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Cas concret : Les spahis de 1940 à La Horgne : tactique et rapport des forces...4-6
Directeur de la publication :
Général Dominique Cambournac
Rédacteur en chef :
Lieutenant-colonel Rémy Porte
Comité de rédaction :
Colonel Thierry Noulens,
Lieutenant-colonel Vincent Arbarétier,
Lieutenant-colonel Jean Bourcart,
Lieutenant-colonel Frédéric Jordan,
Lieutenant-colonel Rémi Scarpa,
Commandant Julien Monange.
Adresse mail :
emat-histoire.referent.fct@intradef.gouv.fr
Les nuages masquaient la lune. Nous entrions dans les blés. C’était la minute où la guerre
commence. Nous nous dirigions à la boussole, et ne distinguions que ce qui se découpait sur le ciel ;
poteaux télégraphiques, toits, cimes d’arbres ; les vergers à peine plus clairs que la brume avaient disparu,
les ténèbres semblaient massées au ras des champs qui nous balançaient ou nous secouaient ; qu’une
chenille cassa, nous serions morts ou prisonniers. (…) Que les furieuses vibrations fêlassent une des
tuyauteries d’essence, et le char attendrait les obus en tournant sur lui-même comme un chat épileptique.
Mais les chenilles martelaient toujours les champs et les pierres, et, par les fentes de visée de ma tourelle,
je regardais, au-delà de ce que je distinguais de blés courts, de brume, de vergers, monter et descendre sur
le ciel nocturne l’horizon qu’aucune flamme de canon ne rayait encore. Les positions allemandes étaient
devant nous ; de face, nos chars ne pouvaient être atteints efficacement qu’à la lunette de tir et au masque
du canon. Nous avions confiance en nos blindages.
3
Cas concret
Colonel ABC (er) Thierry Moné
À la 1re division de panzers, on manœuvre alors avec en tête deux groupements tactiques interarmes de
circonstance. L’un de ces groupements est commandé par le colonel Walter Krüger. C’est lui qui aborde le secteur
du petit village ardennais de La Horgne, le 15 mai 1940 au matin. Krüger a sous ses ordres le commandant
Max Richter pour l’infanterie mécanisée et le commandant Sauvant pour les chars. Dans le village, le colonel
Olivier Marc commande la 3e brigade de spahis (3e
BS) qui comprend le 2e régiment de spahis algériens
(RSA) du colonel Emmanuel Burnol et le 2e régiment
de spahis marocains (RSM) du colonel Émile Geoffroy.
Le lieutenant Dugué Mac Carthy, commandant le 3e
escadron du 2e RSM, résume ainsi la mission de la 3e
BS : « Une brèche importante s’étant ouverte entre les 2 e
et 9 e armées françaises après la percée du corps blindé
de Guderian à Sedan, le 13 mai 1940, la brigade reçoit
l’ordre, dans la nuit du 14 au 15, de gagner le village
de La Horgne (14 kilomètres au sud de Charleville), de
s’y installer défensivement et de barrer la route aussi
longtemps que possible aux blindés allemands, qui,
venant de Sedan (20 kilomètres à l’est), ne manqueront
pas de se présenter. À 9 heures, tout est en place. Ordre
du colonel Marc : tenir sans esprit de recul ».
Illustration Thierry Moné.
4
Cas concret
Pour en savoir beaucoup plus, téléchargez gratuitement Visionnez le journal de guerre du 3 mars 1940 :
la thèse de doctorat sur La Horgne, soutenue en 2016
à la Sorbonne :
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Bataille
Lieutenant-colonel Vincent Arbarétier
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Bataille
Ils sont arrêtés par les éboulements provoqués par les Italiens qui ont miné le passage. Le commandant
Garbay réussit néanmoins à s’emparer du fortin de Kub-Kub qui barre au nord l’accès à Keren. Il y laisse 17 morts
et 39 blessés. Il s’agit, ce 22 février avant Koufra, dont la prise n’a lieu que le 2 mars, de la première victoire des
Forces françaises Libres.
Le capitaine Saint Hillier, rejoignant le 3e
BM à Kub-Kub 5 jours plus tard avec les éléments
précurseurs de la brigade d’Orient, prépare en
liaison avec le général Briggs commandant la 7e
brigade indienne, et lui-même très francophile,
la poursuite de l’action sur Keren. Grâce à la
récupération sur le terrain de renseignements
italiens (sous la forme de messages mal brûlés)
les Alliés comprennent qu’il faut poursuivre cette
action au plus vite étant donné les nombreuses
désertions indigènes du camp adverse. En outre
un renseignement important précise que la ville
de Keren n’est défendue que vers le nord et vers
l’ouest.
