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UTILISER L'AUDIT PAR BENCHMARKINGPOUR AMÉLIORER LES

PERFORMANCES

Xavier Mesnard et Jean-Claude Tarondeau

Lavoisier | Revue française de gestion

2003/6 - no 147
pages 247 à 258

ISSN 0338-4551

Article disponible en ligne à l'adresse:


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http://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2003-6-page-247.htm
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Pour citer cet article :
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Mesnard Xavier et Tarondeau Jean-Claude, « Utiliser l'audit par benchmarkingpour améliorer les performances »,
Revue française de gestion, 2003/6 no 147, p. 247-258. DOI : 10.3166/rfg.147.247-258
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BENCHMARKING
PAR XAVIER MESNARD,
JEAN-CLAUDE TARONDEAU

Utiliser l’audit
par benchmarking
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pour améliorer
les performances
L’audit par benchmarking

L’
audit externe évoque le contrôle par des
est un outil d’amélioration
tiers des performances financières de l’en-
des performances
par comparaison
treprise et de la conformité de ses pratiques
des pratiques d’entreprises par rapport à la réglementation ou aux règles couram-
ou par transfert ment admises. Or les performances financières ne
d’innovations d’une s’obtiennent pas ex nihilo. Elles naissent de la plus ou
industrie à une autre.
moins bonne gestion du portefeuille produits ou ser-
Ce texte analyse les
méthodes d’audit utilisées
vices et de leur positionnement sur le marché, du
par A.T. Kearney et évalue niveau de performance des principaux processus stra-
les conditions à remplir tégiques tels que processus de R&D ou processus
pour que le benchmarking logistique, de la qualité des ressources mises en
débouche effectivement sur œuvre, du talent de son personnel et de ses aptitudes
des actions d’amélioration.
pour identifier et mettre en œuvre les meilleures pra-
tiques de management.
L’identification et l’évaluation de ces facteurs de perfor-
mance exigent de disposer de cadres de références. On
les obtient généralement en exploitant des comparaisons
systématiques et organisées de performances et des fac-
teurs explicatifs correspondants au sein d’un échantillon
d’entreprises choisies pour offrir un spectre suffisant de
situations exploitables. Ces méthodes, dites de « bench-
248 Revue française de gestion

marking »1 ou étalonnage concurrentiel, à mettre en œuvre pour tendre vers


permettent de réaliser des audits de perfor- l’excellence opérationnelle.
mances et non des audits de conformité à
des règles juridiques ou à des pratiques I. – QU’EST-CE QUE
communément admises. LE BENCHMARKING ?
De telles méthodes ont également des
limites d’application. Dans tout exercice de Le benchmarking est un ensemble d’outils
benchmarking traditionnel se pose la ques- et de méthodes d’évaluation des produits,
tion de la comparabilité des situations et de des services, des méthodes, des processus
l’applicabilité des niveaux de performance d’une entreprise par comparaison à un réfé-
« étalons » à diverses organisations présen- rentiel issu de l’étude d’autres entreprises
tant chacune leurs spécificités. Il ne faut pas dans le but d’étalonner les performances
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se tromper, ces techniques permettent géné- par rapport aux concurrents ou de découvrir
ralement de répondre à la question du des pratiques nouvelles susceptibles de les
« quoi ? », parfois du « combien ? » mais améliorer. C’est une méthode d’accompa-
plus rarement ou moins directement du gnement et d’incitation au changement :
« comment ? » de l’atteinte de l’excellence « Le benchmarking est une méthodologie
opérationnelle. Leur utilité principale réside qui consiste à rechercher en permanence les
dans le fait qu’elles permettent d’identifier meilleures pratiques afin d’adapter ou
rapidement et de faire prendre conscience d’adopter leurs aspects positifs et de les
d’écarts de performance. mettre en œuvre pour devenir le meilleur
Après un bref rappel des pratiques d’éta- des meilleurs »2.
lonnage concurrentiel, nous présenterons Le benchmarking peut se pratiquer au sein
certains des outils et méthodes développés de l’entreprise par comparaison de diffé-
récemment au sein d’A.T. Kearney et les rents sites ou fonctions pour mettre en évi-
résultats que ces outils ou méthodes ont dence ceux qui obtiennent les meilleurs
permis d’atteindre. Dans la discussion, résultats et pour transposer leurs facteurs de
nous montrerons également les limites succès sur les moins performants. La presse
d’utilisation du benchmarking et les fait état de telles pratiques au sein du minis-
conditions à remplir pour garantir la qua- tère de l’Intérieur pour comparer les résul-
lité des résultats étalonnés. Nous aborde- tats de la lutte contre la délinquance dépar-
rons ensuite le sujet de l’utilisation du tement par département. Évidemment, cette
benchmarking dans les processus de démarche s’apparente à de l’audit interne.
management pour « passer à l’action » Elle présente cependant en général l’avan-
afin d’améliorer la performance opéra- tage d’un bon niveau de comparabilité des
tionnelle, puis les « meilleures pratiques » entités « benchmarkées » et donc d’une

