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Regards croisés sur la confiance organisationnelle

« Question(s) de Management » a proposé à des praticiens, experts et


universitaires de répondre à la question suivante : Comment les
organisations peuvent-elles aujourd'hui développer le sentiment de
confiance organisationnelle chez leurs sala
Dans Question(s) de management 2014/4 (n° 8), pages 83 à 102
Éditions EMS Editions
ISSN 2262-7030
DOI 10.3917/qdm.144.0083
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Regards croisés sur
la confiance organisationnelle

« Question(s) de Management » a proposé à des praticiens, experts et universitaires de répondre à la


question suivante :
Comment les organisations peuvent-elles aujourd’hui développer le sentiment de confiance
organisationnelle chez leurs salariés ?

Jean-Pascal ARNAUD, David AUTISSIER, Nicole BARTHE, Chafik BENTALEB, Charles-Henri BESSEYRE
des HORTS, Nadédjo BIGOU-LARE, André BOYER, Martine BRASSEUR, Dupin CHETCHOUA KAMYAP,
Richard DELAYE, Corinne FORASACCO, Anne-Marie FRAY, Jean-Michel GARRIGUES, Alexandre
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GUILLARD, Bernard GUILLON, Mohamed HASSAN, Jacques IGALENS, Michel JORAS, Emmanuel
KAMDEM, Wafa KHLIF, Yves LE BIHAN, Bernard LEVEQUE, Hubert LANDIER, Jacques ORSONI, Yvon
PESQUEUX, Jean-Michel PLANE et Maurice THEVENET ont apporté leurs réponses.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 / 83


Regards croisés

L’entreprise se trouve confrontée en son sein et dans son environnement à des aspirations fondées
sur d’autres logiques que celles de l’économie et de la technique. Les grandes activités de la GRH
articulent des éléments de culture d’entreprise et des éléments de gestion par la qualité. Le manager
est créateur de mythes et de valeurs. Il favorise l’émergence de symboles autour desquels, les salariés,
enthousiastes, se mobilisent pour la performance. A ces grands axes, s’ajoutent des considérations
éthiques, écologiques et des propositions de modes de gestion visant la cohésion, l’équité, la
complicité, l’esprit d’initiative et la créativité à travers la « valorisation des ressources humaines ». La
confiance constitue l’un des facteurs les plus fortement corrélés à la mobilisation et à la performance
des collaborateurs. La diversité et la richesse des regards croisés rassemblés dans ce numéro ouvrent
de nombreuses pistes de réflexions pour accompagner le développement du sentiment de confiance
organisationnelle au sein des entreprises.
Selon Jacques IGALENS, la confiance est une dimension essentielle dans la relation tissée entre
l’organisation et les consommateurs ainsi que les collaborateurs. Ces rapports de confiance peuvent être
organisés par le management. Dans cette optique, Maurice THEVENET suggère de travailler d’abord
sur des compréhensions et références communes. Ensuite, il s’agit de renforcer en permanence la
qualité et l’authenticité des relations interpersonnelles. Enfin, il est crucial de ne pas sous-estimer que
la confiance passe prioritairement par les comportements dont chacun est responsable. Pour Charles-
Henri BESSEYRE DES HORTS, quatre leviers peuvent être utilisés pour développer le sentiment de
confiance organisationnelle chez les salariés : - l’adéquation entre valeurs affichées et applications ;
- l’augmentation de la place des qualités personnelles et relationnelles lors des recrutement ;
- l’identification et la reconnaissance les collaborateurs qui font confiance ; - le développement par les
actions menées dans les domaines de la formation et de la gestion des carrières. Martine BRASSEUR
insiste sur les conséquences de l’absence de confiance. Elle souligne que la confiance est un besoin de
l’individu et des collectifs qui, s’il n’est pas satisfait, est une source de mal-être et même de souffrance
au travail.
Pour Yvon PESQUEUX, une société de confiance renvoie au respect et la dignité, par opposition à
une société de défiance où le ressentiment se substitue au sentiment de confiance. Cette définition
repose sur le sentiment de sécurité et l’idée de continuité. Jacques ORSONI présente l’importance de
la compréhension dans les mécanismes de la confiance. Pour que le collaborateur ait confiance dans
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son organisation il faut donc qu’il la «comprenne» et qu’il perçoive la fiabilité des procédures. Il doit
également «se sentir spontanément en confiance » avec certains membres de l’organisation. Jean
Michel PLANE suggère qu’au sein des organisations, il convient de susciter de la confiance auprès de
toutes les catégories de salariés confrontés à des univers de plus en plus imprévisibles et incertains. En
créant de la confiance en l’avenir de l’entreprise mais aussi en son mode de management des hommes,
la fonction RH gagnera en légitimité.
Nadédjo BIGOU-LARE s’interroge sur les pratiques permettant de développer chez leurs salariés le
sentiment de confiance organisationnelle. Il distingue les pratiques de participation, de communication,
d’empowerment et les pratiques de rémunération et de justice organisationnelle en insistant sur la
trame culturelle. Mohamed HASSAN, considère que la proximité et la communication des dirigeants
sont essentielles pour favoriser l’émergence du sentiment de confiance. Wafa KHLIF souligne que la
confiance est avant tout un phénomène de réduction de l’incertitude. Le climat de confiance ne peut
pas être impulsé dans un environnement ou les individus se sentent « exploités » et/ou « manipulés.
C’est à travers la juxtaposition de deux variables, le rationnel et l’émotionnel, que vont s’articuler
différentes formes de confiance complémentaires et non alternatives, allant de la facette opportuniste
à la facette éthique et morale de la confiance. Pour André BOYER, la confiance s’organise autour de
la communication, de l’action et du développement des compétences et carrières. Michel JORAS
valorise l’importance des engagements partagés de « comportements éthiques » pour le respect de
« responsabilités universelles ». Anne Marie FRAY estime que la confiance ne se décrète pas : elle se
construit dans l’organisation. Il faut donc accompagner les salariés dans un processus d’accommodation
réciproque.
Selon David AUTISSIER, c’est l’adéquation entre la promesse et les résultats dans le temps qui favorise
un sentiment de confiance. Cette manière d’envisager la confiance reprend le thème de la coopération.
Emmanuel KAMDEM et Dupin CHETCHOUA KAMYAP s’intéressent à la confiance analysée sur le
versant du lien entre l’individu et l’organisation. En s’appuyant sur l’étude du cas de la filiale camerounaise

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d’une entreprise multinationale (Corlay Cameroun S.A.) les auteurs cherchent à comprendre comment
cette dernière a réussi à construire la confiance organisationnelle et interpersonnelle au cours des cinq
dernières années (2009-2014). Bernard GUILLON suggère de combiner la confiance organisationnelle
avec la notion de risque. Des enjeux se juxtaposent comme la mesure des attentes, la participation,
la négociation, la compréhension du stress… et le budget. Jean-Michel GARRIGUES démontre
l’importance de l’adéquation entre les discours et les actions pour garantir la crédibilité de la marque –
employeur.
Jean Pascal ARNAUD, considère que la confiance est une croyance en quelqu’un, en une institution.
Toute organisation peut développer ce sentiment de confiance à partir de trois axes : - clarifier sa
proposition en tant qu’institution ; - décliner, sur des horizons temporels cohérents, ses moyens,
ressources et objectifs ; - définir, au niveau de chaque salarié, son implication dans l’organisation.
Hubert LANDIER affirme que la confiance, c’est la possibilité de pouvoir compter les uns sur les autres.
Cela suppose de bien se connaître et, en vue d’atteindre l’objectif qui réunit le groupe, des possibilités
d’initiatives qui aillent au-delà des prescriptions imposées par les procédures ou les directives. Or, cela
est loin d’aller de soi. Les audits de climat social sont l’occasion de pointer tous ces petits détails qui
fâchent. Corinne FORASACCO présente différents outils et démarches qui facilitent le développement
de la confiance organisationnelle. Il s’agit du co-développement et du mentoring. Pour Nicole BARTHE,
la confiance passe par une « considération ressentie », de l’Humain dans l’organisation qui constitue
pour l’individu, sa propre perception, sa propre représentation du signal transmis par l’organisation
en termes de rôle, de statut, de reconnaissance du travail accompli... Chafik BENTALEB souligne le
rôle des managers dans le développement du « capital confiance ». Il s’agit d’entretenir dans l’esprit
des salariés un sentiment de justice et d’équité, ce qui veut dire que les salariés ne doivent à aucun
moment ressentir un déséquilibre entre leurs contributions au niveau du rendement et de l’implication
et la manière dont l’entreprise rétribue leurs efforts et résultats. Yves LEBIHAN valorise le rôle du
leader positif sur le maintien de la confiance des collaborateurs. Les recherches en psychologie positive
suggèrent quelques pistes intéressantes. Alexandre GUILLARD et Bernard LEVEQUE insistent
également sur l’influence du leader. C’est à lui de créer les conditions d’expression des valeurs
identitaires, gage d’un lien de confiance renforcé. La confiance dans l’entreprise semble se construire
par la preuve, l’expérience partagée et non par les grandes déclarations d’intention. Richard DELAYE
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termine ces regards croisés en nous rappelant que la confiance tisse et entretient le lien qui donne sens
à la relation.

