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BIP N° 38-39

Octobre Novembre 1994

LE CONTRAT DE FRANCHISE

Ayant pris naissance aux Etats-Unis au début du XXème siècle, la franchise ou le


franchisage (franchising selon l'appellation anglos axone) a, par la suite, pris un essor
remarquable notamment dans les pays occidentaux1 .

Il s'agit en fait, d'une formule de collaboration entre deux personnes physiques ou


morales juridiquement distinctes mais économiquement dépendantes.

La mise en oeuvre de cette collaboration est une technique dont le fondement est un
contrat synallagmatique, consensuel, et conclu à titre onéreux.

En vertu de ce contrat, une première partie (le franchiseur) confère à une seconde
partie (le franchisé), moyennant le versement d'une rémunération, le droit :

ç de vendre des produits fabriqués par le franchiseur ;


ç d'offrir des services ou de fabriquer des produits .

Dans tous les cas précités, le franchisé bénéficie de l'assistance du franchiseur


pour la gestion de son commerce et doit, en contrepartie, se conformer aux
directives de ce dernier.

Selon la définition donnée par la Fédération Française du Franchisage (F.F.F), la


franchise correspond à "une méthode de collaboration entre une entreprise
franchisante, d'une part, et une ou plusieurs entreprises franchisées, d'autre part.
Il implique pour l'entreprise franchisante :

ç la propriété d'une raison sociale, d'un nom commercial, de sigles, et symboles d'une
marque de fabrique de commerce ou de service, ainsi que d'un savoir faire mis à la
disposition des entreprises franchisées ;

ç une collection de produits et/ou de services :

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L'apparition relativement tardive du contrat de franchise s'explique, en particulier, par la
préeminence tout au long du siècle précédent, du principe de la confidentialité des affaires.

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Ÿ offerts d'une manière originale et spécifique ;


Ÿ exploités obligatoirement selon des techniques commerciales uniformes
préalablement expérimentées et constamment mises au point et contrôlées.

Les règles régissant le contrat de franchise ont pu se développer, pendant plusieurs


décennies, en l'absence d'un cadre légal, grâce à un double apport de la pratique et de la
jurisprudence.

Pour combler cette lacune, le législateur français est intervenu pour réglementer ce
contrat par la loi du 31 Décembre 1989 (loi DOUBIN).

En vertu de l'article premier de cette loi, le contrat de franchise est une


convention aux termes de laquelle, une personne met à la disposition d'une autre
personne un nom commercial, une marque, ou une enseigne en exigeant d'elle un
engagement d'exclusivité pour l'exercice de son activité.

Il n'en est pas de même au Maroc, où un vide juridique latent persiste, affectant ainsi
les chances d'un développement plus accru de cette technique parmi les milieux
d'affaires nationaux.

Or, l'objectif de cet article est de présenter les aspects majeurs de cette matière dont la
réglementation demeure souhaitable.

A cet effet, il sera utile de passer en revue :

Ÿ les principales caractéristiques du contrat de franchise ;


Ÿ les obligations qui en dérivent ; et,
Ÿ les règles relatives à sa rupture.

1. Les caractéristiques du contrat de franchise :

1.1. Conditions de formation et de validité :

1.1.1. Conditions de formation :

Un contrat de franchise ne saurait être qualifié comme tel, et ne saurait, par


conséquent, être distingué, par rapport aux contrats avoisinants tels que le contrat de
concession et le contrat de distribution, que s'il comporte les trois clauses suivantes :

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Ÿ La clause d'exclusivité réciproque :

Cette clause implique deux obligations à la charge de chacune des deux parties :

Ÿ d'un côté, le franchiseur convient de concéder au franchisé l'exclusivité de


vente sur un périmètre territorial déterminé ;
Ÿ de l'autre côté, le franchisé s'engage à ne pas vendre dans son magasin des
produits concurrents.

Ÿ La clause relative à l'assistance du franchiseur au franchisé :

En vertu de cette clause, le franchiseur s'engage à apporter une assistance technique et


commerciale au franchisé (études, gestion, formation du personnel...etc).