1. Pour traiter les problèmes de Xerox qui perd rapidement de sa compétitivité par rapport aux producteurs japonais
de photocopieurs, R. Camp mène, au début des années 1980, une étude comparative approfondie des produits et
processus de production de Xerox avec Fuji-Xerox et d’autres concurrents japonais. Cette première expérience de
« benchmarking », qui permit à Xerox de redresser rapidement sa position, est relatée dans Camp (1989).
2. Définition donnée sur un site internet spécialisé : www.stratenet.com
L’audit par benchmarking 249

meilleure acceptation des résultats par les retenir celles qui réalisent les meilleures
parties prenantes. L’accès facilité, car au performances. Philips se compare à General
sein de la même entreprise, aux facteurs Electric, General Motors à Toyota, l’Essec
explicatifs de cette performance permet à l’Insead. Le but de la démarche est de
également d’accélérer le travail d’analyse mesurer l’écart de performance par rapport
des différences, d’identifier les facteurs de au meilleur de la classe et tenter de mettre
succès correspondants et, le cas échéant, de en évidence les principaux facteurs explica-
prendre les mesures pour remédier aux tifs de cet écart. C’est le point de départ du
écarts de performance constatés processus de fixation des objectifs à
Dans le cadre de cet article, nous limiterons atteindre pour rivaliser avec les meilleurs.
notre propos à l’audit externe et traiterons En conséquence, les changements réalisés
donc uniquement du benchmarking s’ap- le sont par mimétisme. On s’aligne sur les
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puyant sur des évaluations interentreprises. meilleurs. En adoptant cette démarche,
Selon la composition de l’échantillon d’en- toutes les entreprises de la même industrie
treprises retenues pour la comparaison, on tendraient à se ressembler, les meilleures
distingue le benchmarking concurrentiel ou pratiques de management à se banaliser, à
étalonnage, du benchmarking exploratoire devenir des « commodités ».
ou générique. Dans le benchmarking exploratoire ou
Dans le benchmarking concurrentiel ou générique, on est, au contraire, à la
étalonnage, on se compare à des entre- recherche d’idées nouvelles, de solutions ou
prises concurrentes appartenant à la même de pratiques novatrices pour réaliser des
industrie, voire à la même région ou au sauts qualitatifs et se différencier de ses
même groupe stratégique, en s’attachant à concurrents. On s’attache à identifier les

