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Systèmes d'information et résilience des chaînes logistiques globales

Article  in  Systèmes d'Information et Management · January 2013


DOI: 10.3917/sim.131.0057

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2 authors:

Karine Evrard Samuel Salomée Ruel


Université Grenoble Alpes Kedge Business School
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SYSTÈMES D'INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES
LOGISTIQUES GLOBALES
Karine Evrard Samuel, Salomée Ruel

ESKA | « Systèmes d'information & management »

2013/1 Volume 18 | pages 57 à 85


ISSN 1260-4984
ISBN 9782747220484

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Pour citer cet article :


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Karine Evrard Samuel, Salomée Ruel« Systèmes d'information et résilience des
chaînes logistiques globales », Systèmes d'information & management 2013/1
(Volume 18), p. 57-85.
DOI 10.3917/sim.131.0057
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ARTICLE DE RECHERCHE

Systèmes d’information et résilience


des chaînes logistiques globales

Karine EVRARD SAMUEL* & Salomée RUEL**


* Univ. Grenoble Alpes, CERAG, F-38040 Grenoble cedex
** Univ. Grenoble Alpes, CERAG & Groupe Sup de Co La Rochelle

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RÉSUMÉ

Désormais partie intégrante de l’environnement des entreprises, les perturbations de tout


ordre s’étendent à l’échelle de la planète, combinées à une compétition globale renforcée
par la croissance soutenue des pays émergents. Dans un contexte de crise permanente dont
les causes peuvent être multiples, les entreprises doivent trouver des solutions pour s’adapter
et maintenir un niveau de performance à la hauteur des attentes de leurs nombreuses par-
ties prenantes. Cet article analyse la contribution des systèmes d’information à la résilience
des chaînes logistiques globales, c’est-à-dire leur capacité à garder un niveau d’efficience
constant quels que soient les évènements auxquels elles sont soumises, rares ou inhabituels.
L’évolution des technologies de l’information, couplée à la mutation des organisations vers
des systèmes agiles basés sur l’externalisation de leurs activités industrielles et logistiques,
est remise en perspective dans un contexte où les incertitudes multiplient les risques de rup-
tures et de défaillances. A partir de deux études de cas réalisées dans le même contexte,
deux types de réponse aux crises sont identifiés : une réponse à court terme qui traduit une
résilience passive qui repose sur la dégradation des systèmes et la prise de décision dans
l’urgence ; une résilience active qui permet un ajustement dynamique de l’organisation
grâce à une gestion des crises par l’apprentissage inter-organisationnel. L’article montre
enfin l’intérêt des plateformes informationnelles qui analysent les modifications des para-
mètres stratégiques relatifs à chaque acteur de la supply chain, et leur permettent un ajus-
tement dynamique par un accès et une transmission en temps réel des informations utiles.
Mots-clés : Résilience, Systèmes d’information, Gestion de crise, Supply chain.

N° 1 – Vol. 18 – 2013 57
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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

ABSTRACT

The business environment is now and will continue to be impacted by disturbances of


international scope. In the future, this situation will be reinforced by global competition
driven by growth in emerging economies. In a context of permanent crisis with multiple
causes, companies need to find ways to adapt and yet maintain their level of performance,
living up to the expectations of their numerous stakeholders. This article analyses how in-
formation systems can adapt in times of crisis to enhance supply chain resilience, or oth-
erwise stated, it explores how supply chains maintain a constant level of performance de-
spite rare or unexpected events. Information technology evolution is currently taking place
in an environment of agile industrial activities and logistics systems that are increasingly
outsourced. This situation is further complicated by a context where uncertainty multiplies
risk of shortages or serious disruptions. Using two case studies conducted in the same con-
text, we identify two types of response to crisis: one short term based on progressive infor-

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mation system degradation and crisis decision making, the other consisting of crisis man-
agement by learning that allows for dynamic adjustment of the organization. This article
develops the notion of an information platform which by supporting the main supply chain
processes also permits analysis of modification of strategic parameters affecting each actor,
thus allowing them, and the system as a whole, to dynamically adjust to the situation via
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access to and transmission of real time information.


Keywords: Resilience, Information Systems, Crisis Management, Supply Chain.

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

INTRODUCTION composants, production/assemblage,


logistique ou distribution) (Cooper, et
La succession de crises de tout ordre al., 1997). Mentzer et al. en 2001 défi-
(financière, économique, sociale, poli- nissent la chaîne logistique comme
tique, etc.) auxquelles le monde occi- « un groupe d’au moins trois entités di-
dental doit faire face se combine à un rectement impliquées dans les flux
environnement hautement compétitif amont et aval de produits, services, fi-
sous la pression de la concurrence des nances et/ou information, qui vont
pays émergents, qui cumulent armée d’une source jusqu’à un client. » Ces
industrielle de réserve de travailleurs à nouvelles organisations complexes
bas coûts et progression exponentielle supposent un pilotage des flux qui
de leurs capacités technologiques. passe nécessairement par la mise en
Lorsque les profits s’amenuisent et que œuvre de systèmes d’information (SI) :

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les coûts ne cessent d’augmenter, les des ERP aux systèmes de planification
organisations doivent, dans un contex- et d’exécution, les SI permettent une
te turbulent, sans cesse imaginer de anticipation et un suivi des opérations
nouvelles solutions pour s’adapter aux et des flux sur les plans stratégique,
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évolutions de leurs marchés et prendre tactique et opérationnel.


les bonnes décisions pour maintenir
leurs marges et dans les cas extrêmes, Selon certains auteurs, les supply
assurer leur survie. Les évolutions in- chains subissent aujourd’hui des crises
dustrielles majeures que les entreprises variées, multiples et de plus en plus
connaissent depuis une trentaine d’an- nombreuses, et leur gestion demande
nées ont déplacé à l’échelle mondiale un éclairage sur les modes de fonc-
les activités de production générant tionnement dans ces contextes très
des interdépendances toujours plus particuliers (Vakharia & Yenipazarli,
nombreuses, plus complexes et plus 2008). Les recherches disponibles se
fortes qui augmentent considérable- concentrent autour des méthodes
ment la vulnérabilité des organisations, mises en œuvre pour gérer la crise
c’est-à-dire leur exposition à des rup- (Natarajarathinam et al., 2009) mais le
tures ou des dysfonctionnements ma- rôle des systèmes d’information dans
jeurs (Peck, 2005). Dans une logique la gestion des ruptures de flux a peu
d’entreprise élargie au sein de laquelle été abordé alors que l’on connaît
les diverses fonctions sont confiées à l’étroit couplage entre flux physiques
un ensemble d’entités qui maîtrisent et flux informationnels dans les supply
ensemble la totalité du processus glo- chains (Fabbe-Costes, 2005). La capaci-
bal, ce risque de rupture doit être té d’une supply chain à rétablir ces
abordé au niveau de l’ensemble des flux après une rupture majeure appelle
acteurs de la supply chain. La notion la notion de résilience, définie comme
de chaîne logistique, ou supply chain, la capacité à maintenir un niveau de
entrée dans les sciences de gestion au performance et à retrouver un état de
début des années quatre-vingt-dix, im- stabilité quels que soient les évène-
plique la « fédération » de ces entités à ments ou perturbations auxquels les
qui on confie une responsabilité parti- supply chains peuvent être confron-
culière (fourniture de matière ou de tées (Christopher & Peck, 2004; Holl-

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

nagel, 2006; Sheffi, 2005). L’objectif de pliés ces dernières années, mettant
cette contribution est de comprendre et l’économie mondiale à rude épreuve
d’analyser comment les systèmes d’in- du fait de la globalisation de la pro-
formation peuvent contribuer à la rési- duction et de l’optimisation des supply
lience des supply chains en proposant chains qui ont exacerbé la rapidité et
une architecture de systèmes qui agrandi les périmètres de contagion
contribue à l’efficience de la chaîne en des évènements (Lee & Preston, 2012).
intégrant l’ensemble des acteurs. Les situations de gestion déclenchées
par ces phénomènes imprévisibles et
Dans une première partie, le concept
générateurs d’incertitude ont diffé-
de crise sera précisé et mis en perspec-
rentes conséquences sur les organisa-
tive avec le concept de situation extrê-
me. Nous analyserons par la suite les tions qui provoquent des modes de
conséquences des crises sur les flux décision dont les contours méritent

