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L'ATTRIBUTION DE PERFORMANCE EN GESTION DE PORTEFEUILLE

Philippe Bertrand et Patrick Rousseau

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2005/1 no 154 | pages 59 à 73


ISSN 0338-4551
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2005-1-page-59.htm
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FINANCE
PAR PHILIPPE BERTRAND,
PATRICK ROUSSEAU

L’attribution de performance
en gestion
de portefeuille
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L’objet de cet article est de

L
e marché français de la gestion d’actifs finan-
reprendre la méthodologie
ciers pour compte de tiers figure parmi les lea-
de calcul de l’attribution de
performance et de mettre
ders mondiaux. Il représente aujourd’hui près de
l’accent sur certaines de ses 1 400 milliards d’euros d’actifs dont 880 milliards d’eu-
limites. Il propose alors une ros sous forme de gestion collective avec un total de plus
extension originale de la de 10 000 OPCVM (SICAV et FCP). La différence est
méthode d’attribution de
gérée sous forme de mandat et concerne la plupart du
performance nommée par
les auteurs « l’écart de
temps des clients institutionnels (compagnie d’assu-
contribution au risque ». Elle rance, caisse de retraite, etc.). L’essor qu’a connu ce
vise à réintégrer la métier au cours des dernières années s’accompagne
dimension du risque dans le d’une demande accrue d’information de la part de la
calcul de la surperformance clientèle, notamment en matière de mesure de perfor-
d’un fonds.
mance et, depuis peu, d’attribution de performance.
La performance globale d’un portefeuille est tradition-
nellement mesurée par rapport à un indice de marché de
référence qu’il soit pur ou composite1. Il existe diffé-
rentes mesures de performance ajustée du risque. Elles
trouvent leur origine dans les deux modèles de référence
de la théorie financière : le MEDAF (Modèle d’équilibre
des actifs financiers) et le MEA (Modèle d’évaluation
par arbitrage).

1. Par exemple, un indice pur pourrait être le CAC 40 et un indice com-


posite : 50 % CAC 40 + 50 % CNO.
60 Revue française de gestion

La demande croissante d’information éma- formance en la positionnant par rapport à la


nant de la clientèle, surtout institutionnelle, mesure de performance. Dans une seconde
a rendu nécessaire de dépasser ces mesures et dernière partie nous montrerons com-
globales de la performance. Un client peut ment l’attribution de performance peut
légitimement se questionner sur les faits conduire à pénaliser certains choix ration-
générateurs de la sur (sous)-performance du nels et proposerons une mesure complé-
fonds dans lequel il est investi. Dès lors, il mentaire qui permet de rendre justice aux
s’agit d’être capable, pour répondre à cette choix effectués par le gérant.
attente, de décomposer la surperformance
en ses principaux éléments constitutifs ; 1. L’attribution de performance
c’est le rôle de ce qu’il est convenu d’appe- L’attribution de performance doit être clai-
ler l’attribution de performance. Elle rement distinguée de la mesure de perfor-
consiste en l’identification et en la quantifi- mance des fonds. La seconde démarche est
cation des différentes sources de la surper- très largement utilisée dans la littérature
financière qu’elle soit à vocation pratique
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formance obtenue.
Remarquons que l’information délivrée par ou théorique. Elle vise à tenter d’identifier
cette analyse est également riche d’ensei- les gérants de fonds les plus performants
gnement pour le gérant de portefeuille ainsi par la simple lecture d’un classement. Ces
que pour les différents intervenants du pro- classements sont réalisés sur la base de cri-
cessus de gestion. tères de performance plus ou moins sophis-
L’intérêt croissant que suscite l’attribution tiqués notamment quant à la prise en consi-
de performance dans le monde de la gestion dération du risque que le gérant fait
financière a conduit les principaux acteurs supporter à son client pour atteindre un
de la place de Paris a créer un « Groupe de niveau de rentabilité. L’attribution de per-
recherche sur l’attribution de performance » formance est véritablement un outil de ges-
dont les travaux préliminaires ont été consi- tion pour le gérant et (ou) son client qui
gnés dans un rapport daté de mars 1997. souhaite identifier et expliquer les causes de
L’objet de cet article est de reprendre la la sur (sous)-performance obtenue par rap-
méthodologie de calcul de l’attribution de port à un portefeuille de référence.
performance, aujourd’hui largement utilisée Dans cette section nous proposons tout
par les institutions financières et les gestion- d’abord de distinguer très précisément la
naires, et de mettre l’accent sur certaines de mesure et l’attribution de performance.
ses limites. Au moyen d’un exemple simple, Ensuite nous discuterons la méthodologie
nous montrerons comment cette méthode généralement mise en place, issue des tra-
peut pénaliser certains choix rationnels vaux du « GRAP » en constatant que cette
effectués par un gérant. Afin de remédier à méthodologie s’inspire très étroitement des
ce paradoxe apparent, nous proposons une méthodes d’analyse d’écarts du contrôle de
extension originale de la méthode d’attribu- gestion.
tion de performance que nous avons nom-
Mesure et attribution de performance
mée « l’écart de contribution au risque ».
Dans une première partie, nous présente- La mesure de performance a pour objectif
rons la méthodologie d’attribution de per- de classer les fonds. Elle doit être capable
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 61

