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L'EXTERNALISATION : DE L'OPÉRATIONNEL AU STRATÉGIQUE

Bertrand Quélin

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2007/8 n° 177 | pages 113 à 128


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746220119
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-8-page-113.htm
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DOSSIER DOI:10.3166/RFG.177.113-128 © 2007 Lavoisier, Paris.

PAR BERTRAND QUÉLIN

L’externalisation :
de l’opérationnel
au stratégique
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L
L’externalisation est plus es dimensions d’efficacité et de performance
spontanément associée aux
opérationnelles de l’externalisation sont plus fré-
dimensions d’efficacité et de
performance opérationnelles
quemment évoquées que la contribution de cette
qu’au développement dernière au développement stratégique de l’entreprise.
stratégique de l’entreprise. L’association classique de l’externalisation avec la
L’association classique de réduction des coûts est ainsi illustrative d’une préoccu-
l’externalisation avec la
pation de court terme, avec son volet d’efficacité, en
réduction des coûts est ainsi
illustrative d’une particulier opérationnelle. Pour être réellement straté-
préoccupation de court gique, l’externalisation suppose un bilan préalable des
terme. Pour être réellement axes de développement stratégique et des compétences
stratégique, l’externalisation
futures de l’entreprise (Quélin et Duhamel, 2003).
suppose un bilan préalable
des axes de développement
Dans cet article, sur la base d’études réalisées depuis le
et des compétences futures début des années 2000 (voir encadré méthodologique),
de l’entreprise. Elle requiert nous examinons les choix récents des grands groupes en
aussi une sélection d’un termes de transformation stratégique. La seconde partie
partenaire privilégié capable
offre un panorama des perceptions des managers et pré-
d’en faire un réel vecteur de
la stratégie de l’entreprise
sente la pratique de l’externalisation dans les grands
cliente. Enfin, elle exige des groupes français en 2006. Puis, dans une dernière partie,
dispositifs contractuels nous proposons une démarche méthodologique en deux
flexibles susceptibles volets : 1) la démarche d’analyse stratégique, appliquée
d’accompagner les
à l’externalisation ; 2) une comparaison des choix orga-
évolutions de la relation
client-prestataire. Cet article nisationnels possibles : centre de services partagés et
propose un éclairage externalisation auprès d’un prestataire extérieur.
managérial de la démarche Ensuite, nous examinons les conditions qui feraient de
à observer et invite à suivre
l’externalisation un réel vecteur de la stratégie de l’en-
les cinq principales étapes
de la méthodologie
treprise, et celles d’une collaboration entre l’entreprise
proposée. cliente et le prestataire.
114 Revue française de gestion – N° 177/2007

Cet article offre ainsi une démarche métho- nalisation ne soit pas négligée, elle n’est
dologique claire pour décider d’une exter- pas jugée prioritaire (classement au 4e rang
nalisation. sur 5 possibles).

2. Un début de décennie 2000 marqué


I. – LA TRANSFORMATION par des réorganisations
STRATÉGIQUE DES GRANDS
Mode dominant de la stratégie des entre-
GROUPES FRANÇAIS DEPUIS 2000 :
prises françaises, la croissance externe s’ac-
UN BILAN
compagne de nombreuses réorganisations
Dans cette section, nous présenterons et restructurations. Pour les entreprises
quelques-uns des résultats tirés d’une interrogées, le début de la décennie était
enquête menée en 2006 conjointement avec principalement centré sur l’amélioration de
Orange Business Services (Quélin, 2006). l’excellence opérationnelle. C’était l’objec-
Elle apporte certains éclairages intéressants tif prioritaire pour un tiers de l’échantillon
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sur l’adaptation des grands groupes et sur et pour 40 % des plus grandes entreprises
les transformations de leur organisation qui (CA supérieur à 1,5 milliards d’euros). Au
accompagnent leurs mutations stratégiques. deuxième rang, 20 % classent les restructu-
rations, et mentionnent les gains de parts de
1. La croissance externe demeure
marché (19 %) à la troisième place. À par-
le vecteur dominant du développement
tir de notre enquête « 2006 », il est clair que
stratégique des groupes français
la recherche d’une performance des activi-
Depuis 2000, les entreprises affirment une tés ainsi que les restructurations ont dominé
claire priorité donnée à la taille. Les trois- une période de forte pression concurren-
quarts des entreprises interrogées souli- tielle.
gnent ainsi le rôle de la croissance externe
dans leur stratégie. Pour la moitié, les 3. Un horizon 2010 tourné vers le
fusions-acquisitions dominent ; elles s’ac- développement
compagnent parfois de cessions d’activités Pour 2010, les entreprises affichent sans
(25 %). Ces mouvements stratégiques ont doute possible une priorité accordée au
largement dominé les alliances comme les développement international et technolo-
partenariats. gique. Parmi les fonctions les plus sensibles
À l’horizon 2010, consolider le périmètre pour leur développement stratégique, les
de leurs activités, acheter et céder des actifs entreprises mentionnent :
demeurent les principaux choix straté- – la recherche et développement pour
giques anticipés. La moitié des entreprises 30 % ;
interrogées entendent poursuivre leur crois- – la fonction marketing et la fonction com-
sance externe et tirer bénéfice de leur bonne merciale sont chacune citées comme pre-
santé financière. D’un côté, répondre à la mier choix par 24 % des entreprises.
globalisation des marchés est une priorité Fin 2006, les plus grandes entreprises du
affichée, mais les projets de délocalisation CAC 40 affichaient des priorités encore
ne sont pourtant cités qu’en cinquième plus marquées : 37 % pour la R&D, 46 %
position. D’un autre côté, bien que l’exter- pour le commercial et 27 % pour le marke-
L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 115

