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La gouvernance des fédérations sportives

Proposition d'un cadre d'analyse et d'action


Thierry Zintz, Daniel Vailleau
Dans Revue française de gestion 2008/7 (n° 187), pages 15 à 34
Éditions Lavoisier
ISSN 0338-4551
ISBN 9782746222717
DOI 10.3166/rfg.187.15-34
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SPORT
THIERRY ZINTZ
Université catholique de Louvain, Belgique
DANIEL VAILLEAU
CRG, université de Poitiers, France

La gouvernance des
fédérations sportives
Proposition d’un cadre d’analyse et d’action

Les fédérations sportives se sont structurées, au cours du


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XXe siècle, en s’adaptant à leur environnement culturel,
économique, social et politique. Leurs valeurs fondatrices,
leur mode de fonctionnement, la diversité de leurs parties
prenantes en font des organisations singulières. Sont-elles
gouvernées avec la même singularité ? L’analyse s’appuie sur
la notion de gouvernance et les modèles empruntés
aux théories des configurations organisationnelles et
du changement. S’attachant à des phénomènes peu étudiés,
elle ouvre de nouvelles pistes de compréhension et
d’intervention.

DOI : 10.3166/RFG.187.15-34 © 2008 Lavoisier, Paris


16 Revue française de gestion – N° 187/2008

L
es fédérations sportives nationales nance des fédérations sportives. Dans un
sont devenues des acteurs essentiels deuxième temps nous appliquons ce cadre à
de la vie politique, sociale et écono- l’étude de fédérations appartenant à deux
mique dans les pays développés. Organisa- terrains d’étude, la Belgique et la France.
trices de grands événements sportifs en Les caractéristiques et la nature hybride de
relation avec de grandes entreprises des ces organisations sont mises en évidence
secteurs économique et médiatique, ges- dans une troisième partie. Les conclusions
tionnaires principales des pratiques spor- de ce travail d’analyse rendent possible la
tives compétitives et souvent de loisirs, par- définition d’un cadre d’action et la formula-
tenaires des États dans la mobilisation à des tion de préconisations pour une meilleure
fins éducatives et socialisantes des pra- gouvernance fédérale.
tiques physiques et sportives, les fédéra-
tions sont très présentes. Pourtant le dyna- I – LA GOUVERNANCE DES
misme de ces organisations ne peut ORGANISATIONS SPORTIVES,
masquer leur fragilité telle qu’elle peut par- APPROCHE THÉORIQUE
fois apparaître dans les médias sous forme
de conflits internes entre dirigeants, de dif- « Peu de termes ont donné lieu (…) à une
ficultés voire de dérapages aux plans finan- production intellectuelle et institutionnelle
ciers ou éthiques, ou de tensions et même aussi importante. » constatait récemment
de ruptures avec certains de leurs parte- Pascal Lamy (2005, p. 153) soulignant à
naires publics ou privés. Or ces organisa- quel point la notion de gouvernance, telle-
tions, disposant d’un rôle majeur dans ment mobilisée, reste une notion méconnue
l’évolution du système des sports, sont qu’il convient donc sans cesse de resituer.
encore peu étudiées, générant ainsi mécon- Apparu dans les sciences économiques
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naissance ou incompréhension des phéno- dans les années 1950, plus largement utilisé
mènes qui les touchent. L’objet de ce papier par les spécialistes de sciences politiques à
sera précisément d’analyser ces organisa- partir des années 1990, le terme trouverait
tions dans leurs modes de fonctionnement. son étymologie dans le latin médiéval :
Il s’agira d’en caractériser et de mettre en gubernantia recouvrant l’idée de conduite,
question l’un des points clés : la gouver- de pilotage, de direction (Le Galès, 2004).
nance fédérale. Un cadre d’analyse, établis- La gouvernance (governance) d’entreprise
sant les fédérations comme des configura- est aujourd’hui plus largement définie
tions organisationnelles, sera proposé comme étant la « mise en jeu de l’ensemble
secondairement comme cadre d’action des dispositifs formels et informels qui
visant à améliorer l’efficience de ces orga- organisent les relations entre les différentes
nisations atypiques vers plus de transpa- parties prenantes concernées par les perfor-
rence et une meilleure responsabilisation de mance et le développement d’une entre-
leurs dirigeants. prise » (Cohen, 2001, p. 176). Dépassant
Dans un premier temps, nous proposons de ainsi la seule structure de gouvernement de
cerner, à partir d’une courte revue de la lit- toute organisation, la gouvernance apparaît
térature, la notion de gouvernance afin de bien comme un « dispositif impliquant à la
construire un cadre d’analyse de la gouver- fois des institutions, des relations, des
La gouvernance des fédérations sportives 17

règles et des comportements » (Perez, parties prenantes est particulière à plusieurs


2003). titres. D’abord certaines de ces parties pre-
Ces définitions, qui ont en commun de ne nantes leur sont propres, telles que les spon-
pas être centrées sur les seuls dirigeants, sors, qui leur apportent de nécessaires res-
valorisent, parmi différents modèles de sources financières. Ensuite la ressource
gouvernance d’entreprise, le modèle parte- humaine des fédérations, qui sont des asso-
narial qui tend à inclure dans le processus ciations à but non lucratif, a cette particula-
de gouvernance l’ensemble des parties pre- rité d’être constituée de bénévoles et de
nantes. Il convient donc de définir et de salariés qui peuvent coexister tant à des
caractériser ces parties prenantes. niveaux stratégiques qu’opérationnels. Par
ailleurs, ces salariés, encore assez peu nom-
1. Parties prenantes et modes breux et d’apparition relativement récente,
d’organisation peuvent être considérés comme parties pre-
La notion de parties prenantes (stakehol- nantes particulières. Dirigées, animées,
ders) est due à Freeman (1984, p. 46) que structurées historiquement et fonctionnelle-
cite Senaux (2004) dans une étude de la ment par des bénévoles, les fédérations
gouvernance des clubs de football profes- n’ont en effet recours à eux, pour certaines
sionnels. Est partie prenante « tout groupe tâches techniques et administratives, que
ou individu qui peut affecter ou est affecté depuis une vingtaine d’années. Enfin, les
par la réalisation des objectifs de l’organi- partenaires externes notamment l’État ou
sation ». Le choix du vocabulaire souligne les collectivités territoriales entretiennent
l’importance, en rapport avec les action- avec les organisations fédérales des rela-
naires (shareholders), de ces groupes ou tions du fait que ces dernières participent à
individus partenaires de l’organisation. Il des missions d’intérêt général.
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souligne aussi que la gouvernance ne peut
pas être analysée dans la seule relation entre 2. Les paramètres de la gouvernance
dirigeants et actionnaires. Sont considérés des fédérations sportives, acteurs
comme parties prenantes, en premier lieu, et logiques d’action
les groupes ou individus qui apportent des La gouvernance, dont nous avons vu qu’elle
ressources matérielles ou financières à l’or- se traduit par la participation de l’ensemble
ganisation. Ce sont ensuite les salariés qui des parties prenantes à une action collective
constituent la ressource humaine de l’orga- à laquelle elles trouvent de l’intérêt, peut
nisation. Ce sont enfin les partenaires être analysée sous l’angle des positions, des
externes dont les principaux sont la Com- statuts, des fonctions ou des rôles des
mission européenne, l’État et les collectivi- acteurs concernés. C’est le cas, ici, des rap-
tés territoriales, les médias (presse et télévi- ports entre dirigeants (bénévoles élus ou
sion), les groupements de joueurs ou salariés) et leurs collaborateurs salariés,
d’athlètes, les fédérations internationales et domaine d’analyse auquel nous nous can-
le mouvement olympique (représenté par le tonnons.
comité national olympique). Par position ou statut, nous entendons le
Les fédérations sportives sont des organisa- fait que les acteurs (élus ou collaborateurs)
tions pour lesquelles la caractérisation des sont bénévoles ou rétribués à la prestation.
18 Revue française de gestion – N° 187/2008

