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L’attribution de performance
en gestion
de portefeuille
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L
e marché français de la gestion d’actifs finan-
reprendre la méthodologie
ciers pour compte de tiers figure parmi les lea-
de calcul de l’attribution de
performance et de mettre
ders mondiaux. Il représente aujourd’hui près de
l’accent sur certaines de ses 1 400 milliards d’euros d’actifs dont 880 milliards d’eu-
limites. Il propose alors une ros sous forme de gestion collective avec un total de plus
extension originale de la de 10 000 OPCVM (SICAV et FCP). La différence est
méthode d’attribution de
gérée sous forme de mandat et concerne la plupart du
performance nommée par
les auteurs « l’écart de
temps des clients institutionnels (compagnie d’assu-
contribution au risque ». Elle rance, caisse de retraite, etc.). L’essor qu’a connu ce
vise à réintégrer la métier au cours des dernières années s’accompagne
dimension du risque dans le d’une demande accrue d’information de la part de la
calcul de la surperformance clientèle, notamment en matière de mesure de perfor-
d’un fonds.
mance et, depuis peu, d’attribution de performance.
La performance globale d’un portefeuille est tradition-
nellement mesurée par rapport à un indice de marché de
référence qu’il soit pur ou composite1. Il existe diffé-
rentes mesures de performance ajustée du risque. Elles
trouvent leur origine dans les deux modèles de référence
de la théorie financière : le MEDAF (Modèle d’équilibre
des actifs financiers) et le MEA (Modèle d’évaluation
par arbitrage).
2. Le lecteur intéressé par le ratio d’information et par l’optimisation de portefeuille sous contrainte de « tracking-
error » pourra se reporter à Bertrand, Prigent et Sobotka (2001).
62 Revue française de gestion
Tableau 1
EXEMPLE D’ATTRIBUTION DE PERFORMANCE
SUR UN PORTEFEUILLE COMPOSÉ DE 3 CLASSES
Classe wpi wbi Rbi (wpi – wbi)Rbi
1 25 % 15 % 8% 0,8 %
2 40 % 45 % 10 % – 0,5 %
3 35 % 40 % 12 % – 0,6 %
Tableau 3
EXEMPLE D’ATTRIBUTION DE PERFORMANCES SUR LA BASE
D’UN CRITÈRE PERTINENT D’ALLOCATION
Classe wpi wbi Rbi (wpi – wbi)Rbi – Rb
1 25 % 15 % 8% 0,8 %
2 40 % 45 % 10 % – 0,5 %
3 35 % 40 % 12 % – 0,6 %
^ (wpi – wbi) Rb = 0
i=1
Il peut s’interpréter comme la part d’excès
de rentabilité expliquée par le croisement
n n
(puisque ^ wpi = i^ wbi = 1). des deux effets précédents. On peut aussi le
i=1 =1 définir comme un prolongement de l’effet
de sélection de titres : ce serait la sélection
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La différence (Rpi – Rbi) est non nulle dès Ce résultat est tout à fait traditionnel dans
lors que la pondération – effectuée par le les méthodes d’analyse d’écarts.
gérant – des titres composant la classe d’ac-
tifs i diffère de celle du portefeuille de réfé- Un exemple
rence3. Elle permet donc bien de mesurer Nous allons illustrer la démarche d’attribu-
l’effet de sélection de titres. tion de performance au moyen d’un
3. Il peut se produire que cette différence soit nulle alors que le gérant n’a pas répliqué la composition de la classe
d’actifs i. Dans ce cas, ses choix de sélection de titres n’ont pas contribué à la surperformance de son portefeuille
et l’on retrouve bien que le terme de sélection de titres est nul.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 65
exemple. Considérons un fonds dont l’in- durant laquelle les poids n’ont pas été
dice composite de référence est : 35 % modifiés.
Actions France ; 50 % Obligations France ; Les rentabilités obtenues pour chacune des
15 % Actions Europe dont la France a été trois classes dans le portefeuille géré per-
exclue. Nous allons supposer que la gestion mettront de mesurer l’effet sélection de
est évaluée sur une année et que les poids titres. Les résultats apparaissent dans les
des classes d’actifs dans le portefeuille géré tableaux 4 et 5.
résultent d’une décision stratégique qui n’a Le portefeuille de référence et le porte-
pas été modifiée au cours de l’année. Si ce feuille choisi exhibent respectivement sur
n’était pas le cas, il faudrait calculer un l’année une rentabilité de 9,35 % et
poids moyen sur l’année par classe d’actifs 10,10 %. Cette surperformance se décom-
ou effectuer l’analyse sur une sous-période pose en 0,45 % d’effet allocation, 0,23 %
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Tableau 5
APPLICATION DE LA MÉTHODOLOGIE D’ATTRIBUTION DE PERFORMANCE
Mesure l’effet
Mesure l’effet de sélection Mesure de l’effet
Allocation de titres d’interaction
Classe (wpi – wbi) (Rbi – Rb) wbi (Rpi – Rbi) (wpi – wbi)/(Rpi – Rbi)
Actions France 0,13 % 0,35 % 0,05 %
Obligations France 0,24 % – 0,13 % 0,03 %
Actions Europe 0,08 % 0,00 % 0,00 %
Total 0,45 % 0,23 % 0,075 %
66 Revue française de gestion
Rappelons que dans notre contexte, en l’ab- de volatilité égale à 15,57 %). On considère
sence d’actif sans risque, la frontière effi- donc la situation dans laquelle le gérant
cace des portefeuilles est une branche d’hy- cherche à surperformer son portefeuille de
perbole. Le gérant doit sélectionner un référence tout en maîtrisant son risque4.