ting. Il s’agit de conquérir les marchés 70 % déclarent avoir déjà mis en place des
émergents et de répondre aux évolutions centres de services partagés (CSP) ;
des goûts des consommateurs. La conquête – quant aux décisions d’externalisation,
de nouvelles zones économiques succède 29,9 % affirment fin 2006 ne pas savoir et
ainsi au rétablissement de l’efficacité opé- 41,8 % affirment qu’il n’y aura pas d’opé-
rationnelle. ration majeure d’externalisation dans les 3
années à venir ; c’est sans doute une déci-
4. Gérer soi-même la transformation sion suffisamment sensible pour ne pas
stratégique l’annoncer.
Du point de vue des partenariats, il apparaît
que les grands partenaires stratégiques sont 1. Pourquoi externaliser ? Articuler
majoritairement cantonnés aux technolo- court terme et moyen terme
gies de l’information et à la communica- Parallèlement, pour les facteurs explicatifs
tion. Plus de la moitié des entreprises le de l’externalisation, une vision à moyen
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reconnaissent. À l’exception des domaines terme du métier et une sensibilité opéra-
que sont l’informatique, les télécommuni- tionnelle sur les coûts sont évoquées simul-
cations et la publicité, 85 % des entreprises tanément. Le recentrage sur le métier
ne s’attendent pas à s’engager dans une comme la réduction des coûts expliquent le
relation exclusive avec un grand partenaire. recours à l’externalisation (Quélin et
Par exemple, la recherche et développe- Duhamel, 2003),
ment fait majoritairement l’objet d’un En effet, en 2006, 32,3 % des entreprises
choix interne (77 %) comme la production jugent très importante l’externalisation
(72 %). De même le relationnel passé avec pour « améliorer le recentrage de la société
un prestataire ne semble pas être fondamen- sur ses métiers » (60 % pour les niveaux
tal pour développer un partenariat, pour « très important » et « important » cumulés)
plus de 67 % des entreprises interrogées. (cf. figure 1). Ce point est à rapprocher des
52,3 % des entreprises qui jugent l’externa-
II. – COMMENT LES GRANDS lisation comme importante pour « mobiliser
GROUPES FRANÇAIS des ressources internes pour d’autres
PERÇOIVENT-ILS usages ».
L’EXTERNALISATION ? À ce titre, la moitié des entreprises perçoi-
vent donc l’externalisation comme un vec-
Tout d’abord, deux phénomènes notables teur de réorganisation des métiers et des
apparaissent en 2006 : activités. Cette dernière porterait naturelle-
– près des trois-quarts des sociétés (73,9 %) ment sur le périmètre des activités.
s’estiment être à un « niveau tout à fait Pourtant, 65,7 % jugent encore l’externali-
comparable à celui des concurrents » en sation importante pour « réduire et contrô-
matière d’externalisation. Aucun retard ne ler les coûts d’exploitation ». Et cette raison
serait ainsi perçu et aucun effort de rattra- est aussi importante que la réallocation de
page ne serait nécessaire ; par exemple, ressources en interne pour d’autres usages.
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Figure 1
QUELLES SONT LES PRINCIPALES RAISONS POUR EXTERNALISER ?
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Source : Quélin (2006, HEC-FT).

Figure 2
LES FREINS OU INHIBITEURS À UNE DÉCISION D’EXTERNALISATION

Source : Quélin (2006, HEC-FT).


