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DU LIEN AU LIKE SUR INTERNET

Deux mesures de la réputation


Dominique Cardon

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Le Seuil | « Communications »

2013/2 n° 93 | pages 173 à 186


ISSN 0588-8018
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ISBN 9782021117790
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-communications-2013-2-page-173.htm
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!Pour citer cet article :


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Dominique Cardon, « Du lien au like sur Internet. Deux mesures de la réputation »,
Communications 2013/2 (n° 93), p. 173-186.
DOI 10.3917/commu.093.0173
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Dominique Cardon

Du lien au like sur Internet


Deux mesures de la réputation

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Une impitoyable compétition pour la visibilité s'est installée sur le Web.


Alors que l'abondance des informations est de plus en plus contrainte par
l'attention limitée des internautes 1, la mise en visibilité des différents sites
constitue l'instrument de leur sélection et le principal déterminant de leur
audience. Ce sont les métriques du Web et leurs différents algorithmes qui
confèrent de la visibilité à certaines pages du Web, alors que les autres,
laissées dans l'ombre, sont vouées à l'oubli. Les dispositifs destinés à cana-
liser l'attention des internautes sont très divers : les résultats de la première
page des moteurs de recherche, l'affichage de suggestions, de hit-parade et
de recommandations, les « fils d'actualité » des réseaux sociaux (newsfeed
sur Facebook, timeline sur Twitter) et l'ensemble des compteurs qui
dénombrent, classent ou ordonnent le nombre de « vues », de commen-
taires ou de notes des internautes. À la différence des médias traditionnels,
dont l'économie s'est organisée autour de la seule mesure d'audience 2, le
Web se singularise par la place qu'il accorde à un ensemble beaucoup plus
varié de mesures 3. En effet, les métriques du Web ne se contentent pas de
compter le nombre de « pages vues » sur lesquelles « cliquent » les inter-
nautes, comme la télévision dénombre ses téléspectateurs et la presse ses
lecteurs à destination du marché publicitaire. Profitant de la structure
réticulaire de la toile et de la possibilité de transformer toute trace laissée
par les internautes en indicateur, une des originalités du Web est d'avoir
fait de la réputation des sites une mesure calculable sans asservir celle-ci au
dénombrement de l'audience. C'est notamment à l'idée d'autorité, nourrie
par la culture académique de reconnaissance par les pairs 4, que les pion-
niers du Web ont confié le soin de produire les principales hiérarchies de
l'information sur Internet.
Avec le PageRank, l'algorithme du moteur de recherche de Google, une
conception méritocratique de la réputation des sites a pris une place pré-
pondérante sur Internet. La réputation d'un document est calculée en

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dénombrant l'ensemble des liens hypertextes que lui adressent les autres
documents du Web. Chaque lien envoie un « vote » vers la page qu'il cite,
mais le poids de ce vote dépend du nombre de liens qu'a elle-même reçue
des autres la page citeuse. La réputation d'un document y est mesurée
comme le produit, non intentionnel et non coordonné, des signes de
reconnaissance que lui portent « naturellement » les autres documents du
Web. Cependant, avec le développement des réseaux sociaux numériques
et l'extension de la revendication de participation des internautes au clas-

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sement des informations, une autre conception de la réputation se répand
aujourd'hui sur la toile. Sur Facebook ou Twitter, la réputation est mesu-
rée comme l'effet des stratégies de promotion qu'un site ou une personne a
déployées pour susciter l'attention de son environnement numérique,
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attention calculée par le nombre de like ou de retweets qu'une page du


Web ou une personne est parvenue à susciter. Ce qui oppose ces deux
conceptions de la réputation est que, dans le premier cas, elle est le résultat
non intentionnel d'une évaluation de la qualité documentaire des informa-
tions et, dans le deuxième cas, la conséquence recherchée d'une action
stratégique du producteur d'informations pour susciter des gestes d'appro-
bation. Cette opposition interroge ainsi l'intention du producteur d'in-
formations dans le calcul de sa réputation 5. Elle figure, en creux, deux
représentations du Web, conçu dans le premier cas comme un espace docu-
mentaire et dans le second comme un Web de personnes. Dans cet article,
nous souhaitons nous arrêter sur la manière dont les technologies de mise
en visibilité du Web enferment ces deux conceptions de la réputation et sur
le fait que celles-ci constituent une des principales lignes de tension des
transformations de l'Internet contemporain.
Les algorithmes imposent leur ordre sur la forme du Web qu'ils
mesurent. À travers les procédures de calcul qu'elles mettent en œuvre, les
métriques de classement de l'information sculptent les formats d'énoncia-
tion des internautes. Elles prennent appui sur un ensemble choisi de signes
extraits des pages du Web tout en en écartant d'autres. Elles déploient une
manière spécifique de leur donner du sens à travers les calculs qu'elles
opèrent. Elles bâtissent un écosystème de publications qui imprime sa
marque jusque dans les stratégies d'écriture des internautes. À cet égard, les
deux conceptions de la réputation qui s'expriment à travers les métriques
de Google et de Facebook ne prennent pas appui sur les mêmes éléments de
la page Web. Les signaux que capturent respectivement le principe d'auto-
rité du PageRank et le principe d'affinité du EdgeRank, l'algorithme de
Facebook, entretiennent une relation différente au texte dont elles assurent
la visibilité 6 : le premier prélève les liens à l'intérieur même du texte, le
second dénombre les activités paratextuelles qui l'entourent 7. La frontière
du texte oppose ainsi le tissu interne des liens intertextuels que valorise le