Carte de la région de Keren. Wikipédia.
Le 12 mars, une fois les compléments logistiques effectués, en particulier en eau et en carburant, la
brigade, et notamment le 14e bataillon de Légion étrangère, reprend sa progression de nuit à partir de 21h00 vers
le col situé à 3 kilomètres des monts d’Enghalat, jusqu’à un dépôt préalablement préparé, le dépôt B. Comme le
rapporte le compte-rendu de la brigade :
« Le 13 mars en début d’après-midi, des rafales de fusils mitrailleurs partent du grand Willy. Toute la
colonne est engagée dans cet oued aux parois abruptes ; la surprise est complète. Les unités prennent le dispositif
d’alerte ; des éléments du BM3 et de la Légion montent sur les pitons dominant l’oued. Quelques hommes agitent
leur coiffure, croyant avoir affaire à des Hindous de la colonne du 16 e Pundjab. Il n’en est rien ; ces rafales sont
bel et bien ennemies. Sur les crêtes avoisinantes
se détache la silhouette bien caractéristique des
ascaris, le fusil au travers du dos. À 18 heures la
Légion monte vers le col qu’elle atteint à minuit. Le
matériel est porté à dos, les chameaux ne pouvant
escalader les pentes… Les hommes peinent dans
la nuit, le brouillard et la brume les enveloppent ;
la température devient glaciale contrastant
brutalement avec la chaleur moite de l’oued. Vers
minuit, la Légion attaque le Grand Willy dont
la position domine dangereusement le col. Les
hommes sont éreintés ; les unités se perdent dans la
nuit. Finalement, après un combat assez confus, les
éléments de tête de la 1re compagnie du capitaine
de la Bollardière et une section de la 3 e compagnie
arrivent au col. Les Italiens décrochent ; les pertes
de notre côté ont été de 2 tués et de 3 blessés ». Source : BROCHE François, CAÏTUCOLI Georges, MURACCIOLE Jean-François (Dir.).
La France au combat, de l’Appel du 18 juin à la victoire, Perrin 2007.
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Bataille
« Keren fut une des batailles les plus dures, et il doit être dit que jamais les Allemands ne combattirent
avec la même détermination que les bataillons italiens de troupes alpines, bersagliers et grenadiers de Savoie
le firent à Keren. Durant les cinq [premiers] jours de combat, les Italiens
perdirent près de 5 000 hommes, dont 1 135 tués. Lorenzini, le courageux et
jeune général italien, eut la tête explosée par un fusil britannique. C'était un
grand chef des troupes érythréennes… La propagande de guerre britannique
dépeignait les Italiens comme des soldats ridicules ; mais,
à l'exception des divisions parachutistes allemandes
en Italie et des Japonais en Birmanie, aucun ennemi
qu'affrontèrent les troupes britanniques et indiennes
ne se battit avec autant de courage que les bataillons
italo-savoyards à Keren. De plus, les troupes
coloniales, avant qu'elles ne cèdent à la toute fin de
la bataille, se battirent avec valeur et détermination,
et leur loyauté fut un témoignage de l'excellence
de l'administration italienne et de l'entraînement
Raoul Monclar, colonel à l’époque de la bataille de
militaire en Érythrée. »
Insigne de la 13e DBLE.
Keren, commandait la brigade française d'Orient.
Collection particulière.
www.ordredelaliberation.fr.
9
Combat
Colonel Olivier Lion
L’emploi de l’arme chimique semble inéluctable en cas de guerre en Europe. La menace aérochimique
amène la création de mesures spécifiques de défense passive avec notamment la distribution de masques
pour la population civile à la fin des années 1930. La construction des ouvrages fortifiés de la Ligne
Maginot voit la mise en place de systèmes de protection collective hautement sophistiqués et d’une efficacité
remarquable. La coopération franco-britannique en matière de guerre chimique est relancée à partir de 1938.
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Combat
En décembre 1939, est créé à Bruyères, près de Laon, un groupe de fumigènes, rebaptisé 4e groupe
autonome d’artillerie (GAA) en mars 1940, afin de mettre en œuvre d’autres armes chimiques. De façon
inattendue, le 4e GAA est incorporé à la 4e division cuirassée (DCR) par le général de Gaulle lorsque celui-ci
arrive à Laon : « En fait de troupes françaises, il
n'y a dans la région, que quelques éléments épars
appartenant à la 3e division de cavalerie, une
poignée d'hommes qui tient la citadelle de Laon
et le 4e groupe autonome d'artillerie, chargé d'un
éventuel emploi d'engins chimiques, oublié là par
hasard. Je m'annexe ce groupe, formé de braves
gens qui n'ont d'armes que des mousquetons, et les
dispose, pour la sûreté, le long du canal de Sissonne.
