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Vol.V
N°09
I S S N : 2306 - 191X
Janv. - juin
2017
1 er Sem.
EDLK
Les Editions Le Kilimandjaro
REVUE AFRICAINE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Directeur : Pr. Magloire ONDOA
Comité scientifique
• Joseph OWONA • Ferdinand MELIN SOUCRAMANIEN
Agrégé de droit public Agrégé de droit public et de science politique,
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV (France)
• Paul-Gérard POUGOUE • Léopold DONFACK SOCKENG
Agrégé de droit privé et des sciences criminelles Agrégé de droit public et de science politique,
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Professeur à l’Université de Douala (Cameroun)
• Adolphe MINKOA SHE • Marcellin NGUELE ABADA
Agrégé de droit privé et des sciences criminelles Agrégé de droit public et de science politique
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Luc SINDJOUN • Jean-Claude TCHEUWA
Agrégé de science politique Agrégé de droit public et de science politique,
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Magloire ONDOA • ATANGANA MALONGUE
Agrégé de droit public et de science politique, Agrégé de droit privé
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Nadine MACHIKOU
• Janvier ONANA
Agrégé de Science politique
Agrégé de science politique
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Professeur à l’Université de Douala (Cameroun)
•Gérard PEKASSA NDAM
• Jean Marie TCHAKOUA Agrégé de droit public
Agrégé de droit privé Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Patrick ABANE ENGOLO
• Jean NJOYA Agrégé de droit public
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
•Jean GATSI • Germain NTONO TSIMI
Agrégé de droit privé Agrégé de droit privé et de sciences criminelles
Professeur à l’Université de Douala (Cameroun) Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Victor Emmanuel BOKALLI • Robert MBALLA OWONA
Agrégé de droit privé Agrégé de droit public
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Maître de Conférences à l’Université de Douala (Cameroun)
• André AKAM AKAM • Fabien NKOT
Agrégé de droit privé Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) • Vincent NTUDA EBODE
• Martin BLEOU Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Agrégé de droit public et de science politique • Michel KOUNOU
Professeur à l’Université d’Abidjan Cocody (Côte d’Ivoire) Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Théodore HOLO • SPENER YAWAGA
Agrégé de droit public et de science politique Maître de Conférences à l’Université de Ngaoundéré (Cameroun)
Professeur à l’Université de Cotonou (Bénin) • Jacques BIAKAN
• Jean Du Bois de GAUDUSSON Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Agrégé de droit public et de science politique • Jacques KWIMO
Professeur à l’Université de Bordeaux IV- Montesquieu (France) Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Fabrice MELLERAY • Eric Mathias OWONA NGUINI
Agrégé de droit public et de science politique Docteur en Science politique
Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV (France) Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Alain ONDOUA
Agrégé de droit public et de science politique
Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Comité de rédaction
• Jean Luc ENGOUTOU • Yves Patrick MBANGUE NKOMBA
Docteur Ph/D en droit public Doctorant en science politique
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Assistant à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
•Alex TJOUEN • Aimé Christel MBALLA ELOUNDOU
Docteur Ph/D en droit privé Doctorant en droit public
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Assistant à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Patrick Henri ASSIENE NGON • Brice Christian ALOGO NDI
Docteur Ph/D en droit public Doctorant en droit public
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II (Cameroun) Assistant à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
• Martial ATEBA
Docteur Ph/D en science politique
Assistant à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
Vol V, n° IX- jan.- juin 2017
RADSP
I. Droit
Patrick Edgard ABANE ENGOLO : Inconsistance du pouvoir constituant et
péril de l‘ordre constitutionnel. Le cas des Etats d’Afrique Noire franco-
phone ............................................................................................................................................................................................................ 7
Résumé
Il n’est pas rare que les parties, au cours du délibéré, déposent une note contenant des ex-
plications de fait et de droit et tendant à influencer le jugement de l’affaire. Certains Etats
africains encadrent cette pratique par un texte tandis que d’autres, notamment le Came-
roun, en confient la fixation du régime au juge. La question du sort réservé à ces écritures
tardives en procédure civile revêt un intérêt renouvelé par les incidences que cette pratique
a sur les droits des justiciables et sur le fonctionnement de la justice civile. La question a
par ailleurs acquis une dimension africaine à l’occasion d’un arrêt remarqué de la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA. La présente étude entend révéler
l’ambivalence des notes en délibéré qui, contrairement aux conclusions, ne jouissent que
d’une recevabilité exceptionnelle, mais qui, une fois admises et à l’instar des conclusions,
ont une efficacité certaine tant sur la durée et le contenu des débats que sur l’élaboration
et la structure de la décision. Pour pouvoir concilier les finalités qui semblent se concur-
rencer autour des notes en délibéré, à savoir le droit d’être entendu des parties et la célérité
du procès civil, l’on peut observer de la part des systèmes juridiques analysés une relati-
visation du principe de l’irrecevabilité des notes en délibéré et une subordination de l’effi-
cacité de ces écritures à des conditions une fois que leur admission est décidée.
Mots clés
Note en délibéré – Conclusions – Contradictoire – Réouverture des débats – ministère
public – Droit d’être entendu – Célérité du procès
30 Revue africaine de droit et de science politique
1
J. Carbonnier, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd. LGDJ, coll. « Antho-
logie du droit », 2013 p. 479.
2
A. Bolze, « Le délibéré ou les mystères de la fabrication du droit », Gaz. Pal. 2003, doctr.
p. 212, n° 1 : « Alors même que tout le droit du procès est tendu vers la décision qui tranche
l’indétermination juridique née du litige, cette phase cruciale est décisive où les droits subjectifs
sont réalisés demeure a priori inaccessible à l’analyse si ce n’est dans ses repères temporels :
après les débats, avant la décision. Que se passe-t-il entre les deux ? ».
3
J. Carbonnier, op. cit., p. 460 et s.
4
En matière pénale, v. l’article 470 CPP, alinéa 1, qui prévoit que « seuls les magistrats et as-
sesseurs qui ont siégé en la cause participent aux délibérations ; le Ministère Public n’y participe
pas ». V ; aussi J. Carbonnier, op. cit., spéc. p. 463. Sur la controverse sur la présence du Mi-
nistère public au délibéré devant la Cour de cassation française et la condamnation de cette
pratique par la Cour européenne des droits de l’homme., v. S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chai-
nais, Procédure civile, Droit interne et européen du procès civil, 33e éd. Dalloz 2016, n° 802 et s.
5
L’article 709 (3) du code de procédure pénale camerounais prévoit expressément cette obli-
gation pour les assesseurs faisant partie de la Commission du tribunal de première instance
statuant en matière de délinquance juvénile, mais cette obligation, qui découle d’un principe
général du droit est imposée à toute personne, quelle que soit sa qualité ou sa fonction qui
participe au délibéré. Cette obligation existe en matière sociale (article 136 du code du travail
camerounais) et devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (article 22 du règlement de procédure de
la CCJA). On peut dès lors considérer, comme le Conseil d’Etat français, qu’il s’agit d’un prin-
cipe général permettant d’assurer l’indépendance des juges et l’autorité morale de leurs déci-
sions (CE, 17 nov. 1922, Rec. CE 1922, p. 849).
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 31
béré a donc été longtemps perçu sous signent des « observations écrites à
l’angle exclusif du secret qui doit né- l’appui de leurs explications orales que
cessairement l’entourer pour permet- les plaideurs (…) remettent à la for-
tre une réflexion sereine du juge mation de jugement après les plaidoi-
appelé à dire le droit6. ries et qu’il leur est, en principe,
Ce relatif mutisme de la doctrine au interdit de déposer après la clôture des
sujet du délibéré et la « légèreté de son débats, en dehors des cas spécifiés par
encadrement législatif et réglemen- la loi »10. Cette définition des notes en
taire »7, contrastaient avec l’activité re- délibéré peut paraître étroite dans la
lativement importante que déploient mesure où elle en circonscrit le do-
parfois les parties, et précisément leurs maine de recevabilité aux seules pro-
avocats, au cours du « laps de temps cédures orales et aux seules
que les magistrats s’accordent entre la hypothèses prévues par le législateur.
fin des débats et le prononcé de la dé- En pratique, les notes en délibéré
cision »8. Phase de réflexion au cours ont un domaine relativement plus
de laquelle l’intime conviction du juge large et sont d’un usage beaucoup
se construit, le délibéré peut être plus plus libre ; elles ne sont pas l’apanage
ou moins long. S’il peut être fugace, du procès civil11 et il arrive qu’il y soit
lorsque le juge prononce la décision fait recours moins exceptionnellement
immédiatement après la clôture des que ne le prévoient les textes qui en-
débats, il arrive que celui-ci s’accorde cadrent la pratique. Relativement à
un temps plus important et qu’il ren- leur contenu, les parties ne se conten-
voie l’exposition de sa décision à plus tent pas toujours de soutenir la teneur
tard pour ample délibéré9. Dans ce de leurs explications orales, mais il ar-
dernier cas, la période du délibéré peut rive que dans une note en délibéré,
être ponctuée par le dépôt de notes ou elles veuillent avancer de nouveaux ar-
observations écrites des parties ten- guments ou de nouvelles prétentions.
dant à influencer l’appréciation des Du point de vue de la forme, certes
faits de l’affaire ou l’interprétation de l’expression désigne toujours des écri-
la règle de droit à appliquer par le juge. tures, mais leur longueur est indiffé-
En théorie, les notes en délibéré dé- rente car les notes en délibéré
6
Ce peu d’intérêt pour le délibéré en matière civile pourrait également s’expliquer par le fait
que le code de procédure civile et commerciale camerounais ne le mentionne qu’à travers la
faculté offerte au juge de « rabattre le défaut et de rouvrir les débats » en cas de présentation
à la barre, avant la fin de l’audience au cours de laquelle les débats sont clos, de la partie n’ayant
jamais comparu (article 62 alinéa 2).
