Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
org
LE NEMRO
REVUE TRIMESTRIELLE DE DROIT ECONOMIQUE Fondateur : Pr. Robert NEMEDEU
Avril-Juin 2020
Partie 2
LE NEMRO
Revue Trimestrielle de Droit Economique
Dossier spécial « Covid‐19 et le droit » ‐ Partie 2
Juillet‐septembre 2020
Pr Robert NEMEDEU
Pr Sara NANDJIP MONEYANG
Pr Serge Patrick LEVOA AWONA
Pr Sylvain KUATE
Pr Yvette KALIEU ELONGO
Me Hyppolite Bertin TIAKOUANG
MELI
Dr KAGOU KENNA Patrice Hubert
Dr MOUHOUAIN Salifou
LE NEMRO
Revue Trimestrielle de Droit Economique
Dossier spécial « Covid‐19 et le droit » ‐ Partie 2
Juillet‐septembre 2020
CADRE DE PUBLICATION
Tout article soumis pour publication doit être rédigé en format Microsoft Word (2007
minimum) et respecter la police de caractères suivante :
Interligne : 1,5
Tout article doit être accompagné d’un résumé en français et en anglais, d’une photo 4/4
numérisée de l’auteur, le tout à envoyer à l’adresse suivante : lenemro@lenemro.org
La revue s’engage à publier les résumés des meilleures thèses soutenues dans le domaine du
droit économique. Elle entend contribuer ainsi à la vulgarisation des résultats des activités
scientifiques nombreuses que nous organisons dans nos universités.
L’auteur s’engage en retour à ne pas publier son article dans une autre revue, au moins,
durant la période nécessaire à l’expertise, et définitivement, lorsque son texte est retenu.
Le rédacteur en chef
Pr Eloie SOUPGUI
A LA UNE
I- COVID-19 ET LE DROIT DES MARCHES FINANCIERS
COMMENT COMPRENDRE LA REACTION DES MARCHES FINANCIERS DE LA CEMAC (BVMAC) ET
DE L’UEMOA (BRVM) FACE A LA COVID-19 ?
PR ROBERT NEMEDEU, DR WILLY STEPHANE ZOGO (P2)
II-
COVID-19 ET DROIT DES OBLIGATIONS
L’INJUSTICIABILITE DE L’INEXECUTION DU LIEN CONTRACTUEL DUE A LA
COVID-19
DR. TCHATCHOUANG TCHEJIP (19)
« DE L’OBLIGATION DE RÉPARER LE PRÉJUDICE ÉCONOMIQUE DE LA COVID-19 AU
CAMEROUN »
DR WILLIAMS NYANDA MKAMWA (P31)
LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT À L’ÉPREUVE DU COVID-19
DR SILIENOU HERLINE IDELE (P46)
COVID -19 ET EXECUTION DES CONTRATS EN DROIT OHADA
DR JOSIANE AZANGUE (P60)
CONTRATS EXTRACTIFS ET COVID 19 DANS L’ESPACE OHADA
DR MAGINNOT ABANDA AMANYA, DR ANNE MBOKE ANNE (P75)
LA QUALIFICATION JURIDIQUE DU COVID-19 : FORCE MAJEURE ?
M. HYACINTHE MBENTI ESSIANE (P90)
18
during the execution of the contract and that le contrat dans le contexte des autres accords
would make it impossible or excessively expensive pertinents de l’entreprise afin de déterminer les
to execute the contract: force majeure and droits et obligations de chacun. Les contrats
unforseeable events peuvent notamment imposer les délais de
notification que les parties devront respecter. Les
Tous les pays du monde sont lourdement
accords commerciaux peuvent aussi prévoir une 61
impactés par l’épidémie du COVID‐19. L’ampleur
série de conséquences y compris l’allègement des
de la crise est historique dans le monde, ce qui
obligations devant être exécutées et/ou des couts
pourrait plonger le pays en récession1. Face à la
pour la partie affectée, l’aménagement de la
pandémie de COVID‐19, les pays africains prennent
responsabilité civile contractuelle et la résiliation4.
