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Dieudonné KALUBA DIBWA

justice
La

constitutionnelle
en République démocratique du Congo

Éditions
Eucalyptus
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du Congo
La justice constitutionnelle
en République démocratique
Du même auteur :
La saisie immobilière en droit congolais, Kinshasa, Revue annuelle de
doctrine, RCN-Justice et Démocratie, 2005.
La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en
droit public congolais. Lecture critique de certaines décisions de la Cour
suprême de justice d’avant la Constitution du 18 février 2006, Kinshasa,
éditions Eucalyptus, 2007.
Démocratie et développement au Congo-Kinshasa. Essai d’explication
socio-juridique de l’inadéquation institutionnelle postcoloniale, Paris,
L’Harmattan, 2010.
Précis de droit constitutionnel congolais (à paraître).
Contentieux administratif congolais (à paraître).
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DIEUDONNÉ KALUBA DIBWA

La justice constitutionnelle
en République démocratique
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du Congo

FONDEMENTS ET MODALITÉS D’EXERCICE

Éditions
Eucalyptus
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© Academia-L’Harmattan s.a. © Éditions Eucalyptus


Grand’Place, 29 728, avenue Tombalbaye
B-1348 LOUVAIN-LA-NEUVE KINSHASA/GOMBE (RÉP. DÉM. DU CONGO)

D/2013/4910/34 QV 3.01302-57051
ISBN : 978-28061-0117-4 ISBN : 99951-650-1-2

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce


soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’éditeur ou de ses ayants droit.

www.editions-academia.be
ÉPIGRAPHE

« Celui qui gravit les plus hautes montagnes,


celui-là se rit de toutes les tragédies qu’elles soient réelles ou
jouées ».
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Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra,


traduction et présentation de
Georges-Arthur Goldschmidt,
Paris, Le Livre de poche,
1972, p. 50.
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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC
DÉDICACE

À mes enfants, pour l'exemple.

Aux usagers de la justice constitutionnelle congolaise.


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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

REMERCIEMENTS

Le présent ouvrage est un extrait abrégé et corrigé d’une thèse de


doctorat en Droit que nous avons défendue le mardi 31 août 2010
devant la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa et qui a été
sanctionnée par les honneurs académiques les plus élevés. Ces hon-
neurs sont le fruit de maints efforts collectifs. Aussi appellent-ils,
inévitablement, des remerciements à l’égard de ceux qui ont apporté
de l’eau au moulin.
Nous remercions spécialement feu le Professeur Bonaventure
Bibombe Muamba qui, depuis quelques années, nous avait accepté
dans son équipe de recherche et avait bien voulu diriger, de main de
maître, la rédaction de la thèse intitulée : « Du contentieux
constitutionnel en République démocratique du Congo. Contribution
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à l’étude des fondements et des modalités d’exercice de la justice


constitutionnelle ». Il avait très courageusement assumé cette tâche
avant d’être emporté dans l’autre monde le mardi 18 mai 2010 alors
qu’il projetait de gravir les marches de la Salle des promotions
Mgr Luc Gillon pour la soutenance de ce travail qui lui doit sa rigueur
et sa perspicacité. Cette œuvre gardera ainsi ses empreintes les plus
indélébiles. Nous lui adressons ces mots, car nous croyons à la vie au-
delà de la mort charnelle.
Nos remerciements les plus sincères à Monsieur le Professeur
Évariste Boshab Mabudj, ancien président de l’Assemblée nationale
de notre pays et Chef du Département de Droit public interne de
notre Université, pour nous avoir tendu la main, après la mort du
Père, malgré ses multiples et exaltantes occupations, comme un frère
aîné compatissant, en vue de la traversée tumultueuse dans les eaux
fangeuses et boueuses du doctorat et pour la préface qu’il a daigné
accorder à cet ouvrage.
Notre gratitude doit être ici adressée aux maîtres et aux collègues qui
ont joué à la mouche du coche lorsque, des fois, une soudaine fatigue
intellectuelle nous envahissait : Auguste Mampuya Kanunk’a Tshiabo,
Jean-Louis Esambo Kangashe, Henri-Floribert Mupila Ndjike
Kawende, Zacharie-Richard Ntumba Musuka, mon jumeau dans la
tourmente débilitante de l’épreuve doctorale, Mukadi Bony, et Robert
Tshilombo Kalolo.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Monsieur Bijou Lomboto Itofo, notre informaticien, mérite nos fé-


licitations les plus chaleureuses pour ce travail merveilleux de mise en
page.
Le doyen Mulumba Katchy mérite, de manière spéciale, une
mention pour son appui efficace et discret en faveur de ce travail
dont les résultats sont aujourd’hui portés à la connaissance du pu-
blic. C’est également le lieu de remercier et de saluer le travail re-
marquable effectué par les Professeurs Clément Kabange Ntabala,
Félix Vunduawe te Pemako, Édouard Mpongo Bokako Bautolinga,
Jacques Djoli Eseng’Ekeli, Ambroise Kamukuny Mukinay et Paul-
Gaspard Ngondankoy ea Loonghya. Ils ont été membres suffragants
de notre jury de thèse.
L'auteur manifeste ici sa gratitude aux éminents professeurs
Victor Mboyo Empenge-ea-Longila et Kayemba Ntamba Mbilanji
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pour avoir éveillé sa conscience sur les questions de droit coutumier.


Merci à tous et pour tout.
L’auteur de ces lignes les destine aux juristes achevés ou en forma-
tion pour le progrès de la science constitutionnelle et la justice cons-
titutionnelle qui est son expression la plus moderne, en même temps
qu'il formule ici son souhait de voir une floraison de juristes congo-
lais prolonger cette réflexion.

Dieudonné KALUBA DIBWA

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

PRÉFACE

Depuis l’Antiquité, les Anciens mettaient des préfaces en tête de


leurs livres. Dans la tradition académique cependant, le promoteur
se charge d’en élaborer une dans laquelle il fait connaître les vues de
l’auteur, le plan de l’étude, prévient ou répond à des critiques.
Présenter un ouvrage auquel on a concouru, c’est comme se pré-
senter soi-même au public. C’est une chose si délicate et parfois si
périlleuse, que plusieurs écrivains faisaient écrire ou signer leur pré-
face par un écrivain sympathique et faisant autorité. Cette menace
est écartée ici, car le présent ouvrage est issu d’une thèse qui est
l’œuvre personnelle de l’auteur et non celle du promoteur.
Alors que la République démocratique du Congo amorce depuis
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le 18 février 2006 un retour réussi aux valeurs de la démocratie,


l’occasion a été saisie avec pertinence d’étudier, de fond en comble,
le contentieux constitutionnel dans le pays.
Après une introduction qui a l’avantage de présenter, d’emblée,
les problèmes que soulève l’étude, l’auteur étudie en deux parties :
les fondements théoriques du contentieux constitutionnel avant
d’analyser les modalités d’exercice de la justice constitutionnelle en
République démocratique du Congo.
L’on peut immédiatement remarquer que cette recherche est d’un
grand intérêt, pour plusieurs raisons, notamment : elle concerne une
institution qui caractérise l’État de droit constitutionnel. Elle est en
outre une des rares thèses permettant de saisir, dans l’ensemble, le
contentieux constitutionnel dans ce pays.
Au niveau du contenu, l’auteur mérite toutes nos félicitations,
dans la mesure où, à aucun moment, il ne peut être accusé de disper-
sion. Il concentre toute son attention sur l’objet d’étude choisi. Il
faut saluer la manière à la fois sobre et judicieuse dont l’auteur ex-
prime la proposition qu’il entend défendre en ces termes :
« D’emblée, il faut dire que le transfert de souveraineté de Dieu au
Roi et du Roi au peuple a transformé, le fondement de la justice et,
surtout de la justice constitutionnelle. En effet, exercée par le Roi au
nom de Dieu puis en son nom propre, la justice est demeurée une

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

prérogative régalienne bien que théoriquement faisant partie désor-


mais des attributs du souverain qui est devenu le peuple ».
Nous pensons donc qu’il y a une corrélation évidente entre la lo-
calisation de la souveraineté dans le pays et le contrôle juridictionnel
des actes de cette souveraineté. Il s’agit donc de savoir si le fonde-
ment de la justice constitutionnelle est le même qu’en Occident.
Si le fondement est différent, – ceci pourrait être une hypothèse à
tester –, cela doit déteindre sur des modalités d’exercice de la justice
constitutionnelle. Du reste, n’est-il pas déjà acquis, comme l’observe
Charles Goossens, que le droit constitutionnel africain est dualiste ?
Comment dès lors assumer ce dualisme constitutionnel qui est
marqué par l’existence d’un texte constitutionnel calqué sur ceux
d’Occident et une présence discrète mais agissante d’une « coutu-
me », en tout cas, des pratiques constitutionnelles, de plus en plus,
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persistantes mais tendant de manière frénétique à émasculer la su-


prématie de la Constitution ?
Le débat juridique est fécond tout au long de cette étude ; l’auteur
fait des percées et des intuitions théoriques d’une grande intensité
tellement il va dans le détail de certaines questions. C’est la marque
d’un brillant universitaire, formé aux meilleurs éléments culturels et
poreux à tous les souffles du monde, en même temps très ancré dans
une conscience historique de son appartenance au Congo et à
l’Afrique. Il fallait ces atouts naturels et acquis pour engager une ré-
flexion constitutionnaliste de cette ampleur.
La thèse de Dieudonné Kaluba Dibwa demeurera, à cet égard, une
référence en la matière dans la mesure où elle retrace l’historique des
normes du contentieux constitutionnel, entrevoit les difficultés
qu’elles peuvent susciter et propose, avec à propos, des solutions ju-
ridiques qui n’emportent pas toujours l’adhésion de tous, mais qui
ont l’avantage de la cohérence, et, disons-le, de l’audace du cher-
cheur.
La proposition centrale est que l’architecture juridictionnelle pré-
vue par la Constitution du 18 février 2006 devrait être maintenue
avec quelques accommodements techniques, notamment en intro-
duisant la notion des juges ad hoc qui seraient des chefs coutumiers
chaque fois que le juge constitutionnel serait amené à se prononcer
sur un conflit touchant aux intérêts d’une communauté de base.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Une démonstration a été fournie sur ce modèle que l’étude pro-


pose comme susceptible d’installer un juge constitutionnel efficace,
efficient et effectif. L’auteur discute de conditions de son recrute-
ment et celles de son travail qui constituent son statut juridique et
financier, seul garant de son indépendance. Quelques suggestions
sont formulées pour rendre la justice elle-même accessible et trans-
parente à ses destinataires que sont les populations congolaises.
Cette tentative d’analyse des fondements de la justice constitu-
tionnelle est inscrite tout logiquement dans les données heuristiques
d’une solution au problème fondamental d’installer un État de droit
constitutionnel en République démocratique du Congo.
En effet, sans État de droit comme arrière-fond épistémologique,
Dieudonné Kaluba Dibwa démontre que le juge constitutionnel
n’apparaîtrait que comme un visage défiguré et pâle dans une carica-
ture institutionnelle propre à un pays à forte tradition autocratique.
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À bien lire la thèse, car il s’agit d’une véritable thèse au sens aussi
bien grec que latin de ce mot, l’auteur semble insister sur un axe im-
portant. L’existence d’un juge constitutionnel à l’image de celui
d’Occident n’est pas de nature à garantir la suprématie de la Consti-
tution.
L’affirmation procède du fait que le fondement de la justice n’est
pas le même. L’auteur recourt à des arguments philosophiques, so-
ciologiques et même mythologiques pour étayer cette proposition.
De là, il se met à proposer sa contribution originale : la présence des
chefs coutumiers au sein de la Cour constitutionnelle. La proposi-
tion est discutable, mais elle a le mérite d’être argumentée. Par là, il
est visible que le débat scientifique ne peut être clos.
Le juge constitutionnel n’est en effet respecté que dans la mesure
où il incarne la bouche de la Constitution qui contient la proclama-
tion et la garantie des droits fondamentaux des citoyens. En d’autres
termes, au sens de l’auteur, la Constitution doit, pour être respectée,
contenir un compromis social entre le pouvoir et le peuple sur le-
quel il s’exerce. C’est dire en conclusion que cette étude se situe aux
confins de la problématique de l’État de droit constitutionnel dans
un pays à forte tradition autocratique. Mais comment l’organiser ?
La réponse à cette question tout aussi capitale que celle des fonde-
ments est l’objet de développements que l’auteur expose dans la se-
conde partie de cette étude.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’abord de questions de fondements théoriques du contrôle juri-


dictionnel des lois et d’autres normes infralégislatives à l’aune de la
Constitution a offert, à l’auteur, un prétexte pour voir dans la réalité
les mécanismes concrets de l’exercice de la justice constitutionnelle
en République démocratique du Congo.
Il est apparu que les origines de la justice constitutionnelle se si-
tuent historiquement sur le plan du droit positif écrit dans la Loi
fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960. L’on
n’a pas discuté en effet de la présence des éléments caractéristiques de
cette notion dans nos sociétés traditionnelles précoloniales, non pas
que cela ne fût pas intéressant, mais plutôt que cela ouvrait large-
ment les perspectives de l’étude dont le temps aurait manqué proba-
blement à l’auteur. Il s’en excuse, du reste.
Par ailleurs, la thèse a indiqué que la notion de justice constitu-
tionnelle a évolué à travers tous les textes constitutionnels qui ont
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régi le pays, en jouant selon le type de régime politique en place, soit


un rôle décoratif, soit, enfin, un rôle institutionnel de régulation de
la vie politique.
L’étude des compétences du juge constitutionnel a été abondam-
ment traitée car, au sens de l’auteur, la question posée est celle de
savoir ce que peut le juge de la Constitution. Il ne s’est pas agi
d’énumérer les compétences, – ce qui aurait été simple et pédagogi-
que – il s’est plutôt agi de les analyser du point de vue critique et
sous les lumières de la praxis jurisprudentielle de dernières années.
L’auteur a brillamment réussi l’exercice, tant il a pris le constituant
en flagrant délit d’omission sur le régime des édits. Cette analyse à la
fois exégétique et jurisprudentielle constitue le soubassement de la
technique du droit du contentieux constitutionnel congolais. La
compétence indique également la procédure à suivre devant le juge
constitutionnel dont les arrêts ne souffrent, en principe, d’aucun re-
cours.
L’auteur a analysé les outils conceptuels du travail du juge lors-
qu’il interprète la Constitution. Dans ce rôle de constituant sui gene-
ris, la Cour constitutionnelle demeure « la bouche de la Constitu-
tion » de sorte que les craintes maintes fois exprimées par la doctrine
sur le gouvernement des juges s’avèrent fondées. Qui contrôlera le
contrôleur ? La thèse répond que c’est le constituant qui est le der-
nier rempart dans la protection juridique de la Constitution.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Mais les contraintes les plus diverses, mais toutes fondées sur une
appréhension des misères que le juge ainsi investi d’énormes pou-
voirs pourrait infliger au politique, sont là pour maintenir la justice
constitutionnelle au milieu du village.
En plus, il n’est pas inutile de constater que le choix levé par le
constituant congolais est, à maintes reprises, confirmé dans sa struc-
turation de la vie administrative : les tribus sont reconnues à la fois
comme pourvoyeuses de la nationalité congolaise et matrice sociolo-
gique de la coutume comme norme de droit public. Au demeurant,
la géographie politique de notre pays indique que la République dé-
mocratique du Congo demeure encore un pays rural de sorte qu’il
semble perturbant, aux yeux de l’auteur, que les Congolais résidant
dans nos campagnes et cités ne soient pas suffisamment représentés
dans les structures de la justice des justices.
La richesse de l’argumentation a son revers : à de nombreuses re-
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prises, le lecteur est abandonné dans des discussions de philosophie


de droit très pointues que l’auteur aborde avec délectation.
L’ouvrage de Dieudonné Kaluba Dibwa est une contribution très
informée, originale et inédite au contentieux constitutionnel en Ré-
publique démocratique du Congo. Il doit donc être salué.
Le style est clair, pédagogique et savant à la fois. En effet, au plan
de la forme, j’ai été heureux de découvrir une écriture limpide qui
épouse parfaitement l’expression juridique de la pensée. Le langage
est clair, et la compréhension, fort aisée.
L’auteur a, sans nul doute, effectué de brillantes études littéraires
et il est pourvu d’une vaste culture générale qui transpire dans son
style et dans sa manière de présenter le texte. La bibliographie est
immense et bien exploitée. Il est au fait de derniers développements
dans sa discipline, à consulter sa bibliographie qui contraste avec la
sécheresse tant chantée de nos bibliothèques universitaires.
L’idée-force de l’auteur de cet ouvrage est de montrer et démon-
trer dans quelle mesure la justice constitutionnelle qui est le ther-
momètre de l’État de droit constitutionnel ne saurait être efficace
sans que et l’institution et le personnel chargé de l’animer ne soient
adaptés à la mentalité du peuple congolais.
L’hypothèse de travail – qui commande le plan binaire – est loua-
ble et respectable : les tribus comme auteur des normes ne devraient

15
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

pas être écartées de l’exercice de la justice constitutionnelle, celle qui


garantit la suprématie de la Constitution vue ici comme un pacte
entre les franges de la population.
Il y a là matière à discussion : l’ouvrage ouvre des perspectives et
alimente la réflexion des constitutionnalistes que les crises ou encore
les « nouveaux conflits » condamnent à renouveler à la fois leurs ap-
proches et leurs paradigmes. C'est le propre de belles thèses : celle-ci
pose des questions qui ouvrent d'autres perspectives à d'autres thè-
ses.
L’auteur fait preuve d’un attachement au positivisme juridique. À
cet égard, il faut saluer cet effort remarquable dans la dimension do-
cumentaire de la thèse. Mais il ne s’enferme pas dans la seule analyse
juridique qu’il maîtrise bien, par ailleurs. Il fait recours à l’approche
de science politique avec plus ou moins de bonheur.
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Juriste de formation et de profession, avocat de renom et ensei-


gnant à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, Dieudonné
Kaluba Dibwa réunit en lui-même ce que l’on pourrait appeler les
contradictions entre la rationalité juridique et la rationalité politi-
que. Homme de métiers juridiques, il reste emporté par la pensée
politique et la culture citoyenne. L’ouvrage provoque des véritables
questions politiques. C’est là qu’il faut souligner le courage de
l’auteur qui propose ainsi à la discussion académique un sujet qui n’a
pas encore la maturité historique nécessaire. La faiblesse de la juris-
prudence peut être relevée, mais la qualité de l’exploitation que
l’auteur en fait, assure à cette thèse une place de référence dans les
bibliothèques de contentieux de droit public en République démo-
cratique du Congo. Je puis terminer ce propos liminaire par rappeler
que les Italiens appellent la préface « la salsa del libro » : la sauce du
livre. Marville dit que, si elle est bien assaisonnée, elle sert à donner
de l’appétit, et qu’elle dispose à dévorer l’ouvrage. Bon appétit,
alors.

Évariste BOSHAB MABUDJ


Professeur ordinaire et Chef de
Département de Droit public interne
de l’Université de Kinshasa

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

AFDI : Annuaire français de droit international


APT : Administration publique (trimestriel)
B.A. : Bulletin administratif du Congo belge (1908 à 1959)
BACSJ : Bulletin des Arrêts de la Cour Suprême de Justice
Bel. Col. : Belgique coloniale et commerce international
B.O. : Bulletin Officiel de l’État indépendant du Congo
C.E.b. : Conseil d’État belge
CEDAF : Centre d’étude et de documentation africaines
CEDEJ : Centre d’études et de documentation économiques,
juridiques et sociales
C.E. fr. : Conseil d’État français
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CERDAF : Centre de recherche et documentation africaines


CERJC : Centre d’études et de recherches sur la justice
constitutionnelle
CC : Conseil constitutionnel français
CNS : Conférence Nationale Souveraine
COCJ : Code de l’organisation et de la compétence
judiciaires tel qu’il résulte de l’Ordonnance-loi n
° 82/020 du 31 mars 1982
coll. : Collection
CSJ : Cour suprême de justice
CPC : Code de Procédure Civile
CPP : Code de Procédure Pénale
CRISP : Centre de recherche et d’information
sociopolitiques
CRP : Centre de recherches pédagogiques
DEA : Diplôme d’Études Approfondies
DES : Diplôme d’Études Supérieures
DIN : Droit et Idées Nouvelles
EUA : Éditions universitaires africaines
Doc. Parl. : Documents parlementaires

17
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

HCR-PT : Haut Conseil de la République-Parlement de


transition
IADHD : Institut africain des droits de l’homme et de la
démocratie
Ibidem : Même auteur, même endroit
Idem : Même auteur
IDLP : Institut pour la démocratie et le leadership politique
IFEP : Institut de formation et d’études politiques
IRS : Institut de recherche scientifique
JORDC : Journal Officiel de la République démocratique du
Congo (1997 à ce jour)
JOZ : Journal Officiel de la République du Zaïre (1972-
1997)
Jur. Col. : Revue de doctrine et de jurisprudence coloniale
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Jur. Congo : Jurisprudence et droit du Congo


J.T. : Journal des tribunaux de Belgique
Kat. : Revue de droit et de jurisprudence du Katanga
Léo : Jurisprudence de la Cour d’Appel de Léopoldville
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
MB : Moniteur belge
MC : Moniteur congolais (1959-1971)
MES : Mouvements et Enjeux Sociaux
MPR : Mouvement Populaire de la Révolution
MZ : Moniteur zaïrois (1971-1972)
N° : Numéro
ONRD : Office national de la recherche et du développement
Op. cit. : Ouvrage cité
Pas. : Pasicrisie (Belgique)
pp. : Pages
PUAM : Presses Universitaires d’Aix-Marseille
PUC : Presses Universitaires du Congo
PUF : Presses Universitaires de France
PUG : Presses universitaires de Grenoble

18
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

PULg : Presses Universitaires de Liège


PULIM : Presses de l’Université de Limoges
PUK : Presses de l’Université de Kinshasa
PUZ : Presses Universitaires du Zaïre
RBDC : Revue belge de droit constitutionnel
RBDI : Revue belge de droit international
RDC : Revue de droit congolais
RDJA : Recherches et Documentation Juridiques Africaines
RDP : Revue du Droit Public et de la science politique en
France et à l’étranger
Rev. Dr. ULG. : Revue de la Faculté de droit de l’Université de Liège
RFDA : Revue française de droit administratif
RFDC : Revue française de droit constitutionnel
RIDC : Revue internationale de droit comparé
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RJC : Revue Juridique du Congo


RJCB : Revue juridique du Congo belge
RJPIC : Revue juridique et politique. Indépendance et
coopération
RJZ : Revue juridique du Zaïre
RPC : Revue Pénale Congolaise
RTDH : Revue trimestrielle des droits de l’homme (Belgique)
RZD : Revue zaïroise de droit
s.e. : Sans éditeur
s.d. : Sans date de publication
s.l. : Sans lieu d’édition
UNAZA : Université Nationale du Zaïre
UNIKIN : Université de Kinshasa ex-Lovanium
UNIKIS : Université de Kisangani ex-Université libre au
Congo
UNILU : Université de Lubumbashi ex-Université officielle
du Congo
Voy : Voir ou Voyez ou Que l’on veuille bien se référer
à…

19
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INTRODUCTION GENERALE

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’État de droit est celui qui est soumis au droit. Ainsi, l’action des
gouvernants comme les activités des particuliers sont-elles enserrées
dans une hiérarchie des normes au sommet de laquelle trône la
Constitution. Cette affirmation est devenue un truisme mais elle
prend de la consistance lorsque l’effectivité du droit dans un État
implique que l’ordre juridique est cohérent et que sa méconnaissance
est sanctionnée par des juges suffisamment indépendants.
De ce point de vue, il se dégage que l’ordre juridique apparaît
comme un ordre logique dans la mesure où la multiplicité des sour-
ces du droit impose que s’établisse logiquement une hiérarchie entre
les normes. La réalité juridique révèle à ce sujet que dans un État
c’est finalement la Constitution qui répartit la matière normative et
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la loi ne peut exprimer, selon l’heureuse formule du Conseil consti-


tutionnel français, la volonté générale que dans le respect de la Cons-
titution. Il s’en déduit donc deux légalités : l’une constitutionnelle
qui relève du pouvoir constituant et, l’autre, ordinaire puisqu’elle
relève du pouvoir législatif et réglementaire autonome.
De cette prémisse logique, il découle que les pouvoirs constitués
doivent être subordonnés au pouvoir constituant qui les crée et leur
attribue leurs compétences. Car l’exercice du pouvoir constituant se
révèle être, comme le souligne le professeur Dominique Rousseau, la
« manifestation première et suprême de la souveraineté »1. Il s’évince
enfin qu’étant acte d’un pouvoir constitué, la loi doit se conformer à
la Constitution qui est plutôt acte du pouvoir constituant qui est par
définition un pouvoir souverain parce qu’initial, inconditionné et
autonome.
Du point de vue des jusnaturalistes qui ont une conception diffé-
rente de celle des positivistes que nous venons d’exposer, le contrôle
de constitutionnalité des lois est un moyen pour soumettre l’État au
respect des libertés et des droits de l’homme. Le juge constitutionnel

1
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, 6e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 474.

21
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

devient dès lors le premier gardien de droits fondamentaux protégés


par la Constitution.
C’est cette question de la centralité de droits de l’homme qui est
en jeu, lorsqu’il faut étudier le contentieux constitutionnel, mais
aussi celle du bon fonctionnement des institutions dans le sens de la
protection des droits de l’homme par ailleurs déjà proclamés par le
constituant.
Il s’agira donc, à travers les problématiques liées aux fondements
théoriques et aux modalités d’exercice de la justice constitutionnelle
que pose cette étude, de fixer, de manière claire, le vocabulaire em-
ployé tout au long de la thèse sur des notions importantes du thème
avant d’aborder, de manière un tant soit peu exhaustive, l’état de la
question que nous avons ainsi choisie d’explorer.
La question des fondements théoriques et des modalités d’exercice
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de la justice constitutionnelle passe inéluctablement par le débrous-


saillage du cadre conceptuel dont les éléments essentiels sont étudiés
à travers cette introduction.

I. PROLÉGOMÈNES
Le discours introductif de notre étude consiste à dire, d’emblée,
ce qu’est la justice constitutionnelle, le contentieux constitutionnel,
et d’autres notions voisines.
Ce point se structure autour de trois idées essentielles :
l’affirmation que le contentieux constitutionnel est une partie du
droit constitutionnel, le contenu de ce contentieux ainsi que les fon-
dements théoriques du contrôle juridictionnel.

A. Le contentieux constitutionnel est une partie


du droit constitutionnel
L’affirmation ainsi faite peut surprendre les esprits juridiques ha-
bitués au raisonnement par déduction, plutôt qu’à des énoncés à
l’allure d’un dogme. En effet, la démonstration de l’affirmation ainsi
faite de manière péremptoire est essentielle à l’établissement des
énoncés principiels et l’instauration du cadre épistémologique dans
lequel se déroulera la présente étude.

22
INTRODUCTION GENERALE

Il est donc utile pour démontrer cette affirmation de dire déjà ce


qu’est le droit constitutionnel, ce qu’est la Constitution et de bros-
ser, en ce qui concerne la République démocratique du Congo, un
aperçu des textes constitutionnels de 1885 à nos jours.

a. Qu’est-ce le droit constitutionnel ?


La question ainsi posée peut paraître élémentaire mais elle est es-
sentielle pour l’intelligence des développements ultérieurs.
Il y a, à notre avis, deux manières de résoudre la question : définir
l’objet par ses éléments constitutifs, c’est l’approche nouménologi-
que2 ou plutôt l’aborder par ce qu’il paraît. C’est l’analyse phénomé-
nologique3.
Du point de vue juridique, il est admis que le droit peut s’analyser
tantôt comme corps des règles sociales, édictées par l’autorité publi-
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que et sanctionnées par elle, applicables dans une société donnée à


un moment donné, tantôt comme discipline scientifique ayant pour
objet d’étude lesdites règles.
Aussi, la doctrine classique enseigne-t-elle que « le droit public
constitutionnel jouit de la primauté à l’égard des autres droits consti-
tutionnels ; le droit politique détient la priorité au sein des divers
droits publics constitutionnels ». Dans le langage courant, affirme
Marcel Prélot, il lui est même attribué l’exclusivité ; on le dénomme,
comme s’il était le seul, « le droit constitutionnel tout court »4.

2
Il s’agit d’un néologisme que l’on doit à Emmanuel KANT qui devrait s’écrire
correctement nooumène du grec ancien noumenon qui signifie tout simplement
« la réalité intelligible, objet de la raison, opposée à la réalité sensible, objet des
sens ».
3
LALANDE (A.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 9e édition,
Paris, PUF, 1962, p. 726. Par phénoménologie, il faut entendre « une étude
descriptive d’un ensemble des phénomènes, tels qu’ils se manifestent dans le
temps ou l’espace, par opposition soit aux lois abstraites et fixes de ces
phénomènes ; soit à des réalités transcendantes dont ils seraient la manifestation ;
soit à la critique normative de leur légitimité ».
4
PRELOT (M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 5e édition, Paris,
Dalloz, 1972, p. 31, n° 21.

23
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Outre le fait aujourd’hui évident qu’il n’y a qu’un droit constitu-


tionnel et non quatre comme l’enseignait la doctrine prélotienne, 5
mais surtout que les aspects d’un objet ne devraient pas constituer
des définitions diverses de l’objet, il y a lieu de voir que l’on n’est
pas avancé du tout dans la recherche de la définition.
Aussi, retournons-nous aux auteurs modernes pour tenter de sa-
voir ce qu’est le droit constitutionnel.
Louis Favoreu et les membres du Groupe d’études et de recher-
ches sur la justice constitutionnelle d’Aix-Marseille, à la suite de
Dominique Turpin, nous fournissent des éclairages intéressants lors-
qu’ils nous retracent l’évolution et la mutation du droit constitu-
tionnel au XXe siècle. Ils notent, en effet, que le droit constitution-
nel classique est marqué par un objet unique, à savoir : les institu-
tions politiques, alors que le droit constitutionnel contemporain est
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marqué par une profonde et irréversible mutation due à quatre élé-


ments essentiels qui le rapprochent du droit constitutionnel de type
américain :
 La désacralisation de la loi ;
 L’expansion des constitutions et du constitutionnalisme ;
 La diffusion internationale de l’idéologie des droits de
l’homme ;
 L’apparition de la justice constitutionnelle6

M. Alphonse-Daniel Ntumba Luaba Lumu, quant à lui, enseigne


qu’étymologiquement, « le droit constitutionnel est l’ensemble des
règles contenues dans la Constitution, l’étude de ces normes ».7 Par
ailleurs, le professeur Édouard Mpongo Bokako, pour sa part, re-
prenant la définition de Marcel Prélot et Jean Boulouis qu’il cite,

5
Voir CONSTANTINESCO (V.) et PIERRE-CAPS (S.), Droit constitutionnel,
Paris, PUF, 2004. Ces deux auteurs sont dans la mouvance de Marcel Prélot ci-
haut exposée.
6
FAVOREU (L.), GAIA (P.), GHEVONTIAN (R.) et Alii, Droit constitutionnel,
8e édition, Paris, Dalloz, 2005, pp. 19-24. ; voir aussi TURPIN (D.), Droit
constitutionnel, Paris, PUF, 1997, pp. 1-8.
7
NTUMBA-LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa,
EUA, 2005, p. 8.

24
INTRODUCTION GENERALE

opine que le « droit constitutionnel est l’ensemble des règles juridi-


ques relatives aux institutions grâce auxquelles le pouvoir s’établit,
s’exerce ou se transmet dans l’État ».8
Gilles Champagne, se situant dans la perspective pédagogique qui
est la sienne, avance que « le droit constitutionnel est une discipline
juridique, car il rassemble les règles qui fondent le statut de l’État et
encadrent les phénomènes politiques : il pose les règles du jeu politi-
que et distribue les rôles entre différents acteurs ».9
Toutes règles se rapportant au statut de l’État et encadrant les
phénomènes politiques sont-elles des normes constitutionnelles et
fonderaient-elles ainsi le droit constitutionnel ? Rien ne semble
moins sûr, en effet. L’on ne peut du reste passer sous silence les dif-
férentes fonctions symbolique, programmatique et proclamatoire10
des textes constitutionnels qui occultent de façon magistrale le posi-
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tivisme juridique qui fait saisir le droit constitutionnel comme une


sorte d’idéalité juridique parfois en parfait hiatus avec la réalité
concrète. Au-delà de ces multiples approches définitionnelles, il reste
la sempiternelle difficulté de trouver une définition susceptible de
ramasser, dans une seule et même formule, l’essentiel des éléments
constitutifs de l’objet à définir. Une des manières de résoudre cette
difficulté, c’est de recourir à la synthèse.
La meilleure synthèse de ces différentes définitions nous semble
être celle de Hubert Lenoir et Alain Moyrand qui affirment que
« dans une première acception, le droit constitutionnel se définit
comme l’ensemble des règles de droit qui concernent le pouvoir
dans l’État (sa conquête, son exercice, sa dévolution). Ces normes
régissent la structure, le fonctionnement et les compétences des or-
ganes suprêmes de l’État ainsi que les relations qui s’établissent d’une

8
MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, Kinshasa, EUA, 2001, p. 6.
9
CHAMPAGNE (G.), L’essentiel du droit constitutionnel, 1. Théorie générale du
droit constitutionnel, 4e édition, coll. Les Carrés, Paris, Gualino Éditeur, 2004,
p. 9.
10
LACROIX (B.), « Les fonctions symboliques des constitutions », in SEURIN (J.-L.)
(sous la direction de), Le constitutionnalisme aujourd’hui, Paris, Economica, 1984,
pp. 186-199.

25
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

part, entre les organes étatiques et d’autre part, entre les gouvernants
et les gouvernés. Dans une seconde acception, le droit constitution-
nel peut être envisagé comme une discipline scientifique : le juriste
va décrire, classer et expliquer les règles constitutionnelles »11.
Au lieu d’être satisfaisante, cette définition a l’inconvénient ma-
jeur d’être classique c’est-à-dire de faire croire que le pouvoir politi-
que est le seul objet du droit constitutionnel. Réductrice, telle défini-
tion ne laisse pas des coudées franches à l’étude de la justice constitu-
tionnelle qui se trouve être l’un des objets modernes du droit consti-
tutionnel.
En effet, resté longtemps hors du prétoire, le droit constitution-
nel jusqu’en ces années, dans notre Alma Mater, s’enseignait comme
une sorte de droit « inachevé » dont la « sanction était inorganisée »,
en tout cas, un « droit imparfait »12. Hélas ! À ce point de vue, les
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programmes universitaires de la République démocratique du


Congo élaguaient un chapitre important qu’est la justice constitu-
tionnelle alors qu’elle était déjà depuis trente ans, au moins en droit
comparé, le thermomètre et la pierre d’angle du droit constitution-
nel.13
Il y a lieu de signaler toutefois que l’affirmation selon laquelle le
contentieux constitutionnel ressortit du droit constitutionnel est
étayée de façon globale et holistique par le regretté Louis Favoreu et
les membres de son école d’Aix en ce qu’ils proposent une définition

11
LENOIR (H.) et MOYRAND (A.), L’essentiel sur le droit constitutionnel et
institutions politiques, Paris, L’Hermès, 1994, p. 5. La définition proposée par ces
auteurs a le mérite cependant d’avoir souligné les deux angles de vision du droit
constitutionnel en dépit de la critique épistémologique que nous lui opposons ci-
dessus.
12
PINDI MBENSA KIFU, Cours d’introduction générale à l’étude du droit, 1er
graduat, 1984-1985, Faculté de Droit, UNIKIN, polycopié, pp. 23-24, inédit. Le
Professeur cite parmi les branches du droit imparfait, le droit public interne sans
aucune distinction ainsi que le droit international public.
13
Les travaux de l’École d’Aix dirigés notamment par Louis FAVOREU et son
CERJC sont là pour témoigner en effet de la vitalité de la question de la justice
constitutionnelle au cœur du droit constitutionnel contemporain. François
LUCHAIRE est de la même veine lorsque l’on lit les nombreux travaux qu’il a
publiés à propos de la justice constitutionnelle.

26
INTRODUCTION GENERALE

qui saisit le droit constitutionnel dans son triple objet : institutions,


normes et libertés14.
Nous donnons nos suffrages à cette définition qui présente
l’avantage d’être globale et globalisante et susceptible, de façon opé-
ratoire, de fonder la justice constitutionnelle qui se trouve être la
trame essentielle de notre étude. En effet, le droit constitutionnel
peut bien s’entendre d’une discipline du droit public interne dont
l’objet est l’étude des normes relatives aux institutions politiques en
ce qui est des rapports entre elles et leurs relations avec les citoyens
en ce qui est de leurs droits fondamentaux, lesquelles normes sont
susceptibles d’être sanctionnées par l’activité juridictionnelle.
Le plus difficile venant à être exécuté, il nous reste à dire un mot
sur la notion de Constitution.
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b. Qu’est-ce la Constitution ?
La réponse à cette question passerait par l’affirmation selon la-
quelle « tout groupement politique, si rudimentaire que soit son or-
ganisation, a une Constitution »15. Mais telle réponse manquerait de
pertinence du moment qu’elle ne résoudrait pas encore la question
de la définition. En outre, cette affirmation ressortit de la concep-
tion juridique de la Constitution qui serait ici synonyme de statut de
l’État c’est-à-dire acte constitutif de la personne morale : État.16
Dans cette conception, la Constitution s’entendrait d’un corpus
des règles relatives aux modes de désignation de gouvernants, à
l’organisation et au fonctionnement du pouvoir politique.
Sous ce rapport, toute société politique possède ce corps des nor-
mes écrites ou non écrites.17

14
L. FAVOREU et Alii, op. cit.., p. V.
15
BURDEAU (G.), Traité de science politique, 2e édition, tome IV, Paris, LGDJ,
p. 45.
16
Lire aussi la contribution du Professeur PINI (J.) : « Qu’est-ce qu’une
constitution ? », in MATHIEU (B.) et Alii (sous la direction de), Constitution et
construction européenne, Cahiers constitutionnels de Paris I, Dalloz, 2006, pp. 13-18
17
TROPER (M.), « Marshall, Kelsen, Barak et le sophisme constitutionnaliste », in
ZOLLER (E.) (sous la direction de), Marbury v. Madison : 1803-2003. Un dialogue
franco-américain, Paris, Dalloz, 2003, p. 215-228.

27
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

La doctrine18 fait état d’une conception politique de la notion de


Constitution qui fait apparaître celle-ci tantôt comme un outil
d’organisation de l’État mais aussi celui de limitation du pouvoir du
monarque et de garantie des libertés individuelles tantôt comme un
instrument de garantie de droits fondamentaux et de limitation des
pouvoirs par leur séparation19.
Il faut ajouter, avec Dominique Chagnollaud, que cette seconde
conception est la signification moderne de la Constitution. Il s’agit
de la démocratie constitutionnelle.
Pour cet auteur, elle est un instrument de limitation du pouvoir,
un acte du peuple souverain et l’expression d’une philosophie politi-
que. Cette philosophie peut n’être qu’implicite ; aussi, le doyen
Maurice Hauriou distinguait-il la Constitution politique de la Cons-
titution sociale20.
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De nos jours, s’élève même une théorie biologique de la Consti-


tution dont l’intérêt est encore à scruter dans les errements de la
doctrine. Ainsi, comprendre la Constitution comme la traduction
juridique de la pacification des rapports de force entre les groupes
politiques présents dans la communauté nationale, suppose
d’abandonner l’idée d’une norme suprême édictée par la volonté ra-
tionnelle du peuple souverain. Par là, on rejoint l’hypothèse de
Konrad Lorenz selon laquelle l’organisation des groupes humains
repose, en majeure partie, sur les rites d’inhibition phylogénétiques
et culturels de l’instinct d’agression. Sur le plan phylogénétique, le
conflit maîtrisé crée nécessairement une hiérarchie entre les forces
sociales qui devient la norme sociale commune. Sur le plan culturel,
une infinité de variations est possible dans le contenu de la norme
sociale commune, à des moments ou des lieux différents. 21

18
NTUMBA-LUABA LUMU (A.-D.), op. cit.., pp. 119-120.
19
Article 16 de la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen.
20
CHAGNOLLAUD (D.), Droit constitutionnel contemporain, 4e édition, Paris,
Armand Colin, 2005, pp. 24-26.
21
Lire, pour une recherche approfondie de cette théorie, LORENZ (K.) et
POPPER (K.), L’avenir est ouvert. Entretiens d’Altenberg. Textes du symposium
Popper à Vienne (1985), Paris, Flammarion, 1990, Traduction par J. Étoré, 175
p. : L’avenir est ouvert. ; LORENZ (K.), Les fondements de l’éthologie (1978),

28
INTRODUCTION GENERALE

De ce point de vue, la Constitution est l’expression juridique de


ces rites. On peut en déduire l’irrationalité de la création et du déve-
loppement des groupes sociaux humains. Ainsi, si l’on adopte
l’hypothèse de Konrad Lorenz, l’irrationnel est la source de l’unité
des communautés. La cohésion est assurée par les « symboles » créés
par la ritualisation culturelle « auxquels tous les membres du groupe
accordent une même valeur ». Les symboles ne « représentent jamais
une chose ou une action très précisément définissable, mais au
contraire, tout un complexe de choses et d’actions et surtout de sen-
timents et d’émotions, complexe dans lequel tout se mêle et dont il
est impossible de donner une définition simple ». Cette compréhen-
sion de la genèse des peuples et de leur organisation se retrouve
presque à l’identique dans les théories constitutionnelles des roman-
tiques allemands et de l’École historique du droit, par l’intermédiaire
du concept de Volksgeist.22
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Par ailleurs, selon Konrad Lorenz, l’évolution même des com-


munautés n’est dirigée ni par la volonté ou la pensée conceptuelle, ni
par la raison ou l’entendement humains. En effet, les impulsions na-
turelles de l’homme et leur contrôle imposé par la ritualisation
culturelle « forment un système unique à l’intérieur duquel ces deux
facteurs sont complémentaires ». Ce système est très fragile : c’est un
équilibre instable car les rites culturels, par définition, ne sont pas
transmis héréditairement et peuvent lentement se transformer ou
rapidement être modifiés ou disparaître, entraînant une évolution

Paris, Champs Flammarion, 1997, Traduction par J. Étoré, 426 p. : Les


fondements de l’éthologie ; LORENZ (K), Les huit péchés capitaux de notre
civilisation, Paris, Flammarion, 1973, Traduction par É. de Miribel, 169 p. : Huit
péchés capitaux ; LORENZ (K.), L’envers du miroir. Une histoire naturelle de la
connaissance (1973), Paris, Champs Flammarion, 1975, Traduction par J. Étoré,
349 p. : L’envers du miroir ; LORENZ (K.), L’agression. Une histoire naturelle du
mal (1963), Paris, Champs Flammarion, 2006, Traduction de V. Fritsch, 285 p. :
Agression ; LORENZ (K.), « Le tout et la partie dans la société animale et humaine.
Un débat méthodologique » (1950), in LORENZ (K.), Trois essais sur le
comportement animal et humain, Paris, Seuil, 1970, Traduction par C. et P.
Fredet, pp. 73-176. : « Le tout et la partie ».
22
Lire BEISER (F.C.), Enlightenment, Revolution and Romanticism. The Genesis of
Modern German Political Thought, 1790-1800, Cambridge-Massachusetts,
London, Harvard University Press, 1992, pp. 238-239.

29
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

substantielle de l’organisation du groupe. L’instinct d’agression, ja-


mais éteint, peut reprendre le dessus et une nouvelle hiérarchie so-
ciale en découlera si de nouveaux rites culturels d’inhibition vien-
nent à se former.
L’équilibre des forces sociales, d’où va surgir un ordre constitu-
tionnel, se construit en dehors d’un processus volontaire. C’est,
pour des raisons différentes, une idée exploitée par les premiers
théoriciens du socialisme et par deux juristes français, Duguit et
Hauriou.
En effet, si la notion d’instinct, telle qu’elle est définie par Lo-
renz, n’apparaît pas dans les ouvrages des romantiques allemands,
particulièrement du Frühromantik, et de l’École historique du droit,
leur conception de la Constitution s’accorde remarquablement avec
la mise en valeur d’éléments irrationnels à la base de l’unité des peu-
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ples. Inspiré des travaux de Herder, le courant Frühromantik présen-


te le Volk comme un organisme animé par un esprit propre, le Volk-
sgeist, et au sein duquel les individus sont unis par un lien de solidari-
té qui a remplacé la concurrence des intérêts personnels. La survie de
la communauté dépend donc d’un sentiment d’affection entre les
citoyens.
La légitimité du droit et de l’État ne dépend plus de volontés in-
dividuelles ayant librement consenti un contrat social mais de sym-
boles ralliant le sentiment des individus. Tel est le sens de l’État
« poétique » de Novalis, État où le fondement de l’obéissance réside
dans l’admiration qu’ont les hommes pour le souverain, incarnation
des symboles traditionnels populaires. Ces derniers sont, en effet,
purement culturels : ils sont construits par le poète qui, son inspira-
tion alimentée par le Volksgeist, crée une aura mystique autour du
souverain.
Évacuant les questions de volontés individuelles et d’opposition
entre la majorité et les minorités, le Volksgeist permet d’imaginer
une parfaite harmonie, une unanimité complète à l’intérieur de la
communauté nationale. Les individus ne peuvent choisir la Consti-
tution qui régit le Volk : elle s’impose nécessairement à eux en tant
que manifestation de l’esprit populaire, elle leur est donnée comme
leur est donné le langage de la nation à laquelle ils appartiennent.

30
INTRODUCTION GENERALE

L’irrationalité et la spontanéité du Volksgeist présentent ainsi des


traits communs avec l’hypothèse de Lorenz de rites culturels
d’inhibition des conflits, produisant des symboles complexes de sen-
timents et d’émotions garantissant l’unité des peuples. Il y a, toute-
fois, une différence importante quant à la compréhension de ces
symboles.
Pour le biologiste, ils ne représentent pas « une valeur éthique ab-
solue » : leur caractère sacré n’existe que « par rapport au cadre de ré-
férence de telle ou telle culture ». Ils peuvent être étudiés scientifi-
quement, au moins quant à leurs finalités.
Pour le romantisme, en revanche, le symbole est magique, il ne
peut être révélé que par l’artiste. Inaccessible à la raison, il est ressen-
ti par la sensibilité du peuple. Le Volksgeist est aussi un programme
politique, à tel point qu’il est difficile de dire si la valorisation de la
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création spontanée du droit est, pour l’École historique, la consé-


quence de leur conception organique du Volk ou si, à l’inverse, c’est
dans le but de donner une assise populaire à leur représentation du
droit que l’École adhère à la définition romantique du Volksgeist.
La scission de l’École en un courant germaniste, favorable à la pri-
mauté de la coutume, et un courant romaniste, privilégiant le travail
de doctrine juridique et la science du droit, révèle la portée polémi-
que d’un concept présenté comme irrationnel et indéfinissable. 23
De même, l’on peut observer qu’une signification plus juridique
fait valoir la primauté de la Constitution sur toutes autres normes.
Aussi, distingue-t-on la Constitution au sens matériel (saisie par son
contenu) et la Constitution au sens formel qui se caractérise par la
spécialité des règles d’élaboration et de révision qui la placent ainsi
au-dessus des autres règles et lui confèrent une autorité supérieure à
ces dernières.

23
Voir BÖCKENFORDE (E.W.), Le droit, l’État et la constitution démocratique.
Essais de théorie juridique, politique et constitutionnelle, Paris-Bruxelles, LGDJ-
Bruylant, coll. La pensée juridique, 2000, Présentation et traduction par
JOUANJOUAN (O.), avec la collaboration de ZIMMER (W.) et BEAUD (O.),
pp. 55-62 ; DUFOUR (A.), Droits de l’Homme, Droit naturel et histoire. Droit,
individu et pouvoir, de l’École du Droit naturel à l’École du Droit historique, Paris,
PUF, Léviathan, 1991, p. 235 notamment.

31
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cette caractérisation formelle de la Constitution est l’œuvre de la


construction doctrinale de l’Autrichien Hans Kelsen pour qui, au
sommet de normes, la Constitution commande tout l’édifice juridi-
que et lui donne sa validité et son effectivité24.
Il est acquis que les deux contenus des Constitutions aux sens ma-
tériel et formel ne coïncident pas toujours. Des règles constitution-
nelles matérielles peuvent être consignées dans des textes qui ne sont
pas constitutionnels.
Par ailleurs, la Constitution au sens formel recèle parfois des rè-
gles non constitutionnelles au sens matériel. Ainsi, l’exemple désor-
mais classique de la disposition constitutionnelle helvétique relative
au mode d’abattage du bétail.
Pour faire le tour de la question, il est utile de savoir que la Cons-
titution peut revêtir deux formes : coutumière et écrite. Si la majori-
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té des États modernes possède des Constitutions écrites, il n’est pas


superflu de constater que la Constitution coutumière existe notam-
ment en Grande-Bretagne même si un nombre important des règles
constitutionnelles au sens matériel sont consignées dans des textes
écrits qui constituent ainsi « des îlots épars dans un océan de coutu-
mes ».25
Tel est le cas de la Magna Carta de 1215 accordée par Jean Sans
Terre à ses barons après la défaite de Bouvines, la pétition des droits,
l’Habeas Corpus de 1679 protégeant les sujets britanniques contre
l’arbitraire du monarque, le Bill of Rights accordé au Parlement par
Guillaume d’orange en 1689, l’Establishment Act de 1701 réglant les
questions de succession au trône ainsi que les divers Parliament Acts
de 1911 et 1949 retraçant les pouvoirs respectifs de deux chambres
du Parlement britannique.
À cet égard, le Professeur Jacques Djoli Eseng’Ekeli fait état des
mythes fondateurs qui tiendraient lieu de Constitutions coutumiè-
res26 pour les États africains précoloniaux.

24
CHAGNOLLAUD (D.), op. cit.., p. 27.
25
TURPIN (D.), op. cit., p. 74.
26
DJOLI ESENG’EKELI (J.), Le constitutionnalisme africain : Entre la gestion des
héritages et l’invention du futur. Contribution à l’émergence d’une théorie africaine
de l’État, Paris, Connaissances et Savoirs, 2006, p. 492.

32
INTRODUCTION GENERALE

Le Fukiansi pour le Royaume Kongo en est un exemple.


Il est entendu, toutefois, que de ce point de vue, la Constitution
coutumière est une norme fondatrice de la société traditionnelle, in-
violable et qui a primauté sur toutes autres règles du fait qu’elle est
l’œuvre des ancêtres fondateurs du clan ou de la tribu.27
La conformité des autres règles inférieures à cette Grundnorm est
le pendant naturel du respect que l’Africain doit aux morts surtout
que ceux-ci sont les fondateurs de la société. Se rebeller contre cette
norme, c’est, sans coup férir, se rendre étranger à la communauté de
base, s’ostraciser ; or, en dehors de la société, point de salut.
Cependant, le recours à la théorie de la dysfonctionnalité de
Kayemba Ntamba Mbilanji aboutit à relativiser cette vision plutôt
européocentrique du droit.
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En effet, selon cet auteur, le droit présente une tout autre face en
Afrique pour des raisons qu’il faut chercher ailleurs. Cela explique le
rapport que l’Africain entretient avec le droit et la justice comme
institution chargée de trancher les conflits survenant dans la société.
Bien entendu, l’Africain évitera souvent de provoquer lui-même
des procès, de recourir aux voies que lui ouvre le droit pour obtenir
justice et cela pour s’en tenir à des solutions mystiques : envoi de
serpent venimeux, de foudre à un adversaire, l’envoûtement de ce
dernier. Et la peur de ces sanctions mystiques joue un rôle fonda-
mental pour policer les individus et en obtenir la soumission à la
normalité collective. Elle est par conséquent une composante fon-
damentale de l’autorégulation sociale sous l’Afrique noire d’hier
comme celle d’aujourd’hui.
Dans cette ambiance mystique où baigne l’Africain, le droit – s’il
apparaît – ne peut être, en l’absence de l’autonomie individuelle, que

27
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « L’autorégulation sociale sous l’Afrique
noire postcoloniale. Impuissance du droit, primauté de la parenté et de la mysticité »,
Communication au colloque « Droit et Développement », Kinshasa, Faculté de
droit, Université de Kinshasa, 1981.

33
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d’expression collective comme pour toutes les sociétés précitées ou à


niveau d’évolution politique insuffisant.28
Mais l’on doit souligner que l’Afrique pré-européenne était en
voie de transformation à cet égard. Dans les sociétés politiquement
organisées (royaumes et empires), surtout dans leurs métropoles po-
litico-commerciales, la volonté individuelle s’affirmait en effet à la
faveur de l’autonomie et des activités individuelles et du patrimoine
personnel lié à ces activités ; et parallèlement au développement de la
volonté individuelle s’affirmait le droit contractuel de type moder-
ne : abandon des noms claniques qui étaient collectifs en faveur des
noms individuels, succession individuelle, mariage supratribal,
commerce, division du travail individuelle à la place de la division
du travail collective ou spécialisation par clans entiers.
Toutefois, qu’il soit d’expression collective ou individuelle, le
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

droit sous l’Afrique ancienne était, en l’absence de la cité (forêts, dé-


sert) ou en raison de sa jeunesse (savane), une donnée négligeable,
embryonnaire, étouffée qu’il était non seulement par la mysticité
mais aussi par la parenté.29
Voilà pourquoi, en Afrique noire précoloniale, l’autorité de la
Loi fondamentale a un fondement théorique différent de celui de la
Constitution écrite dont le respect est assuré par la caractérisation
formelle de ses règles d’élaboration et de révision ainsi que le fait po-
litique admis que c’est un acte de volonté du souverain : le peuple
lui-même.
Cette parenthèse d’anthropologie juridique refermée, il importe
de noter que la notion de Constitution est riche de sens, ainsi que
nous venons de l’indiquer, mais d’emblée, disons, avec Kitete Ke-
kumba Omombo, que la Constitution « tente en définitive de conci-
lier les aspirations populaires qui, loin d’être toujours centripètes,

28
Pour les détails, consulter KALUBA DIBWA (D.), Démocratie et Développement
au Congo-Kinshasa. Essai d’explication socio-juridique de l’inadéquation
institutionnelle postcoloniale, Paris, L’Harmattan, 2010.
29
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « L’autorégulation sociale sous l’Afrique
noire postcoloniale. Impuissance du droit, primauté de la parenté et de la mysticité »,
Communication au colloque « Droit et Développement », Kinshasa, Faculté de
droit, Université de Kinshasa, 1981.

34
INTRODUCTION GENERALE

sont généralement centrifuges. La raison est d’ordre sociologique en


ce que l’on rencontre rarement les peuples foncièrement homogè-
nes »30.
Dans chaque société politique, il se crée nécessairement le phéno-
mène universel de stratification sociale qui engendre une différencia-
tion individuelle laquelle produit, à son tour, des couches ou classes
sociales. Naturellement, ces diverses différenciations produisent une
divergence d’intérêts à la fois politiques et économiques. Mais pour
que la société demeure, il faut un compromis que la Constitution
écrite cristallise dans un document solennel qui protège et défend les
différentes couches sociales31.
Cette conception sociologique n’avait pas recueilli l’approbation
de la théorie marxiste qui considère la Constitution, tout comme le
droit qu’elle produit, comme la superstructure engendrée par
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

l’infrastructure constituée des forces sociales et des modes de pro-


duction. À chaque type de mode de production correspond un type
d’organisation politique.
À ce niveau, la société industrielle européenne du XVIIIe siècle
qui est à la base du constitutionnalisme contemporain ne peut
s’inscrire que dans la dynamique de renversement des rapports des
classes sociales dû au changement de mode de production qui était
jusque-là féodal. L’industrialisation de la société ayant émancipé les
forces sociales laborieuses, tel renversement se devait d’être consigné
en termes politiques par la limitation du pouvoir du monarque qui,
en réalité, n’en avait plus, car le machinisme avait dépouillé le Roi
au profit des barons avant de consacrer le dernier patron qu’est le
capitaliste32.
Dès lors, dans ces conditions, est Constitution le document par
lequel le prolétariat s’émancipe du diktat de la bourgeoisie. Cette

30
KITETE KEKUMBA OMOMBO, Cours de droit constitutionnel et institutions
politiques, 1er graduat, Faculté de Droit, UNIKIN, 1986-1987, polycopié, p. 34,
inédit.
31
Voir MARX (K.) et ENGELS (F.), Le capital, coll. Œuvres complètes, Moscou,
Éditions sociales, 1977, pp. 23-45.
32
Idem, p. 45.

35
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

conception marxiste et polémologique n’est pas partagée en Afrique


noire précoloniale où la Constitution est saisie comme une instance
de conciliation de l’autorité et de la liberté du groupe 33.
Yves-André Faure, dans l’excellente étude citée en bas de page,
montre, par une sorte de césure épistémologique, « que la Constitu-
tion a été longtemps lue selon les prismes de l’Occident comme un
texte suprême de (et dans) l’État, qui organise le pouvoir, s’analyse
comme une garantie des gouvernés, que sa diffusion dans le temps et
dans l’espace correspond à des étapes successives de la conquête de la
liberté par ceux qui, jusqu’alors, ont été soumis à la force mécanique
de la domination » ; il fait le procès de la perspective historique du
droit constitutionnel et enchaîne que « cette démarche qui s’explique
par le déroulement même de la vie publique (de l’Occident) présente
de sérieux inconvénients lorsqu’elle sous-tend l’analyse des Constitu-
tions africaines.
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

Là comme ailleurs, le positivisme juridique occulte les conditions


bien particulières d’émergence et d’application des normes, de trahir
leur signification réelle, d’imposer des catégories universelles devant
lesquelles doivent plier les réalités diverses et complexes. Bref, par
ses aboutissements, cette démarche, dénonce-t-il, suscite des analyses
irréalistes des textes constitutionnels africains ».34
Pour cet auteur, la Constitution en Afrique noire devrait être sai-
sie comme étant une technique gouvernementale, non pas établie
dans le but de reconnaître la mise du pouvoir au service de la collec-
tivité ou de diverses fictions juridiques ou intellectuelles qui ren-
voient à celle-ci (la nation, le pays, la patrie, le bien commun,
l’intérêt général…), mais exercée en vue de la fixation des rôles politi-
ques, de la localisation définitive des acteurs à la relation. 35
Pour révolutionnaire qu’elle pourrait être, cette définition de
Monsieur Faure présente aussi l’inconvénient épistémologique de
transformer une notion simple au départ en une sorte de double face

33
FAURE (Y.-A.) « Les constitutions et l’exercice du pouvoir en Afrique noire. Pour
une lecture différente des textes », in SEURIN (J.-L.), op. cit., pp. 214-230.
34
Idem, p. 216.
35
Ibidem, p. 220.

36
INTRODUCTION GENERALE

de Janus qui s’apprécierait selon l’angle de vision de chaque cher-


cheur.
À notre avis, il a présenté la Constitution comme technique de lé-
gitimation du jeu et des rôles politiques ; l’Occident lui-même ne nous
semble guère avoir échappé à cela, tout au moins au début de son
constitutionnalisme. Le reproche qu’il fait au droit constitutionnel
que nous n’approuvons pas du tout est justement l’explication ration-
nelle, puisque historique, des étapes successives du constitutionnalis-
me qu’il faut mettre en relief avec les évolutions sociologiques de la
société.
Il ne nous semble guère excessif de voir dans la Constitution à la
fois ce que l’humanité entière y voit et le compromis social qu’elle
est censée renfermer entre diverses franges de la population.
À force de trop particulariser l’Afrique, la Constitution pourrait
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

y paraître finalement comme un objet juridiquement non identifié ;


ce qui en enlèverait à la notion l’essentiel de son contenu sémantique
et, du même coup, son utilité opératoire.
Avant de passer à un bref aperçu des textes constitutionnels de
notre pays de 1885 à nos jours, pour des raisons de lisibilité de nos
développements ultérieurs, du point de vue diachronique, disons que
la Constitution est un document solennel, écrit selon une procédure
spéciale et contenant de règles relatives aux institutions politiques,
aux normes régissant celles-ci et les citoyens ainsi qu’aux droits et
libertés reconnus à ces derniers. Ces règles ont, disons-le, vocation à
être permanentes, impersonnelles et transcendantales.36

36
Cet adjectif apparaît, à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, sous la
plume du Professeur Augustin KITETE KEKUMBA OMOMBO. Au-delà du
caractère métaphysique que l’on s’expliquerait difficilement dans une définition
strictement juridique, nous devons à cet auteur de souligner déjà à vingt ans
d’écart ce qui est en train de s’appeler « le droit constitutionnel théologique ». Le
droit constitutionnel étant un droit de la fondation, la tentation est grande de
l’assimiler à la science de la création qui est la théologie chrétienne avec son
credo d’un Dieu unique, créateur de tout le cosmos et qui édicte des règles
éternelles et transcendantales. N’est-ce pas là déjà l’émergence ou la résurgence de
l’inconscient du mythe judéo-chrétien fondateur de l’occident et de son droit,
expression de cette cosmogonie ?

37
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Tel doit être le sens que nous accordons au concept de Constitu-


tion dont « on sait que les techniques doivent beaucoup aux prati-
ques très anciennes des ordres religieux »37.
Comment ces textes sont-ils présentés chronologiquement en Ré-
publique démocratique du Congo ?

c. Aperçu des textes constitutionnels de 1885 à nos jours


Ici, il est question, non pas de faire la « politoscopie constitution-
nelle » mais plutôt d’indiquer les différentes étapes que la République
démocratique du Congo a connues dans son processus de constitu-
tionnalisme.
Nous partirons donc de l’État indépendant du Congo pour abou-
tir au texte constitutionnel du 18 février 2006.
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 État Indépendant du Congo


Félix Vunduawe enseigne que « c’est à partir de l’Acte Général de
la Conférence de Berlin qu’ont été jetées les bases de la naissance du
Congo, aujourd’hui République démocratique du Congo »38.
Il serait tout de même difficile de considérer cet Acte comme un
texte constitutionnel tant sa nature juridique demeure celle d’un
traité international. Toutefois, cet Acte, renchérit Félix Vunduawe,
a permis au Roi Léopold II de se proclamer Roi souverain et Chef de
l’État39. Ainsi, l’État Indépendant du Congo était devenu sa proprié-
té exclusive et le décret était l’expression de la volonté du souverain.
C’est autant dire que l’E.I.C. n’avait pas de Constitution au sens
formel. Mais, au sens matériel, tous les textes ayant jeté les bases de
l’organisation et l’exercice du pouvoir politique de l’État indépen-
dant du Congo peuvent être reconnus comme des textes constitu-

37
de VILLIERS (M.), Dictionnaire de droit constitutionnel, 3e édition, Paris,
Armand Colin, 2001, p. 48.
38
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Bruxelles,
Larcier, Kinshasa, Afrique-Éditions, 2007, p. 184.
39
Idem, p. 184.

38
INTRODUCTION GENERALE

tionnels materiae sensu. Tel est le cas, notamment, des décrets sui-
vants :
 Décret du Roi-Souverain du 30 octobre 1885 sur l’organisation
provisoire du Gouvernement central40 ;
 Décret du Roi-Souverain du 1er septembre 1894 sur
l’organisation du Gouvernement central41 ;
 Décret du Roi-souverain du 16 avril 1887 sur l’organisation
du Gouvernement local. Pouvoirs du Gouverneur général 42 ;
 Décret du Roi-souverain du 16 avril 1889 instituant le Conseil
supérieur43 ;
 Décret du Roi-souverain du 8 octobre 1890 sur l’organisation
du Conseil supérieur44.
À ce propos, Léon de Saint Moulin renseigne que « certains
commandants, et même des responsables des sociétés privées, rece-
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vaient des pouvoirs exorbitants, sans avoir de comptes à rendre à


aucune autre autorité que le Roi »45.
Du point de vue strictement juridique, il nous paraît exact
d’affirmer que le seul mode d’expression du Roi étant le décret, ce-
lui-ci intervenait en toutes matières. La doctrine a dégagé le critère
matériel pour distinguer le décret constitutionnel, le décret législatif
ainsi que le décret administratif.
Il importe de souligner que les résolutions des chambres législati-
ves belges des 28 et 30 avril 1885 ont renforcé les pouvoirs du Roi
Souverain. Ces résolutions l’ont autorisé à être le Chef de l’État In-
dépendant du Congo.
La déclaration de neutralité du 1er août 1885 faite par le Roi Sou-
verain est à mettre dans le même panier car par elle, le Roi garantis-
sait le commerce international et fixait le droit de préemption re-

40
B.O., 1885, pp. 25-29.
41
B.O., 1894, pp. 186-187.
42
B.O., 1887, pp. 169-172.
43
B.O., 1889, pp. 161-163.
44
B.O., 1890, pp. 154-159.
45
de SAINT MOULIN (L.), « Brève histoire des constitutions du Zaïre », Zaïre-
Afrique, Kinshasa, 31e année, n° 256, p. 291.

39
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

connu à la France « au cas où le Roi n’arriverait pas à gérer le


Congo »46.
De même, il n’est pas superfétatoire de noter que le traité de ces-
sion du Congo au Royaume de Belgique du 28 novembre 1907 et
son acte additionnel du 5 mars 1988 sont à prendre pour des actes
juridiques ayant une incidence constitutionnelle évidente tant leur
objet semble s’incruster dans la matière constitutionnelle. Mais dans
la mesure où il s’agit d’un acte de droit international, le traité de ces-
sion ne semble nullement revêtir la qualité constitutionnelle.
Dans un tel régime de confusion des pouvoirs, il n’est pas exclu de
voir que le Roi est le constituant, et dès lors, il n’y a pas de Constitu-
tion au sens formel, cependant il a existé des décrets épars régissant la
fondation, l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs. L’on
peut noter que l’absolutisme du régime politique de l’État indépen-
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

dant du Congo se caractérise par le fait que les collaborateurs du Roi-


Souverain ne détenaient pas de véritables prérogatives constitutionnel-
les au point que Félicien Cattier les qualifie « d’instruments aveugles
dans la main puissante du Roi-Souverain »47.
Ce marasme constitutionnel a perduré jusqu’en 1908.

 La Constitution belge du 7 février 1831


Il faut affirmer d’emblée que le Congo belge était régi par la
Constitution belge de 1831 telle que révisée par la loi constitution-
nelle du 7 septembre 1893 car la colonie faisait bel et bien partie du
royaume. Pour mettre en application cette Constitution, une loi
particulière a été adoptée en 1908. En cette date du 18 octobre 1908,
la doctrine identifie trois lois prises dans l’ordre logique et chrono-
logique ci-après :
Par la première loi du 18 octobre 1908 approuvant le traité de
cession du 28 novembre 1907, le Congo devenait une colonie de la
Belgique, cessant ainsi d’être la chose du Roi Souverain.

46
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit., p. 184.
47
CATTIER (F.), Étude sur la situation de l’État indépendant du Congo, Paris,
Bruxelles, Veuve Larcier, 1906, p. 323.

40
INTRODUCTION GENERALE

Une seconde loi de la même date viendra approuver l’acte addi-


tionnel au traité de cession pris le 5 mars 1908.
La troisième loi et la seule qui nous importe ici est la fameuse
« Charte Coloniale » qui est une loi belge, élaborée par le Parlement
belge, sanctionnée et promulguée par le Roi des Belges. Elle est en-
trée en vigueur le 15 novembre 1908 « car en vertu du traité de ces-
sion, le Roi devait prendre un arrêté fixant son entrée en vigueur »48.
Ce texte a régi le pays, dans le sillage de la Constitution belge 49, pen-
dant cinquante-deux ans et constitue, à n’en point douter, le clou
juridique de la colonisation qui prendra fin le 30 juin 1960.

 Les lois fondamentales de 1960


Il s’agit ici encore de deux lois belges votées par le Parlement bel-
ge à Bruxelles, sanctionnées et promulguées par le Roi des Belges. La
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

première en date est celle du 19 mai 1960 relative aux structures du


Congo tandis qu’en date du 16 juin 1960 intervenait celle relative
aux libertés publiques.
Ainsi que l’on sait, ces deux lois sont élaborées sur la base des ré-
solutions de la Table Ronde belgo-congolaise de janvier-février 1960
dite Table Ronde politique. Elles constituent, toutes deux, la Consti-
tution provisoire de l’État du Congo en vertu des articles 3, 5 et 230
de la Loi fondamentale du 19 mai 1960. Ajoutons, pour être com-
plet, qu’en date du 17 juin 1960, une autre Loi fondamentale fut pri-
se et portait sur les enquêtes parlementaires. Par ailleurs, par son ob-
jet, telle Loi fondamentale fait partie intégrante de la Constitution
provisoire de 1960.50
Il est tentant de conclure, avec le Professeur Kayemba Ntamba
Mbilanji, que les Lois fondamentales sont une œuvre belge, une

48
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit., p. 187.
49
Article 1er, alinéa 4 de la Constitution belge.
50
IYELEZA MOJU-MBEY et Alii, Recueil des textes constitutionnels de la
République du Zaïre du 19 mai 1960 au 28 avril 1991 avec, en annexe, la Charte
coloniale du 18 octobre 1908, Kinshasa, Ise-Consult, 1991, p. 23.

41
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Constitution provisoire et un bouclier juridique de l’ordre colonial


établi51.
Disons, d’un mot, que du point de vue du constitutionnalisme, il
y a une situation intérimaire entre la confusion des pouvoirs dans le
chef du monarque dans la charte coloniale et l’institutionnalisation
du pouvoir politique que l’on retrouve dans les Lois fondamentales
de 1960. Du reste, la pratique institutionnelle de ces textes nous in-
dique de façon magistrale qu’ils n’étaient pas le produit de
l’expression des Congolais.
Ainsi, outre les Lois fondamentales de 1960 susdécrites, il y a lieu
de noter les décrets-lois constitutionnels des régimes de crise nés à la
suite de la révocation du Premier ministre Patrice-Emery Lumumba
et le renvoi du Parlement en congé sine die.
S’agissant de la révocation du Premier ministre Lumumba par le
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

Chef de l’État Joseph Kasa Vubu, la doctrine a longtemps été parta-


gée sur le point de savoir si elle a été opérée ou non dans la légalité 52.
Nous opinons, quant à nous, que cette révocation non seulement
viole l’esprit de la Loi fondamentale, comme le soutient le Profes-
seur Félix Vunduawe, mais aussi et surtout sa lettre53. En effet, la
révocation du Premier ministre ne pouvait être acquise qu’à la suite
de la désinvestiture du Parlement, de même que le contreseing mi-
nistériel de M. Delvaux intervenu le lendemain de la révocation ne
peut qu’en souligner l’invalidité formelle54.
Issu d’une légitimité biaisée, le Chef de l’État ne disposait pas suf-
fisamment d’assez de bases pour engager cette crise de légitimité avec
le Premier ministre qui, malgré sa popularité, a tôt mal fait de révo-
quer à son tour le Chef de l’État. Bref, l’inexpérience a eu raison des
institutions importées de la Belgique qui exigeaient une assez longue
pratique.

51
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, Cours des institutions politiques du Zaïre,
polycopié, 2e graduat, Faculté de droit, 1987-1988.
52
DJELO EMPENGE OSAKO, L’impact de la coutume sur l’exercice du pouvoir en
Afrique noire. Le cas du Zaïre, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Le Bel Élan, 1990,
p. 40.
53
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit., p. 191.
54
DJELO EMPENGE OSAKO, op. cit., p. 40.

42
INTRODUCTION GENERALE

À l’occasion de cette crise qui donna lieu au coup d’État militaire


du 14 septembre 1960, le colonel Mobutu neutralisa les deux têtes de
l’exécutif et institua le Conseil des commissaires généraux qui sera
reconnu rétroactivement par le Chef de l’État à travers le décret-loi
constitutionnel du 29 septembre 1960.
Ce décret-loi constitutionnel confie au Conseil des commissaires
généraux un double rôle : celui de gouvernement, en remplacement
de celui de Joseph Ileo qui n’a pas fonctionné, ainsi que celui de par-
lement. À ce titre, le Conseil de commissaires généraux a légiféré par
décrets-lois délibérés en conseil, sanctionnés et promulgués par le
Chef de l’État. Félix Vunduawe note que les décrets-lois instituant la
Banque Nationale ou l’unité monétaire sont de cette époque 55.
Après quatre mois, le Conseil de commissaires généraux céda la
place au gouvernement provisoire de Joseph Ileo. Ce gouvernement
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fut institué par décret-loi du 9 février 1961 confiant les mêmes pou-
voirs qu’au Conseil des commissaires généraux.
Étudiant la validité de ces décrets-lois constitutionnels, la doctrine
retient qu’ils ont valeur des règles constitutionnelles bien qu’ils n’aient
pas été prévus dans la Loi fondamentale, car ils ont été pris avec le
concours du Chef de l’État, une des branches du pouvoir législatif.
La seule justification pouvait être trouvée dans la notion de gou-
vernement de fait qui se fonde, elle aussi, sur le principe « nécessité
fait loi » et sur celui de la continuité de l’État, lesquels principes as-
surent, selon la doctrine moderne, la survie de l’État malgré les
troubles qui peuvent menacer son existence.
C’est l’essence même de l’adage latin : « salus populi suprême lex ».
L’orthodoxie juridique interdit d’y voir des décrets-lois réguliers
même si le critère matériel permet d’y voir des règles à valeur consti-
tutionnelle tant ils ont régi l’organisation et le fonctionnement des
structures étatiques.

55
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit., p. 192.

43
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Pour mettre fin à cette crise de légitimité et de légalité, la classe


politique trouvera une solution globale, malgré l’effacement du bloc
lumumbiste, à travers la Constitution du 1er août 1964.

 La Constitution du 1er août 1964 dite de Luluabourg


L’histoire mouvementée de la première République fit que jus-
qu’en 1963 le Parlement ne s’était pas réuni en constituante pour
élaborer la constitution définitive. Le Chef de l’État décida en
août 1963 de mettre en congé le parlement et de confier la rédaction
de la Constitution à une commission composée d’experts congolais
dont le Professeur Marcel-Antoine Lihau.
La doctrine a, longtemps, opiné que les règles d’élaboration de
cette Constitution prévues par la Loi fondamentale du 19 mai 1960
n’ont pas été respectées, entraînant ainsi l’invalidité de la Constitu-
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tion du 1er août 196456. Il est cependant à noter que la Constitution


ayant été adoptée par référendum, il est vain de reprocher au peuple
souverain d’avoir adopté un texte tant son pouvoir constituant est
inconditionné.
Le coup d’État du 24 novembre 1965 par le Haut-Commandement
militaire mit fin à ce régime et institua un gouvernement de crise à la
suite de la révocation du Premier ministre Moïse Tshombe57.
Il y a lieu de noter les dispositions fondamentales du 24 novembre
1965 qui ne seront pas invoquées dans la pratique pour ne pas donner
l’impression de mettre de côté la Constitution en impliquant la révi-
sion implicite. Le Chef de l’État légiféra par ordonnance-loi parallè-
lement au Parlement qu’il enverra en congé sine die un peu plus tard.

56
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, op. cit., p. 123 ; voir aussi VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), op. cit.., p. 194. Les deux auteurs précités opinent justement que
la Constitution dite de Luluabourg avait, dans sa phase d’écriture
constitutionnelle, été l’œuvre d’un organe non prévu par la Loi fondamentale
relative aux structures du Congo du 19 mai 1960. Il s’agit, à ce jour, d’un débat
dépourvu d’intérêt scientifique tant l’approbation par referendum semble, à nos
yeux, agir ex tunc.
57
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 194.

44
INTRODUCTION GENERALE

Pour mettre fin à cette situation de crise, le constituant procéda à


l’élaboration de la Constitution du 24 juin 1967.

 La Constitution du 24 juin 1967


Le coup d’État du 24 novembre 1965 ayant fini de mettre fin aux
institutions de Luluabourg, la Constitution du 24 juin 1967 sera
l’œuvre du gouvernement du Général Mobutu. Elle sera l’œuvre
d’une commission présidée par le Chef de l’État entouré des experts
congolais (Etienne Tshisekedi, Gérard Kamanda et Marcel-Antoine
Lihau).
Le référendum qui a tout à fait l’allure d’un plébiscite avalisera
tout ce qui avait été fait par le Haut-Commandement militaire.
Il faut noter, avec la doctrine, que cette Constitution a fait beau-
coup d’emprunts théoriques et même idéologiques à la Constitution
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française de la Ve République du 4 octobre 1958, son initiateur ayant


été, nous dit le Professeur Vunduawe te Pemako, un fervent admira-
teur du Général de Gaulle58.
Dès lors, il importe de citer les différentes révisions intervenues
sous l’empire de cette Constitution. Il faut reconnaître, avec Paul-
Gaspard Ngondankoy, que la simple énumération est fastidieuse dans
la mesure où pendant longtemps aucun travail doctrinal de systémati-
sation de ces révisions n’avait été réalisé.59 Ainsi, l’on peut citer, par
ordre chronologique :
 L’ordonnance-loi n° 70-025 du 17 avril 1970 détermina que la
première élection du président aurait lieu dans les 90 jours au
lieu de « 90 jours » à dater du 24 novembre 1970 ;

58
VUNDUAWE te PEMAKO, À l’ombre du léopard. Vérités sur le régime de
Mobutu Sese Seko, tome I, Bruxelles, Éditions Zaïre Libre, 2000, p. 165.
59
NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P. -G.), Droit congolais des droits de
l’homme, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2004, p. 70. Voir
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Bruxelles,
Kinshasa, Larcier, Afrique Éditions, 2007 qui consacre de belles pages au
recensement de ces révisions constitutionnelles. C’est le premier travail doctrinal
de systématisation en droit congolais, à notre connaissance.

45
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

 La loi n° 70-001 du 23 décembre 1970 consacra le MPR


comme une des principales institutions de la République ;
 La loi n° 71-006 du 29 octobre 1971 introduisit les nouvelles
appellations « République du Zaïre, Zaïrois, Bas-Zaïre » ;
 La loi n° 71-007 du 19 novembre 1971 adopta comme dra-
peau national le drapeau vert avec une main tenant le flam-
beau sur fond jaune au centre ;
 La loi n° 71-008 du 31 décembre 1971 introduisit dans la
Constitution le principe de la reprise par l’État de la plénitu-
de de ses droits fonciers, forestiers et miniers, affirmant que
le « sol et le sous-sol zaïrois ainsi que leurs produits naturels
appartiennent à l’État » (l’article 14 bis) ;
 La loi n° 72-003 du 5 janvier 1972 introduisit dans la Consti-
tution la nouvelle appellation de Shaba, au lieu de Katanga ;
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

 La loi n° 72-0008 du 3 juillet 1972 institua, au sein de la Cour


suprême de justice, une section de législation, compétente
pour donner des avis consultatifs sur des projets de lois ou
des textes réglementaires. Elle rendait la Haute Cour compé-
tente pour juger certaines autorités et hauts cadres du
M.P.R ;
 La loi n° 73-014 du 5 janvier 1973 introduisit les nouvelles
appellations de conseil législatif, commissaire du Peuple,
Conseil Exécutif, Département, Commissaire d’État, Région,
Commissaire de Région, Commissaire urbain, Sous-région,
Commissaire sous-régional, Commissaire de zone, Collectivi-
té et Chef de collectivité ou de cité, etc. ;
 La loi constitutionnelle n° 74-020 du 15 août 1974 qui a insti-
tué le Parti- État et conduit à la confusion entre le Parti et
l’État.

Par son ampleur, cette révision radicale a changé le système poli-


tique du texte originel du 24 juin 1967 au point où une frange de la
doctrine l’a toujours tenue pour une nouvelle Constitution60.