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physiques et sur les flux information- d’être précisés (I.1.), avant d’aborder
nels. La seconde partie introduira les plus spécifiquement le contexte du
notions de vulnérabilité et de résilien- management de crise (I.2.).
ce appliquées au Supply Chain Mana-
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gement (SCM) et nous permettra de I.1. Situation de gestion,


montrer en quoi les situations ex- situations extrêmes, crises :
trêmes qu’engendrent les crises pla- connexions et contradictions
cent les systèmes d’information sous
tension. Enfin, à partir de deux études Le concept de situation de gestion a
de cas longitudinales, nous explique- été décrit et théorisé pour la première
rons le rôle des systèmes d’information fois par les travaux de J. Girin en 1990.
dans la gestion des crises et nous ana- L’activité de management s’analyse sur
lyserons leur contribution à la résilien- la base de trois composantes clés : les
ce des chaînes logistiques globales. acteurs, l’espace et le temps (Journé &
Raulet-Croset, 2008). Nous nous inté-
ressons dans cet article à des situations
I. SUPPLY CHAIN particulières de gestion dans lesquelles
MANAGEMENT l’incertitude et l’imprévu dominent, qui
ET MANAGEMENT DE CRISE impliquent donc des prises de décision
rapides et non planifiées. Ces situa-
La capacité à mettre en œuvre un tions génèrent des pratiques de coordi-
management de crise est devenue une nation qui se doivent d’aboutir à une
ressource critique depuis que les orga- performance nécessairement collecti-
nisations évoluent dans un environne- ve, et façonnent l’organisation de ma-
ment global (Pearson & Clair, 1998). nière à ce qu’elle puisse répondre ra-
Un rapport récemment publié par le pidement et justement à tous les
cercle de réflexion britannique Cha- problèmes rencontrés. Ce type d’orga-
tham House montre par ailleurs que nisation, qui vise l’optimisation de la
les évènements de type Impact coordination intra-organisationnelle
Elevé/Faible Probabilité (ou High Im- par des mécanismes spécifiques, est
pact/Probability events) se sont multi- qualifiée de « fast-response organiza-

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

tion » (Faraj & Xiao, 2006; Grabowski & des changements brutaux pour les or-
Roberts, 1999). De nombreuses études ganisations (Borodzicz, 2005). Comme
ont montré que des tensions entre ac- le souligne Forgues (1996), la crise est
teurs pouvaient résulter d’un environ- l’univers de la démesure, elle entraîne
nement incertain, volatil et générant une perte du système de référence,
des changements rapides, dynamiques d’où de grandes difficultés à gérer les
et discontinus. Les travaux fondateurs perturbations qu’elle provoque. Les
de K. Weick (1990, 1993) sur ce thème changements occasionnés par une
ont notamment établi que le caractère crise dépassent généralement les déci-
extrême d’un environnement génère deurs qui se retrouvent en situation de
des situations d’interaction entre ac- décision dans l’urgence, voire en situa-
teurs qui permettent de co-construire tion de non-décision (Lagadec, 1993).
les décisions et les modes de réponse. Les crises rassemblent trois conditions

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Dans la lignée de ces travaux, certains qui les distinguent des situations ex-
auteurs ont focalisé leur raisonnement trêmes. D’une part, elles génèrent des
sur le concept de situation extrême de situations ambiguës dans lesquelles les
gestion, défini comme une « situation causes et les effets sont inconnus et
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de gestion évolutive, incertaine et ris- qui impliquent de nombreuses parties


quée » (Lièvre & Gauthier, 2009). Un prenantes (Dutton, 1986 ; Quarantelli,
cahier spécial paru dans la revue Ma- 1998). D’autre part, les crises ont des
nagement et Avenir en 2011 recense et conséquences multiples : spatiales,
approfondit le phénomène de coordi- temporelles, comportementales, orga-
nation en situation extrême en présen- nisationnelles, stratégiques (Mitroff et
tant des contributions qui permettent à al., 1988). Enfin, les crises perturbent
la fois de mieux comprendre les pra- les référentiels existants en amenant
tiques des acteurs et d’appréhender les des dilemmes dans les prises de déci-
mécanismes de coordination de ma- sion qui peuvent avoir des impacts sur
nière plus générale. Les différentes le futur soit en positif, soit en négatif
études de cas présentent des situations (Aguilera, 1990 ; Slaikeu, 1990). Les
dans lesquelles les acteurs doivent agir nombreux auteurs qui ont contribué à
collectivement afin de faire face aux développer le domaine du manage-
évènements soit en anticipation (cas ment des crises s’accordent pour défi-
de l’expédition polaire), soit en temps nir trois grandes phases du manage-
ment de crise. La première est une
réel (cas de l’équipe de voltige de l’ar-
phase d’anticipation et de prévention
mée de l’air, cas de la régate). Cet ap-
des risques (Fink, 2007; Mitroff & Gus,
profondissement des situations ex-
2000). La seconde phase est postérieu-
trêmes nous permet de mettre en
re à l’évènement qui déclenche la crise
perspective ce concept avec celui de
et consiste à s’organiser pour faire face
crise qui sera utilisé dans la suite de
à la crise (Barton, 1993). Enfin, la der-
cet article.
nière est une phase de reconstruction,
Une crise est généralement définie qui consiste à apprendre des situations
comme une situation instable, voire vécues et à améliorer la capacité de
dangereuse, ayant des aspects sociaux, l’organisation à anticiper ou à ré-
politiques, économiques, et générant pondre à d’autres évènements futurs

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

(Mitroff, 2005; Ulmer et al., 2006). Ces publiés sur ce thème sont postérieurs à
deux phases de réponse à la crise et 2009. Quelques travaux précurseurs
d’apprentissage post-crise constituent ont néanmoins montré l’impact des si-
la phase de gestion de la crise (Evrard tuations de crise sur les démarches lo-
Samuel, 2003). Si l’ensemble de ces gistiques dans les entreprises (Fabbe
phases se retrouve dans la gestion des Costes & Lièvre, 2002). En particulier,
situations extrêmes (Bouty et al., la logistique en milieux extrêmes inter-
2012), c’est l’impact et l’ampleur des roge sur la nature complexe des orga-
changements sur les acteurs et les or- nisations logistiques et de leur pilotage
ganisations qui semblent permettre de qui intègre processus physiques et in-
les distinguer. En effet, une crise va formationnels, interdépendance entre
être différente d’une situation extrême les acteurs et recomposition perma-
dans la mesure où la nature et les nente des réseaux (Colin, 2001). La

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conséquences de l’événement seront question des désordres susceptibles de
plus étendues, de même que le déséquilibrer l’ensemble amène des ré-
nombre d’acteurs impliqués sera plus flexions sur la nature des formes orga-
important. Par ailleurs, la manière de nisationnelles à développer pour obte-
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gérer l’événement peut également pro- nir des réseaux capables de s’adapter
voquer des changements dans l’organi- aux nombreuses incertitudes qui carac-
sation comme le montrent les travaux térisent leur environnement (Wallace &
de Aubry et al. (2010) en identifiant les Choi, 2011). Natarajarathinam et al.
forces externes et internes qui condui- (2009) proposent une revue de la litté-
sent les PME à évoluer dans leurs rature qui fait la synthèse des pratiques
structures et leurs pratiques managé- actuelles en matière de management
riales. Ainsi, les impacts d’une crise in- des supply chains en période de crise.
cluent à la fois la portée des impacts Leur recherche s’inscrit dans la lignée
d’une situation extrême, mais aussi des travaux d’Altay et Green (2006) qui
d’autres impacts plus étendus et plus analysent l’utilisation de modèles ma-
thématiques dans la gestion des crises,
critiques pour le fonctionnement des
et ceux de Paulsson (2004) dont les
supply chains.
travaux s’orientent davantage sur la
gestion des risques dans les supply
I.2. Prévention des risques chains ou Supply Chain Risk Manage-
et management des crises ment (SCRM). Ces recherches ont été
dans les chaînes logistiques complétées par les travaux de Huang
et Hong (2009) qui montrent l’impor-
Les travaux académiques mettant en tance de la coordination dans le
relation les problématiques de crise contexte particulier des PME qui doi-
avec les enjeux liés au management vent faire face à une crise. Ces auteurs
des chaînes logistiques globales sont proposent également un ensemble de
récents. Une recherche complète sur solutions et de suggestions pour amé-
un ensemble de bases de données liorer les processus de gestion de crise
(EBSCO, ScienceDirect, Business Pre- dans un contexte d’entreprise étendue.
mier, Emerald, Blackwell, google scho- La synthèse des travaux réalisés sur ce
lar) montre que l’essentiel des articles thème montre que la plupart des re-

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cherches se concentrent sur des crises l’amplification de la variabilité de la


causées par des sources externes et demande a généré une déformation de
que les crises dont les origines sont in- l’information empêchant les entre-
ternes relèvent plutôt de la littérature prises de prévoir correctement la de-
qui se concentre sur la gestion des mande et entraînant des coûts impor-
risques dans les supply chains (Natara- tants (augmentation du niveau de
jarathinam et al., 2009). Les recherches stock, baisse du niveau de service,
sur ce thème montrent que les supply augmentation des heures supplémen-
chains globales sont particulièrement taires, etc.). Pour illustrer ce point,
exposées aux crises économiques nous pouvons citer l’exemple d’une
conjoncturelles. En particulier, les entreprise évoluant dans le secteur de
risques liés à l’approvisionnement et à la distribution électrique ayant atteint
la demande ont fait l’objet de nom- des délais d’approvisionnement re-