L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 117

2. Les freins perçus à l’externalisation : ailleurs seront rapidement brossées tandis


la dépendance opérationnelle que les plus originales feront l’objet d’une
et la culture du client attention plus marquée :
Il est intéressant de constater que pour – Phase 1 : une démarche d’analyse straté-
43,3 % des entreprises, « l’innovation ou gique, appliquée à l’externalisation ;
les changements technologiques dans leurs – Phase 2 : une analyse des risques ;
métiers » ne sont pas des freins importants – Phase 3 : une comparaison des choix orga-
à l’externalisation. nisationnels possibles ;
Par contre, 62,7 % estiment importante ou – Phase 4 : l’analyse des conditions qui
très importante la « culture du groupe » feraient de l’externalisation un réel vecteur
comme frein ou inhibiteur de la décision de la stratégie de l’entreprise ;
d’externaliser. Trois facteurs pourraient – Phase 5 : l’étude des conditions de colla-
expliquer ceci : boration entre l’entreprise cliente et le
– une culture de la centralisation ; prestataire.
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– une culture de l’autonomie en particulier
1. Phase 1. L’approche stratégique de la
au travers du syndrome « not invented
décision d’externalisation
here » ;
– enfin, une assez faible pratique de la rela- Notre propos est de souligner l’intérêt à
tion contractuelle durable avec de grands mener en interne, dans un premier temps,
partenaires. une analyse stratégique pouvant conduire à
Ces raisons premières ne sont cependant une décision d’externalisation (Quélin,
pas directement citées dans notre enquête. 2003). Au sein de cette phase 1, quatre
Un autre facteur, la perte de contrôle et de étapes générales sont ici distinguées :
compétence, pèse négativement sur la déci- 1) identifier le périmètre des activités
sion : concernées par l’externalisation ;
– 52,3 % des sociétés jugent importante ou 2) analyser la coordination organisation-
très importante la « perte de contrôle per- nelle et les interfaces à construire entre l’ac-
çue » comme obstacle à l’externalisation ; tivité externalisable et celles maintenues en
– 51,5 % perçoivent d’ailleurs « la dépen- interne ;
dance opérationnelle » comme freinant la 3) étudier la faisabilité (juridique, tech-
décision. nique, fiscale, etc.) de l’opération ;
Examinons maintenant quelle démarche 4) évaluer la décision sur la base d’une
méthodologique pourrait accompagner une étude multicritère.
telle décision d’externalisation. Une fois identifié le périmètre de l’activité
potentiellement externalisable, il est néces-
saire d’apprécier si elle est au cœur de
III. – UNE DÉMARCHE savoir-faire, de process et de compétences-
MÉTHODOLOGIQUE POUR clés dont le caractère critique rendrait diffi-
DÉCIDER UNE EXTERNALISATION cile ou impensable l’externalisation.
Les cinq phases suivantes scandent la L’analyse des compétences (Barney, 1991)
démarche méthodologique que nous propo- a dégagé quatre critères pour déterminer
sons. Les phases les plus traitées par l’appartenance au cœur de métier : la contri-
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Tableau 1
EXEMPLES DE COMPÉTENCES TECHNOLOGIQUES-CLÉS
Sociétés Savoir-faire et compétences
Black & Decker Technologies du petit moteur électrique
Casio Technologies des écrans
Domino’s Pizza Temps du cycle & logistique
Motorola/Nokia Technologies de la portabilité
Sony Technologies de la miniaturisation
3M Technologies adhésives et de couche enduite
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bution à la création de valeur ; la rareté ; le est une condition sine qua non, comme cela
caractère non imitable ; le caractère non- a été le cas des sites de production de semi-
substituable. conducteurs d’Altis en Essonne avec le
Le tableau 1 donne quelques exemples de prestataire KLA-Tensor.
compétences technologiques. Il s’agirait de Sur cette base, l’analyse stratégique doit par
vérifier que le périmètre éventuel d’une la suite porter sur un travail de sélection de
externalisation n’entrainerait pas le trans- critères pour décider ou pas de l’externali-
fert de savoir-faire, de capacités et compé- sation. L’outil que nous proposons, dans la
tences. figure 3, retient les cinq critères suivants :
Toutefois, les processus et les interfaces 1) la structure et le niveau des coûts de l’ac-
organisationnels ne doivent pas être négli- tivité ou de la fonction concernée ; par
gés. Il est utile ensuite de s’interroger sur les exemple, le directeur financier de SKF
liens que telle ou telle fonction possède avec France estimait les gains économiques
d’autres activités ou des compétences attendus à hauteur de 40 % à l’issue de son
cœurs, lesquelles pourraient être impactées contrat d’externalisation des opérations
par la décision d’externaliser. Par exemple, comptables et financières, signé en 2006
l’interface entre une plate-forme logistique avec Cap Gemini ;
et l’unité de production (exemple : d’un pro- 2) la contribution au positionnement
ducteur d’eau minérale) constitue un concurrentiel de l’entreprise : par exemple,
maillon essentiel pour la coordination future il est remarquable que la logistique n’est
entre l’entreprise et son futur prestataire. pas fréquemment citée comme étant une
Enfin, il est nécessaire de vérifier la faisabi- compétence-clé ; par contre, elle peut
lité dans les registres technique, opération- contribuer à l’avantage concurrentiel de la
nel, fiscal et juridique de la décision. Par société, en ayant un impact direct sur la
exemple, pour la maintenance industrielle, satisfaction du client final (cf. Delle ou les
la proximité géographique d’un prestataire sociétés de vente par correspondance) ;
L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 119

