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RÔLE DU MARKETING EN CONCEPTION INNOVANTE : LES

LEÇONS DU CAS AXANE
Jean-Marc Pointet

Association de recherches et publications en management | « Gestion 2000 »

2011/6 Volume 28 | pages 65 à 80

ISSN 0773-0543
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-gestion-2000-2011-6-page-65.htm
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Jean-Marc Pointet,
Professeur associé,
Université Paris-Est, IRG et ESIEE Management
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Rôle du marketing en ??
conception innovante :
les leçons du cas Axane I le

« Innovez !» Les discours managériaux nous ont habitués à ce mot d’ordre. Mais les
conditions du développement de produit innovant ne sont plus les mêmes que par le
passé. Le rôle, les missions et les méthodologies de la fonction marketing dans un contexte
d’innovation se transforment1. Loin d’une conception réglée qui conduisait le Marketing à
travailler sur des projets précis et identifiés dans le prolongement d’usages existants, de
nombreuses entreprises attendent désormais que le Marketing puisse explorer de nou-
veaux espaces de marché (Millier, 2005; Xuereb, 1993). L’élaboration des cahiers charges
de nouveaux produits lorsque les clients ne sont pas identifiés est complexe. L’incapacité
d’anticipation de leur comportement nous éloigne en effet du cadre théorique courant où le
département marketing est censé connaître le futur client. Ce cadre diffère d’un marketing
routinisé aux réflexes développés sur la base de sondages et entretiens, de segmentation
de marché selon des critères socioprofessionnels et d’orientation de la fonction R&D par ses
arbitrages. L’objet de cet article est de caractériser, dans un cadre théorique spécifique, le
rôle de la fonction Marketing dans le sens des services produits par l’organisation et de la
nature de ses interventions menées en relation avec d’autres fonctions.

L’auteur remercie chaleureusement Gilles

Garel pour son aide précieuse dans l’élabo-
ration de cet article. Il remercie également
Rodolphe Rosier et Frédéric Touvard pour leur
soutien dans l’accès aux travaux de recherche-
intervention menée chez Axane, ainsi que ces
derniers et Jean Rédis pour leurs relectures
critiques. Il remercie enfin les enseignants-cher-
cheurs de l’équipe Prism de l’IRG pour leurs
commentaires émis lors d’une présentation d’une
version antérieure de cet article à un séminaire.
1 Cf. le numéro spécial de Décisions
Marketing «Marketing et Innovation», n° 48,
octobre-décembre 2007.
2 Travaux élaborés au CGS, Centre de
Gestion Scientifique de l’Ecole des mines de
Paris.
Ce cadre est celui de la «conception
innovante» lorsque les projets exigent
un contenu fortement créatif. Il se
réfère aux travaux de Le Masson et
al. (2006)2 qui montrent que les pro-
cessus contemporains d’innovation
intensive appellent une transformation
structurelle de l’organisation autour
d’une fonction Innovation. Dans les
entreprises des secteurs les plus divers
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(automobile, chimie, pharmacie, etc.),
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une nouvelle étape à la charnière de
la recherche et du développement se
structure pour assurer une maîtrise et
une validation plus poussée des inno-
vations répétées. Une fonction Innova-
tion (I) explore de nouveaux concepts
et/ou de nouvelles connaissances en
activant la fonction Recherche (R) et le
Développement (D) tout en se nourris-
sant de leurs travaux3.
Ce modèle RID n’aborde pas direc-
tement la thématique du marketing.
La figure du client reste abstraite. La
théorie de la conception innovante ne
le rend pas légitime en tant que tel.
Certes, il apparaît dans l’espace des
connaissances K, en tant qu’élément
sur l’usage du produit, mais il n’est pas
plus mobilisé que d’autres experts. Il est
donc logique que les travaux relatifs à
la conception innovante ne soient pas
évoqués dans les travaux de recherche
en marketing. Pourtant, ce cadre
semble pertinent pour y insérer la fonc-
tion Marketing avec des principes et
des dispositifs spécifiques. En suppo-
sant que toute activité de conception
innovante ne se restreint pas à un exa-
men de faisabilité technologique mais
se combine à un examen marketing et
sociologique, on introduit le client dans
le raisonnement de conception des
auteurs du CGS. La fonction Marketing
se trouve formalisée comme un proces-
sus structuré, articulé au modèle de la
RID, dépassant ainsi le cadre organisa-
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tionnel «classique» des collaborations
actives entre Marketing et R&D.
On opposera donc d’abord le marke-
ting de la conception réglée (CR) à
celui de la conception innovante (CI).
Cette première partie débouchera sur
un renouvellement du raisonnement
marketing développé pour construire
de la valeur alors que les clients ne
sont pas identifiables, pour imaginer
des usages alors que les conditions
d’utilisation n’existent pas encore. On
examinera ensuite la nature de la rela-
tion d’interdépendance entre les fonc-
tions Innovation (I) et Marketing (M).
Cette deuxième partie débouchera sur
une extension du modèle organisation-
nel RID à M.
3 Ce raisonnement se construit simultanément
sur deux espaces de pensée obéissant à des
logiques différentes : un espace de concepts (C)
aux propositions provisoires indécidables et un
espace de connaissances (K) aux propositions
établies (vraies ou fausses). Leur expansion
conjointe force la génération d’objets inconnus à
partir de faits connus. Cette théorie a fait l’objet
de nombreux travaux sous le dénomination CK,
en particulier Hatchuel A. et Weil B. (2003), «A
new approach of innovative design: an introduc-
tion to C-K theory», ICED’03, août, Stockholm,
Suède; Le Masson P., Weil B. et Hatchuel A.
(2006), Les processus d’innovation, conception
innovante et croissance des entreprises, Hermès
Lavoisier; Hatchuel A., Le Masson P. et Weil B.
(2009), «Design theory anc collective creati-
vity : a theorical framework to evaluate KCP pro-
cess», International Conference on Engineering
Design, ICED’09, 24-27 août 2009, Stanford
CA. On ne développera pas ici cette théorie.
Pour une présentation exhaustive, cf. http://
www.cgs.ensmp.fr/DesignChair/index.html.
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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane

