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LE MANAGEMENT DE LA COOPÉTITION

Le cas du secteur des ERP

Estelle Pellegrin-Boucher, Hervé Fenneteau

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2007/7 n° 176 | pages 111 à 133


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746219670
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-7-page-111.htm
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DOSSIER DOI:10.3166/RFG.176.111-133 © 2007 Lavoisier, Paris.

PAR ESTELLE PELLEGRIN-BOUCHER,


HERVÉ FENNETEAU

Le management
de la coopétition
Le cas du secteur des ERP

C
La littérature récente en « oopération, concurrence, rivalité, partenariats,
sciences de gestion a
agressions… », le monde des entreprises est fait
montré que les firmes
mènent des stratégies à la
de contradictions et de paradoxes qui contri-
fois concurrentielles et buent à créer une complexité croissante caractérisée par
des situations de plus en plus courantes de coopétition.
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coopératives et qu’elles
doivent ainsi affronter des Ce comportement à la fois coopératif et concurrentiel
situations paradoxales de signale une réalité paradoxale du fonctionnement des
« coopétition ». Pour
organisations dont la maîtrise est devenue un enjeu
autant, peu nombreux sont
les travaux de recherche
considérable. Ces dernières années, de plus en plus de
qui s’attachent à cas de relations combinant coopération et concurrence
comprendre comment, ont en effet remis en question le clivage existant entre
d’un point de vue ces deux dimensions. De nouvelles recherches ont ainsi
organisationnel, les
été développées pour analyser les nombreuses dimen-
entreprises et les managers
peuvent combiner ces deux
sions de ces relations (Nalebuff et Brandenburger, 1995 ;
dimensions antagonistes. Lado et al., 1997 ; Bengtsson et Kock, 1999, 2000).
À partir de l’étude du Néanmoins, bien que les cas d’interactions, à la fois
fonctionnement d’alliances coopératives et concurrentielles, soient de plus en plus
entre concurrents et de fréquents dans le monde des entreprises et que de nom-
l’analyse des
breux travaux étudient les alliances stratégiques
représentations des
responsables des
(Dussauge et Garrette, 1991 ; Hamel et al., 1989), la
partenariats (alliance question du paradoxe de la coexistence de la coopération
manager) dans le secteur et de la concurrence est loin d’être résolue (Clarke-Hill
des ERP, le projet de et al., 2003). Celle-ci pose en effet des questionnements
recherche est ici de
d’ordre à la fois pratique : comment les managers
comprendre les modalités
organisationnelles de ce
peuvent-ils conjuguer coopération et concurrence ?,
type de stratégie. psychologique : comment faire confiance à un concur-
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rent ? et épistémologique : comment être combinaison des mots compétition et


une chose et son contraire ? coopération (Nalebuff et Brandenburger,
Aussi, nous a-t-il semblé pertinent de 1996). Les firmes sont en effet contraintes
mener une recherche qui permette de de conduire des stratégies antagonistes, car
mieux appréhender du point de vue de la elles doivent s’adapter à un univers hyper-
gestion les modalités de ce comportement compétitif en adoptant des postures concur-
stratégique paradoxal. Pour cela, nous rentielles, mais elles doivent aussi mener
avons confronté la théorie avec la pratique des stratégies collectives, soit pour contrer
afin de comprendre quelles sont les moda- d’autres concurrents, soit pour mutualiser
lités des relations de coopétition et com- leurs ressources et échanger du savoir
ment les individus parviennent à maîtriser (Lado et al., 1997). Les dysfonctionne-
le paradoxe inhérent à ces pratiques. Plus ments des stratégies de coopération et de
précisément, nous avons essayé de concurrence ont également conduit les
répondre aux questions suivantes : com- firmes à adopter des stratégies mixtes car la
ment les firmes gèrent-elles ces coopération permet de mettre en commun
relations pour éviter les dysfonctionne- des ressources difficiles à acquérir tandis
ments liés au paradoxe ? Sur quels disposi- que le maintien de la concurrence permet de
tifs organisationnels repose la maîtrise de stimuler l’innovation et de se protéger de
ce paradoxe ? Quel est le rôle des différents l’opportunisme du partenaire.
acteurs ? Nous mettons ainsi en évidence La coopétition s’est ainsi fortement intensi-
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dans une première partie un cadre concep- fiée ces dernières années, en particulier
tuel intégrateur des différents apports de la dans l’industrie des TIC, industrie caracté-
littérature concernant ces questionnements risée par une nécessaire interopérabilité des
et dans une seconde partie nous explicitons systèmes concurrents, et une pression
les résultats de notre recherche en insistant accrue de la part du marché pour davantage
sur la résolution du paradoxe de la coopéti- d’intégration et de convergence des techno-
tion d’un point de vue du management logies (voir encadré ci-après).
organisationnel. Face à la croissance de ces comportements
stratégiques, de plus en plus de chercheurs
I. – LA GESTION DU PARADOXE ont développé ces dernières années des tra-
DE LA COOPÉTITION : UN POINT vaux autour du thème de la coopétition,
DE VUE THÉORIQUE pour autant, rares sont les recherches qui
s’intéressent à comprendre comment,
1. Le paradoxe de la coopétition concrètement, les firmes parviennent à
Les organisations évoluant aujourd’hui combiner au sein de la même relation
dans un environnement réticulaire et com- coopération et concurrence. Or, ce ques-
plexe, sont amenées à la fois à se concur- tionnement est d’autant plus crucial que la
rencer sur certains points et à coopérer sur coopétition soulève un problème inédit :
d’autres (Levinson et Asahi, 1995). Ce phé- comment combiner des stratégies antago-
nomène est désormais connu sous le nom nistes ? comment être à la fois partenaire et
de « coopétition », néologisme né de la concurrent ?
Le management de la coopétition 113