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breux développements (Van der Vorst cords sur des composants électro-
& Beulens, 2002; Wilding, 1998). Ces niques suite à la réduction brutale de
risques génèrent une incertitude forte la production et des stocks de l’en-
pour les supply chains et constituent semble de ses fournisseurs en 2009. À
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une des difficultés majeures que les 12 semaines d’approvisionnement, la


entreprises doivent résoudre, qu’elles situation était « normale », à 24 se-
soient de grande ou de petite taille maines, elle devenait extrême, à 56 se-
(Spalanzani & Evrard Samuel, 2007). maines, un management de crise était
Le risque est à l’origine d’une situation nécessaire car l’entreprise n’était plus
de gestion particulière lorsqu’il se en mesure de servir ses clients et cela
transforme en un événement suscep- provoquait une baisse inquiétante de
tible de générer des ruptures brutales son chiffre d’affaires.
et imprévues dans les flux physiques.
Par exemple, la défaillance ponctuelle Lorsqu’une crise a des répercussions
ou définitive de sous-traitants ou de sur plusieurs partenaires d’une chaîne
fournisseurs, ou la réduction des ni- logistique, les modes de réponse peu-
veaux de stock à une échelle globale vent varier d’une entreprise à l’autre et
suite à la crise financière de 2008 sont entraîner des dysfonctionnements
des évènements qui ont provoqué des aussi bien dans les flux physiques que
crises dans de nombreuses supply dans les flux informationnels. La pré-
chains. La reconfiguration de ces vention des crises dans une supply
chaînes a consisté à réduire le nombre chain passe donc d’abord par le déve-
de sous-traitants et de fournisseurs. loppement de plans consistant à antici-
Cela a mécaniquement amené les en- per les risques susceptibles d’affecter
treprises à augmenter la part de chiffre le bon fonctionnement de l’ensemble
d’affaires qu’elles représentaient chez et de générer une crise. Manuj et Ment-
certains partenaires, mais a déclenché zer (2008) proposent huit familles de
des situations de crise pour certaines risques qui sont susceptibles de dé-
en combinant la variabilité de la de- clencher des dynamiques de crise au
mande sur de nombreux marchés à sein d’une supply chain. Ce sont : les
une aggravation de l’effet Bullwhip risques liés à l’approvisionnement, les
(Lee et al., 1997). En d’autres termes, risques opérationnels, les risques liés à

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

la demande, les risques en lien avec la importante selon la taille de l’entrepri-


sécurité, les macro-risques, les risques se et sa capacité à faire face à la crise.
politiques, les risques liés aux concur- En revanche, les crises en lien avec les
rents, et les risques relatifs aux res- opérations de la supply chain auront
sources et à leur disponibilité. L’identi- des répercussions sur l’ensemble de la
fication des risques potentiels dans le chaîne, de même que les crises régio-
cadre d’un management formalisé des nales ou nationales ont des répercus-
risques est la première étape d’un ma- sions à une échelle temporelle et spa-
nagement de la crise appliqué au SCM tiale qui peuvent être plus
(Tang, 2006). Ces risques sont, selon conséquentes. Même s’il est impossible
les méthodes classiques d’analyse des de prévoir avec précision les évène-
modes de défaillance, classés en fonc- ments et a fortiori les crises qui sont
tion de leur criticité : gravité x fréquen- par nature imprévisibles, il s’agit donc

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ce x détectabilité (méthode AMDEC). pour les acteurs d’une supply chain
Les risques les plus critiques sont ceux d’anticiper puis de mobiliser les res-
dont les conséquences financières sur sources qui autoriseront, le moment
l’entreprise à très court terme peuvent venu, une action appropriée et efficace
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constituer les déclencheurs d’une si- vis-à-vis des situations extrêmes, et


tuation de crise. Une étude a d’ailleurs surtout un retour rapide à la « norma-
montré que sur plus de 500 incidents le », si tant est que cette situation exis-
de livraison ou de production annon- te. L’objet de la seconde partie aborde
cés dans le Wall Street Journal et le donc la notion de résilience des
Dow Jones News, ces incidents se sont chaînes logistiques afin de répondre
systématiquement traduits, le jour de aux enjeux d’une vulnérabilité crois-
l’annonce, par une chute brutale et du- sante, expliquée tant par les incerti-
rable de la rentabilité pour l’actionnai- tudes de l’environnement que par la
re (Singhal & Hendricks, 2002). complexité actuelle des organisations
et des architectures informationnelles.
Les origines d’une crise peuvent
donc être à la fois externes, en lien
avec l’environnement ou internes, en II. LA RÉSILIENCE
lien avec les opérations de la supply DES CHAINES LOGISTIQUES
chain. Leur étendue varie d’un niveau GLOBALES : ANCRAGE
local (dans le cas d’un aléa climatique)
THÉORIQUE ET RÉALITÉ
à un niveau national voire internatio-
nal (dans le cas d’une pandémie). Les II.1. La remise en cause
chercheurs ont des difficultés à classer des modèles de management
les évènements dans l’une ou l’autre classiques
des catégories tant les risques sont
nombreux et les crises multiformes Depuis deux décennies, l’accéléra-
(Natarajarathinam et al., 2009; Rao & tion des flux physiques par l’ouverture
Goldsby, 2009). Les crises en lien avec des marchés à l’échelle mondiale,
l’environnement de la supply chain combinée à une évolution rapide des
peuvent affecter l’ensemble des parte- modes de communication, ont imposé
naires mais de manière plus ou moins des logiques de réactivité basée sur la

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

vitesse de réponse et la nécessité d’in- aléas et aux fluctuations de la deman-


tégrer l’ensemble de la chaîne logis- de, les délais commerciaux s’étant
tique, concept né dans les écrits de considérablement réduits avec le rac-
Forrester (1958) et repris dans les an- courcissement du cycle de vie des pro-
nées quatre-vingt-dix par une commu- duits et l’augmentation du nombre de
nauté de chercheurs alors émergente références1. Ainsi, les chaînes logis-
(Christopher, 1992; Cooper & Ellram, tiques sont étroitement couplées aux
1993; La Londe & Masters, 1994; Lam- systèmes d’information dans leur fonc-
bert et al., 1998). Ces évolutions à la tionnement aussi bien interne aux en-
fois économiques et technologiques treprises qui les composent, qu’exter-
vont amener les entreprises dans des ne dans la mesure où les SI permettent
logiques d’optimisation de l’ensemble à ces entreprises de communiquer des
de leurs flux physiques et information- informations essentielles au bon fonc-

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nels qui leur permettent de produire tionnement de l’ensemble.
tout en étant plus agiles et adaptables Malgré ces avancées certaines sur le
afin de s’adapter à des marchés très plan des technologies de l’information,
concurrentiels, enchaînant les cam- la vulnérabilité des chaînes logistiques,
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pagnes promotionnelles afin de vendre c’est-à-dire leur sensibilité aux évène-


des produits de plus en plus divers et ments, s’accroît (Peck, 2006). Les
variés. Les stratégies d’externalisation, risques de rupture sont de plus en plus
de délocalisation de la production vers présents et leurs conséquences pro-
les pays émergents et l’amélioration bables sont graves car elles se répan-
continue des performances au travers dent en cascade dans les organisations
des techniques du lean management (Sheffi, 2005). Même si les entreprises
ont amené des réorganisations permet- peuvent cartographier les risques aux-
tant aux entreprises de pouvoir saisir quels elles sont soumises et définir des
de nouvelles opportunités de marché scénarios de réponse, il est difficile
et de tirer parti des avantages de la d’étendre ces scénarios à l’ensemble
sous-traitance. De nouveaux modes de des acteurs d’une supply chain et ainsi
management intégrant davantage les d’éviter la rupture du flux jusqu’au
partenaires extérieurs (fournisseurs– client. A la fin des années 2000, cette
clients–prestataires) ont également évolution incertaine de l’environne-
conduit à des modes de fonctionne- ment couplée à une grande volatilité
ment plus collaboratifs auxquels les des marchés a conduit les chercheurs à
entreprises ont dû (et doivent encore) mobiliser le concept de résilience afin
s’adapter. Le pilotage de cet ensemble d’aider les entreprises à prendre
se fait avec des systèmes informatiques conscience de la vulnérabilité de leur
complexes et interconnectés, pour per- supply chain et de trouver des solu-
mettre aux entreprises de réagir aux tions pour la réduire.

1
Selon ECR France, le nombre de références dans le secteur des biens de grande consommation aurait été
multiplié par 2,2 en 10 ans entre 1995 et 2005.

65
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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

II.2. Le concept de résilience environnement, agir de manière proac-


pour agir sur la vulnérabilité tive, tirer parti des expériences vécues
des chaînes logistiques et apprendre de ces expériences. La ré-
silience passive est davantage le résultat
La capacité à revenir à un état stable d’une réponse non-organisée aux évè-
après une perturbation, connue sous le nements et aux ruptures, qui suppose
terme de résilience, apparaît comme un que les membres de la supply chain ne
concept pertinent pour analyser la con- sont pas engagés dans la recherche
tinuité des flux après une rupture dans d’informations et la détection de si-
une chaîne logistique, quelle que soit gnaux faibles, mais qui permet une
sa nature (Pettit et al., 2010). Ce terme adaptation de la supply chain aux évè-
a déjà été mobilisé dans de nombreux nements imprévus de manière réactive,
domaines incluant l’écologie (Walker et par accommodations successives.

