wimble et M. Mattson, Wittgenstein attaque le 3e corps d’armée de Ney, qui a du mal à à gauche et à droite. L’Empereur arrive sur le champ de bataille
Clash of Arms, 1999.
résister. Napoléon ordonne des mouvements pour le soutenir : la vers 15 heures. Ney et Marmont doivent contenir les Coalisés ;
Macdonald et Bertrand (4e corps) doivent prononcer un mouve-
ment d’enveloppement de l’adversaire par les deux ailes.

La Vieille Garde soutient la Jeune


Elster À partir de 17 h-17 h 30, c’est Napoléon qui lance l’offensive.
Au centre, ses positions ont tenu, notamment grâce à l’appui de la
KLEIST Jeune Garde (voir p. 100). Les mouvements sur les flancs étant
L ei p z i g assez prononcés, il fait constituer une grande batterie de 60 à 70
Mersebourg
LAURISTON
Ve r s pièces, qui foudroient les coalisés au centre. À 18 h 30, les restes du
MACDONALD 3e corps et la Jeune Garde soutenue par la Vieille Garde attaquent à
Dresde leur tour au centre. Sous la pression, les coalisés se replient, protégés
GARDE par la garde russe en réserve, et abandonnent les localités gagnées
plus tôt. La nuit tombe et Napoléon fait bivouaquer ses troupes sur le
L ü t z en
champ de bataille. Une charge de la réserve de cavalerie prussienne
ale Grossgörschen contre les campements français échoue. La bataille est terminée.
NEY
Sa Cette première bataille importante de la campagne démontre
MARMONT BLÜCHER
Zwenkau
que Napoléon et son armée reconstituée restent un adversaire
Wei s s e n f e l s
très dangereux pour les coalisés. Mais la victoire est insuffisante
YORCK pour réellement renverser l’équilibre des forces. En l’absence
BERTRAND de poursuite, elle est plus coûteuse pour les Français que pour
Pegau
leurs ennemis. Cela démontre aussi que l’avantage tactique dont
WITTGENSTEIN
pouvait bénéficier l’armée française dans les premières années
Français WINTZINGERODE a disparu. L’adversaire est plus expérimenté, plus solide, mieux
Coalisés organisé et dispose d’une cavalerie nombreuse, tandis que celle
Intention des Français est insuffisante, en particulier pour conduire les deux
française missions indispensables à une victoire majeure : la reconnaissance
et la poursuite. Lützen enlève toutefois aux Prussiens une figure
primordiale de la résistance à la France et de la reconstruction de
l’armée : Scharnhorst, chef d’état-major de Blücher. ■

98 • Guerres & Histoire HS No 4


BAUTZEN, UN
SUCCÈS MITIGÉ
Du 20 au 22 mai 1813

ANTS
COMMAND er, Ney
Napoléon I
Wittgenstein
EFFECTIFS es (Napoléon) +

A
près la bataille de Lützen, Wittgenstein s’est replié m
100 000 hom
sur Bautzen, mettant pour un temps l’Elbe entre lui mes (Ney)
85 000 hom
et Napoléon. Arrivés là, Alexandre 1er, empereur 000 hommes
92 000 à 100
de Russie, et Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse,
PERTES 000
décident qu’il faut tenir et faire face. 000 voire 20
11 000 à 15 0
00
Les forces françaises sont divisées en deux groupes, respecti- 12 000 à 20
vement dirigés par l’Empereur et par le maréchal Ney. Le premier DURÉE
comprend la garde impériale, les 4e (Soult ou Bertrand selon les Deux jours NTEMENT
dates et les sources), 6e (Marmont), 11e (Macdonald), 12e corps E L’AFFRO
NATURE D
(Oudinot) et 1er corps de cavalerie (Latour-Maubourg). Le second Offensive NNEL
intègre les 2e (Victor), 3e (Ney), 5e (Lauriston), 7e corps (Reynier) OPÉRATIO
RÉSULTAT ise
ça
et le 2e corps de cavalerie (Sébastiani). Victoire fran
LT AT POLITIQUE itz pour récupérer
RÉSU isw
La cavalerie, le maillon faible rm istice de Ple
Aucun. A
Du côté russo-prussien, on compte 96 000 hommes et 250
canons. L’armée est organisée défensivement sur deux lignes qui
s’appuient sur le terrain et des villages. Il semble que Napoléon ait l’armée placée sous ses ordres directs. Ensuite, Ney et les corps
constamment surévalué ses adversaires en leur prêtant une force de qu’il commande doivent agir contre le flanc de l’armée ennemie
150 000 hommes, alors que la supériorité numérique est clairement et ainsi provoquer l’engagement des réserves de Wittgenstein.
du côté français, sauf en termes de cavalerie. Après avoir reconnu Affaibli sur son front et désormais sans appuis, ce dernier devrait
les positions alliées, Napoléon décide de la manœuvre offensive être alors à la merci d’une attaque menée par le 4e corps.
qu’il veut conduire. D’abord, fixer Wittgenstein sur l’ensemble Après quelques combats partiels le 19 mai, comme à Weissig et
de son front avec les corps formant le centre et l’aile droite de Königswartha où les pertes sont assez lourdes pour les deux camps,
la première phase du plan débute le 20. Trois corps attaquent de
front pendant que d’une part, le 12e corps menace le flanc gauche
coalisé, d’autre part Ney, à la tête de ses 5 corps, prononce son
mouvement d’enveloppement de la droite. Chaque partie pense
NEY
LAURISTON contrôler la situation. Le lendemain, le plan français se développe,
mais Ney ne parvient pas à remplir pleinement sa mission, notam-
Armée Klix ment à cause de la résistance acharnée des troupes adverses. Vers
française 11 heures, Napoléon reprend l’attaque du centre en faisant intervenir
ree

Armée
l’artillerie en masse. Il veut toujours éviter l’attaque frontale géné-
Sp

coalisée
BERTRAND
Intention
Gleina
rale et attend que les positions coalisées tombent du fait de l’action
française BARCLAY
de Ney. Sous la pression de ce dernier et la menace d’être envelop-
MARMONT
pés, les coalisés reculent dès 15 heures en commençant par leur aile
BLÜCHER Preititz
gauche. La bataille se termine vers 22 heures sous un violent orage.
La bataille, favorable aux Français, leur coûte aussi cher qu’aux
KLEIST
coalisés et confirme que sans cavalerie, la poursuite est impossible.
MACDONALD
YORCK
La nouvelle Grande Armée est courageuse mais s’épuise vite.
L’armée adverse se replie en effet en bon ordre vers la Silésie. Le
Bautzen 4 juin, les adversaires conviennent d’un armistice nécessaire à leur
Route vers CONSTANTIN
Dresde Drehsa renforcement respectif. La lutte doit reprendre dans l’esprit de tous,
MILORADOVITCH
WITTGENSTEIN aucun n’ayant pu prendre un avantage marqué.
GORTCHAKOV
Dans sa conception, Bautzen pourrait être un modèle de bataille
OUDINOT Route vers
napoléonienne. La manœuvre à trois temps — fixation-déborde-
Breslau ment-attaque décisive — aurait dû être suivie de la poursuite. Mais
il a manqué la cavalerie nécessaire, la qualité des troupes et les
communications à la dimension de la manœuvre d’armées pour une
conception pensée à celle de la coordination de corps d’armée. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 99


1813 - La campagne de Saxe

DRESDE, LE CHANT
DU CYGNE DE LA GESTE
NAPOLÉONIENNE
Du 26 au 27 août 1813

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
erg
Schwarzenb
EFFE CTI FS

A
mes
près la rupture de l’armistice de Pleiswitz, chaque 120 000 hom 0 hommes
00
camp s’est renforcé, notamment en cavalerie pour Plus de 150
la France, et ce sont plus de 770 000 coalisés qui PERTES
es
se trouvent opposés à 530 000 Français et alliés, 8 000 homm
0 ho m m es
toujours plus fragiles, de la France. Napoléon veut 27 00
reprendre les conceptions qu’il a développées depuis le début DU R É E h
: de 15 h à 21
de la campagne. Les coalisés souhaitent une bataille décisive, 26 août 1813 de 6 h à 15 h
18 13 :
mais qui ne sera proposée ou imposée que si l’armée française 27 août NTEMENT
E L’AFFRO
se retrouve suffisamment affaiblie par des défaites partielles suc- NATURE D ive puis offensive
ns
cessives des lieutenants de Napoléon. Bataille défe e
ai lle im po sé
B at NNEL
Profitant que Napoléon se focalise sur l’armée de Silésie OPÉRATIO
(Blücher), Schwarzenberg, à la tête de l’armée de Bohême forte RÉSULTAT ise majeure
ça
Victoire fran
de 230 000 Russes et Autrichiens, se dirige vers Dresde, capi-
S U LT AT POLITIQUE vation de
RÉ er
tale du roi de Saxe, allié de Napoléon. Les Prussiens suivent la si ce n’est la cons
Aucun nne
stratégie qui a été définie — le plan dit de Trachenberg — et l’alliance sa xo
se replient devant Napoléon. Gouvion-Saint-Cyr, dont le corps
représente la seule défense de Dresde, alerte alors Napoléon du
mouvement qu’effectue l’armée austro-russe. L’Empereur se met compris que Napoléon est accouru. Mais le contrordre n’arrive
aussitôt en route pour Dresde. pas à temps et le combat est engagé.
Dans un premier temps, l’armée de Schwarzenberg pro-
L’ennemi aux portes de la ville gresse ; mais elle est de plus en plus ralentie au fur et à mesure de
Dès le 22 août, Gouvion-Saint-Cyr est au contact avec l’ar- l’engagement de nouvelles troupes du côté français. Les lignes
mée de Schwarzenberg, dans un rapport de 1 à 4. Il ne retarde de défense tenues par le corps de Gouvion-Saint-Cyr pour pro-
que difficilement la progression ennemie et aurait sans aucun téger la ville résistent presque partout. Entre 5 heures et 5 h 30,
doute perdu Dresde si l’état-major coalisé avait réellement Napoléon décide de contre-attaquer, notamment avec la Garde,
poussé son avantage. Le 26, après avoir attendu de nouveaux et au soir, quand les combats cessent, il a recouvré le terrain
renforts, les Austro-Russes sont aux portes de la ville et pré- perdu dans la journée.
voient d’attaquer. Mais Napoléon arrive le même jour avec la Durant la nuit, les renforts arrivent des deux côtés. Les
Garde, la réserve de cavalerie (Murat), suivies des corps de Français rassemblent 120 000 combattants tandis que les Austro-
Marmont et Victor. L’avantage des coalisés est passé à 2 contre Russes en disposent de plus de 150 000 autour de Dresde.
1, tandis que les Français bénéficient de positions défensives. Le lendemain, les deux états-majors opposent deux plans
L’état-major coalisé décide alors d’annuler l’attaque car il a diamétralement contraires. Les coalisés concentrent leurs efforts

La sixième coalition regroupe, aux Unité de la garde impériale constituée


côtés de l’Angleterre et de l’Autriche, postérieurement à la Vieille Garde, la
le royaume de Prusse et l’Empire russe, Jeune Garde réunit plus de 30 régiments,
à nouveau adversaire de la France depuis allant jusqu’à représenter 3 corps
la fin des effets du traité de Tilsit. C’est d’armées à 2 divisions de conscrits,
contre cette coalition que Napoléon encadrés par les anciens. On y trouve des
connaît les échecs qui aboutiront à son voltigeurs-tirailleurs, des flanqueurs, des
abdication et son départ vers l’île d’Elbe gardes nationaux, des artilleurs, et enfin
en avril 1814. des éléments de cavalerie.

100 • Guerres & Histoire HS No 4


Br i e s n i t z Le 26 à Dresde,
sort de la ville le 27 à 6h.
Retour à 3h

NAPOLEON
LATOUR-
MAUBOURG Fr iedr ic hstadt
Palais
Marcolini
MURAT Vers
BIANCHI
Dresde Nou vel le Bautz en
ville
Löbtau
El
Gor bitz V ieil le
be
Por te de
Freiberg ville
VICTOR
Por t e
Pirna

MARMONT
GARDE L os c hwi t z
Blase witz
CHASTELER
Plauen

CO Gr o s s e r Garte n
LL S t r ies en
OR
ED
O
Zschertnitz
Grenadiers R äc kn i t z
SAINT CYR
Gr una
tz autrichiens
eri MILORADOVITCH NEY
eiss S t re hle n
W
Dölzschen Mockritz S e id n it z
KLEIST
MORTIER
Positions du 27 août 1813 SCHWARZENBERG
Autrichiens L e ub n it z
WITTGENSTEIN
Français
NANSOUTY
Redoute