d’apprécier la capacité des gérants à ajou- L’attribution de performance a pour but


ter de la valeur aux portefeuilles gérés. En d’expliquer a posteriori la surperformance
effet, il existe toujours une alternative à un d’un fonds d’actifs financiers par rapport à
investissement dans un fonds géré de un objectif de gestion (i.e. un portefeuille
façon active ; il suffit d’investir dans un de référence) défini a priori entre le client
fonds passif qui vise juste à répliquer le et le gestionnaire.
comportement en termes de rentabilité et Une fois le portefeuille de référence choisi,
de risque d’un indice de référence. L’inci- le processus de gestion peut être schémati-
tation à investir dans un fonds actif trouve quement décomposé en deux parties :
sa source dans l’espoir d’obtenir une ren- – l’allocation d’actifs : elle consiste à déci-
tabilité ajustée du risque supérieure à celle der de la sur ou sous-pondération des
d’un fonds passif encore appelé fonds grandes classes d’actifs par rapport à leur
indiciel. poids dans le portefeuille de référence. Par
Le processus de mesure de performance ne exemple, si l’on considère un portefeuille
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nécessite pas de connaissance de l’évolu- de référence composite contenant 50 % de
tion de la composition du fonds analysé. Il CNO et 50 % de SBF 120, la décision d’al-
requiert simplement de disposer des séries location d’actif consiste à se démarquer de
chronologiques des valeurs liquidatives du cette pondération et à choisir par exemple
fonds et de l’indice de référence auquel le 60 % de CNO et 40 % de SBF 120 ;
fonds est comparé. – la sélection de titres : le gérant sélec-
Trois mesures traditionnelles de perfor- tionne les titres de la classe d’actifs qui lui
mance ont été développées à la fin des permettront de « battre » l’indice associé à
années soixante. Il s’agit du ratio de Sharpe cette classe. L’ensemble des titres suscep-
(1966) (le ratio d’information pouvant être tibles d’être choisis pour une classe est
vu comme une extension de ce dernier2), du défini à l’avance. La solution la plus simple
ratio de Treynor (1965) et de l’alpha de Jen- et la plus cohérente consiste à considérer
sen (1968). Ces mesures de performances les titres de l’indice, par exemple les
sont toutes ajustées du risque, que ce soit le actions retenues dans le calcul de l’indice
risque total ou le risque systématique. SBF 120.
Ces mesures de performance constituent L’attribution de performance s’applique en
une première étape primordiale dans l’éva- principe à tout type de fonds : actions,
luation de la qualité d’une gestion d’actifs actions et obligations, diversifiés (actions,
financiers. Néanmoins, elles ne permettent obligations et monétaires), que ces actifs
pas d’identifier les sources de surperfor- soient nationaux ou internationaux. Néan-
mance d’un fonds. Cette information ne moins, des difficultés pratiquent peuvent
peut qu’être délivrée par un processus d’at- survenir en ce qui concerne les obligations
tribution de performance que nous traitons pour lesquelles la gestion s’effectue princi-
dans la partie suivante. palement en sensibilité ou en duration.

2. Le lecteur intéressé par le ratio d’information et par l’optimisation de portefeuille sous contrainte de « tracking-
error » pourra se reporter à Bertrand, Prigent et Sobotka (2001).
62 Revue française de gestion

Notons également que nous ne pouvons pas n

tenir compte, du moins dans une première (1) S = Rp – Rb = ^ (wpi.Rpi – wbi.Rbi)


i=1
approche, des actifs dérivés en raison de
Il s’agit dès lors de la décomposer en ses
l’asymétrie qu’ils introduisent dans les dis-
principales sources correspondant au pro-
tributions des rentabilités des portefeuilles.
cessus de gestion, à savoir : l’allocation
Nous allons présenter maintenant une
d’actifs et la sélection de titres. Nous ver-
méthode de calcul de la surperformance
rons qu’il sera nécessaire de rajouter un
telle qu’elle a pu être établie notamment par
terme d’interaction pour assurer l’égalité
le GRAP, Groupe de recherche sur l’attribu-
avec la formule ci-dessus.
tion de performance, en 1997.
Nous considérerons un portefeuille, noté p, Calcul de l’effet d’allocation
et un portefeuille de référence, noté b, com- Lorsque l’on cherche à expliquer l’origine
posés de n classes d’actifs indexées par de la surperformance, un problème se pose
i = 1, ..., n. pour l’étude de l’effet d’allocation au
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Nous adopterons les notations suivantes : niveau d’une classe particulière. En effet, la
wpi : le poids de la classe i dans le porte- surpondération (respectivement la sous-
feuille, pondération) d’une classe du portefeuille
wbi : le poids de la classe i dans le porte- conduit mécaniquement à la sous-pondéra-
feuille de référence, tion (respectivement la surpondération)
Rpi : la rentabilité sur la période étudiée de d’au moins une autre classe.
la classe d’actifs i du portefeuille, En première approche, on pourrait penser
Rbi : la rentabilité sur la période étudiée de la calculer la surperformance de la classe i
classe d’actifs i du portefeuille de référence, par :
Rb : la rentabilité moyenne du portefeuille
de référence sur la période étudiée. (2) (wpi – wbi) Rbi
Avec ces notations, la surperformance glo- L’exemple présenté dans le tableau 1 per-
bale du portefeuille par rapport au porte- met de comprendre que cette mesure ne
feuille de référence s’écrit simplement : répond pas à l’objectif recherché.