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al., 2002), la métallurgie (Callister,
2003), la psychologie individuelle ou Les questions posées par les cher-
organisationnelle (Barnett & Pratt, cheurs (IJPR, 2011) s’attachent à analy-
2000 ; Powley, 2009), en sciences pour ser les facteurs de vulnérabilité ou les
l’ingénieur (Hollnagel et al., 2006) et en capacités que les acteurs d’une chaîne
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management stratégique (Hamel & Vä- logistique doivent développer afin


likangas, 2003). En Supply Chain Man- d’augmenter leur résilience pour s’as-
agement, ce sont les travaux de Sheffi surer que la supply chain puisse résis-
en 2005 et de Christopher et Peck en ter à une crise ou une rupture majeure.
2004 qui ont ouvert la voie. Un numéro Peu d’études empiriques à grande
récent du International Journal of Pro- échelle existent, mais elles révèlent
duction Research a par ailleurs récem- cependant que les stratégies de
ment été consacré à la problématique résilience des entreprises et les modes
de résilience dans les PME (IJPR, 2011). de réponse semblent être bien dif-
La notion de résilience appliquée aux férents selon le type de situation ren-
supply chains apparaît ainsi partic- contrée et l’endroit dans la chaîne où
se positionne la rupture. Ces travaux
ulièrement pertinente pour analyser le
se concentrent davantage sur la rup-
potentiel d’adaptation des flux
ture des flux physiques qui est facile-
physiques et informationnels intercon-
ment observable et chiffrable et peu de
nectés et en permanence soumis à des
chercheurs ont cherché à comprendre
aléas. Nous utilisons la terminologie
en quoi les systèmes d’information,
proposée par Daft et Weick (1984)
pourtant très présents dans la gestion
pour distinguer deux modes de rési-
des supply chains, peuvent contribuer
lience : active et passive. La résilience
à leur capacité de résilience.
active correspond à une démarche dé-
libérée de la part des membres de la Un rapport récent piloté par le PIPA-
supply chain pour être attentifs à leur ME2 (2009) donne quelques éléments

2
Le Pôle Interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations Economiques (PIPAME) assume un
rôle de veille et d’anticipation auprès des décideurs – pouvoirs publics, grandes entreprises et réseaux de
PME –, auxquels il fournit un diagnostic, une expertise, des outils d’analyse et de compréhension des mu-
tations en cours et à venir, au sein des secteurs clés de l’économie.

66
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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

de compréhension sur l’évolution et tions de crise et génèrent des coûts


l’impact des technologies de l’informa- que les entreprises cherchent à tout
tion sur la logistique3. Les auteurs affir- prix à éliminer (Lavastre et al., 2012).
ment que la mise en œuvre d’une in- Par ailleurs, une autre étude montre
novation infologistique ne produit que les entreprises relèguent au se-
pleinement ses effets que si l’ensemble cond rang l’importance des systèmes
des acteurs de la chaine « s’alignent » et d’information dans le choix des four-
se dotent des mêmes outils. Ces pro- nisseurs et des sous-traitants (Ageron
blématiques d’interopérabilité entre & Spalanzani, 2010).
des systèmes présentant une grande
Dans une situation de crise, l’un des
diversité sont très importantes pour la
résilience des chaînes logistiques. En rôles du système d’information consis-
effet, elles mettent l’accent sur la né- te à pouvoir analyser rapidement et
collectivement ces informations et per-

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cessité de mettre en place des outils
qui s’intercalent entre le système d’ex- mettre une prise de décision au bon
ploitation et les applications pour per- moment (Pan et al., 2012). C’est préci-
mettre aux acteurs d’une même chaîne sément cette capacité décisionnelle qui
nous intéresse pour analyser la rési-
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de gérer les interfaces entre les diffé-


rents systèmes. Les entreprises utilisent lience des supply chains. Ce position-
aujourd’hui des architectures informa- nement s’inscrit dans une perspective
tionnelles, type Service Oriented Archi- de recherche récente dans le domaine
tecture (SOA), qui supportent les flux des systèmes d’information qui consi-
en temps réel et supposent donc une dère que les systèmes d’aide à la déci-
capacité de réaction rapide et agile sion (SAD) sont en mesure de favoriser
quelle que soit la situation (Cândido et l’émergence et la mise en œuvre de
al., 2009). Ces architectures reposent à pratiques de décision plus créatives.
la fois sur des solutions très intégrées Une étude récente s’est d’ailleurs pen-
(généralement centrées sur l’ERP) per- chée sur l’usage des SAD centrés ré-
mettant de donner une visibilité com- seaux dans une situation extrême (cas
plète sur l’ensemble de la chaîne, et de la Liaison 16) et montre qu’une
sont bien souvent complétées par des technologie de l’information peut favo-
outils simples, faciles à mettre en riser la créativité, celle-ci résultant à la
œuvre et capables de communiquer fois de la combinaison entre les carac-
plus facilement entre partenaires (fi- téristiques de flexibilité du système et
chiers Excel, bases Access, groupwares de l’intégration de ce système dans un
et portails web). Cependant, même si processus organisationnel (Godé et al.,
la plupart des entreprises sont équi- 2012). Dans la mesure où les technolo-
pées de ces outils performants, on gies EDI et RFID favorisent l’intégra-
constate que les problèmes de stock, tion des flux informationnels de ma-
de délais, de ruptures… demeurent nière automatisée permettant ainsi un
présents, sont amplifiés dans les situa- accès rapide aux informations en

3
L’infologistique est l’ensemble des outils et solutions technologiques qui permettent le pilotage informa-
tionnel des marchandises tout au long de la chaîne logistique.

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

mode descendant ou ascendant, nous Les deux cas d’entreprises sont repré-
cherchons à montrer en quoi les SI qui sentatifs d’une situation post-crise car
les utilisent permettent aux supply les entreprises ont connu de graves
chains d’être résilientes en cas d’évé- difficultés financières suite à l’effon-
nement imprévu susceptible de dé- drement de leurs marchés à l’automne
clencher une rupture des flux phy- 2008 qui les a amenées à revoir leur
siques et/ou informationnels. Deux stratégie dans les années qui ont suivi.
études de cas longitudinales vont nous L’étude de ces cas nous permet donc
permettre de donner quelques élé- d’ancrer empiriquement la proposition
ments de réponse à cette interrogation. théorique. Nous avons pu étudier ces
entreprises de manière longitudinale
compte tenu des relations de longue
III. MÉTHODOLOGIE date que nous entretenons avec plu-

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ET ÉTUDES DE CAS sieurs acteurs de leurs départements
supply chain que nous rencontrons ré-
III.1. Méthodologie gulièrement dans différents contextes.
Dans l’un des cas, la recherche peut
L’objectif de la recherche étant d’ana-
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être qualifiée de recherche observation


lyser comment les systèmes d’informa-
dans la mesure où l’un des auteurs a
tion contribuent à la résilience des
travaillé à plein temps dans l’entreprise
supply chains dans les situations de
pendant la période de référence, d’oc-
crise, une démarche méthodologique
tobre 2008 à septembre 2009. Les sec-
ancrée sur des études de cas paraît
teurs choisis ont été particulièrement
bien adaptée. En effet, cette question
sensibles au ralentissement écono-
de recherche étant exploratoire, les cas
mique en 2009 et les deux entreprises
vont permettre d’analyser rétrospecti-
ont une position de leader dans leur
vement le processus de réponse des
secteur. Leurs processus supply chain
supply chains à des turbulences géné-
peuvent être qualifiés de matures au
rant des ruptures majeures dans les
sens où des pratiques collaboratives
flux entre acteurs (Yin, 2003). En ce
avancées sont développées sur des
sens, ils permettent d’utiliser a poste-
processus clés, les relations avec les
riori des dispositifs d’observation et de
partenaires amont et aval sont relayées
compréhension qui ont permis de sai-
par des connections entre les systèmes
sir des situations imprévues en temps
d’information et l‘évaluation de la per-
réel (Journé, 2005). Nous avons fait le
formance supply chain est systéma-
choix d’analyser la réaction de deux
tique. Ce sont des organisations multi-
organisations dans une situation simi-
firmes avec des équipes, des objectifs
laire, à savoir la crise financière de
et des processus communs définis par
2008 et ses conséquences sur les sup-
l’entreprise pivot, objet de l’étude.
ply chains en 2009. Ces deux
exemples viennent compléter l’état ac- Les données du premier cas reposent
tuel des connaissances dans la mesure en partie sur six entretiens semi-direc-
où les typologies des risques et des tifs realises aupres de la directrice sup-
crises recensées dans la littérature ne ply chain et des directeurs logistique et
reprennent pas ce type d’évènement. marketing au printemps 2009. Les en-

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

tretiens ont ete menes en face-a-face, identifiés puis mis en lien avec les
enregistres et retranscrits en intégralité données du premier cas.
par le premier auteur. Ces données ont
été complétées par des articles de
presse issus de la presse quotidienne III.2. Le cas Caterpillar Inc.
(Le Monde, Les Echos, La Tribune) col- La société américaine Caterpillar dé-
lectés au cours de l’année 2009, et par veloppe et vend des engins de chan-
des documents internes fournis par les tier et d’extraction minière, des mo-
personnes rencontrées. Par ailleurs, teurs industriels, des turbines à gaz et
une dizaine d’entretiens informels ont différents services associés à ces pro-
été menés avec trois approvisionneurs duits. Pendant une dizaine d’années,
de l’entreprise qui ont suivi une forma- de la fin des années quatre-vingt dix à
tion en Supply Chain Management 2008, l’entreprise a connu une crois-