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PageRank et les signes qui se trouvent en bordure du texte ou qui prennent


le texte comme cible sans y être incorporés, à l'instar des notes, des com-
mentaires et des renvois opérés depuis des plateformes externes comme les
retweets de Twitter ou les liens partagés sur Facebook.

Le PageRank et le principe d'autorité.

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Dans son principe, le PageRank incarne les idéaux du Web des pionniers.
Il s'inspire directement du modèle de la réputation scientifique développée
par le Science Citation Index d'Eugene Garfield en faisant de la citation un
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acte de reconnaissance. L'algorithme de Google cherche à mesurer la circu-


lation de l'autorité entre les documents 8. La force qu'il mesure ne tient pas
dans l'accumulation de documents unitaires rangés par une classification
qui les surplombent, mais au fait que de l'intérieur même des textes, les
idées conversent entre elles et se reconnaissent mutuellement par des
liens 9. Cette conception de l'autorité a, au moins, deux conséquences : elle
suppose une dépersonnalisation du document et elle invite à dissimuler la
métrique qui somme les liens afin qu'elle ne fasse pas l'objet d'agissements
stratégiques.

Du lien hypertexte comme dispositif de dépersonnalisation.

Afin de saisir, sous une forme schématique, l'esprit que ses concepteurs
ont voulu donner à la mesure du PageRank, on fera librement usage de la
distinction classique en pragmatique linguistique entre la personne de
l'énonciateur (P), l'énoncé (E) et le sujet de l'énonciation (S) 10. L'intérêt de
cette distinction est de représenter la transformation du dire en dit, ce
devenir-document, comme un processus de détachement de l'énoncé de
l'énonciateur tirant profit du dédoublement de ce dernier en une personne
de l'énonciation et un sujet de l'énonciation. On parlera de distanciation
lorsqu'un énoncé parvient à circuler dans un espace de diffusion sans
prendre appui sur la Personne de l'énonciateur, mais en se référant à un
Sujet de l'énonciation qui s'en verra attribué la qualité d'auteur. La distan-
ciation marque donc le processus de détachement/attachement par lequel
un énoncé s'émancipe de son contexte de parole pour endosser la forme
véhiculaire d'un texte attribué. « L'écriture, souligne Paul Ricœur, rend le
texte autonome à l'égard de l'intention de l'auteur. » Soustrait à l'« horizon
intentionnel fini de son auteur », le texte « transcende ses propres conditions
psychosociologiques de production » pour s'ouvrir ainsi « à une suite

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illimitée de lectures, elles-mêmes situées dans des contextes socioculturels


différents. Bref, le texte doit pouvoir, tant du point de vue sociologique que
psychologique, se décontextualiser de manière à se laisser recontextualiser
dans une nouvelle situation : ce que fait précisément l'acte de lire » 11.
Structure élémentaire d'un réseau de documents sans couture, le lien
hypertexte constitue la réalisation la plus aboutie d'une utopie dans
laquelle les textes parviendraient à entretenir des relations entre eux, en se
soustrayant à l'autorité de leur producteur. Cette rêverie animait dès 1945

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le texte visionnaire de Vannevar Bush, As We May Think, si influent chez
les pionniers de l'Internet. Elle a ensuite nourri le projet Xanadu de Ted
Nelson (1965), le système HyperCard de Bill Atkinson (1986) et l'invention
fondatrice du World Wide Web par Tim Berners-Lee en 1990 12. Sur le
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mode d'une pure intertextualité, le graphe du Web ne serait constitué que


d'associations entre énoncés, sans qu'il soit nécessaire de qualifier les per-
sonnes qui les ont produits. La disparition de l'auteur est au cœur de cette
vision idéalisée d'un monde d'idées dialoguant entre elles dans un rapport
d'argumentation et de raison débarrassé des sordides intérêts personnels et
des vaines polémiques. Faisant, en 1991, l'éloge de l'hypertexte, qu'il valo-
rise ici sous le nom de « collecticiel », Pierre Lévy rend compte ainsi de
l'audacieuse rêverie des pionniers :