Tableau 1
EXEMPLE D’ATTRIBUTION DE PERFORMANCE
SUR UN PORTEFEUILLE COMPOSÉ DE 3 CLASSES
Classe wpi wbi Rbi (wpi – wbi)Rbi

1 25 % 15 % 8% 0,8 %
2 40 % 45 % 10 % – 0,5 %
3 35 % 40 % 12 % – 0,6 %

Total 100 % 100 % Rb = 10,50 % – 0,3 %


L’attribution de performance en gestion de portefeuille 63

La lecture de la dernière colonne du Lorsque l’on s’intéresse à la contribution de


tableau 1 nous conduit à penser que la déci- l’allocation à la surperformance, il faudra
sion de surpondérer la classe d’actifs 1 a été donc tenir compte de l’écart de rentabilité
judicieuse et que l’origine de la sous perfor- de la classe par rapport à la rentabilité
mance globale du portefeuille se trouve dans moyenne du portefeuille de référence. La
la décision de sous-pondérer les classes d’ac- contribution de l’allocation de la classe i à
tifs 2 et 3. Néanmoins, en y regardant de plus la surperformance s’écrit alors :
près, on constate que le gérant a surpondéré
(3) Ai = (wpi – wbi) (Rbi – Rb)
une classe dont la rentabilité est inférieure à
la rentabilité moyenne du portefeuille de Les différentes situations possibles sont
référence (8 % contre 10,5 %). Ce choix ne illustrées dans le tableau 2.
peut pas être récompensé. Cette approche En appliquant cette méthode à l’exemple
n’est donc pas pertinente. précédent, on obtient le tableau 3.
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Tableau 2
CRITÈRES DE DÉCISION D’ALLOCATION

Surperformance de la classe i : Sous-performance de la classe i :


(Rbi – Rb) > 0 (Rbi – Rb) < 0

Surpondération de la classe i : Bonne décision Mauvaise décision


(wpi – wbi) > 0 (wpi – wbi) (Rbi – Rb) > 0 (wpi – wbi) (Rbi – Rb)

Sous-pondération de la classe i: Mauvaise décision Bonne décision


(wpi – wbi) < 0 (wpi – wbi) (Rbi – Rb) < 0 (wpi – wbi) (Rbi – Rb)

Tableau 3
EXEMPLE D’ATTRIBUTION DE PERFORMANCES SUR LA BASE
D’UN CRITÈRE PERTINENT D’ALLOCATION
Classe wpi wbi Rbi (wpi – wbi)Rbi – Rb

1 25 % 15 % 8% 0,8 %

2 40 % 45 % 10 % – 0,5 %

3 35 % 40 % 12 % – 0,6 %

Total 100 % 100 % Rb = 10,50 % – 0,3 %


64 Revue française de gestion

Nous remarquons alors que la sous-perfor- Le terme d’interaction


mance du portefeuille par rapport au porte- Il est aisé de vérifier que la somme des deux
feuille de référence est principalement due effets précédents ne permet pas de retrouver
au choix de surpondérer la classe 1, ce qui la surperformance totale de la classe i, Si.
nous avait paru de bon sens dès la lecture Pour assurer l’égalité, il est nécessaire de
du premier tableau. Par ailleurs, la sous- rajouter un terme dit d’interaction qui a
performance globale est la même que pré- pour expression :
cédemment (– 0,3 %). Ceci provient de ce
que (5) Ii = (wpi – wbi) (Rpi – Rbi)
n