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pendant la période allant d’octobre sance régulière et forte qui lui confé-
2008 à septembre 2009. rait une certaine pérennité. En octobre
Le second cas utilise principalement 2008, la crise qui a atteint l’ensemble
des données issues d’observations et des marchés financiers a déclenché un
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d’entretiens informels avec les salariés ralentissement brutal des investisse-


du service supply chain, en particulier ments qui s’est traduit pour l’entreprise
les responsables approvisionnement et par une chute de son chiffre d’affaires
planification. Suite aux discussions in- de 40% en quelques semaines. Pour le
formelles, une prise de notes sur un site français, la crise a été inédite et
cahier dédié à la recherche a été réali- d’une gravité extrême. 733 licencie-
sée. ments ont été annoncés en février 2009
et ont déclenché une grève générale
Dans les deux cas, les interviews ont
de plusieurs semaines dans les deux
été menées avec des personnes dont
usines de Caterpillar France. Cette si-
les tâches quotidiennes ont été forte-
tuation a fortement mis à mal le senti-
ment modifiées sous l’impact de la
ment d’appartenance des salariés à
crise. Compte tenu de la nature infor-
l’entreprise car la culture du site était
melle de nombreux contacts, seuls les
caractérisée par des valeurs de solida-
entretiens formels (enregistrés) peu-
rité et de dévouement. La crise sociale
vent être précisés en terme de durée.
s’est soldée par un échec des négocia-
Dans le but de comparer les deux cas,
tions et des licenciements effectifs en
nous avons concentré notre collecte de
mai 2009. Sur le plan des opérations et
données sur la même période et les
de la supply chain, la chute des ventes
fonctions des personnes rencontrées
a fortement bouleversé l’organisation
sont équivalentes (voir tableau 1).
des flux et a plongé l’entreprise dans
L’analyse détaillée des données a été une récession durable qui a remis en
effectuée par le second auteur. Dans cause l’ensemble des projets qui
les récits des répondants, des expres- étaient lancés ou en cours de lance-
sions ou des phrases relatives aux ment en 2008 : changement du systè-
concepts clés contenus dans la littéra- me d’information pour un ERP plus
ture présentée précédemment ont été performant, introduction de nouveaux

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

Nombre Durée
Fonction des personnes d’interviews/ Utilisation
des
interrogées entretiens des données
interviews
informels

Cas 1 Directrice supply chain 2 3h Analyse manuelle des


Directeur logistique 2 3h comptes-rendus d’en-
Directeur marketing (NPI) 2 3h tretiens
Approvisionneur 1 Plusieurs 1h par mois Echanges informels
Approvisionneur 2 Plusieurs 1h par mois sur les probléma-
Approvisionneur 3 Plusieurs 1h par mois tiques de crise dans
l’entreprise (grève)
Cas 2 Responsable Supply Chain Desk- Plusieurs Quotidien Les échanges infor-
top and Displays 1 mels ont permis
Responsable Supply Chain Desk- Plusieurs Quotidien d’être au cœur de la
top and Displays 2 crise vécue par l’en-
Responsable Supply Chain Laptop 1 45min treprise car l’auteur a

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Responsable Costing Displays dû résoudre au quoti-
Supply Chain Planner Display 1 1 30min dien les problèmes
Supply Chain Planner Display 2 Plusieurs Quotidien provoqués par la
New Product Introduction Engi- Plusieurs Quotidien brutale chute du
neer Displays Plusieurs Quotidien chiffre d’affaires et
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Responsable du « Long Term Fore- les erreurs de prévi-


cast » 1 1h30 sion
Responsable du « Business Opera-
tions Planning » 1 1h
Business Developper Desktpop
Program manager supply chain 1 45min
Responsable de la gamme Bundle 1 50min
(service marketing) Plusieurs Quotidien
Responsable service financier 1 30min
Nature des documents étudiés

Cas 1 Plannings des prévisions Mois (10) L’étude de ces docu-


Comptes rendus trimestriels Trimestres (3) ments a permis de
Comptes rendus de réunion 10 comprendre les diffé-
Extractions informatiques rents processus sup-
Fiches de processus ply chain et les rela-
tions entre les services
Cas 2 Plan financier Semestre (2) La consultation de
Business Operations Planning + Mois (12) l’ensemble de ces do-
comptes-rendus des réunions cuments a pour but
d’élaboration du planning la compréhension de
Long Term Forecast Semaine (52) l’imbrication des dif-
+ comptes rendus des réunions férentes prévisions et
d’élaboration du planning planifications via les
Planning opérationnel pour chaque Semaine (52) outils informatiques
type de produits + comptes rendus et les SI de l’entrepri-
des réunions associées se.
Comptes rendus trimestriels pour Trimestre (4)
chaque type de produits (comparai-
son entre le prévisionnel et le réel)
Fiches de processus d’élaboration Plusieurs
des différents plans documents
Extractions SAP R/3 (ERP) et SAP Semaine (52)
APO (APS)

Tableau 1 : Caractéristiques de la collecte de données

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

produits, réorganisation et investisse- Pour certains, ces difficultés ont


ments dans les chaînes de production. conduit à la mise en place de plans de
sauvetage consistant pour Caterpillar à
Si les systèmes d’information ne pou-
injecter des ressources financières
vaient pas anticiper la violence de
conséquentes (en millions d’euros)
cette crise, leur rôle est apparu de ma-
afin d’éviter la faillite de certains four-
nière plus évidente dans la phase de
nisseurs stratégiques.
gestion de la crise. La chute des ventes
s’est immédiatement traduite par une L’analyse de cette crise montre l’inca-
incohérence entre les données calcu- pacité des systèmes existants à s’adap-
lées par les systèmes de planification ter rapidement à une évolution brutale
(qui se basent sur les historiques de du marché. En particulier l’ERP et sur-
vente) et les données enregistrées dans tout les règles de gestion qu’il contient
les mois qui ont suivi. Ainsi, les prévi- sont à l’origine d’une inertie informa-

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sions transmises aux fournisseurs ont tionnelle et décisionnelle qui a forte-
dû être réajustées manuellement pour ment nuit aux prises de décision ra-
tenir compte de la réalité du marché. pides. Le manque de réactivité lié à la
Les périodes de commande ferme faible flexibilité du système d’informa-
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étant particulièrement courtes, cela a tion s’est traduit par un développe-


permis à l’entreprise de réduire rapide- ment parallèle d’outils qui ont cherché
ment les volumes approvisionnés en à pallier les insuffisances du système
modifiant ses commandes, mais cela a en place. En particulier, les solutions
profondément remis en question le développées par les services achat et
processus collaboratif qui avait été mis approvisionnement ont consisté à
en place afin d’améliorer les flux entre créer des outils annexes pour gérer la
Caterpillar et ses principaux fournis- crise, sous la forme de nombreux fi-
seurs. Ceux-ci ne comprenaient pas chiers Excel qui retraitaient les infor-
que leur client les « abandonne » bruta- mations données par l’ERP pour analy-
lement alors qu’il les encourageait, six ser mois par mois les fournisseurs
mois auparavant, à investir pour aug- critiques, afin de raccourcir les proces-
menter leurs capacités de production. sus décisionnels. Par ailleurs par effet
Ce point confirme que dans ce cas, la de solidarité, la crise a amélioré en in-
relation client-fournisseur combine terne les flux d’information entre le
concurrence et collaboration dans une service achat et le service approvision-
logique proche de la coopétition et ne nement dont les relations étaient tu-
relèvent pas d’une relation partenariale multueuses en période de croissance
pourtant décrite par les acteurs. De du fait d’objectifs divergents. La néces-
problèmes liés à des retards de livrai- sité de mettre à jour régulièrement les
son ou à des erreurs sur les com- informations en provenance du mar-
mandes, les préoccupations de l’entre- ché amont a rapproché les acteurs in-
prise ont basculé sur des questions ternes et a finalement permis de régler
liées à la pérennité des fournisseurs des problèmes organisationnels inso-
car certains d’entre eux ont dû faire lubles avant la crise. En opposition au
face à des difficultés financières les confort et à l’efficacité apportés par un
conduisant à l’arrêt de leur activité. système d’information sophistiqué mis

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

en place en période de stabilité ou de dans la chaîne et mettre en place des


croissance, se sont développés, en pé- actions correctives. C’est un outil d’op-
riode de crise, des systèmes plus lo- timisation de la planification sous
caux mais plus performants d’un point contraintes. L’ERP, utilisé notamment
de vue décisionnel. Ce n’est d’ailleurs pour la gestion des stocks et les don-
pas la partie transactionnelle de l’ERP nées financières, sert à fournir les don-
qui est mise en cause mais les proces- nées de type Master Data pour l’APS.
sus de décision « automatiques » qui Les fournisseurs ont un accès Internet
avaient été intégrés. L’entreprise s’est à l’ERP et l’APS, permettant ainsi un
réorganisée, en réintroduisant des pro- partage des données en temps réel et
cessus plus « manuels » nécessitant une meilleure visibilité de l’informa-
l’implication directe et la collaboration tion. Avec certains fournisseurs, l’en-
des acteurs internes pour générer la treprise a mis en place un outil colla-

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variété requise nécessaire à la résolu- boratif de type VMI (Vendor Managed
tion des problèmes nouveaux liés à la Inventory) : le fournisseur se doit de
crise. maintenir sur le centre de stockage eu-
ropéen un stock de sécurité de deux
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semaines, à calculer toutes les se-