7
J.-P. Dumas, V° Délibéré in L. Cadiet, Dictionnaire de la justice, PUF 2004, p. 316.
8
G. Cornu (Dir.), Vocabulaire juridique, 11e éd., PUF, 2016 v° délibéré.
9
Ce temps de réflexion que les magistrats s’accordent n’est pas limité par la loi (civ. 2e, 23
janv. 1991, D. 1991, p. 47, Civ. 2e., 17 mars 1986 : Gaz. Pal. 1986, 2, p. 425, note E. du Rusquec;
RTD civ. 1987, p. 403, obs. R. Perrot
10
G. Cornu (Dir.), Vocabulaire juridique, , 11e éd., PUF, 2016, v° notes en délibéré.
11
En procédure pénale, v. Crim., 16 déc. 2009, D. 2010, p. 1923, note J. Lapousterie ; en contentieux
administratif, v. CE, 5 déc. 2014, Lassus, AJDA 2015, note J. Lessi et L. Dutheillet.
32 Revue africaine de droit et de science politique
renvoient non seulement à de brèves ture analogue à celle qui est usitée
notes, mais encore à toute écriture, pour la rédaction des jugements13.
qu’elle qu’en soit le support, la teneur Elles comportent ainsi un exposé des
ou la longueur du contenu. Les notes motifs, une justification de l’adéqua-
en délibéré n’obéissent ainsi à aucun tion des faits allégués à la règle de
formalisme rigoureux. Le trait carac- droit dont l’application est sollicitée
téristique de ces écritures est le fait et, en dernier lieu, un dispositif qui
que leur dépôt est postérieur à la clô- énonce les différents chefs de de-
ture des débats. mandes sur lesquels le juge doit se
Ce critère temporel permet de dis- prononcer. Ainsi conçues, les conclu-
tinguer les notes en délibéré d’autres sions doivent être déposées avant la
écritures judiciaires12, et principale- clôture des débats, sous peine d’annu-
ment des conclusions. De par leur na- lation de la décision qui en tient
ture, les conclusions sont des actes de compte. Déposées après la clôture des
procédure car, accomplis dans le cadre débats, elles sont qualifiées de «
de l’instance, elles tendent à faire conclusions tardives » et ne peuvent,
avancer celle-ci. De par leur objet, tout au plus, être considérées que
elles fixent les prétentions des parties, comme de notes en délibéré si les cir-
déterminent l’objet du litige et délimi- constances de leur dépôt ou de leur
tent l’office du juge qui est tenu de se production l’autorisent.
prononcer sur tout ce qui est de- Le dépôt des notes en délibéré dé-
mandé et seulement sur ce qui est de- coule originellement d’une pratique
mandé. S’agissant de leur forme, judiciaire14 qui a progressivement été
même si elles ne sont pas soumises à codifiée. Au Cameroun, cette pratique
un formalisme sacramentel, en pra- ne s’appuie sur aucun texte pertinent,
tique les conclusions ont une struc- l’article 87 du décret du 30 mars 1808,
12
Les notes en délibéré ne sont pas à confondre avec les « notes de plaidoiries » ou « cotes de
plaidoiries ». Cette pratique consiste pour les avocats, grâce aux facilités offertes par le traite-
ment de texte, à « écrire la plaidoirie sur des chemises doubles à l’intérieur desquelles on place
les pièces invoquées à l’appui de l’argumentation » (J. Beauchard, « La tendance au refoulement
du fait dans le procès civil », in Justices et droit du procès, mélanges en l’honneur de Serge Guinchard,
Dalloz 2010, p. 587 et s., spéc. p. 591.
13
J. Heron, T. Le BARS, Droit judiciaire privé, 5e éd. 2012, n° 584, p. 473.
14
La notion de pratique se caractérise par son équivocité et désigne dans le langage juridique
diverses réalités. Le Vocabulaire juridique dirigé par Gérard Cornu (11e éd. PUF, 2016., v° « pra-
tique ») en recense plus d’une dizaine de sens ; v. encore P. Deumier, Le droit spontané, Préface
J.-M. Jacquet, Economica, coll. « Recherches Juridiques », 2002, spéc. n° 76, p. 74 et s. Elle est
entendue ici comme le résultat de « l’activité de ceux qui ont pour fonction de mettre en
œuvre la règle de droit, et donc de l’interpréter, pour le compte des sujets de droit » (J.-L. AU-
BERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 16e éd. A. Colin, 2016, n° 175, p.
191). C’est selon cette acception que l’on parler de « pratique judiciaire », en se référant aux
notes en délibéré.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 33
souvent visé comme fondement par public (elles) sont devenues rapide-
les juges15, n’ayant pas été rendu ap- ment un moyen d’informer les
plicable au Cameroun. Cette disposi- juges »18. Elles ont permis de « préci-
tion, qui est le fondement historique ser ou d’éclaircir les prétentions des
de l’admission des notes en délibéré parties »19. Elles pouvaient dès lors
en droit français, prévoyait que « le être remises non seulement sur-le-
Ministère public une fois entendu, au- champ, mais encore pendant tout le
cune partie ne peut obtenir la parole délibéré. Pour juguler les risques de
après lui, mais seulement remettre sur dépôt abusif des notes en délibéré, le
le champ de simples notes, comme il code de procédure civile français a
est dit à l’article 111 du Code de pro- posé le principe de leur irrecevabilité
cédure civile »16. Par ailleurs, l’ancien en en limitant la portée par les excep-
article 79 du Code de procédure civile tions de l’article 445. C’est cette solu-
français exigeait que le dossier de l’af- tion qui est reprise dans l’ensemble
faire contienne « la copie des notes vi- des législations africaines ayant mo-
sées par l’article 87 du décret du 30 dernisé leurs règles de procédure ci-
mars 1808 ». vile20. Le fait que les notes en délibéré
Par l’effet du recours fréquent aux trouvent leur place dans ces textes dé-
notes en cours de délibéré et en raison montre l’intérêt qui est désormais
d’une interprétation extensive de la porté au délibéré et aux actes qui y
notion par la jurisprudence, de « sim- sont produits.
ples notes » n’ayant qu’un domaine et Cet intérêt est d’ailleurs renouvelé
une portée limités, l’on est passé aux par les enjeux que suscitent les notes
notes en délibéré17. Ainsi, « au lieu de en délibéré au regard des droits des
constituer des réponses au Ministère justiciables et du fonctionnement de
15
v. par exemple, Arrêt n° 30/CC du 6 février 1986, aff. Fongang Moïse contre Dame Mbega
Régine, Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême du Cameroun (ci-après RCJCSC),
2e partie, t. IV, pp. 351-352 : « Attendu que si l’article 87 du décret du 30 mars 1980 (sic) per-
met aux parties de produire après clôture des débats, de simples notes à l’appui de leurs
conclusions, aucune disposition de la loi ne prescrit que ces notes doivent obligatoirement
recevoir réponse de la part des juges, qu’elles sont au contraire laissées à la souveraine appré-
ciation des juges qui peuvent suivant les circonstances, soit ne pas s’y arrêter, soit au besoin
ordonner un nouveau débat au cas où ces notes révèleraient des faits nouveaux de nature à
exercer une influence sur la décision ».
16
En droit français, (l’article 111 avait été abrogé par le décret-loi du 30 octobre 1935, mais
l’article 87 du décret de 1808 avait continué de s’y référer
17
Sur cette évolution, v. N. Fricero, « Notes en délibéré », JCl. Procédure civile Fasc. 502, n° 3.
18
Ibid.
19
Ibid.
20
On s’appuiera sur les codes de procédure civile béninois, burundais, comorien, malien,
rwandais, sénégalais, et tchadien. Ces textes sont retenus pour 2 principales raisons : premiè-
rement en raison du fait qu’ils représentent les deux principaux systèmes de procédure civile
qui coexistent dans le monde et au Cameroun et le fait que la plupart de ces Etats (excepté le
Rwanda et le Burundi) appartiennent à l’espace juridique couvert par l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
34 Revue africaine de droit et de science politique
21
Cass. 1re civ., 7 juin 2005, JCP G 2005, I, 183, n° 12, obs. Th. Clay ; D. 2005, p. 2570, note
Boursier ; Procédures 2005, alerte 8, Croze ; RTD civ. 2006, p. 151, obs. R. Perrot ; Dr. et
procéd. 2006, p. 35, obs. N. Fricero. Sur cette ambivalence de la loyauté : v. A.
Leborgne, « L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un
grand principe », RTD civ. 1996. 535 ; M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel,
Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, préf. S. Guinchard, vol. 23, 2003.
22
Com., 15 oct. 1996, Procédures 1997, comm. 3, obs. R. Perrot.
23
O. Sabard, « Autonomie de la délibération », Procédures n° 3, Mars 2011, dossier 5 ; D.
Chauvaux, « De la contradiction entre les juges, Réflexions sur le délibéré » in mélanges Daniel
Labetoulle, Dalloz 2007, p. 175.
24
C.S. arrêt n° 30 du 7 mars 1972 in Répertoire chronologique de la jurisprudence de la Cour suprême,
tome IV, 1re éd. 1999, pp. 50-51 ; arrêt n° 33 du 8 mars 1973, ibid., p. 53.