non seulement des mesures de confinement, mais
déploient aussi un arsenal de mesures budgétaires Le monde vit actuellement dans une
et monétaires d’urgence, avec bon nombre de profonde incertitude scientifique, sanitaire et
banques centrales prenant des décisions économique. Face à cette « guerre » menée contre
importantes, en abaissant notamment le taux la Covid‐19, une même arme est à la disposition de
d’intérêt ou en injectant à un niveau inédit des tous les pays frappés par cette pandémie : le droit.
liquidités dans l’économie2. L’impact du virus sur D’après les scientifiques, la Covid‐19 est un virus
une entreprise et dans le cadre d’une relation appartenant à la famille des coronavirus, le
contractuelle donnée dépendra du cas d’espèce3. Il réservoir du virus étant probablement animal, c’est
est conseillé aux cocontractants qui notifient un virus détecté chez une chauve‐souris, mais
l’existence d’un cas de force majeure, d’interpréter l’animal à l’origine de la transmission chez
l’homme n’a pas encore été identifié avec
certitude, bien que les travaux scientifiques
1
L’urgence de santé publique de portée
internationale est définie comme un « événement suggèrent que le pangolin pourrait être impliqué
extraordinaire » qui « constitue un risque pour la comme hôte intermédiaire entre la chauve‐souris
santé publique dans d’autres États en raison du
et l’homme. Toujours est‐il que l’étude de ce virus
risque international de propagation des maladies
et [qui] peut requérir une action internationale
coordonnée » (OMS, Règlement sanitaire
international, 2005, art. 1 er) 4
MODI KOKO BEBEY(H.D), « Les enjeux de
2
AUDIT(E),GHOZI (A) et GRIMALDI(C), « Esquisse l’harmonisation du droit des contrats »,in Actes du
d’un droit commun des contrats à partir des Actes colloque annuel africain du Diplôme universitaire
uniformes »,in Actes de colloque annuel africain du juriste OHADA, le droit OHADA, Bilan et
diplôme interuniversitaire, septembre 2015,p.49/ Perspectives, LPA, septembre 2015, p.40.
MONEBOULOU MINKADA(H.M), « La question de la
3
MEKKI(M.), « De l’urgence à l’imprévu du Covid‐ définition du contrat en droit privé : Essai d’une
19 : Quelles boites à outils contractuels ? AJ théorie institutionnelle », Revue de l’ERSUMA,
Contrat, avril 2020, p. 164. jan.2016, p.89.
révèle la mutation de ses gènes, ce qui poserait Il n’est pas à négliger que cette pandémie
problème aux virologues dans le monde entier5. mondiale a affecté énormément l’économie. La
question fondamentale que l’on peut se poser est
Les parties à des accords commerciaux
celle de savoir quelle est l’impact de cette
touchées par l’épidémie du coronavirus sont
pandémie sur l’exécution des contrats ? S’il affecte
invitées à analyser rapidement les droits et
le contrat dans son exécution quelle solution 62
obligations respectifs, cela implique d’identifier les
palliative peut être mise en œuvre pour y
dispositions clés des contrats concernées
remédier ? Une relation contractuelle peut être
susceptibles d’être affectés par des évènements
impactée par une pandémie au point de remettre
récents, d’identifier les obligations d’information
en cause l’équilibre contractuelle et la bonne
qui peuvent être déclenchées. D’examiner s’il
exécution du contrat. Vu que le Covid‐19 impacte
existe d’autres moyens d’exécuter les obligations
fondamentalement la relation contractuelle(I), il
contractuelles ou si des mesures peuvent d’ores et
existe pour les cocontractants des solutions
déjà être prises pour anticiper les potentielles
palliatives. En présence de la pandémie les parties
conséquences futures de l’épidémie. Pour mieux
peuvent décider de suspendre le contrat dans son
étayer nos développements nous verront
exécution dans certaines conditions ou le
comment le droit OHADA dans ses multiples
renégocier quand son exécution demeure encore
contrats pourrait gérer la pandémie de Covid‐19,
possible(II).
même comme sa nature prise sur le fondement de
force majeure qui exonère de toute responsabilité I ‐ L’IMPACT DU COVID‐19 DANS LES RELATIONS
n’est pas absolue et reste discutable .