60
DJELO EMPENGE OSAKO, op. cit.. pp. 72 et s ; KAYEMBA NTAMBA
MBILANJI, op. cit.., p. 158 ; il semblerait même que le Professeur Marcel-

46
INTRODUCTION GENERALE

 La loi n° 78-010 du 15 février 1978 intégra dans la Constitu-


tion plusieurs réformes relativement au rôle du président-
Fondateur du MPR, président de la République et aux droits
et libertés des citoyens. Elle est promulguée à la suite de la
première guerre du Shaba et du discours présidentiel devenu
historique du 1er juillet 1977. 61 Une partie de la doctrine ensei-
gne qu’il s’agit d’un retour au régime de 196762.
 La loi n° 80-007 du 19 février 1980 apporta deux mesures de
restriction à la démocratisation de 1978. La première fut la
suppression de la désignation par élection d’une part des
membres du Bureau politique. Cette réforme fait suite au dis-
cours présidentiel du 4 février 198063.
Par ailleurs, seuls les Commissaires d’État pourraient être inter-
pellés par le Conseil législatif et ce, après information préalable du
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

chef de l’État. Telle est la seconde mesure.


Il importe de souligner que les dispositions spéciales qui concer-
naient le président-Fondateur du MPR sont étendues à tout prési-
dent du MPR., président de la République notamment le pouvoir de
dissoudre le Conseil législatif ;
 La loi n° 80-012 du 15 novembre 1980 qui institua le Comité
Central du MPR. Il devenait, à la place du Bureau politique,
l’organe de conception, d’inspiration, d’orientation et de dé-

Antoine LIHAU aurait opiné dans le sens de deux premiers doctrinaires, à lire le
témoignage du Professeur Sayeman BULA-BULA, En ce temps-là, in Pour
l’épanouissement de la pensée juridique congolaise, Liber Amicorum Marcel Antoine
Lihau, Bruxelles, Kinshasa, Bruylant, Presses de l’Université de Kinshasa, 2006,
pp. XXII-XXIII. Évariste BOSHAB voit dans ce texte une nouvelle Constitution
différente de la Constitution du 24 juin 1967. Lire dans ce sens son article intitulé
« L’état d’urgence et le contrôle de la constitutionnalité des mesures d’urgence
dans l’Acte constitutionnel de la transition zaïroise », Revue de Droit Africain,
n° 2, avril 1997, Bruxelles, p. 12
61
MOBUTU SESE SEKO, Discours, allocutions et messages, Paris, Éditions du
Jaguar, 1988.
62
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, Cours d’institutions politiques du zaïre,
p. 234.
63
MOBUTU SESE SEKO, Discours, allocutions et messages, tome 3, Paris, Éditions
du Jaguar, 1988, pp. 388- 428.

47
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

cision du MPR64. Cet organe renforça le rôle dirigeant du


Parti notamment par sa Commission Permanente de discipli-
ne qui sanctionna de nombreux cadres pour manquement à la
discipline. Les premiers cadres sanctionnés par cette Com-
mission furent, nous dit Léon de Saint Moulin, les treize par-
lementaires impliqués dans « le complot de la Saint Sylves-
tre », le 31 décembre 1980 ;
 La loi n° 82-004 du 31 décembre 1982 supprima le Comité
Exécutif du MPR et remplaça l’appellation de « commissaire
politique » par celle de « Membre du Bureau politique ». Elle
apportera la solution au conflit entre le Comité central et le
Bureau politique, d’une part, et entre le Comité exécutif et le
Conseil exécutif, d’autre part.

Cette révision constitutionnelle fait écho à la décision d’État


international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

n° 32/CC/83 du Comité central du Mouvement populaire de la ré-


volution du 1er avril 1983 qui proclamait que le « MPR commande et
oriente l’État, qui est devenu son instrument pour la réalisation de
ses objectifs ».
 La loi n° 88-004 du 29 janvier 1988 retira la compétence en
matière des contestations électorales à la Cour suprême de
justice pour la confier au Comité central ;
 La loi n° 88-009 du 27 juin 1988 retira la liste des Régions de la
Constitution pour la remplacer par la disposition générale :
« la République du Zaïre comprend la ville de Kinshasa et les
régions ». Ceci a eu l’avantage de ne pas procéder à une révi-
sion constitutionnelle pour créer une nouvelle région ou en
modifier la dénomination ou les limites. Dans ce cadre, furent
ainsi créées les trois régions du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du
Maniema par ordonnance-loi n° 88-031 du 20 juillet 1988.

 La loi n° 90-002 du 5 juillet 1990


Cette loi introduisit le multipartisme et abolit le monopole du
Parti-État. Par l’ampleur de sa révision quant au fond, cette révision

64
Article 60 de la Constitution du 24 juin 1967 telle que révisée le 31 décembre
1980.

48
INTRODUCTION GENERALE

du reste irrégulière de la Constitution de 1967 apparaît, à coup sûr,


comme une nouvelle Constitution ou pour reprendre l’heureuse
formule de Félix Vunduawe te Pemako, une Constitution intérimai-
re. Elle connut une modification.
– La loi n° 90-008 du 25 novembre 1990 a de nouveau modifié la
Constitution en y introduisant le multipartisme intégral que la
loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 avait limité à trois partis politi-
ques.

 La loi n° 93-001 du 2 avril 1993 portant Acte constitutionnel


harmonisé relatif à la période de transition.
Elle est l’œuvre du Conclave politique de Kinshasa qui a tenté, en
vain, de mettre fin à un dédoublement institutionnel : deux textes
constitutionnels (la Constitution du 24 juin 1967 et l’Acte portant
international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607163897

dispositions constitutionnelles relatives à la période de la transition


élaborée par la Conférence nationale et non promulguée par le pré-
sident de la République), deux gouvernements (celui de Faustin Bi-
rindwa et celui dit « des verts » dirigé par Étienne Tshisekedi). L’on
peut situer d’emblée cette querelle politique dans le sillon de la lutte
pour le maintien au pouvoir de M. Mobutu et la lutte pour la
conquête des libertés par le peuple congolais.
Cette double lutte a inéluctablement engendré des points de vue
divergents dans la doctrine congolaise qui voit le jour au lendemain
de la Conférence Nationale Souveraine, et à l’occasion de l’Arrêt
R.A. 266 du 8 janvier 1993.
Mabanga Monga Mabanga fait un excellent état de la question,
dans son ouvrage précité, en exposant ainsi l’obiter dictum de l’arrêt
problématique : « il s’ensuit que cette ordonnance n’est pas motivée
et qu’il y a eu ainsi atteinte aux droits garantis aux particuliers par
les articles 17 et 18 de la Constitution de 1967 telle que révisée, en
vigueur à la date de la signature de l’ordonnance attaquée, mais
abrogée par l’Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à
la période de transition applicable présentement, lequel, acte, en ses
articles 17, 18 et 27 a repris la substance des articles constitutionnels
visés au moyen ».

49
INTRODUCTION GENERALE

du reste irrégulière de la Constitution de 1967 apparaît, à coup sûr,


comme une nouvelle Constitution ou pour reprendre l’heureuse
formule de Félix Vunduawe te Pemako, une Constitution intérimai-
re. Elle connut une modification.
– La loi n° 90-008 du 25 novembre 1990 a de nouveau modifié la
Constitution en y introduisant le multipartisme intégral que la
loi n° 90-002 du 5 juillet 1990 avait limité à trois partis politi-
ques.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
 La loi n° 93-001 du 2 avril 1993 portant Acte constitutionnel
harmonisé relatif à la période de transition.
Elle est l’œuvre du Conclave politique de Kinshasa qui a tenté, en
vain, de mettre fin à un dédoublement institutionnel : deux textes
constitutionnels (la Constitution du 24 juin 1967 et l’Acte portant
dispositions constitutionnelles relatives à la période de la transition
élaborée par la Conférence nationale et non promulguée par le pré-
sident de la République), deux gouvernements (celui de Faustin Bi-
rindwa et celui dit « des verts » dirigé par Étienne Tshisekedi). L’on
peut situer d’emblée cette querelle politique dans le sillon de la lutte
pour le maintien au pouvoir de M. Mobutu et la lutte pour la
conquête des libertés par le peuple congolais.
Cette double lutte a inéluctablement engendré des points de vue
divergents dans la doctrine congolaise qui voit le jour au lendemain
de la Conférence Nationale Souveraine, et à l’occasion de l’Arrêt
R.A. 266 du 8 janvier 1993.
Mabanga Monga Mabanga fait un excellent état de la question,
dans son ouvrage précité, en exposant ainsi l’obiter dictum de l’arrêt
problématique : « il s’ensuit que cette ordonnance n’est pas motivée
et qu’il y a eu ainsi atteinte aux droits garantis aux particuliers par
les articles 17 et 18 de la Constitution de 1967 telle que révisée, en
vigueur à la date de la signature de l’ordonnance attaquée, mais
abrogée par l’Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à
la période de transition applicable présentement, lequel, acte, en ses
articles 17, 18 et 27 a repris la substance des articles constitutionnels
visés au moyen ».

49
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il s’agit d’un attendu qui a donné prétexte à une querelle doctri-


nale qui peut se résumer ainsi : pour le président Mobutu et ses par-
tisans, l’Acte de la CNS n’a pu exister faute de promulgation, et la
Cour n’avait pas à en tenir compte, même de manière incidente.
Le meilleur défenseur de cette tendance dans la doctrine est le Pro-
fesseur Félix Vunduawe te Pemako, suivi de l’avocat Ghislain Maban-
ga Monga Mabanga.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
La thèse contraire à laquelle nous adhérons du fait aujourd’hui
acquis que la Conférence nationale souveraine avait statué comme
pouvoir constituant originaire, même sui generis, est que l’Acte de la
CNS n’avait pas à être promulgué ad validitatem s’agissant d’un tex-
te issu du pouvoir constituant originaire.65
Au demeurant, sur le plan du droit judiciaire, l’on peut s’étonner
qu’une certaine opinion66 trouve suspecte la référence au texte de la
CNS dans une procédure en annulation d’une ordonnance présiden-
tielle entachée d’illégalité.
Non seulement que la Cour a considéré que la CNS a statué
comme pouvoir constituant originaire mais aussi, elle devait consta-
ter que les conditions visées au moyen étaient encore en vigueur. Il
en serait évidemment autrement si l’Acte de la CNS avait abrogé les
dispositions relatives au droit de la propriété garantie par la Consti-
tution de 1967. La Cour, contrairement au raisonnement de
M. Mabanga quant à ce, ne peut ignorer une nouvelle loi constitu-
tionnelle ou une nouvelle Constitution qui fonde par ailleurs le re-
cours qui lui est soumis. Il ne s’agit pas seulement d’une motivation
adéquate, mais d’un attendu nécessaire. Le principe de non-
rétroactivité de la loi pour l’examen des faits au moment de leur
commission posé en matière pénale s’applique-t-il à des dispositions
d’ordre constitutionnel ?
Pour M. Mabanga, il appert que la Cour voulait se manifester
dans ce moment décisif de l’histoire constitutionnelle du Congo en

65
KALUBA DIBWA, Essai d’évaluation des chances du retour de la démocratie au
Congo-Zaïre, Mémoire de licence, UNIKIN, Faculté de Droit, 1993, 79 p.
66
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit.., p. 87.

50
INTRODUCTION GENERALE

se prononçant, d’une manière ou d’une autre, sur cette question dé-


licate67.
Du reste, dire que l’Acte de la CNS du 2 août 1992 a abrogé la
Constitution de 1967 n’est nullement interpréter la Constitution,
compétence qui serait dévolue à la Cour suprême de Justice, toutes
sections réunies.68
À notre avis, toute juridiction a compétence d’interpréter la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Constitution par voie d’incident, la Cour suprême de justice n’ayant
eu cette compétence qu’à titre principal et sur seule requête du Pro-
cureur général de la République agissant soit d’office, soit à la de-
mande des autorités publiques indiquées par la Loi.
Il est symptomatique d’un malaise juridique et politique profond
qu’un chef de juridiction se soit permis, dans une interview, de se
désolidariser d’un arrêt de la Cour, au motif qu’il aurait été rendu
ultra petita, alors que le devoir de réserve le lui interdisait.
Et là où M. Mabanga voit l’assagissement de la Cour suprême de
justice, section administrative, l’on peut également voir qu’il s’agit
du même chef de juridiction qui a siégé, cette fois-là, sous R.A. 320
du 21 août 1996, dans l’affaire Usor et Alliés contre Kengo et
consorts.
Il y a eu, à n’en point douter, lutte d’intérêts politiques plutôt
que débat juridique sérieux et désintéressé.
C’est également la vanité de l’argument d’absence d’autorité de la
chose jugée qui est attachée à l’arrêt examiné tant dans sa motivation
que dans son dispositif, encore qu’une des parties audit arrêt se trou-
vait être la République du Zaïre, actuellement République démocra-
tique du Congo, qui ne peut ignorer les lois qu’elle édicte elle-même.
C’est dans ce contexte de confusion savamment entretenue tant
sur le plan politique caractérisée par un dédoublement institutionnel
que sur le plan stratégique, que le Conclave Politique National, ré-
uni au Palais de la Nation du 9 au 19 mars 1993, a élaboré un texte

67
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit.., p. 88.
68
Idem, eodem loco.

51
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

constitutionnel composite dit harmonisé dont l’étude vient d’être


effectuée.

 L’Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994


Texte constitutionnel intérimaire devant régir le pays jusqu’à
l’adoption de la Constitution de la IIIe République par référendum,
l’Acte constitutionnel de la transition a la particularité d’avoir été

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
élaboré par un pouvoir constituant sui generis mais juridiquement
inexistant, car à la date du 9 avril 1994 l’organe appelé Haut Conseil
de la République-Parlement de Transition était non institué. Le fait
politique Hcr-Pt a précédé le constituant ; la pièce centrale de cette
architecture institutionnelle se trouve être le Hcr-Pt qui a été à la
fois le constituant originaire bien que sui generis, le constituant déri-
vé en vertu des articles 55, 58, 69 al. 3 et 116 de l’Acte constitution-
nel de transition et le législateur ordinaire.
Comme Félix Vunduawe te Pemako, l’on peut constater que cet
Acte constitutionnel de la transition a régi le pays du 9 avril 1994 au
16 mai 1997, date du coup de force de l’Alliance des forces démocra-
tiques pour la libération du Congo (A.F.D.L)69.
Il faut noter que partiellement, en certaines de ses dispositions, ce
texte est resté en vigueur du 27 mai 1997 au 4 avril 2003 malgré la
promulgation du Décret-loi constitutionnel n° 003. Il s’agit d’une
Constitution intérimaire de la République et non d’une révision
constitutionnelle. Pour des raisons historiques, il est bon de noter
que le dédoublement institutionnel dont question ci-haut prit fin
avec ce texte constitutionnel.

69
Il ne s’agit pas ici d’analyser le mode d’élaboration et d’écriture de ce texte qui
relève sans conteste des modes autocratiques d’établissement des constitutions ;
cependant, il pose un problème précis dans la mesure où, quant à son contenu, il
ne marque qu’une rupture timide par rapport au chapitre relatif aux libertés
publiques et même une incohérence fondamentale avec la nature juridique et
politique du régime qu’il institue, car l’article 37 de l’Acte constitutionnel de la
transition qu’il entendait ainsi partiellement abroger fondait tout congolais à
s’opposer à un régime issu des armes. Ceci n’a pas tardé à survenir. Et pourtant
cette disposition est demeurée en vigueur !

52
INTRODUCTION GENERALE

 La loi n° 95-004 du 6 juillet 1995 a prorogé la durée de la tran-


sition d’un délai supplémentaire de 24 mois, à dater du
10 juillet 1995.
– Le décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à
l’organisation et à l’exercice du pouvoir en République démocra-
tique du Congo.
Ce texte vient mettre fin au vide constitutionnel qui a perduré du
17 mai 1997 au 26 mai 1997. À part les dispositions relatives à

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
l’organisation et à l’exercice du pouvoir désormais confiné entre les
seules mains du président de la République, l’article 14 dudit texte a
réactivé toutes les autres dispositions constitutionnelles de l’Acte
constitutionnel de la transition qui n’étaient pas contraires.
Comme tous les textes constitutionnels de crise, le décret-loi
constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 demeure irrégulier et ne peut
trouver des justifications théoriques que dans la théorie du gouver-
nement de fait. Il avait donc valeur constitutionnelle du point de vue
matériel et a régi le pays avant quatre modifications qu’il a connues :
 Le décret-loi constitutionnel n° 074 du 25 mai 1998 modifiait le
Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 et opérait un
transfert du pouvoir législatif du Chef de l’État qui l’exerçait
jusque-là seul à l’Assemblée Constituante et Législative.70
 Le décret-loi constitutionnel n° 122 du 21 septembre 1998 por-
tant modification du Décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 relatif
à l’organisation et à l’exercice du pouvoir en République démo-
cratique du Congo.71
 Le décret-loi constitutionnel n° 180 du 10 janvier 1999 modi-
fiant et complétant le Décret-loi constitutionnel n° 003 du
27 mai 1997 relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir
en République démocratique du Congo.72

70
Lire MBOKO DJ’ANDIMA, L’État de droit constitutionnel en République
démocratique du Congo. Contribution à l’étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de DES en Droit public, Université de Kinshasa, Faculté de
Droit, 2005, p. 71.
71
Voir JORDC, 39e année, n° 19, 1er octobre 1998, p. 6.
72
Voir JORDC, numéro spécial, février 1999, pp. 6-7.

53
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

 Le décret-loi constitutionnel n ° 096/2000 du 1er juillet 2000.73


–La Constitution de la transition du 4 avril 2003 ou la seconde
Constitution intérimaire de la République démocratique du
Congo
L’accord de Lusaka pour un cessez-le-feu en République démocra-
tique du Congo signé les 10, 30 et 31 juillet 1999 avait prévu le dia-
logue national ouvert à toutes les forces politiques en vue de définir

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
un nouvel ordre politique74.
Le dialogue Inter-congolais eut lieu du 25 février au 12 avril 2002
à Sun City en Afrique du Sud et adopta différentes résolutions per-
tinentes pour la gestion de la transition. L’accord global et inclusif
sur la transition en République démocratique du Congo signé le
17 décembre 2002 à Pretoria et adopté à Sun City le 1er avril 2003 est
la source sociologique de la constitution de la transition. Le dialogue
Inter-congolais apparaît de ce point de vue comme un pouvoir cons-
tituant originaire sui generis.
Dans ce cadre s’inscrit l’Accord de Lusaka pour un cessez-le-feu
du 10 juillet 1999 qui fixe entre autres un canevas de résolution du
conflit interne congolais notamment au travers de l’article III,
points 16, 19, 20 et du chapitre 5 de l’annexe « A » à l’Accord de ces-
sez-le-feu portant modalités de mise en œuvre de l’Accord de cessez-
le-feu en République démocratique du Congo.
Cet accord fait suite à plusieurs instruments internationaux dont
le communiqué du Sommet de Pretoria du 23 août 1998 réaffirmant
que tous les groupes ethniques et nationalités dont les personnes et
le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo à
l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la pro-
tection aux termes de la loi en tant que citoyens ; le communiqué du
sommet régional d’Entebbe du 25 mars 1998, le communiqué com-
mun du deuxième sommet de Victoria Falls tenu du 7 au
8 septembre 1998, la résolution 1234 du 9 avril 1999 ainsi que les au-

73
Voir JORDC, n° spécial, 1er juillet 2000, pp. 3-14.
74
Pour les détails sur cette étape historique, lire avec intérêt Recueil de textes pour le
dialogue intercongolais in JORDC, 42e année, n° spécial, Kinshasa, mai 2001, 245
p.

54
INTRODUCTION GENERALE

tres résolutions et décisions pertinentes du Conseil de sécurité des


Nations Unies sur le Congo ainsi que l’Accord de paix signé à Syrte
le 18 avril 1998.75
La Constitution de la transition a régi le pays jusqu’à la Constitu-
tion de la République démocratique du Congo promulguée le
18 février 2006.
Il y a lieu de noter cependant que la résolution contenue dans la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
décision conjointe n° 001/D.C/A.N/SEN/05 du 17 juin 2005 por-
tant prolongation de la durée de la transition est de nature constitu-
tionnelle. Les deux chambres du parlement de transition ont en effet
statué comme pouvoir constituant dérivé sans que la procédure de
révision constitutionnelle prévue pourtant par la Constitution adop-
tée par consensus ait été scrupuleusement suivie.

 La Constitution du 18 février 2006


Ce texte a la particularité, comme les deux précédentes Constitu-
tions définitives du pays (1964 et 1967), d’être adopté par référen-
dum constitutionnel. Il instaure un régime parlementaire rationalisé
et organise un État à régionalisme constitutionnel très proche du
fédéralisme dont les contours seront connus à l’épreuve de la prati-
que institutionnelle76.

75
Lire, pour des plus amples détails sur les péripéties de cette Constitution et son
élaboration, Recueil de textes pour le dialogue intercongolais in JORDC, 42e année,
n° spécial, Kinshasa, mai 2001, 245 p. ; M’BODJ EL HADJ, Le contexte de
l’élaboration de la Constitution de la transition en République démocratique du
Congo, communication faite au Sénat à l’occasion du séminaire sur les
perspectives de la nouvelle Constitution de la République démocratique du
Congo, Palais du Peuple, septembre 2004, pp. 1-7 ; voir aussi ESAMBO
KANGASHE (J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 2006 à l’épreuve du
constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, thèse de doctorat en
droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Université de Kinshasa,
17 juin 2009.
76
Voy. ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La Constitution congolaise du 18 février
2006 à l’épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, thèse
de doctorat en droit public, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, Université
Paris 1 Panthéon- Sorbonne, 17 juin 2009 (cotutelle).

55
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’étude qui conduit à l’aperçu des textes constitutionnels de 1885


à nos jours a fait fi expressément des constitutions coutumières ou
des pratiques constitutionnelles précoloniales qui auraient existé
dans les empires, royaumes et chefferies ayant constitué ce qui est
devenu la République démocratique du Congo.
La doctrine récente montre en effet que ces pratiques influent de
façon plus ou moins consciente les mœurs de l’État moderne au
point même de les dévoyer.77

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Ce choix est arbitraire, mais il est justifié par la perspective mé-
thodologique que nous avons choisie : celle d’étudier les Constitu-
tions écrites adoptées par l’État congolais dans sa dimension histori-
que positive et de voir les litiges politiques qu’elles peuvent engen-
drer et qui font partie du contentieux constitutionnel de droit
écrit.78

B. Contenu et contours du contentieux constitutionnel


Il est apparu que le concept « contentieux constitutionnel » est
polysémique et mérite, dès lors, d’être explicité par nous pour être
opératoire dans la présente étude.79
Cette explicitation sera entreprise à travers la recherche d’une dé-
finition du contentieux constitutionnel, une définition du juge cons-
titutionnel ainsi que les différentes distinctions qu’il faut établir
d’avec la justice judiciaire et la justice politique.

77
Lire avec intérêt BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers à l’épreuve du temps,
Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007, 338 p.
78
Il est certes fort tentant d’analyser les conflits éventuels que des règles
coutumières inférieures pourraient susciter à l’endroit de la coutume fondatrice
du clan ou de celle de la tribu qui serait ainsi tenue pour coutume
constitutionnelle ; il serait en cette occurrence pensable de voir comment le
contrôle de constitutionnalité des coutumes s’exerce. Nous avons abandonné
cette perspective qui se butait à deux obstacles épistémologiques majeurs : ouvrir
indéfiniment le sujet de notre recherche tant par rapport au temps qu’à l’espace
du territoire national et perdre ainsi inéluctablement le lieu précis du discours
qui fonde la scientificité de la thèse.
79
MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais,
Kinshasa, EUA, 1999, p. 7.

56
INTRODUCTION GENERALE

a. Définition du contentieux constitutionnel


Partant de l’étymologie latine de contentiosus (qui donne ou peut
donner lieu à litige), le Professeur Michel de Villiers, définit le
contentieux constitutionnel comme l’ensemble des litiges liés à
l’application de la Constitution et donnant lieu à des prétentions
opposées. Cependant, renchérit-il, depuis que de nombreuses Cons-
titutions ont décidé qu’un tel contentieux pourrait être porté devant
les institutions au caractère juridictionnel fortement marqué,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
l’habitude a été prise de considérer comme contentieux constitu-
tionnel l’ensemble des règles d’organisation, de compétence et de
procédure relatives à ces institutions80.
L’on peut dégager deux idées essentielles de cette double défini-
tion. L’idée de contentieux implique celle de litige, de conflit à tran-
cher par le juge. La seconde idée sera que l’étude du contentieux
constitutionnel passe nécessairement par celle de la juridiction qui a
reçu compétence de trancher les litiges constitutionnels.81
Cette seconde idée a l’avantage d’inclure dans l’étude du conten-
tieux constitutionnel les matières gracieuses dont connaît la juridic-
tion constitutionnelle.
Nous savons désormais ce qu’est le contentieux constitutionnel, il
nous reste à cerner la notion de juge constitutionnel avant de perce-
voir les différences que ce dernier a vis-à-vis des autres types de justi-
ce dans l’État.

b. Définition de la juridiction constitutionnelle


À ce stade, il est fort utile de marquer la différence qu’il y a entre
la notion de « justice constitutionnelle » et celle de « juridiction
constitutionnelle » qui nous intéresse directement ici.
En effet, par l’expression « justice constitutionnelle », Louis Fa-
voreu désigne l’ensemble des institutions et techniques grâce aux-

80
de VILLIERS (M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3e édition, Paris,
Armand Colin, 2001, p. 56, v° contentieux constitutionnel.
81
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. 11.

57
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

quelles est assurée, sans restriction, la suprématie de la constitution 82.


De même, l’éminent constitutionnaliste opine que la justice consti-
tutionnelle est chargée de veiller à ce que l’ordre constitutionnel soit
respecté sous tous ses aspects mais avec une intensité plus ou moins
grande83.
Pour sa part, Michel Fromont nous rappelle que « la notion de
justice constitutionnelle ne peut être qu’une notion matérielle : elle
ne peut que désigner une activité ou, si l’on veut, une fonction exer-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
cée en la forme juridictionnelle par un organe indépendant ayant le
caractère d’une juridiction et parallèlement le juge constitutionnel
ne peut que désigner un juge exerçant la justice constitutionnelle,
qu’il soit ou non spécialisé dans cette tâche ».84
Dès 1928 déjà, l’expression a le sens que nous lui accordons ici,
dans les travaux de Hans Kelsen et Charles Eisenmann. Pour
M. Kelsen, en effet, la justice constitutionnelle, c’est la garantie juri-
dictionnelle de la constitution.85
Charles Eisenmann, en revanche, dit de cette justice qu’elle est
« cette sorte de justice ou mieux de juridiction qui porte sur les lois
constitutionnelles ». Il complétera cette première définition en dis-
tinguant « justice constitutionnelle » et « juridiction constitutionnel-
le », la seconde étant l’organe par lequel s’exerce la première et, en
dégageant le sens juridique de la justice constitutionnelle qui est, en
dernière analyse, de garantir la répartition de la compétence entre
législation ordinaire et législation constitutionnelle.
En effet, la garantie de cette répartition de compétence est donc
l’élément distinctif de l’existence d’une juridiction constitutionnelle.
S’il n’est pas attribué à un juge la compétence de garantir cette répar-

82
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, 8e édition, Paris, Dalloz, 2005,
p. 199, n° 243.
83
Idem, op. cit., p. 231, n° 315.
84
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, coll. Connaissance
du droit, Droit public, Paris, Dalloz, 1996, p. 2.
85
KELSEN (H.), « La garantie de la constitution (la justice constitutionnelle) in
R.D.P. », 1928, n° 5, pp. 198-257.

58
INTRODUCTION GENERALE

tition entre législations ordinaire et constitutionnelle, il faut bien


voir que ce juge n’exerce pas la justice constitutionnelle 86.
Il fut un temps où la doctrine française préférait l’expression
« contrôle de constitutionnalité des lois » à ce vocabulaire moderne.
À tort, cette assimilation doctrinale n’a pas l’avantage d’indiquer que
le contrôle de constitutionnalité des lois n’est qu’une technique à la
disposition de la justice constitutionnelle.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Cette tendance doctrinale pouvait trouver une explication dans le
fait que la justice constitutionnelle vise premièrement et principale-
ment la garantie de la suprématie de la constitution par rapport aux
autres normes juridiques étatiques. Le contrôle des actes administra-
tifs et juridictionnels n’a guère soulevé de controverse, alors que la
censure du législateur, mieux de la loi, œuvre de la représentation
nationale, a longtemps soulevé des débats, surtout à l’époque du lé-
gicentrisme triomphant et où la souveraineté de la loi est un dog-
me87.
En droit comparé, la justice constitutionnelle comprend notam-
ment le contrôle de constitutionnalité des lois, le contentieux des
élections et consultations populaires, le contentieux de la division
horizontale ou verticale des pouvoirs et le contentieux des libertés et
droits fondamentaux.
Le juge constitutionnel est chargé principalement de ces quatre
types de contentieux ; il peut être chargé également de la justice poli-
tique qui se ramène au contentieux répressif de certains personnages
éminents de l’État.

86
EISENMANN (C.), La justice constitutionnelle et la Haute cour constitutionnelle
d’Autriche, nouvelle édition, Aix- Marseille, PUAM, Paris, Economica, 1986,
p. 123.
87
Voy CARRE DE MALBERG (R.), La loi, expression de la volonté générale,
(réimpression), Paris, Economica, 1984, pp. 16-22 et 67. Contra : VEDEL (G.),
Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1949, p. 118 ; ARDANT (P.), Institutions
politiques et droit constitutionnel, 8e édition, Paris, LGDJ, 1996, p. 112, n° 84.

59
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

De fois, l’interdiction ou la dissolution des partis politiques en cas


de violation des principes constitutionnels peut relever également de
la compétence du juge constitutionnel.88
Il est utile de noter que le juge constitutionnel congolais vient, à
peine, depuis le 18 février 2006, de recevoir la compétence en matiè-
re de justice politique, celle-ci ayant été, depuis la Loi fondamentale
du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, confiée à une Hau-
te Cour de Justice89.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Depuis 1964 jusqu’au 18 février 2006, c’est la section judiciaire de
la Cour Suprême de Justice qui a été le juge du contentieux pénal à
l’endroit des plus hauts dirigeants de l’État.
L’on peut noter déjà que cette justice politique n’a pas fonctionné,
pour des raisons qui sont exposées ailleurs, alors que les archives de la
Cour de sûreté de l’État indiquent des condamnations des opposants
politiques à des sanctions pénales allant de l’emprisonnement à la pei-
ne capitale.90
Marquons enfin les différences entre la juridiction qui exerce la
justice constitutionnelle de celles qui sont judiciaire ou politique.

c. Distinction du contentieux constitutionnel d’avec


la justice judiciaire et la justice politique
Outre ce qui vient d’être dit au point précédent, l’on peut noter
que le contentieux judiciaire est, en dernière analyse, le contentieux
des gouvernés, le contentieux constitutionnel étant celui des gouver-
nants91.

88
Article 61 de la Loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et
fonctionnement des partis politiques, JORDC, n° spécial, 18 mars 2004, p. 15.
89
Article 40 de la Loi fondamentale complétée par la loi du 23 septembre 1963
relative à l’organisation et à la procédure de la Haute Cour de Justice, MC, n° 10,
15 mai 1964, pp. 271-273.
90
Il suffit de se rappeler les procès Nguz a Karl i Bond ou des treize parlementaires
pour se convaincre que la justice politique n’a fonctionné que dans son aspect
répressif à l’égard des gouvernés.
91
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., pp. 11-12.

60
INTRODUCTION GENERALE

Il est fort utile de remarquer qu’au-delà de l’intervention du juge


judiciaire en matière civile, commerciale, sociale ou répressive, il est,
à tout point de vue, le juge de personnes privées, physiques ou mora-
les, les pouvoirs publics étant, en principe, justiciables du juge admi-
nistratif.
L’on peut observer également une différence fondamentale des
règles de procédure régissant le contentieux judiciaire par rapport à
celles qui président au procès constitutionnel. Le plus souvent dans

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
le second cas, il s’agit d’un procès objectif fait à un acte tandis que
dans le cas du contentieux judiciaire, le procès reste, sauf rares cas,
très subjectif, opposant les parties relativement à leurs droits subjec-
tifs en l’absence d’un acte juridique auquel il serait fait grief en tant
qu’acte générateur des droits dans l’ordonnancement juridique.
Il reste fort tentant de confondre le juge constitutionnel d’avec le
juge politique, nous dit Mabanga Monga Mabanga92, car si le juge
politique est essentiellement répressif, la répression ne constitue
qu’une de nombreuses prérogatives du juge constitutionnel.
Cet auteur observe que le juge politique peut être considéré com-
me le protecteur des institutions politiques contre les particuliers alors
que le juge constitutionnel joue, à l’inverse, le rôle de censeur desdites
institutions dans l’intérêt aussi bien de la collectivité nationale que des
particuliers.
La perception de Mabanga Monga Mabanga nous semble néan-
moins quelque peu erronée car, il suffit de remarquer que le juge po-
litique est le juge répressif des dirigeants pour se rendre compte qu’il
ne peut pas être leur protecteur a priori.
La nuance eut été en effet que le catalogue des infractions politi-
ques incriminant les attitudes des particuliers et rendant la Cour de
sûreté de l’État compétente à leur égard donnait l’impression partiel-
le que cette justice s’exerçait au seul profit des institutions politiques.
Mais ceci ne doit pas nous occulter la réalité juridique que la sec-
tion judiciaire de la Cour suprême de justice à l’époque et la Cour
constitutionnelle aujourd’hui étaient et sont compétentes pour exa-
miner les infractions politiques des dirigeants. Au surplus, aux diffé-

92
Idem, p. 13.

61
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

rents procès politiques, la présence des victimes, simples particuliers,


pouvait et peut toujours être envisagée.
En revanche, nous opinons que la justice constitutionnelle est
toujours organisée par la Constitution alors que la justice politique
peut ne pas être organisée par la Loi fondamentale.
Toutefois, la procédure à appliquer par devant les deux juridic-
tions sera toujours organisée par une loi qui peut être organique,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
pour le juge constitutionnel, et ordinaire, pour le juge politique.
Ces distinctions aussi subtiles que fertiles devaient nous conduire,
sans tarder, à savoir sur quoi se fonde la légitimité de ce contrôle ju-
ridictionnel des actes de gouvernants.

C. Des fondements théoriques du contrôle juridictionnel


Étudier les fondements théoriques du contrôle juridictionnel
constitutionnel, c’est nécessairement examiner pourquoi le consti-
tuant organise et assure la suprématie de la Constitution sur toute
autre norme, suprématie à la fois matérielle et formelle, qui trouve
sa justification dernière dans la garantie juridictionnelle de cette su-
prématie.

a. La suprématie matérielle de la Constitution


ou le titre juridique des gouvernants
La suprématie ou l’autorité matérielle de la Constitution est, se-
lon la doctrine, fondée sur l’importance du contenu des règles cons-
titutionnelles, organisation du pouvoir, consécration des droits et
libertés fondamentales du citoyen. La Constitution est la « loi su-
prême » de l’État et le statut de ce dernier93.

93
DUBOUIS (L.) et PEISER (G.), Droit public, 16e édition, Paris, Dalloz, 2003, p. 3.
En ce qu’elle constitue les autorités suprêmes de l’État, la Constitution en
constitue, à coup sûr, le titre juridique en vertu duquel lesdites autorités
prétendent légitimement exercer le pouvoir. Dès lors, il est logique qu’aucune
autorité constituée ne saurait, sauf à avoir des tendances suicidaires, contester la
suprématie du titre qui fonde le pouvoir exercé. Voilà pourquoi, du point de vue
substantiel, les normes matérielles s’imposeraient plus facilement à ceux qui ont
le pouvoir de vouloir pour la Nation.

62
INTRODUCTION GENERALE

Mais cette suprématie n’existe que dans les États qui ont une
Constitution rigide, puisque dans les États à Constitution souple une
simple loi ordinaire peut 94modifier une règle constitutionnelle.
Ces affirmations devenues classiques ne sont pas de nature à justi-
fier le contrôle juridictionnel des normes subordonnées à la Consti-
tution. Aussi, convient-il de remarquer qu’un système juridique est
un ensemble organisé des règles de droit, de normes, régissant une
société donnée. Toutes ces normes n’ont pas la même valeur. Des

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
subordinations apparaissent, ainsi que le dit Philippe Ardant95, né-
cessairement en ce sens que des liens s’établissent entre elles, où des
règles commandent à d’autres, leur sont supérieures, ne peuvent être
violées par ceux qui élaborent les normes subordonnées.
La thèse de la hiérarchie pyramidale des normes exposée par le ju-
riste autrichien Hans Kelsen peut se résumer par cet axiome selon
lequel « l’ordre juridique n’est pas un système de normes juridiques
placées au même rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés,
une pyramide ou une hiérarchie formée d’un certain nombre
d’étages ou couches de normes successives »96. On trouve donc au
sommet de la hiérarchie, la norme-mère ou Grundnorm, celle qui
commande tout le système juridique. Au dessous d’elle, se situent
d’autres normes. À chaque degré, le nombre des normes s’accroît et
par là s’élargit la base de la pyramide.
Dès lors, pour que l’édifice ainsi érigé tienne, il faut absolument
que les normes inférieures respectent scrupuleusement la norme
fondamentale ou de base. Considérée dans son acception matérielle,
l’autorité de la Constitution tient aussi et surtout au fait qu’elle
constitue le titre juridique en vertu duquel les gouvernants accèdent
au pouvoir et l’exercent avec l’obéissance légitime des gouvernés. Ne
pas tenir compte de la Constitution ou plutôt des règles qu’elle édic-
te, c’est, du même coup, saper les bases du pouvoir.
Il est unanimement admis que l’obéissance aux gouvernants qui
fonde le phénomène du pouvoir est aujourd’hui cristallisée et symbo-

94
ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit., p. 92, n° 66.
95
Cité par ARDANT (P.), op. cit., p. 93.
96
Ibidem

63
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

lisée par l’adoption par le peuple de la Constitution.97 En régime libé-


ral et démocratique tout au moins, violer la Constitution c’est contes-
ter du même coup l’obéissance que les gouvernés ont placée dans le
système juridique qui est, au demeurant, le bouclier juridique du pou-
voir de l’État. La violation par trop fréquente de la Constitution ne
laisse au régime politique que l’apparence macabre d’une dictature,
d’un pouvoir de fait, nu c’est-à-dire susceptible d’être contesté par
voie de fait sans qu’aucun argument de droit ne soit légitimement op-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
posé98. Il en est de même de l’autorité formelle de la Constitution.

b. La suprématie formelle de la Constitution :


le pouvoir constituant
Au-delà de ce qui vient d’être dit, il y a lieu de remarquer que
l’autorité formelle de la Constitution résulte, dans le cas unique des
Constitutions rigides, du fait que la révision constitutionnelle ne
peut être opérée que par une loi adoptée, soit par un organe spécial,
soit selon une procédure spéciale.
Du point de vue politique, l’on peut observer que la spécialité de
la procédure de révision tient au fait que l’œuvre à réviser est celle
du souverain et, par parallélisme de forme et de compétence, il ne
peut agir que selon les formes préalablement établies par lui. En ef-
fet, permettre à n’importe quel organe et selon n’importe quelle
procédure de procéder à la révision constitutionnelle, c’est, à coup
sûr, affaiblir et fissurer l’édifice constitutionnel et politiquement
éparpiller les centres des décisions de l’État. Par ailleurs, le pouvoir
politique est d’essence centralisateur et a horreur d’émiettement du
centre d’impulsion. Au cas où ceci arriverait, nous ne serions pas
loin d’une anarchie.
Aussi, il importe de noter que le constituant étant la force politi-
que dominante au sein de l’État, la violation des formes établies

97
ALLAND (D.) et RIALS (S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture
juridique, Paris, Lamy, Quadrige, PUF, 2003, pp. 257-266.
98
ROUSSEAU (D.), « Une résurrection : la notion de Constitution », in RDP, 1990,
pp. 5-22 ; voir aussi une application concrète de cette idée dans KAMUKUNY
MUKINAY (A.), Contribution à l’étude de la fraude en droit constitutionnel
congolais, thèse de doctorat en droit, Université de Kinshasa, Faculté de Droit,
2007, 595 p.

64
INTRODUCTION GENERALE

pour réviser la norme fondamentale indique au minimum que la


force politique dominante a changé des mains ou que la norme elle-
même a perdu de sa légitimité au point qu’elle peut être foulée au
pied dans l’indifférence totale des gouvernés.
Puisque le contrôle par l’opinion de ce respect a démontré ses li-
mites dans l’histoire – les lois de 1933 ont été adoptées dans
l’indifférence totale du Volk allemand ! – il est fort utile de confier
cette mission à un corps infime des citoyens qualifiés chargés de sui-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
vre à la place de la Nation la conformité des actes de gouvernants à
la Norme fondamentale.

c. La garantie juridictionnelle ou l’efficacité


de la séparation des pouvoirs
Il est acquis que la séparation des pouvoirs est l’un des fonde-
ments de la démocratie constitutionnelle. Cependant, pour éviter le
piège du formalisme qui réduirait le prescrit constitutionnel à un
simple costume à la taille des gouvernants, il s’est posé la question
essentielle de la garantie de la protection de la Constitution. 99
La doctrine a déjà établi la faiblesse de la protection politique,
bien qu’elle soit l’une des formes de protection de la Constitution.

99
Ainsi peut-on apprécier la publication de nombreuses études de sciences sociales
s’intéressant à cette question de l’accès au droit ; par exemple : BIHR (A.) et
PFEFFERKORN (R.), Déchiffrer les inégalités, Paris, La Découverte, Syros,
1999 ; CHAZEL (F.) et COMMAILLE (F.), Normes juridiques et régulation
sociale, Paris, LGDJ, 1991 ; Conseil d’État, L’aide juridictionnelle : pour un
meilleur accès au droit et à la justice, Paris, La Documentation française, 1991 ;
DEFFAINS (B.), « Économie de la Justice », dans Dictionnaire de la justice,
CADIET (L.), (sous la direction de), Paris, PUF, 2004 ; DEFFAINS (B.) et
DORIAT-DUBAN (M.), « Équilibre et régulation du marché de la justice : délai
versus prix », Revue économique, n° 5, 2001, pp. 949-974 ; DUBET (F.), Les
inégalités multipliées, Paris, Édition de l’Aube, 2000 ; INSEE, Données sociales
2002-2003 : la société française, Paris, Insee, 2002 ; J. FAGET, « Regard
sociologique sur l’accès au droit », dans L’accès au droit, LEDUT (F.), (sous la
direction de), Tours, Publications de l’Université François Rabelais, 2002 ;
Ministère de la Justice, Annuaire statistique de la Justice 2005, Paris, La
Documentation française, 2005 ; ROUET (G.), Justice et justiciable au XIXe et
XXe siècle, Paris, Belin, 1999 ; TREVES (R.), Sociologie du droit, Paris, PUF, 1995.

65
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Jean Gicquel pense en effet que « symbole de l’État, la Constitution


mérite aide et protection car, à défaut, elle serait une œuvre mor-
te ».100
Fort longtemps, Georges Burdeau s’interrogeait sur la survivance
de la notion même de Constitution qu’il tenait « pour un temple
allégorique investi par des ombres ».101
La résurrection de ce que Georges Vedel qualifie de « gouverne-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
ment de la Constitution » s’inscrit dans le cadre du constitutionna-
lisme démocratique. Ainsi, la protection de la Constitution dans sa
forme politique s’articule autour de la défense des institutions et la
défense de l’équilibre politique.102
Au nom de la légitime défense de l’ordre constitutionnel, face à
un péril, écrit Jean Gicquel, à une entreprise de déstabilisation, le
chef de l’État, le gouvernement, ainsi que les citoyens, se mobili-
sent.103 La défense de l’équilibre politique mutuel des institutions
politiques relève de l’autolimitation dont le caractère aléatoire a été
déjà démontré. L’État de droit éprouve certes le besoin de certitude,
et, en cette occurrence, la certitude est assurée par la protection juri-
dique de la Constitution. Il est même arrivé que dans cette rhétori-
que de la défense de l’ordre constitutionnel il soit fait un contrôle
des omissions du législateur.
La plupart des Constitutions modernes, adoptées, en Europe,
après la Seconde Guerre mondiale et après la chute du Mur de Ber-
lin, contiennent un catalogue des droits fondamentaux dont la
concrétisation exige souvent l’intervention du législateur. Il en est
particulièrement ainsi lorsqu’il s’agit de rendre effectifs les droits

100
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 16e édition, Paris,
Montchrestien, 1999, p. 172.
101
NTUMBA-LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit., p. 166.
102
Voir, dans ce sens, FATIN-ROUGE STEFANINI (M.), « Justice
constitutionnelle, justice ordinaire, justice supranationale : à qui revient la protection
des droits fondamentaux en Europe ? », (en collaboration avec Laurence Gay) « II –
Le constat du désordre », rapport présenté lors de la XXe Table Ronde
internationale sur la justice constitutionnelle, Annuaire International de justice
constitutionnelle, 2004, pp. 233-244.
103
GICQUEL (J.), op. cit., pp. 172-174.

66
INTRODUCTION GENERALE

fondamentaux sociaux (droit aux prestations sociales, droit à


l’emploi, droit à l’instruction, etc.).
Sans l’intervention du législateur, la garantie constitutionnelle de
ces droits fondamentaux risque de revêtir un caractère purement pla-
tonique. Pourtant, alors qu’ils ont souvent mis en place un contrôle
de constitutionnalité des lois, ces mêmes textes constitutionnels
n’ont pas prévu, en principe, expressément la possibilité d’un

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contrôle de constitutionnalité des omissions du législateur.
En d’autres termes, la possibilité d’un contrôle direct des omissions
législatives, c’est-à-dire la possibilité de contester directement une abs-
tention du législateur, est rarement envisagée par ces Constitutions.
Seule la Constitution portugaise de 1976 se distingue par la procédure
qu’elle prévoit pour dénoncer directement l’inconstitutionnalité par
omission.
Néanmoins, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des
lois, les juridictions constitutionnelles, en particulier le Conseil
constitutionnel français et la Cour constitutionnelle italienne, ont
nécessairement été confrontées au problème du silence de la loi
soumise à leur examen et ont alors accepté de contrôler indirecte-
ment les omissions législatives à travers le texte de loi comportant
les silences du législateur. Seule une approche de droit comparé de
cette question pourra permettre la mise en évidence de toutes les
formes que peut prendre le contrôle des omissions du législateur et
toutes les intensités qu’il peut revêtir.
Aussi faudra-t-il concentrer l’analyse sur les expériences euro-
péennes de justice constitutionnelle qui permettront d’atteindre cet
objectif, en particulier sur les expériences portugaise, espagnole, ita-
lienne et française. Il s’agira notamment d’étudier minutieusement
toutes les techniques juridictionnelles mises au point par les juridic-
tions constitutionnelles de référence pour contrôler les omissions du
législateur et de montrer jusqu’où ces juridictions constitutionnelles
peuvent aller dans l’exercice de ce contrôle sans empiéter sur la li-
berté normative du législateur.

67
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En effet, la protection juridique de la norme fondamentale est


l’apanage de seules Constitutions rigides ou formelles, les Constitu-
tions simplement matérielles rentrant dans le cadre de la théorie de
la souveraineté parlementaire. La loi étant souveraine, elle peut bien
intervenir en toutes matières sans risque d’un contrôle quelconque.
C’est le prolongement de la théorie de la représentation nationale
dont la conséquence première est le légicentrisme qu’engendre la sa-
cralité de la loi entendue comme expression de la volonté générale

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de la Nation.
Par ailleurs, il est permis de voir que la désacralisation de la loi et,
par ricochet, de la théorie de la représentation nationale est à la base
de la catégorie nouvelle du Rechtstraat. L’Allemagne hitlérienne a fait
l’expérience amère des conséquences néfastes de la théorie de la repré-
sentation nationale.
Ceci explique pourquoi la théorie de l’État de droit a son origine
sur les rives du fleuve Rhin.104 Et dans le cadre de cette théorie, « le
Parlement ne peut plus tout faire » et même, dans le contrôle de
constitutionnalité des lois, le juge constitutionnel peut accorder aux
droits de l’homme un statut juridique préférentiel, comme en
Israël105.
La doctrine voit dans le contrôle juridique et juridictionnel de la
constitutionnalité l’aboutissement logique du constitutionnalisme et
la consécration de l’État de droit106, de même que l’on y verrait aussi
la sanction attachée à la hiérarchie des normes, le révélateur de l’État
de droit107.

104
Un proverbe français ne dit-il pas que chat échaudé craint l’eau froide ? Chez
nous, en langue lingala, ne dit-on pas que « Moto basui ye na nyoka abangaka
ligorodo ? ». Traduction : Une personne déjà mordue par un serpent a peur,
même d’un crapaud.
105
BARAK (A.), « La révolution constitutionnelle : la protection des droits
fondamentaux », in Pouvoirs, n° 72, Paris, 1994, p. 17.
106
MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, Kinshasa, EUA, 2001, p. 105.
107
NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit., p. 164.

68
INTRODUCTION GENERALE

Il importe de souligner avec Léo Hamon que l’on est passé de « la


condition des souverains assurés de l’immunité à celle de justicia-
bles ».108
Ainsi, écrit Édouard Mpongo Bokako, le contrôle des lois et des
actes ayant force de loi constitue une sanction de la suprématie de la
Constitution109.
Au-delà du caractère presque automatique de ce contrôle juridic-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
tionnel, il est apparu, depuis, le risque « de gouvernement des juges »
dont l’occurrence est restée toutefois théorique. En effet, en faisant
respecter l’autorité de la Constitution, le juge se voit confier un re-
doutable pouvoir : celui d’interpréter la Constitution ; or le juge ne
fera jamais respecter que l’interprétation qu’il donne de la Constitu-
tion et non la Constitution elle-même. D’où, écrivent Hubert Le-
noir et Alain Moyrand, en réalité, la suprématie constitutionnelle est
d’abord la suprématie du juge constitutionnel car en lui confiant ce
pouvoir d’interprétation, il peut faire dire à la Constitution ce qu’il
souhaite.110
En minimisant le risque ainsi exposé, il y a lieu de retenir que
l’on est en présence d’un organe juridictionnel de contrôle des lois
lorsque trois critères sont réunis :
a. L’indépendance des membres de l’organe de contrôle,
b. La procédure suivie doit présenter des garanties d’une procé-
dure juridictionnelle,
c. L’autorité de la chose jugée dont est revêtue la décision de
l’organe de contrôle.

Si la nécessité de cet organe juridictionnel est établie et semble lo-


gique, sa légitimité, par contre, est restée longtemps sujette à cau-
tion.

108
Cité par GICQUEL (J.), op. cit., p. 174.
109
MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), op. cit., p. 105.
110
LENOIR (H.) et MOYRAND (A.), Essentiel de droit constitutionnel et
institutions politiques, Paris, L’Hermès, 1994, p. 75.

69
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ainsi, les arguments de refus ont été souvent avancés pour


contrer le contrôle des lois :
Primo, la logique démocratique élémentaire voudrait que le peu-
ple étant souverain, ses représentants puissent avoir la latitude de
tout faire.
Secundo, la théorie rousseauiste qui fonde le mythe de la loi infail-
lible perçue en tant qu’elle exprime la volonté générale et non plus

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les caprices d’un monarque est à l’origine d’une culture politique qui
a longtemps été réticente en ce qui concerne le contrôle des lois. La
loi était censée éliminer l’arbitraire du monarque.
Tertio, une conception organique de la séparation des pouvoirs de
la théorie de Montesquieu a donné lieu au résultat logique qu’un or-
gane fut-il juridictionnel, du fait que les pouvoirs législatif et exécutif
sont indépendants, ne saurait juger ces derniers.
Quarto, le célèbre argument du gouvernement des juges né dans
les allées du congrès des États-Unis.
La doctrine est allée jusqu’à montrer que le juge constitutionnel
affectait la démocratie dans son principe pour la remplacer par la
« nomocratie »111. Il nous reviendra plus tard de voir comme le bon
fonctionnement du juge constitutionnel influence de manière pé-
renne l’ordre politique et juridique de l’État au point que l’on ne se
tromperait guère en affirmant que la Constitution est ce que le juge
constitutionnel dit qu’elle est.
Pour résumer ce débat doctrinal et politique, le contrôle des lois
est non seulement nécessaire et logique mais aussi juridiquement
fondé car, pour reprendre l’heureuse formule du Conseil constitu-
tionnel français, la loi n’exprime la volonté générale que dans le res-
pect de la constitution112.
Le juge devra donc se borner à réguler le cours législatif sans pré-
tendre se substituer aux représentants du peuple, ni se préoccuper
des considérations d’opportunité politique des lois. Il ne devra sta-
tuer qu’en constitutionnalité.

111
GICQUEL (J.), op. cit.., p. 175.
112
CC, 23 août 1985, Nouvelle-Calédonie, p. 70.

70
INTRODUCTION GENERALE

C’est ainsi que le juge constitutionnel ne se préoccupe pas tou-


jours des comportements dont la régulation relève de la responsabili-
té politique. Toutefois, les comportements inconstitutionnels peu-
vent revêtir des formes qui entraînent tantôt des sanctions politi-
ques, telle la révocation, tantôt des sanctions juridiques, tel le cas de
sanctions pénales dans l’hypothèse de la haute trahison commise par
des organes suprêmes de l’État. Il sied de noter cependant qu’un
comportement peut être à la fois politique et revêtir une coloration

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pénale. Ainsi, en est-il le cas d’une malversation financière d’un mi-
nistre qui constitue à la fois un délit pénal et une faute politique évi-
dente. La question centrale de l’État de droit passe aussi par la pro-
tection que la société doit procurer au juge pour que de telles res-
ponsabilités lui soient confiées en toute sécurité.
Le juge protecteur est-il lui-même protégé ?
Pour que le juge ait la force de défendre les autres citoyens, il doit
se sentir lui-même défendu et protégé. En effet, chargé par la société
de la mission de dire le droit, c’est-à-dire de résoudre les différends
selon les règles de la vérité légale, le juge doit obtenir de la même
société les garanties suffisantes le mettant à l’abri de toute sorte
d’atteintes à son intégrité aussi bien physique, morale que celle rela-
tive à la sécurité de son emploi.
La mission de trancher les conflits est toujours délicate et parfois
périlleuse. Toutes les parties ne sont pas toujours d’accord avec le
verdict de celui qui s’interpose dans leur conflit et qui prétend y ap-
porter une solution soi-disant équitable. La partie dont les intérêts
auront été bousculés au profit de son adversaire en voudrait certai-
nement à l’auteur de la solution qu’il prendrait pour injuste, surtout
que, dans la plupart des cas, l’exécution de la décision du juge ne se
négocie pas. Aussi faut-il que le juge soit protégé contre toute attein-
te éventuelle, pour éviter que la partie ne parvienne à se venger sur
lui. Sur ce plan, il semble que le juge congolais est suffisamment pro-
tégé au double point de vue de la législation et de la surveillance ma-
térielle :
Sur le plan de la législation, il est protégé par les dispositions du
code pénal qui a prévu tout un catalogue des peines susceptibles de
dissuader quiconque aurait l’intention de se rendre lui-même la justi-

71
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ce en blessant un magistrat. Les magistrats congolais font souvent


appel à cette protection de manière parfois abusive, ce qui coûte à
certains d’entre eux des poursuites judiciaires aboutissant à des sanc-
tions exemplaires.
En ce qui concerne la protection matérielle, celle-ci est assurée par
les forces de l’ordre qui veillent, jour et nuit, non seulement devant
leurs bureaux ou dans les salles d’audience où elles sont prêtes à ré-
pondre à l’appel du président de la juridiction concernée, mais aussi,

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en principe, devant les domiciles de ces derniers.
En plus de cette situation protectrice, il y a lieu d’ajouter d’autres
garanties dont bénéficie le magistrat congolais : le privilège de juri-
diction, celui de « l’irresponsabilité », d’après lequel la partie perdan-
te n’a pas de possibilité de se retourner contre le juge et intenter
contre lui une action fondée sur le fait que la solution que le juge a
donnée au litige lui a porté préjudice : c’est la procédure spéciale en
matière de « prise à partie », laquelle peut entraîner une amende et la
possibilité pour le juge de postuler une demande reconventionnelle
dans le cas où cette prise à partie aurait été déclenchée avec légèreté
et que le juge intéressé aurait considéré qu’elle a été vexatoire, etc.
Le problème de garanties morales du juge est très sérieux. Il est
plus discuté et c’est sur cette question que l’accord est loin d’être una-
nime. Ce problème touche principalement le principe de
l’indépendance. Le principe d’un « pouvoir » constitué par l’ensemble
des Cours et Tribunaux, découle des enseignements de Montesquieu
qui, à la recherche des institutions politiques pouvant assurer au
mieux la liberté des citoyens, d’un système politique dans lequel les
pouvoirs sont séparés et peuvent, le cas échéant, s’arrêter les uns et les
autres, a découvert cette situation dans le système britannique : c’est
le fameux principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire.
En Afrique noire, ce principe constitue l’une des rançons de la
décolonisation politique ; compris ou non, il est inscrit dans les tex-
tes constitutionnels, aux titres consacrés à l’exercice des pouvoirs.
La République démocratique du Congo n’a pas échappé à cette
règle au moment de sa décolonisation. La Loi fondamentale du
19 mai 1960, la Constitution du 1er août 1964 et celle du 24 juin 1967

72
INTRODUCTION GENERALE

ont proclamé avec force que « le pouvoir judiciaire est indépendant


des pouvoirs législatif et exécutif ».
De son côté, la Constitution actuelle du 18 février 2006 dispose,
en son article 156 que « le pouvoir judiciaire est indépendant du
pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est dévolu aux Cours et
Tribunaux qui sont : la Cour Constitutionnelle, la Cour de cassa-
tion, le Conseil d’État, la Haute Cour militaire, les Cours et Tribu-
naux, civils et militaires, ainsi que les parquets rattachés à ces juridic-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
tions ». L’article 151 de la même Constitution « enfonce le clou » en
disposant que : « Le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au
juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni
entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une déci-
sion de justice » (alinéa 1). « Le pouvoir législatif ne peut ni statuer
sur des différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice,
ni s’opposer à son exécution… » (alinéa 2). L’alinéa 3 conclut de ma-
nière impérative : « Toute loi dont l’objectif est manifestement de
fournir une solution à un procès en cours est nulle et de nul effet ».
Déjà, en son article 150, la Constitution a, de manière impérative,
prescrit que « les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonc-
tion qu’à l’autorité de la loi ».
Dans la pratique, ce principe est escamoté par des tentatives di-
verses, ne serait-ce que par des instructions précises données aux ma-
gistrats du siège ou par des prises de positions publiques tendant à
influencer la décision du juge.
Le principe de l’indépendance de la magistrature semble, dans
l’entendement de la classe politique, difficile à appliquer, surtout
dans les systèmes politiques de la plupart des pays sous-développés :
la première difficulté est que les dirigeants de ces pays ne supportent
pas la contradiction ; la deuxième est que le personnel judiciaire qui
constituerait un « pouvoir » n’a pas la même puissance que le per-
sonnel politique. En effet, étant donné que les magistrats sont nom-
més et révoqués par l’exécutif, ils n’ont pas de support politique suf-
fisant pour tenir tête au jeu des intrigues politiques qui caractérise les
relations de l’exécutif et du législatif, deux organes issus des modes
de désignation presque identiques. Comme tout agent de l’État, le
magistrat est soumis au devoir de loyalisme et prête d’ailleurs ser-

73
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ment avant de prendre ses fonctions. À partir de ce moment, il est


exclu que les magistrats ne soient pas influencés dans leur intime
conviction devant un conflit opposant le citoyen à l’administration.
À côté des influences ou, plus exactement, des pressions morales
que le juge peut avoir de la part du pouvoir politique, il y en a
d’autres, beaucoup plus sournoises et beaucoup plus redoutables :
c’est, d’un côté, la puissance de l’argent, et de l’autre, ce que l’on

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peut appeler les insuffisances professionnelles.
La première, qui se traduit par la faiblesse devant l’argent et la
concussion, peut avoir comme source l’insuffisance de moyens ma-
tériels de subsistance ; mais cela peut être combattu grâce au relève-
ment de leur salaire. À ce sujet, il convient de noter que le magistrat
fait partie de la catégorie des cadres les mieux payés actuellement en
République démocratique du Congo bien que, le plus souvent, les
réalités contredisent les principes.
Quant aux insuffisances dites professionnelles, elles se constatent
par l’attitude du juge qui s’en remet aux conclusions des parties ou
des autres magistrats : le juge fonde son jugement sur les conclusions
des plaideurs sans que lui-même ait « fouillé » dans les contours de la
loi et des règles jurisprudentielles pour y découvrir la solution adé-
quate ; ou, pour ce qui concerne le ministère public, le magistrat dé-
clare seulement qu’il se remet à la sagesse du tribunal.
L’indépendance de la magistrature doit permettre au juge d’avoir
la capacité de résister aux pressions des autres pouvoirs, publics ou
privés, et à la séduction de l’argent. Le juge doit donc être indépen-
dant non seulement vis-à-vis des autres pouvoirs mais aussi devant
ses collègues magistrats, tant du siège que du parquet.
Son indépendance doit s’étendre aussi vis-à-vis de cette endémie
sociale qui sévit dans les milieux professionnels, où certains cadres,
investis de pouvoir de décision ou de service à rendre, exigent au
préalable un certain nombre de prestations, soit en numéraire, soit
en biens. Nous voulons parler de la corruption et de la concussion,
sous toutes leurs formes. Nous n’allons pas nous attarder sur ce su-
jet, étant donné que cette matière est développée avec force détails

74
INTRODUCTION GENERALE

par M. Matadi Nenga Gamanda dans son excellente étude consacrée


à la question113.
À présent, le survol de ces notions essentielles doit nous conduire
à poser le problème de cette étude à travers l’état de la question qui
sera suivi de la monstration de l’intérêt du sujet lui-même.
Enfin, il sera question d’aborder des questions de méthodologie
scientifique présidant à l’étude ainsi circonscrite.

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II. PROBLÉMATIQUE
Le contrôle juridictionnel des actes des gouvernants est, sans au-
cun doute, l’une des marques du droit constitutionnel contempo-
rain. Aussi est-il utile d’étudier l’agencement des mécanismes de ce
contrôle en République démocratique du Congo pour rendre effi-
ciente la justice constitutionnelle qui s’installe.
Il s’agira de répondre aux pertinentes questions relatives aux fon-
dements et aux modalités d’exercice de cette justice constitutionnel-
le. Par ailleurs, l’on peut constater que la raison ultime de la justice
constitutionnelle qui est la Constitution a revêtu un fondement dif-
férent selon les époques de l’histoire occidentale. Aussi, la Constitu-
tion a-t-elle été un acte de limitation du pouvoir du monarque (sou-
verain) avant de devenir un accord sur les bases essentielles de la so-
ciété.114
D’emblée, il faut dire que le transfert de souveraineté de Dieu au
Roi et du Roi au peuple a transformé, le fondement de la justice et,
surtout de la justice constitutionnelle. En effet, exercé par le Roi au
nom de Dieu puis en son nom propre, la justice est demeurée une

113
MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en
République démocratique du Congo, une contribution à une théorie de réforme,
Kinshasa, Édition Droit et Idées nouvelles, 2001, 530 p.
114
Lire SEURIN (J.-L.), « Des fonctions politiques des Constitutions. Pour une théorie
politique des Constitutions », in SEURIN (J.-L.), (sous la direction de), Le
constitutionnalisme aujourd’hui, Paris, Economica, 1984, pp. 35-52.

75
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

prérogative régalienne bien que théoriquement faisant partie désor-


mais des attributs du souverain qui est devenu le peuple115.
Nous pensons donc qu’il y a une corrélation évidente entre la lo-
calisation de la souveraineté dans le pays et le contrôle juridictionnel
des actes de cette souveraineté. Il s’agit donc de savoir si le fonde-
ment de la justice constitutionnelle est le même qu’en occident.
Si le fondement est différent, – ceci pourrait être une hypothèse à

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tester, – cela doit déteindre sur des modalités d’exercice de la justice
constitutionnelle. Du reste, n’est-il pas déjà acquis, comme l’observe
Charles Goossens, que le droit constitutionnel africain est dualis-
te ?116
Comment dès lors assumer ce dualisme constitutionnel qui est
marqué par l’existence d’un texte constitutionnel calqué sur ceux
d’occident et une présence discrète mais agissante d’une « coutume »
en tout cas, des pratiques constitutionnelles, de plus en plus, persis-
tantes mais tendant de manière frénétique à émasculer la suprématie
de la Constitution ?117
La décision du bureau de l’Assemblée nationale du mois de fé-
vrier 2007 relative au moratoire des dossiers de double nationalité
s’inscrit dans la logique de la coutume africaine de palabre qui inter-
dit des victoires tranchées contre ses frères. Le caractère inconstitu-

115
Lire NICOLSON (H.), La monarchie. Du droit divin aux constitutions modernes,
Paris, Hachette, 1962.
116
GOOSSENS (C.), préface à DJELO EMPENGE OSAKO (V.), L’impact de la
coutume sur l’exercice du pouvoir en Afrique noire. Le cas du Zaïre, Louvain-la-
Neuve, Le Bel Élan, 1990, pp. 7-20.
117
BOSHAB (E.), op. cit., p. 119. Cet auteur fait une belle démonstration
sociologique de l’influence néfaste des coutumes et souvent du pouvoir
coutumier sur l’État moderne postcolonial. Il nous semble cependant qu’il soit
fort possible de trouver dans les valeurs ancestrales certaines qui soient
positivables et qui, de ce fait, soient dignes de figurer au rang des innovations
institutionnelles congolaises. La question est à la fois d’ordre ontologique car il
s’agit de parler de l’être du Congolais ; or, cet être collectif est, à nos yeux, en
pleine construction et selon les soubresauts de l’histoire. Ainsi donc, il est
épistémologiquement difficile de le saisir déjà comme quelque chose d’achevé. Et
l’État lui-même aurait-il déjà achevé toutes les mutations dues aux contorsions de
l’histoire ?

76
INTRODUCTION GENERALE

tionnel d’une telle mesure saute aux yeux, cependant elle ne heurte
nullement la conscience juridique des citoyens qui restent ainsi
comme éloignés du texte constitutionnel qui, de ce point de vue, ne
semble guère avoir cristallisé un accord social qui mériterait que l’on
meure pour lui.
Il s’agit aussi de répondre au défi majeur que lance Sayeman Bula-
Bula 118 à « la jeune génération des constitutionnalistes », celui, entre
autres, de tenir en compte les fondements culturels, ethniques, éco-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
nomiques et sociaux de notre pays dans la réalisation d’une « stato-
logie » africaine ou pour notre cas, d’une justice constitutionnelle
congolaise.
Cette problématique ne peut trouver réponse, à notre avis, que
dans une analyse qui s’appuierait sur une description critique du
contentieux constitutionnel congolais dans la perspective de l’État
de droit.
En effet, le mimétisme institutionnel viderait la réflexion juridi-
que de tout intérêt. Aussi est-il aisé de constater que l’État de droit
est une forme avancée de l’État-nation. Or, celle-ci est le produit de
l’histoire européenne. Il est donc fort possible que l’existence des
tribus119, sources humaines des normes coutumières, pose le sérieux
problème de la légitimité même de la Constitution 120. En outre, par-
ler de Constitution n’est-ce pas parler du peuple qui est le destinatai-

118
BULA-BULA SAYEMAN, « En ce temps-là », in Pour l’épanouissement de la
pensée juridique congolaise, Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Bruxelles,
Kinshasa, Bruylant, Presses de l’Université de Kinshasa, 2006, p. XXI.
119
NDAYWEL e NZIEM (I.), Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la
République démocratique, Paris, Kinshasa, Bruxelles, Agence de la Francophonie,
De Boeck et Larcier, Afrique Éditions, 1998, pp. 39-75 qui constituent la
première partie consacrée à l’espace, aux hommes et aux structures de la Rd
Congo. Instructif !
120
Lire BOSHAB (E.), op. cit., 338 p. Cet auteur perçoit, à notre avis, la bataille que
se livrent ces deux sources normatives mais plaide en fin de compte pour le droit
écrit. La synthèse n’est-elle pas possible ? Le droit écrit occidental n’est-il pas un
mélange subtil des coutumes de l’ancien régime d’avec les lois de l’État
postrévolutionnaire ? Et, pourquoi cela serait-il impossible en Rd Congo ?

77
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

re final de ses règles ? Il est acquis que ce peuple est multiple et di-
vers.121
La thèse est dès lors que la justice constitutionnelle congolaise doit
innover en ce qu’elle se fonde sur des normes dont l’origine dualiste
est acquise, et, de ce fait même, s’applique à des actes empreints du
sceau de ce dualisme constitutionnel de même qu’elle est talonnée par
une mondialisation qui presse et qui impose comme « un prêt-à-porter
idéologique » l’institution des Cours constitutionnelles, comme il en

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est des programmes d’ajustement structurel.
Souvent, il est reproché au constituant d’imiter les institutions
nées sous le soleil d’autres nations et ainsi nourries à une histoire qui
n’est pas la sienne. Cependant, tel reproche résisterait-il à son tour à
la critique lorsque le mythe de l’État de droit122 semble avoir déjà
conquis tous les cœurs, en tout cas, ceux des Africains qui ne soupi-
rent qu’après lui ?
Comment dès lors peut-il être possible que le constituant soit
sourd à ces aspirations internes de très forte intensité relayées au
demeurant par un discours mondial de bonne gouvernance dont la
vulgate juridique n’est rien d’autre que la notion aux dimensions in-
soupçonnées d’État de droit ? Mais doit-on faire un mimétisme de
pacotille susceptible d’agir tel « un greffon sur un corps étranger »123
comme nombre de nos institutions asséchées par une disette idéolo-
gique ravageuse ? Telle est la question qu’il s’agit de résoudre.
Il s’agira de voir à travers les différents modèles de justice consti-
tutionnelle pratiqués à travers le monde, celui qui est à même de
trouver un fondement solide tant en fait qu’en droit dans le sol
culturel congolais.

121
Voir KI-ZERBO (J.), Histoire de l’Afrique noire d’hier à demain, Paris, Hatier,
1972.
122
Lire CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 2e édition, coll. Clefs, Paris,
Montchrestien, 1994, 158 p.
123
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, Cours d’institutions politiques du Zaïre, 2e
graduat, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, polycopié, 1987-1988. Cet
auteur utilise cette métaphore à propos du mimétisme institutionnel africain
dont l’efficacité est plus que douteuse.

78
INTRODUCTION GENERALE

Déjà, Jacques Djoli Eseng’Ekeli a attiré notre attention sur le ca-


ractère plural de l’archétype sociétal africain qui est aux antipodes
du modèle occidental trinitaire issu du discours judéo-chrétien tradi-
tionnel124. L’unitarisme du « Dieu » créateur et de l’État occidental
qui est sa préfiguration temporelle ne sont-ils pas, à juste titre, dé-
noncés par les africanistes qui voient en effet dans l’État africain à
inventer ou à constituer un modèle plural de juxtaposition ?125
Par contre, il faudra éviter le particularisme ambiant de

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l’exception culturelle pour s’en tenir au « noumène » de la justice
constitutionnelle. Par essence, nous conviendrons que la justice
constitutionnelle est celle qui contrôle les gouvernants vis-à-vis des
gouvernés et sur la base de la norme fondamentale et fondatrice.
Aussi est-il déjà perceptible qu’une méthode transdisciplinaire ou
pluridisciplinaire s’impose afin de rendre intelligible la thèse que
nous défendons. Mais le cheminement méthodologique n’est-il pas
déjà un autre problème scientifique qu’il faut élucider ? Tout ceci a-t-
il de l’intérêt ?

III. INTÉRÊT ET ACTUALITÉ DU SUJET


Il est classique de dire que le sujet présente un intérêt théorique et
pratique. Il est également utile de noter que notre sujet est actuel et
d’essayer de le montrer.
En effet, étudier le contentieux constitutionnel congolais, c’est, à
coup sûr, s’inscrire dans la logique moderne du droit constitutionnel
qui voit dans cette branche du droit public un phénomène généralisé
de constitutionnalisation de tous les droits et de tout le Droit.
C’est aussi marquer l’actualité du sujet surtout après la longue
marche qui attend le peuple congolais à la suite de la traversée du
désert du monopartisme et de la dictature. Comment dès lors mar-
quer la rupture d’avec le passé sans s’appesantir sur ce qui constitue

124
DJOLI ESENG’EKELI (J.), Le constitutionnalisme africain. Entre la gestion des
héritages et l’invention du futur, Paris, Connaissances et savoirs, 2006.
125
MOBUTU SESE SEKO, Dignité pour l’Afrique. Entretiens avec Jean-Louis
Remilleux, Paris, Albin Michel, 1989, pp. 85-86.

79
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

la nouveauté ? Et la nouveauté nous semble théoriquement être


l’émergence des justices constitutionnelles après la chute des régimes
dictatoriaux. La République du Zaïre bien que pourvue d’une justice
constitutionnelle n’a pas du tout laissé fonctionner les mécanismes
de cette dernière pour des raisons qu’il est utile d’analyser ailleurs 126.
Du point de vue théorique, l’émergence du contentieux constitu-
tionnel depuis l’accord global et inclusif ayant donné lieu à un nou-
vel ordre politique fixe des objectifs au chercheur et le premier est, à

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notre avis, celui de systématiser les matières aussi nombreuses
qu’éparses que ce contentieux recouvre.
Il s’agit aussi d’une réflexion désintéressée sur la manière dont la
Haute Cour a été saisie en matière constitutionnelle et sur les répon-
ses qu’elle a réservées à toutes ces sollicitations. La question de
l’indépendance du juge constitutionnel congolais est à ce point la
trame de l’étude.
De là découle l’intérêt tout au moins pratique de la présente thèse
qui se situe dans une perspective tendant à dégager, de manière
scientifique et désintéressée, le degré de rigueur et d’impartialité des
magistrats composant la Haute Cour dans la réception de différentes
requêtes qui furent ou sont encore portées devant eux ainsi que les
limites légales de cette saisine. Il s’agira aussi de voir dans quelle me-
sure et dans les conjonctures qui sont les nôtres comment cette in-
dépendance peut être organisée et garantie.
Cette question implique à n’en point douter celles que pose le
professeur Philippe Ardant, à savoir : à qui sera confié le pouvoir de
déclencher le contrôle de la constitutionnalité de la loi ? Qui pourra
saisir l’organe compétent ? Quelle est la légitimité du juge vis-à-vis
du législateur ? Comment devra être organisée cette saisine ?127

126
KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif
suprême en droit public congolais, Kinshasa, Eucalyptus, 2007 ; voir aussi
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., Kinshasa, EUA, 1999.
127
Cette problématique qui se situe déjà dans le « comment » du contrôle implique
des sous-entendus idéologiques essentiels, notamment qu’un juge a le pouvoir et
la légitimité nécessaires pour censurer les actes des représentants de la Nation ou
du peuple. C’est, en d’autres termes, admettre que la Nation peut se tromper et

80
INTRODUCTION GENERALE

Cet éventail des questions donne à voir que chacune des solutions
qui seront réservées à ces problèmes sera de nature à offrir des avan-
tages qui ne sont pas toujours compensés par les bénéfices techni-
ques car l’accessibilité plus ou moins grande au juge constitutionnel
peut entamer l’autorité et la majesté de la loi. Cependant, l’on peut
s’interroger sur la véracité d’un tel dogme lorsque l’on se rappelle
que plusieurs pays d’Afrique noire ont ouvert la saisine du juge
constitutionnel sans entraîner ni une ruée effrénée vers la justice

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constitutionnelle ni l’émasculation de la majesté de la loi souvent
crainte, à tort.128
Il ne s’agira pas toutefois d’analyser tous les cas traités par le juge
constitutionnel, il sera utile, dans le cadre restreint de cette étude, de
n’étudier que certaines affaires qui, par les circonstances de leur
examen d’une part, et l’objet sur lequel elles portent d’autre part,
avaient non seulement suscité une forte controverse sur le plan juri-
dique et politique, mais aussi et surtout attiré l’attention des cher-
cheurs.
Somme toute, le choix des arrêts à étudier ne peut paraître
qu’arbitraire au regard du thème étudié, mais il se situe dans une
perspective plus globale, celle de voir la République démocratique
du Congo devenir à travers une justice constitutionnelle réellement
indépendante et efficace, un véritable État de droit129.
Par ailleurs, l’indépendance du juge constitutionnel ressortit aux
garanties juridictionnelles des droits et libertés des citoyens dont

être corrigée par une technostructure sans aucune légitimité démocratique mais
détenant du fait de la seule volonté constituante une légitimité constitutionnelle
qui ne peut paraître finalement que comme une légitimité technique. Il s’agit
d’une véritable révolution dans le système de pensée politique rousseauiste qui
avait, depuis le XVIIe siècle, dominé l’Occident.
128
Par exemple, les Constitution de la République du Bénin du 11 décembre 1990,
article 122 ; de la République du Burundi du 13 mars 1992, article 153 ; de la
République du Cap-Vert du 14 février 1981 révisée le 4 septembre 1992,
article 305 ; de la République du Congo, article 148 et de la République
gabonaise du 26 mars 1991, articles 83 et suivants.
129
Étymologiquement, arbitrari ne signifie-t-il pas juger ? Il est évident que, de ce
point de vue, nous assumons le fait que nous avons jugé et il ne pouvait en être
autrement.

81
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

l’étude relève du droit public. Ainsi donc, l’État de droit, entendu,


au sens de Jacques Chevallier, comme « un État qui, dans ses rap-
ports avec ses sujets, se soumet à un régime de droit ; dans un tel État,
le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l’ordre juridi-
que en vigueur, tandis que les administrés disposent des voies de re-
cours juridictionnelles contre les abus qu’il est susceptible de com-
mettre », constitue la trame de fond ou le cadre épistémologique de
cette étude.

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L’État de droit130 est donc aux antipodes de la conception patri-
moniale du pouvoir où le souverain était personnellement le pro-
priétaire du pouvoir et des moyens du pouvoir 131.
L’actualité du sujet est articulée, du reste, avec humour, par Éva-
riste Boshab qui pose la question de savoir si « longtemps sous la
coupe du Parti-État, affaibli par une longue tradition de dépendance,
rendu indigent par la rémunération de misère qu’il perçoit de ma-
nière irrégulière, suffit-il qu’une disposition constitutionnelle le dé-
clare indépendant, pour que le juge retrouve, comme par enchante-
ment, l’esprit et les réflexes de cette indépendance ? »132
Il est certes évident que la simple incantation du texte constitu-
tionnel, au-delà du caractère magique de sa formulation, ne saurait
par ce seul fait opérer mutation du comportement du magistrat
congolais habitué par une sorte d’osmose de la sacralité du pouvoir à
obéir plutôt aux individus qui le détiennent qu’aux normes même

130
Lire avec intérêt l’excellent ouvrage de Marie-Joëlle REDOR, De l’État légal à
l’État de droit. L’évolution des conceptions de la doctrine publiciste française 1879-
1914, Paris, Economica, Aix-Marseille, PUAM, 1992. Cet ouvrage issu d’une
remarquable thèse de doctorat en droit public devant la Faculté de Droit de Paris
II Assas est une belle recension de la doctrine publiciste française sur la notion
d’État de droit.
131
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 2e édition, coll. Clefs/Politique, Paris,
Montchrestien, 1994, p. 12. Voy aussi LAVROFF (D.G.), Les grandes étapes de la
pensée politique, Paris, Dalloz, 1993, 499 p., spécialement les pages consacrées à la
pensée de Friedrich HAYEK qui élabore le cadre philosophique géniteur et
explicateur de la notion d’État de droit dans une conception libérale (pp. 466-
490).
132
BOSHAB (E.), La misère de la justice et justice de la misère en République
démocratique du Congo, op. cit.., p. 1169.

