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LA THÉORIE NORMATIVE DE LA RÉGULATION HOSPITALIÈRE

Michel Mougeot, Florence Naegelen

Dalloz | « Revue d'économie politique »

2013/2 Vol. 123 | pages 179 à 210


ISSN 0373-2630
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Pour citer cet article :


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Michel Mougeot, Florence Naegelen, « La théorie normative de la régulation
hospitalière », Revue d'économie politique 2013/2 (Vol. 123), p. 179-210.
DOI 10.3917/redp.232.0179
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La théorie normative de la régulation

• BILAN/ESSAI
hospitalière1
Michel Mougeot*
Florence Naegelen**

Cet article fait un bilan des travaux théoriques récents sur la régulation des hôpitaux.
Aux arbitrages usuels induits par l’asymétrie d’information s’ajoutent des arbitrages
spécifiques entre l’accroissement de la qualité des soins et la baisse des coûts ainsi que
ceux qui résultent de la possibilité de sélectionner les patients. Lorsque seul l’aléa

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moral est en cause, la tarification forfaitaire peut permettre d’atteindre la solution de
premier rang si la demande augmente avec la qualité alors qu’elle ne le peut que dans
le cas d’un hôpital parfaitement altruiste dans l’hypothèse inverse. L’article analyse
aussi les implications de l’asymétrie d’information sur l’état de santé et les politiques
optimales à mettre en œuvre dans ce cas. Le rôle de l’altruisme dans la définition de
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ces politique est mis en évidence, ainsi que les moyens permettant de dissuader de
sélectionner les patients.
régulation - hôpital - antisélection - aléa moral

Hospital price regulation: a normative analysis

This paper focuses on recent theoretical contributions to the hospital price regulation
literature. Besides the usual efficiency-rent extraction trade-off, some specific trade-off
between quality enhancement and cost reduction effort or between efficiency and selec-
tion deterrence must be taken into account. Under moral hazard, we show how a
prospective price can result in the first best allocation when health care demand
increases with quality. When demand does not depend on quality, the first best can be
achieved only in the case of a perfectly altruistic provider. Under adverse selection, we
exhibit the optimal contract between a regulator and a provider when severity is not
observable. Moreover, we analyze the consequences of the provider’s altruism and we
show how to deter patients’ selection.
regulation - hospital - adverse selection - moral hazard

Classification JEL: I18, H51, D82, D6

1. Les recherches à l’origine de cet article ont bénéficié du soutien de la Chaire Santé,
placée sous l’égide de la Fondation Du Risque (FDR) en partenariat avec PSL, Université
Paris-Dauphine, l’ENSAE et la MGEN. Nous remercions trois rapporteurs anonymes
pour leurs commentaires sur la version préalable de cet article. Nous restons seuls respon-
sables des erreurs et omissions.
CRESE, Université de Franche-Comté, UFR SJEPG, 45D Avenue de l’Observatoire 25030
Besançon cedex
*
michel.mougeot@univ-fcomte.fr
**
auteur correspondant florence.naegelen@univ-fcomte.fr

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180 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

1. Introduction

La maîtrise des dépenses de santé est devenue un des problèmes princi-


paux de l’intervention publique en France. Représentant 12 % du PIB, ces
dépenses n’ont cessé de croitre depuis plus de trente ans, malgré les mul-
tiples plans gouvernementaux. La France est en 2011 le troisième pays au
monde pour ce qui est du poids de la dépense totale de santé dans le PIB.
Une telle position pourrait se justifier par des performances sanitaires et une
qualité de soins supérieures à celles des autres pays. Cependant, même s’il
est évident que l’état de santé de la population s’est considérablement amé-
lioré depuis la seconde guerre mondiale, les critères représentatifs des per-

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formances du système de santé (mortalité prématurée, mortalité maternelle
ou périnatale) situent la France entre la quinzième et la vingtième place
parmi les pays développés. Ainsi, le bilan coût-avantage du système de
soins français apparait globalement peu satisfaisant. La France dépense plus
que ses partenaires européens pour des résultats moyens.
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Le secteur hospitalier privé et public (hors soins de longue durée) repré-


sente 46,4 % de la consommation de soins et de biens médicaux en 2011,
soit 83,6 milliards d’euros. Ces dépenses en constante augmentation, font
l’objet d’une régulation, l’État fixant les modalités de la tarification des hôpi-
taux et le niveau des prix. Historiquement, trois mécanismes de financement
ont été retenus. Jusqu’en 1983, les hôpitaux étaient rémunérés en fonction
de la durée de séjour, ce qui pouvait être assimilé à un remboursement des
coûts. A partir de 1983, un budget global mettait théoriquement ex ante un
plafond aux dépenses mais ce plafond n’a jamais été respecté et son niveau
n’a jamais été défini de façon satisfaisante. En 2005, un mécanisme de
tarification forfaitaire a été mis en œuvre progressivement sous le nom de
tarification à l’activité (T2A). Inspiré par les règles introduites en 1983 par
Medicare aux États-Unis, il consiste à déterminer un prix fixe pour chaque
pathologie (Groupe Homogène de Malades (GHM)) à partir d’une moyenne
nationale des coûts selon un principe de concurrence par comparaison.
Les questions de régulation ont fait l’objet de nombreux travaux théo-
riques depuis trente ans. Au centre de ces analyses figure le problème des
asymétries d’information entre le régulateur et le producteur. Cette question
est également cruciale dans le domaine de la régulation hospitalière, les
coûts dépendant d’un effort inobservable et variant en fonction de para-
mètres non observables (productivité, qualité des soins, sévérité des
patients). Les travaux théoriques spécifiques de la régulation hospitalière
sont cependant arrivés tardivement dans la littérature. Même si la question
avait été abordée par Ellis et Mc Guire [1986, 1990], Allen et Gertler [1991],
Pope [1989] ou Rogerson [1994], c’est essentiellement à partir d’un article de
Ma [1994] que l’analyse théorique s’est développée. Les débats sur ce thème
étant souvent dominés par des arguments partisans, il nous a semblé utile
de faire un bilan de ces recherches théoriques qui mettent en évidence les
arbitrages complexes à réaliser entre des objectifs antagonistes dans un
contexte d’asymétrie d’information. Ce bilan a aussi pour but de montrer
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comment les politiques publiques pourraient être orientées par l’analyse


normative.
Compte tenu de la complexité du problème, nous considérerons d’abord
le cas d’hôpitaux homogènes en termes de productivité et de patientèle.
Seul l’aléa moral est en cause. On est toutefois en présence d’un problème
« multi-tâches », l’effort pouvant porter à la fois sur la réduction du coût et
sur l’amélioration de la qualité. Le régulateur doit donc chercher à décentra-
liser un arbitrage socialement optimal entre ces deux efforts non obser-
vables. Dans ce contexte, l’influence de la qualité sur la demande joue un
rôle primordial et nous montrons quelles règles permettent d’atteindre le
bien-être social maximal ou un bien-être de second rang en fonction des
instruments dont dispose le régulateur et dans différents environnements.
Les politiques concrètes de tarification forfaitaire sont ensuite analysées

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dans ce contexte et l’on montre comment des ajustements sont nécessaires
pour prendre en compte des facteurs d’hétérogénéité observables (qui
impliquent des discriminations au troisième degré) et des plafonnements de
la dépense. La régulation d’hôpitaux hétérogènes est ensuite analysée en
supposant que l’antisélection peut concerner les paramètres de productivité
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ou les caractéristiques des patients (sévérité). Aux arbitrages traditionnels


entre efficacité et extraction de la rente (qui conduisent à réduire le nombre
de patients traités pour réduire la rente) s’ajoute un arbitrage avec la dis-
suasion de la sélection des patients lorsque l’asymétrie d’information
concerne la sévérité. De plus, de nouveaux problèmes apparaissent concer-
nant le choix des traitements et l’établissement des nomenclatures dès lors
qu’ils sont conditionnés par la sévérité. Enfin, la prise en compte par
l’offreur de l’intérêt des patients implique une révision des mécanismes.
L’article présente ainsi les principaux résultats théoriques obtenus et jus-
tifie des politiques de tarification plus sophistiquées que les politiques
concrètes, essentiellement fondées sur la recherche de l’efficacité productive
en situation d’aléa moral. Ces mécanismes prennent en compte ces arbi-
trages complexes mais aussi la possible incompatibilité entre les incitations
et la recherche du bien-être maximum, la tarification spécifique des patients
à coût élevé, le choix de traitements alternatifs pour une même pathologie
et la manipulabilité des classifications. Nous montrons enfin comment le
degré d’altruisme de l’offreur peut conduire à une modification des règles de
tarification.
L’article se présente comme suit. La spécificité de la régulation des hôpi-
taux est traitée dans la section 2. La section 3 met en évidence l’arbitrage
entre la réduction des coûts et l’amélioration de la qualité lorsque seul l’aléa
moral est retenu (hôpitaux homogènes). La section 4 est consacrée à la
régulation d’hôpitaux hétérogènes, lorsque l’antisélection s’ajoute à l’aléa
moral.

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2. La spécificité des politiques


de régulation hospitalière
Les théories contemporaines de la régulation consistent essentiellement à
déterminer une règle de tarification, c’est-à-dire une relation entre le prix et
le coût d’un monopole ayant une information privée sur son environnement
économique. Trois acteurs sont en cause : le consommateur qui réagit au
prix par l’intermédiaire de sa demande, le producteur qui bénéficie d’une
information privée et le régulateur qui ne dispose pas de cette information.
Les politiques optimales dépendent de l’objectif du régulateur, influencé par
le coût social des fonds publics et par le poids accordé au surplus des

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consommateurs, des instruments disponibles, ainsi que de la nature des
asymétries d’information. De nombreux résultats ont été obtenus dans ce
domaine en particulier par Baron et Myerson [1982] dans le cas de l’antisé-
lection et par Laffont et Tirole [1993] dans le cas du faux aléa moral. Ils
montrent comment les instruments disponibles permettent de réaliser diffé-
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rents arbitrages entre la recherche de l’efficacité et l’appropriation de rentes


coûteuses.
La structure du problème de régulation des hôpitaux est de même nature.
Il s’agit de rechercher, dans un contexte d’asymétrie d’information, des
règles de financement permettant de réaliser un arbitrage socialement opti-
mal entre le niveau des dépenses et celui de la qualité des soins. Trois
agents sont impliqués : les patients, le fournisseur de soins (ou hôpital) et le
régulateur. Toutefois, des spécificités essentielles du secteur conditionnent
la résolution du problème.