25
Transversale et non comparative. Il s’agit, non pas de comparer le régime de la pratique des
notes en délibéré tel qui serait organisé différemment dans le droit des Etats retenus pour
l’analyse, mais plutôt de de faire ressortir la convergence des solutions retenues en dépit de
la diversité des ordres juridiques. La transversalité étant entendue comme le caractère de ce
qui recoupe plusieurs disciplines, voire plusieurs droits, la pratique des notes en délibéré a in-
contestablement ce caractère et se prête à une telle approche.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 35
lité et l’effet qu’elles produisent une d’un écrit au cours du délibéré, sans
fois que leur dépôt est autorisé. préjuger de la prise en considération
Ce régime des notes en délibéré doit de son contenu dans l’élaboration de
être confronté aux tendances ma- la décision. Cette faculté de recevoir
jeures de la procédure civile et notam- des écrits après la clôture des débats
ment aux enjeux qu’elle révèle : fait partout figure de mesure excep-
permettre aux parties d’être entendues tionnelle. Le principe est dès lors celui
de la manière la plus complète en fai- de l’irrecevabilité des notes déposées
sant valoir leurs arguments et leurs en cours de délibéré (A), le juge étant
preuves, permettant ainsi une instruc- ainsi en droit de les mettre à l’écart,
tion adéquate du juge, d’une part, et quel qu’en soit par ailleurs le contenu.
permettre au juge de statuer dans un Mais, en dépit de la quasi-universa-
délai raisonnable sans que les débats lité de ce principe et de la portée large
ne s’enlisent ni ne s’éternisent, d’autre dont son application est révélatrice,
part. Dès lors, comment concilier le les notes en délibéré, compte tenu de
droit d’être entendu des parties qui re- leur intérêt pratique et en contempla-
lève du principe dispositif et le besoin tion des mérites qu’elles comportent
de célérité du procès29 à travers le ré- quant à l’équité du procès31, sont ex-
gime des notes en délibéré ? Il semble ceptionnellement admises (B).
que cela soit possible30 par une relati-
visation du principe de l’irrecevabilité A. L’affirmation du principe de
des notes en délibéré (I) et une subor- l’irrecevabilité des notes en déli-
dination de l’efficacité de ces écritures béré
à des conditions une fois que leur ad- Le sentiment général qui se dégage
mission est décidée (II). de la lecture des textes africains de
procédure civile et de la jurisprudence
I. La relativité du principe de camerounaise relative aux notes en dé-
libéré est celui d’une relative hostilité
l’irrecevabilité des notes en dé-
vis-à-vis de cette pratique. Partout, le
libèré principe est celui de l’irrecevabilité des
La recevabilité d’une note en déli- notes en délibéré. Ces dernières sont
béré peut s’entendre de l’admission prohibées, tantôt de manière expresse
29
Au sujet duquel, S. Amrani-Mekki, Le temps et le procès civil, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque
des Thèses, 2002, n° 219 et s., p. 202 et s. ; F. Ferrand, La procédure civile modélisée, Actes du col-
loque de Lyon, du 12 juin 2003, Editions juridiques et techniques, 2004 ; J. Normand, « Les
facteurs d’accélération de la procédure civile », in mélanges P. Drai, Dalloz, 2000, pp. 427 et s.
30
V. déjà en ce sens, J.-C. Magendie, Célérité et qualité de la justice. La gestion du temps dans le procès.
Rapport remis au Garde des sceaux, La documentation française, 2004, spéc. p. 19 : « La célérité
n’est qu’un élément parmi d’autres qui favorise une justice de qualité. Elle n’est pas une valeur
en soi ; elle ne constitue pas un objectif en soi ».
31
V. par exemple, Cass. 1re civ., 7 juin 2005, JCP G 2005, I, 183, n° 12, obs. Th. Clay ; D.
2005, p. 2570, note Boursier ; Procédures 2005, alerte 8, Croze ; RTD civ. 2006, p. 151, obs.
R. Perrot ; Dr. et procéd. 2006, p. 35, obs. N. Fricero (qui fonde la recevabilité d’une note en
délibéré sur la loyauté des débats).
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 37
par les textes (1), tantôt de manière cordé aux parties pour y répondre.
prétorienne, sur la base de fonde- Dans d’autres cas, l’irrecevabilité de
ments rationnels (2). principe des notes en délibéré se pré-
sente sous la forme d’une admission
1. La consécration textuelle du
principe conditionnée de ces écrits. Ces condi-
tions portent tantôt sur les modalités
L’importance pratique des notes en de soumission des notes en délibéré,
délibéré est telle que plusieurs législa- tantôt sur le contenu desdites notes,
teurs africains n’ont pas manqué l’oc- et il n’est pas exclu que les deux soient
casion offerte par la réforme de leur cumulatives.
procédure civile pour en encadrer
S’agissant des modalités de soumis-
l’usage. Si la solution de principe est
sion des notes en délibéré, une des
partout celle de la non admission des
conditions récurrentes à laquelle doit
écrits des parties en cours de délibéré,
s’astreindre la partie qui entend recou-
cette prohibition n’en emprunte pas
rir à cette pratique est la demande de
moins des formes et formules dis-
réouverture des débats. Cette exigence
tinctes.
ressort de l’article 93 du code de pro-
Dans certains cas, la prohibition est cédure civile burundais. Mais les
directe et ferme, sans laisser de place chances pour que cette réouverture
à une quelconque interprétation. Ainsi soit décidée sont extrêmement limi-
de l’article 58 du code sénégalais qui tées. En effet, la réouverture des dé-
interdit clairement le dépôt des notes bats demeure une simple faculté pour
en cours de délibéré. Ne sont admises le juge dans le cas où elle est un préa-
que des notes déposées immédiate- lable au dépôt d’une note en délibéré.
ment après les observations du Minis- Elle n’est obligatoire que dans deux
tère public qui a le dernier la parole. cas qui n’intègrent pas les hypothèses
L’éventualité d’un écrit quelconque in- où les notes en délibéré sont déposées
tervenant longtemps après les obser- proprio muto par les parties. Le juge n’y
vations du procureur est donc écartée. est tenu en effet que lorsqu’il se pro-
Cet imperméabilité face au dépôt de pose de relever d’office un moyen,
notes après l’audition du Ministère d’une part et, d’autre part, lorsqu’un
public, et a fortiori en cours de délibéré, changement est survenu dans la com-
peut paraître par trop rigoureuse position du tribunal appelé à statuer
quand on sait que celui-ci, après avoir entre la clôture des débats et le pro-
reçu communication peut ne pas noncé du jugement33. Cette exigence
« porter la parole » sur-le-champ32. Il préalable de demande de réouverture
peut en effet se voir accorder un des débats est d’ailleurs parfois cumu-
temps nécessaire à la préparation de lée avec la condition relative au
ses observations, délai qui n’est pas ac- contenu de la note.
32
Article 58 précité.
33
Article 94 alinéa 2 du code de procédure civile burundais.
38 Revue africaine de droit et de science politique
En ce qui concerne cette deuxième pect n’en garantit pas pour autant la
condition, elle est diversement formu- recevabilité. Cette recevabilité n’est
lée selon les textes. Si certains insistent donc pas automatique dans la mesure
sur le fait que la note doit avoir un où, dans l’ensemble de ces cas, un
contenu limité aux éléments ayant fait pouvoir discrétionnaire est réservé au
l’objet du débat, à l’instar du code bu- juge quant à sa décision de retenir ou
rundais, d’autres, en revanche, n’ad- non une note en délibéré qui lui est
mettent que des notes qui se bornent proposée. Il peut seul, décider de la
à répondre aux arguments du minis- pertinence du contenu de la note ou
tère public ou encore qui constituent de sa congruence avec les observa-
des explications de fait et de droit que tions faites par le ministère public. Il
le juge estime nécessaires pour dissi- est par ailleurs le juge de l’opportunité
per l’obscurité de certaines données de la réouverture des débats, alors que
du litige34. Le code rwandais de pro- celle-ci constitue le préalable36 à un
cédure de procédure civile, commer- dépôt d’une note.
ciale, sociale et administrative, tout en Quoi qu’il en soit, et même si les rai-
prescrivant que la note en délibéré ait sons qui justifient cette solution de
un contenu déterminé est plus origi- rejet de principe des notes en délibéré
nal, car la note, pour être admise doit sont à chercher en dehors des dispo-
contenir « un fait nouveau et pertinent sitions respectives qui régissent cette
devant servir à la manifestation de la pratique, ces textes ont néanmoins le
vérité »35. Ce texte subordonne par mérite d’exister et de constituer un
ailleurs l’admission d’une note en dé- fondement pertinent pour le juge. La
libéré à sa communication préalable à sécurité juridique du justiciable est
son adversaire par les soins de la par- alors garantie. Leur sévérité vis-à-vis
tie qui entend s’en servir. des notes en délibéré est de nature à
Ces différents textes s’opposent permettre à ces derniers d’adapter leur
ainsi de manière indirecte au dépôt comportement et d’adopter une
des notes en délibéré en érigeant des « stratégie procédurale »37 plus effi-
conditions rigoureuses et dont le res- cace. Elles sont dans ce contexte plus
34
Article 108 du code de procédure civile, économique et administrative tchadien ou article
510 du code de procédure civile, commerciale, sociale et administrative béninois.
35
Article 69.
36
Il est néanmoins un unique cas où la réouverture des débats est plutôt la conséquence de
la note en délibéré (article 69 du code de procédure civile rwandais. Cette considération n’at-
ténue nullement la rigueur des conditions d’admission des notes, mais en révèle plutôt la re-
lative efficacité.