Il n’existe généralement pas (ou très peu), Les modes de gouvernance,


dans les fédérations, d’élu rétribué. Ces vers une typologie
élus sont bénévoles, même s’ils sont indem- Les modes de gouvernance résultent de la
nisés des frais qu’ils peuvent engager. Dans combinaison des différents paramètres évo-
les limites du cadre que nous nous sommes qués ci-dessus et de leur association aux
données, à savoir « la structure fédérale facteurs contingents. Parmi ceux-ci, il faut
réunie au siège de la ligue ou de la fédéra- noter que l’impact de la filière économique
tion », les collaborateurs ont un statut de du sport implique le recours à des profes-
salarié, au niveau du noyau administratif et sionnels de la gestion fédérale. Ils disposent
de la direction technique, tandis que les du pouvoir résultant de leurs compétences.
adjoints de la direction technique, les logis- Par ailleurs, la définition de missions (com-
ticiens et la consultance, lorsqu’ils existent, munauté flamande de Belgique) ou l’exi-
sont rétribués à la prestation. gence de plans programmes (communauté
La notion de fonction ou de rôle se rapporte française de Belgique), l’existence de plans
non plus à la position statutaire mais à la de développement (France) requièrent un
nature même de l’activité déployée par ces suivi quotidien qui échappe aux élus et
acteurs au sein de l’organisation, bref à la accroît le pouvoir des collaborateurs sala-
position fonctionnelle des acteurs dans l’or- riés. La superposition des fonctions straté-
ganigramme de la fédération. Trois types de giques, managériales et opérationnelles
fonctions sont généralement observées, les rend la distribution du pouvoir moins tran-
fonctions stratégique, managériale et opéra- chée. Enfin, la taille réduite de la structure
tionnelle. centrale réunie au siège des fédérations étu-
La fonction stratégique recouvre notam- diées favorise également un transfert de
ment la prise des décisions, l’allocation de pouvoir entre élus et collaborateurs salariés,
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moyens adaptés et valide leur mise en ainsi que des stratégies d’ajustement
œuvre par les acteurs de la fédération. Elle mutuel.
est aux mains des dirigeants bénévoles du Amenés, dès lors, à confronter la réalité
conseil d’administration. La fonction du statut des acteurs de la structure cen-
managériale a trait à la mise en œuvre des trale de chacune des fédérations soumises
décisions stratégiques en en définissant à notre étude à la réalité de leur fonction,
les modalités opérationnelles. Elle assure nous soulignons l’apparition de fonctions
leur réalisation, les évalue, les pilote et moins tranchées : les fonctions « pures »,
rend compte au niveau stratégique. Elle stratégique (SP), managériale (MP) ou
devrait être assurée par des professionnels opérationnelle (OP) sont associées et font
qualifiés. La fonction opérationnelle se émerger des ensembles de fonctions com-
rattache aux tâches d’exécution sous posites.
l’égide des professionnels du niveau L’évidence du fonctionnement des fédéra-
managérial. Elle devrait être confiée à des tions belges et françaises étudiées nous
professionnels aux qualifications plus amène à confirmer cette perspective, en
limitées. proposant la nomenclature suivante :
La gouvernance des fédérations sportives 19