2.1. Les patients

La différence fondamentale entre la régulation d’un monopole et celle


d’un hôpital concerne la demande des consommateurs de soins qui s’adres-
sent aux offreurs en cas de santé déficiente. Alors que le prix joue un double
rôle – rémunération du producteur et orientation de la consommation – dans
le cas général, cette demande est largement indépendante du prix, qui ne
joue plus qu’un rôle (rémunération du producteur) en raison de l’assurance-
maladie. Cette caractéristique a de nombreuses conséquences au niveau de
la modélisation (l’égalité de la demande inverse et de la dérivée du surplus
des consommateur n’étant plus vérifiée), au niveau des politiques possibles
(le choix d’un tarif n’ayant pas d’effet direct sur les quantités demandées) et
au niveau des arbitrages (le régulateur agissant comme un agent des
consommateurs de soins en substituant éventuellement sa demande à la
leur). Confrontés à une variable aléatoire (maladie, accident), les patients
s’assurent, ce qui déplace la courbe de demande vers la droite et réduit
l’élasticité de la demande. A la limite, lorsqu’ils sont parfaitement assurés,
leur demande est indépendante du prix. Cette situation limite est intéres-
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sante car elle amène à se poser la question des déterminants de la demande


de soins en l’absence d’un prix. La première caractéristique à retenir est
l’hétérogénéité des patients, qui diffèrent selon l’âge, le sexe, les caractéris-
tiques biologiques, l’état de santé au moment de la consultation mais aussi
selon l’attitude vis-à-vis du risque de maladie et la valeur accordée à l’état de
santé. Certains de ces facteurs individuels sont, par nature, non observables
par un régulateur, de même que le degré de sévérité des pathologies qui
justifient le recours aux soins. Si ce caractère idiosyncratique de la demande
est fondamental, il existe cependant des comportements communs, en par-
ticulier en ce qui concerne l’influence de la qualité des services sur la
consommation. Schématiquement, deux cas peuvent être considérés :
i) la demande est une variable aléatoire indépendante de la qualité des
services proposés (cas de l’urgence et des pathologies graves par exemple).
ii) la demande est une fonction croissante de la qualité des soins offerts.

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Ces deux hypothèses ont des conséquences différentes en termes de poli-
tique économique. Dans le cas i), l’État perd un instrument puisqu’une inci-
tation à fournir un niveau donné de qualité des soins est sans effet sur la
recette. Dans le cas ii), la qualité devient une variable décisionnelle, pour
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l’offreur comme pour le régulateur qui dispose ainsi d’un instrument ana-
logue au prix sur un marché pour orienter la dépense. Cela conduit à s’inter-
roger sur la nature de la variable « qualité des soins » du point de vue de
l’information des patients.
La majorité des travaux théoriques sur la régulation des hôpitaux retient
l’hypothèse d’une demande de soins dépendante de la qualité2. En revan-
che, le régulateur est, en général, supposé être dans l’incapacité de vérifier
le niveau de qualité observée par les patients. Il ne peut donc être décrit
ex-ante dans tous les états de la nature dans un contrat et vérifié ex-post par
un tribunal. C’est une seconde spécificité de la régulation hospitalière. Alors
que la production d’électricité ou de transport peut être aisément mesurée,
l’output qu’est l’état de santé ne peut pas l’être. Les classifications des
pathologies basées sur le diagnostic permettent de savoir si un patient a été
traité mais ne permettent pas d’évaluer l’état de santé qui dépend de la
qualité des soins non observable, et ceci d’autant plus que celle-ci est multi-
dimensionnelle. Le contrat est donc nécessairement incomplet. Si cette dou-
ble hypothèse – observabilité de la qualité par les agents et inobservabilité
par le régulateur – peut être admise pour un grand nombre de services,
l’hypothèse alternative – non observabilité par les patients et le régulateur –
doit être retenue pour d’autres, d’où la nécessité de considérer des poli-
tiques différentes de régulation.

2.2. Les fournisseurs de soins


Bien que les économies d’envergure influencent les coûts, la théorie de la
régulation hospitalière s’est limitée à la recherche des tarifs optimaux pour

2. G. C. Pope [1989], R. Allen et P. G. Gertler [1991], W. P. Rogerson [1994], C-T. A. Ma


[1994], M. Chalkley et J. Malcomson [1998], M. Mougeot et F. Naegelen [2005].

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une pathologie donnée. Cette approche est conforme à la pratique qui


consiste à fixer des prix pour chaque GHM. L’offre de soins hospitaliers peut
être assurée par des établissements de statut public ou privé, à but lucratif
ou non. Compte tenu de son information insuffisante sur les traitements
disponibles et sur les améliorations de son état de santé, le patient délègue
le choix du traitement au fournisseur. C’est parce qu’il est mal informé sur la
nature du mal dont il souffre et sur les traitements adéquats que le patient
recourt à l’offreur qui se comporterait en « agent parfait » du patient s’il
prenait les décisions que prendrait le patient lui-même s’il possédait l’infor-
mation du médecin3. Dans cette relation d’agence, un conflit d’objectif peut
apparaître dès lors que la fourniture de soins est aussi la source du revenu
des offreurs. De plus, tant en ce qui concerne le diagnostic que le traitement
médical, les choix possibles peuvent correspondre à des efforts non obser-
vables et coûteux des offreurs sans que l’évaluation monétaire de leur désu-

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tilité puisse être répercutée dans la rémunération. Par suite, l’objectif le plus
général d’un producteur de soins peut être conçu comme une fonction de
l’intérêt du patient, du revenu et de la désutilité de l’effort. Dans ce cas, la
théorie économique suppose que l’utilité d’un offreur s’écrit
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U ! h, q, e, x ! q " " = T − C ! b, h, q, e, x ! q " " − d ! e, q " + #V ! h, q "

quand il reçoit un paiement T et a un coût C ! b, h, q, e, x ! q " " où b représente


un paramètre de productivité, h représente la caractéristique du patient
(sévérité), q la qualité ou l’effort d’amélioration de la qualité des soins, x ! q "
la quantité de soins et e l’effort de réduction du coût. d ! q, e " est l’équivalent
monétaire de la désutilité des efforts e et q et V ! h, q " l’équivalent monétaire
de l’utilité des soins pour le patient. Enfin, # représente le degré d’altruisme,
c’est-à-dire le montant de profit auquel un offreur est prêt à renoncer en
contrepartie d’un euro d’augmentation du bénéfice du patient. L’offre pré-
sente ainsi, comme la demande, un caractère idiosyncratique puisque ce
degré d’altruisme varie d’un offreur à l’autre. Par ailleurs, comme nous le
verrons dans les parties 3 et 4, le degré d’altruisme (ou l’importance accor-
dée à l’état de santé des patients) est un facteur crucial d’efficacité des
politiques économiques du secteur.

2.3. Le régulateur

La théorie de la régulation hospitalière suppose que le régulateur maxi-


mise un surplus utilitariste W en tenant compte du coût social des fonds
publics k, d’où4

W = V ! h, q " − kT − C ! b, h, q, e, x ! q " " − d ! q, e "

3. et agissait en conformité avec le code déontologique du médecin. Cf. A. Culyer [1989].


4. Inclure #V ! h " dans W reviendrait à le compter 2 fois. Comme le soulignent Chalkley and
Malcomson [1998], la bienveillance représente la volonté d’agir dans l’intérêt collectif et ne
doit pas intervenir dans la définition de cet intérêt collectif.

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Le régulateur doit ainsi maximiser W par rapport à T, q et e lorsque b, h, q


et e sont observables, ou par rapport à T sous diverses contraintes de
compatibilité avec les incitations lorsque b, h, q et e ne sont pas observables,
et sous une contrainte d’utilité positive de l’offreur. Comme dans le cas
général, les objectifs du régulateur sont l’efficacité allocative (valeur de q qui
réalise un arbitrage entre l’utilité des soins et leur coût social), l’efficacité
productive (valeur de e minimisant le coût) et l’extraction de la rente (en
raison de la valeur positive de k). La résolution de ce problème implique
naturellement celle des arbitrages habituels entre efficacité et extraction de
la rente. Cependant, à ceux-ci, s’ajoutent des arbitrages spécifiques au sec-
teur. Ainsi, lorsque la demande augmente avec la qualité des soins non
vérifiable, le régulateur doit arbitrer entre la réduction du coût et l’amélio-
ration de la qualité. Lorsque la sévérité h est une information privée, le
régulateur doit aussi dissuader l’offreur de sélectionner les patients. L’aléa

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moral et l’anti sélection sont donc également présents.
A notre connaissance, aucun modèle ne traite l’ensemble de ces pro-
blèmes. Une partie de la littérature considère seulement le problème de
l’aléa moral en supposant les hôpitaux homogènes en termes d’efficacité et
de caractéristiques des patients. C’est ce type d’analyse qui fonde les poli-
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tiques concrètes de tarification prospective. D’autres modèles s’interrogent


plus spécifiquement sur les conséquences de l’hétérogénéité. Nous consi-
dérons ces approches dans les sections 3 et 4 respectivement en nous bor-
nant au cas du monopole.

3. Réguler des hôpitaux homogènes

A la suite de Ma [1994], une partie de la littérature s’est focalisée sur les


questions d’aléa moral en considérant la régulation d’hôpitaux identiques
traitant des patients identiques5 dans un contexte de taches multiples
(Holmstrom et Milgrom [1991]), l’effort e de réduction du coût et l’effort q
d’amélioration de la qualité étant non observables et générateurs d’une
désutilité.
L’OMS définit la qualité des soins comme la capacité à garantir à chaque
patient l’assortiment d’actes thérapeutiques lui assurant le meilleur résultat
en termes de santé, conformément à l’état de la science, au meilleur coût
pour le même résultat, au moindre risque iatrogène, pour la plus grande
satisfaction du patient en termes de procédures et de résultats. D’autres
aspects (qualité des services hôteliers et de l’accueil, longueur des files
d’attente) peuvent influencer les décisions des patients. La qualité est donc
multidimensionnelle. De plus, elle est incertaine. Dès lors que l’on se réfère
à des probabilités d’atteindre un certain résultat, on doit prendre en compte
le fait qu’elles varient avec les patients, les fournisseurs et d’autres para-
mètres aléatoires. Par suite, même si des niveaux minimaux peuvent être

5. Dans ce cas, les caractéristiques b et h des patients ne jouent aucun rôle dans l’analyse.

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définis dans une politique d’accréditation, le régulateur ne peut pas fonder


les tarifs sur la qualité. Une autre propriété de la qualité tient au fait qu’elle
résulte aussi d’un processus décisionnel interne à l’hôpital et donc d’un
effort au même titre que le niveau du coût. Dans les deux cas, c’est un effort
non vérifiable qui est en cause. Par ailleurs, on peut s’interroger sur son
influence sur les choix des patients en fonction des deux hypothèses rete-
nues par la littérature.

