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MANAGEMENT DES BIENS COMMUNS DE LA

CONNAISSANCE : PRINCIPES DE CONCEPTION ET GOUVERNANCE


DE L’ACTION COLLECTIVE
Serge Amabile, Adrien Peneranda, Coralie Haller

ESKA | « Systèmes d'information & management »

2018/1 Volume 23 | pages 11 à 40


ISSN 1260-4984

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Pour citer cet article :


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Serge Amabile et al., « Management des biens communs de la
connaissance : principes de conception et gouvernance de l’action collective »,
Systèmes d'information & management 2018/1 (Volume 23), p. 11-40.
DOI 10.3917/sim.181.0011
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ARTICLE DE RECHERCHE

Management des biens communs


de la connaissance :
principes de conception
et gouvernance de l’action collective
Serge AMABILE*, Adrien PENERANDA** & Coralie HALLER***
* Aix Marseille Université, FEG, CERGAM, Aix-en-Provence
** LEREPS, Sciences Po Toulouse, Université de Toulouse

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*** HUMANIS (EA 7308), Ecole de Management de Strasbourg, Université de Strasbourg
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RÉSUMÉ

L’étude de l’action collective dans la gestion des biens communs par des communautés
auto-organisées est un thème qui a suscité une littérature originale sur la gouvernance et
les formes institutionnelles alternatives depuis cinq décennies. La richesse de ces dévelop-
pements a été confirmée par l’attribution du Prix Nobel d’Économie 2009 à E. Ostrom. Les
recherches de l’école de Bloomington d’Ostrom ont permis de découvrir plusieurs principes
de conception des systèmes de ressources communes qui, lorsqu’ils sont présents, favorisent
une gestion collective pérenne de ces ressources. Ces résultats ont montré leur pertinence
au-delà des seuls systèmes de ressources physiques. Hess et Ostrom ont ainsi appelé la com-
munauté scientifique à s’intéresser à la gestion collective des connaissances vues comme
une ressource partagée. Cet article propose de répondre à cet appel en explorant les possi-
bilités d’adaptation du cadre d’analyse des biens communs à des situations de coopération
dans lesquelles des acteurs gèrent des informations mutualisées. La question de recherche
étudiée a pour objectif de comprendre comment des individus peuvent s’auto-organiser
au moyen d’institutions durables pour gérer la production et l’utilisation de connaissanc-
es communes. Nous avons mené cinq études de cas en mobilisant une méthodologie de
recherche qualitative. Les résultats montrent que le fonctionnement sur le long terme des
collectifs auto-organisés s’inscrivant dans le cadre conceptuel d’Ostrom semble conduire
à une gestion durable et efficiente de la ressource informationnelle.
Mots-clés : Action collective, Mutualisation d’information, Ingénierie organisationnelle,
Gouvernance, Ressources communes.

N° 1 – VOL. 23 – 2018 11

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

ABSTRACT

The study of the commons managed by self-organized communities is a growing matter of


interest in the governance of institutions for collective action research field. The attribution
of the Nobel Prize in Economics to Elinor Ostrom in 2009 has confirmed the richness of the
contribution of the Bloomington school on this topic. Ostrom’s work led to discover several
design principles shared by governance systems of common-pool resources that have been
successful in the long term. These principles, when present, promote cooperation among
groups of appropriators of the resource. The findings of the Bloomington school have proven
their relevance beyond the sole physical resources systems. Hess and Ostrom have called the
scientific community to take an interest in the collective management of knowledge seen
as a shared resource. This paper proposes to answer this call by exploring the possibilities
of adapting the analytical framework of the commons situations of cooperation in which
players manage pooled information. The research question aims to study how the actors

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can self-organize through sustainable institutions to manage the production and use of
common knowledge. The qualitative research methodology used was tested through five
case studies. The results show that the cooperation inside self-organized group which apply
Ostrom’s design principles seems to lead to a sustainable and efficient management of
information resources.
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Keywords: Collective action, Shared information, Organizational design, Governance,


Communal resource.

INTRODUCTION de nombreuses autres configurations, le


Web 2.0 a auguré de nouvelles possibili-
La durabilité des processus de partage de tés de mutualisation, de traitement et de
connaissances mis en œuvre par les indivi- communication de l’information par des
dus au sein des organisations est un facteur communautés auto-organisées. L’usage de la
clé du succès de la conduite des projets de technologie wiki par la communauté open-
systèmes d’information visant à dévelop- source Wordpress a, par exemple, permis
per les capacités de veille stratégique des des innovations fortes pour gérer le codex
entreprises, des réseaux inter-organisation- comme un bien informationnel collectif
nels comme celles des communautés de (Ruzé, 2013). Cette plateforme d’édition
pratiques (Amabile et al., 2012 ; Bounfour, de blogs était utilisée au début de l’année
2003 ; Lesca et Caron-Fasan, 2008 ; Wenger 2014 par près de 20% des 10 millions de
et al., 2002). De même, si le devenir des sites web les plus fréquentés au monde.
organisations repose sur leur capacité à Cela témoigne du succès potentiel de ces
gérer des connaissances communes dans nouveaux modes d’organisation.
l’économie de l’immatériel (Bomsel, 2013),
Au-delà des apports des technologies,
celui-ci dépend largement de la qualité des
Von Krogh (2002) relève que le partage et
échanges et du niveau de confiance que
l’utilisation d’informations et de connais-
les acteurs s’accordent mutuellement pour
sances mutualisées offrent la possibilité de
créer de nouvelles connaissances.
consulter et de produire collectivement
Dans cette perspective, les exemples de des représentations des situations, des
mutualisation et de partage de connais- contextes, des processus décisionnels qui
sances sont aujourd’hui multiples. Parmi se posent aux organisations et qui sont

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utiles à leurs acteurs. En outre, la présence et analysés depuis plusieurs années (Heller,
d’un système de gestion collective locale de 2008 ; Hess et Ostrom, 2003 ; Lessig, 2001).
ces informations peut aider ces derniers à
Aussi, nous nous intéressons à l’origine
orienter leur attention vers la coopération
et au fonctionnement des systèmes de
au sein de leur organisation ou commu-
ressources informationnelles communes.
nauté. Cela permettra qu’ils s’approprient Précisément, nous étudions le cadre de la
les modes de fonctionnement de la commu- conception, par les acteurs, de règles d’ac-
nauté dans laquelle ils s’inscrivent et qu’ils tion collective pour gérer des connaissances
s’enrichissent, par les échanges, d’autres au sein de communautés. Pour ce faire, nous
interprétations qui participent à leur com- avons principalement mobilisé les résultats
préhension de l’environnement (Piaget, issus des recherches développées au sein de
1999, p. 157). Ces processus de co-construc- l’école de Bloomington (ceux de E. Ostrom
tion de sens peuvent ainsi contribuer à en particulier). Les travaux constituant cette

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l’intelligibilité de certains phénomènes en école de pensée ont formalisé plusieurs
émergence dans des contextes organisation- enseignements, notamment des principes
nels très différenciés (Amabile et Gadille, de conception de systèmes favorisant la
2006). La conception d’organisations et de production et l’usage local de ressources
systèmes d’information, dans lesquels les
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communes. Ces principes peuvent être


connaissances sont gérées collectivement inférés à partir de l’observation de règles de
comme une ressource partagée, est donc décisions appliquées dans les communau-
devenue un enjeu majeur dans les sociétés tés de partage des connaissances. Celles-ci
contemporaines. évoluent et se transforment dans le temps.
Toutefois, si les exemples de tels systèmes De fait, à travers la compréhension du mode
se multiplient dans l’environnement, de d’action par lequel les individus peuvent
nombreuses recherches en systèmes d’in- s’auto-organiser de façon durable, il devient
formation soulignent les difficultés ingénie- possible de rejoindre des recherches sur
riques liées à l’activation de communautés les systèmes d’information (Von Krogh,
de partage (Amabile et al., 2012 ; Lesca et 2002) et d’apporter une contribution à
Caron-Fasan, 2008) et à leur maintien dans leur ingénierie. La problématique de la
le temps (Loza et al., 2015). La gestion de recherche sera donc : comment des indivi-
l’information peut également s’accompa- dus peuvent-ils s’auto-organiser au moyen
gner de phénomènes contre-productifs, en d’institutions durables pour gérer la pro-
particulier, si elle est considérée comme duction et l’utilisation de connaissances
une ressource mutualisée. Bien connus de communes ? Plus particulièrement, il s’agira
la recherche sur les biens communs, de tels de saisir quelles sont les règles d’action
problèmes ont également été repérés dans collective qui soutiennent la mutualisation
la littérature en systèmes d’information. Les d’information par les acteurs.
dilemmes sociaux sont ainsi évoqués dans La première partie de l’article explore les
les communautés de partage de l’informa- recherches ayant développé des travaux
tion (Wagenaar et Soeparman, 2004). C’est concernant les systèmes de ressources
le cas également des phénomènes de passa- communes, notamment ceux portant sur
ger clandestin (Wasko et Faraj, 2005, p. 35), les communautés d’acteurs gérant des
de pollution et de spam (Liang et Xue, 2009, ressources informationnelles mutualisées
p. 71). Enfin, les usages sous-productifs des (Hess et Ostrom, 2003, 2007 ; Ostrom, 1990).
connaissances protégées par des droits de La deuxième partie présente la recherche
propriété ont également été pris en compte qualitative conduite dans cinq ensembles

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

ou groupements d’organisations. Nous 1990). En particulier, les contributions ont


observerons les contextes d’émergence été fécondes dans le champ de l’écologie.
et d’évolution des coopérations entre les En effet, le problème de l’extinction des
acteurs et nous montrons comment les prin- espèces et des ressources naturelles, la
cipes de conception révélés dans les travaux nécessité de la préservation de l’environ-
d’Ostrom éclairent leurs actions collectives. nement et d’un développement durable,
Plus généralement, le problème de l’acces- ont attiré dès les années 60 l’attention des
sibilité et la pertinence de ces informations, économistes sur la gestion des communaux
tant en émission qu’en consultation, sera afin de proposer des modèles de propriétés
développé. Nos résultats montrent que si et de gouvernance des biens communs qui
les acteurs contribuent à la définition et à répondent à ces enjeux.
l’évolution du système de gouvernance et,
Ainsi, pour ce qui est de l’utilisation des
plus particulièrement, lorsqu’ils constituent
ressources naturelles rares (pâturages,
des arènes de délibération dans lesquelles