La structure hypertextuelle fait éclater la structure agonistique des plai-


doiries et contre-plaidoiries opposées. L'attachement des idées aux per-
sonnes s'estompe. Dans la discussion habituelle, chaque intervention
surgit comme un micro-événement, auquel d'autres répondent successi-
vement sur un mode dramatique. Il en est de même lorsque des auteurs
s'interpellent par textes interposés. Avec les collecticiels, le débat se
ramène à la construction progressive d'un réseau argumentaire et docu-
mentaire dépersonnalisé, toujours présent aux yeux de la communauté,
maniable à tout instant. Ce n'est plus « chacun son tour » ou « l'un après
l'autre » mais une sorte de lente écriture collective, désynchronisée,
dédramatisée, éclatée, comme croissant d'elle-même suivant une multi-
tude de lignes parallèles, et pourtant toujours disponible, ordonnée et
objectivée sur l'écran 13.

C'est en révisant l'idée d'une simple recherche lexicale dans les énoncés
du Web que le PageRank apportera une solution réaliste et terriblement
efficace pour classer les documents. Celui-ci ne tient pas le lien hypertexte
pour une simple association sémantique entre énoncés, mais comme un
moyen d'évaluer l'autorité de l'auteur d'une page. Le lien hypertexte part
d'un élément du texte citeur pour pointer la page citée dans son ensemble.
Il fait ainsi du sujet de l'énonciation l'attributaire d'une force capitalisée
permettant de hiérarchiser les différentes pages proposant des contenus

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similaires. Le PageRank leste le graphe des énoncés d'une mesure de la


reconnaissance dont les pages comportant ces énoncés ont été les destina-
taires. Il propose ainsi une mesure beaucoup plus réaliste de la pertinence
des énoncés, en la faisant reposer non sur la seule personne de l'énoncia-
teur, mais aussi sur l'autorité qu'a reçue des autres le sujet de l'énonciation.
Dans son analyse de la « fonction auteur », Michel Foucault insiste sur le
fait que toute énonciation n'a pas nécessairement un auteur :

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Le fait, pour un discours, d'avoir un nom d'auteur, le fait que l'on puisse
dire “ceci a été écrit par un tel”, ou “tel en est l'auteur”, indique que ce
discours n'est pas une parole quotidienne, indifférente, une parole qui
s'en va, qui flotte et passe, une parole immédiatement consommable,
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mais qu'il s'agit d'une parole qui doit être reçue sur un certain mode et
qui doit, dans une culture donnée, recevoir un certain statut 14.

Il n'y a pas de texte sans que s'efface la personne propre du producteur


du discours, sa personnalité, sa psychologie ou sa biographie, au profit de
sa qualité d'auteur du discours. La distanciation est donc ce dédouble-
ment du preneur de parole qui sépare sa personnalité du nom qu'il reçoit
comme auteur-attributaire du texte mis en circulation dans l'espace
public. C'est aussi ce dédoublement se réalisant dans le mouvement de
distanciation, qui permet au nom d'auteur de circuler dans le monde des
textes, sans avoir à se référer aux circonstances particulières de l'écriture.

On en arriverait finalement à l'idée [écrit Michel Foucault] que le nom


d'auteur ne va pas comme le nom propre de l'intérieur d'un discours à
l'individu réel et extérieur qui l'a produit, mais qu'il court, en quelque
sorte, à la limite des textes, qu'il les découpe, qu'il en suit les arêtes, qu'il
en manifeste le mode d'être ou, du moins, qu'il le caractérise. Il manifeste
l'événement d'un certain ensemble de discours, et il se réfère au statut de
ce discours à l'intérieur d'une société et à l'intérieur d'une culture. Le
nom d'auteur n'est pas situé dans l'état civil des hommes, il n'est pas non
plus situé dans la fiction de l'œuvre, il est situé dans la rupture qui
instaure un certain groupe de discours et son mode d'être singulier 15.

La décontextualisation des énoncés déplace aussi leur système référen-


tiel, car « le fonctionnement de la référence est profondément altéré lors-
qu'il n'est plus possible de montrer la chose dont on parle comme
appartenant à la situation commune aux interlocuteurs du dialogue 16 ».
Ceux-ci ne renvoient plus à l'ici et maintenant de l'énonciation, mais sont
projetés dans « le monde des textes ». En échappant au contexte d'énoncia-
tion, le lien référentiel est dirigé vers d'autres énoncés et ouvre ainsi le texte
à une argumentation polyphonique. Or, c'est justement ce travail de tissage