3.1. La demande de soins augmente


avec la qualité des traitements

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Considérons d’abord le cas le plus simple d’une qualité monodimension-
nelle q, d’un offreur maximisant son profit et d’un financement basé sur des
prélèvements obligatoires.
L’objectif de l’hôpital s’écrit U = T − c ! q, e "x ! q " − d ! q, e ". On suppose que
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le coût unitaire croit avec la qualité q et diminue avec l’effort e, que d ! q, e "
croit avec q et e et que x ! q ", égal au nombre de patients traités, croit avec
q. Par ailleurs, on considère des efforts substituables au sens où un niveau
plus élevé d’un type d’effort augmente le coût marginal de l’autre type6.
Si la tutelle est utilitariste, son objectif est W = V ! q, x ! q " " − ! 1 + k "T +
T − c ! q, e "x ! q " − d ! q, e " où V ! q, x ! q " " ≡ V ! q " est le bénéfice social asso-
cié aux soins de qualité q (ou le bénéfice des patients). On va s’interroger
d’abord sur les valeurs optimales de e et q lorsqu’elles sont observables,
avant de voir comment les règles usuelles de financement peuvent être
définies pour atteindre un résultat analogue en termes d’efficacité produc-
tive et allocative.

3.1.1. Allocation optimale des ressources


en information complète

En information parfaite, le mécanisme socialement optimal résulte de la


maximisation de W par rapport à T, q et e sous la contrainte d’un profit non
négatif. Trois conditions doivent être vérifiées :
i) L’efficacité productive est assurée quand la désutilité marginale de
l’effort e est égale à la réduction marginale du coût, d’où un effort optimal e**
(ou e* = 0) tel que
** ** **
si e > 0, de ! q, e " = − ce ! q, e "x ! q " [1]
* * *
si de ! q, e " > − ce ! q, e "x ! q ", e = 0

6. Les efforts sont substituables si Cqe ! q, e " > 0, avec C ! q, e " = c ! q, e "x ! q " + d ! q, e ".

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ii) L’efficacité allocative est atteinte quand le bénéfice marginal social de la


qualité des soins est égal à son coût marginal social, d’où une qualité opti-
male q** (associée à e** > 0) ou q* (associée à e* = 0), avec q* > q** car les
efforts q et e sont substituables.
** ** ** ** ** ** ** ** **
Vq ! q " = ! 1 + k " $ cq ! q , e "x ! q " + c ! q , e "xq ! q " + dq ! q , e " % [2]
* * * * * *
ou Vq ! q " = ! 1 + k " $ cq ! q , 0 "x ! q " + c ! q , 0 "xq ! q " + dq ! q , 0 " %

iii) Comme W est décroissant en T, la contrainte budgétaire est saturée :


aucune rente n’est laissée à l’offreur.
** ** ** ** **
U = 0 soit c ! q , e "x ! q " + d ! q , e " = T [3]

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* * *
ou c ! q , 0 "x ! q " + d ! q , 0 " = T

Cette solution de premier rang suppose l’observabilité de e et q, le paie-


ment étant basé sur leur valeur optimale. La décentralisation de cette allo-
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cation en situation d’aléa moral dépend des instruments dont dispose le


régulateur. En supposant k = 0, Ma [1994] a montré comment le rembourse-
ment du coût et la tarification forfaitaire pouvaient être conçus pour attein-
dre respectivement ! e*, q* " ou ! e**, q** ".

3.1.2. Le remboursement du coût

Lorsque l’hôpital reçoit pour chaque patient un paiement égal à son coût
unitaire c ! q, e " plus une marge fixe m, son surplus U = mx ! q " − d ! q, e "
décroît avec l’effort de réduction du coût, qui est alors fixé à son niveau
minimal : e* = 0. Cependant, la qualité choisie va dépendre d’un arbitrage
entre ce qu’elle coûte en terme d’effort et ce qu’elle rapporte, i.e. de la
marge m que le régulateur peut fixer pour atteindre le niveau de qualité
désiré. Comme e* = 0, la procédure de remboursement du coût réalisé ne
permet pas d’obtenir la qualité socialement optimale q**. Ma [1994] montre
cependant qu’on peut déterminer une marge telle que la qualité optimale q*
associée à e* = 0 puisse être réalisée. Cette marge, définie par
* * * *
dq ! q , 0 " Vq ! q " c q ! q , 0 "x ! q "
*
m= *
= *
− *
− c!q , 0"
xq ! q " xq ! q " ! 1 + k " xq ! q "

dépend de la valeur au niveau de q* et e* de la variation relative de la


désutilité marginale et de la variation de la quantité de soins fournie quand
q varie, celle-ci étant affectée par le coût social des fonds publics lorsqu’il est
positif (Mougeot et Naegelen [2005]). Le recours à ce mécanisme a deux
conséquences. En premier lieu, lorsque les deux types d’effort sont substi-
tuables, la qualité fournie est excessive (supérieure à la qualité de premier
REP 123 (2) mars-avril 2013
188 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

rang). En second lieu, la rente de l’hôpital est positive. Le remboursement


du coût est donc une procédure socialement inefficace tant du point de vue
de l’efficacité allocative (qualité excessive) que de l’efficacité productive
(coût excessif). Il conduit de plus à des rentes socialement coûteuses pour
les offreurs.

3.1.3. La tarification forfaitaire

En information complète, le régulateur choisit une allocation qui maximise


son objectif sous contrainte que l’offreur ait un montant donné de profit.
C’est la définition d’un optimum parétien. En vertu du second théorème de
l’économie du bien-être, cette allocation peut être décentralisée par un prix
paramétrique p moyennant une réallocation des dotations initiales. Le prix

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fixe doit être choisi de telle sorte que, compte tenu de la demande de soins
croissante avec la qualité, la maximisation du profit conduise aux valeurs
socialement optimales e** et q**. Face à un prix fixe p, l’offreur choisit un
niveau de qualité q tel que
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pxq ! q " = cq ! q, e "x ! q " + c ! q, e "xq ! q " + dq ! q, e " [4]

Compte tenu de (4) et (2), le régulateur peut induire tout niveau de qualité
par le choix d’un tarif p** = Vq ! q** "/ $ ! 1 + k "xq ! q** " % . Face à ce prix,
l’offreur choisit e** et q**. Ce prix fixe optimal p** dépend, pour chaque
pathologie, du rapport entre la variation du bénéfice social et la demande
marginale affectée du coût social des fonds publics quand q varie, ce rapport
étant évalué au niveau de q**.
L’intuition derrière ce résultat est simple. Comme l’hôpital augmente son
revenu en traitant plus de patients et qu’il ne peut le faire qu’en augmentant
la qualité, il peut être incité à offrir tout niveau de qualité souhaité par un
prix suffisamment élevé. Le régulateur peut donc l’amener à internaliser
l’intérêt général en choisissant un prix qui incite à choisir q**. Ce prix fixe
n’est pas conditionné par la qualité fournie mais choisi pour que l’hôpital
sélectionne le même niveau de qualité que celui qu’aurait choisi le régula-
teur en information complète. Il doit prendre en compte l’effet du choix du
niveau de qualité sur le bénéfice social et sur les décisions des patients, ce
qui suppose connues les fonctions de demande de soins et de bénéfice
social. D’autre part, quand k > 0, par application du second théorème de
l’économie du bien-être, cette décentralisation s’accompagne d’une redistri-
bution – socialement coûteuse – des patients vers l’hôpital qui obtient une
rente positive (Mougeot et Naegelen [2005]).

3.1.4. La tarification forfaitaire de second rang

Si le régulateur peut taxer forfaitairement les hôpitaux, un tarif à deux


composantes T = p** x + t** permet d’obtenir la solution de premier rang, p**
visant à réaliser l’allocation optimale ( q** et e**), t** visant à s’approprier la
REP 123 (2) mars-avril 2013
Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 189

rente. Avec deux objectifs (efficacité, élimination de la rente) et deux instru-


ments (un prix unitaire et une taxe forfaitaire), le régulateur obtient le bien-
être optimal en affectant chacun des instruments à un objectif particulier. Si
le prix prospectif est le seul instrument disponible, les effets sur la rente et
sur la qualité sont opposés, un prix unitaire élevé impliquant un niveau de
qualité des soins élevé et une rente élevée. Il faut alors réaliser un arbitrage
de second rang entre les deux objectifs contradictoires d’efficacité et
d’extraction de la rente. Le régulateur peut définir le prix unitaire en tenant
compte de la réaction de l’offreur à ce prix en termes d’effort e et q, en
cherchant ensuite, compte tenu de cette réaction, le niveau de prix qui
maximise le surplus social. Mougeot et Naegelen [2005] montrent que le
compromis réalisable se caractérise alors par un prix p̃ < p**, par un niveau
de qualité q̃ < q** et par une rente plus élevée que dans la situation sociale-
ment optimale, mais plus faible que celle qui aurait été obtenue avec le prix

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**
p . Pour le régulateur, le dilemme est donc important : privilégier l’objectif
allocatif (choisir p** et q**) et laisser des rentes socialement coûteuses ou
réduire la qualité pour réduire les rentes.
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3.1.5. Généralisations

Ces mécanismes que nous venons de considérer peuvent être généralisés


de différentes manières.

Altruisme de l’offreur7
Si l’on suppose que l’hôpital est partiellement altruiste, les résultats pré-
cédents restent vérifiés pour les deux types de mécanismes. Ma [1997] a
ainsi considéré le cas où l’utilité de l’offreur prend en compte #V ! q " et fait
un arbitrage différent entre l’intérêt des patients et son surplus financier, ce
qui facilite la tâche du régulateur puisque l’offreur partage partiellement le
même objectif. Dans le cas du remboursement du coût, le niveau de la
marge qui permet d’atteindre la qualité optimale associée à l’effort nul de
réduction du coût est réduit d’un taux ! 1 − # " ou ! 1 − #̂ " selon que # est
inférieur ou supérieur à un seuil #̂. L’offreur obtient alors une rente si # < #̂ et
un profit nul si # ≥ #̂. Le même raisonnement s’applique dans le cas d’une
tarification forfaitaire. Le prix fixe qui permet de décentraliser l’allocation
optimale est plus faible qu’en l’absence d’altruisme et doit être modulé par
rapport à p** en fonction de # si celui-ci est inférieur à un seuil # et de #
au-dessus de ce seuil.

Qualité multidimensionnelle
Le raisonnement précédent n’est pas fondamentalement modifié mais
Chalkley et Malcomson [1998] ont montré qu’il doit être effectué désormais

7. Nous verrons dans la section 4 comment l’altruisme de l’offreur peut modifier les méca-
nismes optimaux lorsque l’état de santé des patients est pris en compte dans un contexte
d’antisélection.