Figure 1
POTENTIEL DES DIFFÉRENTS TYPES DE BENCHMARKING
250 Revue française de gestion

entreprises leaders dans une fonction ou un II. – OUTILS D’ÉTALONNAGE


processus déterminé pour tirer parti de leurs CONCURRENTIEL
expériences. On compare le processus logis-
De nombreux outils ont été développés
tique de Renault avec le processus
pour faciliter l’étalonnage concurrentiel.
« 48 heures chrono » de La Redoute, l’orga-
Beaucoup de ces outils font appel aux tech-
nisation des achats d’Alcatel avec celui de
nologies de l’information et de la commu-
Carrefour, la logistique des Vins de Moselle
nication. Le site de TBE (The Benchmar-
avec celle de Dell. Ce processus vise à être
king Exchange) propose des outils
un catalyseur d’innovation. Il débouche sur
d’étalonnage par rapport à des standards de
des objectifs qualitatifs dont l’atteinte
qualité du management comme SelfAssessor3
nécessite la mise en œuvre de programmes
ou des outils d’études spécifiques comme
d’apprentissage par expérimentation. En
Surveyor4.
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effet, les pratiques sur lesquelles reposent
La qualité des services rendus par ces
les performances des entreprises leaders ne
outils dépend de nombreux facteurs parmi
se prêtent pas à de simples adoptions
lesquels la structure du modèle d’entre-
puisque les contextes sont différents. Elles
prise sur laquelle repose l’analyse, les
doivent être transformées, adaptées, enri-
variables de performances, les processus et
chies pour que l’adoptant se les approprie et
les pratiques retenues pour les expliquer,
bénéficie totalement de leur potentiel de
les méthodes de collecte et d’analyse des
progrès.
informations. Pour concrétiser la discus-
Les démarches de benchmarking sont de
sion de ces facteurs, nous présenterons
quatre types : l’audit interne, le recours à
un outil d’étalonnage développé par
des outils et standards d’étalonnage
A.T. Kearney et baptisé GEO (Global
concurrentiel, l’audit externe concurren-
Excellence in Operations)5.
tiel spécifique à une entreprise ou à une
Au-delà d’une base de l’étalonnage des
fonction ou activité particulière, l’audit
principaux indicateurs de la performance
spécifique appuyé sur des outils d’étalon-
dans les opérations, GEO est un véritable
nage concurrentiel. Dans la suite du texte,
programme de benchmarking des pratiques
nous traiterons des outils puis des proces-
et d’identification de ce qui peut permettre
sus d’étalonnage concurrentiel avant de
à l’entreprise de tendre vers l’excellence
développer leurs limites et conditions
opérationnelle ; il vise par conséquent à
d’utilisation.
cumuler les avantages de l’étalonnage

3. SelfAssessor est un outil disponible sur internet qui permet à une organisation de s’étalonner en temps réel sur
des échelles de performances telles que celle de l’EFQM (European Foundation for Quality Management), du
MBNQA (Malcolm Baldrige National Quality Award) ou de l’AQA (Australian Quality Award). Pour plus d’infor-
mation, voir : http://www.benchnet.com/selfassess/index.htm.
4. Surveyor est un outil d’enquête en ligne où les entreprises à la recherche d’informations peuvent administrer leurs
propres questionnaires et obtenir les réponses par courrier électronique de façon quasi instantanée. Pour plus d’in-
formation, voir : http://www.industrymetrics.com
5. Les deux auteurs de ce texte ont directement participé à l’administration de GEO, l’un comme responsable du
programme pour la France, l’autre comme membre du GEO Academic Advisory Board.
L’audit par benchmarking 251

concurrentiel et du benchmarking explora- moyens, ressources et compétences. Les


toire, en particulier en ce qui concerne les principaux processus concernent le déve-
pratiques de management. loppement des produits et processus indus-
triels et logistiques et l’intégration des
1. La structure du modèle GEO clients et fournisseurs. Ces processus
Comme tous les outils de ce type, GEO est consomment des ressources financières,
fondé sur un modèle d’entreprise, des hypo- humaines et techniques qui constituent la
thèses explicatives des performances, des base de la pyramide modèle d’entreprise.
formules de « scoring » et sur un processus Les observations de pratiques et les
formalisé de collecte et d’analyse des don- mesures de performances réalisées dans ces
nées d’entreprises. onze domaines sont agrégées pour détermi-
Pour les besoins de l’analyse, l’entreprise ner des scores d’excellence.
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est décomposée en onze domaines structu- Les mesures et analyses de l’excellence
rés en trois niveaux. Le domaine « stratégie sont fondées sur les hypothèses suivantes :
et orientations générales », en haut de la – le recours aux meilleures pratiques, best
pyramide, est celui où se définit la vision à practices, et l’obtention de niveaux de per-
long terme dans laquelle s’inscrit la straté- formances élevés traduisent l’excellence de
gie opérationnelle. Le controle de la mise l’entreprise ;
en œuvre de cette stratégie exige des indi- – les pratiques et niveaux de performance
cateurs de performances et des outils de fondant l’excellence, sont regroupés en
mesure des résultats atteints. L’action est cinq agrégats : satisfaction clients, qualité,
menée dans des processus intégrant des performances économiques, « agilité » et