Le soir même, les patrouilles ennemies prennent,
déjà, leur contact. » Le 4e GAA, combattant à pied,
est désengagé le 20 mai 1940 pour participer à
l’évacuation du stock d’ypérite de la batterie de
Carte des opérations au 12 juin 1940. Wikipédia, domaine public. Bruyères menacée par l’avancée allemande.
Le 3 juin 1940, le général Besson commandant
le groupe d’armées n° 3 demande au grand quartier
général d’étudier l’emploi de l’arme chimique, à titre de
riposte, pour tenter d’enrayer l’avance allemande. De leur
côté, les Allemands redoutent l’emploi des gaz par les
troupes françaises lors de l’assaut sur la ligne Weygand
début juin 1940. Redouté avant les hostilités, l’emploi de
l’arme chimique n’a finalement pas lieu mais la menace
chimique perdure tout au long du conflit et sur tous les
théâtres d’opérations.
L'ouvrage de La Ferté, ouvrage fortifié de la ligne Maginot.
Collection particulière.
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Equipements
Capitaine Jean-Baptiste Pétrequin
Quoi de plus représentatif que la coiffure pour afficher son état : il est décidé que les coiffures des
unités de l’armée d’Afrique, chéchia et képi blanc, resteraient en usage dans le cadre de la tenue de sortie. Mais
que faire pour les autres formations ? Par commodité de réalisation mais surtout par esprit d’affirmation,
le bonnet de police de tradition fait son apparition
au sein de la 1re division française libre (DFL), et
au 1er bataillon d’infanterie de marine durant sa
constitution en Égypte. Ce-dernier choisit un bonnet
de police modèle 1918 aux couleurs du képi afin
de se distinguer des marsouins demeurés fidèles à
Vichy. À la même période, les spahis du 1er régiment
de spahis marocains (RSM) portent un modèle
entièrement rouge, taillé dans de vieux burnous, et
le 22e bataillon de marche nord-africain, une version
bleu ciel. Le passage des spahis à la 2e division blindée
(DB) accélère le processus et une note du 20 janvier
du général Giraud précise que chaque troupe [devra
être]dotée d’un calot à la couleur de son arme. Entrainement d’évacuation de blessé pour des soldats français équipés
de tenues et d’équipements américains avec un casque Adrian. ECPAD.
La Marine, comme la majorité des marines du monde, porte un uniforme particulièrement sobre, et ce
depuis la fin du Second Empire. Ainsi la porosité entre production de pays différents est aisée. Dans ce cadre,
il se rencontre parfois des boutons à l’ancre, mais aussi de l’armée de l’Air, fabriqués en Angleterre, voire en
Égypte. Un insigne vient en revanche affirmer le statut particulier de son propriétaire : le perchoir ou insigne
des forces navales françaises libres (FNFL).
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Equipements
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Matériel
Lieutenant-colonel Pierre Garnier de Labareyre
Le Char B 1 bis
De tous les belligérants, le char B 1 bis est le char le plus lourd et le mieux armé de la campagne de France en 1940.
Sa genèse remonte au début des années 1920. Plusieurs études auprès de cinq constructeurs permettent
de définir le futur char B. Au début des années 1930, trois prototypes sont réalisés par différentes entreprises
industrielles dont Renault. Des expérimentations sont réalisées. Elles débouchent sur des aménagements
importants : nouveau canon de 75, une tourelle avec un canon de 47 et un moteur plus performant. La production,
lente, est confiée à plusieurs entreprises comme Renault, Schneider, Forges et Chantiers de la Méditerranée (FCM)
et les Ateliers de construction d'Issy-les-Moulineaux (AMX). En juin 1936, une trentaine de char B 1 est en service
dans les armées. À partir de 1937, le blindage est
renforcé, la tourelle est améliorée et dispose d’un
canon de 47 millimètres plus performant, la
capacité d’emport des munitions est augmentée.
Le poids de l’engin est alors de 31 tonnes. Cette
nouvelle version est dénommée B 1 bis. Il est équipé
d’un poste radio qui, suivant la version, transmet
les messages en morse ou en phonie. Jusqu’en
juin 1940, les industriels construisent environ
400 exemplaires de chars B 1 et B 1 bis. En effet,
malgré la mobilisation industrielle à partir de l’été
1939, la production de ce char est handicapée par sa
complexité de construction.