L’examen du rôle de M en situation de ou «comment» (processus, enchaîne-

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CI est appliqué au cas Axane4, filiale ment des événements dans le temps).
du groupe Air Liquide d’une trentaine Ainsi, sa méthodologie se justifie par
de personnes5, un des leaders euro- le caractère essentiellement qualitatif
péens de la pile à combustible (PAC)6. des données qui sont traitées (immer-
Selon Wacheux (1997), l’étude de cas sion sur le terrain, récits, entretiens).
est appropriée lorsque la question de D’autres auteurs ont par ailleurs relevé
recherche commence par «pourquoi» que la méthode des cas s’applique
(causalités récursives, configurations) autant à une démarche exploratoire,
ce qui est précisément la nature du
cas Axane7, qu’à une volonté de véri-
4 Ce cas est traité par la recherche interven-
tion de R. Rosier (Université Paris Est, IRG/Prism) fication d’hypothèses8. Enfin, selon
chez Axane en occupant différentes fonctions Hlady-Rispal (2002), l’étude de cas
en développement technologique, design et
marketing entre 2003 et 2007. La validation des
«établit une description d’une situa-
résultats de cette recherche longitudinale (Rosier, tion concrète interprétée à la lumière
2007) a été contrôlée par les responsables de du point de vue théorique adapté. Les
l’entreprise (direction générale, exploration, mar-
keting et technique) et par la présentation régu- théories servent à expliciter les obser-
lière à des chercheurs extérieurs spécialisés en vations. L’étude peut renforcer le degré
conception innovante. Nous avons réalisé, à la
suite de cette recherche, deux entretiens auprès de pertinence d’une théorie ou au
de F. Touvard dans le cadre de ses anciennes contraire l’infirmer». Dans cet article,
fonctions de Directeur de Projets et Produits chez
l’étude du cas Axane, dont le but est
Axane entre 2005 et 2010. Cet article a été
validé en externe auprès de l’entreprise. de fournir une illustration, se construit
5 Air Liquide fait partie des entreprises les autour de la théorie de la conception
plus inventives, située au 10ème rang français,
29ème rang européen et 218ème rang mondial innovante.
dans le nombre de brevets déposés. Cf. www.
CorporateInventionBoard.eu et Les Echos du
8 décembre 2009.
6 Une pile à combustible produit de l’électri-
cité et de la chaleur à partir de l’hydrogène, le
Marketing de la concep-
comburant provenant de l’air atmosphérique. tion réglée et marketing
Cf. le site d’Air Liquide dédié à l’hydrogène
http://www.hydrogen-planet.com/ et http:// de la conception
www.axane.fr/.
7 Axane, née en 2001, réfléchit à des applica- innovante
tions commerciales rentables de la technologie
PAC en dehors du marché automobile où elle
estime que les contraintes réglementaires seront
moins sévères et les démonstrateurs plus rapides
à développer. C’est une étude de cas d’explora-
Le marketing routinisé de la
tion de concepts non rattachables à des usages conception réglée
définis et à des compétences techniques précises.
8 Yin, R. et Heald, K. (1975), “Using the
case survey method to analyze policy stu- La conception réglée (CR) caractérise
dies”, Administrative Science Quarterly, vol. 20,
Septembre, pp. 371-381; Avenier M.-J. (1989), le raisonnement de conception asso-
«Méthodes de terrain et recherche en manage-
ment stratégique», Economie et Sociétés, série
Gestion, n° 14, pp. 199-218. 67