Figure 2
LA STRUCTURE FORMELLE DE L’OUTIL GEO
252 Revue française de gestion

innovation, qui sont, dans le concept GEO, tain nombre de forums de rencontre
les fondements de la création de valeur. ouverts aux participants et à d’autres entre-
Ces hypothèses font l’objet de nombreuses prises, et permettant d’échanger sur les
vérifications. Ainsi à titre d’exemple, les niveaux de performance, facteurs explica-
cinq meilleures entreprises du programme tifs et meilleures partiques. Chaque entre-
GEO 2001 créent 2,5 fois plus de valeur prise participante reçoit un rapport indi-
économique que la moyenne de l’échan- quant sa position par rapport aux cinq
tillon des firmes participantes et elles sont entreprises leaders et par rapport à la
significativement plus performantes que la moyenne des participants ainsi que des
moyenne sur ces cinq indicateurs agrégés. hypothèses d’explication de ces positions
et des recommandations de domaines
2. Le processus de collecte et traitement d’amélioration et de types d’actions.
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de données de GEO
Les données sont collectées et traitées en 3. Les facteurs de qualité
trois temps. Dans un premier temps, les de l’étalonnage concurrentiel
entreprises participantes rassemblent leurs En tant qu’outil d’étalonnage concurrentiel,
informations sur la base d’un questionnaire GEO présente des qualités que n’ont pas la
(sous la forme d’un CD-ROM). Dans un plupart des outils standards offerts en libre
second temps, ces données sont exploitées service. Ces qualités sont au nombre de
pour calculer des scores d’excellence qui cinq.
permettent de sélectionner les entreprises
« finalistes » par région : Amérique du Nord Un objet bien défini, l’unité productive
et du Sud, Europe, Asie. Enfin, les finalistes GEO compare des entreprises appartenant à
sont visités par des équipes mixtes compo- des industries différentes et, par consé-
sées de consultants d’A.T. Kearney et d’ex- quent, soumises à des facteurs de succès
perts académiques qui s’attachent à com- différents. Parmi les dernières entreprises
pléter l’analyse, à vérifier la cohérence des reconnues pour leur niveau d’excellence, on
données et à les enrichir par une meilleure trouve des firmes de l’automobile, du
compréhension des mécanismes conduisant papier, de la chimie, de l’électronique, des
à l’excellence. Ces visites sont l’occasion systèmes médicaux, etc. L’échantillon des
d’identifier les pratiques innovantes (bapti- participants est cependant suffisamment
sées next practices), qu’un questionnaire homogène pour permettre de procéder à des
préétabli et fermé ne peut permettre de comparaisons car l’objet d’observation
repérer directement. n’est pas l’entreprise mais l’unité produc-
À l’issue de ce processus, le comité GEO, tive au sens d’Abernathy6. Le concept
composé de consultants expérimentés et d’unité productive associe les produits et
d’experts académiques, sélectionne les les processus qui leur donnent vie au sein
vainqueurs par région puis le vainqueur d’une entité dont les frontières ne coinci-
global. Cette sélection donne lieu à un cer- dent pas avec celles de l’entreprise et ne