^ (wpi – wbi) Rb = 0
i=1
Il peut s’interpréter comme la part d’excès
de rentabilité expliquée par le croisement
n n
(puisque ^ wpi = i^ wbi = 1). des deux effets précédents. On peut aussi le
i=1 =1 définir comme un prolongement de l’effet
de sélection de titres : ce serait la sélection
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Calcul de l’effet de sélection de titres
de titres sur la partie sur ou sous-pondérée
Le calcul de cet effet pose moins de pro- de la classe i.
blème que le précédent. La contribution à la Ce terme ne doit cependant pas être simple-
surperformance globale du choix de titres à ment assimilé à un résidu puisqu’il permet
l’intérieur de chaque classe nous est donnée de vérifier la cohérence des décisions prises
par : par le gérant notamment au regard du signe.
On constate en effet que le signe de ce
(4) Ci = wpi (Rpi – Rbi)
terme d’interaction sera positif si l’on a
Elle correspond au produit du poids de la décidé de sur (sous)-pondérer une classe
classe i du portefeuille de référence et de d’actif qui sur (sous)-performe le porte-
la différence entre la rentabilité de la feuille de référence.
classe i du portefeuille et celle de la D’un point de vue global, on peut aisément
classe i du portefeuille de référence. Le vérifier que l’on obtient bien :
choix du poids de la classe i du porte- n
(6) S = ^ (wpi . Rpi – wbi . Rbi)
feuille de référence s’impose si l’on ne i=1 n
veut pas interférer avec le calcul de l’ef- = ^ (Ai + Ci + Ii)
fet d’allocation. i=1

La différence (Rpi – Rbi) est non nulle dès Ce résultat est tout à fait traditionnel dans
lors que la pondération – effectuée par le les méthodes d’analyse d’écarts.
gérant – des titres composant la classe d’ac-
tifs i diffère de celle du portefeuille de réfé- Un exemple
rence3. Elle permet donc bien de mesurer Nous allons illustrer la démarche d’attribu-
l’effet de sélection de titres. tion de performance au moyen d’un

3. Il peut se produire que cette différence soit nulle alors que le gérant n’a pas répliqué la composition de la classe
d’actifs i. Dans ce cas, ses choix de sélection de titres n’ont pas contribué à la surperformance de son portefeuille
et l’on retrouve bien que le terme de sélection de titres est nul.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 65

exemple. Considérons un fonds dont l’in- durant laquelle les poids n’ont pas été
dice composite de référence est : 35 % modifiés.
Actions France ; 50 % Obligations France ; Les rentabilités obtenues pour chacune des
15 % Actions Europe dont la France a été trois classes dans le portefeuille géré per-
exclue. Nous allons supposer que la gestion mettront de mesurer l’effet sélection de
est évaluée sur une année et que les poids titres. Les résultats apparaissent dans les
des classes d’actifs dans le portefeuille géré tableaux 4 et 5.
résultent d’une décision stratégique qui n’a Le portefeuille de référence et le porte-
pas été modifiée au cours de l’année. Si ce feuille choisi exhibent respectivement sur
n’était pas le cas, il faudrait calculer un l’année une rentabilité de 9,35 % et
poids moyen sur l’année par classe d’actifs 10,10 %. Cette surperformance se décom-
ou effectuer l’analyse sur une sous-période pose en 0,45 % d’effet allocation, 0,23 %
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Tableau 4
PRÉSENTATION DES DONNÉES DE L’EXEMPLE
Rentabilité de Rentabilité de
Poids dans Poids dans la classe i dans la classe i dans
le portefeuille le portefeuille le portefeuille le portefeuille
de référence de référence de référence

Classe wpi wbi Rpi Rbi


Actions France 40 % 35 % 13,0 % 12 %
Obligations France 40 % 50 % 6,75 % 7,0 %
Actions Europe 20 % 15 % 11 % 11,0 %
Total 100 % 100 % Rb = 9,35 %

Tableau 5
APPLICATION DE LA MÉTHODOLOGIE D’ATTRIBUTION DE PERFORMANCE
Mesure l’effet
Mesure l’effet de sélection Mesure de l’effet
Allocation de titres d’interaction

Classe (wpi – wbi) (Rbi – Rb) wbi (Rpi – Rbi) (wpi – wbi)/(Rpi – Rbi)
Actions France 0,13 % 0,35 % 0,05 %
Obligations France 0,24 % – 0,13 % 0,03 %
Actions Europe 0,08 % 0,00 % 0,00 %
Total 0,45 % 0,23 % 0,075 %
66 Revue française de gestion

d’effet sélection de titres et 0,075 % dû à du portefeuille par rapport au portefeuille