portefeuille efficace sur cette dernière en Nous allons maintenant montrer que même
fonction de son aversion au risque (ou de dans ce cas idéal dans lequel le gérant
celle de son client) qui est réduite dans ce choisi son portefeuille de manière optimale
contexte à une « aversion à la variance ». compte tenu de l’information dont il dis-
Cette situation est représentée sur la figure pose, les résultats délivrés par l’attribution
1 sur lequel on a porté en abscisse l’écart de performance ne seraient pas parfaits.
type de la rentabilité (i.e. le risque) et en Le tableau 6 détaille le processus d’attribu-
ordonnée la rentabilité anticipée. tion de performance en ce qui concerne
Nous retiendrons alors comme portefeuille l’effet d’allocation qui est étudié ici. La
optimal de la frontière efficace choisi par le France a été exclue de l’indice Euro Land
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Figure 1
REPRÉSENTATION DE LA FRONTIÈRE EFFICACE
ET DU PORTEFEUILLE DE RÉFÉRENCE
4. L’analyse d’attribution de performance et de risque a également été réalisée pour le portefeuille 2 de même ren-
tabilité espérée que le portefeuille de référence mais qui minimise le risque. Un gérant pourrait être amené à effec-
tuer un tel choix lorsque lui-même ou son client éprouve des craintes sur l’avenir. Les résultats sont très similaires
à ceux obtenus pour le portefeuille 1 et peuvent être obtenus sur demande auprès des auteurs.
68 Revue française de gestion
Tableau 6
ATTRIBUTION DE PERFORMANCE DU PORTEFEUILLE 1
Poids du Sur
Poids du Écart de Écart de
Rentabilités portefeuille performance :
portefeuille : poids : rentabilité :
anticipées de référence: (wpi-wbi)
wpi wpi-wbi Rbi-Rb
wbi (Rbi-Rb)
sation de chacun des marchés dans l’indice très fortement sous-pondérés dans le porte-
MSCI monde. feuille. Cette caractéristique est principale-
Nous avons simplement utilisé des esti- ment due à l’écart d’anticipation de rentabi-
mations5 naïves sur données historiques lité et de risque entre les États-Unis et le
pour les anticipations sur les rentabilités Royaume-Uni.
des indices des différents pays ainsi que sur L’effet d’allocation qui se lit sur la dernière
la matrice des variances-covariances de ces colonne du tableau 6, pénalise le choix de
mêmes rentabilités. La nature des conclu- sous-pondérer les États-Unis. Remarquons
sions obtenues plus loin ne dépend en d’ailleurs que c’est la seule décision du
aucune façon de ces anticipations. Le porte- gérant qui est critiquée par la méthode d’at-
feuille optimal a été obtenu comme indiqué tribution de performance.
précédemment. Remarquons que le Étant donné que le gérant formule des anti-
Royaume-Uni est très fortement surpondéré cipations parfaites sur les deux premiers
dans le portefeuille. Ceci provient de ce que moments de la distribution des rentabilités
cette classe bénéficie de l’anticipation de et qu’il a eu recours à une optimisation qua-
rentabilités la plus élevée et du risque le dratique de type Markowitz, on peut s’éton-
plus faible. À l’opposé, les États-Unis sont ner des résultats délivrés par l’attribution de
5. Dans la réalité, il est fort peu vraisemblable que des estimations historiques soient utilisées pour formuler des
anticipations de rentabilités. Ces estimations constituent néanmoins souvent un point de départ utile. En revanche,
le recours à des estimations est beaucoup plus courant en ce qui concerne la matrice des variances-covariances.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 69
performance qui expriment le fait que les retenue dans le portefeuille 1 permet d’at-
États-Unis ont été sous-pondérés par rapport teindre une rentabilité espérée de 8,49 %
au portefeuille de référence alors même que avec un risque de 15,57 % donc une rentabi-
cette classe d’actif permet d’engendrer une lité espérée supérieure pour un risque plus
rentabilité supérieure à la moyenne. faible traduisant bien le caractère efficace du
En fait, ces résultats ne sont paradoxaux portefeuille retenu. Pour atteindre ce résultat,
qu’en apparence et ne contredisent pas l’op- le processus d’optimisation a consisté à iden-
timalité des décisions du gérant. En effet, tifier les autres classes d’actifs les plus per-
l’attribution de performance n’est que par- formantes en termes de rentabilité espérée
tielle puisqu’elle ne prend pas en compte le (Canada et États-Unis notamment) et à les
risque du portefeuille géré par rapport à introduire dans le portefeuille efficace en
celui du portefeuille de référence. Par choisissant ceux qui auront une contribution
conséquent, elle ne remet pas en cause la la plus faible possible au risque du porte-
stratégie d’allocation du gérant ou si l’on feuille ainsi construit. Ces classes seront
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Tableau 7
MATRICE DES ÉCARTS TYPES ET COEFFICIENTS
DE CORRÉLATION DES CLASSES D’ACTIFS
Euroland Australie Canada France Hong-Kong Japon Royaume-Uni État-Unis
Euroland 16,60 %
Australie 0,59 17,84 %
Canada 0,72 0,66 18,54 %
France 0,20 0,51 0,65 19,14 %
Hong-Kong 0,56 0,58 0,52 0,49 32,49 %
Japan 0,38 0,34 0,69 0,34 0,38 23,06 %
Royaume-Uni 0,75 0,72 0,69 0,66 0,53 0,35 16,14 %
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σij : la covariance des rentabilités des Dès lors, on peut appréhender la contribu-
classes d’actifs i et j. tion de chaque classe d’actifs au risque total
σb : la volatilité de la rentabilité du porte- du portefeuille ou du portefeuille de réfé-
feuille de référence. rence de deux façons différentes : soit en
σp : la volatilité de la rentabilité du porte- termes absolu, soit en termes marginal.