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Gestion 2000 6 novembre - décembre 2011
cié au bureau des études. Ce modèle
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représente la première vague de ratio-
nalisation qui a permis à l’entreprise
industrielle de domestiquer l’innovation
(deuxième moitié du XIXème siècle).
D’après la vision théorique de Le Mas-
son et al. (2008), celui-ci résulterait
d’une forme très intense de travail
collectif selon des règles codifiées.
Ces règles préservent des espaces de
liberté et d’expansion conceptrice mais
l’objet à concevoir maintient son iden-
tité et ses fonctions. Les phénomènes
identifiés sont ordonnés. La concep-
tion se réalise à partir d’un cahier des
charges. Les compétences mobilisées
par ses acteurs sont connues et mises à
leur disposition. Les périmètres d’action
sont stabilisés.
Le marketing est dans ce régime idéal
une démarche d’évaluation de la
valeur selon le regard du client. Elle
suppose l’existence de produits sur
des marchés aux structures connues.
Les concepteurs prennent en compte la
demande du client. Son comportement
évolue dans le prolongement de ses
activités existantes. Son raisonnement
se conforte dans un contexte connu
sur un projet bien défini. D’après le
modèle théorique de Le Masson et al.
(2008), cette relation s’appuie sur une
description paramétrable des princi-
paux éléments du produit à concevoir.
Le client définit les caractéristiques de
son produit dans un langage cohé-
rent avec les familles de produits déjà
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connues par l’entreprise. Les échanges
internes et externes vont donc résoudre
des problèmes que les acteurs éluci-
dent puisque des solutions candidates
existent déjà.
Comme l’a soutenu Drucker (1954),
Bureau des méthodes, laboratoire
de recherche industrielle, marketing,
etc. doivent s’intégrer aux activités de
conception. La fonction Marketing, dé-
veloppée sur la connaissance des mar-
chés et sur la réalisation d’offre adap-
tée à des besoins, devrait se coordon-
ner avec l’ensemble des départements
de l’entreprise, dont la R&D. L’enjeu
de l’innovation repose sur cette vision
partagée. Pourtant, jusqu’à la fin des
années 1970, M est demeuré séparée
des autres fonctions de l’entreprise.
Avec l’accroissement de la compétiti-
vité mondiale et la diffusion du modèle
japonais, les entreprises ont redécou-
vert dès les années 1990 la pertinence
d’une organisation «orientée marché»
en tout point de la chaîne de valeur
(Pras & Le Nagard-Assayag, 2003). La
réalité industrielle a cependant attes-
tée d’un manque récurrent d’harmonie
et d’une superficialité des relations (Ta-
rondeau, 1994). On suppose que les
attentes toujours plus fortes en R et D
et les processus d’innovation toujours
plus contraignants fragilisent les liens.
Ce changement semble ainsi favoriser
un démantèlement du schéma structu-
rel classique R&D/M et l’établissement
de nouvelles règles du jeu.
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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane
La CR peut se montrer trop sensible aux
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chocs externes. Un événement imprévu
ou une évolution nécessitent de tout re-
construire. «A partir des années 1960,
les tensions latentes se transforment en
crises récurrentes» (Le Masson & al.,
2008). La résolution de questions nou-
velles relatives à la valeur de ce qui est
à concevoir, de l’affinement de la seg-
mentation et de la variété est rendue
difficile par insuffisance d’informations
pertinentes et difficultés d’échange
entre le Marketing et la R&D (Gupta et
al., 1985). L’exploitation de nouveaux
usages sans client identifié à l’avance
ni produit prêt à être commercialisé
interroge le raisonnement marketing
sur ses fondements. Comment conce-
voir sans les usagers ? Comment se
sortir d’une organisation focalisée sur
des comportements de clients perçus
et modélisés, inadaptée aux tests de
concepts innovants ? Comment bous-
culer les réflexes de refuser d’investir
dans un concept innovant sous prétexte
que les acteurs du développement le
considèrent comme insuffisamment mûr
ou que les clients ne sont pas prêts à le
recevoir ? Comment piloter autrement
les dynamiques de connaissances mar-
keting ?
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Pour un renouvellement
du raisonnement
marketing en conception
innovante
Il suffit d’abandonner les hypothèses
de la CR pour définir celles de la CI.
Au processus routinier de la CR s’op-
pose un processus de CI dont les acti-
vités ne sont pas ordonnées et figées
a priori. Des contradictions surgissent.
Des problèmes inattendus sont facteurs
de remise en cause de décisions. De
nombreux compromis sont à recher-
cher. L’adéquation entre l’offre et la
demande est tâtonnante. Cette gestion
de complexité suppose un réel travail
coopératif entre les métiers pour métis-
ser les cultures et les talents. En tension
conceptuelle avec le management de
l’exploitation en CR, on est donc plon-
gé dans des situations d’exploration.
Cette démarche d’exploration se définit
à partir de l’article fondateur de March
(1991) : expérimentation et variations
dans les routines, technologies et appli-
cations. Les concepts de CI et d’innova-
tion d’exploration se recoupent. La CI
est de nature exploratoire. Pour Garel
et Rosier (2008b), l’exploration peut
se définir à partir d’une double expan-
sion : l’expansion du potentiel techno-
logique et celle du potentiel de valeur.
Sa démarche, activatrice d’un métabo-
lisme orienté vers l’innovation, appelle
donc à revisiter M dont les méthodo-
logies traditionnelles ne s’avèrent plus
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Gestion 2000 6 novembre - décembre 2011

