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L’information dans
la chaîne logistique
Les dernières décennies ont vu une croissance fulgurante des
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L
es chaînes logistiques peuvent main- rope de l’Est connaissent également une
tenant traverser plusieurs mers et forte croissance économique.
continents, depuis l’origine des L’impact de l’approvisionnement global sur
matières premières jusqu’au consommateur les réseaux logistiques est clair. Les entre-
final. Ces chaînes ont atteint une longueur et prises profitent de coûts d’achat et de pro-
un volume sans précédent. Plusieurs organi- duction réduits grâce à une main-d’œuvre à
sations réalisent que maîtriser ce type de bas prix. En contrepartie, ces entreprises
chaîne est complexe et que gérer cette com- voient leurs délais d’approvisionnement se
plexité engendre des coûts. Ainsi, dans une rallonger et leurs activités logistiques,
étude récente réalisée auprès de manufactu- notamment les activités de transport, se
riers canadiens s’approvisionnant dans des compliquer. Pour faire face à cette com-
pays à faibles coûts de main-d’œuvre comme plexité, les entreprises se doivent de gérer
la Chine, on apprenait que, dans la majorité leur chaîne logistique de manière plus
des cas, ces entreprises, qui s’approvision- sophistiquée. Après avoir adopté des
naient auparavant en Amérique du Nord, approches collaboratives, où les entreprises
observaient une augmentation de leur coût partagent ou élaborent ensemble leurs pré-
total (Industrie Canada, 2007). Ces coûts visions et plans de productions, certaines
s’expliquent notamment par l’augmentation entreprises vont un pas plus loin et visent
des stocks de sécurité que les entreprises uti- également à planifier et contrôler leurs acti-
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minimum l’investissement requis par les sionnement. Ils ont, de plus proposé divers
parties impliquées pour réaliser le réappro- moyens pour remédier à chacune d’entre
visionnement continu. Typiquement, le elles (voir tableau 1).
tiers, se basant sur une série d’informations Pour leur part, Disney et Towill (2003) ont
fournies par les différents partenaires de la étudié l’impact du VMI sur l’effet bullwhip.
chaîne, établit des prévisions de ventes et Leur étude, basée sur la simulation, conclut
des recommandations d’achat pour le distri- que le VMI élimine de façon presque com-
buteur et un plan de production plus ou plète les effets du rationnement et du
moins précis pour le fournisseur. Le four- regroupement en lots. Elle démontre égale-
nisseur, puis le distributeur, confirment ment l’efficacité du VMI pour contrer l’ef-
ensuite leur engagement à suivre le plan fet des variations de prix. Enfin, son effica-
proposé par le tiers. cité sur l’effet des modèles de prévision de
Au cours des dernières années, plusieurs la demande n’est pas concluante.
auteurs ont aidé à mieux comprendre la L’analyse de l’efficacité du CPFR en géné-
nature et l’importance de l’effet bullwhip ral et du partage de l’information en parti-
ainsi que ses causes et les façons de l’atté- culier est un autre sujet qui a capté l’intérêt
nuer. Parmi ces travaux, on se doit de men- des chercheurs du domaine de la chaîne
tionner ceux de Lee et al. (1997) qui, en se logistique au cours des dernières années.
basant sur des données recueillies chez Ainsi, Aviv (2001) modélise une chaîne
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Cause Remède
Le rationnement et les – Répartition des produits rationnés en fonctions des ventes passées
manœuvres stratégiques – Limitation des variations acceptées dans les commandes
qui en découlent – Partage de l’information sur la capacité et les approvisionnements
Les variations de prix Engagements à terme, EDLP (Every Day Low Price)
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Aviv en conclut que l’ajustement dyna- naires au type de contrat qu’on applique et
mique des prévisions peut engendrer des au niveau de confiance qui s’établit entre les
réductions de coût substantielles mais que partenaires.
ces réductions sont tributaires de la confi- Lee et al. (2000), utilisant également une
guration du problème, notamment de la chaîne simplifiée de deux partenaires, mais
qualité des prévisions initiales. Enfin, un dans un contexte de demande non station-
processus collaboratif est avantageux par naire, démontrent à partir de deux études
rapport à un processus individuel dans la aux résultats très similaires, l’une analy-
mesure où les partenaires ont des atouts très tique (basée sur des approximations),
contrastés (diversified capabilities) dans l’autre numérique (basée sur des simula-
leur façon d’établir leurs prévisions. tions), que le partage de l’information
Pour leur part, Cachon et Fischer (2000) étu- engendre une réduction significative des
dient la réduction de coût associée au par- stocks et des coûts. Les résultats illustrent
tage de l’information au sein d’une chaîne également que les réductions sont les plus
simplifiée comprenant N distributeurs iden- grandes lorsque la demande est fortement
tiques et un fournisseur fabriquant un seul auto-corrélée et très variable et que le délai
produit dont la demande est stochastique et d’approvisionnement est long.
stationnaire. Lors de tests numériques, ils Enfin, plusieurs autres études basées sur des
observent une réduction de coût de 2,2 % en méthodologies et des configurations
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expertise et une certaine adaptabilité de la donnant les flux d’information entre tous
part des gestionnaires d’opérations et de les membres de celles-ci, ce qui leur permet
chaînes logistiques. La vélocité à laquelle de mieux définir leurs rôles et responsabili-
les chaînes logistiques évoluent aujourd’hui tés (Kempainen et Ari, 2003). L’effort
accentue l’importance de cette capacité à majeur d’intégration de la chaîne logistique
réagir rapidement. En effet, une erreur non doit en grande partie être orienté sur l’inté-
détectée pendant quelques minutes peut gration des flux de l’information tant
avoir des répercussions qui prendront des internes qu’externes à l’entreprise. Intégrer
jours à corriger. l’information interne est en soi un effort de
taille, mais des difficultés supplémentaires
1. Intégration de la chaîne se posent au moment d’intégrer les infor-
La tendance actuelle en gestion de la chaîne mations des clients et des fournisseurs.