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forêts, eau, etc.) considérées comme biens
ils élaborent leurs propres règles d’action
communs, la littérature économique sur
collective, ils sont amenés à coopérer dura-
la gouvernance a longtemps fait état de
blement dans la gestion et la mutualisation
débats entre les différents courants pré-
des ressources concernées. Les apports de
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conisant des solutions institutionnelles


cette recherche peuvent ainsi directement
optimales concevables a priori (Hardin,
contribuer aux réflexions sur l’ingénierie
1968). En effet, à l’intérieur du courant
des systèmes de veille stratégique et au
dominant de ces solutions (Heilbroner,
management des connaissances au sein
1972 ; Demsetz, 1967), il existe des diver-
des organisations (Lesca et Caron-Fasan,
gences fortes entre les analyses prônant la
2008 ; Loza et al., 2015).
privatisation de ressources comme forme
la plus efficace de gestion (Posner, 1977 ;
Raymond, 2003), et ceux qui recommandent
1. REVUE DE LITTÉRATURE
un gouvernement public de ces ressources
(Lovejoy, 2006 ; Terborgh, 1999, 2000). La
différence principale entre ces deux formes
1.1. L’usage de ressources de gouvernance réside dans la nature du
communes par des collectifs bien : si le marché est considéré comme
auto-organisés « l’institution optimale pour la production et
l’échange de biens privés » (Ostrom, 2010),
Les individus et les groupes qu’ils for-
l’autorité du gouvernement permet d’éviter
ment rencontrent des difficultés lorsqu’ils
les comportements égocentrés pour les
cherchent à s’auto-organiser pour gérer une
biens non-privés. Ces deux types de solu-
ressource commune. Depuis cinq décen-
tions institutionnelles mettent cependant
nies, ces problèmes ont été abordés par des
en œuvre un même contrôle central des
recherches menées au sein de nombreuses
ressources, associé à un droit de propriété
disciplines scientifiques. C’est le cas, par
sur celles-ci, ce droit pouvant être de nature
exemple, de l’écologie (Hardin, 1982), de
privée ou publique.
la sociologie (Olson, 1966) ou, plus récem-
ment, des sciences de gestion (Fournier, En marge de ces postulats économiques
2013 ; Von Hippel et Von Krogh, 2003) à classiques, des recherches étudient l’évo-
travers, notamment, les concepts de com- lution, au fil du temps, d’institutions pour
munauté épistémique et de communauté de l’action collective et, notamment, l’émer-
pratiques (Benghozi, 2006 ; Lave et Wenger, gence de communautés auto-organisées

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autour de ressources naturelles dont la d’un niveau supérieur, que les analystes
gestion est commune (Ostrom, 1990). Elles institutionnels nomment « règles de choix
montrent l’efficacité et la durabilité de ces collectifs », et qui changent elles-mêmes
groupes sociaux qui parviennent à préser- lentement dans le temps. Ostrom (2009a)
ver les ressources qu’ils utilisent (Berkes, ajoute que la définition contemporaine de
1989 ; Ostrom, 1990, 1992 ; Pinkerton, robustesse par rapport aux systèmes com-
1989). En ce qui concerne la gouvernance plexes est centrée sur la capacité d’adap-
des ressources naturelles, Ostrom (1990) tation aux perturbations. Carlson et Doyle
relève que ces communautés, bien que (2002) écriront ainsi que « la robustesse
très différentes, et toutes confrontées à désigne le maintien des caractéristiques
des « environnements incertains et com- désirées d’un système malgré les fluctua-
plexes », élaborent des normes sociales et tions de comportement de ses composants
des règles de choix collectif qui permettent ou de l’environnement ». Les règles de choix

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aux individus d’agir de manière stable dans collectif font partie des principes généraux
le temps. Ces normes et ces règles sont de conception des systèmes de gestion de
fondées selon des « principes constitution- ressources communes durables. Ces prin-
nels » de conception identifiables au sein de cipes se distinguent des règles spécifiques
d’usage. Ils sont définis comme « des élé-
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ces communautés. Les recherches autour


des systèmes de ressources communes ments ou conditions essentielles au succès
mettent ainsi en lumière l’importance de rencontré par ces institutions » (Ostrom,
l’étude des processus d’émergence de ces 1990). Ils doivent donc permettre d’assurer
principes d’ingénierie organisationnelle la durabilité des ressources communes et
le respect des règles d’utilisation des res-
lorsque les acteurs peuvent co-construire
sources par les membres des communautés
les institutions qui régulent l’usage et l’accès
dans le temps.
à ces ressources.
Présentés et détaillés dans les recherches
d’Ostrom (1990, 2000) et repris dans de
1.2. Principes de conception nombreuses autres (Blomquist et al., 1994 ;
des systèmes de ressources Kollock, 1996) ces principes de conception
communes sont les suivants (Cardon et Levrel, 2009) :
Les travaux empiriques d’Ostrom (1990) 1. Les relations entre les membres et
établissent huit principes génériques de les non-membres de la communauté
conception partagés par les systèmes de res- doivent être clairement définies ;
sources communes adaptés aux ressources 2. La production de règles doit se faire
naturelles physiques rares (pêcheries, eau en relation étroite avec la nature de la
dans les systèmes d’irrigation agricoles, ressource à réguler ;
pâturages, etc.) qui répondent aux cri-
tères de robustesse institutionnelle. Shepsle 3. Les individus affectés par une règle
(1989, p. 143) précise qu’une institution, collective doivent pouvoir participer
pour être définie comme robuste, doit être à la modification de la règle et cette
modification doit se faire à faible coût ;
pérenne sur une longue période. Il stipule
également que les règles opérationnelles 4. Les individus qui surveillent la ressource
d’usage de la ressource sont conçues et commune doivent être choisis locale-
modifiées par les acteurs des communau- ment et être responsables devant la
tés, en accord avec un ensemble de règles communauté ;

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5. Les sanctions prononcées à l’encontre de confiance et de rivalités ». L’accès à cette


de membres de la communauté doivent « arène de médiation » est ainsi une forme
être graduées ; d’apprentissage par l’expérience qui amé-
liore les choix organisationnels. Lave et
6. Les sanctions doivent obéir à un principe
Wenger (1990) souligneront en ce sens qu’il
de subsidiarité privilégiant le respect
n’est « pas de meilleure technique que de
des règles locales ;
laisser voir l’intérieur de l’atelier ».
7. Les membres de la communauté doivent
Enfin, l’application des règles est sur-
avoir un accès rapide à un espace social
veillée par les acteurs eux-mêmes qui
(une « arène locale ») pour résoudre
contrôlent le respect des normes qu’ils ont
leurs conflits à bas coût ; élaborées. Cela est un point essentiel pour
8. La communauté est constituée d’un maintenir l’engagement des acteurs à pro-
enchevêtrement de niches locales. » duire et préserver la ressource commune :

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des résultats probants ont montré la dura-
Ainsi, les deux premières règles établies
bilité des systèmes d’action collective basés
par Ostrom concernent le rapport coût/
sur ce postulat (Baland et Platteau, 1996 ;
bénéfice des acteurs en fonction de la res- Wade, 1994). En effet, lorsque des acteurs
source qu’ils consomment. Ces acteurs
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ont élaboré eux-mêmes des arrangements


doivent être identifiés au sein de la com- contingents, ils sont ensuite motivés pour
munauté, et l’effort d’application des règles surveiller les comportements des autres
de fonctionnement du système qu’ils four- acteurs, et pour s’assurer par eux-mêmes
nissent doit être en rapport avec le bénéfice que ces derniers suivent les accords éta-
de l’usage de la ressource. Dans le cas blis (Ostrom, 2000). En outre, l’évolution
contraire, les individus n’ont pas intérêt à des normes sociales à l’intérieur d’une
participer au système de ressources com- communauté est un moyen plus efficace
munes, puisque leur implication serait plus d’atteindre un niveau élevé de coopération
coûteuse qu’un comportement de passager que l’imposition de règles externes (Sethi
clandestin profitant de la ressource sans et Somanathan, 1996). Ainsi, les règles se
payer le prix de son maintien. caractérisent par une interdépendance
Les acteurs qui utilisent la ressource forte quand les utilisateurs d’une ressource
doivent également pouvoir modifier les peuvent les élaborer eux-mêmes (Principe
règles existantes et en élaborer de nou- n°3), et que celles-ci sont respectées par
velles : ce principe les invite à dialoguer les membres de la communauté. En effet,
ensemble pour faire évoluer collectivement ces derniers doivent rendre des comptes
les règles. Pour cela, ils ont accès à un espace (Principe n°4), employer des sanctions gra-
de délibération collective et de résolution duées (Principe n°5) qui définissent qui a le
des conflits qui devient un outil pertinent droit d’utiliser la ressource (Principe n°1) et
pour entraîner les acteurs à l’apprentissage assigner de manière effective des coûts de
de la coopération. Comme le relève March production proportionnels aux bénéfices
(1991, p. 142), « Ce que les individus voient (Principe n°2). Lorsque ces principes sont
et aiment dépend des sources d’information respectés, l’action collective et la supervi-
disponibles, de leur accès à ces sources, et sion des problèmes semblent fonctionner
de manière auto-renforçante (Ostrom,
de leur confiance dans les sources qu’ils
2000).
peuvent consulter. […] L’apprentissage
dépend à la fois de processus comme la L’intérêt de ces principes de conception,
discussion et la persuasion et des relations illustrés par les très nombreuses études