+ loin
et leurs troupes au centre, Napoléon veut attaquer sur les deux car la poursuite n’est pas suffisamment engagée. En effet,
flancs en fixant, justement, le centre ennemi. Ney et Mortier sont Napoléon est souffrant à partir du 28 août, et n’insuffle pas l’éner- Pour aller
à gauche, Victor et une partie de la cavalerie à droite. Gouvion- gie nécessaire à une armée épuisée par les derniers combats. Plus En campagne avec
Saint-Cyr et Marmont sont au centre avec la Garde en réserve. grave, la victoire est minorée voire remise en question par la des- Napoléon, 1813.
Le temps est à la pluie et au brouillard, ce qui aura pour effet de truction du corps de Vandamme, dès le 30. Il devait la compléter Récits et témoignages,
limiter la qualité du feu de l’infanterie et pèsera sans aucun doute en coupant la retraite de l’armée coalisée, mais ne pouvait le faire C. Bourachot (dir.),
dans les succès remportés par la cavalerie ce jour-là. sans un soutien qu’il ne reçut pas des corps de Gouvion-Saint- Pierre de Taillac, 2013.
Cyr et de Mortier. Situation et risque qui ne sont pas nouveaux si The Battle for
Un boulet tue encore un général l’on se souvient de Mortier à Dürrenstein en 1805 ou de Davout Dresden 1813,
Mark Hinkle, New England
À 6 heures du matin, les Français attaquent la droite coali- à Auerstaedt en 1806. Mais le différentiel de qualité tactique Simulations, 1995.
sée qui commence vite à céder, mais aussi l’aile gauche où les n’est plus suffisant pour compenser les aléas ou les fautes de la
résultats sont tout aussi positifs, surtout après l’attaque menée manœuvre générale. Les Russes, Prussiens et Autrichiens se sont
par Victor et Murat vers 15 heures Le centre austro-russe ne peut définitivement hissés au même niveau de cohésion, d’organisa-
soutenir ses ailes, principalement la gauche dont il est séparé tion, de professionnalisme et de commandement que les Français,
par un ravin. Lui-même gagne un peu de terrain mais est bloqué qui ont beaucoup perdu dans ces domaines à cause de l’usure
par la résistance de Gouvion-Saint-Cyr et Marmont, et subit les provoquée par les campagnes précédentes.
contre-attaques de la Garde. C’est là, vers 11 heures, que le géné- Les défaites d’Oudinot, le 23 août — qui manœuvrait vers
ral français Moreau, rendu célèbre par ses faits d’armes pendant Berlin et s’est retrouvé face à l’armée de Bernadotte — d’une
la Révolution, est frappé par un boulet de la Garde. Opposant à part, celle de Macdonald le 26 face à Blücher à la Katzbach
Napoléon, il était revenu il y a peu de son exil en Amérique pour d’autre part, finissent d’assombrir le tableau. La manœuvre
servir de conseiller à l’empereur Alexandre 1er de Russie. Il a les voulue par Napoléon depuis le début de la campagne et visant à
deux jambes emportées, et mourra peu après. agir sur Berlin avant de rejeter l’ennemi le plus à l’est possible
Leurs deux ailes ayant été vaincues, et craignant d’être reje- se révèle impossible à réaliser, notamment parce qu’il a perdu
tés au sud, en désordre et sur de mauvais chemins, les coalisés l’initiative et ne réussit plus à imposer à ses adversaires ni son
décident de se retirer, profitant du couvert de la nuit. Leurs pertes tempo, ni sa stratégie.
sont importantes, notamment en prisonniers, mais ils se replient La bataille de Dresde est en quelque sorte le chant du cygne
à nouveau en bon ordre. avant la catastrophe qui transparaît déjà à la lecture de la situa-
La victoire, pour être nette une fois de plus, n’est pas décisive tion générale à la fin du mois d’août 1813. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 101


1813 - La campagne de Saxe

LA FRANCE JOUE
SEULE CONTRE TOUS
À LEIPZIG, ET PERD
Du 16 au 19 octobre 1813

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
oupes alliées
Chefs des tr
EFFECTIFS 000 hommes
0
170 000 à 19 octobre – 370 000 le 18

N
apoléon a décidé de regrouper son armée autour de
200 00 0 le 16
Leipzig menacée, avec les troupes qui couvrent la
ville par les armées coalisées en cours de jonction. PERTES
mes
Il inspecte le futur champ de bataille le 15 octobre 45 000 hom
0 hommes
1813 et arrête son plan. L’armée française est dis- Plus de 50 00
posée sur trois lignes de défense pour attendre l’arrivée de troupes DURÉE
supplémentaires. L’Empereur a conscience de la disproportion 4 jours NTEMENT
E L’AFFRO emi
des forces mais sait aussi que la retraite revient à abandonner NATURE D ive imposée par l’enn
ataille dé fe ns
à leur sort les places encore occupées par des troupes fran- B NNEL
OPÉRATIO
çaises soit près de 170 000 hommes (Kustrin, Dantzig, Glogau, RÉSULTAT re
eu
Hambourg, Magdebourg, Stettin, Torgau, Thorn, Wittenberg, Défaite maj
S U LT AT POLITIQUE française en
RÉ e
voire Dresde où est resté Gouvion-Saint-Cyr…). Les coalisés, tota le de l’influenc dération du Rhin.
regroupant plus de vingt nations, souhaitent attaquer vite, avant Perte de la Confé
ne . Fin
Allemag
que les troupes françaises soient réunies, même si toutes leurs Rhin
Repli sur le
forces ne sont pas encore arrivées.

Les coalisés passent à l’attaque


Le 16 octobre a lieu une forme de prélude, après maints
accrochages mineurs, qui prend le nom de bataille de Wachau et quelques fois, côté français, la supériorité numérique adverse ;
comprenant les engagements secondaires mais tout aussi sanglants mais maintenant les munitions manquent.
de Möckern et Lindenau. Les attaques sont bien contenues par les Le 19 octobre, au matin, les coalisés comprennent l’inten-
Français. Ils prennent même l’offensive au centre avec deux corps tion de Napoléon et attaquent immédiatement. Retardés par
d’armée appuyés par une grande batterie et soutenus par la Garde. l’arrière-garde française, ils prennent Leipzig tandis que les
Le centre autrichien est alors très malmené et ne résiste que grâce troupes françaises poursuivent leur mouvement de repli sur les
à l’arrivée de nouveaux renforts. Mais l’attaque est ralentie et une ponts qui enjambent l’Elster, notamment celui de Lindenau. La
nouvelle menace sur le pont de Dölitz oblige Napoléon à dépêcher ligne de retraite et de communications est menacée depuis le
des renforts qui manquent pour nourrir l’offensive en cours. La début de la bataille car la supériorité numérique des coalisés
journée reste indécise bien qu’elle ait été déjà fort coûteuse pour leur permet d’envelopper assez largement les positions fran-
les deux camps. En particulier, l’emploi massif de l’artillerie des çaises. C’est alors que le pont, miné sur ordre de Napoléon,
deux côtés a provoqué de nombreuses pertes y compris pour des explose à la suite d’une faute de l’officier du génie chargé
unités non engagées directement. de sa garde. Les troupes françaises encore dans la ville sont
Le 17 octobre voit les deux armées se faire face sans opéra- alors incapables de poursuivre leur retraite et sont faites prison-
tions majeures, sauf au nord de la ville où Blücher maintient une nières. La défaite devient un désastre : 4 corps d’armée en tout
forte pression. Napoléon a conscience du développement négatif ou partie sont pris. C’est à ce moment que le prince polonais
de la situation et son dispositif se resserre comme pour préparer Poniatowski — qui le 16 octobre était devenu le seul étranger
une retraite inévitable. à être élevé à la dignité de maréchal d’Empire —, blessé, se
Le 18 octobre, les coalisés, renforcés par les armées de noie en essayant de passer l’Elster.
Bennigsen au sud et de Bernadotte au nord, attaquent de nouveau La victoire coalisée de Leipzig n’est pas simplement celle du
et poussent les Français vers la ville même de Leipzig. C’est à nombre, c’est aussi celle de la conception d’une manœuvre qui a
ce moment que les Saxons, derniers alliés « allemands » majeurs réussi à mettre à mal le « système » napoléonien. Le plan dit de
de Napoléon passent à l’ennemi. La nuit tombée, l’Empereur Trachenberg (voir p. 104), dont la paternité est toujours discu-
ordonne la retraite. Elle doit s’effectuer par la route de Leipzig à tée, exprime une intention simple : ne pas faire face à Napoléon
Lindenau qui franchit cinq ponts principaux et plus d’une dizaine en personne, battre ses lieutenants, puis, l’armée française une
de petits. Les combats ont été à nouveau très durs, les pertes fois diminuée par une série de défaites partielles, attaquer dans
très importantes. L’artillerie a énormément joué, compensant le cadre d’une bataille décisive toutes forces réunies. Du fait de

102 • Guerres & Histoire HS No 4


LANGERON
BERNADOTTE
1
BÜLOW

R CK
1 Jonction des coalisés
YO W ied
iedeeritzsch
BLÜCHER
N 1
E Tau c h a
CH
SA BLÜCHER
1
Elster 1 STENDIGK Parthe
MARMONT

Möc k er n 3
1 WINTZINGERODE
3
Retraite du
gros de l’armée 1
19-20 octobre 3 2
REYNIER
3
5 2 B ÜLOW
4 6
Linde
ennau Leipzig
MORTIER 3

1 3
GIULAY GARDE

Dölitz
2
VICTOR Pro bs t he i da NI
e
iss

IA
ST
Ple

3 A
SEB
RD
E MURAT
GA NA LD
2 CDO
Marais
3 MA
Dölitz TO N
LAURIS
PONIA
Gautsch TOWS
KI W achau 1
1 1 2 Positions initiales
2 OR 1
16-17 octobre VICT
5 6 Positions suivantes
B ENNIGSEN
3 1
18-19 octobre
1 Renforts
Prisonniers français 1
(env. 25 000 hommes) Gross-
pösnau
Napoléon
BARCLAY
G ü lden Gossa
Mouvements
GARDES
Retraite

Ponts - Pont détruit

Infanterie, cavalerie,
artillerie

SCHWARZENBERG

La ligne de retraite et de communications est menacée


car les coalisés enveloppent les positions françaises.
ce plan, Napoléon s’est épuisé en réactions aux mouvements aussi, tout comme Ulm et surtout Austerlitz, le couronnement des
Pour aller + loin
Leipzig.
adverses, depuis sa victoire vite privée de sens de Dresde, et n’a opérations militaires mais aussi celui des manœuvres politiques 16-19 octobre 1813,
pas réussi à regagner l’initiative. En fait, Leipzig, plus grande et diplomatiques des belligérants. Si Napoléon a réussi à divi- Walter Bruyère-Ostells,
bataille sur le continent européen jusqu’à la Première Guerre ser des coalitions et à se gagner des alliés jusqu’à conduire une Tallandier, 2013.
mondiale, marque aussi la différence entre la conduite des opé- armée de vingt nations contre la Russie en 1812, c’est Leipzig Leipzig. La bataille des
rations d’une armée et celle de plusieurs armées regroupant des qui devient la « bataille des nations » toutes réunies contre nations, Bruno Colson,
centaines de milliers d’hommes. La bataille pensée dans le cadre l’hégémonie française, réelle et perçue. Avec cette bataille, la Perrin, 2013.
du plan de Trachenberg est donc l’aboutissement d’opérations démonstration était faite de l’isolement de Napoléon et de la Napoleon at
successives ou concomitantes qui sont coordonnées à partir d’une France autant que celle de la possibilité de vaincre nettement Leipzig, Kevin
intention partagée plutôt qu’à partir d’une direction centralisée, à l’Empereur dans une grande bataille à la suite d’une campagne Zucker, Operational
l’exemple de la campagne de 1805 du côté français. Leipzig est dûment planifiée. ■ Studies Group, 2013.

Guerres & Histoire HS No 4 • 103


1813 - La campagne de Saxe

LES FRANÇAIS
GAGNENT À HANAU...
UN BILLET DE RETOUR
30 octobre 1813

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
De Wrede
EFFECTIFS

A
près la défaite de Leipzig, Napoléon n’a plus mes
30 000 hom
qu’une voie à suivre : se replier vers la France 0 ho m mes
43 00
avec le reste de son armée. Il lui reste entre PER TE S
et 3 000
50 000 et 100 000 hommes selon les sources. Entre 2 000 4 800
0 et
Mais seulement 30 000 à 40 000 peuvent être Entre 3 40
engagés dans un combat ; les autres sont des fuyards qui ont DURÉE
h
perdu leurs armes ou surtout n’ont pas retrouvé leur unité. De 8 h à 20 NTEMENT
E L’AFFRO
Les coalisés se sont lancés à la poursuite des Français, et NATURE D
harcèlent constamment les colonnes. Cependant, la route qui sera Offensive NNEL
OPÉRATIO
suivie par l’Empereur avec la majeure partie de ses troupes n’a RÉSULTAT
pas encore été découverte et la cavalerie ne peut suffire à barrer Victoire
POLITIQUE de
la route à cette armée qui, bien que diminuée, peut être encore RÉSULTAT ur Napoléon
nt la possibilité po
très dangereuse. À plusieurs reprises, les Français se frayent Maintie
lutte
un chemin à travers les troupes ennemies pour poursuivre leur continuer la
retraite. Le point de ralliement choisi est Erfurt. Napoléon est
principalement accompagné de sa Garde, qui représente encore
une force d’environ 10 000 hommes d’élite. C’est elle qui pren- cherchent à lui barrer la route de Francfort près de Hanau. La
dra à son compte la majeure partie du combat de Hanau. nuit du 29 au 30 octobre 1813 est passée à décider et mettre
en place le dispositif censé ouvrir la voie. Il dispose pour cela
La Bavière a changé de camp de la Garde et d’éléments des 2e, 5e et 11e corps d’armée ainsi
C’est le général bavarois Wrede, qui s’est battu aux côtés que des 2e, 3e, 4e et 5e corps de cavalerie. C’est Macdonald qui
des Français depuis 1805 (voir notamment carte p. 43), qui ouvre la voie, suivi par la cavalerie de Sébastiani puis la Garde
tente maintenant de leur couper la route avec une armée aus- à pied et à cheval. La disposition des troupes est la suivante :
tro-bavaroise d’environ 45 000 hommes. La Bavière est l’un Victor (2e corps) est à l’aile gauche et s’appuie sur le cours de
des derniers alliés de Napoléon à changer de camp. Ce dernier la rivière Kinzig ; Macdonald (11e corps d’armée) est au centre
arrive le 23 octobre à Erfurt et y reste jusqu’au 25. Il réorga- avec la Vieille Garde ; la droite est couverte par la cavalerie
nise déjà son armée en vue d’une bataille qu’il sait sûre avec de Nansouty. Les Français doivent traverser une forêt pour
l’annonce de la défection bavaroise. Ce n’est d’ailleurs pas la atteindre Hanau. Wrede, quant à lui, a déployé son infanterie
seule car Murat, son beau-frère, le quitte alors pour défendre au débouché de cette forêt sur la rive droite de la Kinzig. Il
son royaume de Naples, ce qu’il fait en réalité en discutant constitue aussi une grande batterie de 60 canons pour contrô-
avec les coalisés depuis un certain temps déjà. Poursuivant ler les abords et l’utilisation de la route que doivent suivre
sa retraite, l’Empereur apprend le 19 que les Austro-Bavarois les Français. Ceux-ci parviennent à progresser en repoussant