UN EXEMPLE DE COOPÉTITION DANS LE SECTEUR DES TIC


LES RELATIONS COMPLEXES ENTRE IBM ET SAP
Depuis la création de SAP au début des années 1970, les relations entre IBM et l’éditeur
allemand sont complexes et mouvementées. On peut notamment évoquer le fait qu’IBM,
partenaire privilégié depuis plus de trente ans du leader des ERP, s’est allié en décembre
2005 avec Oracle, le challenger et principal ennemi de SAP dans le domaine des ERP,
pour intégrer les nouveaux produits d’Oracle, concurrents de ceux de SAP alors
qu’Oracle est lui-même un concurrent d’IBM pour les bases de données et le premier
fournisseur de bases de données de SAP. En parallèle, tandis que IBM s’était désengagé,
à la fin des années 1990, du secteur des applications business, marché principal de l’édi-
teur allemand SAP, ce dernier s’est développé dès le début des années 2000 sur le mar-
ché des portails et des serveurs internet, axe prioritaire de croissance de IBM… Peu de
temps après, IBM lança à son tour comme nouvel axe stratégique de développement les
architectures orientées services (SOA), et les web services. Or, en lançant ces nouveaux
standards, IBM remettait en question le modèle concurrentiel du logiciel propriétaire et,
de fait, le modèle de développement traditionnel de SAP… Aussi, en 2001, le co-CEO
de SAP déclarait lors d’une revue de presse à Paris que les deux concurrents qu’il crai-
gnait le plus étaient IBM et Microsoft, deux de ses plus importants partenaires !
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Malgré une prise de conscience croissante travaux. La première correspond aux
de ce phénomène, les questionnements rela- apports de Bengtsson et Kock (1999, 2000)
tifs aux modalités et aux implications de la et représente selon nous la réflexion la plus
coopétition restent en effet peu explorés, ou avancée en termes de gestion du paradoxe
présentent des points de vue insuffisam- de la coopétition ; les auteurs suggèrent
ment unifiés (Bengtsson et Powell, 2004). notamment la notion de séparation des ten-
Les cas observés dans la pratique posent sions antagonistes. La seconde série de tra-
pourtant la question de la gestion para- vaux permet d’enrichir la réflexion en inté-
doxale de ces relations antagonistes (Ibert, grant non seulement des auteurs qui se
2004) et renvoient à la problématique plus situent dans une perspective dialectique de
générale de la gestion du paradoxe en la stratégie et des alliances, mais aussi des
management stratégique (Josserand et auteurs qui traitent la question du paradoxe
Perret, 2003), problématique qui comporte de manière plus large.
de nombreux enjeux. En effet, l’environne-
ment des affaires étant caractérisé par une 2. Séparation et coexistence des pôles
complexité et une turbulence croissante, le opposés
succès des firmes est de plus en plus fonc- Les chercheurs qui se sont intéressés à la
tion de leur capacité à gérer les paradoxes compréhension du paradoxe de la coopéti-
(Lado et al., 2006). tion ont développé l’idée qu’il existait des
Pour répondre à cette question, nous avons modalités d’alternance des stratégies de
choisi de nous appuyer sur deux séries de coopération et de concurrence. Ainsi, pour
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Bresser et Harl (1986), la dialectique entre exemple, les firmes concurrentes étudiées
affrontement et coopération se fait par la par les chercheurs se concurrencent sur des
solution de transition. En s’appuyant sur activités telles que la distribution des pro-
ces résultats, Ibert (2004) montre également duits, et coopèrent sur des activités éloi-
que les firmes alternent des stratégies de gnées des consommateurs telles que le
coopération et de concurrence et que le transport, ou encore, le développement de
passage des unes aux autres n’est pas nouveaux matériaux. Deuxièmement, cette
symétrique ; les transitions entre l’affronte- séparation se matérialise au niveau des
ment et l’entente seraient en effet struc- individus en interne car ces derniers ne
turées dans l’espace et dans le temps. gèrent pas simultanément des actions
L’auteur propose également la notion coopératives et concurrentielles. Cette divi-
d’« équivocité » (Weick, 1979) pour expli- sion des tâches correspond, soit à des unités
quer comment les firmes parviennent à fonctionnelles différentes, soit à des pro-
mettre en place successivement, ou simulta- duits ou des unités de marchés distincts.
nément à des niveaux différents, des straté- Toutefois, les auteurs précisent que dans
gies d’entente et d’affrontement : s’il existe certaines entreprises (petites et moyennes
bel et bien une combinaison synchronique entreprises), les mêmes individus peuvent
de la concurrence et de la coopération, être impliqués dans des activités à la fois
celle-ci s’opère à des niveaux, ou sur des concurrentielles et coopératives et dans ce
dimensions différents. cas, une organisation intermédiaire (une
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D’autres auteurs ont montré que lorsque les association par exemple) joue le rôle de
firmes sont en situation de coopétition, il est médiateur et définit la manière dont les
préférable d’éviter que ce paradoxe soit entreprises doivent coopérer et se concur-
internalisé au niveau des individus rencer. Il peut également exister dans cer-
(Bengtsson et Kock, 2000 ; Pellegrin- tains cas une combinaison de la coopération
Boucher, 2006), lesquels ne doivent gérer et de la concurrence sur la même activité,
qu’une seule dimension, soit coopérative en raison de la difficulté à distinguer les
soit concurrentielle. Au sein de l’organisa- niveaux d’activité sur lesquels la coopéra-
tion, les deux types d’interaction sont ainsi tion et la concurrence interviennent :
divisés entre activités différentes : « The « Simultaneous cooperation and competi-
two different types of interaction are not tion can, however, give rise to internal disa-
divided between counterparts but between greement and it can be difficult to separate
activities, as it is impossible to compete the activities where competitors interact in
and cooperate with the same activity. » competition and in cooperation. » (ibid.
(Bengtsson et Kock, 2000, p. 410). p. 415).
Les implications de cette séparation sont de Bengtsson et Kock proposent ainsi comme
deux sortes. Premièrement, Bengtsson et solution à la gestion du paradoxe un clivage
Kock suggèrent que cette division se fait structurel qui repose sur le principe de sépa-
par rapport à la distance vis-à-vis du ration des dimensions opposées, tant au
client c’est-à-dire que les firmes se concur- niveau organisationnel que de la chaîne de
rencent sur des activités proches du client et valeur et des marchés. Ce clivage permet
coopèrent sur des activités éloignées. Par avant tout d’éviter aux individus d’interna-
Le management de la coopétition 115

liser des tensions antagonistes. Pour éviter phénomène. Les paradoxes peuvent par
d’amener les individus à intérioriser la exemple augmenter le degré d’ambiguïté
contradiction, il faut en effet selon les et/ou d’ambivalence pour les acteurs qui y
auteurs séparer les deux composantes de la sont confrontés. Ces derniers ne peuvent
coopétition et affecter chacune d’elles à des y réagir sans se sentir en conflit avec l’une
personnes distinctes ; la séparation peut se ou l’autre des composantes du paradoxe
faire de deux manières : a) en développant (Giordano, 2003). Dans ce contexte, le
la coopération avec le coopétiteur dans une paradoxe peut conduire à l’indétermination
unité fonctionnelle occupant une certaine de la solution (Bateson, 1972 ; Watzlawick
position dans la chaîne de valeur et en met- et al., 1975) et engendrer des cercles
tent en avant la compétition avec le vicieux qui représentent un frein à l’action
coopétiteur dans une autre unité de la même (Masuch, 1985). Afin d’atténuer ces pro-
chaîne de valeur ; b) en développant la blèmes, certains chercheurs ont ainsi éla-
coopération avec le coopétiteur pour un boré des modèles organisationnels permet-
produit/marché et en mettant en avant la tant de gérer le paradoxe sans pour autant
compétition avec le coopétiteur pour un chercher à le faire disparaître. Des travaux
autre produit/marché. Cette séparation ont en effet montré que le paradoxe, inhé-
équivaut à une séparation selon la position rent à toute dynamique organisationnelle,
des individus le long de la chaîne de valeur était associé positivement à l’efficacité des
ou selon le couple produit/marché sur firmes (Quinn et Cameron, 1988) et qu’il
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lequel interviennent les individus. serait « aussi vain qu’inefficace de vouloir
Les auteurs soulignent néanmoins un cer- le faire disparaître » (Josserand et Perret,
tain nombre d’exceptions qui, nous semble- 2003, p. 171).
t-il, peuvent aboutir à l’intégration des Josserand et Perret (2003) ont notamment
dimensions conflictuelles. Le fait qu’il n’y proposé six « pratiques organisationnelles
ait pas de principe unique nous a ainsi paradoxales » permettant d’atténuer les
conduits à nous demander si la logique de dysfonctionnements liés aux paradoxes. La
séparation proposée par Bengtsson et Kock typologie proposée par les chercheurs
était suffisante pour gérer les relations de repose sur deux dimensions. La première
coopétition et si les clivages structurels mis correspond au type d’articulation des duali-
en avant par les chercheurs étaient réelle- tés des couples antagonistes : il s’agit soit
ment étanches. L’analyse de la littérature d’une dimension temporelle (dimension
sur la gestion du paradoxe organisationnel diachronique), soit d’une dimension spa-
considéré de manière plus large montre que tiale (dimension synchronique). La seconde
certains travaux peuvent enrichir et prolon- dimension correspond aux logiques d’ac-
ger les apports de Bengtsson et Kock. tion permettant de dépasser le paradoxe.
Trois logiques sont ainsi identifiées par les
3. Des dispositifs organisationnels auteurs : la logique de différenciation, la
dialectiques en réponse au paradoxe logique du dialogue et la logique de la dis-
Concernant les paradoxes des organisa- parition (tableau 1). À partir de ces dimen-
tions, certains auteurs ont mis en évidence sions, six pratiques organisationnelles sont
les dysfonctionnements liés à ce type de dégagées : les « pratiques séquentielles »,
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Tableau 1
LOGIQUES ET PRATIQUES ORGANISATIONNELLES PARADOXALES
Logique…
1. de la 2. du 3. de la
différenciation dialogue disparition

Dimension a. les pratiques c. la stratification


diachronique séquentielles d. l’oscillation
Pratiques f. le recadrage
organisationnelles Dimension e. la construction
b. le compartimentage
synchronique locale