SP Stratégique pure stratégiques et managériales (SM) et carac-


SM Stratégique et managériale térisée par l’absence d’un directeur général
SO Stratégique et opérationnelle salarié ou d’un acteur salarié dont la fonc-
tion y serait assimilable. Les responsabilités
SMO Stratégique, managériale
managériales – officiellement – et opéra-
et opérationnelle
tionnelles – effectivement – sont confiées à
MP Managériale pure
des responsables de département (MO).
MO Managériale et opérationnelle La distribution du pouvoir entre fonctions
MPO Managériale pure et opérationnelle stratégique, managériale et opérationnelle
OP Opérationnelle pure et les conditions d’exercice du pouvoir ou
d’acceptation de celui-ci enfin, font réfé-
Ces combinaisons de fonctions qui consti- rence aux règles et aux modes de coopéra-
tuent un cadre d’analyse, caractérisent la tion qui se développent, au sein d’une fédé-
gouvernance des fédérations. ration perçue comme un système complexe
(en raison des incertitudes générées par
Trois principales combinaisons l’environnement, des intérêts divergents
fonctionnelles peuvent théoriquement d’acteurs multiples), entre élus et collabora-
être observées teurs salariés ou rétribués, et qui permet à
La « combinaison fonctionnelle équili- celle-ci d’assumer avec plus ou moins de
brée » (1) entre président (élu), chargé bonheur ses buts de mission et de système
d’une fonction stratégique pure (SP) et (Mayaux, 1996). Chacun des acteurs
directeur général (salarié), aux fonctions concernés développe sa propre logique
managériales et opérationnelles (MO), d’action au sein de ces organisations qui
favorise la séparation des pouvoirs. La apparaissent comme des espaces multi-
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« combinaison fonctionnelle hybride » (2) formes (Amblard et al., 1996, p. 191)
combine un président assumant des fonc- « lieux de rivalités et de relations de pou-
tions stratégiques pures (SP), un coordina- voir, de production de règles et de culture
teur et des responsables de département (…) ». Ces acteurs, agissant ensemble,
dont les fonctions sont managériales et opé- confrontent leurs logiques d’action au tra-
rationnelles (MO). Traduite en termes d’or- vers de la coopération et du conflit. Ils
ganigramme, cette combinaison manifeste structurent ainsi des modes de gouvernance
aussi l’évolution d’un organigramme à typiques.
dominante verticale vers un organigramme Deux modes principaux de gouvernance
aplati. Elle résulte de l’absence de collabo- semblent résulter des combinaisons présen-
rateurs au niveau d’un centre opérationnel tées ci-dessus :
(OP), chacun des acteurs de la ligne hiérar- – Une gouvernance par « distribution de
chique assumant dès lors les fonctions pouvoir imbriquée (partagée) » entre élus et
managériales et opérationnelles (MO). La salariés. Les élus « imbriquant (par-
« combinaison fonctionnelle dominée par le tageant) » leur fonction légitime, la fonc-
président » (3) est fondée sur la présence tion stratégique, à des tâches managériales
d’un président qui combine les fonctions ou opérationnelles (MO – SMO) qu’ils ten-
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dent à assumer alors que ces dernières Quatre composantes (ou variables) sont au
devraient, légitimement, être assurées par centre de l’étude des configurations des
leurs collaborateurs salariés. organisations (Mintzberg, 1989 ; Nizet et
– Une gouvernance par « distribution de Pichault, 2000) et de leur changement, à
pouvoir différenciée » qui apparaît lorsque savoir la structure (1), les facteurs de
des salariés en charge du management se contingence ou de contexte (2), les buts (3)
situent fonctionnellement à l’interface des et les systèmes de distribution du pouvoir
fonctions stratégiques des élus et des fonc- entre acteurs (4). Une relation dynamique,
tions opérationnelles des autres salariés. intégrant les facteurs d’influence mention-
Ces modes de gouvernance qui leur sont nés ci-dessus et les maîtrisant par le biais
propres tendent à exercer une influence sur d’outils d’information appropriés, les lie
la structure même des fédérations sportives dans ce qu’il convient d’appeler la gouver-
qui ne doivent donc pas manquer d’être, nance institutionnelle : la structure, les buts
elles aussi, originales, ce qu’il convient et les systèmes de distribution du pouvoir
d’analyser. entre acteurs sont les outils de la gouver-
nance qui permettront de maîtriser, au
3. Un cadre d’analyse : comprendre mieux, les facteurs contingents au bénéfice
l’organisation fédérale selon le modèle de l’objet de l’organisation.
des configurations organisationnelles Allant à l’essentiel, la limitation de notre
De nombreux auteurs ont traité cette ques- étude configurationnelle à la structure cen-
tion des modes d’organisation. Les trale de la fédération, rassemblée au siège
approches retenant la notion de modèle social, peut se concevoir dans une
d’organisation proposées par Mintzberg approche divisionnalisée de l’enveloppe
(1989) pour les entreprises, et modulées par globale du système d’action qu’est la fédé-
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Nizet et Pichault (2000) pour l’étude des ration sportive. Cette approche consiste à
services publics et des grandes organisa- structurer l’analyse sur le mode d’organisa-
tions internationales nous permettent de tion du système.
préciser notre cadre d’analyse. Ces auteurs Dans l’approche mintzbergienne des entre-
soulignent les liens entre caractéristiques de prises, la structure centrale fédérale serait
la gouvernance et modèles organisationnels le siège, alors que les structures provin-
qu’ils qualifient de configurations organisa- ciales décentralisées (lorsqu’elles existent)
tionnelles. Selon eux une évolution des et les clubs seraient des divisions
paramètres de la gouvernance de l’organi- (Mintzberg, 1989).
sation peut être un facteur majeur du chan- Les missions allouées, par Mintzberg, au
gement de sa configuration. Ce sont les siège seraient celles que remplit la structure
principes de « coordination – direction » centrale de la fédération. Cette homologie
illustrant la notion de gouvernance d’entre- des missions inclut l’élaboration de la stra-
prise (« corporate governance ») qui sont tégie d’ensemble, la gestion des moyens
mis en évidence en vue de rendre possible financiers, l’établissement et la mise en
le changement de configuration organisa- œuvre du système de contrôle des perfor-
tionnelle de nos fédérations. mances, grâce à l’action de la technostruc-
La gouvernance des fédérations sportives 21

ture, la fourniture de certains services logis- II – ANALYSE DU CADRE


tiques communs à l’ensemble des clubs. DE LA GOUVERNANCE
La structure centrale est ainsi, comme DES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
organisation, le moteur d’un système plus BELGES ET FRANÇAISES
large (Bonami et al., 1996) qu’est l’en-
semble de la fédération. À l’inverse du 1. Contextes et terrains d’étude,
siège d’une entreprise, dont c’est une des les systèmes sportifs belge et français
missions vis-à-vis de ses divisions Quelles sont les ressemblances et diffé-
(Mintzberg, 1989), elle n’a pas le droit de rences entre les systèmes des sports en
nommer et remplacer les responsables de Belgique et en France ? À quels principes
clubs. Elle est toutefois le lieu de la fondateurs répondent-ils ? Comment ces
confrontation des différentes visions ou principes ont-ils été appliqués compte tenu
pistes de réalisation des missions où, par des évolutions historiques, culturelles,
les jeux politiques, un arbitrage sera effec- sociales et politiques de ces deux pays ?
tué qui déterminera le choix des buts offi- Quelle place ont pris les mouvements spor-
ciels et des buts opérants1. tifs et les fédérations qui se sont progressi-
Les relations de pouvoir, entre niveaux vement constituées ? Sans aller jusqu’à une
décisionnels (stratégique – managérial – étude diachronique et comparative appro-
opérationnel) diffèrent de celles qui se fondie, nous tenterons de démontrer la vali-
construisent dans l’entreprise. La cause en dité de ce choix de contextes.
est une professionnalisation différente
(Thibault et al., 1991). Le bénévole est 2. Le système sportif belge
absent de l’entreprise, à quelque niveau que Le système sportif belge, dans son organi-
ce soit, alors que le niveau décisionnel stra- sation, est largement articulé autour de ses
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tégique est occupé, au sein des fédérations, relations avec le système politique. C’est
par des bénévoles. De même, on ne peut vrai aujourd’hui et cela l’était dès la créa-
imaginer les filiales d’une entreprise dotées tion des premières fédérations, à la fin du
d’une structure autre que professionnalisée, XIXe siècle. « En effet, jusque dans les
alors que les clubs professionnalisés restent années 1940, ces instances n’étaient pas
des exceptions dans le paysage sportif belge nationales mais généralement structurées à
et français. l’échelon régional, distinguant une union
Le cadre théorique étant posé, nous l’appli- pour la Flandre et une autre pour la Wallo-
quons à deux terrains d’étude, la nie » (Thibaut, 2000).
Belgique et la France afin de prendre en Au terme de la Deuxième Guerre mondiale,
compte d’éventuels effets de contexte. « la demande des dirigeants sportifs se fit de

1. Mintzberg définit les buts comme étant « les intentions derrière des décisions ou des actions ». (…) Il nous
semble crucial de prendre en compte, dans l’analyse des buts, à la fois ceux énoncés par les dirigeants de l’organi-
sation – les buts que Perrow appelle « officiels » – et ceux qui sont à l’œuvre dans les décisions – les buts « opé-
rants. » (Nizet et Pichault, 2000).
22 Revue française de gestion – N° 187/2008

MÉTHODOLOGIE

L’observation s’attache, dans cette perspective de traitement qualitatif (Royer, Zarlowski,