6. Abernathy (1978).
L’audit par benchmarking 253

sont pas contraintes par son organisation. fut une division médicale du groupe Sie-
Ne prenant en compte qu’un ensemble mens qui avait développé un système mon-
homogène de produits-processus, l’unité dial de webcam sur internet permettant la
productive est une partie de l’entreprise gestion visuelle des sites où sont installés
parfois assimilable à une division dans une les équipements qu’elle livre à ses clients.
structure multidivisionnelle. Mais associant Cette entreprise était excellente à tous
clients, fournisseurs et autres partenaires points de vue sur les aspects classiques de
des processus opératoires, l’unité produc- la gestion des opérations comme le mon-
tive déborde les frontières juridiques de traient les résultats de l’analyse menée en
l’entreprise. L’unité productive met en première phase mais fut distinguée en
œuvre des processus, consomme des res- deuxième phase grâce au flair et au ques-
sources, développe des compétences dans tionnement ouvert des équipes de visite.
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un ensemble ordonné et intégré d’opéra- On observe d’ailleurs qu’un grand nombre
tions défini et géré pour atteindre des objec- d’entreprises participantes atteignent des
tifs stratégiques. Mais ces objectifs sont niveaux d’excellence élevés sur les pra-
définis en dehors d’elle. Le choix de l’unité tiques et les variables de performances
productive comme objet de comparaison « classiques ». C’est en quelque sorte le
centre donc les analyses de performance sur prix à payer, ou le ticket d’entrée, pour
les opérations plutôt que sur les stratégies et avoir le droit de participer au jeu concur-
permet de faire abstraction des conditions rentiel. Le benchmarking concurrentiel
d’environnement pour ne considérer que les aide à la dissémination de ces facteurs de
conditions d’excellence dans la gestion des performances et à l’alignement sur les
opérations. Le modèle de la figure 2 illustre meilleurs. Mais, pour sortir du lot, il faut
ces choix. inventer de nouvelles pratiques et faire des
sauts qualitatifs que le benchmarking géné-
Un échantillon de taille suffisante rique poussé et les analyses qualitatives
Les analyses comparatives menées annuel- approfondies peuvent seuls identifier et
lement portent sur des échantillons de taille proposer.
suffisante pour obtenir des résultats signifi-
catifs dans les tests d’hypothèses sur les- Des équipes conjointes d’experts
quelles repose le modèle explicatif des per- et d’analystes
formances. Le benchmarking repose sur des analyses
qui se doivent d’être menées scientifique-
La prise en compte du qualitatif ment. Mais le benchmarking est également
La démarche de comparaison ne se limite une industrie où cohabitent des firmes qui
pas à l’analyse de variables quantitatives n’ont pas toujours pour seul objectif de
ou formalisées et de données obtenues par fournir l’information de la meilleure qua-
administration de questionnaires fermés. lité possible. On cherche trop souvent à
Le qualitatif, l’expérience et l’innovation maximiser le nombre d’accès à des sites
sont pris en compte, en particulier dans la spécialisés ou attirer des prospects pour
phase de visite des finalistes par les équipes des actions de conseil. La démarche GEO
d’évaluation. Le vainqueur de GEO 2000 se distingue également des nombreuses
254 Revue française de gestion

autres propositions, par le fait qu’elle III. – DE L’ÉTALONNAGE


associe compétences d’analyse et exper- CONCURRENTIEL
tise industrielle au travers d’équipes À L’AMÉLIORATION
mixtes consultants - experts académiques. DES PERFORMANCES
Ces derniers sont pleinement intégrés dans OPÉRATIONNELLES
l’équipe et contribuent à la conception des
La notion de benchmark est très largement
modèles, variables et instruments de
répandue dans le domaine de l’entreprise.
mesure. Ils participent aux investigations
Toute discussion, tout rapport sur les perfor-
sur les terrains sélectionnés et aux déci-
mances opérationnelles d’une entreprise fait
sions finales distinguant les entreprises les
référence aux meilleures pratiques des
plus performantes. Ils sont garants de la
concurrents et à leurs résultats. Cependant
rigueur et de l’indépendance dans la
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cette notion est souvent utilisée de façon