Source : Josserand et Perret (2003).

les pratiques de « compartimentage », les tion de cette enveloppe à double face, car
pratiques de « stratification », d’« oscilla- cela ne résoudrait pas la question de l’inter-
tion », de « construction locale » et de dépendance et de la cohésion de l’organisa-
« recadrage ». tion : « L’enveloppe est nécessaire au com-
Les « pratiques séquentielles » permettent partimentage mais elle se doit d’intégrer
de s’adapter au paradoxe en laissant s’ex- une certaines perméabilité, permettre la
primer chacun des pôles antagonistes mais construction de ponts entre les mondes et
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à des périodes successives (logique dia- devenir ainsi lieu de passage. » (Josserand
chronique). La résolution du paradoxe se et Perret, p. 175).
fait ainsi sur l’axe temporel ce qui, dans le Aussi, la logique du dialogue repose-t-elle
cas particulier de stratégies à la fois concur- sur une vision davantage dialectique de
rentielles et coopératives, fait écho aux pro- l’organisation qui peut être rapprochée des
positions de Bresser et Harl (1993). approches développées par certains auteurs
Le « compartimentage » consiste à réserver concernant les alliances stratégiques
des espaces d’expression distincts des (Bouchikhi, 1998 ; Das et Teng, 2000 ; De
logiques contradictoires au sein de l’organi- Rond et Bouchikhi, 2003 ; Vlaar et al.,
sation. Le paradoxe est dans ce cas résolu 2005). Dans cette acception, un processus
sur l’axe géographique ; en d’autres termes, dialectique est un mouvement par lequel
les éléments contradictoires s’expriment en l’opposition des contraires tend à se
même temps mais sur des points différents, réduire. Un tel processus équivaut à une
ce qui peut être relié aux travaux de forme de dépassement des contraires qui
Bengtsson et Kock et d’autres chercheurs permet de tirer parti d’éléments antago-
sur la résolution du paradoxe de la coopéti- nistes. Pour les auteurs s’inscrivant dans
tion. Mais dans ce cas, comme le soulignent cette approche il est en effet nécessaire et
Josserand et Perret, le compartimentage bénéfique de conduire des processus dialec-
organisationnel peut faire encourir un tiques entre des pôles considérés comme
risque à la cohésion de l’organisation : l’or- opposés. Dans le modèle de Josserand et
ganisation ne peut se limiter à la constitu- Perret, la pratique organisationnelle dite de
Le management de la coopétition 117

« stratification » correspond par exemple à de Bengtsson et Kock et permettent d’élar-


un long processus d’apprentissage cumula- gir le champ d’investigation. Prenant appui
tif caractérisé par des phases successives sur ces deux séries de travaux, nous avons
qui se cumulent et se combinent et où les ainsi cherché à comprendre quelles étaient
contraires sont progressivement assimilés. les modalités organisationnelles de la
Le paradoxe est résolu sur l’axe temporel, coopétition et comment les individus parve-
mais contrairement aux pratiques séquen- naient à maîtriser le paradoxe.
tielles, il existe davantage de dialogue entre
les dimensions antagonistes. L’« oscilla- II. – LA RÉSOLUTION DU
tion », se situe également sur le niveau tem- PARADOXE DE LA COOPÉTITION
porel mais le mouvement est plus rapide.
La « construction locale » équivaut à une 1. Une étude empirique dans le secteur
construction stable à partir d’une mise en des TIC
commun des pôles contraires. Enfin, dans Le cadre d’analyse que nous venons de pré-
une logique de la « disparition », la pratique senter a été appliqué à l’industrie des tech-
de « recadrage » correspond à une situation nologies de l’information et de la commu-
où le paradoxe n’existe plus car les acteurs nication (TIC). Ce secteur est un champ de
ont intégré les deux dimensions contradic- recherche très peu investigué alors que la
toires. Dans le recadrage, un nouvel élé- coopétition y est particulièrement exacer-
ment peut être introduit qui permet la bée (Fjeldstad et al., 2004 ; Shapiro et
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réconciliation entre les contraires : « Un Varian, 1999 ; Taylor, 2005). En effet, d’un
objet, un concept ou une personne, permet- côté, l’information et l’interconnectivité, en
tent alors la réconciliation des deux oppo- particulier via internet, ont baissé les bar-
sés. » (Josserand et Perret, 2003, p. 171). rières à l’entrée et apporté une hypercom-
Les propositions de ces auteurs nous sem- pétition au niveau mondial1 (Shapiro et
blent particulièrement pertinentes car elles Varian, 1999). D’un autre côté, l’existence
montrent que le compartimentage laisse de standards, la nécessaire interopérabilité
apparaître des problèmes qui doivent être des matériels et des logiciels, la conver-
régulés autrement. Au-delà du simple évite- gence des technologies et l’innovation
ment du conflit entre coopération et concur- incessante imposent une ouverture techno-
rence, c’est-à-dire du choix entre l’une ou logique accrue et une mise en commun des
l’autre des deux dimensions, se pose en ressources (Fjeldstad et al., 2004).
effet la question de leur intégration. Or, Des firmes concurrentes sont ainsi amenées
cette dialectique entre cloisonnement et à coopérer ensemble afin de rendre leurs
intégration des deux dimensions antago- standards compatibles dans le but d’ac-
nistes est selon nous au cœur de la réflexion croître la taille de leur réseau et la valeur
sur la gestion de la coopétition car les pour le client. On assiste finalement dans
modèles dialectiques complètent le modèle cette industrie à une évolution du compor-

1. Ce qui aboutit à des environnements hautement concurrentiels où de nouveaux rivaux peuvent faire leur appari-
tion n’importe où et n’importe quand.
118 Revue française de gestion – N° 176/2007

tement concurrentiel vers plus de concur- les perceptions des principaux acteurs
rence et de coopération à la fois (Contractor impliqués dans ces relations que sont les
et Lorange, 2002 ; Fjeldstad et al., 2004 ; alliance managers, ou responsables d’al-
Hallikas et al., 2006). Au sein des TIC, liances : jusque-là aucune recherche n’avait
nous avons choisi le secteur des ERP et des pris en compte les interprétations de ces
logiciels pour entreprises car c’est un mar- acteurs-clés. Nous avons ainsi mené 43
ché où les intérêts des acteurs sont étroite- entretiens semi-directifs (tableau 2) auprès
ment imbriqués dans des relations d’inter- d’alliance managers et autres responsables
dépendance multiples offrant de nombreux impliqués dans des alliances dyadiques
exemples de liens coopétitifs. Ces relations mais aussi multipartites et réticulaires. Ces
mobilisent les plus grandes entreprises alliances impliquaient principalement des
internationales (IBM, SAP, Oracle, Micro- accords de distribution mais aussi des opé-
soft, etc.) et introduisent des probléma- rations de marketing (campagnes de com-
tiques fondamentales liées notamment à munication et programmes de marketing)
l’essor des logiciels libres et au développe- réalisés avec des partenaires concurrents.
ment de l’internet. Les entretiens, essentiellement en face-à-
Pour mener à bien cette recherche, une face, ont duré entre 1h et 3h30 et se sont
méthodologie qualitative classique basée déroulés sur la période allant de mars 2004
sur l’analyse de contenu de données pri- à juillet 2006. Le traitement des données a
maires (entretiens) et de données secon- consisté en une analyse de contenu à partir
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daires (articles de presse, documents d’une codification thématique des entre-
internes, etc.) a été retenue. L’une des origi- tiens (Miles et Huberman, 1991 ; Bardin,
nalités de la démarche est d’avoir analysé 1993).