82
INTRODUCTION GENERALE

constitutionnelles ; dans ces conditions particulières de fragilisation


mentale avancée, le seul texte constitutionnel, quoiqu’il note une
avancée, ne dispense nullement que l’homme devant dire le droit
soit déjà et maintenant choisi eu égard, entre autres, au critère de
l’indépendance de l’esprit. Celle-ci s’acquiert, de prime abord, par
une ascèse intellectuelle de très longue durée qui transfigure son
adepte en une sorte de moine habité par un souci constant de justice.
Comment le faire alors ?

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Il est utile prima facie d’indiquer le cheminement méthodologique
annoncé ci-haut et suivi tout au long de cette thèse.

IV. INDICATIONS MÉTHODOLOGIQUES


Les connaissances scientifiques couvrent plusieurs domaines du
savoir et sont acquises grâce à l’utilisation des méthodes 133 et techni-
ques134 d’investigation propres à chaque discipline. 135
La question que nous nous proposons d’étudier ici relève sans au-
cun doute du droit public.136 Mais en cette discipline, qu'est-ce que la
méthode ? Le droit public dispose-t-il d’une méthode susceptible de
résoudre cette question ? Laquelle ?
Nous savons déjà qu’en nous occupant des phénomènes politi-
ques, objet de la science politique et du droit constitutionnel qui les
étudient respectivement d’une manière dynamique et statique, nous
sommes amenés à utiliser des méthodes, c’est-à-dire ainsi que le di-
sent Roger Pinto et Madeleine Grawitz, « un ensemble des opéra-

133
RONGERE (P.), Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 1971, p. 18 qui dit
que la méthode est « une procédure particulière appliquée à l’un ou l’autre des
stades de la recherche ».
134
MULUMBATI NGASHA, Manuel de sociologie générale, Lubumbashi, Éditions
Africa, 1980, p. 20 qui définit la technique comme « un outil à la disposition de
la recherche et organisé par la méthode dans ce but ».
135
SHOMBA KINYAMBA (S.), Méthodologie de la recherche scientifique. Parcours et
les moyens d’y parvenir, Kinshasa, Éditions MES, 2005, p. 19.
136
ULPIEN, Digeste, Livre I, titre I, F.R.I., & 2 définit le droit public comme ad
statum rei romanae spectat par opposition au droit privé qui est ad singulorum
utilitatem pertinet, cité par Émile LAMY, Le droit privé. Introduction à l’étude du
Droit écrit et du Droit coutumier zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1975, p. 57.

83
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tions intellectuelles par lesquelles une discipline cherche à atteindre


les vérités137 qu’elle poursuit, les démontre et les vérifie ».
Indispensable, la méthode n’est pas pourtant unique. Marie-Anne
Cohendet précise qu’en droit public une méthode de travail n’existe
pas. Et quand même elle existerait, ajoute-t-elle, elle risquerait fort
de muer en un dogme sclérosant la pensée138.
Toutefois, le droit public concernant plus largement l’élaboration

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
des normes et l’organisation des institutions politiques et adminis-
tratives, il implique parfois des analyses qui font recours aux métho-
des et techniques d’investigation proches de plusieurs disciplines
scientifiques dites sciences sociales et, en particulier, de la science
politique.
En revanche, la recherche scientifique pourra être comprise
comme une investigation rigoureuse, critique et systématique menée
sur un objet donné et précis, sur base des procédés méthodologiques
susceptibles de conduire à une connaissance vraie, vérifiable et
communicable de l’objet étudié139.
L’approche juridique est à l’évidence mise à contribution. C’est le
lieu de dire, avec Madeleine Grawitz, que le concept « approche »
traduit une attitude comportant souplesse, prudence et caractérisée
par un état à la fois de grande vigilance et de grand respect pour
l’objet étudié.140
Pour mettre en exergue cette approche qui est essentielle pour un
travail juridique, les grands types d’interprétation juridique seront mis
à contribution pour l’analyse de la jurisprudence que constituent les
arrêts à commenter et la construction de l’argumentation du juge.141 Il

137
PINTO (R.) et GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences sociales, Paris, 4e édition,
Dalloz, 1971, p. 289.
138
COHENDET (M.-A.), Droit Public. Méthodes de travail, 3e édition, Paris,
Montchrestien, 1998, p. 13.
139
SHOMBA KINYAMBA (S.), op. cit., p. 24.
140
GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences sociales, 10e édition, Paris, Dalloz, 1996,
p. 319, n° 267.
141
PERELMAN (C.), Logique juridique. Nouvelle rhétorique, 2e édition, Paris,
Dalloz, 1999, pp. 51-96.

84
INTRODUCTION GENERALE

est convenu de voir que cette approche juridique est à la fois exégéti-
que et contentieuse142.
La démarche du publiciste sera exégétique mais aussi nourrie de
l’apport de l’approche jurisprudentielle143. Celle-ci donnera vie à la
traditionnelle analyse des textes qui n’échappe pas à la pertinente
remarque de Dominique Turpin relative à ce qu’il appelle l’obsession
textuelle saisie comme l’état primitif de l’évolution du droit constitu-
tionnel.144

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Par ailleurs, il ne s’agira pas de se détacher du texte mais plutôt de
lui donner le sens que lui confère l’apport des dimensions factuelles.
Le travail de l’exégèse n’est-il pas aussi celui de rechercher le fonde-
ment qui est toujours et déjà préjuridique ou métajuridique ?145 Qui
mieux que le juge pourrait saisir ces dimensions insoupçonnées du
texte de loi qu’il s’agit d’interpréter ?146
Le doyen Duguit répond en opinant que « en fait, la production
spontanée du droit n’est jamais arrêtée, (et) que le juge est absolu-
ment libre dans son appréciation et qu’il ne peut pas être entravé et
gêné par ce que l’on prétend avoir été la pensée réelle, quoique non
exprimée, du législateur »147.

142
Lire avec intérêt DREYFUS (S.), La thèse et le mémoire de doctorat en droit, Paris,
Armand Colin, 1971.
143
LAMY (E.), op. cit., p. 245, va jusqu’à ériger cette approche en méthode
jurisprudentielle.
144
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1998, p. 1.
145
DAILLIER (P.) et PELLET (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002,
pp. 98-107, ont rédigé de bonnes pages qui font un bel état de ce débat qui relève
en fait de la philosophie du droit mais à l’occasion de l’étude du fondement du
droit international. Tel n’est pas notre sujet, pour l’instant.
146
PESCATORE (P.), Introduction à la science du droit, Luxembourg, Centre
Universitaire de l’État, 1978, pp. 331 et s., professe que « la méthode exégétique est
essentiellement historique, c’est-à-dire, à l’instar du théologien qui recherche à
travers le texte, la volonté divine, le juriste recherche la volonté du législateur. En
effet, par la force des choses, la loi n’est qu’une expression sommaire et elliptique
des volontés du législateur. Cette intention, on la découvre, en première ligne, dans
l’histoire du texte (c’est-à-dire dans les travaux préparatoires) et, en seconde ligne,
dans l’histoire de l’époque qui a vu la genèse de la loi ».
147
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, tome I, 3e édition, 5 volumes, 1923-
1927, p. 177.

85
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

On s’aperçoit en effet que le chercheur de droit public devra em-


ployer une double approche principalement juridique et subsidiai-
rement socio-politique et historique en raison du « lien dialectique
existant entre le droit public et le jeu des forces sociales, politiques et
économiques au sein de l’État-nation ».148
Il est évident que la méthode pluridisciplinaire sera d’application
car « la vision traditionnelle d’une recherche juridique hautaine et
coupée de méthodes ou des réflexions de l’ensemble des sciences

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
humaines est écartée par l’ensemble des juristes ».149 Et, Yves Chérot
de conclure en posant que « le droit est à la fois l’école de la ré-
flexion et de l’imagination ».150
S’agissant de l’approche diachronique qui est l’application de
l’histoire au droit, il y a lieu de montrer qu’une étude de droit pu-
blic ne peut légitimement ignorer ses bases historiques et ses sources
d’inspiration intellectuelle que sont le droit traditionnel négro-
africain, le droit public de l’État indépendant du Congo et le droit
public du Congo belge, d’une part et d’autre part, le droit public
belge, le droit public français et le droit public comparé de certains
pays africains francophones depuis leur indépendance.151
Ayant largement influencé le droit belge, le droit français consti-
tue, prima facie, une source d’inspiration intellectuelle du droit
congolais, et ce, depuis l’État indépendant du Congo. M. Jean-Marie
Mboko Dj’Andima observe que cette influence s’est intensifiée, no-
tamment depuis la Constitution du 24 juin 1967 qui a pris pour mo-
dèle la Constitution française du 4 octobre 1958.152

148
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit.., p. 104.
149
CHEROT (Y.), Livre blanc sur la recherche juridique, Paris, LGDJ, 1996, p. 6.
150
Ibidem.
151
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit.., pp. 111-116. Pour l’intelligence de
l’utilité de l’approche historique en droit, lire les développements fort
intéressants de CARBASSE (J.-M.), Manuel d’introduction historique au droit, 2e
édition corrigée, Paris, PUF, 2004.
152
MBOKO Dj’ANDIMA, L’État de droit constitutionnel en République
démocratique du Congo. Contribution à l’étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de DES en droit public, UNIKIN, Faculté de Droit, 2005,
p. 19.

86
INTRODUCTION GENERALE

Étudier le contentieux constitutionnel ne saurait échapper à la


pertinente remarque du doyen Francis Delpérée soutenant que « la
leçon de la science comparatiste des institutions publiques est aussi
de montrer que, par delà les ressemblances institutionnelles qu’il est
légitime de relever, voire de grouper en systèmes ou en régimes, des
différences fondamentales subsistent. Elles tiennent à la diversité des
circonstances historiques qui entourent la création des États ».153

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
Autant dire que l’approche comparatiste sera d’un apport certain
à l’analyse de notre thème au double motif que la justice constitu-
tionnelle est d’abord née ailleurs et, ensuite, que la politoscopie de
cette institution à travers la Constitution congolaise du 18 février
2006 donne ouvertement à voir des similitudes avec son homologue
français.
Au demeurant, la mondialisation des relations économiques et
culturelles débouche sur une uniformisation du droit. La récente
création du droit de l’Ohada est de nature à rendre probable, dans
des échéances à déterminer, l’existence d’un droit quasi-mondial. Ce
rêve kantien restera-t-il longtemps utopique ? La paix perpétuelle et
universelle n’a-t-elle pas pour fondement dernier un gouvernement
mondial ? Tel n’est pas notre sujet, cependant il faudra garder pré-
sente à l’esprit cette réalité dont l’avènement relève des études de
prospective.154
Les techniques documentaires ont également servi à l’élaboration
de cette étude. Par ailleurs, cet exposé des outils conceptuels nous
permet de fonder le choix méthodologique que nous assumons dans
cette thèse.
Le sujet lui-même au demeurant commande cette approche qui
s’inscrit dans la trame du droit constitutionnel contemporain dont le

153
DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris,
Bruylant, LGDJ, 2000, p. 40, n° 27.
154
FUKUYAMA (F.), La fin de l’histoire ? Commentaire, n° 47, automne 1989,
p. 459, cité par Claude LECLERCQ, Libertés publiques, 5e édition, Paris, Litec,
2003, p. 1.

87
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

caractère jurisprudentiel155 est de plus en plus marqué même si, en


République démocratique du Congo, des pas balbutiants sont encore
à compter sur ce plan.156 La traversée toute récente du désert qu’était
le monolithisme politique peut expliquer le développement timide
de la jurisprudence de la Haute Cour dans le champ considéré.
Nous pensons qu’il y a quelque mérite à ajouter au crédit des ma-
gistrats de la Haute Cour qui, malgré les conditions de travail péni-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
bles, ont réussi, sur un si court parcours, à rendre quelques arrêts
dont le caractère hésitant n’échappe pas cependant à tout chercheur
averti. Le rôle à jouer par cette haute juridiction est capital. Indubi-
tablement, comme le professent Martine Viallet et Didier Maus, sans
un droit stable et simple, organisé autour d’une justice indépendante
et efficace, il ne peut exister ni croissance économique ni progrès
social.157
L’un des rôles de la doctrine n’est-il pas de suppléer aux carences
de la loi et de prêter des béquilles à la jurisprudence comme c’est le
cas en République démocratique du Congo où cette dernière est bal-
butiante ? La situation, il faut le dire, n’est pas encore viable ni mê-
me enviable.
Ce diagnostic cruel mais sincère indique l’enjeu d’une justice
constitutionnelle efficace et son rôle dans l’érection d’un État de
droit en République démocratique du Congo. Il ne s’agit pas du seul
levier de cet État de droit que nous entendons construire en Répu-

155
NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa,
Éditions Universitaires Africaines, 2005, p. 12. Voy aussi HEYMANN-
DOAT (A.), Libertés publiques et droits de l’homme, 6e édition, Paris, LGDJ, 2000,
304 pp. qui adopte l’approche jurisprudentielle pour théoriser le droit
constitutionnel des libertés publiques.
156
MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais,
Kinshasa, Éditions Universitaires Africaines, 1999, n’en dénombre que deux en
matière constitutionnelle et trois autres qu’il qualifie de « jurisprudence
constitutionnelle incidente » au point que son préfacier, le professeur NTUMBA
LUABA LUMU, dit ironiquement que deux hirondelles ne font pas le
printemps.
157
VIALLET (M.) et MAUS (D.), Avant-propos in du Bois DE GAUDUSSON (J.),
Les constitutions africaines publiées en langue française, op. cit.., p. 8.

88
INTRODUCTION GENERALE

blique démocratique du Congo, mais assurément de l’un des plus


importants d’entre tous.
Il importe cependant d’ajouter, à ce niveau, que le rôle d’un tra-
vail d’une telle ampleur ne saurait se résoudre à ressasser des dia-
gnostics, même mieux posés ailleurs, sans indiquer, ne fût-ce que de
manière sommaire, les quelques pistes de solution que
l’ordonnancement juridique congolais serait invité à emprunter.
Quelle gageure !

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En revanche, cette tâche ardue trouve cependant quelque facilité à
travers le plan sommaire que nous nous proposons de suivre.

V. PLAN SOMMAIRE
La présente étude ayant pour thème : « Du contentieux constitu-
tionnel en République démocratique du Congo. Contribution à
l’étude des fondements et des modalités d’exercice de la justice cons-
titutionnelle », est menée en deux parties.
La première partie est consacrée à l’étude des fondements théori-
ques de la justice constitutionnelle. Elle est subdivisée en quatre cha-
pitres intitulés : Les modèles de justice constitutionnelle (chapitre I),
Les traits du contentieux constitutionnel (chapitre II), Les fonde-
ments de la justice constitutionnelle (chapitre III) et Quel modèle
pour la République démocratique du Congo ? (chapitre IV).
Dans le chapitre premier, nous examinons le modèle américain
(section 1) et le modèle européen (section 2). Dans le deuxième chapi-
tre, nous examinerons les caractéristiques du modèle américain (sec-
tion 1) avant d’aborder les caractères du modèle européen (section 2).
Le troisième chapitre s’attellera à analyser l’ordre politique et la justi-
ce constitutionnelle (section 1) avant d’examiner l’ordre politique et la
justice constitutionnelle (section 2). Le quatrième chapitre et le der-
nier de cette partie, quant à lui, étudiera la possibilité d’un modèle
africain (section 1) et ensuite, la problématique des conditions de pos-
sibilité d’un modèle congolais à inventer (section 2).
La seconde partie abordera l’étude des modalités d’exercice de la
justice constitutionnelle en République démocratique du Congo.

89
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Elle est également subdivisée en quatre chapitres ainsi intitulés : Des


origines et évolution historique de la notion de juridiction constitu-
tionnelle en République démocratique du Congo (chapitre I), La
compétence du juge constitutionnel (chapitre II), La procédure de-
vant le juge constitutionnel (chapitre III) et Les effets des décisions
du juge constitutionnel (chapitre IV).
Au premier chapitre de cette seconde partie, la création de la juri-
diction constitutionnelle (section 1) et le développement de la no-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
tion de juridiction constitutionnelle (section 2) seront analysés. Le
deuxième chapitre, en revanche, s’intéressera à l’analyse des attribu-
tions en matière gracieuse (section 1) avant celle des attributions en
matière contentieuse (section 2). Le chapitre troisième abordera
l’étude des recours ouverts devant le juge constitutionnel (section 1)
avant d’analyser les conditions de recevabilité et de mise en état de la
cause (section 2). Le quatrième et dernier chapitre de cette seconde
partie consacrée à l’analyse des effets des décisions du juge constitu-
tionnel sera abordé, d’une part, par l’étude du contrôle a priori ou la
censure des actes législatifs en chantier (section 1) et, d’autre part,
par celle du contrôle a posteriori ou la censure des actes législatifs.
Par ailleurs, il est utile d’indiquer qu’au début de chaque partie,
une introduction est placée pour annoncer les questions auxquelles
les réponses sont données, et une conclusion à la fin de chaque partie
nous permettra de dégager la substance des analyses faites et d’en ti-
rer les leçons qui s’imposent.
Enfin, dans la conclusion générale, il sera question de formuler
des propositions tirées des analyses faites tout au long de ce travail
afin d’en prolonger le débat, mais également d’articuler les bases so-
lides pour l’érection d’une justice constitutionnelle qui viendrait
couronner, de manière solennelle, l’État de droit constitutionnel
dans notre pays.

90
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PARTIE I :
INTRODUCTION GENERALE

DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

91
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PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

INTRODUCTION

Depuis le doyen Louis Favoreu, il est devenu classique d’étudier la


justice constitutionnelle à partir de deux modèles. Le premier dit mo-
dèle américain est en effet celui qui s’est historiquement situé dès 1804
tandis que le modèle européen, outre les soubresauts des pays comme
la Norvège ou la Grèce au XIXe siècle, peut être légitimement rattaché

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.7:1607164152
au modèle autrichien de 1920 appelé également modèle kelsenien de la
justice constitutionnelle européenne.
Étudier les traits caractéristiques du contentieux constitutionnel
dans chacun de deux modèles nous parait utile avant d’observer
comment chacune des techniques de contrôle exerce une influence
ou même une transformation sur l’ordre politique et sur l’ordre ju-
ridique. Ceci aussi est classique mais il nous a également paru utile
de le relever afin de rendre intelligibles les développements théori-
ques sur le modèle africain et congolais à concevoir ou à inventer.
En effet, en partant de l’hypothèse de cette étude qui énonce une
différence fondamentale de la notion de constitution entre les deux
hémisphères, nous ne pouvons que proposer un modèle, à défaut des
traits saillants d’un juge constitutionnel efficace, efficient et effectif
au-delà de celui que le texte constitutionnel décrit.
Par ailleurs, pour tenter d’inventer un modèle théorique du juge
constitutionnel, il est satisfaisant de faire déjà l’état des lieux de la
justice constitutionnelle en République démocratique du Congo
avant d’élaborer des propositions du juge de notre modèle quant à sa
composition, son statut et à la procédure applicable devant lui.
Cette première partie sera abordée en quatre chapitres dont le
premier est consacré aux modèles de justice constitutionnelle (chapi-
tre I), tandis que le deuxième chapitre traitera des traits du conten-
tieux constitutionnel en chacun de deux modèles connus (chapitre II) ;
le troisième chapitre étudiera, quant à lui, les influences théoriques et
pratiques de la justice constitutionnelle sur l’ordre politique et l’ordre
juridique dans l’État (chapitre III). Il s’agira d’une étude théorique sur
les fondements de la justice constitutionnelle au regard des concepts
premiers de la théorie générale de l’État. Enfin, un dernier chapitre

93
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

viendra clore cette première partie en esquissant un modèle pour la


République démocratique du Congo (chapitre IV).
Le modèle à inventer s’appuie sur une interrogation capitale
quant à l’existence d’un modèle africain qui serait incarné par la Ré-
publique sud-africaine, le Sénégal et le Bénin.

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94
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

CHAPITREI :
LES MODÈLES DE JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE

Dès lors que les États ont ressenti le besoin de limiter les actes des
gouvernants ou qu’ils ont été forcés à le faire, il s’est naturellement
posé la question des modalités de cet exercice. Pour que la justice

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constitutionnelle dont la nécessité semble désormais être logique
fonctionne, un modèle théorique devait être conçu et appliqué.
Il convient de noter, avec Dominique Rousseau, que le contrôle
de la constitutionnalité des lois est « une invention de l’Occident » à
laquelle il donne sa pleine signification.158 Comprendre dès lors
comment une telle institution a pu naître sur le sol de l’Occident
nécessite de longues recherches dans le domaine de l’histoire du
droit, cependant l’on peut observer que le fondement premier de
cette justice se trouve dans la contestation qui, selon Jean Gicquel, gît
au cœur de la Constitution car, en effet, « les majorités au pouvoir
acceptent que soient contestées, discutées voire annulées les expres-
sions législatives de leur volonté politique. Ainsi, la contestation
n’est plus seulement de l’ordre du politique par la reconnaissance du
pluralisme, de la compétition des idées, des hommes et des partis au
moment d’élections libres et concurrentielles ; elle est intégrée jus-
qu’au fonctionnement même du régime d’énonciation des nor-
mes ».159
S’il est presque naturel que le contrôle de constitutionnalité
prenne l’essor dans le pays qui a connu le mouvement constitution-
nel, il est tout aussi admissible que ce contrôle fonctionne là où il a
été longtemps réprimé ou interdit. Il y a également lieu de voir que
la justice constitutionnelle s’inscrit dans la logique du régime libéral

158
ROUSSEAU (R.), Droit du contentieux constitutionnel, 6e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 94.
159
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 16e édition, Paris,
Montchrestien, 1999, p. 67.

95
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dans le sens qu’elle protège les opinions minoritaires qui sont


conformes à l’acte fondateur de la Nation.
Remarquons de même que ce contrôle a suivi également le modè-
le adopté dans l’ancienne métropole pour ce qui est des États issus de
la décolonisation. Il n’est donc pas étonnant que la justice constitu-
tionnelle gabonaise ou béninoise ait transcrit les dispositions du
Conseil constitutionnel français160 comme s’il s’était agi du même
pays.

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Au-delà du mimétisme institutionnel si souvent décrié, il y a éga-
lement le souci de tout État de faire peau neuve et d’ainsi avoir une
respectabilité internationale que confère le bloc des dispositions
constitutionnelles relatives à la justice constitutionnelle. S’agirait-il,
de nos jours, d’une nouvelle « fausse fenêtre » constitutionnelle,
pour emprunter l’expression chère à Djelo Empenge Osako ?161
Il s’agit de ne pas désespérer. Car il vaut mieux avoir ces méca-
nismes de contrôle juridictionnel de la loi que de ne pas du tout en
avoir. L’exemple nazi allemand nous rappelle que le contrôle juridic-
tionnel, s’il avait existé, aurait pu freiner les élans de la majorité na-
zie enthousiaste de 1933.162

160
Voir du BOIS DE GAUDUSSON (J.), CONAC (G.) et DESOUCHES (C.),
Les constitutions africaines publiées en langue française, tome 1, Paris, La
Documentation française, Bruxelles, Bruylant, 1997, spécialement pp. 62-63 et
pp. 352-354.
161
Dans le cadre des régimes autoritaires, professait Victor Jean-Claude DJELO
EMPENGE OSAKO, l’énoncé souvent spectaculaire des droits et libertés
fondamentales reconnus aux citoyens ressemblait, à ne point s’y méprendre, à
des fausses fenêtres, le système restant hermétiquement fermé. Par ailleurs, cet
énoncé des principes était destiné à la consommation extérieure et à l’entretien
de son image de marque vis-à-vis de cet extérieur. En Afrique, au demeurant, ces
fausses fenêtres répondaient aussi à la logique de la conditionnalité juridico-
politique des aides au développement dont lesdits régimes étaient largement
tributaires. Voir aussi HYDEN (G.) et BRATTON (M.), (sous la direction de),
Gouverner l’Afrique. Vers un partage des rôles ?, Manille, Nouveaux horizons,
1997.
162
Il est toujours possible de douter de l’efficacité d’un tel mécanisme sur la volonté
diabolique du Führer et du IIIe Reich. Mais pour des raisons de dogmatique
juridique, il nous semble pertinent de soulever une telle hypothèse que l’Histoire
ne pourra malheureusement plus vérifier.

96
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

La République démocratique du Congo ayant opté, depuis son


indépendance, pour cette justice constitutionnelle bien qu’elle ne fût
pas toujours effective, il est donc utile de connaître les modèles théo-
riques auxquels le constituant se serait intéressé.
À cet égard, la doctrine opine unanimement qu’il y a deux modè-
les de justice constitutionnelle dans le monde : le modèle américain
qu’il nous appartient d’analyser en un premier moment, avant de
finir ce chapitre par l’étude du modèle européen ou kelsenien qui

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semble avoir recueilli les suffrages majoritaires de plusieurs États
dans le monde.163

Section 1 : LE MODÈLE AMÉRICAIN


Analyser le modèle américain, c’est étudier le modèle né sur le sol
des États-Unis d’Amérique et ses avatars disséminés dans le monde.
Toutefois, il est donc utile de noter qu’il n’est pas question d’étudier
l’ensemble des États qui ont adopté ledit modèle. Il sera question
simplement de voir comment dans un certain nombre des pays pha-
res ce modèle a été implanté et comment il y fonctionne. L’analyse
est amorcée par l’étude du cas des États-Unis d’Amérique avant de
nous pencher sur les avatars dudit modèle tant en Amérique latine
qu’en Asie.

§ 1. Les États-Unis d’Amérique


De l’avis de nombreux auteurs, les États-Unis d’Amérique
constituent le modèle premier de la justice constitutionnelle. Louis
Favoreu indique cependant que des traces persistantes marquent les
origines lointaines dans l’arrêt Bonham rendu en 1610 par le juge
anglais Eduard Coke qui applique la notion de loi supérieure à une

163
Voir pour l’étude détaillée de la question, FROMONT (M.), La justice
constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz, 1996, 140 p. Voy aussi
FROMONT (M.), Grands systèmes de droit étrangers, 3e édition, Paris, Dalloz,
1998 ; DAVID (R.) et JAUFFRET-SPINOSI (C.) Les grands systèmes de droit
contemporains, 9e édition, Paris, Dalloz, 1988 ; FAVOREU (L.), Les cours
constitutionnelles, 3e édition, coll. Que sais-je ?, Paris, PUF, 1996 ; TURPIN (D.),
Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997.

97
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

loi du parlement qu’il juge déraisonnable et contraire au droit de


Common Law en ce qu’elle a fondé la sanction contre sieur Bonham
poursuivi par le collège des médecins de Londres pour exercice de la
médecine sans autorisation.164 L’exemple du juge Coke n’ayant pas
fait tache d’huile, il ne peut être tenu pour précurseur du contrôle de
constitutionnalité aux États-Unis d’Amérique.
S’agissant des États-Unis d’Amérique, il faut noter que, de prime
abord, la constitution de ce pays su 17 septembre 1787 ne consacre

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pas expressément un mécanisme de contrôle juridictionnel. C’est
l’œuvre de la jurisprudence éclairée par la doctrine de James Ottis et
John Adams qui, déjà, en 1761, firent entrer le principe politique du
contrôle juridictionnel des lois dans les revendications d’indépendance
des colonies de Nouvelle Angleterre et proclamant à leur tour qu’une
loi contraire à la constitution est nulle et non avenue.165
L’on doit toutefois à l’histoire de dire que le constitutionnalisme
s’enracine dans la notion grecque de nomoï, corps de règles ancien-
nes qui ne pouvaient être modifiées par de simples décrets de
l’Ecclésia. Éventuellement était déclenchée la procédure de graphé
paranomon, sorte d’action publique pouvant être exercée, pendant
un an, par tout citoyen devant le tribunal populaire de l’Héliée. Ce-
pendant, les nomoï pouvaient être modifiées par un corps spéciale-
ment élu à cet effet, les Nomothètes.166 Là gisaient déjà, à coup sûr,
l’idée d’un juge constitutionnel et celle d’une assemblée constituan-
te, note Ntumba Luaba Lumu.167
Il faudra donc devoir à l’Amérique d’avoir su tirer profit des élé-
ments doctrinaux et jurisprudentiels si anciens pour installer la pre-
mière justice constitutionnelle moderne.
En outre, le contrôle ainsi circonscrit est né de la volonté de la
Cour suprême elle-même dans son célébrissime arrêt Marbury v. Ma-

164
FAVOREU (L.), Droit constitutionnel, op. cit.., p. 203, n° 258.
165
Idem, p. 204, n° 258.
166
GAUDEMET (J.), Les institutions de l’antiquité, Paris, Sirey, 1967, p. 165 ;
ELLUL (J.), Histoire des institutions, Paris, PUF, 1972, p. 112.
167
NTUMBA-LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa,
EUA, 2005, p. 115.

98
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

dison de 1803 ou plutôt de la volonté du Chief Justice John Mars-


hall, président de la Cour, qui revendiqua, pour le pouvoir judiciai-
re, le rôle de gardien de la constitution. Déjà, l’article III, section 1
de la Constitution des États-Unis d’Amérique dispose que « le pou-
voir judiciaire des États-Unis est dévolu à une cour suprême et à tel-
les cours inférieures dont le Congrès peut, au fur et à mesure des be-
soins, ordonner l’établissement ».168
Dominique Turpin nous apprend qu’à la Convention de Phila-

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delphie déjà, la plupart des Pères fondateurs souhaitèrent transposer
au niveau de l’Union cette « subordination de la Législature à
l’autorité de la Constitution. C’est pour ne pas effaroucher les repré-
sentants de certains nouveaux États souverains et faire passer la
Constitution fédérale que les Pères fondateurs s’en tinrent à
l’affirmation de l’existence d’un pouvoir judiciaire mais non celle
d’un contrôle de constitutionnalité ».169
Cette manœuvre habile du constituant américain est toutefois mi-
se à nu dans l’article VI section 2 de la même Constitution qui dis-
pose que « cette constitution et les lois des États-Unis qui seront pri-
ses, en conformité avec elle, ainsi que les traités, seront la loi suprême
du pays, et les juges de chaque État seront liés par eux nonobstant
toute disposition contraire des constitutions ou lois étatiques ».170
Il importe dès lors de dire, tout en nuance, que le principe du
contrôle de constitutionnalité est inscrit dans la Constitution de 1787
même si l’organe chargé de sanctionner cette non-conformité n’était
pas indiqué. Le rôle capital de l’arrêt Marbury v. Madison de 1803 est
d’avoir transformé l’essai en une victoire éclatante du plus vieux des
rêves des fédéralistes convaincus que furent le Chief Justice John
Marshall et le président John Adams qui l’avait nommé au lendemain
de la victoire de Thomas Jefferson.
Pour renchérir, Louis Favoreu indique que le juge Marshall s’est
du reste inspiré de l’opinion d’Alexander Hamilton, un des artisans
du texte constitutionnel à la Convention de Philadelphie ainsi ex-

168
Constitution des États-Unis d’Amérique, article III, section 1.
169
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, op. cit.., p. 132.
170
C’est nous qui soulignons l’incise « en conformité avec elle ».

99
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

primée : « Le parlement peut mal faire comme l’illustre notamment


la législation coloniale britannique et une majorité peut être oppres-
sive. Ainsi, la constitution des États-Unis consacre des limitations
précises du pouvoir législatif. Dès lors, aucune législation contraire à
la Constitution ne saurait être valable, sans quoi les limitations pré-
vues n’auraient pas de sens. Or, la Constitution, la loi suprême du
pays, doit faire comme toute loi, l’objet d’interprétation, ce qui est
la fonction propre d’un tribunal. »171 De telles prémisses, il découle,

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de l’avis de Hamilton, le pouvoir que possèdent les juges de déter-
miner le sens de la Charte fondamentale et d’assurer la suprématie
de la norme supérieure.172
L’arrêt de 1803 reproduit ce raisonnement mot pour mot en
adoptant le syllogisme suivant :
– La constitution est supérieure à toute autre norme
– La loi sur l’organisation judiciaire de 1789 est contraire à la
constitution
– La loi doit être dès lors invalidée pour inconstitutionnalité.

Le juge Marshall concluait ainsi son opinion en affirmant que le


« langage de la Constitution des États-Unis confirme et renforce le
principe considéré comme essentiel pour toute constitution écrite,
qu’une loi contraire à la Constitution est nulle et que les tribunaux
ainsi que les autres pouvoirs sont liés par un tel instrument ».173
Sans l’institution d’une juridiction spécialement constituée à cet
effet, ainsi est né le premier système de justice constitutionnelle
dont, pour l’essentiel, l’on peut dire qu’il est diffus, concret,
s’exerçant a posteriori, par voie d’exception et dont l’arrêt ne béné-
ficie que de l’autorité relative de la chose jugée.
En effet, le système est diffus parce que le contrôle peut être exer-
cé par n’importe quel juge fédéral ou étatique car les juridictions
américaines disposent d’une plénitude de juridiction qui veut dire

171
Lire FAVOREU (L.), op. cit.., p. 205, n° 261.
172
HAMILTON (A.), MADISON (J.) et JAY (J.), Le Fédéraliste, Paris, Nouveaux
horizons, 1954, 223 p.
173
FAVOREU (L.), op. cit.. p. 206.

100
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

que le juge saisi du fond est compétent pour se prononcer sur


l’ensemble d’incidents de procédure, qu’ils soient civils, administra-
tifs ou constitutionnels.
Ensuite, il s’agit d’un contrôle dit « concret » parce qu’il ne peut
s’exercer qu’à l’occasion des « cas concrets » et des « litiges particu-
liers ». À ce propos, la doctrine américaine dominante considère qu’à
défaut d’exercice d’un tel contrôle concret, le juge apparaît comme
pouvant supplanter le législateur, ce qui serait contraire au principe de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
séparation des pouvoirs qui constitue le socle du système américain.
Par ailleurs, s’agissant de régler un cas concret, le contrôle ne peut
s’exercer, par principe, qu’a posteriori car le demandeur à l’instance
doit être directement touché par la violation de la Constitution et
avoir un litige qui porte sur un dommage certain.
Le contrôle s’exerce par voie d’exception soulevée par tout justi-
ciable, pour sa défense, à l’occasion d’un procès quel qu’il soit et au
cours duquel une loi estimée non conforme à la Constitution tend à
être appliquée. Il s’agira, pour le juge, de priver la loi d’effet en
l’espèce qui lui est soumise.
Enfin, il importe de dire qu’un jugement d’inconstitutionnalité
ne vaudra, dans le modèle américain, en principe, que pour l’affaire
et les parties en cause. Mais le jeu de la règle du précédent vient à
nuancer l’effet relatif de la décision d’inconstitutionnalité et le risque
de variation ou de contrariété d’un État à un autre, ou d’un juge à
un autre. En effet, la Cour suprême peut être saisie par voie d’un
recours en certiorari en vue d’obtenir la certification des décisions
rendues par les juridictions inférieures.
Ce droit jurisprudentiel s’impose en vertu de la règle du précé-
dent autrement appelée stare decisis. Ainsi, si l’arrêt de la Cour su-
prême ne peut annuler formellement une loi, il peut en paralyser
l’application sur l’ensemble des États américains dans la mesure où
les juridictions inférieures devront s’y conformer.
Le texte de loi est comme paralysé, dans un coma profond et ne
pouvant produire aucun effet en vertu de la règle du précédent. Dans
la pratique, l’on observe que la Cour suprême se prononce, principa-

101
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

lement en matière constitutionnelle, sur la conformité ou non de la


législation des États fédérés à la constitution fédérale.174
Il existe, par ailleurs, trois principaux procédés destinés à déclen-
cher le contrôle de constitutionnalité par la Cour suprême, laquelle
fonde ses décisions essentiellement sur quatre clauses dont la viola-
tion justifie autant de « cas d’ouverture » dudit contrôle. Les voici :

a) La violation de la clause due process of law

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Issue du Law of the Land britannique et incorporée dans le 5e
amendement pour ce qui est de l’État fédéral et dans le 14e amende-
ment pour ce qui concerne les États fédérés, cette règle ou cette clau-
se de due process of Law interdit de priver quiconque « de sa vie, de sa
liberté ou de sa propriété sans une procédure légale régulière ou
convenable ».175
À l’origine, cette règle ne devant s’appliquer qu’aux règles de pro-
cédure, la Cour suprême l’a étendue à toutes les règles de fond rela-
tives aux libertés toutes les fois qu’une personne fait l’objet d’une
décision défavorable à ses intérêts.

b) La violation de la rule of reasonableness


Cette règle appelée également balance of convenience impose au
législateur ou à l’exécutif de maintenir un rapport équitable, raison-
nable, entre les sacrifices imposés aux particuliers dans l’intérêt géné-
ral et les avantages qu’ils peuvent escompter de la vie en société.
Là aussi le juge américain dispose d’un large pouvoir d’appréciation
qui lui permet, en cas d’urgence, (emergency) d’en atténuer la portée au
point que lui-même doit faire preuve de reasonableness dans
l’application qu’il pourrait en faire.

174
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p. 642. ; Voy aussi
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, 6e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 15.
175
TURPIN (D.), op. cit., p. 135.

102
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

c) La violation de la clause des contrats


Contrairement aux deux premières clauses, celle-ci est inscrite à
l’article Ier section 10 de la Constitution des États-Unis qui interdit
aux États « d’affaiblir par une loi la force des contrats ».
Ici aussi, le juge américain a la latitude d’apprécier souverainement
cet affaiblissement des contrats par la loi dans un sens ou dans un au-
tre. Heureusement, depuis l’arrêt de 1827 dit Ogden v. Saunders, la
Cour suprême a arrêté que « tous les contrats des hommes reçoivent

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une mise en œuvre relative et non pas absolue. Les droits de tous ne
peuvent exister et ne doivent être exercés qu’au service du bien com-
mun ».176

d) La violation de la clause d’égalité


Cette clause, née au lendemain de la guerre de sécession contre les
États du sud esclavagistes pour les empêcher de rétablir l’esclavage,
par quelque moyen, et tirée de l’interprétation du 14e amendement
selon lequel « aucun État ne pourra refuser à quiconque relève de sa
juridiction une égale protection des lois », a toujours été utilisée par
la Cour suprême, depuis la deuxième guerre mondiale, pour lutter
contre toutes les discriminations. Elle tend à être avalée par la clause
de due process of Law pour protéger les libertés et s’opposer à toutes
les formes de discrimination.
La fluidité de cas d’ouverture et la latitude qu’ils offrent au juge
américain, donnent à voir deux attitudes chez ce dernier : tantôt, il
privilégie le conservatisme, tantôt, il est porté vers l’activisme. Selon
la couleur politique des juges eux-mêmes, le judicial review peut être
actif ou restreint ou selon que les juges sont partisans de la théorie de
original intents (la volonté des Pères fondateurs) ou de celle de la
transformation sociale (la Constitution doit être interprétée en fonc-
tion des critères contemporains et, en tout cas, avec souplesse et
adaptabilité).
Le système américain de contrôle de constitutionnalité qui est le
premier modèle depuis deux siècles a connu des transpositions et des

176
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, op. cit.., p. 136.

103
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

altérations à travers le monde, car, ainsi que nous venons de le mon-


trer, le judicial review est intimement lié au contexte américain et
difficile à mettre en place rapidement et de manière effective dans un
cadre institutionnel différent.177
En effet, les raisons tiennent essentiellement à une conception ri-
gide de la notion de séparation des pouvoirs et à la structure de
l’appareil juridictionnel. L’on peut discuter légitimement toutes ces
raisons, une seule nous semble irréfutable car elle est irréductible au

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tempérament des Américains eux-mêmes qui sont friands de leur
liberté au point d’être un peu anarchistes chaque fois que celle-ci est
simplement menacée.
Le choix que nous portons sur ce qu’il est convenu d’appeler les
avatars du modèle américain est plus ou moins aléatoire mais il se
ramène, en fin de compte, à la démonstration du paradigme selon
lequel les institutions politiques ne sont guère transplantables sans
acclimatation. Aussi, avons-nous jugé utile de voir, sur plusieurs
continents de la planète, comment s’est opérée cette transplantation.
Parce que la Constitution ne se limite pas à définir un ordre juri-
dique objectif à la défense duquel seraient simplement intéressés les

177
Plusieurs articles ou communications ont été réalisés également, principalement
sur la question : SCOFFONI (G.), « Convention pour l’avenir de l’Europe et
Convention de Philadelphie : la question du mode de production d’une
constitution », Revue des Affaires européennes, 2003, pp. 683-691 ; « Autonomie
locale et constitution aux États-Unis », rapport présenté à la XXIIe Table ronde
internationale sur la justice constitutionnelle, Annuaire international sur la justice
constitutionnelle, Paris, Aix-en-Provence, Economica-PUAM, 2007 ; « Les valeurs
du fédéralisme », Fédéralisme et territoires d’Outre-mer, Paris, Economica, 2006 ;
« La démocratie participative aux États-Unis », in La démocratie participative,
Colloque organisé par le Centre de droit constitutionnel et européen de Lyon
III, octobre 2005, Paris, L’Harmattan, 2006 ; « The Protection of Human Rights in
France- A Comparative Perspective », in Human Rights in Asia, Colloque de Hong
Kong, Routledge, 2005, pp. 65-83 ; « Les autorités administratives indépendantes
aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni », in Les autorités administratives
indépendantes, Paris, Éditions du Sénat, 2006 ; « Pluriculturalisme et démocratie
constitutionnelle aux États-Unis », in L’État pluriculturel et les droits aux différences,
Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 313-329 ; « Les juges et la Constitution des États-Unis
à l’épreuve du terrorisme international », Études en l’honneur de Loïc Philip, Paris,
Economica, 2005, pp. 219-236.

104
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

autorités politiques et les juges, mais qu’elle définit, également, un


ordre juridique subjectif qui concerne, au premier chef, les indivi-
dus, il a semblé nécessaire, afin de parfaire l’État de droit, d’ouvrir à
ces derniers l’accès à la justice constitutionnelle.
Si, aux États-Unis, comme en Allemagne et en Espagne, la possibi-
lité, pour les citoyens, de saisir directement le juge constitutionnel a
rencontré un vif succès, elle a aussi, très vite, démontré ses limites.
Victime de son prestige et, partant, de son succès, la Cour suprê-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
me américaine comme la Cour constitutionnelle fédérale allemande
et le Tribunal constitutionnel espagnol est dépassée, aujourd’hui, par
le nombre de requêtes en certiorari, des recours constitutionnels et
des recours d’amparo et se trouve proche de l’asphyxie structurel-
le.178
Pressentant le flot de recours directs qui risquait de venir sub-
merger la juridiction constitutionnelle, le législateur a choisi
d’instaurer, des mesures de sélection destinées à corriger les graves
dysfonctionnements provoqués par cet afflux croissant de recours.
Née, à l’origine, du besoin d’alléger la charge de travail de juridic-
tions encombrées, la procédure d’admission des recours directs se
présente, de nos jours, comme un important instrument de régula-
tion permettant aux juridictions constitutionnelles de séparer le bon
grain de l’ivraie.
Mais, au-delà de ces considérations d’ordre pratique, la crise fonc-
tionnelle traversée par les juridictions constitutionnelles apparaît
comme le détonateur d’une discussion qui transcende le simple pro-
blème de la sélection pour toucher à la signification et à l’utilité
mêmes du recours individuel et à sa place au sein du système de jus-
tice constitutionnelle.
À vrai dire, l’engorgement dont souffrent les juridictions consti-
tutionnelles conduit parfois à s’interroger sur ce qui est l’essence
même d’une juridiction constitutionnelle.

178
Lire Séverine NICOT, La sélection des recours par les juridictions constitutionnelles
(étude de droit comparé Allemagne, Espagne, États-Unis), Paris, LGDJ, 2006.

105
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Malgré cet inconvénient, le modèle a fait des émules, notamment


le Brésil.

§ 2. Le Brésil
Le phénomène de réception fort connu des comparatistes est re-
marquable dans le cas d’expansion continue de la justice constitu-
tionnelle dans le pays d’Amérique latine. En effet, il est générale-
ment retenu que l’ouvrage célèbre d’Alexis de Tocqueville intitulé :

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« De la démocratie en Amérique » a exercé une influence indéniable
sur les pays latino-américains, en ce qui est de l’institution de la jus-
tice constitutionnelle.
Cependant, au-delà de cette influence plutôt doctrinale, il y a lieu
de retenir que le Brésil, tout comme le Mexique, l’Argentine et la
République dominicaine sont des États ayant adopté le système
nord-américain de justice constitutionnelle.179
Le Brésil a, en particulier, adopté le principe américain du contrô-
le par n’importe quel juge de la constitutionnalité de tous les actes
publics, y compris des lois.
Il faut d’emblée affirmer cependant que le droit brésilien fait par-
tie intégrante du droit romano-germanique ; ceci fait sans doute que
toutes les règles procédurales du droit des États-Unis ne furent nul-
lement reprises par le système brésilien qui, par contre, a emprunté
du droit mexicain le recours en amparo qui est une inspiration lati-
no-américaine de la procédure d’Habeas corpus issue du Common
law.
En effet, ce recours permet à tout plaideur d’obtenir d’une juri-
diction fédérale la protection d’un droit constitutionnellement ga-
ranti contre un acte juridictionnel ou administratif. Il est entendu
que la loi ainsi jugée d’inconstitutionnelle doit être écartée au litige
dont est saisi le juge.
Le Brésil, comme tous les États d’Amérique latine, a adopté des
traits saillants du modèle américain surtout en ce qui concerne le

179
Voir FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz,
1996, pp. 12, 28 et s.

106
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

contentieux de la constitutionnalité des lois ; toutefois, il faut voir


que ce pays a d’abord institué le contrôle incident de la constitu-
tionnalité des lois bien avant d’instituer une Cour constitutionnelle
qui est compétente entre autres pour recevoir des actions en incons-
titutionnalité des lois. Comme toute action en justice, ces actions
requièrent du particulier qui les met en mouvement d’être titulaire
d’un intérêt personnel et direct.
L’on doit, à la vérité, de dire que ces procédures ne sont pas loin

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de ressembler aux procédés américains d’injonctions que le juge de
ce pays peut adresser à une autorité publique américaine de faire ou
de ne pas faire quelque chose. Elles ont ceci de commun avec le droit
américain : elles sont l’œuvre d’un particulier qui défend en justice
des droits personnels, de même que l’on peut observer le caractère
inter partes de la décision juridictionnelle.
Une influence du modèle européen s’est exercée sur les pays
d’Amérique latine conduisant ces derniers, dont le Brésil, à confier le
contrôle de constitutionnalité à un juge unique : Cour constitution-
nelle ou Cour suprême. L’on note que la concentration dudit
contentieux entre les mains de la Cour suprême est partielle puisque,
dit Michel Fromont, le contrôle incident de la constitutionnalité res-
te aux mains des tribunaux ordinaires de tout rang.180
Depuis une quarantaine d’années, le Brésil, tout comme les autres
pays d’Amérique latine, s’est rapproché de l’Europe sur le plan de la
justice constitutionnelle en instituant notamment des procédures
spécifiques de contentieux constitutionnel qui possèdent les caractè-
res objectifs et abstraits du modèle européen.
Ces procédés peuvent être mus par les autorités politiques ou judi-
ciaires ou parfois même par les particuliers, citoyens intéressés. Ils vi-
sent à obtenir l’annulation de l’acte public avec effet erga omnes in-
compatible avec le système américain qui n’accepte cette caractéristi-
que qu’en raison de la règle du précédent. L’originalité du système
brésilien, c’est aussi que tout juge brésilien est tenu de soulever
d’office l’exception d’inconstitutionnalité de la loi qu’il doit appliquer
au litige dont il est saisi.

180
FROMONT (M.), op. cit., p. 29.

107
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il faut ajouter, à ce niveau, que le système brésilien est plutôt mar-


qué par le recours d’amparo. Né au Mexique, ce recours a connu son
bonheur au Brésil par l’adoption de la loi de 1934. Ce texte a multi-
plié des recours qui, tous, jouent le même rôle ; il s’agit du recours
d’habeas corpus en matière de liberté de circulation, du recours de se-
gurança, de recours d’habeas data ainsi que la demande d’injonction
auprès du juge instituée par la Constitution brésilienne de 1988.
Malgré la parenté génétique du recours d’amparo avec l’habeas

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corpus du droit américain, il sied de constater que ce recours est plu-
tôt proche de l’injonction nord-américaine qui se fonde sur la viola-
tion d’un droit garanti soit par la constitution soit par une loi alors
que l’amparo ne porte que sur les droits constitutionnellement ga-
rantis.
Le recours d’amparo nous paraît plus spécialisé comme voie de
droit. Il s’éloigne cependant du moule européen car le recours
d’amparo contrairement au recours individuel pour violation des
droits constitutionnellement garantis pratiqué en Europe, en Alle-
magne par exemple, reste ouvert contre tout acte public, qu’il soit
législatif, administratif ou même juridictionnel.
Au demeurant, le recours d’amparo garde son caractère parallèle
aux autres contentieux alors qu’en Europe, en Suisse ou en Allema-
gne par exemple, le recours individuel pour violation d’un droit
constitutionnellement garanti n’est ouvert qu’à titre subsidiaire. Ce
recours brésilien n’aboutit du reste qu’à une annulation inter partes.
De même, l’on peut noter que les recours de segurança et d’habeas
corpus peuvent être portés devant tout juge ordinaire fédéral et être
dirigés contre tout acte public quel qu’il soit : jugement ou acte ad-
ministratif.
Au-delà du contentieux de la constitutionnalité qui n’est du reste
qu’un aspect du contentieux constitutionnel, il reste à voir que le
constituant brésilien a confié le règlement des litiges pouvant naître
du partage des compétences entre l’État et ses collectivités compo-
santes au Tribunal fédéral suprême.
Ainsi l’article 102-1 f de la Constitution brésilienne fait obligation
à l’État avant d’intervenir dans un État membre pour imposer le
respect des principes fondamentaux de la constitution fédérale, de

108
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

provoquer une décision d’inconstitutionnalité de l’acte de cet État


membre par le Tribunal fédéral suprême.
Observons toutefois que l’action conduisant au contrôle abstrait
postérieur des règles de droit est réservée aux plus hautes autorités
politiques de l’État. Ainsi, une action directe tendant à faire consta-
ter l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un autre acte normatif fédé-
ral ou étatique peut être formée directement auprès du Tribunal fé-
déral suprême par le président de la République, le bureau de l’une

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des chambres fédérales, le Gouverneur de l’un des États membres, le
Procureur général de la République, le Conseil fédéral de l’ordre des
avocats, tout parti politique ou syndicat ayant une représentation
dans les organes nationaux.
En termes conclusifs, il est intéressant de voir que malgré la pa-
renté génétique du Tribunal fédéral suprême brésilien avec la Cour
suprême des États-Unis, le Brésil a su marquer ses distances culturel-
les qui s’interprètent comme autant des socles sur lesquels sont ve-
nues s’incruster la logique judéo-chrétienne catholique et
l’appartenance plus ou moins proche avec le Portugal.
Le système de contrôle ainsi mis en place est mixte et métissé
comme le pays lui-même. Ainsi, la leçon que l’on pourrait en tirer
est que chaque pays doit savoir tirer des expériences constitutionnel-
les des autres ce qui lui est utile et le mixer avec son patrimoine
culturel propre. En est-il de même du Japon ?

§ 3. Le Japon
Le Japon s’est vu imposer une démocratisation de sa vie politique
par le gouvernement américain après sa défaite de 1945. C’est ainsi
que la constitution qui régit ce pays fut adoptée en 1946. Et, comme
pour paraphraser le très regretté doyen Louis Favoreu, on ne
conçoit plus aujourd’hui de système constitutionnel qui ne fasse pla-
ce à la justice constitutionnelle.181
Comme exigence naturelle du mimétisme institutionnel, le Japon
adopta le contrôle des lois du type de judicial review. Depuis plus de

181
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 3.

109
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

soixante ans de pratique de justice constitutionnelle, le Japon présen-


te, aux dires du professeur Hajime Yamamoto, une passivité de la
production judiciaire. Aussi, au début des années 1990, des person-
nalités, des partis politiques ainsi que la presse se mirent-ils à propo-
ser le modèle européen.182 Il s’agit encore d’un vœu dont la réalisa-
tion dépend en grande partie de l’inertie culturelle nipponne.
De lege lata, il existe une hiérarchie judiciaire à trois étages que
sont : la Cour suprême, les cours d’appel et les tribunaux au niveau

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du département. La Cour suprême dont l’étude nous importe ici est
composée de 14 juges et d’un président. La nomination desdits juges
est soumise à la confirmation par les citoyens lors des élections géné-
rales des députés, puis tous les dix ans. Le président de la Cour est
nommé par l’Empereur sur désignation du Gouvernement. À ce ti-
tre, il assume la direction de l’organisation judiciaire nipponne. No-
tons même que le protocole d’État le place au même rang que le
Premier ministre.
À la lecture de l’article 77 alinéa 2 de la Constitution, il s’évince
que les juges sont indépendants tant le texte fondamental proclame
que « tous les juges se prononcent en leur âme et conscience et sont
tenus d’observer exclusivement la Constitution et les lois ». Par ail-
leurs, les mêmes juges ne peuvent être révoqués que par la voie de la
mise en accusation publique, à moins qu’ils ne soient judiciairement
déclarés mentalement ou physiquement incapables de s’acquitter de
leurs fonctions officielles. Aucune action disciplinaire ne peut être
entreprise contre les juges par un organe ou un service dépendant de
l’exécutif.183
Cette indépendance qui est affirmée tambour battant est consoli-
dée par l’unicité de juridictions qui caractérise le modèle nippon
dans la mesure où l’article 76 de la Constitution proclame de façon
péremptoire qu’aucun contentieux ne peut échapper à la Cour su-
prême.

182
YAMAMOTO (Y.), « Sur les projets récents de la création d’une cour constitutionnelle
au Japon », http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers.ccc9/ccsa.htm
consulté le 27 février 2008, 8 p.
183
Constitution japonaise, article 78.

110
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Dans ce modèle décentralisé, l’on remarque que la Cour suprême


est définie comme une Cour de dernier ressort compétente de déci-
der de la constitutionnalité de tous les actes. Aux termes de sa juris-
prudence, la Cour suprême a précisé qu’elle ne pouvait être saisie
que sur exception dans un litige concret.184 Elle s’est refusée à tout
contrôle abstrait.
De ce point de vue, il est tentant de ranger le contrôle de consti-
tutionnalité des lois au Japon dans le modèle américain. Cependant,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
au regard de sa production jurisprudentielle, il faut voir que le juge
nippon est d’une passivité que la doctrine a tenté d’expliquer par
l’esprit d’harmonie qui caractérise la mentalité japonaise qui induit à
la fois une modestie devant les pouvoirs législatifs et exécutif et une
tendance à privilégier la stabilité juridique. Par ailleurs étant une
cour régulatrice des contentieux ordinaires, la Cour suprême a ten-
dance également à ne pas se considérer comme une garantie de la
Constitution.
Au demeurant, le juge japonais aime la rigidité de la logique et de
l’interprétation juridiques de sorte qu’il est peu enclin à la proclama-
tion de droits nouveaux. Enfin, le professeur Yamamoto croit expli-
quer cette passivité par le fait que le modèle du juge nippon dérive-
rait du droit du vieux continent où un juge sans personnalité et sans
originalité y est considéré comme un idéal. Naturellement, ceci ne
pousse guère à une interprétation constitutionnelle constructive fa-
vorable aux droits fondamentaux.185
L’autre type d’explications est que l’absence d’alternance se ré-
percute sur la composition de la Cour. En effet, le pouvoir étant en-
tre les mains du Parti conservateur japonais hostile à la Constitution
de 1946 et la nomination des juges ne dépendant que du gouverne-
ment seul, il est évident que dans ces conditions la Cour ait joué le
rôle d’une caisse de résonance du pouvoir dominant et conservateur.
Malgré l’existence du mécanisme de destitution des juges par le
peuple, il est à observer une indifférence générale de ce dernier quant
à cette faculté entraînant de la sorte une sorte de bureaucratisation

184
Lire YAMAMOTO (Y.), op. cit., p. 2.
185
Idem, p. 4.

111
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

des juges qui deviennent ainsi une classe sociale d’intouchables et de


conservateurs. Aucun juge n’a été destitué, à ce jour, aux dires de
Yamamoto.
En définitive, ceci est dû à la mentalité japonaise dont on dit
qu’elle est revêche au droit et ne jouit pas des antécédents histori-
ques de l’Occident fondés sur le prestige des professeurs ni sur la
tradition anglo-saxonne de Judge made law.186
Ces raisons hypothèquent la formation d’une légitimité politique

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de la justice constitutionnelle dans la société japonaise.
Dans une telle ambiance, l’on ne peut s’attendre qu’à une maigre
moisson de la production jurisprudentielle. Aussi, depuis soixante
ans et plus, la Cour nipponne n’a rendu que six arrêts en matière de
constitutionnalité par voie d’exception.
Le premier arrêt est du 4 avril 1973 relatif à un article du Code
pénal punissant le parricide beaucoup plus sévèrement qu’un meur-
tre ordinaire ; le deuxième qui est du 30 avril 1975 se rapporte à un
article de la loi sur les pharmacies exigeant une certaine distance en-
tre les pharmacies déjà ouvertes et les nouvelles ; le troisième du
14 avril 1976 est relatif à un article de la loi électorale créant un déca-
lage entre les circonscriptions électorales ; le quatrième qui est du
17 juillet 1985 est relatif à une loi électorale créant un décalage attei-
gnant 1 pour 4,4 dans la distribution des sièges des députés ; le cin-
quième qui est du 22 avril 1987 se rapporte à la loi forestière dont
une disposition interdit la demande de partage de la part d’un ou des
copropriétaires dont la part ne dépasse pas la moitié de la valeur du
domaine intéressé déclarée inconstitutionnelle car contraire à
l’article 29 de la Constitution qui garantit le droit de propriété et
enfin, le sixième arrêt est relatif à la loi sur la Poste qui a exempté
une obligation de la responsabilité de l’État dans certains cas de trai-
tement des courriers.187

186
VAN WOLFEREN (K.), L’énigme de la puissance japonaise, traduit de l’anglais
par Danièle Laruelle, Paris, Laffont, 1990, pp. 225 et s.
187
Pour une étude fouillée des problèmes dus à la passivité de la Cour suprême
nipponne, lire FUKASE (F.) et HIGUCHI (Y.), Le constitutionnalisme et ses
problèmes au Japon, pp. 298 et s. ; MUTSUO NAKAMURO, « Quarante ans de

112
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

L’on peut donc en conclure que malgré la parenté d’emprunt du


modèle décentralisé d’origine américaine, le système juridictionnel
nippon est demeuré ancré dans la longue spécificité historique de
son peuple.
C’est le lieu de dire avec Jean Hubert Moitry que le droit dans ce
pays s’inscrit dans une tradition très ancienne, dont les effets sont
toujours observables. Le droit japonais d’aujourd’hui est le résultat
d’une synthèse qui n’a effacé que partiellement les traits hérités du

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passé.188 Le Japon semble s’être inspiré de la méthode comparatiste
de Hozumi, Sugiyama et Takanayagoshi qui érige en système la re-
cherche critique au sein de droits étrangers des règles les mieux adap-
tées et d’en élaborer une synthèse spécifiquement japonaise. 189
Examinons à présent un autre cas atypique :

§ 4. L’Israël
Le choix de l’État d’Israël pour illustrer un des avatars du modèle
américain est symbolique d’un État qui fonctionne de manière tout
à fait atypique mais qui est cependant une démocratie.
L’État d’Israël se caractérise, aux dires d’Olivier Duhamel, par un
pluralisme partisan fondé sur le mode de l’élection proportionnelle
qui pose un véritable problème de démocratie dirigée sans détruire le
pluralisme.190 Il y a donc un proportionnalisme absolu et un parle-
mentarisme intégral.
Nous soulignons ces deux caractéristiques du système politique
israélien car l’État d’Israël n’a pas de constitution et pourtant il

contrôle de constitutionnalité des lois », Annuaire international de justice


constitutionnelle, vol. III, 1987, pp. 691 et s. ; YASUHIRO OKUDAIRA, The
Constitution an its various influences, in PERCEY R. LUNEY Jr and
KAZUYUKI TAKAHASHI (eds), Japanese Constitutionnal Law, University of
Tokyo Press, 1993, p. 20 et s cités par YAMAMOTO (Y.), op. cit., p. 2.
188
MOITRY (J.-H.), « Culture juridique du Japon », in ALLAND (D.) et S. RIALS
(S.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, Lamy, Quadrige, 2003,
p. 857.
189
Idem, p. 860.
190
DUHAMEL (O.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Seuil,
2009, p. 319.

113
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

construit un droit constitutionnel. Ceci pourrait paraitre paradoxal


dans la mesure où, dans l’absence d’une constitution écrite, il est ex-
clu qu’un contrôle juridictionnel des lois soit envisageable lorsque le
législateur est in fine le véritable constituant.
L’on sait qu’Israël est né dans la douleur de la guerre, et pour ain-
si dire, à la force de l’épée. Dans ces circonstances, l’établissement
d’une constitution écrite est une préoccupation tellement secondaire
que même les partisans du texte écrit restent comme hypnotisés par

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la survie de la Nation qui passe alors pour tous comme la seule et
unique question de l’État et de la Nation.
La doctrine ajoute à cette constatation purement matérielle une
justification philosophique majeure : en effet, dans un pays fonciè-
rement religieux, est-il concevable d’avoir une loi supérieure à la seu-
le loi divine, la Torah ? Par nécessité donc, il a toujours été évité
d’élaborer une constitution écrite car une déclaration des droits
pourrait consacrer la laïcité de l’État que les intégristes rabbiniques
de tous bords abhorrent, à tort ou à raison. 191
Il faut noter que selon la résolution Harari prise en date du
13 juin 1950 par la première Knesset, élue comme constituante, il a
été admis que « la Constitution de l’État sera élaborée chapitre par
chapitre, de telle sorte que chacun d’entre eux constitue une loi fon-
damentale par lui-même. Les chapitres seront présentés à la Knesset
au fur et à mesure que la Commission de la Constitution achèvera
son œuvre. Les chapitres seront assemblés et formeront la Constitu-
tion de l’État ». En vertu donc de ce compromis, l’État d’Israël est
pourvu d’une constitution en tranches, par étapes, en adoptant, ma-
tière par matière, des lois fondamentales.
Adoptées sur présentation de la Commission parlementaire per-
manente dite de la Constitution, des lois et du pouvoir judiciaire, ces
lois fondamentales sont votées à la majorité des membres de la Knes-
set qui fixent ainsi dans chaque loi fondamentale les conditions de
révision, certains articles exigeant une majorité absolue des membres
soit 61 voix.

191
DUHAMEL (O.), op. cit., p. 328.

114
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Toutes les dispositions de ces lois fondamentales n’étant pas pro-


tégées, elles restent donc sujettes à révision par une majorité simple.
Ce qui pose le problème de la valeur constitutionnelle desdites lois
fondamentales.
La Cour suprême a cependant tranché en opinant que les lois
fondamentales ne sont pas des lois constitutionnelles et que seuls les
articles rigides c’est-à-dire spécialement protégés exigeaient pour être
modifiés la majorité qualifiée.192

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Le professeur Olivier Duhamel, avec son humour de conteur, de
s’exclamer, à raison : une loi ordinaire peut modifier une loi fonda-
mentale, à condition que les dispositions litigieuses aient été adop-
tées à la majorité absolue. Dans ce contexte, ne s’agit-il pas d’une
« curieuse introduction de contrôle de constitutionnalité par une
conception très restrictive des normes constitutionnelles dans un
pays sans constitution » ?193
N’eut-été l’ingéniosité des juristes, le système serait sclérosé. Car
tout le rôle de la Cour suprême se limiterait à savoir quelles lois ou
parties des lois fondamentales sont rigides et tel rôle, avouons-le, est
loin de rapprocher la Cour suprême israélienne des prévisions du
modèle américain.
En effet, l’article 20(a) de la loi fondamentale sur le pouvoir judi-
caire pose clairement que « tout précédent jugé par un tribunal supé-
rieur oblige un tribunal inférieur. (b) Une doctrine établie par la
Cour suprême oblige tout tribunal, à l’exception de la Cour suprê-
me elle-même ».
Cette caractéristique du stare decisis rattache institutionnellement
et intellectuellement la justice constitutionnelle israélienne au modè-
le américain. D’autant que les meilleurs juristes de ce pays sortent
des écoles de droit américaines et importent presque inconsciem-

192
Il s’agit de l’arrêt Bergman de 1969 qui constitue en droit juif moderne la décision
fondatrice du droit constitutionnel de ce pays. L’énoncé de cette décision paraît
dénué de précision méthodologique mais les sous-entendus du discours sont
d’une clarté diamantine dans la mesure où ils affirment de façon plutôt audible
que seule la Knesset est souveraine sous l’autorité de la Thora.
193
Idem, p. 329.

115
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ment le modèle secrété par les manuels de droit constitutionnel de


leur alma mater.
Ce système plutôt pragmatique que positiviste, à la romano-
germanique, est fondé sur le crédit attaché à la décision tout entière.
En effet, les motifs lient autant que le dispositif dans le droit israé-
lien cependant seule la ratio decidendi a valeur de précédent en ce
qu’elle constitue le support nécessaire de la décision et finalement de
la règle posée par le juge. En revanche, l’obiter dictum ou motif su-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
rabondant ou incident ne lie pas.
Le droit israélien est ainsi comme tout droit anglo-saxon un droit
plutôt coutumier et jurisprudentiel. En Israël, il n’est pas inutile
d’observer que le législateur est sous la coupe des partis religieux
tandis que la Cour suprême maintient une conception plutôt laïque
de la démocratie.
En cela donc, elle est une véritable juridiction constitutionnelle.
Par ailleurs, sans toujours entrer en affrontement avec le législa-
teur, la Cour suprême construit un droit constitutionnel substantiel
des droits de l’homme pour lequel le juge Aharon Barak dit qu’il y a
désormais un point d’appui pour décider de la valeur de la législa-
tion. Le juge suprême reconnaissant le caractère fondamental à telle
loi sur les droits de l’homme l’érige en norme constitutionnelle qui
doit s’imposer au législateur ordinaire.194
De la sorte, il y a un contrôle de constitutionnalité. Cela est
d’autant affirmé que la loi fondamentale sur la liberté professionnel-
le de 1990 contient une disposition énonçant que « toute atteinte aux
droits définis dans la présente loi fondamentale ne pourra dériver
d’une loi qui est conforme aux valeurs de l’État d’Israël, qui inter-
vient dans un but approprié et dans une mesure qui n’excède pas ce
qui est nécessaire ».195

194
BARAK (A.), « La révolution constitutionnelle, la protection des droits
fondamentaux », Mishpat Oumimshal, Revue de la faculté de droit de l’Université de
Haïfa, n° 1, 1992, pp. 9-35, introduction et traduction par Claude Klein,
Pouvoirs, n° 72, Israël, Paris, Seuil, 1995 cité par DUHAMEL (O), Droit
constitutionnel…, op. cit., p. 331. Consulter aussi www.revue-pouvoirs.fr
195
Lire KLEIN (C.), Le Droit israélien, coll. Que sais-je ?, n° 2512, Paris, PUF, 1990,

116
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

La question essentielle qui est à la fois une grande porte entrou-


verte est celle de déterminer les valeurs de l’État d’Israël. Si cette ou-
verture peut aider le juge suprême à déclarer inconstitutionnels les
mouvements intégristes de tout bord, il n’est pas du moins en théo-
rie exclu que les juges imbus d’autres valeurs soient eux-mêmes en
train d’élaborer un catéchisme des valeurs auxquels sociologique-
ment n’aurait pas adhéré le peuple juif.196 Une prudence s’impose de
toute évidence de la part d’un peuple dont l’histoire millénaire est

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une illustration toute biblique de la négation des droits de l’homme
même par ses propres nationaux.
C’est la sempiternelle question du contrôle du contrôleur. Cette
question trouve-elle une réponse diamétralement opposée dans le
modèle né en Europe ?

Section 2 : LE MODÈLE EUROPÉEN


En raison de la parenté génétique de la Cour constitutionnelle
congolaise avec la famille romano-germanique, il sera utile de consa-
crer des développements détaillés au modèle européen qui est histo-
riquement celui inspiré par les travaux de Hans Kelsen.
Faute d’accéder directement aux travaux originaires de ce modè-
197
le , nous avons opté pour l’étude directe du modèle français avant
de consacrer des lignes à l’étude du système belge, du modèle alle-
mand, en raison de son enrichissement du modèle kelsénien et de
l’exemple récent de la Russie, en raison de la proximité idéologique
et historique que ce pays a eu avec d’autres pays du bloc de l’est.
Cette étude est d’autant utile qu’elle indique de manière fort ré-
currente que chaque peuple d’Occident, malgré la parenté idéologi-
que évidente, a néanmoins adapté le modèle originel à son propre
tempérament. S’agissant de la République démocratique du Congo,

128 p.
196
KLEIN (C.), La démocratie d’Israël, Paris, Seuil, 1997.
197
Lire ROUSSEAU (D.), La justice constitutionnelle en Europe, coll. Clefs
Politique, Paris, Montchrestien, 1992 qui réserve cependant de larges
développements à la description du modèle autrichien originel tel qu’importé en
France par les brillants travaux de Charles EISENNMANN.

117
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

l’ébauche d’un modèle adapté devra partir entre autres de ce que


d’autres pays ont essayé à travers le monde surtout que ceux-ci figu-
rent parmi ceux qui nous ont légué le droit encore en vigueur chez
nous.
À cet égard, la France semble s’être imposée comme modèle pour
la République démocratique du Congo. L’on pourra y voir l’apport
important de la doctrine française.198
Mais ceci justifie déjà que l’on aborde l’analyse par la France.

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§ 1. France
Longtemps restée en marge du mouvement pour la justice consti-
tutionnelle, la France n’a accédé véritablement à la justice constitu-
tionnelle que récemment.199 Le conseil constitutionnel représente
une institution nouvelle et originale de la Ve République de même
qu’il est l’expression de l’État de droit.200 Le doyen Louis Favoreu
dresse des étapes historiques dans la marche vers l’instauration du

198
L’on peut noter la présence discrète mais efficace du professeur Jean-Claude
MASCLET de Paris 1 Panthéon Sorbonne dans les travaux techniques de
préparation de la Constitution congolaise.
199
Bien que la justice constitutionnelle ait existé depuis 1958, il convient de noter
que le Conseil constitutionnel a acquis ses lettres de noblesse à partir de la
fameuse décision du 16 juillet 1971 qui consacre à la fois la liberté d’association
par voie jurisprudentielle et étend de façon indélébile le bloc de constitutionnalité
aux normes qui, d’ordinaire, n’en faisaient guère partie. Du même coup, le
Conseil a acquis une indépendance intellectuelle d’abord, ensuite, politique pour
constituer finalement l’élément clef de la Ve République. Voy en ce sens, Louis
FAVOREU et Loïc PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 4e
édition, Paris, Sirey, 1986, p. 254. Pour ces auteurs, le Conseil s’y reconnaît un
rôle de protecteur des libertés publiques, consacre la valeur positive et
constitutionnelle du Préambule de la Constitution et des textes auxquels il
renvoie et surtout, renforce considérablement son prestige et son autorité vis-à-vis
du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
200
de GUILLENCHMIDT (M.), Droit constitutionnel et institutions politiques,
Paris, Economica, 2005, p. 382 ; GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et
institutions politiques, 16e édition, Paris, Montchrestien, 1999, p. 709. Contra :
JANOT (R.) enseigne plutôt que le Conseil constitutionnel est la reprise et
l’amplification assez considérable du Comité constitutionnel de la constitution
de 1946.

118
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

juge constitutionnel en France : il établit de 1715 à 1814 une époque


des prétentions de cours de justice à faire de remontrances au mo-
narque pour faire respecter les lois fondamentales du royaume.201
Cet auteur nous apprend qu’au XIVe siècle, les Rois ont demandé
au Parlement de Paris de ne pas procéder à l’enregistrement des me-
sures qu’ils édictaient, lorsque celles-ci lui paraîtraient déraisonna-
bles ou injustes.202 Le parlement retournait au roi les lettres royales
avec des remontrances secrètes en expliquant les raisons du refus.

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Par le biais de lettres impératives, le monarque pouvait enjoindre au
Parlement d’enregistrer néanmoins ces mesures de même qu’il pou-
vait se rendre en personne au parlement et y tenir « un lit de justi-
ce » et, ainsi, les mesures royales entraient en application.
La seconde période est celle de la Révolution française car elle
marque la volonté de la Constituante de retirer le pouvoir de légifé-
rer traditionnellement entre les mains du Roi pour le confier à une
assemblée composée des représentants élus de la Nation souveraine.
Elle entend de surcroît imposer le respect de la constitution de 1791
au législateur qui ne pouvait « faire aucunes lois » portant atteinte
aux droits garantis par la constitution.
La troisième période semble couvrir l’époque où le Conseil d’État
et la Cour de cassation ont tenté de suppléer aux carences et à la fai-
blesse du contrôle sénatorial et ce, de 1814 à 1870. En revanche,
de 1875 à 1958, le comité constitutionnel cristallisera les souhaits
d’un contrôle « symbolique ».
Cette position de principe favorable à la primauté de la Constitu-
tion s’est émoussée, selon Louis Favoreu, pour deux raisons : la réfé-
rence à la théorie rousseauiste de l’infaillibilité de la Loi, expression
de la volonté générale, fondée elle-même sur le vote de la majorité
des citoyens qui fut plus tard captée par la majorité parlementaire
qui, dès lors, a considéré qu’elle ne pouvait errer. La majorité ne
pouvait se trompait ; il restait une seule possibilité à la minorité po-

201
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, op. cit., p. 258.
202
Ibidem.

119
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

litique : se taire. La seconde raison est à trouver dans la difficulté


d’organiser un contrôle de constitutionnalité des lois.203
Il faut dire, avec Michel de Guillenschmidt, que Sieyès avait pro-
posé dès 1795 la création d’une « jurie constitutionnaire » qui serait
chargée de veiller à ce que le Corps législatif formé du Conseil des
anciens et du Conseil des cinq-cents, n’outrepasse pas ses pouvoirs.204
La proposition fut écartée car le bicaméralisme semblait mettre un
frein aux éventuels excès parlementaires.

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Sous la IIIe République, tout le pouvoir appartient aux chambres
et il ne pouvait être question de les placer sous contrôle. La
IVe République a consacré le parlement comme l’institution maîtres-
se du pays de sorte que l’on est en plein légicentrisme. Les représen-
tants de la Nation sont souverains, la loi qu’ils édictent au nom de
cette dernière est non simplement souveraine mais infaillible et donc
insusceptible de contrôle quel qu’il soit.
L’on doit à la vérité de souligner que l’article 91 de la constitution
de 1946 qui est longue et précise prévoyait un comité constitution-
nel composé du président de la République, du président de
l’Assemblée, du président du Conseil de la République et de sept
membres élus par les députés et trois par le Conseil de la Républi-
que, mais choisis en dehors205 de deux assemblées.
En raison de la lourdeur de la procédure de saisine de cet organe
éminemment politique, le comité constitutionnel ne siégea qu’une
fois à l’occasion de l’examen d’une affaire relative au règlement de
l’Assemblée nationale206.
En 1958, pour la première fois, malgré les antécédents susrappe-
lés, à l’opposé de la tradition, un organe régulateur de l’activité des
pouvoirs publics s’est installé.207 L’obstacle de la souveraineté parle-

203
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, op. cit., pp. 261-265.
204
de GUILLENSCHMIDT (M.), op. cit., p. 382.
205
« C'est d'ailleurs cette difficulté qui a inspiré, entre autres raisons, la création
du Conseil constitutionnel, organisme politique au départ mais d'une saisine
assez souple. »
206
Idem, op. cit., p. 384.
207
CC, 6 novembre 1962, Élection du président de la République, DC 62-20, Rec.27
in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes décisions du conseil constitutionnel,
4e édition, Paris, Sirey, 1986, pp. 172-183.

120
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

mentaire, souveraineté parlementaire absolue, est balayé par le cons-


tituant de même que la pratique majoritaire de la Ve République ap-
pelle un organe régulateur faisant office de contrepoids à la fusion,
dans une même majorité politique, de l’Exécutif et du Législatif, dé-
tenteur d’une véritable faculté d’empêcher, au sens de Montes-
quieu208.
Par suite d’une évolution insoupçonnée, un pouvoir juridictionnel
est né, chargé de dire le droit avec l’autorité absolue de la chose ju-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
gée.209 Il faut donc reconnaître qu’avec le temps et les évolutions ju-
risprudentielles qui sont les siennes, le Conseil constitutionnel s’est
largement juridictionnalisé.
La question de savoir si le Conseil constitutionnel est un contre-
pouvoir peut, sans doute, être discutée mais il est de plus en plus dif-
ficile de soutenir qu’il n’est pas un juge.210
Il est composé de neuf membres dont le mandat a une durée neuf
ans et n’est pas renouvelable. Trois membres sont nommés par le
président de la République, trois par le président de l’Assemblée na-
tionale et trois par le président du Sénat. Il est renouvelé par tiers
tous les trois ans.

208
RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, Paris, Litec, 1994,
p. 440.
209
GICQUEL (J.), op. cit., p. 709. Contra : MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa,
EUA, 2001, p. 109. Cet auteur range le Conseil constitutionnel parmi les
mécanismes de contrôle politique, en écrivant « qu’il se rapproche d’un organe
juridictionnel, sa soumission au pouvoir dans la politique lui confère une
coloration politique qu’aura finalement compromis une expérience qui aurait pu
être intéressante ». Comment, à notre avis, concilier l’opinion du professeur
Edouard MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA avec la majorité de la doctrine
d’une part, et la pratique institutionnelle française d’autre part, surtout avec les
désagréments exprimés par les deux bords de la politique française ? Voy
GICQUEL (J.), op. cit., p. 709, note 2 en bas de page qui rapporte les propos de
François Mitterrand et ceux de Philippe Séguin ; ARDANT (P.), Institutions
politiques et droit constitutionnel, 8e édition, Paris, LGDJ, 1996, p. 103 va dans le
même sens que notre auteur lorsqu’il affirme qu’à ce niveau, tout est politique.
210
RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), op. cit., p. 440 ; contra : de
GUILLENCHMIDT (M.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Economica, 2005, p. 398.