Dans leurs conférences de Trachenberg Par le jeu des alliances, Le général comte Antoine Drouot
(leur quartier général, aujourd’hui le feld-maréchal bavarois (1774-1847) est un des bons
Zmigrod, en Silésie) et de Reichenbach, Carl Philipp von Wrede (1767- artilleurs de la Grande Armée. Il
les coalisés ont défini la ligne de conduite 1838) se bat contre l’Empereur fait donner ses pièces en Espagne,
qui doit rendre vains les efforts de (Hohenlinden, 1800), pour lui puis à Wagram, où il est blessé,
Napoléon : éviter le contact chaque fois (de 1805 à 1812), puis à et à Borodino. Il se montre encore
qu’il le cherchera, attaquer là où il ne sera nouveau contre. Napoléon, très bon en Allemagne en 1813,
pas présent personnellement. cruel, dira de lui : « J’ai bien pu notamment à Hanau, où ses
faire de Wrede un baron, mais canons emportent la décision.
non un bon général. »

104 • Guerres & Histoire HS No 4


l’ennemi à partir de 8 heures. La cavalerie lourde française
essaie de charger la grande batterie adverse mais sans succès.
Vers midi, les Français sont maîtres des lisières de la forêt, mais
Wrede commence. L’accès à la route de repli est libéré même
si Hanau est toujours occupé par l’ennemi. Napoléon la fait
attaquer plus tard dans la nuit et la prend. Il arrive à Mayence
Pour aller + loin
Hanau & Montmirail,
ne peuvent en sortir à cause du feu adverse. Les pertes s’alour- le 2 novembre puis à Paris (Saint-Cloud) le 9 novembre. Il Jean-Pierre Mir,
dissent des deux côtés. C’est vers 15 heures que Napoléon commence alors à créer une nouvelle armée ; celle qui com- Histoire et collections,
reconnaît la position austro-bavaroise et remarque que l’infan- battra en 1814 en France. 2009.
terie est déployée dos à une rivière avec un seul passage pour Hanau, sans être un engagement réellement majeur, est une Hanau 1813, F. Bey,
faire la liaison avec l’autre rive. occasion manquée pour les coalisés de mettre fin à la guerre. VaeVictis, collection
Jeux d’Histoire, 2013.
Parce qu’ils auraient pu empêcher les débris de rejoindre la
Duel d’artillerie et de cavalerie France pour constituer les cadres de cette nouvelle armée mais
Le général Drouot propose alors de constituer lui aussi surtout parce qu’ils auraient pu éliminer Napoléon, au moins
une grande batterie qui ouvrirait le chemin de l’armée. L’action politiquement voire plus, en lui infligeant une nouvelle défaite.
commence par un duel d’artillerie et par des charges de cava- C’est, toute chose égale par ailleurs, une répétition de la bataille
lerie de part et d’autre avec des résultats divers. Cependant, de la Bérézina qui est aussi une victoire acquise pour assurer le
vers 16 heures, plusieurs carrés d’infanterie austro-bavaroise repli de Napoléon et du reste de son armée. Pour les coalisés,
sont enfoncés et sabrés tandis que la grande batterie française le prix de cet échec est une nouvelle campagne qui s’avérera à
continue de progresser. À 17 heures, le repli de l’armée de nouveau très dure pour tous les belligérants engagés. ■

Vers midi, les Français sont maîtres des lisières de la forêt,


mais ne peuvent en sortir à cause du feu de la batterie adverse.

LEFEVBRE
DESNOUETTES

DROUOT

1
1
1
2
CURIEL
FRIANT
1
2
1

1 CHARPENTIER
C
1
1

2
2

Kin 1
zig
XXXX

WREDE
Hanau

Cavalerie (Bavière)

Infanterie M
ain
Batterie artillerie

1 2 Phase 1, 2 ... Évacuation de Hanau


31 oct./ 01 nov.

Guerres & Histoire HS No 4 • 105


106 • Guerres & Histoire HS No 4
Près de La Rothière,
le 1er février 1814, les
dragons du Kronprinz
Guillaume de
Wurtemberg chargent
les troupes françaises
du maréchal Victor.

LA CAMPAGNE
DE FRANCE 1814
Les défaites françaises en Saxe ont sonné l’hallali, et
toute l’Europe – ou presque – envahit désormais la
France. Napoléon n’a à lui opposer que les débris de ses
armées des campagnes récentes, et n’a pas le temps
d’en rassembler une nouvelle. L’abdication est proche.
Guerres & Histoire HS No 4 • 107
1814 - La campagne de France

LA FRANCE MÛRE
POUR S’AVOUER
VAINCUE

A près l’anéantissement de deux armées, l’une en


1812 à l’issue de la campagne de Russie, l’autre
en 1813 après Leipzig et ses suites — l’épidémie
de typhus de l’hiver 1813 cause autant de pertes que les opéra-
tions —, Napoléon perd définitivement l’initiative stratégique.
Alors qu’il pensait reconstituer une troisième armée pendant
que les coalisés prendraient leurs quartiers d’hiver, ceux-ci
décident en effet d’exploiter leur avantage en envahissant la
France en pleine mauvaise saison.
Le Rhin est franchi à Bâle le 21 décembre par Schwarzenberg
(90 000), la Hollande est libérée par Bernadotte (50 000) en
décembre et janvier, et tous refoulent devant eux les maigres corps
rescapés de 1813 (environ 100 000 hommes au total). Le 25 jan-
vier, Blücher est à Saint-Dizier, Schwarzenberg à Bar-sur-Aube,
Bernadotte en Belgique. Napoléon perd d’emblée les ressources
des départements du Nord et de l’Est, et n’a pas le temps de
rassembler, armer et instruire la totalité des 420 000 conscrits
des nouvelles levées d’octobre et novembre 1813, d’ailleurs for-
tement réduites par l’insoumission et la désertion.
De plus, sa volonté de ne rien abandonner des territoires
(170 000 hommes) et à Mannheim le 1er janvier par Blücher conquis, qu’il espère être les gages des négociations futures,
PAR ANTOINE REVERCHON
(voir biographie p. 86)

1 1 1 25 janv. -2 fév. se
Oi FRANCE Aisne
2 2 2 8-14 février
3 3 3 15 - 24 février
V auchamps
Autrichiens 1 4 f é v.
C hâteau- T h i e r r y
Prussiens
12-13 f é v.
Napoléon É per nay
2
M eaux C hâlons
Opérations -sur- M ar ne
Se

de C hampaube r t
in

M ont mirail
Ma

10 f é v.
e

février
P ar is
rne

11 f é v.
3 Valjouan BLÜCHER
M or mant
17 f é v. 17 f é v. 2 2
3
1 Saint-
Jean-Baptiste Bernadotte N oge nt Mér y 1 Diz ier
F ontainebleau
(1763-1844) n’est pas le 2
B r ie nn e
meilleur chef de corps de M onte reau T ro ye s
Napoléon. Il a été médiocre 18 f é v. 3 L a R othière
à Iéna, Eylau et Wagram. En 3
1
1810, ce républicain affirmé S e ns 1
Yo

devient… prince héréditaire B ar-sur- S eine


nn

de Suède. Napoléon laisse Loir


e

faire, croyant avoir un allié. e SCHWARZENBERG


Las ! En 1813, Bernadotte
passe à la coalition alliée.

108 • Guerres & Histoire HS No 4


a laissé les armées d’Italie (30 000 hommes), de Catalogne
(20 000 hommes) et surtout les garnisons d’Allemagne et du
Rhin (120 000 hommes) loin du théâtre d’opérations ; sur
Blücher les 9 et 10 mars, à Arcis-sur-Aube face à Schwarzenberg
les 20 et 21 mars. De plus, la perte de 1 000 soldats français
équivaut, en proportion des effectifs en présence, à celle de
Pour aller + loin
Campagne de 1814,
les Pyrénées, les 50 000 hommes de Soult doivent conte- 10 000 soldats coalisés : les moyens de l’emporter diminuent Carl von Clausewitz,
nir Wellington (120 000 hommes) ; seul Augereau, à Lyon au fur et à mesure des victoires ! À l’issue de la campagne, les Champ Libre, 1972.
(28 000 hommes), aura un impact, quoique indirect, sur le coalisés victorieux auront perdu 100 000 hommes et les Français Jours de Gloire.
déroulement des opérations, en incitant Schwarzenberg à déta- vaincus 65 000. Campagne III :
la France, Frédéric Bey,
cher une partie de son armée contre lui. Enfin, contraint de se Surtout, la stratégie des coalisés enlève à Napoléon les moyens VaeVictis no 52, 2003.
mettre à la tête de ses troupes dès le 25 janvier, l’Empereur ne de traduire ses succès opérationnels en résultats politiques. Dès
peut reprendre le contrôle politique du pays : à Paris, les libéraux le 5 février, ils ouvrent à Châtillon un congrès censé négocier
et les corps constitués veulent la paix, avec ou sans Napoléon ; le la paix avec Caulaincourt, envoyé par l’Empereur, qui compte
Sud-Ouest se rallie aux Bourbons au fur et à mesure de l’avance peser sur le résultat des débats par ses opérations militaires. Cet
de Wellington. exercice paradoxal — on parle de paix en même temps qu’on
fait la guerre — s’avère être un piège pour Napoléon : parmi
Un handicap insurmontable les souverains et généraux en chef réunis en permanence, ceux
Avec les maigres effectifs qu’il parvient à réunir, Napoléon qui, comme les Autrichiens, pourraient se laisser influencer par
constitue une masse de manœuvre de 30 000 à 50 000 hommes les péripéties de la campagne, sont immédiatement contrecarrés
selon les moments, qu’il place en position centrale pour por- par ceux (Russes, Anglais, Prussiens) qui ne perdent pas de vue
ter alternativement des coups aux deux armées coalisées qui l’objectif politique : la chute de l’Empire.
convergent sur Paris — Schwarzenberg par la vallée de la Seine, Ainsi, l’ultime prouesse opérationnelle de Napoléon — mena-
Blücher par celle de la Marne — laissant devant l’une un rideau cer les lignes de ravitaillement des deux armées adverses en
de troupes tandis qu’il manœuvre contre l’autre. Si brillantes tournant leurs positions —, se retourne contre lui. Alors qu’il
soient ces combinaisons et les victoires qu’il remporte, d’abord occupe le 23 mars Saint-Dizier dans le dos de l’ennemi, la
au nord contre Blücher du 10 au 14 février (Champaubert, clôture du congrès de Châtillon sur le constat de l’impossibilité
Montmirail, Vauchamps), puis au sud contre Schwarzenberg les d’un accord, le 19 mars, amène les alliés à marcher direc-
17 et 18 février (Montereau), à nouveau contre Blücher le 7 mars tement sur Paris en bousculant le 25 mars à Fère-Champenoise
à Craonne, si elles forgent la légende du retour du « général de les maréchaux, sans plus se préoccuper des pérégrinations de
l’armée d’Italie », elles ne permettent pas de remonter le handi- leur adversaire. Car ils savent la France politiquement mûre
cap stratégique initial. pour s’avouer vaincue. La bataille sous les murs de Paris, le
Le rapport de force, même localement, interdit d’anéantir une 30 mars, leur livre les clés de la capitale, menacée d’être
des armées battues, mais l’incite seulement à se concentrer un prise d’assaut. Revenu de son erreur et de Vitry le 31 mars
peu plus en arrière, ce qui conduit inévitablement à un échec à Fontainebleau, Napoléon abdique le 6 avril, face au refus
tactique lors de l’exploitation de la victoire initiale : à Laon face à des maréchaux de poursuivre la lutte. ■

Avec de maigres effectifs,


4 4 4 24 fev. - 11 mars L a on
Napoléon porte tour à
9-10 mars 4 BÜLOW
5 5 5 13-21 mars Ois
e 4 WINTZINGERODE tour des coups aux deux
6 6 6 22-31 mars
S oissons
Aisne armées coalisées qui
Autrichiens
Prussiens
C ra onne
6-7 mars
5 convergent vers Paris.
Napoléon 4 5 R eims BLÜCHER
14 mars
C hâteau- T hier r y
É per n ay
M eaux

C hâlons Opérations
P ar is 4 de
L ag ny 4 mars
M ont mirail 5
6
6
Sei

F ère Marne
ne

BLÜCHER 6
M elun
S aint-D izier
N ogent A r c i s - s u r - A ube Du 5 février au 19 mars 1814,
M ér y
F ontainebleau 20-21 mars le congrès de Châtillon (Côte-
4 5 T ro yes d’Or) est la dernière réunion
Au
Yon

diplomatique avant la chute de


be

4
ne

B ar-sur
- A ube Napoléon. Le Royaume-Uni, la
S ens SCHWARZENBERG Prusse, l’Autriche et la Russie
FRANCE B ar-sur- S eine y discutent avec Caulaincourt,
qui représente la France, du
Se
ine

retour à la paix. Mais c’est un


échec, Napoléon refusant les
exigences des alliés.