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intertextuel des références qui permet d'ouvrir un « espace où le sujet écri-


vant ne cesse de disparaître 17 ». La tumultueuse chronologie des révisions
du PageRank montre que l'entreprise de Mountain View, luttant contre les
visées des webmestres d'agir stratégiquement sur ses calculs, a progressive-
ment entrepris d'accorder des poids différents aux multiples liens hyper-
textes d'une page, renforçant toujours les liens signifiants internes au texte,
au détriment des liens paratextuels, comme les liens publicitaires ou ceux
glissés dans les commentaires, dont le poids dans l'algorithme n'a cessé de

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décroître 18. Au côté d'un nombre toujours plus important de signaux qui
entrent dans la composition de l'algorithme, chaque nouvelle version du
PageRank vient un peu plus sculpter la page Web pour mieux capturer les
liens signifiants ancrés dans le cœur des textes, portant la référence de texte
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en texte. La réputation qu'elle fait circuler n'est pas attribuée à la personne


de l'énonciation mais au sujet de l'énonciation.
Le graphe du Web, qui permet au PageRank d'ordonner les réputations,
se présente ainsi comme un graphe d'auteurs/documents qui ont reçu
suffisamment de force les uns des autres pour se décontextualiser. L'algo-
rithme de Google propose un compromis original entre deux manières de
mesurer la qualité des énoncés, soit de façon purement interne par la seule
attribution de sens que les énoncés se renverraient les uns les autres, soit
de façon externe par la qualification de l'autorité sociale et statutaire de la
personne de l'énonciateur. L'autorité que promeut le ranking de Google
n'est pas un déjà là statutaire dont disposerait durablement l'énonciateur
indifféremment à tout engagement de sa parole. Elle est un index révisable
construit par la reconnaissance que d'autres ont accordé à sa parole.

L'effacement impossible du compteur de réputation.

Cette mesure de l'autorité des documents a aussi pour vocation d'être


« naturelle », comme le souligne si souvent Google en enjoignant aux inter-
nautes de « ne pas agir en fonction du PageRank ». En effet, si les liens de
reconnaissance que s'échangent les internautes ne témoignent pas d'une
nécessité propre à la libre discussion entre les textes, mais sont commandés
par les actions stratégiques que mènent les internautes pour agir sur le
PageRank, la qualité de la mesure produite par l'algorithme se détériore.
La réputation d'une page du Web est un mérite que l'on reçoit sans l'avoir
commandé. La subjectivité et les intérêts de la Personne de l'énonciation
ne doivent pas faire retour dans un monde qui fait tout pour les faire
disparaître. Le PageRank, explique Yochai Benkler, produit une « coordi-
nation non coordonnée » des informations. Le classement affiché par
Google est le produit émergent d'un « effet de coordination » résultant

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d'actions individuelles qui n'avaient pas cette coordination pour inten-


tion 19. Aussi le fonctionnement optimal du PageRank tient-il à son invisi-
bilité dans les intentions de ceux dont il enregistre les agissements. Or, la
croissance d'Internet, comme la multiplication des entreprises commer-
ciales ou encore la quête de visibilité des internautes, toute cette évolution
a rendu de plus en plus audacieuses et astucieuses les manipulations stra-
tégiques des principes du PageRank par les webmestres. Le développe-
ment du marché du Search Engine Optimization (SEO) est la conséquence

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directe de cette transformation d'une partie du Web en une gigantesque
compétition des acteurs publiant pour se faire voir des algorithmes en
distribuant leurs liens de façon stratégique. La réputation algorithmique y
est devenue à la fois un calcul et un marché. À cette tension consubstan-
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tielle au fonctionnement du PageRank s'ajoute un ensemble de critiques


portant sur l'inadéquation de plus en plus forte de cette mesure à l'évolu-
tion du Web. En premier lieu, les effets de réseau (effet Mathieu et loi des
appariements sélectifs) contribuent à donner un poids démesuré à ceux
qui sont en tête du classement et attirent à eux un nombre de liens surnu-
méraires. En second lieu, alors qu'il est supposé proposer un classement
différent des métriques d'audience qui tendent à « moyenniser » la sélec-
tion des élus, le PageRank valorise souvent les informations les plus
conformes et consensuelles en écrasant la diversité du Web 20. En troisième
lieu, parce que la profondeur temporelle est nécessaire pour capitaliser de
l'autorité, le PageRank est très peu sensible à la nouveauté et à la fraîcheur
de l'information. Enfin, et surtout, le PageRank n'accorde qu'aux inter-
nautes publiant (i. e. produisant des liens hypertextes sur leur page) le
droit de participer au classement de l'information sur le Web. Tout
concourt ainsi à séparer le monde restreint de l'offre d'informations et de
ceux qui leur confèrent de la réputation, du public qui les consomme
silencieusement sans pouvoir agir sur leur classement.

La réputation par affinité.