121
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Le président du Conseil constitutionnel est nommé par le prési-


dent de la République. Les anciens présidents de la République, sans
incompatibilité avec les fonctions de membre du Conseil constitu-
tionnel, sont de droit membres à vie dudit conseil211.
L’ensemble des attributions du Conseil constitutionnel se situe au
confluent du droit et de la politique212. Le recrutement lui permet-il
de les exercer de façon incontestable ? Le secret de délibérations,
l’obligation de réserve à laquelle ils sont assujettis, une rémunération

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digne des hauts fonctionnaires de l’État, l’interdiction de cumul avec
des fonctions gouvernementales et électives, la moyenne d’âge élevée
à 69 ans et une forte tradition d’indépendance des membres recrutés
traduisent une certaine indépendance.213
Il est dès lors utile, avec Pascal Jan, d’observer que le modèle
français de justice constitutionnelle présente des particularités singu-
lières dans le contrôle des normes. Seules les autorités politiques,
dont les parlementaires, ont accès au juge, le contrôle – abstrait – est,
sauf exception, de type préventif.214 L’on peut noter du reste que le
juge français a la pleine latitude en matière de déroulement de la
procédure tant celle-ci est très peu formalisée ; cependant les modali-

211
Lire avec intérêt les articles 56 et 57 de la Constitution du 4 octobre 1958 telle
que révisée à ce jour in RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code
constitutionnel, Paris, Litec, 1994, pp. 439-444.
212
FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, cohabitations et
Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998. L’éminent constitutionnaliste
démontre autrement la fusion que Philippe Ardant tente d’établir entre politique
et droit ; de nos jours, la politique est assujettie au droit tant pour des raisons de
décorum politique aujourd’hui à la mode mais également et surtout pour des
raisons de légitimité démocratique qui passe par la démocratie constitutionnelle.
Le grand prêtre de cette grand-messe démocratique est le juge constitutionnel, et
pour avoir les faveurs de ce prélat, le gouvernant moderne est au minimum
obligé d’emprunter au moins le langage du droit pour accéder à la sainteté de ses
actes. C’est aussi une affaire de rituel.
213
ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 8e édition, Paris,
LGDJ, 1996, pp. 114-115.
214
JAN (P.), « L’accès au juge constitutionnel : modalités et procédures », Rapport
rédigé pour le IIe Congrès de l’A.C.C.P. U.F., texte arrêté le 1er février 2000 in
http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/jan2000.htm consulté le
17 novembre 2006.

122
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

tés et les procédures d’accès au Conseil constitutionnel sont prééta-


blies par la Constitution et l’ordonnance du 7 novembre 1958 por-
tant loi organique relative au Conseil constitutionnel.
En raison d’une longue tradition française en la matière, l’on peut
observer que la tentative de permettre une autosaisine au Conseil
constitutionnel a échoué quoiqu’elle eût pu avoir l’avantage pour le
juge constitutionnel français de se saisir motu proprio et de contrôler
ainsi la constitutionnalité des lois qui « paraîtraient porter atteinte

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
aux libertés publiques garanties par la Constitution »215.
En revanche, il est permis au juge français de soulever d’office des
griefs qui n’ont pas été soulevés par les requérants. 216 De prime
abord, il sied d’observer que le Conseil constitutionnel a été conçu
par le constituant français en vue de soumettre à son contrôle les ac-
tes des assemblées : lois et résolutions réglementaires. Dans le même
esprit, le gouvernement s’est vu reconnaître le droit de saisir le juge
afin d’obtenir le déclassement des textes de forme législative qui em-
piéteraient dans le domaine réglementaire. Le contrôle sur les enga-
gements internationaux s’est justifié par le souci d’affirmer la souve-
raineté nationale au moment où s’affirmait la communauté euro-
péenne.
Sont, de l’interprétation du Conseil lui-même, placés hors du
contrôle de cette instance : les lois référendaires et les ordonnances
de l’article 92 de la Constitution portant loi organique dont l’objet
consistait à mettre en place les institutions. La question de la justi-
ciabilité des lois constitutionnelles reste ouverte. À l’occasion d’une
requête en inconstitutionnalité formée par plus de soixante séna-
teurs, le Conseil a opiné invariablement que « le pouvoir constituant
est souverain sous réserve des limitations formelles touchant aux pé-
riodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut
être engagée ou poursuivie et des limitations matérielles (la forme

215
L’ancien président français Vincent AURIOL, devenu membre du Conseil
constitutionnel, est le promoteur de cette réforme constitutionnelle qui a été
repoussée par les parlementaires presque unanimes sur cette question. Elle n’est
pas d’actualité aujourd’hui.
216
Ibidem.

123
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

républicaine du gouvernement) »217. Le doyen Georges Vedel, sur


cette question, opine que « le pouvoir constituant dérivé n’est pas un
pouvoir d’une autre nature que le pouvoir initial : la constitution lui
donne sa procédure…, elle ne borne pas son étendue »218.
L’article 61 alinéa 2 de la Constitution de 1958 institue un contrô-
le a priori et abstrait sur une loi. Il est arrivé cependant que le
Conseil constitutionnel ait admis un contrôle limité des lois déjà
promulguées.219 Le dixième considérant220 de cette décision ouvre

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
une brèche dans le principe selon lequel le Conseil ne contrôle que
les lois déjà promulguées. C’est ainsi que le Conseil, en application
de cette jurisprudence, a déclaré contraires à la constitution deux ar-
ticles d’une loi en vigueur dans la Décision 99-410 DC du 15 mars
1999 relative à la loi organique relative à la Nouvelle Calédonie.
L’on peut observer de même que l’autorité de la chose jugée par
le Conseil constitutionnel si tant est qu’elle existe s’impose à tous les
pouvoirs publics sauf apparemment au Conseil lui-même car dans
l’espèce qui a trouvé application de la norme dégagée ci-haut il s’agit
des dispositions d’une loi qui avait déjà été déférée devant le juge
constitutionnel.
S’agissant des délais de recours dont on sait qu’ils règlent le pro-
blème juridique de la fixité ou de la certitude de la norme et de sa
sécurité, il convient de remarquer que le droit du contentieux cons-
titutionnel français connaît des situations où de recours sont receva-
bles sans délai. C’est le cas, dans l’hypothèse d’un recours obligatoi-

217
RIGAUX (M.-F.), La théorie des limites matérielles à l’exercice de la fonction
constituante, Bruxelles, Larcier, 1985.
218
VEDEL (G.), « Schengen et Maastricht », in R.F.D.A., 1992, p. 179 cité par
GICQUEL (J.), op. cit., p. 169.
219
Voir DC 85-187 du 25 janvier 1985, Rec. 45, État d’urgence en Nouvelle
Calédonie, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), op. cit., pp. 665-675.
220
Ce considérant est ainsi exprimé : « …si la régularité au regard de la Constitution
des termes de la loi promulguée peut être utilement contestée à l’occasion de
l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent
son domaine, il ne saurait en être autrement de même lorsqu’il s’agit de la simple
mise en application d’une telle loi… ». Lire FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), op.
cit.

124
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

re, de règlements des assemblées parlementaires qui peuvent être


soumis à examen avant leur mise en application.
En cas de recours facultatifs, les deux procédures de l’examen de
fins de non-recevoir et de l’appréciation de la nature juridique d’un texte
de forme législative n’exigent et n’obéissent à aucun délai. En effet, la
fin de non recevoir, aux termes de l’article 41 de la constitution fran-
çaise, est un mécanisme constitutionnel qui permet au gouvernement
qui constate qu’au cours de la procédure législative, une proposition

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à
une délégation accordée en vertu de l’article 38 de la même Constitu-
tion, d’opposer une irrecevabilité. Ce débat pouvant surgir entre le
gouvernement et une des chambres, le Conseil a été rendu compétent
pour statuer dans les huit jours de sa saisine par l’un ou l’autre.221
En revanche, l’appréciation de la nature juridique d’un texte de
nature législative est un mécanisme constitutionnel en vertu duquel
le Conseil constitutionnel saisi par le gouvernement déclare le texte
de nature réglementaire malgré sa forme législative et permet ainsi
qu’il soit, en l’occurrence, modifiable par décret.222
Par ailleurs, l’on peut noter que la représentation du requérant
par un avocat devant le juge constitutionnel français n’est pas requi-
se. S’agissant d’un recours purement objectif comme le recours pour
excès de pouvoir en matière de droit administratif, pareille attitude
du juge se justifie même si la comparution d’un conseil ne devrait, à
notre avis, nullement être contestée.223
La procédure devant le juge constitutionnel français est gratuite et
sans frais. Le recours exige cependant que le requérant vérifie d’un
intérêt à agir comme dans toutes les actions en justice. 224 Le silence

221
Constitution française du 4 octobre 1958, article 41.
222
Constitution française du 4 octobre 1958, article 37, alinéa 2.
223
Le Conseil n’admet pas l’intervention des avocats pour représenter les saisissants
dans le cours des affaires qui lui sont soumises. La raison de fond pourrait être
que l’avocat défend l’intérêt de celui ou de ceux qu’il représente. Or, une loi ne
porte nullement, du moins en théorie, atteinte aux droits des requérants, lesquels
n’agissent qu’en tant que procureurs, dit Pascal JAN, op. cit., p. 23.
224
RUBBENS (A.), Le droit judiciaire zaïrois, tome II, Kinshasa, PUZ, 1978, p. 34,
n° 38 ; lire aussi la belle thèse de BLOCK (G.), Les fins de non-recevoir en

125
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

des textes est gage d’une grande souplesse dans la vérification des
conditions de recevabilité des recours introduits devant le Conseil
constitutionnel.
Il ressort de la jurisprudence même du Conseil que ses décisions
sont revêtues de l’autorité absolue de chose jugée à l’égard tant des
pouvoirs publics que de toutes les autorités administratives et juri-
dictionnelles mais aussi que cette autorité n’est « limitée qu’au dispo-
sitif et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et le fondement

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
même »225 ; il est loisible au requérant qui se heurte à une fin de non-
recevoir de saisir de nouveau le Conseil constitutionnel, évidem-
ment s’il est encore dans les délais.
Il n’est pas inutile de dire que le caractère contradictoire est ab-
sent devant le juge constitutionnel, sauf lorsqu’il siège comme juge
électoral. Toutefois, il est possible qu’une information soit portée
aux autorités de saisine par le secrétaire général du Conseil. Le pou-
voir du Conseil en matière d’examen de constitutionnalité étant in-
tact, il lui arrive souvent d’articuler quatre catégories de grief que
sont :
 les dispositions qui n’ont pas leur place dans une loi de finan-
ces (cavaliers budgétaires)226 ou dans une autre loi (cavaliers so-
ciaux)227 ;
 les dispositions qui ne respectent pas la règle de non affectation
des ressources aux dépenses ;

procédure civile, Paris, Bruxelles, Nice, LGDJ, Bruylant, Université Nice Sophia
Antipolis, 2002, 453 p. pour une belle recension des causes d’irrecevabilité des
actions mues en justice dans l’irrespect des conditions d’exercice, notamment
l’intérêt.
225
CC, 62-18, 16 janvier 1962, Rec.31, Loi d’orientation agricole, in FAVOREU (L.)
et PHILIP (L.), op. cit., p. 158, 1er considérant.
226
de VILLIERS (M.), Dictionnaire de droit constitutionnel, 3e édition, Paris,
Armand Colin, 2001, p. 24, v° Cavalier. Lire aussi, pour des détails sur la
question de cavaliers budgétaires, RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code
constitutionnel, op. cit., pp. 982-986 ; GICQUEL (J.), op. cit., p. 12.
227
Les « cavaliers sociaux » sont donc des dispositions étrangères par leur contenu à
la loi de financement de la sécurité sociale ; l’expression se retrouve chez
FAVOREU (L.), GAÏA (P.), GHEVONTIAN (R.), MESTRE (J.-L.),
PFERSMANN (O.), ROUX (A.) et SCOFFONI (G.), Droit constitutionnel, op.
cit., p. 730.

126
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

 les dispositions organiques contenues dans une loi ordinaire ;


 les dispositions introduites par voie d’amendement après la ré-
union de la commission paritaire mixte qui ne sont pas en rela-
tion directe avec le texte en discussion ou qui ne sont pas ren-
dues nécessaires par la coordination avec d’autres textes législa-
tifs.

Il s’agit là des inconstitutionnalités formelles. Cependant il existe

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également des violations substantielles des dispositions constitution-
nelles au nombre desquelles pourraient figurer le non-respect du
principe de libre administration des collectivités locales ou le non-
respect d’une liberté fondamentale.
Voyons à présent quelles sont les techniques d’interprétation que
le Conseil utilise pour faire œuvre de contrôleur de la légalité consti-
tutionnelle.
Il est fort utile de noter, avec Philippe Ardant, que les méthodes de
contrôle du Conseil constitutionnel ont un rapport direct avec
l’évolution de son rôle.228 En effet, l’on peut noter une ouverture de
ce contrôle opérée par une multiplication des normes de référence ou
l’extension du bloc de constitutionnalité. Toute loi qui n’est pas
conforme, renchérit le professeur Philippe Ardant, à l’un des élé-
ments du bloc de constitutionnalité, à l’un des « principes et objectifs
à valeur constitutionnelle », est contraire à la Constitution.229 Le
Conseil constitutionnel français protège de même les lois organiques
contre les lois ordinaires sans toutefois intégrer celles-là dans le bloc
de constitutionnalité. Il y a violation de la constitution car celle-ci
prévoit la procédure d’élaboration et de révision d’une loi organique
de sorte qu’une loi ordinaire qui viendrait à opérer une révision d’une
loi organique serait, par ricochet, inconstitutionnelle.
S’agissant du bloc de constitutionnalité qui est la pierre de touche
du mécanisme de contrôle constitutionnel exercé par le juge, il y a
lieu de mentionner que les règlements des assemblées parlementaires,

228
ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 8e édition, Paris,
LGDJ, 1996, pp. 126-129.
229
Idem, p. 127.

127
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

les traités internationaux et même les lois référendaires intervenues


dans le domaine de la loi ordinaire n’entrent nullement dans le do-
maine des normes de référence.
Toutefois, en sens inverse, il est arrivé au Conseil constitutionnel
de renoncer à la protection des dispositions claires de la constitution ;
en cette occurrence, il admet la promulgation d’une loi inconstitu-
tionnelle et autorise qu’une loi ordinaire puisse modifier la loi fon-
damentale. C’est le cas de l’article 37 de la Constitution française qui

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repartit le domaine du règlement d’avec celui de la loi. Le Conseil a
considéré à l’occasion de l’examen de la loi du 30 juillet 1982 sur le
blocage des prix que les dispositions de l’article 37 précité n’étaient
nullement d’ordre public230 c’est-à-dire qu’elles ne sont point obliga-
toires.231
L’on peut remarquer l’extension du contrôle quant à la nature des
actes censurés. En effet, il est arrivé au Conseil constitutionnel
d’examiner la loi autorisant la ratification d’un traité alors qu’avant
la révision de 1992, il s’était toujours refusé de contrôler les traités
internationaux. Par cette voie détournée, il en est arrivé à contrôler
le traité lui-même.232
De même, le Conseil constitutionnel a étendu son champ de
contrôle aux lois déjà promulguées dès lors qu’une loi nouvelle ve-
nait à reprendre certaines de leurs dispositions. Par ce contrôle indi-
rect, toutes les lois anciennes relèvent désormais de l’appréciation du
Conseil constitutionnel. Il y a là extension de la portée théorique du
domaine des actes contrôlés.
Une autre technique qui est différente de celle du juge ordinaire
est que le Conseil constitutionnel a la latitude de statuer ultra petita.
Il en est ainsi le cas lorsque saisi de l’inconstitutionnalité de certaines
dispositions de la loi, il lui arrive de statuer également sur d’autres
dispositions qui ne font pas l’objet de la saisine.

230
CC, Décision n° 82-143 DC, 30 juillet 1982 in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.),
Les grandes décisions du conseil constitutionnel, op. cit., p. 595.
231
RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op. cit., p. 368.
232
ARDANT (P.), op. cit., p. 127.

128
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

La doctrine a considéré qu’il s’agissait là d’une autosaisine ou


d’une « troisième lecture » de la loi après celle de deux chambres du
parlement.233 Outre la mobilisation du bloc de constitutionnalité, le
Conseil constitutionnel s’est donné des moyens d’examiner la loi
sous tous ses aspects, soulevant des moyens d’office, appréciant si-
non l’opportunité de la loi du moins l’existence éventuelle d’erreur
manifeste d’appréciation, mais aussi de placer le législateur sous tu-
telle en lui imposant des directives interprétatives voire, tout en le

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censurant, de lui indiquer la voie pour ne plus encourir ses foudres.
Il a des fois recouru à la technique des réserves d’interprétation
qui consiste à interpréter le texte de loi déféré en imposant certaines
limites qui, si elles étaient outrepassées, entacheraient celui-ci
d’inconstitutionnalité et le rendraient donc inapplicable. 234 Ce fai-
sant, le juge français n’a fait que reprendre à son profit les techniques
des juges allemand et italien, tout en se refusant de jouer le rôle de
législateur d’appel.235
C’est pourquoi, écrivent Pierre Pactet et Ferdinand Melin-
Soucramanien, il faut considérer le champ du « constitutionnel »
comme un ensemble complexe, comportant au moins deux niveaux
juridiques et associant autour d’un noyau central et textuel une frange
périphérique composée des motivations à caractère prescriptif intro-
duites dans sa jurisprudence par le Conseil constitutionnel. Bien en-
tendu ces motivations gardent un caractère subsidiaire et supplétif.
Elles peuvent être remises en cause par le Conseil lui-même. Elles n’en

233
Idem, p. 128 ; voir aussi PORTELLI (H.), Droit constitutionnel, 3e édition, Paris,
Dalloz, pp. 286-287, n° 350.
234
de GUILLENCHMIDT (M.), Droit constitutionnel et institutions politiques,
Paris, Economica, 2005, p. 393.
235
CC, Décision n° 85-196, 85-197 DC, 8 et 23 août 1985, Évolution de la Nouvelle
Calédonie, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), op. cit., p. 683, considérant 20 aux
termes duquel le Conseil constitutionnel déclare que « l’objet du contrôle de
constitutionnalité est non de gêner ou de retarder l’exercice du pouvoir législatif,
mais d’assurer sa conformité à la Constitution ».

129
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

contribuent pas moins à l’élargissement du champ ou, si on préfère, à


la mise en place d’une nébuleuse constitutionnelle.236
Ajoutons pour être complet avec Philippe Ardant que par la
technique de l’erreur manifeste du législateur, le Conseil exerce une
sorte de « contrôle minimum » sur l’opportunité d’une loi et se
permet ainsi de protéger les citoyens contre les facilités qu’a données
au gouvernement l’existence à l’Assemblée nationale d’une majorité
automatiquement acquise à ses projets et l’absence de ce fait de toute

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
responsabilité politique.237
Cette liberté que s’est donnée le Conseil constitutionnel naturel-
lement emporte quelques critiques notamment à l’occasion des déci-
sions rendues en matière de contestations électorales. Mais, nous dit
Michel de Guillenschmidt, ces critiques n’ont pas, jusqu’à présent,
atteint les fondements de l’institution. En définitive, et paradoxale-
ment, c’est peut-être, justement, la nature profondément politique
de cet organe original qui le protège et lie son sort à l’ensemble des
institutions.238
Concluons momentanément que l’exemple français est un cas
unique d’une longue tradition de la souveraineté parlementaire,
comme au Royaume-Uni actuellement, qui s’est muté, à la faveur de
plusieurs facteurs historiques et techniques ci-haut exposés, en une
sorte de juridiction constitutionnelle dont le caractère politique s’est
atténué au profit du modèle juridictionnel dont l’architecture n’est
pas cependant achevée.
La dernière révision constitutionnelle a cependant apporté, sans
doute, une grande innovation. En effet, aux dires de M. Jean-Louis

236
PACTET (P.) et MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), Droit constitutionnel, 24e
édition, Paris, Armand Colin, août 2005, p. 543. Ce terme de « nébuleuse
constitutionnelle » est une expression forgée en parallèle au « bloc de
constitutionnalité » qui est l’œuvre du doyen Louis FAVOREU. Il faut
reconnaître qu’en doctrine l’expression de Pierre PACTET et Ferdinand
MELIN-SOUCRAMANIEN n’a pas du tout recueilli les suffrages de la majorité
des auteurs, sans doute, à cause du présupposé logique qu’elle implique et la
vacuité qu’infère l’imprécision à laquelle fait écho le vocable.
237
ARDANT (P.), op. cit., p. 129.
238
de GUILLENCHMIDT (M.), op. cit., p. 398.

130
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Debré, président du Conseil constitutionnel, il y a encore quelques


années, seuls les avocats spécialistes de droit électoral pouvaient
s’intéresser au Conseil constitutionnel.239 Progressivement, le Conseil
constitutionnel s’est affirmé comme le protecteur des droits et libertés
constitutionnellement garantis. Avec la réforme constitutionnelle du
23 juillet 2008 et l’introduction d’un article 61-1 de la Constitution,
une nouvelle ère s’ouvre qui fera entrer les avocats au Conseil consti-
tutionnel, à condition que ceux-ci fassent entrer le droit constitution-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
nel dans leurs cabinets.
La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la
Constitution un nouvel article 61-1 ainsi rédigé : « lorsque, à l’occasion
d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une dis-
position législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitu-
tion garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question
sur le renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se pronon-
ce dans un délai déterminé. »
Il est évident que cette réforme a un triple objectif : - première-
ment : elle donne un droit nouveau au citoyen en lui permettant de
faire valoir les droits qu’il tire de la Constitution ; - deuxièmement,
elle permet de purger l’ordre juridique des dispositions législatives in-
constitutionnelles ; cette procédure conduira à l’abrogation, par le
Conseil constitutionnel, des dispositions contraires à la Constitution.
Les décisions produiront un effet erga omnes qui reste une des spécifi-
cités du contrôle de constitutionnalité français ; - troisièmement, elle
assure la prééminence de la Constitution dans l’ordre interne. Elle
met fin ainsi à une anomalie de la hiérarchie des normes française qui
voulait que la norme suprême ne puisse pas être invoquée utilement
dans une procédure dès lors qu’une loi faisait « écran ».
L’article 61-1 de la Constitution est mis en œuvre par la loi organi-
que du 10 décembre 2009 qui a été déclarée conforme à la Constitu-
tion le 3 décembre de la même année. En outre, quelques mesures ré-

239
Lire le discours du président du Conseil constitutionnel devant la Conférence
des Bâtonniers de France du 20 janvier 2010 sur le site internet du Conseil
constitutionnel : www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/root/bank_mn/discours_intervention consulté le samedi
13 mars 2010.

131
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

glementaires notamment sur la procédure et l’aide juridictionnelle


sont publiées et le Conseil constitutionnel a adopté son règlement de
procédure. L’ensemble de ces textes organisent la procédure constitu-
tionnelle qui peut naître à l’occasion d’une instance devant une juri-
diction judiciaire, civile ou pénale, ou administrative. Voici les gran-
des lignes de ce dispositif à trois étages : - toute personne pourra, à
l’occasion d’une instance, soulever la question tirée de la contrariété
de la loi avec la Constitution. Cette question pourra être soulevée de-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
vant toutes les juridictions à toute étape de la procédure ; - cette ques-
tion sera renvoyée au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui
s’assureront que les conditions de renvoi sont bien réunies ; - ces
Cours suprêmes transmettront alors la question au Conseil constitu-
tionnel, seul juge de la constitutionnalité de la disposition législative,
qui pourra l’abroger s’il la juge contraire à la Constitution.
C’est le lieu ici d’indiquer schématiquement les apports de la loi
organique. Trois points paraissent essentiels pour résumer le contenu
législatif de cette loi organique : premièrement, la loi organique tra-
duit le souci à la fois d’ouvrir largement ce nouveau droit mais
d’empêcher qu’il conduise à entraver le bon fonctionnement de la jus-
tice.
Il y aura bien sûr des tentatives d’utilisation procédurière de la
question de constitutionnalité. L’expérience étrangère l’a montré. Le
législateur organique était fondé à prendre des mesures destinées à
éviter de satisfaire ceux qui n’attendent de la question de constitu-
tionnalité qu’un effet dilatoire sur les procédures. C’est ce qui expli-
que les particularités procédurales de la question prioritaire de cons-
titutionnalité : l’obligation qu’elle soit soulevée dans un mémoire
distinct et motivé ou l’interdiction de la soulever devant la Cour
d’assises (mais elle pourra être soulevée avant et après le procès cri-
minel).
C’est aussi la raison pour laquelle la procédure de la question
prioritaire de constitutionnalité est enfermée dans des délais : le juge
a quo devra statuer « sans délai » (ce qui signifie « aussi vite que pos-
sible ») ; la Cour de cassation devra dire, dans les trois mois, si elle
saisit ou non le Conseil constitutionnel et, enfin, le Conseil consti-
tutionnel aura, lui-même, trois mois pour statuer.

132
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Dans sa décision du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a


ajouté une précision importante sur ces délais : le but de ce dispositif
est de permettre que la durée d’examen de la question prioritaire de
constitutionnalité s’impute bien sur le temps de la procédure et ne se
rajoute pas à celui-ci.
Deuxièmement, la loi organique pose le caractère « prioritaire » de
la question de constitutionnalité. Une question « prioritaire », ce n’est
donc pas une question préjudicielle. Ici, la question de constitutionna-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
lité est prioritaire. Cette disposition est fondamentale. Dans l’ordre
interne, la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes.
Cette primauté de la Constitution est reconnue par le Conseil consti-
tutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation. Cette primauté du
droit constitutionnel s’exerce, bien sûr, à l’égard du droit communau-
taire. En conséquence, il n’est constitutionnellement pas possible que
le juge tranche une question d’incompatibilité avec le droit commu-
nautaire avant de s’être prononcé sur la transmission d’une question de
constitutionnalité.
Dans ce cadre, il est bien sûr possible que tout juge pose égale-
ment une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg. C’est
même un devoir pour les juridictions statuant en dernier ressort
lorsqu’elles rencontrent les difficultés d’interprétation dans le droit
communautaire. La règle générale de priorité de la question de cons-
titutionnalité ne porte que sur l’ordre d’examen des moyens.
Troisièmement, la loi organique fixe les trois critères qui condi-
tionnent la transmission de la question prioritaire de constitutionna-
lité à la Cour de cassation par le juge du fond. Ainsi, la question
prioritaire de constitutionnalité sera transmise à la Cour de cassation
ou au Conseil d’État si trois conditions sont remplies :
1re condition : « La disposition contestée est applicable au litige ou à
la procédure ou constitue le fondement des poursuites ». C’est un critère
assez simple qu’on peut résumer ainsi : si le moyen
d’inconstitutionnalité est inopérant, il n’y a pas lieu de transmettre.
2e condition : « La disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la
Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil
constitutionnel sauf changement des circonstances ».

133
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cela appelle deux observations. Pour nous, une question particu-


lièrement importante sera : comment savoir si la disposition a été
déjà examinée par le Conseil constitutionnel ? Cet exercice,
avouons-le, est pénible, voire périlleux tant le tableau exhaustif des
déclarations de conformité n’est pas publié.
Qu’est-ce que le « changement des circonstances » ? Le Conseil cons-
titutionnel a donné des précisions dans sa décision du 3 décembre
2009 : il ne doit pas s’agir des circonstances du cas d’espèce dont le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
juge est saisi (sinon, toute affaire nouvelle serait un changement des
circonstances et ce critère serait sans effet). Ce sont les circonstances
de droit ou de fait qui affectent la portée de la disposition législative
contestée. On parle ici des circonstances générales, non des circons-
tances particulières.
3e condition : « La question n’est pas dépourvue de caractère sé-
rieux ». Ce critère est ce qu’on appelle un standard : ce sera au juge
d’apprécier au cas par cas les questions prioritaires de constitution-
nalité sérieuses et celles qui ne le sont pas. En tout cas, ce qu’il faut
retenir de ce critère, c’est qu’il n’est pas demandé au juge de procé-
der à un examen approfondi de la constitutionnalité : la question à
laquelle le juge devra répondre n’est pas « la disposition législative est-
elle constitutionnelle ? » mais « y a-t-il un doute sur sa constitutionnali-
té ? »
L’on peut noter ici que le prétoire est désormais ouvert aux avo-
cats. Cette question prioritaire de constitutionnalité est une procédure
juridictionnelle particulière qui vise spécifiquement l’abrogation de la
disposition législative. C’est en quelque sorte un recours préalable en
abrogation. Concrètement, l’avocat déterminera le choix de soulever
ou non le moyen de constitutionnalité.
Premièrement, le Constituant et le législateur organique ont fait
un choix clairement exprimé : la question prioritaire est un droit du
justiciable et c’est à lui, et à lui seul, de décider s’il pose ou non une
question prioritaire de constitutionnalité. C’est la raison pour la-
quelle la loi organique a interdit au juge de soulever d’office une
question prioritaire.
Deuxièmement, la question prioritaire de constitutionnalité ne
sera recevable que si elle est présentée dans un écrit distinct et moti-

134
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

vé. En droit, il n’y a pas d’assistance ou de représentation obligatoire


pour poser une question prioritaire de constitutionnalité. En fait,
cette procédure est ouverte aux justiciables qui sauront recourir à
des conseils juridiques avisés.
Troisièmement, l’existence concomitante d’une protection consti-
tutionnelle des droits fondamentaux et d’une protection convention-
nelle, par la Convention européenne des droits de l’homme, pourra
justifier des stratégies procédurales fines : dans certains cas, en fonction

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
de certains objectifs, l’intérêt du justiciable sera d’invoquer seulement
un moyen de constitutionnalité, dans d’autres cas, il préférera invo-
quer la Convention européenne des droits de l’homme. Là encore, le
conseil de l’avocat sera déterminant. Les avocats ont toute leur place
dans la procédure devant le Conseil constitutionnel L’introduction
d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori constitue une avancée
majeure pour la protection des droits et libertés. Cette avancée impli-
quera de faire toute leur place aux avocats dans la procédure devant le
Conseil constitutionnel. En effet, avec la question prioritaire de consti-
tutionnalité il y aura un véritable procès de constitutionnalité devant
le Conseil constitutionnel et une véritable audience publique. C’est le
règlement intérieur du Conseil qui précisera les règles de procédure. Le
Conseil a adopté ce document avant le 1er mars 2010.
En particulier, le Conseil constitutionnel, les parties pourront
ainsi, par l’intermédiaire de leurs avocats, formuler des observations
orales. À partir du 1er mars 2010, le Conseil va donc s’ouvrir vérita-
blement aux avocats. À tous les avocats : aux avocats à la Cour
comme aux avocats aux Conseils. Il n’y a pas de monopole de repré-
sentation devant le Conseil constitutionnel. C’est aux plus compé-
tents des avocats de s’imposer.
Le temps où le Conseil constitutionnel était pour les avocats un
organe lointain et un peu mystérieux est révolu. Les portes du
Conseil, comme les portes de tout prétoire, leur sont ouvertes. Pour
le Conseil constitutionnel, c’est une révolution profonde qui
s’opère. Pour les juristes français de tout bord, ce sont des champs
nouveaux de l’argumentation juridique qui s’ouvrent. Mais
l’essentiel est là : pour l’État de droit, c’est-à-dire pour tous, nul n’en
doute, c’est un progrès.

135
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ce modèle, par mimétisme institutionnel, a séduit plusieurs na-


tions africaines postcoloniales ; la République démocratique du
Congo dont le système sera plus loin analysé semble avoir rejoint le
peloton d’arrière de cette armada francophone de suivistes. 240 Toute-
fois, il est tentant, à ce niveau déjà, de relancer le débat français de la
VIe République qui entraînerait, à coup sûr, une refonte probable-
ment en faveur d’une Cour constitutionnelle.
Ce qui semble être la voie suivie par le Constituant belge dont le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
système de justice constitutionnelle mérite de recevoir les apprécia-
tions théoriques dans les lignes qui suivent.

§ 2. Belgique241
Le Royaume de Belgique présente un intérêt historique indénia-
ble lorsqu’il s’agit de la République démocratique du Congo, car
plus d’un siècle d’histoire commune242 ne peut se solder par pertes et
profits sans au départ un inventaire détaillé des actif et passif com-
muns même au niveau des institutions de droit.243

240
Lire avec intérêt, du BOIS DE GAUDUSSON (J.), CONAC (G.) et
DESOUCHES (C.), Les constitutions africaines publiées en langue française,
tome 1, Paris, La Documentation française, Bruxelles, Bruylant, 1997 ; lire
également sur cette notion de « suivisme » ou de « remorquisme
constitutionnel », KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à l’étude de la
fraude en droit constitutionnel congolais, thèse de doctorat en droit public,
Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2007.
241
Depuis le 8 mai 2007, la révision de l’article 142 de la Constitution a changé
l’appellation de la Cour d’arbitrage qui se nomme désormais « la Cour
constitutionnelle ».
242
Voir, à titre illustratif, les écrits révélateurs de J. MARCHAL, L’État libre du
Congo : paradis perdu. L’histoire du Congo 1876-1900, 2 volumes, Borgloon,
Éditions Paula Bellings, 1996 ; aussi, NDAYWEL e NZIEM (I.), Histoire générale
du Congo. De l’héritage ancien à la République démocratique, Bruxelles, Larcier,
1998.
243
Voy BANYAKU LUAPE EPOTU, Chronologie, Monographie et Documentation
sur l’histoire politique au Congo des années 60 aux années 90, Kinshasa, Compodor,
2000 ; NDAYWEL e NZIEM (I.), Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien
à la République démocratique, Bruxelles, Larcier, 1998. L’état des lieux de nos
rapports étatiques mutuels fait l’objet d’un lourd contentieux à la fois politique,
financier et psychologique qui est souvent vidé par des accords politiques qui

136
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

En effet, anciennement sous occupation française, la Belgique n’a


pas échappé au légicentrisme de la métropole qu’elle n’a daigné
bousculer que par sa « loi spéciale de réformes institutionnelles » du
8 août 1980 qui a prévu l’institution d’une Cour d’arbitrage à
l’article 107 ter de la Constitution belge telle que révisée à cette date.
La loi du 28 juin 1983 a organisé et précisé les attributions et le fonc-
tionnement de la Cour d’arbitrage. La révision constitutionnelle du
15 juillet 1988 et la loi spéciale du 6 janvier 1989 pour élargir la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
compétence de cette Cour ont modifié les textes organiques anté-
rieurs.
Sans doute, le législateur en adoptant les lois, doit pouvoir les
confronter à la Constitution et ainsi il interprète cette dernière ;
mais cette interprétation qui n’est pas authentique c’est-à-dire défini-
tive, générale et obligatoire liant les autres pouvoirs dans l’État ne
revêtira qu’un caractère incidentiel, limité au cas d’espèce. Le doyen
Francis Delpérée enseigne, du reste, que pareil pouvoir
d’interprétation authentique ne peut et ne doit appartenir qu’au
pouvoir constituant, seul organe habilité à réviser la Constitution. 244
Dans l’ordonnancement juridique belge, la Constitution se place
au sommet de la pyramide des normes, suivie dans l’ordre hiérarchi-
que de la loi spéciale, la loi ordinaire, le décret communautaire ou
régional adopté à la majorité spéciale, le décret ordinaire et les or-
donnances des institutions bruxelloises, les arrêtés du pouvoir exécu-
tif national et des gouvernements de communauté ou de région, les
règlements et les arrêtés provinciaux et, au pied de l’édifice normatif,
les règlements et les arrêtés communaux.245

ressemblent plutôt à des pis-aller qu’à de véritables conventions internationales


dont le caractère licite serait hors d’atteinte tant en droit international qu’en
droits internes belge et congolais. Lire, pour compléter l’information quant à ce,
NGUYA NDILA (C.), Les conséquences juridiques de l’indépendance du Congo-
Kinshasa sur les engagements internationaux antérieurs, thèse de doctorat d’État en
droit public, Université de Paris, 1969 ; voir aussi MULUMBA LUKOJI,
Succession d’États aux droits patrimoniaux. Le cas de l’ex-Congo belge, Kinshasa,
PUZ, 1979, partie II, 272 p. ; LEJEUNE (C.), « Le contentieux financier belgo-
congolais », Revue belge de droit international, n° 5, Bruxelles, 1959, pp. 536-337.
244
DELPEREE (D.), « Au nom de la Loi » in J.T., Bruxelles, 1975, p. 492.
245
ERGEC (R.), Introduction au droit public, tome 1, Le système institutionnel,

137
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’on peut dire que la doctrine belge, devant le mutisme de la Cons-


titution elle-même car en effet aucune disposition constitutionnelle
n’autorise ni n’interdit explicitement aux juridictions de vérifier la
constitutionnalité des lois et des décrets, est demeurée longtemps divi-
sée.
Une frange de cette doctrine a, longtemps, opiné que le principe
de la séparation des pouvoirs et celui de la souveraineté de la loi dans
son domaine interdisent ce contrôle de la loi, œuvre de la représen-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
tation nationale. Le risque du gouvernement des juges, technocrates
non élus, qui tiendraient en échec la volonté générale en faisant pré-
valoir les considérations d’opportunité politique. C’est la thèse clas-
sique du légicentrisme.246
Une autre partie de la doctrine réfute, à raison, cette argumenta-
tion et justifie la juridiction constitutionnelle. 247 Cependant, il im-
porte de constater que, fort longtemps, les juridictions suprêmes
belges ne furent convaincues. Jusqu’en 1974, elles ont, par leur juris-
prudence, refusé tout contrôle de constitutionnalité des lois.
La Cour de cassation belge en son arrêt du 3 mai 1974 a confirmé
sa traditionnelle position de refus de tout contrôle des lois. Le Conseil
d’État de son côté ne semble guère fournir un seul cas de contrôle de
constitutionnalité des lois même si toutefois le contrôle en ce qui est
des arrêtés et des règlements se retrouvent dans le champ du contrôle
des cours et tribunaux qui se fondent alors sur le prescrit de
l’article 159 de la Constitution belge pour refuser d’appliquer lesdits
arrêtés et règlements non conformes à la Constitution. Quant au
Conseil d’État, le recours habile à l’article 14 des lois coordonnées du
12 janvier 1973 justifie en son chef le pouvoir d’annuler lesdits textes
lorsqu’ils ne sont pas conformes à la Constitution.248

2e édition revue et augmentée, coll. À la rencontre du droit, Bruxelles, Story


Scientia, 1994, p. 70.
246
GANSHOF VAN DER MEERSCH, Conclusions à Cass. Belge, 27 mai 1971,
Pasicrisie, 1971, I, pp. 886 et s.
247
Lire VANWELKENHUYZEN (A.), « L’attribution des pouvoirs spéciaux et le
contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois », in J.T., Bruxelles, 1974, p. 602 ;
VELU (J.), Droit public, op. cit., pp. 252 et s.
248
ERGEC (R.), op. cit., p. 70, n° 202.

138
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Notons, en passant, que la section de législation du Conseil d’État


belge exerce un contrôle préventif des lois par voie d’avis. Il s’agit, à
n’en point douter, d’une compétence non juridictionnelle.
La reconnaissance d’une pluralité des législateurs nationaux, com-
munautaire ou régional et communal, par le biais de la révision cons-
titutionnelle a justifié logiquement la nécessité d’instituer un juge apte
à trancher les nombreux conflits de compétence dont la section des
conflits du Conseil d’État était jadis chargée mais en matière des lois

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
et des décrets des anciens conseils culturels seulement.249
Quant à son statut, il sied de constater que son fonctionnement
est régi actuellement par la loi du 6 janvier 1989 qui intègre les dis-
positions antérieures relatives à cette Cour dont la place spécifique
dans le système institutionnel belge est située hors de trois pouvoirs
traditionnels de l’État.250 La Cour est ainsi une juridiction spécialisée
et compétente pour statuer sur la compatibilité des actes législatifs
avec la Constitution et certaines lois votées en vertu de celle-ci. Il
s’agit toutefois d’une juridiction constitutionnelle à compétence li-
mitée même si de l’interprétation extensive de sa propre compétence
il ressort que la Cour d’arbitrage s’est affranchie de facto des limites
constitutionnelles qui la rendaient inapte à contrôler toutes les dis-
positions constitutionnelles.
Mais pour formaliser, le législateur spécial est attendu sur ce ter-
rain pour transformer cette Cour en juridiction constitutionnelle à
part entière. Il s’agit du système centralisé qui est l’émanation du
modèle kelsénien. En effet, la Cour n’est compétente qu’en ce qui
concerne le contrôle des lois, décrets et ordonnances qui violent les
règles de répartition de compétence entre l’État, les communautés et
les régions ou qui méconnaissent les articles 10, 11 et 24 de la Cons-
titution portant respectivement sur l’égalité devant la loi et la liberté
d’enseignement.
Quant à sa composition, il importe de noter que la Cour est
composée de douze membres dont six d’expression française et six

249
Idem, p. 224, n° 526.
250
DELVA (J.), « Profil constitutionnel de la Cour d’arbitrage » in A.P. T., Bruxelles,
1991, pp. 1 et s.

139
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

autres d’expression néerlandaise. Les juges sont nommés à vie par le


Roi sur une liste double présentée alternativement par le Sénat et la
Chambre des représentants et adoptée à la majorité de deux tiers des
membres du parlement présents.251
L’origine des juges se situe au Conseil d’État, à la Cour de cassa-
tion, à la Cour d’arbitrage même en qualité de référendaire, ou dans
l’enseignement du droit en qualité de professeur pendant au moins
cinq ans. Les anciens parlementaires, ayant siégé pendant au moins

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
cinq ans, à la chambre des représentants ou au sénat ou même aux
conseils communautaires ou régionaux, peuvent être nommés à la
Cour ; il se passera que finalement la Cour compte autant des magis-
trats professionnels que d’anciens parlementaires.
La Cour comporte deux présidents élus par chacun de deux grou-
pes linguistiques et qui assument la présidence de la Cour à tour de
rôle et pour une année civile. Notons aussi que les juges sont assistés
par quatorze référendaires nommés par la Cour à la suite d’un
concours effectué au vœu des articles 38 à 39 de la loi spéciale du
6 janvier 1989 prérappelée. Les candidats doivent être âgés d’au
moins quarante ans.
Comme l’observe Rusen Ergec, il s’agit d’équilibres et des dosages
subtils alliant des considérations de légitimité, de représentativité et
de qualifications professionnelles252.
Il importe de rappeler que, quant à sa compétence ratione mate-
riae, au départ, la Cour avait reçu compétence du législateur spécial
de 1983 de trancher les conflits de compétence entre l’État et ses col-
lectivités constituantes, sur pied de l’article 1er paragraphe premier
de la loi du 28 juin 1983 déjà citée. Il lui sera reconnu la compétence
depuis 1989 de connaître des atteintes au principe d’égalité et de
non-discrimination tel que porté aux articles 10 et 11 de la Constitu-
tion et à la liberté d’enseignement telle que garantie à l’article 24 de
la même Constitution. Les autres droits fondamentaux ne font pas

251
Loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage, article 42 ; lire aussi L.
FAVOREU, Les cours constitutionnelles, Paris, PUF, 1996, pp. 109-110.
252
ERGEC (R.), op. cit., p. 226, n° 529.

140
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

partie formellement de la censure de la Cour et de ce fait, ne sont


nullement protégés par elle.253
Cette affirmation du doyen Favoreu a subi un fort tempérament
du fait que depuis le 7 mai 2007, la Cour constitutionnelle, nouvelle
appellation de la Cour d’arbitrage, s’est vue confier la compétence
de contrôler les lois, décrets et ordonnances au regard du titre II de
la Constitution belge (articles 8 à 32 relatifs aux droits et libertés des
Belges) ainsi que des articles 170 et 172 (légalité et égalité des impôts)

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
et 191 (protection des étrangers).254
La procédure devant la Cour d’arbitrage est non seulement écrite
mais elle est également contradictoire. Elle siège en chambre res-
treinte de sept membres. Usant d’un mécanisme de filtrage des re-
cours institués par la loi spéciale de 1989 susmentionnée, la Cour
peut, à l’initiative de deux juges rapporteurs, en une de ses chambres
composée de ces rapporteurs et du président, déclarer que la procé-
dure est irrecevable ou qu’elle est incompétente quant à la question
préjudicielle qui lui aurait été soumise ou renvoyée, ou même qu’elle
le serait à l’égard d’un recours en annulation qui serait formé devant
elle.
Il s’est néanmoins posé la question capitale, à nos yeux, de la
compatibilité des exigences de l’article 6 de la Convention euro-
péenne des droits de l’homme avec la loi spéciale sur la procédure
applicable devant la Cour d’arbitrage en ce, notamment, qu’il n’est
pas fait reproche au parlementaire qui a siégé lors de l’adoption
d’une loi querellée devant la Cour de délibérer plus tard comme juge
constitutionnel.
Qu’à cela ne tienne, il est utile de noter que relativement à la com-
pétence, la Cour d’arbitrage dispose de deux types d’attributions. Elle
est juge de constitutionnalité des actes législatifs et aussi celui de ques-
tions préjudicielles ; dans cette occurrence, il s’exerce un contrôle abs-

253
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., pp. 110-111. Lire aussi avec
intérêt FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz,
1996, pp. 54, 55, 69 et 71.
254
Consulter http://const-court.be/fr/common/content_home.html du 4 mars
2008.

141
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

trait lorsqu’il s’agit du contentieux d’annulation des actes législatifs et


un contrôle concret dans le cas de l’examen des questions préjudiciel-
les.
Le droit belge présente ainsi la particularité que la Cour constitu-
tionnelle est compétente tant à l’égard des règles de répartition des
compétences entre l’État, les communautés et les régions qu’à
l’endroit de droits fondamentaux garantis aux articles 10 et 11 de la
Constitution c’est-à-dire le principe d’égalité et de non discrimination

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
des Belges.
À cet égard, la Cour agit comme gardienne juridictionnelle du
pacte fédéral. Une interprétation extensive a inclus les droits et li-
bertés portés par les traités255 internationaux directement applicables
dans l’ordre interne belge ainsi que tous les droits fondamentaux
tant qu’ils sont reconnus à tous les Belges.
Notons en passant que seuls le Conseil des ministres et le gouver-
nement des communautés et des régions sont habilités à saisir la
Cour en annulation. Les présidents des assemblées législatives natio-
nales, communautaires et régionales, à la demande de deux tiers de
leurs membres, peuvent également saisir la Cour. Pour ces autorités,
aucun intérêt ne doit être excipé, il est de plein droit. La doctrine a
même parlé de l’intérêt fonctionnel.256
De même, il est utile de noter qu’au-delà de l’interprétation souple
de la notion d’intérêt, il est arrivé à la Cour constitutionnelle belge de
recevoir les requêtes émanant des personnes privées, physiques ou
morales, justifiant d’un intérêt. Le recours restait ouvert tant en ce qui
concerne les règles répartitrices des compétences entre les entités
composantes et l’État qu’en ce qui concerne les libertés fondamentales
à la condition que la violation de la norme répartitrice de compétence
ait enfreint un droit subjectif du requérant.

255
BECKERS (M.), L’autorité et les effets des arrêts de la Cour d’arbitrage, Bruxelles,
Story Scientia, 1987, p. 7.
256
COURTOY (C.), « Intérêt fonctionnel et intérêt statutaire devant la Cour
d’arbitrage », Mélanges offerts à Jacques Velu, Bruxelles, Bruylant, 1992, tome 1,
p. 403 cité par ERGEC (R.), op. cit., p. 229, note 185.

142
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Dans cette occurrence, un délai de six mois suivant la publication


de l’acte législatif querellé constitue le dies ad quem du recours en
annulation. Toutefois, un nouveau délai de six mois est ouvert lors-
que, statuant sur question préjudicielle, la Cour a déclaré un acte lé-
gislatif non conforme aux règles de partage de compétences entre
l’État et ses entités composantes ou même aux articles 10, 11 et 24 de
la Constitution.
Les arrêts de la Cour ont l’autorité absolue de la chose jugée dès

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
leur publication au Moniteur belge. L’annulation ainsi prononcée
opère erga omnes et ex tunc. La Cour est habilitée à limiter les effets
de l’annulation dans le temps, tout comme elle peut annuler un acte
législatif en entier ou en partie ; les arrêts de rejet d’annulation sont
obligatoires à l’égard des juridictions avec le même effet erga omnes.
Il arrive aussi, et c’est l’une des compétences de la Cour constitu-
tionnelle belge, que le requérant sollicite la suspension de la norme
dont l’annulation est poursuivie. Ceci peut se dérouler dans la même
requête ou dans une requête distincte. Lorsque la Cour provisoire-
ment a examiné la recevabilité de la susdite requête, elle peut ordon-
ner la suspension de la norme suspectée pour une durée maximale de
trois mois endéans laquelle elle devra se prononcer quant au fond de
la demande d’annulation.
Deux conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’à titre
exceptionnel soit accordée la suspension sollicitée. Il faut présenter
de moyens sérieux d’annulation et démontrer que l’exécution provi-
soire de la norme suspectée est de nature à créer un préjudice grave
difficilement réparable.
Au-delà du pouvoir discrétionnaire dont jouit la Cour à ce ni-
veau, il sied de penser que le juge constitutionnel belge procède à un
préjugé, ce qui peut poser, théoriquement, la question de la fiabilité
d’une décision prise par un juge qui a déjà opiné implicitement.
C’est la sempiternelle question des décisions interlocutoires.
Il est de droit que la Cour belge tranche aussi les questions préju-
dicielles qui lui sont posées par les parties ou d’office par les autres
juridictions devant lesquelles elles ont été posées. Le système centra-
lisé belge favorise d’ailleurs le développement des questions préjudi-
cielles qui sont par définition des négations de compétence des juri-

143
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dictions non constitutionnelles. Ainsi donc, tous les organes juridic-


tionnels sont tenus de poser la question préjudicielle à la Cour.
Un tel système dont le risque d’engorgement est prévisible est
néanmoins tempéré par quatre cas où le législateur spécial belge a
érigé des exceptions au renvoi préjudiciel dont nous venions de dire
qu’il était obligatoire pour les juges inférieurs ; ces cas sont les sui-
vants :
1° Il s’agit du cas où l’action est irrecevable pour des motifs de

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procédure tirés des normes ne faisant pas elle-même l’objet de la de-
mande de question préjudicielle. L’on pense ainsi aussi aux irreceva-
bilités qui seraient liées à la tardiveté, au non accomplissement des
formalités de procédure qui empêcheraient de toute façon la Cour à
examiner le bien fondé de la question préjudicielle qui lui serait
soumise.
2° Il est admis que le juge ne devrait pas renvoyer devant la Cour
une question préjudicielle qui aurait déjà fait l’objet d’un examen
précédent. C’est la logique juridique fondée sur l’adage non bis in
idem qui interdit en effet le réexamen par un juge quel qu’il soit
d’une question qu’il aurait par ailleurs déjà tranchée.
3° Le juge qui estime que la solution à réserver à la question préju-
dicielle ne serait pas de nature à l’aider à résoudre le litige principal
n’est pas tenu de déférer cette question au juge constitutionnel belge.
Cette exception est évidemment un tempérament sérieux au caractère
centralisé de la justice constitutionnelle belge ; en effet, ce pouvoir
d’appréciation de tout juge confie indirectement à ce dernier une por-
tion de la compétence du juge constitutionnel au point qu’une frange
de la doctrine l’a qualifié « d’insécurité juridique ».257
4° Le juge peut estimer que la norme querellée devant lui ne viole
pas manifestement les règles dont la Cour assure le respect. Les re-
marques faites au tertio ci-haut s’appliquent de même ici avec la vi-
gueur. Rusen Ergec note à cet effet que « la non application de trois
(dernières) exceptions à la Cour de cassation et au Conseil d’État a

257
SUETENS (L.P.) et LEYSEN (R.), « Les questions préjudicielles : cause d’insécurité
juridique ? » in La sécurité juridique, Liège, Éditions du Jeune Barreau, 1993, p. 52
cités par R. ERGEC, op. cit., p. 233, note 212.

144
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

pour effet de les astreindre à une obligation excessivement rigide et,


selon lui, difficilement justifiable ».258
Cette critique, à notre avis, n’est pas non plus justifiée car en ef-
fet, la Cour de cassation et le Conseil d’État jouant, dans un système
de dualité d’ordre des juridictions, le rôle de cours régulatrices de la
jurisprudence des juridictions inférieures de chacun de leurs ordres,
il ne serait pas logique du point de vue de la cohérence de l’ordre
juridique belge qu’il y ait concurrence des jurisprudences « constitu-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240054
tionnelles » de la Cour constitutionnelle d’avec celle du Conseil
d’État ou de la Cour de cassation. Le renvoi préjudiciel obligatoire
évacue ce risque. Michel Fromont conclut de belle manière que « la
justice constitutionnelle n’est jamais concentrée » c’est-à-dire que les
juridictions ordinaires ne sont pas totalement dépourvues de compé-
tences constitutionnelles.259
Au demeurant, les arrêts rendus sur renvoi de question préjudi-
cielle n’ont que l’autorité relative de chose jugée même s’ils
s’imposent à la juridiction de renvoi et à tout juge qui serait appelé à
statuer sur la même question ou sur un litige analogue. Francis Del-
pérée n’a pas hésité, à raison, d’y voir une troisième catégorie
d’autorité de la chose jugée qu’il a qualifiée d’autorité relative renfor-
cée.260
L’on doit à la vérité d’observer que le système de filtrage prévu
par la loi spéciale de 1989 est de nature à rendre l’accès au juge cons-
titutionnel belge assez difficile pour tout particulier. Évidemment,
les avantages techniques sont légion dans la mesure où la Cour peut
sereinement se concentrer sur les seuls recours « sérieux ».
Dans cette perspective, en effet, tout recours ou toute question
préjudicielle renvoyée devant la Cour est d’abord examiné par une
chambre restreinte composée du président et de deux rapporteurs.
Cette chambre peut lors dudit examen aboutir à l’irrecevabilité
du recours, auquel cas elle met fin audit recours à son niveau, ou au

258
ERGEC (R.), op. cit., p. 233.
259
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 78.
260
DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles, Paris,
Bruylant, LGDJ, 2000, pp. 322-325.

145
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

non fondement du recours introduit devant la Cour, dans ce cas,


seule la Cour rejettera ledit recours en sa formation plénière. 261
En analysant les statistiques aujourd’hui vieillottes de Louis Favo-
reu, nous ne pouvons que conclure avec lui en opinant que « la justi-
ce constitutionnelle belge joue désormais un rôle essentiel dans le sys-
tème politique et juridique belge ». 262

§ 3. Allemagne

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
Parler de l’Allemagne, c’est plus précisément parler de la Répu-
blique fédérale d’Allemagne qui a établi une juridiction constitu-
tionnelle depuis la Loi fondamentale du 8 mai 1949. L’intérêt à atta-
cher à l’étude de l’ordre juridictionnel constitutionnel allemand est
évident pour une jeune nation en voie de démocratisation comme la
République démocratique du Congo.
Au sortir des affres de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne
post-hitlérienne ne pouvait et n’a pu qu’adopter le modèle Kelsenien
de la justice constitutionnelle. D’abord, par effet de mode de
l’Occident post conflit, mais aussi et surtout par nécessité de recher-
cher un mécanisme susceptible d’enrayer voire de conjurer définiti-
vement les grosses dérives totalitaires dont le peuple allemand a payé
le tribut le plus lourd.
L’idéologie nationale-socialiste du Führer devrait être évacuée par
la loi du 12 mars 1951 qui établit la Cour constitutionnelle allemande.
Elle commencera son fonctionnement réel en septembre 1951. De
1947 à 1955, à l’exception des Lander de Schleswig-Holstein et de Ber-
lin, des Cours constitutionnelles furent établies dans tout le pays.

261
Lire avec intérêt et pour prolonger la réflexion sur la Cour d’arbitrage devenue
depuis le 8 mai 2007 la Cour constitutionnelle, DELPEREE (F.) (sous la
direction de), Le recours de particuliers devant le juge constitutionnel, Actes du
colloque de Louvain, Paris, Economica, 1991. Le même auteur réserve de
développements très riches à la description critique du juge constitutionnel belge
dans l’ouvrage collectif, DELPEREE (F.) et Alii, Regards croisés sur la Cour
d’arbitrage, Bruxelles, Bruylant, 1995.
262
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., pp. 112-113. Il se situe en
effet en 1995.

146
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Cinq nouvelles Cours ont été établies dans les Lander de l’ex-
Allemagne de l’Est.263
L’on sait que la Cour constitutionnelle allemande se compose de
seize membres répartis entre deux chambres appelées également
« sénats » de huit membres chacune.
Trois juges de chaque chambre doivent être des juges fédéraux
c’est-à-dire des juges ayant exercé pendant trois ans au moins au sein
de cinq juridictions supérieures suivantes : la Cour de cassation, le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
Tribunal administratif fédéral, la Cour fédérale suprême en matière
fiscale, le Tribunal fédéral du travail et la Cour fédérale d’arbitrage
fédéral. Ce qui donne un chiffre de six juges sur seize.
Les dix autres juges d’autres chambres doivent être désignés parmi
les personnes âgées de plus de quarante ans et ayant les diplômes re-
quis pour exercer les fonctions de magistrat. 264
Il est donc entendu que ces magistrats sont recrutés parmi les per-
sonnalités politiques ou universitaires ayant effectué les deux exa-
mens de droit c’est-à-dire possédant outre la licence, un doctorat en
droit.
La moitié des membres de la Cour constitutionnelle fédérale est
élue par le Bundestag, l’autre moitié par le Bundesrat265. L’on peut
noter que ces désignations qui ont un caractère politique manifeste
se font néanmoins sur la base des listes dressées par le ministère de la
justice et qui comportent les noms des magistrats fédéraux remplis-
sant les conditions requises ainsi que ceux des postulants qui sont

263
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 49. L’exemple allemand a
quelque chose de symbolique et même de symptomatique d’une lutte pour la
démocratie à travers des décennies de dictature parfois sanglantes mais souvent
confinant même à la catastrophe de l’Holocauste. De ce point de vue, la Cour
constitutionnelle se présente comme un contre-pouvoir constitutionnel dont le
fonctionnement rend en revanche les décisions de cet organe tout au moins
constitutionnelles. L’organe d’annulation, on le sait depuis Hans KELSEN,
produit des normes au moins égales à celles qu’il annule.
264
FROMONT (M.) et RIEG (A.), Introduction au droit allemand, tomes 1 et 2,
Paris, Cujas, 1977, 1984 cités par FAVOREU (L.), Les Cours constitutionnelles,
op. cit., p. 50.
265
Loi fondamentale, article 94 alinéa 1er.

147
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

proposés par un groupe parlementaire du Bundestag, le gouverne-


ment fédéral et les gouvernements des Lander. Les deux chambres
du parlement choisissent selon diverses modalités dans les listes ainsi
présentées mais à la majorité de deux tiers.
Dans les faits, enseigne Jean Gicquel, l’on assiste à une répartition
du droit de nomination entre les partis.266 Louis Favoreu, quant à
lui, opine que la répartition des sièges se fait en réalité après accord
entre les deux grands partis (C.D.U. et S.P.D.).267 L’on observe une

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
présence massive des professeurs de droit et des avocats parmi les
juges de la Cour constitutionnelle allemande.
Les juges sont désignés pour un mandat de douze ans mais la limi-
te d’âge est fixée à soixante-huit ans révolus. Ce mandat n’est pas re-
nouvelable. Chaque juge est élu pour siéger dans l’une ou l’autre
chambre de la Cour et sans permutation possible. Le président et le
vice-président président, chacun, une chambre. Chacune des cham-
bres joue un rôle spécifique. Michel Fromont et André Rieg n’ont
pas hésité de qualifier ces deux chambres de « deux tribunaux dis-
tincts ».268 La Cour jouit de l’autonomie administrative et financiè-
re ; elle ne dépend guère du ministère de la justice pour son person-
nel de même qu’elle dispose d’un budget autonome. Selon la tradi-
tion allemande rapportée par M. Béguin, la Cour a son siège à Karl-
sruhe car les juridictions suprêmes ne siègent pas dans la même ville
que les assemblées et le Gouvernement.269
S’agissant de la procédure suivie devant la Cour, il est utile
d’indiquer qu’il y est fait recours tant aux règles de procédure civile
que celles de procédure pénale de même que celles issues du règle-
ment intérieur de la Cour et cela, malgré la loi du 12 mars 1951 telle
que modifiée à ce jour régissant la procédure à suivre devant la
Cour. En effet, cette loi ne pose que des principes généraux. Ainsi la
procédure est orale et écrite cependant depuis 1963 il n’y a pas

266
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 315.
267
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 50.
268
Idem, p. 52.
269
BEGUIN (J.-C.), Le contrôle de la constitutionnalité des lois en RFA, Paris,
Economica, 1982 cité par FAVOREU (L.), Les Cours constitutionnelles, op. cit.,
p. 52.

148
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

d’audience orale si toutes les parties y ont renoncé. Chaque chambre


siège à six juges au moins.
Lorsqu’il s’agit de la déclaration d’inconstitutionnalité d’un parti
politique, la chambre statue à la majorité des deux tiers des juges
présents tandis que pour les autres matières, la majorité simple des
juges présents suffit. La possibilité de publier des opinions dissiden-
tes et même le détail des votes reste ouverte aux auteurs de ces opi-
nions. Par ailleurs, des sections sont fonctionnelles au sein de ces

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
deux chambres et siègent à trois juges notamment dans le conten-
tieux de recours constitutionnels directs.270
Avec Jean Gicquel, remarquons que la Cour siège, de manière ex-
ceptionnelle, en plenum, lorsqu’une chambre entend procéder à un
revirement de jurisprudence. Notons que chaque Land dispose d’une
Cour constitutionnelle, ce qui a pour conséquence que les juristes
sont particulièrement sollicités en Allemagne dont on prétend au
demeurant que la langue est la langue juridique par excellence. 271
Il est classique de présenter les chefs de compétence de la Cour
constitutionnelle allemande en trois branches : la défense de l’ordre
constitutionnel, la défense de la répartition des compétences entre
les pouvoirs publics et la défense du principe de constitutionnalité.
Dans le détail, remarquons que la Cour est un tribunal électoral
d’appel. Elle dispose en effet de l’aptitude à examiner les recours
formés par ceux dont l’élection est contestée par le Bundestag dans le
délai d’un mois, par un électeur dont la demande aura été rejetée par
le Bundestag mais à condition que se joignent à lui cent autres élec-
teurs.
La Cour exerce de même la fonction de Haute Cour de Justice c’est-
à-dire de tribunal répressif. Cette fonction s’exerce en effet sur la mi-
se en accusation du président de la République fédérale par le Bun-
destag ou le Bundesrat pour violation volontaire de la loi fondamen-
tale ou d’une autre loi fédérale. Elle est également compétente pour

270
Déjà en 1996, le doyen FAVOREU faisait remarquer que 98 % des saisines
étaient examinées par les sections des trois juges. C’est marquer, du point de vue
du volume du travail, le rôle que jouent ces sections au sein de la Cour.
271
GICQUEL (J.), op. cit., p. 315, note 49.

149
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

statuer en matière de prise à partie des juges fédéraux. La pratique


n’indique aucun cas d’application de ce chef de compétence.
Dans ce contexte, la Cour peut de même déchoir de ses droits fon-
damentaux « quiconque mésuse de la liberté d’expression notam-
ment de la liberté de la presse, de la liberté d’enseignement, de la li-
berté de réunion, de la liberté d’association, du secret de correspon-
dance, de la poste et des télécommunications, de la propriété ou du
droit d’asile pour lutter contre la liberté et la démocratie ».272

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
Et cela, à la demande du Gouvernement fédéral, du Bundestag ou
du gouvernement d’un Land. À la demande de ces autorités et du
Bundesrat, la Cour peut interdire un parti politique pour violation
des principes de la Loi fondamentale.273
En tant que cour fédérale, elle statue sur les litiges opposant la fé-
dération et les Lander ainsi que les Lander entre eux.274
La Cour tranche les conflits entre organes constitutionnels de la fé-
dération aux termes de la Constitution.275 Là, il s’agit de préciser que
par organes constitutionnels, la Cour entend non seulement le pré-
sident de la fédération, le gouvernement fédéral, les deux chambres
mais également, dans certaines hypothèses, les groupes parlementai-
res, les députés et les partis politiques. Par ailleurs, le différend à
trancher doit être réel et porter sur l’interprétation d’une ou de plu-
sieurs dispositions constitutionnelles à un cas concret. Ce recours
doit être introduit dans le délai de six mois à dater de la survenance
du différend.
La Cour exerce un contrôle de la qualité et du sens des normes lors-
que, sur demande d’une autorité publique ou d’une juridiction, elle
se prononce sur la question de savoir si un texte antérieur à la Cons-
titution dont l’application est sollicitée est encore en vigueur comme
droit fédéral ou droit des Lander.276

272
Loi fondamentale, article 18.
273
Loi fondamentale, article 21.
274
Loi fondamentale, article 93, §1, alinéas 3 et 4.
275
Loi fondamentale, article 91, §1, alinéa 1er.
276
NTUMBA-LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit., p. 174
range ce contentieux parmi ceux de la compatibilité. Bien que l’idée soit celle

150
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Le juge peut saisir la Cour constitutionnelle lorsqu’il éprouve des


« doutes sur la question de savoir si une règle de droit international
fait partie du droit fédéral et si elle crée directement des droits et des
devoirs pour les particuliers ».
Enfin, si la Cour constitutionnelle d’un Land, lors de
l’interprétation de la loi fondamentale, veut déroger à une décision
de la Cour constitutionnelle fédérale ou de la Cour constitutionnelle
d’un autre Land, elle doit soumettre la question à la décision du Tri-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
bunal constitutionnel fédéral ».277
La Cour constitutionnelle allemande apprécie les recours consti-
tutionnels des particuliers formés contre les lois, les actes adminis-
tratifs et les jugements. En effet, aux termes de l’article 93 § 1, ali-
néa 4a de la Loi fondamentale allemande telle que révisée le
29 janvier 1969, « quiconque estime avoir été lésé par les pouvoirs
publics dans un de ses droits fondamentaux » peut introduire un re-
cours constitutionnel.
La formule constitutionnelle de « pouvoirs publics » étant expres-
sément large, elle englobe manifestement les expressions normatives
de l’État telles que les lois, les actes administratifs réglementaires ou
individuels et les jugements rendus par les cours et tribunaux. Et
même les traités, nous dit Jean Gicquel.278
Ceci s’explique par le fait que les juristes allemands sont très atta-
chés à la notion d’État de droit formulée par eux dès 1860 et dont ils
font découler les grands principes de droit constitutionnel : sépara-
tion des pouvoirs, hiérarchie des normes, droits fondamentaux des
individus, non-rétroactivité des lois et des actes administratifs.279

exprimée par cet auteur, il sied d’y voir l’influence des études de droit
international public sur le vocabulaire du contentieux constitutionnel. Il s’agit
tout simplement de la constitutionnalité des textes.
277
FAVOREU (L.), Les Cours constitutionnelles, op. cit., p. 55 ; voir aussi de
GUILLENCHMIDT (M.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Economica, 2005, pp. 159-160.
278
GICQUEL (J.), op. cit., p. 316, 1°. Parlant du traité, cet éminent
constitutionnaliste cite l’affaire du 12 octobre 1993 relative au Traité de
Maastricht.
279
RDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, op. cit., p. 276.

151
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Dans l’examen de ces recours constitutionnels, la Cour allemande


joue le rôle de cour administrative et de super Cour de cassation. Par
ce biais, en effet, la Cour uniformise le droit allemand car elle casse
généralement les décisions rendues par les juridictions fédérales su-
prêmes.
S’agissant du contrôle de constitutionnalité des lois et des traités,
il importe de noter que celui s’exerce a priori et a posteriori. Le
contrôle préventif s’exerce sur la loi d’approbation d’un traité qui

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doit être déférée à la Cour constitutionnelle avant sa promulgation,
sur le refus de promulguer la loi opposée par le Chef de l’État : à cet-
te occasion, un organe constitutionnel en désaccord avec ce refus
soumet la loi à promulguer à la censure du juge constitutionnel qui a
ainsi le prétexte de l’examiner avant de se prononcer sur le refus de
la promulguer ; de même, l’entrée en vigueur d’une loi peut être re-
tardée jusqu’à l’arrêt de la Cour constitutionnelle si celle-ci a sus-
pendu son exécution par une ordonnance provisoire.
En revanche, le contrôle a posteriori s’exerce de trois manières
suivantes :
1° Le contrôle abstrait des normes peut être déclenché contre une
loi fédérale par le gouvernement d’un Land ou un tiers des membres
du Bundestag. Il s’effectue contre toutes les catégories des lois y
compris les lois constitutionnelles tant du point de la forme que du
fond. Le droit allemand autorise le requérant non seulement à solli-
citer l’annulation de la norme suspectée d’inconstitutionnalité mais
aussi de demander la confirmation de la susdite norme et dans ce cas,
de solliciter son application par l’autorité gouvernementale ou ad-
ministrative. 280
2° Le contrôle concret des normes sur renvoi des tribunaux.
Avant 1956, seuls les tribunaux supérieurs pouvaient renvoyer de-
vant la Cour constitutionnelle la question préjudicielle de la consti-
tutionnalité. Depuis la réforme du 2 août 1993, une section de trois
juges peut déclarer un renvoi irrecevable. 281

280
FAVOREU (L.) Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 58.
281
C’est le mécanisme bien connu du filtrage des recours même si, ici, il s’applique à
un renvoi de juridiction.

152
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Il faut noter au demeurant que le renvoi n’est possible que pour


les lois postérieures à la Constitution, celles adoptées avant cette der-
nière pouvant être appréciées par tout tribunal saisi de la question
sauf si elles ont été modifiées après l’entrée en vigueur de la Consti-
tution auquel cas elles sont assimilées aux lois nouvelles.
Cependant, il sied de remarquer que le renvoi opéré par le juge al-
lemand se fait sans tenir compte des conclusions des parties de même
que la Cour constitutionnelle n’est pas limitée dans sa saisine à la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
disposition dont le juge de fond demande l’annulation. La décision
de la Cour a effet erga omnes et doit être publiée au Journal Officiel.
3°Le recours constitutionnel à l’initiative des particuliers s’exerce
si une atteinte aux droits du requérant vient directement de la loi
mais cela endéans un an à dater de l’entrée en vigueur de la loi. Si
l’atteinte provient de l’exécution de la loi par le juge ou par
l’administration, le délai est d’un mois à dater de la notification au
requérant mais après épuisement des voies des recours ordinaires.
Il y a cependant, dit Louis Favoreu, assouplissement à la règle de
l’épuisement des voies de droit ordinaires lorsque l’on sait à l’avance
que le recours a peu de chances d’aboutir ou bien « quand il s’agit
d’une question d’intérêt général ou si le demandeur devait subir un
préjudice grave et inévitable s’il était renvoyé aux juges de droit
commun ».282
L’on peut simplement retenir que le requérant doit avoir été lésé
dans l’un de ses droits fondamentaux énumérés dans les premiers
articles de la Constitution ou aux articles 20, alinéa 4, 33, 38, 101,
103 et 104.
Cette énumération n’est pas limitative pour la Cour qui considère
en effet que « les droits fondamentaux forment un ordre juridique
objectif qui doit être interprété non comme une série des garanties
ponctuelles, mais comme un système cohérent et complet de valeurs
qui vise à la protection de la dignité de la personne humaine et à son
libre développement ».283

282
Idem, p. 59.
283
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 60.

153
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ce qui fait dire à Jean Gicquel que « la Cour a grandement favori-


sé le règne du droit, achevant sur ce point capital, une tendance qui
s’esquissait déjà sous Weimar à juridiciser les problèmes politi-
ques ».284
La doctrine nous apprend que la Cour constitutionnelle n’est pas
tenue de statuer quant au fond des recours qui lui sont soumis. Elle
dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant au tri à opérer sur cer-
tains cas lorsqu’elle réalise qu’il est nécessaire de faire évoluer le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
droit constitutionnel.
En outre, les conclusions des requérants ne lient guère la Cour
qui reste maîtresse de soulever même d’office l’inconstitutionnalité
de la loi dès lors que le litige qui lui est déféré par voie de recours
contre un acte administratif ou juridictionnel suppose l’application
d’une telle loi. Elle peut enfin prendre ex officio une ordonnance
provisoire de suspension de la loi.
La déclaration ou même la constatation de l’inconstitutionnalité
de la loi amène inéluctablement à son annulation. Mais devant les
effets pervers de l’annulation de la loi déférée devant elle, la Cour a
recours à des méthodes qui tendent à tempérer les effets de
l’annulation. L’annulation étant rétroactive ou ex tunc, les effets
pervers sont légion lorsqu’il s’agit d’une loi en vigueur depuis des
décennies et ayant entraîné dans son sillage plusieurs actes secondai-
res dont l’annulation subséquente entraînerait sans coup férir un
immense chaos dans l’ordonnancement juridique.
Aussi, la loi sur la Cour constitutionnelle corrige-t-elle déjà en
disposant qu’à l’exception des jugements en matière pénale qui peu-
vent donner lieu à réouverture des procès, « les décisions qui sont
fondées sur une norme déclarée nulle… mais qui ne peuvent plus fai-
re l’objet d’une contestation, subsistent… ».285
En revanche, la Cour a mis au point une autre technique dite
d’annulation partielle qualitative qui consiste à déclarer la loi déférée
nulle seulement en ce qui concerne telle situation et pas telles autres.

284
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 316.
285
Voir article 79 de la loi sur la Cour constitutionnelle citée par L. FAVOREU,
op. cit., p. 61.

154
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Elle utilise de même la technique de l’interprétation conforme qui


consiste à maintenir la loi censurée en vigueur mais à condition que
son interprétation soit conforme à celle donnée par le juge constitu-
tionnel.
Il y a au demeurant possibilité de recours à la déclaration
d’inconstitutionnalité sans annulation subséquente lorsqu’il y a attein-
te au principe d’égalité ou à un autre droit fondamental en corréla-
tion avec le principe d’égalité.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
Enfin, la dernière technique est celle de l’annulation différée par la-
quelle la Cour n’annule pas la loi mais la frappe de précarité en indi-
quant au législateur qu’elle n’est plus que provisoirement constitu-
tionnelle pour les raisons précisées dans les motifs et lui fait donc in-
jonction de modifier la loi en lui fixant parfois un délai précis. Il s’agit
en effet du cas où la loi est devenue inconstitutionnelle par le fait de
l’évolution des faits ou du droit alors qu’à l’origine elle était parfaite-
ment édictée.
Après ce bref survol de l’état du droit en République fédérale
d’Allemagne, l’on peut affirmer qu’au-delà même de l’État de droit il
y a l’État des juges.286 Autant dire que la Cour est en prise perma-
nente avec l’exercice du pouvoir. Elle y est parfaitement intégrée, à
la vérité.287
La toute puissance de la Cour allemande a été, en doctrine, dénon-
cée, mais il faut remarquer qu’en pratique la protection des droits
fondamentaux et l’uniformité de l’interprétation qui s’acquière par le
biais notamment de recours constitutionnels à l’initiative des particu-
liers donnent de l’Allemagne une image excellente en matière de pro-
tection des droits de l’homme.
La critique paraît dénuée de tout fondement tant il est évident
qu’avec le fonctionnement de la coalition majoritaire CDU-SPD,
tout contrôle parlementaire devient aléatoire et illusoire et « la dis-
parition en pratique de la responsabilité parlementaire – du fait mê-
me de cette coalition majoritaire gouvernementale – du Gouverne-

286
FAVOREU (L.), op. cit., p. 65.
287
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel…, op. cit., p. 316, B.

155
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ment fait que la Cour constitutionnelle fédérale sera amenée de plus


en plus à assumer cette fonction afin de garantir un contrôle effectif
du Gouvernement ».288
Aussi, se place-t-elle parmi les États en avant-garde de l’État de
droit. En effet, ici comme ailleurs, les droits fondamentaux ont pris
un essor considérable au point d’être considérés non seulement
comme des droits invocables contre l’État mais aussi et surtout
comme un système cohérent des valeurs s’imposant à tout produc-

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teur normatif : législateur, administrateur ou juge.
L’explication finale pourrait être trouvée dans l’adage populaire :
« chat échaudé craint l’eau froide… ». La crainte du retour aux an-
nées du national socialisme nazi est-elle la même pour la Russie ?

§ 4. L’exemple récent de la Russie


La doctrine moderne tend à classer la Cour constitutionnelle rus-
se parmi le modèle d’apparition récente en Europe de l’Est et en
Afrique ou encore au sein du droit constitutionnel de la transition
dans ce pays.289
L’immense fédération de Russie, le plus grand pays du monde en
superficie, soit 17 075 000 km2 s’étendant sur onze fuseaux horaires,
pour une population de 150 millions d’habitants, est composée de 89
« sujets », à l’autonomie plus ou moins développée : 21 républiques,
6 territoires (Krai), 49 régions (Oblast), 2 villes d’importance fédérale
(Moscou et Saint Petersbourg), 1 région autonome juive (Birobidjan)
et 10 districts autonomes. Chacun de ces « sujets » dispose
d’institutions politiques propres avec un organe à compétence légi-
slative locale et un exécutif : gouverneur ou autres.290
Pays-phare de l’ex-URSS, la Russie ne peut être étudiée au mépris
de son histoire politique qui est fort remarquable. Il faut seulement
noter relativement au sujet qui nous occupe qu’à l’époque de l’ex-

288
Lire avec intérêt les idées essentielles de Louis FAVOREU et de Michel
FROMONT à propos de cette critique dont l’inanité est aussi proverbiale que
ne l’est son énoncé principiel même.
289
Voir NTUMBA-LUABA LUMU (A.-D.), op. cit., p. 178, C.
290
de GUILLENCHMIDT (M.), op. cit., p. 165, n° 4.2.2.1.

156
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Union soviétique, l’article 121 de la Constitution du 4 novembre


1977 confiait à l’instance législative nationale la compétence de veil-
ler au respect de la constitution. En revanche, l’article 125 du texte
issu de la révision constitutionnelle du 1er décembre 1988 a établi un
comité de surveillance constitutionnelle.
Du fait que le contrôle ainsi instauré est simplement politique, il
y a lieu de voir dans l’institution d’une Cour constitutionnelle une
véritable novation car le centralisme démocratique qui caractérisait les

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institutions de l’ex-Union soviétique interdisait justement toute effi-
cacité de contrôle ; de même qu’il est aberrant de voir en ces méca-
nismes autre chose qu’un droit constitutionnel décoratif ou en tout
cas établi pour de raisons purement idéologiques.
D’où la vielle querelle de dogmatiques d’avec les pragmatiques. 291
Qu’à cela ne tienne, il importe simplement de voir qu’ils étaient
tous d’accord sur les bases de la société et discutaient plutôt sur la
méthode à suivre pour faire advenir le Grand soir. Dans une telle
atmosphère délétère, la justice constitutionnelle joue plutôt le rôle
ingrat d’authentification des décisions des organes dirigeants du Parti
communiste.
La constitution de la Russie approuvée par référendum du
12 décembre 1993 institue une Cour constitutionnelle. Pour bien
montrer qu’une nouvelle ère a été entamée, dit Michel de Guillens-
chmidt, les auteurs de la Constitution de 1993 se sont montrés sou-
cieux de se référer aux principes sur lesquels repose le fonctionnement
des démocraties occidentales.292 Par rapport aux différents passés de la
Russie, ce texte constitue donc une indéniable novation, renchérit le
doyen de Paris V.293
La Cour est composée de 19 juges nommés par le Conseil de la
fédération sur proposition du président de la fédération de Russie. 294
Ils sont donc élus à la majorité absolue. Elle a été créée le 7 février
1995 et ses membres jouissent d’un mandat de douze ans non renou-

291
Lire ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 8e édition,
Paris, LGDJ, 1996, p. 354.
292
de GUILLENCHMIDT (M.), op. cit., p. 167.
293
Ibidem.
294
Article 128 § 1 de la Constitution de 1993.