6 CONTRACTUELLES
La Covid‐19 a sérieusement impacté tous
les domaines et plus précisément les contrats. Le
souci du législateur étant de maintenir les relations
5
NEMEDEU(R.), « Le Covid‐19 et le droit », contractuelles pourra suspendre l’exécution des
chronique, LE NEMRO (Revue Trimestrielle de Droit
obligations dans la limite du raisonnable(A). Mais
Economique), janv‐mars 2020, p.3.
lorsque l’économie ou l’utilité du contrat sera
6
Ainsi, si l’impossibilité d’exécuter l’obligation
inexistante ou inopportune il pourra tout
contractuelle n’est que temporaire, l’exécution de
l’obligation en question sera uniquement simplement le résilier(B).
suspendue, sans que cela engage la responsabilité
du débiteur. En d’autres termes, les obligations qui A ‐ LA SUSPENSION DES OBLIGATIONS
ne peuvent être exécutées seront reportées et DANS LA LIMITE DU RAISONNABLE
devront être réalisées dès que la situation le
La suspension des obligations
permettra (par exemple lorsque le pic de l’épidémie
sera passé et que l’interdiction de circuler ou contractuelles est possible en cas d’empêchement
d’ouvrir certains établissements non essentiels sera partiel ou temporaire. Elle doit se faire dans la
levée). L’effet suspensif sera néanmoins écarté
limite du raisonnable en exigeant que si le contrat
lorsque le retard justifiera la résolution du contrat.
a été conclu avant l’apparition ou l’expansion de la des obligations entraine report des délais dans
pandémie, la durée de la prolongation des délais l’urgence en cas de survenance de pandémie9.
sera égale au nombre de jours compris entre le
Si la Covid‐19 est appréhendé sous le
début de la pandémie et la date à laquelle
prisme de la force majeure cela permet de
l’obligation devait être exécutée7. Si par contre le
suspendre l’exécution des obligations
contrat a été conclu postérieurement à la 63
contractuelles lorsque l’empêchement est
pandémie, la durée de prorogation sera égale au
temporaire10. L’article 1218 al 2 du Code civil
nombre de jours compris entre la date de
français précise que« si l’empêchement est
conclusion du contrat et la date à laquelle
temporaire, l’exécution de l’obligation est
l’obligation devait être exécutée.
suspendue à moins que le retard qui en résulterait
En France, l’Ordonnance n°2020‐306 du ne justifie la résolution du contrat... » . Ainsi, si
25 mars 2020, l’une des Ordonnances relatives à l’impossibilité d’exécuter l’obligation contractuelle
l’état d’urgence sanitaire décrété à raison de n’est que temporaire, l’exécution de l’obligation en
l’épidémie du COVID‐19 suspend les effets de question sera uniquement suspendue, sans que
certaines clauses contractuelles et prolonge ceux cela engage la responsabilité du débiteur. En
de certaines clauses de résiliation. Il s’agit des d’autres termes, les obligations qui ne peuvent
clauses stipulant une astreinte, les clauses pénales, être exécutées seront reportées et devront être
les clauses résolutoires et les clauses prévoyant
une déchéance lorsqu’elles ont pour objet de 9
THIBIERGE (L.), le contrat face à l’imprévu, Thèse,
sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un Université de panthéon Sorbonne,2009,p.156.