Avec la massification des usages de l'Internet, le monopole de ceux qui


publient sur l'ordre de l'information se trouve de plus en plus contesté 21.
En devenant active, la réception de l'information est aussi devenue produc-
trice de signaux susceptibles d'établir d'autres formes de mise en visibilité
et de hiérarchisation de l'information. Alors que le Web des pionniers
s'organisait autour d'une séparation simple, et inégale, entre une petite
minorité de contributeurs actifs, dont les profils socioculturels n'ont jamais
été très éloignés des mondes du journalisme et de l'édition 22, et un grand
nombre de lecteurs passifs, les nouvelles interfaces du Web proposent des

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formats de « publication » beaucoup plus variés que l'écriture hypertex-


tuelle d'un texte ou d'un post sur un site ou un blog : phrases de statut,
tweets, conversations autour de photos ou de vidéos, simples marques
d'appréciation, de recommandation et de signalement exprimées à travers
les boutons « I like », « +1 » et les outils de partage des liens. Les nouveaux
publics de l'Internet disposent ainsi de formats d'énonciation brefs, immé-
diats, simples qui rapprochent considérablement l'écriture en ligne des
formes oralisées de la conversation ordinaire. Beaucoup moins exigeantes

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et imposantes, ces formes peu coûteuses d'appréciation ne requièrent plus
les compétences scripturaires, cognitives et culturelles de l'écriture distan-
ciée qui conféraient un caractère oligarchique à l'espace public tradition-
nel 23. Le droit de participer à l'évaluation des énoncés du Web, notamment
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à travers des artefacts aussi simplifiés que le bouton « I like » de Facebook


ou le « +1 » de Google, a été ouvert à des internautes qui n'avaient pas le
temps, les motivations professionnelles ou les compétences culturelles pour
publier sur la toile dans les formats requis par la longue tradition du texte,
dont l'Internet des pionniers, à quelques variations près, était l'héritier.
Cette transformation des services et du design des sites est guidée par l'évo-
lution des rapports de force sociaux et culturels entre ses différents publics.
Mais cet élargissement du Web à des publics plus jeunes, davantage dis-
persés géographiquement et plus « populaires » s'est aussi « payé » par un
abaissement de la contrainte de distanciation que l'espace public tradition-
nel impose à la prise de parole des individus. Il ne leur est plus demandé
d'endosser l'attitude de détachement et d'autocontrôle qui caractérise la
prise de parole ordinaire dans les médias. La disparition du filtre des gate-
keepers que sont les journalistes et les éditeurs libère les subjectivités et
rend possible des expressions plus spontanées, émotionnelles, personnelles,
vindicatives ou créatives. C'est dès lors une nouvelle manière de construire
la réputation qui se fait jour en s'appuyant moins sur le mérite que sur la
quête de visibilité.

Une métrique des subjectivités.

« Que Facebook ait choisit “Like” plutôt que, par exemple, “Important”,
écrit Eli Pariser, est une petite décision dans le design du site qui a des
conséquences lointaines bien plus importantes 24. » Alors que le PageRank
mesure les liens entre les documents, le EdgeRank classe les documents en
fonction des jugements subjectifs que s'échangent des personnes liées par
une relation d'affinité. En assouplissant les contraintes pesant sur la parole
publique, les réseaux sociaux de l'Internet ont élargi les droits des inter-
nautes à participer au classement des documents. Une nouvelle forme de

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hiérarchisation de l'information est ainsi ouverte à un public étendu. Au lieu


de détacher la personne du texte, l'énonciation conversationnelle des
réseaux sociaux attache intimement le texte aux personnes pour en faire un
signal identitaire que les individus projettent vers leur sociabilité. En citant
les informations dans leurs conversations, en les moquant, les honorant, les
mettant en circulation, les pratiquants des réseaux sociaux dessinent un
nouveau graphe permettant la mise en ordre des documents. Celui-ci n'est
plus constitué par les citations que les textes s'échangent entre eux, mais par

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les signaux identitaires que s'adressent les personnes en projetant leur sub-
jectivité sur les informations qu'elles commentent. Il est dès lors impossible
de faire apparaître la « fonction auteur » qui régit le Web des documents.
Ces énonciations se caractérisent par leur ancrage dans le contexte conver-
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sationnel qui les a fait naître ou qu'elles cherchent à faire naître, si bien qu'il
est impossible de décaler l'énonciation vers un autre sujet de l'énonciation,
dessinant dans le creux du texte la figure d'un auteur. L'énonciation conver-
sationnelle des réseaux sociaux, assouplie, relâchée et immédiate, attache
intimement le texte à la subjectivité de la Personne de l'énonciation pour en
faire un signal visible et calculable.