37
Sur cette expression, utilisée dans le sens de la coordination des règles procédurales et du
choix à opérer entre plusieurs règles concurrentes afin d’aboutir au résultat souhaité, v. C.
Martello, « La stratégie procédurale et le paiement des dettes », LPA, 29 mars 2006, p. 56 et
s. Sur les stratégies judiciaires en général, G. Deharo, « Stratégie judiciaire et performance de
l’entreprise : approche dynamique de droit processuel appliquée à l’entreprise » :
RTD com. 2013, n° 2, p. 177 ; adde, « Law et management : l’influence des sciences de gestion
sur la juris dictio », Gaz. Pal., n° 137, mai 2014, p 15
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 39
38
Sur le vœu d’une motivation plus explicite des arrêts, v. A. Touffait et A. Tunc, « Pour une
motivation plus explicite des décisions de justice, notamment de celles de la Cour de cassa-
tion », RTD civ. 1974, p. 487 s.
39
Sur la qualification, opération qui transcende le clivage droit substantiel/droit processuel,
lire entre autres : F. Terre, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, préface R. Le
Balle, Paris, LGDJ, 1957, réed. LGDJ, coll. « Anthologie du droit », 2014; H. Croze, Recherche
sur la qualification en droit processuel français, thèse de doctorat, Droit, Lyon 3, 1981; v. « La qua-
lification », PUF, Revue Droits, 1993, n° 18.
40
J.L. Bergel, Théorie générale du droit, Dalloz 2012, n° 181, p. 239.
40 Revue africaine de droit et de science politique
41
Ibid.
42
Arrêt n° 44/CC, 14 avril 1994, Aff. Njoh John Samuel contre Kemtchouan Bernard
43
Sur la thèse contractuelle appliquée à l’acte de procédure, v. G. Cornu et J. Foyer, Procédure
civile, 1996, n° 126 : « l’acte de procédure n’est rien d’autre qu’une espèce d’acte juridique,
dans la plus pure définition » ; G. CORNU, « L’élaboration du code de procédure civile »,
Revue d’hist. Fac. Droit, 1995, n° 16, p. 243
44
Civ. 2e, 23 mars 1994, Bull. civ. II, 1994, n° 107, p. 61 ; rappr. Civ. 3e, 16 oct. 2013, Gaz. Pal.,
2013, n° 330, obs. J.-D. Barbier, AJDI, 2014-614.
Arrêt n° 01/CC du 14 octobre 1993, Aff. Tchaptet Jean Florent, Laurent Tchounda et Emma-
nuel Kassi contre Essomba Mouandjo Alfred et MounadjoEdimo Black : « Attendu que les écritures
invoquées ne sont en réalité qu’une note en délibéré qui ne constitue pas les conclusions auxquelles les juges se
doivent de répondre puisque produites après la clôture des débats dont elle ne tendait pas à la réouverture »
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 41
de prétendues notes en délibéré pour- du secours d’un texte précis pour en-
ront être disqualifiées et le juge pourra cadrer une pratique telle que celle des
leur donner leur exacte qualification notes en délibéré. Le pouvoir créateur
de conclusion afin de pouvoir sanc- du juge, qui est aujourd’hui largement
tionner leur dépôt tardif45. admis, trouve un fondement tradition-
Il arrive par ailleurs que, pour juger nel dans l’article 4 du code civil. Le
irrecevable une note en délibéré liti- juge est en effet incité par cette dispo-
gieuse, la Cour suprême se réfère à sa sition à suppléer à l’incurie, aux ca-
propre jurisprudence46. Ce procédé rences et au silence du législateur.
consistant pour une juridiction à rat- Néanmoins, il n’est pas permis au juge
tacher la solution d’un litige à sa pro- d’agir à la manière du législateur en se
pre jurisprudence est critiquable. La prononçant « par voie de dispositions
tentation est en effet grande pour une générales aux causes qui lui sont sou-
cour régulatrice, qui ne craint pas la mises »48. Si cette prohibition des ar-
censure de ces décisions par une juri- rêts de règlement est de plus en plus
diction supérieure, de se contenter relativisée du fait d’une certaine résur-
d’une motivation superficielle résul- gence de cette pratique de l’Ancien
tant de « formules-types »47. Certes, il droit49, il reste que la légitimité de la
n’est pas interdit à une Cour suprême décision du juge tient à la qualité du
de faire œuvre de jurisprudence, sur- raisonnement juridique qui a guidé
tout lorsque les juges ne disposent pas son choix. La décision prétorienne,
45
V. par ex. Civ. 2e, 17 juin 1971, Bull. civ. II,1971, n° 224 ;
46
Il en est ainsi lorsque la juridiction énonce simplement qu’elle retient une solution «confor-
mément à sa jurisprudence» (Cass. crim., 24 juill. 1967 : JCP G 1968, II, 15339), renvoie pu-
rement et simplement à ses décisions antérieures (Cass. 3e civ., 9 mars 1982 : Bull. civ. 1982,
III, n° 60. – Cass. soc., 27 févr. 1991 : Bull. civ. 1991, V, n° 102)
47
L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 2e éd., PUF, 2013, n° 196,
p. 686.
48
Article 5 du code civil. P. Hebraud, « Le juge et la jurisprudence » art. préc., spécialement
n° 1, p. 339 : il est interdit au juge, non pas d’intervenir dans la création du droit, mais de le
faire «en la forme et à la manière du législateur. – Adde J. Heron, « L’infériorité technique de
la norme jurisprudentielle », RRJ 1993, p. 1083. – P. Morvan, « En droit, la jurisprudence est
une source de droit », RRJ 2001, p. 77
49
O. Tournafond, « Considérations sur les nouveaux arrêts de règlement (A partir de quelques
exemples tirés du droit des obligations et du droit des biens », in Les sources du droit, mélanges
Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p. 547 et s.; et déjà, H. Sinay, « La résurgence des arrêts de règlement »,
D. 1958, chron. p. 85. – A. Audinet, Faut-il ressusciter les arrêts de règlement ? Mél. Brèthe
de la Gressaye : Bière 1967, p. 99. ; A. Seriaux, Le juge au miroir, l’article 5 du Code civil et
l’ordre juridictionnel français contemporain, mél. Ch. mouly, Litec 1998, p. 171. – C. Puigelier,
« D’une approche cognitive de l’arrêt de principe », RRJ 2002, p. 1631 ; La création du droit
(Libres propos sur la norme jurisprudentielle) : RRJ 2004, p. 17 ; J. HUET, « Union euro-
péenne et démocratie : prohibition des arrêts de règlement et avis de décès de l’article 5 du
Code civil », JCP G 2011, 473
42 Revue africaine de droit et de science politique
faute de support législatif pour asseoir sation du droit positif, fonction qui est
son autorité, a donc besoin d’être ra- certes plus prégnante dans un
tionnellement fondée50. contexte d’inflation législative, mais
Cette ratio decidendi fait cruellement qui n’est sans doute pas totalement
défaut lorsque, comme elle le fait, la absente lorsque les textes, comme ici,
Cour suprême du Cameroun évoque sont incomplets ou anciens. Le prin-
une jurisprudence constante51, ou cipe vient ici justifier la solution que
qu’elle renvoie purement et simple- le juge applique praeter legem en lui
ment à ses décisions antérieures. Cette conférant une certaine autorité.
absence de fondement textuel et le Il serait dès lors plus judicieux que le
mutisme sur les déductions logiques juge suprême camerounais, agisse à dé-
permettant d’aboutir à la solution lais- couvert en visant très clairement dans
sent perplexes l’analyste. Elle n’est pas ses arrêts comme fondement au rejet
de nature à emporter l’adhésion des des pourvois critiquant les juridictions
destinataires premiers des décisions du fond de n’avoir pas pris en compte
que sont les justiciables. La motivation une note en délibéré, un principe géné-
des décisions dans lesquelles elle ap- ral. Cette précision serait d’autant plus
prouve les juges du fond de n’avoir utile que la jurisprudence de la Cour
pas tenu compte d’une note déposée suprême constitue, pour l’heure,
en cours de délibéré est donc pour le l’unique référence pour la Cour com-
moins imprécise. Pour essayer de la mune de justice et d’arbitrage appelée
justifier, sinon de l’expliquer, l’on peut éventuellement à connaître des pour-
être tenté de rattacher cette solution à vois émanant des cours d’appels came-
un principe général du droit non for- rounaises posant incidemment le
mulé explicitement par le juge. problème des notes en délibéré.
Se peut-il en effet qu’implicitement, Le recours à ce fondement serait
la Cour suprême se réfère à un prin- d’autant plus normal que, l’article 35
cipe général du droit, celui de l’irrece- (1) (f) de la loi du 29 décembre 2006
vabilité des notes en délibéré ? Du fixant l’organisation et le fonctionne-
moins, le recours à cette notion ne ment de la Cour suprême cite la vio-
manque-t-il pas de justificatifs. Le lation d’un principe général de droit
principe général du droit est, par sa parmi les motifs de cassation des dé-
fonction première, un moyen de pal- cisions des juridictions de fond. Cette
lier une insuffisance de dispositions disposition rend ainsi vain le débat sur
législatives ou réglementaire. Il exerce l’existence ou non des principes géné-
également une fonction de rationali- raux du droit, mais convainc encore
50
Rappr. L. Cadiet, « La fonction d’une cour d’appel, réflexion sur le second degré de juridic-
tion », in La Cour d’appel d’Aix en Provence, PUAM, 1994, p. 27 et s., spéc. p. 56 « La jurispru-
dence ne vaut que par l’autorité de la raison et non pas par sa raison d’autorité, non ratione
auctoritas, sed auctoritate rationis (…)», cité par L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani Mekki, Théorie
générale du procès, PUF, n° 293.