Poids : 31,5 tonne ; longueur : 6,37 mètre - Largeur : 2,46 mètre - Hauteur : 2,79 mètre ; Equipage : 4 hommes
(chef de char, pilote, tireur, radio) ;Armement : un canon de 75 millimètres modèle 1929, un canon de 47 millimètres
modèle 35, deux mitrailleuses MAC 31 de 7,5 millimètres. Collection du musée des blindés.
La première utilisation au combat
de ce char se déroule à Stonne où son
apparition sur le champ de bataille
crée une panique parmi les troupes
allemandes, appartenant pourtant à un
régiment d’élite de la Wehrmacht, le
régiment « Gross Deutchland ». Le B 1 bis
est quasi invulnérable face aux armes anti-
char classiques (canon de 37 millimètres)
et aux canons de panzers allemands. Seul
le canon de 88 millimètres anti-aérien,
utilisé comme arme anti-char, peut le
neutraliser efficacement.
Photo d’un char B1 bis des Forces françaises de l’Intérieur. Collection particulière.
Son principal handicap est sa faible autonomie. De plus, le dispositif hydrostatique Naëder, permettant
un pointage précis du canon de 75 millimètres en caisse, entraine une surconsommation. Aussi, ce char doit
souvent quitter la zone de combat pour aller se ravitailler et remplir son réservoir de 400 litres, laissant seul
l’infanterie sur le terrain ! De nombreux chars sont abandonnés à cause de pannes d’essence ! Enfin, utilisé
souvent dispersé, sans appui de l’infanterie, ce char de rupture ne peut donner sa pleine mesure dans une guerre
de mouvement pour lequel il n’est pas conçu.
Du fait de sa complexité
technique, le B 1 bis nécessite un
entretien régulier et un abondant
graissage. Dès l’été 1940, les Allemands
récupèrent un grand nombre de ces
chars qu’ils utilisent pendant tout le reste
de la guerre en les adaptant comme chars
lance-flammes ou en les transformant
en canons automoteurs. Plusieurs
sont récupérés lors de la libération en
1944 et, de nouveau, utilisés contre les
Allemands notamment lors des combats
de la poche de Royan. Ainsi, ce char,
d’une complexité technique importante,
ne joue pas le rôle que sa puissance lui
confère. Conçu pour une guerre d’usure,
il n’a pas sa place dans le nouveau type
de guerre imposé par les Allemands. Char B1 bis à la libération. Collection particulière.
15
Symbolique
Capitaine Jean-Baptiste Pétrequin
60 ans après la dernière description réglementaire, le bonnet de police, familièrement appelé calot, fait son
retour dans l’uniforme de l’armée de Terre. Remplacé par le béret au sortir des guerres coloniales, il demeure tapi
dans les traditions et la nostalgie de nos anciens. Avant toutes choses, redonnons au calot sa place sur le bonnet
de police :
Fond ou fesses :
Calot :
Bandeau :
Passepoil :
Ses origines sont à chercher dans la coiffure de repos ou de salle de
police (locaux d’arrêts) des soldats du XVIIIe siècle, taillée dans la jambe
d’un pantalon usagé et repliée sur la tête à la manière d’un bonnet de nuit.
Le règlement du 25 avril 1767 peut ainsi être considéré comme sa première
description réglementaire : il se porte la pointe soit pendante, soit repliée
dans les flancs. En 1791, le modèle dit à la dragonne des troupes à cheval est
généralisé au détriment du pokalem. Il demeure ainsi jusqu’à la révolution de
juillet 1830, où la pointe est coupée, le calot cousu en son sommet où y pend
une floche. Le képi de petite tenue l’évince en 1874. La décision du 22 juillet
1891 introduit une calotte de campagne et de corvée pour la cavalerie. Son
port est étendu à titre d’essai à tous les autres corps, le 31 décembre 1897. Ne
comportant aucun signe distinctif hormis le grade, il est courant d’y apposer
une patte de collet, une grenade ou un cor de chasse suivant son arme. Les
officiers et adjudants peuvent se faire confectionner cette coiffure, parfois
Calot modèle 1891 dans les années 1910. de forme Empire, en drap fin, agrémentée du passepoil et des galons à la
Collection particulière. Défense.gouv.fr.
couleur distinctive de la subdivision d’arme. Il est par la suite adopté par la
gendarmerie en 1895, puis l’infanterie de marine en 1899.
