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PLATEFORMES, COORDINATION ET INCITATIONS

Elena De Vogeleer, Denis Lescop

Management Prospective Ed. | « Management & Avenir »

2011/6 n° 46 | pages 200 à 218


ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.046.0200
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-6-page-200.htm
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Plateformes, coordination et incitations

par Elena De Vogeleer67 et Denis Lescop68

Résumé

Les entreprises peuvent créer leurs écosystèmes d’affaires au travers de


stratégies de plateforme. Cet article s’intéresse aux conditions d’émergence
de ce phénomène dans des situations d’échecs de marché. Il étudie comment
les plateformes se substituent au marché pour jouer un rôle de coordination
et de gouvernance des acteurs économiques. L’analyse permet de faire un
lien entre les plateformes et le concept d’écosystèmes d’affaire.

Abstract

Companies create their business ecosystems through platform strategies.


This article explores the conditions for the emergence of this phenomenon
in situations of market failures. It studies how platforms substitute market to
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play a coordinating role and governance of economic actors. The analysis
allows to link the platforms and the concept of business ecosystems.

Certaines firmes, à l’instar d’Apple, de Google, de Procter and Gamble, ou


encore d’IBM ont compris qu’il leur fallait non pas être des acteurs du marché
mais plutôt des supports, pouvant en un sens se substituer au marché dans
son acception traditionnelle. De nombreuses structures collaboratives portent ce
phénomène : crowdsourcing, connect and develop, innovation ouverte, clusters.
Les modèles d’affaires sous-tendent cette logique en incorporant explicitement
les réseaux de partenaires comme élément structurant (Osterwalder et Pigneur,
2009). Les modes de concurrence changent probablement aussi vite que les
technologies. De nouvelles pressions s’installent. L’heure est à une nouvelle
forme d’innovation : la création et le modelage des marchés.

Au cœur de ce phénomène, on perçoit à première vue une redéfinition ou plutôt


un brouillage des rôles de chacun. Le client est devenu un partenaire à qui l’on
offre produits et services, et qui en échange offre disponibilité, idée ou attention.
L’entreprise se perçoit comme le nœud central d’un réseau relationnel pour
lequel elle pilote et contrôle les flux de matières, de produits, de services, de
compétences ou de ressources. Elle est donc bien plus qu’un simple nexus de
contrats, une firme-réseau ou un simple facilitateur de transactions. Elle fonde,
modèle, transforme, alimente, régule ses espaces économiques. Le marché lui-

67. Elena de Vogeleer, Doctorante, Institut TELECOM, TELECOM Ecole de Management, elena.de_vogeleer@it-sudparis.eu
68. Denis Lescop, Maître de conférence, Institut TELECOM, TELECOM Ecole de Management, denis.lescop@telecom-em.eu

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même en est affecté : ce n’est pas une institution qui émerge spontanément. Les
marchés naissent, convergent ou disparaissent au gré du processus d’exploration
et surtout au gré de l’intention stratégique de certaines entreprises. En ce sens, le
marché n’apparaît plus comme le lieu de rencontre d’une offre ou d’une demande
mais comme un outil au service de la stratégie d’entreprise : le comportement
de certaines entreprises va ainsi influencer, structurer l’environnement dans
lequel elles évoluent. Les règles du jeu concurrentiel changent. Avoir une forte
position concurrentielle ne signifie pas nécessairement être doté d’une puissance
économique remarquable sur un marché. C’est avant tout être au-delà du marché.
Pour prendre une image, le pouvoir dans une vente aux enchères n’est pas dans
les mains de celui qui gagne mais dans celles de celui qui pilote : le commissaire-
priseur.

De l’observation de ces évolutions, a émergé la notion d’écosystèmes d’affaires


introduite par Moore (1993, 1996, 1998). Dans l’esprit des travaux de Moore,
Torrès et Blay (2000) définissent l’écosystème d’affaires comme “ une coalition
hétérogène d’entreprises relevant de secteurs différents et formant une
communauté stratégique d’intérêts ou de valeurs structurée en réseau autour
d’un leader qui arrive à imposer ou à faire partager sa conception commerciale
ou son standard technologique ”. Nous ne discuterons pas dans ce papier les
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nombreuses définitions des écosystèmes d’affaires. Nous retiendrons cependant
l’existence de deux éléments caractéristiques : une firme leader entourée d’une
communauté d’acteurs économiques (entreprises, laboratoires de R&D, etc.).
Iansiti et Levien (2004a, 2004b) ont abordé l’émergence et le développement
des écosystèmes d’affaires à travers la problématique de la firme leader. Celle-
ci agit à deux niveaux dans son écosystème d’affaires : comme membre mais
aussi comme biotope intelligent fournissant aux autres membres des matières
premières/briques de base nécessaires à leurs activités (connaissances explicites,
ressources financières, bases de clientèles, renommée, etc.). Le pouvoir
régulateur de l’entreprise pivot repose sur ce second rôle d’intermédiaire fondé
sur une stratégie de plateforme. De ce point de vue, la plateforme et l’écosystème
d’affaire ne font qu’un. En ce sens, Evans et al. (2006, p364) précisent : “At a
business level, these software platforms permit the formation of ecosystems that
create value through the symbiotic relationships between diverse communities”.
De nombreux écosystèmes d’affaires (notamment dans les industries de haute
technologie) utilisent les plateformes comme support à leur émergence et à leur
développement. Les détenteurs de ces plateformes vont jouer un rôle fondamental
de coordination des différents acteurs et de stimulation de la création de valeur.
Elles vont notamment mettre à la disposition de leurs partenaires un ensemble
de ressources permettant l’élaboration de nouveaux produits et services sur la
plateforme (Iyer et Davenport, 2008). En retour, la création de ces nouveaux
produits et services renforce la plateforme en augmentant son attractivité et sa
valeur.