Tableau 2
LISTE DES ENTRETIENS RÉALISÉS
Grands éditeurs d’ERP et d’EAS Grandes entreprises de services PME

Entreprise Profil Entreprise Profil Entreprise Profil

– Oracle Directeurs des – Accenture Associés Firme A P-DG


– SAP partenariats – IBM Directeurs des Firme B DG
– PeopleSoft Alliance managers – Bearing Point partenariats Firme C Chefs de
Commerciaux – Cap Gemini Alliance managers Firme D services
– Siebel
– Microsoft – Valtech Commerciaux Firme E Commerciaux
– Unilog Consultants Firme F
– PWC Chefs de projet Firme G
– BCG

13 17 9

Total : 40 entretiens avec des managers et 3 entretiens avec des membres du syndicat professionnel
Syntec
Le management de la coopétition 119

Afin de garantir la validité et la fiabilité des de flexibilité des systèmes d’information,


résultats, nous avons eu recours à la trian- les stratégies émergentes de coopétition
gulation des données primaires et secon- sont très courantes dans le secteur. Cer-
daires. Nous avons procédé au recueil des taines firmes ont délibérément mis en place
données de manière continue tout au long ce type de stratégie afin de répondre à la
de la recherche ce qui nous a permis tout demande des clients et d’élargir leurs mar-
d’abord de mieux comprendre le contexte chés. Le cas d’IBM est exemplaire à cet
du secteur et ses spécificités en termes de égard. En effet, au début des années 1990,
coopétition. Ensuite, l’analyse issue des le nouveau P-DG du groupe, Lou Gerstner,
données secondaires a servi à vérifier les mit en place une politique générale de déve-
résultats obtenus à partir des entretiens et à loppement qui reposait volontairement sur
approfondir les différents aspects des ce type de relation. IBM décida notamment
modalités de la coopétition. Enfin, nous de vendre certaines de ses technologies et
avons soumis notre travail à trois experts du de ses innovations à ses concurrents afin de
secteur afin de confirmer les perspectives les transformer en clients et/ou partenaires.
mises en avant et de valider nos propos. Ce retournement stratégique, mal perçu au
départ car il était ressenti comme une façon
2. Les dispositifs organisationnels d’« armer l’ennemi » (Lyons, 2000), peut
L’analyse des entretiens et des documents être considéré comme une rupture profonde
auxquels nous avons pu avoir accès montre au sein du secteur, non seulement par rap-
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que la coopétition est devenue une norme port aux politiques antérieures d’IBM, mais
pour les principaux acteurs du secteur. aussi par rapport aux stratégies qui étaient
Conscientes de leur enjeu, certaines firmes alors adoptées par les entreprises du sec-
du secteur ont ainsi bâti ces dernières teur. IBM était en effet connue jusque-là
années des stratégies de coopétition délibé- pour investir massivement dans ses centres
rées qui s’appuient non seulement sur des de recherches et exploiter en interne les
guides et des directives officiels formalisés, nouveaux produits développés afin d’accu-
mais aussi sur une structure organisation- muler les innovations pour ses propres
nelle compartimentée et sur l’action des solutions.
alliance managers. Des limites apparais- La réorientation stratégique impulsée par le
sent néanmoins qui donnent lieu à réguliè- nouveau P-DG consistait, soit à intégrer les
rement à des opérations d’arbitrage. innovations d’IBM au sein des produits de
certaines firmes concurrentes du secteur,
Formalisation et internalisation des
plutôt que de les réserver aux solutions du
stratégies de coopétition
groupe, soit à les faire distribuer par
Des stratégies délibérées d’autres concurrents2. Malgré les critiques,
Du fait d’une demande accrue de la part des le P-DG d’IBM était en effet convaincu que
utilisateurs pour davantage d’intégration et fournir aux concurrents des éléments issus

2. Lorsque IBM a développé un nouveau type de puce faite de silicone mais aussi de germanium, la firme a passé
de nombreux accords avec d’autres entreprises, même concurrentes, afin que certaines achètent la nouvelle techno-
logie, et que d’autres la distribuent.
120 Revue française de gestion – N° 176/2007

des laboratoires d’IBM permettait de principes fondamentaux qui doivent tou-


gagner des clients durablement : « Une fois jours être considérés simultanément et qui
que les firmes ont intégré vos éléments dans doivent restés équilibrés » (extrait de Enga-
le design de leurs propres produits, ils ne gement Guidelines for Competitive Busi-
vont pas vous renvoyer à moins que vous ness Partners, un guide sur la coopétition
ayez fait quelque chose de très grave. »3 d’une grande firme du secteur).
L’idée centrale défendue ici est qu’en trans- Certains de ces guides suggèrent ainsi que
formant ses « ennemis » en « amis », l’en- les individus doivent accepter le paradoxe
treprise favorise son propre développement. sans sacrifier un pôle au profit de l’autre.
Aujourd’hui, la généralisation de ces pra- Pour justifier et renforcer cette idée, les
tiques impose aux firmes du secteur de auteurs du guide sur la coopétition évoqué
gérer les relations de coopétition et d’es- précédemment expliquent que ce type de
sayer d’en limiter les dysfonctionnements relation ne correspond plus à des situations
potentiels. Certaines grandes entreprises extrêmes mais à une réalité ordinaire qui ne
ont ainsi mis en place des stratégies claires remet pas en question la compétitivité de
de coopétition qui s’appuient sur des procé- l’entreprise, bien au contraire : « Au sein de
dures formalisées et codifiées pour aider les notre marché qui est de plus en plus ouvert,
managers à maîtriser le paradoxe inhérent à les clients sont confrontés à un très large
ce type de relation. choix de solutions IT. Notre société est pré-
sente activement dans presque tous les
Intégration des pôles opposés
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domaines d’activité du secteur, néanmoins,
Chez certains leaders du secteur, la poli- le client est susceptible de préférer une
tique de coopétition est clairement exposée solution qui inclut des composants qui ne
dans des guides officiels et repose générale- proviennent pas de chez nous. Cela signifie
ment sur deux principes-clés : d’un côté la que nous avons parfois besoin de coopérer
valeur pour le client et, de l’autre, la valeur avec des concurrents sans remettre en ques-
pour les actionnaires, lesquelles correspon- tion notre capacité à rester agressif et com-
dent aux deux dimensions antagonistes de pétitifs sur le marché ». Une note de la
la coopétition. En effet, afin de maximiser direction mondiale de la stratégie d’IBM
la valeur pour le client, les firmes concur- dont nous avons eu connaissance incitait
rentes ont intérêt à mettre en commun leurs également les managers à changer d’état
ressources et leurs systèmes pour offrir la d’esprit vis-à-vis des relations de coopéti-
meilleure solution possible ; à l’inverse, tion entretenues avec SAP afin qu’ils accep-
dans l’objectif de maximiser la valeur des tent que des relations partenariales puissent
actionnaires les managers doivent vendre le être également concurrentielles (et inverse-
plus possible de solutions complètes prove- ment).
nant uniquement de leur firme. Or, pour L’analyse des discours des répondants
certaines de ces firmes, ces deux principes confirme que la coopération et la concur-
doivent être intégrés par les individus et rence cohabitent dans l’esprit des mana-
rester équilibrés : « Ceci conduit à deux gers : « On restera toujours partenaires et