Soufyane FRIMOUSSE
Rédacteur en chef adjoint

Jean-Marie PERETTI
Rédacteur en chef de « Question(s) de management »

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Regards croisés

La confiance organisationnelle et les salariés


Jacques IGALENS, Professeur des universités. Directeur / Dean Toulouse Business School
Toute la vie des hommes, dans tous les domaines de l‘existence, est fondée sur la confiance, à savoir
sur la croyance que ce que dit quelqu’un est vrai, donc solide. Sans confiance, le soupçon s’installe,
les rapports humains se délitent et c’est le beau mot de vérité qui perd tout sens. Dans le monde
des organisations et plus particulièrement dans celui des entreprises, la confiance du consommateur
envers les promesses et les produits de la firme est une condition nécessaire pour que s’établisse
entre l’entreprise et ses clients des rapports durables et fructueux, bref une situation de gagnant-
gagnant. Il en va de même pour ce qui touche aux rapports entre l’entreprise et ses collaborateurs.
Ces rapports de confiance peuvent être organisés par le management en vue de sécuriser et de
motiver les hommes et les femmes qui travaillent dans l‘organisation. Un tel projet semble être
d’autant plus d’actualité que de nombreuses études indiquent que plus de la moitié des employés
n’ont pas confiance en l’organisation. C’est donc à un travail de construction complexe et long auquel
doivent se consacrer les manager pour gagner cette confiance des collaborateurs. Les principales
pièces du projet sont : - la compétence reconnue de la hiérarchie, - la bienveillance du supérieur
envers ses subordonnés, - la vérité dans les rapports interpersonnels.

Les conditions nécessaires au développement du sentiment


de confiance
Maurice THEVENET, Professeur au CNAM et à ESSEC Business School
Développer un sentiment de confiance requiert de la part de l’organisation d’être ce qu’elle est, de
jouer pleinement son rôle et d’éviter de trop vouloir en sortir. Celui-ci est avant tout d’offrir un lieu
de collaboration, de travail ensemble, autour d’une activité commune. Ceci posé, trois idées peuvent
lui permettre de remplir quelques conditions nécessaires de ce sentiment de confiance. La première
consiste à travailler d’abord sur des compréhensions et références communes avant de rêver à des
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consensus. Celles-ci doivent concerner en priorité le cœur de l’activité qui réunit les personnes au
sein de l’organisation. La deuxième consiste à renforcer en permanence la qualité et l’authenticité des
relations interpersonnelles. Celles-ci, verticales ou transversales, constituent une facette essentielle
de l’expérience de travail. Pour cela, encore faut-il ne pas imaginer que la règle, le contrat ou les
structures peuvent nous en exonérer. La troisième invite à ne pas sous-estimer que la confiance passe
prioritairement par les comportements dont chacun est responsable avant de vouloir en abandonner
l’objectif à des règles et des systèmes qui ne pourront jamais fonctionner de manière désincarnée.

Les leviers de la confiance


Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS, Professeur, HEC Paris
Quatre leviers, parmi d’autres, peuvent être utilisés pour développer le sentiment de confiance
organisationnelle chez les salariés. Le premier de ces leviers est celui des valeurs qui doivent
être en cohérence totale avec la volonté affichée par l’entreprise de développer la confiance. La
responsabilité des dirigeants est alors de garantir cette cohérence en insistant particulièrement sur la
nécessité pour les collaborateurs, quel que soit leur niveau de responsabilité, de pouvoir « vivre » ces
valeurs. Rien n’est plus dommageable que les valeurs affichées ne soient pas perçues comme étant
appliquées dans le quotidien vécu par les individus dans l’entreprise. Le deuxième levier est celui
du recrutement en donnant plus de poids aux qualités personnelles et relationnelles des candidats
favorisant la confiance. Une entreprise comme SAS Institute, qui obtient depuis plusieurs années
aux États-Unis la place enviée de n°1 ou de n°2 (derrière Google) dans le classement «Great Place to
Work», met au premier rang des critères de recrutement la capacité des individus à faire confiance. Il
est impensable dans cette entreprise de recruter des profils de personnes qui ne font pas confiance
quelle que soit, par ailleurs, l’excellence de leur compétences techniques. Le troisième levier est celui

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du management de performance qui doit pouvoir identifier et reconnaître les collaborateurs qui font
confiance. L’évaluation de la performance, tout d’abord, doit comporter des critères, faisant référence
à la confiance, qui mesurent les comportements et les résultats obtenus dans l’atteinte des objectifs
annuels. La rétribution de la performance, ensuite, doit pouvoir montrer des différences visibles dans
l’atteinte de ces objectifs en fonction des critères de confiance. Ici, plus qu’ailleurs, la question de
l’exemplarité est posée puisque les collaborateurs seront particulièrement sensibles au fait que leurs
dirigeants soient évalués et rétribués en fonction des valeurs affichées. Le quatrième levier pour
renforcer le sentiment de confiance organisationnelle est évidemment celui du développement par les
actions menées dans les domaines de la formation et de la gestion des carrières. En tant que pratique
privilégiée de transmission et de partage des valeurs, la formation doit être considérée comme un
levier majeur de transformation des mentalités individuelles et collectives vers plus de confiance.
Mais il faut reconnaître que l’impact de la formation sera faible si les autres leviers ne sont pas activés
et en particulier celui de la gestion des carrières. Sur ce dernier point, en effet, une gestion proactive
des carrières favorisant la confiance est certainement l’un des leviers les plus puissants en raison de
la visibilité des parcours professionnels et surtout de leur caractère symbolique.

Les enjeux de la confiance


Martine BRASSEUR, Professeur des universités, université Paris Descartes, Sorbonne Paris
Cité
La confiance est un besoin de l’individu et des collectifs qui, s’il n’est pas satisfait, est une source de
mal-être et même de souffrance au travail. Les situations de défiance profonde, continue, généralisée
et durable compromettent la performance des organisations. Elles représentent aussi des facteurs de
risques psychosociaux. Bousculant la pyramide de Maslow, la confiance représente en effet à la fois
un besoin physiologique et psychologique de sécurité et un besoin d’appartenance et d’intégration
sociale. Le caractère insupportable du manque de confiance dans les relations professionnelles permet
en partie de comprendre pourquoi des personnes responsables et éclairées, dont les logiques d’action
se veulent raisonnables et rationnelles, se retrouvent aveuglées dans leur jugement et peuvent prendre
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des risques inconsidérés par excès de confiance. Si la confiance appelle un acte managérial, il passe
par l’abandon des vaines injonctions illusoires du type « faisons-nous confiance !» pour permettre aux
entreprises d’assurer à leurs salariés un environnement où « donner sa confiance » même à tort, ne
puisse pas mettre en péril les personnes ou l’activité collective. Assurer la sécurité au travail, c’est
intégrer les enjeux de la confiance et ses possibles répercussions négatives pour mieux la protéger.

La relation d’emploi au cœur du sentiment de confiance


organisationnelle
Yvon PESQUEUX, Professeur titulaire de la Chaire « Développement des Systèmes
d’Organisation », CNAM
Il est couramment fait référence à la confiance comme référence ultime en sciences sociales mais
cette référence bute sur une définition de la notion et de son rôle. Rappelons l’assertion que développe
F. Fukuyama dans son ouvrage Trust : The Social Virtues and the Creation of Prosperity1 selon laquelle
la confiance serait un facteur central dans le développement des organisations de grande taille. La
confiance diminuerait le contrôle formel, ses pesanteurs et son coût. La première remarque est que
nous avons bien ces organisations de grande taille et que la confiance y a joué (et y joue) un bien faible
rôle. Rappelons aussi la place centrale qu’accorde A. Giddens à la confiance au regard de la figure
de l’entrepreneur qu’il marque comme fondatrice de la modernité2. Il définit la confiance comme
un sentiment de sécurité justifié par la foi en la fiabilité d’une personne ou d’un système abstrait, la
référence au sentiment contenant l’idée de continuité. Une société de confiance aurait donc quelque

1 F. Fukuyama, Trust : The Social Virtues and the Creation of Prosperity, Free Press, New York, 1994
2 A. Giddens, Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994

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Regards croisés

chose à voir avec le respect et la dignité, par opposition à une société de défiance où le ressentiment
se substitue au sentiment de confiance. Il y est question de décodage du comportement des autres
au regard de signes de bonne volonté réciproque si ces signes sont acceptés par l’un et par l’autre.
Cette définition qui repose sur le sentiment de sécurité et l’idée de continuité est essentielle pour
ce qui nous concerne ici : les modalités de la relation d’emploi et sa continuité de la relation sont des
ingrédients majeurs d’un sentiment de confiance organisationnelle.

Comprendre la confiance
Jacques ORSONI, Professeur émérite à l’université de Corse
Face à la complexité la coopération est une nécessité et l’une des bases de la coopération c’est la
confiance. La confiance au sein des organisations, confiance organisationnelle, provient de plusieurs
sources. Selon Zuker (1), Professeure à UCLA, elle peut provenir : - de la structure formelle , de la
clarté et de la transparence des décisions et on peut, à ce niveau, rattacher également ce qui relève
de l’équation personnelle des hauts dirigeants, - des politiques et des process mis en place, notam-
ment mais non exclusivement RH, qui s’appuient sur un partage équitable de l’information , bien sûr
ceci suppose la permanence et la régularité, - des normes d’obligation et de coopération trouvant leur
origine dans des caractéristiques que partagent certains collaborateurs (anciens de la même école, de
la même division, membres de la même ethnie, etc.). Pour que le collaborateur ait confiance dans son
organisation il faut donc qu’il la « comprenne », qu’il ait confiance dans ses dirigeants, qu’il perçoive
que les process sont fiables car reposant sur une bonne distribution de l’information et enfin qu’il « se
sente spontanément en confiance » avec certains membres de l’organisation avec lesquels il partage
une caractéristique importante à ses yeux. Il peut arriver que l’une de ces trois caractéristiques do-
mine les autres, dans le milieu du crime la dernière peut l’emporter. Dans certaines organisations un
leader charismatique peut, à lui seul, créer la confiance. Mais en dehors de ces cas extrêmes le bon
conseil consiste à travailler sur ces trois composantes et c’est d’ailleurs la difficulté car elles relèvent
chacune de logiques d’action différentes.
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ZUKER L. G. «Production of Trust: Institutional Sources of Economic Structure, 1840-1920,» Re-
search in Organizational Behavior, 1986, 8: 53-111.