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construction de l’outil, de l’objectivité
déconnectée de la décision de management
dans l’appréciation des résultats. Ils
car appliquée à des objets et indicateurs trop
contribuent également à faire de GEO un
globaux. Dans le meilleur des cas, cette uti-
véritable programme de recherche sur les
lisation de l’étalonnage par benchmark per-
facteurs de succès en matière de manage-
met de créer le sentiment d’urgence. Ainsi,
ment des opérations.
les efforts intenses de réduction des délais de
La recherche de l’explication développement d’un nouveau véhicule chez
de la performance les constructeurs automobiles au cours de la
dernière décennie ont été succités par
La qualité des hypothèses explicatives des
l’exemple largement communiqué du
performances et la richesse des observa-
« benchmark 24 mois et moins » de Toyota.
tions de terrain permettent de dépasser le
Cependant elle ne permet pas de passer
simple calcul de scores et le classement des
directement à l’action en prenant les déci-
entreprises participantes. Les écarts obser-
sions et en effectuant les changement qui
vés entre firmes sont attribuables à des dif-
améliorent les performances opérationnelles.
férences observées dans des pratiques ou
Savoir qu’un concurrent donné ou que la
dans les niveaux de performances. Il en
moyenne des entreprises d’un secteur fonc-
résulte des recommandations d’actions qui
tionne avec un TRS (taux de rendement
sont susceptibles d’enrichissement lors des
synthétique, indicateur de productivité d’un
visites d’entreprises.
équipement) supérieur peut permettre de
Ces caractéristiques font de l’approche
fixer des objectifs de haut niveau et de
GEO, non seulement un outil d’audit et de
mobiliser les énergies mais n’est en aucun
scoring des performances, mais aussi un
cas suffisant pour définir le plan d’action
véritable moyen d’identification des
permettant de l’améliorer. Le TRS est
bonnes pratiques et des pratiques inno-
influencé par de très nombreux facteurs
vantes. Ainsi, ce type d’approche peut être
explicatifs qui vont de la capacité installée
à l’origine des sauts qualitatifs et de l’amé-
et du rendement instantané, au temps de
lioration accélérée de la performance opé-
changement de produit, au taux de rebut, à
rationnelle.
la durée de fonctionnement, à la taille des
L’audit par benchmarking 255