Ÿ La clause relative au droit d'usage de la marque :

Cette clause confère au franchisé la faculté d'utiliser la marque, l'enseigne, et tous les
autres signes distinctifs du franchiseur.

1.1.2. Conditions de validité :

Pour que le contrat de franchise soit parfait, il va falloir que le franchisé ait, avant
l'apposition de sa signature, une information exacte sur la réputation commerciale du
franchiseur.

A cet effet, le droit français met à la charge du franchiseur l'obligation de fournir au


franchisé, préalablement à la conclusion du contrat, un document donnant des
informations sincères qui lui permettraient de s'engager en connaissance de cause2 .

Pour se conformer à cette obligation, les parties optent généralement pour l'une des
deux formules suivantes :

Ÿ soit, inclure dans le contrat de franchise un préambule ayant pour objet de définir
de manière exacte la marque du franchiseur et sa réputation commerciale ;

Ÿ soit, conclure un accord provisoire (dit contrat de corner), préalablement à la


signature du contrat de franchise, aux termes duquel, l'éventuel futur franchisé
s'engage partiellement à commercialiser certains produits ou certains services sous

2
L'article 1 de la loi Doubin précitée.

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l'enseigne du franchiseur ; le contrat définitif n'étant conclu que si cette première
expérience s'avère favorable.

1.2. Catégories de franchise :

L'évolution de la pratique a permis l'émergence de trois catégories de franchise.

/ La franchise de distribution :

La franchise de distribution met en relation un fabricant (franchiseur) et un distributeur


(franchisé).

Cette franchise ne saurait être qualifiée d'un simple contrat de distribution dans la
mesure où le franchisé doit vendre les produits fabriqués par le franchiseur sous
l'enseigne de celui-ci et conformément à sa stratégie commerciale.

/ La franchise de services :

Dans le cadre d'une franchise de services, le franchisé propose au public des prestations
de services en se servant du nom commercial ou de la marque du franchiseur.

/ La franchise de production :

En matière de franchise de production, le franchisé est autorisé par le franchiseur à


fabriquer certains produits pour les vendre sous la marque de celui-ci , et
conformément à ses directives.

2. Les obligations des co-contractants :

Le contrat de franchise implique des obligations à la charge des deux parties ; les
obligations du franchiseur sont manifestement moins encombrantes que celles du
franchisé.

Ceci n'implique nullement un quelconque déséquilibre contractuel dans la mesure où


les deux partenaires en dégagent un intérêt comparable3 .

3
En effet, le contrat de franchise permet :
Ÿ d'une part, au franchiseur d'éviter les dépenses de recrutement du personnel et d'acquisition du
fonds de commerce ; et,
Ÿ d'autre part, au franchisé d'utiliser une marque déjà connue sur le marché.
Dès lors, la franchise se présente comme un cadre approprié de collaboration entre une entité de
renom et des opérateurs en quête d'expansion.

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2.1. Les obligations du franchiseur :

/ Concession du droit de jouissance sur la licence de marque :

Le franchiseur doit communiquer au franchisé tous les droits relatifs à l'utilisation de la


licence de sa marque ainsi que tous les signes distinctifs y afférents, tels que l'enseigne
et les emblèmes.

/ Communication du savoir faire :

Le franchiseur est tenu de communiquer au franchisé tous les éléments de son savoir
faire4 (2) et de faire en sorte à ce que ces éléments soient constamment remis à jour de
manière à servir aux besoins du franchisé.

/ Octroi de toute forme d'assistance :

Cette obligation dérive de l'obligation précitée. En effet, il incombe au franchiseur


d'apporter au franchisé toute forme d'assistance technique et commerciale (formation
de personnel, gestion, publicité...).

/ Respect de l'exclusivité territoriale :

Le franchiseur doit s'engager à n'accorder aucune autre franchise dans le cadre du


périmètre territorial délimité par le contrat qui le lie au franchisé.

