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BIP N°46

Juillet Août 1995

LE CONSEIL EN MANAGEMENT

Dans notre numéro du mois de Juin, nous avons abordé le thème du conseil en
management par un rappel sur l'historique et la définition du métier de conseil et les
raisons du recours à ce type de conseil.

Il reste à examiner dans cette seconde partie, les facteurs clés de succès d'une mission de
conseil et les principales méthodes de management. Cet examen conduit à entrevoir la
démarche type de conduite d'une mission de conseil.

I. LES FACTEURS DE REUSSITE D'UNE MISSION DE CONSEIL :

L'expérience montre qu'une mission atteint d'autant plus ses objectifs que les règles de
conduite de base sont respectées, tant par l'entreprise que par son consultant.

A. Clarifier les termes de la mission :

Il est important pour l'entreprise de bien cadrer, dès le départ les attentes fondamentales
du client.

B. Préciser le degré d'implication des deux parties :

Les consultants et leurs clients sont des auteurs aux comportements et aux stratégies
intimement liés.

La complexité de la relation client/consultant rend d'autant plus nécessaire une définition


claire des relations entre les deux partenaires et des responsabilités de chacun.

C. Investir du temps :

La réussite d'une mission de conseil implique que l'entreprise investisse du temps en


réalisation et suivi des tâches.

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D. Communiquer clairement :

La présence d'un intervenant externe dans une organisation créer toujours des
spéculations sur les objectifs et les enjeux de la mission, en particulier dans les situations
de crise. Aussi est-il recommandable aux commanditaires de l'intervention de mettre en
oeuvre des processus de communication internes (journal de projet, notes d'informations
...).

E. Orienter la démarche vers un aspect pragmatique :

L'entreprise doit veiller à ce que la démarche garde un aspect fondamentalement


pragmatique et qu'elle soit orientée vers les résultats.

F. Eviter la dépendance réciproque :

L'entreprise doit profiter des interventions de conseil pour développer ses compétences
internes, et le consultant n'a aucun intérêt à servir un client trop dépendant.

G. Evaluer les résultats :

Les enjeux et les coûts cachés des missions de conseil sont souvent importants. Pour la
crédibilité des interventions et le renforcement du professionalisme des entreprises et des
consultants dans la conduite de missions de conseil, des procédures et indicateurs doivent
être mis en place.

II. PRINCIPALES METHODES ET OUTILS DE MANAGEMENT :

Dans le présent paragraphe, nous procédons à une sélection de quatre méthodes parmi les
centaines de méthodes recensées actuellement, et qui nous semblent couvrir l'ensemble
des champs d'intervention des managers, et l'ensemble de leurs objectifs.

En effet, les objectifs du management peuvent être généralement ramenés à quatre grands
critères :

Ÿ Réactivité de l'entreprise et vision stratégique ;


Ÿ Minimisation des coûts ;
Ÿ Maximisation de la qualité du produit ou service ;
Ÿ Réduction des délais de livraison client.

Nous avons tenté, dans notre approche de sélection des méthodes, d'associer à chacun des
critères précités, la méthode la plus représentative et la plus proche.

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II.1. ANALYSE STRATEGIQUE :

Ä L'approche matricielle :

Dans les années 1960 et 1970, le développement des modèles d'analyse stratégique avait
pour objet de répondre à deux besoins majeurs :

Ÿ besoin d'un cadre conceptuel et d'outils propres à rationaliser les droits stratégiques ;

Ÿ besoin de comparer selon les méthodes homogènes, des domaines d'activité différents
et gérer un portefeuille de telles activités.

Le Boston Consulting Group (BCG) et Arthur M. Little (ADL) sont les deux cabinets
américains qui ont le plus contribué à la formalisation et la diffusion d'outils, d'analyse
stratégique, d'abord avec les courbes d'expérience, puis avec les matrices de portefeuille.

La matrice du BCG est la plus ancienne et la plus simple à mettre en oeuvre. Elle
s'articule autour de deux variables stratégiques :

Ÿ taux de croissance ;
Ÿ part de marché.