1999) à un échantillon dont les caractéristiques et la taille ont été déterminées en fonction du
principe de réplication théorique (recherche d’un nombre suffisant de résultats différents) et
du principe de saturation (aucune information supplémentaire utile apportée par l’addition
de nouveaux cas). Notre échantillon comporte ainsi sept fédérations sportives différentes.
Dans le contexte belge, l’échantillon est constitué de six fédérations. Ces fédérations consti-
tuent un échantillon permettant d’établir une typologie des configurations de l’ensemble des
fédérations belges. Cet échantillon a été complété par une septième fédération appartenant à
un pays voisin, la France. L’étude du cas de la Fédération française d’athlétisme a permis
de prendre en compte des données et des réalités transnationales et, à défaut d’étudier
précisément les effets de contexte, a mis en perspective et en question, dans leurs dimensions
politique, culturelle, sociale, les environnements nationaux dans lesquels évoluent ces
fédérations.
L’étude repose sur une observation indirecte par entretiens semi-dirigés et questionnaires
d’enquête avec les dirigeants élus (11 présidents et 11 secrétaires généraux) et salariés
(11 directeurs administratifs et sportifs) des fédérations concernées, et sur une observation
directe par collecte et analyse de données secondaires internes (procès-verbaux de commis-
sions et conseils d’administrations, comptes et bilans, sur une période de dix ans) et externes
(documents de programmation et d’évaluation du ministère en charge du sport, sur une
même période de dix ans) relatives à ces fédérations.
En ce qui concerne la Fédération française d’athlétisme, les données utiles ont été collectées
sur le site internet de la fédération et au sein d’un corpus de près de quarante articles relatifs
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à cette fédération publiés dans la revue de presse du Centre de droit et d’économie du sport
(CDES) de l’université de Limoges réalisée à partir de 80 périodiques traitant de l’actualité
sportive entre septembre 2005 et juin 2006. À ce titre l’exemple français n’est ni comparatif
ni représentatif, les conditions d’enquête n’ayant pas permis de pousser plus loin la quête de
données utiles.

plus en plus pressante pour que l’État inter- En 1956 fut créé l’Institut national de
vienne financièrement dans la gestion des l’éducation physique et des sports
fédérations sportives. Un arrêté du Régent (INEPS), chargé de subsidier les organi-
(05 mars 1948) fixa “les critères généraux sations sportives, de gérer les installa-
de subventions de l’État accordées aux tions, de former des moniteurs et de pro-
groupements d’éducation physique et de mouvoir la pratique du sport. « Ses
sport”. Cet arrêté précisait que, “pour un partisans se réjouissaient que les pou-
meilleur rendement”, les subsides publics voirs publics s’investissent davantage
étaient “réservés aux groupements organisés dans ce domaine, tandis que ses détrac-
sur le plan national” » (Thibaut, 2000). teurs craignaient de voir mise à mal l’in-
La gouvernance des fédérations sportives 23

dépendance des fédérations vis-à-vis de susceptibles d’induire un changement dans


la sphère politique. » (Thibaut, 2000). leur organisation.
La Belgique s’est transformée en État fédé-
ral, au cours des années 1970-1987. Les 3. Le système sportif français
compétences sportives furent transférées Le système sportif français apparaît comme
de l’État fédéral aux communautés2. Les un service public partagé entre l’État, les
décrets de 1978, en communauté flamande fédérations et le mouvement olympique. La
et en communauté française de Belgique, structuration de ce système s’est en effet
ont finalisé le cadre des compétences en développée, de 1880 à nos jours, selon trois
matière de reconnaissance et de subven- axes ou trois formes d’organisation diffé-
tionnement des activités sportives par les rentes et complémentaires : une forme asso-
communautés. ciative, une forme publique ou étatique et
Sur base de ces textes et de ceux qui les ont une forme marchande (Defrance, 2004). La
réformés, en 1999 et 2001, l’acteur poli- libre initiative associative, qui allait donner
tique, avec des accents propres dans chaque naissance aux fédérations, a buté sur le diri-
communauté, est devenu un acteur majeur gisme du gouvernement de Vichy de 1940 à
de la gouvernance des fédérations spor- 1944 marquant l’entrée de l’État dans le fait
tives. D’autres facteurs contingents s’y sportif. Il faudra attendre l’ordonnance du
ajoutent, qu’il s’agisse des influences 28 août 1945 pour, d’une part, faire naître
d’autres institutions régulatrices (État, une véritable reconnaissance du mouve-
Europe), de la demande de leurs clients ment sportif dans sa capacité à contribuer à
(sportifs, supporters), de l’intervention de des actions d’intérêt général et, d’autre part
nouveaux acteurs (médias, partenaires com- jeter les bases, jamais démenties jusqu’à ce
merciaux, clubs professionnalisés) ou de jour, d’une coopération entre l’État et les
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certaines dérives du sport (Moingeon, fédérations marquant là l’originalité du sys-
Ramanantsoa, 1993) (Amis et al., 1995). tème sportif français (Callède, 2000).
Conçues sur un modèle organisationnel Il ne faut cependant pas oublier que des
datant du début du XXe siècle, de nom- acteurs économiques industriels ou média-
breuses fédérations n’intègrent que partiel- tiques ont joué un rôle déterminant, dès les
lement, dans leur organisation, ces facteurs origines, dans la construction et l’évolution
contingents. du système des sports. Malgré l’hégémonie
Des lacunes, en termes de gouvernance, au du système fédéral progressivement instal-
niveau des fédérations, mais aussi au lée au cours de le seconde moitié du
niveau des pouvoirs publics qui les subven- XXe siècle, ces acteurs prennent à nouveau
tionnent ou des partenaires privés qui les une part importante obligeant les fédéra-
soutiennent se manifestent sous la forme tions à négocier sans cesse, avec ces parte-
d’une prise en compte partielle des facteurs naires économiques puissants, les modes

2. Dès 1962, l’INEPS avait été divisée en une administration flamande (BLOSO) et une administration francophone
(ADEPS).
24 Revue française de gestion – N° 187/2008

d’organisation des pratiques et des compéti- Les particularités de chacun des deux pays
tions sportives. tiennent, en ce qui concerne la Belgique, à
Aujourd’hui, le système des sports super- la plus forte contribution des communautés
pose donc deux espaces différents aux et régions que compense, particularité fran-
logiques et aux dynamiques parfois conver- çaise, le poids d’un ministère national des
gentes mais souvent contraires voire anta- sports. Nous pourrions donc qualifier,
gonistes : un espace social, plutôt orienté comme nous y incite Jean Camy, les deux
vers les services au public et garant de l’in- systèmes sportifs nationaux belges et fran-
térêt général, sans but lucratif ; un espace çais, de systèmes jumeaux.
dominé par l’économique, plutôt orienté Mais comparaison n’est pas raison, ces
vers la recherche de bénéfices monétaires et conclusions doivent nécessairement être
soumis à une logique de marché. Et il se nuancées. Le point essentiel, dans l’objet
trouve que les fédérations sportives fran- qui est le nôtre, est la proximité des deux
çaises doivent aujourd’hui évoluer dans ces pays dans la relation qu’entretiennent les
espaces superposés au risque parfois d’y fédérations avec la puissance publique et les
perdre leur efficacité, leur identité voire partenaires économiques. Ceci nous auto-
leur légitimité. Ainsi les principaux acteurs, rise, débordant un cadre strictement natio-
publics et privés, du sport français, réunis nal, à donner un poids plus grand aux
au cours « d’États généraux du sport » en conclusions qui pourront être tirées de
décembre 2002, se sont accordés à estimer l’analyse d’un modèle sportif fédéral quasi
que « si le modèle n’est pas dépassé son commun à deux pays européens.
fonctionnement doit être remis en cause ».