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Les nombreux travaux sur les écosystèmes d’affaires et les stratégies de


plateformes se sont essentiellement focalisés sur le développement et la
description du fonctionnement de ces systèmes particuliers. Quelques auteurs
ont abordé la problématique de l’émergence (Evans et al. 2006 ; Hagiu, 2009).
Le papier propose de poursuivre ce travail en mettant en perspective les
conditions d’émergence des écosystèmes d’affaires dans le cadre de stratégies
de plateforme (Cusumano, 2010  ; Gawer, 2009  ; Gawer et Cusumano, 2002  ;
Evans et al. 2006). Notre démarche se veut théorique. Dans la première section,
nous aborderons les conditions de marchés susceptibles de donner lieu à des
stratégies de plateformes. Nous verrons que certains marchés peuvent sous
certaines conditions ne pas remplir leur rôle de régulateur des flux d’échanges. Ils
présentent des dysfonctionnements (échecs de marché). Ces dysfonctionnements
rendent les marchés inefficaces et empêchent notamment la réalisation de
certains échanges ou transactions. Dit autrement, ces dysfonctionnements
créent des gisements inexploités de valeur. Ces dysfonctionnements peuvent être
structurels ou résulter de l’inadéquation des modèles d’affaires des entreprises
avec leur environnement. Dans le premier cas, la structure même du marché crée
les dysfonctionnements. Par exemple, lorsque le marché n’assure pas une bonne
circulation de l’information, les acteurs économiques ne peuvent plus interagir
efficacement et sont conduits à abandonner certaines opportunités d’affaires
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mutuellement profitables. Dans le second cas, les stratégies des entreprises
n’assurent pas une exploitation complète des gisements de valeurs présents
sur le marché. La section 2 fera le lien entre ces opportunités et les stratégies
de plateformes. Pour répondre aux échecs des marchés, les entreprises vont
jouer le rôle de centre informationnel pour d’autres entités et coordonner les
actions des agents économiques présents sur leurs plateformes. En ce sens, les
entreprises vont se substituer au marché. En section 3, nous verrons comment
les plateformes incitent différents types d’agents économiques à s’affilier. Nous
conclurons le papier en mettant en lumière les liens entre écosystèmes d’affaires
et plateformes et en suggérant quelques pistes de recherche.

1. Echecs de marché et gisements inexploités de valeur

Dans le monde idéal de la théorie économique néoclassique, la main invisible


d’Adam Smith (1976) guide les acteurs du marché vers un fonctionnement
efficace, c’est-à-dire, un système dans lequel les ressources disponibles sont
utilisées de la meilleure manière qui soit. En corollaire, dans ce monde sans
coût de transaction, ni institution de coordination des acteurs économiques,
un tel marché assure l’épuisement de toutes les possibilités de transactions
possibles. Déjà en 1958, Bator indiquait cependant : “  Many things in the real
world violate such correspondence : imperfect information, inertia and resistance
to change, the infeasibility of costless lump-sum taxes, businessmen’s desire for
a ‘quiet life’, uncertainty and inconsistent expectations, the vagaries of aggregate

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demand, etc. ”. Pour lui, les échecs de marchés renvoient à l’idée que certaines
institutions de marchés sont incapables de soutenir les activités économiques
désirables ou d’arrêter celles qui sont devenues obsolètes. Plus tard, Williamson
(1975) reprend cet argument et conçoit trois conditions qui, seules ou combinées,
entraînent l’existence d’échecs de marché :
1. La rationalité limitée des acteurs économiques (condition 1)  : dans des
environnements incertains ou complexes, les acteurs économiques prennent
de mauvaises décisions en raison de leur incompréhension de la situation ou
de leur aversion vis-à-vis du risque. Par exemple, un manager va adopter une
posture conservatrice face à l’incertitude alors qu’un comportement agressif
aurait permis d’améliorer la situation de l’entreprise. La rationalité limitée du
consommateur s’exprime par son inaptitude à appréhender dans leur totalité
des environnements comportant un grand nombre d’acteurs économiques et
donc un grand nombre de transactions possibles. Cette inaptitude conduit le
consommateur à commettre des erreurs lors de ses choix, voire à ne pas choisir,
ce qui entraîne des inefficacités des marchés.

2. Les comportements opportunistes (condition 2) : ceux-ci émergent notamment


en présence d’un faible nombre d’acheteurs ou de vendeurs sur un marché donné.
L’entente est un exemple d’échec de marché lié à l’opportunisme des acteurs.
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Ce type de comportement peut par exemple bloquer ou retarder l’avènement
de nouvelles technologies plus efficaces sur les marchés ou plus simplement
bloquer l’entrée de concurrents plus efficaces.

3. Les asymétries d’information (condition 3) : l’information disponible ne permet


pas au marché d’atteindre son niveau optimal d’efficacité. Les entreprises et
les consommateurs ne disposent pas de l’information nécessaire à une prise
de décision optimale. Ceci peut entraîner de mauvais choix stratégiques. Par
exemple, la dispersion géographique et temporelle des acheteurs et des vendeurs
induit que vendeurs et acheteurs n’ont pas conscience de leur existence ce qui
en retour diminue leurs possibilités d’interactions et d’échanges. Ces asymétries
d’information enchérissent les coûts de transactions des acteurs économiques :
nécessité d’une recherche coûteuse d’information pour identifier les possibilités
d’échanges, coûts de négociation des termes de l’échange.

Les inefficacités liées à la présence d’échec de marché s’expriment donc


par la présence sur le marché de gisements d’opportunités d’échanges mais
aussi d’innovations mutuellement profitables non exploitées par les acteurs
économiques. Ces échecs de marché ne sont pas simplement causés par
l’inaptitude du consommateur à saisir des opportunités d’échanges profitables ou
à manifester ses besoins. Ils peuvent provenir de l’incapacité des entreprises ou
du système productif dans son ensemble. Ils soulèvent dans ce cas le problème
de l’inadaptation des modèles d’affaires existants : les entreprises apparaissent
ainsi incapables d’exploiter toutes les opportunités d’affaires profitables.

