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Retour d'expérience
François Meyssonnier, Fana Rasolofo-Distler
Dans Revue française de gestion 2011/2 (n° 211), pages 81 à 92
Éditions Lavoisier
ISSN 0338-4551
ISBN 9782746232693
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Balanced scorecard
et pilotage
de la responsabilité
sociale de l’entreprise
Retour d’expérience
L
e Balanced Scorecard (BSC) fait nons sur la nature du BSC puis nous pré-
partie des nouveaux outils de ges- sentons le débat relatif à une gestion
tion qui se diffusent actuellement conjointe ou des gestions séparées de la
dans les organisations. Dans le champ du performance économique et de la responsa-
contrôle de gestion, c’est une des deux bilité globale. Dans une seconde partie,
innovations majeures des dernières années, nous rendons compte de notre étude de cas
avec la méthode de calcul de coûts Activity portant sur la mise en place d’un système
Based Costing (ABC). Ces deux outils ont de pilotage de la RSE dans une ESH. Après
d’ailleurs parmi leurs concepteurs-promo- avoir présenté le contexte et les enjeux,
teurs le même homme, Robert Kaplan, dont nous décrivons la démarche et les résultats
la contribution à l’instrumentation du de la mise en œuvre de l’outil et nous en
contrôle de gestion est majeure dans la tirons des enseignements.
période récente : l’ABC dans les années
1980 ; le BSC à la fin des années 1990 ; une I – L’INSTRUMENTATION
nouvelle version de l’ABC, le Time Driven DU PILOTAGE
– Activity Based Costing (TD-ABC) à partir DE LA RESPONSABILITÉ
des années 2000. Le BSC a subit au fil du SOCIALE DE L’ENTREPRISE
temps des évolutions non négligeables. Il a 1. Interrogations sur la nature
intégré certaines critiques académiques et du balanced scorecard
pris en compte plusieurs des difficultés ren- Le BSC a été présenté et promu par Kaplan
contrées lors de son introduction dans les et Norton dans de nombreux articles (écrits
entreprises. Son développement a aussi été essentiellement dans la Harvard Business
facilité par la récente montée en puissance Review) et dans plusieurs ouvrages. La pre-
des préoccupations de responsabilité mière version de l’outil date de 1992. À
sociale de l’entreprise (RSE). En effet, cette date le BSC n’est encore qu’une
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ment déclencheur est probablement le fait Toutefois, dans la pratique actuelle, der-
que l’outil se présente alors clairement rière l’étiquette balanced scorecard, on
comme un système de pilotage avec au cœur distingue trois réalités bien différentes
de son fonctionnement les chaînes de causa- (Choffel et Meyssonnier, 2005). Il peut
lités entre les indicateurs des différents axes. s’agir d’un simple levier de communica-
Un fait parmi d’autre atteste que c’est bien tion externe de l’entreprise montrant aux
cet élément qui est décisif dans le succès du parties prenantes, dans un document de
BSC. Le BSC est connu en France sous le synthèse multidimensionnel, comment
nom de « Tableau de bord prospectif » leurs préoccupations sont prises en
(Kaplan et Norton, 1998). Contrairement à compte. Cela peut être un outil de repré-
ceux qui voient dans ce titre une trahison par sentation stratégique utilisé par l’équipe
rapport à l’appellation anglo-saxonne origi- de direction pour formaliser, dans une
nelle et plaident pour une traduction littérale carte cognitive collective, une vision par-
de la terminologie anglo-saxonne en tagée des facteurs clés de succès et des
« Tableau de bord équilibré », on peut consi- chaînes d’implications qui permettent leur
dérer que cette traduction souligne bien la réalisation. Enfin, cela peut représenter un
nouveauté de l’outil pour les utilisateurs véritable système de pilotage, complémen-
francophones. Nous connaissions déjà bien taire ou alternatif aux budgets (dans ce
les tableaux de bord « à la française », équi- dernier cas il peut permettre la gestion
librés entre les intérêts des acteurs internes sans budgets).
ou des partenaires externes de l’organisa- Ce n’est que dans sa forme de système de
tion. L’apport fondamental du BSC réside pilotage que le BSC relève vraiment du
donc principalement dans l’importance contrôle de gestion et qu’on s’appuie sur
accordée aux liens de causalité qui mènent lui pour animer l’organisation, faire
depuis la réalisation d’objectifs physiques converger les comportements, évaluer les
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Les deux activités principales du groupe des résultats économiques durables par la
sont le « développement immobilier » et la préservation de l’environnement (système
« gestion locative ». Le développement de production de chaleur économe, système
immobilier est caractérisé par des actions d’isolation renforcée, système hydro-éco-
de création de patrimoine (constructions nome, etc.) et par le renforcement du lien
neuves, acquisition-amélioration ou crois- social (chantiers confiés à des associations
sance externe) et de renouvellement du d’insertion, implication dans les manifes-
patrimoine existant (restructuration et réha- tations culturelles ou sportives de quar-
bilitation). La deuxième activité, de gestion tier, etc.). Le groupe s’inscrit également
locative, est caractérisée par des tâches de dans une démarche de développement
location du patrimoine et de gestion des durable se concrétisant par des opérations
relations avec les locataires. La préoccupa- « haute qualité environnementale ».