III.3. Le cas Hewlett Packard maines en fonction des données de
Le géant mondial de l’informatique planification envoyées par HP. Si les
Hewlett Packard (HP) conçoit et vend ventes réalisées n’atteignent pas les ni-
des produits et des services informa- veaux planifiés et que le stock aug-
tiques. La fabrication des produits re- mente, au 46e jour de stockage, il de-
vient à des fournisseurs situés pour la vient la propriété d’HP (par un
plupart en Asie, et la logistique est transfert des coûts).
gérée par des prestataires externes. Dans le cas d’HP, la chute des mar-
Ces activités ont été transférées pro- chés financiers en octobre 2008
gressivement dans les années quatre- marque le début d’une longue période
vingt dix et ont provoqué une com- d’errements stratégiques dont l’entre-
plexification de la supply chain en prise n’est toujours pas sortie. En
augmentant le nombre d’acteurs à co- quelques mois, les ventes ont chuté
ordonner. HP a donc investi dans des brutalement pour les quatre princi-
systèmes d’information de type ERP et pales familles de produits et le cours
APS, mais aussi dans des plateformes de l’action en bourse est passé sous la
de partage de données sur Internet barre des 30 dollars US. Cette situation
(SharePoint). L’APS est utilisé pour a eu un impact direct sur la supply
gérer de manière optimale les flux de chain : bien que les prévisions an-
marchandises : en y associant capaci- nuelles de vente aient été revues à la
tés, demandes fermes et prévision- baisse, aucun scénario n’avait imaginé
nelles ainsi que les différentes une telle chute du chiffre d’affaires
contraintes logistiques de ses parte- (moins 30% entre octobre et novembre
naires, HP peut garantir ses dates de li- 2008). Les coupes dans les demandes
vraison aux clients, repérer plus rapi- prévues par les équipes commerciales
dement les goulots d’étranglement se sont multipliées et les stocks ont

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

fortement augmenté. Ces coupes se dement, ce qui ne s’est que partielle-


sont répercutées sur la planification ment vérifié.
des ventes des produits, planification
transmise aux fournisseurs et aux pres-
tataires logistiques, créant ainsi la
III.4. Analyse croisée des deux
confusion et le mécontentement de cas
fournisseurs qui réservaient en priorité Les cas Caterpillar et HP permettent
leur capacité de production à HP. Alors d’observer que la crise économique de
que l’entreprise avait investi massive- 2008 a provoqué des perturbations de
ment dans des systèmes d’information grande ampleur dans les processus
collaboratifs, elle a dû développer des supply chain et que les progiciels de
outils annexes à partir du tableur Excel planification des entreprises n’ont pas
et elle a renforcé l’utilisation de Share- permis de maîtriser la situation à court

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Point afin de donner des informations terme. Les deux organisations fonc-
plus justes à ses partenaires. Par tionnent avec une architecture similai-
ailleurs, l’implantation en mai 2008 re de systèmes d’information centrée
d’un APS non totalement maîtrisé par sur un ERP couplé à des outils de pla-
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les utilisateurs a fortement augmenté nification et d’exécution qui permet-


les incertitudes au niveau du planning tent de diffuser les informations aussi
car les données fournies par les algo- bien en amont vers les fournisseurs et
rithmes de l’APS n’étaient pas cohé- les sous-traitants qu’en aval vers les
rentes avec la réalité. La solution pour clients. Cependant, la chute brutale et
informer les fournisseurs a été d’en- imprévue des ventes a généré un dys-
voyer des plannings retouchés ma- fonctionnement majeur des processus
nuellement sur Excel et de multiplier de prévision qui a provoqué le déve-
les appels téléphoniques plusieurs fois loppement dans l’urgence de systèmes
par mois pour ajuster les volumes. décisionnels basés sur des outils plus
L’enjeu majeur pour HP était de garder simples et développés sur mesure, per-
sa crédibilité auprès de ses partenaires. mettant de mettre en œuvre une colla-
En parallèle, certains indicateurs de boration plus réactive avec les autres
performance du service supply chain acteurs de la supply chain. Dans les
sont progressivement passés au rouge. deux cas, les entreprises n’ont pas
La plupart de ces indicateurs étaient prouvé leur capacité de résilience car
calculés grâce à des données tirées di- elles n’ont pas réussi à restaurer rapi-
rectement des systèmes d’information, dement la situation d’avant-crise sur le
comme le taux de commandes en- plan du fonctionnement opérationnel
voyées par le fournisseur à la date pré- de leurs supply chains. Caterpillar a dû
vue, le taux de commandes reçues par faire face à la faillite de plusieurs four-
le client à la date prévue ou la fiabilité nisseurs et donc à des ruptures dans
des prévisions. Cependant, l’entreprise ses flux physiques ralentissant la réali-
a choisi de ne pas revoir à la baisse les sation des commandes. Hewlett Pac-
échelles de mesure des indicateurs kard a perdu la confiance de certains
clés, pensant que la crise ne durerait de ses sous-traitants en leur communi-
pas et que les ventes repartiraient rapi- quant des informations erronées sur

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

ses prévisions de vente car les sys- de simplifier l’offre en proposant cer-
tèmes de planification n’avaient pas tains produits aux deux marchés, ce
été mis à jour à une maille temporelle qui n’était pas le cas jusqu’alors car les
suffisamment courte. Ainsi, dans les deux supply chains étaient gérées de
deux cas, tout le travail d’optimisation manière distincte avec des produits et
des stocks par les systèmes d’informa- des gammes différents.
tion de planification a été réduit à
néant et a dû être repris avec de nou-
velles données. IV. RÉSULTATS ET DISCUSSION
HP a négocié au cas par cas avec ses Nous avons étudié deux cas d’entre-
sous-traitants pour ajuster les volumes prises soumises à une crise de même
de commandes à la baisse. Tous les nature, conduisant à une perturbation
plans de ventes ont dû être révisés ma-

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majeure de leurs flux physiques et in-
nuellement dans les systèmes ERP et
formationnels. Le résultat de nos ob-
APS au terme de ces négociations. Ces
servations montre une réponse aux
décisions à court terme ont été com-
crises appréhendée de deux manières
plétées dans le cas d’HP par une ré-
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selon le mode d’interprétation de l’en-


flexion de fond sur la configuration de
treprise vis-à-vis de son environne-
sa supply chain et ont entraîné des
ment : 1) une réponse à court terme
choix de réorganisation afin de per-
qui correspond à des mécanismes de
mettre à l’entreprise de mieux anticiper
résilience passive ; 2) une réflexion sy-
une situation extrême et imprévue. En
nonyme de résilience active sur la né-
particulier, la relocalisation de cer-
cessaire évolution des pratiques et des
taines activités de production en Euro-
systèmes, résultat d’un processus d’ap-
pe de l’Est a été accélérée. En deman-
prentissage inter-organisationnel qui
dant à certains fournisseurs asiatiques
permettra par la suite de mieux adap-
de venir s’implanter plus près des mar-
ter la supply chain dans ces situations
chés européens, HP a pu réduire la fe-
particulières.
nêtre de prévision de plusieurs se-
maines, ce qui lui a permis d’améliorer
sa réactivité grâce à la diminution des IV.1. Résilience passive :
temps de transport. En changeant l’or- une réponse à la crise
ganisation de sa production, l’entrepri- par un ajustement manuel
se a mis en œuvre une planification des systèmes d’information
plus juste et éliminé un certain nombre
de causes structurelles génératrices Gérer une crise en intégrant une
d’incertitude que le système d’informa- perspective globale de l’ensemble des
tion en place ne pouvait éliminer en flux physiques et informationnels d’un
temps de crise. Enfin, HP a également bout à l’autre d’une chaîne logistique
décidé de fusionner les deux services implique de prendre en considération
supply chain consacrés respectivement une inertie inter-organisationelle qui
aux marchés B2C et B2B afin de rédui- est naturellement amplifiée par la com-
re les coûts de structure (mutualisation plexité de la chaîne, générée par le
des compétences et licenciements) et nombre d’acteurs impliqués et le type

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

de relations qui relie ces acteurs. En gique entre les systèmes d’information
effet, la dualité des rapports client- et la stratégie d’entreprise (Jorfi et al.,
fournisseur oscillant entre conflit et co- 2011). Dans un environnement forte-
opération sous-tend un risque transac- ment volatil, l’absence de fiabilité des
tionnel latent lié à un manque de informations qui circulent entre four-
communication, et susceptible de dé- nisseur et client ne permet plus à la
stabiliser l’ensemble de la chaîne lors- supply chain d’être en phase avec les
qu’un évènement imprévu et critique objectifs stratégiques de chaque acteur,
pour la pérennité des opérations se et des ajustements des systèmes doi-
produit. Par ailleurs, les architectures vent être réalisés à la marge afin de ré-
informationnelles actuelles sont telle- tablir une connexion en fonction des
ment denses et complexes qu’elles évènements. La partie transactionnelle
contribuent à développer une certaine des ERP n’est pas remise en cause en