Au même moment, les tailleurs militaires arrondissent les pointes et le calot adopte un profil moins
proéminent. Au sein des corps, il se pare du numéro du régiment, d’une patte de col usagée, d’une ancre de
marine ou d’un nœud hongrois. Un modèle bleu foncé à passepoil jonquille, souvent porteur d’un cor, devient
réglementaire au sein des chasseurs à pied à partir de 1936. La généralisation de l’usage des galons de combat
incite certains soldats à les coudre sur le côté gauche de leur calot devançant les mesures réglementaires de l’après-
guerre.
En juin 1940, le bonnet de police est la coiffure généralement conservée
par les prisonniers. L’armée d’armistice développe son modèle en 1941, inspiré
du modèle 1918 mais aux bords croisés sur la droite devant et derrière. Le
calot connaît aussi la clandestinité au sein des divers maquis et bataillons des
Forces françaises de l'intérieur (FFI), avant d’incorporer la 1re armée française
lors de l’amalgame de 1944. Auparavant utilisé au sein des Forces françaises
libres (1er bataillon d’infanterie de marine et 1er spahis) pour se distinguer de
l’armée d’armistice, puis au sein du corps expéditionnaire en Italie, le bonnet
de police aux couleurs de traditions apparaît en réaction à l’uniformité des
tenues fournies par les alliés, reprenant la forme du modèle 1918 fantaisie
en drap de couleur avec un soufflet au sommet et un passepoil distinctif.
L’Ordonnance américaine prévoit, quant à elle, d’équiper les troupes françaises
de calots américains avec des cocardes bleu blanc rouge. Voulant affirmer son
Bonnet de police modèle 1918 porté durant la indépendance, l’intendance crée une nouvelle tenue de combat et de sortie en
drôle de guerre, collection particulière.
1944. Le calot y adopte une forme banane très américaine en drap kaki orné
d’un passepoil distinctif.
Dernièrement, le général chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) a décidé de réinstaurer le port
du bonnet de police dans le cadre du service intérieur pour les formations ne disposant pas de coiffure spécifique.
Une nouveauté majeure apparaît pour les généraux : un modèle noir et blanc en rupture avec le modèle kaki
d’autrefois. L’évolution de nos armées a conduit certains services ou corps à quitter la sphère d’influence de l’armée
de Terre et à adopter la tenue interarmées.
Pour approfondir ce sujet et découvrir le dossier complet
ainsi que la majorité des modèles décrits cliquez ici :
17
Unité
Unité
Colonel Thierry Noulens
Pour remplir ses missions, la cavalerie définit
alors trois types d’AM : les AM de combat (AMC), les
AM de reconnaissance (AMR) et les AM de découverte
(AMD). Entre 1923 et 1924, deux programmes sont
lancés pour équiper la cavalerie de nouveaux modèles
d’automitrailleuses. En attendant leur mise en service,
il est prévu d’équiper les GR d’AM « de circonstance »
réalisées avec des voitures Torpedo ou Rochet-Schneider
de réquisition équipées d’une mitrailleuse et de plaques de
blindage.
Trophée pris par le 18e GRDI dans un village allemand lors de l’offensive
de la Sarre. Photo personnelle de l’auteur.
En 1933, une nouvelle organisation est arrêtée pour les GRDI : ils sont composés d’un escadron à cheval,
d’un escadron de motocyclistes et d’un escadron de mitrailleuses et canons antichar (EMC). Seuls les 7 GRDI
entièrement motorisés, numérotés de 1 à 7, prévus alors pour les divisions d’infanterie motorisée doivent être
dotés d’AM. L’escadron à cheval y est remplacé par un escadron mixte de reconnaissance et de découverte à 4
pelotons : deux de 3 AMD et 2 de 5 AMR. Mais le manque d’AM disponibles lors de la mobilisation interdit que
tous les GRDI motorisés en soient équipés. Les 2e et 5e GRDI, formés en septembre 1939 sans AM, ne reçoivent
un escadron de Hotchkiss H 39 et un d’AMD Panhard 178 qu’en avril 1940. Ils sont les deux seuls GRDI équipés
de Hotchkiss H39.
La modernisation du parc d’AM est très lente après la fin de la guerre. En octobre 1918, la cavalerie se dote
de 230 AM White TBC, engins rapidement dépassés. Faute de crédits pour les remplacer, en 1932, une centaine de
ces AM sont remontées sur des châssis Laffly et prennent
l’appellation d’AMD White-Laffly AM50. À partir de
1935, elles sont remplacées progressivement par des
AMD 35 Panhard 178. Ce changement n’est totalement
accompli qu’en avril 1940. En 1930 l’automitrailleuse
semi-chenillée Schneider P16 commence à entrer en
service. Elle est d’abord classée comme AMC puis, en
1937, avec l’entrée en service de nouveaux types d’AMC,
devient une AMR destinée aux GRDI motorisés. Il est
prévu de la remplacer par des Hotchkiss H39 dans le
courant du mois de mai 1940. L’attaque allemande ne
permet pas de le faire et il faut rappeler en catastrophe
les équipages des P16 alors en stage de reconversion à
Embarquement du 1 escadron du 18 GRDI le 7 septembre 1939.