4. Des systèmes sportifs jumeaux III – LES FÉDÉRATIONS


SPORTIVES, ORGANISATIONS
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Dans une récente étude, Jean Camy (2005)
HYBRIDES
compare, dans le contexte européen, vingt-
cinq systèmes sportifs nationaux, se propo- La typologie que nous proposons procède
sant de les caractériser et de les classer. du cadre d’analyse défini plus haut (la
Quelles sont, dans cette étude, les places et structure, les facteurs de contingence, les
caractéristiques des systèmes belge et fran- buts et les systèmes de distribution du pou-
çais ? Les deux pays sont dotés d’une loi sur voir entre acteurs) et de l’impact du cadre
le sport traduisant, selon Camy, « une construit par les partenaires publics et diffé-
volonté de présence de l’État dans la régu- rents intervenants périphériques sur la
lation du sport ». Lorsque sont étudiées, par capacité des acteurs de la structure centrale
le même auteur, les différentes contribu- de la ligue ou de la fédération à prendre en
tions dans la gouvernance du sport national compte l’environnement pertinent.
en France et en Belgique, surgissent simila-
1. Une typologie configurationnelle
rités et particularités. Camy relève des simi-
des ligues et fédérations sportives belges
larités fortes : l’absence d’agences
et françaises
publiques nationales qui renforce la contri-
bution des confédérations des sports et celle Une typologie structurant ces fédérations
des partenaires sociaux et des corporations. en trois groupes configurationnels domi-
La gouvernance des fédérations sportives 25

nants – la configuration bureaucratique pro- qualifions de bureaucratie fédérale spor-


fessionnelle (1), la configuration mission- tive, ressort de notre étude. Il s’agit de cer-
naire (2) et la configuration bureaucratique ner une bureaucratie qui se serait adaptée à
fédérale sportive (3) – peut être dégagée. l’interaction des variables structurelles,
Cette typologie doit être lue dans une pers- politiques et contextuelles propres au
pective dynamique qui résulte d’un stade monde des fédérations sportives en
d’évolution spécifique à chaque fédération, Belgique. Elle combinerait des traits entre-
dans son cycle de vie organisationnel (Nizet preneuriaux et missionnaires au niveau du
et Pichault, 2000). pôle stratégique, voire managérial, avec des
La configuration bureaucratique profes- caractéristiques bureaucratiques au niveau
sionnelle de la fédération de football belge managérial et opérationnel et manifesterait
(non scindée) est celle d’une grande struc- de ce fait une capacité maximale à exploiter
ture – plus de 150 collaborateurs directs – les signaux de l’environnement pertinent,
qui est exceptionnelle, dans le contexte en particulier d’un propriétaire dominant,
belge. Sa taille requiert un pilotage déci- les communautés, au service de buts de
sionnel extrêmement différencié, avec une mission clairement définis et coulés en buts
description de fonction précise des collabo- opérants. Cinq caractéristiques qui relèvent
rateurs, à tous les échelons et une interface de la gouvernance paraissent décrire au
managériale forte assumée par le collabora- mieux cette formule.
teur salarié qu’est le secrétaire général. Son La personnalité du président, acteur du
indépendance par rapport aux décrets des niveau stratégique, et sa disponibilité en
communautés et les moyens financiers font un personnage clé « omniprésent ». Il
qu’elle génère lui permet de limiter l’inci- se trouve simultanément au sommet stra-
dence des facteurs sociopolitiques sur son tégique et au niveau de la ligne hiérar-
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pilotage décisionnel. L’impact du facteur chique, dans une fonction proche de celle
socio-économique reste quant à lui entier. d’un directeur exécutif. Cette position est
Dans le cas des ligues flamandes et franco- porteuse d’un danger majeur qui est celui
phones d’athlétisme, la revitalisation a de la disparition de l’« homme orchestre »
généré une configuration qui est actuelle- (1). En effet, en cas d’effacement, c’est
ment de type missionnaire. Les buts de mis- l’ensemble de la ligne hiérarchique et
sion ont pris le dessus sur les buts de sys- donc le pilotage de la fédération qui serait
tème, statuts et fonctions sont clairement déstabilisé. La part prise par les commu-
différenciés, les salariés sont actifs au nautés, au moyen de décrets de reconnais-
niveau du management (cadres) et de l’opé- sance et de subventionnement contrai-
rationnel. La gouvernance est différenciée. gnant les programmes et initiatives des
Ce n’est pas le cas de la Ligue francophone fédérations dans la définition des buts de
d’Escrime où une gouvernance imbriquée missions majeurs (2), rend largement cette
s’impose par le fait que la structure centrale définition externe au choix de la fédéra-
ne regroupe que trois collaborateurs. tion. La division du travail a un caractère
Un « type idéal » propre aux organisations vertical fort, en même temps qu’une trans-
que sont les fédérations sportives, que nous versalité limitée (3) à l’acteur dominant
26 Revue française de gestion – N° 187/2008