3. Rapporté dans Lyons (2000).


Le management de la coopétition 121

concurrents, c’est la difficulté du job. On le guidelines sont bien intégrés, les managers
sait, mais on fait en sorte de dépasser ce ne les consultent plus mais les appliquent
paradoxe car sinon on n’avance pas et on ne de manière implicite : « je ne pense pas que
peut pas faire d’affaires. » (un alliance beaucoup de personnes consultent ces gui-
manager). Ce résultat permet de relativiser delines. En revanche, l’esprit de ces guide-
la thèse de Bengtsson et Kock sur la néces- lines est bien assimilé : j’y retrouve des
saire séparation des dimensions opposées et principes qui sont effectivement
confirme celle développée par (Perroux, appliqués. » (un alliance manager).
1973) selon laquelle il existe dans toute Bien qu’il n’ait pas retenu l’attention des
relation économique des dimensions à la chercheurs, ce type de dispositif contribue à
fois coopératives et concurrentielles. organiser et à structurer les modalités de la
coopétition : l’organisation revendique les
Formalisation des politiques de coopétition
deux pôles du paradoxe et met en place
Au sein des guides sur la coopétition, la simultanément des règles de décision pré-
présentation de la stratégie du groupe s’ac- cises permettant de limiter l’indétermina-
compagne de principes généraux mais aussi tion liée au maintien de ce paradoxe.
d’indications précises sur la manière de D’autres mécanismes viennent également
gérer ces situations. Ces directives appor- compléter ces premiers éléments.
tent des réponses concrètes à des situations
particulièrement complexes (voir encadré Gestion compartimentée de la coopétition
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ci-après). Elles permettent non seulement Il existe au sein des grandes firmes du sec-
de clarifier auprès des acteurs concernés teur une division organisationnelle qui per-
les enjeux et la finalité des stratégies met de gérer et de résoudre dans la pratique
d’alliances avec les concurrents, mais le paradoxe de la coopétition à partir d’un
aussi, d’un point de vue purement opéra- modèle organisationnel compartimenté
tionnel, de faciliter le travail quotidien lequel correspond à une résolution spatiale
des managers afin d’améliorer leur effica- du paradoxe.
cité ainsi que la performance inter- L’idée centrale est que la firme comporte
organisationnelle. deux dimensions : l’une coopérative repré-
Ces règles de gestion sont en effet établies sentée par les alliance managers et d’autres
afin d’aider ces derniers à mieux vivre la types d’influenceurs ; et l’autre concurren-
coopétition, afin notamment d’éviter l’indé- tielle, représentée par le reste de la force de
cision liée au paradoxe : « ces guidelines vente. Un alliance manager : « Nous, notre
ont été créés pour aider les employés du rôle, c’est de coopérer avec les partenaires,
groupe à comprendre les actions et les com- alors, bien entendu, il y a de la concurrence,
portements qui permettent à notre entre- mais on essaie de la mettre de côté et de
prise de prendre en compte des besoins faire jouer les complémentarités qui peu-
variés (...) Les exemples suivants permet- vent exister entre nos firmes, pas les rivali-
tent d’illustrer les spécificités de ces guide- tés. » À l’image de Janus, les firmes pré-
lines et explicitent les choix stratégiques sentent ainsi un double visage, à la fois
pris par le groupe » (extrait d’un guide sur coopératif et concurrrentiel, tandis que les
la coopétition). Lorsque les principes des individus sont investis d’une mission à
122 Revue française de gestion – N° 176/2007

FORMALISATION DE LA COOPÉTITION
CHEZ LES LEADERS DU SECTEUR
Certains guides consacrés à la gestion de la coopétition expliquent en fonction des situa-
tions et des types de partenaire-concurrent, ce que doivent faire les managers. Ces indi-
cations sont présentées comme des principes généraux qui peuvent être adaptés au cas
par cas en fonction du contexte. De nombreux critères sont pris en compte : le type d’ac-
tivité du partenaire-concurrent, la nature de la relation (dyadique, multipartenariale) et
l’activité concernée (ventes, marketing, développement de produits, etc.). Pour chaque
configuration les responsabilités en interne des différentes équipes sont précisées, de
même que les types de partenariat possibles. Les guides résument l’ensemble des situa-
tions où les unités d’affaires peuvent accepter de coopérer avec un concurrent ainsi que
les principes que les managers doivent garder à l’esprit lorsque de tels accords voient le
jour. Des exemples concrets viennent expliciter les règles de gestion, ce qui facilite l’ap-
plication de ces principes. L’un des cas le plus simple est celui où un éditeur d’applica-
tions concurrents propose à l’une des divisions de la firme la création d’une solution inté-
grée incluant son logiciel applicatif, un logiciel de base de données concurrent, un
serveur et des services de la firme. La politique est alors d’accepter ce type d’accord à
condition que celui-ci ne soit pas exclusif : les managers doivent encourager l’éditeur à
proposer également une solution avec un logiciel de base de données développé en
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interne.
Dans le cas d’opportunités d’alliances de co-développement avec mise en commun de
ressources pour améliorer la performance de logiciels concurrents fonctionnant sur des
serveurs de l’entreprise, cette dernière préconise de coopérer tout en s’assurant que des
ressources comparables ou supérieures sont mises à la disposition de ses propres logi-
ciels et que la combinaison logiciel-serveur développée en interne reste la solution la
plus optimale.
Grâce à des mises en situation détaillées, ces guidelines indiquent aux managers s’ils
doivent ou non accepter la coopétition et leur suggèrent comment l’orienter. Ces dispo-
sitifs opérationnels facilitent ainsi le travail quotidien des responsables d’alliances puis-
qu’ils leur offrent un cadre concret pour aborder des relations complexes.

dominante soit coopérative, soit concurren- Par exemple, les alliance managers sont
tielle. généralement rémunérés en fonction du
Dans ce modèle, la direction générale met chiffre d’affaires réalisé en collaboration
en place différents dispositifs pour favori- avec le partenaire concurrent. En outre, la
ser d’un côté la compétition interfirmes, et plupart des grandes firmes sont structurées
de l’autre, la coopération. Dans certaines en divisions et coopèrent sur des activités
firmes du secteur, ces rôles sont clairement complémentaires et non concurrentes, ce
définis, formalisés en particulier par les qui favorise le compartimentage des
objectifs professionnels liés aux postes. activités.
Le management de la coopétition 123

Ce clivage organisationnel a l’avantage de selon laquelle l’internalisation de la


faciliter les relations non seulement en coopétition doit se faire le moins possible
interne car les divisions d’une même firme au niveau de l’individu : « Les individus au
qui se trouvent en coopétition sont sépa- sein des firmes ne peuvent agir qu’en fonc-
rées, ce qui évite certains conflits d’intérêt, tion d’une ou des deux logiques d’interac-
mais aussi en externe car les partenaires tion en même temps. Ces deux dimensions
sont satisfaits d’avoir en face d’eux des doivent être divisées entre les individus au
interlocuteurs qui souhaitent développer les sein des firmes, ou bien une dimension doit
partenariats. Ces dispositifs permettent être contrôlée et régulée par un acteur inter-
ainsi de réduire les dysfonctionnements liés médiaire, telle une association collective. »
au paradoxe de la coopétition. Ils font écho (Bentsson et Kock, 2000, p. 411).
au principe de séparation de Bengtsson et L’analyse des discours des répondants
Kock (2000) et à la logique de « comparti- montre en effet que si la coopétition est
mentage » développée par Josserand et devenue une norme stratégique reconnue
Perret (2003) consistant à « réserver non par tous dans le secteur, certains acteurs
pas des moments mais des espaces d’ex- impliqués dans ces relations ne gèrent
pression distincts des logiques contradic- qu’une seule dimension en même temps,
toires au sein de l’organisation » (p. 168). soit coopérative, soit concurrentielle. Par
Il s’agit d’une logique synchronique exemple, pour les responsables d’alliances
puisque les dimensions antagonistes peu- interviewés, la priorité est donnée à la
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vent être menées en même temps mais pas coopération. Un directeur des partenariats :
sur les mêmes niveaux : « Pour que le com- « Cela semble naturel finalement d’être
partimentage fonctionne, il convient de concurrent et partenaire, car comme tout est
réduire les interdépendances entre niveaux cloisonné, il n’y a pas vraiment d’interac-
et gommer les points de friction ou de ren- tion entre les deux. On retrouve souvent
contre (Barel, 1989) (…) Dans l’organisa- dans la même pièce plusieurs intégrateurs
tion, le compartimentage se traduira par la et éditeurs concurrents mais on considère
création de niveaux hiérarchiques (groupe, avant tout qu’on est partenaires. »
unité opérationnelle, division, etc.) au sein Dans leurs discours, les alliance managers
desquels des logiques différenciées peuvent utilisent le vocabulaire de la coopération et
s’exprimer. Cette démarche peut également leurs correspondants dans les autres firmes
s’appliquer à un même niveau hiérarchique sont considérés comme des partenaires,
par la création d’espaces différenciés hori- même si les entreprises sont concurrentes :
zontalement (entre les unités opération- « IBM est un concurrent important de notre
nelles par exemple par métier, zone géogra- groupe, mais nous, sur notre activité, nous
phique, pays, etc.). » (Josserand et Perret, sommes partenaires. » (un alliance mana-
2003, p. 168). Dans le cas du secteur étudié ger). Certains alliance managers inter-
ici, la division se fait souvent au niveau viewés critiquent ainsi ouvertement le com-
horizontal des différentes unités d’affaires. portement non coopératif de certains
D’un point de vue conceptuel, ce modèle homologues des firmes partenaires : « Mr X
organisationnel repose également sur l’idée de la société Y n’a rien compris aux rela-
développée par Bengtsson et Kock (2000) tions de coopération […] La société Y pra-
124 Revue française de gestion – N° 176/2007