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La myopie des agents économiques (condition 1) et leur attitude vis-à-vis du


risque sont les raisons principales de cette situation. La myopie et en corollaire la
difficulté à appréhender des situations de moyen/long terme conduisent souvent
à ne pas sortir des sentiers battus et à adopter des comportements ou des
stratégies génériques, stéréotypés (condition 2). En ce sens, beaucoup d’acteurs
sont des suiveurs et très peu sont visionnaires. Par ailleurs, même si certaines
opportunités apparaissent, l’aversion au risque et l’incertitude entourant ses
champs inexploités de valeurs amènent des prises de décisions lentes, voire des
abandons ou des reports de projets.

Dans ce cas, des groupes d’agents économiques (par exemple des acheteurs
ou des vendeurs) ne parviennent pas à interagir en raison d’une organisation
inopérante du marché alors que leur interaction serait fructueuse. Ce phénomène
peut traverser les marchés et les industries. Le manque d’information ou l’incapacité
des agents économiques à appréhender correctement leur environnement global
conduisent également à des échecs de plus haut niveau du système économique.
Les agents économiques n’ont alors pas conscience de l’existence d’opportunités
en dehors de leur marché de prédilection. Ce second type d’échecs a conduit à
l’émergence de la notion de marchés dits multi-faces (Armstrong, 2006 ; Rochet
et Tirole, 2003, 2006). On parle ainsi indifféremment de faces de marchés, de
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groupes d’agents économiques, ou de segments. Cependant cette terminologie
peut prêter à confusion. En effet, on admettra aisément que tout marché est
multi-faces : d’un côté des vendeurs, de l’autre des acheteurs. Aussi, Rysman
(2009) précise que c’est l’intentionalité stratégique de l’entreprise qui forge cette
particularité sur le marché et non pas la structure intrinsèque du marché : “ As
this distinction often depends on the decisions of the intermediary rather than on
purely technological features of the market, it may be better to use the term ‘two-
sided’ strategy rather than ‘two-sided market’ ”. Les exemples les plus topiques
sont la presse quotidienne gratuite (Métro, 20 minutes), les chaînes TV privées
gratuites ou encore le moteur de recherche de Google. L’entreprise choisit de faire
financer un bien produit sur un marché par un intervenant d’un autre marché : la
publicité à la recherche d’une audience finance la presse quotidienne gratuite. La
prise de conscience de l’existence de ces marchés multi-faces amène l’entreprise
à de nouvelles manières d’appréhender et de capter des opportunités d’affaires
et d’innovation.

Certaines entreprises, ou plutôt certains managers, ont conscience de ce


phénomène et l’exploitent. Dundas et Richardson (1980) estimaient ainsi  :
“  Entrepreneurs exploit market failures, although how entrepreneurs identify
these remains unstudied […]. The small single product firm typically comes into
existence to exploit a particular class of market failure. The entrepreneur has
special skills (finance, technical or market-related) which enable him to do what
markets have thus far failed to do, or to out-perform competitors if they exist ”.
Mais souvent, avoir conscience du phénomène ne suffit pas pour évangéliser son

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intention stratégique auprès des différentes parties prenantes : les actionnaires,


les financeurs (banques notamment), les salariés, voire même le management
sont souvent peu enclins à des changements radicaux de modèles économiques
(conditions 1 et 3) et préfèrent créer des rigidités stratégiques en optant pour un
quasi statu quo du positionnement de l’entreprise (condition 2). Sous l’impulsion
des nouvelles technologies de l’information et de la communication et de
l’Internet, certains se sont néanmoins adaptés en adoptant un modèle particulier :
la plateforme.

2. Intermédiation : la plateforme comme coordinateur

Selon Kim et Mauborgne (2005), certaines entreprises annihilent la pression


concurrentielle non pas par l’affrontement direct avec leurs concurrents mais
par leur évitement  : elles partent à la recherche des fameux océans bleus
en créant des marchés, terrains de jeux vides de concurrence. Pourquoi  ? Il
existe de nombreuses raisons : la globalisation des échanges, l’émergence de
nouveaux acteurs plus performants, l’accélération des avancées technologiques,
l’amélioration, la productivité des entreprises grâce aux nouvelles technologies,
Internet, etc. Ces éléments ont eu deux principaux effets. D’un côté certaines
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industries connaissent des excès d’offre (ordinateur personnel, software,
agro-alimentaire, habillement) se traduisant automatiquement par des guerres
économiques, des baisses de prix et donc inexorablement par une déliquescence
de la profitabilité. Ce phénomène est connu sous le nom de “ commoditization ”
des produits et des services, et renvoie à l’idée que sur un marché, la seule
différenciation devient difficile à mettre en œuvre, même pour des entreprises
bien installées.

Par ailleurs, l’avènement des nouvelles technologies renforcent d’anciennes


formes de pressions concurrentielles entre industries. Traditionnellement, un
consommateur arbitre entre des produits et services lui permettant de répondre
à certains de ses besoins  : on parle alors de substituts. Cette substituabilité
crée une pression concurrentielle entre les entreprises vendant les produits et
services. Aujourd’hui plus qu’hier, de nombreux produits sont complémentaires
(ordinateur, imprimante, connexion Internet, logiciels, etc.). Cette complémentarité
entraîne une diffusion des pressions concurrentielles vers les marchés connexes,
créant ainsi de nouvelles rivalités entre produits ou services. Le consommateur
n’apprécie l’usage et l’utilité d’un produit ou d’un service non plus en fonction de
sa valeur intrinsèque mais plutôt en fonction des possibilités de combinaisons
possibles avec d’autres produits ou services.