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de cas1 menées par Ostrom (1994) et ses signe ou composante syntaxique), les signi-
co-auteurs (Schlager, 1994), a permis une fications dont ce signe peut être porteur
généralisation du cadre d’analyse à d’autres (la composante sémantique), et les actions
institutions de ressources communes, telles contextuelles suscitées par la réception de
que celles gérant des connaissances (Hess ce signe susceptible de prendre des signifi-
et Ostrom, 2007), ou des logiciels open cations différentes - et parfois imprévues par
source (Kollock, 1998). l’émetteur - selon les contextes de récep-
tion » (1995, p.2). Ainsi les communautés
construites autour de connaissances com-
1.3. Des systèmes de ressources munes n’obéissent pas à l’impératif écono-
communes physiques mique « d’optimisation de l’allocation de
à la gestion de l’information ressources physiques rares » (Barre, 1959),
mutualisée puisque l’information n’est pas un bien rival
et que les organisations évoluent dans un

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Viégas et al. (2007), mais aussi Benkler monde riche d’informations (Simon, 1971).
(2002), montrent qu’il existe des similitudes Au contraire, nous prenons appui ici sur la
entre la recherche de règles de fonctionne- théorie des ressources : les communautés
ment, de processus et de conventions des sociales existent par leur capacité à intégrer
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communautés auto-organisées autour de et coordonner les connaissances, et en créer


biens communs physiques, et la constitution de nouvelles (Conner et Prahalad, 1996 ;
de procédures de gestion des systèmes de
Prévot et al., 2010). Dans cette perspective,
ressources informationnelles pour dévelop-
la conception de systèmes de ressources
per les échanges entre acteurs. Il semble que
informationnelles communes a pour but de
les défis rencontrés par les communautés
permettre l’émergence et le développement
de ressources informationnelles soient les
d’une « intelligence organisationnelle »,
mêmes en effet que ceux affrontés par les
c’est-à-dire la possibilité de délibérations
collectifs de ressources physiques : création
collectives par l’accès partagé au système
de règles, mécanismes de contrôle, arbi-
de mémorisation de l’organisation pour
trage, et résolution de conflits. Les modes
produire ces nouvelles connaissances.
opératoires et les conventions qui sup-
portent les interactions, les échanges et la Les travaux de Forte et al. (2009), Kollock
construction de consensus entre les acteurs, (1998) et Viégas et al. (2007) ont montré
peuvent alors favoriser la pérennité d’une que les principes de conception d’Ostrom
gestion collective de la ressource dans les pouvaient constituer un cadre d’analyse
deux cas (Forte et al., 2009). Ces constats adapté à l’étude de la gouvernance de
établis, il apparaît cependant nécessaire de l’action collective dans les systèmes de
définir ce qui est entendu par ressource ressources informationnelles, particuliè-
informationnelle. Celle-ci se distingue en rement au sein de communautés de type
effet des ressources physiques, tant sur le open-source et open-media (de Usenet à
plan de sa nature, que sur le plan de ses Wikipédia). Viégas et al. (2007, p.8) relèvent
fonctions. Le Moigne propose une modélisa- même qu’il y a « un degré impression-
tion systémique de l’information qui permet nant de recouvrement entre les principes
de percevoir la complexité de ce concept. fondateurs d’une communauté telle que
L’information « conjoint inséparablement Wikipédia et les principes qu’Ostrom a
trois composantes : la forme physique (dit extrait de communautés hors-ligne » (cf.

1
Voir par exemple celles sur les systèmes d’irrigation au Népal, et la protection des forêts citées dans
l’American Economic Review (Ostrom, 2010).

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

ci-après, à la fin de cette section, le tableau respectent pas les règles de la commu-
1 qui synthétise les principaux résultats des nauté (Kollock, 1998, ligne 1 du Tableau
recherches menées en SI et mobilisant les 1, principes P5 et P6). Cela concerne parti-
principes d’Ostrom). Ces auteurs mettent culièrement les phénomènes de passagers
en perspective le caractère universel de ces clandestins. La mise en œuvre du processus
règles de conception qui ont émergé des de sanction à leur encontre est délicate
études de cas conduites pour les ressources en raison de l’impossibilité de mesurer
physiques rares. avec certitude l’usage réel de la ressource
Toutefois, les différentes adaptations informationnelle par les acteurs. Dans le
du modèle d’Ostrom relèvent que l’ap- même sens, il paraît difficile d’élaborer des
préhension des règles par les collectifs critères d’évaluation fiables concernant la
gérant des ressources informationnelles qualité de leur production.
présente plusieurs différences et caractéris- Il est cependant possible de résoudre

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tiques propres aux systèmes d’information ces problèmes (passager clandestin, diffi-
(rapportées dans la colonne 2 du Tableau culté de la mesure) liés la contribution des
1). Ces recherches montrent en effet que acteurs à la production et à l’usage de la
l’identification des membres et la délimi- ressource informationnelle lorsque ceux-ci
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tation des frontières du système posent un peuvent l’utiliser collectivement et colla-


problème particulier aux collectifs gérant borer à sa production au sein d’espaces
une ressource informationnelle. Le plus organisationnels. Les différents phéno-
souvent, les acteurs peuvent être identifiés mènes observés peuvent ainsi être réduits
avec commodité au sein de communautés dans des proportions moins grandes si
locales de petite taille partageant une res- une interface rend visible les contributions
source physique. En revanche, ce n’est pas individuelles et collectives à l’ensemble
toujours aussi aisé pour des membres de des membres de la communauté. Cela
communautés de pratiques en entreprise. rejoint de nombreuses recherches qui
Cela est dû à la nature de l’information : définissent les systèmes d’information (SI)
celle-ci se multiplie lors de sa consommation comme les interfaces « d’un projet et d’un
sans qu’il soit simple d’observer les effets contexte » (Le Moigne et Amabile, 2006),
de son usage. c’est-à-dire des « espaces de rencontres
Dans cette perspective, il convient éga- entre autant de projets et de contextes »
lement de relever que la production de (Rowe, 2006). De plus, si les individus
l’information dépend des interactions que peuvent constituer ensemble des règles
les membres ont entre eux ou avec le sys- de partage de l’information, l’interface
tème de mémorisation de l’organisation. ainsi conçue peut en retour guider leur
La variété des apports des acteurs liée au comportement pour accroître leur coo-
caractère intangible de cette ressource pération (Cardon, 2012).
est ainsi plus grande. Cela renforce la dif- Au-delà de ces particularités propres aux
ficulté de respecter le premier principe de SI, les congruences relevées entre les prin-
conception du système de ressources. Pour
cipes reconnus par Ostrom et les systèmes
cette raison, une surveillance (principe P4)
de ressources informationnelles soulignent
de l’état des informations dont dispose le
tout l’intérêt des espaces de délibération
groupe apparaît nécessaire.
que parviennent à concevoir les collectifs
Un deuxième point, lié au précédent, qui gèrent de manière pérenne leur res-
est celui de la sanction des acteurs qui ne source, quelle que soit sa nature.

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Management des biens communs de la connaissance

Auteurs Principes de conception Caractéristiques propres aux SI


d’E. Ostrom présents dans les SI
Kollock L’institution et les règles de coopération Les frontières du système de ressources
et Smith sont remarquablement robustes (P2 et sont fluides et facilement violées
(1996) P3) ; la surveillance des comportements (P1) ; la prévention et la sanction des
est meilleure dans les communautés comportements indésirables est plus
virtuelles (P4) difficile (P5 et P6)
Viégas Congruence entre les règles et les
et al. conditions spécifiques à la communauté
(2007) (P2) ; arrangements et choix collectifs
(P3), Surveillance (P4)
Forte Les sanctions dans la communauté sont Les frontières de la communauté sont mal
et al. graduées (P5) ; Il existe un enchevêtrement définies (P1) ; Difficulté d’application de

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(2009) de niveaux de décisions au sein de la sanctions aux utilisateurs non respectueux
communauté (P8) des règles par la communauté locale (P7)
Cardon La vigilance participative permet à la
et Levrel communauté d’assurer le respect de ses
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(2009) propres procédures (P4 à P6)

Tableau 1: Les principes d’Ostrom dans la littérature SI

1.4. Les règles d’action collective pour comprendre les raisons amenant les
individus à coopérer. En effet, l’incertitude
Les règles d’action collective élaborées que partagent les acteurs sur les intentions
par les membres d’une communauté ont de chacun a un effet significatif sur la mise
pour finalité d’orienter des comportements en place d’un mode de fonctionnement
humains pour les mettre au service de coopératif au sein d’une communauté. De
l’institution gérant des ressources infor- même, le niveau de confiance interper-
mationnelles. L’institution peut être défi- sonnelle dans le groupe et l’attention que
nie ici comme la structure du système de prêtent les acteurs à leur propre réputation
gouvernance qui régule les échanges entre et à celle des autres sont des facteurs impor-
les acteurs. Si les principes d’Ostrom pro- tants (Amabile et Gadille, 2006 ; Kollock,
posent une approche intéressante, plusieurs 1996). Or, l’élaboration de règles d’action
auteurs soulignent aussi le faible nombre collective est possible lorsqu’il existe un
d’études concernant les conditions qui niveau de confiance élevé entre les acteurs,
favorisent l’émergence des principes de il est toutefois difficile pour ces personnes
conception, principes desquels découlent de déterminer a priori ce niveau (Ostrom,
les règles d’action collective. Baland et 2005 ; 2009a).
Platteau (1996) citent notamment dans les Axelrod (1984) indique que trois condi-
études de cas de l’école de Bloomington la tions sont nécessaires pour rendre possible
taille du groupe, son homogénéité ou un la coopération : tout d’abord un arrange-
leadership actif. Or, comme Ostrom (2009b) ment qui conduit les individus à se rencon-
l’a elle-même analysé, le contexte de la trer régulièrement, ensuite la capacité pour
situation d’action collective et les condi- ces derniers de se reconnaître, enfin les
tions de son existence sont déterminants individus doivent disposer d’informations