tique des tarifs prohibitifs avec ses parte- rentes (Spekman et al., 1999, 2002 ; Taylor,
naires, et surtout avec nous, alors que nous 2005).
réalisons ensemble un chiffre d’affaires très Les responsables d’alliances, chargés de la
important. » Ces critiques concernent préci- dimension coopérative, permettent ainsi de
sément les comportements agressifs et relier et de coordonner des intérêts théori-
concurrentiels des partenaires-concurrents quement contradictoires. Un alliance
qui n’adoptent pas selon eux un comporte- manager aura également pour rôle de servir
ment « loyal », c’est-à-dire coopératif. Ces de lien entre son entreprise et une entreprise
alliance managers soulignent en même concurrente et d’agir comme un « influen-
temps la meilleure volonté d’autres alliés. ceur ». En faisant connaître les dernières
Le même alliance manager : « […] En technologies, l’alliance manager va en
revanche, avec les gens de la société W, il effet influencer son partenaire afin qu’il
est beaucoup plus facile de travailler promeuve, à son tour, cette technologie.
ensemble ». « (…) dans le cas de relations entre éditeurs
Les alliance managers se sentent investis et intégrateurs, ceux-ci ne font pas de la
d’une mission collaborative qui tend à revente directe de produits ou de licences ;
détrôner tout autre type d’action, notam- parfois ils le font, mais ce n’est pas le cœur
ment concurrentielle. Au cours des entre- de leur métier. En revanche, ils ont de l’in-
tiens, il fut par exemple difficile d’aborder fluence auprès des clients et peuvent
le thème de la concurrence directement. Si influencer leurs choix (…). On peut dire
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nous abordions trop vite cet aspect de la dans ce cas-là que l’important c’est que le
relation, les alliance managers devenaient partenaire influence le choix de ses clients
moins intéressés par la discussion. Un en notre faveur ; aussi va-t-on essayer de
alliance manager : « Nos firmes sont l’influencer positivement en le rencontrant,
concurrentes, mais nous (Mr Y et Mr Z), en communiquant auprès de lui sur notre
nous sommes partenaires. » Le rôle des entreprise, en le formant à nos produits, en
alliance managers est en effet de s’impli- lui facilitant certaines démarches, mais
quer dans la relation coopérative, un de aussi en lui communiquant des informa-
leurs objectifs étant de commercialiser cer- tions privilégiées soit sur notre entreprise
tains produits et/ou services en collabora- (fonctionnement, contacts, chiffres etc.),
tion avec le partenaire. soit sur des opportunités de marchés. » (un
directeur des partenariats).
Rôle des alliance managers L’influence repose sur la confiance entre
Cette division du travail instituée dans les partenaires, or celle-ci est loin d’être
entreprises étudiées et le rôle dévolu aux simple à instaurer entre concurrents :
alliance managers, contribuent activement « Lorsque deux organisations concurrentes
à la maîtrise du paradoxe. Dans le domaine décident de s’allier, il est difficile d’avoir
des technologies de l’information en parti- confiance immédiatement : l’autre organi-
culier, les alliance managers correspondent sation est d’abord perçue comme une
à un besoin effectif de gérer des partenariats rivale et il est difficile de travailler
de plus en plus nombreux et complexes qui ensemble. » (un directeur des partenariats).
impliquent fréquemment des firmes concur- De ce fait, plusieurs actions de socialisa-
Le management de la coopétition 125

tion sont mises en œuvre afin de pallier Les discours des répondants montrent fina-
cette méfiance (par exemple, en provo- lement que la confiance peut exister, même
quant des rencontres informelles). Ces entre alliance managers de firmes très
actions de socialisation permettent de pas- concurrentes (entre un leader et son chal-
ser d’une simple gestion transactionnelle à lenger direct par exemple). Un alliance
une gestion plus relationnelle des concur- manager : « Les firmes A et B se sont sou-
rents, ce qui permet d’influencer davan- vent “bouffé le nez” sur certains marchés,
tage le partenaire. Un directeur des parte- mais pendant ce temps, nous [les deux
nariats : « Lors d’événements communs, alliance managers de A et de B], nous étions
nous avons toujours, Mr X et moi-même, en train de signer l’une des plus solides
des moments où nos échanges sont beau- alliances sur le marché français. »
coup plus cordiaux et détendus. Je profite L’action des alliance managers se heurte
aussi de ces occasions pour lui présenter néanmoins à des difficultés : ambiguïté du
des acteurs-clés de notre firme (les com- rôle, incompréhension des autres acteurs en
merciaux grands comptes, les directeurs, interne, problème de crédibilité par rapport
les architectes IT, etc.) ou en tous cas ceux aux partenaires-concurrents, etc. De
qui ont de notre point de vue une valeur manière générale, l’ensemble des disposi-
potentielle pour l’alliance. » (un directeur tifs organisationnels mis en place pour
des partenariats). gérer le paradoxe présentent plusieurs
Dans le cas des alliances de distribution limites. Aussi, pour y remédier, les mana-
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observées, un objectif sous-jacent à la rela- gers ont-ils également recours à l’arbitrage.
tion est également de se signaler entre par-
tenaires de nouveaux marchés. Comme le L’arbitrage
soulignent différents alliance managers : Même si la formalisation de règles de ges-
« L’objectif d’une alliance étant d’augmen- tion, le compartimentage structurel et l’ac-
ter le chiffre d’affaires, une alliance réussie tion des alliance managers facilitent la
est celle où le partenaire communique des conduite de relations de coopétition, ils ne
informations concernant un nouveau mar- suppriment pas entièrement les tensions
ché à un partenaire. Il faut donc qu’ils aient inhérentes à ce paradoxe et d’autres moda-
confiance l’un envers l’autre afin qu’ils lités telles que l’arbitrage sont parfois mises
aient envie de travailler ensemble plutôt en place.
qu’avec d’autres. On dépasse alors les liens Des tensions externes et internes
de concurrence qui peuvent exister par
Sur le terrain, la réalité est plus complexe
ailleurs. » Dans certains cas, les enjeux sont
que ne le laisse supposer le modèle du com-
stratégiques : « La réussite de ce type de
partimentage et les individus restent
relation est particulièrement importante
confrontés à l’ambiguïté et au paradoxe de
avec les constructeurs car l’enjeu dans ces
la coopétition. Par exemple, même si la
cas-là est de pouvoir être intégré en amont
coopération a lieu sur des produits complé-
de la chaîne de valeur du client. » (un
mentaires, il est difficile de promouvoir un
alliance manager travaillant chez un édi-
produit ou service d’un concurrent alors
teur d’ERP).
qu’il existe le même type de produit ou ser-
126 Revue française de gestion – N° 176/2007