157
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

velable. Le président de la Cour est également élu au vote secret par


ses pairs pour un mandat de trois ans renouvelable. Les juges doivent
être âgés d’au moins 40 ans et au maximum, de 70 ans.
Le juge à la Cour doit vérifier des qualités suivantes pour être
nommé : il doit être un citoyen de réputation irréprochable, avoir
une formation juridique supérieure, jouir d’une expérience profes-
sionnelle de 15 ans et témoignant d’une haute qualification dans le
domaine du droit.295

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Elle est compétente, sur demande du président de la fédération de
Russie, du conseil de la fédération, de la Douma d’État, du gouver-
nement de la fédération de Russie, d’un cinquième des membres du
Conseil de la fédération ou des députés à la Douma d’État, de la
Cour suprême et de la Cour d’arbitrage de la fédération de Russie,
des organes des pouvoirs législatif et exécutif des sujets de la fédéra-
tion de Russie :
1° pour statuer sur la conformité à la Constitution des lois fédéra-
les, des actes normatifs du président de la fédération de Russie, du
Conseil de la fédération, de la Douma d’État, du gouvernement de la
fédération de Russie ;
2° pour apprécier la conformité à la Constitution des constitu-
tions des républiques et des traités internationaux de la fédération de
Russie non encore entrés en vigueur ;
3° pour régler les conflits de compétence entre les organes du
pouvoir de la fédération de Russie et les organes du pouvoir d’État
des sujets de la fédération de Russie ;
4° pour statuer, à la demande des tribunaux, sur les recours rela-
tifs à la violation des droits et libertés constitutionnels des citoyens
et aboutir ainsi à la vérification dans un cas concret de la constitu-
tionnalité d’une loi appliquée ou applicable ;
5° pour interpréter la Constitution fédérale et ce, sur requête du
président de la fédération de Russie, du gouvernement de la fédéra-
tion de Russie, des organes du pouvoir législatif de sujets de la fédé-
ration de Russie.

295
Voir le tableau dressé par FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit.,
pp. 116-117.

158
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Quant aux effets des arrêts de la Cour constitutionnelle, il impor-


te de signaler que les actes reconnus non-conformes à la Constitu-
tion cessent de produire des effets juridiques alors que s’agissant de
traités internationaux reconnus tels, ils n’entrent point en vigueur et
ne peuvent être donc appliqués.
Dans la mise en cause de la responsabilité pénale du Chef de
l’État pour haute trahison ou commission de toute autre infraction
grave, l’avis de la Cour est sollicité par le Conseil de la fédération.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
Dotée, comme on le voit, de pouvoirs constitutionnels impor-
tants, la Cour n’est pas le seul garant du fédéralisme russe ; il faut
prendre en compte les pouvoirs spécifiques du président de la Fédé-
ration de Russie et l’existence du Conseil de la fédération qui repré-
sente les sujets.
Concernant le président de la fédération de Russie, il peut, en cas
de litige opposant le pouvoir fédéral à un ou plusieurs sujets, procé-
der à une conciliation ou à défaut, saisir les tribunaux. Mais au cas
où les actes des organes du pouvoir exécutif des sujets sont contraires
à la constitution et aux lois fédérales, aux obligations internationales
de la fédération ou violent les droits et libertés de l’homme et du ci-
toyen, le président de la Russie a le droit d’en suspendre les effets
jusqu’à la décision des tribunaux.
Quant au Conseil de la fédération, bien qu’il n’ait pas des pou-
voirs étendus comme la Douma d’État, il dispose, du fait qu’il ne
peut être dissout car représentant de sujets de la Fédération de Rus-
sie, d’une partie du pouvoir constituant dérivé.
Il faut reconnaître cependant que depuis l’an 2000, avec l’accession
au pouvoir de M. Vladimir Poutine, la Cour constitutionnelle dont
les arrêts et avis n’étaient guère respectés a été systématiquement invi-
tée à trancher les conflits de compétence et elle l’a fait, avoue le doyen
Michel de Guillenschmidt, souvent dans le sens de la restauration
d’un État fédéral fort.296
En termes conclusifs, il sied de noter que la Russie a fait un géant
bond en avant en matière d’érection d’un État de droit. Non seule-
ment qu’elle se qualifie ainsi à l’article 1er de sa Constitution, désa-
vouant, par là, le credo communiste antérieur qui justifiait doctrina-

296
Voir de GUILLENCHMIDT (M.), op. cit., p. 166.

159
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

lement le régime en le qualifiant aussi de démocratique, mais aussi et


surtout elle procède à un énoncé aussi long que fastidieux des liber-
tés et droits reconnus aux citoyens : 54 articles sont consacrés à cette
proclamation.
Déjà en 1999, le maître de la Sorbonne opinait que sous la prési-
dence du professeur Toumanov, la nouvelle Cour qui a déjà rendu
plusieurs arrêts semble faire preuve de qualités.297 Le survol même
savant des cours constitutionnelles du monde entier, comme l’a ten-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
té, avec un européocentrisme muet, Michel Fromont, ne peut être
opératoire dans un travail de cette ampleur que si le chercheur relève
les traits caractéristiques de chacun des modèles afin de rendre aisé le
travail du comparatiste et finalement même celui de tout juriste qui
se pose des questions essentielles sur le contrôle des actes des autori-
tés suprêmes de l’État.298
Comme on l’aura vu, en filigrane, il ne s’est agi que des modèles
qui épousent le tempérament de chaque peuple confirmant par là
qu’une institution n’a de fondement solide que dans le mental du
peuple qui est à la fois le créateur et le destinataire final de toutes
choses dans la société.299
Par l’étude des traits caractéristiques d’un système, l’on tente géné-
ralement de théoriser les modèles qui s’appliquent dans le monde et,
de ce fait, d’en indiquer la parenté génétique qui demeure le souci
fondamental de l’homme de se protéger contre les oppressions de tou-
tes sortes et surtout lorsqu’elles sont le fait des puissants.300
Voyons à présent ce qui en est des traits doctrinaux de la justice
constitutionnelle.

297
GICQUEL (J.), op. cit., p. 345.
298
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, 8e édition, Paris, Dalloz, 2005,
p. 457.
299
Lire dans ce sens, BORELLA, (F.) État, pouvoir et société à l’aube du XXIe siècle,
Mélanges, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1999.
300
C’est le fondement de tout contrôle dans l’État qui s’apprécie comme une peur
atavique de l’homme comme les oppressions sans doute nombreuses et les
menaces que l’humanité subit ou inflige à la vie. C’est l’économie morale dont
les fondations peuvent également expliquer l’attrait de l’humanité vers le
contrôle des normes au regard de celle considérée, du moins en théorie, comme
parfaite parce que fondamentale ou l’œuvre du plus grand nombre.

160
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

CHAPITRE II :
LES TRAITS DU CONTENTIEUX
CONSTITUTIONNEL

Après un long survol de quelques pays symbolisant l’un ou


l’autre modèle de la justice constitutionnelle dans le monde, il nous
paraît utile, à ce niveau de l’étude, de brosser les traits saillants de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
chacun de ces deux prototypes pour voir plus tard s’il est possible de
créer un autre modèle ou tout simplement accommoder les données
techniques de ceux qui existent aux ambitions d’une Cour constitu-
tionnelle véritablement congolaise.
Commençons par ce qui caractérise le modèle américain qui est
premier dans le temps avant de voir dans une section seconde ce
qu’il en est du modèle européen.

Section 1 : LES CARACTÉRISTIQUES DU MODÈLE


AMÉRICAIN
Le modèle américain que nous avons étudié au travers de sa ver-
sion originale et des avatars auxquels il a donné naissance peut se sai-
sir en effet de façon analytique par les caractéristiques que nous
aborderons dans chacun des paragraphes suivants.

§ 1. Le contrôle diffus
Cette caractéristique qui est essentielle montre bien que le modèle
américain est décentralisé dans la mesure où tout juge américain peut
statuer sur la constitutionnalité d’une norme inférieure à la Consti-
tution.
Les questions de droit constitutionnel301 sont considérées comme
des questions relevant de la compétence de n’importe quel juge quel-

301
Ici l’expression « droit constitutionnel » infère aux droits et libertés garantis
aux particuliers par la Constitution américaine et par la Déclaration des droits.
Au-delà des normes constitutionnelles fondatrices du système politique
américain ou celles relatives au pacte fédéral, les normes de référence pour le
contrôle constitutionnalité sont souvent celles relatives aux droits de l’homme.

161
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

le que soit sa place dans la hiérarchie judiciaire. La justice constitu-


tionnelle est diffuse ou décentralisée. 302
Dans le cas des États-Unis d’Amérique, les voies de recours sont
celles de la common law ou celles d’equity ; si les premières sont
nombreuses celles de l’equity peuvent également soulever des ques-
tions incidentes de droit constitutionnel.303
Il existe cependant une seule voie de droit de l’equity qui peut
donner lieu directement à une contestation de la constitutionnalité

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
d’une loi, il s’agit de la demande d’injonction de ne pas exécuter une
loi qui n’est pas conforme. Le juge ne tranche la question de consti-
tutionnalité qu’à la condition que la solution du litige principal dé-
pende de cet incident.
Le juge garde toutefois la latitude de se prononcer en deux direc-
tions : il peut écarter l’application de la loi ou de l’acte administratif
inconstitutionnel ou bien l’appliquer en lui donnant un sens qui soit
conforme à la Constitution. Les voies de recours cependant peuvent
faire qu’en fin de compte seule la Cour suprême sera à même de
trancher de façon définitive la question de constitutionnalité, les dé-
cisions des juges inférieurs n’étant valables qu’inter partes.304
Par le jeu de la règle du précédent, les jugements de la Haute
Cour bien qu’inter partes elles aussi finiront par avoir une autorité
absolue de chose jugée vis-à-vis de tous. Il faut ajouter tout de suite
cependant que la règle du précédent ne bénéficie qu’aux cours supé-
rieures, les juridictions inférieures elles-mêmes étant souvent timides
pour trancher les questions de droit constitutionnel. 305

La jurisprudence américaine de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique


indique cette référence aux droits et libertés individuels de façon récurrente.
Voir PINTO (R.), Jurisprudence constitutionnelle de la cour suprême des États-
Unis, Paris, PUF, 1965.
302
FROMONT (M.), op. cit., p. 46.
303
FROMONT (M.), op. cit., p. 46.
304
ALLAND (D.) et RIALS (S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture
juridique, Paris, Lamy, PUF, 2003, pp. 270-271.
305
Voir FROMONT (M.), op. cit., 46 ; lire également REYNAUD (P.), « Des droits
de l’homme à l’État de droit. Les droits de l’homme et leurs garanties chez les
théoriciens français du droit public », in Droits, n° 2, Paris, PUF, 1985.

162
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

En outre, le recours spécifique du pourvoi en certiorari qui res-


semble à notre pourvoi en cassation donne toujours la possibilité à la
Cour suprême de trancher la question de droit constitutionnel qui
lui est soumise.306
En dehors du cas des États-Unis d’Amérique, il y a le cas des au-
tres pays de la common law qui ont adopté le même système diffus
de justice constitutionnelle. Tel est le cas du Canada où cependant le
plaideur dispose du droit à solliciter réparation pécuniaire d’une loi

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inconstitutionnelle devant la juridiction suprême. D’autres variantes
existent de même en Inde qui reconnaît des compétences de premiè-
re instance à la Cour suprême pour les questions de conflits entre la
fédération et les États membres ou entre ceux-ci seulement.307
Il faut souligner que même dans certains pays de droit romaniste,
il est reconnu le droit de contrôle de la constitutionnalité par voie
d’incident aux juridictions ordinaires. C’est le cas de l’Allemagne
dont nous avons vu ci-haut qu’elle dispose d’une Cour constitution-
nelle à compétences très étendues.
Là aussi, le juge ordinaire jouit d’un pouvoir de contrôle incident
pour vérifier la constitutionnalité de certaines lois, celles antérieures
à l’entrée en vigueur de la Loi fondamentale soit le 23 mai 1949.308
L’on peut désormais affirmer que le caractère diffus de la justice
constitutionnelle de type américain reste la règle même si de plus en
plus il est remarqué une centralisation du contrôle qui a abouti par
exemple, aux États-Unis d’Amérique au phénomène selon lequel la
Cour suprême impose le respect de la Constitution, interprétée par
elle, au législateur fédéral (Marbury versus Madison en 1803), ou fé-
déré (Fletcher versus Peck en 1810) ainsi qu’à toutes les autorités
administratives, locales ou nationales y compris la plus prestigieuse :
le président des États-Unis (US versus Richard Nixon en 1974). 309
Il s’agit, à n’en point douter, d’une des caractéristiques fondamen-
tales du système de justice constitutionnelle de type américain. Mais

306
TURPIN (D.), op. cit., p. 642.
307
FROMONT (M.), op. cit., p. 48.
308
Ibidem.
309
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 645.

163
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

elle n’est pas la seule ainsi que nous le verrons à propos de l’étude
d’autres traits saillants du même modèle.

§ 2. Le contrôle a posteriori
Ainsi que nous le verrons plus loin à propos de la séparation des
pouvoirs dont l’application semble être stricte dans la conception
américaine du droit, il est plus que logique que le contrôle de consti-
tutionnalité dans ce modèle soit a posteriori. En effet, censurer une

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
loi en chantier participerait, dans cette logique, de l’exercice du pou-
voir législatif confié par la Constitution fédérale au seul Congrès et
aux législatures des États.
Cette caractéristique n’est pas exclusive de la justice constitution-
nelle de type américain car en effet, il est de ces juridictions constitu-
tionnelles d’autres types qui pratiquent aussi le contrôle a posteriori.
En termes plus clairs, c’est plutôt le contrôle préalable des lois qui
est ignoré dans ce système.
Sur ce trait de la justice constitutionnelle, il y a lieu d’observer
que, sous ce rapport, même le droit constitutionnel juridictionnel
français marque un conservatisme foncier qui traduit historiquement
la volonté affichée de ne pas censurer la loi, expression de la volonté
générale ou celle de la Nation.
Dans le dernier rapport Balladur sur la modernisation et le ré-
équilibrage des institutions de la Ve République, l’option est levée
timidement en la seule faveur de l’exception de constitutionnalité
qu’il faudrait par ailleurs enchâsser dans des techniques de renvoi par
des juridictions suprêmes de l’ordre administratif ou de l’ordre judi-
ciaire et uniquement en ce qui est de la violation des droits et liber-
tés des citoyens.310
Dès lors, le type américain, étant fondé sur la technique de
l’exception d’inconstitutionnalité, semble trouver son fondement
logique et technique dans le contrôle a posteriori car il s’agit, en fait,
de faire évincer une disposition législative ou réglementaire existant

310
BALLADUR (E.), Une Ve République plus démocratique, Bibliothèque d’études
doctorales juridiques de la Sorbonne, Paris, 2007, 162 p.

164
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

dans l’arsenal juridique de l’État mais qui transgresse un droit fon-


damental ou une liberté publique.
Au demeurant, ce trait semble s’accommoder avec le caractère
diffus de la justice constitutionnelle du type sous examen puisque le
contrôle étant confié à tout juge ou à plusieurs juges, il est acquis
que ce contrôle aussi décentralisé ne peut s’exercer qu’a posteriori,
étant entendu que le contrôle abstrait et préalable ne se conçoit que
devant un juge spécialisé, ce qui est l’apanage du modèle kelsenien.

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Il faut toutefois affirmer que cette caractéristique n’est pas essen-
tielle car dans le modèle américain il existe des avatars qui admettent
le contrôle postérieur à la promulgation de la loi. C’est le cas, on l’a
vu, du système brésilien.
De l’étude du modèle tout entier, il revient que finalement sa
configuration se dessine après l’abord de tous ses éléments constitu-
tifs et non pas à l’analyse d’un seul caractère. Aussi, abordons-nous
ici l’étude du contrôle par voie d’exception.

§ 3. Le contrôle par voie d’exception


Dans cette expression devenue familière et à la fois polysémique,
le terme technique est celui d’exception311. Polysémique en effet, le
terme « exception » peut vouloir signifier étymologiquement ce qui
est hors de prise (ex capere). Elle peut échapper à la règle en demeu-
rant en marge de celle-ci sans l’affecter directement ; elle tient une
place à côté de la règle mais lui reste en principe étrangère.

311
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction), Lexique des termes
juridiques, 6e édition, paris, Dalloz, 1985, p. 200 définissant l’exception comme
« moyen par lequel le défendeur demande au juge, soit de refuser d’examiner la
prétention du demandeur parce que l’instance a été mal engagée (incompétence
du tribunal, irrégularité d’un acte de procédure), soit de surseoir à statuer jusqu’à
la mise en cause d’un garant, l’expiration du délai accordé à un héritier pour faire
inventaire et délibérer. Dirigée contre la procédure, seulement, l’exception ne
constitue qu’un obstacle temporaire. Après décision sur l’exception, la procédure
reprend son cours devant le même tribunal ou est recommencée devant lui ou
devant un autre ».

165
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Dans un second sens, l’exception est intégrée dans la règle et


prend deux formes : soit l’alternative (dualité de solutions prévue
par la règle), soit la dérogation (l’autorité censée appliquer la règle
l’écarte sur la base des motifs qu’elle apprécie – telles l’urgence ou la
nécessité – et détermine une solution originale ignorée du texte).
Dans un troisième sens enfin, l’exception peut mettre en échec la
règle qui ne prévoit ni alternative ni dérogation. La règle est violée :
l’acte accède au rang d’exception à condition que des justifications

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
puissantes viennent en quelque sorte pardonner la soustraction, de-
venue simple écart, simple tempérament de la norme.312
Ces développements de François Saint-Bonnet, fort riches du
point de vue de la philosophie du droit, ne présentent qu’un menu
intérêt pour ce qui est de la justice constitutionnelle. En effet, si le
premier sens donné par cet auteur à la notion d’exception semble
cadrer avec l’usage qui en est fait en contentieux constitutionnel, il
faut remarquer cependant que cette expression est empruntée au
droit judiciaire qui lui donne un sens fort technique et donc très
strict.
Michel de Villiers définit l’exception d’inconstitutionnalité qui
donne lieu à la caractéristique sous étude comme « une technique
procédurale par laquelle une partie à un procès oppose à son adver-
saire la non-conformité à la Constitution de la loi invoquée contre
lui. Si le juge admet l’exception, la loi n’est pas invalidée mais décla-
rée inapplicable à l’espèce ».313
Cette définition qui est correcte du point de vue du droit consti-
tutionnel présente le défaut de ne pas détailler en quoi consiste cette
technique procédurale car, dans une instance, plusieurs moyens de
défense sont à la disposition du défendeur qui peut ainsi en les sou-
levant faire échec à la demande. Aussi, du point de vue du conten-
tieux constitutionnel, l’exception ainsi visée s’entend d’une fin de
non-recevoir, c’est-à-dire d’une défense en justice liée à une préten-

312
SAINT-BONNET (F.), « Exception, nécessité, urgence » in ALLAND (D.) et
RIALS (S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy,
Quadrige, PUF, 2003, pp. 673-678.
313
de VILLIERS (M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3e édition, Paris,
Armand Colin, 2001, p. 106.

166
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

tion qui empêche le juge de statuer sur le fond de cette prétention


jusqu’à ce qu’elle soit vidée par un juge compétent.314
C’est cela que l’on nomme également une question préjudicielle
car elle conteste la compétence du juge saisi de vider la totalité des
questions soumises à son examen.
Après ce toilettage conceptuel, il sied de voir que dans le modèle
américain fondé sur les litiges concrets, la question de constitution-
nalité ne peut être résolue que par voie d’exception sous réserve des

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
détails fort utiles que nous avons relevés à l’occasion de l’étude des
quelques dérivés du modèle sous analyse.
La technique d’exception d’inconstitutionnalité s’entend également
d’une obligation faite au juge ordinaire qui doute de la constitutionna-
lité d’une loi et parfois d’une autre règle de droit de surseoir à statuer
sur le litige à trancher et de saisir la cour spéciale de la question de la
constitutionnalité de la loi : c’est la procédure de contrôle concret de
la constitutionnalité des lois.315
L’on peut affirmer, en outre, que l’exception constitue la meilleu-
re manière de faire trancher une difficulté constitutionnelle par un
juge mais à la condition que cette dernière ait un lien évident avec
l’issue du litige principal. Et ce qui distingue ainsi l’exception dans le
modèle américain sous étude d’avec la même notion dans les autres
modèles, c’est qu’elle peut être résolue par le juge devant lequel elle
est soulevée.
Techniquement, l’exception ainsi soulevée prend la nature juridi-
que d’une question préalable316 plutôt que d’une question préjudiciel-
le317 comme c’est le cas dans le modèle européen que nous analyse-
rons dans la seconde section de ce chapitre.

314
BLOCK (G.), Les fins de non-recevoir en procédure civile, Paris, Nice, Bruxelles,
LGDJ, Université Nice Sophia Antipolis, Bruylant, 2002, 453 PP. Nous
empruntons cette définition de fin de non-recevoir à cet auteur et plus
précisément dans sa belle thèse publiée et spécialement à la page 49.
315
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 21.
316
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes
juridiques, 6e édition, Paris, Dalloz, 1985, p. 365.
317
Idem, p. 365.

167
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Comme nous le verrons dans les sections suivantes, le modèle


américain est caractérisé par l’autorité relative de la chose jugée qui
s’attache presque automatiquement à toute décision judiciaire ren-
due entre parties. Mais par le jeu des voies de recours exercées contre
la décision ainsi rendue, il arrive finalement que la Cour suprême
des États-Unis tranche de manière à mettre fin à la querelle ou à la
controverse constitutionnelle.
L’autorité ou le prestige de cette haute juridiction et sa place dans

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
le paysage constitutionnel et politique américain rendent en fin de
comptes l’autorité relative de la chose jugée comme un dogme dé-
passé car aucune autre juridiction ni aucun pouvoir public ne peu-
vent ignorer l’existence d’un arrêt de cette juridiction.
Ceci n’édulcore pas cependant le caractère concret de ce contrôle
dont l’analyse s’impose ici.

§ 4. Le contrôle concret318
Cette caractéristique est fondamentale dans le modèle américain.
Dans ce modèle, en effet, le contrôle concret des normes s’entend de
l’obligation faite au juge ordinaire qui statue sur un litige quel-
conque d’apprécier la constitutionnalité d’une loi invoquée par une
des parties au procès. Ici le contrôle s’exerce sur la loi au moment de
son application. Pour ne parler que des États-Unis qui sont la matri-
ce du modèle sous examen, l’on peut observer que la Cour suprême

318
L’expression « contrôle concret », au-delà de son charme semble poser le
problème de son contenu car il est convenu de voir dans tout contrôle quelque
chose de concret. Y a-t-il un contrôle réellement abstrait ? Dans la mesure où il
porte sur une loi et sur une controverse politique même avant tout litige, ne
peut-on pas déjà y voir, à défaut d’un germe de contestation judiciaire, au moins
un pré-litige qui mérite d’être tranché ? La réflexion mérite d’être poursuivie.
Alec STONE trouve finalement que les cours supérieures ne résolvent pas tant
des cas concrets ou de litiges spécifiques qu’elles participent aux activités de
contrôle social et de production normative de l’activité du gouvernement. Voir
STONE (A.), « Qu’y a-t-il de concret dans le contrôle abstrait aux États-Unis ? »,
RFDC, n° 34, 1998, p. 249.

168
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

est également une juridiction d’appel de toutes les juridictions amé-


ricaines pour les questions de conformité à la constitution 319.
Dans ce système, il est presque absurde de poser la question de
constitutionnalité à un juge en dehors de tout litige comme c’est le
cas de la saisine ouverte à quelques autorités publiques contre une
loi. Il s’agit le plus souvent de faire trancher par le juge une querelle
d’interprétation d’une loi qui est, ne l’oublions pas, l’expression
d’une majorité politique. Le système américain ignore le contrôle

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
des lois on the face c’est-à-dire dans l’abstrait.
Il importe de voir que dans ce modèle même, il est permis à chaque
plaideur qui justifie d’un intérêt personnel et quelques fois collectif
(class action) de saisir le juge. Dans tous les cas, il faut noter que le juge
saisi du litige qui donne lieu à l’exception d’inconstitutionnalité ne
tranche la susdite exception que dans la mesure stricte où cela est né-
cessaire pour la solution du litige.
Ainsi les incidents d’inconstitutionnalité, dont la solution du liti-
ge ne dépendrait pas, seraient purement et simplement rejetés. Il faut
mais il suffit que la solution du litige dépende de la question de cons-
titutionnalité de la loi à y appliquer. Ceci est capital.
L’on n’oubliera pas que la décision du juge est toujours et déjà er-
ga partes de telle sorte que la solution ainsi apportée au litige n’aura
guère l’effet de l’invalidation de la loi. Celle-ci peut très bien conti-
nuer à être appliquée devant le même juge et à d’autres parties.
Cet effet radical de la relativité des effets de la décision judiciaire
doit être sérieusement tempéré par la prise en compte de la règle du
précédent qui caractérise également la justice aux États-Unis
d’Amérique.
La règle du précédent (stare decisis) bénéficie à toutes les Cours
supérieures et notamment à la Cour suprême320. Dans ces condi-
tions, il est évident que les juges inférieurs auront bien du mal à

319
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 47.
320
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., pp. 46-47.

169
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ignorer la décision de la Haute Cour, sous prétexte qu’elle n’aurait


qu’un effet relatif aux seules parties. 321
Cette considération nous amène à étudier plus en détail l’autorité
de la chose jugée dans le modèle américain.

§ 5. L’autorité relative de la chose jugée


Cette notion qui est un emprunt au droit judiciaire a le sens doc-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
trinal précis que lui donne notamment Antoine Rubbens. Tout ju-
gement, dès son prononcé, a l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire
que le dispositif du jugement doit être tenu pour une vérité légale
par tous.
Cependant, dans certaines matières de droit privé, cette vérité
n’est pas opposable aux tiers entendus ici comme les personnes qui
n’ont pas été parties au procès. Il est entendu également que
l’autorité de la chose jugée est relative en ce sens que les parties peu-
vent renoncer à l’invoquer et que les tribunaux ne peuvent
l’invoquer d’office.322
La doctrine enseigne également qu’aussi longtemps qu’un juge-
ment est susceptible d’être attaqué par voie de recours ordinaires,
l’autorité de la chose jugée est précaire ; ce n’est que lorsque les dé-
lais d’appel sont écoulés que le jugement est irrévocablement coulé
en force de chose jugée.
Au plan substantiel, enseigne Francis Kernaleguen, le jugement
bénéficie d’une présomption de vérité en ce sens que ce qui a été jugé
doit être tenu pour vrai (res judicata pro veritate habetur) : vérité léga-
le à vrai dire, en ce sens qu’il s’agit de rendre indiscutable une solu-
tion afin d’éviter une remise en cause incessante et une précarité in-

321
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, 6e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 14. Voyez l’intéressant article de STONE (A.), « Qu’y a-
t-il de concret dans le contrôle abstrait aux États-Unis ? », RFDC, n° 34, 1998,
pp. 227-250.
322
RUBBENS (A.), Le droit judiciaire zaïrois, tome II, Kinshasa, PUZ, 1979, p. 138.

170
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

supportable323. C’est tout simplement une question de sécurité juri-


dique.
L’autorité de la chose jugée présente tout d’abord un aspect néga-
tif : une prétention épuisée par un jugement ne peut être soumise à
nouveau devant une juridiction au risque de subir la fin de non rece-
voir tirée de la chose jugée. Cette fin de non-recevoir interdit de re-
commencer un procès qui serait exactement identique ; l’autorité de
la chose jugée est relative, elle « n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
l’objet du jugement… »324
La célèbre règle de triple identité d’objet, de cause et des parties
agissant en les mêmes qualités s’applique ici. Aussi, l’autorité de la
chose jugée n’a-t-elle d’effet qu’entre parties et leurs ayants droit
universels ou à titre universel et à l’égard de tous ceux qui ont été
représentés.
Pourtant, il est classiquement affirmé que, par exception,
l’autorité de la chose jugée peut devenir absolue et, de ce fait,
s’imposer aux tiers eux-mêmes. Cette exception serait justifiée par la
nature de la décision ou par celle du contentieux : auraient autorité
absolue de chose jugée les décisions constitutives, créatrices de situa-
tions juridiques nouvelles, ou les décisions rendues en matière de
contentieux objectif.325
L’aspect positif de l’autorité de la chose jugée, c’est que le juge-
ment peut être invoqué comme un acquis devant un second juge. Ici,
il n’est plus question de la règle de triple identité. Non seulement la
procédure s’en trouve accélérée mais aussi le risque de contrariété
entre les décisions successives est écarté.
Tous ces développements procéduraux ont été utiles dans le seul
but de rendre intelligible la notion d’autorité de la chose jugée. En
droit américain cependant, il a été suffisamment dit que la décision

323
KERNALEGUEN (F.), Institutions judiciaires, 3e édition, Paris, Litec, 2003,
p. 19, n° 24.
324
Code civil congolais, livre III, article 227 in Les Codes Larcier, Kinshasa,
Bruxelles, Afrique Éditions, Larcier, 2003, p. 167. Cette disposition est la
reproduction fidèle de l’article 1351 du Code civil français.
325
KERNALEGUEN (F.), Institutions judiciaires, op. cit., p. 19.

171
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

rendue entre parties a l’autorité de la chose jugée en ce qui les


concerne et sur le point de droit jugé par le tribunal. C’est l’effet er-
ga partes de l’autorité de la chose jugée.
Il faut noter cependant que l’existence dans ce système de la règle
du précédent annihile cet effet relatif pour transformer la décision
d’inconstitutionnalité rendue sur un litige concret en une norme
opposable à tous, sauf au constituant qui peut la renverser. Ceci est
valable pour le modèle américain originel et même pour ses avatars

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
qui produisent cependant des nuances qui ont été soulignées ailleurs.
Ce modèle, né du tempérament d’un peuple pragmatique et peu
enclin à la réflexion théorique326, n’a pas recueilli les suffrages des
peuples d’Europe qui ont inventé un autre système dont l’étude
s’impose.

Section 2 : LES CARACTÈRES DU MODÈLE


EUROPÉEN
Il s’agit d’analyser ici les caractéristiques essentielles du modèle
kelsenien de la justice constitutionnelle ou modèle européen. Le trait
primordial est l’existence d’un juge spécialisé ou centralisé.

§ 1. Le contrôle centralisé
À la différence du système américain du contrôle de constitu-
tionnalité des lois, le modèle européen n’est pas né du silence des
textes et de la pratique. Il est le produit du travail théorique d’un
brillant esprit juridique : Hans Kelsen. C’est lui qui, le premier, s’est
efforcé à fonder, en raison pure, la garantie juridictionnelle de la
Constitution.

326
Il est utile de remarquer que l’Amérique qui est pourtant une terre d’asile
féconde pour toutes les populations venues du monde entier n’a pas encore su
secréter un esprit théorique puissant. Si la technologie y est sans conteste à la
pointe des dernières découvertes, l’analyse théorique et philosophique cependant
ne semble pas avoir acquis les lettres de noblesse que l’on constate en Europe,
terre de philosophes et de penseurs de tout poil. Ceci n’expliquerait-il pas le
succès qu’un Bernard Henri-Levi, par exemple, récolte aux États-unis
d’Amérique parmi les intellectuels médiatiques ?

172
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Ce n’est pas le lieu d’exposer la théorie de Hans Kelsen dont les


applications ont donné lieu à l’émergence du modèle sous étude. L’on
peut retenir simplement que pour cet auteur, l’ordre juridique est
« un édifice à plusieurs étages ou couches de normes juridiques ».327
Autrement dit, explique Dominique Rousseau, une règle n’a pas
en elle-même et de manière isolée une valeur juridique ; elle
n’acquiert une telle qualité que dans la mesure où elle peut être mise
en rapport avec une autre norme, qui elle-même est dans une rela-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
tion identique avec une norme supérieure, qui elle-même… etc. ainsi,
la nature juridique résulte de son insertion dans un ensemble hiérar-
chisé, de la connexion entre elles des différentes couches des règles ;
tout se tient par un système particulier de communication où la rè-
gle supérieure transmet sa validité à la norme inférieure – qui ne sera
juridique que si elle peut être imputée à la norme supérieure – et qui
à son tour, transmet et fonde la validité de la norme qui lui est su-
bordonnée.328
Dans un tel système intégré et fermé sur lui-même, la validité de
la loi est logiquement en dépendance étroite avec la Constitution,
clef de voûte de la théorie kelsenienne. Pour assurer cette validité
ultime sans laquelle la pyramide s’effondre, le contrôle de constitu-
tionnalité s’impose ainsi à la raison humaine.
Dès lors, notre auteur était confronté au problème non moins
théorique de l’organisation de ce contrôle de la constitutionnalité. Il
a eu le choix entre le contrôle remis à tous les juges ou à une instan-
ce unique, nous apprend Charles Eisenmann. 329
Il a opté pour la création d’une instance unique qui présente es-
sentiellement un double avantage : celui d’éviter les divergences
d’interprétations constitutionnelles susceptibles de naître du travail
des juridictions diverses ; une juridiction unique permet de donner
immédiatement « une vérité constitutionnelle » et assure, d’emblée,

327
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, traduction de Charles EISENMANN,
Paris, Dalloz, 1962, p. 299.
328
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., pp. 16-17.
329
EISENMANN (C.), La justice constitutionnelle et la Haute Cour d’Autriche, 1928,
réédité, Paris, Economica, 1986, p. 291.

173
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

l’unité jurisprudentielle. Et, en second lieu, ce modèle épure de la


pyramide toutes impuretés normatives qui seraient décelées. Il n’est
pas question de l’existence même de manière discrète d’une loi dont
la non-conformité aura été déclarée ; elle sera censée n’avoir jamais
existé. Ces implications que nous analyserons bientôt ont, aux dires
de Charles Eisenmann qui passe pour le plus fidèle et le plus émi-
nent disciple du maître de Vienne, « un lien sinon nécessaire, du
moins naturel ».330

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
C’est ce modèle qui a d’abord séduit le pays de son auteur,
l’Autriche, qui l’adopta dans sa Constitution du 1er octobre 1920, et
ensuite le reste de l’Europe occidentale, à l’exception de la Grèce. 331
Une fois que la centralisation du juge constitutionnel a été fondée
en raison et ses implications pratiques qu’est la contestation de la loi
par voie d’action, in abstracto, donnant lieu à l’autorité absolue de la
chose jugée s’imposant erga omnes ont été soulignées, il reste à étu-
dier la possibilité qu’offre le modèle kelsenien de quereller la loi
avant son existence juridique. C’est le contrôle préalable ou a priori.

§ 2. Le contrôle a priori
Le contrôle préalable est l’une des caractéristiques essentielles du
modèle européen car il procède de l’idée qu’aujourd’hui, l’État n’est
plus simplement défini comme un ensemble d’autorités publiques,
mais également comme un système hiérarchisé de règles de droit. Ce
contrôle est abstrait dans la mesure où il est initié par les autorités
publiques soucieuses de défendre l’intérêt général et non par des per-
sonnes privées enclines à défendre des droits subjectifs ; de même, la
solution du litige ne fait cas d’aucune situation particulière. 332
La doctrine enseigne que le contrôle préalable peut emprunter
deux formes selon qu’il est exercé avant ou après la promulgation de
la loi. Il sera dès lors ou antérieur ou postérieur à la loi et avec deux
significations différentes : avant la promulgation, le contrôle préala-

330
Idem, p. 289.
331
FAVOREU, Les cours constitutionnelles, op. cit., pp. 10-16 ; FROMONT (M.), La
justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., pp. 18-25 ;
332
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., pp. 69-71.

174
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

ble antérieur s’analyse en une étape de formation de la règle de droit.


Il possède, en outre, un lien étroit avec le contentieux de fonction-
nement des pouvoirs publics. Le contentieux des libertés se trouve
relégué au second plan.
En revanche, le contrôle abstrait postérieur à l’entrée en vigueur
de la loi peut s’analyser en un contentieux des valeurs constitution-
nelles.333 C’est l’apanage des personnes privées ainsi que de la mino-
rité politique qui n’a pas pu ou su renverser la machine de la majori-

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té lors de l’adoption de la loi querellée.
L’on doit à la vérité de dire que le contrôle préalable abstrait est
plutôt rare. L’on le rencontre en France alors que le contrôle abs-
trait postérieur se retrouve en Autriche, en Allemagne, en Espagne
et même en Belgique sous réserve des détails qui ont été exposés plus
haut. La France, avec son contrôle abstrait antérieur a fait des ému-
les dans le monde, en l’occurrence la Roumanie, la Pologne et la
Hongrie sans compter les nombreux pays francophones d’Afrique
noire.
L’on peut également noter que le contrôle préalable des traités et
accords internationaux est plus répandu que celui des lois. En effet,
dans les pays connaissant la justice constitutionnelle spécialisée de
type européen, il est logique, dit Michel Fromont, que ce contrôle
soit effectif car c’est le seul moyen de concilier le caractère irrévoca-
ble des engagements de l’État avec la nécessité d’organiser le contrôle
de leur compatibilité avec la Constitution. 334
Le contrôle préalable présente l’avantage technique qu’il ne laisse
pas l’ordonnancement juridique s’infecter d’une inconstitutionnalité
avant de la voir expurger plus tard. Une nuance de taille s’impose au
demeurant.

333
Ibidem.
334
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 71 ; lire
aussi les développements intéressants sur la question de la compatibilité des
engagements internationaux avec la Constitution dans QUOC DINH (N.) (+),
DAILLIER (P.) et PELLET (A.), Droit international public, 7e édition, Paris,
LGDJ, 2002, pp. 284-291.

175
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En effet, dès l’adoption, la loi a une existence juridique certaine et


une obligatoriété qui ne saurait être niée, la promulgation par le Chef
de l’État ne faisant que certifier de l’existence de la loi de même
qu’elle donne l’ordre à l’Administration de l’exécuter. 335
De ce point de vue, la classification désormais traditionnelle du
contrôle préalable pose problème à moins de dire que la norme juri-
dique n’entre en vigueur et n’existe qu’à partir de la promulgation.
Or, l’on ne peut promulguer que ce qui existe déjà pour le porter à la

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fois à la connaissance des citoyens et en ordonner l’exécution.
À tout considérer, le contrôle a priori est une donnée du modèle
européen originel car les avatars ont adopté quelques fois des contrô-
les postérieurs ; le contrôle par voie d’action est également un trait
saillant du modèle sous étude qu’il faut analyser ici.

§ 3. Le contrôle par voie d’action


Sans qu’il soit besoin ici de longs développements sur la notion
d’action que le contentieux constitutionnel emprunte comme celle
d’exception, vue ci haut, au droit judiciaire, il importe de dire sim-
plement que l’action sous le rapport qui nous intéresse est « le pou-
voir reconnu aux sujets de droit de s’adresser à la justice pour obte-
nir le respect de leurs droits ou de leurs intérêts légitimes »336.
Il s’agit ici de l’action qu’un plaideur serait amené à introduire en
justice en matière constitutionnelle et plus précisément en matière de
constitutionnalité des lois qui est, on l’a vu, la donne fondamentale du
contentieux constitutionnel.
Le modèle européen dans l’ensemble se fonde entre autres sur la
protection des droits fondamentaux des citoyens. Dès lors, il paraît
logique que dans un tel système il soit admis qu’un plaideur ait la
possibilité de saisir le juge et de contester par voie juridictionnelle

335
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Bruxelles,
Larcier, 2007, p. 215.
336
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes
juridiques, 6e édition, Paris, Dalloz, 1985, p. 14, verbo : action en justice.

176
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

une loi qui heurte des libertés garanties au citoyen plaideur par la
Constitution.
Dans la diversification de ce prototype juridictionnel, l’on peut
relever cependant qu’il est des constitutions qui n’ont ouvert la sai-
sine qu’à certaines personnes publiques sans cependant altérer ce
trait saillant du type européen. Le système est logique dans la mesu-
re où il ne peut à la fois permettre la censure des lois par voie
d’action et refuser la censure de mêmes actes dans l’abstrait c’est-à-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
dire préalablement à tout litige.
En effet, le contrôle abstrait que nous verrons dans le paragraphe
suivant n’est rien d’autre qu’une modalité de contrôle a priori dans
la mesure où il s’exerce avant tout le litige concret mais surtout il est
postérieur à l’existence des normes dans l’ordonnancement juridique.

§ 4. Le contrôle abstrait
Ainsi que nous l’avons vu plus loin, le contrôle abstrait peut être
antérieur ou postérieur aux normes. Lorsqu’il est antérieur aux
normes, il peut se résoudre en une étape dans l’élaboration techni-
que de la loi, en revanche, il constituera un véritable contrôle des
lois lorsqu’il s’effectuera après que la loi a été promulguée.
Michel Fromont nous prévient déjà que le contrôle abstrait et
donc objectif « reste très fortement marqué par ses origines, à savoir
la volonté de trouver un arbitre entre les organes ou les collectivités
d’un même État ».337 Voilà pourquoi, renchérit-il, le contrôle abs-
trait et objectif le plus vieux est-il celui du contentieux entre pou-
voirs ou collectivités publics. À ce jour, s’ajoute le contentieux des
normes.
Dans ce cadre, il n’est pas inutile de remarquer que le contrôle
abstrait adopté dans le modèle kelsenien est voué, au départ, à régler
les conflits entre les organes constitutionnels ou même parfois à les
prévenir notamment lorsque le juge constitutionnel est appelé à
émettre des avis qui politiquement vident un germe de conflictualité.
Il est même possible que le juge constitutionnel reçoive des attribu-

337
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 66.

177
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tions en matière administrative mais orientées toutes à prévenir des


conflits entre les organes constitutionnels.
Ainsi le contentieux électoral est-il rangé au sein du contrôle abs-
trait car en effet lorsque le juge constitutionnel a reçu de la Consti-
tution l’attribution de vérifier la régularité de l’élection de certains
titulaires des mandats électifs, en réalité il doit exercer son contrôle
de conformité à la Constitution, à la loi organisant les élections ainsi
que parfois aux règlements d’application. Le caractère abstrait se voit

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
uniquement lorsque l’on observe qu’il s’agit d’un débat sur un statut
prévu par la Loi fondamentale.338 Il en est de même du contentieux de
la régularité de la détention des mandats publics surtout électifs.
Le contentieux de la régularité des activités des organes constitu-
tionnels constitue, aux yeux de la doctrine, le second type du
contentieux entre pouvoirs publics. Il peut s’agir d’un conflit de
compétences entre organes constitutionnels. C’est le cas par exem-
ple, en France, du conflit possible entre le pouvoir législatif et le
pouvoir réglementaire339.
Il peut également s’agir d’un conflit de compétences entre organes
techniquement égaux comme c’est le cas en Allemagne ou même en
République sud-africaine.340 Il convient de noter avec Michel Fro-
mont que « malgré le fait que le conflit oppose deux organes placés
souvent sur un pied d’égalité, il ne déclenche nullement un conten-

338
Idem, p. 67. S’agissant d’un statut conférant des droits subjectifs à un individu
autorisé dès lors à poser des actes juridiques prévus par ledit statut, il y a lieu de
critiquer le caractère abstrait du contentieux électoral. Même s’il est objectif en
ce qui concerne le contentieux de maintien des mandats, il ne nous paraît guère
objectif dès lors qu’il concerne des candidats à une élection ou des titulaires des
votes non encore proclamés. Là, il s’agit, à notre avis, de réclamations des droits
subjectifs en l’occurrence des droits politiques à l’éligibilité ou à accéder à tel
poste politique constitutionnellement prédéfini.
339
RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, Paris, Litec, 1994,
pp. 323-364 réservent de belles pages à l’analyse notamment de la jurisprudence
du Conseil constitutionnel français relativement au partage des compétences
entre le domaine de la loi et le domaine réglementaire. Intéressante gymnastique
dont l’exercice sera abordé à l’occasion de l’étude des modalités d’exercice de la
justice constitutionnelle en République démocratique du Congo.
340
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 68.

178
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

tieux subjectif : chacun des organes fait valoir son statut constitution-
nel et non pas sa situation personnelle ».341
Il faut ajouter ici que le contentieux référendaire en ce qu’il
concerne la validité de la votation populaire ou même parfois de
l’initiative populaire relève, sans aucun doute, du contentieux abs-
trait ou objectif.
Il est pertinent de faire observer qu’à côté de ce contentieux abs-
trait entre pouvoirs publics, il existe aussi un contentieux qui tend à

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vider les conflits entre collectivités publiques. C’est le cas, à n’en
point douter, du conflit susceptible de naître à l’occasion du pacte
fédéral ou même de la régionalisation politique. En effet, si dans un
État unitaire décentralisé, la tutelle exercée tant sur les organes que
sur les actes des entités décentralisées vient à bout de toutes velléités
contestataires de ces dernières, pareille tutelle est exclue dans le cadre
d’un État fédéral ou dans celui plus récent d’un État régional 342.
Dès lors, le recours au juge constitutionnel se présente comme la
seule issue responsable pour vider de façon juridique le conflit ainsi
né. Dans cette occurrence, le contentieux est manifestement objectif
dans la mesure où il ne concerne que des collectivités composantes
de l’État.
Enfin, la doctrine enseigne qu’il existe également un contentieux
objectif ou abstrait pouvant naître uniquement entre les normes ju-
ridiques. C’est à propos qu’il est affirmé qu’aujourd’hui l’État est
perçu comme un système hiérarchisé des règles de droit plutôt que
comme simple ensemble d’autorités publiques. 343
Le contentieux entre normes juridiques constitutionnelles et in-
fraconstitutionnelles est dit abstrait car il est déclenché par les auto-
rités publiques qui se prévalent tout au moins de défendre l’intérêt
général plutôt que les intérêts privés. En outre, un tel conflit est vidé
sans considération de la situation particulière d’un justiciable.

341
Ibidem. C’est nous qui soulignons.
342
Lire GRUBER (A.), La décentralisation et les institutions administratives, Paris,
Armand Colin, 1986, pp. 263-294.
343
FROMONT (M.), op. cit., p. 69.

179
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il est entendu toutefois du point de vue de la science politique que


chaque autorité publique qui agit ne le fait qu’en raison de ses pro-
pres intérêts politiques. Il est exclu par exemple qu’une autorité pu-
blique agisse contrairement aux aspirations qui sont les siennes ou
même tout bassement en dysharmonie avec les intérêts de la majori-
té qui la soutient au pouvoir. Mais malgré cela, le litige ainsi déféré
devant le juge constitutionnel n’en demeurera pas moins abstrait
tant il ne vise pas un droit subjectif identifié.344

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Notons, comme nous l’avons fait plus haut, que le contentieux
abstrait peut s’exercer avant ou après l’entrée en vigueur de la loi.
Dans le premier cas, il s’analyse en une étape dans le processus
d’édiction de la norme juridique tandis que dans le second cas il doit
être entendu comme un mécanisme de protection des valeurs pro-
clamées par la Constitution et par ricochet, celui de la protection des
droits et libertés fondamentaux du citoyen.
Ce trait saillant de la justice constitutionnelle kelsenienne nous
permet dans le point suivant de tenter de répondre à la question de
la nature de l’autorité de décisions du juge constitutionnel.

§ 5. L’autorité absolue de la chose jugée


L’autorité absolue de la chose jugée est, sans conteste, la caracté-
ristique essentielle d’une cour constitutionnelle dans la mesure où,
généralement placée hors de la hiérarchie judiciaire ordinaire, ses
décisions doivent s’imposer tant aux pouvoirs publics qu’aux ci-
toyens. Le fondement d’une telle position est que l’acceptation des
voies de recours contre ses arrêts lui enlèverait toute autorité et
aboutirait à coup sûr à créer un modèle décentralisé de justice consti-

344
Au demeurant, du point de vue strictement juridique, la loi étant considérée
comme l’expression de l’État dans sa configuration politiquement majoritaire,
n’est-il pas, au plan de la recevabilité, sans intérêt de l’attaquer devant le juge
lorsque l’on en est l’auteur et que donc l’on dispose toujours de la faculté
juridique de la modifier sans s’attirer ni les foudres de l’opposition ni la curiosité
parfois malsaine de l’opinion publique nourrie par des médias souvent peu
tendres à l’égard de ceux qui dirigent ? Et, last but not least, une action en justice
même devant les juges acquis aux opinions de la majorité n’est-elle pas toujours
un risque qu’il faut bien calculer avant de le prendre ?

180
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

tutionnelle alors que cela est l’effet inverse écarté par les concepteurs
du modèle.
Dans ce modèle, en effet, la Constitution tire les conséquences
d’une déclaration d’inconstitutionnalité. La promulgation étant l’acte
qui atteste que la loi a été régulièrement délibérée et votée et en or-
donne l’exécution, une déclaration d’inconstitutionnalité qui interdit
la promulgation, ne peut être considérée comme une annulation. La
promulgation étant cependant une compétence liée, l’usage du terme

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« annulation » s’est largement répandu. La promulgation de la loi
rend celle-ci incontestable, tant du moins que ne sera pas mise en pla-
ce une procédure d’exception d’inconstitutionnalité.345
De même, le constituant dans ce modèle définit l’autorité des dé-
cisions du juge constitutionnel ; elles s’imposent aux pouvoirs pu-
blics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.
L’autorité ainsi attachée à ses décisions est l’autorité absolue de cho-
se jugée : ce qui est jugé ne pouvant plus être remis en question.
Dans le cas du droit français, l’on peut noter que cette autorité a été
voulue par le constituant de 1958 afin d’éviter les contrariétés de dé-
cisions entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État.346
L’autorité absolue de la chose jugée ne joue qu’à l’égard du texte qui
a été soumis au juge constitutionnel. Par rapport à l’autorité de la cho-
se jugée prévue par le Code civil avec son exigence de triple identité
d’objet, de parties et de cause, il importe de noter que l’exigence
d’identité de parties disparaît, le contentieux de constitutionnalité
ayant un caractère objectif comme tout contentieux de légalité.
S’agissant des juges d’application de la loi, ils sont tenus de respec-
ter l’interprétation qu’en donne le juge constitutionnel dans la me-
sure où la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la
Constitution.
Aussi, est-il exact d’affirmer que « l’identité d’objet est parfois
remplacée par analogie d’objet : si l’autorité de chose jugée… ne peut

345
FAVOREU (L.) et RENOUX (T.S.), « Le contrôle de la constitutionnalité des
actes administratifs », in Répertoire Dalloz de contentieux administratif, Paris,
Dalloz, 1991, pp. 36-348.
346
RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op. cit., p. 477.

181
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

en principe être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi


conçue en termes distincts, il n’en va pas ainsi lorsque les dispositions
de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente ont, en subs-
tance, un objet analogue à celui des dispositions législatives déclarées
contraires à la Constitution ».347
Il est entendu en effet que s’agissant d’un recours en rectification
d’une erreur matérielle dirigé contre ses propres arrêts, le juge cons-
titutionnel le recevra au motif qu’une demande qui tend exclusive-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
ment à la rectification d’erreur matérielle non imputable au requé-
rant ne met pas en cause l’autorité de la chose jugée. 348
Toutefois, lorsqu’il prend de simples décisions administratives
exécutoires en tant qu’organe d’État, le juge constitutionnel n’est pas
lié par l’autorité de la chose jugée.349
L’autorité des arrêts de la Cour constitutionnelle ne doit pas être
confondue avec l’autorité de la jurisprudence. D’une part, l’autorité
attachée à chaque arrêt n’est pas un obstacle dirimant à l’évolution
de la jurisprudence. D’autre part, au-delà du respect des décisions du
juge constitutionnel la jurisprudence constitutionnelle ne manque
pas d’être invoquée par les juges tant de l’ordre administratif que de
l’ordre judiciaire dans le cas d’une qualité d’ordres de juridiction.
Au demeurant si une confusion venait à être admise entre autori-
té de la chose jugée et jurisprudence, il en résulterait inévitablement
un tassement de l’activité juridictionnelle et une immobilité qui ne
peut être souhaitée de la part d’un juge dont l’activité principale est
d’être « la bouche de la Constitution » dans les conjonctures qui sont
cependant très mouvantes.
La distinction ainsi établie est essentielle car par elle, les juges in-
férieurs ont la latitude d’apprécier la régularité juridique des actes
déférés devant eux suivant la jurisprudence qui ressort des arrêts de

347
Décision n° 89-258 DC, 8 juillet 1989 in Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, Paris, Dalloz, 1989, p. 48.
348
Décision du 23 octobre 1987, in Recueil des décisions du Conseil constitutionnel,
Paris, Dalloz, 1987, p. 55 avec note d’E. PEUCHOT.
349
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Kinshasa,
Bruxelles, Afrique Éditions, Larcier, 2007, p. 81.

182
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

la Cour constitutionnelle sans avoir à invoquer l’autorité de la chose


jugée qu’ils doivent respecter si le débat porte sur une disposition
législative déjà censurée.
S’il s’agit de décisions rendues à propos d’autres textes, l’autorité
de la chose jugée ne joue pas et c’est plutôt l’autorité de la jurispru-
dence qui joue. La question cependant est celle de savoir sur quoi le
juge inférieur s’appuie pour extraire la norme à appliquer au litige
qui lui est déféré.350

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Émile Lamy trouve le fondement de l’autorité de la jurisprudence
dans la répétition et dans la hiérarchie. En effet, dit-il, par cette évolu-
tion vers un contrôle judiciaire de plus en plus élevé, la jurispruden-
ce acquiert un maximum d’autorité possible parce qu’à la répétition
qui constitue le premier facteur favorable d’autorité, vient s’ajouter
surtout le deuxième facteur qui est la hiérarchie. 351
Dans le système de dualité d’ordres de juridictions comme celui
que le constituant congolais a adopté le 18 février 2006, il importe de
noter que si le Conseil d’État n’est pas tenu de respecter la jurispru-
dence du juge constitutionnel, il lui faut cependant de « bonnes rai-
sons » pour la contredire.352
En droit français, par exemple, ces bonnes raisons ont été long-
temps trouvées dans le fait que la question posée aux deux Conseils
ne l’était pas dans les mêmes termes, le Conseil d’État dans l’exercice
de son contrôle de légalité, pouvant rencontrer l’obstacle d’une dis-
position législative qui vient faire écran entre la Constitution, telle

350
Lire aussi le Professeur PINDI MBENSA KIFU, Introduction générale à l’étude
de droit privé, Notes de cours, 1er graduat, 1984-1985, p. 44, inédit. Cet auteur,
après avoir fait le distinguo entre droit anglo-saxon et droit romano-germanique,
affirme que même dans les droits non anglo-saxons, la jurisprudence jouit en fait
d’une autorité incontestable aussi bien quand elle interprète le droit positif que
quand elle en comble les lacunes.
351
LAMY (E.), Le droit privé zaïrois, vol. I., Introduction à l’étude du droit écrit et
du droit coutumier zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1975, p. 123.
352
Lire MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), « La notion de jurisprudence du Conseil
constitutionnel », in LAVROFF (D.G.) et RAMIREZ JIMENEZ (M.), La
pratique constitutionnelle en France et en Espagne de 1958 et 1978 à 1999, Paris,
PUF, 2001, p. 199.

183
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

qu’interprétée par le Conseil Constitutionnel, et la disposition ré-


glementaire dont il doit apprécier la légalité : c’est l’application de la
théorie de l’écran législatif.353
Les divergences de jurisprudence ont été résorbées au fil du temps
car l’autorité de la jurisprudence du juge constitutionnel ne signifie
guère qu’il règle son contentieux par voie de dispositions générales
mais que plutôt les deux Hautes juridictions sont tenues de se re-
trouver sur des positions communes car elles participent, toutes les

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deux, au « gouvernement de la Constitution » qui ne saurait tolérer
une double lecture de cette dernière. C’est une question de logique
du système.
Avec Dominique Rousseau, il n’est pas inutile de constater qu’au-
delà de l’hostilité que d’aucuns pouvaient craindre à l’égard du
Conseil d’État, il y a quand même deux décisions du Conseil consti-
tutionnel qui maintiennent une divergence des vues jurisprudentiel-
les : il s’agit de l’affaire des contraventions sanctionnées de peine de
prison qui relèvent de la compétence législative pour le Conseil
constitutionnel et que le juge administratif suprême français tient
pour acte du domaine réglementaire ; ainsi que de l’affaire du silence
gardé par l’Administration qui équivaut pour le Conseil constitu-
tionnel à une décision de rejet et à une décision d’acceptation pour le
Conseil d’État.354
L’on peut en définitive soutenir que l’autorité de la chose jugée
par le juge constitutionnel est une arme de discussion parce qu’elle
doit être prise en compte déjà au moment de la préparation des tex-
tes par les autorités publiques concernées.
Le juge judiciaire quant à lui, ici comme ailleurs, ne semble nulle-
ment avoir élevé quelques divergences majeures avec la jurisprudence
du juge constitutionnel. Toutefois, l’intérêt porté à la connaissance
des arrêts des juridictions constitutionnelles par la doctrine et les pra-
ticiens du droit laisse penser que ces décisions seront de mieux en

353
Lire FAVOREU (L.) et RENOUX (T.S.), « Le contrôle de la constitutionnalité
des actes administratifs », op. cit., p. 36 et s.
354
Lire ROUSSEAU (R.), Droit du contentieux constitutionnel, 6e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 170.

184
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

mieux appliquées par les autorités juridictionnelles355 Il importe dès


lors de montrer comment la justice constitutionnelle influe sur l’ordre
politique et l’ordre juridique constitutionnel.356

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355
L’on peut noter avec satisfaction que le Tribunal des conflits dans le cas français,
par exemple, a, par décision de principe du 12 janvier 1987, décidé de se rallier à
la position du Conseil constitutionnel sur la répartition des compétences
contentieuses entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire en matière
financière. Voy 12 janvier 1987, Compagnie des eaux et de l’ozone v. SA
Établissements Vétillard, RFDA, Paris, 1987, p. 287, conclusions J. MASSOT.
356
Lire MBOKO Dj’ANDIMA, L’État de droit constitutionnel en République
démocratique du Congo. Contributions à l’étude de ses fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de DES en droit public, UNIKIN, Faculté de Droit, 2005,
279 pp.

185
186
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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

CHAPITRE III :
LES INFLUENCES DE LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE

La justice constitutionnelle que nous venons de décrire ne peut


s’exercer que dans le cadre d’un État. Or, déjà dans sa conception
d’État-gendarme, celui-ci accomplissait les tâches de justice, de di-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
plomatie et de défense de même que l’activité de police pour assurer
le bon ordre. Dans sa conception d’État-providence, il faut reconnaî-
tre que ces tâches se sont accrues de sorte qu’une nécessité logique et
pratique de partager les différentes tâches entre plusieurs organes
s’est imposée.
Du point de vue du droit constitutionnel, les fonctions de l’État
s’entendent des manifestations de la souveraineté de l’État. La thèse
finaliste est écartée car elle ne trace ni devoirs ni droits en ce qui est
de simples objectifs que peuvent recouvrer les tâches à accomplir. 357
Il est entendu que le terme État dans l’expression « fonctions de
l’État » infère aux gouvernants qui sont à la fois organes de l’État et
représentants du souverain. D’une part, en tant qu’organes de l’État,
c’est l’État lui-même qui agit par leur entremise, et d’autre part, en
tant que représentants du souverain, ils sont chargés d’exécuter la
volonté de celui qui a le dernier mot c’est-à-dire le souverain.
Le professeur Marcel Antoine Lihau opinait déjà que « les gou-
vernants constituent les intermédiaires indispensables entre l’État et
le souverain, car c’est grâce à eux que la volonté du souverain est at-
tribuée à l’État ; c’est grâce au Parlement, au président de la Répu-
blique, aux cours et tribunaux, par exemple, que la volonté du grou-
pe qui détient dans l’État la plus grande force politique parvient à se
concrétiser et à être rattachée à l’État ».358

357
LARCIER (F.), Droit constitutionnel, tome II, Le système constitutionnel, 2.
Les fonctions, Bruxelles, Larcier, 1988, pp. 206-207.
358
LIHAU EBUA LIBANA la MOLENGO, Droit constitutionnel et institutions
politiques, Notes de cours, UNAZA, Campus de Kinshasa, 1974, p. 122, n° 218.

187
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Sans nous attarder sur la querelle française de la souveraineté po-


pulaire et de la souveraineté nationale, il y a lieu de voir que même
là la Constitution du 4 octobre 1958 a réalisé une heureuse combi-
naison qui aboutit à installer une démocratie semi-directe. Il s’agit
d’un compromis entre les partisans de deux thèses prémentionnées.
Paul de Visscher, pour ce qui est du droit belge, enseigne que la
rédaction de l’article 25 de la Constitution belge règle trois questions
essentielles : la légitimité de la souveraineté en tant qu’elle est exer-

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cée par les organes établis avec le consentement de la Nation, dans
l’intérêt de l’ensemble de la Nation et dans le respect des normes établies
par la Constitution.359 Les pouvoirs ainsi accordés étant d’attribution
et d’ordre public, il est interdit les subdélégations de pouvoirs. 360
Mais en réalité, l’on peut observer qu’il y a d’un côté ceux qui dé-
tiennent la décision politique et de l’autre, ceux qui obéissent. Ceux-
ci peuvent être de simples citoyens dont les droits fondamentaux
doivent être garantis ou des partis politiques exprimant une vision
majoritaire ou minoritaire dans la Nation.
Aujourd’hui donc, la séparation des pouvoirs ne concerne plus
seulement le partage des fonctions entre les différents organes de
l’État mais aussi et surtout le partage de deux blocs politiques anta-
gonistes : la majorité et l’opposition.361
Aussi tout le long de ce chapitre, allons-nous analyser les implica-
tions de la justice constitutionnelle sur l’ordre politique, dans une
première section, vis-à-vis de la place qu’occupe le juge constitution-
nel dans la théorie de la séparation des pouvoirs, vis-à-vis de la mino-
rité politique et des droits fondamentaux des citoyens.

359
de VISSCHER (P.), Droit public, tome II, 2 fascicules, Bruxelles, Cercle de
Droit de Louvain, 1972-1973, pp. 3-4.
360
Voir CAHEN-PEREIRA (C.), Grandeur et décadence de l’idée de souveraineté
dans la science juridique. Contribution à l’histoire de la philosophie du droit, thèse
de doctorat en droit, Toulouse, 1941, p. 23 cité par REDOR (M.-J.), De l’État
légal à l’État de droit. L’évolution de la doctrine publiciste française1879-1914, Paris,
Economica, 1992, p. 156.
361
C’est la division ou la séparation politique des pouvoirs.

188
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Ensuite, dans une seconde section, nous verrons les influences


que la justice constitutionnelle exerce sur l’ordre juridique notam-
ment le phénomène de constitutionnalisation du droit, celui de la
sacralité du droit et enfin, celui du culte du droit.

Section 1 : L’ORDRE POLITIQUE ET LA JUSTICE


CONSTITUTIONNELLE

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Étudier les influences de la justice constitutionnelle, c’est en mê-
me temps situer le juge constitutionnel dans l’ordonnancement poli-
tique, c’est tenter d’évacuer les suspicions nombreuses et variées qui
entourent son statut et surtout la méfiance souvent affichée par la
minorité politique ou les citoyens lors de l’exercice de leurs droits et
libertés fondamentaux. Qu’en est-il d’abord de la place de ce juge
dans l’ordre politique ?

§ 1.La séparation des pouvoirs ou la place du juge


constitutionnel
L’on a déjà dit ailleurs que la séparation des pouvoirs est une
technique constitutionnelle destinée à écarter le despotisme et à ga-
rantir la liberté. Le cadre historique de l’émergence de cette théorie
est qu’il n’y a pas des partis politiques au sens moderne du terme au
moment où Montesquieu l’élabore.362
Au-delà des traces que la doctrine trouve dans les écrits
d’Aristote363 déjà, l’on doit dire que la théorie de la séparation des
pouvoirs est nourrie aux affluents de la pensée de John Locke, Char-
les-Louis de Secondat, baron de Montesquieu et Jean-Jacques Rous-
seau.
Si John Locke distingue déjà le pouvoir législatif, le pouvoir exé-
cutif du pouvoir fédératif chargé de conduire les relations interna-
tionales, Montesquieu par contre vise l’affaiblissement de l’autorité

362
Lire LAVROFF (D.G.), Les grandes étapes de la pensée politique, Paris, Dalloz,
1993, pp. 205-217.
363
NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit., p. 335.

189
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

royale afin que le pouvoir, établi pour le bien commun, ne débou-


che sur un absolutisme attentatoire aux libertés individuelles.
Dès lors, séparation des pouvoirs est synonyme de gouvernement
modéré ou organisation politique non despotique. Elle signifie aussi
la nécessité et l’exigence de la répartition des pouvoirs entre diffé-
rents organes de l’État quel qu’en soit le contenu.
Il en résulte en d’autres termes que la séparation des pouvoirs,
c’est la Constitution car elle demeure la base d’une bonne constitu-

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tion. Ainsi se justifie l’affirmation devenue classique de l’article 16
de la Déclaration de droits de l’homme et du citoyen du 26 août
1789 selon laquelle « s’il n’y a pas de séparation des pouvoirs, il n’y a
pas de constitution ».
Mais il peut paraître paradoxal de vouloir analyser la place du ju-
ge constitutionnel par rapport à la théorie de la séparation des pou-
voirs. En effet, Montesquieu avait traité la fonction juridictionnelle
comme d’une puissance en quelque façon nulle. La séparation semblait
ne pouvoir être concevable réellement qu’entre les deux autres. Dans
cette conception où la loi est l’expression de la volonté générale, il
est exclu toute possibilité d’existence de juge constitutionnel. Or,
depuis le XIXe siècle, il est apparu la nécessité de contrôler
l’expression législative, produit désormais de la majorité et non plus
de la volonté générale qui garde comme seul cadre d’expression : la
Constitution.364
Il faut reconnaître qu’il y a déplacement épistémologique de la
notion de la volonté générale et même de la notion de souverain.
Fort longtemps, les représentants de la Nation souveraine avaient

364
EISENMANN (C.), « L’esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges
Raymond Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, pp. 165-192. L’on peut prolonger
la réflexion critique de cette théorie et ses implications théoriques et pratiques
avec TROPER (M.), La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle
française, Paris, LGDJ, 1980. Cet auteur a notamment contesté la validité de la
conception moniste de la séparation des pouvoirs qui se résumait en une
interdiction de cumul mais qui ne prescrivait aucun mode particulier de
répartition des pouvoirs, mais qu’en tant que norme de non-concentration, elle
autorisait au moins deux procédés positifs : la spécialisation ou séparation
absolue et la balance des pouvoirs.

190
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

fini par devenir souverains puisqu’ils en étaient l’expression concrè-


te. Sa traduction politique c’est le régime parlementaire et même sa
déviation de régime d’assemblée.
Depuis que la doctrine, influencée par les travaux de la science
politique, a démonté ingénieusement le contenu du souverain, l’on a
vite compris qu’il s’agit de la force politique dominante. Or, celle-ci
peut très bien respecter la répartition des pouvoirs entre les mains de
divers organes de l’État sans qu’en réalité le pouvoir ne soit modéré

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
c’est-à-dire protecteur des droits et libertés des citoyens. Car, la vraie
garantie demeure dans la possibilité que l’on doit détenir de contester
la décision de la majorité devant un organe qui ne dépend d’aucun
autre organe de l’État dont il a par ailleurs la charge de contrôle.
Cette nouvelle conception de l’ordre politique entre majorité et
opposition enrichit la théorie de Montesquieu d’une dimension
qu’elle a évacuée à l’origine et cela, car en son temps, la notion des
partis politiques est inconnue. Il y a dès lors renversement de la sé-
paration des pouvoirs. D’horizontale qu’elle était, la division des
pouvoirs est politiquement verticale : les dirigeants et les dirigés.
Ainsi, l’on voit bien que la simple répartition des pouvoirs entre les
organes de l’État pour utile qu’elle soit demeure néanmoins insuffi-
sante.
Voilà la justification théorique du juge constitutionnel qui se pla-
ce ainsi entre les trois fonctions de l’État prémentionnées, et entre
tous les dirigeants et les dirigés. C’est ainsi que le juge constitution-
nel est censé être placé hors hiérarchie judiciaire, parce qu’il contrô-
le, en principe, comme nous l’avons vu en Allemagne, l’application
de la Constitution par tous les organes de l’État y compris les cours
et tribunaux. Étant le juge du « gouvernement de la Constitution »,
il ne devrait être limité et contrôlé que par le patron, le souverain, le
constituant.
Ainsi, de nos jours, la notion de séparation des pouvoirs, relati-
vement à la signification qu’elle revêtait au XVIIIe siècle, fait l’objet
d’une controverse entre juristes qui disposent de deux théories in-
terprétatives, à savoir celle de la doctrine dite traditionnelle ou clas-
sique telle qu’elle fut fixée en France dans les facultés de Droit à la

191
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

fin du XIXe siècle, et celle, postérieure et hétérodoxe, développée


notamment par Charles Eisenmann et Michel Troper. 365
Cette nouvelle conception de la séparation des pouvoirs procède
de l’ancienne représentation de la démocratie pouvant se résumer
par la formule « la démocratie par la loi » qui a cédé la place au-
jourd’hui à la formule « la démocratie par la Constitution ». La tra-
duction institutionnelle de ce glissement conceptuel de la loi à la
Constitution est de mettre au cœur de la démocratie le juge constitu-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.6.7:1607240283
tionnel.366
En effet, l’on peut observer que l’institution d’un juge constitu-
tionnel entraîne comme corollaire la consécration d’un espace séparé
au profit des gouvernés et ce, au détriment de l’ancienne doctrine de
l’identification des gouvernés avec les gouvernants.367
Par ailleurs, il faut indiquer que le fonctionnement démocratique
reposait longuement sur l’identification des gouvernants aux gou-
vernés, sur la confusion entre le peuple et ses représentants, entre la
volonté générale et la volonté parlementaire, faisant ainsi du Parle-
ment l’égal du souverain, ou plutôt, comme l’écrit Raymond Carré
de Malberg, l’érigeant effectivement en souverain. 368
L’activité législative des représentants est, là, directement imputée
à la volonté du peuple sans que celui-ci puisse protester puisque, par
définition constitutionnelle, il n’existe pas de manière séparée et in-
dépendante, il ne peut avoir de volonté hors celle exprimée par les
représentants.369

365
Pour continuer le débat entre ces deux théories, lire l’excellent exposé qu’en fait
Marc LAHMER, « séparation et balance des pouvoirs », in ALLAND (D.) et
RIALS (S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique, op. cit.,
pp. 1406-1411.
366
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 461.
367
Il s’agit de dire avec Léon DUGUIT que certaines personnes ont le pouvoir de
vouloir pour la Nation comme si celle-ci se dépouillait définitivement de sa
volonté au profit des représentants devenus mandataires perpétuels.
368
CARRE DE MALBERG (R.), La loi, expression de la volonté générale, Paris,
Economica, 1984, pp. 66-79.
369
Lire ROUSSEAU (D.), op. cit., pp. 470 et s.

192
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Désormais, les droits et libertés des citoyens sont distincts de


l’expression des représentants. Le peuple a une existence autonome,
il ne s’agit plus d’extrapoler « le pouvoir de vouloir pour la na-
tion »370, le peuple gardant toujours la possibilité d’une expression
autonome.
Il y a là, à n’en point douter, rupture de conception et de perspec-
tive qui transfigure le juge constitutionnel en une figure démocrati-
que originale. En effet, la Constitution, c’est finalement la garantie

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des droits. De ce point de vue, le juge constitutionnel est comme
participant d’une autre géographie constitutionnelle, car s’il partici-
pe de la société politique du fait qu’il est un organe de l’État, il n’en
demeure pas moins éloigné du fait aussi qu’il est, par sa mission, une
institution de la société civile.371
Comment ne pouvait-il pas en être autrement si, après la mort de
Dieu caractérisée par l’émergence de l’État laïc, la mort de la Raison
cristallisée par la déraison et l’hybris372 des gouvernants, le droit
constitutionnel était en crise de légitimité ?
Longtemps, son fondement a été Dieu, au siècle des Lumières, la
Raison ; mais celle-ci étant perturbée avec les affres de deux guerres
mondiales, il faut reconnaître avec Jürgen Habermas que toutes les
théories de retour même à l’irrationnel sont de retour.373

370
PRELOT (M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 5e édition, Paris,
Dalloz, 1972, pp. 1-34. Cette expression a été chère également au professeur
Augustin KITETE KEKUMBA OMOMBO, certainement par proximité
académique.
371
Société civile par opposition à la société politique qui est censée détenir et
exercer le pouvoir et qu’il faut contrôler pour qu’enfin de compte le pouvoir au
sens de Montesquieu soit modéré. Le rôle des sociétés multinationales peut
néanmoins relativiser cette affirmation qui est péremptoire.
372
Mot de la mythologie grecque signifiant la démesure.
373
HABERMAS (J.), Raison et légitimité, Paris, Payot, 1978. La question que la
doctrine ne peut s’empêcher de poser au sujet de la philosophie du droit
constitutionnel moderne est notamment celle de savoir comment la Raison des
Lumières, l’Aufklarung, idéal porteur de progrès et d’émancipation et régulateur
de la modernité, a pu produire la barbarie, l’aliénation et la domination. Il s’agit
en fait de la critique de la Raison instrumentale amputée de sa dimension critique
qui conduit à l’asservissement de l’homme, en confondant rationnel et réel,
savoir et vérité.

193
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’effondrement de ces légitimations traditionnelles prive la société


de toute explication et de toute légitimité fondatrice de l’ordre poli-
tique qui se trouve ainsi déstabilisé.374
Dès lors, la figure du juge constitutionnel, aux dires de Domini-
que Rousseau, apparaît comme une nouvelle figure dans le paysage
démocratique dont l’exigence démocratique se construit sur la base
de la raison axiologique et pratique, c’est-à-dire celle qui soumet la
légitimité des actions à leur conformité aux valeurs et à l’éthique

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dans lesquelles la société se reconnaît et s’identifie. Et les sociétés
modernes multiplient les lieux où se réfléchissent, se discutent,
s’apprécient le sens et la valeur des actions politiques ; dans cette dy-
namique émerge la figure du juge comme miroir ou comme scène de
cette réflexion, comme tiers par qui et devant qui s’énoncent les
principes sur la base desquels une action sera jugée légitime ou non.
Il est promu à la fois révélateur et opérateur de la qualité démocrati-
que des décisions.375
Ces développements ne seraient pas complets sans un regard ap-
puyé sur la théorie de l’État de droit qui constitue l’arrière-fond
idéologique moderne de la place du juge constitutionnel.
L’État de droit est devenu une référence incontournable, un des
attributs substantiels de l’organisation politique au même titre que la
Démocratie, avec laquelle il entretient des rapports complexes :
Moyen de réalisation de l’exigence démocratique, selon Jürgen Ha-
bermas, l’État de droit apparaît ainsi comme indice politique
d’encadrement et de canalisation du jeu politique ; dans tous les cas,
État de droit et Démocratie forment désormais un couple insépara-
ble, dont les éléments se présupposent réciproquement 376.
Plus systématiquement encore, le concept d’État de droit peut
être considéré comme une pure et simple tautologie, dans la mesure
où la spécificité de l’État, en tant que forme d’organisation politique,
réside précisément dans un processus de juridisation intégrale : l’État
est en effet un concept dont la consistance est d’abord juridique et

374
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 470.
375
Ibidem.
376
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, Paris, Montchrestien, 2003.

194
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

qui ne saurait être appréhendée qu’à travers le prisme du droit ; il


prend corps à travers un « statut », qui le fait exister comme entité
juridique, par la définition d’un ensemble de propriétés, d’une série
d’attributs qui lui sont reconnus.
Cette analyse a été poussée jusqu’à ses conséquences ultimes par
Hans Kelsen pour qui l’État n’étant en réalité que l’autre nom de
l’ordre juridique, l’expression « État de droit » ne peut être qu’un
pléonasme.

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Dès l’origine, plusieurs conceptions de l’État de droit se sont en
effet affrontées : l’État de droit sera posé, tantôt comme l’État qui
agit au moyen du droit, en la forme juridique ; tantôt comme l’État
qui est assujetti au droit ; tantôt encore comme l’État dont le droit
comporte certains attributs intrinsèques. Ces trois versions (formel-
le, matérielle, substantielle) dessinent plusieurs figures possibles, plu-
sieurs types de configurations de l’État de droit, qui ne sont pas
exemptes d’implications politiques.
Au début du XXe siècle, l’État de droit était conçu comme un ty-
pe particulier d’État, soumis à un « régime de droit » : dans un tel
État, le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l’ordre
juridique en vigueur, tandis que les individus disposent de voies de
recours juridictionnelles contre les abus qu’il est susceptible de
commettre.
Au cœur de la théorie de l’État de droit, il y a donc le principe se-
lon lequel les divers organes de l’État ne peuvent agir qu’en vertu
d’une habilitation juridique : tout usage de la force matérielle doit
être fondé sur une norme juridique ; l’exercice de la puissance se
transforme en une compétence, instituée et encadrée par le droit.
Dans la mesure où les organes de l’État sont ainsi tenus au respect de
normes juridiques supérieures, l’État de droit tend à se présenter
sous l’aspect formel de la hiérarchie des normes.
La théorie de l’État de droit postule d’abord la soumission de
l’Administration au droit : l’Administration doit obéir aux normes
qui constituent à la fois le fondement, le cadre et les limites de son
action ; et cette soumission doit être garantie par l’existence d’un
contrôle juridictionnel exercé, soit par le juge ordinaire (Justizstaat),
soit par des tribunaux spéciaux (Sondergerichte). Mais la théorie pos-

195
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tule aussi la subordination de la loi à la Constitution : le Parlement


doit exercer ses attributions dans le cadre fixé par la Constitution ;
et, là encore, l’intervention d’un juge constitutionnel apparaît indis-
pensable pour faire respecter cette primauté.
Ainsi conçu, l’État de droit contraste fortement avec la Rule of
law britannique, systématisée par Dicey (Introduction to the study of
the law of the Constitution, 1885), tout entière fondée sur le souci de
protection des droits et libertés individuels : le respect de la hiérar-

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chie des normes fait place à l’affirmation de l’autorité suprême et
exclusive de la Loi (la toute-puissance du Parlement étant cependant
limitée par la souveraineté politique de la Nation, l’existence de
l’« opinion publique ») ; la législation est tenue de présenter un cer-
tain nombre de qualités intrinsèques (généralité, publicité, non ré-
troactivité, clarté, cohérence, stabilité et, en tout premier lieu, prévi-
sibilité) ; enfin, les libertés individuelles sont placées sous la protec-
tion des tribunaux ordinaires, le principe d’égalité devant la Loi ex-
cluant tout privilège de juridiction pour les agents de la Couronne.
De même, aux États-Unis, le due process of law, consacré par le
quatorzième amendement en 1868, sera progressivement entendu,
non plus seulement comme imposant aux autorités publiques une
certaine manière d’agir (procedural due process) – par exemple la ga-
rantie d’un juste procès mais encore comme impliquant un certain
contenu du droit applicable (substantive due process). Alors que les
conceptions n’étaient pas au départ très éloignées voire communes,
les traditions continentales et anglo-saxonnes ont donc divergé : à la
différence de la Rule of law, l’État de droit est conçu pour l’essentiel
de manière formelle, indépendamment de tout caractère « substan-
tiel » ou « procédural ».
Le formalisme trouve cependant ses limites. La théorie de l’État
de droit exige davantage qu’un État régi par le droit, à travers la cons-
truction d’un ordre juridique hiérarchisé ; elle suppose aussi que
l’État, en tant que tel, et non pas seulement à travers ses organes,
soit assujetti au droit. Or, ce passage n’est rien moins évident :
l’ordre juridique est en effet celui de l’État lui-même et l’on ne sau-
rait inférer de la hiérarchisation du droit étatique l’idée de soumis-
sion de l’État au droit, sauf à recourir au raisonnement circulaire ou

196
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

tautologique ; en se soumettant au droit qu’il produit, l’État ne fait


tout au plus que se soumettre à lui-même, d’où le risque de ne voir
dans la subordination de l’État au droit qu’un pur artifice.
La doctrine de l’État de droit apportera à ce problème des répon-
ses variées : à la théorie de l’« autolimitation », dominante dans la
pensée juridique allemande, selon laquelle il ne saurait y avoir de
droit antérieur et supérieur à l’État, répondront les théories de
l’« hétéro-limitation », très présente dans la pensée juridique françai-

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se, plaçant le fondement du droit en dehors de l’État- (avant que
Hans Kelsen ne récuse le terme de la controverse, par l’affirmation
de l’identité de l’État et du droit) ainsi apparaît le talon d’Achille de
la théorie de l’État de droit qui, posant comme postulat la soumis-
sion de l’État au droit, ne parvient pas à fonder logiquement cette
soumission…
L’État doit définir, par le biais du droit, les voies et les limites de
son propre rayon d’action ainsi que la sphère de liberté des citoyens.
Aux yeux de ses théoriciens, la caractéristique essentielle du Rech-
tstaat est que, dans ses rapports avec les administrés et pour tout ce
qui concerne leur statut individuel, l’État agit sur la base des règles
générales, de normes préexistantes. Cette exigence prend son vérita-
ble sens à l’égard de l’Administration et constitue le principe fon-
damental de différenciation entre l’État de droit (Rechtstaat) et
l’État de police (Polizeistaat).
Comme l’État de droit, et à la différence du gouvernement despo-
tique ou arbitraire, l’État de police accorde une large place au droit :
mais celui-ci est un droit purement instrumental, sur lequel
l’Administration dispose d’une totale maîtrise, sans être tenue au
respect de normes supérieures qui s’imposent à elle : servant à impo-
ser des obligations aux administrés, sans être en retour source de
contrainte pour l’Administration, il est l’expression et le condensé
de la toute puissance administrative. L’État de police est fondé sur le
bon plaisir du prince ; il n’y a ni véritable limite juridique à l’action
du pouvoir, ni réelle protection des citoyens contre le pouvoir.
L’État de droit s’oppose moins à l’État de police qu’il ne l’englobe
et le dépasse : le droit n’est pas seulement un instrument d’action pour
l’État, mais aussi un vecteur de limitation de sa puissance. Aussi ac-

197
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

quiert-il un caractère ambivalent pour l’Administration, à qui il per-


met d’agir mais tout en faisant peser en même temps sur elle un en-
semble de règles, extérieures et supérieures, qui s’imposent à elle de
manière contraignante. Ces règles l’habilitent à agir et déterminent les
moyens dont elle peut faire usage ; l’Administration ne peut rien im-
poser qui ne soit explicitement prévue par elles, et les administrés peu-
vent les invoquer devant une juridiction pour obtenir l’annulation, la
réformation ou la non application des actes administratifs qui auraient

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froissé leurs intérêts…
La doctrine du Rechtstaat conduit en pratique à l’affirmation de
la suprématie de la loi sur l’administration : non seulement celle-ci
doit s’abstenir d’agir contra legem, mais encore elle est tenue de
n’agir que secundum legem, en vertu d’une habilitation légale (réserve
de la loi). Cette affirmation ne prend toute sa portée qu’au regard de
la conception matérielle de la loi professée par la doctrine allemande
et qui contraste avec la conception purement formelle qui sera, à la
suite de Carré de Malberg, celle de la doctrine française. Définie par
son contenu, la loi recouvre toute norme à caractère général.
Il se confirme qu’il ne peut y avoir un État de droit que si le pou-
voir politique pouvait s’exercer par les voies du droit et seulement
par ces voies. Pour cela, il faut qu’il existe dans l’État un réseau
normatif bien adapté et une hiérarchisation des normes avec au
sommet, des principes à valeur constitutionnelle qui servent de réfé-
rence.
C’est par le réseau normatif que l’on peut espérer éliminer
l’arbitraire.
Dans un régime démocratique, le pouvoir du plus grand nombre
n’a de sens que s’il ne laisse aux gouvernants aucune possibilité de
détourner leur volonté générale. Par son caractère procédural et
formel, la norme juridique objective la volonté de son auteur – le
législateur – l’exécution, elle, s’impose à lui autant qu’à ses destina-
taires. Il reste encore à l’auteur, et c’est indispensable, des possibilités
de choix, mais encadrées par le droit, le discrétionnaire étant substi-
tué à l’arbitraire.
La hiérarchisation des normes juridiques intègre les lois constitu-
tionnelles, les traités internationaux, les lois ordinaires, les règle-

198
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

ments des organes exécutifs, les règlements des autorités administra-


tives. C’est cette hiérarchisation qui, seule, permet aux juridictions
qualifiées de contrôler dans un même secteur de compétences, la
conformité des normes inférieures aux normes supérieures, sur re-
cours, selon le cas, de l’opposition ou des gouvernés eux-mêmes. Il
est donc nécessaire que soient institués un contrôle de la constitu-
tionnalité des lois et un contrôle de la légalité des règlements exécu-
tifs et administratifs.