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

sur le comportement des autres acteurs l’établissement d’une institution durable qui
dans le temps. incorpore un ensemble de règles stables
implique la prise en compte d’un mode
Nous comprenons donc mieux pour-
d’exercice plausible de la rationalité des
quoi la mise en œuvre de normes par un
individus, afin que ces derniers perçoivent le
groupe social est généralement précédée
sens de coopérer pour élaborer et appliquer
par la reconnaissance de droits spéci-
des règles collectives. Cela montre, d’une
fiques pour chaque acteur sur la ressource
part, que l’hypothèse de rationalité parfaite
gérée de manière collective. Schlager et n’est pas tenable, mais qu’au contraire,
Ostrom (1992) précisent ainsi que cela l’hypothèse de capacité cognitive limitée
doit concerner : des acteurs, formulée par Simon (2004),
−− L’accès à l’espace de la ressource est déterminante. Celle-ci indique que les
individus ne sont pas toujours capables
−− L’utilisation de la ressource de discriminer des connaissances et des

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−− La gestion des règles d’usage et le droit normes qui vont les conduire à adopter
de transformer les règles de fonctionnement un comportement altruiste (qui pourrait
du système de ressource pour l’améliorer être perçu comme coûteux pour eux) plu-
tôt qu’un comportement de type égoïste.
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−− Le droit d’exclusion qui permet de Cela permet notamment de comprendre


déterminer qui d’autre a accès à la ressource pourquoi, à la suite d’Ostrom (2000), il est
et si cet accès peut être transféré légitime de considérer positivement que
−− L’aliénation qui est le droit de vendre l’intention a priori de coopérer est réguliè-
ou de transférer tous les autres droits. rement envisagée par les acteurs dans les
expériences de type dilemme du prisonnier
Dans la pratique des cas explorés par (Offerman, 1997), et ce à l’encontre des
Ostrom, les deux derniers droits sont habi- prédictions de la théorie classique de la
tuellement remplacés par un droit de sur- rationalité (Kagel et Roth, 1995).
veillance du comportement des acteurs
par chaque membre. Le droit de sanction, Les principes de conception des systèmes
mis en œuvre lorsqu’un comportement de gouvernance reposent donc en premier
irrespectueux des règles est découvert, peut lieu sur cette capacité des acteurs à échan-
être réservé à certains membres seulement ger entre eux et se rencontrer pour négocier
de la communauté. collectivement la gestion des ressources
qu’ils vont utiliser. Simon et Schwab (2006)
Aussi, lorsqu’ils font face à des pro- notent que les groupes d’acteurs qui réus-
blèmes mal structurés comme la gestion sissent utilisent en effet la communication
de ressources communes, si les individus pour construire une identité de groupe et
peuvent communiquer, ils pourront plus un engagement à poursuivre cette straté-
facilement trouver une stratégie coopéra- gie. Il est ainsi d’autant plus aisé d’obtenir
tive (Ostrom, 1994), ce que suggèrent les des individus un effort d’équilibre au-delà
travaux d’Axelrod (1984). En effet, Hardin du minimum nécessaire au fonctionne-
(1968) avait intégré dans sa vision des biens ment d’une organisation, que ces individus
communs le comportement d’acteurs à la sont enclins à apprendre et à assimiler des
rationalité parfaite qui empêchait toute connaissances, des normes et des valeurs
coopération et justifiait alors la nécessité produites par le collectif (Simon, 1990,
d’une centralisation de la gestion de la p. 168). Cela est dû au fait que l’apprentis-
ressource au détriment d’arrangements sage conduit les acteurs à faire évoluer leurs
locaux. Pour autant, Ostrom (1990) note que règles de coopération par la délibération, et

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Management des biens communs de la connaissance

donc la communication, pour que celles-ci Nous mobiliserons ces deux propositions
continuent à être adaptées aux intérêts de afin d’éclairer et de soutenir les résultats
chacun en ce qui concerne la gestion de des 5 études de cas que nous avons déve-
la ressource. loppées et que nous présentons dans la
Cette notion demande cependant d’étu- partie suivante.
dier les hypothèses de rationalité des
acteurs formulées au sujet de leur pratique
de la délibération. Ces hypothèses ont une 2. MÉTHODOLOGIE
incidence sur l’analyse du fonctionnement
de l’arène de délibération. Dans l’interpréta-
tion des résultats de ses cas, Ostrom (1990) 2.1. Stratégie d’analyse des cas
souligne que les acteurs développent des
formes de rationalité qui semblent aller à Notre démarche exploratoire utilise la

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l’encontre des postulats de la rationalité méthode des cas (Yin, 2003), pour exa-
parfaite, notamment dans leur intention miner en profondeur le phénomène de la
de coopérer a priori, et ce au détriment gestion collective de l’information au sein
d’un comportement égoïste qui a légitimé de son contexte réel par une investigation
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la prédiction « tragique » décrite par Hardin empirique (Hlady-Rispal, 2002).


(1968) au sujet des biens communs.
Nous proposons d’éprouver les propo-
Les éléments mobilisés dans cette partie sitions de recherche issues de notre revue
ont permis de préciser les termes de la de littérature au travers de cinq études
problématique de la recherche : comment de cas : un comité de coordination d’une
des individus peuvent-ils s’auto-organiser au filière vitivinicole régionale, le CIVP, Conseil
moyen d’institutions durables pour gérer la Interprofessionnel des Vins de Provence,
production et l’utilisation de connaissances (cas 1), un comité local de coordination
communes ? Ainsi, comme le préconise Yin et de concertation, le CLIC (cas 2), la coo-
(2003) pour les recherches qualitatives, nous pérative d’Arva créée par les mutuelles
formuler deux propositions de recherche : d’assurance (cas 3), un comité de l’Institut
Proposition 1 : Lorsqu’ils contribuent à des Hautes Etudes de la Défense Nationale,
l’ingénierie et à l’évolution du système de l’IHEDN (cas 4), la coopération numé-
gouvernance de ressources information- rique de plusieurs bibliothèques publiques
nelles, les acteurs construisent ainsi les (cas 5).
opportunités qui leur permettent de défi-
Ces terrains de recherche ont précédem-
nir les règles de coopération pertinentes
ment fait l’objet d’investigations approfon-
pour gérer et mutualiser ces ressources.
dies dans le cadre de doctorats en Sciences
Notre deuxième proposition est relative à de Gestion (Amabile, 1997 ; De Oliveira,
la présence d’une interface permettant aux 2010 ; Haller, 2014) ou d’articles en sys-
acteurs d’interagir pour gérer l’information : tèmes d’information (Amabile et Gadille,
Proposition 2 : L’utilisation d’une inter- 2006 ; Amabile et al., 2012 ; Haller et al.,
face incorporant leurs règles d’action 2013 ; Peneranda et al., 2013). Nous avons
collective constitue un soutien à l’enga- conduit de nouvelles analyses de données
gement et à la coopération des acteurs pour construire les études de cas présen-
en ce qui concerne la gestion durable et tées. Les dispositifs permettant d’accéder
collective de ressources informationnelles aux différents terrains sont détaillés dans
partagées. le tableau suivant.

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

Collecte Caractéristiques
des données des répondants
CIVP 42 entretiens (durée moyenne de 90 mn) Propriétaires, responsables de Domaines
(Cas 1) se déroulant sur le site des organisations vitivinicoles qui correspondent à des
concernées (dans la Région PACA) avec structures de moins de 10 salariés
prises de notes et, systématiquement, (rarement, entre 10 et 50 salariés).
enregistrement audio. Certaines Les interlocuteurs ont été informés du
personnes ont été interrogées plusieurs thème de l’entretien avant le RDV.
fois. Des demandes (téléphone, courriel,
etc.) ont complété les informations
collectées.
CLIC 37 entretiens (durée moyenne de 90 Service Protection Civile, chef d’étude
(Cas 2) minutes) se déroulant sur le site des inondation (région), directeur du
organisations concernées (Languedoc, syndicat mixte, directeur de service

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Roussillon, Hérault) avec prises de notes (mairie), Pompiers, Président association
et, systématiquement, enregistrement des riverains. Les répondants ont été
audio. informés du thème de l’entretien avant
leur RDV.
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Coopérative 26 entretiens (durée moyenne de 90 Pour d’Arva : 2 dirigeants, 3 cadres


des mutuelles minutes) réalisés sur le site de travail responsables du SI. Pour chaque
d’assurance des répondants (Paris, Siège de d’Arva, mutuelle : 2 dirigeants et 2 cadres,
(cas 3) et Niort, Sièges des mutuelles) avec acteurs du SI. Les interlocuteurs ont
prises de notes et, le plus souvent, été informés du thème de l’entretien
enregistrement audio (des répondants dont le guide a été, au préalable, soumis
ont été interrogés 2 fois). Des demandes à leur direction.
(téléphone, courriel, etc.) ont complété
les informations collectées.
IHEDN 6 journées d’observation participante Diplômés de l’enseignement supérieur
(Cas 4) à Troyes (ANDRA, Groupement de (écoles d’ingénieurs, de sciences
gendarmerie) avec prise de notes. politique, de management) recrutés
Les informations collectées ont par parrainage.
été complétées par l’analyse de 130
messages électroniques et par l’accès
à la base de connaissances du Comité.
Coopération 7 entretiens (durée moyenne de 90 Directeurs de bibliothèques, Chargés
Bibliothèques minutes) se déroulant sur le site de de mission (bibliothèque numérique,
publiques travail du répondant (Paris, Fresnes) avec bibliothèque virtuelle, etc.).
(Cas 5) enregistrement audio pour l’intégralité
des entretiens.
Tableau 2 : Méthodologie de recueil des données des 5 études de cas

A partir de ces cinq études de cas, nous les acteurs concernés. En cela, nous nous
avons cherché à comprendre si, lorsqu’ils sommes interrogés sur la capacité de ces
étaient respectés, les principes génériques modes d’organisation à favoriser la coo-
révélés par Ostrom permettaient de générer pération et une gestion collective, satis-
des interactions, des actions de partage faisante sur le long terme, de la ressource
de connaissances et des échanges entre informationnelle.