l’interaction des deux effets précédents. de référence.
Afin de mettre en évidence le biais que peut
Conclusion entraîner l’absence de prise en compte du
Nous venons de présenter la méthode tradi- risque, nous allons considérer un exemple
tionnelle d’attribution de performance telle simple qui se place dans un cas idéal afin de
que la préconise notamment le GRAP. Dans montrer qu’une décision prise de manière
la partie suivante, nous proposons une optimale dans un univers rentabilité-risque
vision critique de cette démarche et mettons peut aboutir à une attribution de perfor-
l’accent sur certaines insuffisances : l’ab- mance négative selon la méthode tradition-
sence de prise en compte du risque. nelle présentée précédemment.
Plaçons-nous du point de vue d’un gérant
2. Limites de l’attribution
qui construit son portefeuille en utilisant
de performance et mesure de l’écart
les résultats de la théorie des choix de por-
de la contribution au risque
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tefeuille de Markowitz (1952). Son pro-
À notre connaissance, les travaux portant sur cessus de décision intègre donc non seule-
l’attribution de performance, et notamment ment les rentabilités anticipées mais
ceux du GRAP, n’intègrent pas la dimension également la structure de risque et de cor-
risquée des placements financiers. Or, les rélation des composantes de son porte-
enseignements de la théorie financière ont feuille.
permis d’expliciter la liaison théorique qui Considérons un portefeuille de référence
existe entre espérance de rentabilité et risque actions monde construit à partir des histo-
des actifs financiers. De plus, la pratique riques de données MSCI (Morgan Stanley)
actuelle de la gestion de portefeuille et intéressons-nous uniquement à l’effet
démontre que ces enseignements ont été d’allocation (i.e. pour toute classe i, I –).
assimilés par les professionnels. Nous supposerons que ce portefeuille de
Dans cette partie, nous montrons que la non référence n’est pas moyenne-variance effi-
prise en compte du risque biaise l’interpré- cace, ce qui correspond au cas général
tation des résultats de l’attribution de per- comme l’a montré Grinold (1992), puisque
formance et nous proposons une mesure le système de pondération qui sous-tend
complémentaire simple qui permet leur construction ne résulte pas d’un pro-
d’étendre l’analyse à l’attribution de risque. cessus d’optimisation et que leur capacité à
rendre compte du portefeuille de marché
Limites de l’attribution de performance
n’est pas pertinente.
La méthode d’attribution de performance Nous ferons l’hypothèse que les prévisions
telle que nous l’avons présentée dans le du gérant sur la distribution de probabilité
paragraphe précédent possède une fai- des rentabilités des différentes classes d’ac-
blesse intrinsèque. En effet, elle ne tient tifs sont parfaites. Remarquons que l’on ne
pas compte du risque des placements finan- suppose pas que le gérant est capable de
ciers. Nous avons vu que les mesures de prévoir les rentabilités des titres financiers
performance sont toujours corrigées du mais simplement les deux premiers
risque du portefeuille ou du risque relatif moments de leur distribution.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 67

Rappelons que dans notre contexte, en l’ab- de volatilité égale à 15,57 %). On considère
sence d’actif sans risque, la frontière effi- donc la situation dans laquelle le gérant
cace des portefeuilles est une branche d’hy- cherche à surperformer son portefeuille de
perbole. Le gérant doit sélectionner un référence tout en maîtrisant son risque4.
portefeuille efficace sur cette dernière en Nous allons maintenant montrer que même
fonction de son aversion au risque (ou de dans ce cas idéal dans lequel le gérant
celle de son client) qui est réduite dans ce choisi son portefeuille de manière optimale
contexte à une « aversion à la variance ». compte tenu de l’information dont il dis-
Cette situation est représentée sur la figure pose, les résultats délivrés par l’attribution
1 sur lequel on a porté en abscisse l’écart de performance ne seraient pas parfaits.
type de la rentabilité (i.e. le risque) et en Le tableau 6 détaille le processus d’attribu-
ordonnée la rentabilité anticipée. tion de performance en ce qui concerne
Nous retiendrons alors comme portefeuille l’effet d’allocation qui est étudié ici. La
optimal de la frontière efficace choisi par le France a été exclue de l’indice Euro Land
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gérant celui de même risque que le porte- pour éviter toute redondance.
feuille de référence mais qui maximise l’es- Les poids des huit classes dans le porte-
pérance de rendement (i.e. le portefeuille 1 feuille de référence sont ceux calculés par
d’espérance de rentabilité égale à 8,49 % et MSCI. Ils sont proportionnels à la capitali-

Figure 1
REPRÉSENTATION DE LA FRONTIÈRE EFFICACE
ET DU PORTEFEUILLE DE RÉFÉRENCE

4. L’analyse d’attribution de performance et de risque a également été réalisée pour le portefeuille 2 de même ren-
tabilité espérée que le portefeuille de référence mais qui minimise le risque. Un gérant pourrait être amené à effec-
tuer un tel choix lorsque lui-même ou son client éprouve des craintes sur l’avenir. Les résultats sont très similaires
à ceux obtenus pour le portefeuille 1 et peuvent être obtenus sur demande auprès des auteurs.
68 Revue française de gestion

Tableau 6
ATTRIBUTION DE PERFORMANCE DU PORTEFEUILLE 1
Poids du Sur
Poids du Écart de Écart de
Rentabilités portefeuille performance :
portefeuille : poids : rentabilité :
anticipées de référence: (wpi-wbi)
wpi wpi-wbi Rbi-Rb
wbi (Rbi-Rb)