Manager l’implication, le changement et développer la confiance


Jean-Michel PLANE, Professeur, université Paul Valéry, Montpellier
Le contexte d’hypercompétition conduit aujourd’hui à une évolution rapide des organisations, des
métiers et des politiques RH. C’est dans cette perspective que deux nouveaux rôles incombent plus
que jamais au DRH : le management de l’implication et du changement (Ulrich, 1997, Ulrich et al., 2010)
mais aussi le développement de la confiance organisationnelle (Plane, 2000, 2014). Ceci conduit à
considérer en management des personnes (Lawler, Ulrich, 2008) tant le niveau individuel que collectif,
les conditions de travail que la productivité (et parfois même le talent !). Au sein des organisations,
il s’agit bien de susciter de la confiance auprès de toutes les catégories de salariés confrontés à des
univers de plus en plus imprévisibles et incertains. Il y a quelques années, le groupe Schneider a
placé au premier rang de ses priorités stratégiques la nécessité d’une gestion des compétences en
coopération avec les managers d’équipe. C’est dans une perspective similaire que le groupe Usinor a
été l’un des tout premier à avoir mis en place un comité de carrières afin de chercher à faire coïncider
les souhaits d’évolution des salariés et les plans de la direction. Le groupe a également mis en place
depuis quelques années une politique de gestion de ses cadres à haut potentiel afin de développer
leur confiance en l’avenir du groupe et de leur carrière. Dans le même sens, Lafarge propose des
solutions d’expatriation à un cadre sur quatre et tout ceci ne semble être qu’un début.
Pourtant, un dilemme se pose toujours à ces grands groupes : comment fidéliser durablement les
salariés les plus performants dans un contexte de guerre des talents ? Comment éviter le nomadisme

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des cadres en particulier des plus jeunes ayant du talent ? Finalement, comment susciter de la confiance
organisationnelle (Plane, 2014) ? Depuis plusieurs années, les start-up sont devenues un peu pour
les grands groupes ce qu’est le top modèle pour l’adolescente : une figure mythique créatrice de
complexe ! Depuis, le phénomène s’est largement estompé laissant place à davantage de réalisme.
Dans le fond, c’est probablement en créant de la confiance en l’avenir de l’entreprise mais aussi en
son mode de management des hommes que la fonction RH pourra gagner en légitimité. La confiance
organisationnelle est probablement une condition nécessaire à l’implication des personnes au travail ;
elle conduit à reconsidérer les relations managériales probablement autour du concept de « succès
psychologique » cher à C. Argyris et à ses continuateurs contemporains (Lawler et al., 2008, 2012). Par
ailleurs, l’observation des relations d’affaires suggère que la confiance joue bien un rôle important par
delà la poursuite des intérêts égoïstes. En fait, c’est souvent dans un environnement de confiance que
les relations commerciales produisent les plus grands bénéfices pour les acteurs économiques. On le
sait notamment depuis que l’économie contemporaine et le business forcent les acteurs à être des
innovateurs ce qui implique une grande confiance en soi (confidence). Finalement, qu’est-ce qui fait le
lien entre confiance organisationnelle et croissance économique ? La première explication est liée à la
présence d’une forte densité d’agents qui se font confiance (trust). La deuxième explication est qu’il
y a inévitablement beaucoup de communications, de réseaux relationnels ; la troisième, un certain
degré de diversité. La dernière explication qui peut être avancée est l’intensité de l’engagement et de
l’implication au travail suscité par l’espérance de réussite. Force est de reconnaître que les acteurs des
organisations sont généralement très motivés par le système d’intéressement de l’entreprise (Wood,
1999). En définitive, notre conviction est que la confiance organisationnelle semble dépendante de
l’existence de codes et de conventions. Dans cette optique, elle sera renforcée ou diminuée selon
que les acteurs observeront une conformité avec les normes sociales de comportement. Finalement,
la confiance comme processus source de progrès prend deux formes en synergie : trust (la confiance
inter-organisationnelle et interpersonnelle) et confidence (la confiance en soi). Le management de la
confiance organisationnelle peut aussi conduire à la considérer comme un actif intangible probablement
source de good will. En France, on peut prendre l’exemple de la Fnac qui cherche depuis plusieurs
années déjà à passer d’un marketing transactionnel à un marketing relationnel. Objectif affiché :
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nouer avec les clients des relations moins anonymes, des relations partenariales de long terme. Une
telle logique vise la fidélisation à long terme du client. Cette démarche s’oppose à la logique de
conquête par des ventes isolées à plus court terme. Chercher à avoir des clients relationnels, c’est
nouer des liens plus étroits, plus constants et plus personnels entre l’entreprise et ses clients. Par
un portefeuille de produits renouvelé, la Fnac s’efforce de développer la confiance chez ses clients.
Dans une perspective similaire, le même raisonnement peut être appliqué aux salariés ; celui-ci peut
être probablement renforcé par une logique d’organisation apprenante au sein de laquelle il convient
« d’apprendre à apprendre » mais aussi « d’apprendre à désapprendre » (Guthrie et al., 2002). Créer un
sentiment de confiance durable en l’avenir de l’entreprise est l’un des principaux objectifs stratégique
depuis plusieurs années maintenant. Ce mouvement trouve son aboutissement à la fois dans le
développement de politique de « marque employeur » afin de renforcer l’attractivité et la fidélisation
des salariés (l’image de l’entreprise) mais aussi dans le CRM (Customer Relationship Management),
c’est-à-dire le management de la relation avec le client. Au total, de nombreuses situations de gestion
et de nombreux cas d’organisations variés montrent bien dans quelle mesure le management de
la confiance est un enjeu pour les firmes qui sont engagées dans une stratégie de développement
organisationnel.

Références bibliographiques
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neur de Jean-Marie Peretti, Paris, EMS, pp. 137-150.
TICHY N., FOMBRUN C., DEVANNA M., (1982), « Strategic Human Resource Management », Sloan Review
Management, Vol. 23, N° 2, pp. 47-61.
ULRICH D., BROCKBANK W. (2010), Création de valeur pour l’entreprise, Bruxelles, De Boeck.
ULRICH D. (1996), Human Resources Champions, Harvard Business School Press.
WOOD S. (1999), « Getting the Measure of the Transformed High-Performance Organization », British Jour-
nal of Industrial Relations, vol. 37, no 3, pp. 391-417.
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Les outils pour développer la confiance organisationnelle
Nadédjo BIGOU-LARE, Professeur, université de Lomé, Togo
La confiance au sein des organisations a toujours été une préoccupation cruciale pour les dirigeants
surtout par rapport à son rôle dans l’implication organisationnelle des salariés (Amara et Bietry,
2008). Selon Matthai (1989), la confiance organisationnelle est le « sentiment qui amène l’employé
à penser que son organisation viendra à son aide en cas d’incertitude » (ce qui s’assimile à). Il paraît
légitime de s’interroger sur les outils permettant de développer chez leurs salariés ce sentiment de
confiance organisationnelle. Deux catégories de pratiques sont souvent évoquées : les pratiques de
participation, de communication, d’empowerment d’une part, et les pratiques de rémunération et de
justice organisationnelle d’autre part. Outre ces outils classiques largement étudiés par les chercheurs,
l’environnement des affaires caractérisé par une facilité de mobilité des personnels, recommande
la prise en compte des aspects culturels dans la mise en œuvre de ces outils afin de garantir leur
efficacité. Il s’agit essentiellement de l’environnement culturel de l’employé : son origine ethnique,
ses valeurs et croyances (Weber, 1930 ; North, 1990). Pour développer la confiance organisationnelle
chez leurs salariés, les organisations doivent non seulement utiliser les outils traditionnels reconnus
mais elles doivent également prendre en compte l’environnement culturel dans lequel elles évoluent.

Références bibliographiques
Amara M. Z., Bietry F., 2008, « Le développement de l’implication organisationnelle par la confiance : applica-
tion au contexte tunisien », Actes du Congrès de l’AGRH.
North D.C., 1990, Institutions, Institutional Change and Economic Performance. Cambridge University Press,
Cambridge.
Weber M., 1930, The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, Harper Collins, New York.

90 / Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 © Éditions EMS


Proximité et communication pour obtenir la confiance
Mohamed HASSAN, Professeur à l’ISSAT et à l’université IUST, Damas, Syrie
En vue de surmonter le manque de confiance entre les employés et la direction de l’entreprise,
la direction devrait générer une atmosphère dans laquelle les employés se sentent proches
d’elle et compris par celle-ci. Pour achever cela, les dirigeants doivent changer leurs esprits et
humours, aussi bien que leur façon de traiter les employés. Des efforts sérieux devraient être
appliqués pour connaitre les employés et savoir dialoguer avec eux. Les dirigeants devraient
essayer de se mettre dans la situation de chaque employé pour pouvoir le comprendre, sans
arrogance et avec éducation. La proximité et la communication sont des traits essentiels dans la
personnalité du superviseur ; le superviseur direct devrait apprécier le travail bien fait et devrait
écouter les employés, pour que la confiance entre eux s’accroisse et qu’elle pourrait s’étendre
aux relations avec la direction. Les différences statutaires seraient réduites par l’approchement
des bâtiments de bureaux auprès des employés, l’encouragement de l’utilisation de la cafétéria,
et en encourageant que le employés pourraient d’une manière ou d’une autre personnaliser ces
services.