opérationnelles. Autant en CR, le client nouvelles valeurs déstabilise le métier

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est présent en amont pour tester ses
attentes et tester des prototypes, autant
en CI le client est abstrait.
Si dans un régime d’innovation d’ex-
ploration il s’agit de raisonner à l’en-
vers des méthodes de la CR, il serait
illusoire de penser que les méthodes
d’études de marché applicables en
situation de CR puissent être appro-
priées en CI. Lorsqu’une technologie
ouvre le marché de demain, le consom-
mateur a aujourd’hui une tendance de
rejet. Une pratique d’écoute classique
des consommateurs amène à l’échec
(Christensen, 1997). L’identité du pro-
duit étant déstabilisée, l’irruption de
du marketeur. La CI rend obsolète les
dispositifs traditionnels du marketing
stratégique historiquement développés
en CR, lorsque l’entreprise s’adapte à
des besoins exprimés. En CI, les clients
potentiels ne sont pas identifiés ex
ante. En révisant profondément l’iden-
tité des produits, ils imaginent et anti-
cipent difficilement leur usage poten-
tiel. Ces produits technologiquement
innovants n’existent pas. Leurs marchés
n’existent pas encore (Millier, 2005) et
leurs conditions d’utilisation n’existent
pas non plus. Pour Xuereb (1993), ce
sont des marchés «virtuels» qui ne sont
que des représentations sommaires de
marchés réels potentiels (Tableau 1).

Tableau 1 : Opposition des formes de conception réglée et innovante.

Conception réglée (CR) Conception innovante (CI)

Projet Réglé et répétitif Fortement innovant et créatif
Identité de l’objet Stable, connue déstabilisée
Activité d’innovation D’exploitation D’exploration
Client Connu Abstrait
Besoins des clients Exprimés inconnus
Marchés Réels Virtuels
Structures de marché Existantes, définies Inexistantes, inattendues
Organisation Stable Créatrice
Compétences Existantes, stabilisées Renouvelées
Connaissances Existantes Renouvelées
Outils marketing Traditionnels, stabilisés A revisiter

Il convient maintenant de se pencher nouveaux marchés, de processus de

sur le cas Axane et de montrer com- développement de produit et de pilo-
bien les questions d’exploration de tage général du processus d’explora-