3) la pression concurrentielle, en particulier chacune des solutions ; par exemple, alors


à travers un différentiel de coût ou bien que nombre de ses activités ont déjà été
l’antériorité de la décision d’un concurrent, externalisées (transport, traitement des
peut pousser le dirigeant ou son comité déchets et des eaux usées), Danone estime
d’investissement à privilégier la solution posséder le niveau de maîtrise et de per-
externe ; formance le plus élevé pour la production
4) la contribution à la valeur ajoutée des produits lactés avec des fruits en mor-
demeure un critère essentiel pour en antici- ceaux.
per le contrôle de la source et sa maîtrise ; L’outil (figure 3) permet d’attribuer une
ce critère suppose une bonne anticipation note de 0 (faible) à 10 (fort) sur chacun des
des tendances à venir et des déterminants cinq critères retenus. Un profil s’en dégage,
futurs des métiers de l’entreprise (technolo- aidant à identifier les critères les plus sen-
gie, capacité d’embauche, droits de pro- sibles.
priété, savoir-faire industriel, marque,
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etc.) ; 2. Phase 2. Une analyse des risques
5) la comparaison en termes de perfor- associés à l’externalisation
mance relative entre la solution interne et En complément à la phase 1, l’analyse stra-
la solution externe : cette dimension tégique de l’activité en quatre étapes, une
dépasse le simple coût de la prestation étude des risques doit venir compléter celle
pour apprécier la performance opération- des opportunités (Quélin et Barthélemy,
nelle, technologique et managériale de 2000). Il n’est d’ailleurs pas sans intérêt de

Figure 3
EXTERNALISATION : UNE ANALYSE MULTICRITIÈRE DE LA DÉCISION
120 Revue française de gestion – N° 177/2007

réaliser une telle analyse en distinguant Au total, les phases 1 et 2 conduisent à


les situations d’externalisation des cas l’identification de certaines activités sus-
d’offshoring (cf. article dans ce dossier et ceptibles de faire l’objet d’une décision sur
Quélin, 2004). leur place future dans l’entreprise.
Dans le cas d’une externalisation classique
(dite nearshore), les risques sont classiques, 3. Phase 3. Le choix organisationnel :
et cinq risques sont retenus : centre de services partagés ou
1) les coûts mal ou non anticipés externalisation ?
(Barthélemy, 2007) ; Les deux précédentes phases débouchent
2) la perte de contrôle, opérationnel en par- sur la question de la forme d’organisation
ticulier ; à adopter. Trop souvent, ce point est négligé
3) la perte de compétence et de savoir-faire ; dans le processus de décision. Pour-
4) le risque d’un conflit social interne, pro- tant, cela permet un réel examen des
voqué par l’annonce de l’opération (Quélin, différents choix possibles, y compris en
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2005a) ; interne.
5) une certaine distance entre les cultures En effet, une fois identifiés la fonction
de groupe du client et du prestataire. (exemple : les ressources humaines), le
L’offshoring présente en soi des risques département (exemple : la comptabilité ;
tout à fait particuliers, liés entre autres à cf. de la Villarmois et al., 2003) ou l’unité
l’éloignement géographique, mais aussi au (exemple : une usine ; cf. Gosse et al., 2002
choc des cultures. Ainsi, cinq risques liés à ou un centre de R&D), voire le processus
l’offshoring sont identifiables : (exemple : la logistique), le fait de suivre les
1) les obstacles linguistiques ; étapes suivantes (figure 4) va conduire à
2) l’éloignement géographique pose de une élaboration précise des besoins en s’ap-
nombreux problèmes de suivi et de contrôle puyant sur une mise en valeur des dimen-
de l’état d’avancement d’un projet ; il peut sions pertinentes.
ainsi obérer la capacité des équipes du Parmi ces dimensions, la gouvernance en
prestataire à venir rapidement sur les sites est une, et de tout premier rang. Il s’agit
du client ; par exemple, pour réduire ce pro- d’apprécier si un rattachement direct à
blème, le prestataire informatique indien l’échelon corporate est utile et pertinent,
Infosys a installé une unité en Roumanie comme le seraient la communication finan-
alors que près de 70 % de la structure du cière du groupe ou les relations institution-
coût de son activité sont, en moyenne, réa- nelles (lobbying).
lisés à Bangalore ; d’autres prestataires se Entre temps, l’analyse stratégique aura per-
sont implantés dans les pays baltes pour mis d’évaluer si la fonction ou l’activité
couvrir la Scandinavie ; sont des éléments du cœur de métier, et si
3) il exige aussi du prestataire une grande elles possèdent un caractère critique ou
capacité à mener un projet ; contribuent à l’avantage concurrentiel.
4) la fiabilité, les problèmes de sécurité et L’exemple de la fonction paie et ressources
de confidentialité ; humaines d’Arcelor en France avant sa
5) l’éloignement des cultures des sociétés fusion avec Mittal est intéressant. Plus
clientes et prestataires. d’une trentaine de filiales françaises ont
L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 121