Euro Land 4,89 % 11,60 % 15,58 % – 3,97 % – 0,43 % 0,01 %


Australie 4,06 % 1,78 % 1,29 % – 3,07 % – 1,25 % 0,038 %
Canada 6,47 % 7,02 % 2,56 % 4,46 % 1,06 % 0,052 %
France 4,60 % – 8,13 % 4,51 % – 12,63 % – 0,72 % 0,090 %
Hong-Kong 4,06 % – 11,99 % 1,09 % – 13,09 % – 1,25 % 0,164 %
Japon 42,34 % – 0,56 % 11,22 % – 11,78 % – 7,65 % 0,901 %
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Royaume-Uni 8,46 % 84,38 % 11,05 % 73,33 % 3,14 % 2,304%
États-Unis 6,47 % 19,45 % 52,70 % – 33,26 % 1,16 % – 0,385 %
100,00 % 100,00 % 0,00 % Rb = 5,31 % 3,182 %

sation de chacun des marchés dans l’indice très fortement sous-pondérés dans le porte-
MSCI monde. feuille. Cette caractéristique est principale-
Nous avons simplement utilisé des esti- ment due à l’écart d’anticipation de rentabi-
mations5 naïves sur données historiques lité et de risque entre les États-Unis et le
pour les anticipations sur les rentabilités Royaume-Uni.
des indices des différents pays ainsi que sur L’effet d’allocation qui se lit sur la dernière
la matrice des variances-covariances de ces colonne du tableau 6, pénalise le choix de
mêmes rentabilités. La nature des conclu- sous-pondérer les États-Unis. Remarquons
sions obtenues plus loin ne dépend en d’ailleurs que c’est la seule décision du
aucune façon de ces anticipations. Le porte- gérant qui est critiquée par la méthode d’at-
feuille optimal a été obtenu comme indiqué tribution de performance.
précédemment. Remarquons que le Étant donné que le gérant formule des anti-
Royaume-Uni est très fortement surpondéré cipations parfaites sur les deux premiers
dans le portefeuille. Ceci provient de ce que moments de la distribution des rentabilités
cette classe bénéficie de l’anticipation de et qu’il a eu recours à une optimisation qua-
rentabilités la plus élevée et du risque le dratique de type Markowitz, on peut s’éton-
plus faible. À l’opposé, les États-Unis sont ner des résultats délivrés par l’attribution de

5. Dans la réalité, il est fort peu vraisemblable que des estimations historiques soient utilisées pour formuler des
anticipations de rentabilités. Ces estimations constituent néanmoins souvent un point de départ utile. En revanche,
le recours à des estimations est beaucoup plus courant en ce qui concerne la matrice des variances-covariances.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 69

performance qui expriment le fait que les retenue dans le portefeuille 1 permet d’at-
États-Unis ont été sous-pondérés par rapport teindre une rentabilité espérée de 8,49 %
au portefeuille de référence alors même que avec un risque de 15,57 % donc une rentabi-
cette classe d’actif permet d’engendrer une lité espérée supérieure pour un risque plus
rentabilité supérieure à la moyenne. faible traduisant bien le caractère efficace du
En fait, ces résultats ne sont paradoxaux portefeuille retenu. Pour atteindre ce résultat,
qu’en apparence et ne contredisent pas l’op- le processus d’optimisation a consisté à iden-
timalité des décisions du gérant. En effet, tifier les autres classes d’actifs les plus per-
l’attribution de performance n’est que par- formantes en termes de rentabilité espérée
tielle puisqu’elle ne prend pas en compte le (Canada et États-Unis notamment) et à les
risque du portefeuille géré par rapport à introduire dans le portefeuille efficace en
celui du portefeuille de référence. Par choisissant ceux qui auront une contribution
conséquent, elle ne remet pas en cause la la plus faible possible au risque du porte-
stratégie d’allocation du gérant ou si l’on feuille ainsi construit. Ces classes seront
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veut considérer qu’elle la remet en cause, celles qui sont les moins fortement corrélées
ce n’est que sur la base des performances. avec les autres classes déjà introduites dans
En effet, la classe Royaume-Uni offre un le portefeuille ou dont le risque est faible.
excès de rentabilité important par rapport à Ceci explique le poids positif accordé à la
la rentabilité espérée du portefeuille de classe Euroland dans le portefeuille 1 dont
référence et l’attribution de performance l’écart type est le plus faible après la classe
valorise fortement la décision de surpondé- Royaume-Uni.
rer cette classe. Peut-on mettre en cause la
décision du gérant de sous-pondérer la L’écart de contribution au risque
classe États-Unis qui offre également un Pour être capable d’évaluer exhaustivement
excès de rentabilité, certes plus faible, mais la stratégie du gérant dans notre contexte, il
positif. Certainement non car sa décision semble nécessaire d’adjoindre à l’analyse
est optimale par construction. Dès lors la de la contribution de chaque classe d’actifs
justification de cette décision réside dans le à la surperformance globale du portefeuille
processus d’optimisation et notamment une analyse équivalente en termes de
dans la prise en considération du risque des risque.
différentes classes d’actifs ou plus exacte- Le tableau 7 représente la matrice des écarts
ment de la contribution au risque des porte- types-corrélations qui contient sur la diago-
feuilles constitués de chaque classe. nale les volatilités, les autres éléments
Nous pouvons donner de manière intuitive représentant les corrélations.
un bref aperçu du processus d’optimisation. Nous proposons de mesurer l’écart entre la
Tout d’abord, l’actif dominant est la classe contribution de la poche i au risque du por-
Royaume-Uni avec une rentabilité espérée tefeuille choisi et la contribution de la poche
de 8,41 % et un risque mesuré par l’écart i au risque du portefeuille de référence.
type égal à 16,14 %. Une stratégie naïve Dans ce but, nous introduisons les nou-
consisterait donc à placer 100 % du porte- velles notations suivantes :
feuille dans cet actif. Toutefois cette alloca- σi : la volatilité de la rentabilité de la classe
tion n’est pas optimale puisque la solution d’actifs i.
70 Revue française de gestion