REP 123 (2) mars-avril 2013


190 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

pour chaque dimension de la qualité, ce qui limite considérablement l’ana-


lyse. Face à un prix unique par pathologie p, l’hôpital doit choisir n niveaux
de qualité tels que le coût marginal de chacun soit égal au produit de ce prix
par la demande marginale. Le prix ne peut donc décentraliser l’optimum que
si pour chaque composante, la variation de la demande et celle du bénéfice
social par rapport à la qualité sont identiques ou si les patients et le régu-
lateur évaluent la qualité des soins au moyen d’un indice agrégé pondérant
de la même manière les différentes composantes. Or, comme ce n’est en
général pas le cas (le régulateur pouvant avoir une meilleure information
que le patient et exercer une fonction tutélaire sur la consommation de soins
ou prenant en compte des externalités), un contrat beaucoup plus complexe,
nécessitant plus d’instruments spécifiques, devrait être défini.

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3.2. La demande de soins est indépendante
de la qualité des traitements
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En information parfaite, quand la demande est aléatoire et en tenant


compte de l’existence d’une capacité maximale d’accueil, les conditions
déterminant l’allocation optimale sont analogues à celles du cas précédent,
l’efficacité allocative nécessitant de plus l’égalité entre le bénéfice marginal
social du nombre de patients et son coût marginal social. Chalkley et Mal-
comson [1998a] ont montré comment la régulation dépend dans ce cas de
l’altruisme de l’offreur.

3.2.1. Hôpital à but lucratif

Lorsque l’hôpital a un but lucratif ! # = 0 ", l’alternative est simple : soit la


qualité, soit l’effort de réduction du coût sont fixés au minimum vérifiable.
En effet, pour que l’hôpital accepte de fournir une qualité plus élevée, il faut
qu’il soit compensé pour cela, ce qui implique au minimum un rembourse-
ment du coût qui induit nécessairement un effort nul de réduction du coût.
Pour que cet effort ne soit pas nul, un prix prospectif peut être retenu mais
il ne permet en aucun cas d’atteindre la qualité optimale puisque accroître la
qualité augmente le coût et la désutilité sans augmenter la recette. Le régu-
lateur se trouve alors face à un choix : ou bien il privilégie la maîtrise des
coûts et renonce à l’obtention d’un niveau élevé de qualité, ou bien il privi-
légie l’efficacité allocative mais renonce à l’efficacité productive.

3.2.2. Hôpital partiellement altruiste

Si l’hôpital est partiellement altruiste, les conséquences purement moné-


taires de l’incitation peuvent être réduites. Chalkley et Malcomson montrent
qu’un contrat mixte comprenant un remboursement partiel du coût combiné
avec un prix fixe, peut améliorer l’allocation. La volonté de lésiner sur la
REP 123 (2) mars-avril 2013
Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 191

qualité étant réduite par l’altruisme, l’offreur peut fournir un niveau de qua-
lité plus élevé même s’il n’est pas totalement remboursé de ses coûts.
Supposons un hôpital parfaitement altruiste ! # = 1 ". En information par-
faite, la qualité optimale vérifie Vq ! q** " = Cq ! q**, e** " + dq ! q**, e** " et l’effort
optimal vérifie (1). Si le paiement prend la forme d’un prix unitaire p, en
maximisant px − C ! q, x, e " − d ! e, q " + V ! q ", l’hôpital choisit les mêmes
niveaux de q et e. L’hôpital se comporte comme un agent parfait du régula-
teur lorsque le nombre de patients est connu. Si # < 1, en information par-
faite, l’effort e reste défini de la même manière. En revanche, la qualité
socialement optimale dépend de l’égalité entre le bénéfice social marginal et
la somme des coûts marginaux et de la désutilité marginale de la qualité
pondérée par un terme croissant avec k et décroissant avec #. Si le paiement
est T = px + ! 1 − a "C ! q, x, e ", l’utilité de l’hôpital est U = px − aC ! q, x, e " −
d ! e, q " + #V ! q ". La maximisation de cette utilité conduit alors à un effort de

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réduction du coût positif mais inférieur à l’effort socialement optimal et à un
niveau de qualité positif mais inférieur à la qualité de premier rang. Plus le
degré d’altruisme est élevé, plus on peut s’éloigner du remboursement inté-
gral du coût, ce qui permet de réduire les dépenses tout en accroissant la
qualité.
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L’argument lié à l’introduction d’un remboursement partiel du coût repose


sur le fait que la réduction de e par rapport au niveau optimal associé au prix
forfaitaire a un effet de second ordre sur le bien-être alors que l’effet de
l’augmentation de la qualité est de premier ordre, puisqu’elle était égale à
son minimum (et non à un niveau optimisé). Ainsi, un petit accroissement
du paramètre de partage du coût améliore le bien-être. Ce résultat est
conforme à l’intuition ancienne de Ellis et McGuire [1986], dans un contexte
d’agent parfait.

3.2.3. Qualité multidimensionnelle

Le fait que toutes les dimensions de la qualité ne soient pas observables


de la même manière modifie la nature des contrats. Si on suppose, à titre
d’exemple, que la qualité d’un service 1 est vérifiable alors que celle d’un
service 2 ne l’est pas, un mécanisme à prix fixe pour 1 (optimal si l’on
considère ce service isolément) incite l’offreur à réallouer ses efforts d’amé-
lioration de la qualité vers ce service au détriment de ceux qu’il consacre à
2. Ce phénomène mis en évidence par Holmstrom and Milgrom [1991] a été
analysé, dans le cas de la tarification hospitalière, par Eggleston [2005] qui
montre que l’accroissement du coefficient de partage du coût a dans un
contrat T = p + aC peut restaurer les incitations à l’effort de qualité sur le
service 2. L’analyse de cet effet d’éviction a été approfondie par Kaarbøe et
Siciliani [2010] qui supposent que l’on peut fixer un prix pour inciter l’offreur
à réduire le coût et un bonus pour récompenser la fourniture de soins de
qualité élevée. Ils considèrent deux dimensions, l’une vérifiable ! q1 " et
l’autre non ! q2 ". Le bonus incitant à la fourniture de soins de qualité ne
peut reposer que sur q1. Le résultat de l’analyse dépend de manière cruciale
des relations entre q1 et q2. Si les deux dimensions sont substituables, il y a
un effet d’éviction d’un effort sur l’autre. Si elles sont complémentaires, le
REP 123 (2) mars-avril 2013
192 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

producteur devient plus performant en ce qui concerne une qualité lorsqu’il


peut améliorer l’autre. L’effet d’éviction disparait. Dans le cas de complé-
mentarité, le mécanisme doit reposer sur des incitations fortes : le prix reçu
par le producteur pour la fourniture de q1 doit être au moins égal à son
bénéfice marginal et les deux niveaux de qualité sont positifs. Quand q1 et q2
sont substituables, le régulateur doit tenir compte de l’effet d’éviction. Si q2
est plus importante que q1 en termes de bénéfice social marginal pour le
régulateur, il peut être préférable de renoncer à toute incitation concernant
q1 (bonus nul), les effets négatifs (baisse de q2) l’emportant sur les effets
positifs (augmentation de q1). A l’opposé, quand les bénéfices tirés d’une
augmentation de q1 sont élevés et que la substituabilité des efforts conduit à
une chute rapide de q2 quand q1 augmente, la force des incitations à l’amé-
lioration de q1 doit être élevée (bonus supérieur au bénéfice marginal). Un
mécanisme fortement incitatif de fourniture d’une dimension observable

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n’est donc justifié que dans des cas particuliers8.

3.3. Mise en œuvre d’une tarification forfaitaire


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La tarification forfaitaire retenue dans la plupart des pays développés vise


à réaliser l’efficacité productive dans un contexte d’inobservabilité de l’effort
de réduction des coûts. Elle suppose satisfaites un certain nombre de condi-
tions comme l’autonomie de gestion des établissements, l’homogénéité des
hôpitaux9 et une observabilité de sa qualité lorsqu’une tarification analogue
à celle que nous avons mise en évidence plus haut ne peut pas être retenue.
Dans ce contexte, les différences de coût ne peuvent provenir que de diffé-
rences d’effort. En pratique, une procédure de concurrence par comparaison
(Shleifer [1985]) est retenue. Fixer un prix fixe égal à une moyenne des coûts
revient à mettre chaque producteur en face d’un prix paramétrique. Créan-
cier résiduel de son effort de réduction du coût, chaque offreur a intérêt à
faire l’effort optimal et à réaliser le coût minimum. La moyenne des coûts
minimaux est le coût socialement optimal. Le modèle de Shleifer [1985] est
considéré comme la base théorique de cette tarification. Outre le fait qu’il
proposait une solution à un problème qui ne se posait pas en l’absence de
coût social des fonds publics, il repose sur des hypothèses non vérifiées
dans le secteur hospitalier et nécessite donc des adaptations complexes.
Parmi les ajustements simples, deux peuvent être retenus.

3.3.1. Hétérogénéité observable et modulation des prix


forfaitaires
L’idée d’une tarification forfaitaire uniforme peut se heurter à l’existence
de différences de coûts indépendantes des efforts réalisés pour les réduire et

8. Propper, Burgess et Gossage [2008] ont montré que les hôpitaux anglais soumis à la
concurrence réduisent la qualité non observée pour accroitre la qualité mesurée et observée.
La concurrence étant équivalente à une incitation à fournir la qualité observée, l’effet d’évic-
tion exercé sur la qualité non observée est donc vérifié.
9. En particulier en termes de statut. Cf. Mason et al. [2009].