Figure 4
LE CHOIX DE LA BONNE ORGANISATION
UN ARBRE DE DÉCISION
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ainsi été sollicitées, sur une base volontaire, solution interne du CSP et l’externalisation.
pour devenir clientes d’un service interne La performance actuelle et future du presta-
d’édition des bulletins de paie, de services taire, comme la capacité de suivi seront des
relatifs aux avantages sociaux, et d’un critères importants. Ils viennent compléter
centre d’appel pour les salariés (Quélin, les références acquises et les compétences
2005b). accumulées dans un métier précis par le
Ainsi, le caractère transversal et la compa- prestataire.
tibilité inter-business units sont naturelle-
ment des facteurs favorables à la mise en 4. Phase 4. Mettre l’externalisation au
place d’un centre de services partagés cœur de la décision stratégique
(CSP). La mise en place d’une culture nou- Il est intéressant de s’interroger sur les
velle autour de la focalisation client et de critères que les dirigeants perçoivent
l’orientation service, et de la facturation en comme déterminant du succès d’une
interne de prestations est une condition de opération d’externalisation. Ensuite, il faut
réussite (Quélin, 2005b). examiner à quelles conditions l’externalisa-
Ensuite, la comparaison des performances tion peut devenir un vrai partenariat
relatives en termes de prix, qualité, flexibi- stratégique. Ces points sont discutés par la
lité et innovation conduira à arbitrer entre la suite.
122 Revue française de gestion – N° 177/2007

Les facteurs-clés du succès de – 80,3 % des répondants en 2006 pensent


l’externalisation que « l’engagement de l’entreprise dans le
Comme nous le mentionnions au début de management de la relation avec le presta-
cet article, l’externalisation est conçue taire » est déterminant ;
comme transformatrice par 50 % des entre- – 72,3 % estiment important le « soutien et
prises interrogées. Pour être un vecteur de la l’engagement de dirigeants seniors/execu-
transformation des entreprises, l’externali- tive » pour réussir une opération ;
sation doit répondre à certaines conditions. – Et, 75,8 % jugent importante « l’atten-
Tout d’abord, la « compréhension par le tion portée aux personnels et à leur préoc-
prestataire des buts et objectifs de l’entre- cupation ».
prise » est perçue en 2006 comme « impor- Ceci corrobore ce que Trent et Monczka
tante » et « très importante » par 92,5 % des affirment lorsqu’ils recommandent que
entreprises. Cela traduit l’exigence de « des managers interfonctionnels partici-
proximité et de connaissance attendue du pent au comité de suivi ; […] qu’un direc-
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prestataire par le client. teur exécutif possède l’autorité pour impul-
Pour compléter ce point, 80,3 % estiment ser une vision du développement ; […] des
déterminante la « vision stratégique des managers mettent en place des processus
dirigeants » de l’entreprise cliente afin de interfonctionnels » (Trent et Monczka,
replacer l’opération d’externalisation dans 2005, p. 26).
le développement général du groupe. Au total, il s’agit de s’investir dans la mise
en œuvre, puis de communiquer en interne,
Une mobilisation interne ensuite de soigner la qualité du processus
Trois points confirment le rôle majeur de de sélection du prestataire, et enfin de s’im-
l’équipe dirigeante :