51
C.S. arrêt n° 24/CC du 4 février 1993, aff. Hajal Massad contre Noumbissi Williams,
RCJCSC, tome IV, 2e partie, pp. 352-354.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 43
sur l’intérêt à rechercher l’essence de défense des intérêts d’une partie et dans
cette catégorie juridique et surtout la recherche de la vérité du procès.
celui de sa coexistence avec d’autres La première hypothèse classique
sources du droit52, dont certaines peu- d’admission des notes en délibéré était
vent restreindre la portée de la règle prévue déjà par l’article 87 du décret
ainsi énoncée. de1808 qui en faisait le seul mode de
réponse aux observations faites par le
B. La recevabilité exceptionnelle Ministère public dont l’intervention
des notes en délibéré est la dernière dans un procès civil. Le
Loin d’être simplement un baroud domaine de cette exception doit être
d’honneur, à l’usage d’avocats procé- précisé car le ministère public peut
duriers, les notes en délibéré sont par- procéder soit par voie d’action en
fois utiles pour la gouverne du juge et étant partie principale au procès, soit
servent très souvent les intérêts des par voir d’intervention en y étant par-
justiciables. Leur prohibition sans ré- tie jointe.
serve peut alors s’avérer préjudiciable Dans le premier cas de figure, ad-
aussi bien pour les parties que pour la mettre qu’il puisse être répondu aux
justice. La recevabilité exceptionnelle conclusions du ministère public agis-
des notes en délibéré est une solution sant comme partie principale est une
plein de bon sens, même si elle peut exigence fondamentale en raison du
paraître « bancale »53 à bien des égards. principe du contradictoire. En effet,
Aussi bien, alors que la règle de l’in- agissant comme une véritable partie,
terprétation stricte des exceptions le Ministère public bénéficie de tous
confinerait aux seules hypothèses de les droits qui sont inhérents à l’action
recevabilité admises par les textes, la en justice, mais doit également, en
finalité recherchée par les limites à l’ir- contrepartie, en supporter les
recevabilité des notes en délibéré charges54. Toutefois, le respect dû à ce
pourrait justifier l’ouverture préto- principe ne saurait permettre de
rienne à d’autres hypothèses. contourner les règles relatives à la clô-
ture des débats. Celle-ci implique en
1. Une énonciation limitative des
exceptions légales effet que les parties ne puissent plus
alors déposer une quelconque écriture
De manière traditionnelle, les notes une fois que le juge a rendu l’ordon-
en délibéré sont admises dans deux hy- nance de clôture ou qu’il a simple-
pothèses en raison de l’utilité qu’elles ment décidé de la mise de l’affaire en
peuvent avoir respectivement dans la
52
Sur cette recherche, P. Morvan, Le principe de droit privé, préface J.-L. Sourioux, éd. Panthéon-
Assas, 1999.
53
J. Heron, Th. Le BARS, Droit judiciaire privé, 6e éd. L.G.D.J., 2015, n° 484
54
N. Fricero, « Le ministère public, partie principale et partie jointe », Cah. dr. de l’entrepr. n°
5, Septembre 2015, dossier 37, p. 64 et s. pour qui le ministère public « revêt les habits d’un
civil comme demandeur ou défendeur à la procédure ».
44 Revue africaine de droit et de science politique
délibéré. Ces écritures, quelle que soit le devoir de faire valoir ces moyens
la dénomination que les parties leur lorsqu’ils sont d’ordre public55. Il est
donnent, et peu importe leur contenu, même en droit de faire état de rensei-
devraient être qualifiées de conclu- gnements ou de documents ignorés
sions tardives. des parties. Il apparaît en somme
En revanche, l’admission des notes comme un « un adversaire objectif de
après la mise en délibéré de l’affaire l’un des plaideurs »56.
est plus justifiée lorsque le ministère Cette intervention peut être d’autant
public intervient comme partie jointe. plus préjudiciable à une partie qu’elle
Son rôle dans ce cas consiste à faire est celle qui précède immédiatement
connaître son avis sur l’application de le délibéré. Il est en effet unanime-
la loi dans une affaire dont il a com- ment prévu que le ministère public in-
munication. Il se borne dès lors, par tervenant comme partie jointe a le
voie de réquisition, à suggérer la solu- dernier la parole57. La jurisprudence
tion à apporter au litige, au regard de française décide d’ailleurs que cette
l’intérêt général. La qualification de règle est d’ordre public58. Cette solu-
« partie jointe » est donc trompeuse en tion, qui est traditionnelle en procé-
ce qu’elle laisse au moins penser que dure civile, a pu susciter quelque
le ministère public joint ses arguments réserve quant à sa conformité aux exi-
et prétentions à ceux du demandeur gences du procès équitable59. Du
ou du défendeur. Ce sentiment peut moins en a-t-il été le cas devant la
s’autoriser néanmoins de la considé- Cour européenne des Droits de
ration que, si elle est neutre du point l’homme dont la jurisprudence a jugé
de vue de son objectif qui est de ga- contraires à l’article 6-1 de la Conven-
rantir l’intérêt général, cette interven- tion européenne de sauvegarde des
tion n’est pas moins préjudiciable droits de l’Homme, les dispositions
pour l’une des parties dont les intérêts qui confèrent au Parquet le droit de
particuliers peuvent être affectés. Il est parler en dernier60. La même juridic-
en effet admis que le ministère public tion reconnaît cependant que l’équité
a la faculté de faire valoir des argu- du procès est sauve lorsqu’il est re-
ments et des moyens nouveaux, voire connu à celle des parties qui se sent
55
N. Fricero, art. préc.
56
V. C.E.D.H, 30 octobre 1991, Borgers c/ Belgique, Série A, n° 214-A. ; J.-F. Burgelin in Rapport
Cour de cassation 1996. 47. ; Civ., 1re, 24 avril 2013, 12-20.559, inédit
57
Article 508 du code béninois, article 93 du code burundais, 58 alinéa 6 du code sénégalais ;
443 du CPC français.
58
Civ. 3e., 18 mars 1974 : Bull. civ. 1974, III, n° 129 ; Civ., 3e , 6 janv. 1982, Gaz. Pal. 1982, 2,
pan. jurispr. p. 183.
59
Une partie de la doctrine y est en tout cas défavorable, V ; notamment, J. Heron, Th. Le
BARS, op. cit., n° 484 : « il n’y a aucune raison solide de donner la parole en dernier au ministère
public ; tout au contraire ce choix perturbe inutilement les parties ».
60
CEDH, 20 fév. 1996, Vermeulen c./ Belgique et Lobo machado c./ Portugal, AJDA 1996, p. 1013,
note J.-F. Flauss ; JCP 1997, I, 4000, n° 19, obs. Sudre.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 45
lésée par son intervention d’apporter faits sont de moins en moins l’apa-
des éléments permettant au juge d’ap- nage des parties, celles-ci à l’inverse,
précier la pertinence des arguments aidées par leurs avocats, n’abandon-
développés par le Ministère public. nent pas complètement la recherche
La seconde hypothèse d’admission et l’interprétation de la règle de droit
des notes en délibéré est celle où le aux seules lumières du juge. Plutôt,
dépôt est sollicité par le président de l’observation de la réalité procédurale
la juridiction. On les qualifie de révèle qu’autant les parties sont appe-
« notes en délibéré explicatives » en ce lées, dans leur intérêt bien compris, à
sens qu’elle permettent aux parties de fournir spontanément62 des éléments
fournir au juge, à sa demande, des ex- de droit en support de leurs préten-
plications supplémentaires de fait et tions, autant le juge intervient de ma-
de droit après la clôture des débats. nière active dans la recherche des faits
Que ces explications portent sur des et des preuves63.
points de fait ne constitue en réalité Quoi qu’il en soit, cette seconde hy-
que la mise en œuvre des pouvoirs pothèse d’admission des notes en déli-
d’investigation du juge, qui pour éta- béré paraît particulièrement favorable
blir sa conviction, doit s’appuyer sur aux parties dans la mesure où elle leur
les éléments de la cause, four- fournit l’occasion, même après la clô-
nis spontanément ou à sa demande, ture des débats, de prolonger la portée
par les parties. de leur droit d’être entendu. En tout
En revanche, il est moins convenu état de cause, ces deux hypothèses
que les parties fournissent au juge des poursuivent l’une et l’autre une finalité
explications de droit61 dans la mesure qu’il serait judicieux de mettre en
où celui-ci est censé connaitre le exergue afin d’élargir peut-être la portée
droit : jura novit curia ! Cette répartition de l’admission des notes en délibéré.
traditionnelle des pouvoirs entre les
2. Une possible extension de la
parties et le juge – da mihi factum, dabo portée des exceptions légales
tibi jus – n’a cependant pas la rigueur
tranchée sous les traits de laquelle elle En règle générale, le juge n’est pas
se présente a priori. Outre qu’avec le tenu d’accueillir des notes en délibéré
recul de la conception purement ac- présentées spontanément par les par-
cusatoire de la procédure civile, les ties hors les cas prévus par les textes.