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Management des biens communs de la connaissance

Nous avons développé une approche les mêmes fonctionnalités. Elle confirme
qualitative (Miles et Huberman, 1984 ; Yin, l’intérêt de ces modèles qui permettent, en
2003). Comme le montre le tableau pré- reliant les nœuds issus du croisement de ces
cédent, nous l’avons menée à partir d’un différentes sources, de faire émerger des
travail d’enquête et d’entretiens et/ou de résultats originaux comme nous le verrons
plusieurs périodes d’observation. De même, dans la discussion des cas.
comme il est suggéré dans la méthodologie
Le codage des études de cas est une étape
des cas (Wacheux, 1996), plusieurs sources
essentielle de la recherche pour interpréter
de données ont été utilisées.
le fonctionnement des communautés d’ac-
teurs étudiées. Nous avons centré l’analyse
2.2. Analyse des données sur la nature des échanges liée en particulier
au niveau de confiance du groupe, à leur
Nous avons conduit une analyse des don- usage de sources d’informations ou de

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nées qualitatives dans l’objectif d’inférer canaux de communication différenciés et
de nouveaux développements théoriques à l’investissement des acteurs pour enrichir
à partir de ces études de cas (Eisenhardt, le système de ressources informationnelles
1989). L’analyse a été réalisée via une communes.
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démarche inductive pour permettre l’émer-


gence de concepts. Nous avons utilisé le
logiciel NVivo pour identifier ces derniers, 2.3. Contexte des études de cas
en débutant par une phase de codage ouvert
de la revue de littérature puis des études
de cas pour découvrir dans les données 2.3.1. Cas 1 : Conseil Interprofessionnel
les principales catégories d’analyse. Nous des Vins de Provence, le CIVP
avons pu ainsi, dans la deuxième étape
du traitement des données, procéder à La filière vitivinicole observée se caracté-
l’identification des thèmes dans le corpus rise par un contexte inter-organisationnel
d’entretiens auxquels nous avons associé complexe et atomisé. En particulier, celui-ci
des codes (Miles et Huberman, 1984). Nous comprend différentes entités de coordina-
avons enfin utilisé la fonction de modé- tion, les Organismes Professionnels Viticoles
lisation du logiciel NVivo afin d’élaborer (OPV), dont les périmètres d’intervention
plusieurs schémas conceptuels, construits peuvent se chevaucher que ce soit à un
sur la base du regroupement des nœuds niveau local, régional, national et/ou inter-
issus du codage. La méthodologie suivie national. Le Conseil Interprofessionnel des
dans le processus de modélisation est celle Vins de Provence (CIVP) est une de ces
proposée par Bazeley et Jackson (2013) entités, son champ d’action est régional.
qui exploite les nouvelles fonctionnalités Il a pour objectif de mettre en commun
de la version 10 de NVivo, notamment la des moyens et ressources pour augmen-
possibilité de coder conjointement revue ter le poids de la filière et ses actions afin
de littérature et études de terrain (ce qui de valoriser l’ensemble de son territoire.
explique pourquoi les schémas concep- Ainsi, le CIVP est constitué d’entreprises
tuels seront présentés dans la discussion). et de professionnels représentatifs de
Cette approche, conceptualisée récemment la production (domaines vitivinicoles et
(Bazeley, 2013 ; Richards, 2009), marque la caves coopératives, ayant, le plus souvent,
différence entre NVivo et d’autres logiciels moins de 10 salariés, parfois moins de 20)
d’analyse qualitative tels que Sphinx Lexica, et du commerce (négociants) des vins de
Alceste ou Atlas.Ti qui ne présentent pas Provence. Un de ses axes de développement

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

est de créer, au niveau régional, un lieu de le périmètre de dangers. L’objectif du CLIC


rencontre des différentes organisations de est ainsi de partager des informations afin
la filière afin de faciliter l’émergence de de permettre une connaissance homogène
projets de « réseau » et de « synergie ». Cela de la source d’un danger potentiel.
passe notamment par la mise en place d’un
système de ressources dans lequel l’infor-
mation peut être considérée comme un 2.3.3. Cas 3 : Système coopératif de veille
bien commun accessible à l’ensemble des stratégique des mutuelles au sein de la
acteurs dans un périmètre d’action défini coopérative d’ArvA
au sein de la filière des vins de Provence.
La troisième étude explore la constitution
Les employés du CIVP ont pour princi-
par les mutuelles d’assurance « niortaises»
pale mission la publication d’informations
(MAIF, MACIF et MAAF), au sein d’une
de veille professionnelle à l’attention des
coopérative nommée d’ArvA, d’un espace
entreprises de la filière régionale.

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organisationnel de coopération et d’ap-
prentissage collectif sous la forme d’un pôle
2.3.2. Cas 2 : Le CLIC : Comité Local d’observation des traitements des sinistres
d’Information et de Consultation automobiles survenus au sein du marché
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sur les risques technologiques français. Cette commission de co-pilotage


du système d’information inter-organisa-
Le Comité Local d’Information et de tionnel des mutuelles a pour vocation de
Consultation (CLIC) est un cadre d’échange mémoriser, d’alerter, de rendre intelligible
d’informations et de concertation entre et d’aider à la compréhension de certains
les différents représentants de la société phénomènes en émergence au sein du
civile, de l’industrie, de l’État et des col- marché de l’assurance automobile (Amabile,
lectivités territoriales, désignés par un 1999). La gestion collective du système de
arrêté préfectoral sur des actions de pré- ressource informationnelle est donc au
vention des risques d’accidents majeurs. cœur de la démarche de partage des repré-
Ce cadre d’échange est associé à l’élabo- sentations sectorielles entre les acteurs,
ration d’un Plan de prévention des risques
dont la proximité de structure, de culture
technologiques sur un territoire. Ainsi,
mutualiste, une confiance réciproque et
suite au décret de 2005 relatif à la création
une même localisation géographique ont
des comités locaux d’informations sur les
permis la mise en œuvre de règles adap-
risques technologiques, les acteurs d’un
tées. Ce sont ensuite les interactions des
territoire soumis à un risque classé “Seveso
acteurs autour du développement et du
seuil haut” doivent se réunir en collèges
fonctionnement du SI qui sont à l’origine
(administration, collectivités territoriales,
de la qualité et de la pérennisation de la
exploitants, riverains et salariés) au sein
gestion collective de l’information dans
d’un comité. Le comité a pour mission de
cette structure organisationnelle.
créer un cadre d’échange et d’informations
entre les représentants des collèges sur
des actions menées par les exploitants des 2.3.4. Cas 4 : Comité d’étude de l’IHEDN
installations classées, sous le contrôle des
pouvoirs publics, en vue de prévenir les Cette étude concerne un comité d’étude
risques d’accidents majeurs que peuvent et de réflexion de l’Institut des Hautes
présenter les installations industrielles. Le Etudes de la Défense Nationale (IHEDN).
CLIC détermine le périmètre sur lequel il se Son objectif est la création et le maintien
positionne, souvent en relation directe avec d’une base d’informations sur un ensemble

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Management des biens communs de la connaissance

de problématiques définies par le comité d’organisations. L’adoption de standards


directeur au sujet de questions géopoli- ouverts comme OAI-PMH est même un
tiques. Les membres du comité, tous issus critère majeur de la contractualisation en
de la société civile, sont engagés dans un cas d’attribution de subventions publiques
processus de veille et produisent collec- pour la numérisation. L’utilisation de ce
tivement à partir de cette base un rap- type de protocole permet ainsi d’évaluer
port annuel et plusieurs articles dans les l’impact d’une stratégie coopérative de
publications officielles de l’Institut. Leur gestion des données numériques par les
collaboration s’organise à distance via les bibliothèques publiques sous l’impulsion
technologies de l’information et, physique- de la Bibliothèque Nationale de France pour
ment, par des rencontres trimestrielles. La valoriser leurs fonds publics.
socialisation du groupe lors d’une semaine
de formation et l’établissement de règles
précises et respectées de production et 3. PRÉSENTATION

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d’échange des informations a contribué à DES RÉSULTATS
une coopération et des interactions soute-
nues entre les membres. Le présent article et, notamment, les deux
propositions de recherche portent sur les
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2.3.5. Cas 5 : Les Bibliothèques : systèmes coopératifs de gouvernance et


une coopération en secteur public l’utilisation d’interfaces incorporant les
règles de l’action collective. Il est donc
Le Ministère de la Culture français pertinent de présenter nos résultats en pré-
a missionné en 2009 le président de la cisant les conditions de fonctionnement des
Bibliothèque Nationale de France pour organisations ainsi que celles des différentes
élaborer avec le Conseil du Livre un Schéma coopérations centrales à nos études de cas
numérique des bibliothèques. Ce dispositif (section 3.1), les propriétés des organismes
associe des responsables de bibliothèques de coopération en charge de la gestion
territoriales, des représentants du Conseiller de la ressource commun (section 3.2),
Livre des Directions Régionales des Affaires les principes de conception de systèmes
Culturelles (DRAC) et des statisticiens du de partage de l’information (section 3.3)
ministère de la culture. L’objectif, fixé par et, enfin, la production et l’usage de cette
le Ministère de la Culture, est d’établir un dernière (section 3.4).
bilan de l’action, des moyens et des besoins
Rappelons que c’est un codage ouvert
des bibliothèques dans le domaine du
des entretiens et des données collectées
numérique, mais aussi de proposer un plan
dans le cadre des études de cas qui a permis
d’harmonisation des politiques nationales
de faire émerger ces résultats, synthétisés
ainsi que d’étudier les partenariats public-
(selon les 4 catégories précédentes) dans
privé potentiels autour des bibliothèques
le tableau suivant puis détaillés dans les
numériques. Le schéma numérique doit
4 sections ci-après.
aider les bibliothèques publiques à mettre
notamment en place des réservoirs de don-
nées répondant au protocole OAI-PMH. 3.1. Contexte et conditions
Ce dispositif technique encourage les pra- des coopérations
tiques coopératives entres les bibliothèques
pour maximiser l’exploitation des données Les résultats qui émergent des 5 études
publiques et offrir leur usage le plus large montrent que les acteurs, en situation de
possible aux citoyens et à toutes sortes coopérer, se situent (pour chacun des cas)