logistique est l’intégration sans intermé- Étant donné la diversité des fournisseurs
diaire de l’information ainsi que le partage avec lesquels une entreprise typique transige,
de données en temps réel (Simchi-Levi et le niveau d’intégration technologique dépen-
al., 2003, Kempainen et Ari, 2003, Lee, dra de la capacité de ces fournisseurs à maî-
2005). Ce partage des données est aussi un triser de nouvelles technologies et à adapter
élément facilitateur qui permet aux entre- leurs processus. Dans certains cas, un arbi-
prises de passer de la simple intégration trage doit être fait entre garder un fournis-
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de temps de cycle décisionnel a été proposé vent d’être contrôlés en temps réel pour
par Boyd, d’où l’appellation usuelle de assurer le suivi des marchandises et aussi le
cycle de Boyd. Celui-ci aurait avancé l’idée respect des horaires établis. De nos jours,
que, dans un contexte militaire, pour défaire plusieurs dispositifs électroniques de sur-
son adversaire, il faut que notre cycle déci- veillance des transports peuvent être utilisés,
sionnel, qui consiste à observer, orienter, des alarmes et signaux digitaux au suivi des
décider et agir, soit plus rapide et efficace camions par satellite. Pour s’assurer d’une
que celui de l’ennemi (Hammond, 2001). visibilité en temps réel, la position de
En négligeant de réagir rapidement aux évé- chaque conteneur ou camion ainsi que le sta-
nements au fur et à mesure qu’ils se présen- tut des capteurs de données telles que la tem-
tent, on atteint rapidement la surcharge du pérature intérieure des remorques, devraient
système opérationnel, ce qui affecte la capa- être disponibles au centre de décision.
cité de prise de décision et se traduit par un
effet en cascades qui réduit le niveau de Les stocks
contrôle de la situation (Véronneau et Le niveau des stocks dans les chaînes logis-
Cimon, 2007). Une logique semblable s’ap- tiques est une information cruciale qui peut
plique à la maintenance et à la protection indiquer des pénuries à venir autant que de
des réseaux de survie (lifeline networks), graves surplus avec risque de pertes. La
c’est-à-dire les infrastructures fournissant localisation et le statut de ces stocks sont
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sur les réseaux logistiques en tenant compte tions de service pouvant coûter plusieurs
des stocks disponibles, du taux d’utilisation millions de dollars et mettre en péril la mis-
des réseaux de transport ainsi que des capa- sion même de l’organisation.
cités des centres de production. Par exemple, dans le cas des chaînes logis-
tiques de navires de croisière, la fenêtre de
La capacité des centres de production temps disponible pour réapprovisionner les
En possédant toutes les informations men- navires afin d’offrir une croisière agréable
tionnées ci-haut sur une base continue et en à des milliers de passagers est de seule-
temps réel, il est alors possible d’ajuster en ment cinq à six heures à chaque semaine
conséquence les calendriers de production (Véronneau et Roy, 2008). Ces chaînes
en temps réel également. Il est donc pos- doivent être suivies de très près pour s’as-
sible d’optimiser la production en tenant surer que les livraisons soient effectuées
compte de facteurs tels que les heures de tel que prévu. Si un seul camion manque à
travail en surtemps dans certains centres, de l’appel, le succès d’une croisière ainsi que
la sous-utilisation de la main-d’œuvre dans des centaines de milliers de dollars en reve-
d’autres centres ou encore de l’épuisement nus sont en péril. Cependant, le modèle tra-
des ouvriers dans un autre. ditionnel de gestion de la chaîne s’effec-
tuant durant les heures normales
3. Exemples d’application d’ouverture de l’entreprise, avec une seg-
Les chaînes logistiques globales qui traver-
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l’intégration complète de la chaîne logis- sées. Il arrive de plus en plus souvent que
tique en permettant aux gestionnaires de des gestionnaires soient réveillés en pleine
réagir immédiatement (en temps réel) à des nuit pour prendre des décisions urgentes
variations subites dans l’offre et la demande concernant une activité se déroulant dans un
ainsi qu’à des événements imprévus. On autre fuseau horaire. En plus de la fatigue
vise également une synchronisation accrue causée aux gestionnaires, cette façon de
des activités du réseau logistique et une faire est loin d’être efficace. Les entreprises
meilleure collaboration entre les différents se doivent de concevoir de nouvelles struc-
acteurs de la chaîne (Lin, 2008). tures pour assurer le bon fonctionnement de
leur chaîne logistique mondiale. L’accès à
CONCLUSION des informations clés en continu qui facili-
tent la prise de décisions rapides et appro-
Au cours des dernières années, une multi- priées apparaît comme étant un atout essen-
tude d’études aux méthodologies variées tiel pour les chaînes logistiques
ont mis en exergue les avantages liés aux d’aujourd’hui. Quelques entreprises ont déjà
approches collaboratives de planification de mis en place de tels centres de contrôle, c’est
la production et au partage d’informations, notamment le cas de IBM et de certaines
notamment les ventes au point de consom- entreprises de croisières. L’étude de telles
mation, les stocks et la capacité. Dans un expériences nous apparaît des plus perti-
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