REP 123 (2) mars-avril 2013


Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 193

liées à des facteurs observables (disparités géographiques de prix fonciers,


de salaires ou disparités de statut). Le système français de la T2A et le
système anglais du Payment by Results comportent ainsi un ajustement
financier avec des coefficients géographiques rémunérant les surcoûts non
imputables aux hôpitaux.
Le versement d’indemnités compensatoires variables d’une localisation à
l’autre pourrait constituer une solution à l’existence de ces disparités obser-
vables. Lorsque le régulateur ne dispose que de l’instrument tarifaire, com-
ment intégrer celles-ci dans les prix forfaitaires ? Considérant des coûts
croissants avec la quantité de soins et avec un paramètre observable c,
Miraldo, Siciliani et Street [2011] montrent que la règle de tarification doit
être modifiée en fonction d’un effet dû au bénéfice des traitements (les
producteurs à coût élevé ayant une activité plus faible, le bénéfice marginal
d’un accroissement de la production est plus élevé pour les hôpitaux à c

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élevé), d’un effet tenant à une rente différente (les producteurs à coût élevé
fournissant moins de soins, la rente qui résulte d’un accroissement du prix
est plus faible, ce qui justifie un prix plus élevé pour les hôpitaux à c élevé)
et d’un effet de réactivité qui apparait quand un accroissement de la quantité
de soins consécutif à une hausse du prix est plus faible pour les hôpitaux à
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coût élevé que pour les hôpitaux à coût faible. L’effet de réactivité pouvant
varier en sens opposé des deux autres effets en fonction de la forme de la
fonction de coût, Miraldo, Siciliani et Street considèrent des fonctions par-
ticulières pour mettre en évidence la nature de l’ajustement des prix en
fonction de la variation de c. Dans les trois cas qu’ils considèrent, le prix
forfaitaire des hôpitaux à coût élevé doit être plus élevé que celui des hôpi-
taux à coût faible.
Dans le même contexte, Mougeot et Naegelen [2012] montrent que les
différences de prix entre hôpitaux ne doivent pas nécessairement refléter les
différences de coût marginal quand c varie, l’ajustement optimal des tarifs
hospitaliers étant en général discriminatoire, le sens de la discrimination au
troisième degré dépendant uniquement des propriétés des fonctions de
coût. Le résultat principal est qu’un ajustement des tarifs proportionnel aux
variations observables des coûts n’est optimal que dans des conditions très
particulières, notamment en cas de constance des coûts marginaux. En fonc-
tion des propriétés des coûts marginaux, la politique optimale peut consister
en un ajustement supérieur ou inférieur au coût marginal en fonction de la
réactivité du producteur de soins. Ainsi, le régulateur en position de monop-
sone doit discriminer en faveur des hôpitaux localisés dans des zones à coût
bas, ou en faveur des hôpitaux localisés dans des zones à coût élevé pour
accroitre le bien-être social.

3.3.2. La concurrence face à une enveloppe globale

Les gouvernements de nombreux pays ont eu recours à des procédures


de globalisation financière pour contenir les dépenses de santé. Une poli-
tique d’enveloppe globale peut être introduite pour limiter les effets des
stratégies d’accroissement du nombre d’actes en réduisant le tarif en fonc-
tion de la production. C’est ainsi qu’une régulation prix-volume accompagne
REP 123 (2) mars-avril 2013
194 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

en France la mise en œuvre de la T2A, le prix fixe en t + 1 diminuant quand


l’activité augmente en t. On parle alors de point flottant.
La nature profonde de cette politique consiste à mettre les offreurs de
soins dans une situation de concurrence à la Cournot. Si E est le montant de
l’enveloppe, si chaque offreur j fournit une quantité d’actes xj, la procédure
consiste à attribuer ex post un revenu Rj = pxj aux producteurs de soins avec
un prix unitaire dépendant du nombre total d’actes : p = E/ & xj. Cette
j
demande inverse fictive est substituée par le régulateur à la demande inélas-
tique des patients. Le régulateur réintroduit ainsi un arbitrage prix/quantité
que le consommateur n’exerce pas. Comme le prix reçu par chaque offreur
dépend des décisions de tous, l’enveloppe globale introduit une interdépen-
dance entre les décisions. Les stratégies d’équilibre doivent donc corres-
pondre à un équilibre de Nash en quantités. Dans la pratique de la T2A,

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l’enveloppe globale exogène repose sur des prévisions de croissance des
séjours hospitaliers, ce qui est source d’inefficacité10.
Mougeot et Naegelen [2005] ont cherché à définir une politique optimale
d’enveloppe dans un cadre analogue à celui de Ma [1994]. Deux situations
doivent être envisagées. Lorsque la politique s’applique à des offreurs de
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soins en situation de monopole géographique, le niveau de l’enveloppe peut


être choisi en tenant compte des réactions de chaque offreur en chaque lieu.
Le niveau optimal de l’enveloppe peut alors être déterminé de telle sorte
que l’optimum de second rang associé au prix fixe soit atteint à l’équilibre
de Nash quand le nombre d’hôpitaux est très grand, ce qui conduit à un
niveau de qualité plus faible que dans la situation socialement optimale.
Cette inefficacité se retrouve également quand on suppose que les hôpitaux
se livrent à une concurrence par la qualité telle que la part de marché de
chaque offreur dépend du niveau de sa qualité relativement à celui de ses
concurrents. Même choisie de manière optimale, la politique d’enveloppe ne
conduit jamais à l’allocation optimale des ressources dans un contexte
d’aléa moral. Elle peut cependant contribuer à réduire les rentes en permet-
tant d’atteindre l’optimum de second rang lorsque le nombre d’offreurs est
suffisamment grand.

4. Réguler des hôpitaux hétérogènes


Prendre en compte l’hétérogénéité non observable implique de résoudre
simultanément les problèmes d’aléa moral et d’antisélection qui peut
concerner l’inobservabilité de paramètres de productivité ou des caractéris-
tiques des patients. La variabilité des coûts en fonction de la sévérité à
l’intérieur d’un même GHM est en cause. L’antisélection est à l’origine de
nouvelles difficultés pour le régulateur. En premier lieu, la prise en compte
de l’arbitrage efficacité-extraction de la rente implique que le régulateur
introduise une distorsion dans les choix des agents en réduisant la quantité

10. Cf. Mougeot et Naegelen [2011a].

REP 123 (2) mars-avril 2013


Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 195

ou la qualité des soins offerts aux patients sévèrement atteints, ce qui peut
impliquer une sélection des patients (De Fraja [2000]). Les tarifs optimaux
sont alors différenciés selon la sévérité, ce qui peut être en contradiction
avec l’objectif d’un régulateur qui accorderait plus d’importance aux patients
caractérisés par une sévérité élevée. L’ensemble des questions posées par
l’antisélection est considéré dans une première sous-section. En second lieu,
lorsque le mécanisme discriminatoire optimal ne peut être mis en œuvre, ce
qui est le cas dans la pratique des tarifications prospectives, il peut être de
l’intérêt des offreurs de soins de sélectionner les patients les plus coûteux.
La seconde sous-section analyse le recours à des tarifs à deux composantes
pour résoudre cette difficulté complexe impliquant un arbitrage entre effica-
cité, extraction de la rente et dissuasion de la sélection. En troisième lieu,
l’hétérogénéité des patients peut impliquer des traitements différents pour
une même pathologie, ce qui pose le problème de la différenciation des

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GHM selon les traitements et selon la sévérité. Ces questions sont abordées
dans une troisième sous-section. Enfin les offreurs de soins peuvent avoir
un objectif plus complexe faisant intervenir l’intérêt des patients, qui dépend
lui-même de la sévérité non observable. De nouvelles questions se posent
concernant les mécanismes de paiement en fonction du degré d’altruisme
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des offreurs. Elles seront traitées dans la dernière sous-section.

4.1. Antisélection et régulation hospitalière

La première conséquence de l’antisélection est la discrimination tarifaire.


Les hôpitaux ayant une productivité différente ou traitant des patients diffé-
rents devraient recevoir des prix différents. La seconde conséquence est la
nécessité de réduire la qualité ou la quantité de soins requise pour limiter la
rente informationnelle. Cette question a été analysée par Mougeot et Naege-
len [2003] et De Fraja [2000] qui caractérisent, dans des contextes différents,
les prix par patient que le régulateur doit annoncer pour que l’hôpital choi-
sisse la qualité des soins (ou la quantité) de second rang.

4.1.1. Réduction du nombre de patients traités


pour limiter la rente

De Fraja [2000] suppose que le coût croît avec un paramètre de producti-


vité b (une plus grande productivité correspondant à une valeur de b faible),
décroit avec un paramètre µ qui caractérise l’aptitude de chaque patient à
bénéficier des soins (que l’on peut considérer comme le contraire de la
sévérité h)11 et que V ! µ ", le bénéfice social à traiter un patient µ, croît avec
µ. Il considère, dans ce contexte, un paiement total T ! n " dépendant du

11. Pour rendre cette section cohérente avec le reste de l’article, les notations ont été
changées par rapport à celles de De Fraja. La relation inverse entre µ et la sévérité h découle
de la définition donnée par De Fraja qui précise que µ peut représenter l’espérance de vie,
celle-ci étant plus élevée lorsque la sévérité de la maladie est plus faible.

REP 123 (2) mars-avril 2013


196 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

nombre n de cas traités. Pour le déterminer, il montre qu’en information


complète, le régulateur fixerait pour tout niveau de productivité un seuil
µ ! b " en-dessous duquel un patient ne serait plus traité et un prix tel que le
bénéfice social marginal serait égal au coût social marginal. En information
incomplète sur b et µ, le régulateur doit réduire le nombre de patients traités
en augmentant le seuil d’aptitude à bénéficier des soins au-dessous duquel
les soins sont refusés (ce qui équivaut à réduire le seuil de sévérité
au-dessus duquel les soins ne sont pas fournis). Cette réduction varie cepen-
dant selon b, le seuil µ * ! b " étant croissant en b. Par suite, plus de patients
seront traités dans un hôpital à coût faible, un patient à sévérité élevée
pouvant être refusé par un hôpital peu efficace mais traité par un hôpital
efficace.
Le paiement qui conduit à ce comportement de sélection socialement

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optimale des patients peut prendre plusieurs formes. Il peut avoir deux
composantes, l’une identique pour tous les hôpitaux et égale au coût total
de l’hôpital le moins efficace compte tenu de tous les patients traités, l’autre
variable avec la productivité et équivalente à un paiement additionnel pour
tout patient traité en plus du nombre de patients traités dans l’hôpital le
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moins efficace. Ce paiement variable est égal au coût du patient supplémen-


taire dans l’hôpital où il serait le patient marginal. Comme le coût des
patients que l’hôpital efficient traite est inférieur, il réalise un gain égal à
l’économie de coût que son efficacité plus grande permet de réaliser. Le prix
unitaire croissant avec l’efficacité, les hôpitaux les plus productifs traitent les
cas les plus coûteux. Comme ceci augmente le surplus collectif, on doit les
inciter à le faire avec un tarif plus élevé. Face à cette tarification, un hôpital
à productivité faible n’a pas intérêt à choisir le contrat de l’hôpital plus
efficace car l’accroissement de recette obtenu ne serait pas suffisant pour
compenser le coût plus élevé. Dès lors, il suffit de conditionner le budget sur
le nombre de patients traités qui révèle le niveau de productivité. Les hôpi-
taux à bas coût obtiennent un budget plus élevé car ils traitent les cas les
plus coûteux mais ils reçoivent aussi un prix par cas plus élevé que les
hôpitaux à coût élevé. La raison tient à ce que les coûts dépendent des
réactions à la tarification en ce qui concerne le nombre et la caractéristique
des patients traités en fonction de l’information privée et du tarif. Cette
stratégie doit être prise en compte par le régulateur, ce que la tarification
forfaitaire ne permet pas.
La prise en compte simultanée de l’antisélection et de l’aléa moral justifie
l’instauration de règles de partage de coût telles que le tarif soit un tarif
binôme lorsque le coût réalisé est observable ex-post (Laffont et Tirole
[1993]) comme l’ont proposé Chalkley et Malcomson [2002]. Une règle bien
conçue permet de réduire le paiement moyen sans conduire au refus de
traiter des patients. En effet, ce type de mécanisme, dans lequel une partie
(variable avec la sévérité) du coût est remboursée, garantit la couverture du
coût quand il est élevé mais permet de réduire la rente quand il est faible.
Les incitations à l’efficacité productive sont, certes, réduites et le coût moyen

REP 123 (2) mars-avril 2013


Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 197

de fourniture des soins est plus élevé mais le paiement total est en moyenne
réduit en raison de la baisse de la rente12.