réalisées dès que la situation le permettra. La crise et la fermeture d’établissement, ainsi que les
sanitaire du COVID‐19 et les conséquences qui en frontières. Si l’obligation contractuelle se heurte à
résultent sont susceptibles de constituer un cas de une décision étatique qui en rend l’exécution
force majeure. Cette dernière, selon ses impossible, l’existence d’un cas de force majeure
caractères, doit d’abord être un évènement qui semble pouvoir être caractérisé, à condition
échappe au contrôle du débiteur. L’émergence et toutefois que les autres soient réunies12. 64
la propagation du Covid‐19, qui a été considéré par
Or, depuis le 29 février 2020, l’épidémie
l’OMS comme une urgence de santé publique de
n’est plus imprévisible en France et de ce fait le
portée internationale, puis une pandémie où des
COVID‐19 ne peut plus être considéré comme un
mesures étatiques qui ont suivi pourraient être
cas de force majeure libérant les parties de leurs
considérés comme remplissant cette condition.
obligations contractuelles, à moins que l’épidémie
Ensuite, la Covid‐19 peut être considérée comme
ait été expressément prévue par le contrat et donc
un évènement qui ne pouvait pas être
acceptée par les deux parties.
raisonnablement prévu lors de la conclusion du
contrat. Cette pandémie étant une forme nouvelle En droit OHADA, plus particulièrement
de virus, pour laquelle n’existe à ce jour aucun en droit de la vente commerciale, la suspension de
vaccin, cette condition sera selon toute l’exécution des obligations contractuelles a pour
vraisemblance satisfaite pour tous les contrats but de proroger les délais, on parle de délai
conclus, renouvelés, reconduits avant l’expansion supplémentaire. Cette faculté de sauvegarde du
de la pandémie . 11
contrat vise à gérer davantage les risques
d’inexécution. Pour mettre en échec cette force
La Covid‐19 peut, enfin, être un
majeure en cas de pandémie, il serait judicieux de
évènement empêchant l’exécution d’une
reporter les délais dans la limite du raisonnable. Le
obligation et dont les effets ne peuvent être évités
délai supplémentaire est un délai raisonnable que
par des mesures appropriées. En fonction des
l’acheteur peut par un adoucissement de la rigueur
circonstances, l’apparition du Covid‐19 et les
du terme, accorder au vendeur pour s’exécuter
mesures étatiques qui ont suivi peuvent empêcher
compte tenu de la situation économique et de la
l’exécution d’une obligation contractuelle. Cette
pandémie s’est en effet révélé avoir des
conséquences potentiellement létales et a entrainé
une série de mesures restrictives sans précédent, 12
Article 294 de l’AUDCG ; Fénéon (A.) et Gomez (J.
limitant le déplacement, imposant le confinement R.), « Le droit de la vente commerciale », Cahiers
Juridiques et Fiscaux, n°2, 1998, p. 271 ; Issa
11
Ziadé (R) et Cavicchioli (C),L’impact du Covid‐19 Sayegh (J.), « La vente commerciale en droit
sur les contrats commerciaux »,A.J.Contrats,avril OHADA : apports et emprunts », European Journal
2020,p.175. of Law Reform 2011 (13) 3‐4, p. 344.
Etant donné que la fin d’une pandémie du Covid‐ mutuellement accepté que le délai du congé soit
19 est incertaine, il est préférable pour les parties d’un mois ; que depuis 1999, date de
de mettre fin à leur lien contractuel. La résiliation l’établissement du contrat, la disposition n’a pas
amiable est avant tout l’expression de la liberté été dénoncée ;qu’aux termes de l’article 1134 du
des parties. Celle‐ci suppose que personne ne Code civil, les conventions légalement faites
puisse être maintenu dans une relation qui ne lui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que 67
convienne plus. Aussi, les parties peuvent‐elles, à pour toutes ces raisons, il y a lieu de valider le
tout moment, demander la résiliation du bail en se congé et de confirmer la décision attaquée sur ce
conformant cependant aux exigences strictes de la point »29. Ce raisonnement est étonnant, car les
loi, notamment l’obligation de donner à l’autre, un juges se sont comportés à l’occasion comme si le
congé dans les formes prescrites. C’est pourquoi, bail commercial ne bénéficiait pas d’une
dans le cadre du bail à durée indéterminée, celui règlementation particulière30.