Guerres & Histoire HS No 4 • 109


1814 - La campagne de France

À BRIENNE PUIS
LA ROTHIÈRE, L’ARMÉE
PERD LE MORAL
2 9 j a n v i e r e t 1 er f é v r i e r 1 8 1 4

ANTS
COMMAND er
Nap oléon I
warzenberg
Blücher, Sch
EFFECTIFS 000 hommes
38
16 000 puis 5 000 hommes
13

N
apoléon rejoint le 26 janvier à Saint-Dizier, 25 000 puis
avec de maigres renforts et la Garde, les corps PERTES
000 hommes
de Ney et Victor qui font face à Blücher. Il 4 000 puis 5 mes
m
veut attaquer le maréchal prussien en premier, 2 x 6 000 ho
avant qu’il ne rejoigne Schwarzenberg, car il DU R É E
est le plus entreprenant. Blücher, prévenu après des combats 2 jours
ccès
d’avant-garde, tente de se dérober par Brienne avec deux RÉSULTAT é le relatif su les
faite, malgr tes,
de ses corps où il entend franchir l’Aube, mais Napoléon le C’est une dé rienn e. C er
janvier à B s celles
initial du 29 pertes, mai
rattrape le 29 janvier et ordonne à Mortier, situé à Troyes,
alis és on t subi plus de tionnellement
co or
de marcher sur Brienne pour l’encercler. Blücher décide de is sont prop nné
des França es. Napoléon a abando n
faire face sur la rive droite, où sont situés la ville et le château pé rie ur jonc tio
bien su cher la
n’a pu empê te
de Brienne, afin de ne pas être attaqué pendant le franchis- le terrain, et ées ennemies. La retrai
s de ux ar m un tem ps
sement du fleuve. Napoléon, placé sur la crête du plateau de r
s’effectue pa les pertes et
de Perthes qui surplombe la ville, la fait bombarder mais ne vers Troyes qu i accroît
le , ,
épouva ntab ée. À Troyes
peut attaquer que vers 16 h 30 (la nuit tombe à 17 heures), le ation de l’arm ueil
la démoralis arrive le 3 février, l’acc
temps de concentrer sa propre armée. Les assauts frontaux ur
où l’Empere n est glacial… Mais
tio x
sont repoussés, tandis que Blücher fait partir ses convois la po pu la re donne au es
de
xa le m en t, leur victoi eux- m êm
par l’autre rive, vers Bar-sur-Aube. Car Mortier, inquiet de parado ance en
e telle confi se
l’avancée de Schwarzenberg vers Troyes, n’est pas arrivé à coalisés un
ar m ées co nviennent de
e
temps. que les deux t le but opérationnel qu
rer : c’ét ai
sépa
sait !
Napoléon vi
Brienne à feu et à sang
Profitant de la nuit, la cavalerie de la Garde entre dans
Brienne, suivie de l’infanterie. Les combats font rage, mai-
son par maison, dans la ville en flammes. Vers minuit, la lutte
diminue d’intensité, car Blücher évacue la ville vers le sud
par la rive droite sous le couvert de l’obscurité et sans être
inquiété par les Français épuisés. Napoléon échappe d’ailleurs
par miracle à un raid de Cosaques qui surprend en pleine est prise, mais les pertes françaises sont sévères, 4 000 hommes,
nuit son état-major. C’est une victoire tactique, puisque la ville contre 6 000 coalisés. Et Napoléon n’est parvenu ni à anéantir
Blücher, ni à l’empêcher de rejoindre Schwarzenberg.

Attaque surprise de Blücher


Les 30 et 31 janvier, les deux camps reçoivent des renforts
Au cours de ce raid, le
mais le rapport de force devient franchement défavorable aux
baron Gaspard Gourgaud
(1783-1852) sauve la vie
Français. Napoléon, installé au château de Brienne, le sait,
de Napoléon en tuant d’un mais s’attarde sur place en espérant inciter Blücher à atta-
coup de pistolet un Cosaque, quer sans attendre les renforts de Schwarzenberg. Comme
sur le point de transpercer cela ne se produit pas, il ordonne le soir du 31 la retraite
l’Empereur de sa lance. En vers le nord, où il a fait réparer le pont de Lesmont. Les
récompense, Gourgaud convois filent dans la nuit et l’armée s’apprête à partir le
reçoit l’épée de Lodi. Il matin du 1er février, lorsque Blücher attaque, renforcé par
accompagnera plus tard trois corps de Schwarzenberg. Napoléon décide à son tour de
Napoléon à Sainte-Hélène. faire front pour ne pas compromettre sa retraite, sur un arc de

110 • Guerres & Histoire HS No 4


+ loin
cercle allant de la rive droite de l’Aube, à Dienville, jusqu’à son tour. Napoléon ordonne la retraite, mais la fait couvrir
Morvilliers, à l’est de Brienne, en passant par les villages de par une contre-attaque de la Garde qu’il mène lui-même sur Pour aller
La Rothière, Petit-Mesnil, La Giberie et Chaumesnil. le terrain pour reprendre La Rothière et La Giberie à la nuit 1814,
L’attaque des coalisés commence sous la neige vers tombée. À 20 heures, les Français évacuent ces deux villages, Henry Houssaye,
13 heures sur Dienville défendu par Ney, qui garde les ponts et les coalisés, n’osant lancer la poursuite, bivouaquent sur Perrin, 1918.
sur l’Aube. Elle se prolonge sur La Rothière et La Giberie, la ligne de front. Napoléon, épuisé et maussade, revient au La Patrie en
tenues par Victor, vers 16 heures. Mais la droite française tient château de Brienne d’où il fait diriger ce qui reste de l’armée danger, Kevin
bon. L’attaque plus tardive de Wrede, qui s’empare à l’aile vers le pont de Lesmont. puis vers Troyes où il a décidé de Zucker, Operational
gauche de Morvilliers et Chaumesnil, emporte la décision : rejoindre Mortier afin de faire face au gros de l’armée de Studies Group, 2014.
Marmont doit reculer vers Brienne. La Rothière est prise à Schwarzenberg. ■

Les 30 et 31 janvier, les deux camps reçoivent des


renforts ; mais Napoléon le sait, le rapport de force
devient franchement défavorable aux Français.

Coalisés

Français

Napoléon

Lesmont GROUCHY

MARMONT Attaque
Morvilliers décisive
Brienne
GARDE
NEY
Dienville WREDE
Piney GÉRARD VICTOR La Giberie
La Rothière
WURTEMBERG
BLÜCHER GARDE
FORÊT DU
RUSSE
GRAND ORIENT

GIULAY

GARDE
PRUSSIENNE
Bar-sur-Aube
Vendeuvre

Guerres & Histoire HS No 4 • 111


1814 - La campagne de France

CHAMPAUBERT,
MONTMIRAIL,
CHÂTEAU-THIERRY,
VAUCHAMPS :
VICTOIRES EN SÉRIE
Du 10 au 14 février 1814

ANTS
COMMAND er
N apoléon I
Blücher
EFFECTIFS 000 hommes
800 puis 18 es
8 000 puis 12 0 puis 30 000 homm
70
5 000 puis 22
PERTES

P
our échapper aux colonnes de Schwarzenberg qui es
convergent vers Troyes, Napoléon est contraint de 3 200 homm
00 0 ho m mes
20
se replier sur Nogent-sur-Seine, où il reçoit des
DURÉE essifs
renforts. Apprenant le 8 février que Blücher avance mbats succ
4 jours de co
vers Paris le long de la route de Châlons à La Ferté-
RÉSULTAT oire. Napoléon a infligé
sous-Jouarre, où seul le corps de Macdonald lui est opposé, ct l’a
C’est une vi rtes à son adversaire,
Napoléon fait marcher 30 000 hommes (Marmont, Ney et la pe ns,
d’énormes andonner ses opératio
Garde) de Nogent vers Sézanne, laissant Victor et Oudinot ntra int à ab po ss ibilité de
co lui-même la se tournant
co ns ervé
(34 000 hommes) pour tenir les passages de la Seine face à et a ns en
les opératio nberg. Mais
Schwarzenberg. poursuivre Schwarze
ée de ont
vers l’arm ies entières
Le matin du 10 février, l’Empereur accompagne sur la ons ennem ste
si des divisi l’armée de Blücher re
route de Sézanne à Champaubert les reconnaissances qui an éant ies,
été
le.
permettent de découvrir la présence de la division russe d’Ol- opérationnel
suvief. Les 5 000 hommes de cette unité prennent aussitôt
une position défensive entre les villages de Baye et Bannay,
au sud de Champaubert. Pour une fois, les Français sont plus
nombreux. Ils débordent les Russes, contraints de se replier
sur Champaubert. Napoléon fait charger la cavalerie lourde,
qui rompt les carrés russes un par un, tandis que la cavale- refoule la division Ricard, en pointe, à Marchais. Napoléon
rie légère poursuit les fuyards : seulement 1 500 hommes en attend l’arrivée de la Garde pour contre-attaquer au milieu de
réchappent. L’armée de Blücher est coupée en deux, avec l’après-midi. Sacken est culbuté dans les ravins qui sillonnent
les corps de Sacken et Yorck en tête, près de La Ferté, et les le plateau au-dessus du Petit Morin, tandis que Yorck, qui tente
divisions de Kleist et Kapsewitch, avec Blücher, en queue, un timide retour, est tenu en respect par une partie de la Garde.
près de Vertus. La nuit met fin aux combats ; Sacken a perdu 3 500 hommes et
Yorck 1 000, les Français 2 000.
L’excès de confiance de Sacken Les coalisés se retirent vers Château-Thierry ; les Français
Napoléon se tourne d’abord vers l’ouest, laissant épuisés ne peuvent poursuivre et campent sur le champ de
Marmont en écran à Champaubert face à Blücher et ordon- bataille. Mais ni Macdonald ni la division d’Oudinot n’ont
nant à Macdonald et à une division d’Oudinot de converger sur participé au combat, et les deux corps ennemis échappent ainsi
Montmirail afin d’encercler l’ennemi. Il fait partir Ney dans la à l’anéantissement programmé.
nuit et la Garde au petit jour vers Montmirail, où il les rejoint Napoléon prend la tête de la poursuite dès le lendemain
à 8 heures le 11 février. à 9 heures avec la Garde et la cavalerie. Une succession de
Alors que Yorck a pris ses dispositions pour se replier vers combats permet de capturer encore des milliers de prisonniers
le nord par Château-Thierry, son homologue Sacken pense avant que les coalisés ne se mettent à l’abri derrière la Marne
pouvoir percer l’armée française pour rejoindre Blücher. Il en détruisant les ponts de Château-Thierry. Le 13 février,

112 • Guerres & Histoire HS No 4


+ loin
Napoléon fait jeter des ponts sur cette rivière pour continuer 10 heures, refoule à Vauchamps l’avant-garde de Kleist sur
la poursuite, mais apprend d’une part que Schwarzenberg le gros de ses troupes. Napoléon lance vers midi la cavalerie Pour aller
est passé à l’offensive, ce qui l’oblige à envoyer Oudinot et lourde qui disperse les troupes de Kleist ; Blücher ordonne Napoléon. 1814,
Macdonald à la rescousse de Victor, d’autre part que Blücher le repli vers 14 heures, mais la cavalerie française tourne les la campagne de
a attaqué Marmont, qui doit refluer vers Montmirail. Napoléon colonnes en retraite et les harcèle jusqu’à la tombée de la France, J. Tranié et
décide de venir à son secours. nuit, faisant des milliers de prisonniers, tandis que l’infanterie J.-C. Carmigniani,
Le 14 février, l’Empereur quitte Château-Thierry en capture à Étoges l’arrière-garde de Kapsewitch. Blücher a Pygmalion, 1989.
emmenant la Garde, la cavalerie lourde de Grouchy et perdu 9 000 hommes, dont 7 000 prisonniers. Ses troupes en Montmirail et
une division d’Oudinot. Ils vont rejoindre Marmont qui, à déroute s’enfuient vers Châlons. ■ Vauchamps 1814,
Frédéric Bey,
Ludifolie éditions, 2014.

Battus, les coalisés se retirent vers Château-Thierry ; mais


les Français, épuisés, ne peuvent poursuivre, et les deux
corps ennemis échappent à l’anéantissement programmé.

YORCK
Mouvement
Attaque
Retraite
Vers
Français
Russes

Fontenelle
Prussiens

Les Tourneux
Prelle
La Prelle
lle Villemoyenne
PIRCH

Le Plen
Plenois
Viels Bailly
Maisons
PIRCH SACKEN
JURGASS
La Chais
Chaise
ise
se
se NANSOUTY
NANS
La Haute
e
MORTIER
Épine
LIEWEN LIEWEN
CHTCHERBATOV

Marchais
ais Le NEY
L’Épine- NAPOLÉON
Tremblay
SACKEN
aux-Bois CHTCHERBATOV
RICARD

n
Mori
Petit Montmirail
ontm
Petit Morin

Guerres & Histoire HS No 4 • 113


1814 - La campagne de France

BONNE FORTUNE
SUR LA ROUTE
DE MONTEREAU
17 et 18 février 1814

ANTS
COMMAND er
Napoléo n I
erg
Schwarzenb
EFFECTI FS
mes
28 000 hom es

P
endant que Napoléon opérait contre Blücher, m
118 000 ho m
Schwarzenberg a pris l’offensive contre Victor.
Son armée divisée en quatre colonnes a franchi la PE RTE S
Seine à Pont-sur-Seine (Wittgenstein) et à Bray- 800 hommes
mes
sur-Seine (Wrede), tandis que son aile gauche a 10 500 hom
poussé jusqu’à Montereau (Wurtemberg) et Moret-sur-Loing DURÉE
(Colloredo), lançant des avant-gardes jusqu’à Pithiviers et 2 jours
des
repoussant Victor sur Nangis. Alors que Napoléon comptait RÉSULTAT oire. Napoléon a infligé
’est un e vict x sien ne s à
C au
marcher directement de Champaubert vers Nogent-sur-Seine, supérieures arzenberg à
pertes bien co ntraint Schw is. Mais ce
il doit d’abord rétrograder vers Meaux, puis marcher vers sa ire et
l’adver r Par
sa marche su oupes
Guignes, sur le cours de l’Yerres, où il a ordonné à Victor, abandonner temps de retirer ses tr
le s de
Oudinot et Macdonald de replier leurs troupes afin de s’inter- dernier a eu trui t le s po nt
eine et a dé end
poser entre Schwarzenberg et Paris. derrière la S y. Si Schwarzenberg pr à
t et B ra ler ju sq u’
Nogen de recu
la décision en raison
le 23 février oi ns
Succès à Mormant et Valjouan ssaire, c’ es t m
Dijon si néce s que parce qu’il a appr ux (Ain)
is
Il laisse 10 000 hommes à Marmont et Mortier pour suivre ces dé fa ite à M ex im ie
de na
u a battu Bub béry. Il détache
Blücher en retraite et part avec Ney et la Garde en fin d’après- qu’Augerea et Cham e
et occu pé M âc on u et s’estim
midi le 15 février. Le 16, à 15 heures, il est à Guignes, où les
m m es co ntre Augerea reculer
40 000 ho ne pas
troupes de Ney et la cavalerie le rejoignent le matin du 17. Il affaibli pour ursuite.
se met à la tête des troupes de Victor et marche sur l’avant- du coup trop n qu’il pense à sa po
à N ap oléo pê ch e
face er em
garde de Wittgenstein, la cavalerie de Pahlen, parvenue che de Blüch manœuvre contre
Mais la mar iner sa
term uveau
à Mormant. Les Français refoulent l’ennemi sur l’infante- Napoléon de tourner à no
rie qui suit, et dont les carrés sont rompus par la cavalerie. ch w ar ze nb erg. Il doit se .
S sien
aréchal prus
Wittgenstein perd 2 000 hommes. contre le m
À 13 heures, Napoléon est à Nangis. Il dirige Oudinot sur
Nogent, Macdonald sur Bray et Victor sur Montereau, avec
ordre de passer la Seine avant la nuit. Dans son mouvement sur
Montereau, Victor rencontre à Valjouan la division d’avant-garde
de Wrede (Lamotte) et la culbute, lui infligeant une perte de
1500 hommes. Mais ces combats retardent l’avance des Français, Schwarzenberg ont eu le temps de se replier en toute hâte sur
qui ne parviennent à la Seine qu’à la nuit tombée : les corps de l’autre rive. Schwarzenberg envoie cependant, pour gagner du
temps, une demande d’armistice que Napoléon rejette.