Les marchés évoluent. Les entreprises les plus dynamiques du début du siècle
dernier ne sont pas celles d’aujourd’hui. L’histoire économique nous montre que
les marchés se créent, évoluent, se transforment entraînant des mouvements de

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ressources, de connaissances et d’innovations. L’une des fonctions primordiales


des entreprises réside dans leur capacité à créer des marchés : cette fonction
assure l’adaptabilité du système et sa survie, ainsi qu’une utilisation optimale
des ressources les plus rares. Cette fonction permet également l’émergence
d’innovations, de ruptures technologiques et de nouvelles formes de
développement et d’évolution de nos sociétés (avènement du chemin de fer,
moteur à explosion, Ford T, Télévision, Internet, etc.).

Reste à savoir comment créer un marché. Pour se faire, il nous faut revenir à la
source : Qu’est-ce qu’un marché ? De nombreuses définitions existent. Un marché
s’entend toujours comme un lieu (physique ou virtuel) où des offreurs proposent
des produits ou services à des demandeurs, c’est-à-dire des agents économiques
intéressés. Dans son étude thématique de 2001, le Conseil de la concurrence,
chargé de veiller au bon fonctionnement des marchés en France, propose une
définition plus pratique du concept de marché : “ Le marché, au sens où l’entend le
droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et
la demande pour un produit ou un service spécifique. En théorie, sur un marché,
les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui
peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu’il y en a plusieurs, ce qui implique
que chaque offreur est soumis à la concurrence par les prix des autres. À l’inverse,
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un offreur sur un marché n’est pas directement contraint par les stratégies de prix
des offreurs sur des marchés différents, parce que ces derniers commercialisent
des produits ou des services qui ne répondent pas à la même demande et qui ne
constituent donc pas, pour les consommateurs, des produits substituables. Une
substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil
regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les
produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs
les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer
pour satisfaire une même demande ”.

L’existence d’un marché est caractérisée par trois conditions. Premièrement,


il faut des agents économiques (offreurs et demandeurs). Deuxièmement, ces
agents économiques doivent avoir l’envie d’interagir. Troisièmement, l’interaction
doit être profitable à l’ensemble des participants. Cette troisième condition est
souvent la plus difficile  à qualifier : néanmoins, s’il existe déjà des contrats
ou d’autres formes de relations, alors on peut présumer l’existence d’un profit
commun, relativement bien partagé entre offreurs et demandeurs. Le marché
répond également à un besoin de partage et de diffusion de l’innovation, de
la connaissance et des compétences, afin d’améliorer les performances des
industries et des firmes.

Dans son rôle de coordonateur, un marché remplit également des fonctions


d’information et de facilitation des échanges/transactions. La fonction d’information
est primordiale  : un besoin ne suffit pas à créer un marché, demandeurs et

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offreurs doivent avoir conscience de leur existence respective. La deuxième


fonction suggère la création d’intermédiaire (par exemple une foire) facilitant les
interactions. Un marché émerge au travers de ce type d’initiatives. Cependant,
cette fonction de facilitation des termes de l’échange suppose la mise en place
de règles susceptibles de “ guider ” les acteurs du marché. Un marché n’émerge
pas spontanément du néant mais s’apparente à une institution construite
intentionnellement et organisée. Il a besoin de règles de fonctionnement des
échanges : instauration d’un mécanisme d’attribution des produits et services
(éventuellement un système de négociation), garantie des termes de l’échange,
établissement d’un système de comparaison des transactions et de valorisation
des produits et services (par exemple un prix).

Il en va ainsi des enchères qui suppléent l’absence de marchés dans certaines


circonstances ou en présence d’échecs de marché (petit nombre d’offreurs ou de
demandeurs, faible pression concurrentielle, demande ou offre trop spécifique,
etc.). Elles jouent un rôle essentiel dans l’attribution de certains biens, services ou
ressources (œuvres d’art, antiquités, adjudications, appels d’offres, concessions
d’exploitations de ressources naturelles, spectre hertzien, etc.) et permettent
aussi bien de mettre en concurrence des offreurs (appels d’offres, marché
publique) que des demandeurs (enchères classiques). L’ouvrage de Cassady
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(1967) décrit de multiples formes d’enchères utilisées à travers l’histoire et le
monde. Il relate notamment les écrits d’Hérodote (1964), quatre siècles avant
Jésus-Christ, concernant un système d’enchères très complexe pour le mariage
des jeunes femmes : “ Voici les lois en usage chez eux. La plus sage à mes yeux
est la suivante, en vigueur également, me dit-on, chez les Énètes d’Illyrie : dans
chaque bourgade, une fois par an, on procédait à la cérémonie que voici : toutes
les filles arrivées à l’âge du mariage étaient réunies et conduites ensemble en
un même lieu, et les hommes s’assemblaient autour d’elles. Un crieur public les
faisait lever l’une après l’autre et les mettait en vente, en commençant par la plus
belle ; celle-ci vendue pour une forte somme, il mettait aux enchères la seconde
en beauté. Toutes étaient venues pour être épousées. Les Babyloniens d’âge à
se marier qui étaient riches se disputaient aux enchères les plus belles ; les gens
du peuple en âge de se marier qui, eux, ne tenaient pas à la beauté, recevaient
au contraire une somme d’argent en prenant les filles les plus laides. En effet,
la vente des plus jolies terminée, le crieur faisait lever la plus laide et l’offrait
à qui voulait l’épouser au prix le plus bas, pour l’adjuger enfin à l’acquéreur le
moins exigeant. L’argent venait de la vente des jolies filles, qui mariaient ainsi
les laides et les infirmes. Personne n’avait le droit de marier sa fille à son gré, ni
d’emmener chez soi la fille achetée sans fournir de répondant [. . .] Si les mariés
ne s’entendaient pas, la loi portait qu’on rendait l’argent ”.

Le système décrit est antique (probablement l’ancêtre de Meetic) mais surtout


très sophistiqué. Nous retrouvons toute la richesse de différents concepts très
contemporains  : résolution d’échecs de marché (rencontre des hommes et

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des femmes en âge de se marier à une époque lointaine), lieu de rencontre de


l’offre et de la demande, financements croisés, externalités de réseau, service
après-vente. Les enchères sont avec les foires les formes les plus anciennes de
plateformes.