du niveau stratégique. Les procédés et cessus partiel de professionnalisation au


résultats sont standardisés. La liaison sens de Mintzberg).
entre secteurs est très formalisée, tandis La nature des organisations que sont les
que ceux-ci sont de taille réduite et occu- fédérations et le choix de notre échantillon
pent, à l’exception du secteur de l’organi- limitent toutefois la portée de la typologie
sation sportive, des collaborateurs faible- présentée. Ainsi, elle ne couvre pas l’en-
ment qualifiés. Ce faisceau de caractéris- semble des cinq « types idéaux » de
tiques étaie la bureaucratisation des fédé- Pichault et Nizet. Ainsi, les configurations
rations. Il faut noter ici que ce sont les entrepreneuriales et professionnelles
hommes qui ont mis les fédérations en pures, telles que décrites par ces auteurs
place en 1978 qui les pilotent bien souvent sont absentes de cette typologie.
encore, actuellement. Cette stabilité des Il existe aujourd’hui en France 110 fédéra-
acteurs (4) a pour effet d’entretenir lui tions sportives nationales agréées par l’au-
aussi un facteur actuellement favorable à torité ministérielle. À cette multiplicité cor-
la bureaucratisation. L’analyse des buts de respond une grande diversité. Dès lors
mission des fédérations montre, le plus comment rapprocher, au risque de faire
souvent, leur claire identification, leur perdre sa cohérence à tout cadre typolo-
intégration et leur traduction en buts opé- gique configurationnel élaboré, la Fédéra-
rants (5). Il convient cependant de noter, tion française de football (2 141 000 licen-
s’agissant du personnel subalterne et des ciés en 2003), la Fédération française de la
structures où les provinces apparaissent, retraite sportive (38 500 licenciés) et la
que les buts sont modérément intégrés : il Fédération française de sports de traîneaux
y a tension entre les buts de mission et le et ski pulka (654 licenciés) ? Ce rude obs-
désir d’efficience des uns et des autres, tacle à une analyse rigoureuse et rationnelle
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chacun jugeant à son niveau de celle-ci en de l’organisation fédérale est généralement
fonction de l’interprétation qu’il a des contourné par un recours aux études de cas
buts de mission. dont les ambitions et l’étendue sont plus ou
Ceci induit, en fonction du niveau de res- moins importantes. Ainsi Bernardeau-
ponsabilité des différents acteurs, diffé- Moreau (2004) resserre-t-il, dans sa socio-
rentes attitudes. On notera ainsi qu’une atti- logie des fédérations sportives, l’étude de la
tude loyale (si responsabilisé) caractérise le « professionnalisation des dirigeants béné-
sommet stratégique, la ligne hiérarchique et voles » aux seules fédérations de tennis et
les commissions. Une attitude loyale (si res- d’équitation. Bayle (2001) a, pour sa part et
ponsabilisés) ou non impliquée (si faible- pour ne citer que ces deux auteurs, retenu
ment responsabilisés) caractérise les six fédérations sportives nationales (tennis,
membres du centre opérationnel, en parti- basket-ball, gymnastique, judo et disci-
culier les membres du secteur administratif. plines associées, randonnée pédestre et hal-
A contrario, les membres du secteur techni- térophilie) dans son étude du processus de
co-sportif exerceront une forme de prise de professionnalisation. Or, plus que la réalisa-
pouvoir. Elle semble légitimée par leurs tion formelle et théorique d’une typologie
compétences particulières (début d’un pro- des fédérations, ce qui importe, Mintzberg
La gouvernance des fédérations sportives 27

insiste sur ce point, c’est de comprendre la Selon les variables retenues, les caracté-
réalité qui, par nature et du fait des indé- ristiques de la Fédération française
passables limites de l’analyse, résiste à d’athlétisme relèvent de quatre types de
toute tentative définitive de formalisation. configuration dont deux paraissent domi-
Renonçant donc à toute classification, nous ner, la configuration missionnaire (trois
tenterons de proposer un outil de compré- occurrences) et la configuration profes-
hension de la réalité fédérale. Une question sionnelle (trois occurrences). L’hybrida-
reste en suspend : l’hétérogénéité de ce sec- tion se fait par superposition (Nizet et
teur a-t-elle des implications sur la gouver- Pichault, 2000) car c’est un ensemble,
nance de ces entités fédérales ? Le présent c’est-à-dire toute la fédération (et non
travail ne permet pas de répondre directe- différentes parties de la fédération), qui
ment à cette question même si, de manière présente les traits caractéristiques de plu-
incidente, mettant en évidence le caractère sieurs configurations.
hybride des fédérations, il en dévoile Le constat concernant cette fédération fran-
quelques éléments. çaise dotée d’une configuration hybride
Les fédérations sportives nationales, rappelle le constat établi quant aux fédéra-
comme toute organisation évoluant dans un tions sportives belges. Deux observations
contexte changeant et sous les logiques principales doivent être faites à ce stade.
d’action d’acteurs engagés dans des jeux D’abord, il n’existerait donc pas de « confi-
de pouvoir, s’apparentent à des configura- guration pure » dans le monde fédéral cen-
tions hybrides dont il convient, pour mieux tral qui comporterait principalement des
les comprendre et anticiper leur évolution, organisations à configuration hybride. Cette
de mettre en évidence les dominantes. hypothèse conclusive mériterait d’être vali-
Nizet et Pichault (2000) ont proposé une dée par une analyse plus large des fédéra-
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grille d’analyse des organisations afin d’en tions concernées. Ensuite, reprenant la ter-
déterminer le(s) type(s) de configuration minologie de Mintzberg ainsi que les
d’appartenance. Quatre séries de variables constatations de Nizet et Pichault, il
sont prises en compte. Appliquant cette convient de souligner que les « hybrides
grille à une fédération, ici la Fédération sont des organisations où (…) les jeux poli-
française d’athlétisme, nous démontrerons tiques sont particulièrement importants ;
que cette fédération est bien une configura- (où) l’exercice du pouvoir est particulière-
tion hybride dont il s’agit de dégager les ment intense » (Nizet et Pichault, 2000).
dominantes. Le tableau 1 reprend les prin- D’où l’importance de la réflexion et de
cipales caractéristiques de la fédération l’étude relatives aux questions de pouvoir et
étudiée selon les variables retenues. Cha- de gouvernance.
cune de ces caractéristiques fait référence à Par ailleurs, ces organisations hybrides
un, voire plusieurs, type(s) de configura- que sont les fédérations étudiées, tant
tion particulier(s). Il s’agit de les mettre en belges que françaises, associent des confi-
évidence et de repérer, in fine, le(s) type(s) gurations, missionnaire et professionnelle,
de configuration qui paraît (paraissent) dont la combinaison génère des tensions
dominer. dans les mécanismes de gouvernance et de
28 Revue française de gestion – N° 187/2008

Tableau 1 – Grille d’analyse d’une fédération sportive nationale.


La Fédération française d’athlétisme (2005-2006)

Caractéristiques
Configurations
de la Fédération
Sources type dominantes
Variables française
(selon variables)
d’athlétisme

Forte sur le plan Site internet de la Configuration


Division horizontal, faible FFA, organisation au professionnelle
sur le plan vertical 1er septembre 2005
1) Structure
Par supervision Site internet Configuration
directe avec de la FFA, entrepreneuriale
Coordination
standardisation organisation au et missionnaire
des valeurs 1er septembre 2005

Sommet stratégique
Statuts fédéraux
et opérateurs Configuration
2) Pouvoir Localisation modifiés le
qualifiés (directeur adhocratique
3 décembre 2004
technique national)

Complémentarité Statuts fédéraux Configuration


Mission/
3) Buts des buts de mission modifiés le missionnaire et
Système
et de système 3 décembre 2004. adhocratique

Projet de création « Contrats pros pour Configuration


Internes
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d’une Ligue l’Élite », L’Équipe, adhocratique et
(innovation)
professionnelle 24 mai 2006 professionnelle
4) Facteurs
Le président « Assemblée
de contexte
de la FFA générale de la FFA, Configuration
Externes
se plaint plus pro, moins missionnaire et
(politiques)
de la diminution riche », L’Équipe, professionnelle
de l’aide de l’État 4 décembre 2005