qui entend mettre fin au contrat doit donner congé
En France, l’article 5 de l’Ordonnance du
à l’autre par signification d’huissier ou notification
25 mars 2020 dispose que lorsqu’une convention
par tout moyen permettant d’établir la réception
ne peut être résiliée que durant une période
effective par le destinataire au moins six mois à
déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence
l’avance27.
de dénonciation dans un délai déterminé , cette
En effet, même si certaines juridictions de période ou ce délai sont prolongées s’ils expirent
fond ont eu à décider que les parties au contrat de durant la période définie au delà de deux mois
bail peuvent ne pas observer les formes et les après la fin de cette période. Ce qui veut dire que
délais du congé prescrits par l’AUDCG , ces 28
garanties du credit, Recueil LGA ,n°21,juillet 2019. partiellement réglementés en droit OHADA », in le
droit OHADA, Bilan et perspectives, Petites
28
Article 93 de l’AUDCG. Affiches, n°192,25 septembre 2015, p.44.
le non respect du délai de préavis même en formation du contrat, rend son exécution
période de pandémie est sanctionné31. excessivement onéreuse pour l’une des parties.
L’imprévision ne concerne que les contrats conclus
Etant donné que la rupture du contrat est
ou renouvelés avant la survenance de la
lourde de conséquences, il serait plus judicieux
pandémie32. En outre, le mécanisme légal de
pour les parties de renégocier les termes du
l’imprévision ne joue que si les parties ne l’ont pas 68
contrat dans le but de réaliser leur objectif
exclu par une stipulation contractuelle expresse . 33
premier.
Le changement de circonstances de l’imprévision
s’apprécie de la même manière que
l’imprévisibilité de la force majeure. La différence
II ‐ LA RENEGOCIATION DE BONNE FOI DES est que la force majeure rend l’exécution de
TERMES DU CONTRAT
l’obligation impossible, tandis que, dans
La renégociation des termes du contrat
l’imprévision, le changement de circonstances
permet de pallier à une éventuelle rupture du
imprévisible rend l’exécution de l’obligation
contrat causé par la pandémie du Covid‐19. Ainsi,
excessivement onéreuse, mais son exécution
lorsque l’exécution est possible mais qu’elle
demeure possible.
devient excessivement onéreuse pour l’une des
parties et/ou si l’obligation a pour objet le Le législateur OHADA n’est pas resté
paiement d’une somme d’argent, l’imprévision indifférent à l’évolution et au mouvement
sous certaines conditions peut être invoquée(A). généralisé en faveur de l’admission de la théorie
En outre, même si le confinement ne permet pas à de l’imprévision34. De ce traitement, il ressort que,
une parties de s’exécuter il serait plus avantageux d’une part, de lege lata, la théorie de l’imprévision
pour elle d’opter pour une minimisation du est immergée, implicite et dissimulée dans certains
dommage(B). standards juridiques, mécanismes et pouvoirs des
acteurs du contrat reconnus en droit OHADA.
A ‐ LA THEORIE DE L’IMPREVISION :
L’ANTICIPATION DES CIRCONSTANCES
NOUVELLES ADAMOU(M.), « La révision judiciaire du contrat
32
35
Pour une étude globale de cette réforme, v. 37
NGOUMTSA ANOU(T), « L’obligation de bonne
notamment, Mazeaud (D.), « Réforme, vous avez foi en droit OHADA :analyse à partir de la vente
dit réforme ? »,JCP G, n°9‐10, 29 février 2016, 243 ; commerciale »,in l’Obligation, Mélanges P.G
« Présentation de la réforme du droit des contrats Pougoue,L’Harmattan Cameroun,2015,p.615.