Fontevrault lorsque celle-ci est déclenchée le 10 mai.
er e
Les régiments de cavalerie non endivisionnés doivent fournir le noyau actif des GRDI des DI de série A.
Une loi de 1928 en conserve 5 dont chaque escadron est déjà doté d’un groupement de mitrailleuses. Leur nombre
augmente progressivement. La transformation de deux divisions de cavalerie en division légère mécanique
libère en effet 4 autres régiments. Aux côtés des trois divisions de cavalerie restantes, les 9 régiments sont alors
partiellement motorisés : ils sont composés d’un GE à deux escadrons à cheval, d’un GE à deux escadrons mixtes
motorisés sur motos side-cars et d’un escadron de mitrailleuses et d’engins. Les escadrons d’automitrailleuses des
GRDI motorisés doivent être formés à partir des unités des 6e et 7e d’automitrailleuses.
19
Unité
Mais cette longue attente dans des conditions météorologiques parfois très dures use le matériel et les
chevaux dont il faut improviser le remplacement. En outre, si, en avril 1940, huit escadrons sont équipés d’AMD
35 Panhard 178 neuves, les Hotchkiss H39 ne sont pas mis en service suffisamment tôt comme nous l’avons vu
précédemment. Le 10 mai 1940, sont présents en France : 3 GRCA motorisés, 20 GRCA de type normal, 7 GRDI
motorisés avec AM et 70 GRDI de type normal.
Le général Weygand résume l’action des GR au cours de la campagne de France de la façon suivante : « Isolés
des grandes formations de leur arme, répartis en enfants perdus, pour elle, de la mer du Nord à la Méditerranée, les
groupes de reconnaissance renseignaient et couvraient les divisions et les corps d’armée auxquels ils étaient attachés,
combattant avec eux et pour eux. En pointe d’avant-garde comme en extrême arrière-garde, ils furent toujours, les
premiers comme les derniers, au contact d’un adversaire plus puissamment armé. » Souvent, les GRDI ont à mener
des combats de front pour lesquels ils ne sont pas prévus. Ainsi, le 6e GRDI (motorisé) est envoyé à Stonne avec
la 3e division d'infanterie motorisée (DIM) où une contre-attaque contre Sedan doit être lancée avec la 3e DCR.
Elle ne l’est pas mais le 6e GRDI doit lutter de front contre les unités de Guderian avec notamment son escadron
équipé de vieilles Schneider P16.
21
Unité
Les GR doivent par la suite couvrir la retraite des
unités d’infanterie, non sans une certaine confusion tant
les moyens de transmission sont faibles. Ils s’installent en
défense de points de passage à un autre comme le 18e GRDI
à Ham. Pressés par les Allemands, toujours en arrière-
garde, certains escadrons à cheval tentent de se dégager
à cheval avec le sabre à la main, comme les cavaliers du
lieutenant Alain de Boissieu qui sont finalement fait
prisonniers.
Le 18e GRDI (23e DI) entre dans le village de Peppenkum en Allemagne lors de
l’offensive de la Sarre. Photo personnelle de l’auteur.
Qu’elle soit à cheval ou blindée « la cavalerie est une arme qui ne s’improvise pas » et qui doit être employée
judicieusement pour donner le meilleur d’elle-même. Les GR de 1940, bien que mal outillés pour le combat
moderne, n’ont que plus de mérite à se battre aussi vaillamment. Les GRCA et les GRDI totalisent 39 citations
collectives dont 32 à l’ordre de l’armée, 6 à l’ordre du corps
d’armée et une à l’ordre de la division. Actuellement, au sein
de l’armée de Terre, trois régiments sont héritiers de leurs
traditions, mais seul le 1er régiment étranger de cavalerie
(REC) porte sur son étendard la décoration acquise par
le 97e GRDI qu’il met sur pied. L’étendard du 2e régiment
de hussards (RH), en revanche, ne porte pas la Croix de
guerre avec palme acquise par le 23e GRDI, alors que
son 7e escadron, créé en 2010, en relève les traditions.