La confiance : un phénomène de réduction de l’incertitude


Wafa KHLIF, Professeure, Toulouse Business School, campus Barcelone
La confiance est avant tout un phénomène de réduction de l’incertitude. Afin de mieux lire et
gérer les comportements de leurs salariés, plusieurs organisations tentent le développement
exogène et uniforme d’une confiance par le biais de discours et de règles. Souvent ces tentatives
sont vouées à l’échec simplement à cause de deux éléments fondamentaux : 1/ la définition de
l’organisation et 2/ la cohérence entre la stratégie et les discours et les attentes. Le premier
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point renvoie à l’importance de la représentation de l’organisation comme entité indépendante
de ces ressources, principalement financières. L’organisation n’appartient qu’a elle-même et
ne peut donc ajuster son action sur les besoins d’une partie prenante. Souvent, l’organisation
est considérée propriété de ses bailleurs de fonds créant ainsi une convergence malsaine entre
les intérêts de ces derniers et sa viabilité (et donc mission). Le climat de confiance ne peut
donc pas être impulsé dans un environnement ou les individus se sentent « exploités » et/ou
« manipulés ». Le second point met en avant l’importance de l’alignement entre une stratégie
formelle, une communication multidirectionnelle et les attentes des acteurs organisationnels.
Cet alignement favorise la juxtaposition du rationnel et de l’émotionnel, deux variables
articulant toute relation de confiance. Comme la confiance est un état fondamentalement
psychologique multidimensionnel, l’organisation axe le développement de ce « sentiment »
sur une dimension foncièrement émotionnelle. Cette forme n’est pas conditionnée par un
espace spécifique mais se développe ou se rétracte dans une dimension temporelle par le jeu
de la réciprocité. Mais la confiance peut prendre également base dans l’intérêt ou la cognition.
La confiance, impulsée dans ces conditions, résulte soit d’un calcul rationnel opportuniste soit
d’une expertise reconnue. Cette forme a l’avantage d’éviter une confiance aveugle ou non
fondée pouvant mener à des comportements abusifs. Par contre, elle extrait l’individu de son
contexte social et culturel. C’est à travers la juxtaposition de l’une et de l’autre de ces deux
variables, le rationnel et l’émotionnel, que vont s’articuler différentes formes de confiance
complémentaires et non alternatives, allant de la facette opportuniste à la facette éthique et
morale de la confiance. Munie de ces éléments, l’organisation comprend qu’il ne peut y avoir
une façon universelle de construire une atmosphère de confiance en son sein. Plus, c’est une
variable continue et dynamique qui se transforme, dans le temps et dans l’espace, par des
ajustements continus et relatifs aux informations collectées par les parties engagées dans la
relation.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 / 91


Regards croisés

La fine fleur de la confiance


André BOYER, Professeur, université de Nice
La confiance est un concept central en gestion. Elle s’organise autour de la communication (vraie,
absente ou fausse) et de l’action (clarté, objectifs). Ces deux dimensions devraient être prises
en compte. Peu d’organisations peuvent garantir la pérennité de l’emploi, mais elles peuvent
permettre aux employés de s’adapter aux changements. La confiance, aujourd’hui, passe plus
particulièrement dans la formation et les plans de carrière, ainsi que la transparence financière de
l’entreprise.

Ethique et confiance
Michel JORAS, vice-Président de l’Académie de l’Ethique et de l’IAS
Dans notre monde qui se globalise et se numérise, la question posée trouble tout regard,
perdu dans ce cyberespace qui, brisant les unités passées d’espace et de temps, amalgame vies
professionnelles, citoyennes et privées. La question posée évacue les contrefaces des activités
humaines : aujourd’hui et demain/organisations et communalités réseaux/ développer et maitriser/
sentiment et réalité/confiance et assurance/salariées et partis prenantes. Le « comment » d’un
croisé de l’académie de l’éthique s’écrit : valoriser, soutenir des engagements partagés de
« comportements éthiques » pour le respect de « responsabilités universelles », pilier d’un droit
international (global law!)
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La confiance ne se décrète pas
Anne Marie FRAY, professeure, ESCEM Tours
La confiance ne se décrète pas : elle se construit dans l’organisation à travers un processus
reposant sur la confiance « calculée », fondée sur une anticipation rationnelle de l’action
d’autrui (contrat, délégation, contrôle), la confiance « dérivée des institutions » (représentation
des comportements commune à tous les acteurs d’un même jeu économique), et la confiance
reposant sur la relation personnelle (parce que c’était lui, parce que c’était moi…). Mais si le
sentiment de confiance repose sur ces bases nécessaires, il se pérennise dans une approche
contingente dans laquelle divers facteurs contribuent à son développement : un renforcement
positif, moins pavlovien que stimulant ; une acceptation de l’échec comme source d’apprentissage,
une foi dans l’investissement en capital humain, un échange social favorable pour les acteurs,
garantissant une relation saine. Car si l’organisation souhaite obtenir l’investissement, la
confiance et l’engagement de ses salariés, elle doit leur donner en retour l’équivalent de ce
qu’ils lui apportent (salaire, formation, développement, reconnaissance, etc…). Or le contrat
psychologique entre l’organisation et le salarié évolue en permanence : par l’arrivée des nouvelles
générations aux besoins différents ; par l’évolution des piliers relationnels (mouvance de la
socialisation individuelle, expériences professionnelles et individuelles multiples, ouverture vers
de nouvelles culture et évolutions des valeurs) ; par l’appropriation de chaque salarié de ses
buts, motivations et objectifs. C’est donc bien en accompagnant les salariés dans un processus
d’accommodation réciproque que l’organisation pourra développer le sentiment de confiance. En
acceptant que le salarié modifie sa relation à l’emploi, non plus sur une perception mais bien sur
une contribution tangible de l’employeur. Mettre en œuvre des outils, processus et relations sur
cette base d’échange est sans doute le nouveau pari de la confiance retrouvée.

92 / Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 © Éditions EMS


La confiance organisationnelle par et pour la coopération
David AUTISSIER, Maître de conférences HDR IAE Eiffel, Directeur de la Chaire ESSEC du
changement
La confiance est un processus historique créé au travers des interactions entre les acteurs de manière
intuitu personae et/ou institutionnelle. Ces occasions de vie au quotidien permettent aux différentes
parties prenantes de se forger une idée de la capacité des autres à réaliser ce qu’ils affirment et
prétendent être et vouloir. L’adéquation entre la promesse et les résultats dans le temps crée un
sentiment de confiance permettant ainsi d’agir de manière plus libre dans un contexte bienveillant.
Cette bienveillance se manifeste par différents signaux forts (le respect des contrats formels et
informels) et faibles (des allusions de méfiance et de défiance) constitutifs d’un environnement de
confiance. La confiance n’est pas innée, elle nécessite que les acteurs interagissent entre eux et
se « jaugent » dans leur capacité à créer de la confiance. Cette manière d’envisager la confiance
reprend le thème de la coopération tel qu’il avait été définit par Simmel. Selon Georg Simmel (Le
Conflit, Circé, 1992), la coopération entre les personnes se manifeste lorsqu’il y a des intérêts
convergents et une appréciation entre les participants. De manière concrète, l’appréciation entre
les membres et la confiance qui en résulte se travaillent par de multiples échanges en relation avec
les pratiques.

La confiance organisationnelle dans une firme multinationale : cas


de Corlay Cameroun S.A.
Emmanuel KAMDEM, Professeur, CÉRAME, ESSEC, université de Douala et Dupin CHET-
CHOUA KAMYAP, Enseignant associé, ESSEC, université de Douala
La vulgarité du vocable confiance, autant dans le langage courant que dans la littérature managériale,
contraste avec la difficulté à lui trouver une acception commune et univoque quel que soit le champ
disciplinaire considéré. Non seulement il existe plusieurs manières de définir la confiance, mais aussi,
elle peut revêtir différentes formes et couvrir des domaines variés : confiance interentreprises ou
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confiance intra entreprise. Lorsqu’elle est intra entreprise, la confiance peut se décliner en fonction
de la nature du lien entre les individus ou alors entre les individus et l’organisation. Dans cet article,
nous nous intéressons davantage à la confiance analysée sur le versant du lien entre l’individu et
l’organisation. Un regard panoramique sur les définitions de la confiance, dans différents champs
disciplinaires, permet de faire un constat majeur (Gambetta, 1988 ; Fukuyama, 1995 ; Peyrefitte,
1995 ; Bernoux et Servet, 1997 ; Thuderoz, Mangematin, Harrisson, 1999 ; Hardin, 2002 ; Luhman,
2006). La confiance est perçue et comprise davantage comme une valeur centrale, un élément
fondamental du fonctionnement des organisations et des sociétés. La confiance peut être un levier
du succès ; même si, ici comme ailleurs, l’excès est à proscrire et la prudence recommandée
(confiance-méfiance).
Ce constat explique l’intérêt des agences spécialisées pour développer et tester des indicateurs
de mesure de la confiance dans la société en générale, et principalement dans les entreprises.
D’autres études s’emploient plutôt à identifier et à décrire les déterminants de la confiance dans les
communautés de travail, en cherchant à isoler les actions les plus importantes qui peuvent servir de
levier à la construction de la confiance. En partant de l’étude du cas de la filiale camerounaise d’une
entreprise multinationale (Corlay Cameroun S.A.) nous nous proposons de comprendre comment
cette dernière a réussi construire la confiance organisationnelle et interpersonnelle au cours des
cinq dernières années (2009-2014).
Corlay Cameroun S.A. est une entreprise de distribution des produits pétroliers, créée en 2009
suite au rachat des actifs de Texaco Cameroun par le Groupe Corlay Global. Texaco Cameroun avait
précédemment hérité des actifs des sociétés Agip Cameroun en 1992 et Shell Cameroun en 2006.
Le moral, l’engagement et l’implication des salariés, voire leur sentiment de confiance ont connu
une dépréciation progressive au cours de ces différentes phases de restructuration. Cette situation
a eu une forte implication sur le comportement des salariés ; en termes de résistance, de défiance,
d’hostilité, de défection. Après d’âpres négociations qui ont abouti en 2006 au rachat des actifs de