61
V. néanmoins l’article 13 CPC
62
Lorsque cette fourniture ne leur est pas imposée d’autorité, v. par Ass. plén., 7 juill. 2006,
Bull. civ. 2006, ass. plén. n° 8,JCP G 2007, II, 10070, note G. Wiederkehr, D. 2006, p. 2135, note
L. Weiller, RTD civ. 2006, p. 825, obs. R. Perrot ; Procédures 2006, comm. 201, obs. R. Perrot,
JCP G 2006, I, 183, n° 15, obs. S. Amrani-Mekki ; Gaz. Pal. 2006, 2, p. 2515 ; Dr. et proc. 2006,
p. 348, note N. Fricero; H. Croze, « Da mihi factum jusque », Procédures 2006, repère 9.
63
G. Bolard, « Da mihi factum, dabo tibi jus, Une philosophie du procès toujours d’actualité ? »,
JCP G, n° 41, 2009, I, 319
46 Revue africaine de droit et de science politique
64
S. Guinchard, F. Ferrand, C. Chanais, Procédure civile, Droit interne et droit européen, 33e éd,
Dalloz 2016, n° 907, p. 619; Cass. com., 15 oct. 1996, Procédures 1997, n° 3 ; Cass. 3e civ.,
10 mars 1999, Procédures 1999, n° 120 ; Cass. 2e civ., 12 févr. 2004, Bull. civ. II, n° 62 ; AJDI
2004, p. 313
65
J. Cornu, Droit civil – Introduction au droit, 13e éd. Montchrestien, coll. « Domat – droit privé »,
2007, n° 330, p. 183.
66
J. Cornu, Droit civil – Introduction au droit, 13e éd. Montchrestien, coll. « Domat – droit privé »,
2007, n° 415, p. 216 : « l’exception est une règle » et n°332, p. 184 : « l’exception est aussi une
règle ».
67
J. Carbonnier, Droit civil, Introduction, 27e éd. PUF, coll. « Thémis- Droit privé », 2002, n°
160, p. 321 : « la loi exceptionnelle est une règle faite une série déterminée de cas, et sa portée
doit être appréciée en conformité de ce but » ; J. Cornu, op.cit. n° 333, p. 184 : « Une loi d’ex-
ception a vocation à être appliquée dans la pleine mesure de sa raison d’être ».
68
CEDH, 27 oct. 1993, Dombo Beheer B. V. c/ Pays-bas, série A, n° 274, § 33.
69
V. supra. Ce risque de rupture d’égalité entre les parties est à prendre au sérieux lorsque
l’avis du ministère public n’est pas donné dans des conditions qui garantissent sa discussion,
voire simplement sa connaissance par les parties. Tel est le cas lorsque ces observations ne
sont pas communiquées à l’avance aux parties ou qu’elles le sont oralement le jour même de
l’audience.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 47
70
M.-A. Frison-Roche, préc., n° 171, p. 179 : qui évoque le caractère décisif de l’élément pou-
vant justifier un assouplissement des règles relatives à la clôture du débat.
71
M.-E. Boursier, note sous Civ. 1re, 7 juin 2005.
72
S. Guinchard, F. Ferrand et C. Chainais, op. cit, n° 776, p. 540, M.-E. Boursier, Le principe de
loyauté en droit processuel, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, préf. S. Guinchard, vol.
23, 2003
73
Ass. Plén., 7 janv. 2011, D. 2011. 562, obs. Chévrier, note Fourment, ibid. 618, chron. Vi-
gneau ; RTD civ. 2011.127 obs. Fages et RTD civ. 2011. 383, obs. Théry.
48 Revue africaine de droit et de science politique
74
Civ. 2e, 23 oct. 2003, Bull. civ. II, n° 326, D. 2003. 2726 ; v. déjà H. Motulsky, « Le droit
naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la défense en procédure ci-
vile », in Ecrits. Etudes et notes de procédure civile, préf. G. Bolard, Dalloz 2009, n° 17, p. 72-73 :
qui parle de « fraude procédurale », à propos de la production clandestine, en cours de délibéré,
de pièces non communiquées.
75
J. Foyer et G. Cornu, Procédure civile, PUF, Thémis, 3e éd., 1996, spéc. n° 102, p. 470.
76
Civ. 1re, 7 juin 2005, Bull. civ. 2005, I, n° 241, RTD civ. 2001, 151, obs. R. Perrot,
77
D. 2005 p. 2570
78
R. Perrot, RTD civ. 2006. 151
79
Rappr. R. Perrot, RTD civ. 1990, p. 561 : « personne n’a jamais nourri beaucoup d’illusion
sur l’interdiction des notes déposées après la clôture des débats ».
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 49
offrir plus de marge à la pratique des Pour donc apprécier les effets pro-
notes en délibéré, mais devraient éga- duits par l’admission d’une note en
lement réguler l’effet à produire par délibéré, il faut scruter l’intention de
ces notes, une fois admises. leur auteur. Le dépôt d’une note en
délibéré vise d’une part à apporter au
II. L’efficacité conditionnée débat des éléments de faits ou de droit
qui n’ont pas pu être présentés avant
d’une note en délibéré receva-
la mise en délibéré de l’affaire. D’autre
ble part, l’auteur d’une note en délibéré
Lorsqu’une note est en admise en souhaite, à travers son contenu, em-
cours de délibéré, son auteur entend porter la conviction du juge sur le
lui faire produire des effets identiques bien-fondé de sa prétention. La note
à ceux produits par des conclusions. en délibéré produit des effets soit sur
L’essentiel du contentieux relatif à les débats (A), soit sur la décision (B).
cette pratique et la teneur des disposi-
tions législatives qui l’encadrent por- A. Une incidence ambivalente de
la note en délibéré sur les débats
tent sur l’attitude que le juge doit
adopter face à cette tentative d’assimi- La notion de débat est équivoque et
lation de la note n délibéré et des renvoie à des réalités différentes selon
conclusions. Les parties se plaignent que le terme est employé au pluriel ou
en effet, tantôt du refus opposé par le au singulier. Les « débats » désignent
juge de répondre aux arguments dé- principalement l’audience des plaidoi-
veloppés dans une note ou, au ries, tandis que le « débat » fait réfé-
contraire, de la prise en compte des- rence à « l’objet de la procédure
dits arguments sans que l’adversaire elle-même en tant que discussion
ait été mis en mesure d’y répondre. contradictoire des éléments du litige
Les notes en délibéré, comme les entre les parties et le juge 80. Cette am-
conclusions, mettent alors en question phibologie du terme est entérinée par
l’office du juge face aux faits apportés les codes de procédure africains 81. La
par les parties et qui constituent le Cour suprême du Cameroun quant à
débat judiciaire. Elles affectent égale- elle en tient compte dans le traitement
ment les rapports des parties entre des notes en délibéré. Elle évoque non
elles, en contemplation de l’obligation seulement la possibilité de réouverture
qu’elles ont de se communiquer leurs des débats à cause du dépôt d’une
moyens et leur preuve. note en cours de délibéré82, mais aussi
80
Ch. Lievremont, Le débat en droit processuel, Contribution à la théorie générale du débat, PUAM,
2001, préface H. Croze, n° 212 et s.
81
Notamment des codes sénégalais et béninois qui parlent tantôt du « débat » (article 49 in
fine du code de procédure civile sénégalais et article 8 du code de procédure civile béninois),
tantôt des « débats » (article 96 alinéa 2 du code sénégalais et article 157 alinéa 2 du code bé-
ninois).
82
Arrêt n° 30/CC du 6 février 1986, aff. Fongang Moïse contre Dame Mbega Régine, Réper-
toire, 2e partie, Tome IV, pp. 351-352 ;
50 Revue africaine de droit et de science politique
celle d’un débat sur le contenu même Lesdits débats écrits sont engagés et
de la note. Ainsi, lorsqu’elles sont re- menés au moyen des conclusions et
cevables, les notes en délibéré, exer- des pièces qui les soutiennent ou qui
cent une influence sur ces deux y sont annexées. La jurisprudence de
aspects de la notion ; elles constituent la Cour suprême du Cameroun le
un élément des débats (1) et favorisent confirme à travers des arrêts où cette
le débat (2). juridiction sanctionne les juges du
fond de n’avoir pas répondu aux
1. La note en délibéré, élément
conclusions des parties alors que
constitutif des débats
celles-ci ont été « régulièrement dépo-
En droit processuel, les débats ren- sées et acquises aux débats »84. Cette
voient généralement à l’audience des obligation faite au juge de répondre
plaidoiries. Leur caractère oral est pré- aux conclusions des parties constitue
pondérant et correspond à l’image alors tout l’enjeu de l’admission des
commune de la justice qui met en notes en délibéré auxquelles ces par-
scène deux plaideurs qui exposent et ties entendent faire profiter du même
débattent oralement leur cause devant régime. Cette tentative d’assimilation
le juge qui les écoute. Partant de ce est d’autant plus légitime que, par leur
fait, on peut être tenté de restreindre contenu informationnel, les notes ne
les débats en procédure civile à la se distinguent pas fondamentalement
seule forme orale d’expression, c’est- des conclusions.
à-dire aux seuls échanges de paroles Comme les conclusions, les notes en
entre les protagonistes du procès délibéré peuvent contenir des élé-
civil83. Cette conception ignore le fait ments de fait et de droit susceptibles
que les débats peuvent également d’alimenter le débat judiciaire. Les
prendre la forme écrite. En pratique notes en délibéré peuvent également
c’est sous cette forme d’ailleurs que emprunter l’une des formes variables
les débats sont menés devant les juri- des écritures soumises au juge et
dictions statuant en matière civile ; les constitutives des débats. Il peut s’agir
parties, encouragées par le juge, se d’une lettre, d’une attestation, d’un
font connaitre alors leurs prétentions procès-verbal ou de tout autre docu-
et leurs moyens presqu’exclusivement ment intervenant après la clôture des
par un échange d’écritures.