», Gaz. Pal., 23 février2016, n°8, p. 15 ; Barbier (H.),
« Les grands mouvements du droit commun des 38
AKONO ADAM(R.), « Réflexions sur la théorie de
contrats après l’ordonnance du10 février 2016 », l’imprévision en droit OHADA des contrats »,Les
RTD civ. 2016. 247 ; Dondero (B.), « La réforme du Horizons, octobre 2019,p.3.
droit des contrats – Ordonnance n°2016‐131 du 10
février 2016 », JCP E n°19, 12 mai 2016, 1283 ;
39
L’exigence de bonne foi est posée de manière
Bénabent (A.) et Aynès (L.), « Réforme du droit générale à l’article 237 de l’AUDCG révisé en ces
descontrats et des obligations : aperçu général », termes« (…) Les parties sont tenues de se
D. 2016. 434 ; Mekki (M.), « L’ordonnance n°2016‐ conformer aux exigences de la bonne foi. Elles ne
131 du 10février 2016 portant réforme du droit peuvent exclure cette obligation, ni en limiter la
des contrats, du régime général et de la preuve des portée ».
obligations. Le voletdroit des contrats : l’art de 40
Foko (A.), « Libres propos sur les « standards »
refaire sans défaire », D. 2016. 494 ;
juridiques », Cahiers Juridiques et Politiques
36
Article 1195 du code civil français. (Revue de laFaculté des Sciences Juridiques et
Politiques de l’Université de Ngaoundéré‐
ressort à partir duquel le juge pourrait se que les attraits attachés à la bonne foi
substituer à la volonté des parties. La CCJA dans n’ont pas décidément laissé le juge suprême de
une espèce où il était plus question de l’octroi d’un l’espace OHADA insensible.
délai de grâce au débiteur en situation financière
En outre l’expansion de la pandémie de
difficile pour honorer à ses engagements41, la
Covid‐19 fragilise la force obligatoire du contrat. Ce
haute juridiction communautaire a mobilisé la 70
qui accroit davantage le rôle du juge pour gérer les
bonne foi du débiteur comme condition de l’octroi
cas d’imprévision43. Une analyse du régime des
d’un délai de grâce, ajoutant ainsi une condition
contrats en cours dans l’AUPC44permet de
supplémentaire non expressément énoncée à
constater une fragilisation de la portée de la force
l’alinéa 2 de l’article 39 de
obligatoire du contrat. Les articles 108 et 109 de
l’AUPSRVE. Selon cet article, la juridiction
l’AUPC révisé donnent au syndic la faculté d’exiger
compétente peut, sauf pour les dettes d’aliments
l’exécution des contrats en cours. Le syndic peut
et les dettes cambiaires42, reporter ou échelonner
prendre la décision de ne pas poursuivre le contrat,
le paiement des sommes dues dans la
ou lorsque, après avoir exigé l’exécution d’un
limite d’une année, compte tenu de la situation du
contrat en cours, il lui apparait que ce contrat n’est
débiteur et en considération des besoins
pas ou plus utile à la poursuite de l’activité ou à la
du créancier. A s’en tenir à une lecture strictement
sauvegarde de l’entreprise débitrice. Dans cette
littérale de cette disposition, seule la mise
hypothèse, le juge‐commissaire, à la demande du
en balance de la situation du débiteur et les
syndic peut prononcer la résiliation dudit contrat.
intérêts du créancier est la condition d’octroi
De ce qui précède, il apparait dès lors que le syndic
d’un délai de grâce par le juge. Or, la CCJA ajoute
peut décider de mettre fin de manière anticipée à
aussi la bonne foi du débiteur comme
un contrat dont un déséquilibre est survenu
condition de l’octroi d’un délai de grâce. C’est dire
pendant son exécution.