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 / 93


Regards croisés

Shell Cameroun par Chevron, par ailleurs actionnaire majoritaire de Texaco Cameroun, la gestion
des deux entités s’est faite séparément jusqu’en 2008. C’est à ce moment que les actionnaires
ont décidé d’opérer la fusion entre ChevronTexaco (ex Shell Cameroun) et Texaco Cameroun
S.A. par dissolution de la première. Au cours des deux années de coexistence des deux entités,
l’entreprise a connu la juxtaposition de deux cultures organisationnelles et de deux systèmes
de valeurs (celle de Shell Cameroun et celle de Texaco Cameroun). Les rivalités entre les deux
groupes d’employés ont subsisté malgré le projet «Harmonie» qui devait permettre, comme son
nom l’indique, d’harmoniser les visions et les pratiques issues des deux organisations. L’objectif
du projet était de mobiliser les atouts des deux entreprises désormais fusionnées.
Pendant que le projet «Harmonie» connaissait des difficultés dans la mise en œuvre, l’entreprise
s’est trouvée engagée dans une nouvelle restructuration consécutive à l’annonce par Chevron de
la mise en vente de ses actifs dans quelques pays d’Afrique de l’Ouest, du Centre et de l’Est. De
longues et difficiles négociations ont été engagées entre les dirigeants de la société, les délé-
gués du personnel et l’État camerounais pour la signature d’un protocole d’accord. Ce dernier
devait entre autres préciser les modalités de départ volontaire pour les salariés qui le désirent
et offrir quelques garanties de protection aux employés qui souhaitent rester dans l’entreprise
(notamment la sécurisation de leurs emplois, dans l’hypothèse des restructurations futures). Le
protocole d’entente ne sera finalement signé qu’en 2009 et s’en suivront les procès-verbaux de
conciliation totale, ainsi que la convention de décharge d’indemnité, le 03 juillet 2009.
Corlay Cameroun hérite alors des salariés épuisés par de longues années de négociations au
cours desquelles on a pu voir leur confiance basculer dans l’hostilité ; en passant par la défiance
qui a suscité des comportements opportunistes. Cette situation conflictuelle a entraîné des
ruptures de contrat de travail, à l’initiative de l’employé (3 démissions) ou de l’employeur (05
licenciements). Avec la reprise des actifs, mais aussi surtout des personnels de Shell Cameroun
et de Texaco Cameroun, Corlay Cameroun poursuit le cheminement au Cameroun (depuis 60 ans)
des deux entreprises dont elle est issue. Elle occupe actuellement la deuxième position dans le
secteur de la distribution des produits pétroliers au Cameroun, avec un réseau de 124 stations-
services, d’une cinquantaine de clients (entreprises industrielles) et un effectif qui n’a pas cessé
de croître au cours des cinq dernières années (58 employés en 2006 et 91 employés en 2014).
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Les différentes mutations qu’a connues l’entreprise suite aux changements observés dans la
constitution de son capital (prise de contrôle et participation) se sont accompagnées au niveau
intra organisationnel de la rupture entre les employés et l’équipe de direction. Cette rupture a
créé une vive méfiance, voire une défiance enracinée dans des réclamations syndicales variées
et récurrentes. Les activités managériales engagées pour reconstruire la confiance se sont
organisées autour des actions suivantes.
Après la prise de contrôle de Texaco Cameroun par Corlay Global, les dirigeants de l’entreprise
ont organisé une retraite résidentielle de trois jours baptisée « Corlay Test Retreat ». « Test »
représente les valeurs fortes autour desquelles la direction de l’entreprise souhaite reconsolider
les liens entre l’entreprise et ses employés. Ces valeurs se déclinent dans les termes suivants :
« Teamwork », « Excellence », « Service » and « Trust » (TEST). Cette activité de « Teambuilding
Outdoor » a permis de réunir tous les employés pour réfléchir ensemble, partager et échanger autour
des valeurs communes de l’organisation, leur contenu et leur mise en œuvre dans les pratiques
professionnelles. L’accompagnement d’un cabinet conseil a permis de traiter successivement
des thématiques suivantes : « Animation Capacity Utilisation », « Team Building », « Building
Staff Confidence », « Time Management ». En prime, la présence des conjoint(e)s des employé(e)
s a permis de construire des liens sociaux et affectifs pour donner plus de force et de cohésion
au groupe après la période d’incertitude liée à la transition des valeurs (entre celles de Chevron
Cameroun et celles de Corlay Cameroun S.A.).
Dans son message de fin d’année 2010 aux employés du Groupe, le Chief Executive Officer
(CEO) est revenu sur les acquis de l’année 2009, les challenges et les réalisations de l’année
2010 avant de donner des indications sur les objectifs prioritaires de l’année 2011. Ce message,
émis dans un contexte ou l’essentiel des communications sur les trois années précédentes était
largement dominé par les opérations de désinvestissement et de restructuration, a eu l’avantage
de mobiliser les employés autour des défis du futur plutôt que de les embrigader dans les

94 / Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 © Éditions EMS


contingences du passé. Deux événements marquant ont servi de levier pour l’affirmation de
la solidité financière de l’entreprise : le rachat à l’étranger d’une entreprise de distribution de
produits pétroliers (Total Bénin) et la mise en œuvre d’une politique de « Success Sharing » pour
les employés. La réalisation du « Corlay Test Retreat » a été vécue par la communauté de travail
comme une véritable occasion de refondation de l’entreprise. Cependant des insuffisances dans le
suivi du transfert des valeurs acquises à cette occasion, dans les attitudes et les comportements
des salariés, a eu un impact négatif sur la mobilisation suscitée par cette retraite créatrice. Entre
2009 et 2014, l’entreprise a connu quatre directeurs généraux. Cette instabilité des dirigeants
s’est accompagnée d’une autre instabilité dans les effectifs, au cours de la même période (sept
démissions et cinq licenciements). La stabilité de l’actuel directeur général, en poste depuis le
1er septembre 2012, a permis de reconstruire quelques liens à travers des actions incitatives en
direction du personnel : institutionnalisation d’un comité de direction siégeant chaque semaine ;
institutionnalisation d’un conseil de discipline dont l’avis est requis avant toute décision de rupture
du contrat de travail ; participation des managers intermédiaires à la construction du « business
plan » quinquennal ; renforcement des crédits aux employés ; multiplication des occasions de
rencontre entre les employés à travers la construction de plusieurs équipes transversales de
travail ; mobilisation des réseaux d’affiliation des employés dans la résolution des difficultés
rencontrées dans l’entreprise ; reformulation des contrats annuels d’objectifs ; individualisation
des salaires dans la rétribution des performances ; etc. Cette analyse nous permet de tirer deux
enseignements majeurs sur les modalités de la construction de la confiance organisationnelle
dans le cas étudié.
D’abord, la durée du mandat du directeur général influence le niveau de mobilisation des salariés
et leur confiance en l’entreprise. Ensuite, la participation des salariés à la prise des décisions
permet d’améliorer leur implication et leur confiance en l’entreprise.
La « Lettre du Président », support de communication interne, est devenue un levier essentiel
de création de la confiance en raison de ses caractéristiques informationnelles et de son impact
sur l’appréciation des investisseurs (Wafa et Zhegal, 2002). Son analyse emprunte généralement
deux voies : la forme du message (signature, photo, taille, etc.) et le contenu informationnel (les
performances passées, les perspectives futures). Sur la forme, le « CEO’s New Year Message
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2011 » porte bien la signature du CEO, mais n’est malheureusement pas accompagné de sa
photographie. Il est possible de faire l’hypothèse qu’une photo montrant un CEO serein et
dégagé donnerait une force persuasive à la « Lettre » ; non seulement à l’égard des investisseurs
externes, mais aussi des parties prenantes internes principalement les salariés. Par ailleurs, la
mise en forme approximative du texte contraste avec l’excellence qui est un des éléments de
l’ossature de la culture d’entreprise.