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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane
tion s’interpellent. La difficulté est d’éva-
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luer la valeur d’exploration (concep-
tuelle ou fonctionnelle) d’un produit
dont l’identité n’est pas encore définie
à ce stade de raisonnement. Là, réside
le vrai défi managérial.
Quelles stratégies et
organisations pour les
processus d’exploration ?
Application au cas Axane
La technologie PAC émerge au début
des années 1980 en R&D automobile.
Ses applications semblent multiples :
transport automobile, propulsion marine,
9 Communiqué de presse de l’Agence pour
l’Innovation Industrielle concernant la création
d’une filière industrielle, émis le 19/10/2007.
10 Chevet P.-F. (2009), «L’automobile à l’hori-
zon 2030», Avant-propos, Réalités Industrielles,
août, p.6.
11 – Exploration de nouveaux marchés : com-
ment orienter les études de marchés alors que
les innovateurs n’ont aucune idée des futures
applications ? Existe-t-il des méthodes pour
explorer de nouveaux marchés et en déduire
des spécifications de conception ?
– Processus de développement des pro-
duits : comment lancer des projets dans l’incon-
nu lorsque le marketing est incapable de spé-
cifier un cahier des charges faute de connaître
encore les applications finales ? Sur quelles
bases lancer les projets ? Comment initier une
démarche d’industrialisation pour une technolo-
gie encore très chère alors que les marchés ne
sont pas encore créés ?
– Pilotage général du processus d’explo-
ration : comment articuler les niveaux organisa-
tionnels d’Air Liquide (études des départements
marketing et de R&D) avec celui de la filiale
(développements et expérimentations sur le
terrain) tout en itérant de manière très rapide ?
Comment intégrer les démarches d’exploration
de la valeur et celles conduisant à identifier de
nouvelles architectures-produits ?
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alimentation d’appareils électroniques
nomades, chauffage résidentiel, etc. Ses
avantages sont indéniables : pas d’émis-
sions polluantes ni de nuisances sonores
ou de vibrations, souplesse d’utilisation,
rendement9. Les constructeurs annoncent
cependant la sortie de véhicules pour
2020 car ils butent sur «le coût des ma-
tériaux et des technologies à mettre en
œuvre, ainsi qu’aux problèmes de sécu-
rité inhérents aux caractéristiques de ce
gaz»10. Les fabricants d’électronique tra-
vaillent sur des batteries de longues
durées rechargeables instantanément
grâce à des cartouches mais butent sur
les coûts et le scepticisme des premiers
utilisateurs. Dès lors, quelles stratégies
d’innovation peut-on entrevoir pour les
PAC ? Peut-on envisager de piloter l’in-
novation par les usages ?
Axane cherchait depuis 2001 à
contourner les principales applications
ciblées par les grands industriels pour
développer un groupe électrogène
portable d’un nouveau genre. Début
2003, Axane dispose de quelques pro-
totypes fonctionnels et son questionne-
ment se situe à la confluence d’explo-
ration des marchés, des technologies
et des organisations11.
En CR, il subsiste pour la conception
d’un produit nouveau des principes
marketing exploitables et ré-exploi-
tables de génération de produit en
génération. Ces modèles marketing
génératifs «ont le caractère récurrent
du modèle et le caractère foisonnant
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Gestion 2000 6 novembre - décembre 2011
de la genèse» (Hatchuel & al., 2005).
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Le caractère génératif permet la varié-
té et l’innovation. En l’absence d’une
mutualisation de coûts et de risques
entre produits d’une même lignée, la
CI interroge M dans sa capacité à
construire de nouvelles connaissances
en potentiels d’usages. En adaptant ses
logiques et ses principes, la vocation
de cette fonction est de contrôler les
risques du marché associés à l’innova-
tion, pour pouvoir ensuite en prendre.
Ainsi, le marketing de l’exploration se
gère en renouvelant ses pratiques et
ses raisonnements pour «voir loin, voir
large, analyser en profondeur»12. Peut-
on envisager de structurer une fonction
Marketing qui puisse permette à l’ingé-
nieur ou au designer de ressentir un
trouble libérateur et un sentiment «de
découverte, de libération, de brèche
vers un monde d’objets soudain repen-
sés» (Hatchuel, 2005) ?
Synergie des fonctions
«Innovation» et
«Marketing»
Interdépendance entre
fonction Innovation et
activités de R et D
C’est en amont qu’il s’avère nécessaire
de créer des structures organisation-
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nelles adaptées aux développements
rapprochés de produits innovants
(Gautier et Lenfle, 2004). Différentes
recherches-intervention ont cependant
révélé que développé sur des bases
issues du développement séquentiel,
l’amont est resté immature. Les interac-
tions propres au processus d’innovation
sont inconnues a priori. Les signaux
émis dans le cadre des pré-validations
sont souvent difficiles à déceler puis à
interpréter. Par manque de ressources
et de coordination, les concepts sont
ainsi souvent refusés par les acteurs
du développement, toujours plus exi-
geants pour les validations. Ces diffi-
cultés ont débouché sur une logique de
structuration supérieure à la R&D.
Par opposition à la conception «réglée»
rattachée au modèle classique de R&D,
l’identité de l’objet à concevoir et les
compétences à mobiliser sont désta-
bilisées. Les principes constructifs sont
incomplets, les alternatives sont incon-
nues et les cycles de validations sont à
inventer. On a considéré que les activi-
tés de CI sont de nature exploratoire.
Elles correspondent à des situations où
les équipes innovantes imaginent de
nouvelles applications en dehors de
leurs références habituelles et des réfé-
rences du marché et où ils développent
de nouvelles connaissances, de nou-
veaux concepts et de nouvelles valeurs
pour y parvenir. Les situations d’explo-
ration ouvrent de nouveaux espaces C
12 En 1957, le philosophe G. Berger posait
ainsi les bases de la prospective.
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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane
et K à partir de questions initiales mal
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posées, bancales ou improbables. Ain-
si, l’exploration défriche des domaines
méconnus. Elle brouille les repères des
organisations et de leurs acteurs. Elle
construit de nouvelles expertises sur
des champs pour lesquels les équipes
étaient démunies. L’objet même de
l’exploration est de définir ce qui est
à étudier. C’est une activité incertaine,
marquée par des surprises et réorien-
tations. En exploration, il ne s’agit plus
d’aller plus vite, de faire varié, mais
d’aller ailleurs, en se déconnectant de
ce qui était compris et connu, cru et
reconnu (Garel & Rosier, 2008a).
On retrouve, reportés en amont de
la conception, les principes d’adop-
tion du modèle concourant au sein du
développement. Alors qu’il s’agissait à
la fin des années 1980 d’intégrer la
conception du produit et la conception
du processus, l’enjeu actuel de la ratio-
nalisation est d’opérer cette intégration
entre le développement du produit et
les avants-projet et/ou la recherche.
L’émergence de fonctions Innovation
(I) résulte de la même philosophie de
conception qui avait conduit, il y a
une vingtaine d’années, à la structura-
tion de fonctions projet. Telle une voie
médiane entre R et D, I pilote l’explo-
ration sur des espaces spécifiquement
dédiés. Ce nouveau modèle organisa-
tionnel est marqué par la constitution
d’équipes d’exploration menées par
des managers Innovation (Lenfle &
Midler, 2003).
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Précisément, l’exploration de nouveaux
espaces de valeurs et de nouveaux bu-
siness, la révision des architectures de
produit, la restructuration des systèmes
de normalisation et de standardisation
ne font pas intervenir D : il n’en a pas
les moyens. Il gère la convergence vers
un objectif qualité-coût-délais. C’est
une phase finale de mise au point et
de finition de détails par application
rapide et réactive des savoirs acquis
par les métiers et pré-développés. Le
processus d’innovation, pour lequel il
s’agit de gérer de la divergence, ne
s’inscrit pas en D. Ses règles propres
ne l’inscrivent pas davantage en R.
Vouloir faire de R la structure des fon-
dements de l’innovation signifie sous-
évaluer l’importance de la spécificité
du raisonnement de CI.
C’est bien d’une forme spécifique qu’il
s’agit. L’innovation n’est pas considé-
rée comme la qualité d’un produit ou
d’un processus mais «comme un pro-
cessus structuré, avec des principes de
gestion spécifiques, distincts de ceux
qui régissent les activités de R et de
D» (Hatchuel et al., 2001). C’est une
fonction de pilotage d’explorations.
Elle adresse des questions pertinentes
à R et organise le prototypage avec D
(Figure 1). Elle vise à régénérer les ins-
truments et les questions de R et les ca-
hiers des charges et les compétences
de D (passage de la R&D à la RID).
73
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 (Hatchuel et al., 2001). C’est une fonction de pilotage d’explorations. Elle adresse des

questions pertinentes à R et organise le prototypage avec D (figure 1). Elle vise à régénérer

les instruments et les questions de R et les cahiers des charges et les compétences de D

(passage de la R&D à la RID).