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

Propriétés (1) (2) (3) (4) (5)


des cas CIVP CLIC Mutuelles IHEDN Bibliothèques
Contexte et conditions des coopérations
Conditions Proximité Proximité Proximité Proximité Proximité
de l’action structurelle et géographique ; structurelle et structurelle ; structurelle;
collective géographique Intérêts géographique ; Confiance ; Intérêt
divergents Confiance ; Intérêt commun
Intérêt commun
commun
Coopération Réputation Réputation ; Réputation ; Réputation ; Réputation
Rencontres ; Rencontres ; Rencontres ;
Communication Communication Communication
Contexte Soucis Incitation Pilotage à vue ; Incitation Pilotage à
d’innovation ; institutionnelle Changements institutionnelle vue ; Rupture
Pression du législatifs technologique

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marché à
moyen terme
Propriétés des organismes de coordination
Forme de Organisme de Organisme de Coopérative Communauté Protocoles de
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l’institution coordination coordination auto-organisée coordination


Ressources Publication Base de Tableaux de Base de Entrepôt de
mutualisées de veille connaissances bord connaissances données
professionnelle (rapports (indicateurs (rapports (métadonnées
(données scientifiques, et données d’analyses, sur les œuvres
et analyses données sur le marché cartes numérisées
économiques industrielles, français, géostratégiques, dans différents
ou juridiques, expressions des indicateurs sur analyses formats)
études de risques par les le marché des économiques)
marché) acteurs) mutuelles)
Principes de conception des systèmes de partage de l’information
Délimitation Système Système Système Système Système
du système et de club ; de club ; de club ; de club ; ouvert ;
des acteurs Contributions Contributions Contributions Contributions Contributions
limitées ; Choix libres libres libres normalisées ;
externe des Choix externe
ressources des ressources
Élaboration Formalisation Espace de Espace de Espace de Formalisation
règles d’action externe partage ; délibération ; délibération ; externe
collective Jeux d’acteurs Choix collectif Choix collectif
Application et Contrôle Apprentissage Apprentissage Apprentissage Contrôle
surveillance externe des par par par externe des
des règles contributions l’expérience ; l’expérience ; l’expérience ; contributions
Contrôle de Évaluation Évaluation
l’État mutuelle mutuelle
Production et usage des informations
Construction Imposée Collective Collective Collective Imposée
des
représentations
Pertinence Faible Biaisée Élevée Élevée Forte
informations

Tableau 3 : Présentation synthétique des résultats

26

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Management des biens communs de la connaissance

dans des modes d’organisation proches 3 et 4 (CLIC, mutuelles et IHEDN) et les


et partagent souvent un environnement cas 1 et 5 (CIVP et bibliothèques). En
présentant plusieurs similitudes. Ainsi, les effet, les acteurs du CLIC, des mutuelles
coopérations étudiées rassemblent des et les membres du comité Moyen-Orient
organisations présentant des proximités de l’IHEDN se rencontrent régulièrement
structurelles et/ou géographiques. C’est le pour interagir en face à face. Par contre, les
cas des mutuelles, implantées sur la région membres du CIVP participent rarement et/
niortaise et possédant des structures juri- ou sont peu sollicités pour interagir alors
diques très proches. Les adhérents du CIVP que les bibliothèques, bien que connectées
appartiennent tous à la filière vitivinicole à distance, échangent seulement des don-
provençale et sont, très majoritairement, nées. Ainsi, nos résultats montrent que, si
des structures possédant moins de 20 sala- la réputation des acteurs des 5 études est
riés. De même, les membres de l’IHEDN établie, chacun sachant se reconnaître et
sont tous cooptés et sélectionnés en fonc- se situer, seuls le CLIC, les mutuelles et

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tion de critères précis (âge, diplôme, projet l’IHEDN (cas 2, 3 et 4) ont mis en œuvre
professionnel) alors que les bibliothèques des dispositifs d’interaction en face à face
possèdent des structures deux à deux com- sur une base régulière. Enfin, pour ce qui
parables. Enfin, pour le CLIC, les acteurs concerne l’action collective, seuls les acteurs
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concernés, à l’exception des représentants des mutuelles, de l’IHEDN et des biblio-


de l’Etat, sont tous actifs au sein d’un même thèques partagent un intérêt commun. Les
périmètre géographique. participants du CLIC expriment, quant à
eux, un intérêt divergent.
L’analyse de la retranscription de nos
entretiens révèle également que seuls les Le contexte des études montre que les
acteurs des mutuelles et de l’IHEDN (cas 3 bibliothèques et les mutuelles (au moment
et 4) ont relevé que la confiance était un élé- de l’étude) ont un pilotage à vue sur leur
ment essentiel de leurs échanges et qu’elle marché, les premières à cause de la rupture
s’était construite dans le temps. Pour les 3 technologique entraînée par le numérique,
autres cas (CIVP, CLIC et bibliothèques), les les secondes en raison de changements
acteurs n’ont pas eu le choix de travailler législatifs dans le secteur de l’Assurance.
avec leur organisme de coordination et Les entreprises de la filière vitivinicole font
celui-ci n’a pas cherché à développer des face à des soucis d’innovation bien que la
mécanismes de protection ou de réciprocité pression du marché ne soit pas forte dans
pour instaurer une relation de confiance. Le l’immédiat, mais plutôt à moyen terme.
manque de confiance est particulièrement L’IHEDN incite les membres du comité à
ressenti dans le cas du CLIC puisque les échanger et facilite les conditions maté-
données de base sont détenues principa- rielles de leurs rencontres. Le contexte
lement par l’exploitant industriel ou les géopolitique de la zone d’étude du comité,
scientifiques qui ont aussi émis des avis sur le Moyen-Orient au sens large, est lui-même
les risques et les conséquences possibles. en constante évolution.
Les associations citoyennes de riverains
et les collectivités territoriales dénoncent
régulièrement, dans ce cas, le manque de 3.2. Propriétés des organismes
transparence des industriels et des services de coopération
de l’État.
L’organisation du partage de l’information
Les conditions de la coopération semblent entre les acteurs ne présente pas tout à fait
proches pour, respectivement, les cas 2, la même forme pour chacun des cas.

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

Ainsi, le CIVP et le CLIC (cas 1 et 2) gouvernance collective des communs infor-


prennent la forme d’un “organisme de mationnels peuvent être répartis en trois
coordination”. Toutefois, il convient de grands thèmes : (1) la délimitation des
remarquer que les entités composant le ressources du système et des acteurs, (2)
CLIC (administration, collectivités, exploi- l’élaboration de règles d’action collective
tants, riverains, etc.) sont très hétéroclites et (3) l’application et la surveillance de
de par leur fonction, ces différents acteurs ces règles.
appartenant à ce comité dans le seul but
d’échanger des connaissances et des
informations techniques, économiques et 3.3.1. Délimitation des ressources
environnementales. du système et des acteurs

La coopérative d’ArvA rassemble les Le CIVP, le CLIC, les mutuelles et l’IHEDN


mutuelles sur un pied d’égalité mais pos- (cas 1, 2, 3, et 4) fonctionnent sur le modèle

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sède une forme juridique distincte (société du club : seuls les membres adhérents ou
anonyme) des entreprises qui l’ont consti- identifiés par l’organisme de coordination
tuée. La ressource informationnelle gérée peuvent y participer. Les bibliothèques (cas
en commun se traduit par des tableaux de 5) se distinguent des 4 autres situations car
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bord co-construits, au sein de la coopéra- toute organisation de ce type, publique ou


tive, par des acteurs salariés de l’une des privée, peut adopter leurs pratiques coopé-
mutuelles. ratives. Nos résultats montrent alors que ce
sont les standards régulant leur coopération
Le comité Moyen-Orient est une com- qui ont pour effet de « normaliser » les
munauté auto-organisée que les partici- contributions des bibliothèques. Le CIVP
pants, sélectionnés et parrainés aux sessions sollicite directement, mais rarement et de
jeunes de l’IHEDN, rejoignent librement, façon limitée, des propositions auprès de
après leur formation, et selon leur intérêt. ces membres. En contrepoint, pour le CLIC,
Ils participent ensemble à la construction les mutuelles et l’IHEDN, les contributions
d’une base de connaissances par de la sont libres une fois le membre autorisé à
veille, l’organisation de conférences, de rejoindre la communauté.
rencontres, etc.
En fait, le choix et la délimitation des res-
Enfin, les bibliothèques publiques n’ont sources utilisées sont externes pour le CIVP
pas d’organisme de coordination à pro- et les bibliothèques. Pour le CIVP, ce sont
prement parler, bien que le Ministère de la les responsables de cette organisation qui
Culture recommande des principes direc- effectuent ces choix sans concertation véri-
teurs à suivre, mais des protocoles de coor- table avec les autres membres de la coopé-
dination tels qu’OAI-PMH. Elles gèrent ainsi ration ou sans que ces derniers ne puissent
des entrepôts de données numérisées dont en prendre l’initiative. En ce qui concerne
l’accès est mutualisé. les bibliothèques, c’est le Ministère de la
Culture, par l’intermédiaire du protocole
OAI-PMH, qui définit la formalisation.
3.3. Principes de conception
des systèmes de partage de
l’information 3.3.2. Élaboration de règles d’action
collective
Comme cela a été présenté dans la pre-
mière partie de cet article, les principes Dans le cas du CLIC, il existe un espace de
génériques concernant les systèmes de partage dans lequel les membres peuvent