vice au sein de leur propre entreprise : « Je mettre en place des actions de coopération.
suis chargé de “vendre” des solutions C’est le cas notamment lorsqu’ils identi-
d’infrastructure à des cabinets de conseil fient sur le terrain des opportunités d’af-
partenaires de notre entreprise, mais c’est faires où le client demande une solution
quasiment mission impossible car nous intégrant plusieurs firmes concurrentes. De
sommes en même temps leur plus gros leur côté, les alliance managers sont sou-
concurrent en matière de services. Ceci vent confrontés à des situations fortement
explique pourquoi, même si nos solutions concurrentielles, par exemple lorsque la
sont intéressantes, il ne vont pas les favori- relation se passe mal avec le partenaire ou
ser. » (un alliance manager). La difficulté lorsque les opportunités d’affaires avec les
provient ici de la méfiance des partenaires partenaires impliquent aussi d’autres
qui équivaut à un dysfonctionnement concurrents.
externe. Ensuite, d’un point de vue des marchés et
En outre, malgré les campagnes de commu- de la chaîne de valeur, il peut exister de la
nication sur le thème de la coopétition, les coopération et de la concurrence sur tous
alliance managers sont encore perçus les niveaux de la chaîne de valeur et sur
comme des traîtres pactisant avec l’ennemi tous les marchés : la coopération et la
car ils développent des activités qui concur- concurrence ne s’articulent pas forcément
rencent celles qui existent en interne : « Les en fonction de la distance par rapport
alliance managers sont souvent considérés aux clients, contrairement au modèle de
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comme des traîtres qui rendent plus forts les Bengtsson et Kock (2000). Au niveau com-
concurrents. » (un manager interviewé). Ce mercial par exemple, il est de plus en plus
type de perception fragilise la légitimité des fréquent dans le secteur que des entreprises
alliance managers à l’intérieur des firmes de services concurrentes répondent collecti-
ce qui bloque parfois certaines de leurs vement à des appels d’offres remettant ainsi
actions (coupure des budgets, manque de en question l’idée que la coopération entre
ressources) et peut conduire à l’échec des concurrents ne serait réservée qu’aux acti-
alliances. Il s’agit dans ce cas d’un dys- vités éloignées du client. Les exigences des
fonctionnement d’ordre interne. clients ont fait ainsi évoluer ces dernières
années les tendances qui avaient pu être
Un clivage organisationnel de plus en plus
observées sur certains marchés.
perméable et instable
Le modèle compartimenté n’est pas non L’arbitrage au sein des firmes du secteur
plus représentatif de l’ensemble des situa- La difficulté de gérer la coopétition tient
tions : de nombreuses exceptions, à la fois également au fait que dans certaines firmes,
au niveau de l’organisation, des marchés et les alliance managers peuvent se retrouver
de la chaîne de valeur, viennent remettre en en concurrence directe sur un marché avec
question les clivages entre la coopération et des commerciaux de leur entreprise mais
la concurrence. D’un point de vue organisa- appartenant à des divisions distinctes, se
tionnel tout d’abord, les commerciaux, tra- retrouvant ainsi en porte-à-faux avec eux.
ditionnellement impliqués dans des actions La direction doit alors arbitrer entre diffé-
de concurrence, peuvent être amenés à rentes propositions commerciales. Un
Le management de la coopétition 127

alliance manager d’IBM : « Il y a coopéti- principales comprenant un certain nombre


tion avec les sociétés de services telles que de dispositifs (tableau 2) :
Cap Gemini, Accenture, ATOS, etc. dans la – la logique de séparation, c’est-à-dire,
mesure où ils sont concurrents d’IGS, l’internalisation des deux composantes
mais intégrateurs d’éléments hardware et (coopération et concurrence) au sein de
middleware d’IBM. Les divisions Server et l’organisation mais avec une séparation au
Software d’IBM traitent donc ces sociétés niveau des individus ;
comme des partenaires, et développent des – la logique d’internalisation, c’est-à-dire,
partenariats, se plaçant parfois en porte-à- l’internalisation des deux composantes de
faux avec IGS et avec le commercial IBM la coopétition au sein de l’organisation mais
en charge d’un client. Exemple : le com- aussi au niveau des individus.
mercial (appartenant au « secteur » manu- Dans la première forme, il y a par définition
facturing) en charge de Renault propose séparation des dimensions et les individus
avec IGS un projet de Business Intelli- doivent utiliser exclusivement le moyen
gence ; il peut se trouver en concurrence d’action qui leur est affecté, c’est-à-dire
avec Cap, qui discute avec le commercial soit coopérer soit développer la compéti-
Software d’IBM pour proposer un middle- tion. Cette forme de coordination repose sur
ware IBM. Dans ce cas, le commercial de la pertinence et la cohérence du comparti-
Renault peut « escalader », c’est-à-dire mentage : quels individus sont chargés de la
demander à un échelon de management coopération, quels individus sont chargés
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commun aux deux parties en conflit d’arbi- de la compétition et dans quel domaine.
trer entre elles. » Cette répartition/attribution des rôles doit
La nouveauté ici est que l’arbitrage est être adaptée à la position et à la stratégie de
internalisé au sein des firmes, alors que l’organisation. Les activités menées par les
l’arbitrage observé par Bengtsson et Kock porteurs de chacune des deux logiques doi-
(2000) dans des industries traditionnelles vent être complémentaires et non pas
était réalisé à l’extérieur des firmes par une contradictoires. Dans ce cas, un arbitrage
organisation tierce. Malgré cette internali- existe a priori à travers la division du tra-
sation, il est remarquable d’observer que vail et dans une moindre mesure a pos-
les projets commerciaux réalisés en colla- teriori lorsque des conflits perdurent.
boration avec un concurrent sont régulière- Les avantages de ce dispositif sont mul-
ment privilégiés au détriment de ceux inté- tiples. Tout d’abord, il faut noter la simpli-
grant uniquement les solutions de cité du dispositif et du pilotage des acteurs
l’entreprise car le marché et les attentes des concernés. La contradiction est éliminée
clients influencent positivement ce type de a priori par le compartimentage, il n’y a
coopétition. donc pas besoin de contrôle permanent
pour repérer l’émergence des contradictions
Avantages et inconvénients des logiques et les réguler au cas par cas. Ensuite, la
de coordination séparation permet de garantir une certaine
La confrontation entre la théorie et la pra- efficacité des individus car elle limite l’in-
tique nous a permis finalement de dégager décision. De plus, ces derniers n’ont pas à
deux formes ou logiques de coordination assurer en permanence l’équilibre entre
128 Revue française de gestion – N° 176/2007

compétition et coopération : ils peuvent dus en charge de la relation avec le coopé-


maximiser plus facilement leurs efforts en titeur intègrent les deux logiques.
cherchant à coopérer au mieux ou à l’em- Les inconvénients de ce type de coordina-
porter dans la compétition. tion correspondent aux dérives et à l’ineffi-
Le principal inconvénient de cette méthode cacité liées au fait que les individus éprou-
réside néanmoins dans le fait que les vent des difficultés pour mettre en œuvre
rééquilibrages éventuels concernant les une logique d’action mixte composée de
priorités stratégiques et opérationnelles doi- deux éléments potentiellement contradic-
vent être détectés par la direction et sont toires : hésitations et lenteurs provoquées
imposés par elle en fonction des résultats par la gestion de la contradiction ; tendance
respectifs des actions de coopération et de à surmonter la contradiction en sacrifiant
compétition. Il sont alors plus difficilement l’un des éléments de celle-ci ; imprévisibi-
acceptés par les individus porteurs de cha- lité des comportements des individus
cune des deux composantes de la coopéti- devant gérer une contradiction car le mode
tion, individus qui tendent à privilégier la de résolution varie d’une personne à l’autre,
logique d’action dont ils ont la charge : etc. Enfin, l’arbitrage a posteriori impose
pourquoi développer des alliances alors comme dans la première logique des déci-
qu’on pourrait l’emporter en restant seul ? sions effectuées par la direction.
Pourquoi cesser de coopérer dans ce
domaine alors qu’il y a encore un III. – DISCUSSION
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potentiel ?
Dans la logique d’internalisation, il y a Les travaux sur la coopétition développent
absence de compartimentage : les individus l’idée fructueuse selon laquelle la combi-
porteurs de la coopétition sont cadrés en naison de formes élémentaires jugées anta-
fonction d’objectifs particuliers, mais ils goniques peut en réalité se traduire par une
ont la liberté de choisir la manière de mener amélioration des performances (Nalebuff
la coopétition (liberté de déterminer quand et Brandenburger, 1996 ; Bengtsson et
et surtout comment ils coopèrent ou entrent Kock, 2000). La mixité des formes de
en coopétition avec le coopétiteur). L’arbi- coordination crée néanmoins une com-
trage existe a posteriori et il est du ressort plexité et des tensions (Das et Teng, 2000 ;
de la direction. De Rond et Bouchikhi, 2003) qui doivent
Les avantages résident dans le fait que les être maîtrisées avec l’instauration de cer-
individus et l’organisation bénéficient taines séparations entre les logiques oppo-
d’une plus grande réactivité, les tensions sées et/ou le recours à des dispositifs de
provoquées par la contradiction, lors- régulation spécifiques. En effet, même si
qu’elles ne sont pas trop importantes, sont leur association présente des avantages
gérées par les agents eux-mêmes sans inter- potentiels, les organisations qui mettent en
vention de la direction. Ce mode de coordi- place des stratégies de coopétition antici-
nation permet également une plus grande pent le fait que les deux logiques de base
facilité d’ajustement de l’équilibre entre la de la coopétition risquent d’entrer en
coopération et la compétition car les indivi- conflit (Das et Teng, 2000).
Le management de la coopétition 129