4.1.2. L’incompatibilité des incitations


et de la recherche du bénéfice social maximal

Quand h représente la sévérité et est non observable, le régulateur doit


requérir un niveau de qualité (ou une quantité) des soins inférieur au niveau
d’information parfaite. Si le bénéfice social des soins augmente avec la
sévérité13, la collectivité valorisant plus le traitement des cas graves, la
qualité socialement optimale peut aussi augmenter avec la sévérité, ce qui
est en contradiction avec cette distorsion à la baisse. Ce conflit entre l’objec-

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tif social et les contraintes d’incitation a une intensité qui dépend du degré
d’altruisme. Mougeot et Naegelen [2010] ont analysé les cas extrêmes d’un
offreur à but lucratif et d’un offreur parfaitement altruiste14. Dans les deux
cas, ils mettent en évidence des situations dans lesquelles le contrat optimal
doit être identique – c’est-à-dire prévoir un prix et un niveau de qualité
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identiques – quel que soit le degré de sévérité. Le régulateur doit laisser


toute la rente à l’offreur et choisir un contrat qui n’arbitre pas entre l’extrac-
tion de celle-ci et l’efficacité. Lorsque l’hôpital est à but lucratif, la qualité qui
permet la révélation de la vraie valeur de la sévérité décroit avec h alors que
la qualité optimale croit quand la variation du bénéfice social marginal avec
h est plus grande que la variation du coût marginal virtuel. Obtenir la bonne
information sur la sévérité réduit le bien-être social. Le régulateur doit donc
choisir un contrat identique quel que soit le niveau de la sévérité puisque
tout contrat séparateur réduirait le bien être. Dans ce cas, la qualité requise
est la qualité moyenne et le paiement qui dissuade la sélection correspond
au coût du traitement du patient le plus gravement atteint. Lorsque l’hôpital
est parfaitement altruiste, des contrats à prix fixe indépendants de la sévé-
rité peuvent également être optimaux. La contradiction apparaît alors quand
le bénéfice social marginal des soins augmente plus vite que le coût margi-
nal du traitement mais moins vite que le coût marginal social quand h
augmente. A nouveau, un contrat séparateur est trop coûteux. La quantité
des soins, identique pour tout niveau de sévérité, est alors celle qui maxi-
mise le bien-être social moyen. Comme la dissuasion de la sélection n’est
pas coûteuse quand # = 1, le prix est égal à la valeur moyenne du coût.
Cette analyse fournit une justification du recours aux tarifications forfai-
taires indépendantes de la sévérité dans la pratique. Le régulateur serait
amené à renoncer à la discrimination des tarifs en raison de cette contradic-
tion entre la recherche du bénéfice social maximal et les exigences asso-

12. A partir des données de Medicare, Chalkley et Malcomson [2002] montrent que les
économies résultant du passage d’une tarification forfaitaire à des menus de contrats discri-
minatoires de partage des coûts varieraient de 7 % à plus de 60 % selon les DRG (équivalents
américains des GHM).
13. Cf. en ce sens Choné et Ma [2011], Galizzi et Miraldo [2011]. En revanche, Chalkley et
Malcomson [2002] supposent que le coût croît avec h plus vite que le bénéfice social.
14. Cette analyse s’appuie sur le concept de « non responsiveness » (Guesnerie et Laffont
[1984]).

REP 123 (2) mars-avril 2013


198 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

ciées à la mise en œuvre d’une politique incitative de révélation de l’infor-


mation cachée.

4.1.3. La concurrence pour le marché, instrument


de réduction de la rente

Un moyen de pallier le défaut de concurrence dans le secteur hospitalier


repose sur l’organisation par le régulateur d’un quasi marché de telle sorte
que le secteur bénéficie des avantages de la concurrence sans souffrir de ses
inconvénients. La mise en place ex ante de mécanismes de concurrence
pour le marché peut permettre de réduire ces rentes15, l’État intervenant en
tant qu’acheteur de soins et instaurant une mise en concurrence des

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offreurs. Cette concurrence pour le marché existe, sous de nombreuses for-
mes, dans plusieurs pays16. Elle consiste à instaurer des appels d’offres pour
attribuer le droit de servir la demande. Dans le cas du secteur de la santé, on
peut concevoir que l’achat de soins puisse prendre cette forme17.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que ces mécanismes de
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contractualisation sélective puissent être mis en œuvre : pluralité de l’offre,


intéressement des hôpitaux, spécifications des services, existence d’une
capacité excédentaire. Le choix de la procédure doit tenir compte de la
qualité des soins et du critère de prix. Il s’agit en effet d’organiser une
enchère bidimensionnelle pour attribuer un bien indivisible (des soins
concernant un individu ou une pathologie) ou de partager une demande
divisible (répartition des soins entre différents hôpitaux). Peu de travaux y
ont été consacrés dans le domaine de l’économie de la santé. Mougeot et
Naegelen [2003] ont cependant caractérisé le mécanisme optimal lorsque le
coût des traitements dépend d’un paramètre non observable de productivité
a, de la qualité q et d’une demande croissante avec q. Ce mécanisme permet
de réduire le coût des traitements en réduisant la rente accordée au produc-
teur et d’accroître le niveau de qualité par rapport à ce qui serait obtenu sans
mise en concurrence en situation d’anti-sélection. Ils caractérisent aussi
l’enchère au meilleur rapport qualité-prix qui concrétise le mécanisme.
Comme dans le cas de l’hôpital en monopole, le régulateur doit introduire
une distorsion à la baisse dans son évaluation de la qualité et doit pouvoir
s’engager à ne pas renégocier lorsque la procédure a révélé les informations
privées des hôpitaux.

4.2. Dissuasion de la sélection

Dans la pratique, Chalkley et Malcomson [2002] observent que les régula-


teurs n’utilisent pas les contrats optimaux faisant varier les tarifs avec la

15. Cf. Laffont et Tirole [1993].


16. Cf. l’analyse détaillée de M. Mougeot [1994].
17. Cf. Mougeot et Naegelen [2007], [2011a].

REP 123 (2) mars-avril 2013


Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 199

sévérité. Les prix prospectifs, essentiellement conçus pour résoudre la ques-


tion de l’aléa moral, ne prennent pas en compte l’antisélection. Or, face à un
prix fixe, toute réduction exogène du coût est reçue par l’hôpital. La rente de
l’hôpital est donc très sensible au niveau de sévérité. Dans la pratique, la
sévérité explique une part importante des différences de coût observées à
l’intérieur d’un GHM18. Cette hétérogénéité des patients conduit à la possi-
bilité d’une sélection des patients ou d’une rente de l’hôpital selon qu’il
s’agit d’un malade à coût élevé ou à coût bas. Dans le système américain,
Medicare a introduit des règles de partage des coûts pour résoudre le pro-
blème en permettant aux hôpitaux d’être payés plus pour les patients à coût
élevé (« outliers »). Ainsi, pour ces patients, Medicare introduit partiellement
des paiements rétrospectifs par une combinaison d’une tarification à prix
fixe pour les patients ayant un coût inférieur à Ĉ et d’une prise en compte
partielle du coût effectif des outliers ! C > Ĉ ".

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C’est l’incapacité du régulateur à mettre en œuvre le contrat optimal de
partage des coûts qui justifie l’existence de ces paiements spécifiques pour
les patients exceptionnellement coûteux. Les régulateurs ne disposent en
général que de deux instruments : un prix fixe p pour les patients à coût
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faible et une règle de partage du coût a pour les outliers quand C > Ĉ. Ils
doivent aussi définir le seuil Ĉ. Trois cas doivent être envisagés selon l’infor-
mation de l’hôpital.

4.2.1. État de santé des patients observable


par l’hôpital

Lorsque la sévérité est observable par l’offreur de soins, Ma [1994, 1997]19


a proposé de fixer p = Ĉ pour tout coût inférieur à Ĉ et p = C pour tout coût
supérieur à Ĉ. Cependant, comme il suppose k = 0, il fait disparaître l’arbi-
trage entre efficacité et extraction de la rente. L’hôpital s’approprie toute la
rente coûteuse en traitant les patients dont le coût est inférieur à Ĉ. De plus,
une condition nécessaire à la mise en œuvre de ce mécanisme est que
l’effort de réduction du coût n’affecte que les cas les moins sévères et n’a
aucune influence sur les coûts des patients les plus sévèrement atteints (Ma
[1997]), ce qui fait disparaître l’arbitrage entre l’efficacité productive et la
sélection de ces patients. Ce mécanisme s’applique en fait à une situation
dans laquelle le problème de l’arbitrage efficacité – extraction de la rente –
dissuasion de la sélection ne se pose pas.
En revanche, Mougeot et Naegelen [2008a, 2009] ont montré comment un
contrat linéaire optimal devait être relié aux caractéristiques de la distribu-
tion statistique de la sévérité, au coût social des fonds publics et au degré
d’altruisme lorsque le producteur est astreint à l’équilibre budgétaire. Lors-
que # est élevé, le mécanisme optimal est un contrat à prix fixe, avec un prix

18. Cf. Dormont et Milcent [2004] qui montrent que les caractéristiques des patients repré-
sentent 50 % de la variance des coûts observés.
19. Voir aussi la critique de Sharma [1997].