Les plateformes apparaissent comme des formes institutionnelles singulières.


Une plateforme doit avant tout se comprendre comme un support (locus) qui
facilite les interactions (ou les transactions) entre plusieurs groupes d’agents
économiques servis par elle. Ce support peut être de tout type  : physique
(salle de concert, centre commercial, foire), virtuel (Ebay, Amazon), permanent
(places boursières) ou non (appels d’offres). Cela suppose qu’il existe un besoin
de coordination des actions des agents économiques  et donc qu’il existe des
échecs de marché. Ce besoin d’intermédiation via une plateforme ne saurait
émerger sans cela. En ce sens, les plateformes créent des liens entre différents
groupes d’agents économiques. Ces liens sont de tout type : économique, social,
commercial. Le modèle économique d’une plateforme et sa rentabilité reposent
sur l’exploitation intelligente de ces liens.

Coordonner les actions de différents agents économiques assure aux


plateformes une surveillance et une connaissance étroite de leur système. La
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plateforme peut être vue en quelque sorte comme un outil d’automatisation des
stratégies relationnelles. Ce faisant, les entreprises propriétaires de plateformes
peuvent utiliser ce réseau de partenaires pour aller découvrir les gisements de
valeurs disponibles : la plateforme va servir d’outils d’exploration et de force de
projection vers d’autres marchés. Il en va ainsi des systèmes d’innovation fondés
sur des stratégies de plateformes. Le modèle économique de tels systèmes
est fondé sur une logique de partenariat ouvert et surtout non discriminatoire
(le détenteur de plateforme ne choisit pas ses partenaires mais laisse entrer
tous les acteurs intéressés) dans lequel la plateforme fait office de dépôt de
connaissances explicites (kit de développement par exemple) et de laboratoire
de test. La plateforme devient donc une ressource commune non rivale (mais
avec possibilité d’exclusion par le détenteur) dans laquelle des acteurs satellites
viennent puiser des ressources pour alimenter leur système productif. L’inter-
opérabilité est un facteur-clé du succès car elle assure une diffusion large des
idées, des connaissances, des nouveaux produits et services au sein du réseau
de partenaires présents sur la plateforme.

3. Plateforme et incitations

Les sources du gain à l’intermédiation (valeur pour le créateur de la plateforme)


trouvent leur origine dans l’exploitation des échecs du marché. La plateforme
va tenter de corriger les asymétries d’information et d’agir comme un véritable
infomédiaire. En fournissant l’information et la connaissance manquante aux
agents économiques, la plateforme va faire naître des transactions et des

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Plateformes, coordination et incitations

échanges. Elle ne valorise et ne monétise pas les opportunités perdues en tant


que telles, mais tout simplement leur réalisation par un système particulier de
facturation (prendre un pourcentage sur chaque transaction, facturer l’usage de
la plateforme, facturer l’appartenance à la plateforme). Les agents économiques
ne viennent pas spontanément s’inscrire ou s’affilier à une plateforme. Il
apparaît donc fondamental que cette dernière soit attractive et incite les agents
économiques à interagir sur son “ marché ”.

Les plateformes vont exécuter deux fonctions de base pour se rendre attractives
(Boudreau et Hagiu, 2009 ; Hagiu, 2009) :
-- la diminution des asymétries d’information pré-transactionnelles  :
coûts de recherches de l’information pertinente pour interagir, recherche
de l’agent économique avec qui interagir, négociation, etc.
-- la diminution des coûts joints de la transaction  : coûts post-
transactionnels, garanties des termes de l’échange, sécurisation des
paiements, logistique de distribution, etc.

Ces deux fonctions garantissent aux agents économiques une diminution des
coûts liés à l’interaction, ce qui constitue bien un premier élément d’attractivité.
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L’attractivité d’une plateforme est aussi liée à l’identité de son détenteur. En
1996, la poste canadienne crée le service Postel/E-Post (Poste électronique).
Face à l’avènement de l’Internet, les dirigeants de la poste canadienne
prévoit une diminution de leurs revenus et une déstructuration de leur modèle
économique. Il décide alors de créer une plateforme (Figure 1) permettant aux
utilisateurs de consulter, payer, gérer et stocker leurs factures (200 types de
factures accessibles aujourd’hui, téléphone, électricité, câble, etc.). La Poste
canadienne se positionne alors comme un agrégateur de factures. Le système
embarque sur sa plateforme plusieurs groupes d’agents économiques distincts :
les consommateurs, les grands facturiers, les banques. Chaque intervenant
apparaît gagnant : le consommateur obtient une visualisation plus claire et un
mode de paiement automatisé des factures, les grands facturiers diminuent leurs
coûts de production des factures et le nombre d’impayés, les banques diminuent
également les coûts liés aux paiements. Le système fonctionne grâce à la bonne
réputation de la poste Canadienne qui fait office de tiers de confiance.

209
46

E-POST:

-Visualisation
Banques
Clients -Stockage
-Paiements sécurisés Grands Facturiers (Eau,
Gaz, Electricité, Impôts,
-Consultation de etc.)
comptes

-Services de rappels…

Figure 1 : Le service de présentation de factures électronique E-Post au Canada

L’exemple de la poste canadienne, tout comme celui d’Amazon et de ses


marchands affiliés (Isckia et Lescop, 2009), montrent l’importance de l’identité
du porteur de la plateforme et de son attractivité en terme de confiance, succès,
pouvoir de marché et surtout du contrôle d’une base stable de clientèle sur au
moins une des faces du marché. D’un point de vue stratégique, la proposition de
valeur demeure essentielle : le service E-Post est innovant et propose un réel
bénéfice à l’ensemble des intervenants. La Poste Canadienne a utilisé son image
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de marque auprès des consommateurs canadiens comme un effet de levier pour
sa stratégie de plateformes.