45
Article 12 al.1 et 2. « 1. Le transporteur doit sans
délai aviser et demander des instructions : a) à
47
CORNU (G.), (dir.), Vocabulaire juridique, op.cit,
l’ayant droit à la marchandise si, avant l’arrivée de p.654.
la marchandise au lieu prévu pour la livraison, 48
AKAM AKAM (A.), « Le comportement de la
l’exécution du contrat dans les conditions prévues victime et la responsabilité civile », Cahiers
à la lettre de voiture est ou devient impossible… » Juridiques et Politiques, Université de Ngaoundéré,
n°1,2008, n°8, p.5 ; ‐« L’obligation de minimiser le
46
Akam Akam (A.), « L’information dans le contrat dommage », in l’obligation, Études offertes au Pr
de transport de marchandises par route : Le Droit POUGOUE (P.G),ss la dir. de ANOUKAHA (F.) et
commun des contrats à l’épreuve du droit OHADA OLINGA (A.D.),op.cit., p.65 à 85.
», RRJ, 2006‐3, p. 1661, spéc. n°29)
présenter. Le dommage qu’elle a évité et celui créancier50. Mais récemment, on a observé que
qu’elle aurait pu évité au moyen de mesures cette jurisprudence tend de plus en plus vers une
raisonnables ne sont, en principe pas indemnisés. sanction de l’obligation de minimisation du
En revanche, celui que de telles mesures n’auraient dommage51. C’est pourquoi l’Ordonnance n°2016‐
pas permis d’éviter est réparé. En principe, le 131 du 10 février 2016 précité portant sur le droit
dommage que la victime a évité n’est pas français de la responsabilité. entendent renverser 72
indemnisé. La limitation ou la réduction du la jurisprudence de 2003 en prévoyant dans des
52
dommage réalisé grâce aux efforts raisonnables de termes assez proches une sanction de l’obligation
la victime profite donc a priori au responsable. Le de modérer le dommage53 entendent renverser la
responsable n’a pas à récompenser la victime de jurisprudence de 200354en prévoyant dans des
l’exécution par elle de son obligation de minimiser
le dommage et cette dernière ne peut donc faire
50
Cass. civ. 2e, 19 juin 2003, D. 2003, jur., p. 2326,
valoir aucun droit à indemnisation pour la partie note crit., J.-P. Chazal. arrêt dans lequel la Cour de
du préjudice évité. Cette obligation fondée dans le cassation déclare au visa de l’article 1382 du code
civil, que « l’auteur d’un accident est tenu d’en
contrat sur le devoir de bonne foi et le principe de réparer toutes les conséquences dommageables » et
que « la victime n’est pas tenue de limiter son
collaboration est d’autant plus bienvenue à une
préjudice dans l’intérêt du responsable » .
époque de profonde crise économique où tout le
Civ.2eme,
51
24novembre 2011,n°10‐25.635,
monde doit faire preuve de mesure et agir de
RTDciv.2012.324,obs.PH. STOFFEL‐MUNK.
manière solidaire. Les conséquences du Covid‐19
vont causer des préjudices, sans que la force
52
Civ.2eme, 19 juin 2003, RTDciv.2003.716, dans cet
arrêt la victime n’était pas tenue de limiter son
majeure ne puisse être invoquée, pas
préjudice dans l’intérêt du responsable.
plus que l’imprévision. Si le créancier mérite
53
Article 1263 de l’Ordonnance n°2016‐131 du 10
réparation, il est aussi de son devoir de minimiser
février 2016 précité dispose qu’ : « en matière
les conséquences et de prendre les mesures contractuelle, le juge peut réduire les dommages et
raisonnables qui éviteront une aggravation de son intérêts lorsque la victime n’a pas pris les mesures
sures et raisonnables, notamment au regard de ses
préjudice.
facultés contributives, propres à éviter
l’aggravation de son préjudice ». Le cantonnement
La jurisprudence de la Cour de
de ce devoir à la responsabilité contractuelle
cassation française restait hostile à son admission signifie qu’il ne s’applique pas aux suites d’un
et se réservait à faire appel à l’article 1112 du code dommage corporel. adde V. STOFFEL‐
civil49 pour sanctionner une abstention du MUNCK(P.), « La singularité de la responsabilité
contractuelle », in La Semaine Juridique
précité,p.33.