REP 123 (2) mars-avril 2013


200 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

égal au coût moyen. L’altruisme réduisant l’incitation à sélectionner les


patients à coût élevé, l’hôpital accepte de faire des pertes sur ceux-ci en
échange de gains sur les patients à coût faible de façon à ce que le budget
soit équilibré. Les patients à sévérité faible subventionnent donc les patients
à sévérité élevée. Lorsque # est plus faible, la combinaison dépend du degré
d’altruisme. Pour réaliser un arbitrage optimal avec l’efficacité productive, le
régulateur doit réduire la partie fixe du paiement en dessous de celle qui
correspond au coût du patient ayant la sévérité la plus élevée en contrepar-
tie d’une prise en charge partielle des coûts des outliers, ce qui diminue
l’effort de réduction du coût les concernant mais réduit la rente associée au
traitement des patients à coût faible. La partie fixe p décroit avec # et le
coefficient a de partage des coûts augmente avec k alors que le seuil Ĉ
décroit avec k. Dans le cas d’un degré intermédiaire d’altruisme, le méca-
nisme est analogue mais l’altruisme est suffisant pour que l’extraction de la

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rente n’intervienne pas : Ĉ et a ne dépendent pas de k et ne servent qu’à
résoudre un arbitrage entre efficacité productive et dissuasion de la sélec-
tion.
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4.2.2. État de santé des patients non observable par


l’hôpital

Lorsque l’hôpital ne peut pas observer la sévérité des patients, les paie-
ments additionnels pour les cas graves peuvent être utilisés pour limiter le
risque financier du producteur. Cette question a été analysée par Ellis et
McGuire [1998] et Keeler, Carter et Trude [1988] sans que l’aléa moral soit
considéré. Mougeot et Naegelen [2008] ont montré que le contrat linéaire
avec partage des coûts pour les outliers n’est pas l’instrument approprié
quand l’hôpital ne peut observer la sévérité avant de choisir e. Si h appar-
tient à un domaine fini et si l’hôpital maximise une fonction d’utilité avec
aversion à l’égard du risque constante (CARA), la politique optimale consiste
à fixer ex ante un tarif égal au coût moyen du traitement calculé au niveau
de l’efficacité productive auquel on ajoute la compensation de la désutilité
de l’effort optimal. Ce tarif est associé à une pénalité infinie pour toute
réalisation du coût associé à l’effort de premier rang hors du domaine des
possibles. Cette pénalité suffit à inciter à l’effort optimal. Comme l’hôpital ne
connaît pas le degré de sévérité lorsqu’il choisit son effort, il y a toujours
une possibilité pour que le coût ex post soit hors de l’intervalle s’il ne fournit
pas l’effort optimal et qu’il traite un patient à sévérité élevée. Pour éviter la
pénalité, choisir l’effort de premier rang est la meilleure stratégie de l’hôpi-
tal20 quand il est risquophobe. Ce paiement équivaut à une assurance com-
plète de l’hôpital contre le risque d’accueillir un patient à coût élevé21. En
conséquence, aucun paiement spécifique pour les outliers ne se justifie.

20. Comme le soulignent Bolton et Dewatripont [2005], quand le support de la distribution


est borné, le problème d’incitation disparaît.
21. Ce paiement doit aussi être associé à une sanction élevée si le refus d’un patient
particulier ayant un coût élevé est détecté.

REP 123 (2) mars-avril 2013


Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 201

4.2.3. État de santé des patients partiellement


observable
Une troisième possibilité apparaît lorsque les offreurs de soins
n’observent l’état de santé des patients qu’en engageant une dépense k (par
l’intermédiaire d’examens coûteux par exemple). Sappington et Lewis [1999]
ont analysé les schémas mixtes de paiement adaptés à cette situation inter-
médiaire. Le coût du traitement peut prendre deux valeurs suivant que la
sévérité est élevée, hH, ou basse, hL. Si l’offreur engage une dépense k, il
acquiert une information sur h que ne possède pas la tutelle. L’offreur peut
alors annoncer une valeur du coût et recevoir le paiement associé s’il
accepte de traiter le patient. Si ce dernier est de type hH, l’offreur peut le
traiter comme un patient hL avec un traitement insuffisant ou inefficace

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compte tenu de son état de santé. Pour éviter cette manipulation, Sapping-
ton et Lewis mettent en évidence les conditions dans lesquelles le filtrage de
la clientèle doit être découragé ou au contraire toléré quand les paiements
sont linéaires par rapport au coût réalisé. La politique optimale consiste en
une combinaison unique de partage a du coût réalisé et de paiement forfai-
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taire R lorsque le régulateur veut empêcher le filtrage et en un couple de


combinaisons ! aH, RH " et ! aL, RL " lorsque l’offreur peut acquérir de l’infor-
mation susceptible d’être utilisée pour la sélection des patients. Le régula-
teur a intérêt à laisser l’hôpital engager des dépenses de diagnostic quand
leur coût est faible, mais doit, dans ce cas, moduler les tarifs pour limiter la
manipulation de l’information. Quand le coût du filtrage est plus élevé, il
faut dissuader l’hôpital de le mettre en œuvre et instaurer des tarifications
non différenciées.

4.3. Choix des traitements et raffinement


des nomenclatures
Des patients hétérogènes atteints d’une même pathologie peuvent être
traités différemment. Ceci peut justifier une différenciation des tarifs selon le
traitement retenu, ce qui équivaut à un éclatement de la nomenclature.
D’autre part, on peut concevoir que celle-ci soit conditionnée par le degré de
sévérité. Cependant, lorsque ce dernier est observable par l’offreur et non
par le régulateur, de nouvelles possibilités de manipulation apparaissent si
l’offreur a intérêt à affecter un patient à sévérité basse à un GHM associé à
une sévérité élevée ou à un traitement fourni à un patient à sévérité élevée.
Considérons donc les nouveaux arbitrages entre sous-production et surpro-
duction des traitements intensifs lorsque ces raffinements de classifications
sont pris en compte.

4.3.1. Choix des traitements


La tarification optimale en présence de deux types de traitements – médi-
cal ou chirurgical – pour un même diagnostic a été étudiée par Siciliani
REP 123 (2) mars-avril 2013
202 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

[2006] quand les questions de qualité, d’efficacité productive et de sélection


pouvaient être ignorées. Il suppose que les patients relevant tous du même
diagnostic varient selon leur sévérité h et que les hôpitaux varient selon la
sévérité moyenne des patients qu’ils traitent. Lorsque le régulateur observe
la sévérité moyenne, le contrat optimal consiste à payer à chaque hôpital un
prix fixe égal au coût tenant compte du fait qu’au-delà (en deçà) d’un seuil
de sévérité fixé optimalement, le traitement chirurgical est moins (plus)
coûteux que le traitement médical. Dans ces conditions, les producteurs
n’obtiennent pas de rente et choisissent le traitement le plus efficace. Ce
contrat peut être mis en œuvre pour chaque hôpital par un tarif unique
croissant avec la sévérité moyenne de l’hôpital (ou avec la proportion des
traitements chirurgicaux) ou par un tarif différencié selon le traitement
choisi. Le paiement pour chaque type de traitement est alors égal au coût
moyen des patients défini à partir du seuil optimal de changement de trai-

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tement. Il est croissant avec la sévérité moyenne et donc avec la proportion
de traitements chirurgicaux.
Lorsque la sévérité moyenne n’est pas observée, une rente information-
nelle décroissante avec la sévérité moyenne doit être laissée, ce qui impli-
que une inefficacité. Le contrat optimal définit un prix fixe (plus élevé qu’en
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information complète) et un seuil pour chaque sévérité moyenne tel que le


coût de fourniture du traitement chirurgical est plus élevé que le coût de
fourniture du traitement médical. Pour réduire la rente des hôpitaux ayant
une sévérité moyenne basse, le régulateur doit introduire une distorsion
dans leur choix en accroissant la proportion de traitements chirurgicaux en
fonction de la sévérité moyenne. La mise en œuvre peut se faire par un tarif
unique tel que les hôpitaux qui annoncent une proportion élevée de traite-
ments chirurgicaux reçoivent un prix plus élevé à un taux croissant avec
cette proportion ou par un tarif différencié, le régulateur proposant un menu
de tarifs binômes tel que le prix du traitement chirurgical augmente en
fonction de la sévérité moyenne annoncée et le prix du traitement médical
diminue avec elle. Alternativement, le régulateur pourrait fixer deux prix en
fonction de la proportion de traitements chirurgicaux fournie. Dans ce cas,
les hôpitaux fournissant une plus haute proportion de traitements chirurgi-
caux recevraient un prix plus élevé pour chaque traitement chirurgical et
plus bas pour chaque traitement médical. La question de la modulation des
tarifs selon les traitements est donc une question délicate dès lors que
l’hétérogénéité des hôpitaux dépend de l’hétérogénéité des patients traités
et qu’ils peuvent agir sur leur rémunération par leur décision médicale.

4.3.2. Accroissement du nombre de GHM et surcodage

La variance intra-GHM constitue une limite à la tarification forfaitaire à


laquelle l’instauration de contrats non linéaires pourrait remédier. Une voie
alternative consiste à accroitre le nombre de groupes en divisant certains
GHM selon la sévérité. C’est la méthode retenue en France22. Il existe cepen-
dant un risque de surcodage ou de codage opportuniste dans un contexte

22. Cf. version 11 de la classification, qui comporte 2 291 groupes homogènes de séjour.

REP 123 (2) mars-avril 2013


Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 203

d’anti-sélection. Si un GHM est découpé en deux, l’un concernant les


patients à coût faible h et l’autre les patients à coût élevé h, un hôpital peut
classer un patient h dans le groupe h pour bénéficier d’un tarif plus élevé.
Plus la classification des pathologies est fine et plus ce risque de surcodage
(« DRG creep ») est grand. Les enjeux de ce raffinement ont été mis en
évidence par Hafteinsdottir et Siciliani [2009] qui considèrent le choix entre
un ou deux DRG lorsque deux traitements (intensif ou non) existent pour un
même diagnostic en fonction de h. Le régulateur peut fixer un tarif unique
pour le diagnostic ou le différencier selon la sévérité. Dans le cas d’un tarif
unique, les offreurs moyennement altruistes vont fournir le traitement
d’intensité faible (forte) à des patients dont la sévérité est inférieure (supé-
rieure) au seuil optimal justifiant le traitement intensif. Un offreur à but
lucratif offrira uniquement le traitement peu intensif. En revanche, avec des

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tarifs différenciés, il y aura une incitation à la fourniture excessive du traite-
ment intensif. Le choix du régulateur entre ces deux stratégies qui induisent
une fourniture insuffisante ou excessive du traitement dépend de la distri-
bution de h et de la forme des fonctions de coût et de bénéfice des traite-
ments. Comme dans les situations analysées plus haut, le régulateur doit
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réaliser un compromis entre la sous-production du traitement intensif en


l’absence de raffinement et la surproduction en cas de raffinement. Cet arbi-
trage n’a aucune raison d’être le même pour toutes les pathologies.

4.4. Altruisme et mécanismes optimaux


de paiement

Nous avons vu plus haut combien l’altruisme des offreurs de soins


conduit à des modifications assez profondes des mécanismes optimaux
d’incitation et joue un rôle essentiel dans la littérature sur la régulation
hospitalière des prix23. Cette question se pose de manière évidente pour le
secteur public d’hospitalisation mais peut aussi se poser dans le secteur
privé24. Lorsque l’offreur de soins prend en compte l’intérêt des patients
dans un contexte d’hétérogénéité, son objectif dépend de la sévérité en tant
que facteur d’accroissement des coûts mais aussi en tant que facteur
d’accroissement de son utilité. Dès lors, les arbitrages rente-efficacité vont
changer selon le degré de sévérité, ce qui est à l’origine de nouveaux ques-
tionnements portant sur les incitations compensatoires, sur les éventuels
effets pervers d’incitations monétaires et sur la révélation du degré
d’altruisme.