83
S. Guinchard, F. Ferrand et C. Chainais, op. cit. n° 891, p. 606 et s. Les auteurs proposent de
distinguer « les débats (au pluriel) » qui manifestent le caractère oral de toute procédure et « le
débat (au singulier) » sans oralité, par échanges d’écritures ; Ch. Lievremont, op.cit., 284.
84
Notamment, CS Arrêt n° 33/CC du 3 janvier 1980 (aff. Alhadji Ali contre Malam Yacou-
bou), Répertoire 2e partie, tome IV, pp. 199-200 ; arrêt n° 38/CC du 3 janvier 1980, (aff. Transcap
contre Bamileke’s Stores), ibid. pp. 200-201 ; arrêt n° 18/CC du 28 octobre 1982 (aff. Adrian
Philippe contre Ortiz Richard), ibid., pp. 247-248.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 51
débats. Quelle que soit leur forme, les rencié selon le contenu de la note en
notes en délibéré peuvent être accom- délibéré. Cette dernière est recevable
pagnées d’annexes85 contenant des lorsque son contenu se borne à déve-
justifications de leur énoncé. lopper des moyens ayant fait l’objet de
Si le fait que les notes en délibéré conclusions et de débats contradic-
fournissent de la matière aux débats toires87.
est avéré, il reste à savoir si elles peu- Par contre, sont rejetées, au même
vent modifier le contenu des débats. titre que des conclusions tardives, des
Autrement dit, les termes du litige, tels prétendues notes en délibéré qui ex-
que figés avant la mise en délibéré de posent des prétentions sous des
l’affaire, peuvent-ils être modifiés par moyens qui n’avaient pas été dévelop-
le contenu des notes déposées ex post ? pées pendant les débats88. C’est selon
La réponse à ces questions relatives cette logique que sont également reje-
aux termes du débat pouvant être sus- tés des documents autres que ceux
cité par une note en délibéré com- sollicités par le juge pendant le déli-
mande de se référer à la raison d’être béré89 et, a fortiori, des demandes re-
de cette pratique. A l’origine, les notes conventionnelles introduites sous le
en délibéré visaient à répondre aux couvert d’une note en délibéré.
observations du ministère public ou à Afin d’éviter un tel rejet, du reste
fournir des explications au juge justifié, les parties peuvent solliciter la
lorsqu’il les sollicitait en cours de dé- réouverture des débats. Ce faisant,
libéré ; ils constituaient alors la « ré- elles font de la note en délibéré, non
plique des parties au ministère seulement une composante des dé-
public »86. Leur recevabilité était donc bats, mais encore un facteur du débat
implicitement conditionnée à leur judiciaire.
congruence aux observations du re-
présentant du ministère public ou aux 2. La note en délibéré, ferment du
questions posées en cours de délibéré débat
par le juge. Cette exigence est d’ail- L’image du procès est celle d’un
leurs rappelée par une jurisprudence débat entre les parties naissant de
traditionnelle de la Cour de cassation l’opposition de leurs intérêts et de
française qui accorde un accueil diffé- leurs prétentions. La préférence de facto
85
Civ. 3e, 28 janv. 1975 : Bull. civ. 1975, III, n° 32 ; JCP G 1976, IV, 6564, note R. Martin ;
RTD civ. 1976, p. 394, obs. R. Perrot ; Soc., 23 mai 2007, Bull. civ. 2007, V, n° 86 ; JCP G
2007, IV, 2340 ; Procédures 2007, comm.181, obs. R. Perrot, RTD civ. 2007, p.638, Perrot ;
Cass. 1re civ., 25 nov. 2015, n° 14-28.263, F-D : JurisData n° 2015-026509
86
Guinchard, F. Ferrand et C. Chainais, op. cit
87
Civ. 2e ,13 juill. 1960, Bull.civ.1960, II, n°472 ; Civ. 2e, 10 mai 1961, Bull. civ.1961, II, n° 328
88
Req., 2 juill. 1873, DP 1874, 1, p. 49, concl. Reverchon ; Civ. 28 févr. 1921 : DP 1921, 1, p.
7 ; Civ.2e, 22 nov. 1961, Bull. civ. 1961, II, n° 778.
89
Civ. 2e,12 juill. 1984, Bull. civ. 1984, II, n° 134. Civ. 2e ,25 juin 1997, Bull. civ. 1997, II,n°
203.
52 Revue africaine de droit et de science politique
90
Sur l’importance et la résurgence de l’oralité en procédure civile, v. D.-C. Wagoue Tchokot-
cheu, L’oralité dans le procès civil : plaidoyer pour la reconsidération de l’oralité à la lumière du procès équi-
table, thèse en co-tutelle Université de Ngaoundéré et Université de Nantes, 2016.
91
M-A. Frison-Roche, Généralités sur le principe du contradictoire, p. 183 ; v. également en ce sens,
C. Debbasch, Contentieux administratif, n° 21, p. 17, cité par M.-A. FRISON-ROCHE, ibid.,
note 102 : « Mémoires et contre mémoires écrits réalisent la contradiction aussi bien qu’un
débat oral ».
92
M-A. Frison-Roche, op ; cit., p. 153 : « ce sont les parties qui alimentent la matière du débat,
mais le juge peut y procéder lui-même ».
93
En réalité, il s’agit du rejet des pièces et conclusions n’ayant pas été communiquées en temps
utile, v. Article 31 alinéa 2 du code de procédure civile et commerciale camerounais : « Les
conclusions déposées au greffe et communiquées à la partie adverse moins de trois jours avant
l’audience où l’affaire doit être plaidée pourront être rejetées des débats comme tardives, ainsi
que les pièces qui y seront jointes ».
94
Soc., 2 juill. 2015, n° 14-13.778, inédit.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 53
95
Sur l’équipollence des expressions « réouverture du débat » et « réouverture des débats », v.
Lievremont, op. cit., n° 470,
96
CS, arrêt n° 24/CC du 9 mars 1989, (aff. Mensa Monique contre Zeme Félicité), Répertoire,
2e partie, Tome IV, p. 309-310 ; rappr. article 509 du code béninois de procédure civile.
97
CS, arrêt n° 21/CC du 17 février 1994 (aff. Procureur Général près la Cour suprême contre
Khoury Miguel et Société Forestière Hazim), RCJCSC, 2e partie, tome IV, pp. 413-414.
98
Solution récurrente : art. 509 du code béninois ; art. 447 code comorien, art. 107 du code
tchadien ; art. 96 code sénégalais, art. 444, al. 1er du code de procédure civile français
99
Sur cette question, v. R. Perrot, RTD civ. 1990. 561 ; Lievremont, op. cit., n° 472.
100
Civ. 3e, 14 mars 1990, Bull. civ. III, n° 78, p. 42.
54 Revue africaine de droit et de science politique
veau ou bien révèle « des faits nou- délibéré devant conduire à son pro-
veaux de nature à exercer une in- noncé a été ponctué par le dépôt de
fluence sur la décision » 101. tels écrits. Il s’agit dès lors d’envisager
En somme, la réouverture du débat l’effet de l’admission d’une note en
a une finalité précise qui est d’assurer délibéré admise par le juge sur le fond
une discussion contradictoire des par- et sur la forme de la décision. Si dans
ties sur des points litigieux, notam- l’élaboration de la décision, le principe
ment ceux contenus dans une note en du contradictoire impose sans réserve
délibéré. Le juge doit l’ordonner la prise en considération de la note en
lorsqu’un tel débat est rendu néces- délibéré (1), il ne semble pas que la
saire par le caractère décisif ou com- même rigueur s’étende à son insertion
plexe des éléments contenus dans la dans la structure du jugement (2).
note. En revanche, il est judicieux qu’il
1. La prise en compte de la note
conserve une simple faculté de rouvrir en délibéré dans l’élaboration de
les débats dans le cas contraire afin la décision
d’éviter que le dépôt d’une note en dé-
L’élaboration d’une décision de jus-
libéré soit un prétexte aisé pour retar-
tice est une opération intellectuelle qui
der inutilement le prononcé de la
consiste, pour le juge, à s’appuyer sur
décision.
les éléments de fait et de droit invo-
B. Une incidence justifiée de la qués par les parties ou relevés d’office
note en délibéré sur la décision par lui pour répondre aux questions
litigieuses qui lui sont soumises. En
La distinction de la note en délibéré procédure civile, ce sont les parties qui
et des conclusions s’amenuise, au fournissent à titre principal ces élé-
point de s’estomper, s’agissant des ments. Celles-ci ne se contentent pas
conséquences qui résultent de leur ad- cependant d’avancer des faits bruts ou
mission sur la décision juridictionnelle seulement des faits assortis de leurs
à intervenir. Le juge ayant sollicité une preuves, mais elles fournissent encore
note ou l’ayant reçue d’une partie en le « raisonnement établissant un lien
réponse aux observations du minis- logique entre les faits »102. C’est l’objet
tère public, voire à l’initiative person- de leurs conclusions et des pièces qui
nelle d’une partie, est-il tenu de s’y leurs sont parfois adjointes.
appuyer pour décider et doit-il faire
Le principe est que le juge est tenu
état de son contenu dans sa décision
de répondre à ces conclusions. Il est
? C’est en ces termes, en tout cas, que
par conséquent décidé de manière tra-
se pose l’effet des notes en délibéré
ditionnelle que la non-réponse aux
sur la décision à intervenir lorsque le
101
Arrêt n° 30/CC du 6 février 1986, (aff. Fongang Moïse contre Dame Mbega Régine),
RCJCSC, 2e partie, Tome IV, pp. 351-352, rappr. Com. 9 juin 1980, Bull. civ. IV, n° 246, p. 200,
Gaz. Pal. 1980. 2. panor. 562 ; Soc. 13 janv. 1982, Gaz. Pal. 1982. 1. 243, note J. Viatte, JCP.