54
Civ.2eme, 19 juin 2003, RTDciv.2003.716, dans cet
49
Article 1134 alinéa 3 du Code civil : « Les arrêt la victime n’était pas tenue de limiter son
conventions doivent être exécutés de bonne foi » préjudice dans l’intérêt du responsable.
termes assez proches une sanction de l’obligation Cette minimisation des pertes est une
de modérer le dommage55. Le commerce obligation qui est très importante pour les contrats
électronique quant à lui, l’a si bien compris et en cours d’exécution, ce qui s’avère utile pour
consacre cette obligation de minimisation des parer à la pandémie Covid‐19 qui paralyse tous les
pertes mais utilise le terme secteurs d’activité.
« minorisationdesrisques ». En effet, le règlement 73
En conclusion, nous pouvons dire que
CEMAC 56
met à la charge du commerçant des
la plupart des Etats africains ont pris des mesures
obligations tendant à minorer les risques des
exceptionnelles pour lutter contre la Covid‐19. Ces
transactions électroniques. Cette obligation ressort
mesures, cumulées à la pandémie, engendrent
bel et bien de l’article 293 de l’AUDCG qui dispose
pour les populations et de nombreuses
que « La partie qui invoque une inexécution des
entreprises, des difficultés économiques majeures.
obligations du contrat doit prendre toutes les
La rédaction des contrats est trop souvent
mesures raisonnables, eu égard aux circonstances,
mécanique et standardisée pour ne pas dire
pour limiter sa perte ou préserver son gain. Si elle
paresseuse, et ce, pour au moins deux raisons : les
néglige de le faire, la partie en défaut peut
parties au contrat font recours à des contrats types
demander une réduction des dommages‐intérêts
toujours inadaptées à des situations d’exceptions,
égale au montant de la perte qui aurait pu être
en outre la standardisation est vendue comme un
évitée et du gain qui aurait pu être réalisé ». Le
instrument de sécurisation juridique des contrats.
droit OHADA a intégré ce principe de droit
international dans le droit de la vente Le droit des pays africain devrait légiférer
commerciale. des lois sur les contrats avec des clauses qui
permettraient d’anticiper sur les effets de la
55
Article 1263 de l’Ordonnance n°2016‐131 du 10
pandémie sur le cours de l’exécution du contrat. Il
février 2016 précité dispose qu’ : « en matière
contractuelle, le juge peut réduire les dommages et est donc recommandé de lire attentivement le
intérêts lorsque la victime n’a pas pris les mesures contrat pour anticiper et déterminer les conditions
sures et raisonnables, notamment au regard de ses
d’application et les effets de ces mécanismes dans
facultés contributives, propres à éviter
l’aggravation de son préjudice ». Le cantonnement la relation contractuelle en cause. Le droit plus que
de ce devoir à la responsabilité contractuelle jamais doit jouer son rôle : permettre de lutter
signifie qu’il ne s’applique pas aux suites d’un
contre l’angoisse contemporaine en offrant
dommage corporel. adde V.STOFFEL‐
MUNCK(P.), « La singularité de la responsabilité prévisibilité, sécurité et justice. Le droit des
contractuelle », in La Semaine Juridique, 2016, contrats peut contribuer à lutter contre la crise. Il
p.33. n’est cependant pas certain que la voie judiciaire
Article
56
176 du Règlement soit la plus adaptée, du moins pour le moment. Le
n°02/03/CEMAC/UMAC/CM relatif aux systèmes, procès a besoin d’un temps long et les standards
moyens et incidents de paiement.
juridiques du droit des contrats rendent la décision
du juge parfois peu prévisible. La solution est donc expressément la théorie de l’imprévision en évitant
ailleurs. Aujourd’hui plus que jamais, l’avenir est les risques de requalification du contrat tout en
dans l’utilisation sans modération des modes respectant l’ordre public contractuel.
alternatifs des règlements des conflits. Le
législateur OHADA gagnerait à consacrer
74