L’étendard du 3e RH ne porte pas non plus les trois palmes
auxquelles il devrait avoir droit : celles acquises par le 15e
Les officiers du 18 GRDI à Châlus peu de jours avant la dissolution du
e
groupe le 21 juin 1940. Photo personnelle de l’auteur. GRCA, et les 16e et 32e GRDI.
22
Tradition
Commandant Julien Monange et Émile Pierres
Henri IV entreprend, après la paix de Vervins en 1598, de réarticuler en profondeur son armée. En
particulier, tous les régiments d’infanterie sont dissous et réduits à leur compagnie Colonelle et leur compagnie
Mestre de camp en vue de leur transformation. Les seuls régiments maintenus sur l’ordre de bataille sont alors les
« Quatre Vieux » existant sous une forme régimentaire depuis 1558 et issus eux-mêmes des anciennes bandes de
Louis XI et des régiments d’Henri II, puis de François Ier : le régiment de Picardie, le régiment de Champagne,
le régiment de Navarre et le régiment de Piémont. Cependant, Henri IV rétablit et crée par la suite de nombreux
régiments jusqu’à son assassinat en 1610.
Louis XIII, qui lui succède, réforme lui aussi l’armée française en créant de
nouveaux régiments dont deux sont assimilés aux Grands Vieux : le régiment
de Normandie et le régiment de la Marine. Étape importante, le Roi érige une
hiérarchie interne qui fixe les rangs de ses régiments : les « Grands Vieux »,
comme à l’accoutumée, sont conservés en tête de l’ordre de bataille, tandis
que viennent ensuite d’autres régiments anciens eux-aussi, et réputés pour
leur valeur, à qui est donné le nom de « Petits Vieux ». Ces derniers sont au
nombre de cinq : le régiment de Béarn, le régiment de Bourbonnais, le régiment
d’Auvergne, le régiment de Flandre, le régiment de Guyenne, et prennent rang
avant les autres régiments d’infanterie, à la suite des Vieux corps. Ils disposent,
ainsi que le régiment du Roi qui leur est assimilé, d’autres privilèges : ils sont
les premiers à recevoir le drapeau blanc, emblème standardisé de la royauté ; ils
ne sont pas dissous après les campagnes, mais simplement réformés ; enfin, à
l’instar des Vieux corps, ils possèdent leur propre prévôt de justice.
Henri d'Harcourt, duc d’Harcourt, marquis de
Beuvron 1654-1718, colonel du régiment de
Picardie, Grand Vieux de l’armée du Roi. Huile sur
toile, 1697.
Sous le règne de Louis XIV, les Grands et Petits Vieux sont maintenus dans leurs privilèges et préséances.
Ces prébendes se font alors aussi connaître pour avoir provoqué, selon le général Louis Suzanne, des contestations
fréquentes entre Grands et Petits Vieux.
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Chronique BD
Capitaine Éva Renucci
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Chronique BD
Du fait de la richesse des détails, le lecteur ne se trouve pas en terrain inconnu s’il poursuit son exploration
en lisant la biographie de Jean-Christophe Notin ou s’il se rend au Musée-Mémorial du XVe arrondissement de
Paris. Dans ce dernier cas, les cartes proposées dans l’espace d’exposition permanente permettent de mesurer
les distances réelles d’un périple que le récit dynamique proposé par la BD tend à effacer.
P. 36 © Éditions du Triomphe.
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Portrait
Lieutenant-colonel Olivier Lahaie
Charles Antoine naît à Nancy en 1893. Incorporé au 160e régiment d’infanterie (RI), il entre en campagne
en août 1914. En 1915, Antoine se bat en Picardie, puis en Champagne.
Collection particulière.
de l’hiver, il reçoit l’ordre de s’enterrer. Collection particulière.
En avril 1917, le 29e s’installe sur le mont Cornillet. L’armée traverse une crise morale ; la discipline se
resserre. Antoine demande une mutation dans les corps-francs. Suite à un coup de main, il fait un prisonnier et
ramène son fusil ; le tout est expédié à l’état-major pour en tirer des renseignements. Malheureusement, certaines
sorties occasionnent de lourdes pertes. En novembre, Antoine est blessé au visage et subit une opération sans
anesthésie. Après sa convalescence, il réintègre son régiment.