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Management des biens communs de la connaissance

confronter leurs intérêts sans, toutefois, clandestin” peut voir sa légitimité, au sein
qu’ils aient pu élaborer au préalable leurs de la coopération, s’étioler progressivement
règles de choix collectifs. Nos résultats mais sensiblement.
montrent alors qu’il se produit des jeux
Si pour le CLIC, il n’y a pas un contrôle
d’acteurs qui ont des incidences fortes sur
externe au sens strict du terme, c’est un des
le déroulement de la coopération.
membres du comité, l’Etat en l’occurrence,
Nous avons relevé qu’un espace de déli- qui impose sa formalisation à l’ensemble
bération est mis en œuvre pour d’Arva et des autres participants. Pour le CIVP et
l’IHEDN (cas 3 et 4) : les membres de la les Bibliothèques, un contrôle est exercé
coopérative des mutuelles et de la commu- par l’un des acteurs sur les informations
nauté de l’IHEDN élaborent collectivement produites. Comme nous le verrons dans
leurs choix des règles de production et la section suivante, cela semble limiter le
d’usage de leur ressource. Comme nous développement des usages de la ressource

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le détaillons dans la section suivante, nos informationnelle.
résultats montrent qu’un phénomène d’ap-
prentissage par l’expérience se développe
alors au sein de ces deux coopérations. Nous 3.4. Production et usage
des informations
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n’avons pas relevé un tel apprentissage dans


les 3 autres cas.
Pour les mutuelles et l’IHEDN (cas 3 et 4),
des similitudes ont été observées pour la
3.3.3. Application et surveillance production et l’usage de la ressource infor-
des règles mationnelle. Pour ces deux coopérations,
nos résultats montrent que la présence
L’évaluation mutuelle des membres entre d’un “espace de délibération” (déjà
eux les conduit à vérifier régulièrement le évoqué dans la section précédente) amène
respect des règles qu’ils ont élaborées. Pour les acteurs à construire collectivement
d’Arva et les membres de l’IHEDN, une leurs représentations. Les informations
dépendance des apprentissages individuels ainsi produites sont perçues comme per-
à l’égard du groupe a été observée. En tinentes et font l’objet d’usages multiples.
effet, lors des interactions et des échanges,
Pour les bibliothèques (cas 5), bien que
chaque acteur développe son écoute et
les membres soient obligés de respecter un
observe les autres membres de la coopé-
format donné de présentation des informa-
ration afin d’enrichir son attention et son
tions, cette normalisation renforce la qualité
intelligence des situations rencontrées. Ce
des données qu’ils utilisent et améliore
phénomène est rendu possible parce que
leur pertinence.
les règles développées incitent les acteurs
à partager leurs représentations. La surveil- Les acteurs de la filière vitivinicole (cas 1),
lance s’exerce au travers de la confiance en revanche, utilisent peu les informations
mutuelle : si un acteur décide de ne plus produites et délivrées par le CIVP. En effet,
coopérer et seulement d’exploiter les res- ils n’ont pas contribué à leur élaboration et,
sources informationnelles sans contribuer, selon leurs propos, elles manquent de perti-
les autres membres de ces deux coopéra- nences. En outre, les adhérents entre-eux et,
tions n’hésitent alors pas à rappeler les surtout, par rapport au CIVP revendiquent
règles élaborées collectivement, notamment des objectifs divergents quant à la gestion de
celles ayant trait à l’appartenance au groupe. l’information. Ainsi, les adhérents du CIVP
Un acteur qui se comporte en “passager ne pouvant pas décider de leur mode de

29

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

coordination, nos résultats montrent qu’ils avons obtenus à partir d’études de cas
cherchent à reconstruire, par ailleurs, des menées sur 5 terrains différents.
espaces de rencontres et d’échanges dont
Dans ce cheminement, notre recherche
ils ont la maîtrise. Lors des entretiens, ils présente des limites, inhérentes à la métho-
ont fait part de leur satisfaction au sujet dologie utilisée ainsi qu’à la démarche quali-
de ces espaces de médiation parallèles : tative suivie. Celles-ci constituent autant de
les informations partagées et les repré- pistes pour l’utilisation d’autres dispositifs
sentations élaborées collectivement sont d’enquêtes pour appréhender différemment
qualifiées de pertinentes par les acteurs. la complexité des phénomènes étudiés. Les
Cela les encourage alors à pérenniser ces 5 études de cas n’offrent qu’une illustration
coopérations parallèles. de l’auto-organisation des processus de
Le cas du CLIC est particulier puisque production, de partage et de mutualisation
les acteurs se réunissent et partagent d’informations. En outre, notre recherche

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leurs connaissances librement sans pour a permis d’observer et de faire émerger
autant parvenir à élaborer collectivement des résultats qui se situent à des moments
des représentations satisfaisantes. Les jeux précis des trajectoires des organisations
d’acteurs et leur proclamation de légitimité concernées. Elle a appréhendé les compor-
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tements des acteurs sur du moyen terme.


face à la détention, la création ou la diffusion
Une généralisation sur du long terme serait
des informations entraînent des tensions
donc hasardeuse. Enfin, nos résultats n’ont
au sein de cette communauté. Le plus sou-
pas la prétention d’être transposables à
vent, les relations conflictuelles constatées
toutes sortes de collectifs, communautés
proviennent d’un manque de coopération
ou coopérations pouvant, notamment,
des membres du comité au sujet des infor-
appartenir à d’autres secteurs d’activité
mations en leur possession. Des doutes sur
qui présenteraient des caractéristiques éloi-
la transparence et les attitudes des parties
gnées des 5 ensembles d’organisations qui
prenantes (l’industriel et l’État ou la mairie ont été étudiées.
souvent mis en cause) diminuent la qualité
des connaissances produites par et pour les Toutefois, cet article présente un certain
acteurs lors des rencontres de ce comité. nombre d’originalités et de contributions.
Ainsi, lorsque nous confrontons les résultats
aux théories abordées dans la littérature,
DISCUSSION plusieurs éléments sont mis en perspective.
Les différentes coopérations étudiées, à
Cet article s’est intéressé à l’origine et au l’exception de celles regroupant les biblio-
fonctionnement des systèmes de ressources thèques, ont institué une identification
informationnelles communes. Son objectif claire de leurs membres, en fonction de leur
était de préciser les principes sur lesquels appartenance à une organisation (associa-
se fondent les modes d’auto-organisation et tion, entreprise et/ou service public pour le
les règles d’action collective qui soutiennent CLIC, les mutuelles ou l’IHEDN) ou de leur
la mutualisation d’information et la produc- adhésion à un organisme et à des protocoles
tion de connaissances partagées dans des de coordination (CIVP et bibliothèques).
communautés auto-organisées. De fait, nous Le premier principe d’Ostrom est donc
avons mobilisé les recherches développées globalement respecté et permet de limiter
au sein de l’école de Bloomington afin de le phénomène de passager clandestin décrit
confronter leurs résultats à ceux que nous par Hardin (1968).

30

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Management des biens communs de la connaissance

Pour le CLIC, les mutuelles et l’IHEDN leur coopération en expérimentant réguliè-


(cas 2, 3 et 4), nous retrouvons les prin- rement de nouvelles formes de collecte et
cipes 2 à 42 (portant, respectivement, sur de traitement de l’information. Ce proces-
la Conception, la Modification des règles sus continu de conception et d’apprentis-
et la Surveillance de la ressource). Ces sage des règles d’action collective par les
derniers correspondent à la mise en œuvre membres de ces communautés semble avoir
par les acteurs d’un espace d’échanges au un effet direct sur leur liberté d’échange
sein duquel sont élaborées les règles de de l’information et d’élaboration conjointe
choix collectif pour gérer leur ressource de connaissances communes. Cet apport
et l’application de ces règles. Ces principes prolonge ainsi les travaux de Cohendet et al.
semblent donc favoriser des dynamiques (2003) sur les communautés de pratiques
d’interactions entre les acteurs concernés et les communautés épistémiques. In fine,
par la gestion d’une ressource commune leur système de règles, en incorporant la

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(l’information pour nos 5 études). délibération dans ses principes (Cardon,
2012), semble inviter les acteurs à accroître
Ainsi, en ce qui concerne nos propositions
leur engagement à coopérer en orientant
de recherche, nos résultats montrent que
leur attention vers l’ouverture au partage
l’adoption d’une démarche d’ingénierie
et à l’intégration d’une diversité de repré-
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organisationnelle intégrant les principes de


sentations au sein de leur groupe.
design n°2 à 4 a permis, dans trois des cas
étudiés (le CLIC, les mutuelles et l’IHEDN), Le cadre conceptuel proposé par Hess
de concevoir un cadre qui facilite les ren- et Ostrom (2007) s’est donc révélé perti-
contres, la communication, les échanges nent pour rendre intelligible les systèmes
et la construction collective de représenta- d’acteurs en interaction constitués autour
tions. En cela, ils rendent possible l’émer- de la gestion de biens communs informa-
gence de processus d’auto-organisation. tionnels. Précisément, à mesure que les
Il convient également de noter que les thèmes ont émergé des données des études
acteurs des mutuelles et de l’IHEDN (cas de cas, ceux-ci ont été mis en perspective
3 et 4), en fonction des perceptions de avec les travaux d’Ostrom et, plus large-
leurs comportements et des usages de ment, ceux développés au sein de l’École
leurs propres règles, sont amenés à faire de Bloomington. Concrètement, comme
évoluer leur système de gestion commune. le modélise le schéma conceptuel suivant,
Cela s’effectue au moyen de délibérations nous avons pu mettre en correspondance
portant sur l’adaptation des règles d’action les extraits des entretiens réalisés pour les
collective précédemment élaborées ou Mutuelles et l’IHEDN avec les différents
sur la conception de nouveaux modes de principes dégagés de ces travaux (selon
traitement de l’information. Ces acteurs ont l’approche proposée par Bazeley, 2013,
donc la possibilité d’agir sur les règles de et Richards, 2009). Pour ces deux cas, les
gestion de la ressource mutualisée comme acteurs contribuent à la co-construction du
sur la ressource elle-même (principe 7). système de gouvernance de la ressource
L’interface collaborative, qui participe à informationnelle. Le processus de produc-
l’arène de délibération qu’ils ont contribuée tion de règles de choix collectifs les incite
à constituer, leur permet ainsi d’améliorer alors à partager leurs connaissances et à

2
Les principes 5 et 6 qui traitent des sanctions dans les cas étudiés par Ostrom ne se retrouvent pas sous
cette forme dans nos études de cas, principalement parce que les coopérations engagées ne risquent pas
d’entraîner la disparition des ressources mutualisées par surexploitation (Rose, 1986, souligne ce point dans
la comédie des anti-communs).