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Gestion 2000 6 novembre - décembre 2011
Figure 1 : Relations entre R, I et D
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Figure 1 : Relations entre R, I et D.

Innovation

Co leu iss
va nna
nc rs, an
co
ns

ep
e

co
ti o

nc

ts,
nn
es

sa

ai s
qu

ais

sa
nn

ce
nc
co

e
questions
Recherche Développement
connaissance

Source : Le Masson et al. (2006).

Source : Le Masson et al. (2006)

En supposant que R soit un processus marché, contingente à l’exploration,

contrôlé de production de connaissances
non responsable de la définition de la
valeur, et que D requiert que les compé-
tences et la spécification de la valeur soient
données au départ, I est responsable d’un
double processus de conception : la de
définition de la valeur et l’identification de
nouvelles compétences. Le rôle de I est de
conduire simultanément ces deux proces-
sus afin d’alimenter D avec des valeurs
et de nouvelles compétences et de sou-
mettre à R de nouvelles questions. I gère
des champs d’innovation. Sa rationalisa-
tion est créatrice et expansive.
Extension du modèle
RID à la fonction Marketing
Le passage d’un modèle organisation-
nel de type R&D à un modèle de type
RID plaide pour une nouvelle coopéra-
tion avec M. L’articulation technologie/
pose la question des procédures de
coordination entre RID et M.
On défend l’idée que les entreprises
innovantes devront remettre en cause
la synergie classique entre R&D et M
pour y intercaler une fonction I. Dans le
contexte actuel de recomposition orga-
nisationnelle de la conception pour l’in-
novation, Rosier (2007) argumente ain-
si le rattachement de M au modèle de
RID : d’une part, le marketing ne peut
plus compter sur ses propres modèles
génératifs pour explorer de nouveaux
concepts et de nouveaux usages. Il est
amené à réinventer de nouveaux rai-
sonnements et à renouveler ses modes
de coopération avec les acteurs de la
R&D. D’autre part, les entités explora-
trices illustrent, au delà de leur indé-
pendance relative vis à vis des proces-
sus et routines de la grande entreprise,
que l’on peut activer les fonctions M et
R&D par des processus extérieurs. Ces

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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane

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processus pilotent et orientent la pro- ciation et recherche du compromis. La

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duction de nouvelles valeurs, identifient

ouvert en relations, négociation et recherche du meilleure délimitation
compromis. La meilleuredes champs d’ex-
délimitation des
et trient les concepts à explorer. Ajou- pertise et de périmètres d’action des
champs d’expertise et de périmètres d’action des quatre fonctions favorise l’efficacité et la
tons que le marketing s’inscrit dans un quatre fonctions favorise l’efficacité et
espace plus
rapidité ouvert
dans enderelations,
l’apport solutions.négo- la rapidité dans l’apport de solutions.

Figure 2 : Relations entre R, I, D et M

Figure 2 : Relations entre R, I, D.

Marketing

Questions Connaissances en
d’exploration de la potentiels d’usage
valeur adressées au mobilisées par la
marketing fonction Innovation
Innovation

Recherche Développement

Source : d’après Le Masson et al. (2006) et Rosier (2007).

Source : d’après Le Masson et al. (2006) et Rosier (2007)

En Enprolongeant
prolongeant lala modélisation
modélisation d’und’un précis.
processus de Chez
CI entre R etAxane, la fonction
D, l’enjeu I a ainsi
est de structurer
processus de CI entre R et D, l’enjeu est travaillé sur les langages de manière à
de une
structurer
fonctionune fonctiond’irriguer
M capable M capable
la fonction Icedeque les métiers
nouvelles du développement
connaissances relatives auxet
d’irriguer la fonction I de nouvelles du marketing construisent un langage
potentiels d’usages. En retour, I stimule M en lui précisant les points pertinents sur lesquels
connaissances relatives aux potentiels commun minimum et sortent de leurs jar-
d’usages.
explorerEn retour,(figure
la valeur I stimule M en
2). Elle lui ses missions
oriente gons respectifs.
et active sa créativité. Elle initie le
précisant les points pertinents sur les-
renouvellement de ses pratiques, lui offrant ainsi des conditions de proactivité. Ce schéma
quels explorer la valeur (Figure 2). Elle
oriente ses missions
car M,etR,active
I et Dsa
se créati-
est séduisant De
définissent tant parl’e xploration
des à la commer­
principes de gestion spécifiques
vité. Elle initie le renouvellement de ses
pratiques,
que par lui
desoffrant ainsi des conditions
liens d’interdépendance cialisation
précis. Chez d’une
Axane, la fonction I a offre-
ainsi travaillé sur
de proactivité. Ce schéma est séduisant énergie portable silencieuse
car M, R, I et D se définissent tant par
des principes de gestion spécifiques Axane a étudié l’exploration, le déve-
que par des liens d’interdépendance loppement et la commercialisation