Tableau 7
MATRICE DES ÉCARTS TYPES ET COEFFICIENTS
DE CORRÉLATION DES CLASSES D’ACTIFS
Euroland Australie Canada France Hong-Kong Japon Royaume-Uni État-Unis
Euroland 16,60 %
Australie 0,59 17,84 %
Canada 0,72 0,66 18,54 %
France 0,20 0,51 0,65 19,14 %
Hong-Kong 0,56 0,58 0,52 0,49 32,49 %
Japan 0,38 0,34 0,69 0,34 0,38 23,06 %
Royaume-Uni 0,75 0,72 0,69 0,66 0,53 0,35 16,14 %
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États-Unis 0,75 0,63 0,86 0,68 0,50 0,33 0,68 18,13 %

σij : la covariance des rentabilités des Dès lors, on peut appréhender la contribu-
classes d’actifs i et j. tion de chaque classe d’actifs au risque total
σb : la volatilité de la rentabilité du porte- du portefeuille ou du portefeuille de réfé-
feuille de référence. rence de deux façons différentes : soit en
σp : la volatilité de la rentabilité du porte- termes absolu, soit en termes marginal.
feuille. La contribution absolue peut être définie
Rappelons que les expressions pour le comme la part de la variance totale du
risque total du portefeuille géré et du porte- portefeuille géré ou du portefeuille de
feuille de référence sont données par : référence due à la classe i. Le problème
n n est que les termes de covariances pren-
(7) σp2 = ^ ^ wpi . wpj . σij nent en compte simultanément la part du
i=1 i=1
n n risque total due aux deux classes d’actifs
et σb2 = ^ ^ wbi.wbj.σij correspondantes. On décide donc d’affec-
i=1 i=1
ter pour moitié le terme de covariance aux
Chaque classe d’actifs à l’intérieur du por-
classes d’actifs i et j. On obtient donc, à
tefeuille géré ou du portefeuille de réfé-
partir de (13), que la contribution de la
rence contribue au risque total à hauteur de
classe i au risque total du portefeuille est :
sa variance, σi2 = σii, et de ses termes de
covariances avec toutes les autres classes (8) wpi2 . σi2 + ^wpi . wpj . σij
d’actifs, σij pour tout i ≠ j. Ces termes sont j≠i
évidemment pondérés par les poids respec- L’expression pour la contribution de la
tifs de chacune des classes d’actifs à l’inté- classe i au risque total du portefeuille de
rieur du portefeuille géré ou du portefeuille référence est analogue :
de référence.
L’attribution de performance en gestion de portefeuille 71

On peut également définir pour chaque


(9) wbi2 . σi2 + ^wbi . wbj . σij classe i, l’écart de la contribution marginale
j≠i
On peut alors définir pour chaque classe i, au risque total (ECMR) par :
l’écart de la contribution absolue au risque (11) ECMR = 2(σip – σib)
(ECAR) par :
Si l’on reprend l’exemple précédent et que
ECARi = l’on applique ces deux nouvelles mesures,
(wpi2 .σi2+^ wpi.wpj.σij)–(wbi2 .σi2+^ wbi.wbj. σij) on obtient7 le tableau 8.
j≠i j≠i
}}}}}
σb
2

Nous avons décidé de normaliser le numé- Tableau 8


rateur de (15) par la variance de la rentabi- ÉCARTS DE CONTRIBUTION
lité du portefeuille de référence. AU RISQUE
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Alternativement, la contribution marginale ECAR ECMR
de la classe d’actifs i au risque total du por-
Euro Land – 4,92 % – 0,52 %
tefeuille géré ou du portefeuille de réfé-
rence se définit par : Australie – 2,42 % – 0,12 %
∂σp2
(10) } = 2σip Canada 3,69 % – 0,61 %
∂wpi
France – 10,90 % – 0,78 %
On retrouve un résultat classique de la théo-
rie du choix de portefeuille6. Hong-Kong – 10,71 % – 2,29 %
L’interprétation est différente de la précé- Japon – 8,81 % – 1,46 %
dente, (16) est une mesure de la variation de
la variance de la rentabilité du portefeuille Royaume-Uni 75,14 % 0,86 %
engendrée par une variation infinitésimale États-Unis – 41,06 % – 1,03 %
du poids de la classe i dans le portefeuille.
Cette mesure dépend du point, wpi, en Somme 0,00 %
lequel elle est évaluée.