Les nouvelles énonciations des réseaux sociaux s'impriment dans les


zones paratextuelles de la page Web qui accueille le texte, mais aussi et
surtout dans l'espace personnel de la page qui met en scène la personne de
l'énonciateur. C'est donc un tout autre régime énonciatif qui s'installe dans
les conversations de Facebook ou Twitter en projetant des liens hypertextes
vers le paratexte des pages du Web qu'elles citent. Ces liens viennent à la
fois incrémenter un compteur dénombrant les appréciations dont la page a
fait l'objet et, souvent, y ajoutent à destination de l'espace social de l'énon-
ciateur ce petit commentaire subjectif qui accroît la vitesse de circulation
des liens dans les réseaux sociaux. Les liens hypertextes qui viennent nour-
rir le paratexte des pages Web, et dont on annonce qu'ils vont servir au
ranking des documents par les moteurs de recherche, ne transportent pas
la force illocutoire du Sujet de l'énonciation, mais les spécificités sociales,
culturelles, psychologiques de la Personne de l'énonciation. C'est dans ce
contexte que le développement des métriques d'affinité des sites de réseaux
sociaux a pu apparaître comme une nouvelle manière de hiérarchiser
l'information échappant aux critiques adressées à l'écrasante centralité du
PageRank. Le classement de l'information sur les réseaux sociaux est la
conséquence des liens que chaque utilisateur a individuellement tissés avec
ses « amis », ses « contacts » ou ses « followers ». C'est donc la proximité des
liens avec d'autres émetteurs, et surtout d'autres relayeurs, qui contri-
bue à ordonner les informations qui seront ensuite rangées par ordre
anté-chronologique dans les fils de Twitter ou de Facebook. Mais ces

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Dominique Cardon

informations font elles-mêmes l'objet d'un ordonnancement propre, à par-


tir d'algorithmes qui sélectionnent parmi l'ensemble des contacts ceux dont
les publications doivent être présentées à l'utilisateur. Ainsi, le EdgeRank,
l'algorithme qu'utilise Facebook pour le newsfeed 25, hiérarchise les infor-
mations en fonction de la proximité relationnelle entre les personnes. Plus
deux « amis » de Facebook auront l'habitude d'interagir en s'échangeant
des publications sur leurs murs respectifs, en se commentant mutuellement
ou en se « likant », plus le Edgerank favorisera la visibilité de leurs publica-

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tions dans le newsfeed de l'autre. De façon implicite, l'algorithme de Face-
book considère que, selon une loi d'homophilie fréquemment observée
dans les travaux de sociologie des pratiques culturelles, la proximité rela-
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tionnelle est un bon outil d'approximation des goûts partagés. Au terme


d'une chimie aussi précise que changeante, l'EdgeRank personnalise pour
chaque utilisateur le flux d'informations qu'il filtre à partir des publica-
tions de ses « amis ».

PageRank versus EdgeRank : mesure d'autorité versus métriques d'affinité.

L'auteurisation de soi : la visibilité et le mérite.

Sous l'effet des logiques de subjectivation qui se généralisent sur l'Inter-


net, on assiste au déploiement d'énonciations qui ne procèdent pas d'une
distanciation entre la personne de l'énonciateur et le sujet de l'énonciation.
C'est même une orientation différente de l'opération de distanciation qui se
déploie dans les énonciations du Web social. Il ne s'agit plus d'extraire un
auteur de la personne de l'énonciateur pour aider le document à circuler
librement dans un espace de textes attribués, mais d'introduire une dis-
tance à l'intérieur même de la personne de l'énonciateur, en dédoublant son
identité par un procédé d'auteurisation de soi qui constitue la marque
distinctive du Web social. Tout se passe comme si la figure d'auteur se

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Du lien au like sur Internet

détachait moins de la personne de l'énonciation qu'elle ne venait la conta-


miner. Alors que dans le Web des documents, la force illocutoire du lien est
déposée dans l'autorité de la page du texte citeur, dans le Web des per-
sonnes, c'est l'autorité sociale de l'énonciateur qui appuie son énonciation.
L'origine de la force conférée au lien se déplace du sujet de l'énonciation
vers la personne de l'énonciateur. Elle ne s'ancre pas dans l'attribution
abstraite d'un nom d'auteur, mais dans le nom propre de l'énonciateur. Sa
réputation ne dépend pas de ses énoncés, mais de sa personnalité dans le