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Gestion 2000 6 novembre - décembre 2011

d’une offre-énergie portable silen- parvenue à concevoir, fin 2006, une

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cieuse aux applications encore incer- première offre commerciale pour un

taines fin 2005. Ce cas identifie com-
ment une fonction I a activé les équipes
de R&D et M sur des sujets précis
(études techniques ou sécurité, études
marketing). La fonction I est composée
du PDG d’Axane, du manager-Inno-
vation et du chef de produit concerné
par le déploiement du produit PAC
portable (Figure 3). Loin de se canton-
ner à un rôle amont, cette fonction est
produit alors réputé «peu fiable, très
cher et exigeant en termes de mani-
pulation et de respect des règles de
sécurité»13. C’est en se confrontant aux
problématiques de terrain (difficultés
des techniciens du cinéma, modalités
de mises en œuvre en toute sécurité
du produit) et en les retranscrivant en
termes d’usages qu’elle est parvenue à
cette convergence (Rosier, 2007).
19

Figure 3 : Relations entre R, I, D et M pour la conception de l’énergie portable

Figure 3 : Relations entre R, I, D et M pour lachez Axane.de l’énergie portable chez Axane
conception
Air Liquide

Axane

PDG Fonction Innovation

Marketing Développement

Manager- Chef de produit

Innovation
Maîtrise des risques
Distribution
Gaz
R&D stockage gaz

Source
Source : Rosier
: Rosier (2007) .
(2007)

Dès 2004, Axane avait identifié l’inté- commercialisés pour des applications
Dès 2004, Axane avait identifié l’intérêt du concept d’énergie furtive autonome, différencié
rêt du concept d’énergie furtive auto- de petite puissance). Des premiers
des nome, différencié
autres énergies des autres
autonomes énergies (comme
mais bruyantes secteurs d’activités
les groupes avaientet été
électrogènes) des appro-
autonomes mais bruyantes (comme chés par le Marketing grâce à des dé-
énergies silencieuses à décharge rapide et recharge longue (packs de batteries
les groupes électrogènes) et des éner- monstrateurs (militaires, BTP, cinéma).
gies silencieuses
commercialisés à applications
pour des décharge rapide
de petiteetpuissance).
Néanmoins, ausecteurs
Des premiers regardd’activités
de leurs activi-
recharge longue (packs de batteries tés habituelles, ces prospects avaient
avaient été approchés par le Marketing grâce à des démonstrateurs (militaires, BTP,
76 au regard de leurs activités habituelles,
cinéma). Néanmoins, 13 D’après la responsable
ces prospects avaientmarketing
rejeté le d’Axane.

concept14. Réalisées à l’initiative du Directeur de Projets et Produits d’Axane, des études de

risques détaillées mettaient aussi en évidence des contraintes lors de la manipulation et de

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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane
rejeté le concept14. Réalisées à l’initia-
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tive du Directeur de Projets et Produits
d’Axane, des études de risques détail-
lées mettaient aussi en évidence des
contraintes lors de la manipulation et
de la connexion des bouteilles d’hydro-
gène au produit et lors du fonctionne-
ment du générateur (interdiction de
fumer, absence de matériaux combus-
tibles dans la zone, etc.).
Les modèles d’affaires se sont élabo-
rés par immersion sur le terrain, en
apprenant des expériences et en croi-
sant des regards marketing, business
et technologiques. Un modèle avec un
générateur électrique silencieux vendu
à 10.000 € (au lieu de 25.000 €) cou-
plé à une offre gaz «hydrogène-éner-
gie» fut proposé. Le manager impulsa
alors un chantier sur la «manipulation
sans risque d’une offre-énergie hydro-
gène» en dédiant une petite équipe
comprenant le chef de produit, une
personne du développement et un res-
ponsable sécurité Air Liquide. En paral-
lèle, il contacta des fournisseurs tradi-
14 Militaires : manque de robustesse et de
la complexité de la logistique hydrogène en
cas d’opération éloignées; Equipes de travaux
publics : manque de simplicité du changement
de bouteille et des risques associés (les ouvriers
du bâtiment sont réputés pour faire passer les
consignes de sécurité derrière la rapidité de
mise en œuvre); Equipes de cinéma utilisatrices
de gros groupes électrogènes insonorisés pour
les gros tournages (20 kW) ou de packs de
batteries pour les petits tournages (entre 1kW et
2 kW) : gadget très coûteux à l’achat et en coût
de recharge.
15 F. Touvard, entretien, 2010. Cf. également
le programme de recherche stratégique euro-
péen sur l’hydrogène et les PAC, rapport du
High-level group (2003).
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tionnels de groupes électrogènes pour
les professionnels afin de recueillir
leurs remarques. Leurs réactions furent
quasi-unanimes : ils pouvaient fournir
une offre intégrée comprenant le maté-
riel et la fourniture d’hydrogène et ils
suggéraient même quelques pistes de
simplification d’usage (détrompeurs
notamment). Néanmoins, ils estimèrent
que les consignes de sécurité qu’exi-
geait Axane lors du fonctionnement
(ne pas fumer près du générateur, ne
pas utiliser dans des pièces à l’atmos-
phère trop confinée) ne seraient pas
respectées par les professionnels.
Ainsi, bien qu’entrevoyant un modèle
d’offre locative attractif qui aurait pu
laisser envisager des premières offres
commerciales, la question du respect
effectif des règles de sécurité restait
bloquante… «Il y avait surtout des
enjeux de sécurisation des risques liés
à la filière hydrogène. L’exposition met-
tant en œuvre l’hydrogène aurait nui à
l’ensemble de la filière»15.
Les raisonnements sur la valeur étaient
à réorienter. Lors d’une participation à
un tournage de film (Figure 4), le ma-
nager-Innovation remarqua que des di-
zaines de prestataires extérieurs com-
posaient l’équipe des techniciens et que
les principaux donneurs d’ordres expri-
maient leurs besoins en terme de ser-
vices attendus : par exemple un éclai-
rage plus intense, un chemin de câble
invisible, un sol brillant; autant d’ac-
tions qui nécessitaient la mise en mou-
vement d’équipes de techniciens et de
77
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matériels électriques parfois innovants de l’énergie mobile, sans fil et complè-