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Jacques Chevallier affirme que l’indépendance de l’autorité juri-
dictionnelle constitue une garantie majeure contre l’arbitraire du
pouvoir et en réalise par là même la limitation. Elle représente un
des prolongements les plus intéressants et les plus souhaitables de la
théorie de la séparation des pouvoirs. Alors que le « pouvoir judi-
ciaire » avait toujours été plus ou moins négligé, il apparaît actuel-
lement, sous la forme plus neutre de l’autorité juridictionnelle, c’est-
à-dire de l’ensemble des juridictions nationales.
Par l’autorité juridictionnelle, il faut entendre aussi bien la Cour
Constitutionnelle que les diverses juridictions chargées de trancher les
litiges qui opposent, soit des personnes privées, physiques ou morales,
entre elles, soit des personnes privées à des personnes morales de droit
public (c’est-à-dire aux gouvernants et à l’administration), soit encore
des personnes morales de droit public entre elles.
Sur le plan juridique, l’indépendance des juges peut être garantie,
d’une part, par leur inamovibilité, qui les met à l’abri de toute révoca-
tion et de tout déplacement imposé, sauf le cas de faute d’une gravité
avérée et selon une procédure juridictionnelle. Mais l’indépendance
n’est pas seulement tributaire de garanties juridiques, elle est aussi
fonction du caractère et des traditions corporatives.
Par le troisième élément, l’auteur soutient qu’en ce qui concerne
la philosophie humaniste et libérale, s’il est nécessaire que les titulai-
res du pouvoir politique voient leur liberté encadrée et parfois ver-
rouillée par un réseau de normes hiérarchiques sous le contrôle de
l’autorité juridictionnelle. Cela ne saurait être considéré comme suf-
fisant pour la mise en œuvre d’un véritable État de droit. Celui-ci
implique que le tissu normatif soit inspiré par une philosophie hu-
maniste et libérale, plaçant au premier plan la dignité et le mieux-

199
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

être de la personne. L’État n’est pas une fin en soi, mais un instru-
ment au service du Bien commun et que tout État démocratique et
pluraliste doit nécessairement avoir pour support un corps de prin-
cipes fondamentaux affirmant les libertés et les droits des citoyens.
La littérature en matière de l’État de droit connaît une fortune ce
dernier temps. Et tous les auteurs du droit public s’y emploient allé-
grement : Gustave Peiser, définit ce droit comme ensemble organisé
de services destinés à satisfaire les besoins collectifs déterminés. Fai-

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sant la distinction entre et État de droit, il affirme que dans ce der-
nier l’Administration est liée par la règle de droit. Principe fonda-
mental du libéralisme politique, cette notion, conclut-il, prévaut
dans les États modernes, mais les modalités peuvent être variables.
Dans l’État de droit, souligne-t-il, les modalités sont notamment
la soumission de l’Administration au droit commun (système anglo-
saxon) où l’Administration est soumise au droit dans les mêmes
conditions que les citoyens, la loi étant la même pour tous ; et dans
le système de la dualité de droit applicable, comme dans le système
français où le droit applicable à l’Administration est double, « un
droit » spécial (droit administratif) et, pour les particuliers, un droit
commun, le droit privé377.
De con côté, Jean-Paul Jacqué378 souligne que la souveraineté de
l’État serait arbitraire si elle n’était pas limitée par le droit. C’est ain-
si qu’il distingue, d’une part, l’État de droit de l’État de police et,
d’autre part, l’État de droit formel et l’État de droit substantiel.
Gilles Champagne379, insiste aussi sur le fait que l’État souverain
doit être un État de droit. En effet, à condition de ne pas être totali-
taire, l’État souverain reste un État de droit, c’est-à-dire un État qui
ne peut tout faire. Conçu comme un pouvoir, l’État lui-même est
soumis au droit. L’État de droit exclut l’arbitraire ; il suppose no-
tamment l’existence d’une constitution et des lois précises qui enca-

377
PEISER (G.), Droit administratif, Paris, Dalloz, 1988, pp. 4-5.
378
JACQUE (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz,
2000, p. 12.
379
CHAMPAGNE (G.), L’essentiel du droit constitutionnel, Paris, 4e édition, les
carrés, Gualino, 204, p. 19.

200
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

drent les organes d’exécution, et des juridictions indépendantes qui


exercent également le respect du principe de la hiérarchie des nor-
mes.
En conclusion, le juge constitutionnel dans la perspective décrite
dans ce paragraphe apparaît non seulement comme « la bouche de la
Constitution » mais aussi et surtout comme le grand prêtre du culte
du droit que la politique est obligée de vouer au droit dans cette
conception moderne de la séparation des pouvoirs380. Il confère

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l’incontestabilité aux actes du pouvoir, les auréolant ainsi d’une sain-
teté infranchissable ou tout au moins critiquable par le constituant
seul c’est-à-dire le souverain c’est-à-dire, par définition, le peuple.
C’est une place essentielle dans la nouvelle démocratie constitution-
nelle.

§ 2. La protection de la minorité politique


La minorité politique s’apprécie, eu égard à l’expression du suf-
frage, comme « le parti ou les partis qui s’opposent à l’équipe au
pouvoir en exerçant une fonction de surveillance et de critique, en
informant l’opinion, voire en préparant une équipe gouvernementa-
le de rechange »381.
Il est entendu que cette idée-force n’est concevable que dans le ca-
dre de la conception libérale et la démocratie pluraliste qu’elle en-
traîne. En effet, l’implosion du bloc communiste ou socialiste et
l’effritement conséquent des démocraties unanimistes à parti unique
africain montrent, si besoin en était encore, que seule est valide la
conception que la démocratie est toujours et déjà pluraliste. Et, dans
ce cadre, la bonne gouvernance, comme l’État de droit, est un des
concepts familiers pour traduire la protection des citoyens contre
l’arbitraire des gouvernants.
Au demeurant, il est admis que la démocratie a souvent connu des
définitions doctrinales et philosophiques même si une approche ju-

380
FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et
conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998.
381
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes
juridiques, Paris, Dalloz, 1985, p. 312, V° opposition.

201
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

risprudentielle a été tentée par le juge constitutionnel français. Ainsi,


le pluralisme des courants d’idées et d’opinions se trouve être affir-
mé comme le fondement de la démocratie382. Au-delà de
l’incantation des droits de l’homme, il faut le respect de ceux-ci au
profit des individus, des groupes et des minorités vis-à-vis des déci-
sions du pouvoir majoritaire.383
Tout ceci suppose, à n’en point douter, un mécanisme efficace de
protection. Aussi, le constitutionnalisme européen et occidental a-t-il

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
conçu le pluralisme politique comme une « organisation constitu-
tionnelle de la concurrence pacifique pour l’exercice du pouvoir ».384
Comme l’écrit Olivier Duhamel, l’opposition d’aujourd’hui est la
majorité de demain, l’unique incertitude pesant sur la date de ce de-
main. Voilà ce qui incite ce dernier (l’opposant de demain) à un peu
de modestie salutaire et qui contient, au moins partiellement, son ar-
bitraire.385 Le moteur de la démocratie est la vertu ainsi que l’on sait
depuis les philosophes grecs du Ve siècle avant Jésus-Christ. Aussi, la
démocratie commande-t-elle la tolérance politique et l’alternance au
pouvoir.
En effet, la tolérance politique des opinions et des courants
d’idées est essentielle dans une démocratie car la suprématie constan-
te d’une majorité n’est pas consubstantielle à cette forme
d’organisation politique de l’État. Par ailleurs, la Cour européenne
renchérit en posant que « la société démocratique pratique la tolé-
rance, l’esprit d’ouverture et accueille en son sein toutes les tendan-
ces politiques et philosophiques, même si certaines d’entre elles pro-
fessent des opinions qui choquent ou heurtent la majorité ».386
Le rôle du parti politique dans la formation de la conscience na-
tionale et dans l’éducation civique n’est pas étranger à l’expression

382
Décision 89-276 du 11 janvier 1990, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les
grandes décisions du Conseil constitutionnel, 9e édition, Paris, Dalloz, 1997, p. 603.
383
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 476.
384
ARON (R.), Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965, p. 76.
385
DUHAMEL (O.), Droit constitutionnel, tome 2, Les démocraties, Paris, Seuil,
2000, p. 34.
386
Cour européenne des droits de l’homme, Arrêt Handyside du 7 décembre 1976,
Série A, n° 24, p. 23, § 49.

202
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

du suffrage qui lui est donné par le constituant français ou congo-


lais.387
La tolérance politique ainsi exposée ne peut subsister sans
l’alternance au pouvoir qui est comme la seconde mamelle de la dé-
mocratie. En effet, avec la possibilité d’alternance, la démocratie ca-
nalise et institutionnalise les conflits dans la société.388
Cependant, la bipolarisation, au-delà du bipartisme ou même du

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
multipartisme, est seule capable de permettre la concurrence ordon-
née des protagonistes et l’alternance réglée au pouvoir. Et Jean Gic-
quel de conclure que l’alternance est l’indice de la bonne santé d’un
régime qui, par une remise en cause périodique, transforme sa fai-
blesse en force.
Aujourd’hui, l’enjeu majeur de l’institution d’un juge constitu-
tionnel se trouve être la garantie des droits de l’opposition politique
qui a perdu les élections de manière que l’on n’ait pas juridiquement
tort parce que l’on est politiquement minoritaire.389 Le juge consti-
tutionnel de ce point de vue est une pratique de civilisation de la vie
démocratique.
Par ailleurs, la démocratie se ramène à la vision de la majorité et
du contrôle de l’opposition. Il est logique dès lors que cette opposi-
tion politique ait des droits sinon le contrôle qui est reconnu serait
du domaine de la décoration démocratique.
Voilà pourquoi en droit comparé l’on note plusieurs droits re-
connus à l’opposition notamment : le droit à des élections sincères et
régulières, le droit à la parole publique, le droit de participer à des
assemblées politiques, le droit de manifester, le droit de déférer au
juge constitutionnel les lois et autres actes ayant force de loi, le droit
de bénéficier des aides publiques.390

387
Articles 4 de la Constitution française du 4 octobre 1958 et 6 alinéa 3 de la
Constitution congolaise du 18 février 2006.
388
ERGEC (R.), Introduction au droit public, tome 1, Le système institutionnel, op.
cit., p. 45, n° 127.
389
OLIVA (E.), Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2000, p. 30.
390
En Grande Bretagne, par exemple, l’opposition est respectée au point que son
Chef peut être pris pour une institution à lui tout seul car non seulement il

203
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il est évident que l’ensemble de ces droits étant le plus souvent


des droits garantis constitutionnellement ou par une loi organique,
le recours au juge constitutionnel reste un mécanisme efficace, sous
réserve de conditions à étudier plus tard, pour assurer leur protec-
tion.
Dans le système allemand que nous avons vu plus loin, la Cour
constitutionnelle allemande a consacré une conception « combattan-
te » de la démocratie libérale en acceptant, conformément à la Consti-

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tution, de défendre l’ordre libéral contre les partis ou les individus
susceptibles de lui porter atteinte.
Le juge constitutionnel pouvant ainsi à tout moment contrôler
les actes de la majorité, celle-ci aura une tendance presque naturelle à
s’autolimiter. Jouant également le rôle de mécanisme de stabilisation
et d’intégration de la collectivité nationale, le juge constitutionnel
contrôle le pacte fédéral et de ce fait, assure l’arbitrage considérable
entre l’État et les collectivités constituantes. Ce rôle d’arbitrage qui
est au premier chef juridictionnel est derechef politique car il impli-
que la solution juridique des problèmes souvent politiques entre les
entités politiques concernées.391
Du simple fait que le juge constitutionnel contrôle les lois au re-
gard des dispositions constitutionnelles relatives aux droits fonda-
mentaux, il en résulte que tant dans l’opinion que dans la minorité
politique il est perçu comme un allié même si selon le vent de
l’alternance il ne donne pas toujours raison au camp qui a reçu ses
faveurs à une époque. 392

reçoit une rémunération publique ; il s’assied en face du Premier ministre à la


Chambre des communes ; il inaugure les questions du mardi et jeudi pour
interpeller le Premier ministre ; il est reçu par les Chefs d’État et de
gouvernements étrangers ; il est sollicité par les médias ; il est même consulté par
le Premier ministre sur les grandes questions de politique étrangère et de
défense ; il dirige enfin le shadow cabinet. Tout ceci garantit une bonne
alternance qui évite l’improvisation dans les affaires publiques.
391
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 66.
392
VEDEL (G.), « le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la
transcendance des droits de l’homme », Pouvoirs, 1988, n° 45, p. 149.

204
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Ceci souligne au demeurant son rôle de stabilisateur de la vie po-


litique d’autant que l’intervention de la justice constitutionnelle a
juridicisé la vie et les débats politiques. Le législateur est soumis à la
règle de droit et sait qu’il pourra être contrôlé par le juge. 393 Au-delà
du rôle d’arbitre qu’il joue dans le jeu politique, il faut voir aussi que
le juge constitutionnel en tant que mécanisme de protection joue
inconsciemment le rôle d’arme de dissuasion massive entre les mains
de la minorité politique.394

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Par ailleurs, le rôle de la Cour constitutionnelle sera grand car elle
va être amenée à prendre position sur des questions politiquement
controversées notamment lorsque l’opposition a fortement combattu
devant le pays ou la représentation nationale telle loi au moment de
son vote. En sauvegardant ainsi les droits de l’opposition, le juge cons-
titutionnel devient un élément du jeu démocratique en favorisant ain-
si la reconquête du pouvoir par l’opposition.
Ensuite, les minorités sociologiques, par le biais du juge constitu-
tionnel, recouvrent la possibilité de contester le discours majoritaire
traduit en termes juridiques par la loi qu’elles ne peuvent autrement
combattre. La monopolisation ou la domination des débats et déci-
sions politiques est de ce fait quelque peu nuancée.
Enfin, le recours au juge constitutionnel par l’opposition politi-
que offre à ce dernier la possibilité de contrôler l’objectivité et la
précision technique des lois jouant ainsi le rôle de technicien dans le
processus d’élaboration des normes législatives.
L’on peut se permettre d’opiner avec Michel Fromont en posant
que l’interprétation de la constitution par le juge a entraîné un dou-
ble effet.

393
Le lieu du pouvoir étant vide en démocratie, de manière inattendue, la justice
constitutionnelle rend visible ce vide en ne rapportant pas la construction de la
norme à un auteur, le peuple, les élus ou les juges, mais à un espace de
délibération qui n’est la propriété de personne. Lire ROUSSEAU (D.), Droit du
contentieux constitutionnel, op. cit., p. 486. Il nous semble que cette affirmation
doctrinale de Rousseau pose le problème de la supraconstitutionnalité de l’espace
de délibération qui est censé être déjà là au moment de la fondation puisque la
norme n’est même pas attribuée au peuple.
394
FROMONT (M.), op. cit., p. 131.

205
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

D’une part, en raison de sa rédaction peu détaillée et souvent res-


treinte à l’affirmation de quelques grands principes, la Constitution
s’est avérée un instrument remarquable d’accroissement de l’influence
des juges sur le développement du droit au plus haut niveau.
D’autre part, l’interprétation de la Constitution par les juges a
permis l’émergence d’un ensemble de principes supérieurs qui do-
minent et parfois même transfigurent tout l’ordonnancement juridi-
que ; au point qu’il est permis de se demander comme Dominique

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Rousseau395 ou même Dominique Turpin396, si le droit constitution-
nel, du moins sa partie relative aux droits de l’homme, n’est pas en
voie de devenir un droit qui n’est plus exclusivement public et qui se
caractérise surtout par son rang, le rang suprême.397
En effet, quant à la nature du droit constitutionnel, il s’agit bien
d’un retour au texte mais tel qu’interprété par un organe extérieur
au jeu politique, héritier du fameux pouvoir modérateur et régula-
teur que Prévost-Paradol avait assigné jadis au chef de l’État, parce
qu’il est doté d’une légitimité technique désormais supérieure à la légi-
timité démocratique de la majorité.398
Cette affirmation appelle, néanmoins, la problématique, sans
doute, récurrente de savoir si les décisions du juge constitutionnel
n’infèrent pas des normes à valeur constitutionnelle et, en cette oc-
currence, qui seraient chargées de contrôler le contrôleur.
La controverse sur la légitimité du juge constitutionnel est bien
tranchée, à notre avis, par Dominique Rousseau lorsqu’il avance no-
tamment que tout part du type du discours produit à un moment
donné de l’histoire. Le discours ambiant et accepté par tous est que
la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Consti-
tution.399

395
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., pp. 480-486.
396
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, pp. 5-6.
397
FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op. cit., p. 129.
398
TURPIN (D.), op. cit., p. 6. C’est nous qui soulignons.
399
Lire CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 2e édition, coll. Clefs/Politique, Paris,
Montchrestien, 1994. L’auteur démonte avec ingéniosité les mécanismes
opératoires de ce discours et indique comment la technologie discursive entraîne
dans le champ politique une légitimité technique directement liée à la démocratie

206
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Dès lors, en effet, que « la démocratie ne se définit plus seulement


par le simple pouvoir majoritaire de faire la loi, mais aussi par une
pratique délibérative où se discute et se construit la validité des déci-
sions, le rôle du juge constitutionnel devient parfaitement légitime
au regard de cette définition-là de la démocratie400. Au demeurant,
(…) elle énonce seulement la vérité du nouveau régime institutionnel
et politique de production de la volonté générale » et sa vision des
droits des citoyens.401

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§ 3. Les droits et libertés fondamentaux
L’État est toujours régi par la Constitution, qu’elle soit écrite ou
coutumière ; mais l’État de droit moderne ou État de droit constitu-
tionnel est celui qui est caractérisé par la primauté constitutionnelle
qualificative de l’homme en tant que citoyen et individu. Cet État est
donc un « État de droits de l’homme » du fait tant de l’inscription de
ceux-ci dans la Constitution que de la garantie qu’ils impliquent pour
l’autodétermination du citoyen.402
Par ailleurs, Jean Rivero définit la liberté comme un pouvoir
d’autodétermination, en vertu duquel l’homme choisit lui-même son
comportement personnel.403 Le droit, en revanche, c’est le pouvoir
d’accomplir tel ou tel acte en toute liberté. Ainsi vus, les libertés fon-
damentales ou les droits fondamentaux sont dans la même proximité
idéologique avec la notion de droits de l’homme et celle de libertés
publiques.404 Les libertés se définissent comme des pouvoirs

constitutionnelle évacuant de la sorte un certain nombre d’écueils


épistémologiques qui rendaient peu visible la théorie de la légitimité du juge
constitutionnel. Bref, il est légitime parce qu’il est celui qui confère le sérieux au
discours politique qui a, pour de raisons d’efficacité, choisi d’emprunter les
catégories du discours juridique réputé sérieux, objectif et neutre.
400
Lire BASTIEN (F.), « Le juge, le droit et la politique : éléments d’une analyse
politiste », RFDC, n° 1, 1990, p. 49.
401
ROUSSEAU (D.), op. cit., p. 482.
402
DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit., p. 192, n° 179.
403
RIVERO (J.), Les libertés publiques, tome 1, Les droits de l’homme, Paris, PUF,
1997, p. 21.
404
PARDINI (J.-J.), « Brèves réflexions sur les interactions entre les ordres juridiques »,
in BAUDREZ (M.) et Di MANNO (Th.) (sous la direction de), Liber Amicorum
Jean-Claude Escarras, La communicabilité entre les systèmes juridiques, Bruylant,
Bruxelles, 2005, pp. 131-159.

207
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d’autodétermination (libertés) consacrés par le droit positif tandis que


les droits de l’homme se saisissent comme des droits inhérents à la na-
ture humaine et que l’on ne peut méconnaître sans porter atteinte à
celle-ci. Ici, c’est la conception jusnaturaliste qui prime. Les droits de
l’homme englobent de la sorte les libertés publiques qui sont des
droits de l’homme reconnus et aménagés par l’État.
Les libertés publiques sont donc à géométrie variable dans la me-
sure où elles connaissent une géographie variable. En effet, elles doi-

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vent varier dans le temps et dans l’espace car le droit positif est, par
définition, très poreux aux souffles de chaque pays.405
Il existe également des droits économiques, culturels et sociaux
qui sont autant de créances contre la société plutôt que de véritables
pouvoirs d’autodétermination. En revanche, pour y satisfaire, la so-
ciété est tenue de créer des services publics. Ils ne constituent pas
donc des libertés mais plutôt des créances sur autrui. Et c’est cette
évolution qui oblige l’emploi à la fois des mots libertés et droits pour
couvrir l’ensemble des droits publics consacrés par le droit positif en
faveur des citoyens.
Les droits exigent une attitude positive de la part du débiteur de
la prestation tandis que la liberté implique plutôt une attitude
d’abstention parce qu’elle s’exerce sur la personne titulaire du pou-
voir d’autodétermination. Ainsi donc, les droits et les libertés sont
quelque fois synonymes mais en réalité leur différence sémantique
demeure.
Nous l’avons vu plus haut, l’État de droit moderne se saisit à la
fois comme esclave et protecteur des droits de l’homme, il tire sa
légitimité de son aptitude à les développer et à s’y soumettre. Cette
« mission-soumission » est caractéristique de l’État de droit qui impli-
que comme conditions de possibilité : la soumission à une hiérarchie
des normes sur laquelle trône la Constitution et l’indépendance du
juge pour sanctionner la méconnaissance des droits ainsi procla-
més.406 Cette indépendance juridictionnelle tient, on l’a vu, de la sé-
paration des pouvoirs qui garantit une place de choix au juge consti-

405
COLLIARD (C.-A.), Libertés publiques, 7e édition, Paris, Dalloz, 1989, p. 16.
406
En ce sens, LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l’homme, 4e édition,
Paris, Armand Colin, 1999, p. 19.

208
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

tutionnel ou tout autre juge. La réalisation de l’État de droit tient de


même à la reconnaissance des droits et libertés mais aussi à la sépara-
tion juridique et politique des pouvoirs.
Sans rentrer dans la discussion savante sur la nature de la recon-
naissance des droits à l’individu par l’État et la communauté interna-
tionale, il y a lieu de remarquer que trois théories tentent de justifier
cette reconnaissance. La théorie de droit naturel dont le principe est
que tout homme naît avec des droits qu’il tire soit de la nature des

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
choses (droit naturel objectif) soit de la nature humaine (droit natu-
rel subjectif) aboutit dans l’école moderne du droit naturel qui pense
qu’il existe une raison universelle qui serait saisie en tout être hu-
main comme la cristallisation d’une multiplicité des consciences in-
dividuelles.
Cette théorie a laissé des échos perçants dans la Déclaration
d’indépendance américaine lorsqu’elle proclame que tous les hommes
sont créés égaux, ils sont doués par le Créateur des droits inaliénables et
dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 se-
lon laquelle les droits (sont) naturels, inaliénables et sacrés de l’homme.
Si cette théorie peut fonder et même justifier le droit à la vie ou la
liberté d’expression, elle s’effondre lorsqu’il faut l’appliquer au droit
de grève ou à la liberté syndicale qui ne présentent guère des ressem-
blances avec les droits inhérents à la nature humaine.
La théorie du positivisme juridique quant à elle, nie la réalité des
droits naturels. En effet, les tenants de cette école de pensée dont
Hans Kelsen407, Raymond Carré de Malberg408, Gaston Jèze409 et
Pierre Duez410 estiment que les droits naturels relèvent d’une vision
métaphysique qui ne peut cadrer avec l’approche scientifique.

407
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2e édition, Paris, Dalloz, 1962.
408
CARRE de MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l’État, Paris,
Sirey, 1920-1922 ; IDEM, La loi, expression de la volonté générale, Paris, Sirey,
1931.
409
JEZE (G.), « Signification juridique des libertés publiques », Annuaire de l’Institut
de droit public, Paris, 1929, p. 162.
410
DUEZ (P.), « Esquisse d’une définition réaliste des droits publics individuels »,
Mélanges Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, p. 111.

209
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Dans sa tentative d’épurer la science du droit de toutes impuretés


subjectives car pour cette école, le droit doit se construire sur le mo-
dèle des sciences naturelles et évacuer tout jugement de valeur, la
théorie positiviste a sombré dans les travers du nazisme puisque dans
ses termes elle juge de la validité de normes sans référence aucune à
leur valeur axiologique.411
Il faut allumer cependant une fière chandelle au positivisme juri-
dique dans la mesure où seuls les droits publics individuels sont sus-

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ceptibles d’être sanctionnés par le juge, les autres droits naturels
n’étant pas portés par un texte qui serait applicable par lui. Toute-
fois, la théorie gagnerait à s’aligner sur l’apport désormais acquis de
sciences morales et de la psychologie moderne et à tenir compte du
fait aujourd’hui démontré par les sciences sociales que l’homme est à
la fois un animal politique et un être spirituel.412
La théorie du positivisme sociologique soutenue par Léon Duguit
et Émile Durkheim énonce quant à elle que le droit serait le produit
spontané de la conscience collective ; c’est-à-dire le produit d’un dé-
terminisme social. En effet, le déterminisme social ne semble pas
avoir créé quelque part un droit ; c’est plutôt le volontarisme des
acteurs juridiques qui le crée certainement avec l’influence de la
conscience collective agissant cette fois-là non point comme auteur
de la norme mais plutôt matrice sociale ou source sociologique. 413
L’on peut noter, et c’est une différence de taille, que le positivis-
me sociologique considère le droit comme un fait social et n’admet
la légitimité du droit qu’à la condition qu’il reflète les aspirations de
la conscience collective.
La question serait de savoir ce qu’est la conscience collective. Se-
rait-ce l’opinion publique telle qu’elle s’exprime lors des votations,
pétitions, manifestations ou sondages. Mais tout le monde ne
s’exprime pas lors de ces manifestations pour de raisons juridiques

411
En ce sens, lire LEBRETON (G.), op. cit., p. 21.
412
En ce sens, lire DARBELLAY (J.), La règle juridique. Son fondement moral et
social, Saint-Maurice, Éditions de l’œuvre St Augustin, 1945, 317 pp.
413
DUGUIT, (L.) L’État, le droit objectif et la loi positive, 2 volumes, 1901-1903, cité
par LEBRETON (G.), op. cit., p. 26.

210
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

pourtant. La conscience collective ne devrait-elle pas être la même


comme une sorte d’osmose collective ? Si le recours aux valeurs dé-
mocratiques, que nous approuvons, se lit en filigrane dans cette
théorie, elle souffre cependant, à notre avis, des manques concep-
tuels énormes en ce qui est de la donne essentielle de son fondement
théorique : la conscience collective.414
Si son fondement est la majorité des citoyens ayant exprimé leurs
suffrages, le positivisme sociologique n’a toujours pas réglé la ques-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
tion capitale du contenu sémantique de la notion de conscience col-
lective au point où l’on peut constater que la notion de majorité re-
lève déjà d’une catégorie juridique alors que dans son hypothèse de
départ le droit n’est pas encore créé, et en tout cas, avant que le dé-
terminisme social ne l’ait engendré.
Cependant, il faut reconnaître que la majorité de la doctrine pour
de raisons d’efficacité institutionnelle peut-être a trouvé un fonde-
ment aux droits de l’homme dans cette théorie dans la mesure où les
droits de l’homme sont de droits subjectifs dans une société politi-
que où la primauté de l’individu a été proclamée et constitue le socle
de l’État de droit qui est à la fois, dans une première acception,
l’édifice de respect de la hiérarchie des normes et, dans une seconde
acception, la structure qui respecte les principes et valeurs fonda-
mentaux de la société, dont les droits de l’homme.415
Par ailleurs, avec Dominique Turpin416, l’on peut affirmer que les
libertés sous l’influence de la justice constitutionnelle font désormais

414
Le questionnement philosophique qui constitue notre critique de la théorie du
positivisme comme cadre épistémologique du droit part de la définition que la
philosophie moderne tente de donner au concept conscience. Celle-ci est souvent
vue comme une intuition qu’a l’esprit de ses actes et de ses états. Cette définition
qui est approximative aux dires de ses auteurs ne peut satisfaire ni même
résoudre l’aporie de tout à l’heure ; au demeurant, elle suppose, ce qui est à
démontrer, qu’il existe un esprit collectif qui aurait une quelconque faculté
d’intuition ou même de saisir comme sujet et objet au même moment. Pour
prolonger la discussion philosophique, consulter LALANDE (A.), Vocabulaire
technique et critique de la philosophie, 9e édition, Paris, PUF, 1962, pp. 173-176.
415
JACQUE (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e édition, Paris,
Dalloz, 2000, p. 9.
416
TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p. 7.

211
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

partie intégrante du droit constitutionnel car les trois objets de ce


droit, selon Louis Favoreu417, – institutions, normes et libertés –
sont étroitement liés et forment un ensemble.
Dans ce nouveau rôle le juge constitutionnel revendiquera la qua-
lité de protecteur des libertés publiques, de préférence à celle de gar-
dien des frontières normatives et ce, d’autant que son accès sera ou-
vert à l’opposition parlementaire. Dans l’hypothèse du système
congolais d’ouverture de la saisine à toute personne, les libertés fon-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
damentales constituent, à coup sûr, la voie de transformation du ré-
gime politique : le pouvoir délibérant final est entre les mains des
citoyens.418
En même temps, c’est ici que se remarque la rupture de concep-
tion entre la société occidentale et celle africaine. En effet, dit Jean
Gicquel, l’anthropocentrisme résume la pensée occidentale. Il
s’ensuit l’exaltation et la protection tous azimuts de l’individu qui,
en sa double qualité de citoyen et de personne, peut revendiquer
respectivement l’usage de la liberté politique, appelée aussi la liberté-
participation, et la liberté physique ou liberté-autonomie.419
En revanche, l’organisation sociale se trouve aux premières loges
dans les préoccupations de la conception collectiviste de la société
qui semble hanter l’esprit de l’homme africain noir. Ici, l’individu
n’est pas évacué mais il n’apparaît que comme titulaire d’un poste de
service de la société. La confiance est accordée non à l’homme mais à
la communauté. Bref, l’individu est l’obligé de la société, à l’opposé
de la tradition occidentale.420
Au-delà de cette affirmation doctrinale péremptoire, l’on peut
constater que la cosmogonie africaine relie l’individu comme le mail-
lon d’une chaîne de solidarité à la société dont il dépend ; mais en

417
FAVOREU (L.), « L’apport du conseil constitutionnel, droit de la Constitution, et
constitution du droit », RFDC, n° 1, 1990, p. 71 et 79.
418
Voir l’article 162, alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006,
JORDC, 47e année, numéro spécial, p. 56.
419
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 16e édition, Paris,
Montchrestien, 1999, p. 74.
420
Ibidem.

212
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

même temps, dans nos traditions l’on dénombre de traces


d’individuation susceptibles de fonder des libertés individuelles.421
Il nous semble approprié de classer la société africaine parmi les so-
ciétés solidaristes plutôt que collectivistes et de ce point de vue la théo-
rie de la dysfonctionnalité du Professeur Kayemba Ntamba Mbilanji
semble offrir des perspectives intéressantes pour l’explication de cette
parenté solidaire.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
En effet, elle est due, selon cet auteur, à l’arrêt brusque du fait po-
litique au XVIe siècle alors que la cité était en train de se construire
en Afrique noire, ce qui entraîne une prise en charge des microsocié-
tés, la société globale ayant disparu à coup des fléaux de toute sor-
te.422
Donc, la parenté qui est perçue comme une tare dans la société
occidentale joue ici comme une assurance-vie ou une mutuelle de
santé de telle sorte qu’il est idoine de parler de solidarité plutôt que
de collectivisme, celui-ci impliquant un choix politique que les noirs
ne semblent guère avoir opéré.
Cette affirmation est en droit fil de la proposition de la présente
thèse qui consiste à montrer qu’il y a différence de perspective et de
fondement de la justice constitutionnelle ici et ailleurs et que cette
différence devrait rejaillir sur les modalités d’exercice. 423

421
Deux proverbes de la tradition luba du Kasaï suffisent à indiquer cette nuance : le
premier, Cia dima umue, cia dia banyi (Ce que l’un a cultivé sera mangé par la
multitude) et le second, Bidi muetu ntente, ikala ne ciebe pebe (Il y a moult
richesses chez nous ne doit pas t’empêcher d’avoir tes biens propres).
La doctrine occidentale a classé, à notre avis, trop rapidement la société africaine
dans la conception collectiviste sans une approche holistique approfondie
notamment philosophique du muntu. Lire BIMWENYI KWESHI (O.), Discours
théologique négro-africain. Problèmes des fondements, thèse de doctorat en
théologie, Université catholique de Louvain, Faculté de Théologie, 1977, 796 p.
422
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « Modernité sous l’identité culturelle
d’emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la Faculté de Droit, vol. IV-
VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp. 63-76.
423
Lire dans le même sens, MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La
mégarde des modèles de Constitutions euro-occidentales et l’élaboration d’une
Constitution zaïroise de développement véritablement intériste », Annales de la
Faculté de droit, vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996.

213
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

La problématique est corsée ici car les libertés fondamentales tel-


les qu’inscrites dans la Constitution subissent la critique du Profes-
seur Mupinganayi Kadiakuidi qui y voit des droits non attachés au
sol et aux paysans424. L’auteur approche la question des droits par
rapport à leur utilité économique.
La critique est assez nuancée avec l’adoption aujourd’hui de
droits de l’homme et des libertés fondamentales comme deux caté-
gories distinctes par le constituant congolais.425

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
Cette adoption, ainsi que nous l’avons vu dans les lignes précé-
dentes, infère à une double conception épistémologique à la fois du
droit naturel et du droit positif avec la conséquence que l’individu
au-delà de droits reconnus par les textes nationaux et internationaux
dits droits fondamentaux possède en outre des droits inhérents à sa
nature humaine dits droits naturels.426
Lorsque les citoyens recourent au juge pour régler leurs diffé-
rends avec l’État, il se pose naturellement la question de la justiciabi-
lité des droits : le droit au juge.427
En évoquant la justiciabilité des droits, on fait référence au rôle
du juge dans la protection des droits fondamentaux, en postulant
qu’il n’y a pas de véritable garantie de ces droits sans la possibilité de
recourir à un juge pour les faire respecter. Le juge est reconnu ainsi
comme le garant de l’effectivité des droits fondamentaux et des liber-
tés publiques (article 150 de la Constitution).
En effet, le Constituant de 2006, dans le texte promulgué par le
président de la République et publié au journal officiel numéro spé-
cial du 18 février 2006, après avoir énuméré les droits et libertés fon-

424
MUPINGANAYI KADIAKUIDI, La bonne gouvernance dans une société
démocratique, Cours de DES de droits de l’homme, Chaire UNESCO,
Université de Kinshasa, 2001-2002, inédit.
425
L’article 60 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, JORDC, 47e année,
numéro spécial, 2006, p. 25.
426
En ce sens, lire TORRELLI (M.) et BAUDOUIN (R.), Les droits de l’homme et
les libertés publiques par les textes, Québec, Les presses de l’université du Québec,
1972, p. XV, note 1.
427
REUSS-LAUSSINOTTE, L’essentiel des droits et libertés fondamentaux, tome 1,
Gualino éditeur, Paris, 2001, p. 99.

214
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

damentaux qu’il entendait protéger (articles 11 à 61), a confié à la loi


la mission de fixer les règles les concernant, c’est-à-dire concernant
leur gestion (article 122). Mais, la mise en œuvre de la loi est confiée
au Règlement (article 128) dont certains sont autonomes.
Ainsi, le Constituant a créé deux domaines : le domaine de la loi
et celui du règlement. Il a confiné la loi dans une compétence
d’attribution, soigneusement énumérée aux articles 122 et 123 où,
tantôt elle fixe, tantôt elle détermine. Mais, au règlement le Consti-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
tuant a donné la compétence de droit commun.
Du coup, se situant dans le cadre de la séparation des pouvoirs, il
interdit à la loi de se promener sur le terrain du règlement sous pei-
ne de voir le texte vagabond modifié par décret si la Cour constitu-
tionnelle, à la demande du Gouvernement, aura déclaré que celui-ci a
un caractère réglementaire (article 128, al.2 de la Constitution).
Nous nous répétons pour nous faire bien comprendre. Étant
donné que les libertés publiques sont des droits protégés, il avait fal-
lu confier leur organisation à un organe. C’est ainsi que le Consti-
tuant, sans le savoir peut-être, en emboîtant les pas de Montesquieu,
et, suivant en cela les révolutionnaires français de 1789, a confié cette
organisation des droits et libertés au législateur, c’est-à-dire à la loi.
Cela ressort de la section III, du titre III où la Constitution, en son
article 122, stipule que « sans préjudice des autres dispositions de la
présente Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civi-
ques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l’exercice des libertés publiques… ».
Cependant, en observant de plus près, on constate que ce domai-
ne est partagé entre la loi et le règlement. Tandis que la loi est confi-
née dans la compétence d’attribution, limitativement, énumérée aux
articles 122 et 123, le règlement reçoit, lui, la compétence de droit
commun, fixée par l’article 128 qui stipule que « les matières autres
que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglemen-
taire ». Le Constituant ne se limite pas à cette proclamation : il insis-
te et menace la divagation éventuelle de la loi sur le domaine du rè-
glement en disposant que « les textes à caractère de loi intervenus en
ces matières (du règlement) peuvent être modifiés par décret si la
Cour constitutionnelle, à la demande du Gouvernement, a déclaré

215
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

qu’ils ont un caractère réglementaire, en vertu de l’alinéa précé-


dent ».
En confiant ainsi à la loi le soin d’organiser les droits et libertés,
le Constituant s’est frotté les mains, espérant avoir abouti naturel-
lement à la protection des libertés. Car la loi est l’expression de la
volonté du peuple souverain. Il n’a pas tort. Mais il n’a pas mesuré
les conséquences des mécanismes institutionnels qu’il venait de met-
tre en place. Notamment le pluralisme politique (article 6 de la

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Constitution) et la nomination du Premier ministre, chef du Gou-
vernement, ainsi que les autres membres de son équipe au sein de la
majorité parlementaire (article 78 de la Constitution). C’est de là que
découle la faiblesse.
En effet, la faiblesse de ce système peut être décelée du fait que,
l’exercice du pouvoir se fait dans le cadre d’un système de partis ma-
joritaires monopolisant le législatif et l’exécutif. Dans ces conditions,
le pouvoir ne peut pas arrêter le pouvoir ! Par ailleurs, dans le cadre
du régime politique imaginé par le Constituant que certains considè-
rent comme étant parlementaire rationalisé et d’autres, par contre,
tenant compte de l’élection du président de la République au suffra-
ge universel direct, comme semi-présidentiel, le fait que l’exécutif est
l’émanation de la majorité parlementaire, il peut être tenté de dépo-
ser devant le Parlement des projets de lois et solliciter de sa majorité
de voter des lois liberticides !
C’est pourquoi le Constituant s’est méfié un peu d’une trop
grande confiance en la loi et a cherché un surveillant qui doit
contrôler la soumission de la loi à la Constitution. Il l’a trouvé dans
le juge constitutionnel (article 157 de la Constitution) qui assure un
contrôle a priori (avant la promulgation de la loi par le président de
la République., article 160) et un contrôle a posteriori (les exceptions
d’inconstitutionnalité soulevées devant les juridictions de jugement,
article 162).
Par ailleurs et de son côté, la loi étant l’expression de la volonté du
peuple souverain représenté, doit s’imposer à tous, gouvernants et
gouvernés. Le contrôle de l’observance de la loi par les citoyens est
dévolu à un autre pouvoir, le pouvoir judiciaire, lequel est, aux termes
de l’article 150 de la Constitution, le garant des libertés individuelles

216
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

et des droits fondamentaux des citoyens. À l’alinéa suivant du même


article, la Constitution dispose que « les juges ne sont soumis, dans
l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi ».
Il est donc patent que la justice constitutionnelle exerce un cer-
tain nombre des fonctions ci-haut relevées qui concourent toutes à
faire d’elle le socle de l’État de droit dans une société réellement dé-
mocratique. L’État moderne est même défini par certains auteurs
comme un ensemble cohérent des normes ou tout simplement un

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ensemble des compétences juridiquement établies.428
Par ailleurs, l’ordonnancement juridique étant la traduction juri-
dique de l’ordonnancement politique aux confluents des forces socia-
les, économiques et culturelles, il est très utile de voir à ce niveau
comment le juge constitutionnel transforme ce dernier.

Section 2 : L’ORDRE JURIDIQUE ET LA JUSTICE


CONSTITUTIONNELLE
L’approche de l’influence de la justice constitutionnelle sur
l’ordre juridique passe aussi par la délimitation du concept ordre ju-
ridique. C’est dire en d’autres termes ce qu’est le droit.
L’exercice paraît simple lorsqu’il est dénué de toute interrogation
en profondeur. Nos cours d’introduction au droit répètent à souhait
des définitions pédagogiques utiles et que l’on se devait de retenir429.
Vu autrement, le droit peut se saisir comme un discours de pou-

428
Lire de VILLIERS (M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3e édition, Paris,
Armand Colin, 2001, pp. 99-100, v° État.
429
Le droit est l’ensemble des règles de conduite humaine, édictées et sanctionnées
par l’autorité publique et destinée à faire régner dans les relations sociales la
liberté et l’autorité. Voir aussi PINDI MBENSA KIFU, Cours d’introduction
générale à l’étude du droit, op. cit., p. 15 : « Le droit positif de la société civile est
l’ensemble des règles générales et abstraites de conduite édictées ou du moins
consacrées par l’autorité publique, sous la sanction de la contrainte publique en
vue de réaliser dans les rapports humains l’ordre le plus favorable au bien
commun ». Au-delà d’énormes difficultés scientifiques qu’elle présente, cette
définition a cependant l’avantage pédagogique d’être claire.

217
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

voir430 car il est un mode de régulation sociale à côté de la religion ou


de la magie.431
Il ressort de cette vision que le droit constitue un ordre, c’est-à-
dire une constatation de la réalité sociale et un mode de régulation
sociale. L’individu, poussé par son instinct de sociabilité de même
que sa sûreté personnelle, se soumet, selon le distinguo kantien, à des
règles autonomes et hétéronomes.

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Les premières dites internes ou éthiques sont de l’ordre de la
conscience tandis que les secondes dites externes sont de l’ordre du
sociétal. Reflet de la puissance publique, la norme juridique en pos-
sède le caractère contraignant. Si souvent la contrainte est nécessaire
pour appliquer une norme juridique, le recours à la force publique
est remplacé par l’obéissance du citoyen, fondée sur la légitimité des
normes.
Aussi l’ordre juridique est-il fondé sur une sorte de mystique qui
fait référence à une métaphore qui présente le droit comme un arbre
avec des branches ou même comme de l’eau provenant de plusieurs
sources. Qui édicte les règles de droit ? La réponse est que le droit est
l’expression de la volonté majoritaire.
Or, certaines expressions normatives de la majorité peuvent être
oppressives compte tenu d’énormes violences qui se jouent dans le
champ du politique. Pour tenter de civiliser ces rapports de force
souvent brutaux, le droit constitutionnel n’est plus de nos jours le
champ clos des forces politiques. Au contraire, le phénomène de ju-
ridicisation de la vie politique a fini par ériger le droit comme cadre
de référence du combat politique et norme de protection de
l’individu contre l’arbitraire et la brutalité du pouvoir.432
Le caractère globalisant du droit constitutionnel et l’émergence
de la deuxième génération de justice constitutionnelle après la Se-

430
CHEVALLIER (J.) (sous la direction de), Droit et politique, 1993 ; CAILLOSSE
(J.), Introduire au droit, 1993 ; LOSCHAK (D.), Le droit, le discours du pouvoir,
Mélanges Léo Hamon, 1982, p. 429 cités par GICQUEL (J.), Droit
constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 9.
431
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, op. cit., pp. 63-76.
432
Lire FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, op. cit., p. 120.

218
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

conde Guerre mondiale donnent naissance à un phénomène nou-


veau433 dont l’étude s’impose ici.

§ 1.La primauté du droit constitutionnel ou


la constitutionnalisation de toutes les branches
du droit et ses conséquences
La doctrine constitutionnaliste, presque unanime, enseigne la

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primauté du droit constitutionnel dans le champ tant du droit public
que du droit privé ; la raison serait qu’il s’agit du droit de la fonda-
tion tandis que les autres droits seraient ceux d’application des nor-
mes constitutionnelles. Étudiant la place de ce droit en droit en gé-
néral, le professeur Édouard Mpongo opine que « le droit constitu-
tionnel n’est qu’une partie du droit » même si plus loin il affirme
que le droit administratif est subordonné au droit constitutionnel. 434
En revanche, Hugues Portelli renchérit pour indiquer que droit
de l’État, le droit constitutionnel recèle des normes aussi variées que
celles qui régissent la Constitution, la hiérarchie des normes, la vie et
l’activité des assemblées politiques, l’activités des partis politiques,
leur financement et le statut des élus ; l’ensemble de ces règles juridi-
ques témoigne de la vitalité nouvelle de la discipline après un long
déclin consécutif à la crise des catégories juridiques nées au début du
siècle, à l’apogée du régime parlementaire en France, et à la concur-
rence victorieuse d’une approche politique des institutions. 435
Là, nous avons une belle affirmation de principe qui n’indique
pas encore pourquoi la norme constitutionnelle devrait trôner au-
dessus de toutes les autres normes. Philippe Ardant tente une expli-
cation qui emporte nos suffrages en exposant qu’un système juridi-
que est un ensemble organisé de règles de droit, des normes, régis-

433
AVRIL (P.), « La constitution : Lazare ou Janus ? », RDP, 1990, p. 949 ; lire
également MATTHIEU (B.) et VERPEAUX (M.) (sous la direction), La
constitutionnalisation des branches du droit, 1998, cités par GICQUEL (J.), op. cit.,
p. 14.
434
MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, op. cit., pp. 5-6.
435
PORTELLI (H.), Droit constitutionnel, 3e édition, Paris, Dalloz, 1999, p. 1.

219
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

sant une société donnée. Toutes ces règles ne sont pas sur le même
plan, toutes n’ont pas la même valeur. Des subordinations apparais-
sent nécessairement dans ce sens que des liens s’établissent entre el-
les, où des règles commandent à d’autres, leur sont supérieures, ne
peuvent être violées par ceux qui élaborent des normes subordon-
nées.436
C’est, en fait, l’exposé de la théorie de la pyramide des normes de
Hans Kelsen. Le positivisme juridique place la constitution au-dessus

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de toutes les normes car dans sa conception le droit est une création
étatique, et il est logique que la norme fondatrice de l’État soit au
sommet de l’ordonnancement juridique. Ceci ne règle toujours pas
la question car la constitution elle-même dans ce système est l’œuvre
d’une instance extérieure à l’État. Pour que l’hypothèse soit plausi-
ble, Hans Kelsen lui-même a dû inventer la Grundnorm comme celle
transcendantale de laquelle serait issue la norme constitutionnelle. Et
au-delà de la Grundnorm ?
Il y a là comme une insuffisance épistémologique qui ne saurait
justifier la présence de la norme constitutionnelle au sommet de la
pyramide normative kelsenienne. En cas d’abrogation de constitu-
tion, que se passe-t-il ? La pyramide est-elle toujours debout comme
s’interrogeait Paul Amselek ?437
Toute nouvelle constitution n’entraîne pas la caducité immédiate
et automatique de tout le droit antérieur. Cette explication n’agrée
pas non plus les bouleversements nombreux dans les normes infra-
constitutionnelles qui n’induisent pas encore l’effondrement de la
pyramide normative.

436
ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 8e édition, Paris,
LGDJ, 1996, p. 92, n° 66.
437
Lire AMSELEK (P), « Réflexions critiques autour de la conception kelsenienne de
l’ordre juridique », RDP, n° 1, 1978, pp. 5-19., contra : TROPER (M.), « La
pyramide est toujours debout ! Réponse à Paul AMSELEK », RDP, n° 2, 1978,
pp. 1523-1536. Pour un débat semblable en doctrine congolaise, lire ASSANI
MPOYO KALEMA, « Réflexion sur la leçon publique : Le droit est mort. Vive le
droit », Revue de droit congolais, 1re année, n° 002/1999, pp. 34-42. Contra :
P. AKELE ADAU, « Le droit est mort. Vive le droit », Congo-Afrique, 39e année,
n° 331, pp. 17-38.

220
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Un élément très pertinent nous vient du professeur Ntumba


Luaba Lumu qui pose que la constitution est considérée comme une
organisation des pouvoirs publics, à la fois rationnelle et libérale.438
En effet, prise pour une organisation, aucune autre norme inte-
rorganisationnelle ne peut être au-dessus de l’organisation. C’est ainsi
qu’en réalité en droit public le critère organique l’emporte devant le
critère matériel. La force et la place de la constitution, celle-ci les
tient de la place et de la force de l’organe qui l’émet. Ainsi, le consti-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
tuant étant toujours la force politique dominante à un moment
donné de l’histoire de l’État, il est inconcevable qu’une norme
d’organe inférieur soit en contradiction avec lui. C’est à notre avis le
vrai fondement de la primauté du droit constitutionnel sur toutes les
autres branches du droit.
Il s’agit aussi d’une question de logique : le pouvoir constituant
prime sur les pouvoirs constitués. C’est ce qu’affirme le doyen Pier-
re Pactet lorsqu’il écrit « qu’il faut noter qu’il existe une hiérarchie
des règles juridiques qui est presque toujours fonction de la hiérar-
chie existant entre les organes auteurs de ces règles ».439
Il ajoute que « cette hiérarchie est elle-même établie en fonction
des critères qui nous viennent de la philosophie politique des Lumiè-
res. Il faut mettre en tête les organes titulaires du pouvoir consti-
tuant. La seconde place est occupée par les organes législatifs, en fait
les assemblées parlementaires, parce qu’ils sont composés de repré-
sentants élus par la Nation ? Ce n’est qu’en troisième position que se
situent les organes exécutifs car dans la terminologie héritée des Lu-
mières ce sont des organes nommés et « commis », qui ne procèdent
pas directement du peuple ».440
Ainsi donc, les règles constitutionnelles s’imposent incontesta-
blement au législateur et aux autorités administratives qui ne peu-
vent créer du droit ou l’appliquer qu’en fonction des normes de rang
constitutionnel. Le juge constitutionnel, chargé de veiller à la su-

438
NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op. cit., p. 9.
439
PACTET (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 4e édition, Paris,
Masson, 1978, p. 39.
440
Ibidem.

221
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

prématie de la Constitution, a donc la possibilité de sanctionner les


violations législatives ou réglementaires des droits fondamentaux des
citoyens, même si de fois, il n’a pas de pouvoir en ce qui est des déci-
sions judiciaires violant les mêmes droits. 441Les juridictions suprêmes
restent maîtresses dans ce domaine, par voie de cassation.
Il est évident que cette intervention sûre et assurée du juge consti-
tutionnel dans l’élaboration des normes infraconstitutionnelles
transforme à coup sûr l’ordre juridique en une sorte de chapelle de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
piété qui ne tolère guère quelque hérésie sauf du constituant lui-
même. Dans ces conditions, nous dit Dominique Turpin, le rang du
droit constitutionnel ne peut être que le premier. Après être demeu-
ré longtemps un infra-droit par défaut de sanction effective, il a non
seulement rattrapé les autres branches du droit mais, en même
temps, les domine dans une certaine mesure442.
Il suffit de rappeler la théorie des bases constitutionnelles du droit
administratif du doyen Vedel pour rendre compte du phénomène de
primauté et de la constitutionnalisation subséquente des branches du
droit. En outre, chaque fois qu’une branche fait l’objet d’un aména-
gement législatif, la saisine du juge constitutionnel a priori ou même
par voie d’exception donne à ce juge l’occasion d’y imposer sa pro-
pre conception de la matière.443
Il y a donc constitutionnalisation progressive des diverses bran-
ches du droit et, en fin de compte, unification – à ne pas confondre
avec uniformisation – de l’ordre juridique, par l’effet de la jurispru-
dence du juge constitutionnel. Une frange de la doctrine y voit mê-
me la continuation du mouvement constitutionnaliste de Lumières :
la justice constitutionnelle qui substitue le règne du droit à la domi-
nation des vainqueurs a représenté partout une nouvelle étape vers la
réalisation de l’idéal démocratique. La démocratie constitutionnelle
a succédé à la dictature comme jadis la monarchie constitutionnelle à
l’absolutisme ou même qu’elle a remplacé la « démocratie absolue »

441
FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op. cit., p. 46.
442
TURPIN (D.), op. cit., p. 7.
443
CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, 15e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 4, 2°

222
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

où la toute-puissance de la loi n’avait fait que reprendre le relais de


celle du roi. 444
Sorti des limbes de la laïcité, le droit constitutionnel moderne
semble y retourner par le biais de la sacralité du pouvoir qui impri-
me son aura au droit constitutionnel 445. C’est ce qu’il faut voir main-
tenant.

§ 2. La sacralité du droit ou la théologie du droit

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constitutionnel
Parler de la sacralité du droit, c’est d’emblée dire avec Maurice
Kamto que le droit procède du pouvoir qui est toujours et déjà sa-
cré446. C’est dire que s’agissant de la norme fondamentale transcen-
dante dans les sociétés traditionnelles africaines, il est établi que la
sacralité de cette règle est induite de la qualité de l’auteur de cette
norme qui est l’ancêtre fondateur du clan ou de la tribu.
Dès lors que l’on peut comparer la genèse de deux normes fonda-
trices dans les deux types de sociétés, l’on peut noter qu’en Occident
il a été longtemps admis que le pouvoir émanait de Dieu qui le
confiait à un homme, par application de la loi salique, avant que
Dieu soit détrôné au profit de la Nation ou du peuple.
C’est ainsi que les Loys fondamentales du Royaume, en France mé-
diévale, étaient supérieures aux lois édictées par le Roi non seule-
ment parce qu’elles émanaient des ancêtres fondateurs du royaume
mais aussi et surtout elles étaient le fondement métaphysique du
droit du royaume.447

444
TURPIN (D.), op. cit., p. 7.
445
Lire avec intérêt, CAMY (O.), Droit constitutionnel critique, Paris, l’Harmattan,
2007, pp. 27-111.
446
Voir KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du
constitutionnalisme dans les États d’Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987,
pp. 428-446.
447
Voir TIMBAL (P. -C.) et CASTADO (A.), Histoire des institutions publiques et
des faits sociaux, 9e édition, Paris, Dalloz, 1993, p. 465, n° 1038.

223
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Pour ce qui est du droit coutumier africain, il est de même admis


que le fondement de la norme se trouve dans la croyance qu’elle est
l’émanation des ancêtres fondateurs du clan ou de la tribu.448
La théologie étant saisie comme science de la fondation, nous
avons établi un parallélisme avec le droit constitutionnel qui est aus-
si une science de la création de l’entité étatique. Les deux s’occupent
du sacré, c’est-à-dire de ce qui est hors de la portée de l’entendement
de l’homme ordinaire.

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Tous les deux exigent une initiation qui fait dire à Jean Gicquel
qu’outre Rhin, les docteurs en droit public sont sollicités 449comme
de nouveaux prêtres d’un nouveau culte qui est voué à un nouveau
dieu rationnel : le droit constitutionnel.
Les juristes de tout bord invoquent à longueur des discussions
l’autorité de normes constitutionnelles ou même celle d’un maître
en cette discipline pour calmer les ardeurs d’interprétation d’un ad-
versaire ou d’un camp politiques.
La laïcité du droit n’a opéré, on le voit, qu’un déplacement de
lieux de culte et non le culte de la transcendance. Ainsi, il n’est pas
étonnant que le nouveau culte soit consacré aux droits et libertés du
citoyen sans négliger le rituel républicain qui n’est pas loin des fastes
d’une grand-messe.
Pour preuve, la lecture du préambule de la Constitution du
18 février 2006 donne à voir que les constituants congolais sont
« conscients de leurs responsabilités devant Dieu, la Nation,
l’Afrique et le Monde ».450

448
Voir MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en
République démocratique du Congo. Contribution à une théorie de réforme,
Kinshasa, DIN, 2001, p. 50.
449
GICQUEL (J.), op. cit., p. 315, note (49).
450
Voir, JORDC, 47e année, numéro spécial, p. 9, dernière ligne. L’on peut
raisonnablement se poser la question de la hiérarchie cosmogonique du
constituant congolais qui semble placer Dieu avant la Nation, l’Afrique et le
Monde. Une telle conception du cosmos est conforme à la cosmogonie bantu qui
semble postuler l’Etre suprême avant les Ancêtres qui sont du moins
potentiellement compris dans la Nation au sens d’Ernest RENAN. Comme
communauté de destin, du passé comme du futur, la Nation ne peut être saisie
que comme un être inférieur à la divinité.

224
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

De même, la lecture attentive des dispositions de l’article 1 er, de la


Constitution congolaise susmentionnée451, donne également à voir
que l’État moderne est resté marqué, malgré le rationalisme hérité
des Lumières, par un culte dédié au dieu-Nation qui possède son
emblème, ses armoiries et son propre hymne à exécuter dans les
grands rassemblements d’État.
La justice constitutionnelle dans cette configuration mystique ap-
paraît comme l’activité exercée par le grand sacrificateur de cette

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
nouvelle religion du droit. Par ailleurs, le juge constitutionnel est
saisi comme celui qui dit la vérité suprême dans l’État, celui qui sait
ouvrir les entrailles de la Constitution et y scruter les augures de la
volonté suprême du constituant. Dès lors s’installe une nouvelle sa-
cralité attachée aux décisions du juge constitutionnel perçu comme
la bouche de la Constitution.
Cette réminiscence mystique ou plutôt religieuse de l’origine du
pouvoir et du droit constitutionnel appelle comme conséquence
fondatrice que le droit est toujours, malgré la laïcité proclamée, de
l’ordre du sacré. C’est dans ce sens qu’Olivier Camy tente d’élaborer
sa théorie de la transcendance du droit constitutionnel sous la moda-
lité du souverain généralement conçu comme un sujet absolu, censé
détenir un pouvoir constituant « originaire » et donc, capable de
produire du droit ex nihilo. Il renchérit que dans les démocraties eu-
ropéennes, ce souverain est assimilé, en droit interne, au peuple
s’exprimant par le suffrage universel et en droit international, à
l’État s’exprimant à travers un gouvernement. 452
La science juridique qui tente d’identifier le souverain, véritable
sujet juridique auto-fondé, créateur ultime des normes juridiques ne

451
Lire avec intérêt, NICOLSON (H.), La monarchie. Du droit divin aux
constitutions modernes, Paris, Hachette, 1962, pp. 305-327. Cet auteur montre de
manière magistrale que finalement il existe un cordon ombilical non coupé
jusqu’à ce jour entre le sacre de la Reine d’Angleterre, par exemple, et le
symbolisme mystique de la pierre du sacre royal encastrée sous le trône. Tous les
rois anglais se sont assis sur cette pierre lors de leur sacre. C’est un élément
magique qui ne peut être évacué du droit constitutionnel occidental qui prétend
pourtant à un rationalisme kantien.
452
CAMY (O.), Droit constitutionnel critique, op. cit., p. 57.

225
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

peut qu’échouer tant la nature théologique de la souveraineté exclut


la présentation du souverain comme être de chair et de sang. Nous
ne pouvons, dit-il enfin, connaître que des corps politiques institués
parlant toujours au nom d’un souverain absent mais agissant, le de-
mos.453
Pendant longtemps, le souverain qui est créateur ultime des nor-
mes fondatrices, donc Dieu en quelque sorte, s’est exprimé par les
représentants avant de s’exprimer de nos jours par l’oracle des temps

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
modernes qu’est le juge constitutionnel. Cette influence est telle-
ment visible que les décisions de ce dernier ne peuvent être renver-
sées que par le constituant c’est-à-dire par celui-là même par qui tout
a été créé dans l’État.
Sans philosopher longuement, l’on peut même affirmer que la dé-
cision constitutionnelle juridictionnelle participe, à vrai parler, de la
même nature que le constituant qui est toujours et déjà sacré par es-
sence. Voilà pourquoi il n’est pas excessif de voir dans le droit cons-
titutionnel moderne une sacralité laïque qui confine à une théologie
juridique dont les horizons restent cependant à scruter.454
Par ailleurs, la sacralité du droit peut être également saisie à
l’occasion des rapports sociaux qui eux-mêmes sont aujourd’hui sai-
sis par le droit.
Aussi, avec Jacques Chevallier, nous pouvons noter que
l’émergence du juge pose la problématique de la nature de la démocra-
tie elle-même. En effet, dit-il, « l’État de droit implique que la liberté
de décision des organes de l’État est, à tous les niveaux, limitée par
l’existence de normes juridiques supérieures, dont le respect est garan-
ti par l’intervention d’un juge. Le juge est donc la clef de voûte et la
condition de réalisation de l’État de droit : la hiérarchie des normes ne
devient effective que si elle est juridictionnellement sanctionnée ; et

453
Ibidem.
454
de VILLIERS (M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, op. cit., p. 131. Cet
auteur opine que la laïcité dont, paradoxalement, une des plus anciennes
affirmations se trouve dans l’Evangile (« Rendez à César ce qui est à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu » Luc 20 verset 25), est un élément constitutif de la
conception occidentale de l’État.

226
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

les droits fondamentaux ne sont réellement assurés que si un juge est


là pour en assurer la protection ». 455
S’agit-il d’un gadget idéologique de temps modernes dont le sort
serait lié à la fortune prochaine du concept lui-même ? En d’autres
termes, l’État de droit serait-il le dernier horizon possible et indépas-
sable du développement du droit constitutionnel contemporain ? Ce
questionnement aussi utile qu’intéressant marque une fois de plus la
problématique de la nature de l’État moderne qui est saisie de nos

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
jours comme un ordonnancement juridique au-dessus duquel trône
la Constitution.
Ceci est tellement vrai de nos jours que le champ politique est sai-
si en grande partie du moins par le droit même aux États-Unis
d’Amérique, pays reconnu pour sa rationalité pragmatique, au point
qu’à la fin de l’année 2003, la Cour suprême américaine a rendu une
décision très attendue sur le Bipartisan Campaign Reform Act c’est-à-
dire sur la réforme du financement des campagnes électorales. Cette
décision est la plus longue jamais rendue par cette Haute Juridiction
(près de 300 pages). 456
Tout se limiterait-il à cette image du juge qui transfigure l’ordre
juridique et politique de l’État sans que quelque transgression vienne
à perturber le culte du droit ?

§ 3. Le contrôle du juge ou le culte du droit


Comme pour répondre au questionnement incessant du paragra-
phe précédent, il faut noter que le concept d’État de droit, omnipré-
sent dans les discours politiques, est cependant limité à l’effet de
mode qu’il installe dans la praxis démocratique. Pur produit idéolo-
gique, aux dires de Jacques Chevallier, le concept risque fort d’être

455
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 2e édition, Paris, Montchrestien, 1994,
p. 147.
456
Cette décision a fait l’objet d’un commentaire à la Revue française de droit
constitutionnel par Marthe FATIN-ROUGE STEFANINI et Wanda MASTOR,
« La Cour suprême américaine et la réforme du financement des campagnes électorales
aux États-Unis : La décision McConnell v. FEC du 10 décembre 2003 », Revue
française de droit constitutionnel, 2004, n° 59, pp. 473-502.

227
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dévalué, de perdre sa portée sémantique pour ne conserver que sa


signification rituelle.457
Au-delà de ces vicissitudes, le concept d’État de droit apparaît
avant tout, comme un élément constitutif de la conception libérale
de l’organisation politique : donnant à voir un pouvoir limité, parce
qu’assujetti à des règles, il implique que les gouvernants ne sont pas
au-dessus des lois ; l’État de droit est dès lors indissociable d’une re-
présentation du pouvoir lentement forgée au fil de l’histoire et qui a

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progressivement imprégné les représentations et les institutions.
La diffusion actuelle du thème semble montrer que cette repré-
sentation tend désormais à se mondialiser, en devenant la caution de
la légitimité de tout pouvoir. 458
Les limites de cette conception, en ce qui est de notre pays, pour-
raient loger dans la transposition des principes et mécanismes de
l’État de droit.
En effet, sans acculturation ou même inculturation qui passerait
par une réappropriation desdits principes au regard de notre propre
acquis culturel, il y a fort risque à parier que l’État de droit ne se
couvre d’une belle rhétorique et d’une belle proclamation
d’intentions de bonne foi sans emprise avec le pays. 459
Par ailleurs, l’on peut remarquer de même que l’État de droit est
de nos jours perçu comme une référence axiologique dans la vie en-
tre les nations modernes.
Au-delà de l’exigence de conditionnalité politique attachée aux
prêts et autres aides que les bailleurs de fonds soulèvent, il reste que

457
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, op. cit., p. 151.
458
Ibidem.
459
La différence sémantique évidente entre l’acculturation et l’inculturation
procède, à n’en point douter, d’un choix qu’il faut faire entre d’une part, la
transposition d’une institution avec les ingrédients culturels qui l’ont vu naître
ou d’autre part, la transplantation de la même institution acclimatée au sol
d’accueil. Le choix paraît cornélien car il présuppose la fortune de chacune des
formules avant sa concrétisation. Rien d’emblée n’autorise une telle vision. Il
s’agit d’opter et d’assumer le choix ainsi opéré en le mettant en perspective avec
les autres ingrédients de la culture nationale.

228
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

l’État de droit authentique présente une autre exigence, celle de la


refondation de l’État en Afrique car, derrière le paravent de l’État de
droit se profile une mosaïque des valeurs qui ne sont pas encore ou
toujours partagées par l’Afrique noire. Il suffit de songer au triba-
lisme qui ronge les institutions politiques négro-africaines pour se
convaincre que l’installation de l’État de droit exige plus de préala-
bles que le simple discours, fût-il constitutionnel.460
D’emblée, il est à remarquer que le concept d’État de droit est

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fondé en raison sur la confiance que l’humanité nourrit dans le droit
comme instance non seulement de régulation de la société mais sur-
tout comme celle de limitation du pouvoir de l’État.
La conséquence inéluctable est l’extension du champ de la juridici-
té : tous les rapports sociaux ou sociétaux tendent à être saisis par le
droit. La politique ayant été longtemps l’unique instance suprême de
régulation de la société, elle a perdu cette place au profit du droit au-
quel l’humanité voue un culte quasi-mondial. L’on peut s’inquiéter de
l’hypertrophie de la règle de droit parée pour l’occasion de toutes les
vertus cardinales.
Ce culte entraîne au demeurant la juridicisation de tous les pro-
blèmes essentiels de la Nation et la montée en puissance des juristes
perçus comme les acolytes de ce culte nouveau. En effet, si la politi-
que est saisie par le droit, aux dires du doyen Louis Favoreu, c’est
parce que ce dernier est vu comme une garantie et une protection
contre les atteintes éventuelles aux principes et valeurs essentiels de
la société.461
L’enjeu dès lors est que le jeu politique se soumet à la règle de
droit non seulement pour acquérir l’inattaquabilité que cette derniè-
re confère mais aussi du même coup pour obtenir l’efficacité qu’elle
garantit eu égard à la légitimité de son discours.

460
Lire avec intérêt, KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « Modernité sous l’identité
culturelle d’emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la Faculté de Droit,
vol. IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp. 63-76.
461
Voir FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et
conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998.

229
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Au-delà de la proclamation des principes de valeur morale éviden-


te, il reste que la soumission de la politique au droit est aussi un calcul
politique. Dans la configuration de la justice constitutionnelle moder-
ne, l’homme politique est presque obligé d’anticiper sur la position du
juge constitutionnel qui fait désormais partie du jeu politique. Ce
n’est donc pas de gaîté de cœur que les politiques se soumettent au
droit, c’est plutôt sous l’influence de la modification des règles du jeu
politique qu’ils sont tenus de l’observer. Dans ces conditions, l’on

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peut aussi observer que le droit est instrumentalisé dans la mesure où
il sert d’argument de légitimité de discours dans un débat politique.
La montée en puissance des juristes déjà signalée en Allemagne est
observable partout où fonctionne une justice constitutionnelle réel-
lement indépendante. En effet, dans l’intention de formaliser le dis-
cours politique, l’homme politique sera astreint à recourir à
l’expertise la plus pointue en droit et cela, pour donner à son dis-
cours toutes les chances d’être légitimé par le juge constitutionnel.
En fin de comptes, l’État de droit repose sur la confiance placée
dans le droit, sur le culte voué aux vertus de la dogmatique juridique ;
l’État de droit repose sur le fétichisme de la règle de droit.462
Jacques Chevallier dit plus nettement cette vérité lorsqu’il écrit :
« cette confiance placée dans le droit n’est pas seulement d’ordre ra-
tionnel ; elle relève d’un jeu de croyances plus profondes : au-delà de
son contenu concret et de sa portée pratique, la règle juridique est
nimbée d’un halo mystique, investie de cette dimension sacrée qu’on
trouve déjà dans la conception rousseauiste de la loi ».463
En occident, le droit s’est longtemps posé comme un instrument
de limitation du pouvoir absolu avec ses dérives absolues et égale-
ment ses formes ont été empruntées par le capitalisme pour voiler
les mécanismes d’exploitation. Aujourd’hui, il est apparu comme un
médiateur indispensable encore que les légitimations sociales les plus
diverses ont été élaborées à partir de lui et en émanent. Aussi, avec la

462
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, op. cit., p. 64 ; voir aussi P. LEGENDRE,
L’amour du censeur. Essai sur l’ordre dogmatique, Paris, Seuil, 1974.
463
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, op. cit., p. 65.

230
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

doctrine, nous pouvons voir que le culte du droit se traduit concrè-


tement dans la coupure entre le droit et la politique.464
En effet, le fait de l’objectivation du discours normatif désormais
distinct du discours politique dont la généalogie est présente confère
au premier l’incontestabilité et la nécessité qui manquent au second.
Aussi, le dit du législateur est-il discriminé de celui des parlementai-
res de la majorité. La norme n’est plus le produit contingent des
rapports de forces politiques, économiques et sociales qu’elle aurait

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dû être en réalité. L’objectivation de la norme juridique, épurée de
toute dimension politique, devient la garantie de sa puissance nor-
mative.
La dogmatique juridique voudrait dès lors que le culte du droit
s’appuie sur le juriste et soit célébré par le juge juriste par ailleurs
formé pour cela.465 Ceci amène à considérer que l’État de droit, « ce
n’est pas le gouvernement des hommes, c’est le règne des normes ». 466
Cette sacralité du droit constitutionnel de type laïque semble se
confondre avec une autre sacralité qui est celle du pouvoir que tente
d’encadrer le juge constitutionnel. Il est temps de chercher dès lors à
connaître le modèle théorique susceptible de générer à la fois
l’efficacité juridictionnelle attendue et l’acceptation de ses mécanismes
par la population congolaise prise comme consommatrice de la justice
constitutionnelle.
Si une analyse d’ordre méthodologique peut constituer un quel-
conque apport à la délicate question de juge ou de la justice constitu-
tionnelle, c’est d’abord et avant tout parce qu’elle distinguera les
points de vue auxquels chacun peut se placer pour tenter de répon-
dre à la question posée.

464
Ibidem.
465
Article 158, alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, JORDC,
numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2006, p. 55. Ce texte exige que deux tiers des
juges soient des juristes provenant du barreau, de la magistrature ou de
l’enseignement universitaire. Il est la traduction de la conception que le culte du
droit à ce niveau ne peut être célébré que par des juristes et de très haut niveau.
C’est ce que nous appelons les grands sacrificateurs de temps nouveaux.
466
LEISNER (W.), « L’État de droit : une contradiction », Mélanges Eisenmann, Paris,
Cujas, 1975, p. 66.

231
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ainsi, du point de vue historico-sociologique, on s’intéressera à


l’avènement du juge constitutionnel dans les États modernes, tandis
que, du point de vue de la dogmatique, on étudiera les règles qui,
dans un ordre juridique déterminé, régissent la compétence du juge
constitutionnel et la façon dont ces règles sont interprétées ainsi que
les types de conflits qui peuvent intervenir entre ce juge et d’autres
autorités.
Très souvent, ce point de vue s’appuie sur un autre, d’ordre phi-

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losophique ou politique, à partir duquel on cherche à élaborer et
proposer un certain modèle de justice constitutionnelle en vue, le
plus souvent, de critiquer la réalité juridique par rapport à lui. Enfin,
le point de vue théorique porte, pour sa part, sur le concept même
de justice constitutionnelle et ceux qui lui sont liés, tels celui de
constitution, d’État de droit, ou celui de démocratie ; de même, c’est
encore à ce niveau que se situent les analyses relatives au mode de
raisonnement des juges constitutionnels.
La variété de ces points de vue laisse escompter une grande variété
de réponses à la question de savoir si le juge constitutionnel est un
juge comme les autres, variété que renforce le fait que plusieurs ré-
ponses peuvent procéder d’un seul point de vue.
Cela étant, parce qu’il est impossible d’embrasser ici tous les
points de vue, on se situera uniquement à ce dernier, celui théorique.
Et comme on peut le prévoir, la question qui nous occupe reçoit
bien souvent aujourd’hui, à ce niveau comme aux autres, une seule
et même réponse négative. Le plus surprenant réside ailleurs.
En effet, cette réponse se fonde, au niveau théorique, sur un même
argument selon lequel le juge constitutionnel ne serait pas un juge
comme les autres parce que l’interprétation de la constitution exige-
rait des méthodes d’interprétation spécifiques, elles-mêmes justifiées
par le fait que la constitution ne serait pas un texte comme un autre.
En sorte que le juge constitutionnel se distinguerait doublement des
autres juges : par le texte qu’il doit interpréter d’abord, par les raisons
qui expliquent son existence. Voilà donc l’argument qu’il convient
d’examiner, en s’intéressant à la spécificité de l’interprétation d’abord,
à celle de la justification du juge constitutionnel ensuite.

232
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

S’il semble aujourd’hui évident et acquis qu’une constitution c’est


avant tout un texte, il n’en a pas toujours été ainsi. Même encore
maintenant, d’ailleurs, certains aiment à invoquer l’esprit de la cons-
titution afin d’en dépasser la lettre : preuve que la constitution n’est
pas seulement qu’un texte. Or, si le juge constitutionnel montre
quelque spécificité, cela s’explique parfois par la définition de la
constitution retenue : pour le dire autrement, on ne peut concevoir
le contrôle de la conformité d’une loi à la constitution qu’à la condi-

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tion d’admettre que cette dernière est une norme et pas seulement
une organisation de rapports entre organes.
Il faut ici revenir à la typologie fort éclairante proposée par Paolo
Comanducci qui a distingué deux concepts de constitution. Long-
temps, le terme « Constitution » a renvoyé à une idée d’ordre et dé-
signait un ensemble de phénomènes sociaux. Mais cet ordre lui-
même n’est pas toujours compris de la même façon. On retrouve là
une distinction qui structure tout le discours juridique et politique :
l’ordre que contient la constitution est appréhendé soit comme un
ensemble de valeurs soit comme un ensemble de faits.467
On peut alors distinguer entre deux modèles de constitution
conçue comme « ordre » : un modèle axiologique et un modèle des-
criptif. Selon le modèle axiologique, l’ordre social est doté d’une va-
leur intrinsèque, une valeur fondamentale et s’il ne fait pas directe-
ment référence à des normes, cet ordre est générateur de normes.
C’est ainsi que l’on peut comprendre le concept de constitution
qu’emploie la doctrine traditionnelle française pour qui l’ordre que
la Constitution contient est un ordre naturel ; c’est encore ce
concept que l’on trouve chez Carl Schmitt lorsqu’il parle du concept
positif de Constitution comme d’une décision totale sur la nature et
la forme de l’unité politique.
Selon le modèle descriptif, l’ordre ainsi conçu n’est pas lui-même
doté d’une valeur quelconque, il n’est pas non plus censé générer des

467
COMANDUCCI (P.), Assagi di metaetica due, Giappichelli, 1998, chap. 8, p. 97
s. et aussi, « Ordre ou norme ? Quelques idées de constitution au XVIIIe », in
TROPER (M.) et JAUME (L.) (sous la direction de), 1789 et l’invention de la
constitution, Paris, Bruxelles, LGDJ-Bruylant, 1994, p. 23 et s.