Elle se présente sous la forme d'un tableau carré ou se succèdent quatre phases.

Ainsi dans la phase "dilemme", l'entreprise est généralement naissante, avec une
rentabilité faible pour un besoin financier très élevé.

Dans la situation "vedette", l'entreprise est dans une phase de forte croissance son besoin
financier reste fort.

Dans la phase "vache à lait", l'entreprise cueille les fruits des efforts fournis au niveau
des deux phases précédentes, sa rentabilité est très élevée et ses besoins financiers faibles.

La position "poids mort", correspond à la phase de déclin de l'activité de l'entreprise, la


rentabilité est faible, le flux de fond financier est nul. Bien que le besoin financier soit
faible, il ne peut contre-balancer le poids des deux facteurs déjà cités.

Les analyses matricielles ont indéniablement contribué à forger une idée claire de ce que
peut être une démarche stratégique, en mettant en évidence la dimension allocation des
ressources et la nécessité d'arbitrage entre domaines d'activité.

Malgré l'énorme succès qu'a connu la démarche matricielle dans les années 70, ses
faiblesses sont désormais prouvées :

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Ÿ caractéristique mécaniste de la démarche


Ÿ nombre limité des critères utilisés
Ÿ les matrices ne prennent pas en compte la spécificité de l'entreprise et de ses métiers.

Ä La démarche de Porter :

Michael Porter, Professeur à Harvard Business School, a apporté une contribution


importante à l'analyse stratégique dans les années 80, en étudiant de façon approfondie les
mécanismes de la concurrence. Cette étude lui permit d'intégrer dans l'analyse stratégique,
des concepts clés de l'économie industrielle.

Ÿ Menaces de nouveaux entrants


Ÿ Pouvoir de négociation des clients
Ÿ Pouvoir de négociation des fournisseurs
Ÿ Produits et services substituables
Ÿ Rivalité intra-sectorielle

Ces cinq facteurs déterminent la dynamique du secteur. A partir de leur analyse fine, le
décideur peut choisir entre trois stratégies connues sous le nom de stratégies génériques
de Porter :

Ÿ la domination globale par les coûts

Ÿ la différenciation par l'offre de produits ou services perçus comme différents et


originaux par les clients

Ÿ la focalisation c'est à dire la concentration sur la satisfaction des besoins d'une


clientèle spécifique.

La démarche de Porter est aujourd'hui utilisée par de nombreux cabinets de conseil et est
enseignée dans la plupart des Business Schools. Son handicap majeur est son caractère
"normatif" et le manque d'explication du contexte dans lequel les stratégies sont
applicables.

II.2. ACTIVITY BASED COSTING (METHODE ABC) :

II.2.1. PRESENTATION DE LA METHODE :

Le problème majeur auquel la méthode ABC se propose d'apporter une solution est la
segmentation insuffisante de l'activité et des résultats de l'entreprise : par client, par
produit, par entité opérationnelle, zone géographique, circuit de distribution ...

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De nombreuses décisions de tarification de devis ou de négociations de prix, d'affectation
du personnel, sont prises "à l'aveugle" ou avec des éléments d'estimation trop
approximatifs. Il n'est souvent pas possible de simuler, au niveau d'une relation client ou
d'un segment d'activité l'impact de certaines décisions : tarifs, remises, avantages
concédés, ...

Il apparait aussi un risque sérieux que les décideurs s'appuient sur des informations
erronées faute d'avoir remis en cause la structure des coûts de revient.

Les bonnes affaires se compensent par les mauvaises et l'entreprise manque des occasions
d'améliorer ses résultats de manière significative.

Ce sont généralement les commerciaux, exposés à la concurrence, qui constatent des


écarts curieux avec les concurrents : ils sont très peu compétitifs sur certains produits, très
fortement sur d'autres.

Se pose alors la question : les coûts de revient de l'entreprise et ses prix de vente sont-ils
suffisamment fidèles et fiables pour faire face à la concurrence ?

La méthode ABC s'est développée pour répondre à cette question.