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ou parfois rudimentaires (un arrosage tement silencieuse, pour l’éclairage de

du sol avec un tuyau suffit à rendre le
sol plus réfléchissant). L’idée était donc
là : le générateur électrique d’Axane
devait s’effacer derrière la fourniture
d’une prestation d’énergie furtive et
autonome. Le produit Mobixane posi-
tionne la pile et son installation sur un
chariot mobile. «Ce générateur offre
scènes au plus près des acteurs avec
une prise de son en direct. Le système
intègre en lui-même des conditions de
sécurité en cas de panne ou de pro-
blèmes : il s’arrête automatiquement et
coupe la source hydrogène. Un détec-
teur hydrogène s’assure de l’absence
de fuites»16. 22

Figure 4Figure 4 :«L’offre

: L’offre énergie«énergie
invisibleinvisible» en situation
» en situation sur le tournage
sur le tournage du film «du
lesfilm
chansons
d’amour » en 2007 (à gauche le produit Mobixane avec les bouteilles d’hydrogènebouteilles
«les chansons d’amour» en 2007 (à gauche le produit Mobixane avec les ; à droite
d’hydrogène;leàtournage
droite led’une
tournage
scèned’une scène
alimentée enalimentée
énergie parenlaénergie
PAC) par la PAC).

Source : Axane
Source : Rosier (2007) .

Conclusion
Conclusion sur l’espace de connaissances et créa-
tivité en travaillant sur l’espace de
La théorie de la conception innovante ne développe pas le
concepts rôle du de
suppose marketing
mobiliserdédié à
la fonc-
La théorie de la conception innovante
tion Marketing et la
denécessité
la piloterd’allier
en inte-
nel’expansion
développe despas le rôle du marketing
connaissances des équipes d’innovation. Pourtant,
raction avec les activités de Recherche,
dédié à l’expansion des connaissances
Innovation
rigueur en travaillant sur l’espace de connaissances et créativitéetenDéveloppement. Les en-
travaillant sur l’espace
des équipes d’innovation. Pourtant, la
jeux d’innovation de produit se situent
nécessité
de conceptsd’allier
supposerigueur en travaillant
de mobiliser la fonction Marketing et de la piloter en interaction avec

les activités de Recherche, Innovation et Développement. Les enjeux d’innovation de

16 F. Touvard, entretien, 2010. Cf. également
78 http://www.axane.net/default.cfm?video=1
produit se situent au sein d’un espace commun spécialement dédié. Cette structure

organisationnelle n’est pas celle de la R&D mais celle de la MRID (M pour Marketing et I

pour Innovation).
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Rôle du marketing en conception innovante : les leçons du cas Axane
au sein d’un espace commun spécia-
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lement dédié. Cette structure organisa-
tionnelle n’est pas celle de la R&D mais
celle de la MRID (M pour Marketing et
I pour Innovation).
Le cas Axane illustre comment le PDG
et le manager-Innovation activèrent
des équipes internes sur des sujets
précis (techniques ou sécurité, marke-
ting) et orientèrent progressivement les
différents métiers (y compris au sein
de partenaires externes) pour conver-
ger vers le déploiement concret d’une
offre avec des prestations précises et
un prix.
Le cadre théorique de la conception in-
novante éclaire la démarche marketing
confrontée à la difficulté de générer des
concepts et des connaissances lorsque
les marchés, les produits et leurs utilisa-
teurs n’existent pas encore. Le modèle
RID stimule la puissance d’exister de la
fonction M. Cette nouvelle orientation de
l’organisation optimise son potentiel en la
mettant sur des rails, tout en restreignant
son autonomie. La conception innovante
va jusqu’à la réinventer lorsqu’en amont
des filières ses acteurs ont à relever le
défi de l’exploration de la valeur.
Il convient désormais de réfléchir sur
le renouvellement des dispositifs mar-
keting adaptés à la construction de la
valeur lorsque les clients ne sont pas
identifiés et que les relations de mar-
ché sont dominées par le risque. Il
convient également de caractériser les
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profils des marketeurs du XXIème siècle
qui réussiront à renouveler leurs pra-
tiques pour amorcer la définition de
nouveaux usages. Quel est le spectre
des compétences requises ? Comment
les marketeurs peuvent-ils apprendre
à travailler avec les spécialistes des
autres fonctions ?
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