Références bibliographiques
Bernoux P. et Servet J.-M. (dir.), La construction sociale de la confiance, Paris, Association d’économie
financière, Montchrestien, 1997.
Fukuyama F., Trust: the Social Virtues and the Creation of Prosperity, New York, The Free Press, 1995.
Gambetta D., (dir.), Trust: Making and Breaking Cooperative Relationships, New York, Blackwell, 1988.
Hardin R., Trust and Trustworthiness, New York, Russell Sage Foundation, 2002.
Wafa K. et Zhegal D. M., « La complémentarité confiance-contrôle : l’analyse du degré de confiance reflé-
tée par la lettre annuelle du président de l’entreprise », manuscrit auteur, publié dans Technologie et manage-
ment de l’information : enjeux et impacts dans la comptabilité, le contrôle et l’audit, France 2002, disponible
sur internet à l’adresse suivante : halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/58/44/80/PDF/KHLIF.PDF
Luhman N., La confiance, un mécanisme de réduction de la complexité sociale (1968/2000), Paris, Econo-
mica, 2006.
Peyrefitte A., La société de confiance, Paris, Odile Jacob, 1995.
Thuderoz C., Mangematin V., Harrisson D. (dir.), La confiance. Approches économiques et sociologiques,
Montréal, Gaëtan Morin éditeur, 1999.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 / 95


Regards croisés

Confiance et risque
Bernard GUILLON, cofondateur et administrateur du colloque francophone sur le risque
ORIANE
Combiner la confiance organisationnelle avec la notion de risque permet de souligner, au-delà des
contraintes, les méthodes mises en place par les structures en vue de résoudre les problèmes. Les
travaux de Gintrac (2011 et 2012) permettent de poser des jalons en révélant que le slack organisationnel
est consubstantiel à la firme, même si sa mesure est difficile. Des enjeux se juxtaposent comme la
mesure des attentes, la participation, la négociation, la compréhension du stress… et le budget. Yanat
(2012) évoque le principe de confiance calculée, sans oublier la confiance dérivée des institutions et
celle fondée sur l’engagement individuel. Un éventail de solutions qui sera complété par la présentation
du concept de Servant Leadership (Belet, 2013) et son pendant, le leadership innovant et humaniste.
On y évoque notamment le fondement constitué par la philosophie de service aux collaborateurs et
l’éthique managériale que cela implique.
Des solutions dont on attend souvent qu’elles se traduisent de manière effective dans de nombreux
secteurs (notamment les plus délicats, à l’image des situations évoquées par Bouverese, Baujard et
Haim en 2011).

Références bibliographiques
Belet B. (2013), « Un paradigme innovant et puissant pour remédier à la crise du management : le servant
leadership », Innovations, n° 40.
Bouversse L., Baujard C. et Haim P. (2011), « Analyse systémique de la relation service client : quel risque
psychosocial pour les salariés ? », Revue française du marketing, n° 234.
Gintrac A. (2011), « Le stress au travail : un état des lieux », Management & Avenir, n° 41.
Gintrac A. (2012), « Origine et maîtrise du slack », Gestion 2000, vol. 29, n°4.
Yanat Z. (2012), « La confiance, réducteur de risques », Journal of social management, vol. 10, n° 1.
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Vouloir, c’est pouvoir
Jean-Michel GARRIGUES, Directeur des Ressources Humaines et du développement,
BLB associés
Le premier item de la marque – employeur est de paraître crédible dans son positionnement interne. Les
enquêtes anonymes des experts montrent clairement que, souvent, les collaborateurs opérationnels
indiquent, à une large majorité, ne pas vivre au quotidien les valeurs hardiment proclamées par leur
employeur, dans la communication corporate, les chartes d’éthique, les règles de gouvernance, les
règlements intérieurs.
Or, désormais, les jeunes générations osent : oui à l’engagement, oui à la fidélité, oui à la défense
de la marque, mais sous réserve que les attitudes soient partagées. Fais ce que tu dis, dis ce
que tu fais. C’est le postulat de base de la nouvelle relation employeur – salarié, d’autant plus au
regard des contraintes modernes de la relation de travail : équilibre vie professionnelle – vis privée,
développement des nouvelles organisations (télétravail, temps partagé), interaction des outils
de communication personnels et business (BYOD, réseaux sociaux). Là où l’entreprise fermée et
cloisonnée était dominante, là où la relation hiérarchie – collaborateurs était guidée par la fixité des
normes, la perméabilité incessante des environnements professionnels crée nécessairement un
besoin de nouveaux cadres de confiance, transcendant même les obligations règlementaires (nature
de la relation contractuelle, durée du travail, interventions des partenaires sociaux).
Quel changement de paradigmes ! Le salarié instruit, formé, est de moins en moins en situation
d’inégalité, de rapport de forces défavorable. Car au-delà des évolutions structurelles de la relation
de travail, la qualité de la situation sociale des entreprises sera de plus en plus importante, la
prochaine norme internationale en sera d’ailleurs un outil important. Même si l’entreprise n’était pas
naturellement disposée à œuvrer pour un collectif confiant et efficace, l’évaluation publique va devenir
tellement stratégique que des actions concrètes et mesurables seront entreprises dans toute les

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catégories de l’organisation. De nouveaux comportement seront à mettre en œuvre peu à peu : finie
la relation top-down imposée aux équipes, la communication autoproclamée et fréquemment sujette
à suspicion, place à une relation claire, transparente, évidemment bottom-up, mais aussi transverse,
hors des cloisonnements souvent artificiels entre fonctionnels et opérationnels, entre activités et
développements, entre branches et zones géographiques. Le dirigeant veut créer de la confiance
: à lui d’adopter une mode de vie correspondant, accessible, compréhensible, attentif, bienveillant,
exigeant mais humain, gouvernant mais démocrate, universel et pérenne. Les salariés ne demandent
qu’à avoir confiance en leur entreprise, sans artifices, sans faux-semblants, sans mensonges surtout.
C’est évidemment possible, le tout est de se donner les moyens de ses ambitions. »

Les trois axes de développement de la confiance


Jean-Pascal ARNAUD, Directeur des Ressources Humaines du Groupe Tokheim
La confiance c’est d’abord le « fait de croire, c’est une « espérance ferme » en quelque chose ou
encore une « foi » en quelqu’un, en une institution. C’est aussi un sentiment, une dimension de
« sécurité » inspirée par un projet, une équipe de/en direction. C’est enfin l’ « assurance » qu’on se
donne de soi-même. Le « sentiment de confiance organisationnelle », ce serait alors la perception
plus ou moins consciente, objectivée de ces différentes définitions de la confiance chez le salarié
dans/pour son organisation. Toute organisation peut développer ce sentiment de confiance sur 3
axes :
- clarifier sa proposition en tant qu’institution : interroger, interpeller, formaliser, faire vivre le
triptyque « vision, mission, valeurs ». Cette proposition s’inscrit dans une certaine durée, renvoie à
sa raison d’être (le type de produits et/ou services offerts par l’organisation, la dimension « client »)
et décrit, délimite le cadre dans lequel les comportements de ses acteurs, ses salariés en particulier,
vont se définir. Cette proposition offre le premier contexte d’adhésion du salarié. Une sorte de
« constitution » ;
- décliner, sur des horizons temporels cohérents, ses moyens, ressources et objectifs. Ici
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s’élaborent les plans, stratégies et budgets. La confiance du salarié se développera dans la pertinence
de son intégration dans ces process, de sa participation (directe ou indirecte) dans leur élaboration,
de la qualité (transparence) de l’information qu’il reçoit, de sa compréhension régulière (génératrice
d’adaptation) de l’atteinte, ou non, des objectifs. Ici est en jeu le rapport direct (si possible non
conflictuel) des dimensions « actionnaire » et « employé » ;
- définir, au niveau de chaque salarié, son implication dans l’organisation. Les fondamentaux de la
Gestion des ressources humaines s’y retrouvent : les rôles (postes / organisation) et leur évolution, les
objectifs personnels (individuels et collectifs), la reconnaissance au sens large (financière / rétribution
et non-financière / management des personnes).
L’enjeu fondamental de la réussite sur ces 3 axes est l’engagement délibéré, authentique de
ses gouvernants à tous niveaux : conseils d’administration, comités de direction, managers. Cet
engagement est challengé par les à-coups de logiques financières parfois externes et contradictoires
avec la projection des organisations dans la durée. Il est parfois dévoyé par des intérêts individuels,
court terme, plus ou moins conscients, qui ne prennent pas assez en compte une responsabilité
collective d’organisation. Il est enfin soumis à une complexification croissante du contexte économique
et technologique dans lequel les choix doivent s’opérer. Toute faille dans l’attitude des gouvernants, à
chaque niveau, est de nature à biaiser la perception de confiance des salariés dans la proposition générale
de l’organisation à laquelle ils appartiennent. Dans l’entreprise en particulier, c’est la responsabilité
fondamentale de la Direction des Ressources Humaines de veiller à l’organisation optimale de cette
gouvernance. Car elle est naturellement la mieux positionnée pour intervenir sur ces axes. C’est un
challenge difficile…D’autant que la « confiance organisationnelle » s’appuie, s’appuiera toujours plus
à l’avenir sur une quatrième dimension, celle de la Cité, celle de la responsabilité sociétale. Les
DRH doivent s’emparer, certes pas elles seules, de cette dimension dans la construction de leurs
interventions, de leurs contributions, de leurs processus car la confiance du salarié est aussi celle du
citoyen vis-à-vis de son organisation.