La littérature (Evans et al, 2006) propose deux contextes d’émergence  de


plateforme. Dans le premier, les différents groupes d’agents économiques font
face à des problèmes de coordination pour réaliser des échanges mutuellement
profitables  : ils se cherchent mutuellement. Cette situation est connue sous la
dénomination “  match making context  ”. Dans le second, un groupe d’agents
économiques recherchent l’audience des autres groupes (Tableau 1).

210
Plateformes, coordination et incitations

Types de plateformes “ Match making ” Audience Groupes d’agents économiques

Consommateurs
Amazon Oui Non
Marchands affiliés
Oui Consommateurs
App Stores (Apple) Oui (application Grandes marques
publicitaires) Développeurs
Consommateurs
Centre commercial Oui Oui Grandes marques
Magasins
Acheteurs
EBay Oui Non
Vendeurs
Google Internautes
Non Oui
(moteur de recherche) Publicitaires
Internautes
Pages Jaunes Non Oui
Entreprises
Acheteurs
Vendeurs
pap.fr (Site d’annonces
Oui Non Locataires
immobilières)
Propriétaires
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Tableau 1 : Quelques exemples de plateformes

3.1. Le contexte de “ match making ”


Le contexte de “  match making  ” consiste en des situations particulières où
des groupes d’agents économiques ne parviennent pas à interagir. Il s’agit par
exemple des acheteurs et des vendeurs de produits d’occasion (Ebay), des
hommes et des femmes cherchant à se rencontrer ou à se marier (Meetic), ou
encore des acheteurs et des vendeurs de maisons et d’appartements (agence
immobilière). En prenant en charge la coordination des différents groupes
d’agents économiques, la plateforme favorise l’apparition d’externalités indirectes
et positives de réseau : la valeur d’un service pour un type de consommateurs
augmente quand le nombre d’utilisateurs d’un autre type augmente. Par exemple,
dans le cas de l’agence immobilière, l’augmentation du nombre de vendeurs
potentiels (en exclusivité) assure une forte attractivité pour les acheteurs
potentiels  : l’effet de l’augmentation du nombre de vendeurs va positivement
influencer l’arrivée de nouveaux acheteurs potentiels, et vice-versa. Dans un
contexte de “ match making ”, les externalités indirectes de réseau sont mutuelles
et circulent positivement dans les deux sens. On l’aura compris, ces externalités
participent à l’attractivité générale de la plateforme. Elles demeurent néanmoins
dangereuses  : l’effet positif décrit précédemment peut s’inverser et entraîner
une spirale de mécontentement pouvant déstabiliser voir faire disparaître la
plateforme.

211
46

Le prix d’usage ou d’accès participe aussi à l’attractivité de la plateforme. Le point


essentiel réside dans le fait que le choix tarifaire va induire une fréquentation
différente de la plateforme et donc des interactions (et des revenus) différentes.
Sur un site de rencontre comme Meetic, facturer les femmes plus que les hommes
conduirait à des résultats catastrophiques et à une fuite des femmes vers
d’autres sites. On observe deux pratiques tarifaires : à l’inscription ou à l’usage.
La première assure un revenu régulier au détenteur mais peut être préjudiciable
dans le cadre d’un lancement ou de présence de gros utilisateurs. La seconde
peut permettre une meilleure fréquentation et assure une connaissance fine
du nombre d’interactions lorsque celles-ci sont mesurables. La littérature sur
la tarification des plateformes (Weyl, 2010), si elle ne donne pas de recettes
miracles, propose néanmoins quelques pistes : tarifer plus fortement le côté le
moins élastique (c’est-à-dire le moins réactif au prix), le côté comprenant la plus
grande base installée doit supporter une plus grande part des frais de plateforme
(une base installée large implique une clientèle stable, un verrouillage plus fort et
donc une demande moins élastique), le côté qui génère le plus d’externalités doit
supporter des frais plus faibles.

Par delà l’attractivité, la plateforme doit également assurer les termes de


l’échange, c’est-à-dire garantir le bon fonctionnement de l’interaction entre
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agents économiques. Il s’agit notamment de garantir l’effectivité des transactions
(paiements, envois des marchandises, logistique) et la qualité des interactions.
Pour ce faire, certaines plateformes développent des stratégies de certification
de qualité centralisée ou décentralisée.

Dans le premier cas, la plateforme élabore une charte de qualité et de bon usage
des outils mis à disposition, ou établit un mécanisme de certification. Le 14 février
1999, NTT Docomo lance sous le nom i-mode un ensemble de services Internet
sur téléphone mobile. I-mode permet notamment la consultation de sites web et
l’accès à une messagerie via un téléphone mobile. Très tôt, NTT Docomo se rend
compte que sa plateforme d’Internet Mobile ne peut fonctionner que si les sites
web consultés par ses clients sont adaptés à la taille de l’écran et aux capacités
techniques de son réseau et de ses terminaux mobiles. Un mauvais calibrage des
sites web pourrait décevoir les clients et les dissuader d’utiliser l’Internet Mobile
(qui à l’époque présentait des sources de revenus considérables). NTT Docomo
va donc développer un système de certification assurant au consommateur que
les sites web certifiés pourront être utilisés sans désagréments sur l’ensemble de
ses terminaux mobiles. NTT Docomo prend en charge le processus de certification
mais n’intervient pas en tant que fournisseur de services sur sa propre plateforme.
Une fois certifié, les sites ont accès au portail de l’i-mode. Le système demeure
ouvert puisque les clients de NTT Docomo accèdent également au site non
certifié. Cette stratégie de certification a permis à NTT Docomo de lancer avec
succès l’Internet Mobile au Japon : en août 1999 (6 mois après son lancement)
l’i-mode compte 1 millions d’abonnés ; en août 2000, 10 millions ; fin 2009, 48

212
Plateformes, coordination et incitations

millions pour 95000 sites certifiés. L’i-mode a été plus qu’une nouvelle source
de profit dans l’industrie mature du mobile au Japon. Il a redéfini les contours
et la structure du marché en rendant possible l’avènement de l’Internet Mobile.
China Mobile a suivi une stratégie identique lors du déploiement de sa plateforme
mobile Monternet en Chine en novembre 2000 (Jing et Xiong-Jian, 2011).