31

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

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Figure 1: Schéma conceptuel issu du codage NVivo de la littérature et


relié aux cas des Mutuelles et de l’IHEDN

élaborer ensemble de nouvelles représen- individus contribuant à créer les conditions


tations. En cela, les règles d’action collec- de leur responsabilisation dans l’élaboration
tive soutiennent les interactions entre les d’une stratégie coopérative pour la gestion

32

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Management des biens communs de la connaissance

de la ressource informationnelle. Ainsi, par les personnes interrogées qui sont


comme le montrent nos résultats, les deux en adéquation avec les thèmes issus du
propositions de recherche formulées à l’is- codage du cas des mutuelles et de celui de
sue de la partie théorique sont corroborées. l’IHEDN (cf. figure n°2), la mise en place
d’un autre système de gestion collective
Par ailleurs, l’enseignement que nous
de la ressource informationnelle est un
pouvons tirer du cas n°2 (CIVP) est par-
résultat fort de l’étude de cas.
ticulièrement instructif. Les informations
diffusées par leur organisme de coordina- Ce type de pratiques découvertes lors
tion correspondent très partiellement aux des entretiens est un phénomène émer-
attentes des acteurs, ceux-ci participant peu gent que le cadre d’analyse retenu a pu
à la conception du système de veille et à la mettre en lumière alors qu’il ne pouvait
production directe des informations (Haller, être déduit du fonctionnement initial de
2014). Cela soulève le problème des règles l’organisation. Les membres du CIVP sont,

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de fonctionnement et des normes sociales en effet et quoiqu’il arrive, légalement tenus
permettant le partage de l’information et d’allouer « volontairement » une contribu-
les interactions entre acteurs. En effet, tion financière annuelle élevée à cet orga-
ces derniers, insatisfaits de la gestion de nisme de coordination et de veille, même
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la ressource, ont alors co-construit entres si celui-ci ne répond pas à leurs attentes
pairs d’autres espaces de rencontres et (Amabile et al., 2012 ; Haller, 2014). Malgré
d’échanges. Conforté par les termes utilisés cet état de fait, et en présence de conditions

Figure 2 : Modèle issu du codage NVivo de l’étude de cas du CIVP

33

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

positives de l’action collective (proximité des acteurs ayant des appartenances et des
géographique et organisationnelle, etc.) profils différents. Ils contribuent ainsi à
concomitantes avec un besoin important créer, ce qui est présenté dans la littérature,
de partage d’information énoncé par les comme un des gages de la pérennisation
acteurs (lié à la perception d’une pression du fonctionnement des collectifs considé-
du marché à moyen terme), ces derniers rés (Giard et Midler, 1997 ; Tarondeau et
se sont auto-éco-réorganisés (Morin, 1985) Wright, 1995).
afin de partager des informations. Ils ont
D’autre part (et ceci étant lié à ce qui
ainsi retrouvé par eux-mêmes un système
précède), nos observations suggèrent que
de gestion collective informel dont les
ces principes agissent favorablement sur
conventions, comme pour les mutuelles
la variété et la diversité des connaissances
et l’IHEDN, sont très proches des prin-
échangées et, par là-même, sur la richesse
cipes de conception identifiés par Ostrom.
Cela semble confirmer la pertinence de des interprétations des acteurs concernés.

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ce cadre d’analyse et des éléments qui le Or, de nombreuses recherches montrent
constituent pour l’ingénierie des systèmes que la gestion des situations décisionnelles
d’information. gagne à s’appuyer sur des informations
possédées par des acteurs provenant de dif-
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Ainsi, la discussion autour des résultats férents horizons, organisations ou inter-or-


puisés dans les études sur les Mutuelles, ganisationnels (Brown et Duguid, 1991 ;
l’IHEDN et donc le CIVP, invite à revisiter les Earl, 2001 ; Hargadon, 2002 ; Le Masson
débats autour des difficultés ingénieriques, et al., 2006). En particulier, cela peut être
c’est-à-dire des difficultés pour définir des pertinent pour appréhender des situations
méthodes de conception et/ou de gestion décisionnelles complexes (March et Simon,
des SI que l’on peut rencontrer dans le fonc- 1993). Pourtant, en fonction des rythmes
tionnement des communautés d’échanges différenciés et des agendas des acteurs,
et de partage de l’information (Amabile et des frontières existant à l’intérieur ou entre
al., 2012 ; Clergeau et Rowe, 2005 ; Lesca les organisations, les échanges ne sont pas
et Caron-Fasan, 2008 ; Loza et al., 2015). En toujours aisés. Les informations migrent
particulier, nos observations sur le dévelop- alors difficilement d’une personne à l’autre,
pement d’une interface collaborative et la d’un service à l’autre, d’une organisation
co-construction d’une arène de délibération à l’autre, etc. Ainsi, dans le cas de la coo-
mènent à deux points de discussion liés. pération des mutuelles, des membres de
D’une part, la mise en œuvre des prin- l’IHEDN et de la communauté reconsti-
cipes de conception 2, 3, 4 et 7 permet tuée par les adhérentes du CIVP, la mise en
d’envisager des éléments de réponse aux œuvre des principes 2, 3, 4 et 7 permet aux
problèmes rencontrées pour le maintien informations de circuler et aux capacités de
dans le temps de la qualité des échanges compréhension des acteurs de se confron-
d’informations dans les communautés ou ter. En cela, ils favorisent les processus de
durant l’exploitation des systèmes de veille partage de connaissance et d’identification
stratégique. En effet, ces principes facilitent de ressources complémentaires (Fjeldstad
la mise à disposition dans « l’arène » et et al., 2012) et, par là même, les processus
l’usage des connaissances des acteurs en collectifs de construction de sens (Dibiaggio
générant une dynamique collective d’inte- et Ferrary, 2003 ; Jarvenpaa et Staples,
ractions. En cela, ils stimulent les capacités 2001 ; Stacey, 1995). Ils peuvent donc être
d’un groupe à décloisonner, à créer des tenus pour des dispositifs organisationnels
interdépendances, des interactions entre essentiels dans la perspective d’une gestion

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Management des biens communs de la connaissance

durable des ressources informationnelles rejoignons les conclusions dégagées du


d’un collectif auto-organisé. cas du CIVP dans sa configuration initiale
pour lequel les acteurs ont également peu
Un dernier élément de discussion peut
de possibilités pour peser sur la gestion de
être inféré du codage du cas n°2 (CLIC).
l’information. Cela montre que lorsqu’un
Si les éléments qui facilitent les interac-
des acteurs de la communauté ou de la coo-
tions entre les membres et la possibilité
pération, voire le coordinateur lui-même,
de produire collectivement de nouvelles
exerce un contrôle peu délibératif et interac-
connaissances sont présents, la capacité
tif sur la ressource, il nuit à l’usage de cette
réduite d’auto-organisation des acteurs
dernière comme à dynamique entretenue
diminue l’élaboration et la richesse des
au sein de la communauté.
interprétations collectives. Ceux-ci sont en
effet soumises à un contrôle institutionnel
externe qui ne permet pas de résoudre les
CONCLUSION

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problèmes initiaux de manque de transpa-
rence des informations mutualisées et ren-
Le cadre conceptuel proposé par les tra-
force même les jeux d’acteurs en politisant
vaux d’Hess et Ostrom (2003, 2007) offre
les délibérations (voir figure 3).
de nouvelles perspectives à la compréhen-
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Ainsi, en ce qui concerne le manque sion des mécanismes de gouvernance de


de pertinence des informations, nous l’information par des acteurs qui coopèrent

Figure 3 : Modèle issu du codage NVivo de l’étude de cas du CLIC

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

à la gestion d’une ressource commune. pour des suggestions adressées à des mana-
Notre étude a permis de rendre compte gers devant mettre en œuvre des dispositifs
que lorsque l’institution d’action collective de veille stratégique et, possiblement, être
qui gère la ressource est accessible à tous intégrés dans l’ingénierie de tels processus
les acteurs de la communauté, ceux-ci sont dès leurs phases les plus en amont.
en mesure de « déterminer les modalités
de navigation cognitive inventives dans
un univers informationnel riche, mémo- RÉFÉRENCES
risé et se mémorisant » (Le Moigne, 1995).
Concrètement, cela signifie que l’interven- Amabile, S. (1997), Contribution à l’ingénierie
de l’organisation : de la veille stratégique à
tion sur les ressources partagées comme
l’attention organisationnelle. Illustration : le
sur “l’architecture cognitive” (Cohendet réseau d’attention des mutuelles niortaises,
et al., 2003) des interfaces collaboratives Thèse de Doctorat, Aix-Marseille Université.

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déployées par les acteurs accroît sensible-
Amabile, S. (1999), « De la veille stratégique à
ment la capacité de ces derniers à travailler une attention réticulée. Le réseau d’attention
ensemble. L’apport important des travaux inter-organisationnel des mutuelles d’assu-
d’Hess et Ostrom pour la littérature en SI rance automobile », Système d’Information
est de montrer que cette incitation à coo-
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acteurs entre eux. Exprimé autrement, l’au- « Capacité d’absorption des informations et
to-organisation est stimulée par l’interaction pratiques de veille stratégique dans les PME :
entre l’acteur et l’interface, c’est-à-dire le une étude sur des domaines vitivinicoles
système d’information. provençaux », Systèmes d’Information et Ma-
nagement, Vol. 17, n°3, p. 111-142.
Nous avons également montré que, même
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acteurs cherchent, par eux-mêmes et en
se ré-auto-organisant, à recréer des condi- Baland, J-M. and Platteau, J-P. (1996), Halting
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présentés dans cet article prolongent les
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recommandations proposées par différentes
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