Figure 5
CRITÈRES DE PERCEPTION DU SUCCÈS DE L’EXTERNALISATION
L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 123

pliquer dans le management du relationnel efficacité opérationnelle de l’externalisation,


avec le prestataire. mais aussi de son évolution dans le temps.
Généralement, les principaux critères de
La qualité du suivi et la mise en place recrutement des personnels en charge du
d’un comité de pilotage suivi et du pilotage des contrats d’externali-
L’externalisation repose sur un principe de sation sont les suivants :
délégation, basée sur une relation contrac- – expérience managériale : souvent issue
tuelle durable, en confiant la responsabilité des services informatiques ou des achats ;
économique au prestataire. Elle s’oppose en – management de projet : capacité à gérer le
cela à la sous-traitance. De ce fait, l’entre- relationnel avec le prestataire ;
prise ayant externalisé se retrouve dans une – expérience de négociation des contrats ;
situation assez comparable à la maîtrise – expérience de l’outsourcing ;
d’ouvrage. – crédibilité ;
Moyens et objectifs ont été définis au préa- – capacités organisationnelles en maîtrise
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lable, mais l’exécution opérationnelle d’ouvrage, et en pilotage de projets.
échappe au contrôle direct du donneur De son côté, la mise en place d’un tableau
d’ordre. Ce dernier doit alors se doter d’ou- de bord suppose une maturité de la relation
tils de management de la relation avec le au prestataire, à travers une sélection des
prestataire : un suivi opérationnel et un principaux critères à même de résumer son
tableau de bord. activité, sa performance et d’orienter le
Réunissant le client et le prestataire, un contrat d’externalisation.
comité de suivi d’un contrat d’externalisa- La figure 6 ci-après montre que la diffusion
tion est généralement en charge de deux d’un tel tableau de bord de l’externalisation
niveaux de responsabilité. Premièrement, le reste à amplifier en France.
suivi opérationnel peut parfois prendre la
forme d’un suivi hebdomadaire : par 5. Phase 5. Choisir un type de
exemple pour la gestion des incidents dans collaboration avec le prestataire
les domaines des télécommunications, de la L’externalisation s’accompagne en fait d’un
fourniture d’énergie ou de la logistique. changement organisationnel assez profond.
Deuxièmement, un suivi plus stratégique à Le prestataire en devient un rouage essen-
travers lequel sont réexaminés, sur une base tiel. Trois critères jouent un rôle essentiel :
semestrielle, les service level agreements a) la compréhension de son modèle
(SLA), les tarifs, les volumes et les presta- d’affaires ; b) la définition claire de ses
tions offertes, afin d’ajuster au mieux le propres objectifs ; c) l’anticipation d’un
contrat aux attentes du client. type de collaboration avec le prestataire.
Bien évidemment, la mise en place d’un tel
comité de suivi et de pilotage suppose que Comprendre le modèle d’affaires du
l’entreprise cliente conserve en son sein des prestataire
personnels hautement compétents. Ces der- Pour se lancer avec succès dans une exter-
niers doivent être en mesure d’assurer dans la nalisation d’envergure, il est essentiel de
durée un suivi qui sera à la fois garant d’une bien comprendre le modèle d’affaires de
124 Revue française de gestion – N° 177/2007

Figure 6
LA CONSTRUCTION D’UN TABLEAU DE BORD : UNE DIFFUSION
MOYENNE EN FRANCE POUR L’EXTERNALISATION
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Source : Ernst & Young Law (2005).
S.R. : sans réponse.

son prestataire (Quélin, 2004). Quatre rai- Troisièmement, la flexibilité et la réactivité


sons le justifient. attendues du prestataire supposent de sa
Premièrement, l’analyse en interne aura part une capacité de répartition de la charge
préalablement permis d’identifier les zones d’activité, et de redéploiement de ses
de progrès opérationnel liées aux réorgani- moyens. Ceci requiert un portefeuille de
sations possibles d’une activité donnée. clients, un niveau élevé de mutualisation, et
Pour l’entreprise, il s’agit alors de savoir si une gestion adaptée des équipes. Tout cela
elle souhaite prendre elle-même ou non ces exige également des formes élaborées de
mesures avant l’externalisation. Les flexibilité du contrat (Barthélemy, 2007).
réserves de productivité sont fréquemment Quatrièmement, attendre de son prestataire
importantes. Dans le cas de la mise en place une capacité d’innovation et de proposition,
d’un CSP, ce ré-engineering s’impose. qui se révèle essentielle dans la durée, sup-
Deuxièmement, il est très utile de savoir pose d’accepter de financer, au moins par-
pourquoi et comment le prestataire peut tiellement, les investissements de dévelop-
obtenir des réductions du coût total de pement, non pas directement mais à travers
l’ordre de 25 à 30 %. Il doit être très clair la négociation tarifaire.
que cela n’est possible que grâce à la
mutualisation et aux économies d’échelle. Croiser correctement les objectifs
Ceci doit donc se traduire par une accepta- poursuivis et la relation avec le prestataire
tion que le prestataire possède d’autres Le passage de l’opérationnel au stratégique
clients. Il est aussi évident que les moyens d’un contrat d’externalisation suppose une
techniques, les méthodes et l’organisation compréhension fine de la nature de la rela-
du prestataire pourront contribuer à sa per- tion client-prestataire, et de son contenu.
formance économique. Il convient alors de Deux dimensions sont ainsi identifiées : les
tenir compte des objectifs d’investissement contributions du prestataire, d’une part ; et
dans la négociation tarifaire. les besoins du client, d’autre part.
L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 125