Dans le second cas, la certification peut être décentralisée. La plateforme utilise


alors l’intelligence des foules pour mettre en place un système de notation et de
satisfaction entre agents économiques. Il s’agit par exemple des systèmes de
notations d’Amazon, de YouTube ou encore d’E-bay permettant aux clients de se
faire une idée de la qualité d’un agent économique inconnu. Ainsi sur E-bay, un
vendeur mal noté (note inférieure à 90% de satisfaction) aura beaucoup de mal
à vendre ses produits d’occasion.

Dans certaines circonstances, l’absence de certification de qualité peut conduire


à des effets désastreux. Akerlof (1970) décrit dans son célèbre article un
dysfonctionnement du marché d’occasion des automobiles. Ce dernier présente
une particularité  : il existe une asymétrie d’information telle que l’acheteur
potentiel d’un véhicule est incapable d’en évaluer la qualité avant de l’avoir
acheté. Le vendeur ne dévoile, par ailleurs, jamais aux acheteurs les éventuels
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défauts de son véhicule. Un acheteur peut donc prendre un tacot pour une bonne
voiture  ! Dans cette situation, Akerlof démontre que l’incertitude sur la qualité
des voitures d’occasion peut conduire à la réduction du nombre de transactions,
à la disparition des voitures de bonne qualité, voire à la disparition du marché
lui-même en raison du phénomène de mauvaise réputation des vendeurs. Le
marché des voitures d’occasion pouvant être juteux, certains constructeurs ont
créé leur propre système de certification de qualité (les “ occasions du Lion ” de
Peugeot, la “ garantie Or ” de Renault). Le phénomène décrit par Akerlof est à
la base du crash du secteur des jeux vidéo aux Etats-Unis et de la banqueroute
d’Atari dans le milieu des années 1980. Lors du lancement de sa console VSC
2600, Atari avait mis au point un système ouvert pour inciter les développeurs de
jeux à créer des jeux pour sa console. Le système a attiré de bons développeurs
mais aussi de très mauvais qui ont inondé le marché avec des jeux de très
mauvaise qualité au même prix que les autres. Les consommateurs ne pouvant
observer la qualité des jeux lors de l’achat ont peu à peu quitté le marché : leur
mécontentement s’est traduit par l’effondrement du marché des jeux vidéos. Atari
n’ayant pas prévu de mécanismes d’exclusion des mauvais partenaires.

3.2. Le contexte d’audience


Le contexte d’audience est à l’heure actuelle extrêmement répandu. Il répond en
large partie à l’impératif de gratuité de certains services (Baumsel, 2007) : moteurs
de recherche, presse gratuite, chaînes de télévision gratuites, contenus gratuits
sur Internet. Leur modèle économique se fonde sur les revenus publicitaires.

213
46

Les plateformes développées dans ce contexte sont très particulières. Elles


suscitent des interactions qu’elles monétisent auprès d’une seule face du
marché. L’audience ne paie en général rien. En échange de son attention et
d’information sur son profil de consommation (souvent indirectement récolté),
elle obtient un accès gratuit à un produit ou un service qui ensuite sera utilisé
comme un vecteur pour drainer et qualifier l’audience auprès des publicitaires
(qui supporteront la charge du service fourni gratuitement). La plateforme réduit
alors les coûts de recherche et d’information uniquement pour certains groupes
d’agents économiques. L’externalité indirecte positive de réseau ne va que dans
un seul sens : de l’audience vers les publicitaires. Ces derniers ont d’autant plus
d’appétence pour une plateforme que son audience est élevée et de haute qualité.
Dans l’autre sens (publicitaire vers audience), il existe le phénomène inverse :
l’audience vit la présence de publicitaire dans un contenu ou un site web comme
une intrusion, c’est-à-dire une externalité indirecte négative de réseau. Plus le
nombre de publicités augmente et plus l’audience aura tendance à diminuer.
La plateforme doit gérer au mieux cette tension pour éviter l’effondrement du
système et trouver le juste équilibre entre maintien d’une audience et intrusion
des publicitaires. Pour contourner ce problème, certaines plateformes ont
développé des modèles hybrides gratuit-payant, aussi dénommés freemium.
L’accès au service de base demeure gratuit et financé par la publicité tandis
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que les services de qualité supérieure sont payants mais exempts (au moins
partiellement) de publicité. Le secteur des chaînes de télévision donne un large
aperçu des différents modèles possibles de tarification  : de la plateforme pure
(chaîne gratuite) à l’absence de plateforme (chaîne premium sans publicité) en
passant par tous les hybrides possibles.

3.3. Les relations avec les acteurs : un problème d’agence


Le détenteur d’une plateforme se doit d’assurer la gouvernance du tout sans
être trop interventionniste. Le danger vient du comportement opportuniste de
certains agents économiques qui pourraient nuire à la stabilité de l’ensemble. La
plateforme se retrouve alors dans une situation classique de principal-agents.
Les agents (personnes qui agissent) sont les partenaires qui viennent s’affilier
à la plateforme. Le principal, partie affectée par les actions des agents, est le
détenteur de la plateforme : il utilise les agents économiques pour améliorer la
performance de son système et augmenter sa profitabilité (mais aussi assurer
sa survie). La logique du détenteur de plateforme est une logique de long terme
(notamment la survie et le bon fonctionnement de l’ensemble) tandis que certains
agents (PME, petits développeurs) peuvent adopter des stratégies de court
terme.
L’usage mal intentionné des éléments mis à disposition par le détenteur de
plateforme par un acteur particulier dans son propre intérêt (aléa moral) peut
perturber le fonctionnement de la plateforme. L’agent peut prendre des actions
visant à poursuivre son seul intérêt personnel :

214
Plateformes, coordination et incitations

-- développer une hiérarchie parallèle dans le système en déployant son


propre réseau de partenaires et son propre système en concurrence
avec celui du principal (action cachée).
-- garder pour lui les fruits de sa R&D pour bloquer le développement
d’autres acteurs dans le système afin d’assurer son positionnement
stratégique (information cachée).
-- utiliser les développements réalisés dans le cadre d’une plateforme et
les porter vers une autre plateforme.