lots, etc. Ceux-ci sont influencés par la poli- Sélectivité des domaines à analyser
tique d’investissement, la stratégie de main- C’est le corrolaire de la profondeur d’analyse.
tenance, la performance des équipes de pro- Il s’agit de focaliser l’analyse sur les
duction, l’offre de service, etc. Sur quel domaines qui font vraiment la différence plu-
domaine focaliser ses efforts ? tôt que de rechercher l’exhaustivité au détri-
Pour dépasser la notion d’audit et jouer ment de la pertinence. Pour une entreprise,
pleinement son rôle de déclencheur de l’ac- l’exercice d’étalonnage concurentiel devra
tion visant à améliorer la performance opé- donc être précédé ou accompagné d’une ana-
rationnelle, l’exercice de benchmarking ou lyse des leviers de performance et de sélection
d’étalonnage concurentiel doit présenter les des plus importants dans son contexte propre.
caractéristiques suivantes : L’approche GEO vise à permettre de faire le
lien entre étalonnage et amélioration de per-
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Rigueur des définitions
formance. Ainsi elle comprend un lexique
Il est impératif d’avoir des définitions détaillé décrivant chacun des indicateurs, et
claires et rigoureuses des domaines et indi- associe questionaires et interactions sur site
cateurs étalonnés. Par exemple, définir clai- pour vérifier le bon respect des définitions.
rement si le TRS, dont plusieures défini- De même, l’analyse sélective et en profon-
tions coexistent dans le monde industriel, deur des éléments-clés est facilitée par le réfé-
comprend ou non le temps d’ouverture des rentiel GEO de bonnes pratiques et de pra-
capacités concernées. Sans définitions pré- tiques innovantes pour chacun des domaines
cises et partagées, les résultats de l’étalon- de l’entreprise. Pour chacune des entreprises
nage seront remis en cause par les opéra- participantes, elle donne lieu à un retour per-
tionnels et le débat se portera sur la sonalisé mettant en avant les écarts par rap-
comparabilité plutôt que sur les enseigne- port aux meilleures pratiques et les pistes
ments du benchmark. prioritaires d’amélioration de performance.
Profondeur d’analyse et représentativité
Il est nécessaire de pousser l’analyse jus- IV. – LES ENSEIGNEMENTS
qu’au facteur explicatif « élémentaire », qui DES LEADERS OU « DE L’ATTEINTE
permet d’identifier les meilleures pratiques DE L’EXCELLENCE
correspondantes et devient alors compa- OPÉRATIONNELLE »
rable et indiscutable. L’étalonnage concur- Pour porter ses fruits et permettre de s’ap-
rentiel ne saurait se résumer uniquement à procher de l’excellence, le benchmark par
la valeur d’un indicateur étalon. C’est étalonnage concurrentiel ou exploratoire
l’analyse détaillée des pratiques associées doit s’inscrire dans une véritable stratégie
qui en garantie la mise en œuvre. À titre d’amélioration de la performance opéra-
d’illustration, un TRS étalon dans un sec- tionnelle. Aussi efficace soit-il, il ne suffit
teur donné peut se décomposer en facteurs malheureusement pas de participer au pro-
explicatifs comprennant, par exemple, la gramme GEO pour améliorer durablement
procédure de changement d’outil, elle- sa performance ! Les entreprises primées
même optimisée par une pratique de type par GEO l’ont bien compris. Elles tendent
« mise en place d’un système de barillet ». vers l’excellence opérationnelle en mettant
256 Revue française de gestion

en œuvre une stratégie d’amélioration de ders dans la chaîne de valeur. Ainsi,


performance qui peut se résumer à sept Brembo, une des entreprises primée à l’oc-
principes communs qui sont autant de casion du programme 2001, en pointe dans
bonnes pratiques : le domaine des systèmes de freinage de
– le top management doit donner l’impul- haute performance, s’est bâti une réputation
sion et gérer la diffusion des résultats dans mondiale en termes d’innovation et de lea-
l’ensemble de l’organisation ; dership technologique dans la conception
– un effort continu s’appliquant à la chaine d’équipements de freinage et périphériques.
de valeur étendue ; Ceci permet à la société italienne d’étendre
– focalisé sur l’efficience, la réactivité et son rôle dans la chaîne de valeur de la pro-
l’agilité des opérations ; duction d’équipement de freins à la prise de
– priviligiant les organisations en projets et responsabilité totale de la conception et la
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équipes ; fourniture de systèmes complets.
– basé sur une approche du capital humain
proactive et adaptée à la culture ; Réactivité et agilité des opérations
– avec un programme formalisé de gestion Les leaders excellent en termes de coûts, de
de la performance ; délais et de qualité. Au-delà de ces indica-
– généralisant la gestion rigoureuse des teurs de base de la performance opération-
connaissances et du savoir dans l’ensemble nelle, ils gèrent également leur capacité
de l’organisation. d’adaptation en termes de réactivité, c’est-
Cette analyse par benchmarking GEO des à-dire de vitesse à laquelle ils s’adaptent à
pratiques d’amélioaration de performance des changement de la demande et d’agilité,
des leaders fait partie intégrante de la resti- c’est-à-dire de vitesse à laquelle leurs opé-
tution faite aux participants. Outre la liste rations peuvent atteindre une perfomance
de bonnes pratiques, elle comprend des coût-service optimale. À titre d’exemple,
exemples illustratifs de leur mise en œuvre. une filiale de Marconi à développé, dans le
cadre de son approche 6-Sigma de concep-
Impulsion du top management et diffusion tion à coût objectif, un système de modéli-
dans l’organisation sation de la performance du processus de
Dans toutes les entreprises GEO leaders, le production (utilisation, rebut, rendement)
management est à la fois l’initiateur et le pro- afin de prendre en compte les résultats
moteur du programme d’amélioration de per- durant la phase de conception et d’amélio-
formance opérationnelle. Il définit la vision, rer de la performance au niveau des pro-
fixe les objectifs globaux, s’implique dans la duits et des processus de fabrication.
démarche, en commente les bénéfices et les
résultats. Il s’assure que toute l’organisation Organisations en projets et équipes
est impliquée et évaluée en fonction de sa Le concept d’équipes multifonctionnelles,
contribution à l’atteinte des résultats. multicompétences et responsables de leurs
résultats est très largement répandu chez les
Chaîne de valeur étendue leaders. Ainsi Brembo a mis en place une
Le programme GEO a identifié de nom- approche intégrée basée sur des équipes
breux exemples d’extension du rôle des lea- dédiées à chaque client OEM et gérant la
L’audit par benchmarking 257