Initiative risquée mais payante


Le 18 février au matin, Napoléon, en route de Nangis vers
Pierre-Claude Pajol (1772-1844) se Montereau, apprend que Wurtemberg a déployé ses troupes sur
distingue par sa bravoure durant les la rive droite pour défendre le pont, afin de couvrir la retraite de
campagnes de 1805, 1807 et 1809. Colloredo que Schwarzenberg a rappelé en toute hâte. Napoléon
Promu général de division en 1812, fait déployer le corps de Victor, qui attaque vers midi, sans pou-
il est blessé en Russie, puis prend la voir percer. Vers 15 heures, l’ennemi commençant à reculer par
tête d’unités de cavalerie légère. Il est échelons, la cavalerie de Pajol, sans ordre de l’Empereur, lance
à nouveau blessé à Wachau en 1813 et, une charge qui traverse les lignes adverses, et s’empare des ponts
à peine guéri, commande en janvier 1814 sur la Seine et l’Yonne avant que les mines prévues ne puissent
le corps d’observation de l’Yonne, de la sauter, semant la panique chez l’ennemi, au prix… de deux tués !
Seine et du Loing. Napoléon, qui a vu la charge depuis la terrasse du château de

114 • Guerres & Histoire HS No 4


Surville au nord de Montereau, lance en appui la cavalerie de la à Montereau, la veille. Le 20 février, il fait converger son
Garde et les escadrons de service, et pointe lui-même les pièces armée sur Troyes, dans l’intention de pousser l’ennemi l’épée
de l’artillerie à cheval de la Garde pour appuyer l’opération. dans les reins. Mais la veille, apprenant les malheurs de son
Les troupes de Wittgenstein ne repassent le pont qu’au prix de collègue autrichien, Blücher a quitté Châlons et marché sur
lourdes pertes et fuient vers Nogent. Arcis-sur-Aube puis sur Méry-sur-Seine qu’il atteint le 22
Napoléon fait suivre Schwarzenberg vers Nogent par avec les 48 000 hommes qui lui restent, menaçant le flanc de
Macdonald, Oudinot et la Garde, et vers Sens par Gérard l’armée française. Les deux armées ennemies sont à nouveau
— qui a remplacé Victor, disgracié pour son arrivée tardive en liaison. ■

La cavalerie de Pajol, sans ordre de l’Empereur, lance


une charge qui traverse les lignes adverses, et s’empare
des ponts sur la Seine et l’Yonne avant qu’ils ne sautent.

Ma Châlons
Meaux rne
XXX La Ferté-
MACDONALD
sous-Jouarre 9-10 mars BÜLOW XXX
WINTZINGERODE
15 fév. NAPOLÉON
Montmirail BLÜCHER
Crécy Coulommiers Petit Morin
XXX
16 fév. Gra 19 fév.
MARMONT
XXX XXX nd
Mo Sézanne
OUDINOT rin
VICTOR
Guignes Mormant
17 f é v.
Provins Aube
Valjouan Pont-sur-Seine
17 f é v. Arcis sur Aube
Seine
Nogent 22 fév.
WITTGENSTEIN Méry
Bray
Montereau Troyes
18 f é v. WREDE
XXXX
Yon
ne 15 fév. Bataille
WURTEMBERG SCHWARZENBERG Français
Pont-sur-Yonne
Autrichiens
COLLOREDO
Sens Prussiens

Guerres & Histoire HS No 4 • 115


1814 - La campagne de France

UNE VICTOIRE
À CRAONNE, MAIS
SI PEU DÉCISIVE...
7 mars 1814

ANTS
COMMAND er
Nap oléon I
Blücher
EFFECTIFS
mes
28 000 hom

L
e 22 février, Oudinot se heurte à Blücher à Méry. mes
Napoléon accourt sur les lieux mais décide de 50 000 hom
continuer sa marche vers Troyes à la poursuite de PERTES
es
Schwarzenberg en retraite. Le 24 il entre dans Troyes, 5 000 homm
0 ho m m es
5 50
acclamé par la même population qui lui avait battu
DU R ÉE
froid trois semaines plus tôt. Mais le même jour, Blücher, qui ne
Une journée
veut pas être entraîné dans la retraite de Schwarzenberg et a obtenu
de retrouver sa liberté d’action, a quitté Méry vers le nord à la ren- RÉSULTAT oire française, puisque uer
ct ho
C’est une vi ain et fait éc
contre des corps de Wintzingerode et Bülow. Ceux-ci, détachés cupe le terr coûté
Napoléon oc nemie. Mais elle lui a ment
de l’armée de Bernadotte, doivent lui apporter 42 000 hommes m an œ uv re en prop ortionn elle
la
tifs, surtout ns les
en marche vers Laon, tandis que 15 000 Russes commandés par cher en effec tif des deux armées da
l resp ec pe rm et
Saint-Priest avancent vers Reims. au tota ut, elle ne
ivent. Surto t
jours qui su n d’atteindre le résulta
éo t
pas à Napol sé : battre Blücher avan
Les ponts sont coupés à La Ferté opér at ionn el vi
orts à La on .
Le 26 février, Napoléon abandonne la poursuite de igne ses renf
qu’il ne rejo
Schwarzenberg pour se ruer sur les talons de Blücher qui, rejetant
Marmont sur Mortier, marche sur La Ferté-sous-Jouarre, obligeant
les maréchaux à se retirer sur Meaux. L’Empereur quitte Troyes
le 27 à midi avec 35 000 hommes (Ney, Victor — revenu en grâce
—, la Garde, la moitié de la cavalerie). Il laisse à Macdonald
40 000 hommes, dont l’autre moitié de la cavalerie.
Blücher, qui a franchi la Marne le 27, entend tourner les mains de la petite garnison française de cette ville. Mais celle-ci
maréchaux en franchissant l’Ourcq au nord de Meaux, mais il est assiégée et bombardée depuis deux jours par un détachement
est repoussé le 28 février. Le 1er mars, Napoléon arrive à son tour de Wintzingerode. La garnison capitule le matin du 3 mars.
à La Ferté-sous-Jouarre, mais les ponts sont coupés. Le temps Ce « coup du sort » est considéré par la plupart des historiens
que ceux-ci soient réparés, Blücher se retire précipitamment vers comme la cause de l’échec de la manœuvre de Napoléon, et par
le nord. Dans la nuit du 2 au 3 mars, Napoléon franchit enfin conséquent de toute la campagne. Mais Clausewitz affirme que,
la Marne à La Ferté et Château-Thierry, tandis que Marmont et même si Soissons n’avait pas été prise, Blücher, qui avait deux
Mortier poursuivent Blücher. L’Empereur veut surprendre le maré- marches d’avance sur Napoléon, aurait eu le temps de passer par
chal prussien au moment où celui-ci franchira l’Aisne, comptant les ponts de bateaux qu’il avait commencé à faire construire, et
sur le fait que le passage le plus proche, celui de Soissons, est aux par un pont « en dur » situé en amont de Soissons, à Vailly-sur-
Aisne, qui n’avait pas été détruit. Toujours est-il que Blücher
fait défiler toute la nuit du 3 au 4 mars son armée épuisée par le
pont de Soissons et marche vers Laon pour y rejoindre Bülow
et Wintzingerode.
Ferdinand von Wintzingerode (1770-
1818), né en Wurtemberg, se met très Blücher tend un piège
vite au service de la Russie. D’abord Mais Napoléon décide de continuer la poursuite en marchant
diplomate, il est nommé général après directement sur Laon par la route qui franchit l’Aisne à Berry-
Austerlitz. Chef de cavalerie audacieux, au-Bac, qu’il fait occuper par la cavalerie le 5 mars. Apprenant
il participe à la bataille de Moscou, puis, ce mouvement qui risque de le tourner par l’est, Blücher décide
en 1813, à celles de Lützen et Leipzig. de tendre un piège aux Français. Il envoie Vorontsov occuper le
Il rejoint ensuite l’armée de Bernadotte 6 mars le plateau de Craonne, sur le flanc ouest de la route sui-
et combat jusqu’à Paris. vie par Napoléon entre Berry et Laon, tandis que Wintzingerode,

116 • Guerres & Histoire HS No 4


venant de Laon, devra tourner les Français par l’est pendant qu’ils le plateau, par les villages d’Ailles au nord, où il envoie Ney, et de
attaquent Vorontsov afin de tomber sur leurs arrières. Il s’agit aussi Vassogne au sud, où il envoie la cavalerie.
de laisser aux troupes venant de Soissons le temps de gagner Laon. Il faut cependant fixer l’ennemi par un assaut frontal tan-
dis que ces mouvements tournants se préparent. Celui-ci coûte
Le plateau, objectif stratégique cher en pertes, mais permet à la Garde de s’emparer de la ferme
Napoléon est contraint de faire face à cette menace en s’empa- d’Hurtebise en début d’après-midi. Ney commence à prendre pied
rant du plateau. Celui-ci s’avance par un promontoire au-dessus sur le plateau, mais en est rejeté par une contre-attaque russe.
du village de Craonne, promontoire relié à l’ouest au plateau pro- Napoléon, installé au moulin de Craonne sur le bord est du pro-
prement dit, légèrement plus élevé, par un isthme étroit où est montoire, lance la cavalerie sur l’isthme, ce qui permet à Ney
située la ferme d’Hurtebise — ce même terrain sera le théâtre de de revenir à la charge. Finalement la Garde franchit l’isthme, et
la sanglante bataille du Chemin des Dames, en 1917. Vorontsov Blücher doit ordonner la retraite, d’autant que Wintzingerode,
s’établit sur le plateau, tandis que Napoléon fait occuper le pro- embourbé dans les mauvais chemins, annonce qu’il n’arrivera
montoire par Victor et Mortier le matin du 7 mars. Les guides de la pas à temps. Mais le repli s’effectue en bon ordre jusqu’à la nuit,
région lui indiquent cependant des chemins permettant d’escalader et les Français ne peuvent poursuivre. ■

Blücher tend un piège aux Français, en envoyant Vorontsov


sur le plateau et Wintzingerode sur leurs arrières.

Bouconvil le
C her miz y
Ail
ett Neu vi l le
e

XXXX

Ailles
2
NEY Vers
2
NEY
1
NAPOLÉON Cor be
Cor b ny
eny
GROUCHY
Cer ny 2 S
ME
DA
VICTOR VORONTSOV S
DE
E
UT
2 RO Cr
C rr aon
aonnne
e
PLATEAU DE CRAONNE Moulin
1 de
VORONTSOV SACKEN VICTOR
Vauc lerc
SACKEN BOIS DE
BEAU MARAIS
COLBERT C r ao n n e l l e
O ulc hes
ÉE DE FOULO N

NSOUTY
NANSOUTY

Pa is sy 1
Ferme de Heurtebise

Français (position
( 1)
Français (position
( 2)
BOIS
DE Russes (position
(p 1)
BLANC SABLON Russes (position 2)
LL
VA

1 1
J u m i g ny Phases successives
2 2

Guerres & Histoire HS No 4 • 117


1814 - La campagne de France

FIN DU MYTHE À LAON :


NAPOLÉON N’A PLUS
DE GRANDE ARMÉE
9 mars 1814

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
Gneisenau
Blücher puis
EFFECTIFS