L’axe vertical progresse du niveau opéra- Adopter un profil de collaboration


tionnel (efficacité, expertise) au niveau Déclinés d’un point de vue relationnel, ces
métier, puis passe au niveau de la vision trois profils mettent en lumière :
stratégique. L’axe horizontal représente les – le profil contractuel : l’accent du premier
types de contribution possibles du presta- profil sur le contrat, le respect de ses
taire, allant de l’offre d’infrastructures clauses et des engagements pris par le
jusqu’au développement d’offres inno- prestataire ; ce type de contrat fait alors
vantes. appel à des mécanismes d’incitation et à des
Le croisement des catégories du tableau 2 pénalités ; il repose sur des service level
ci-dessus contribue à constituer trois pro- agreements, et des zones de progrès
fils distincts : (Barthélemy et Quélin, 2006) ; le presta-
– un premier profil autour de la gestion taire doit prouver son expertise de l’indus-
contractualisée d’infrastructures adossée à trie et sa connaissance des aspects tech-
un objectif d’efficience ; il s’agira d’optimi- niques ; ses certifications et sa méthodologie
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ser les moyens et les prestations en rédui- pèsent dans la décision de le retenir ou non ;
sant fortement le coût unitaire ; – le profil ré-engineering : le deuxième pro-
– un deuxième profil est plus ancré sur l’ac- fil met l’accent sur la transformation et la
compagnement du changement ; les solu- réorganisation de l’entreprise cliente : ceci
tions techniques et organisationnelles sont suppose une proximité supérieure à la rela-
liées, et conduisent au ré-engineering et à tion contractuelle précédente et un échange
un travail sur les processus ; dense d’informations sensibles (par
– un troisième profil contribuant à l’innova- exemple, le contrat signé en 2006 entre
tion (technologique, organisationnelle et de Accenture et la Deutsche Bank) ; le résultat
business) basée sur un partage d’une vision n’est mesurable qu’à terme et une fois la
et de valeurs communes, et mobilisant des nouvelle organisation testée et rôdée ; du
solutions nouvelles et modernes. prestataire, il est requis une grande maturité

Tableau 2
BESOINS DU CLIENT ET CONTRIBUTIONS DU PRESTATAIRE
Contributions
du prestataire Changements
Besoins du client Infrastructures Restructurations Innovation
Réorganisations
Efficacité *** ** *
Expertise *** ** **
Compétences métier * ** ***
Vision * ** ***

Source : Gartner (2004) et Bain (2007).


126 Revue française de gestion – N° 177/2007

Tableau 3
OBJECTIFS DU CLIENT ET TYPES DE RELATION CLIENT-PRESTATAIRE
Cibles Changement Compétences
Objectifs du client Niveau opérationnel organisationnel clés/critiques
Technologie Contrat Contrat Codéveloppement
Compétences métier XXXXXXXXX Contrat relationnel Codéveloppement
Vision XXXXXXXXX XXXXXXXXX Empathie

de ses processus, une capacité de transfert prestataires. Sinon, le développement