233
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

normes ; c’est une situation, un fait et non une valeur : la constitu-


tion désigne une situation restée ou censée demeurer stable des rap-
ports de pouvoirs et ces pouvoirs sont eux-mêmes considérés comme
reflétant une structure de la société. On peut penser à ce que Mon-
tesquieu dit de la Constitution anglaise ou, mieux encore, ce que de
Tocqueville dit des rapports entre démocratie et aristocratie : l’ordre
que décrit la Constitution est un ordre artificiel.
À ce concept de Constitution conçue comme ordre, on peut op-

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poser le concept de Constitution comme norme. Et là encore, on
trouve un modèle descriptif et un modèle axiologique. Le modèle
descriptif de Constitution conçue comme norme, c’est, idéalement
parlant, le modèle de Hans Kelsen. Le terme « Constitution » dési-
gne alors un ensemble de règles juridiques positives et non un ordre
social ; ces règles sont « fondamentales » non parce qu’elles sont le
reflet de la supériorité de certaines valeurs sur d’autres mais parce
qu’elles fondent le système juridique lui-même.468
Le modèle axiologique de Constitution conçue comme norme
ressemble en partie au précédent. Par constitution, on désigne un
ensemble de règles juridiques positives exprimées dans un document
formel, identifiable. Mais ce qui change, c’est que la constitution est,
comme le dit Dogliani, « chargée d’une valeur intrinsèque : la consti-
tution est une valeur en soi ». Il existe plusieurs variantes de ce mo-
dèle axiologique comme l’illustre à sa façon Carlos Nino lorsqu’il
distingue trois concepts normatifs de constitution soit : la constitu-
tion comme « organisation légitime du pouvoir d’État » ; la constitu-
tion comme « l’ensemble des règles adoptées selon un principe légi-
time de décision collective », ou encore, la constitution comme « en-

468
KELSEN (H.), La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice
constitutionnelle), Paris, Giard, 1928, (et RDP, 1928) p. 8 : « à travers les multiples
transformations qu’elle a subies, la notion de constitution a conservé un noyau
permanent : l’idée de principe suprême déterminant l’ordre étatique tout entier
et l’essence de la communauté constituée par cet ordre. De quelque façon qu’on
définisse la Constitution, toujours c’est le fondement de l’État, la base de l’ordre
juridique que l’on prétend saisir (…), c’est un principe où s’exprime
juridiquement l’équilibre des forces politiques au moment considéré, c’est la
norme qui règle l’élaboration des lois, des normes générales en exécution
desquelles s’exerce l’activité des organes étatiques (…) ».

234
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

semble de principes valides qui génèrent le système de droits fonda-


mentaux des individus ».
Notons que cette dernière variante est aujourd’hui très largement
partagée en ce qu’elle présente le mérite de rendre compte des sys-
tèmes juridiques non plus comme des systèmes exclusivement ou du
moins principalement dynamiques – ce que soutenait Kelsen – mais
aussi statiques.

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En effet, si la constitution est définie comme un ensemble non
plus de normes mais de principes – explicites ou implicites – placés
au sommet de l’ordre juridique, de la hiérarchie des sources juridi-
ques, la constitution est réputée se diffuser dans l’ordre juridique
tout entier et toutes les lois sont conçues comme sa mise en œuvre.
Enfin, dans cette variante du modèle, la constitution a une rela-
tion particulière à la démocratie dans la mesure où, d’une part, il y a
une connexion nécessaire entre la démocratie et la constitution car il
ne saurait y avoir de démocratie – au sens d’isonomie – sans Consti-
tution ni de Constitution sans démocratie ; d’autre part, la constitu-
tion a pour fonction de limiter la démocratie entendue comme prin-
cipe de majorité.
Dans ces conditions, la constitution apparaît comme ayant pour
fonction non plus de fermer le système sur lui-même mais d’établir
un pont entre le droit et la morale : elle ouvre le système juridique à
des préoccupations de type moral parce que les principes constitu-
tionnels sont des principes moraux positivés et que la justification
juridique ne peut se faire qu’à l’aide de principes moraux, ce qui re-
vient à dire, en définitive, que le raisonnement juridique n’est
qu’une branche du raisonnement moral.469

469
C’est la fameuse thèse du Besonderesfall de ALEXY (R.), Theorie der juristischen
Argumentation. Die Theorie des rationalen Diskurses als Theorie der juristischen
Begründung, Suhrkamp 1985 réédition 2001 (disponible en anglais : A Theory of
Legal Argumentation : The Theory of Rational Discourse As Theory of Legal
Justification traduction anglaise Ruth ADLER, Neil Maccormick, Oxford UP,
1989).

235
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il est évident que chacun de ces modèles ou concepts de constitu-


tion ne donne pas lieu à la même théorie de l’interprétation de la
Constitution.
L’opposition pertinente est ici de savoir si la constitution est un
ordre ou une norme : en effet, la question de la spécificité de
l’interprétation constitutionnelle ne se pose réellement que si l’on
admet préalablement que la constitution est une norme, que cette
norme soit conçue comme juridique ou comme morale.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
Lorsque la constitution est conçue comme norme, donc, son in-
terprétation est parfois considérée comme spécifique. Mais cette spé-
cificité n’est pas toujours entendue de la même façon. Passons, pour
les besoins de l’exposé, sur la spécificité qui tiendrait aux acteurs et
qui dépend très largement du système de contrôle de constitutionna-
lité choisi (concentré ou diffus). Une autre forme de spécificité est
envisageable au regard des problèmes d’interprétation que pose la
constitution et que ne posent pas les autres normes.
Ainsi, par exemple, comment interpréter l’absence, dans une
constitution, d’une clause sur la révision de la constitution : doit-on
considérer que cette absence signifie que la constitution n’est jamais
révisable ou au contraire qu’elle l’est sans aucune formalité ? Ou en-
core : comment interpréter les préambules ? Ou enfin : existe-t-il des
limites logiques à la révision ? Autant de questions qui, si elles sont
propres à la Constitution, dépendent encore très largement du
contenu même de la constitution.
Il est en revanche une question qui ne dépend pas du contenu
mais de la forme même de la constitution : exige-t-elle l’emploi de
techniques interprétatives spécifiques ? C’est ce que tendent à penser
beaucoup de constitutionnalistes.
Les arguments en faveur d’une spécificité des techniques interpré-
tatives sont généralement au nombre de trois : d’une part, la consti-
tution est composée de principes qui n’admettent pas une interpréta-
tion littérale mais doivent être interprétés ; d’autre part, les antino-
mies entre les principes constitutionnels ne peuvent être résolues à
l’aide des critères classiques mais doivent prendre la forme d’une
pondération, d’un balancement entre principes ; enfin, le juge cons-
titutionnel se situe à mi-chemin entre le législateur et le juge ordinai-

236
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

re : il est libre comme peut l’être le législateur mais cette liberté est
encadrée par des exigences prudentielles, ce qui l’éloigne du juge or-
dinaire qui, lui, est tenu de se conformer au modèle de la subsomp-
tion.470
Ces arguments méritent d’être examinés.
Comme le relève avec pertinence la doctrine italienne, cet argu-
ment repose sur une pétition de principe selon laquelle les principes

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
constitutionnels contiennent réellement des prescriptions et ne sont
pas tout simplement vides de sens. Or, toute la question est juste-
ment de savoir si ces prescriptions sont susceptibles d’être connues
en dehors de l’interprétation car, dans le cas contraire, si donc le
contenu prescriptif des principes n’est découvert qu’au terme de
l’interprétation, on doit admettre qu’ils n’en ont pas réellement :
seule l’interprétation en a.
C’est précisément cette pétition de principe qui est au cœur des
nombreuses théories de l’interprétation constitutionnelle contempo-
raines qui, comme le faisait remarquer Böckenförde, tendent à détrui-
re la « normativité de la Constitution » et étendent voire renforcent
son imprécision. Böckenförde explique l’accroissement de la confu-
sion des normes constitutionnelles autrement : pour lui, la plupart des
théories de l’interprétation constitutionnelle présupposent une défini-
tion de la Constitution comme « un ensemble de règles de droit ou
bien encore un programme normatif d’une précision telle que, de là,
peut sortir une décision du cas concret ». Or, les nouvelles voies
d’interprétation proposées le sont justement parce que « la plupart des
normes constitutionnelles sont, dans leur structure normative maté-
rielle, insuffisantes à cet égard ».471
Ainsi, les théories de l’interprétation constitutionnelle contempo-
raines admettraient le concept de constitution à la Kelsen, – c’est-à-

470
BÖCKENFÖRDE (E.-W.), « Les méthodes d’interprétation de la Constitution : un
bilan critique », in Le droit, l’État et la Constitution démocratique, traduction
française d’Olivier JOUANJOUAN, Paris, LGDJ, p. 223-252, ici p. 245. Il y
passe en revue la « méthode herméneutique classique », la méthode « topique
idéalisante », « l’interprétation de la constitution comme science de la réalité »,
« l’interprétation herméneutique-concrétisante de la constitution ».
471
Idem, p. 245.

237
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dire, une Constitution comme un ensemble de normes portant sur


l’organisation politique, « la norme qui règle l’élaboration des lois, des
normes générales en exécution desquelles s’exerce l’activité des orga-
nes étatiques » – tout en reconnaissant, dans le même temps, que la
Constitution n’est matériellement pas une norme comme les autres.
Il semble toutefois que l’explication de Böckenförde tombe dans
le même travers que les théories qu’elle cherche à expliquer, celui de
confondre le texte de la Constitution – qui n’est qu’un énoncé lin-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
guistique – avec les normes de la Constitution elle-même. Une fois
cette distinction admise, le texte de la Constitution n’est pas moins
obscur ni plus flou que certaines lois ou règlements.
Au mieux conviendra-t-on que le flou s’y rencontre plus fré-
quemment. Si donc l’on s’en tient à la distinction entre le texte et la
norme, on en vient à s’intéresser à l’acte par lequel ce texte se trans-
forme en norme : l’acte d’interprétation. Or, de ce point de vue,
l’interprétation de la Constitution n’a rien de spécifique, elle n’exige
aucun savoir-faire particulier, aucune méthode originale. Interpréter
la Constitution, c’est interpréter un texte – retrouver sous l’énoncé
les diverses normes que cet énoncé permet de justifier.
Ainsi, contrairement à ce que semble penser Böckenförde, les
théories de l’interprétation de la Constitution ne proposent pas de
nouvelles méthodes en vue de pallier l’insuffisance de la structure
normative matérielle des normes constitutionnelles. Si elles sont à ce
point soucieuses de nouvelles méthodes, c’est parce qu’elles ne par-
viennent pas à prendre au sérieux la constitution comme ensemble
de normes au sens purement descriptif et persistent à l’appréhender
comme un ensemble de normes au sens axiologique.
Rien ne semble plus caractéristique de l’interprétation constitu-
tionnelle que la figure du balancement ou de la conciliation. Le juge
constitutionnel, face aux principes que contient la constitution et par-
ce qu’elle contient non des normes de comportement mais des princi-
pes, ne saurait se conformer au modèle déductif de la subsomption.
Son contrôle passe nécessairement par la méthode herméneutique qui
le conduit à mettre en balance deux principes contradictoires ou anta-
gonistes qu’il a pour tâche de concilier.
Menée à bien, cette conciliation aboutit à une solution dont les
plus ardents partisans du contrôle de constitutionnalité aiment à

238
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

souligner à la fois l’impartialité et la justice : rien ne correspond


mieux à l’idée a priori de neutralité que de concilier deux contraires,
rien n’est plus juste que cette même neutralité, cet équilibre. Le ba-
lancement serait en quelque sorte le comble de la justice.
Cette représentation s’avère, à l’examen, quelque peu naïve. Elle
repose notamment sur l’idée que les principes en question s’imposent
au juge constitutionnel et que c’est parce qu’ils s’imposent à lui que ce
même juge demeure neutre ou impartial. La seule remise en cause de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
cette prémisse ruinerait l’argument. Or, précisément, une conception
plus réaliste permet de comprendre que les principes ne s’imposent
pas au juge mais qu’il en est le maître.
Ainsi, derrière l’apparence d’une compétence liée pointe le pou-
voir discrétionnaire. Au surplus, derrière la discrétion se cache
l’arbitraire. En effet, le modèle du balancement présente les antino-
mies entre principes constitutionnels comme toujours partielle-
partielle et non partielle-totale ou totale-totale.
Rappelons brièvement que l’antinomie la plus simple est celle dite
« totale-totale » ou absolue. Elle intervient entre deux normes lors-
qu’aucune des deux ne peut être appliquée sans entrer en conflit avec
l’autre, soit parce qu’une norme ordonne exactement de faire ce que
l’autre interdit, soit encore parce qu’une norme ordonne exactement
de faire ce que l’autre permet de ne pas faire, soit enfin parce qu’une
norme interdit exactement de faire ce que l’autre permet de faire.
L’antinomie « totale-partielle » intervient lorsque deux normes
incompatibles ont un champ d’application commun mais que la se-
conde norme a, en outre, un champ d’application plus large dans
lequel elle n’entre pas en conflit avec l’autre.
C’est le cas lorsqu’une norme interdit une action et que la seconde
autorise à la fois cette action et en interdit une autre. Enfin,
l’antinomie « partielle-partielle » intervient lorsque deux normes ont
un champ d’application commun dans lequel elles entrent en conflit
l’une avec l’autre mais aussi un champ d’application plus large dans
lequel elles n’entrent pas en conflit.
Bien évidemment, face à une antinomie quelle qu’elle soit, la
question est de savoir comment la résoudre. Or, tout ordre juridique

239
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

comporte au moins trois critères : le critère hiérarchique (lex superior


derogat inferiori) ; Le critère chronologique (lex posteriori derogat
priori) et le critère de spécialité (lex specialis derogat generali).
Cela étant, ces trois critères sont loin d’être suffisants. Ils ne fonc-
tionnent plus lorsqu’on est en présence de deux normes contempo-
raines l’une de l’autre, de même valeur juridique et ayant la même
sphère d’application, ce que sont précisément les principes constitu-
tionnels. Pour résoudre l’antinomie, il n’existe que trois solutions :

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
renoncer aux principes en conflit ; les maintenir tous les deux ; sacri-
fier l’un des deux.
Dans tous les cas, pour justifier le choix de cette solution, il fau-
dra recourir à un jugement de valeur qui ne pourra lui-même pas
prétendre à l’objectivité des trois critères traditionnels. Or, pour pal-
lier l’inconvénient de la subjectivité que recèle tout jugement de va-
leur, les juges tendent à modérer la portée de ce dernier en préten-
dant procéder au cas par cas.
On sombre alors dans ce qui ressemble le plus parfaitement à
l’arbitraire : la solution de l’antinomie dépend de la seule apprécia-
tion du juge et ne vaut que pour le temps de sa décision.
Enfin, aussi étonnante soit cette représentation du jugement de
constitutionnalité, elle est loin d’être singulière et propre au juge
constitutionnel : tous les juges sont amenés à procéder ainsi dès lors
qu’ils ont à concilier des énoncés antagonistes dont on voit mal les
normes qu’ils contiennent, que ce soit le principe de la liberté
contractuelle ou celui du droit au respect de sa vie privée.
Le balancement est donc moins une spécificité du contrôle de
constitutionnalité qu’une spécificité du droit contemporain qui, aux
normes de comportement et de compétences, ajoute des normes de
justification. Des velléités perceptibles dans la doctrine existent qui
visent à proposer une hiérarchisation des principes ou, mais cela re-
vient au même, des droits dits fondamentaux.472 Il demeure cependant

472
Pour ce qui concerne la hiérarchisation des principes, voir RIALS (S.), « Les
incertitudes de la notion de Constitution sous la Ve République », RDP, 1984,
pp. 588-612 et pour les droits fondamentaux, lire FAVOREU (L.) et PHILIP
(P.), Grandes décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 12e éditions, 2003,

240
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

la question d’objectivité du juge dans ce processus d’interprétation.


Objectivité toute relative, c’est entendu, étant donné que hormis la
chronologie, la supériorité d’une norme comme sa spécialité sont af-
faire d’appréciation subjective. Il demeure que l’avantage commun
aux critères de la chronologie et de la hiérarchie est de ne pas porter
sur le contenu de la règle mais sur sa position objective, soit dans le
temps soit dans le système normatif qui assigne une place hiérarchi-
que aux autorités compétentes pour poser une règle.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
Mais entre le critère chronologique et celui hiérarchique, il y a
bien une différence de taille : le critère chronologique se rapporte à
un fait naturel, le hiérarchique à un fait juridique. Il faut donc pro-
céder à une interprétation juridique. Le critère de spécialité est
moins objectif puisqu’il exige que l’on tienne compte du contenu des
règles.
Néanmoins, il est conçu comme ne devant pas laisser place aux
préférences personnelles car pour établir qu’une règle est générale, le
juge est censé n’avoir recours qu’à un jugement de fait concernant
l’étendue différente des dispositions normatives (validité matérielle,
personnelle).473
Il demeure cependant que lorsque cette hiérarchisation est le fruit
de la dogmatique juridique, elle revient à substituer un arbitraire à
un autre. Les tentatives qui fleurissent ici et là visant à faire de cer-
tains droits des droits secondaires ou de second rang, comme c’est le
cas notamment avec le droit de propriété, sont pour le moins éton-
nantes. Certes, elles se réclament d’une description de la jurispru-
dence des cours constitutionnelles (en l’espèce le Conseil constitu-
tionnel français).

commentaire des décisions CC 81-132 DC et CC 82-139 DC (nationalisations) ;


GOESEL-LE BIHAN, « Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel : défense
et illustration d’une théorie générale », RFDC, 45, 2001, pp. 67-83.
473
Pour cette classification des antinomies, voir ROSS (A.), On Law and Justice,
Londres, Stevens & Sons Ltd, 1958, pp. 128 s. et BOBBIO (N.) Teoria generale
del diritto (1960), Turin, Giappichelli, réédition 1993, pp. 209-217 et Essais de
théorie du droit, traduction M. Guéret, Paris, LGDJ-Bruylant, chap. 6, pp. 89 et
s.

241
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Mais cette description est elle-même trompeuse puisque la « juri-


diction » visée qualifie ce même droit de « fondamental » (comme
d’ailleurs d’autres juridictions qui en font elles aussi un droit fonda-
mental). Cependant, nous dit-on, le droit de propriété n’étant pas
protégé aussi fortement que les autres, il ne serait qu’un droit de
« second rang ».
Or, qui a dit que le caractère fondamental d’un droit devrait lui
vient du degré de protection qu’il reçoit ? Et si les droits dits fonda-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
mentaux ne recevaient pas tous la même protection ne vaudrait-il
pas mieux, dans ces conditions, hiérarchiser non les droits mais les
modes de contrôle ?
On voit tout ce que cette thèse doit à des jugements de valeur qui
échappent à ceux-même qui les tiennent : un droit est « réellement »
fondamental, présupposent-ils, quand il est contrôlé avec la même
« force » ou avec les mêmes instruments que les autres.
Mais quel est donc alors le droit réellement fondamental qui
« doit » servir de modèles aux autres ? Et l’identification de ce droit-
modèle sera-t-elle le résultat d’un acte de connaissance ou d’un acte
de volonté ? Cette thèse d’une liberté limitée du juge constitutionnel
est elle-même parfaitement contestable dès lors que l’on s’intéresse
aux « exigences prudentielles » dont devrait tenir compte le juge
constitutionnel dans son interprétation et qui, d’après les ardents
défenseurs de la spécificité de l’interprétation constitutionnelle, dé-
pendraient du fait que le juge constitutionnel doit motiver ses déci-
sions afin qu’elles apparaissent « comme la meilleure expression de la
raison pratique ».474
Or, quel juge peut faire autrement ? Quel juge peut réellement
prétendre se conformer au modèle de la subsomption ? Il faut ici en
effet tordre le cou à ce prétendu modèle de la subsomption qui vou-

474
MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.), Contentieux constitutionnel des droits
fondamentaux, Paris, LGDJ, 2002. Sur la question plus spécifique des principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, lire CHAMPEIL-
DESPLATS (V.), Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques, Economica-
PUAM, pp. 204 et s.

242
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

drait que le juge ne soit qu’un mécanisme faisant application d’une


règle générale à un cas particulier. Il est à peine besoin d’adhérer à
une théorie réaliste de l’interprétation très en vogue aujourd’hui
pour mesurer à quel point cette représentation est erronée. Elle re-
pose plus simplement sur une analogie avec le syllogisme théorique.
Or, l’analogie est trompeuse : à la différence du premier, le second
comprend une prémisse majeure dépourvue de toute référence a
priori.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
En effet, à supposer que la norme qui serve de prémisse majeure
soit du type « tous les voleurs doivent être punis », elle ne propose
aucune description définie de ce que le terme « voleurs » signifie. El-
le ne pourra donc faire l’objet d’une application individuelle et sin-
gulière qu’en vertu de la décision d’un juge. Bref, il n’existe pas de
« voleurs » tant que le juge n’a pas identifié Socrate comme tel. C’est
d’ailleurs parce que cette prémisse majeure n’a pas de référence a
priori que tout juge doit choisir entre les différents sens qu’elle est
susceptible d’avoir. Que ce choix soit un acte de volonté et que l’on
en déduise ensuite que toute interprétation revient à créer une nor-
me est presque secondaire : ce n’est du moins que le corollaire de la
première thèse.
À bien y regarder, il n’y a donc aucune spécificité de l’interprétation
constitutionnelle quant aux techniques d’interprétation. On pourrait
ainsi conclure que le juge constitutionnel est un juge comme les autres
et passer son chemin. On omettrait cependant une autre dimension du
problème, évidente : la présence d’un juge constitutionnel ne reçoit pas
toujours et partout, loin s’en faut, la même justification.
La question la plus difficile que la théorie constitutionnelle ait à af-
fronter est bien évidemment celle de la justification de l’existence
même du contrôle de constitutionnalité. Là comme ailleurs, plusieurs
réponses existent, dont aucune n’est réellement satisfaisante, tout le
problème se ramenant à celui de savoir comment on peut concilier le
contrôle de constitutionnalité avec ce qu’il est censé justement assurer
ou garantir : la démocratie.
Marshall, Kelsen, Barak – pour reprendre le titre d’un excellent ar-
ticle de Michel Troper – ont tous trois tenté de justifier le contrôle de

243
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

constitutionnalité par la suprématie de la Constitution. Mais comme


cela a été si bien démontré, toute l’argumentation n’est qu’une péti-
tion de principe car de deux choses l’une : ou bien la Constitution est
suprême, et il n’est nul besoin de la faire respecter ; ou bien il faut la
faire respecter… c’est donc qu’elle n’est pas suprême. Or, tant Mars-
hall que Kelsen ou Barak montrent, malgré eux, que ce n’est pas la
suprématie de la Constitution qui justifie le contrôle de constitution-
nalité mais bien le contrôle de constitutionnalité qui justifie la supré-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
matie de la Constitution. Bref, la Constitution n’« est » pas suprême,
elle « doit » l’être.
On peut ajouter une pierre à cette critique. Marshall – comme
beaucoup d’autres –, prétend démontrer la nécessité du contrôle de
constitutionnalité en enfermant son auditoire dans une alternative
qu’il croit définitive. Il écrit : « ou la Constitution est un droit supé-
rieur, suprême, inaltérable par des moyens ordinaires ; ou elle est sur
le même plan que la loi ordinaire et, à l’instar des autres lois, elle est
modifiable selon la volonté de la législature.
Si c’est la première partie de la proposition qui est vraie, alors une
loi contraire à la Constitution n’est pas du droit ; si c’est la deuxième
qui est vraie, alors les Constitutions écrites ne sont que d’absurdes
tentatives de la part des peuples de limiter un pouvoir par nature
illimité ».475
Or, le raisonnement souffre ici du même vice que celui que l’on
trouve dans les conceptions dualistes du droit propres aux jusnatura-
listes : en disant que la Constitution est un droit supérieur et qu’une
loi contraire à la Constitution n’est pas « du droit », Marshall em-
ploie le terme « droit » dans deux sens très différents : le droit qui
vaut pour la Constitution, le droit qui vaut pour la loi.
En admettant que la Constitution soit un droit supérieur, elle
n’est toutefois pas « du droit » parce qu’elle est conforme à elle-

475
TROPER (M.), « Marshall, Kelsen, Barak et le sophisme constitutionnaliste », in
ZOLLER (E.) (sous la direction de), Marbury v. Madison : 1803-2003. Un dialogue
franco-américain, Paris, Dalloz, 2003, pp. 215-228. Lire aussi, Décision Marbury
v. Madison, in ZOLLER (E.) (sous la direction de), Les grands arrêts de la Cour
suprême des États-Unis, Paris, PUF, 2000, p. 102.

244
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

même : or, si l’on se demande pourquoi la Constitution « est du


droit », il faudra recourir à une autre définition que celle employée
pour dire que la loi contraire à la constitution n’est pas du droit – ou
que la loi conforme en est.
C’est là un raisonnement classique et propre à toutes les formes
de jusnaturalisme : pour justifier la supériorité du droit naturel, les
auteurs ont toujours recours à un argument négatif déniant la qualité
de droit à toute norme contraire au droit naturel.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249349
Mais en aucun cas ils n’iraient jusqu’à reconnaître que le droit na-
turel est du droit parce qu’il est conforme à lui-même. Ils préfére-
ront expliquer que le droit naturel contient des vérités que le droit
positif doit mettre en œuvre, ou encore, que le droit naturel découle
de la raison de sorte qu’il est du devoir de chacun de s’y conformer.
Autant de propositions qui ne permettent en aucun cas de savoir
à quoi tient la supériorité du droit naturel mais qui servent – c’est
leur fonction – à justifier la norme selon laquelle le droit positif doit
se conformer au droit naturel. C’est précisément la norme que pose
Marshall à l’égard du législateur : il doit se conformer à la Constitu-
tion, un point c’est tout.
Un autre argument est souvent avancé pour justifier l’existence
du contrôle de constitutionnalité : celui de la protection des droits
de la minorité contre la tyrannie de la majorité. Cet argument se
présente sous deux formes, l’une ancienne imputable à Tocqueville,
l’autre moderne que l’on trouve par exemple chez Dworkin.
Quel rapport Tocqueville entretient-il avec le contrôle de consti-
tutionnalité demandera-t-on ? Il suffit de le citer : « Resserré dans ses
limites, le pouvoir accordé aux tribunaux américains de prononcer
sur l’inconstitutionnalité des lois forme [encore] une des plus puis-
santes barrières qu’on ait jamais élevées contre la tyrannie des Assem-
blées politiques. »476
Ainsi, le contrôle de constitutionnalité serait le meilleur instru-
ment pour préserver les droits de la minorité de la menace que fait
peser à leur encontre la tyrannie de la majorité. Cet argument est à

476
De la démocratie en Amérique, I, 1, ch. VI.

245
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

première vue très convaincant d’autant qu’il est fondé sur cette idée
que le pouvoir absolu corrompt absolument ce que nul n’oserait
contester. Il repose toutefois sur un préjugé pour le moins anti-
démocratique dont, en réalité, Tocqueville ne parvient jamais à se
défaire complètement. En témoigne un passage de la seconde partie
du premier volume de la Démocratie en Amérique dans lequel il pose
la question suivante : « Je regarde comme impie et détestable cette
maxime, qu’en matière de gouvernement la majorité d’un peuple a le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majo-
rité l’origine de tous les pouvoirs. Suis-je en contradiction avec moi-
même ? »
Et telle est la question serait-on tenté de dire… Tocqueville, lui, ré-
pond par une autre question : « Qu’est-ce donc qu’une majorité prise
collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus sou-
vent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la mi-
norité ? Or, si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute-
puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-
vous pas la même chose pour une majorité ? »
Voilà ce que l’on pourrait appeler le sophisme de Tocqueville. En
effet, contrairement à ce qu’il feint de croire, il demeure quelque peu
délicat sinon franchement déplacé – en démocratie du moins – de
définir la majorité et la minorité comme deux individus équivalents
et réductibles l’un à l’autre.
Tocqueville se trouve alors pris dans un dilemme : s’il ne veut pas
admettre une différence de nature entre majorité et minorité en dé-
mocratie, comment justifier que la volonté de la majorité puisse ne
pas toujours s’imposer ? Là encore, le seul moyen d’en sortir est
d’envisager un droit supérieur et distinct du droit positif. C’est
d’ailleurs en ayant recours à ce dualisme que Tocqueville croit pou-
voir répondre négativement à la question qu’il posait.
Il n’est pas en contradiction avec lui-même, dit-il, parce qu’il existe
au-dessus des lois positives des hommes une loi suprême, une loi uni-
verselle qui s’appelle la justice : « Il existe une loi générale qui a été
faite ou du moins adoptée, non pas seulement par la majorité de tel ou
tel peuple, mais par la majorité de tous les hommes. Cette loi, c’est la
justice. La justice forme donc la borne du droit de chaque peuple.

246
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Une nation est comme un jury chargé de représenter la société uni-


verselle et d’appliquer la justice qui est sa loi. Le jury, qui représente
la société, doit-il avoir plus de puissance que la société elle-même dont
il applique les lois ? »477
Mais affirmer cela ne revient plus, comme le croyait Tocqueville, à
« placer dans les volontés de la majorité l’origine de tous les pou-
voirs ». C’est au contraire affirmer qu’il existe deux systèmes de nor-
mes : l’un, naturel ou universel, peu importe ; l’autre, fait par la majo-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
rité à l’origine de tous les pouvoirs. Ces deux systèmes de normes ne
se voient pas reconnaître le même statut : le premier précède le second
et le prime, c’est un droit auquel la majorité doit se conformer. C’est
d’ailleurs ce que Tocqueville reconnaît volontiers : « Une Constitu-
tion américaine n’est point censée immuable comme en France ; elle
ne saurait être modifiée par les pouvoirs ordinaires de la société,
comme en Angleterre. Elle forme une œuvre à part, qui, représentant
la volonté de tout le peuple, oblige les législateurs comme les simples
citoyens, mais qui peut être changée par la volonté du peuple, suivant
des formes qu’on a établies, et dans des cas qu’on a prévus. En Améri-
que, la Constitution peut donc varier ; mais, tant qu’elle existe, elle est
l’origine de tous les pouvoirs. La force prédominante est en elle seu-
le ».478
Cela le conduit à une seconde opposition entre la législation ou la
politique ordinaire et la législation ou la politique constitutionnelle.
Dans la première, le peuple « n’existe tout simplement pas ; il ne peut-
être que représenté par ses tenant-lieu ». Dans la seconde, en revanche,
« quelque chose de spécial se produit : les représentants et les citoyens,

477
Ibidem, I, 2, chap. VII. Il continue : « Les hommes, en se réunissant, ont-ils
changé de caractère ? Sont-ils devenus plus patients dans les obstacles en
devenant plus forts ? Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire,
que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs. »
478
La théorie que Bruce ACKERMAN développe depuis quelques années semble
prolonger l’analyse tocquevillienne. Comme on le sait, Bruce ACKERMAN
oppose la démocratie moniste – dans laquelle la volonté du peuple est réputée
représentée par ceux qui détiennent le pouvoir législatif (le Congrès et le
président) – à la démocratie dualiste dans laquelle cette volonté « est présumée
représentée par les principes de droit suprême qui ont obtenu dans le passé le
consentement du peuple ».

247
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dans leur entreprise de redéfinition et de rénovation des fondations du


gouvernement américain, parlent un langage commun. Ce langage a
été testé à de multiples reprises au sein d’assemblées délibératives et à
l’occasion d’élections populaires ». Donc, il s’agit bien de la volonté
du peuple lui-même.
Ainsi, chez Tocqueville hier comme chez Bruce Ackerman au-
jourd’hui, la Constitution « représente » la volonté de tout le peuple.
On pourrait s’interroger longuement sur ce que cette « représenta-

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tion » signifie.
Bien évidemment, on peut tout d’abord être tenté de n’y lire
qu’une métaphore : la Constitution représenterait la volonté de tout
le peuple comme la colombe représente la paix. Mais il ne viendrait
jamais à l’esprit de quiconque de dire que la colombe oblige les hom-
mes à la paix tandis que Tocqueville dit que la Constitution américai-
ne oblige les législateurs comme les simples citoyens. En affirmant
que la Constitution représente la volonté de tout le peuple, Tocque-
ville parvient à substituer, par métonymie, l’effet à la cause.
C’est en effet la volonté du peuple qui fait la constitution mais
une fois faite cette constitution représente cette même volonté non
pas au sens iconographique mais au sens juridique : elle vaut pour
elle, elle en tient lieu, elle s’y substitue. L’argumentation est éton-
namment identique chez Bruce Ackerman.479
On se doit pourtant de remarquer que s’il y a un point commun
entre la théorie selon laquelle le peuple est représenté par des indivi-
dus et celle selon laquelle il est représenté par un texte, une analyse
plus approfondie permet de mesurer l’écart qui les sépare. En effet,
le peuple représenté demeure, dans les deux cas, une entité que l’on
ne peut saisir qu’au travers d’un biais, un truchement, ses « tenant-
lieu » dans un cas, la Constitution dans l’autre. Une fiction, dira-t-
on. Mais au-delà, tout les oppose puisque cette fiction s’incarnera,
pour l’une dans une parole humaine, pour l’autre dans un texte, de
sorte que la volonté du peuple sera, dans le premier cas, produite par
des individus et, dans le second, déduite d’un texte.

479
ACKERMAN (B.), Au nom du Peuple. Les fondements de la démocratie américaine
(1991), trad. J.-F. SPITZ, Paris, Calmann-Lévy, 1998, v. note pp. 37 et 327 ainsi
que « La démocratie dualiste », in Le concept de représentation dans la théorie de
l’État, Paris, P. U. Rouen-LGDJ-Bruylant, 2004.

248
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Ce sont donc bien deux théories radicalement antagonistes de la


représentation politique auxquelles on a affaire puisque, dans l’une,
représenter c’est vouloir et que, dans l’autre, représenter c’est
connaître. Il reste enfin à se demander en quoi cela confère à la
Constitution une prédominance. Or, cette prédominance s’explique
chez Tocqueville comme chez Ackerman parce qu’ils raisonnent
selon l’a priori qu’il n’y a de « vraie » constitution que s’il existe un
contrôle de constitutionnalité. Si on la prolongeait, cette thèse

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conduirait à admettre un contrôle des lois au regard non pas tant de
la constitution entendue comme norme juridique positive mais au
regard d’une Constitution pensée comme norme de justice universel-
le ou du moins intégrant cette dimension de justice.
On trouve aujourd’hui l’argument sous une autre forme, qui in-
siste davantage sur les droits qu’une Constitution est censée protéger
et reconnaître. Cet argument se présente de la façon suivante : une
Constitution a pour fonction essentielle d’établir des droits et ces
droits sont des barrières aux décisions de la majorité permettant de
protéger les intérêts des individus. En sorte que, s’il n’y avait pas de
contrôle de constitutionnalité, il n’y aurait pas de reconnaissance de
ces droits parce qu’il n’y aurait aucune limite aux décisions de la ma-
jorité exprimées par les organes politiques et notamment le Parle-
ment. Les juges constitutionnels ont donc pour mission de protéger
les droits et dès lors que l’on reconnaît des droits, on doit accepter le
contrôle de constitutionnalité.
Cette thèse est très largement répandue au point qu’elle apparaît
comme une évidence. Ainsi, par exemple, Pasquale Pasquino écrit :
« l’État constitutionnel s’est construit pour défendre les citoyens du
pouvoir des majorités politiques et pour protéger les minorités, non
pour consacrer le pouvoir sans obstacle des élites politiques. Une
structure polyarchique semble le meilleur instrument pour faire obs-
tacle à l’intempérance, comme l’appelait Tocqueville, d’un organe
monocratique qui pouvait revendiquer pour lui l’autorisation popu-
laire ».480

480
PASQUINO (P.), « La politica limitata. I principi liberal-democratici dello Stato di
dirittto il controllo ddi costituzionalit », Analisi e Diritto, 1996 (187-205),
notamment p. 204.

249
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cette même évidence se retrouve également chez Dworkin lors-


qu’il propose de distinguer entre les politiques et les principes pour
ensuite expliquer que les politiques définissent des objectifs collec-
tifs, tandis que les principes établissent des droits. Ces derniers cons-
tituent une limite aux objectifs collectifs et préservent la sphère in-
dividuelle de cette sphère collective. Les objectifs doivent être définis
par des organes politiques mais les droits doivent être établis sur le
fondement des principes par les juges.

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Sous couvert de tracer une frontière entre la sphère publique et
celle privée, on en vient à déplacer le lieu de l’exercice du pouvoir
des assemblées vers les juges. La critique majeure de l’argument est
qu’il repose sur une confusion entre les intérêts de la majorité – qui
sont toujours susceptibles d’entrer en conflit avec les intérêts des in-
dividus – et les décisions de la majorité.
Comme on peut le remarquer justement, il n’y a aucune contra-
diction logique à soutenir qu’en démocratie l’unique autorité légiti-
mement investie du pouvoir de reconnaître les droits est précisé-
ment la volonté de la majorité. Sauf à admettre, comme Tocqueville
le fait, qu’il y a une identité de nature entre la majorité et la minori-
té. Mais il faut alors parvenir à expliquer en quoi le système que l’on
décrit est encore démocratique.
Une autre justification, sans doute peu éloignée de celle que pro-
posait Tocqueville, est aujourd’hui défendue par Dominique Rous-
seau en France, qui cherche à présenter le Conseil constitutionnel
comme le « représentant de la souveraineté du peuple »481. Pourquoi
voir le juge constitutionnel, en France ou ailleurs, comme le repré-
sentant de la souveraineté du peuple ?
Parce que le juge constitutionnel oblige le législateur à respecter la
volonté du peuple souverain déclarée dans la constitution : « Lors-

481
ROUSSEAU (D.), « La jurisprudence constitutionnelle : quelle “nécessité
démocratique” ? », in MOLFESSIS et alii (sous la direction de.), La légitimité de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1999 (363-376),
p. 370 : « les citoyens figurent comme représentés dans les institutions législative
et exécutive et, là est la nouveauté, comme souverain par la juridiction
constitutionnelle ».

250
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

que le Conseil constitutionnel censure une loi (…) il ne le fait pas au


motif que les représentants ont méconnu la volonté des citoyens qui
les ont élus (…), il ne le fait pas davantage au motif qu’il connaît et
donc représente mieux que les élus la volonté du peuple qui s’est ex-
primée lors de ces élections ; il censure en montrant aux représen-
tants (…) le texte où le peuple figure en souverain et qui leur interdit
de prendre ces dispositions. En d’autres termes, le Conseil ne repré-
sente pas le peuple souverain, il représente ce en quoi et par quoi le

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peuple se pense et se reconnaît souverain ».482
À l’examen, cette thèse se fonde sur deux présupposés qui, bien
que parfois explicites, ne sont pas pour autant démontrés : selon le
premier le contrôle de constitutionnalité vise à préserver la supréma-
tie de la constitution ; selon le second, la représentation juridique
s’analyse en la reproduction d’une réalité préexistante, autrement
dit, la représentation juridique est toujours symbolique.
Le premier présupposé est ancien. On le trouve formulé pour la
première fois chez Hamilton au n° 78 du Fédéraliste : « lorsque la
volonté de la législature, déclarée dans les lois, est en opposition avec
celle du peuple, déclarée dans la Constitution, les juges doivent être
gouvernés par la seconde plutôt que par la première. Ils doivent fon-
der leurs décisions sur les lois fondamentales plutôt que sur celles
qui ne le sont pas ».
L’affirmation semble procéder du raisonnement suivant : la consti-
tution étant la volonté du peuple, elle est une loi « fondamentale » et
parce qu’elle est fondamentale, elle doit s’imposer et au législateur et
aux juges, il faut donc préférer la constitution à la loi qui lui serait
contraire. Ce raisonnement procède lui-même d’une théorie bien
connue selon laquelle le droit est et doit être un ensemble de règles de
justice qui dérivent toutes les unes des autres, autrement dit, c’est la
vérité de la Constitution et non l’autorité du législateur qui fait la loi.
Une telle conception contient cependant une contradiction : en
effet, pour parvenir à dire que la Constitution « est » la volonté du
« peuple », on doit logiquement admettre que le peuple existe avant
la Constitution et que cette dernière ne contient des normes de justi-

482
Idem, p. 374.

251
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ce que dans la mesure où elle est l’expression de sa volonté. C’est


donc en dernier ressort l’autorité du peuple qui fait la loi et non la
vérité de la Constitution. Dans ces conditions, comment savoir
qu’une loi est contraire à la volonté du peuple ? Et si la contrariété
de la loi à la Constitution ne procède pas de la logique, comment
justifier que les juges doivent respecter la Constitution plutôt que la
loi ?
Enfin, comment justifier que les membres de l’assemblée législati-

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ve, qui agissent au nom du peuple, ne puissent eux aussi exprimer sa
volonté ?
En réalité, ces questions insurmontables ne se posent qu’en raison
de la très grande ambiguïté de la prémisse initiale présupposée qui
fonde le raisonnement examiné et selon laquelle la volonté du peu-
ple existe indépendamment de celle de ses représentants.
Dire que le peuple existe avant la Constitution conduit à un di-
lemme dont il est malaisé de sortir : ou bien le peuple existe, et il n’a
pas besoin de représentant ; ou bien il en a besoin, donc il n’existe
pas réellement. Ajoutons, pour être complet, que cette prémisse n’a
rien de descriptif et dissimule à peine une norme de comportement à
l’égard de tout corps législatif élu.
Il n’est pas de proposition plus évidemment vraie que tout acte
d’une autorité déléguée, contraire aux termes de la commission en
vertu de laquelle elle est exercée, est nul.
Donc, nul acte législatif, contraire à la Constitution, ne peut être
valable. Nier cela, ce serait affirmer que le délégué est supérieur à
son commettant, que le serviteur est au-dessus de son maître ; que les
représentants du peuple sont supérieurs au peuple lui-même ; que
des hommes qui agissent en vertu de pouvoirs peuvent faire non seu-
lement ce que ces pouvoirs ne les autorisent pas à faire, mais encore
ce qu’ils leur défendent.
Cela étant, quand bien même on justifierait la suprématie de la
Constitution par sa conformité à la volonté du peuple « réel », on ne
pourrait pas en inférer la nécessité d’un organe chargé de contrôler
la loi. C’est à cela que sert le second présupposé selon lequel la re-
présentation, en droit, est symbolique.

252
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Ce dernier présupposé est d’ailleurs explicite chez Dominique


Rousseau qui écrit : « le mécanisme de la représentation (…) est un
mécanisme de constitution de la réalité en ce que celui qui représente
donne une forme, une consistance à ce qui est absent. Ici, ce qui est
absent, c’est la personne du peuple souverain et le Conseil donne
corps à cette personne, produit sa réalité de souverain en mettant au
jour, en rendant visible ce qui est construit par sa représentation,
c’est-à-dire, précisément, la souveraineté du peuple.

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Cette dernière n’est réelle et n’acquiert une possible effectivité
que si elle est représentée en tant que telle. Or, c’est justement cette
présence du peuple souverain dans la sphère du pouvoir que repré-
sente la juridiction constitutionnelle face aux institutions parlemen-
taire et exécutive qui renvoient seulement aux citoyens l’image de
représentés et non de souverains. »483
La difficulté à laquelle aboutit ce présupposé est qu’il contredit le
précédent : tandis que le premier assoit la suprématie de la Constitu-
tion sur l’existence d’un peuple dont la volonté est tout entière
contenue dans la Constitution, voilà que l’on nous dit maintenant que
cette volonté a besoin du juge constitutionnel pour se déployer.
Contradictoire, la thèse est en définitive moins une thèse qu’un
jugement de valeur déguisé au terme duquel il n’est pas bon qu’une
assemblée législative agisse sans limites, sans rencontrer d’obstacles.
En d’autres termes, le droit ne doit pas être le produit de la volonté
mais de la raison.
Afin d’éviter les écueils des justifications précédentes, Carlos Ni-
no en a fourni une autre qui a le mérite de la simplicité : le contrôle
de constitutionnalité est logiquement inévitable. Ceci n’a effective-
ment rien de nouveau.

483
ROUSSEAU (D.), article cité, p. 372. Nous soulignons. Ou encore : « Le Conseil
est ainsi l’institution qui réfléchit la structure dialogique de la représentation
politique : il est, pour parler en termes kantiens, la condition de possibilité de la
perception – et de la réception de cette perception – de la représentation du
peuple comme souverain et des représentants comme délégués subordonnés.
L’apport de la juridiction constitutionnelle, loin de heurter le principe
démocratique de la souveraineté du peuple, en permet donc la représentation
symbolique et pratique. »

253
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cette thèse s’appuie sur ce que Nino appelle le « théorème fon-


damental de la philosophie du droit » à savoir que le droit n’est pas
autonome par rapport à la morale parce que « les normes juridiques
ne constituent pas en elles-mêmes des raisons opératoires pour justi-
fier des actions et des décisions comme celles des juges, à moins
qu’on les conçoive comme dérivant de jugements moraux, c’est-à-
dire, de jugements normatifs qui possèdent les caractéristiques sui-
vantes : autonomie, justification, universalisabilité, généralité, su-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
pervenience, et publicité ».484
Nino appuie toute sa démonstration sur une critique serrée et ha-
bile de la validité chez Kelsen qui le conduit à distinguer deux
concepts de validité : l’un normatif, selon lequel « valide » signifie
« obligatoire » ; l’autre descriptif selon lequel « valide » désigne le fait
d’appartenir à un système juridique.
Fort de cette distinction, Nino décèle chez Kelsen une confusion
entre ces deux concepts et conclut que la conception kelsenienne de
la validité est minée par un sophisme naturaliste car Kelsen déduirait
la force contraignante d’une norme de sa seule appartenance factuel-
le au système comme le prouverait sa théorie de la norme fonda-
mentale présupposée.
Si l’on veut éviter une telle confusion, Nino recommande de
n’admettre qu’un seul concept de validité ; et si l’on veut parvenir à
rendre compte du raisonnement juridique, ce ne peut être qu’un
concept normatif au risque de violer la loi de Hume.
En effet, si comme le font les théoriciens positivistes, on définit
les normes juridiques comme des entités factuelles, elles ne pourront
jamais servir de fondement à des normes puisqu’une norme ne sau-
rait dériver d’un fait. On ne pourrait pas non plus contourner la dif-

484
NINO (C.S.), « Breve nota sulla struttura del ragionamento giuridico », Ragion
Pratica, 1993, 1, pp. 32-37. IDEM, « Some Confusions around Kelsen’s Concept of
Validity », Archiv für Rechts-und Sozialphilosophie, 64, 1978 repris in La validez
del derecho, Buenos Aires, Astrea, 1985, réimp. 2000, chap. I. ; IDEM,
Fundamentos de derecho constitucional, op. cit.., p. 683 et NINO (C.S.), « A
Philosophical Reconstruction of Judicial Review », op. cit.., p. 299.

254
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

ficulté en décidant de privilégier l’origine de la norme et en justifiant


cette dernière par l’autorité qui l’a posée.
C’est donc la structure même du raisonnement juridique qui jus-
tifie le contrôle de constitutionnalité : les juges ne peuvent justifier
leurs décisions sur le seul fondement de l’existence factuelle d’une loi
ou sur le fait qu’elle a été posée par une autorité mais ils doivent né-
cessairement fonder leurs décisions sur des normes qui sont valides
en raison de « leurs mérites intrinsèques »

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Or, aucun système de normes ne peut par lui-même fournir les
critères de sa propre validité. Il faut donc nécessairement avoir re-
cours à des principes moraux que la constitution contient et qui ga-
rantissent la légitimité des lois votées par le Parlement. Dès lors, les
juges ordinaires ne peuvent faire autrement que de contrôler la cons-
titutionnalité des lois par rapport à la Constitution.
Il n’en demeure pas moins que si la critique de Kelsen par Nino
est pertinente, la thèse de celui-ci fourmille d’ambiguïtés.
D’une part, justifier l’obéissance à une norme en se fondant sur le
« fait » que le législateur l’a posée ne revient pas, contrairement aux
apparences, à décrire un fait duquel on inférerait – de manière erro-
née – une norme. Il faut ici distinguer entre l’acte de poser la norme
et la signification de cet acte. Si l’acte en lui-même ne permet
d’inférer aucune norme, la signification qu’on donnera à cet acte
peut, dans certains cas, être normative : un juge peut parfaitement
considérer que telle norme est valide – qu’elle est obligatoire – parce
qu’elle répond aux conditions de validité posée par une norme supé-
rieure elle-même « obligatoire ».
D’autre part, rien ne nous contraint à interpréter le terme même
d’obligatoire au sens moral : le même juge peut parfaitement consi-
dérer telle norme comme juridiquement obligatoire sans pour autant
adhérer moralement à celle-ci ni d’ailleurs exiger une adhésion mora-
le à cette norme de la part des sujets de droit auxquels il en impose le
respect.
Et ce qui vaut pour le juge vaut pour tout organe d’application du
droit : tous ceux qui paient leurs impôts ne le font pas nécessairement
en vertu d’une adhésion morale au système de redistribution de la ri-

255
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

chesse nationale dont l’impôt est censé procéder. Ils ne le font pas non
plus en vertu d’un sophisme naturaliste. Ils estiment au contraire qu’il
existe bien une norme valide selon laquelle ils doivent payer leurs im-
pôts et qui justifie l’ordre émanant du percepteur.
Bref, contrairement à ce que semble croire Nino, la reconnaissan-
ce de l’autorité d’un organe par un autre n’est pas un fait mais une
norme juridique : la proposition par laquelle le juge dit que telle
norme est valide parce qu’elle a été posée par tel organe ne s’analyse

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pas en un jugement de valeur inféré d’un fait mais en un jugement de
validité inféré d’un autre jugement de validité. Le respect que Nino
voue à la loi de Hume est tout à son honneur mais l’usage qu’il en
fait ne lui permet pas de conclure que le raisonnement juridique
n’est qu’une modalité du raisonnement moral ou pratique.
Enfin, la critique par Nino de la norme fondamentale est habile
mais excessive. Si la thèse de la norme fondamentale s’avère indéfen-
dable en ce qu’elle procède d’une confusion entre deux concepts de
validité, cette même confusion n’est pas inéluctable.
Ainsi, la description d’un système de normes valides reste-t-elle
possible à l’aide d’un concept descriptif de validité au terme duquel
dire d’une norme qu’elle est valide, revient à dire qu’elle appartient
au système juridique. Et, si l’on cherche à décrire les normes valides,
c’est-à-dire les normes qui appartiennent au système, il devient dès
lors inutile de chercher à décrire la validité de la constitution elle-
même, sa force obligatoire : d’un point de vue descriptif, la constitu-
tion n’appartient à aucun système et la question de sa validité ne se
pose tout simplement pas.
On l’aura compris, le contrôle de constitutionnalité n’est logique-
ment inévitable que pour ceux qui, comme Nino, en viennent à poser
une exigence de validité absolue des normes juridiques, exigence que
ne contient pourtant aucun système juridique.
Enfin, il y a un argument sur lequel se fonde Victor Ferreres et que
l’on peut résumer d’une phrase : la présence d’un juge constitutionnel
« se justifie par la contribution que peut apporter le juge au maintien
d’une culture de délibération publique », en d’autres termes, « on dis-

256
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

cute de la constitutionnalité d’une loi parce qu’une juridiction existe


qui peut faire respecter cette constitution ».485
Bref, dans une culture publique constitutionnelle où l’on estime
que le législateur ne doit pas prendre ses décisions de manière arbi-
traire – ou parce qu’il trouve des voix pour approuver sa décision –,
la majorité parlementaire doit se fonder sur des raisons solides et ré-
pliquer aux contre-raisons de l’opposition.

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Parmi ces raisons et contre-raisons, beaucoup dérivent de la cons-
titution, mais ne sont prises au sérieux que s’il existe une juridiction
constitutionnelle susceptible d’en imposer le respect au législateur.
Ainsi, la présence d’une cour constitutionnelle agit-elle comme une
contrainte susceptible de peser sur l’argumentation politique et de
renforcer, par là même, la démocratie.
On peut cependant avancer au moins une objection, elle-même
politique : si on parle de constitutionnalité parce que la cour existe,
cela veut dire que la conformité de la loi à des normes constitution-
nelles est une affaire politique et non strictement juridique.
Le juge constitutionnel qui entre dans ce jeu y entre comme ac-
teur politique mais dont la légitimité ne procède pourtant pas d’un
mandat électif. Ce qui revient à dire qu’il n’est ni véritablement un
juge – il est amené à trancher un débat politique – ni véritablement
un législateur – il ne vote pas la loi. Il échappe ainsi à toute respon-
sabilité : nul ne peut espérer le sanctionner par les urnes, nul ne peut
tenter de mettre en cause sa participation à la fonction législative.
On ne saurait dissimuler plus longtemps ce que cette conception
du contrôle politique a d’incompatible avec l’acception de la démo-
cratie que défendent ceux-là mêmes qui tentent de justifier ce contrô-
le : le juge constitutionnel devient un acteur d’un processus que l’on

485
FERRERES COMELLA (V.), Justicia constitucional y democracia, Madrid, CEC,
1997, p. 139 et p. 180. Clairement prescriptive, la démonstration constitue sans
doute une des plus approfondies sur la question du contrôle de constitutionnalité
en démocratie.

257
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

s’évertue à qualifier de démocratique alors que l’une des parties pre-


nantes échappe à tout contrôle.486
Enfin, cette légitimité rationalisante ou « processuelle » que l’on
reconnaît à la cour constitutionnelle à travers la « participation à
l’enrichissement du débat démocratique », pourquoi ne pas la recon-
naître à toute autorité dont l’action est susceptible de peser sur ce
même débat ? Outre les juges de première instance, on pense aussi aux
autorités dites, aujourd’hui, de régulation ou celles, consultatives, qui

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sont amenées à rendre un avis.
Ne pourrait-on considérer que dès lors qu’il fait appel à des ar-
guments d’ordre éthique, le débat démocratique devrait être suscep-
tible de contrôle par un comité spécialisé ? Si un tel argument sem-
ble absurde, c’est – en partie du moins – que le problème est ailleurs,
dans cette idée à la fois fort évidente et fort complexe que la consti-
tution est la norme suprême et qu’un ordre juridique qui ne s’y
conformerait pas ne serait pas réellement juridique.
On en mesure la portée à l’aune du refus si fréquent et pourtant si
surprenant qu’essuient les propositions résolument démocratiques,
sinon républicaines, en faveur d’une liberté d’appréciation laissée
aux représentants eux-mêmes en matière de constitutionnalité des
lois.
L’objection immédiatement soulevée consiste en ce que ces der-
niers seraient alors libres de « tout faire ». C’est là penser qu’un désir
irrépressible de puissance voire de despotisme animerait ces mêmes
représentants et craindre ainsi davantage une assemblée d’élus
qu’une assemblée composée de personnes nommées ; croire, donc,
en une vérité juridique seule apte à dompter la volonté politique.
Nul ne peut plus alors douter que, contrairement à ce qu’elle pré-
tend affirmer, cette justification « démocratique » du contrôle de

486
Sur la spécificité de la participation du juge constitutionnel français dans le jeu
politique, voir MEUNIER (J.), « Les décisions du Conseil constitutionnel et le jeu
politique », Pouvoirs, n° 105, 2003, pp. 29-40 et, plus généralement, du même
auteur Le pouvoir du Conseil constitutionnel. Essai d’analyse stratégique, Paris,
P.U. Rouen-LGDJ-Bruylant, 1994.

258
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

constitutionnalité dissimule – aussi paradoxal que cela puisse para-


ître – une conception aristocratique de la démocratie.
La spécificité du juge constitutionnel ne réside donc pas dans
l’interprétation de la constitution à laquelle il est contraint mais
dans la justification dont ce contrôle fait l’objet et qui elle-même re-
pose sur la question préalable de savoir si la constitution est suprême
ou si elle doit l’être. Il n’y a en effet rien d’illogique ou d’absurde à
considérer que la suprématie de la constitution ne requiert pas pour

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autant le contrôle de constitutionnalité des lois.
Quiconque répond en revanche que la Constitution doit être su-
prême n’en a toutefois pas encore terminé car la question se double
inévitablement d’une autre : pourquoi faut-il nécessairement confier à
des juges le soin de contrôler la loi ? Ceux qui souhaitent répondre à
cette question sans donner aucun gage à une conception aristocratique
du pouvoir dans laquelle le contrôle de constitutionnalité reste
l’ultime moyen de tenir le peuple – même représenté – en dehors du
jeu politique ne sont pas au bout de leurs peines.
Le culte du droit procède donc, pour emprunter un langage litur-
gique, d’un œcuménisme apostolique qui se traduit par plusieurs
évangiles qui annoncent l’avènement d’un seul et même Messie :
l’État de droit constitutionnel.
Mais dans le domaine de la symbolique, la seule limite est
l’étendue de la réflexion humaine ; là aussi, le juriste apparaît comme
un prosélyte qui voue un culte à un dieu laïc qu’est la Constitution.
Cette idéologie qui est partagée par une bonne frange de l’humanité
présente néanmoins des particularités qui trahissent finalement le
caractère plutôt social et humain de la justice constitutionnelle.
Dès lors, se dessine de plus en plus l’hypothèse soutenue au dé-
part que la justice constitutionnelle ne saurait s’appliquer de la mê-
me manière chez tous les peuples du monde car en effet, la justice est
aussi affaire de culture c’est-à-dire de symboles, des rites et de parole.
Par ailleurs, le mimétisme constitutionnel de cinquante dernières
années indique l’insuffisance de l’implantation sociologique des
données juridiques importées. Comment dès lors censurer un acte
juridique ou un comportement qui n’est pas considéré comme fautif

259
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

par la conscience juridique commune d’un peuple auquel l’acte ou


l’attitude sont destinés ? Comment attribuer la force contraignante
et la fonder en droit, en ignorance totale de la valeur axiologique at-
tachée à toute norme juridique ? En d’autres termes, l’obligatoriété
de la norme découlerait-elle simplement, comme le professe le droit
positif, du seul pouvoir d’édiction de l’acte ? Ce qui nous amène à
une tentative d’élaboration d’un modèle qui serait propre à notre
pays.

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260
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

CHAPITRE IV :
QUEL MODÈLE POUR LA RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO ?

Nous savons, depuis le doyen Gicquel, que « le droit constitu-


tionnel participe de la culture de l’Occident », mais que sa générali-
sation ou plutôt son universalisme s’est opéré au détriment de sa

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
spécificité487 Une telle profession de foi ne peut que faire tiquer le
constitutionnaliste congolais qui se rappellera que déjà Aristote en
classant les Constitutions des cités grecques n’avait pas omis de les
ranger selon le tempérament de chaque peuple.
Du reste, l’on peut dire, avec le Professeur Ntumba Luaba Lumu,
qu’il a existé le constitutionnalisme précolonial dont la fonction était
double : légitimer le pouvoir au moyen de la sacralité de ce dernier et
éviter que le pouvoir ne devienne tyrannique.488 À pris pas sur ce
constitutionnalisme, celui de la colonisation qui n’avait comme but et
fonction que de légitimer ce phénomène d’asservissement du peuple.
À cette occasion, un droit et des institutions d’origine européenne
sont greffés sur le corpus normatif autochtone. La greffe n’a pas pris,
à voir comment de larges zones de non droit écrit subsistent et résis-
tent à l’avancée du droit moderne.489
Après une longue période de mimétisme institutionnel, l’Afrique
noire postcoloniale semble s’être rangée dans un déclic d’autochtonie
constitutionnelle.490 Là, à notre avis, il s’éclaire la question du choix
du modèle classique occidental ou d’un modèle postmoderne qui se-

487
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 33.
488
NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, Kinshasa,
EUA, 2005, p. 116.
489
Lire BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers à l’épreuve du temps, Louvain-la-
Neuve, Academia Bruylant, 2007, 338 p. L’auteur indique de façon magistrale
comment les pouvoir et droit coutumiers opposent une résistance aux pouvoir et
droit de l’État. N’est-ce pas la résistance des vaincus dont parle Ziegler contre un
État et son droit perçus comme les avatars d’une domination extérieure ? Ou,
tout simplement, s’agissant d’une greffe, la durée n’est-elle pas insuffisante pour
que celle-ci prenne sur le corps social congolais ? En tout cas, la réflexion peut
continuer sur ces rivages.
490
Lire ROBINSON, « Constitutional Autochthony in Ghana », Journal of
Commonwealth Political Studies, 1961, n° 4, cité par NTUMBA LUABA
LUMU (A.-D.), op. cit., p. 117.

261
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

rait reconnaissable par la population congolaise dans son ensemble


parce qu’issu de son schème de pensée traditionnelle sur la justice.
Mais avant d’élaborer un modèle théorique qui aurait la prétention de
rencontrer les aspirations populaires, il est utile de voir comment déjà
en Afrique noire certaines nations ont tenté de résoudre cette ques-
tion. Par un choix presque arbitraire, l’option a été levée en faveur de
l’étude de trois pays africains émergents du point de vue de la justice
constitutionnelle : le Sénégal, le Bénin et la République sud-africaine.

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Le choix de ces pays est naturellement fondé sur l’avancée de la
justice constitutionnelle qui s’y remarque et vide le problème théo-
rique mineur, à notre avis, du champ géographique ou linguistique
de l’étude. Faute de bibliothèques bien garnies, nous avons gardé un
profil modeste devant l’ambition certes légitime de parcourir plu-
sieurs pays africains de culture presque similaire.
L’on peut légitimement aussi remarquer d’emblée que le consti-
tuant sud-africain est à ranger dans le mouvement postmoderne
d’autochtonie constitutionnelle par le jeu des institutions tant de jus-
tice transitionnelle491 qu’il a instituées que par celles de la justice cons-
titutionnelle dont les spécificités constituent des pépites d’or pour le
constitutionnaliste qui veut s’en approprier.
En revanche, tant dans son modèle que même dans ses applica-
tions, le juge constitutionnel sénégalais ou béninois, malgré son
abondante productivité, est une copie servile du Conseil constitu-
tionnel français. Nous pouvons dire que la marque de la colonisa-
tion française par le biais de l’assimilation a laissé de profondes tra-
ces qu’il sera difficile d’effacer.
Au demeurant, faut-il tout effacer ? Ne s’agit-il pas en définitive
de faire accorder l’universel avec les spécificités de la justice en Afri-
que ? Il suffit de voir au sortir du palais de justice comment les plai-
deurs profanes sont désemparés tant par le langage du droit qui est
manifestement ésotérique mais aussi et surtout par l’étiquette judi-
ciaire qui se déroule comme une cérémonie d’initiés ou même « des

491
Nous pensons à la fameuse « Commission Vérité et Réconciliation » qui a fait ses
preuves dans ce pays africain.

262
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

sorciers des temps modernes », avec de longues robes noires492 avec


chausse garnie de peau de léopard ou même de fourrure dont la si-
gnification est tout autant mystérieuse, pour ressentir la nécessité
vitale de rendre la justice accessible.493
Même l’Occident éprouve ce besoin malgré des siècles d’éducation
qui ont reculé les frontières de l’analphabétisme à ses portions les plus
congrues.494 Existe-t-il un modèle africain de justice constitutionnelle
sur lequel nous pourrions être obligés d’ériger notre propre modèle

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théorique ?

Section 1 : VERS UN MODÈLE AFRICAIN ?


La réponse à cette question, pour capitale qu’elle pourrait être,
passe nécessairement par un essai de parcours même furtif des insti-
tutions de justice constitutionnelle des pays choisis. Ne fût-ce que
par sa proximité géostratégique et l’intérêt qu’elle présente du fait de
sa sortie récente des limbes de la dictature et de l’oppression de
l’apartheid, commençons par la République sud-africaine.

§ 1. La République sud-africaine
Malgré sa nouveauté dans le paysage institutionnel sud-africain, il
faut reconnaître que la Cour constitutionnelle de ce pays présente
un intérêt majeur du point de vue de l’élaboration d’un modèle
congolais. En effet, sortie de limbes de l’apartheid qui est une sorte
de négation de l’homme en tant qu’il est expression d’une différence

492
Lire avec intérêt l’excellent article de NEVEU (B.), « Costume des juristes »,
Dictionnaire de la culture juridique, Paris, PUF, Lamy, Quadrige, 2003, pp. 309-
313.
493
Lire FACULTE DE DROIT DE LA KATHOLIEKE UNIVERSITEIT
BRUSSEL, (sous la direction de), Le langage du droit accessible à tous ?, Actes du
colloque tenu le 17 novembre 1999 à la faculté de Droit de la Katholieke
Universiteit Brussel avec le concours de Recherches et Documentation
juridiques africaines Asbl, Bruxelles, Éditions RDJA, 2000, 138 p.
494
YOKO YAKEMBE (P.), L’UNESCO et le développement de l’éducation en
Afrique noire indépendante, thèse de doctorat de spécialité en droit public,
Université de Dijon, 1970.

263
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

de couleur, la République sud-africaine a suivi en cela les traces his-


toriques de tous les peuples qui ont connu les horreurs de l’histoire.
La Cour constitutionnelle est le fruit des négociations constitu-
tionnelles des années 1992-1993 qui ont abouti à sa consécration dans
la constitution intérimaire de 1993. La doctrine la plus en vue sur la
question indique que sa caractéristique principale est de n’être fon-
dée ni sur le modèle américain ni de s’apparenter pleinement au mo-
dèle européen.495

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
Pour de raisons plutôt politiques que techniques, la République
sud-africaine a opéré un choix vers ce modèle métissé car il s’agit
pour elle d’avoir un juge garant de la Constitution mais qui ne soit
pas un juge de l’époque de l’apartheid. Il se développait en effet la
crainte légitime de ne pas voir s’exercer pleinement la protection de
la Constitution et des droits fondamentaux tant les juges antérieurs
ne s’étaient guère distingués dans la protection des droits fondamen-
taux au point qu’il eut été illusoire de leur confier la tâche de gardien
de la Constitution. Si la Cour constitutionnelle a le dernier mot en
matière constitutionnelle, la possibilité est donnée aux autres juridic-
tions supérieures qu’elle coiffe de trancher des questions de droit
constitutionnel à l’occasion d’un litige.
Il faut noter, en passant que le système juridictionnel de la Répu-
blique sud-africaine est fondé sur l’unicité de juridictions. Au bas de
la pyramide, il y a les Magistrates Courts et les Regional Courts qui
statuent au premier degré, suivis des juridictions d’appel qui jouent
en même temps le rôle de juridictions de premier degré pour ce qui
est des juridictions supérieures appelées High Courts. Compte tenu
de la nature de l’affaire, elles peuvent être saisies au premier degré ou
en appel. Au sommet de la pyramide, trône la Cour suprême appelée
Supreme Court of Appeal qui est l’exact pendant de la Cour de cassa-
tion tant elle n’examine que des moyens de droit.

495
PHILIPPE (X.), « La Cour constitutionnelle sud-africaine. Présentation de la Cour
constitutionnelle sud-africaine », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 9, 18 p. in
http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc9/ccsa.htm consulté le
27 février 2008.

264
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Il y a là mélange du modèle centralisé et décentralisé à la fois. Les


juridictions supérieures saisies de la question de constitutionnalité
l’examinent tantôt comme une question préalable et la vident à leur
niveau tantôt comme une question préjudicielle et en renvoient
l’examen devant la Cour constitutionnelle. Toutes les juridictions
participent au contrôle de constitutionnalité même si le monopole
final est réservé à la Cour constitutionnelle.
Le contentieux constitutionnel sud-africain, affirme Xavier Phi-

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lippe, se situe à la croisée des chemins et des systèmes, reflet de
l’Afrique du Sud elle-même.496 Du point de vue de l’architecture ins-
titutionnelle, la Cour constitutionnelle est organiquement intégrée
au pouvoir juridictionnel. Elle figure au chapitre 8 consacré au sys-
tème judiciaire et elle est placée en tête de toutes les juridictions de la
République.497 En revanche, une compétence de cette Cour va au-
delà du pouvoir d’une juridiction soit-elle constitutionnelle. En ef-
fet, le juge constitutionnel sud-africain a la mission d’homologuer
des textes constitutionnels adoptés par le constituant. Cette mission
spéciale fait du juge sud-africain un cas type d’un choix de « chemin
de traverse mêlant classicisme et innovation ».498

496
Ibidem.
497
Voy article 166 de la Constitution définitive de 1996.
498
Après avoir passé six ans en Afrique du Sud, participé aux travaux et débats de
l’Assemblée constituante pour aboutir à la rédaction de la Constitution sud-
africaine, et suivi les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, ce
thème est devenu, depuis 1997, le thème de recherche privilégié du Professeur
Xavier Philippe. Il a donné lieu aux réalisations suivantes pendant la période de
référence : Xavier Philippe, « La justice transitionnelle : une nouvelle forme de
justice ? », L’Observateur des Nations Unies, septembre 2003 ; « Commission
Vérité et Réconciliation et droit constitutionnel », in Rhétoriques et Droits Vérité et
Réconciliation après l’Apartheid, in « Vérité, Réconciliation et Réparation », sous
la dir. de B. Cassin, O. Cayla et P-J Salazar, pp. 219-241, coll. Le Genre Humain,
Seuil, 2004 ; « Plurijuridisme constitutionnel et droits coutumiers en Afrique du
sud », Association Internationale de Méthodologie Juridique – 8e Congrès
mondial Aix-en-Provence - 4 au 6 septembre 2003, RRJ 2004 ; « Le droit, l’État de
droit et les cultures africaines dans la transition post-apartheid « Revue Projet
mars 2005 ; « Le rôle du constitutionnalisme dans la construction des nouveaux États
de droit Mélanges offerts à Loïc Philip, 2005 ; « La famille dans la guerre », Mélanges
offerts à F. Ringel, 2006 (à paraître) ; « The principles of universal jurisdiction and
complementarity : how do the two principles intermesh? », Revue Internationale de
la Croix Rouge, vol. 88, n° 862, 2006 ; « Justice Transitionnelle et Nations Unies »,
L’Observateur des Nations Unies, Octobre 2006s ; « Breaching the Principle of
Proportionality between the Gravity of the Crime and the Weight of the Sanction in
Transitional Justice Systems », San Remo Institut International de Droit
Humanitaire Table Ronde – 7 au 9 septembre 2006.

265
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

S’agissant de la composition, la Cour est composée d’un prési-


dent, d’un vice-président et de neuf autres juges soit onze membres
au total. Le quorum est de huit membres. Les juges sont nommés
pour un mandat non renouvelable de douze ans mais ils doivent se
retirer dès qu’ils ont atteint l’âge de soixante-dix ans.499 Le président
et son adjoint sont nommés par le président de la République après
consultation de la Commission du service judiciaire ainsi que des
chefs de partis politiques représentés à l’Assemblée nationale.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
Les autres juges sont nommés par le président de la République
après consultation du président de la Cour constitutionnelle et des
chefs des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Ce
système de nomination aboutit concrètement à ceci que la Commis-
sion du service judiciaire propose et le président de la République
dispose au sein de la seule liste établie par cette dernière. L’on peut
noter que les juges doivent être de nationalité sud-africaine, être ju-
ges au moment de la nomination et tenir compte de la représenta-
tion par race et par sexe.
Enfin, ils doivent être fit and proper c’est-à-dire capables et dignes,
ce qui voudrait dire posséder les qualifications techniques et profes-
sionnelles requises pour le boulot. En cas de vacance, sans consulta-
tion de la Commission du service judiciaire requise, le président de
la République nomme un juge suppléant sur recommandation
conjointe du Ministre de la justice, du président de la Cour constitu-
tionnelle et du président de la Cour suprême.
S’agissant, en revanche, de la compétence de la Cour constitution-
nelle sud-africaine, il importe de noter que l’article 167 de la Constitu-
tion définitive de 1996 confie à cette haute instance la compétence en
matière constitutionnelle mais uniquement en matière constitution-
nelle. Elle tranche les questions de constitutionnalité ou statue sur les
décisions relatives à ces questions rendues par les autres juridictions.
Cette innovation institutionnelle a engendré ce que le professeur Xa-
vier Philippe appelle le contrôle concentré diffus.
La constitution reconnaît en effet à toutes les juridictions le pou-
voir de statuer sur une question de constitutionnalité mais en même

499
Voy article 167 de la Constitution de 1996.

266
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

temps la Cour doit être saisie automatiquement pour confirmer la


décision juridictionnelle ainsi rendue. À notre sens, il s’exerce là un
double contrôle : sur la constitutionnalité mais également sur la va-
lidité du jugement rendu par le juge inférieur. De ce point de vue, la
Cour constitutionnelle joue le rôle de juge d’appel en ce qui est des
décisions rendues par les autres juridictions en matière constitution-
nelle.
Aucune décision d’inconstitutionnalité ne peut échapper au

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
contrôle final de la Cour constitutionnelle. Il s’agit là, à n’en point
douter, d’un trait important de son originalité qui s’accouple cepen-
dant avec d’autres caractéristiques que nous verrons plus loin.
En outre, il sied de noter que la Cour constitutionnelle sud-
africaine est dotée, sur pied des dispositions de l’article 167(4) de la
Constitution de 1996, des attributions généralement confiées à un
tribunal constitutionnel dans une fédération. À ce titre, elle est
compétente pour régler les questions de compétence entre pouvoir
central et provincial.
De même, l’on observe que la Cour constitutionnelle peut être
également saisie dans le cadre d’une saisine parlementaire nationale
ou provinciale ; au niveau national, l’Assemblée nationale dispose en
effet de la possibilité juridique de saisir la Cour dans les 30 jours de
la promulgation de la loi par le président de la République et ce,
moyennant la signature de la requête par un tiers des membres de
l’Assemblée nationale. Il en va de même au niveau provincial sauf à
préciser que le nombre des signatures exigées s’élève plutôt à un cin-
quième des membres de l’assemblée provinciale.
De l’avis de la doctrine, le point le plus original de la technique de
contrôle de constitutionnalité en République sud-africaine est sans
nul doute le contrôle de constitutionnalité des révisions constitu-
tionnelles.500
Il suffit de se rappeler les débats nombreux et intenses sur la su-
praconstitutionnalité pour se rendre à l’évidence que ce contrôle est
tout de même original. Par définition, en effet, le pouvoir consti-

500
PHILIPPE (X.), op. cit., p. 5.

267
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tuant fut-il dérivé est souverain et à ce titre non susceptible de


contrôle ; dès lors il est curieux de voir l’enserrer dans les lumières
d’une Cour constitutionnelle.
Cependant, l’explication que tente Xavier Philippe peut apaiser
les esprits car, selon lui, ce contrôle est d’abord limité à certaines
dispositions de la Constitution tout comme il s’exerce ensuite sur les
dispositions relatives au pouvoir de révision. Les dispositions de
fond ne semblent guère être concernées par ce contrôle. 501

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La thèse ainsi soutenue nous parait quelque peu confuse car le fait
de vérifier la régularité d’une révision constitutionnelle à l’aune des
principes constitutionnels antérieurement adoptés ne s’analyse pas
en un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité, la Cour étant
ici prise comme un des mécanismes de la révision constitutionnelle
elle-même. En effet, la Cour avait été invitée à certifier que le texte
définitif de la Constitution était conforme aux principes constitu-
tionnels. L’invitation provenant du « contrôlé », elle ne saurait, à
notre sens, s’analyser en un contrôle juridictionnel.502
Il importe toutefois de noter que le juge constitutionnel sud-
africain possède un pouvoir d’autosaisine en cas d’incompétence né-
gative du Parlement ou du président de la République.
Elle dispose de même de la compétence d’homologuer les consti-
tuions provinciales et leurs révisions. Il importe de souligner cepen-
dant que la plupart de ces compétences sont exercées par la Cour
avec d’autres organes, dans le cadre d’un appel ou d’un recours di-
rect.
S’agissant de ces compétences partagées, Xavier Philippe opine
que la Cour constitutionnelle apparaît davantage comme une Cour

501
Idem, p. 6.
502
Il s’agit d’une liste de 34 principes, nous dit Xavier PHILIPPE, adoptés par les
partis politiques ayant participé aux négociations constitutionnelles originaires.
Avant même que la Constitution intérimaire ne soit adoptée, les partis s’étaient
mis d’accord sur une liste des principes qu’ils s’étaient engagés à respecter lors de
l’écriture de la Constitution de 1993 mais également lors de l’élaboration de la
Constitution définitive. Afin que cela ne reste un vœu pieux, la Constitution
intérimaire avait confié à la Cour constitutionnelle le rôle de vérifier le respect
de ces principes fondamentaux (article 74 de la constitution intérimaire de 1993).

268
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

d’appel intégrée au système juridictionnel spécialisé dans le conten-


tieux constitutionnel.503 Il faut d’emblée affirmer que le contrôle de
constitutionnalité dans le système sud-africain est un contrôle diffus
concentré ou plus exactement à double détente. Notons cependant
que les juridictions de première instance ordinaires n’exercent ce
contrôle qu’à l’égard des actes administratifs essentiellement indivi-
duels, vis-à-vis des dispositions de la common law et du droit coutu-
mier. Le droit sud-africain reconnaît le droit coutumier à la condi-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
tion qu’il se conforme au chapitre 2 de la Constitution relatif à la
protection des droits fondamentaux.
Les juridictions supérieures, par contre, ont l’obligation, aux
termes de l’article 172 de la Constitution, de censurer tout grief
d’inconstitutionnalité. Si le grief est rejeté, la décision ainsi rendue
étant exécutoire, le juge procède à l’examen du fond.
En revanche, si le grief est admis et l’acte querellé enchaîné dans les
liens de l’inconstitutionnalité, la décision sera suspendue jusqu’à la
confirmation par la Cour constitutionnelle. La Haute Cour joue ici et
ainsi le rôle d’un juge d’appel objectif des questions constitutionnelles.
Deux situations sont possibles : ou la décision du premier degré
est contestée par les parties par la voie d’appel, auquel cas la Cour
constitutionnelle statue sur l’incident avec le tour particulier des
spécificités de la cause en examen, ou la juridiction de première ins-
tance proprio motu saisit la Cour constitutionnelle aux fins de faire
confirmer sa décision, auquel cas cette dernière statue comme juge
constitutionnel sans égard ni aux arguments des parties ni aux parti-
cularités du litige.
Par la voie d’appel en effet les parties disposent ainsi de la possibi-
lité de discuter indéfiniment ou à tout le moins avec bonheur les
questions d’interprétation des textes constitutionnelles ou de leur
application sans qu’aucun filtrage ne soit exercé à ce niveau. Il
convient de conclure avec Xavier Philippe que « cette compétence
partagée constitue un principe auquel la Cour constitutionnelle est
très attachée car elle estime que la protection de la Constitution et sa
suprématie dépendent de l’ensemble de l’ordre juridictionnel et non

503
PHILIPPE (X.), op. cit., p. 6.

269
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

pas d’elle seule. Le contrôle de constitutionnalité n’est pas envisagé


en Afrique du Sud séparément des autres questions ».504
Une autre spécificité du modèle sud-africain réside à coup sûr
dans la technique de recours direct devant la Cour constitutionnelle
depuis n’importe quelle juridiction de quel que niveau qu’elle soit.
Un filtrage de l’intérêt de la justice est fait préalablement par la
Cour constitutionnelle seule. Une forte similitude avec le pourvoi
dans l’intérêt de la loi du droit congolais peut être notée à ce niveau

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sauf à voir que l’initiative en est laissée aux particuliers pour ce qui
est du recours direct.
Il suffit alors que non seulement la requête recueille quelques
chances de réussite mais aussi que la résolution du cas soit nécessaire
dans l’intérêt de la justice. Entre en ligne de compte souvent la fré-
quence avec laquelle la question posée pourrait se reproduire devant
les autres juridictions.
En dehors de l’appel direct devant la Cour constitutionnelle, il
existe le recours direct en inconstitutionnalité qui est inspiré vrai-
semblablement de celui qui existe en Allemagne et que nous avons
vu plus loin. Toutefois, bien que prévu à l’article 167 (6) (a) de la
constitution, ce recours est enchâssé dans un trio des règles prévues à
l’article 17 du règlement intérieur de la Cour. Le recours doit ainsi
indiquer en quoi il favorise l’intérêt de la justice, les effets recherchés
et apporter des preuves ou offrir de les apporter relativement à
l’objet de la requête.
La Cour, comme dans le cas d’appel direct, garde une large marge
d’appréciation de la réalisation de ces trois conditions. Sans critiquer
le droit anglo-saxon dans son ensemble, l’on peut légitimement se
poser la question de savoir s’il est cohérent dans un système de droit
que le juge soit appelé à appliquer des normes par ailleurs établies
par lui-même.505

504
PHILIPPE (X.), op. cit., p. 7.
505
Dans le système de droit de la Cour pénale internationale, l’on peut noter la
présence dans l’arsenal juridique du règlement de la Cour et du règlement du
greffe qui contiennent tous les deux des dispositions relatives à la procédure
devant cette juridiction internationale. Ces deux instruments internationaux
sont ici aussi l’œuvre des juges même s’ils ont été adoptés par l’assemblée des
États parties.