Configuration
Configuration(s) hybride
type missionnaire (x3)
dominante(s) et professionnelle
(x3)

prise de décision. Moins « bureaucra- tie, introduit des motifs d’opposition voire
tiques », ces fédérations se sont ouvertes à de conflits entre élus et salariés, les uns et
de nouveaux acteurs qui ont indiscutable- les autres devant nécessairement participer
ment renforcé le professionnalisme de ces conjointement à leur gouvernance. Le pou-
organisations mais qui ont, en contrepar- voir se partage difficilement.
La gouvernance des fédérations sportives 29

2. L’ardente nécessité du changement : Par contraste, la fédération de football


enjeux d’un management de (URBSFA), indépendante des pouvoirs
l’organisation fédérale innovant publics communautaires, maintient son
En cernant, en introduction, le contexte de niveau de financement par les partenaires
cette recherche, nous avons posé qu’une commerciaux entre 10 et 20 %. Il faut y
évolution de la gouvernance était un des voir une position particulière, dans la filiè-
paramètres majeurs du changement de re économique, qui résulte de l’impact du
configuration de la fédération. Dans la dis- football au niveau médiatique et de l’attrait
cussion qui suit, nous avons regroupé les qui en résulte pour les partenaires.
facteurs de cette relation en facteurs Quant au financement par les ministères en
externes et facteurs internes. charge du sport des fédérations communau-
tarisées, il varie entre 20 % et 58 % du
Les facteurs externes financement total (chiffres de 2001), les
L’environnement pertinent de la fédération ligues francophones étant globalement
conditionne son développement. Il n’est pas mieux financées par ce vecteur que les
possible d’en discerner, tous les facteurs. ligues flamandes. Ceci souligne l’emprise
Dans ce contexte, le positionnement de la de l’autorité ministérielle sur leur program-
fédération dans la filière économique de la me. Il faut toutefois noter que l’impact des
discipline concernée3 et le contrôle nouveaux décrets semble s’accompagner
qu’exerce le pouvoir politique nous sem- d’une baisse relative de la part du finance-
blent déterminants. Selon leur participation ment public des fédérations francophones
à la richesse fédérale, ces acteurs de la filiè- de notre étude, ou au mieux, d’une stabili-
re économique du sport influencent son sation de celui-ci. Au contraire, du côté fla-
positionnement économique. Les chiffres mand, il augmente, pour chacune des fédé-
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qui suivent fondent ce raisonnement. rations qui ont participé à notre étude. Ceci
Ainsi, dans le cas des fédérations commu- est à mettre en parallèle avec le fait que le
nautarisées en Belgique, la faiblesse du financement par les membres avoisine, dans
financement par les partenaires commer- la plupart des cas, la moitié du budget des
ciaux reste manifeste, si l’on se place dans fédérations. Au niveau des ligues et fédéra-
une perspective d’évolution entre 1990 et tions communautarisées, en particulier
2001. Toutefois les fédérations qui sont francophones, un financement public élevé
passées par une phase de revitalisation est le plus souvent associé à un financement
organisationnelle se sont efforcées de par les membres bas et inversement. Les
conclure, depuis 2000, des partenariats fédérations non scindées tirent plus de 80 %
nouveaux avec le monde de l’entreprise. de leurs recettes des membres.

3. « La filière économique doit être comprise dans son sens large : ce peut être la richesse économique créée, dans
un secteur sportif particulier (le football), par les fabricants de matériel, par les structures professionnelles ou les
éducateurs professionnels diffusant la discipline, les événements sportifs organisés. Les acteurs à l’origine de la
création de richesse économique peuvent être à la fois des acteurs publics (État, collectivités locales), commerciaux
(TV, fabricants d’articles de sport et d’équipement sportif, entreprise de service de loisirs sportifs) et associatifs (le
système fédéral : fédé, clubs, etc.) », Bayle (1999, p. 600).
30 Revue française de gestion – N° 187/2008

Les fédérations communautarisées ont vu la décembre 2004). Cette coexistence au sein


succession des décrets relatifs à la recon- d’une même fédération de membres aux sta-
naissance et au subventionnement influen- tuts différents peut être porteuse de tensions
cer largement leur processus de change- voire de crises. Tel est le cas de la Fédération
ment organisationnel. française d’équitation qui a traversé un crise
Dans un environnement uniforme et stable importante, entre 2005 et 2006, après retrait
tel que celui qui a prévalu pour elles entre de son agrément et sa délégation le 2 août
1960 et 1990, les lois et les décrets succes- 2005, du fait notamment de l’opposition en
sifs de reconnaissance et de subventionne- son sein d’acteurs issus de groupements
ment ont progressivement détourné de sportifs à dominante professionnelle et de
nombreuses fédérations d’une démarche tenants de la tradition sportive compétitive.
centrée sur leurs missions pour les amener à
se tourner vers une démarche de conserva- Les facteurs internes, la négociation
tion du système en l’État. entre acteurs
Depuis la fin des années 1990, les commu- En France et en Belgique, la combinaison
nautés ont mis en œuvre une réforme fonda- des statuts (bénévoles et salariés) et des
mentale de leur politique de reconnaissance fonctions (stratégiques, managériales et
et de subventionnement, en la fondant opérationnelles) génère, en termes de gou-
d’abord sur les missions et le programme vernance, différentes combinaisons fonc-
d’activité qui en découle, et ensuite seule- tionnelles comme nous l’avons souligné
ment sur le nombre de membres pratiquants. précédemment. Elles sont le moteur du
La conjonction de ces mécanismes législa- changement organisationnel des ligues et
tifs avec une déstabilisation de l’environne- fédérations.
ment pertinent a placé les fédérations com- Une gouvernance fondée sur une fonction
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munautarisées face à de nouveaux défis. stratégique réservée au conseil d’adminis-
En ce qui concerne la France deux éléments tration et au président et une fonction mana-
d’analyse mettent en évidence l’importance gériale confiée à un directeur général
des facteurs externes dans les processus de semble être un gage de changement organi-
changement : le rôle de l’État très impliqué sationnel fondé sur une perception aussi
dans le système fédéral français et l’ouver- large que possible du positionnement de la
ture à de nouveaux membres de l’institution fédération dans son environnement perti-
fédérale. nent. Elle privilégie un pilotage qui fasse
L’État français, en contrepartie de l’octroi émerger une cohérence globale pesant de
d’une mission de service public accordée façon efficace sur les quatre axes de l’ap-
par délégation aux fédérations, exerce un proche configurationnelle (la structure, les
contrôle et une tutelle sur ces fédérations. facteurs de contingence, les buts et les sys-
Dans ce cadre, l’État vient d’imposer tèmes de distribution du pouvoir entre
(article 18 de la Loi du 1 août 2003) l’ou- acteurs), grâce à l’approche contrastée que
verture de la composition des membres des procure la claire distinction entre le straté-
fédérations agréées à « des organismes à but gique, le managérial et l’opérationnel.
lucratif » et même à des « sociétés sportives Un mode de gouvernance devrait, nous
professionnelles » (Loi n° 2004-1366 du 15 semble-t-il, prévaloir dans le processus de
La gouvernance des fédérations sportives 31