23. Outre les articles déjà cités, cf. Siciliani [2007], Makris et Siciliani [2012], Choné et Ma
[2011].
24. Sloan [2000] et Capps, Carlton et David [2010] montrent, à cet égard, que les offreurs
de soins du secteur à but lucratif (for profit) se comportent de manière équivalente à ceux du
secteur à but non lucratif (not for profit).

REP 123 (2) mars-avril 2013


204 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

4.4.1. Altruisme et incitations compensatoires

La prise en compte de l’intérêt du patient dans l’utilité de l’hôpital peut


permettre de réaliser l’objectif d’efficacité en contrepartie d’une rente plus
faible. Cependant, une inversion de l’arbitrage rente-efficacité peut conduire
à des mécanismes plus complexes. Lorsque le bénéfice social V ! h " aug-
mente avec la sévérité, l’offreur parfaitement altruiste peut avoir intérêt à
sous-évaluer h pour convaincre la tutelle que la composante altruiste de son
objectif est en réalité faible et qu’une compensation plus forte est néces-
saire. Le régulateur doit alors requérir un niveau d’effort plus élevé que
l’effort de premier rang pour réduire la rente informationnelle. Ainsi, l’arbi-
trage efficacité-extraction de la rente change en fonction du degré

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d’altruisme #. L’incitation à surévaluer la sévérité domine quand # est faible
alors que l’incitation à sous-évaluer domine quand # est élevé. Pour des
valeurs intermédiaires du degré d’altruisme, l’incitation dominante va
dépendre du degré d’altruisme et de la pente de V ! h " et peut changer de
sens avec la sévérité. Le régulateur doit donc mettre en place des incitations
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compensatoires25. Mougeot et Naegelen [2011] ont montré que le méca-


nisme optimal consistait à imposer à l’offreur de soins son niveau d’utilité
exogène pour des valeurs intermédiaires de la sévérité quand la fonction
#V ′ ! h " décroissait à un taux faible et que l’incitation à surévaluer (resp.
sous-évaluer) dominait pour les valeurs élevées (resp. basses) de la sévérité.
Quand l’incitation à sous-évaluer (resp. surévaluer) domine pour les valeurs
élevées (resp. basses) de la sévérité, cette solution ne peut plus être atteinte.
Le mécanisme optimal consiste alors à imposer un niveau d’effort intermé-
diaire pour des valeurs intermédiaires de la sévérité. Alors qu’en l’absence
d’altruisme, l’efficacité productive n’est requise que pour un patient caracté-
risé par la sévérité la plus faible, elle peut l’être pour la sévérité la plus
élevée si le degré d’altruisme est élevé ou pour une valeur intermédiaire
pour une valeur moyenne du degré d’altruisme. La prise en compte de la
bienveillance de l’hôpital à l’égard de l’état de santé des patients conduit
donc à une analyse beaucoup plus complexe que dans le cas où l’hôpital est
à but purement lucratif. La régulation optimale devrait, en fait, être spéci-
fique à chaque offreur et reposer sur des contrats plus sophistiqués. Dans ce
contexte, l’imposition d’une contrainte budgétaire moyenne peut conduire à
un niveau d’effort de premier rang pour tout niveau de sévérité quand le
degré d’altruisme est suffisamment grand. Comme l’altruisme réduit la
volonté de refuser de traiter les patients à coût élevé pourvu que les pertes
compensent les gains, l’hôpital accepte des subventions croisées entre les
catégories de patients qu’il soigne. Imposer que tous les patients soient
traités quel que soit leur état de santé est, dans ces conditions, non coûteux
pour le régulateur. Le prix reçu par l’hôpital est alors indépendant de h et
égal à la valeur moyenne du coût.

25. L’analyse de ce type de mécanisme est due à Lewis et Sappington [1989] et Maggi et
Rodriguez-Clare [1995] dans le cas d’une contrainte de participation dépendant de l’informa-
tion privée. Mougeot et Naegelen [2011] appliquent cette méthodologie à la régulation
d’agents altruistes.

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Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 205

4.4.2. Les effets pervers des incitations monétaires

Les incitations financières peuvent avoir pour conséquence une démoti-


vation des producteurs lorsqu’ils accordent de l’importance à leur réputa-
tion. Cette éviction de la finalité altruiste apparaît lorsque les offreurs varient
selon leur degré d’altruisme # et sont sensibles au fait d’être perçus comme
des médecins désintéressés plutôt que comme des médecins attirés par le
gain. L’incitation basée sur un prix fixe p peut avoir pour effet de dévaloriser
le bénéfice tiré de la réputation d’être désintéressé26. Un prix élevé peut
alors avoir des conséquences inverses de celles espérées. Siciliani [2009] a
analysé ce phénomène d’exclusion de la motivation altruiste dans le cas des
offreurs de soins. Si l’on considère un objectif q̃ de qualité des traitements,

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les offreurs faiblement altruistes ! # < #1 " produiront qL < q̃, les offreurs for-
tement altruistes ! # > #2 " produiront qH > q̃ et q̃ sera produit dans le cas
intermédiaire ! #1 < # < #2 ". Cependant, une augmentation du prix fixe a
deux effets. D’une part, elle incite les offreurs faiblement ou fortement
altruistes à accroitre la qualité des soins, l’effet de l’augmentation du prix
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étant analogue à un accroissement proportionnel du degré d’altruisme.


D’autre part, elle modifie le nombre d’offreurs perçus comme faiblement ou
moyennement altruistes. Un médecin dont le degré d’altruisme est #1 peut
être amené à se comporter comme s’il avait un degré d’altruisme supérieur
à #1 et à produire q̃ puisque le revenu est plus élevé. En revanche, cet
accroissement de qualité peut être perçu comme le résultat d’un comporte-
ment cupide et amener des offreurs caractérisés par un degré intermédiaire
d’altruisme à réduire la quantité de services produite pour ne pas être per-
çus comme attirés par le gain. Selon l’effet qui l’emporte, l’accroissement du
prix augmente ou non la qualité fournie : l’effet final de cette politique est
alors ambigu puisque les offreurs dont le degré d’altruisme est intermédiaire
peuvent augmenter ou réduire la qualité de leurs services.

4.4.3. Révélation du degré d’altruisme et modulation


des contrats

Toutes les implications de l’altruisme en tant qu’instrument d’une poli-


tique de régulation supposent # connu, c’est-à-dire que le régulateur peut
distinguer les offreurs de soins selon l’intérêt qu’ils portent respectivement à
leur revenu et à l’intérêt des patients. A l’évidence, # n’est pas observable.
Jack [2005] a montré que l’on pouvait concevoir des mécanismes tels que
les offreurs de soins révèlent leur degré d’altruisme. Un l’hôpital dont le
degré d’altruisme est élevé (resp. bas) ne doit pas avoir intérêt à choisir le
paiement destiné à un hôpital dont le degré d’altruisme est bas (resp. élevé).
Ces mécanismes ont la structure habituelle basée sur une distorsion du
budget destinée à réaliser un arbitrage entre payer moins les offreurs les

26. Cf. Benamou et Tirole [2005].

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206 —————————————————— La théorie normative de la régulation hospitalière

plus altruistes (qui sont les moins coûteux) et les payer plus pour qu’ils
révèlent leur altruisme. Ce mécanisme suppose cependant que les autres
sources d’asymétrie d’information ne sont pas prises en compte. Un modèle
plus général devrait considérer une approche multidimensionnelle prenant
en considération à la fois l’information imparfaite sur l’altruisme et sur le
coût des traitements27.
Bien que l’altruisme des fournisseurs de soins soit un élément essentiel
pour comprendre la manière dont ils répondent aux incitations et pour
concevoir les mécanismes de financement, il reste, en raison de son inob-
servabilité, exclu explicitement de la réflexion sur les politiques de régula-
tion, même si implicitement certaines de ces politiques le présupposent.

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5. Conclusion

Cet article nous a permis de présenter les principaux travaux théoriques


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sur la régulation des hôpitaux. La littérature met en évidence de nombreux


arguments en faveur de contrats plus complexes que les tarifs forfaitaires
retenus en pratique pour des raisons d’efficacité productive. L’hétérogénéité
des patients, la recherche de l’efficacité allocative, la rente des offreurs ou
l’inobservabilité de la qualité justifieraient une tarification plus sophistiquée.
Il existe cependant aussi des arguments à l’appui des prix fixes par patho-
logie tenant à des problèmes d’incitation compensatoire et de compatibilité
de l’objectif social avec les incitations.
Cette théorie est par ailleurs loin d’être achevée. De nombreuses ques-
tions restent à approfondir. En premier lieu, nous nous sommes bornés ici à
la régulation d’hôpitaux en situation de monopole. Lorsque cette hypothèse
n’est pas vérifiée, une concurrence par la qualité en présence de tarifs régu-
lés apparait28. Elle peut être associée à une différenciation verticale (cf.
Mougeot et Naegelen [2012a]) ou horizontale des services (Brekke, Siciliani
et Straume [2011], Brekke, Nuscheller et Straume [2007]). En second lieu,
nous avons considéré ici l’hôpital comme une entité. Or des relations
d’agence se retrouvent aussi à l’intérieur de l’hôpital. Boadway et al. [2004]
et Galizzi et Miraldo [2011] analysent ainsi la gouvernance de l’hôpital sous
cet angle. En troisième lieu, les médecins du secteur public ont souvent la
possibilité d’admettre des patients en secteur privé. Cette pratique du
« moonlighting » peut conduire à des effets d’éviction (Brekke et Sorgard
[2007], Biglaiser et Ma [2007], Gonzales [2004], Delgaauw [2007]) et à des
régulations complémentaires du secteur privé (Gonzalez et Macho-Stalder
[2012]). En quatrième lieu, la prise en compte des économies d’échelle et
d’envergure devrait conduire à des politiques plus globales de tarification
tenant compte de ces phénomènes. Enfin, nous avons privilégié une appro-
che normative. Or les aspects d’économie politique jouent un rôle essentiel

27. Cf. la tentative de Choné et Ma [2001].


28. Cf. Dranove [2012], Gaynor et Town [2012].

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Michel Mougeot, Florence Naegelen ———————————————————————————————— 207

dans ce secteur (cf. Barros et Siciliani [2012]) et devraient conduire au déve-


loppement d’une approche positive. Sur tous ces points, beaucoup reste à
faire, les recherches théoriques devant s’appuyer sur le développement de
la théorie générale de la régulation tout en mettant l’accent sur les spécifi-
cités du secteur.

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