Elle prend acte du fait que la comptabilité analytique doit répondre à différents besoins de
regroupement des produits et charges : par nature, par section organisationnelle, par
fonction et par activité.

En effet, le découpage d'une comptabilité analytique en sections a fréquemment et


progressivement oublié la notion de section homogène, censée effectuer une activité que
l'on est susceptible de mesurer par une unité d'oeuvre unique et suffisamment
représentative.

Or, de plus en plus, les sections peuvent fréquemment perdre ce caractère d'homogénéité:

Ÿ soit parce que des productions très différentes y transitent (cas des services de
production polyvalentes au sens des produits)

Ÿ soit parce que des activités très différentes coexistent. Par exemple, pour une section
d'achats : recherche de fournisseurs et homologation, passation de marchés,
commande de marchandises, gestion de stocks de matières premières.

La comptabilité d'activités permet alors de regrouper des tâches de manière homogène


dans une activité pour totaliser un coût de revient véritablement déterminé par une unité
d'oeuvre représentative appelée : indicateur de coût.

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II.2.2. APPLICATION PRATIQUE DE LA METHODE :

L'application de la méthode ABC consiste notamment à introduire dans la comptabilité


analytique des sections de transit, de charges et produits instituées "Activités".

La démarche implique d'abord que l'on ait conduit une réflexion approndie sur
l'évolution des métiers de base de l'entreprise.

La visibilité à moyen terme, de l'ordre de 2 à 3 ans, doit être raisonnablement dégagée.

Cette réflexion avancée, l'entreprise dispose d'une matrice stratégique, c'est à dire
d'une segmentation pertinente de son activité.

Elle peut alors engager une réflexion approfondie sur le compte d'exploitation pour
identifier et caractériser les principales rubriques de produits et charges par nature, ces
sections ou unités organisationnelles de l'entreprise ainsi que les activités homogènes
exécutées par ces unités.

La comptabilité d'activité ABC (en français) devient la charnière et l'outil de bouclage


entre l'organisation et les processus d'une part, et les outils de planification à moyen
terme : traduction ou exploitation du plan stratégique de l'entreprise : comptes de
résultats prévisionnels ou "business plan", plans à moyen terme (PMT).

Conçue à l'origine comme une méthode de refonte des prix de revient pour approcher
de manière plus pertinente la réalité de la consommation des ressources, la mise en
oeuvre de la méthode ABC s'est avérée une approche extrêmement féconde pour
améliorer plus généralement l'organisation et les structures en général.

Elle sert également de levier pour définir et lancer les actions de progrès et pour piloter
le changement.

II.3. LE MANAGEMENT PAR LA QUALITE TOTALE :

La recherche constante de la qualité dans une économie de marché est devenue un


phénomène mondial qui marque la fin du 20ème siècle et prépare le 21ème siècle.

La démarche qualité totale dans l'entreprise est un phénomène d'amélioration continue


de l'ensemble de ses processus, par le développement de la prévention, l'amélioration
du fonctionnement de l'organisation et l'emploi de méthodes rigoureuses pour la
gestion de changement.

La nouveauté majeure qu'introduit la qualité totale est la redécouverte du client. La


réussite dépend de la capacité à introduire le client au plus profond du fonctionnement

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de l'entreprise, non plus comme une contrainte, mais comme une force et un facteur de
progrès.

Le vocable de qualité totale sous-tend deux concepts fondamentaux :

Ÿ l'assurance de la qualité ;
Ÿ la gestion de la qualité.

Ä L'assurance de la qualité :

D'après les normes AFNOR (NFX 50), la qualité est l'aptitude d'un produit (ou
service) à satisfaire les besoins des utilisateurs.

L'assurance de la qualité est l'ensemble des dispositions pré-établies et


systématiques destinées à donner confiance en l'obtention de la qualité requise.

Les dispositions à mettre en place sont d'ordre interne et externe.

a) L'assurance qualité interne :

Fait référence aux exigences des produits élaborés couramment et aux objectifs de la
direction en matière de développement commercial et de politique qualité.