L
e 8 mars, Napoléon décide de suivre Blücher qu’il mes
37 000 hom
suppose en retraite au nord de Laon. Mais le matin 0 ho m mes
90 00
du 9 mars, il découvre l’armée coalisée au complet TE S
PER
es
rangée en bataille de part et d’autre de la ville, 6 500 homm
es
Wintzingerode à l’ouest, Yorck et Kleist à l’est. La 4 000 homm
ville elle-même est juchée sur un plateau élevé et ses murs sont DURÉE
hérissés de canons ; ses faubourgs, en contrebas, sont barricadés Une journée
et occupés par Bülow. Sacken et Langeron sont en réserve der- RÉSULTAT occuper
éon n’a pu
rière l’aile gauche, pour couvrir la route de la retraite vers Reims. st une dé faite. Napol rtes que
C’e pe
subi plus de ort de
Napoléon, croyant à un simulacre, décide tout de même d’attaquer, le terrain, a qui, étant donné le rapp
i – ce n plan
l’ennem ncé à so
en ordonnant à Marmont de tourner l’ennemi par le nord pour fatal –, a reno cher Blücher de
forces, était pê
couper la route de Reims. et n’a pu em
d’opérations es forces réunies.
tt re to ut
comba
Lourdes pertes françaises
Mais avant même que l’armée française ne soit en place
— Ney à gauche et Mortier au centre en attendant l’arrivée de
Marmont —, c’est Blücher qui attaque à Clacy, Sémilly et Ardon.
Cette attaque est cependant suspendue vers midi lorsque Marmont
approche à droite du champ de bataille. Napoléon lui-même arrive Les Prussiens profitent
vers midi. Afin de fixer l’ennemi, il ordonne à 13 heures à la Jeune
Garde d’attaquer Clacy et à Mortier d’attaquer Sémilly et Ardon.
de la nuit pour attaquer
Partout, les Français sont repoussés avec de lourdes pertes, tandis
que Marmont se contente de chasser Yorck du village d’Athies en
les bivouacs français, mal
fin d’après-midi. À 17 heures cependant, Ney parvient à s’emparer gardés. C’est la panique.
de Sémilly avec la Garde, mais les canons de Laon infligent de
telles pertes qu’il est contraint à la retraite alors que la nuit tombe.
Malgré cet échec et l’évidente supériorité numérique ennemie, panique, les Prussiens dispersent le corps français, qui perd 3 500
Napoléon décide de reprendre la bataille le lendemain, comptant hommes, 45 canons et 120 caissons. Marmont n’enraye la déroute
sur Marmont pour tourner et déstabiliser la ligne ennemie. Les que plusieurs kilomètres au sud en réunissant quelques unités qui
Français bivouaquent sur leurs positions. Mais Yorck profite de arrêtent les Prussiens.
la nuit pour lancer à 19 heures une attaque surprise contre les
bivouacs de Marmont, mal gardés, autour d’Athies. Profitant de la Napoléon change ses plans
À 4 h 30 le 10 mars, alors qu’il monte à cheval pour commen-
cer les opérations prévues, Napoléon apprend le désastre d’Athies.
Il doit renoncer au mouvement tournant mais maintient son ordre
Ludwig Yorck von Le feld-maréchal prussien d’attaquer de front, afin de ne pas déclencher une attaque géné-
Wartenburg (1759-1830) Friedrich Kleist von rale contre son armée affaiblie. Gneisenau, le chef d’état-major de
est le général prussien Nollendorf (1762-1823) Blücher qui remplace son chef malade (voir p. 120), est surpris par
qui, le 30 décembre 1812, vaincu à Iéna, commande le maintien de la ligne française alors que le jour se lève. Il rappelle
signe avec les Russes la durant la campagne de Sacken et Langeron qui étaient chargés de tourner la droite fran-
convention de Tauroggen. 1813 un corps d’armée avec çaise, et attaque Clacy. Mais les Français résistent jusqu’au début
entérinant l’abandon de lequel il joue un rôle décisif à de l’après-midi lorsque Napoléon se résout enfin à l’évidence : il
l’alliance française. Tout le Leipzig. En 1814, il entre en n’a plus les moyens de vaincre. Il fait filer les bagages, et décro-
corps prussien passe alors France avec Blücher, combat cher les troupes en bon ordre pendant la nuit, vers Soissons, sans
aux Russes. à Laon et va jusqu’à Paris. que les coalisés ne s’en aperçoivent. ■

118 • Guerres & Histoire HS No 4


C hambr y

Surprise
de nuit
LANGERON YORCK

3 3
KLEIST

SACKEN 2 Athies

ORURCK
Laon
WINTZINGERODE
BULOW
Eppes
MARMONT

4
Semilly 1 4
2 2 Ardon
C lac y 1 1
4

MORTIER
4
NEY
L eu il l y
NANSOUTY
Mons- GROUCHY 4 1 1 2 9 mars
en- GARDE
Laonnois 3 4 4 10 mars
4
Français (position 1)

XXXX Français (position 2)


Russes
Prussiens

NAPOLEON Artillerie, batterie

REIMS, CHAMPAGNE POUR L’EMPEREUR


Les Français arrivent pour l’instant immobiles, ANTS
à Soissons l’après-midi attendant le prochain coup COMMAND er
du 11 mars ; Gneisenau n’a porté par les Français. Napoléon I
pas osé poursuivre et préfère À 16 heures, il rejoint l’avant- Saint-Priest
regrouper ses troupes. Napoléon garde devant Reims toujours EFFECTIFS
es
décide de mettre à exécution occupée par le général de 8 000 homm
mes
le plan qu’il comptait suivre s’il Saint-Priest — qui sert dans 15 000 hom
avait réussi à battre Blücher la l’armée russe —, stupéfait
PERTES
veille : marcher vers l’est pour de trouver devant lui l’armée
700 hommes
rallier les garnisons des places battue à Laon. Après que les es
3 000 homm
des Ardennes et de Lorraine, gardes d’honneur aient refoulé
DURÉE
avant de descendre vers le la cavalerie russe en avant 16 h à 23 h
sud pour couper les lignes de de la ville et malgré la nuit 7 heures, de
t
ravitaillement de Schwarzenberg. tombante, Napoléon ordonne RÉSULTAT s Français on
Grâce à quelques renforts à Marmont d’attaquer sans ms est un e victoire. Le eant de lourdes
Rei flig
emi en lui in er les jours
venus de Paris, il dispose de attendre le reste de l’armée. Il chassé l’enn peut ralli
oléo n (4 000
40 000 hommes. culbute les Russes retranchés pertes. N ap s Ardennes
garnisons de Paris (6 000),
dans les faubourgs. Saint-Priest suivants les de
des renforts d le 17 mars,
Le 13 mars, l’Empereur quitte est blessé mortellement et les hommes) et
t de repa rtir vers le su osent bouger
Soissons à 2 heures du matin Russes évacuent la ville vers avan s n’
e ses adversaire er ses pas.
pour Reims afin de se glisser 23 heures. Napoléon y fait une tandis qu ir où il va port
vo
entre les deux armées ennemies entrée triomphale. avant de sa

Guerres & Histoire HS No 4 • 119


1814 - La campagne de France

À ARCIS-SUR-AUBE,
LA FRANCE PLIE
SOUS LE NOMBRE
20 et 21 mars 1814

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
erg
Schwarzenb
EFFE CTI FS mes
28 000 hom
16 500 puis 0 000 hommes

S
chwarzenberg, sur la foi d’une dépêche de Blücher 10
annonçant (en fait par anticipation) que Napoléon était 50 000 puis
sur ses pas, a stoppé sa retraite dès le 27 février, et PERTES
es
contre-attaqué à Bar-sur-Aube et Laferté-sur-Aube, 4 200 homm
0 ho m m es
5 00
contraignant Oudinot et Macdonald à se replier.
DU R É E
Schwarzenberg reprend les jours suivants Troyes, Nogent et Sens,
2 jours
et arrête son mouvement en attendant des nouvelles de Blücher, é
RÉSULTAT éon a affront
tandis que les maréchaux se retirent derrière la Seine. faite. Napol t
C’est une dé e armée qu’il ne pouvai e
Napoléon décide d’attaquer Schwarzenberg sur ses arrières inutilement
un
s pe rtes , mêm
bi de lourde nnemi.
en marchant de Reims vers le sud, plutôt que de rejoindre les battre et a su rieures à celles de l’e
t in fé co ntre
maréchaux sur la Seine comme il l’a fait le mois précédent. Il légè rem en manœ uv re
ursuivre sa
laisse 20 000 hommes à Marmont à Berry-au-Bac et à Mortier à Il ne peut po e, et son adversaire, alors
rs
Reims pour surveiller les mouvements de Blücher, et marche avec le flanc adve pris l’initiative. Il décide try
nc en tré, a re le m en er à Vi
co
25 000 hommes le 17 mars de Reims à Épernay, et le 18 d’Épernay œuvre qui va e
la fatale man de l’ennemi, tandis qu n
à Fère-Champenoise. Mais Schwarzenberg, prévenu de ce mou- arriè re s chent l’u
sur les lüch er m ar
erg et B Paris.
vement, a donné l’ordre à tous ses corps d’armée de rétrograder Schwarzenb is conjointement vers
l’aut re , pu
vers Troyes, confiant à Wrede la garde du pont d’Arcis-sur-Aube ve rs
pour protéger ce mouvement.

Par-dessus l’Aube et la Seine


Le 19 mars, jour de la rupture des négociations de Châtillon,
les Français franchissent l’Aube en aval d’Arcis sur trois ponts
de bateaux, et la Seine à Méry. Mais les colonnes en retraite
de Schwarzenberg sont déjà passées, et Wrede a évacué Arcis.
Napoléon fait alors converger ses troupes vers cette ville, située ses colonnes vers les points où les Français ont passé l’Aube et
sur la rive gauche, par les deux rives de l’Aube, d’où il pourra la Seine la veille. La concentration des Français à Arcis fait que
éventuellement suivre Schwarzenberg. l’aile gauche de Schwarzenberg tombe dans le vide. Seule l’aile
Mais à l’annonce de la rupture du congrès de Châtillon et droite (Wrede et Barclay) accroche les Français devant Arcis.
apprenant que Napoléon a franchi les deux fleuves, Schwarzenberg L’aile gauche (Wurtemberg) ne marchera pas au canon, où il aurait
décide de passer à l’offensive, pensant acculer la petite armée écrasé les Français déjà deux fois moins nombreux.
française sur leurs rives. Faisant subitement demi-tour, il envoie
Napoléon met l’épée à la main
Le matin du 20, Napoléon est convaincu que Schwarzenberg
se replie vers Brienne ou Troyes. Il envoie sa cavalerie refouler la
cavalerie ennemie, fait réparer le pont d’Arcis détruit par Wrede,
Le feld-maréchal et comte August von et établit ses troupes sur les deux rives. Il arrive en début d’après-
Gneisenau (1760-1831) est le grand midi à Arcis et pousse une reconnaissance jusqu’à Torcy, à 2 km
réorganisateur de l’armée prussienne après à l’est sur l’Aube. C’est alors que la cavalerie coalisée attaque.
le désastre de Iéna. Au nom de l’intérêt La cavalerie française, surprise, est refoulée jusque dans Arcis ;
supérieur de l’armée, il appelle même à Napoléon accourt et, pris dans la mêlée, doit mettre l’épée à la
l’intégration politique du peuple. En 1813, main. Il parvient à arrêter les fuyards sur le pont d’Arcis, tandis
il est chef d’état-major de Blücher et que Ney est attaqué par Wrede à Torcy. La Vieille Garde, arrivée
contribue à la victoire de Leipzig. Après sur la rive droite, passe le pont et repousse l’ennemi, guidée par
Ligny, c’est lui qui insiste pour que la retraite Napoléon en personne. C’est à ce moment que se place le fameux
se fasse vers les Anglais et non vers l’est. épisode de l’obus qui, tombant parmi les grognards, éventre le

120 • Guerres & Histoire HS No 4


cheval de l’Empereur. Ney tient dans Torcy jusqu’à la nuit, tandis
que la cavalerie et la Garde finissent par chasser la cavalerie enne-
mie d’Arcis sur la route de Troyes vers 22 heures.
Lorsque, vers 10 heures, Napoléon sort d’Arcis sur la route
de Troyes, il découvre stupéfait l’armée ennemie tout entière ran-
gée en ordre de bataille… Comprenant sa méprise, il se résigne
Pour aller + loin
1814. La campagne
à la retraite. Il fait jeter un pont volant en aval d’Arcis pour de France,
Coup de théâtre au lever du jour doubler le débit du pont de pierre, et fait couvrir la retraite de Patrice Gueniffey et Pierre
Branda (dir.), Perrin, 2016.
Pourtant, Napoléon est convaincu qu’il n’a eu affaire qu’à une l’infanterie et de l’artillerie par la cavalerie. Ce n’est qu’en fin
arrière-garde couvrant la retraite de l’ennemi. Au lieu de se retran- d’après-midi que Schwarzenberg, voyant les colonnes françaises
cher derrière l’Aube, il fait passer le fleuve aux renforts d’Oudinot remonter les pentes sur l’autre rive, lance une attaque générale.
et Macdonald arrivés pendant la nuit : il dispose maintenant de Napoléon fait brûler le pont volant et retire la cavalerie, laissant
30 000 hommes. Mais pendant ce temps, Schwarzenberg a rappelé 6 000 hommes d’infanterie défendre Arcis. Vers 19 heures, ils
son aile gauche et a disposé dans la nuit ses 100 000 hommes en se retirent à leur tour et les sapeurs détruisent le pont de pierre,
arc de cercle au sud d’Arcis, derrière la crête. empêchant toute poursuite. ■

La Vieille Garde, arrivée sur la rive droite de l’Aube, passe le


pont et repousse l’ennemi, guidée par Napoléon en personne.

Petit Morin
xxxx

Ma
Autrichiens

rn
e
Fère NAPOLÉON Vitry-le-
Français François

Sézanne
O UDINOT
MACDONALD 19 mars
Arcis-sur-Aube
Provins 20-21 mars
Nogent Plancy NEY
17 mars
Torcy
Méry-sur Seine
Seine
WURTEMBERG
Montereau xxxx
WREDE
Au

BARCLAY
be

SCHWARZENBERG
Troyes
Yon
ne

Sens Bar-sur-Aube

Guerres & Histoire HS No 4 • 121


Retranchés dans
Plancenoit le 18 juin,
les Français du 6e corps
de Lobau sont assaillis
par les Prussiens de
Bülow. Entre 17 heures
et 19 heures, le village
change de mains
à plusieurs reprises.

122 • Guerres & Histoire HS No 4


3
LA CAMPAGNE
DE BELGIQUE 1815
Pour L’Empereur, tout juste revenu de l’île d’Elbe,
le conflit est inévitable : les coalisés veulent son départ
définitif. Il choisit de les attaquer là où ils sont le plus
proches, en Belgique. Le pari, risqué, nécessite pour
réussir une part de chance. Napoléon n’en aura pas.