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réseau. De nombreux travaux portant sur la circulation des liens com-
mentés sur les plateformes de réseaux sociaux mettent en évidence l'impor-
tance décisive du signalement de la personnalité de l'énonciateur dans la
vitesse de circulation des liens. Sur Twitter comme sur Facebook, la diffu-
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sion d'un lien commenté a beaucoup plus de chance d'être relayé qu'un lien
non commenté. Un tweet signé du nom d'un journaliste aura un nombre de
retweets six fois plus important que les tweets signés de la rédaction du
journaliste 26. Les personnes ont plus de poids que leur marque comme les
musiciens qui, sur MySpace, deviennent des « entrepreneurs de leur noto-
riété 27 ». Les travaux sur la réputation dans les réseaux sociaux montrent
aussi que le nom propre de l'énonciateur, comme la mention @ sur Twitter,
est un meilleur indicateur de la notoriété que le nombre de followers ou de
retweets 28. La personnalité numérique des individus, cette manière de
maquiller leur identité réelle sans jamais faire écart avec elle, est au cœur
des nouvelles techniques de mise en scène de soi qui assurent le succès et la
réputation sur les réseaux sociaux. De fait, la distanciation ne s'opère plus
dans l'énonciation à travers le détachement de la figure de l'auteur, mais
elle se joue au sein même de l'identité des énonciateurs. En mettant en
scène sa personne, en l'habillant de phrases de statut, en exposant sa vie
quotidienne, ses photos, son capital relationnel, la popularité de ses likes et
de ses commentaires, l'énonciateur ajoute toutes sortes de signaux à la
sculpture de sa personnalité. Apparaît alors un troisième lieu de l'énoncia-
tion qui n'est ni la Personne ni l'Auteur, mais la figure inédite d'une sorte
de Personne-Auteur dont la vie serait contaminée par la réputation des
récits qu'il en donne sur les réseaux sociaux. Le modèle d'acteur que pro-
meut aujourd'hui l'Internet des réseaux sociaux est un énonciateur qui est à
la fois le personnage et le récitant de sa propre vie.

Dominique CARDON
dominique.cardon@gmail.com
Orange Labs
Professeur associé à l'Université de Marne-la-Vallée (LATTS)

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Dominique Cardon

NOTES

1. Emmanuel Kessous, Kevin Mellet, Mustafa Zouinar, « L'économie de l'attention : entre pro-
tection des ressources cognitives et extraction de la valeur », Sociologie du travail, 52 (3), 2010,
p. 359-373.
2. Cécile Méadel, Quantifier le public. Histoire des mesures d'audience à la radio et à la télévi-
sion, Paris, Economica, 2010.
3. Dominique Cardon, « L'ordre du Web », Médium, no 29 (« Réseaux : après l'utopie »), octobre-

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décembre 2011, p. 191-202.
4. Patrice Flichy, L'Imaginaire d'Internet, Paris, La Découverte, 2001.
5. Ces deux conceptions de la réputation rejoignent, à leur manière, la question soulevée par
Jon Elster dans ce numéro relative au fait de savoir s'il est opportun d'agir en vue d'être réputé ou
préférable de recevoir la réputation de ses agissements.
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6. Olivier Ertzcheid, « Le “like” tuera le lien », Affordance, 16-5-10, http ://affordance.typepad.


com/mon_weblog/2010/05/le-like-tuera-le-lien.html
7. Sur ces distinctions, cf. Gérard Genette, Seuils, Paris, Seuil, 1987. Le paratexte est l'ensemble
des informations qui « entourent » le texte comme le titre, la préface, les dédicaces, les commen-
taires, etc.
8. Voir l'article de Gloria Origgi dans ce numéro. Sur l'histoire et le fonctionnement du Page-
Rank : Berhnard Rieder, « What Is in PageRank ? A Historical and Conceptual Investigation of a
Recursive Status Index », Computational Culture. A Journal of software studies, no 2, 28 sep-
tembre 2012, http://computationalculture.net/article/what_is_in_pagerank ; Alejandro M. Diaz,
Through the Google Goggles : Sociopolitical Bias in Search Engine Design, Thesis, Stanford
University, mai 2005 ; Dominique Cardon, « Dans l'esprit du PageRank. Une enquête sur l'algo-
rithme de Google », Réseaux, no 177 (« Politique des algorithmes. Les métriques du web »), 2013,
p. 63-95.
9. Mark Balnaves, Michele Willson, A New Theory of Information and the Internet. Public
Spheres meets Protocol, New York, Peter Lang, 2011, p. 56 et suiv.
10. Cf. Catherine Kerbrat-Orecchioni, L'Énonciation. De la subjectivité dans la langue, Paris,
Armand Colin, 2009.
11. Paul Ricœur, Du texte à l'action. Essais d'herméneutique II, Paris, Seuil, 1986, p. 111.
12. Le projet Xanadu initié par Ted Nelson en 1965 avait pour visée de stocker et d'échanger
des données entre ordinateurs distants en liant entre eux les documents par un lien « hypertexte »
(le terme est inventé par Ted Nelson). Dans un esprit différent, le logiciel HyperCard commercialisé
par Apple de 1987 à 1989 propose un système original de base de données permettant d'organiser
les documents sous forme de piles très flexibles et graphiques. Ces deux outils préfigurent le modèle
du lien hypertexte qu'inventera Tim Berners Lee en 1990.
13. Pierre Lévy, « L'hypertexte, instrument et métaphore de la communication », Réseaux,
no 46-47, 1991, p. 62.
14. Michel Foucault, « Qu'est-ce qu'un auteur ? », Bulletin de la Société française de philoso-
phie, 63e année, no 3, juillet-septembre 1969, p. 73-104, repris dans Dits et écrits I, 1954-1975,
Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2001, p. 826.
15. Ibid.
16. Paul Ricœur, Du texte à l'action. Essais d'herméneutique. II, op. cit., p. 112.
17. Michel Foucault, Dits et écrits I, 1954-1975, op. cit., p. 821.
18. La mise en place de la balise <no follow> notamment a permis de « démonétiser » un
ensemble de liens hypertextes qui n'apportaient pas au PageRank une information pouvant être
interprétée comme un indice de l'autorité des énoncés.
19. Yochai Benkler, La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l'heure du partage social,
Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2009, p. 33.
20. Matthews Hindman, The Myth of Digital Democracy, Princeton, Princeton University Press,
2009.