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rigidité dans les processus et dans les cas de crise car les systèmes conti-
systèmes de décision (Rettig, 2007). nuent à enregistrer les opérations nor-
Les deux cas étudiés font apparaître malement, c’est plutôt les processus de
que les systèmes d’information en décision automatiques qu’ils intègrent
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place (ERP associé à des outils de pla- qui montrent leurs limites. Dans le cas
nification et d’exécution) renforcent HP, cette situation est explicitée par le
cette inertie organisationnelle : s’ils Supply Chain Planner Display 2 : « Il
sont étroitement couplés aux activités faut reprendre tous les plannings ma-
opérationnelles de chaque entreprise, nuellement et challenger les informa-
ils ne sont en revanche pas suffisam- tions données par les commerciaux et
ment connectés en amont et en aval calculées par le SI car elles sont souvent
pour permettre une gestion globale de fausses ! Après, comment faire avec les
la situation. Ce manque de connectivi- fournisseurs quand je leur transmets
té des systèmes renvoie aux travaux nos plannings et qu’une semaine après
sur la flexibilité des technologies d’in- je reviens vers eux en leur disant que
formation, c’est-à-dire leur capacité à tout a changé ? On est en train de
répondre et à s’adapter à des condi- perdre notre crédibilité, ils ne nous
tions changeantes aussi bien à l’inté- croient plus… Je dois tout le temps les
rieur qu’à l’extérieur de l’organisation appeler et expliquer… ». Nous avons à
(Duncan, 1995 ; Ness, 2008). Dans les plusieurs reprises constaté que les ta-
supply chains que nous avons étu- bleaux de bord décisionnels qui sont
diées, les données sont centralisées alimentés avec des données du passé
par la firme pivot et cette centralisa- provoquent un effet « rétroviseur » qui
tion, couplée à une difficulté à échan- empêche l’adaptation rapide de l’en-
ger des informations pour planifier en semble de la supply chain en cas de
période de crise, réduit la visibilité crise. Dans une autre interview, un res-
dans la supply chain et détériore la ponsable du service financier nous a
performance des acteurs (fournisseurs expliqué que « les objectifs du plan fi-
et producteurs). Cette analyse confir- nancier à long terme ont été revus
me les recherches qui montrent que la après plusieurs mois de crise car les dé-
connectivité des TI est un facteur clé cisionnaires s’appuyaient sur des outils
de réussite pour l’alignement straté- reporting ne démontrant la réalité des

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

marchés qu’avec plusieurs semaines de composants et les matières premières à


décalage ». Au premier trimestre 2009, commander. Si le fournisseur ne peut
les commerciaux constataient quoti- pas livrer, le système n’est capable de
diennement que les informations qu’ils faire le travail à l’envers pour trouver
« remontaient » du marché n’étaient pas une solution au problème. En cas de
intégrées dans les systèmes et qu’on rupture d’approvisionnement impré-
leur imposait de continuer à suivre des vue, le système appliquera la règle de
objectifs devenus irréalistes car fixés sourcing habituelle et le client ne sera
plusieurs mois avant. Cet « aveugle- pas livré.
ment » vis-à-vis de la réalité commer-
Malgré la qualité et le degré de so-
ciale a fortement impacté les informa-
tions utilisées par les Supply Chain phistication des outils et des modèles
Planners et a déformé l’information sur statistiques qui sont utilisés pour éla-
borer les prévisions, c’est bien la capa-

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l’ensemble de la supply chain amont.
Cet effet peut être accru si le paramé- cité de l’ensemble des acteurs d’une
trage de l’ERP intègre des concepts et même chaîne à alimenter le système
des méthodes de calcul qui peuvent en informations diverses (remontée
client, variation de stock, référence-
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sembler obsolètes compte tenu du


contexte fortement incertain qui carac- ment/déréférencement, promotions)
térise de nombreux marchés. En parti- qui va permettre à l’ensemble de la
culier, la gestion de production, sou- supply chain de s’ajuster en cas de
vent bâtie autour du MRP2 avec des crise. Selon Ponomarov et Holcomb
calculs de besoins nets, de stocks de (2009), la résilience des supply chains
sécurité et de séries économiques (élé- repose sur trois processus principaux :
ments clés de la formule de Wilson), la préparation à des évènements im-
présuppose que la demande ne fluctue prévus ; la réponse à des ruptures ; la
pas trop rapidement dans le temps. capacité à reconstruire et à maintenir
Dans les ERP classiques, la saisonnalité la continuité des opérations. Ces trois
est gérée au niveau de la prévision et processus s’associent aux phases de
non au niveau de la série économique, management des crises définies dans
ce qui génère souvent des phéno- la littérature (voir partie I.1.). Les sys-
mènes de surstocks. Lorsqu’un événe- tèmes d’information peuvent être utili-
ment imprévu de grande ampleur sur- sés dans chacun de ces processus afin
vient, il ne sera pas pris en compte par d’améliorer la capacité de résilience
les systèmes de prévision qui fonction- des supply chains. Avant la crise, les
nent essentiellement à partir des histo- outils de veille peuvent permettre
riques de vente. De même, de nom- d’enregistrer un ensemble de signaux à
breux ERP ne peuvent pas gérer le caractère anticipatif que les managers
multi-sourcing, c’est-à-dire le fait pourront interpréter afin d’ajuster leur
d’avoir plusieurs fournisseurs pour un actions (Lesca et al., 2009). Dans la pé-
même flux de produit, car ils relèvent riode de gestion de la crise (réponse
d’une logique « top-down » qui suppo- aux ruptures), le pilotage logistique
se de descendre les nomenclatures à par les systèmes d’information est da-
partir d’un besoin de réapprovisionne- vantage de nature évènementielle,
ment de stocks, pour en déduire les c’est-à-dire qu’il doit permettre de si-

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

gnaler les évènements en temps réel à chain n’est pas satisfaisante dans la
l’ensemble des partenaires et de géné- mesure où il n’y a pas de remontée
rer des alertes en cas de dysfonction- d’information en temps réel et où les
nement anormal des flux. Le système acteurs n’ont aucune visibilité sur les
doit également autoriser les acteurs à évènements. Pour accroître la capacité
prendre des décisions rapidement et à de résilience de la supply chain, il est
aller vers l’avant en alliant l’intelligence nécessaire d’agir sur la capacité à re-
des données à la capacité d’analyse construire et à maintenir la continuité
des acteurs de la supply chain. Un tel des opérations en repensant à plus
système existe sous la forme du Sup- long terme la configuration de la sup-
ply Chain Event Management (SCEM), ply chain ainsi que l’architecture des
concept inventé par le cabinet améri- systèmes qui associent les flux infor-
cain AMR Research. Cependant, sa mationnels aux flux physiques.

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mise en œuvre est trop complexe pour
justifier un investissement à l’échelle
de tous les acteurs d’une même chaîne IV.2. Résilience active :
logistique (Otto, 2003). Face à une si- un apprentissage post-crise
par une adaptation
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tuation extrême, les entreprises vont


subir les évènements plutôt que les an- des configurations de supply
ticiper car les outils dont elles dispo- chain et des structures
sent ont été conçus à des fins d’optimi- informationnelles
sation (optimisation des lancements
La résilience organisationnelle suite à
des lots de production, optimisation
un événement majeur suppose deux
des emplacements en stock, améliora-
dimensions qui sont la capacité à résis-
tion des temps de préparation de com-
ter ou à limiter l’incident, et la capacité
mande, optimisation du chargement
à résorber l’impact (Meyer, 1982; Roux
des véhicules, optimisation des tour-
Dufort, 2004). Dans le contexte d’une
nées des chauffeurs...) et reposent sur
supply chain, cette définition suppose
une planification qui ne peut pas inté-
que les flux physiques et information-
grer les évènements imprévus. La plu-
nels retrouvent leur efficience après
part du temps, la gestion des évène-
une crise pour permettre la communi-
ments se traduit donc par un passage
cation et le bon déroulement des opé-
des systèmes d’information en mode
rations entre les différents acteurs
manuel qui consiste à retraiter les don-
(Hale et al., 2005). A long terme, la ca-
nées en fonction des informations dis-
pacité de résilience se traduit par la
ponibles et à prendre des décisions au
forme « active » : les partenaires de la
coup par coup. Cette gestion dans l’ur-
chaîne sont capables d’apprendre des
gence par l’utilisation dégradée des
situations et de s’adapter en prenant
outils de pilotage augmente le risque
des décisions qui leur permettront
d’erreurs et dégrade la résilience de la
dans le futur 1) de mieux prévenir les
supply chain car il n’existe alors plus
crises, 2) de réduire leurs impacts et 3)
aucun lien opérationnel entre la plani-
de les gérer plus efficacement.
fication théorique et l’exécution des
processus. Cette approche pyramidale Nos observations montrent que non
descendante du pilotage de la supply seulement les systèmes d’information

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

n’ont pas permis de prévenir la crise, faction du client. En cas de rupture


mais ont contribué à l’aggraver : le brutale des flux, le SI devrait être en
manque d’interconnexion a été un mesure de fournir les informations né-
frein à la mise en place d’une résilien- cessaires afin de rétablir et stabiliser les
ce active qui nécessite la collecte et flux d’information. Les technologies
l’analyse de nombreuses données. A actuellement disponibles et en particu-
plus long terme, dans le cas de Cater- lier les outils du Web 2.0 permettent de
pillar, la crise a entraîné un départ vo- créer du lien, d’encourager les interac-
lontaire d’un grand nombre de salariés tivités et de favoriser les connexions
de la division supply chain et une ré- entre l’ensemble des maillons d’une
organisation des services achat et lo- supply chain. Elles sont cependant peu
gistique au sein de Caterpillar France. utilisées aujourd’hui. On trouve, dans
Chez Hewlett Packard, la crise a dé- certains secteurs d’activité (automobi-