●●●

●●●

Guerres & Histoire HS No 4 • 123


1815 - La campagne de Belgique

LA CHUTE DE
L’EMPIRE
EN ÉPILOGUE

R entré le 20 mars 1815 à Paris après


son évasion de l’île d’Elbe, Napoléon
doit bien vite se rendre à l’évidence :
ses promesses de paix ne sont pas crues par les monarchies
européennes, qui l’ont mis hors-la-loi le 13 mars, dès son débar-
quement en France connu, ont renoué leur alliance de 1814 le
25 mars avec la septième coalition, et ont promis de lever ou
financer les armées destinées à « chasser l’usurpateur ». Dès lors,
l’Empereur sait qu’il devra affronter l’invasion des frontières du
Nord, de l’Est, des Alpes et des Pyrénées par six armées coalisées
Chambres et de l’opinion les levées d’argent et de conscrits que
nécessitera la poursuite de la lutte contre les armées d’invasion.
Car à l’inverse de l’armée et des classes populaires, la bourgeoi-
sie française est plutôt sceptique, comme l’a prouvé le succès des
libéraux, largement vainqueurs des candidats bonapartistes aux
élections législatives (à suffrage censitaire) de mai 1815, tout
comme les notables royalistes l’ont été aux élections municipales
qui les ont immédiatement suivies.
Le 15 juin 1815, l’armée française franchit la frontière,
mais les retards des ordres et l’encombrement des chemins les
totalisant 700 000 hommes. empêchent de se placer entre les deux armées ennemies dès le
PAR ANTOINE REVERCHON
(voir biographie p. 86)
Plutôt que de prendre une posture défensive et gagner du premier jour. Tandis que les Prussiens se concentrent sur le pla-
temps pour renforcer ses effectifs, Napoléon décide de passer à teau de Fleurus, les Anglo-Néerlando-Allemands de Wellington
l’attaque avec les troupes dont il dispose contre les deux armées convergent vers le carrefour des Quatre-Bras. En effet, même
les plus proches, celles de Wellington et de Blücher, cantonnées si Wellington et Blücher ne s’attendaient pas à être attaqués, ils
en Belgique en attendant la date de l’invasion, prévue pour la avaient convenu de se secourir mutuellement plutôt que de se
première semaine de juillet. Napoléon réunit 122 000 hommes et replier chacun de leur côté en cas d’offensive française.
360 canons sur la frontière nord entre Beaumont et Philippeville,
de façon à déboucher en Belgique par Charleroi à la charnière Grouchy poursuit les Prussiens
des deux armées pour les séparer, battre l’une avant de se Le 16 juin, Napoléon doit détacher vers les Quatre-Bras
retourner contre l’autre et l’écraser à son tour. Séparément, les 45 000 hommes commandés par Ney pour éviter la jonction
armées de Wellington (99 500 hommes, 222 canons) et Blücher anglo-prussienne, tandis qu’il bat 85 000 Prussiens à Ligny avec
(116 000 hommes, 312 canons) sont en effet inférieures à l’armée 70 000 hommes, mais sans parvenir à les écraser ; Ney est en effet
française. C’est un plan opérationnel typique de la « manœuvre occupé à contenir les Anglais, qui ne peuvent de leur côté secon-
en position centrale », qui a si bien réussi à Napoléon en Italie der Blücher. Sur ordre de l’Empereur, Ney avait bien détaché
en 1796-1797 et au début de la campagne de 1814. 20 000 hommes vers Ligny mais, assailli par 40 000 Anglais, il
L’Empereur compte sur ces victoires pour ébranler une coa- les avait rappelés. Ce corps d’armée n’a ainsi participé à aucune
lition qu’il pense prête à se diviser au premier revers, comme des deux batailles, où leur apport aurait pourtant pu être décisif…
elle l’a fait maintes fois par le passé, et surtout pour obtenir des Alors que, le 17 juin, Napoléon lance Grouchy avec

Réagissant au retour de Napoléon Arthur Wellesley, Lord Wellington (1769-1852),


de l’île d’Elbe, 16 États européens se fait un nom en menant la vie dure aux Français
(Royaume-Uni, Russie, Autriche, Prusse, durant les campagnes ibériques, notamment en
Espagne, Suède, Hollande, France infligeant un désastre à Jourdan à Vitoria (21 juin
royaliste...) signent le 25 mars 1815 1813). Il envahit la France par le sud-ouest à la fin
le traité donnant naissance de 1813, prend Bordeaux le 12 mars 1814. C’est
à la septième coalition. à Waterloo qu’il affronte, pour la première fois,
Napoléon. Solide, lent, méthodique, Wellington
donne son style au commandement terrestre
britannique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

124 • Guerres & Histoire HS No 4


ut
ca
Es

xxxx Louvain
xxx Bruxelles
WELLINGTON
UXBRIDGE
F ORÊT
DE S OIGNES
PIRCH
Hal ZIETEN
Waterloo BÜLOW
Enghien Wavre - 18 juin
Mont-Saint-Jean XXX
BLÜCHER
e

18 juin
nn
Se

xxx BÜLOW
Nivelles
HILL
Soignies xxx
XXXX
PRINCE Gembloux VANDAMME
D’ORANGE GROUCHY
Les Quatre-Bras
GÉRARD
16 juin BLÜCHER
Ligny - 16 juin
NEY
XXX
Fleurus
XXX Namur
Mons ZIETEN
PIRCH
Charleroi Châtelet
Marchienne xxx XXX

xxx MILHAUD
KELLERMANN GARDE xxx THIELMANN
M euse

xxx
Maubeuge xxx GROUCHY
D’ERLON xxx
re
amb xxx
LOBAU
GÉRARD
S
REILLE xxxx xxx Dinant
VANDAMME

NAPOLÉON

+ loin
33 000 hommes aux trousses des Prussiens battus qu’il sup- ne parviennent pas à rompre les lignes ennemies, bien que, en
pose en retraite vers l’est, ceux-ci se replient vers Wavre, au fin d’après-midi, une brèche soit créée dans le centre anglais. Pour aller
nord, afin de maintenir la liaison avec les Anglais en train de Mais déjà, au milieu de l’après-midi, 35 000 Prussiens, par- Campagne de 1815,
se retirer parallèlement sur la route de Bruxelles vers le pla- tis de Wavre au matin, débouchent sur le flanc droit des Français, Carl von Clausewitz,
teau de Mont-Saint-Jean, où Wellington avait repéré une bonne obligeant Napoléon à envoyer les réserves qui devaient achever Champ Libre, 1973.
position défensive pour les 70 000 hommes et les 184 canons l’armée de Wellington usée par cinq heures de lutte acharnée. The Emperor
qu’il réussit à y réunir. Prise de flanc par les Prussiens, repoussée par les Anglais, l’ar- Returns,
mée française part en déroute. Les officiers ne parviendront pas Kevin Zucker,
Waterloo, la déroute en conclusion à stopper cette fuite dans les jours qui suivent, sauf les troupes de Clash of Arms, 1986.
C’est cette position que Napoléon, qui a rejoint Ney avec Grouchy qui, bien que poursuivies par les Prussiens, ont regagné
le reste de l’armée victorieuse à Ligny, attaque frontalement la France. Revenu à Paris, l’Empereur propose de reprendre la
le 18 juin avec 72 000 hommes et 250 canons. L’assaut ne lutte. Mais en butte à l’hostilité des Chambres, il doit abdiquer
commence qu’à midi, l’artillerie ne pouvant manœuvrer sur le le 22 juin, mettant un terme au dernier épisode de l’aventure
terrain détrempé. Les attaques de l’infanterie, puis de la cavalerie, impériale. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 125


1815 - La campagne de Belgique

VICTOIRE
À LIGNY,
LA DER DES DERS
16 juin 1815

ANTS
COMMAND er
Napoléon I
Blücher
EFFECTIFS
0 et 75 000
Entre 70 00
00 0 et 85 000
Entre 78

A
yant reçu de Wellington l’assurance qu’il viendrait
à son secours, Blücher accepte la bataille le 16 juin PERTES
et 10 000
Entre 7 000
avec 85 000 hommes sur une position défensive sui-
tr e 12 00 0 et 20 000
En
vant le cours de la Ligne, un ruisseau encaissé et
DURÉE
large de quatre à cinq mètres, bordant le nord du h à 21 h)
6 heures (15
plateau de Fleurus. Cette position est parsemée de villages situés S de
RÉSULTAT ise. L’armée
au creux du vallon — d’est en ouest Wagnelée, Saint-Amand, ctoire frança n ; les Prussiens,
C’est une vi le terrai
Ligny et Balâtre et, à mi-pente en remontant vers la crête, Brye cupe nt
Napoléon oc plus lourdes pertes, so s
de Mai
(où Blücher a placé son QG), Sombreffe et Tongrinne. qui ont subi ur moitié en désordre. ni
La position prussienne forme ainsi deux lignes disposées en en retraite,
po ni anéantie,
ée de B lü cher n’a été oquée. Le
un angle droit rentrant, avec une droite orientée ouest-est renforcée l’arm t disl
entièremen ée,
à son extrémité ouest pour accueillir l’arrivée prévue des Anglais, encerclée, ni te d’une partie de l’arm et
re trai yards
17 juin, la tio n de s fu
et une gauche nord-ouest/sud-est pour protéger les axes de retraite t d’une frac ée intact, celui de
le ralliemen
vers l’est ou le nord. ivée d’un corps d’arm de concentrer
l’arr au
et à Gneisen e à Wavre.
Bülow, perm en bon ordr
Pour Napoléon, tout va bien 90 000 ho m m es
Au matin du 16 juin, l’Empereur est satisfait. Du moulin de
Fleurus, qui domine tout le plateau et d’où il ne bougera pas de
la journée, il constate que son plan opérationnel a fonctionné :
l’armée prussienne est disposée à s’offrir à ses coups, et elle sera
seule puisque Ney barre la route aux Anglais. Mais il n’a pour
l’attaquer que 70 000 hommes (3e, 4e, 6e corps, Garde, la réserve sa ligne de retraite aurait pu l’inciter à refuser le combat.
de cavalerie), qui ne sont pas tous arrivés : le 4e corps est en Le plan de bataille est donc typique de la « bataille napo-
marche vers Fleurus, le 6e corps encore à Charleroi. À 14 heures, léonienne » : la fixation et l’usure de l’ennemi par une attaque
il ordonne alors à Ney de venir tourner la droite prussienne en frontale, même avec des effectifs inférieurs, suivies d’un mou-
marchant vers Saint-Amand, mais fait attaquer ce village dès vement tournant effectué par des renforts arrivant en cours de
15 heures par le 3e corps, afin de s’assurer que les Prussiens journée, afin d’apporter la rupture décisive.
ne prendront pas eux-mêmes l’offensive pour se rapprocher de Napoléon prolonge l’action du 3e corps contre la droite prus-
Wellington. Il se contente d’une démonstration de cavalerie gui- sienne par une attaque du 4e corps au centre, contre Ligny, vers
dée par Grouchy sur l’aile gauche prussienne : tenter de couper 16 heures. Les combats sont acharnés, les Prussiens alimentant

Le maréchal Gebhard von Blücher (1742-1819), Le maréchal Emmanuel de Grouchy (1766-1847),


mecklembourgeois rallié à la Prusse, ferraille déjà aristocrate passé à la Révolution, cavalier courageux,
durant la guerre de Sept Ans. Licencié de l’armée connaît un grave revers lors de l’expédition de Hoche
en1771, il ne reprend du service que pour lutter contre en Irlande (1796), où il se montre indécis. Il fait
les armées de la Révolution. Humilié à Auerstaedt, néanmoins une belle carrière, participant à la grande
il se consacre à la rénovation de l’armée prussienne charge d’Eylau. Il commande toute la cavalerie en
et à la revanche. Il connaît des hauts et des bas 1814 et est blessé à Craonne. À Waterloo, sans
durant les campagnes de 1813 et 1814. Après sa ordre précis, il perd Blücher – il en est responsable
défaite à Ligny, son armée se replie vers Wavre et non pour l’éternité – puis se montre excellent dans le
vers le Rhin, une décision fatidique pour Napoléon. sauvetage du reste de la Grande Armée en déroute.

126 • Guerres & Histoire HS No 4


la bataille par d’incessants renforts et contre-attaquant pour
reprendre les postions perdues. Les villages changent de mains
tout au long de l’après-midi.
les généraux français et Napoléon lui-même croient à l’arrivée
d’une colonne ennemie, et retardent l’envoi de renforts aux unités
déjà engagées. Après s’être assuré de l’identité de la colonne de
Pour aller
Waterloo,
+ loin
D’Erlon, mais constatant que, repartant vers l’ouest, elle ne pou- Henri Lachouque,
Ney explose de colère vait lui être d’aucun secours, Napoléon doit changer à nouveau Stock, 1972.
Apprenant que Ney est aux prises avec 20 000 Anglais aux ses plans. Puisqu’il ne pourra envelopper la droite ennemie, il Ligny et Wavre
Quatre-Bras, l’Empereur modifie vers 15 h 30 son plan initial percera son centre, en utilisant pour cela sa dernière réserve : la 1815. Les dernières
victoires de l’Empire,
en ordonnant à Ney de n’envoyer que le 1er corps tourner les garde impériale et la cavalerie lourde. À 19 h 30, cette masse de F. Bey, Ludifolie, 2016.
Prussiens. C’est là que se manifeste ce que Clausewitz nomme troupes d’élite marche sur Ligny, culbute les Prussiens et gravit
Ligny 1815 : Last Eagles,
si justement « le brouillard de guerre ». Drouet d’Erlon, chef la pente vers Sombreffe alors que la nuit tombe. Walter Vejdovsky, Hexasim,
de ce corps (voir p. 128), avait reçu à 16 heures l’ordre précé- Blücher étant tombé de cheval et hors de combat, Gneisenau, 2017.
dent adressé à Ney avant le maréchal, grâce au zèle d’un aide son chef d’état-major, ordonne la retraite en direction de Wavre. Si
de camp plus rapide. Il commence aussitôt à exécuter cet ordre, les ailes de l’armée prussienne se replient en bon ordre à la faveur
que Ney ne reçoit qu’à 17 heures, alors qu’il est aux prises avec de la nuit, une grande partie du centre prend la fuite sur la route
un nombre croissant d’Anglais. Il explose de colère et envoie à de Liège. Napoléon est victorieux, mais n’a pu écraser l’armée
D’Erlon l’ordre de revenir le soutenir. Pris entre ces deux ordres de Blücher. Il estime cependant celle-ci suffisamment battue pour
opposés, ce dernier décide d’obéir à son chef direct, qu’il sup- pouvoir se tourner sans crainte contre Wellington. Les informa-
pose informé des intentions impériales, et rebrousse chemin vers tions collectées le lendemain matin par la cavalerie chargée de la
18 heures, trop tard pour soutenir Ney... poursuite le confortent dans cette opinion : il croit les Prussiens
Vers 17 heures, apercevant au loin la colonne de D’Erlon, en fuite vers Liège, alors qu’ils marchent en ordre vers Wavre. ■

Fixation de l’ennemi, mouvement tournant puis attaque


décisive : le plan de bataille est typiquement napoléonien.