feuille. La contribution absolue peut être définie
Rappelons que les expressions pour le comme la part de la variance totale du
risque total du portefeuille géré et du porte- portefeuille géré ou du portefeuille de
feuille de référence sont données par : référence due à la classe i. Le problème
n n est que les termes de covariances pren-
(7) σp2 = ^ ^ wpi . wpj . σij nent en compte simultanément la part du
i=1 i=1
n n risque total due aux deux classes d’actifs
et σb2 = ^ ^ wbi.wbj.σij correspondantes. On décide donc d’affec-
i=1 i=1
ter pour moitié le terme de covariance aux
Chaque classe d’actifs à l’intérieur du por-
classes d’actifs i et j. On obtient donc, à
tefeuille géré ou du portefeuille de réfé-
partir de (13), que la contribution de la
rence contribue au risque total à hauteur de
classe i au risque total du portefeuille est :
sa variance, σi2 = σii, et de ses termes de
covariances avec toutes les autres classes (8) wpi2 . σi2 + ^wpi . wpj . σij
d’actifs, σij pour tout i ≠ j. Ces termes sont j≠i
évidemment pondérés par les poids respec- L’expression pour la contribution de la
tifs de chacune des classes d’actifs à l’inté- classe i au risque total du portefeuille de
rieur du portefeuille géré ou du portefeuille référence est analogue :
de référence.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 71
6. À partir de l’expression de la variance du portefeuille donnée par (13), la dérivée partielle de cette variance par
rapport au poids de la classe i s’écrit :
∂σp2 n
} = 2 ^ wpiσij
∂wpi j=1
^ wpiσij = j=1
j=1
^ wpi Cov (Ri , Rj) = Cov (Ri , j=1
^ wpj . Rj) = Cov (Ri , Rp) = σip
Ce qui prouve le résultat recherché.
7. Le fait que la somme des ECAR soit égale à 0 provient de ce que la volatilité du portefeuille est égale à celle du
portefeuille de référence.
72 Revue française de gestion
Si l’on se réfère à l’ECAR, on constate que On constate finalement que l’ECAR est
les États-Unis contribuent négativement, et une mesure parfaitement corrélée à l’écart
avec la plus grande ampleur, à l’écart de de poids indiqué dans le tableau 6. Ceci
risque par rapport au portefeuille de réfé- confirme bien l’importance de la contribu-
rence. À l’opposé, le Royaume-Uni, qui tion au risque dans la construction des
contribuait le plus à la surperformance, portefeuilles optimaux et donc la néces-
exhibe également la plus forte contribution sité de prendre en considération un tel cri-
au risque. tère pour tenter d’apprécier la perfor-
Il résulte des observations précédentes mance des gérants dans leur décision
que le choix de sous-pondérer les États- d’allocation.
Unis retrouve sa totale légitimité. La prise
en compte de l’écart de contribution abso- CONCLUSION
lue au risque permet de comprendre et jus-
tifier un choix qui, sur la seule base de Le métier de la gestion d’actifs pour compte
de tiers connaît en France depuis une
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Nous avons également montré que l’écart cette mesure permet une compréhension
de contribution absolu, que nous avons beaucoup plus fine des décisions d’un
appelé ECAR, répond plus précisément au gérant de portefeuille. Pour conclure,
problème posé. Il permet de dépasser le remarquons que la mise en place opération-
paradoxe apparent qui naîtrait d’une seule nelle d’un calcul de l’ECAR n’est pas très
attribution de performance. L’utilisation de coûteuse.
BIBLIOGRAPHIE
F. Aftalion et P. Poncet, « Les mesures de performances des OPCVM », La Revue Banque,
n° 517, juin 1991, p. 582-588.
P. Bertrand, J. L. Prigent et R. Sobotka, « Optimisation de portefeuille sous contrainte de
variance de la tracking-error », Banque & Marchés, septembre-octobre 2001, p. 19-28.
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