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Du lien au like sur Internet


21. Matthew Hindman, Kostas Tsioutsiouliklis, Judy A. Johnson, « “Googlearchy” : How a Few
Heavily-Linked Sites Dominates Politics on the Web », article présenté lors de l'Annual Meeting
de la Midwest Political Science Association, Chicago, IL., 2003.
22. Franck Rebillard, Le Web 2.0 en perspective. Une analyse socio-économique de l'Internet,
Paris, L'Harmattan, 2007.
23. Dominique Cardon, La Démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil/La Répu-
blique des idées, 2010.
24. Eli Pariser, The Filter Bubble. What the Internet is Hiding from You, New York, The Penguin
Press, 2011, p. 149.
25. Jason Kincaid, « EdgeRank : The Secret Sauce That Makes Facebook's News Feed Tick »,

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TechCrunch, 22 avril 2010, http ://techcrunch.com/2010/04/22/facebook-edgerank.
26. Jisun An, Meeyoung Cha, Krishna P. Gummadi, Jon Crowcroft, « Media Landscape in
Twitter : A World of New Conventions and Political Diversity », ICWSM'11, Barcelone, 17-21 juillet
2011.
27. Jean-Samuel Beuscart, « Sociabilité en ligne, notoriété virtuelle et carrière artistique »,
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Réseaux, no 152, 2008.


28. Aditya Pal, Scott Counts, « What's in a @name ? How Name Value Biases Judgment of Micro-
blog Authors », Proceedings of ICWSM 2011, Barcelone, 2011 ; Bongwon Suh, Lichan Hong, Peter
Pirolli, Ed H. Chi, « Want to be Retweeted ? Large Scale Analytics on Factors Impacting Retweet in
Twitter Network », Proceedings of the IEEE Second International Conference on Social Computing,
PASSAT, 2010, p. 177-184.

RÉSUMÉ

L'article présente deux mesures différentes de la réputation sur Internet : le PageRank de Google,
qui mesure l'impact d'une page à travers ses liens, et le Edgerank de Facebook, qui mesure les likes
autour d'un contenu, sa circulation sociale et sa redistribution pour en extraire une mesure d'auto-
rité. Ces deux mesures représentent aussi deux façons différentes de concevoir le rapport entre texte
et auteur, et le rôle de la construction de l'image sociale de l'auteur dans l'autorité de son message.
Ce qui correspond à deux représentations différentes du Web, conçu dans le premier cas comme un
espace documentaire et dans le second comme un Web de personnes.

SUMMARY

This article describes two different measures of reputation on the Web : Google's PageRank which
measures the impact of each page through the numbers of links to which the page is connected, and
Facebook's EdgeRank which measures the number of likes about a content, its social diffusion and
redistribution and associates to it a measure of authority. These two measures represent also a
different way of conceiving the relationship between the author and the text, given the role of the
social image of the author in the second case. They also correspond to two different representations
of the Web, conceived in the first case as a documentary space and in the second case as a Web of
people.

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Dominique Cardon

RESUMEN

Este artículo presenta dos medidas diferentes de la reputación en Internet : el PageRank de


Google que mide el impacto de una página a través de sus enlaces y el EdgeRank de Facebook los
likes en torno de un contenido, su circulación social y su redistribución para extraer una medida de
autoridad. Estas dos medidas representan también dos maneras de concebir la relación entre texto
y autor y el papel de la construcción de la imagen social del autor en la autoridad de su mensaje.
Esto corresponde a dos representaciones diferentes del Web, concebido en el primer caso como un

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espacio documental y en el segundo come un Web de personas.
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