de connaissances, et une fonction reconnue interne risque d’être privilégié.
de formation ; Comme pour les fusions-acquisitions, un
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– le profil partenarial : le troisième profil sup- certain nombre d’analystes (Deloitte,
pose le partage d’une vision commune et une Diamond Cluster/Oliver Wyman, Dun et
mise au service du client des compétences et Bradsteet, Forrester) signalent un certain
capacités du prestataire pour développer une désenchantement des clients vis-à-vis de
solution customisée ; mariant le codévelop- leurs opérations d’externalisation. Les
pement et l’innovation, elle requiert une objectifs ne seraient pas atteints, certains
forte densité du contrat relationnel qui mène contrats seraient annulés, et un pourcentage
à une forme d’empathie entre les deux élevé de clients ne seraient pas satisfaits du
acteurs ; le prestataire doit maîtriser les niveau de performance de leur prestataire.
formes adaptées de management des Malgré une croissance à deux chiffres du
connaissances, détenir une capacité prouvée marché, les prestataires verraient leur renta-
de créativité organisationnelle, et une solide bilité se dégrader, des durées de contrat se
réputation d’intégration culturelle. réduire, et un nombre croissant de clients
insatisfaits.
CONCLUSION Dans cet article, nous avons cherché à mon-
trer l’importance de la préparation en
Notre enquête 2006 a montré l’émergence interne d’une décision d’externalisation. En
d’une évolution dans la transformation stra- mettant l’accent sur une démarche d’ana-
tégique des entreprises françaises : les lyse stratégique en 5 phases. Nous insistons
restructurations font place aux investisse- sur l’importance de l’analyse de la contri-
ments de développement. Les grands bution d’une fonction ou d’une activité au
prestataires spécialisés pourraient jouer un positionnement concurrentiel actuel. Nous
rôle-clé dans cette transformation créatrice. soulignons aussi l’intérêt de l’étude de la
Cependant, il s’agit pour eux d’être contribution à la création de valeur future.
capables de transformer l’entreprise- Une décision précipitée, aux objectifs mal
cliente. Prendre le leadership de ce projet définis ou imprécis, ou ne répondant qu’au
est le défi de demain pour les plus grands mimétisme ou à des considérations de court
L’externalisation : de l’opérationnel au stratégique 127

terme ne peut que créer un sentiment d’in- des contrats offre de véritables dispositifs de
satisfaction. modulation, de séquençage et de renégocia-
L’accent est mis dans cet article sur l’étude tion des contrats. Il est nécessaire d’en privi-
comparative des choix d’organisation pos- légier l’adaptation fine à ses besoins.
sibles dont dispose toute entreprise: restruc- De l’autre côté, si l’externalisation requiert des
turation en interne (y compris accompagnée investissements à caractère spécifique, il est
de réorganisations), organisation autour d’un essentiel que le client accepte la rémunération
pôle de services (centre de services partagés), du risque porté par le prestataire, car l’externa-
et enfin, externalisation. Engager une telle lisation se traduit par le transfert de responsa-
démarche conduit à hiérarchiser ses attentes bilités du client vers le prestataire. L’évolution
et ses critères de décision. C’est aussi prépa- même du contrat et de la prestation peut
rer le terrain pour des décisions prochaines, dépendre de ces investissements préalables.
en soulignant l’existence éventuelle de sur- Enfin, l’innovation technologique ou organi-
coûts internes, l’inefficacité de l’organisation sationnelle sera conditionnée par la proximité,
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en place, l’existence de solutions alternatives. voire l’intimité, créée entre le client et le
Enfin, nous avons discuté les trois types de prestataire. Le partage d’une vision, la proxi-
profil de relation entre client et prestataire. mité des cultures de groupe, et le tissu des
En effet, la qualité de l’ajustement entre les relations interpersonnelles seront des facteurs
objectifs poursuivis, les gains attendus et le décisifs du passage du profil contractuel au
profil de la relation est essentielle pour tirer profil partenarial que nous avons dégagés.
le maximum de valeur d’une décision d’ex- Il y a beaucoup de leçons à tirer des rela-
ternalisation. tions durables construites dans le domaine
D’un côté, introduire de la flexibilité dans la de la communication, de la publicité, et du
relation contractuelle permettra d’adapter la conseil en management stratégique pour
qualité du service fourni, les contenus des bénéficier pleinement en retour des béné-
prestations et le prix. La technologie actuelle fices d’une externalisation.

MÉTHODOLOGIE
Une première enquête a été menée en 2001 et 2002 sur les facteurs de décision en
matière d’externalisation. Le questionnaire comprenait 11 pages et les questions étaient
binaires ou reposaient sur une échelle de Lickert en 7 points. Menée par voie postale en
direction des grands groupes industriels européens, l’étude reposait sur un traitement
statistique de 200 questionnaires (taux de réponse 10 %).
Les principaux résultats sont présentés dans Quélin et Duhamel (2003).
Une seconde enquête a été menée fin 2005-début 2006 en partenariat avec Orange Busi-
ness Services, par voie électronique, sur la base d’un fichier d’environ 200 entreprises
françaises. Le questionnaire comprenait 6 pages et les questions reposaient majoritaire-
ment sur une échelle de Lickert en 5 points. Au final, les résultats agrègent les réponses
de 70 entreprises répondantes, dont 40 % appartiennent au CAC 40.
Les principaux résultats sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.hec.fr/ quelin
128 Revue française de gestion – N° 177/2007

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