Ces dispositions constituent le "référentiel interne" de l'entreprise, souvent consignées


dans un manuel de la qualité.

L'assurance qualité résulte de l'organisation mise en place et de l'application effective


des dispositions prévues.

b) L'assurance qualité externe :

Les dispositions prises dans ce cas concernent les exigences des clients. L'entreprise
s'engage avec des preuves écrites à fournir des produits ayant la qualité exigée et se
soumet à des audits externes.

III. DEMARCHE DE CONDUITE ET APPROCHE DE MODELISATION :

III.1. DEMARCHE DE CONDUITE D'UNE MISSION DE CONSEIL :

De manière générale, une mission de conseil couvre l'ensemble des cycles de


changement, et se déroule selon quatre phases principales :

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p une phase d'analyse préliminaire permet au consultant de connaître l'entreprise,
com-
mencer à cerner les problèmes et délimiter le périmètre de la mission et ses
objectifs ;

p le diagnostic approfondie de l'organisation, basé sur les techniques d'interview et


de
collecte de l'information et son analyse, a pour finalité de dresser l'état des lieux
en termes
de forces et faiblesses de l'organisation existante ;

p lors de la troisième phase, le consultant s'attache à l'élaboration d'un modèle


d'organi-
sation optimum tenant compte, à la fois des objectifs stratégiques et des résultats
de la
phase de diagnostic. Il s'agit d'un travail de conception faisant appel à un large
éventail
de compétence : techniques (produit /process), organisationnelles, financières,
informati-
ques, ressources humaines,...

p la dernière phase de la mission concerne la mise en oeuvre des solutions


préconisées et
la conduite du changement résultant.

III.2. APPROCHE DE MODELISATION :

L'approche analytique classique a atteind ses limites, en raison de la complexité de


plus en plus croissante des organisations, et a cédé la place à une approche
systématique et globale.

L'organisation est considérée comme un système dynamique constitué de sous-


systèmes (fonction) en forte intérélation et concourant à la réalisation des mêmes
objectifs.

Ces objectifs peuvent être généralement, ramenés à quatre critères :

è minimisation des coûts ;


è maximisation de la qualité de produit ou service ;
è respect des délais ;
è réactivité de l'entreprise et capacité d'innovation.

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Ces critères peuvent présenter des aspects d'antagonisme et entrer en conflit.
L'organisation cible sera celle qui réalisera le meilleur équilibre entre eux et par la
même, assurera à l'entreprise d'atteindre ses objectifs.

Des indicateurs de performance sont souvent élaborés en vu de mesurer la capacité de


l'organisation à optimiser les quatre critères.

IV. CONCLUSION ET PERSPECTIVES D'AVENIR :

A la lumière de cet exposé, et à travers notre expérience et nos interventions chez les
clients, il apparaît que le conseil en management va connaître un essor considérable au
Maroc.

Le degré de maturité atteint par les structures économiques, en termes d'organisation et


de ressources humaines fait que le consultant peut aujourd'hui, jouer pleinement son
rôle et constituer un apport majeur dans les processus de changement que connaissent
les organisations.

Ces changements ne vont pas se limiter aux grandes entreprises et Administrations,


mais vont toucher l'ensemble du tissu économique marocain.

Cependant, pour que les consultants et les clients puissent tirer le meilleur profit des
missions de conseil, un certain nombre de règles doivent être respectées d'un côté
comme de l'autre:

è l'indépendance du consultant doit être assurée ;

è un ensemble de règles déontologiques doivent être adoptées à l'exemple des


codes de la
Fédération Européenne des Associations de Conseil en Organisation ou l'ACME
aux
USA;

è le client doit s'impliquer pleinement dans la relation client / consultant nécessaire


à la
bonne marche de la mission ;

è le client doit être exigeant en matière de prestations attendues et le consultant doit


s'engager à tenir les termes et les objectifs de la mission définies au préalable ;

è la mission doit être orientée vers les aspects pragmatiques et de mise en oeuvre.

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C'est à ce prix que le métier de conseil attendra l'état de professionalisme qui lui
permettra de connaître la croissance.

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