formalisation des besoins et la conception de certains leaders deployant des pro-


des plateformes ainsi que des cellules de grammes visant par exemple à rassembler
production dédiées afin de privilégier réac- « des connaissances-clés accessibles en
tivité et service client. 60 secondes ». Des technologies permettent
une certaine industrialisation (base de
Gestion du capital humain connaissance, recherche et classement
Dans ce domaine également, l’approche de sémantique, etc.). Mais, dans tous les cas, il
benchmarking GEO a confirmé que les lea- faut d’abord investir dans les hommes et la
ders font significativement plus d’efforts capacité de donner du sens à la connais-
que la moyenne. À titre d’exemple, la sance, par exemple en développant la com-
société OTIS a mis en œuvre une stratégie préhension fine des comportements des
proactive et adaptée à la culture locale de coûts ou l’intelligence concurrentielle.
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ses implantations, basée sur un mélange
d’encouragement – y compris financiers – à
CONCLUSION
la formation professionnelle, de rémunéra-
tion en fonction des compétences, du À condition d’être conduit de façon rigou-
recours à des experts renommés pour la for- reuse et controlée, le benchmarking peut
mation au progrès continu, etc. fournir la profondeur d’analyse qui fait sou-
vent défaut aux pratiques d’audit financier.
Programme formalisé de gestion de Il s’attache, en particulier à identifier les
performance leviers de la performance et à mettre en
L’institutionalisation de programmes place des moyens permettant de les action-
d’amélioration est une des priorités claire- ner. Il ne se limite pas à des étalonnages par
ment affichée par les leaders en termes rapport à des « standards » mais recherche
d’excellence opérationnelle ; les plus les pratiques innovantes.
renommés allant jusqu’à donner leur nom Dans un monde de l’entreprise où l’innova-
au concept qu’ils ont adopté. Ainsi on parle tion et la vitesse priment, l’imitation ne sau-
du programme « 5-axes Valeo », du « Del- rait tenir lieu de doctrine de management à
phi Manufacturing System » ou du « GE 6- long terme. L’audit de performance par éta-
Sigma ». Dans ce cadre et pour les plus lonnage concurrentiel constitue une brique
avancés, le benchmark remplace l’histo- de base fondamentale de tout programme
rique comme référentiel de gestion de la visant à l’atteinte de l’excellence opération-
performance. nelle. Il est en particulier utilisé comme
moyen de fixer et de communiquer les
Gestion rigoureuse des connaissances objectifs d’amélioration de la performance.
Cette « meilleure pratique » est à la fois Fondé sur une approche structurée et rigou-
probablement la plus complexe et la moins reuse visant à analyser les facteurs explica-
bien maîtrisée. Elle pose notamment les tifs à l’origine de l’excellence opération-
problèmes de la structuration du savoir, de nelle, le benchmarking et la recherche des
son accessibilité et de la nécessaire confi- meilleures pratiques peut également être à
dentialité pour les éléments les plus sen- l’origine de l’amélioration effective de la
sibles. GEO a identifié les efforts louables performance financière.
258 Revue française de gestion

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