tion sociétale de l’entreprise apparaît au tra- Pour fidéliser ses locataires, le groupe mise
vers de deux orientations stratégiques du sur une logique d’amélioration continue des
groupe : « Assurer un logement aux per- services offerts. C’est le rôle du département
sonnes les plus fragiles » et « Agir sur l’en- « activité locative et relation client ». L’ob-
vironnement ». Par l’orientation stratégique jectif fixé est d’atteindre un taux de satisfac-
« Assurer un logement aux personnes les tion des clients supérieur à 80 %. Pour ce
plus fragiles », l’entreprise poursuit deux faire, le groupe a mis en place différents dis-
objectifs : construire 60 logements dits positifs comme le décrit un haut respon-
« très sociaux » par an (objectif sous la res- sable : « Nous avons déployé un nouveau
ponsabilité du département « développe- référentiel service : il s’agit de 55 engage-
ment immobilier ») et accompagner les ments regroupés dans sept domaines. Nous
familles en grande difficulté dans leur avons commencé par réunir les équipes par
démarche d’accès au logement (objectif métiers (les hôtesses d’accueil, les chargés
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MÉTHODOLOGIE
Notre étude de cas a été réalisée dans le cadre d’une bourse CIFRE au sein du Groupe Bati-
gère. La méthodologie mobilisée est celle de la recherche-intervention avec comme objectif
la production de connaissances à la fois scientifiques et utiles à l’action (David, 2000). La
recherche-intervention que nous avons menée a des visées descriptives et explicatives mais
également opératoires. Plusieurs sources d’information ont été mobilisées pour la collecte de
données au sein de l’entreprise d’accueil (étude de documents, observation participante et
entretiens avec les acteurs) tout au long du processus de conception et de mise en œuvre des
outils de pilotage.
Balanced scorecard et pilotage de la RSE 87
teurs de notre qualité de service. Nous nous cières contribue à la fidélisation du person-
sommes dotés d’outils de mesure : baromètre nel et à la maîtrise du turn-over ce qui per-
de satisfaction annuel, enquête mensuelle met de garder les compétences au sein de
nouvel entrant et enquête mensuelle SAV. l’entreprise.
Enfin, nous avons mis en place un dispositif Afin de déployer cette stratégie de dévelop-
d’écoute téléphonique pour mesurer la qua- pement durable, la direction du groupe a
lité de notre accueil téléphonique. ». Le réfé- opté pour la conception d’un système de
rentiel décline les sept dimensions identi- tableaux de bord. Il est composé d’un
fiées des rapports aux locataires : « l’accueil, tableau de bord stratégique de suivi annuel
l’écoute, l’information, le logement, la des orientations stratégiques (le SAOS) et
demande, l’intervention, le délai ». de quatre tableaux de bord opérationnels
L’approche processus mise en œuvre au regroupés dans un suivi des activités men-
sein du groupe s’intègre dans la démarche suelles (le SAM).
de certification de la qualité ISO 9001. Elle
2. Construction d’une représentation
comporte cinq processus principaux :
stratégique partagée : le SAOS
– le processus « location » de l’accueil du
client jusqu’à la résiliation de son bail de L’outil de pilotage stratégique (SAOS) est
location et la réattribution du logement à un fondamentalement un Sustainability Ba-
autre client ; lanced Scorecard (SBSC). Les objectifs du
– le processus « vie dans le logement » de plan stratégique ont été déclinés suivant
maîtrise des ratios budgétaires de mainte- cinq axes : perspective financière, perspec-
nance mais également de respect des délais tive client, perspective processus interne et
d’intervention en réponse aux demandes perspective apprentissage ainsi qu’une cin-
des locataires ; quième perspective relative à l’aspect socié-
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3. Mise en place d’un système de pilotage les fonctions opérationnelles (le SAM-
opérationnel : le SAM développement immobilier et le SAM-acti-
Les tableaux de bord opérationnels servent, vité locative et relation client) et deux
eux, d’outil de pilotage aux managers des autres volets sur les fonctions supports (le
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