Début 1918, Antoine est nommé sergent « faisant fonction de chef de section ». En mars, le 29e rejoint la
Somme ; il s’agit d’assurer la jonction avec les Britanniques. Quelques jours plus tard, Antoine reçoit la Médaille
militaire ; il a aussi le privilège d’être décoré par le roi de Serbie qui visite le front. Passés les honneurs, la guerre
reprend ses droits... Au cours d’une attaque, Antoine parvient jusqu’à la troisième ligne de tranchées allemandes,
fait 15 prisonniers et ramène aussi un fusil « antitank ». En septembre, le 29e monte en ligne près de Montdidier en
vue de l’attaque de la ligne Hindenburg. Le 25, Antoine manque d’être tué par un obus qui, par chance, n’éclate
pas ; il fait encore 20 prisonniers. Blessé à la face par un shrapnell et contraint de redescendre vers l’arrière,
il s’arrête soigner un blessé isolé. Au nombre de
cadavres étendus, il constate amèrement que son
régiment a chèrement payé son avance. Antoine
est évacué sur l’hôpital américain de Neuilly.
Début octobre, il bénéficie d’une permission
à Nancy. En novembre, Antoine retrouve son
unité près de Laon. Les Allemands se rendent
en masse. L’armistice survient brusquement... Le
sergent Charles Antoine - qui estime n’avoir fait
que son devoir depuis 1914 et refuse donc qu’on le
qualifie de « héros » - est fait chevalier de la Légion
d’honneur. Il est démobilisé en septembre 1919,
Obus à Schrapnell. Photo collection particulière, libre de droit. après 72 mois de service actif, dont 52 de guerre.
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Littérature
Capitaine Jean-Baptiste Pétrequin
La parution chez Perrin du Journal du général Edmond Buat apporte un témoignage quotidien essentiel
des différents affectations ou postes qu’il occupe entre 1914 et 1923. Il se présente sous la forme de 12 cahiers,
débutant le 6 août 1914 pour se terminer le 23 décembre 1923, une semaine avant sa mort. Tous les soirs ou presque,
il s’astreint à consigner scrupuleusement ses journées, ses faits, mais aussi ses pensées et ses impressions. Le présent
ouvrage retranscrit fidèlement ses douze cahiers jusque-là détenus par sa famille.
Nous sommes en présence d’un document d’archive remarquable permettant
d’appréhender l’histoire de la Première Guerre mondiale et du début des années 20
au prisme d’un chef militaire de haut niveau. La préface de Georges-Henri Soutou
apporte un éclairage global permettant une immersion immédiate efficacement
appuyée par la présentation et les annotations du colonel Frédéric Guelton.
Fils d’officier du génie, le général Édmond Alphonse Léon Buat choisit
l’artillerie à sa sortie de Polytechnique en 1889. En avril 1895, il se classe major du
concours de l’École supérieure de guerre (ESG), dont il sort second, deux ans plus
tard. Après un court passage dans l’artillerie, il sert comme officier d’ordonnance du
général Bonnal (1900), du gouverneur militaire de Lyon (1904), du général Lacroix
(1906), puis sous-chef du cabinet du ministre en 1911. Avant la Première Guerre
mondiale, il occupe les fonctions de professeur adjoint au cours d’histoire militaire,
de stratégie et de tactique à l’ESG. Durant le conflit, il prend la tête de la 245e brigade
d’infanterie (BI), puis de la 7 e et de la 121e division d’infanterie (DI), des 2e et 7e
corps d’armée (CA) pour terminer par la 5e armée. Il accède au poste de chef d’état-
major de l’armée en janvier 1920 et ce, jusqu’à sa mort, le 30 décembre 1923. Au cours de ses affectations, il a côtoyé
de grands noms de l’histoire militaire de cette époque : Foch, Pétain, Churchill, Pershing, Millerand, Pilsudski... La
richesse de son parcours souffre de se voir réduite à de tels raccourcis.
Chaque carnet traite d’une affectation ou d’un poste qu’il tient alors. Après
un premier cahier réservé au mois d’août 1914, le deuxième parle de son passage au
cabinet du ministre de la guerre jusqu’à fin 1915. Les deux suivants sont ceux d’une
première phase de commandement opérationnel avec la 245e BI et la 121e DI. Puis
le cinquième le trouve à la réserve générale de l’artillerie où s’évertue à développer
une artillerie interalliée. Sa seconde période de commandement opérationnel à la
tête d’un corps d’armée puis de la 5e armée l’emmène en juin 1918 où il rejoint le
grand quartier général pour y finir la guerre dans un septième cahier. Le huitième
reste celui de l’incertitude de l’immédiat après-guerre et d’une certaine forme
de disgrâce. Les quatre derniers cahiers le suivent alors qu’il est à la tête de l’état-
major général de l’armée, auprès du ministre de la guerre, dont il voit la valse des
prétendants. De janvier 1920 à décembre 1923, il est partie prenante de toutes les Le général Buat. Wikipédia.
grandes décisions affectant les armées. Sa relation particulière avec Millerand lui Domaine public.
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