Liège
Bruxelles

xxxx
Nivelles WELLINGTON
Mellery
contre-attaque
Quatre-Bras 15h30-18h30
xxx Gembloux
PRINCE
D’ORANGE Tilly XXXX

BLÜCHER
XXX
90 000
KELLERMANN 14h00-15h30

XXX Sombreffe
REILLE PIRCH
17h30
ZIETEN
Saint- Ligny
XXX
Amand
NEY THIELMANN
D’ERLON
D
R AR
VANDAMME GÉ MILHAUD
GROUCHY

Fleurus
ne

Namur
LOBAU
L ig

u
L ’ O r nea

GARDE
18h30-21h00
XXXX
Gosselies NAPOLÉON
76 000
LOBAU

19h30
br e
S am

Anglo-Hollandais
Français (position 1)
Français (position 2)
Prussiens (position 1)
Prussiens (position 2)

Charleroi

Guerres & Histoire HS No 4 • 127


1815 - La campagne de Belgique

WATERLOO,
DÉFAITE DÉCISIVE
ET POINT FINAL
18 juin 1815

ANTS
COMMAND er
Nap oléo n I
Wellington
Blücher
EFFECTIFS
72 000 o-Allemands
lo-Néerland
70 000 Ang

W
ellington, rassuré par la promesse de soutien iens
de Blücher, accepte le 18 juin la bataille sur 40 000 Pruss
une position défensive suivant la crête du pla- PER TE S
teau de Mont-Saint-Jean, qui barre d’ouest en 29 000
est la route de Bruxelles au sud de la forêt de 18 000
DURÉE
Soignes. En avant de cette ligne, trois fermes (d’ouest en est : idi à 21 h)
9 heures (m
Hougoumont, la Haye-Sainte, Papelotte), hâtivement fortifiées, S e
doivent briser l’élan de l’attaque française. RÉSULTAT oire coalisée, écrasant
’e st un e vi ct frança is e,
C
Napoléon, arrivé le soir du 17 à la ferme de la Belle-Alliance, Toute l’armée t
et décisive. ement de Grouchy, es
à 1300 m de la Haye-Sainte, est ravi de voir les Anglais allumer dé ta ch ite , la
sauf le la po ursu
pendant t
leurs feux de bivouac. La bataille pourra se livrer comme prévu en déroute ; engagée es
as i-t otal ité de l’artillerie nn e pa rtie
contre eux seuls, Blücher étant en retraite poursuivi par Grouchy. qu e bo
ut comme un nduit
Il s’installe pour la nuit à la ferme du Caillou, 2 500 m en arrière. capturée, to rmée française. Elle co
de l’a ap ol éo n
du parc ion de N
À l’aube, il revient à la Belle-Alliance. Mais un léger vallonne- t à l’abdicat
directemen la paix
ment l’empêche de voir les troupes anglaises massées derrière la issement de
et au rétabl
crête. Il ne veut de toute façon pas perdre de temps à chercher la
faille du dispositif ennemi, mais attaquer au centre pour le couper
en deux et le rejeter dans la forêt de Soignes qu’il croit toute
proche, confondant semble-t-il la ferme de la Haye-Sainte avec
celle de Mont-Saint-Jean, située 1 300 m plus au nord.
Le terrain détrempé par les orages ralentit toutefois la mise
Un terrain alourdi par les orages en place de l’artillerie. Quittant le Caillou, Napoléon parcourt le
Mais au matin du 18, tandis que, revenu au Caillou, Napoléon front sous les ovations, et s’établit près de la ferme de Rossomme,
donne ses ordres, seul le 1er corps est à pied d’œuvre. Napoléon à mi-chemin entre le Caillou et la Belle-Alliance, d’où la vue n’est
le fait aligner à droite de la route de Bruxelles, avec pour mis- pas meilleure. L’attaque d’Hougoumont ne commence que vers
sion de prendre la Haye-Sainte et percer le centre anglais, tandis 11 h 30. Au lieu d’être une diversion, elle se transforme en une
que le 2e corps, qui arrive à son tour, est placé face à la droite bataille séparée, engageant peu à peu tout au long de l’après-midi
anglaise, avec pour mission de prendre Hougoumont afin de faire la plus grande part du 2e corps et de l’aile droite anglaise.
diversion. Le 6e corps et la Garde, qui arriveront au cours de la Vers midi, on aperçoit des baïonnettes scintiller à l’horizon,
matinée, donneront le choc décisif au centre. vers l’est. C’est le corps prussien de Bülow en route pour rejoindre
Wellington. Napoléon confiant déclenche pourtant vers 14 heures
l’attaque principale contre le centre anglais, préparée par une
grande batterie de 80 canons et conduite par Ney. Les éclaireurs
Jean-Baptiste Drouet, comte d’Erlon, dit Drouet d’Erlon ayant confirmé l’approche des Prussiens, Napoléon détache à leur
(1765-1844), fait presque toutes les campagnes de rencontre le 6e corps, qui ne pourra donc participer au choc décisif.
l’Empire comme général de division. Il se rallie à Le premier assaut échoue. D’Erlon ne parvient pas à
l’Empereur en 1815 et se fait un nom dans l’histoire en prendre la Haye-Sainte, et la cavalerie lourde anglaise charge
montrant la plus grande énergie à Waterloo, notamment son infanterie, menaçant la grande batterie ; Napoléon, qui s’est
en s’emparant de La Haye-Sainte. porté en avant jusqu’à la maison Decoster, doit faire contre-
attaquer sa cavalerie. Un second assaut est lancé vers 15 h 30.
Il échoue également.
C’est alors que se situe le moment le plus controversé de la
bataille : Ney aurait demandé le soutien d’un corps de cavalerie

128 • Guerres & Histoire HS No 4


Vers
Bruxelles

WELLINGTON ZIETEN
Le Mesnil 68 000 xxxx
Mont-Saint-Jean
BLÜCHER
35 000

19h30
Lasne
CLINTON UXBRIDGE PIRCH

Braine-l’Alleud 5 BÜLOW
PICTON
La Haye
ALTEN
La Haye- 2 Frichermont
CHASSÉ Papelotte
COOKE Sainte 16h00 Couture
2
3 5
3 2
2

Chateau de
Hougoumont D ’ERLON
La Belle- 4
1 Alliance
1 MILHAUD
REILLE
Maransart
LOBAU 3
KELLERMAN
ne
C av. GARDE
Las
GARDE 1 1 11h30-15h00
IMPERIALE
4 2 2 13h00-15h30
Plancenoit 3 3 15h30-17h30

4 4 17h00-20h00
NAPOLÉON
5 5
73 200 19h30-20h00
Anglo-Hollandais
Français (position 1)
Maison du Roi
Français (position 2)
Prussiens (position 1)
Le Caillou
Prussiens (position 2)

Vers midi, on aperçoit des baïonnettes scintiller à l’horizon :


c’est le corps prussien de Bülow qui va rejoindre Wellington.

+ loin
lourde ; ou bien, la première ligne anglaise ayant reculé der- Mais face à une nouvelle poussée des Prussiens qui, sans
rière la crête pour se soustraire au feu de la grande batterie, il cesse renforcés, ont repris Plancenoit, Napoléon doit de nouveau Pour aller
aurait cru l’ennemi en retraite ; Napoléon, voyant ses cuiras- envoyer sur ce point une partie de la Garde. Le village change
Waterloo 1815,
siers avancer, les aurait fait soutenir par toute la cavalerie de à nouveau de mains à 19 heures L’Empereur n’a plus que neuf H. Houssaye,
réserve, y compris celle de la Garde. Quoi qu’il en soit, toute bataillons de la Garde (sur 28) pour porter le coup final. Le temps Christian de Bartillat, 1987.
la cavalerie française se rue sur la ligne anglaise… à l’est de la de les faire avancer, et Wellington a déjà reconstitué sa ligne Waterloo 1815,
Haye-Sainte, car à l’ouest de la ferme, où Ney a attaqué, un che- avec des troupes rappelées de ses ailes, car il sait qu’un nouveau T. Lentz, Perrin, 2015.
min creux l’interdit. Les charges répétées, menées de 16 heures corps prussien, celui de Zieten, arrive à sa gauche. À 20 heures, Les Quatre-Bras
à 18 heures sans soutien de l’infanterie, ne pourront entamer une la Garde aborde la ligne anglaise à l’ouest de la Haye-Sainte. et Waterloo 1815,
ligne anglaise jusque-là intacte et formée en carrés. Elle est repoussée, au moment où Zieten arrive sur le champ F. Bey, Ludifolie, 2015.
Pendant ce temps, les Prussiens refoulent le 6e corps jusqu’à de bataille : Napoléon avait à dessein fait courir le bruit qu’il Waterloo 1815 : Fallen
Plancenoit dont ils s’emparent vers 17 heures Napoléon doit s’agissait de Grouchy. Aux cris de « Trahison ! » et « La Garde Eagles, Walter Vejdovsky,
envoyer la Jeune Garde reprendre le village : elle manquera aussi recule ! », toute la ligne française s’effondre, entraînant l’Empe- Hexasim, 2015.
pour le choc décisif. Car vers 18 heures, Ney s’empare enfin de reur dans sa déroute tandis que la nuit tombe sur les fuyards
la Haye-Sainte : le centre anglais est ouvert. poursuivis par la cavalerie prussienne. ■

Guerres & Histoire HS No 4 • 129


Une croisière d'exception
Vietnam - Cambodge
13 jours au fil du Mékong

NOUVEAUTÉ 2018
Confort Premium sur le nouveau bateau 5 ancres
le R/V Indochine II

Hô-Chi-Minh (Saigon) - Phnom Penh


Danses khmères
D écouvrez les hauts lieux classés au patrimoine
de l'Unesco au rythme des flots du Mékong.
Cette croisière fluviale offre un angle idéal et un confort de
voyage pour comprendre le Vietnam et le Cambodge d’hier et
d’aujourd’hui. Science&Vie vous propose ce programme de
13 jours pour découvrir : la chaleureuse et trépidante Hô-Chi-
Minh-Ville, les très majestueux temples d'Angkor, Phom Penh
la coloniale et sa pagode d'argent, le fascinant spectacle des
Marché flottant
danses khmères.

Infos - réservation : 01 41 33 59 00 Pour recevoir une documentation détaillée de votre croisière retournez ce bulletin à :
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• Un programme original : 9 jours de croisière et 3 à terre
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• Un bateau 4* de 24 cabines, habillé de bois exotique.

- Temples d'Angkor Renseignements : 01 41 33 59 00

DATES ET TARIFS DES CROISIÈRES 2018/2019 (par personne, en cabine double au départ de Paris)

Août 2018 Septembre 2018 Octobre 2018 Novembre 2018 Décembre 2018 Janvier 2019 Février 2019 Mars 2019 Avril 2019
14/08 4 Ancres 05/09 4 Ancres 01/10 4 Ancres 08/11 4 Ancres 04/12 4 Ancres 01/01 5 Ancres 02/02 5 Ancres 06/03 5 Ancres 01/04 4 Ancres
2 186€ 2 186€ 2 892€ 3 108€ 3108€ 3 276€ 3 276€ 3 276€ 2 682€
20/08 4 Ancres 05/09 5 Ancres 07/10 4 Ancres 08/11 5 Ancres 10/12 4 Ancres 05/01 4 Ancres 06/02 4 Ancres 10/03 4 Ancres 01/04 5 Ancres
2 186€ 3 115€ 2 892€ 3 276€ 2 892€ 3 108€ 3 108€ 3 108€ 2 953€
20/08 5 Ancres 15/09 4 Ancres 18/11 4 Ancres 10/12 5 Ancres 11/01 4 Ancres 12/02 4 Ancres 16/03 4 Ancres 07/04 5 Ancres
2 953€ 2 186€ 3 108€ 3 115€ 3 108€ 3 108€ 3 108€ 2 953€
30/08 4 Ancres 21/09 4 Ancres 20/12 4 Ancres 11/01 5 Ancres 12/02 5 Ancres 16/03 5 Ancres 11/04 4 Ancres
2 186€ 2 186€ 3 112€ 3 276€ 3 276€ 3 276€ 2 682€
21/09 5 Ancres 17/01 5 Ancres 18/02 5 Ancres 22/03 5 Ancres 17/04 4 Ancres
3 115€ 3 276€ 3 276€ 3 276€ 2 682€
21/01 4 Ancres 22/02 4 Ancres 26/03 4 Ancres 17/04 5 Ancres
3 108€ 3 108€ 3 108€ 2 953€
Avec Science&Vie, tout est compris dans le tarif à partir de 2 682 € :
27/01 4 Ancres 28/02 4 Ancres
les vols internationaux - les transferts - la croisière selon la catégorie de cabine choisie - 3 108€ 3 108€
l’hébergement en hôtel 1ère catégorie en chambre double à Siem Reap - la pension complète
pendant tout le circuit - les visites et excursions mentionnées au programme - les services d’un 27/01 5 Ancres 28/02 5 Ancres
guide national vietnamien et cambodgien francophone pour toutes les visites - les services de 3 276€ 3 276€
notre directeur de croisière CroisiEurope à bord - les boissons à tous les repas (1 soda ou 1 bière
ou 1 eau minérale et café et thé par personne et par repas) - thé, café et eau minérale à volonté
pendant la croisière - l’assurance assistance/rapatriement - les pourboires (pour l’équipage pendant Sens en remontant : HO-CHI-MINH VILLE-SIEM REAP
la croisière, le guide et le chauffeur à Siem Reap). N’est pas compris : consulter la brochure Sens en descendant : SIEM REAP (ou ANGKOR si extension) HO-CHI-MINH VILLE
.
T.1 - 18 BRUMAIRE Comment finir une révolution ?
En librairie le 22 août

T.2 - 1940 Comment liquider une république ?


À paraître en octobre
Par Pécau & Marinetti Par Pécau & Drujiniu

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