Tableau 3
LES LOGIQUES DE COORDINATION DE LA COOPÉTITION
Forme de
Dispositif Principes Avantages Inconvénients
coordination

Séparation Compartimentage Séparation Simplicité Rééquilibrages


Internalisation Alliance Répartition des rôles Moins de contrôle imposés par la
managers Arbitrage a priori Limite l’indécision direction
Formalisation
et dans une Efficacité Incompréhension
rigide
Arbitrage moindre mesure Maximisation des des acteurs
a posteriori efforts

Formalisation Autonomie des Réactivité Hésitations, lenteur


plus flexible acteurs Facilité Une dimension
Absence de Reporting accru d’ajustement favorisée au
compartimentage Arbitrage Flexibilité détriment de l’autre
Alliance a posteriori Imprévisibilité
managers Rééquilibrages
imposés a posteriori

Ce conflit n’est pas forcément perçu chikhi, 2003) qui peut prendre des formes
comme une menace mais comme un pro- diverses : règles de gestion garantissant les
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blème qui doit être maîtrisé et géré. Diffé- deux dimensions de la coopération et de la
rents modèles organisationnels ont ainsi été compétition, procédures d’arbitrage a pos-
proposés pour limiter ces dysfonctionne- teriori, etc. Les guides formalisés sur la
ments. Bengtsson et Kock (2000) suggèrent coopétition constituent l’un de ces éléments.
par exemple que les organisations peuvent En effet, nous avons vu qu’ils encouragent
internaliser et maîtriser le conflit entre les les alliance managers non seulement à jouer
deux logiques de base, en revanche, il est le jeu de la coopération avec les concur-
difficile pour les individus d’internaliser rents, mais aussi à prendre en compte la
des tensions antagonistes. L’une des moda- dimension compétitive de ce type de rela-
lités de la coopétition est donc, comme tion. Cette formalisation est dans certains
nous l’avons vu, la séparation, notion-clé cas « flexible » car elle laisse une certaine
mise en avant par Bengtsson et Kock. autonomie aux acteurs pour arbitrer eux-
Ce dispositif est important mais, selon nous, mêmes, en fonction des tensions rencon-
la maîtrise de la dimension potentiellement trées : « Lorsque l’on répond à une demande
contradictoire de la coopétition ne repose d’intégration de la part d’un client, la déci-
pas uniquement sur une séparation. Nous sion d’engager ou non la division services
croyons avec d’autres auteurs que celle-ci du groupe ou un intégrateur concurrent, ou
s’accompagne dans tous les cas d’une action bien encore une combinaison des deux,
intégratrice et dialectique (De Rond et Bou- doit être fondée sur l’évaluation de la situa-
130 Revue française de gestion – N° 176/2007

Figure 1
UNE PERSPECTIVE INTÉGRATRICE DE LA GESTION DE LA COOPÉTITION

tion plutôt que sur un ensemble de règles plus haut. L’arbitrage a posteriori peut ainsi
fixes. » (extrait d’un guide sur la coopétition dans certains cas pallier les problèmes créés
d’un leader du secteur). par les dispositifs mis délibérément en
Chacun de ces dispositifs comporte des place (figure 1). Cette dernière proposition
avantages et des inconvénients et ne peut mériterait tout particulièrement d’être
être mis en place de manière unique et défi- confirmée lors de prochaines recherches en
nitive. Aussi, les modalités de la coopéti- mettant davantage l’accent sur le caractère
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tion correspondent-elles selon nous à un processuel et dynamique des dispositifs mis
processus dynamique pouvant combiner en place.
ces différents dispositifs, ce qui n’avait pas
été mis en évidence jusqu’ici (figure 1). De CONCLUSION
plus, comme l’ont souligné Vlaar et al.
lorsqu’ils ont étudié l’impact de la formali- Une meilleure connaissance de la coopéti-
sation sur les relations interorganisation- tion et de ses mécanismes est devenue
nelles (Vlaar et al., 2005), ce processus aujourd’hui stratégique et concerne, à des
aboutit à l’émergence de nouvelles tensions degrés divers, toutes les organisations,
dialectiques. En effet, dans le cas que nous quelle que soit leur taille et quel que soit
avons étudié ici, nous pensons que les leur domaine d’activité. L’objectif de cette
dispositifs pour gérer la coopétition recherche était donc de comprendre com-
conduisent les acteurs à faire face à de nou- ment les organisations gèrent ces relations
velles tensions qui émergent non pas des et comment les individus parviennent à
fonctionnements et dysfonctionnements des maîtriser le paradoxe inhérent à ce type de
logiques propres à la coopétition (Das et pratique. En particulier, notre travail visait
Teng, 2000 ; De Rond et Bouchikhi, 2003), à répondre à un besoin important en
mais des fonctionnements et dysfonction- recherches concernant les préoccupations
nements liés aux dispositifs de gestion. croissantes des firmes du secteur des TIC,
C’est le cas notamment des tensions de plus en plus impliquées dans des rela-
internes et externes que nous avons décrites tions complexes.
Le management de la coopétition 131

À partir des travaux de Bengtsson et Kock Deuxièmement, il serait judicieux de suivre


(1999, 2000), Josserand et Perret (2003) et l’évolution de la coopétition à travers le
d’auteurs développant une approche dialec- temps en analysant l’impact des dispositifs
tique de la coopétition, nous avons mis en mis en place sur l’efficacité de l’alliance :
lumière le rôle des dispositifs organisation- quels sont les impacts en termes de perfor-
nels dans la résolution du paradoxe. En par- mance ? Comment faire évoluer ces dispo-
ticulier, nous avons souligné l’existence de sitifs lorsque la concurrence s’intensifie ?
deux logiques de coordination : une logique Quelles sont les implications des nouvelles
de compartimentage et une logique d’inter- tensions créées par les méthodes de résolu-
nalisation. Ces deux logiques intègrent dif- tion du paradoxe ?
férents dispositifs organisationnels et créent Ces différentes pistes représentent selon
à leur tour des tensions dialectiques (Vlaar nous un programme de recherche exten-
et al., 2005). sible à l’ensemble de la chaîne de valeur
De nombreux points restent toutefois en (R&D, marketing, supply chain, etc.). De
suspens et mériteraient d’être approfondis. plus, les résultats obtenus dans le secteur
Premièrement, une voie d’exploration pos- des technologies de l’information, secteur
sible est relative à l’étude des formes inter- particulièrement avancé sur les questions
médiaires de coordination combinant les de coopétition, pourraient servir de cadre de
logiques et les dispositifs présentés plus référence à d’autres d’industries. Nous pen-
haut. La question est non seulement de sons notamment à l’industrie pharmaceu-
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savoir quelles sont ces formes mixtes, mais tique où la coopétition est devenue un mode
aussi dans quelle mesure et comment les de plus en plus stratégique de développe-
différents dispositifs sont combinés. ment des firmes.

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