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 / 97


Regards croisés

La confiance ne se décrète pas


Hubert LANDIER, Consultant, Vice-Président IAS
La confiance se construit au jour le jour, à travers les petites choses. Inutile, pour les dirigeants, de mettre
en avant de grands principes, une charte éthique, un « projet partagé », s’ils entrent en contradiction
avec le comportement quotidien du manager direct. Est-il disponible quand on a une question à lui
poser concernant une difficulté rencontrée dans le travail ? Favorise-t-il le travail en équipe ? Vous
entendra-t-il si vous avez une demande personnelle à lui faire ? Et d’abord, a-t-il l’habitude de dire
« bonjour » et « merci » ? La confiance, c’est la possibilité de pouvoir compter les uns sur les autres.
Cela suppose de bien se connaître et, en vue d’atteindre l’objectif qui réunit le groupe, des possibilités
d’initiatives qui aillent au-delà des prescriptions imposées par les procédures ou les directives. Or, cela
est loin d’aller de soi. Les audits de climat social sont l’occasion de pointer tous ces petits détails qui
fâchent : l’absence de réponse aux questions, les manifestations implicites de mépris, le sentiment
« qu’ils cachent des choses », qu’ils roulent pour autre chose que l’intérêt de l’entreprise.
Si les salariés n’ont pas confiance dans le management, c’est que le management n’a pas confiance
en eux. Le patron d’un très grand projet industriel devenu une source de fierté nationale le disait
au cours d’un séminaire : « je suis un généraliste ; je suis obligé de faire confiance aux ingénieurs
très pointus qui m’entourent ». Autrement dit, le roi est nu. II n’y a pas d’autre moyen pour celui qui
prétend être le chef que de faire confiance et de susciter la confiance. De sa part, cela suppose deux
choses : être crédible sur le plan professionnel, manifester qu’il agit pour le bien commun et qu’il
donne à cette fin le meilleur de lui-même. Alors, ses collaborateurs lui donneront en retour le meilleur
d’eux-mêmes. « Bravo ; nous étions tous débordés ; on avait toutes les chances de se planter ;
chacun a assuré et on y est arrivés ; moi, avec un équipage comme ça, je fais le Cap Horn ». J’envoie
ce message à tous les membres de mon équipe, le soir d’une journée mouvementée, et l’une de mes
collaboratrices m’adresse la réponse suivante : « merci. Pour le Cap Horn, quand est-ce qu’on part ? »
Je ne sais pas si elle s’en souvient. Moi, oui. La confiance est le moteur qui fait avancer l’entreprise.

Et si l’entreprise était devenue un repère dans une société


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déboussolée ?
Corinne FORASACCO, Fondatrice de Alma Alter Consulting, Coach et Enseignant Chercheur
Un nombre non négligeable d’études illustre de part le monde et de manière encore plus prégnante
en France un manque d’engagement des salariés au sein des organisations. Mais dans un même
temps, face à la crise, quelque peu paradoxalement les observatoires sociaux d’entreprises affichent
un niveau de confiance plutôt en hausse de ces mêmes salariés en leurs entreprises ou a minima à
l’égard de leurs dirigeants. Ainsi, tel que l’évoque la dernière Note de Conjoncture sociale d’Entreprise
et Personnel, dans une sorte de confusion sociale se dessine la voie, a priori contre intuitive, d’une
entreprise devenant dernier rempart d’une société en perte de repères. Directement confrontée à
l’incertitude et à la complexité les entreprises ont toutes les raisons de miser sur la confiance. Clef
pour une mobilisation au service de la réussite de l’organisation mais aussi condition d’équilibre voire
de succès des acteurs Sa mise en musique doit permettre d’aller à contre-courant du pessimisme
ambiant, de favoriser l’adaptabilité, de libérer l’initiative et l’innovation. Elles l’abordent ainsi dans ses
différentes dimensions; climat, postures, outils et démarches. Et au commencement est le dirigeant à
la fois dans son rôle symbolique de responsabilité et dans sa mission opérationnelle de porteur de sens
et de vision. La mise en œuvre de projets d’entreprise, plans stratégiques et business plans, est alors
au quotidien challengée sur son alignement et sur la congruence des décisions dont elle est porteuse.
Ensuite dans un sens de facilitation du développement de la confiance organisationnelle, différents
outils et démarches se construisent Citons par exemple le Co-développement qui en réunissant de
manière régulièrement des pairs en position d’écoute et de coopération sur des questions de business
ou de management , au-delà de la résolution de problèmes, produit de la confiance et de l’intelligence
collectives. Et s’il s’agit enfin de favoriser la confiance en soi, quasi préalable, à la confiance en l’autre
et les autres ; le Mentoring est une voie. Conforme à son origine grecque ou Mentor assurait le rôle
de guide de Télémaque le fils de d’Ulysse les mentors au sein des entreprises, pourront tour à tour

98 / Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 © Éditions EMS


adopter la posture d’éclaireurs, décrypteurs, facilitateurs. Associé à des initiatives de développement
personnel centrées sur une meilleure conscience de soi et sur le développement du « self concept »
il complète positivement les logiques d’accompagnement pour contribuer au cercle vertueux de la
confiance.

La considération ressentie, source de confiance organisationnelle


Nicole BARTHE, Professeure à l’Université de Nice Sophia-Antipolis
Chacun de nous évolue avec ses propres représentations, ses propres perceptions de toutes
les composantes de son existence. Parmi celles-ci, il en est une qui se trouve liée à la confiance
organisationnelle que les entreprises cherchent à développer chez leurs salariés, il s’agit de ce que nous
appellerons « la considération ressentie ». Elle constitue pour l’individu, sa propre perception, sa propre
représentation du signal transmis par l’organisation en termes de rôle, de statut, de reconnaissance
du travail accompli... Dans une période de crise de confiance généralisée de la société, crise issue
de multiples causes, socio-économiques, financières ou politiques, la légitimité de l’entreprise, passe
par le développement de la confiance de ses parties prenantes, au premier rang desquelles, ses
salariés. En effet, la personne qui appartient à une entreprise est le vecteur le plus efficace de sa
communication interne ou externe. Elle doit donc percevoir clairement et concrètement, qu’elle est
reconnue, considérée, impliquée dans celle-ci, à tous les niveaux. Elle doit saisir l’utilité de son travail,
sa place, son intérêt, dans l’ensemble du fonctionnement de l’organisation. Elle doit avoir une vision à
long terme de son évolution professionnelle confirmée par des faits concrets (avancement, évolution
statutaire, accroissement des responsabilités, augmentation de salaire, formation, etc). Elle doit être
fière de son entreprise, de ce qu’elle produit ou représente. Ainsi, elle développe un certain bien-être
au travail, qui renforce sa confiance dans l’organisation.
C’est par son management et les décisions stratégiques et politiques qui en découlent que ces objectifs
peuvent être atteints. En effet, par ses méthodes de management et son approche de la personne au
travail, une organisation oriente l’application de sa stratégie au cœur de laquelle se trouve le moteur
que constitue la confiance. Celle-ci, fruit de nombreuses études, revêt des conséquences positives
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ou négatives diverses. L’entreprise, ou plus largement l’organisation, cherche donc à développer les
aspects positifs d’un « fonctionnement à la confiance ». Ce « fonctionnement à la confiance », passe
par une « considération ressentie », de l’Humain dans l’organisation. En ce sens un engagement en
RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise) y contribue fortement. De nombreuses études, parmi
lesquelles celle d’Industry Week reprise dans le Livre Vert de la Commission Européenne, montrait déjà,
en 2001, les bons résultats d’entreprises engagées en RSE, notamment au niveau de la motivation, de
l’absentéisme, de l’engagement, de la fidélité, de la compétence…des salariés. Cette étude parvenait
à la conclusion suivante : « 50% des bons résultats des entreprises socialement responsables sont
imputables à leur engagement social, tandis que l’autre moitié s’explique par les performances de leur
secteur ». En développant la confiance de ses salariés, notamment par l’ensemble des actions mises
en place dans le cadre d’un engagement RSE, une entreprise améliore donc à la fois, le bien-être de
ses employés, leur « considération ressentie », mais également son image auprès de l’ensemble de
ses parties prenantes internes et externes et donc sa place sur le marché financier.

Le capital confiance
Chafik BENTALEB, Professeur, université de Marrakech
Développer le « capital confiance » que les collaborateurs peuvent avoir dans leur l’entreprise est
un moyen d’implication et de fidélisation des salariés. Pour réussir un tel challenge, l’entreprise
doit entretenir dans l’esprit de ses salariés un esprit de justice et d’équité, ce qui veut dire que les
salariés ne doivent à aucun moment ressentir un déséquilibre entre leurs contributions au niveau du
rendement et de l’implication et la manière dont l’entreprise rétribue leurs efforts et résultats. Aussi,
le développement du sentiment de confiance organisationnelle dans l’esprit des salariés dépend de
la perception des performances par les salariés. Plus les expériences passées vécues par les salariés

© Éditions EMS Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 / 99


Regards croisés

au sein de leur entreprise sont positives, plus ceux-ci accordent leur confiance à leur organisation.
Enfin, la qualité et l’importance des flux de communication entre l’organisation et ses salariés
influence fortement la confiance que ceux-ci peuvent lui accorder. Cette communication intègre aussi
bien la qualité des informations que partage l’organisation avec ses salariés, que la disponibilité de
celle-ci à être à l’écoute de ses salariés. Pour conclure, la confiance reste un sentiment qui peut
engendrer d’innombrables bienfaits au niveau du comportement organisationnel des salariés au sein
de l’entreprise. Cependant, la confiance se présente aussi comme une construction sociale difficile
à développer et délicate à maintenir. Une entreprise doit en être avertie et rester vigilante pour éviter
toute perception de rupture de ce lien de la part de ses salariés.

Leader positif et confiance


Yves LEBIHAN, consultant et conférencier en entreprise. Président du think-tank « L’Institut
Français du Leadership Positif »
Base du contrat social depuis Rousseau, la confiance est sévèrement ébranlée dans les entreprises
depuis la crise de 2008. Comment le leader peut-il aider à restaurer la confiance entre ses
collaborateurs, lui-même et l’entreprise pour laquelle ils travaillent ? Les recherches en psychologie
positive notamment, suggèrent quelques pistes intéressantes: - assumer d’être vulnérable : le leader
authentique gagnera à assumer sa vulnérabilité au sens où il révèle ses failles à son équipe, ose
lui demander de l’aide, fait apprécier et tirer parti des compétences par et entre les membres de
son équipe, offre et accepte les excuses de tous sans hésitation. Kevin W Sharer, Ie PDG d’Amgen,
leader de I’industrie des biotechnologies, demande annuellement un feedback écrit de ses forces et
faiblesses a chacun de ses collaborateurs directs. En osant reconnaitre ouvertement ses limites ou
erreurs, il encourage une attitude d’ouverture et de progrès dans son équipe ; - multiplier les formes
de reconnaissance intrinsèque : la gratitude exprimée pour un service ou un bienfait reçus au travail
génère, selon une recherche américaine récente, un profond sentiment de mieux-être, de satisfaction
et de confiance mutuelle. Plusieurs études ont démontré le lien entre reconnaissance des salariés,
amélioration de leur bien-être dans l’entreprise et augmentation de la qualité au travail ; - encourager
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l’expression des valeurs personnelles et forces de chacun des membres de son équipe : une étude
réalisée par Dan Cable, de la London Business School a montré que les salariés qui se sentent libres
d’exprimer leur véritable personnalité au travail atteignent un niveau plus élevé d’investissement dans
l’organisation et de performance individuelle, et sont plus enclins à aider les autres.