Le détenteur de la plateforme ne peut ignorer ces phénomènes sous peine de


voir son système s’écrouler. De nombreuses plateformes ont ainsi disparu ou
ont été déstabilisées durablement. L’histoire d’IBM et de Microsoft offre une
illustration parfaite de création de hiérarchie parallèle. En 1981, Microsoft devient
le nouveau partenaire d’IBM pour la mise en place d’un système d’exploitation
(à l’époque DDOS puis MSDOS). La collaboration va durer 10 ans. Mais dès
le début, Microsoft s’était ménagé une porte de sortie en se réservant le droit
de vendre des licences à d’autres constructeurs sous le nom de MSDOS. De
1981 à 1991, Microsoft va petit à petit développer son réseau de partenaires
en travaillant avec d’autres géants de l’industrie informatique (Texas Instrument,
Compaq, Thomson, Amstrad, etc.) et en s’appuyant sur la compatibilité PC. Sa
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plateforme MSDOS mais surtout Windows va lui permettre de se placer au cœur
d’un vaste réseau de partenaires. En 1991, Microsoft et IBM rompent leur accord
initial et décident de développer chacun leur système : OS/2 pour IBM, Windows
pour Microsoft. On connaît le succès de Microsoft aujourd’hui qui a réussi à
imposer son système d’exploitation comme une plateforme incontournable. Ce
divorce a affaibli le système et la plateforme d’IBM qui a eu beaucoup de mal à
s’en remettre.

La clé de résolution des problèmes d’agence requiert une action sur différents
leviers. Tout d’abord, le détenteur de plateforme doit rendre son système
transparent de façon à pouvoir détecter rapidement les actions nuisibles de
certains agents. Meetic a par exemple mis en œuvre une politique acharnée
d’éradication des réseaux de prostitutions sur son site web. L’interopérabilité des
systèmes de développement et la mise en place de droit de propriété par le
détenteur de plateforme peuvent s’avérer utiles. En effet, l’interopérabilité assure
une diffusion rapide et efficace des nouveautés dans le système. Par ailleurs,
la gestion des droits de propriété (ouverture ou gestion stricte) permet d’éviter
des fuites trop faciles hors du système. De grands acteurs comme Google
emploient des stratégies plus radicales de rachats ou de partenariats serrés
avec des éléments potentiellement dangereux (PME, start ups). Le détenteur de
plateforme peut aussi s’arranger pour maintenir ses partenaires dans un état de
non maturité : empêcher ses partenaires de grossir garantit une protection forte
contre les problèmes d’agence. Au surplus, le maintien des partenaires dans un
état juvénile renforce la diversité du système et donc sa productivité.

215
46

Conclusion

En 2007, de nombreux analystes pensaient que l’iPhone d’Apple réécrirait les


règles du jeu dans le secteur du mobile. On l’avait d’ailleurs surnommé “  the
game changing device  ”. L’iPhone a introduit de façon violente et disruptive
l’Internet dans le secteur du mobile en fournissant à ses clients un accès direct
à ses plateformes (iTunes et App Stores). Ce mouvement stratégique a créé
une brèche dans l’écosystème centré initialement sur les opérateurs mobiles.
Apple a contourné les plateformes de ces opérateurs pour imposer la sienne et a
réussi à facturer directement les clients. Ce faisant, Apple a bouleversé l’équilibre
de l’écosystème mobile en faveur des équipementiers. Apple a donc réussi à
restructurer le secteur des mobiles en à peine 3 ans. 

Les stratégies de déploiement et d’expansion des plateformes conduisent ainsi


à des changements radicaux de la structure du marché et au rapprochement
de pans entiers de certaines industries (convergence). La notion d’écosystème
d’affaires traduit précisément ce phénomène (Moore, 1993, 1996, 1998).
De ce point de vue, il est donc possible de considérer que le développement
des stratégies de plateforme préside au développement ou à l’émergence de
certains écosystèmes d’affaires notamment dans le domaine des technologies
de l’information.
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Cependant, les liens créés par les plateformes ne sont pas toujours liés à
l’existence d’échecs de marché. En effet, la “ plateformatization ” d’un marché peut
provenir d’un acteur dominant désirant sécuriser son emprise auprès d’acteurs
plus petits. Dans ce cas, la stratégie repose souvent sur des systèmes moins
ouverts et fondés sur des exclusivités entre partenaires (secteur des consoles
de jeu). La pérennité des systèmes fermés ne semble pas plus mauvaise que
celle des systèmes plus ouverts. Elle soulève cependant l’efficacité sociale d’un
tel système et surtout sa capacité à orienter les marchés vers un usage optimal
des ressources rares.

Les structures de plateformes et les écosystèmes d’affaires inquiètent. Même si


construire une plateforme est à la portée de n’importe quel acteur, on observe
que la mise en place de ce type de stratégies par de gros acteurs renforce leur
position sur leur marché de prédilection mais aussi leur permet de se projeter
avec violence sur des marchés connexes. Les pouvoirs publics semblent parfois
déroutés face à la puissance apparente de ces entreprises. Pour eux, une question
reste en suspens : qui va pouvoir détrôner les géants (Microsoft, Google, Apple,
Ebay, Cisco, Procter & Gamble, etc.) et leur plateforme ?

Les structures de marché impliquant des plateformes et des écosystèmes d’affaires


restent encore très peu étudiées. De nombreuses pistes de recherche restent à
explorer notamment sur l’émergence des plateformes, sur leur dynamique et sur
l’impact des phénomènes de convergence sur les stratégies d’acteurs.

216
Plateformes, coordination et incitations

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