changement organisationnel au sein des très principes organisateurs se dégagent de


petites structures que sont la plupart des notre étude. Ils se fondent, d’une part, sur
fédérations en Belgique notamment. Deux, les conclusions de l’analyse des configura-
trois ou quatre collaborateurs y assument tions et des modes de gouvernance et
l’ensemble des fonctions managériales et d’autre part, sur l’analyse du changement
opérationnelles, dans une relation directe au organisationnel tel qu’il a été observé.
président qui devrait être capable de can- Ces principes organisateurs d’une gouver-
tonner son rôle (et celui des administra- nance fédérale renouvelée et évolutive ne
teurs) aux décisions stratégiques. Se pose peuvent, bien entendu, être appliqués méca-
cependant ici, la question des qualifications niquement, ils nécessitent des adaptations.
professionnelles des collaborateurs salariés L’essentiel de leur contenu peut néanmoins
et, partant, celle de la description de leur(s) se caractériser simplement.
fonction(s). Le principe de la primauté stratégique est
La gouvernance qui met aux mains d’un le préalable à tous les autres. Il est au cœur
président l’ensemble des compétences stra- des modalités de la gouvernance. En tenant
tégiques, managériales et opérationnelles nécessairement compte de l’environnement
est une dérive dont on ne peut écrire qu’elle pertinent et en mettant en œuvre un mana-
est voulue par les acteurs de la structure gement qui soit adapté aux ressources
centrale de la fédération. Elle est induite par humaines, matérielles et financières, il
la maîtrise limitée qu’ils ont le plus souvent s’agit d’opter pour une démarche straté-
de l’environnement pertinent, par une ana- gique volontariste qui permette une défini-
lyse incomplète de ses caractéristiques, par tion adéquate des missions. Trois options
une soumission non réfléchie au cadre poli- sont possibles, la focalisation sur le « core
tique (communautés, régions, État fédéral, business » (la compétition de haut niveau),
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Europe), sportif (instances internationales) le choix de la diversification ou encore le
ou économique et, particulièrement, par la rayonnement multidimensionnel.
confiance en un président pluriel (stratège, Le principe de la simplification fonction-
manager et opérateur). Cette gouvernance nelle est le deuxième de ces principes. La
présente un danger majeur qui est celui de capacité à prendre en charge les missions
l’implosion qui résulterait du retrait, pour fondamentales est la condition d’une
quelque raison que ce soit, du président. organisation ad hoc. Trop souvent, elle
Les modes de distribution du pouvoir fait encore défaut ou requiert des adapta-
(imbriquée ou différentiée) conditionnent tions, au vu des possibilités réelles de
également le changement organisationnel réorganisation. La recherche d’un organi-
des ligues et fédérations. gramme plus plat rapprocherait la struc-
ture centrale rassemblée au siège de la
IV – PRÉCONISATIONS POUR fédération du « sens des missions ». Elle
UNE MEILLEURE GOUVERNANCE en accroîtrait la fonctionnalité. De plus,
FÉDÉRALE l’opérationnalité de l’organigramme en
serait accrue, pour autant que les rôles de
Sur cette voie de l’amélioration de la gou- ses différents éléments aient été claire-
vernance fédérale, la voie de l’action, cinq ment définis.
32 Revue française de gestion – N° 187/2008

Le principe de spécificité de la gestion des CONCLUSION


ressources humaines que constituent les
Notre étude, empruntant des modèles à la
dirigeants élus et les collaborateurs salariés
sociologie et aux théories des organisations,
des fédérations s’avère essentiel afin de
dégage dans l’observation des configura-
mieux prendre en compte les compétences
tions et de leur changement des principes de
(recrutement des collaborateurs salariés sur
« coordination - direction » qui caractérisent
base de l’adéquation des compétences par
la gouvernance des fédérations sportives.
rapport aux fonctions – candidature des
Les principaux acquis de ce travail tien-
dirigeants à élire sur base de valeurs et de
nent, d’abord, à la mise en évidence de
compétences) et la motivation (incitants).
l’évolution actuelle de certaines fédéra-
Nous y voyons une modalité fondamentale
tions sportives dont la transformation
d’accompagnement du changement.
(hybridation des configurations) est mani-
Le principe d’externalisation et de mutuali-
feste. Ces organisations sont parvenues à
sation de services est le quatrième de ces
s’adapter à leur environnement. Un proces-
principes. Un ensemble de services propre à
sus de changement semble s’être enclen-
soutenir l’engagement des fédérations dans
ché. La question du sens de cette adapta-
une mutation configurationnelle nécessaire
tion reste néanmoins posée. Le second
est indispensable. Il s’agit par exemple
acquis est la démonstration faite de l’émer-
d’offre de formations, de conseils en straté-
gence de nouvelles configurations entre-
gie (profils et fonctions, distribution et exer-
preneuriales et professionnelles au sein de
cice du pouvoir, etc.). Les limites – taille,
ces fédérations dont les configurations pri-
moyens financiers et logistiques, autres
mitives (et toujours présentes) étaient plu-
contraintes – qui s’imposent à la profes-
tôt « missionnaires ». Cette coexistence
sionnalisation des fédérations pourraient
s’avère féconde notamment au regard du
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ainsi être compensées par l’offre de ser-
processus d’adaptation mais elle est cepen-
vices externalisés et mutualisés.
dant porteuse de difficultés dans les pro-
Le principe de veille à l’environnement per-
cessus de gouvernance.
tinent est le dernier de ces principes organi-
Ces acquis et les réalités évoquées souli-
sateurs. La capacité des fédérations, en
gnent l’importance de la maîtrise des pro-
cette matière, est limitée par l’incapacité de
cessus de changement. Cette maîtrise
la plupart d’entre elles à se positionner dans
nécessite une bonne compréhension des
celui-ci en mobilisant, par des systèmes ad
mécanismes en jeu à laquelle les « élus stra-
hoc, les informations nécessaires. La mise
tèges » des fédérations devraient avoir
en place de ces systèmes d’information –
accès.
notamment par l’offre de services mutuali-
Cette contribution à une compréhension
sés mentionnée plus haut –, le développe-
plus fine des fédérations sportives se veut
ment de structures d’audit interne et exter-
aussi une voie ouverte vers l’action, tel est
ne permettraient un management de la qua-
le sens de la proposition de « principes
lité qui se traduirait sous forme d’une label-
organisateurs pour une meilleure gouver-
lisation et de conventions d’objectifs avec
nance fédérale ». La coexistence de béné-
les acteurs dominants externes et internes.
voles et de professionnels est ici la ressour-
La gouvernance des fédérations sportives 33

ce rare, sans doute facteur de complexité de pérennité de ces organisations singu-


mais surtout source de richesse et condition lières que sont les fédérations sportives.

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