Leader et confiance
Alexandre GUILLARD et Bernard LEVEQUE, Direction du développement de l’intelligence
collective COVEA
C’est au leader de créer les conditions d’expression de ces valeurs identitaires, gage d’un lien de
confiance renforcé. La confiance dans l’entreprise semble se construire par la preuve, l’expérience
partagée et non par les grandes déclarations d’intention. Elle implique, à commencer par le leader, un
travail d’introspection et mobilise les vertus humaines les plus nobles comme l’humilité, la générosité,
la bienveillance. La confiance a toujours constitué un thème d’étude central des philosophes grecs
de l’Antiquité jusqu’à nos jours avec les sciences humaines et du management. Elle reste néanmoins
l’objet de toutes les attentions aujourd’hui, tout particulièrement dans le monde des entreprises marqué
par l’affaiblissement croissant voire le délitement du lien entre salariés et employeur1 . Au travers de
la question qui nous posée, il est aisé de voir que le qualificatif « organisationnelle » a été accolée à la
notion de confiance pour souligner que l’enjeu n’est plus seulement d’ordre personnel ou interpersonnel
mais également collectif et sociétal. En effet, c’est bien la nature du lien entre l’individu et l’organisation,
qui jadis reposait sur la durabilité et la loyauté, qui est remis en question. La digitalisation et l’impact sur
les formes classiques d’organisation ne font qu’accélérer et amplifier cette tendance. Mais pourquoi le
sentiment de confiance organisationnelle est-il si crucial ?

1 Parmi les très nombreuses études, on peut citer l’ouvrage qu’ont publié Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg :
La Société de défiance (Ed. Rue d’Ulm, 2007).

100 / Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 © Éditions EMS


Le recours au mot « sentiment » n’est pas un hasard. Avant même d’être un concept construit, la
confiance fait référence à la sensibilité et à l’intime conviction de la personne. L’étymologie de
« confiance » est instructive : il provient du verbe latin « confider » qui se décompose en « cum »
qui signifie « avec », et « fidere » qui signifie « fier ». Avoir confiance, c’est donc se fier à quelqu’un,
s’en remettre à sa bienveillance. Comme le montreront nombreux sociologues (Simmel, Durkheim,
Coleman,…), ce sentiment est un des fondements du vivre ensemble ; la confiance est une ressource
qui permet de limiter l’incertitude et de construire l’action collective. Elle constitue une disposition
acquise dès la préhistoire. Dès lors, il devient facile de comprendre en quoi se détourner de la confiance
peut être source d’inefficience, et en retrouver le chemin, source d’énergie et de puissance. Pour nos
environnements d’entreprise, on peut s’en convaincre avec la très belle illustration que donne à voir
l’histoire exemplaire du redressement de l’entreprise Sulzer menée dans les années 90 par Bertrand
Martin. En effet, comme le raconte le consultant qui l’a accompagné (Vincent Lenhardt), ce sauvetage
inespéré s’est accompli par le geste du directeur général qui a su, par-delà les doutes et les difficultés,
« Oser la confiance2 » et permettre à chacun de contacter « le prince » qui sommeille en lui. Reste
qu’une fois convaincu de remettre la confiance organisationnelle au centre du jeu, comment s’y prendre,
ou plutôt comment faire autrement, puisque les expériences réussies comme celle de Bertrand Martin
n’ont, semble-t-il, pas donné lieu à apprentissage. Gardons-nous de vouloir à notre tour détenir une
quelconque vérité sur des prétendues solutions.
Il y a même quelque chose de profondément paradoxale à vouloir développer la confiance qui, par
définition, échappe à quiconque voudrait la maitriser. Ensuite, la confiance au niveau organisationnel est
le fruit d’une combinaison de plusieurs interactions dont la composition est complexe et indéterminé
(les systémiciens diraient qu’elle est une qualité émergence des interactions). Peut-être que reconnaitre
ces propriétés constitue un début de sagesse : nous éloigner de l’idée que nous pourrions « piloter »
ou « gérer » le sentiment de confiance organisationnelle. Tout au plus, dans notre vision, il est possible
d’en faciliter l’émergence, de l’entretenir ou dans certains cas la ressusciter, et ce, dans des collectifs de
taille réduite. Mais avec quelle démarche ? Nous livrons là nos premiers retours d’expérience forcément
contextualisés. Nous expérimentons deux voies sur lesquelles nous commençons à peine à voir un
peu de recul. La première est la plus mature, engagée depuis 2008, est celle du co-développement
systémique qui repose sur la co-responsabilité et l’autonomie des acteurs. Nos mesures et nos
observations tendent à montrer qu’il tend à favoriser l’émergence de la confiance aux niveaux des
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participants et même de leur entourage. Les effets sur l’organisation restent néanmoins encore à
mesurer, ce que nous avons engagé avec un groupe de chercheurs de la Chaire Essec du changement.
La seconde piste, plus récente, prolonge celle du co-développement : celle de la démarche que nous
avons intitulé « amélioration continue apprenante » ; elle se penche non plus sur le geste relationnel
des acteurs mais sur le geste opérationnel. Cette démarche puise ses racines dans la tradition Toyota
dont un des piliers repose sur le développement de la personne, qui renvoie au « team work » et au
respect. La confiance n’est pas l’objectif de la démarche, mais constitue un moyen ainsi qu’un résultat
souvent observé, à condition de respecter les principes originels de la démarche et de vérifier l’écologie
de ses applications. La confiance s’incarne de plusieurs façons : la responsabilité donnée par le manager
à chaque opérateur à apprendre à résoudre les problèmes individuellement et en équipe ; le rôle de
coach et de développeur de compétences qu’adopte le management ; last but not least, le soutien et
le respect que montre le leader vis-à-vis des acteurs qui prennent part à l’amélioration de l’entreprise.
Naturellement, ces comportements ne sont le fruit que d’expérimentations qui se réalisent sur le
terrain. Elle demande du temps et des précautions pour laisser de l’espace à l’apprentissage. Nous n’en
sommes qu’aux prémisses. Ces deux voies ne sont en définitive que des tentatives de solution pour
faciliter l’émergence d’une organisation apprenante. De ce fait, ses effets présumés sur la confiance ne
sont jamais acquis définitivement et nécessitent d’être démontrés à tout moment, à tous les endroits,
avec la possibilité parfois de retours en arrière. A l’image d’un couple, la « bataille de la confiance » n’est
jamais assurée à jamais ! Pour que la confiance devienne organisationnelle, elle nécessite plusieurs
ingrédients : du temps (au minimum 10 ans, disent les experts), une aptitude tactique (à déjouer le cout-
termisme ambiant), sans oublier une ouverture et une acceptation de la complexité : accepter de ne pas
tout maîtriser, revenir au sens premier du mot confiance … un acte de foi dans la personne qui pourrait
prendre la forme, dans notre monde d’assurance, d’un pari pascalien !

2 C’est le titre de l’ouvrage qui raconte cette histoire : Bruno Jarrosson, Vincent Lenhardt, Bertrand Martin, Oser la
confiance Propos sur l engagement des dirigeants (Insep éditions, 1997).

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Regards croisés

La confiance, un actif intangible dans les organisations


Richard DELAYE, directeur de la recherche et de l’innovation, Groupe IGS
Qu’elle s’exprime dans un contexte personnel ou professionnel, la question de la confiance, est centrale
en termes d’organisation. Si la vie quotidienne nous montre combien il est difficile de « se fier » ou
de « se confier » à l’Autre, rien n’est cependant envisageable sans cette valeur fondamentale, qui
joue un rôle de liant dans la gestion des relations humaines. Parce qu’elle fait appel à d’autres vertus
comme le respect, la bonté ou la bienveillance, la confiance impose un combat permanent contre
l’équivoque et le mensonge, et nous amène à ce que les japonais considèrent comme incontournable
dans la recherche de l’harmonie. Nous nous trouvons là en présence d’un actif intangible, doté d’une
importance supérieure qui peut se traduire, dans nos esprits occidentaux par l’amitié voire charité au
sens de « faire pour un être cher ». Mais la confiance possède bien d’autres vertus. Elle a pour intérêt
de nous mener à la fidélité, cette même fidélité qui nous place dans une posture de « croyance »,
avec le don en filigrane. Dès lors qu’elle est réciproque, la confiance devient le ciment de la fraternité.
Ceux qui servent dans le métier des armes comprendront mon propos, tout comme celles et ceux
qui, croyant en Dieu, s’abandonnent à ce dernier lorsqu’ils sont confrontés à de dures épreuves.
La confiance ne serait-elle pas également une réponse à la fatalité ? Une question qui reste entière
dès lors que l’on se retrouve en deçà de l’équateur où elle se matérialise au travers de prières et
d’incantations pour « faire face » aux turpitudes de la vie.
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102 / Question(s) de Management ? / N°8 / Décembre 2014 © Éditions EMS

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