2.2. Les obligations du franchisé :

/ Exécution des instructions du franchiseur :

Pour sauvegarder l'originalité des prestations liées à la marque du franchiseur, il


incombe au franchisé de se conformer aux instructions de celui-ci, notamment en
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matière de gestion commerciale et technique .

/ Approvisionnement auprès du franchiseur :

4
On entend par savoir-faire (Know-how selon l'appellation anglosaxone) tous les éléments des
méthodes commerciales et techniques conçues par le fabriquant durant sa vie professionnelle et lui
conférant ainsi une certaine image de marque.
5
La doctrine précise, toutefois, que le franchiseur ne peut imposer au franchisé des prix minimas.

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Le franchisé doit s'approvisionner auprès du franchiseur ou auprès d'autres fournisseurs
désignés par celui-ci. En contrepartie, le franchiseur doit s'engager à satisfaire les
besoins du franchisé en matière d'approvisionnement selon les modalités arrêtées dans
le contrat.
/ Observation de la clause de non concurrence :

Le contrat de franchise contient, le plus souvent, une clause de non concurrence qui
interdit au franchisé d'exercer, au cours, ou après l'expiration du contrat, un commerce
similaire à celui du franchiseur.

Pour qu'elle soit valable, cette interdiction doit :

correspondre à un délai raisonnable6 ;


concerner une zone territoriale délimitée7 ; et,
porter sur des activités bien définies.

/ Observation du secret des affaires :

Le franchisé doit se retenir, même après l'expiration du contrat, contre toute sorte de
divulgation des éléments du savoir-faire reçus de la part du franchiseur.

/ Règlement du droit d'entrée et de la redevance :

ð Le droit d'entrée :

Il correspond à une somme payée au début du contrat8 ayant pour objet de rémunérer le
franchiseur pour la concession de sa marque, la communication de son savoir-faire,
ainsi que tous les autres services d'assistance technique et commerciale qui seront
assurés par lui.

ð La redevance périodique :

Elle correspond à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le franchisé et peut


varier en fonction de l'importance des services fournis par le franchiseur au profit du
franchisé. Elle est payée mensuellement dans la plupart des cas.

6
En pratique, on retient la durée d'une année après l'expiration du contrat.
7
Cette zone coïncide le plus souvent avec le périmètre territorial concédé.
8
Une partie de la doctrine estime que ce droit doit être réglé non seulement au début du contrat mais,
également, à l'occasion de son renouvellement.

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3. Extinction du contrat de franchise :

3.1. Règles spécifiques au contrat à durée déterminée :

La franchise à durée déterminée prend fin normalement à l'arrivée du terme prévu par
le contrat.

Il convient, toutefois, de distinguer entre deux hypothèses différentes :

ð si le contrat comporte une clause de reconduction tacite, la franchise se poursuit


sauf préavis de l'un des deux co-contractants ;

ð dans le cas contraire, la franchise prend fin sans obligation de préavis.

3.2. Règles spécifiques au contrat à durée indéterminée :

La franchise à durée indéterminée peut prendre fin à tout moment par la volonté de l'un
des deux partenaires, à condition d'observer le préavis.

L'inobservation du préavis entraîne une obligation de réparation à la charge de la partie


défaillante.

3.3. Règles communes :

Ä Décès du franchisé :

Dans la mesure où le franchisé est choisi essentiellement pour ses qualités


personnelles, le décès de celui-ci implique la résiliation du contrat.

Ä Résiliation pour faute professionnelle :

La résiliation du contrat de franchise peut être poursuivie en justice par l'un des deux
co-contractants en invoquant une quelconque faute à la charge de son partenaire.

Deux cas d'espèce sont à relever à ce niveau :

• lorsque le contrat contient une clause résolutoire, le juge prononce immédiatement


la résolution et ce, conformément à la volonté commune des parties ;
• dans les cas contraires, le juge dispose d'un pouvoir discrétionnaire en la matière.

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