6. À partir de l’expression de la variance du portefeuille donnée par (13), la dérivée partielle de cette variance par
rapport au poids de la classe i s’écrit :
∂σp2 n

} = 2 ^ wpiσij
∂wpi j=1

Or d’après une propriété de la covariance, on a :


n n n

^ wpiσij = j=1
j=1
^ wpi Cov (Ri , Rj) = Cov (Ri , j=1
^ wpj . Rj) = Cov (Ri , Rp) = σip
Ce qui prouve le résultat recherché.
7. Le fait que la somme des ECAR soit égale à 0 provient de ce que la volatilité du portefeuille est égale à celle du
portefeuille de référence.
72 Revue française de gestion

Si l’on se réfère à l’ECAR, on constate que On constate finalement que l’ECAR est
les États-Unis contribuent négativement, et une mesure parfaitement corrélée à l’écart
avec la plus grande ampleur, à l’écart de de poids indiqué dans le tableau 6. Ceci
risque par rapport au portefeuille de réfé- confirme bien l’importance de la contribu-
rence. À l’opposé, le Royaume-Uni, qui tion au risque dans la construction des
contribuait le plus à la surperformance, portefeuilles optimaux et donc la néces-
exhibe également la plus forte contribution sité de prendre en considération un tel cri-
au risque. tère pour tenter d’apprécier la perfor-
Il résulte des observations précédentes mance des gérants dans leur décision
que le choix de sous-pondérer les États- d’allocation.
Unis retrouve sa totale légitimité. La prise
en compte de l’écart de contribution abso- CONCLUSION
lue au risque permet de comprendre et jus-
tifier un choix qui, sur la seule base de Le métier de la gestion d’actifs pour compte
de tiers connaît en France depuis une
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l’attribution de surperformance, se trou-
vait pénalisé. dizaine d’années des mutations profondes.
Les résultats délivrés par l’écart de la La demande croissante d’information de la
contribution marginale au risque total diffè- part de la clientèle a entraîné le développe-
rent quelque peu des précédents. Les États- ment de l’analyse de la performance des
Unis contribuent négativement à l’ECMR fonds gérés. Les sociétés de gestion d’actifs
et le Royaume-Uni est la seule classe à ainsi que les sociétés spécialisées dans la
contribuer positivement à l’ECMR. Néan- mesure de performance8 ont tout d’abord
moins, Hong-Kong contribue plus forte- proposé des mesures globales de perfor-
ment, en valeur absolue, que les États-Unis. mance. Depuis quelques années, la
Ceci est dû à la combinaison de deux élé- réflexion s’est orientée vers des méthodes
ments : le raisonnement s’effectue à la capables de disséquer l’origine de la surper-
marge et Hong-Kong, la classe d’actifs la formance d’un fonds. La place de Paris a
plus risquée, est largement sous-pondérée. créé un groupe de travail sur le sujet, le
Il nous semble que l’ECAR procure une GRAP. Ces travaux ont débouché sur ce
meilleure mesure du différentiel de contri- qu’il convient d’appeler une méthode d’at-
bution au risque entre un portefeuille et un tribution de performance.
portefeuille de référence. En effet, il tient Néanmoins, la méthodologie d’attribution
compte de l’écart de contribution au risque de performance néglige le risque des place-
d’une classe d’actifs à l’ensemble du porte- ments financiers. Nous avons pu montrer
feuille géré et du portefeuille de référence. que cette caractéristique peut entraîner des
C’est bien l’information que nous recherc- conclusions erronées. Nous avons donc
hons. Partant des poids du portefeuille et du proposé deux mesures complémentaires qui
portefeuille de référence, l’ECMR analyse permettent d’évaluer l’écart de contribution
l’effet d’une modification marginale du absolu ou marginal entre le risque du porte-
poids d’une classe sur l’écart de risque. feuille et celui du portefeuille de référence.

8. Citons, par exemple, MICROPAL et Standards and Poor’s.


L’attribution de performance en gestion de portefeuille 73

Nous avons également montré que l’écart cette mesure permet une compréhension
de contribution absolu, que nous avons beaucoup plus fine des décisions d’un
appelé ECAR, répond plus précisément au gérant de portefeuille. Pour conclure,
problème posé. Il permet de dépasser le remarquons que la mise en place opération-
paradoxe apparent qui naîtrait d’une seule nelle d’un calcul de l’ECAR n’est pas très
attribution de performance. L’utilisation de coûteuse.

BIBLIOGRAPHIE
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