1982. IV. 115 ; Soc. 17 déc. 1984, JCP. 1985. IV. 79 ; Soc. 7 janv. 1987, Gaz. Pal. 1987. 1. panor.
61 ; Soc. 10 oct. 1989, JCP. 1989. IV. 396
102
M.-A. Frison-Roche, op. cit. n° 145, p. 156.
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 55
103
CS, arrêt n° 13 du 18 févr. 1964, aff. Boyomo Pierre contre Marinos et société Marinos,
RCJCSC, 1re partie, t. IV, p. 49-50.
104
C.S., arrêt n° 31 du 10 févr. 1977, aff. Compagnie d’assurance « La Fortune » contre Lele
Grégroire, in RCJCSC, 1re partie, t. IV, pp. 53-54 – En droit français : (Civ., 1re 24 oct. 2012,
n° 11-22.358 : JurisData n° 2012-024033. – Cass. 1re civ., 7 nov. 2012, n° 11-23.871 : JurisData
n° 2012-024875 ; Bull. civ. 2012, I, n° 228 ; JCP G 2013, 170, note A. Piacitellei-Guedj. –
Cass. com., 28 mai 2013, n° 12-14.049 : JurisData n° 2013-010948
105
C.S., arrêt n° 37 du 21 mai 1968, aff. Tchamba Jean contre Tanko Adolphe, Répertoire chro-
nologique, 1re partie, p. 150 ; C.S., arrêt n° 16/CC du 16 févr. 1984, affaire Compagnie d’assu-
rance La Fortune (Agence de Bafoussam) contre Lele Grégoire, pp. 267-269.
106
G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, 11e éd. PUF, 2016, v° Moyen
107
Ibid, v° argument
56 Revue africaine de droit et de science politique
faute de définition légale, est entendu argument, le juge ne statue pas sur un
par la doctrine comme « ce qui définit des chefs de demande d’une partie en
la force du moyen, son contenu et ses violant ainsi le principe du contradic-
contours »108, le moyen quant à lui est toire110. Cette violation peut heureu-
« l’énonciation par une partie d’un fait, sement être révélée par l’absence de
d’un acte, d’un texte, d’où par un rai- référence à la note en délibéré dans
sonnement juridique, elle prétend dé- l’énoncé de la décision.
duire le bien-fondé d’une demande ou
2. L’intégration de la note en déli-
d’une défense »109. Il résulte de ces dé-
béré dans la structure de la décision
finitions, que si la note en délibéré
peut exceptionnellement contenir des La note en délibéré trouve ample-
moyens, elle est par contre le support ment sa place dans la structure de la
idéal des arguments des parties. En décision de justice. Celle-ci, en vertu
effet, alors que le moyen est ce par de l’article 39 du code de procédure
quoi l’on appuie une prétention, c’est- civile et commerciale camerounais,
à-dire, un fait ou un acte dont on tire comprend comme éléments princi-
une conséquence juridique utile à la paux, « le dispositif des conclusions,
solution du litige, l’argument n’est que les motifs et le dispositif ». Cette dis-
l’énoncé d’un fait destiné à conforter position est étendue aux arrêts des
la conviction, ; il est ce qui persuade cours d’appel. Ces trois éléments
du bien-fondé d’une prétention. constituent le cœur du jugement ou de
La mobilisation des notes en déli- l’arrêt et l’admission d’une note en dé-
béré dans le cadre de l’élaboration libéré devrait avoir un impact sur cha-
d’une décision va donc s’avérer excep- cun d’eux.
tionnelle compte tenu du fait que l’on Premièrement, le dispositif des
y trouvera rarement de véritables conclusions des parties doit impérati-
moyens, c’est-à-dire des allégations de vement être mentionné dans le juge-
faits et de droit faisant l’objet d’un ment ou l’arrêt. L’importance de cette
« dire et juger ». Cette conclusion mé- mention du dispositif des conclusions
rite cependant d’être nuancée au re- des parties est telle qu’une jurispru-
gard de la difficulté pratique à tracer dence constante de la Cour suprême
une frontière nette entre de véritables du Cameroun en fait une formalité
moyens et de simples arguments. Le substantielle pour la validité du juge-
risque est grand dans ce contexte que ment111. Rien n’exclut d’ailleurs que ce
sous prétexte d’éluder la réponse à un dispositif soit contenu dans une note
108
B. Boccara, « La procédure dans le désordre – Le désert du contradictoire » JCP G 1981,
I, 3004. n°79.
109
J. Voulet, JCP G 1965, I, 1912
110
Rappr. M.-A. Frison-Roche, op. cit., n° 146, p. 157.
111
v. entre autres, CS arrêt n° 25/CC du 16 janv. 1986, aff. Tropala contre SGBC, RCJCSC,
2e partie, tome IV, p. 287 : « attendu que de jurisprudence constante cette mention est une
formalité substantielle dont l’omission entraîne la nullité de la décision ».
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 57
en délibéré, à condition que son au- vent être contenus dans les notes en
teur ait préalablement conclu au délibéré et ne pas en tenir compte,
fond112. Ainsi, dans un arrêt Ouoham lorsque les conditions de recevabilité
Tchidjo Stanislas contre Bicic en date de ces écrits sont réunies, équivaut à
du 03 février 2000, il a été clairement une amputation de la demande ou de
décidé que la formalité substantielle la défense des parties. La condition
de l’article 39 du code de procédure nécessaire, mais suffisante est par
civile qui impose la mention du dispo- conséquent que les faits ou les élé-
sitif des conclusions « s’étend aux ments de droit développés dans la
notes en délibéré dont les contenus note en délibéré aient été dans le
ont été analysés et pris en considéra- débat. Une fois cette condition satis-
tion par le juge du fond pour justifier faite, le juge ne saurait ignorer ces élé-
sa décision ».113 Cette décision opère ments au risque de statuer infra petita,
un infléchissement de la position an- voyant ainsi sa motivation être sujette
térieure de la haute juridiction came- à critique115.
rounaise qui, jusque-là décidait que les Ensuite, la décision de justice est
juges de fond « ne sont nullement constituée de la motivation, entendue
tenus de reproduire le dispositif, en- comme l’exposé des raisons de fait et
core moins le contenu d’une note en de droit qui ont déterminé la décision
délibéré dans leurs décisions »114. du juge. La motivation constitue « la
Au-delà de la mention laconique du structure juridique et logique de la dé-
dispositif des conclusions, il doit être cision »116. Il en est ainsi parce que les
fait un exposé des prétentions, jugements sont des actes rhétoriques
moyens et arguments des parties. Cet et argumentatifs, le juge devant non
exposé consiste en une relation objec- seulement trancher le litige, mais en-
tive des moyens et prétentions des core convaincre les parties de la recti-
parties et des questions litigieuses sou- tude de sa décision. Outre les parties,
mises à la juridiction. Il est certain que la motivation est destinée à convaincre
des éléments de fait et de droit qui la juridiction pouvant être saisie en cas
constituent la matière du litige peu- d’exercice d’une voie de recours117.
112
CS, arrêt n° 72/CC du 18 mai 2000, aff. Karannis Dimitri contre Meko’o Alphonse, in Ré-
pertoire, 2e partie, Tome IV, pp. 354-355
113
CS arrêt n° 36/CC du 03 février 2000, in Répertoire, 2e partie, Tome IV, pp. 346-347.
114
CS, arrêt n° 24/CC du 4 février 1993 (aff. Hajal Massad contre Noumbissi Williams), in
Repertoire, 2e partie, tome IV, pp. 352-354.
115
Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation française (Civ. 2e, 6 juin
2013, n° 11-27.198 : Procédures 2013, comm. 232, obs. R. Perrot ; Bull. civ. 2013, II, n° 11)
décide cependant « qu’aucune disposition n’impose au juge de mentionner dans sa décision
les notes en délibéré, qu’elles soient ou non demandées par le président conformément à l’ar-
ticle 445 du code de procédure civile ».
116
N. Cayrol, « La notion de délibération », Procédures n° 3, 2011, dossier 2
117
Elle serait même destinée, selon la formule de Perelman à un « auditoire universel ».
58 Revue africaine de droit et de science politique
118
V. déjà : Civ., 22 mai 1878 : DP 1878, 1, p. 266 ; Req., 15 janv. 1896 : DP 1896, 1, 88 ; Req.,
25 nov. 1903 : DP 1904, 1, p. 183, « si de nouvelles pièces sont remises aux juges pendant le délibéré, et
si ceux-ci croient devoir en faire état dans leur sentence, ils doivent s’assurer et constater d’abord que les docu-
ments nouvellement introduits ont bien été communiqués à toutes les parties en cause, et rouvrir au besoin le
débat pour les soumettre à une discussion contradictoire
119
Il convient de signaler que l’avant-projet de code de procédure civile camerounais ne prévoit
aucune disposition relative aux notes en délibéré
Les notes en délibéré dans le procès civil. Etude à partir de quelques exemples africains 59