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clenché des décisions structurelles vi- le, aéronautique), des plateformes in-
sant à relocaliser les productions afin formationnelles permettant d’établir un
d’augmenter la flexibilité de la chaîne. lien technique entre constructeurs et
Ces restructurations montrent que les sous-traitants (échange de nomencla-
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deux entreprises ont appris des situa- tures, de cahiers des charges tech-
tions de rupture en faisant évoluer niques, de plans). Cependant, ce type
leurs supply chains interne (Cater- de dispositif ne s’étend pas à l’en-
pillar) et externe (HP). semble des acteurs de la supply chain.
Par ailleurs, ils ne permettent en aucun
Les contacts que nous avons toujours
cas de contribuer à la résilience en cas
dans ces deux entreprises montrent
de dysfonctionnement majeur car ils
que trois ans après notre étude, peu de
n’analysent pas les modifications des
modifications ont été effectuées sur les
paramètres stratégiques relatifs à
systèmes d’information en place. Dans
chaque acteur. Pour permettre la rési-
une récente interview, la CEO d’HP
lience des supply chains, le SI doit
avoue même que l’entreprise utilise de
donc permettre un ajustement inter-or-
« mauvais systèmes de gestion » (Le
ganisationnel dynamique grâce à un
Monde du 4/10/2012). La question
échange d’informations en continu
qu’on peut légitimement se poser est
entre les acteurs. Cette analyse rejoint
donc de savoir si le SI est source de ré-
les conclusions de recherches très ac-
silience organisationnelle au sein des
tuelles sur la co-création de valeur re-
supply chains et quelles sont les condi-
lationnelle par les systèmes d’informa-
tions pour qu’il assume effectivement
tion, qui montrent l’intérêt d’utiliser les
ce rôle.
technologies pour améliorer la com-
Nos analyses montrent que les outils munication inter-organisationnelle (Rai
pour le SCM connectés à l’ERP en in- et al., 2012). Aujourd’hui, on déplore
terne et aux systèmes d’information de un manque de couplage des différents
certains partenaires forment un en- systèmes d’information de la supply
semble complexe qui supporte l’en- chain qui sont souvent développés par
semble des flux de la supply chain. Les des éditeurs différents et nécessitent le
acteurs de la chaîne sont alignés sur un développement d’applications spéci-
même objectif principal qui est la satis- fiques pour assurer l’interopérabilité

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

des systèmes en interne comme en ex- acteurs de la chaîne logistique. Ainsi,


terne. Les solutions SaaS4 utilisant des en cas de crise, les informations pour-
programmes client-serveur apportent raient être traitées dès les premiers
une partie de la solution technique car symptômes, les partenaires seraient in-
les éditeurs fournissent désormais des formés quasiment en temps réel et,
solutions intégrant moyens, services et grâce à l’élaboration de scénarios,
expertise pour les clients. Elles permet- pourraient simuler des décisions plus
tent également de mutualiser des res- en phase avec la situation rencontrée.
sources sur des serveurs partagés par
plusieurs entreprises et favorisent l’ac-
cès aux données pour l’ensemble des CONCLUSION
acteurs d’une même chaîne logistique.
Au-delà de cet assemblage d’outils et Deux numéros spéciaux publiés en

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de technologies, il semble que le sys- 2011 dans International Journal of
tème d’information doive permettre de Production Research et International
centraliser des informations en prove- Journal of Production Economics ont
nance de sources et de structures dif- mis en avant les problématiques de ré-
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férentes, et de mettre à disposition à la silience et la nécessité pour les supply


demande les données nécessaires à la chains de réduire leur vulnérabilité
prise de décision en logistique. Il est face aux situations extrêmes et aux
important de préciser que la nature évènements imprévus qui sont suscep-
des informations partagées est impor- tibles de les déstabiliser à tout mo-
tante pour les acteurs et que plus l’in- ment. Nos travaux s’inscrivent directe-
formation est stratégique (selon la clas- ment dans cette perspective en
sification proposée par Seidmann et montrant que les systèmes d’informa-
Sundaraajan en 1997), plus elle devra tion qui soutiennent les chaînes logis-
être protégée par le système afin de li- tiques globales ne permettent pas de
miter les risques et l’opportunisme des résilience active lorsque celles-ci sont
acteurs. confrontées à une crise grave. Le ma-
Enfin, les systèmes d’information nagement de crise appliqué au supply
contribueront d’autant plus à la rési- chain management révèle un para-
lience de la supply chain s’ils introdui- doxe : pour améliorer leur compétitivi-
sent des boucles décisionnelles com- té ou se rapprocher de certains mar-
plexes en gardant la mémoire des chés, les entreprises ont largement
évènements et en permettant aux ac- délocalisé leurs sources d’approvision-
teurs de décider non plus uniquement nement ou leurs productions dans des
en fonction de leurs propres systèmes pays à bas coûts, et dans le même
mais en intégrant dans leurs décisions temps, ont développé des stratégies
des paramètres apportés par les autres « lean » afin de réduire leurs volumes

4
Le SaaS pour Software as a Service (logiciel en tant que service) est une solution où l’éditeur fournit des
moyens et où le fournisseur de service propose, généralement dans le cadre d’un abonnement récurrent,
la fonctionnalité intégrée et gérée aux clients qui l’utiliseront. Les clients ne paient pas pour posséder un
logiciel mais plutôt pour l’utiliser.

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SYSTÈMES D’INFORMATION ET MANAGEMENT

d’actifs et en particulier leurs stocks. La pas possible de généraliser les résultats


combinaison de ces deux stratégies, obtenus et d’autres recherches devront
stimulée par des logiques de rentabili- être menées afin de les confirmer. Il se-
té à court terme, a eu pour effet d’aug- rait particulièrement intéressant d’étu-
menter les risques auxquels les organi- dier l’évolution des outils et des techno-
sations s’exposent et exposent logies qui sont utilisés dans les supply
l’ensemble de leurs partenaires par ac- chains afin d’améliorer la connectivité
croissement de la vulnérabilité de la et la capacité des organisations à
chaîne. La complexité actuelle des s’adapter en période de grande incerti-
chaînes logistiques globales les trans- tude. Le management de crise suppose
forme en des systèmes « incompréhen- souvent la mise en place de dispositifs
sibles, indescriptibles, imprévisibles et de résilience passive qui permettent de
incontrôlables » selon les termes em- gérer dans l’urgence des situations im-

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ployés par Sivadasan et al. (2004). prévues (« escaladation procedure »,
Ainsi, lorsqu’un évènement imprévu et « war rooms », « burning platforms », ...).
de grande ampleur affecte une chaîne Cependant, ces dispositifs reposent sur
logistique, les répercussions sur l’en- la mise en place de systèmes décision-
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semble des acteurs sont extrêmement nels performants qui ne sont pas tou-
difficiles à prévoir et génèrent de l’in- jours à l’œuvre dans les organisations.
certitude à tous les niveaux car une ac- Notre question de recherche question-
tion globale ne peut pas être conduite ne sur la capacité des SI à contribuer à
compte tenu des relations complexes la résilience des supply chains. Nous
entre les différents maillons. La capaci- avons vu que la notion de plateforme
té de résilience peut être accrue grâce informationnelle peut fournir des élé-
à la mise en œuvre de systèmes d’in- ments pour la mise en œuvre d’une ar-
formation permettant de renforcer les chitecture qui articule des infrastruc-
liens entre les acteurs d’une même tures, des acteurs et des outils
chaîne logistique en capitalisant sur les permettant des processus de décision
expériences passées. Un échange rapides et réactifs aux évolutions de
accru d’informations facilite la prise de l’environnement. Ce type de structure
décision dans les situations d’urgence est cependant fortement dépendant de
et une capitalisation des informations la capacité collective à apprendre des
liées aux turbulences liées au marché situations qui ont pu engendrer échecs
et défaillances. Comme le montrent Ful-
peut permettre un travail de veille
conis et Paché (2011), les processus dé-
comme l’élaboration de scénarios per-
cisionnels en logistique relèvent davan-
mettant de mieux anticiper ce type de
tage de jeux d’acteurs que
situation.
d’algorithmes d’optimisation aisément
Dans les deux cas présentés, les sys- programmables. Ainsi, cette dimension
tèmes d’information n’ont pas permis collaborative de la supply chain qui
d’anticiper la crise mais sont intervenus suppose une connexion et une interac-
de manière dégradée dans la phase de tion étroites entre les acteurs amène
gestion de la crise et n’ont pas été mo- une autre question liée à la capacité
difiés lors de la reconfiguration des d’apprentissage des réseaux logistiques.
chaînes logistiques. Cependant, il n’est Les caractéristiques des résiliences

80
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SYSTÈMES D’INFORMATION ET RÉSILIENCE DES CHAÎNES LOGISTIQUES GLOBALES

« passive » et « active » ouvrent de nou- Callister, W.D., 2003. Mechanical properties


velles voies de recherche quant aux of metals. Materials science and engi-
mécanismes d’ajustement inter-organi- neering: an introduction. 6th ed. New
sationnels pour lesquels les systèmes York: John Wiley and Sons, 129–130.
d’information joueront sans doute un Cândido, G., Barataa, J., Colombob, A. W.,
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