270
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Quant à la forme, il est utile de remarquer que les recours sont


adressés à la Cour constitutionnelle par le biais d’« huissier auprès des
Hautes Cours » ; ce qui est l’équivalent d’un avoué à la Cour dans le
système romano-germanique. Mais des dérogations sont possibles à la
seule discrétion de la Cour. Les parties sont représentées par des
« avocats auprès des Hautes Cours ».506 Ils doivent néanmoins avoir
un mandat accepté par la Cour.
Il convient de remarquer que les requêtes sont déposées par les

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parties sous la forme d’une motion c’est-à-dire recours introductif
d’instance soutenue par un affidavit c’est-à-dire une déclaration écri-
te faite sous serment. Les parties échangent les mémoires dans un
délai de quinze jours maximum. Le président en cas d’urgence peut
déroger à ces délais en les abrégeant. Outre le caractère écrit des ar-
guments des uns et des autres, l’audition des parties demeure un
principe appliqué par la Cour. Aux yeux des juges et des parties, il
reste que l’attachement à l’oralité des débats est une valeur de la tra-
dition juridique sud-africaine. Comme mélange avec le système an-
glo-saxon, le système sud-africain reconnaît l’intervention des amicus
curiae c’est-à-dire des personnes intéressées par le procès et qui, avec
l’accord des parties et celui du président de la Cour, souhaitent in-
tervenir dans le litige. Il est entendu que cet accord détermine les
droits et obligations des amicus curiae.
Outre l’indication de leur intérêt à agir, les amicus curiae doivent
de même décrire la position soutenue et dire en quoi elle serait utile
à la Cour, endéans dix jours et dans le strict respect de l’accord des
parties et l’approbation du président de la Cour. Ce dernier peut res-
treindre les droits découlant de l’accord ainsi donné.
Quant au jugement, la forme empruntée est celle d’un jugement
dans le système anglo-saxon permettant des opinions séparées et dis-
sidentes. Par ailleurs, la transparence qu’impose un tel système est de
nature à permettre le suivi des tendances jurisprudentielles de la
Cour sud-africaine. Le président n’a pas de voix prépondérante.
C’est un des traits saillants du modèle sud-africain.

506
En RSA, les avocats près les Hautes Cours sont des Advocates.

271
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’autre caractéristique fondamentale de ce modèle est que le juge


sud-africain peut soit invalider purement et simplement une disposi-
tion inconstitutionnelle, soit demander au Parlement de modifier les
dispositions législatives de façon à les rendre conformes à la Consti-
tution, soit, et c’est cela la meilleure, suppléer la carence législative
en ajoutant elle-même certaines dispositions de manière à rendre
compatible la disposition censurée avec la Constitution. 507
L’on ne peut clore ce sujet sans dire un mot sur le caractère tota-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
lement protecteur des droits fondamentaux vis-à-vis des autorités
publiques dont tous les actes sont désormais soumis à la censure du
juge constitutionnel. Avec Xavier Philippe, nous devrions reconnaî-
tre qu’en peu de temps elle a fait ses preuves en prenant des décisions
parfois à contre-courant de l’opinion majoritaire et en censurant les
actes présidentiels même ceux qui sont habituellement parés de
l’immunité juridictionnelle comme les grâces présidentielles. 508
Si tel est l’excellent état des lieux que la doctrine spécialisée établit
sur la Cour constitutionnelle en République sud-africaine, voyons à
présent ce qu’il en est du Sénégal qui passe pour un modèle démo-
cratique sur le continent malgré quelques ratés du reste peu négli-
geables au regard d’énormes catastrophes que connaît l’Afrique cen-
trale.

§ 2. Le Sénégal
Pays souvent cité comme modèle de réussite de décolonisation à
la française, le Sénégal présente en revanche un taux fort élevé de
mimétisme institutionnel surtout dans le domaine de la justice cons-
titutionnelle.

507
La décision National Coalition for Gay and Lesbian Equality v. Minister of Home
Affairs du 2 décembre 1999 dans laquelle la Cour a ajouté les termes « ou de
partenaires du même sexe » après les mots « époux » de façon à supprimer la
discrimination pour l’entrée et le séjour de personnes vivant avec un résident
permanent sud-africain. Voir traduction et commentaire de cette décision, http :
www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html.
508
Voir http s : www.law.wits.ac.za/judgements/1999/natcoal.html.

272
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Il faut d’emblée dire que le Sénégal est demeuré longtemps dans le


modèle d’une cour suprême avant d’adopter le modèle qu’il vient de
rejeter avec sa dernière révision constitutionnelle. Sans aller dans les
détails, l’on peut donc dire que l’exemple sénégalais est symptomati-
que d’une tendance effrénée au mimétisme français même si dans l’un
et l’autre cas les paramètres semblent ne pas être identiques. Toute-
fois, le Sénégal reste, en dépit de quelques dérapages singuliers, un
modèle de démocratie en Afrique noire ; à ce titre, l’étude de son type

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
de justice constitutionnelle présente un vif intérêt suscité du reste par
à la fois une proximité géographique et une parenté génétique certai-
ne, pour paraphraser Cheikh Anta Diop.509
Le Conseil constitutionnel sénégalais est donc une institution pu-
blique et la plus haute instance du système judiciaire de ce pays. Il
présente par le phénomène bien connu du mimétisme institutionnel
du fait de la colonisation des similitudes avec le Conseil constitu-
tionnel français que nous avons étudié plus loin.
Le Conseil constitutionnel sénégalais a vu le jour en 1992 lorsque
la Cour suprême a été supprimée et remplacée par trois organes spé-
cialisés.510
Il est composé de cinq membres qui sont nommés par décret pré-
sidentiel pour six ans non renouvelables, dont un président et un
vice-président. Il est partiellement renouvelé tous les deux ans, à rai-
son de deux membres au maximum. Les membres de cet organe sont
choisis parmi les anciens Premiers présidents de la Cour suprême, le
président et les anciens présidents du Conseil d’État, le Premier pré-
sident et les anciens Premier présidents de la Cour de cassation et le
Procureur général et les anciens Procureurs généraux près la Cour de
cassation, les anciens Procureurs généraux près la Cour suprême,
jusqu’au présidents de section, de chambre, les avocats généraux, an-
ciens et actuels, du Conseil d’État, de la Cour de cassation, les Pre-

509
Lire avec fruit, CHEIKH ANTA DIOP, Nations nègres et culture. De l’antiquité
nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, tome II,
Paris, Présence Africaine, 1979.
510
Voir la Loi n° 92-23 du 30 mai 1992, modifiée par la loi organique n° 99-71 du
17 février 1999 citée in http : www.gouv.sn/institutions/conseil_const.html
consultée le 27 février 2008.

273
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

miers présidents et les Procureurs généraux, anciens et actuels, des


Cours d’Appel.
Deux membres du Conseil constitutionnel peuvent être choisis
par les professeurs ou anciens professeurs titulaires des Facultés de
Droit, les inspecteurs généraux d’État et anciens inspecteurs géné-
raux d’État, les Avocats, à condition qu’ils aient au moins vingt-cinq
ans d’ancienneté dans la fonction publique ou vingt-cinq ans
d’exercice de leur profession.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
À ce niveau, nous ne pouvons que remarquer une prédilection
toute faite en faveur des magistrats, anciens et nouveaux, au détri-
ment des autres catégories des juristes comme les professeurs ou les
hauts fonctionnaires de l’État.
Au demeurant, la condition de l’ancienneté posée entraîne à coup
sûr une gérontocratie dans les rangs des juges de la constitutionnalité.
Nous en verrons la conséquence à l’occasion de l’examen de la juris-
prudence de cet organe.
Disons déjà ici que le Conseil constitutionnel ne peut délibérer
valablement qu’en présence de tous ses membres, sauf empêchement
temporaire d’un d’entre eux au plus, dûment constaté par les autres
membres. Si le membre empêché est le président, le Vice-président
assure son intérim. En cas de partage de voix, celle du président est
prépondérante. 511
Pour être complet, il importe de signaler que les contestations en
matière électorale sont dispensées du ministère d’avocat et le Conseil
constitutionnel statue sans frais.
S’agissant de ses compétences, le Conseil constitutionnel statue sur
la constitutionnalité des règlements intérieurs des assemblées, sur celle
des lois, sur le caractère réglementaire des dispositions de forme légi-
slative, sur la constitutionnalité des lois organiques, sur la recevabilité
des propositions de loi et amendements d’origine parlementaire, sur la
constitutionnalité des engagements internationaux, sur les exceptions

511
Il est donc possible que le vote se fasse par un siège en nombre pair en cas
d’empêchement temporaire dûment constaté de l’un des membres ou que le
Conseil ne fonctionne plus dès lors que plus d’un membre sont empêchés.

274
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

d’inconstitutionnalité soulevées devant le Conseil d’État ou la Cour


de cassation et plus généralement sur tous les conflits de compétence
entre le Conseil d’État et la Cour de cassation et entre le pouvoir exé-
cutif et le pouvoir législatif.
De par l’ampleur des attributions confiées à cet organe, l’on doit
dire qu’il se distingue du juge français par la compétence qu’il dé-
tient sur l’exception de constitutionnalité et par celle de trancher les
conflits d’attributions entre le Conseil d’État et la Cour de cassation.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
Par ce biais, cet organe acquiert non seulement un caractère juri-
dictionnel incontestable mais également une position juridictionnel-
le dans la hiérarchie judiciaire de ce pays. 512
En effet, le juge français, on l’a vu, est dépourvu de telles compé-
tences même si son modèle reste valable pour le gros de compétences
dévolues au juge sénégalais. L’action directe en inconstitutionnalité
reste fermée aux particuliers comme dans le modèle d’origine qui
conçoit le juge constitutionnel comme un organe politique513 chargé
se surveiller la bonne exécution des lois. Il y a là une survivance très
dure de l’esprit de la Constitution du 4 octobre 1958.514
En outre, le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la
présidence de la République, arrête la liste des candidats, statue sur
les contestations relatives aux élections du président de la Républi-
que et des Députés à l’Assemblée nationale et en proclame les résul-
tats. Il reçoit le serment du président de la République et constate sa
démission, son empêchement, ou son décès ainsi que la démission,
l’empêchement ou le décès des personnes appelées à le suppléer dans
ces cas.

512
Lire à ce sujet, CAMARA (O.), « La Cour suprême du Sénégal », in CONAC (G.)
(sous la direction de), Les cours suprêmes en Afrique, Paris, Economica, 1988,
p. 307.
513
Voy MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit
constitutionnel, op. cit., p. 238.
514
Lire MOUHAMADOU MOUNIROU SY, La protection constitutionnelle des
droits fondamentaux en Afrique, L’exemple du Sénégal, Paris, L’Harmattan, 2007,
564 p.

275
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Par ailleurs, il exerce les compétences qui lui sont dévolues par les
dispositions des articles 46 et 47 de la Constitution sénégalaise lors-
que le président de la République décide de soumettre un projet de
loi au référendum ou prononce la dissolution de l’Assemblée natio-
nale.
Ajoutons que lors des élections législatives nationales, le Conseil
reçoit les résultats provisoires proclamés par les Cours d’appel et sta-
tue sur les éventuels recours et réclamations et proclame les résultats

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
définitifs. Il va sans dire qu’en agissant ainsi, il exerce à la fois le rôle
d’une juridiction constitutionnelle et d’un organe constitutionnel de
mise en place des institutions.
S’agissant de la procédure, il sied d’indiquer qu’elle n’est pas
contradictoire. Hormis le serment du chef de l’État et celui des
membres du Conseil eux-mêmes qui se déroulent en audience publi-
que, les audiences du Conseil ne sont pas publiques. Les intéressés ne
peuvent demander à y être entendus.515
Du point de vue strictement procédural, le président désigne un
rapporteur lors qu’une affaire est portée au rôle du Conseil constitu-
tionnel. Le Conseil prescrit toutes mesures d’instruction qui lui pa-
raissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures doivent être
exécutées. Une fois désigné, le rapporteur établit les documents sui-
vants : a) une note qui résume les faits ayant donné lieu à l’affaire, ex-
pose la procédure suivie et examine les questions suivantes : la compé-
tence, la forclusion, le désistement, l’irrecevabilité ainsi que le fond de
l’affaire. La note, dans l’ordre choisi par le rapporteur, propose la so-
lution à ces questions, s’il échet, et examine la solution à donner au
fond ou plusieurs solutions si un doute persiste sur l’issue de l’affaire ;
b) un projet de décision ou, le cas échéant, plusieurs projets de déci-

515
Là aussi un fort mimétisme avec le Conseil constitutionnel français est à
remarquer. Se justifierait-il au demeurant par les mêmes raisons que le
constituant français, par ses dix-huit sources, évoque, soit sa méfiance vis-à-vis du
pouvoir judiciaire qu’il a appelé simplement autorité judiciaire chargée donc
d’appliquer la loi, seule expression légitime de la souveraineté nationale ? Telle
théorie possède-t-elle les mêmes béquilles en droit sénégalais ? Rien n’est moins
sûr.

276
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

sions, et un projet de sommaire ; c) des visas rédigés selon le modèle


type adopté par le Conseil.
Le dossier ainsi ficelé est transmis au président du Conseil qui le
porte au rôle d’une séance. Le conseil entend le rapport de son rap-
porteur et statue par une décision motivée. La décision est signée du
président, du Vice-président, des autres membres et du greffier en
chef du Conseil constitutionnel. Elle est notifiée, aux soins du gref-
fier en chef, au président de la République, au Premier ministre, au

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président de l’Assemblée nationale et aux auteurs du recours.
Toutefois, il faut ajouter que le recours tendant à faire constater
la non-conformité à la Constitution d’une loi ou d’un engagement
international est présenté sous forme de requête adressée au prési-
dent du Conseil constitutionnel.
La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être signée par le président
de la République ou par chacun des députés. Elle est accompagnée de
deux copies du texte de la loi attaquée. Elle est déposée au greffe
contre récépissé. Lorsqu’elle émane du président de la République,
notification en est faite au président de l’Assemblée nationale.516
Lors de l’examen des moyens, le Conseil soulève d’office des
moyens tenant à la violation de la Constitution qui n’auraient pas
été présentés dans la contestation de la loi ou de l’engagement inter-
national. 517

516
Ces détails purement techniques indiquent à notre sens que le constituant
sénégalais, a, par le texte organique du Conseil constitutionnel, voulu et pu
limiter les manœuvres politiciennes en obligeant ainsi les autorités politiques à
signer leur requête c’est-à-dire à politiquement assumer la responsabilité de la
crise ainsi ouverte. En effet, s’agissant du chef de l’État, par exemple, une requête
signée par lui contre une loi signifie qu’il est en contradiction majeure avec la
majorité parlementaire qui l’a votée. Le Chef de l’État sera enclin selon les
augures du moment à plus de circonspection surtout lorsqu’il n’est pas sûr de
renverser la majorité ainsi solidement établie. Par contre, s’il contredit sa propre
majorité par voie de requête, cela veut tout au moins signifier qu’il a perdu les
rênes de celle-ci.
517
Pour tous les détails sur la justice constitutionnelle sénégalaise, lire avec profit
Ibrahima ANNE, « Justice. Une réforme, pour quoi faire ? », Wal Fadjiri, 6 août
2007.

277
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Le Conseil se prononce dans le délai d’un mois à dater du dépôt


de recours ; toutefois, aucune sanction n’est attachée au prononcé
qui se ferait hors ce délai.
La publication de la décision du Conseil constitutionnel consta-
tant qu’une disposition n’est pas contraire à la Constitution met fin
à la suspension du délai de promulgation de la loi et permet la ratifi-
cation ou l’approbation de l’engagement international, le cas échéant
après autorisation de l’Assemblée nationale.

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Dans les cas où le Conseil déclare que la loi dont il est saisi
contient une disposition contraire à la Constitution inséparable de
l’ensemble du texte de la loi, celle-ci ne peut être promulguée.
En revanche, dans les cas où le Conseil déclare que la loi dont il
est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans
constater en même temps qu’elle soit inséparable de l’ensemble de
cette loi, celle-ci peut être promulguée à l’exception de cette disposi-
tion, à moins qu’une nouvelle lecture n’en soit demandée.
Par ailleurs, en matière d’appréciation du caractère réglementaire
des dispositions de forme législative, le Conseil se prononce dans un
délai d’un mois qui peut être réduit à huit jours francs quand le gou-
vernement déclare l’urgence.
Lorsque la solution d’un litige porté devant le Conseil d’État ou la
Cour de cassation est subordonnée à l’appréciation de la conformité
des dispositions d’une loi ou des stipulations d’un accord internatio-
nal à la Constitution, la haute juridiction saisit obligatoirement le
Conseil constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalité ainsi
soulevée et sursoit à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel
se soit prononcé. Le Conseil rend sa décision dans le délai de vingt
jours. Si le Conseil estime que la disposition dont il a été saisi n’est pas
conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application.
Voyons à présent ce qu’il en est de l’état de la jurisprudence de ce
Conseil constitutionnel eu égard à la protection des droits fonda-
mentaux, ce qui est l’essentiel du contenu de la justice constitution-
nelle.
Il sied d’emblée d’affirmer que la justice constitutionnelle est le
thermomètre le plus fiable pour mesurer l’état de l’État de droit
dans un pays. Si, au Sénégal, tant de décisions de conformité ou de
non-conformité sont rendues contre les lois, il n’existe guère une

278
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

jurisprudence susceptible de retracer une bonne protection des


droits fondamentaux. L’on peut nuancer en précisant que s’agissant
des droits politiques, la minorité politique est assez souvent protégée
sous les lambris du Conseil constitutionnel.
Bien que le Sénégal ait été souvent cité parmi les élèves modèles
de la démocratie en Afrique, il n’est pas excessif d’y voir de temps à
autre des soubresauts d’une dictature larvée d’origine partisane sur
un fond culturel quelquefois ethnique.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
Par ailleurs, le fonctionnement d’une justice constitutionnelle
dans le modèle français de type préventif n’est pas de nature à favori-
ser un véritable contrôle de constitutionnalité qui fonde une sérieuse
protection des droits fondamentaux. 518
En effet, cette protection postule la possibilité pour tout citoyen
de s’en référer au juge sans le filtre souvent encombrant des autorités
publiques seules habilitées à ce jour à saisir le juge constitutionnel. 519
Ces dernières n’ayant guère un intérêt direct à le faire agissent au
gré des conjonctures politiques très mouvantes. Aussi, les droits in-
dividuels restent-ils du domaine de l’aléa politique même s’il n’est
pas exclu que la Cour de cassation ou le Conseil d’État tant par voie
principale que par voie d’un incident de constitutionnalité porté de-
vant eux finissent par être des protecteurs attitrés de la légalité cons-
titutionnelle lorsqu’il s’agit des individus.520
Le Conseil constitutionnel du Sénégal, dans sa décision du 18 juin
2009 sur la loi constitutionnelle instituant un poste de Vice-

518
Lire avec intérêt MOUHAMADOU MOUNIROU SY, La protection
constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, L’exemple du Sénégal, Paris,
L’Harmattan, 2007.
519
Idem, pp. 17-21.
520
S’en reporter aux développements précédents idoines relatifs à la justice
constitutionnelle allemande entre autres et leurs conséquences sur les droits
fondamentaux des citoyens et même des étrangers vivant en Allemagne. Ce
modèle très protecteur semble n’avoir pas attiré l’attention du constituant
sénégalais enclin en revanche à imiter le modèle jacobin du Conseil
constitutionnel plutôt protecteur de l’autorité que de la liberté. Ce couple
conceptuel « liberté-autorité » a donné lieu à une littérature juridique et politique
abondante qu’il ne sied guère de développer ici.

279
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

président de la République – organe constitutionnel auxiliaire, a


confirmé une jurisprudence controversée : il n’a pas compétence
pour contrôler une loi constitutionnelle.
Une telle déclaration d’incompétence est-elle fondée en droit ?
S’il avait choisi, à l’instar des Cours constitutionnelles du Mali (sa
décision de censure de 2001) et du Bénin (sa décision de censure de
2006) ou encore du Conseil constitutionnel du Tchad (sa décision de
validation de 2004), de statuer, aurait-il dû pour autant censurer la

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loi constitutionnelle attaquée ?
Deux thèses contradictoires s’affrontent : la question, fort discu-
tée, de la contrôlabilité, de la souveraineté « sans réserve » ou « sous
réserve »,521 du pouvoir de réviser la Constitution établie.
La première, opposée à ce contrôle « hors normes », met en exer-
gue l’absence de texte organisant l’intervention du juge constitu-
tionnel dans le processus de révision, à titre contentieux522 ou même
consultatif523. Que le juge décline sa compétence paraît inéluctable,
pour deux séries de raisons.
D’abord, de solides arguments théoriques sont opposés au princi-
pe même du contrôle : selon le doyen Georges Vedel, « Le pouvoir
constituant dérivé n’est pas un pouvoir d’une autre nature que le pou-
voir constituant initial : la Constitution lui donne sa procédure…, elle
ne borne point son étendue »524 ; et, limiter le pouvoir de révision re-

521
Pour reprendre le distinguo retenu par JAN, (P.) La saisine du Conseil
constitutionnel, Paris, LGDJ, 1999, p. 343, au vu de la décision 92-312 DC,
2 septembre 1992, Rec. P. 76, du Conseil constitutionnel français.
522
Au Burkina Faso (Constitution de 1991 révisée, art. 154 ; loi organique n° 011-
2000/AN du 27 avril 2000, art. 34 à 36), le Conseil Constitutionnel veille au
respect de la procédure de révision : s’il estime fondée une contestation, le
Conseil a le pouvoir d’arrêter la procédure ou d’annuler la loi de révision.
523
Au Gabon (Constitution de 1991 révisée, art. 116 ; loi organique n° 9/91 du
26 septembre 1991, art. 57 et 58), la Cour constitutionnelle émet un avis simple,
sans grand intérêt pratique, sur tout projet ou proposition de révision, quant à la
régularité de la procédure et à sa compatibilité avec la Constitution dans son
ensemble. Au Congo Brazzaville (Constitution de 2002, art. 186), la Cour
Constitutionnelle émet un « avis de conformité », avant l’approbation
référendaire d’un projet ou d’une proposition ; cet avis lie le pouvoir de révision.
524
VEDEL (G.), « Schengen et Maastricht », RFDA, 1992, p. 179.

280
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

viendrait à accepter un contrôle de supraconstitutionnalité, un gou-


vernement des juges, qui rognerait ou nierait le principe suivant le-
quel « un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer
sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les généra-
tions futures »525.
En second lieu, le droit africain francophone étant communé-
ment ravalé au rang d’un droit aveuglément importé de l’ex-
métropole, on voit mal comment une cour africaine pourrait se dé-

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marquer de la solution française de l’immunité juridictionnelle des
lois de révision526.
D’aucuns souligneront la sagacité du Conseil constitutionnel du
Sénégal qui s’est interdit de contrôler le pouvoir parlementaire de ré-
vision dès sa décision du 9 octobre 1998527 précédant ainsi de manière
fulgurante de quelques années la déclaration d’incompétence de son
homologue de France528.
Les tenants de la seconde thèse prétendent que le contrôle préto-
rien de la révision est assurément raisonnable, souhaitable et prati-
cable dans un État de droit démocratique. Raisonnable, parce que la
Constitution borne le pouvoir de révision : « Réviser la Constitution
est le travail d’un pouvoir institué qui a reçu cette compétence du pou-
voir constituant originaire. Le premier est donc subordonné au second ;
son exercice n’est pas libre mais conditionné par les différentes règles de

525
France, Constitution de 1793, art. 28.
526
France, Conseil Constitutionnel, décision 2003-469 DC, 26 mars 2003, Rec.
p. 293. Voir les commentaires parus à la RDP, n° 3-2003, et à la RFDC, 2004,
n° 59.
527
Dans sa décision du 9 octobre 1998 sur l’affaire n° 9/C/98, le Conseil
Constitutionnel se déclare incompétent pour statuer sur une loi de révision
touchant à la rééligibilité à la Présidence de la République et à la réglementation de
la compétition présidentielle. Il confirme cette jurisprudence, dans sa décision du
18 janvier 2006 sur l’affaire n° 3/C/2005, concernant une loi constitutionnelle
prorogeant le mandat des députés élus.
528
Sur ce genre d’anticipation jurisprudentielle, voir FALL (A.B.), « Le droit
africain a-t-il sa place en droit comparé ? », in Le devenir du droit comparé en France
(Journée d’études à l’institut de France, 23 juin 2004), J. du Bois de Gaudusson
(dir.), Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2005, p. 168 et s.

281
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

forme et de fond posées par le constituant originaire pour la révision de


la Constitution ; il peut dès lors être contrôlé »529.
Il est sans aucun doute souhaitable qu’un juge s’assure de la consti-
tutionnalité de la révision : le législateur constitutionnel, tout comme
le législateur ordinaire, peut « errer », commettre un excès de pou-
voir ; seul un contrôle juridictionnel paraît en mesure d’éviter, dans
les limites fixées par la loi fondamentale, une révision liberticide530.
Enfin, le droit comparé enseigne que des juridictions ont affirmé et

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exercé, à des degrés divers, un contrôle de la révision, que ce soit en
Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Inde, en Italie, en Turquie ou
encore dans certains États européens postcommunistes531.
Qu’une Cour africaine francophone accepte de connaître d’une
révision peut paraître iconoclaste au regard du droit français mais
parfaitement justifié au regard de bien d’autres droits, parmi les plus
avancés. Cela signifie qu’elle a su s’affranchir du modèle de
l’ancienne métropole pour se donner sa politique jurisprudentielle.
Peut-on, doit-on, reprocher au Conseil constitutionnel du Sénégal
de souscrire à la première thèse, de faire preuve d’une absolue défé-
rence à l’égard du pouvoir de révision, reconnu comme le maître de
la Constitution ?

529
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, 7e édition, Paris,
Montchrestien, 2006, p. 217.
530
Voir SABETE (W.), Pouvoir de révision constitutionnelle et droits fondamentaux.
Étude des fondements épistémologiques et européens de la limite matérielle du
pouvoir constituant dérivé, Presses universitaires de Rennes, 2006.
531
Voir La révision de la constitution, (Journées d’études des 20 mars et 16 décembre
1992, Travaux de l’AFDC), Paris, Economica, PUAM, 1993, « Justice
constitutionnelle et révision de la constitution », IXe table ronde internationale
d’Aix-en-Provence, septembre 1994, Annuaire international de justice
constitutionnelle IX-1994, Paris, Economica, 1995, BOISSY (X.), La séparation des
pouvoirs œuvre jurisprudentielle. Sur la construction de l’État de droit
postcommuniste, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 433 et s., GOZLER (K.), Le
pouvoir de révision constitutionnelle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du
Septentrion, 1997, KLEIN (C.), Théorie et pratique du pouvoir constituant, Paris,
PUF, 1996, PAPASAVVAS (S.S.), La justice constitutionnelle à Chypre, Paris,
Economica, PUAM, 1998, pp. 155 et s., et PINI (J.), « La Cour constitutionnelle
autrichienne et les rapports entre juge constitutionnel et pouvoir constituant »,
Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 7-1999, pp. 47 et s.

282
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Rien n’est moins sûr, car la position inverse pose de redoutables


problèmes de droit, au point de faire douter de l’utilité du contrôle
prétorien de la révision dans un État de droit démocratique.
L’autohabilitation à contrôler une loi constitutionnelle implique
non seulement la découverte d’un titre de contrôle singulier, mais
encore la définition des normes au regard desquelles le contrôle de la
révision est opéré. C’est au contrôleur de fixer l’ampleur de sa tâche,
de livrer la représentation qu’il se fait du pouvoir contrôlé.

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Ou bien le législateur constitutionnel, à l’instar du législateur or-
dinaire, est astreint au respect d’un bloc de constitutionnalité hyper-
trophié, comportant des principes non écrits, et alors un contrôle
tatillon risque de l’entraver inconsidérément.
Ou bien il est soumis à un corpus réduit de normes532, au respect
des seuls interdits exprès du Constituant, et alors le contrôle, très
mesuré, lui garantit une très large liberté de décision.
La seconde option peut légitimement apparaître comme la plus
convenable.
Utilisons cette grille de lecture pour apprécier la dernière affaire
de révision soumise au Conseil constitutionnel du Sénégal et imagi-
nons que le Conseil ait opéré un revirement de jurisprudence, en
accueillant le recours en inconstitutionnalité en la forme. Il serait
alors pour le moins hardi d’affirmer que le Conseil aurait dû faire
droit aux moyens en inconstitutionnalité articulés par les requérants.
Sauf à considérer que l’activisme du juge constitutionnel est toujours
préférable à sa réserve…
Les opposants prétendaient d’abord que la procédure de révision
était irrégulière, car le règlement du congrès du Parlement n’avait pas
été, au préalable soumis au Conseil constitutionnel, pour contrôle de
sa constitutionnalité. La Constitution, en son article 62, suspend bien
la promulgation (sic) – et non la mise en application - du règlement
intérieur de chaque assemblée à ce contrôle. Seulement, cet article est

532
FAVOREU (L.), « Le principe de constitutionnalité. Essai de définition d’après la
jurisprudence du Conseil constitutionnel », Mélanges Charles Eisenmann, Paris,
Cujas, 1975, p. 37 et suivantes relève que la « composition du bloc de
constitutionnalité varie selon la nature des actes soumis au contrôle ».

283
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

inclus dans le titre VI - Du Parlement et peut être lu au regard de


l’article 59 retenant comme seules « assemblées représentatives de la Ré-
publique du Sénégal » l’Assemblée Nationale et le Sénat. Le congrès du
Parlement, quant à lui, est une assemblée de révision à part, exclusi-
vement prévue par le Constituant au titre XII - De la révision.
Autrement dit, pour décider que le congrès du Parlement doit
être régi par un règlement intérieur obéissant à l’article 62, le
Conseil constitutionnel du Sénégal aurait dû faire siennes la pratique

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et la jurisprudence constitutionnelles françaises, qui se sont greffées
sur un texte rédigé bien différemment533… Et une hypothétique
« francisation » n’aurait pas ébranlé la volonté de révision : le règle-
ment du congrès du Parlement aurait pu être aisément purgé du vice
de procédure, tout vice de ce genre étant réversible par nature.
Les requérants alléguaient ensuite que le pouvoir de révision au-
rait dû inclure le Vice-président dans la liste constitutionnelle des
institutions de la République, car le « poste dédouble celui du président
de la République qui a prêté le serment prévu à l’article 37 et relève
d’une "profanation voire d’une dénaturation des institutions constitu-
tionnelles" ». Le moyen aurait eu fort peu de chances de prospérer,
dès lors que la Constitution ne fait peser sur le pouvoir de révision
ni une obligation particulière sur le contenu de la liste en cause, ni
même l’obligation générale de maintenir une Constitution politique
cohérente.
Enfin, on voit mal ce qui dans la Constitution interdisait au pou-
voir de révision d’habiliter le président de la République à déléguer
certains de ses pouvoirs au Vice-président, dont celui de signer des
ordonnances et des décrets. À moins de considérer qu’en l’absence
de tout texte il était défendu de procéder à la création, par voie de
révision constitutionnelle, du poste en question. Ne s’agirait-il pas
alors d’une question purement politique, insusceptible d’être réglée
dans un prétoire constitutionnel ?

533
Voir http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-par-
date/1963/63-24-dc/decision-n-63-24-dc-du-20-decembre-1963.6590.html

284
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Ces affirmations trouvent leur légitimité dans la sécheresse juris-


prudentielle que constate par ailleurs Évariste Boshab.534 Mais au-
delà de cette constatation malheureuse, il reste que le Sénégal mérite
les encouragements de la doctrine au moment où l’idéologie libérale
est devenue le credo de plus de la moitié de l’humanité. Le pays de
Senghor a le mérite, disons-le, d’avoir été dès 1960, un État détenant
une élite intellectuelle parmi les meilleures de l’Afrique noire.
Le mimétisme institutionnel, quoique combattu par une très

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grande frange de la doctrine, semble avoir dans ce pays rencontré les
ferments d’une expérience jusque-là heureuse. Sur cette voie, depuis
la Conférence nationale souveraine qu’il a inaugurée en Afrique noi-
re, il y a le Bénin dont l’étude de la justice constitutionnelle s’impose
ici.

§ 3. Le Bénin
La Cour constitutionnelle du Bénin est la plus haute juridiction
du pays en matière de constitutionnalité. En effet, c’est l’organe ré-
gulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pou-
voirs publics. La Cour est ainsi composée de sept membres dont
quatre sont nommés par le bureau de l’Assemblée nationale et trois
par le président de la République pour un mandat de cinq ans re-
nouvelable une seule fois.
La Cour constitutionnelle comprend ainsi : trois magistrats ayant
une expérience de quinze années au moins dont deux sont nommés
par le bureau de l’Assemblée nationale et un par le président de la
République ; deux juristes de haut niveau, professeurs ou praticiens
du droit, ayant une expérience de quinze années au moins dont un
est nommé par le bureau de l’Assemblée nationale et un par le prési-
dent de la République ; deux personnalités de grande réputation pro-
fessionnelle nommées l’une par le bureau de l’Assemblée nationale
et l’autre par le président de la République.

534
BOSHAB (E.), Note d’observation, Revue de droit africain, Bruxelles, n° 26,
avril 2003, pp. 265-271.

285
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Le président de cette Cour est élu par ses pairs et ce, parmi les
magistrats et juristes membres de la Cour. À ce niveau, l’on peut dé-
jà noter que le gros des membres de la Cour est nommé par le bu-
reau de l’Assemblée nationale qui lui-même est élu par la majorité
siégeant dans cette chambre. Ceci nous amène déjà à nous poser la
question de l’efficacité du contrôle juridictionnel des expressions lé-
gislatives de la majorité politique du moment que la Cour reste en
grande partie tributaire de l’onction électorale de cette dernière.

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Comme dans tout système politique respectueux des formes, les
fonctions de membres de la Cour constitutionnelle sont incompati-
bles avec la qualité de ministre de la République, l’exercice de tout
mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, et de toute
autre activité professionnelle. Depuis l’installation de cette Cour et
les nominations qui suivirent en 1998, Madame Conceptia Liliane
Denis Ouinsou, juriste et agrégée de droit privé a battu le record de
longévité tant comme membre que comme chef de cette haute juri-
diction.535
Cette composition appelle néanmoins une observation capitale :
les juristes sont favorisés naturellement dans la mesure où il s’agit
d’une juridiction et dans la mesure où ils ont les faveurs recueillies
dans les allées du pouvoir. La conséquence est que les meilleurs juris-
tes risquent de demeurer sur le bord de la route tant que la caravane
de la Cour ne leur est pas favorable.
Il ne demeure pas moins que le président de la République, dans
l’hypothèse d’une cohabitation – hypothèse hélas trop fréquente en
Afrique et au Bénin à cause de la disparité des tribus et l’osmose
presque organique qu’elles entretiennent avec les partis politiques –,
sera enclin à nommer les personnalités très proches de son courant.
Ce qui entraînera à coup sûr une majorité et une minorité au sein de
la Cour. Telle Cour est à vrai dire loin d’être une juridiction mais
ressemblera certainement à une arène politique où les gants du droit
ne seront pas portés par les protagonistes.

535
Elle vient d’être remplacée au courant du mois de mai 2008 par le bâtonnier
Robert DOSSOU.

286
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

S’agissant du contrôle de constitutionnalité, il convient de souli-


gner que la saisine est ouverte à tout citoyen pour les lois, les textes
réglementaires, les actes administratifs et la violation des droits fon-
damentaux de la personne humaine et les libertés publiques.536
Avant la promulgation des lois ou la mise en application des rè-
glements des assemblées, le président de la République, tout membre
de l’Assemblée nationale, les présidents des institutions peuvent,
chacun en ce qui le concerne, selon le cas, saisir la Cour constitu-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
tionnelle.
Pour l’autorisation de ratification des engagements internationaux,
le président de la République ou le président de l’Assemblée nationale
peut saisir la Cour constitutionnelle. Il faut noter cependant que le
juge béninois se saisit d’office en cas de violation des droits de la per-
sonne humaine et des libertés publiques. L’on peut à ce niveau se po-
ser la question de savoir pourquoi le législateur suprême béninois uti-
lise les deux termes : droits de la personne et libertés publiques.537
À notre avis, les libertés publiques étant celles portées par les tex-
tes de droit positif, les droits de la personne humaine relèvent plutôt
du droit naturel. Vieux débat s’il en est, le constituant semble
n’avoir pas voulu le trancher en prenant position pour une concep-
tion plutôt étendue des droits de l’homme, qu’il fût citoyen ou sim-
ple être humain. Ceci s’explique également par la vague qui s’est dé-
ferlée sur ce pays à l’issue de la conférence nationale souveraine et
qui fut porteuse des espoirs de tout un peuple pour le retour à une
démocratie basée sur les droits de l’homme.538

536
L’usage doctrinal de deux expressions procède, peut-être, vu les conditions
matérielles de la production constitutionnelle béninoise, d’une option
conceptuelle qui inclut à la fois les considérations du droit naturel auxquelles
ressortit la notion des droits de la personne et celles du droit positif tant national
qu’international auxquelles se rattache la terminologie de libertés publiques. Là
ne gît pas une innovation du constituant béninois.
537
Les explications ci-avant pourraient fonder l’emploi de deux termes dans la
mesure où ils sont englobants et donc protègent mieux les droits humains quelle
que soit leur origine.
538
En analysant les décisions de la Cour constitutionnelle béninoise, Évariste
BOSHAB nous prévient qu’il ne faudrait pas perdre de vue que ce pays se passa
de constitution de 1968 à 1977 et de ce fait, le rigorisme des juges peut bien
s’expliquer. Lire BOSHAB (E.), Note d’observation, Revue de droit africain,
n° 12, octobre 1999, Bruxelles, p. 583.

287
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En matière électorale, tout citoyen peut saisir la Cour, avant le


scrutin, sauf si la loi y apporte quelque limitation. Après le scrutin,
les réclamations ne sont pas admises avant la date de la proclamation
des résultats, sous peine de voir la requête déclarée irrecevable parce
que prématurée.
Pour être prise en considération, toute réclamation relative aux
opérations de vote le jour du scrutin doit être rédigée par le ou les
électeurs pour être annexée au procès-verbal de déroulement du

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scrutin établi à l’issue du vote et à transmettre à la Cour constitu-
tionnelle.
Ajoutons pour être complet qu’après la proclamation des résul-
tats, la nature de l’élection détermine la qualité du requérant. Ainsi,
pour les élections législatives, la saisine est ouverte aux personnes
inscrites sur les listes électorales et aux candidats de la circonscrip-
tion où a lieu l’élection contestée dans les dix jours qui suivent la
proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle, sauf cas
particuliers.539
En revanche, toute requête introduite après les dix jours suivant
la proclamation des résultats sera déclarée, sauf cas particuliers, irre-
cevable pour tardiveté.
Pour ce qui est de l’élection présidentielle, la saisine est ouverte à
tout candidat au premier tour du scrutin ; au second tour, seuls les
deux candidats sont admissibles à saisir la Haute Juridiction.
S’agissant de l’exercice de sa fonction consultative, seul le prési-
dent de la République et le président de l’Assemblée nationale peu-
vent saisir la Cour constitutionnelle en demande d’avis. Il va de soi
qu’aucun citoyen ne peut saisir cette dernière en demande d’avis fau-
te évidemment de qualité.540
L’on peut avant de conclure ces quelques lignes montrer que la
Cour béninoise a la réputation de probité, de compétence et
d’incorruptibilité.541

539
Lire l’article 55 de la Loi organique.
540
Ibidem.
541
Il s’agit d’une affirmation que nous avons trouvée sur le site Wikipedia. Elle a
l’autorité toute relative de la chose écrite par une personne qui n’a pas révélé son
identité.

288
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Cette caractérisation flatteuse est l’œuvre des hauts magistrats qui y


ont siégé sous la présidence éclairée de Madame Conceptia Ouinsou
pendant dix ans. La lecture de sa jurisprudence déjà abondante indi-
que, aux dires d’Évariste Boshab542, parfois un rigorisme qui
s’explique par une gésine toute fraîche de la démocratie.543
Après une décade d’exercice, la justice constitutionnelle semble
avoir marqué les esprits et obtenu ses lettres de noblesse en matière
de protection des droits fondamentaux de la personne humaine. À

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preuve, l’on peut indiquer quelques décisions saillantes recensées par
la doctrine africaine la mieux informée. 544
La Cour constitutionnelle du Bénin a rendu, durant l’été 2009,
une remarquable décision de censure confirmant sa suprématie sur le
juge ordinaire « en matière de droits de l’homme », autrement dit cha-
que fois qu’elle constate une violation de la Constitution sociale. Par
décision DCC 09-087 du 13 août 2009, la haute juridiction a, en ef-
fet, déclaré « contraire à la Constitution » l’Arrêt n° 13/CJ-CT du
24 novembre 2006 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême
rendu dans l’affaire opposant les consorts Atoyo Alphonse aux
consorts Sophie Aïdasso.
Produit du cheminement de la jurisprudence constitutionnelle de-
puis 1992, la décision DCC 09-087 du 13 août 2009 répond aux exi-
gences inhérentes à la consolidation d’un État de droit sophistiqué,
où, loin de solutionner le problème crucial des « contrariétés entre les
décisions des cours administrative, judiciaire et constitutionnelle »545,
l’application à la lettre du texte suprême – la Constitution du
11 décembre 1990 – engendre contradictions et désordres. Au nom
d’une loi fondamentale qui reconnaît l’indépendance mutuelle de la

542
En effet, cet auteur tout en encourageant les efforts de nouvelles cours
constitutionnelles africaines, souligne le danger de passer d’un extrême à l’autre.
Lire BOSHAB (E.), Note d’observation, Revue de droit africain, Bruxelles, n° 12,
octobre 1999, p. 584.
543
Idem, p. 584.
544
BOSHAB (E.), Note d’observation, Décision n° 98-009 du 16 janvier 1998,
Revue de droit africain, Bruxelles, n° 12, octobre 1999, pp. 581-584.
545
Analysé avec brio, en 2004, par Conceptia OUINSOU, la présidente de la Cour
Constitutionnelle.

289
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cour Constitutionnelle et de la Cour Suprême, tout en valorisant la


protection des droits de l’homme, la première affirme sa suprématie
sur la seconde dans ce domaine éminent.
La Constitution du 11 décembre 1990 a remodelé la judicature du
Bénin : elle a instauré, à côté et en dehors de l’appareil ordinaire
coiffé par la Cour Suprême – un ordre juridictionnel unique avec
dualité de contentieux -, une puissante Cour Constitutionnelle – do-
tée de très larges compétences contentieuses. Le texte suprême sépa-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
re organiquement et, surtout, fonctionnellement les deux hautes ju-
ridictions : leurs compositions sont très différenciées ; aucune rela-
tion n’est aménagée entre elles ; chacune est souveraine dans son
domaine de compétences. Une sorte de mur de Berlin tenu pour in-
franchissable.
Dans un premier temps, nonobstant l’inévitable enchevêtrement
des contentieux et les risques de contradictions entre les jurispru-
dences, la Cour Constitutionnelle s’est strictement conformée au
principe textuel de l’indépendance mutuelle des deux cours suprê-
mes. Dans sa décision n° 13 DC du 28 octobre 1992, le Haut Conseil
de la République faisant office de Cour Constitutionnelle a, ainsi,
décliné sa compétence pour, en l’espèce, connaître de l’arrêt d’une
Cour d’assises et pour, en général, « réformer les décisions de justice ».
Cette position de principe a été réaffirmée, non sans embarras,
dans l’affaire Campbell : par décision DCC 11-94 du 11 mai 1994, la
Cour constitutionnelle a d’abord jugé que l’article 131 alinéas 3 et 4
de la Constitution de 1990 lui interdisait de statuer sur un arrêt de la
Cour Suprême, faisant l’objet d’une plainte en violation de droits de
la défense, et ce malgré les articles les articles 117 alinéa 4, 120 et 121
alinéa 2 de la Constitution de 1990 qui « donnent compétence exclusi-
ve à la Cour constitutionnelle pour statuer sur les violations des droits
de la personne humaine » ; la Cour, dans une seconde décision DCC
95-001 du 6 janvier 1995, a ensuite confirmé son incompétence…
tout en déclarant qu’elle aurait constaté une violation des droits de la
défense, si la Constitution le lui avait permis.
La Cour suprême gardienne de la Constitution considérait qu’elle
ne pouvait, sans en méconnaître le texte, renverser une solution
grosse d’incohérences et d’absurdités, préjudiciable au justiciable et à
ses droits garantis par la Constitution. Ce sont ces impasses de

290
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

l’indépendance mutuelle des deux cours suprêmes, qui apparaissent à


la lecture de la décision DCC 98-021 du 11 mars 1998.
Commandée par une interprétation littérale de la loi fondamenta-
le, la solution de principe de la Cour Constitutionnelle nuisait au
justiciable et à l’autorité de la justice constitutionnelle. Elle a fini par
être abandonnée.
La Cour constitutionnelle a opéré le revirement de jurisprudence

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attendu en 2003 : après avoir réaffirmé, dans sa décision DCC 03-79
du 14 mai 2003, l’immunité des décisions de justice, la Cour a averti,
par décision DCC 03-166 du 11 novembre 2003, que cette immunité
ne couvrait pas les décisions de justice qui, violant les droits de
l’homme, devaient être regardés comme des « actes » contestables
devant elle par tout citoyen, au sens de l’article 3 alinéa 3 de la Cons-
titution de 1990. Pour sortir des impasses de l’indépendance mutuel-
le des cours suprêmes, découlant des articles 124 alinéa 2 – autorité
de chose jugée des décisions de la Cour Constitutionnelle – et 131
alinéa 3 – autorité de chose jugée des décisions de la Cour Suprême -,
le juge constitutionnel a ainsi convoqué la disposition emblématique
du Renouveau démocratique au Bénin qui institue une actio popula-
ris, à l’origine de nombre de ses « grandes » décisions.
Après s’être autoproclamée la plus suprême des cours suprêmes
en matière de droits de l’homme, la Cour constitutionnelle a confor-
té son audace interprétative, en sanctionnant la méconnaissance du
principe jurisprudentiel de sa suprématie relative. D’abord, à
l’occasion de sa décision DCC 04-051 du 18 mai 2004, pour censurer
une formation de la Cour d’Appel de Cotonou siégeant en matière
civile traditionnelle, auteur d’« une fraude au droit de la défense ».
Ensuite, à l’occasion de sa décision DCC 09-087 du 13 août 2009,
pour censurer la Cour Suprême. Cette dernière décision est une
nouvelle manifestation de la modernisation du droit par le juge
constitutionnel, car la Cour constitutionnelle y condamne, avec
fermeté, l’obstination du juge judiciaire à se référer au Coutumier du
Dahomey, déclaré sans force exécutoire par décision DCC 96-063 du
26 septembre 1996, en l’occurrence la « rébellion » de l’une des par-
ties et de la Cour suprême à l’égard de sa décision DCC 06-076 du
27 juillet 2006.

291
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Désormais, tout Béninois en litige devant une juridiction non seu-


lement a la faculté de se plaindre devant la Cour constitutionnelle de
tout acte juridictionnel qui méconnaîtrait les droits de l’homme,
mais encore peut escompter la sanction par elle de tout abus caracté-
risé du pouvoir judiciaire. Un progrès de taille !
Vertement critiquée pour son interprétation, voire sa réécriture,
de la Constitution politique, la Cour Dossou, héritière des mandatu-
res antérieures, fait incontestablement œuvre utile sur le terrain de la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
Constitution sociale : après la mise hors la Constitution de la répres-
sion pénale de l’adultère, la décision DCC 09-087 du 13 août 2009
s’inscrit, sur le plan des principes, dans la lignée de l’historique déci-
sion sur le code des personnes et de la famille. Et ce, pour le plus
grand profit des femmes béninoises !546
Toute cette expérience institutionnelle d’autres pays d’Afrique et
du monde nous amène au moins à imaginer un type institutionnel
pour la République démocratique du Congo.
Dans un pays qui est longtemps resté en marge d’une constitu-
tionnalité vétilleuse tant les violations de la Constitution étaient lé-
gion et les droits de l’être humain du domaine de la programmation
politique, est-il scientifiquement fondé de faire du copier-coller ?
Il nous semble en effet nécessaire de fonder un nouveau type de
justice constitutionnelle qui soit apte à régler le contentieux politi-
que et constitutionnel d’un pays qui est sorti à peine des limbes du
monopartisme avec sa cohorte de mépris de droits humains et des
affres des guerres subséquentes à cet état de choses.
Ne dit-on pas qu’on n’invente pas la roue ? Cela est-il vrai en ma-
tière de machinerie institutionnelle ?547
Le choix est ainsi à opérer entre le mimétisme facile et
l’innovation à tout vent susceptible à son tour d’évacuer l’essence
universelle de la notion même de justice constitutionnelle.

546
Lire BOLLE (S.), « Constitution, dis-moi qui est la plus suprême des cours
suprêmes », in La Constitution en Afrique, sur le site web www.la-constitution-en-
afrique.org consulté le 24 novembre 2009.
547
Lire DJOLI ESENG’EKELI (J.), op. cit., pp. 367-392.

292
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

La thèse est ici que la nécessité fait loi en ce qu’au-delà de ce qui


est aujourd’hui admis, le pays ressent le besoin d’acquérir une justice
qui soit fondée tant sur son histoire que sur sa possibilité à la dépas-
ser pour satisfaire ses spécificités.

Section 2 : LE MODÈLE CONGOLAIS À INVENTER


Le titre que nous choisissons pour cette section semble postuler

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qu’il n’y a pas de justice constitutionnelle en République démocrati-
que du Congo.
Telle affirmation, outre qu’elle serait fausse, devra être atténuée
par l’état des lieux que nous nous proposons de dresser avant
d’élaborer quelques propositions pour instaurer un juge constitu-
tionnel efficace, efficient et effectif.

§ 1. L’état des lieux


Quelle tâche immense que de dresser l’état des lieux d’un système
qui a fonctionné pendant plus ou moins quarante ans ! Cependant, il
est théoriquement vrai de dire que le système juridictionnel congo-
lais est le plus facile à caractériser tant ses manifestations et sa pro-
duction sont visibles à l’œil de tout chercheur averti.
Sur quelques pages, parler de la justice congolaise de 1968 à nos
jours, c’est dresser un bilan qui peut souffrir d’un écueil majeur : le
parti pris conceptuel selon lequel rien ne marche. Nous l’éviterons
cependant en sollicitant l’opinion de la doctrine548 et le point de vue

548
Lire MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Louvain-
la-Neuve, Kinshasa, Academia-Bruylant, DIN, 2002. ; BOSHAB (E.), « La misère
de la justice et justice de la misère en République démocratique du Congo », Revue de
la Recherche Juridique, n° XXIII-74, 23e année, 74e numéro, PUAM., 1998-3,
pp. 1163-1184. ; MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La mégarde des
modèles de Constitutions euro-occidentales et l’élaboration d’une Constitution
zaïroise de développement véritablement intériste », Annales de la Faculté de droit,
vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996. ; MPONGO BOKAKO
BAUTOLINGA, « Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous l’Acte
constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit,
vol. XXV, août 1996, Kinshasa, PUZ, pp. 321-355. ; D. KALUBA DIBWA, « Le

293
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

de la magistrature elle-même549. En effet, les hauts magistrats ne sont-


ils pas eux-mêmes à l’avant-garde d’une autocritique qui fonde une
volonté de faire mieux que l’état des lieux ne peut pas toujours tra-
duire ? Il faut d’emblée souligner que la justice constitutionnelle dès
l’origine a fait partie du pouvoir judiciaire et elle a en même temps
subi les contrecoups assénés à cette fonction de l’État et ce, au gré de
l’évolution politique et constitutionnelle du pays.
La doctrine congolaise qui s’est penchée sur cette question a pres-

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que unanimement opiné que la justice constitutionnelle congolaise
comme le pouvoir judiciaire auquel elle a toujours appartenu est
dans une léthargie550 ou un dysfonctionnement551 dont les causes
sont aussi nombreuses que variées.
En détail, voyons à présent les causes de cet état morbide de la
justice constitutionnelle congolaise.
Mabanga identifie trois types des raisons qui militeraient à la lé-
thargie de cette justice en République démocratique du Congo. Il
épingle les raisons d’ordre juridique ou de pure technique législative
en ce que le législateur n’a jamais mis en œuvre les prescrits constitu-
tionnels pour permettre à la justice constitutionnelle de fonctionner
normalement. De même, le monopole de saisine confié au seul pro-
cureur général de la République n’était pas de nature à faciliter
l’exercice.552
Les raisons d’ordre politique ont fait que contester une loi ou
mieux des lois présidentielles pouvait être considéré comme un acte

contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force de lois en droit positif
congolais », Revue du Barreau de Kinshasa/Gombe, n° 02/2006, pp. 1-17.
549
Bruno MBIANGO KAKESE NGATSHAN, discours de rentrée judiciaire de la
Cour suprême de justice, année, Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice,
Kinshasa, Service de documentation du Ministère de la Justice, 200 p.
550
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., pp. 76-79.
551
KENGO wa DONDO, L’évolution jurisprudentielle de la Cour suprême de justice
au Zaïre (1968-1979), Mercuriale du 4 novembre 1978, CSJ, Imprimerie Saint
Paul, Kinshasa, 1979, p. 135.
552
MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA, « Le contrôle de la constitutionnalité des
lois sous l’Acte constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 », Annales de la
Faculté de Droit, vol. XXV, août 1996, Kinshasa, PUZ, pp. 321-355.

294
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

de subversion susceptible d’entraîner un ostracisme que très peu de


Zaïrois, à l’époque, étaient disposés à subir. Ces raisons politiques
propres à un État patrimonial ont connu quelques inflexions pen-
dant la transition d’après l’Accord global et inclusif de Sun City sui-
te à une « reconsensualisation » de la vie politique et donc au partage
du pouvoir qui permet le contrôle juridictionnel. Néanmoins, cet
état de choses longtemps subi a induit une psychologie de la peur et
dans le chef des juges et dans celui des justiciables de telle sorte que

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249565
les actes des gouvernants sont considérés comme nimbés d’un halo
de sainteté incontestable.553
Matadi Nenga Gamanda, dans sa thèse défendue à Nanterre, bros-
se un tableau plus qu’exhaustif des causes qui rongent la justice
congolaise et donc la justice constitutionnelle congolaise tant qu’elle
est encore exercée par les mêmes magistrats de l’ordre judiciaire.
Il énumère ainsi la crise économique et l’effritement du traite-
ment du personnel judiciaire, la corruption, le tribalisme,
l’inadéquation de la législation, la très faible densité des juridictions,
l’inadéquation des ressources humaines et des infrastructures, la
culture congolaise et la subordination des magistrats. Cet auteur
classe donc les deux dernières causes parmi les obstacles lointains
tandis que les six premières feraient partie, selon lui, des obstacles
immédiats à l’effectivité du pouvoir judiciaire.554
Il est vrai qu’une telle énumération ne peut que recueillir les suf-
frages de la doctrine sauf à voir que le tribalisme tout comme la cor-
ruption induisent non seulement une grave crise économique, une
faible densité des juridictions faute de moyens financiers,
l’inadéquation des ressources humaines et des infrastructures ; le
tout débouchant sur une inadéquation de la législation car non en
phase avec la culture du peuple.
L’on ne peut faire reproche au bâtonnier Matadi Nenga Gamanda
de n’avoir pas tenté une hiérarchisation desdites causes du point de
vue de leur structuration cybernétique. Il nous semble que telle n’a
pas été sa perspective, en revanche le professeur émérite Kayemba

553
Lire MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. 79.
554
MATADI NENGA GAMANDA, op. cit., pp. 159-271.

295
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ntamba Mbilanji esquisse une théorie explicative de cet imbroglio


des causes paralysantes non seulement de la justice mais de l’État lui-
même.555
Sans être prophète, mais en nous servant simplement des béquil-
les de l’expérience, nous pouvons affirmer ici que la justice constitu-
tionnelle congolaise souffre d’un mal profond qui est à la fois dû à
un dysfonctionnement institutionnel immense depuis plus de deux
décennies mais également à une incompétence technique induite tant

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
d’une formation insuffisante en matière de droit public que d’un
traitement de misère produit induit de la corruption dont les magis-
trats sont parfois les complices parfaits quand ils ne sont guère eux-
mêmes les auteurs passifs.
Depuis des années maintenant, l’on note une baisse du niveau de
l’enseignement universitaire en République démocratique du Congo.
Ce constat, comme d’autres, transporte le problème de la justice elle-
même sur les rivages de nos facultés de droit. Le débat sur ce terrain
reste passionné, périlleux et complexe.
Cet inventaire de l’état de la justice, pour exhaustif qu’il puisse
être, manquerait de pertinence s’il n’était pas suivi d’une sorte de
thérapeutique qui s’énonce ci-après en termes de propositions de ré-
forme.

§ 2. Propositions pour un juge constitutionnel efficace,


efficient et effectif
Nous tentons d’articuler ces propositions autour des concepts
d’efficacité, d’efficience et d’effectivité dont les approches défini-
tionnelles sont de nature à en faciliter l’intelligence. Il procède en
effet de la cohérence normative interne et externe que la justice doit
être perçue comme un des mécanismes du système de règlement des
conflits surgissant dans la société elle-même déjà saisie ici comme un
système intégré.

555
KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « Modernité sous l’identité culturelle
d’emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la Faculté de Droit, vol. IV-
VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp. 63-76.

296
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

C’est ainsi que le dysfonctionnement de la justice est déjà le révé-


lateur explicite d’un autre dysfonctionnement plus grand qui est ce-
lui de la société politique globale. En effet, la justice entendue com-
me une manifestation du pouvoir est toujours une des fonctions de
celui-ci, de la sorte que son dysfonctionnement déteint inévitable-
ment sur la totalité du pouvoir. Ainsi donc, avoir un juge constitu-
tionnel efficace est une nécessité non seulement pour parachever
l’édifice constitutionnel et assurer sa solidité mais aussi et surtout

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
une exigence d’efficacité du pouvoir dans l’État. Voyons dès lors
comment cette justice de qualité pourrait s’implanter sur le sol
congolais au regard des vues de droit comparé exposées plus loin, en
commençant par la composition du siège de cette justice.

A. Composition
Étudier la proposition de la composition de la juridiction consti-
tutionnelle est en effet une nécessité car la justice est finalement un
« complexe psychotechnique » incluant à la fois un personnel hu-
main et une formation scientifique.
La constitution du 18 février 2006 en son article 158 dispose que
« la Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le
président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois
désignés par le parlement réuni en Congrès et trois désignés par le
Conseil supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres de
la Cour constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la
magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire ». 556
Cette disposition constitutionnelle est la base de la problématique
même de la composition de cette haute juridiction. Il importe de sou-
ligner que si d’emblée le nombre de neuf membres, au-delà de son
symbolisme ésotérique parfait, ne pose pas problème particulier, il y a
néanmoins lieu de faire remarquer qu’au regard de la configuration
politique des provinces et du nombre des matières attribuées à cette
haute juridiction ce chiffre pourrait être dépassé. Mais les évolutions
futures tirées de l’expérience de la Cour suprême de justice siégeant en

556
Constitution, article 158, alinéa 2, Journal Officiel de la République démocratique
du Congo, JORDC, 47e année, numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2006, p. 55.

297
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

matière électorale semblent se diriger vers l’accroissement du volume


du travail pour neuf juges.557
Ce travail juridictionnel serait d’autant plus accru qu’il serait en
fin de compte confié aux deux tiers des juges qui seront juristes, les
trois autres membres n’ayant pas a priori des compétences techni-
ques pour régler les questions purement juridiques même si leur ap-
port pour les questions politiques pourrait être visible. Cette criti-
que devra être tempérée par l’option faite par le législateur organi-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
que en chantier en faveur des conseillers référendaires.558
La question de la composition continuera à se poser au regard
non seulement du volume des affaires mais surtout eu égard aux qua-
lifications des membres. Le texte constitutionnel se limite à parler de
juristes ; ce terme est plus qu’imprécis. L’enseignement du droit en
République démocratique du Congo est étalé sur trois années consa-
crées par un diplôme de gradué en droit, deux autres années couron-
nées par le diplôme de licencié en droit ; deux années de diplôme
d’études supérieures en droit et trois années terminales couronnées
par le diplôme d’État de docteur en droit.559
Ainsi qu’on vient de le remarquer, à chaque niveau de formation
correspond un diplôme universitaire de droit. À quel niveau
d’études correspond donc la qualification de juriste énoncée par le
constituant ?
Il nous semble difficile de dire qu’un gradué en droit est déjà ju-
riste tant il n’a pas encore accompli le cursus universitaire de licence
qui lui permet d’exercer les métiers de droit. Le terme juriste

557
L’on se souvient que le contentieux électoral lors des élections générales de 2006
a pris plus de temps que prévu entraînant même une contestation parlementaire
des arrêts rendus hors délai, lesquels arrêts n’ont eu la vie sauve que grâce à la
bonne disposition d’esprit du président de l’Assemblée nationale.
558
Lire article 11 du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, p. 5.
559
Lire l’article 1er de l’Ordonnance-loi n° 81-026 du 3 octobre 1981 relative à la
collation des grades académiques aux universités, JOZ, n° 20, 15 octobre 1981,
P. 13.

298
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

s’appliquerait donc aisément au détenteur du diplôme de licencié en


droit.560
Mais là aussi les programmes universitaires montrent que le jeune
licencié en droit frais émoulu de nos universités n’a que très peu de
formation en matière de droit public et plus spécialement en droit
constitutionnel qu’il n’aura appris qu’en premier graduat souvent
dans l’euphorie quasi religieuse des élèves sortis des bancs de nos col-
lèges et lycées.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
Pour l’efficacité du juge constitutionnel et pour rendre un tant
soit peu opératoire le cycle d’études postuniversitaires, il serait sou-
haitable que ne soit considéré comme juriste au vœu du constituant
que celui qui a achevé le cycle des études donnant lieu à un diplôme
d’études supérieures en droit public car ces études sont réellement
spécialisées et permettent au récipiendaire de développer des compé-
tences spécialisées et approfondies dans le champ des attributions
juridictionnelles de la Cour constitutionnelle.561
À preuve, la lecture des arrêts rendus en matière électorale – matière
constitutionnelle – et en matière administrative a donné à voir que nos
hauts magistrats n’avaient pas toujours une compétence affirmée en
matière de droit public.562

560
En effet, tant le statut des magistrats que l’ordonnance-loi organique du Barreau,
les deux textes ont toujours exigé la détention d’une licence en droit comme
condition minimale pour exercer la profession d’avocat ou la carrière de
magistrat. Dès lors, l’on peut convenir que l’on devient juriste lorsque l’on
possède ce parchemin encore qu’il ne s’agisse là que d’une simple présomption
juris tantum des connaissances en matière de droit.
561
Les études de troisième cycle en droit sont organisées par l’arrêté départemental
n° ESR/BCE /141/79 du 15 octobre 1979 fixant les programmes du diplôme
d’études supérieures en droit. Lire MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE, Programmes des études de troisième cycle,
Kinshasa, Le Bureau des études postuniversitaires du Zaïre (BEPUZA), 1991,
pp. 12-14.
562
Lire MATADI NENGA GAMANDA, La question du pouvoir judiciaire en
République démocratique du Congo. Contribution à une théorie de réforme,
Kinshasa, DIN, 2001. Cet auteur considère en effet et à raison que la mauvaise
formation de nos magistrats est un obstacle majeur immédiat à la réforme de la
justice ; KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge
administratif suprême en droit public congolais. Lecture critique de certaines
décisions de la Cour suprême de justice d’avant la Constitution du 18 février 2006,
Kinshasa, Éditions Eucalyptus, 2007.

299
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Dès lors, énoncer comme le fait le constituant avec une naïveté


quasi enfantine que ces juristes proviendraient de la magistrature
nous parait véritablement une gageure. Il y a sans doute de juristes
qualifiés dans le corps de notre magistrature au regard du critère
académique avancé, cependant le seul diplôme ne permet pas de ju-
ger du niveau scientifique du candidat au poste de conseiller à la
Cour constitutionnelle.
Le critère de la qualité des publications serait un paramètre inté-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
ressant de ce point de vue. Il en est notamment ainsi dans les systè-
mes étrangers que nous avons analysés plus haut. Ainsi, il serait illu-
soire de s’attendre à une justice constitutionnelle efficace de la part
d’un juriste privatiste ou pénaliste qui aurait par ailleurs passé trente
ans de sa carrière à trancher des conflits parcellaires ou des accidents
de circulation. The right man at the right place, dit un adage anglais
dont le pragmatisme légendaire tranche avec le flou de la formule
constitutionnelle congolaise.
Par ailleurs, lorsque l’on sait que la juridiction constitutionnelle a
pour fonction de juger les œuvres législatives de la majorité, il est
illusoire de laisser le choix libre à cette même majorité de désigner
ses juges. C’est l’inefficacité toute désignée.
Si l’on ne peut contester au président de la République la latitude
éclairée de choisir trois juges parmi les personnalités indiquées à
l’alinéa 1er de l’article 158 de la Constitution, l’on ne peut pas ne pas
remarquer qu’il appartient à une famille politique et que l’absence de
culture politique démocratique l’inclinerait à privilégier les juges qui
ne jugeraient aucune de ses œuvres. Le seul rempart contre cette in-
clinaison naturelle de tout homme politique réside naturellement
dans la notion bien morale de l’intérêt supérieur de la Nation.
Le Chef de l’État n’a-t-il pas déjà une haute intelligence de cette
notion dans un État qui se veut de droit ?
Le choix qu’opérerait le Conseil supérieur de la magistrature serait
une option acceptable sauf à privilégier le critère de compétence tech-
nique que l’on ne voit pas beaucoup dans ce corps du seul point de
vue du droit public.
La désignation du Conseil supérieur de la magistrature s’impose-t-il
au président de la République, seule autorité publique investie du
pouvoir de nomination ? Il nous parait qu’il s’agit d’une sorte de

300
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

compétence liée. Il ne peut que nommer. S’agissant du barreau, la


même critique persiste. Le barreau congolais est composé des avocats,
pour la plus large part, généralistes et ne disposant pas des connaissan-
ces spécialisées563 en droit constitutionnel de sorte que là aussi il est
illusoire de trouver des personnalités appropriées à la tâche564.
Nous pensons, en revanche, que la présence des conseillers réfé-
rendaires que l’on trouverait volontiers parmi les universitaires
congolais spécialistes de droit public serait de nature à tempérer la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
vacuité des juges non spécialistes. Mais, il faut le dire sans ambages,
lorsque l’on veut installer une justice crédible, il sied de commencer
par recruter des excellentes personnalités qui seraient enfin des juges
excellents. L’État de droit passe inéluctablement par là et nulle part
ailleurs.
Matadi Nenga Gamanda opine, dans le même sens, lorsqu’il af-
firme que « la garantie d’accès à un tribunal serait illusoire si sié-
geaient audit tribunal, comme juges, des truands, des ignares ou de
corrompus de tout genre. Le droit à un bon juge est une garantie ju-
ridictionnelle d’après laquelle toute partie doit être garantie de
l’intervention d’un juge doté d’un pouvoir de pleine juridiction et de
connaissances nécessaires pour une justice de qualité. Ce savoir, ren-
chérit-il, dans la plupart des cas, ne peut être assuré que par la spécia-
lisation du juge dans la matière qu’il traite. Le juge doit être au par-
fum du progrès du droit, surtout dans le domaine qui le concerne.
Etre formé et se former est une obligation : quelle que soit la valeur
de magistrats et leur qualité, quelle que soit la rigueur de leur rai-

563
C’est peut-être le lieu de proposer une école de formation du barreau, à l’instar
de l’EFB de Paris qui fonctionne en synergie avec la Faculté de Droit de Paris et
qui assure ainsi une formation professionnelle spécialisée à ses membres.
564
L’article 7 point 2 de l’Ordonnance-loi n° 79/028 du 28 septembre 1979 portant
organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des
mandataires de l’État dispose tout simplement la licence en droit, JOZ, n° 19,
1er octobre 1979, p. 4. Cette disposition exige tout simplement d’être titulaire
d’une licence pour accéder à la profession d’avocat sans que le barreau lui-même
comme ailleurs n’organise une quelconque spécialisation professionnelle qui
tiendrait lieu de diplôme de spécialiste.

301
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

sonnement, leurs décisions resteront imparfaites si le droit qu’ils


doivent appliquer ne progresse pas constamment ».565
Nous accordons nos suffrages à l’alinéa 4 de l’article 158 de la
Constitution déjà cité pour la simple raison que le président de la
Cour constitutionnelle élu par ses pairs pour une durée de trois ans
une fois renouvelable serait à même de bien la diriger même si cela
n’est pas exclusif de la critique qu’il y a risque que le président ainsi
élu ne se constitue une sorte de clientèle pour son éventuelle réélec-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
tion. L’expérience étrangère exposée plus loin indique que le risque
ainsi décrit et qui est réel reste néanmoins marginal si les hommes et
femmes qui composent la Cour sont d’une haute moralité, condition
que malheureusement le constituant ne semble guère imposer. 566
Au-delà de cette composition purement technique, il reste à voir
qu’il est également utile qu’à l’instar du constituant sud-africain
d’instaurer une justice constitutionnelle qui serait spécifiquement
congolaise.
Nous proposons donc que soit ajouté aux trois catégories consti-
tutionnelles déjà exposées, un type nouveau des juges qui seraient les
chefs coutumiers des principales communautés chaque fois que les
intérêts de ces entités seraient en jeu.567
En effet, dans le mental africain, la justice est toujours de com-
promis. Il n’y a pas a priori des raisons que la justice constitutionnel-
le soit rendue hors la présence des destinataires de ses décisions. 568

565
Voy MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès équitable, Kinshasa,
Louvain-la-Neuve, Éditions Droit et idées nouvelles, Academia Bruylant, 2002,
n° 33, p. 33.
566
Lire MUKADI BONYI, Projet de constitution de la République démocratique du
Congo. Plaidoyer pour une relecture, Kinshasa, C.R.D.S., 2005. L’auteur formule
des observations fort pertinentes sur l’absence quasi miraculeuse de cette
condition de moralité comme si le constituant l’avait écartée.
567
La conception occidentale du pouvoir est généralement présentée comme étant
un cercle, Jacques DJOLI dans sa belle thèse nous dit plutôt que chez-nous le
pouvoir est concentrique. Les petits cercles qui s’entrelacent font naturellement
le lit du pouvoir. Dès lors, la logique de cette observation sociologique devra se
traduire institutionnellement par la responsabilisation et la prise en charge de
communautés de base enfin réhabilitées par le pouvoir d’État.
568
Lire les développements fort utiles de MAPPA (S.), Pouvoirs traditionnels et

302
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

C’est une question d’efficience et de rationalité systémique.569 En


d’autres termes, les chefs coutumiers seraient consultés comme juges
ad hoc comme cela se pratique devant la Cour internationale de jus-
tice.570
Cette pratique est de nature à rendre lisible le travail de la Cour
au regard des communautés concernées par les produits législatifs en
processus de censure devant elle.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
À supposer qu’une loi soit adoptée concernant une terre occupée
par une communauté, il nous paraît convenable que cette commu-
nauté par son chef qui est du reste une autorité publique soit consul-
tée pour connaître le point de vue de celle-ci. Le juge coutumier ain-
si désigné ne serait pas permanent ; il participerait au vote en pre-
nant la parole sans toutefois avoir voix délibérative pour éviter
l’émotion qui serait la sienne.
Au-delà, il reste une question technique qu’il échet de résoudre :
la question de la récusation des membres de la Cour et surtout la
possibilité d’une suspicion légitime. La question vaut son pesant d’or
car le projet de loi organique porte que « la Cour constitutionnelle
ne peut valablement siéger et délibérer qu’en présence de tous ses

pouvoir d’État en Afrique. L’illusion universaliste, Paris, Karthala, 1998 ;


MABIKA KALANDA, La remise en question. Base de la décolonisation mentale,
Bruxelles, Remarques Africaines, 1969.
569
Il est rationnel en effet que la loi comme expression de la souveraineté nationale
tout comme la justice, expression de cette souveraineté, concernent le plus grand
nombre au lieu de rester cloisonnées dans les alcôves de quelques résidences
cossues de Kinshasa ou de Lubumbashi.
570
La pratique de juges ad hoc désignés par les États parties au procès devant la Cour
internationale de justice a donné des bons résultats parce qu’elle achève de faire
participer les États à la fois comme juges et comme parties au procès de sorte
qu’il est exclu qu’un État jugé à ce niveau puisse arguer de n’avoir pas eu à
exprimer littéralement ses vues. Chaque État a le droit de se choisir un juge qui
porte en fait son point de vue. Dans un cas récent, cette pratique a donné
naissance à une belle littérature qui deviendra certainement un classique, aux
dires de son préfacier, lire SAYEMAN BULA-BULA, Les immunités pénales et
l’inviolabilité du ministre des Affaires étrangères en droit international. Principe.
Caractères. Portée. Exceptions. Limites. Sanctions., (Affaire du mandat du 11 avril
2000. RdCongo c. Royaume de Belgique, CIJ, arrêt du 14 février 2002), Kinshasa,
PUK, 2004.

303
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

membres, sauf empêchement temporaire de deux d’entre eux au


plus, dûment constaté par les autres membres ».
En raison du caractère général de l’expression « empêchement
temporaire », faut-il y inclure les cas de récusation et de suspicion
légitime ? La disposition en lecture semble induire que deux juges
seulement sont susceptibles d’être empêchés notamment par la récu-
sation dans les conditions ordinaires de récusation. Est-il possible
d’en récuser trois ou quatre sans bloquer la Cour et surtout violer la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
loi organique de cette institution ? En droit comparé, cette question
vient de se poser avec acuité devant le juge constitutionnel burkina-
bé sous la Décision n° 2005- 004/CC/EPF du 14 octobre 2005 sur le
recours du candidat Bénéwendé Stanislas Sankara tendant à récuser
quatre (04) membres du Conseil constitutionnel.571 Sur les neuf
membres du Conseil constitutionnel, quatre étant récusés, quatre
autres ont dû siéger et rejeter la requête en récusation sans vérifier la
régularité de leur propre composition exposant de la sorte leur œu-
vre à la critique. La suspicion légitime obéit à la même difficulté et
oblige la Cour constitutionnelle à ne pas siéger. Et Dieu seul sait
combien les politiciens seront tentés de l’empêcher à travailler à tra-
vers un tel mécanisme.
Plus près de nous, le Conseil national de l’Ordre des Avocats qui
siège aussi à neuf membres a été obligé d’interdire à travers son rè-
glement intérieur-cadre la suspicion légitime et la récusation de plus
de deux de ses membres.572 Le caractère illégal d’une telle disposition
ressort du fait évident que la question de procédure devant un juge ne
peut être réglée par voie des dispositions générales par le juge lui-
même. Le législateur doit intervenir. Mais en attendant, la solution
peut être imitée au profit de la Cour constitutionnelle pour éviter le
désagrément burkinabé qui est loin d’être théorique.
La récusation est le moyen de procédure par lequel le juge peut
être remplacé pour certains motifs qui peuvent faire douter de son
impartialité. Il s’agit là d’un principe aussi universel qu’ancien fondé

571
Décision du 14 octobre 2005, Journal Officiel du Burkina Faso, n° 50, du
15 décembre 2005.
572
Lire article 90 du Règlement intérieur-cadre révisé en 2009.

304
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

sur l’impossibilité pour le justiciable de se conformer à une décision


de justice s’il est prouvé que le juge a agi non selon la justice et le
droit, mais par intérêt, faveur ou haine. Naturellement, ce moyen de
procédure n’a pu véritablement se développer que lorsque les juges
furent imposés aux justiciables. Et c’est le cas lorsque toute la juri-
diction est suspectée de partialité.573
L’exposé que nous venons de faire sur la composition de la Cour
constitutionnelle ne serait pas complet si nous ne disons un mot sur

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
le statut du juge qui va y siéger. Il s’agit d’étudier à la fois le statut
financier et le statut fonctionnel des membres de la Cour.

B. Statut
Il n’est pas possible, à notre avis, de parler de statut du juge qui
doit dire le droit sans étudier au demeurant les conditions matériel-
les dans lesquelles il est situé pour ce faire. C’est ainsi que l’on parle-
ra de son traitement avant d’analyser son statut juridique au regard
des normes juridiques en notre possession.
Le traitement du membre de la Cour constitutionnelle est, aux
termes de l’article 10 du projet de loi organique sur la Cour constitu-
tionnelle, fixé par une loi de même que les indemnités et autres
avantages.574 Cette disposition, pour claire qu’elle soit, appelle
néanmoins ce commentaire : d’abord, le législateur organique aurait
fait économie des textes en fixant directement ce traitement au lieu
de le renvoyer au législateur ordinaire, et, ensuite, il nous parait très
utile que le traitement des membres de la Cour soit au moins celui
d’un ministre pour la raison bien simple que le greffier en chef de
cette juridiction revêt déjà le grade de secrétaire général de
l’administration publique. Le président de la Cour devrait recevoir
le traitement d’un Premier ministre.
Il va sans dire que pareil traitement est de nature à assurer une ré-
elle indépendance matérielle aux conseillers et aux conseillers réfé-

573
Dans ce sens, lire la belle thèse de BERNABE (B.), La récusation des juges. Étude
médiévale, moderne et contemporaine, Paris, LGDJ, 2009, 440 p.
574
Projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, article 10, p. 5.

305
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

rendaires qui les secondent. En effet, les personnes investies de la


mission essentielle de protéger la Constitution contre les excès de
pouvoir législatif et exécutif doivent tout au moins être traités
comme les personnes dont ils contrôlent les actes.
Autrement, la Cour risque de rejoindre les autres institutions de
décoration politique qui ornent le musée des constitutions africaines
passées. L’efficacité de cette haute juridiction passe aussi en effet par
là.

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S’agissant du statut soit de la nature juridique des fonctions
confiées aux membres de la Cour, il sied de dire que les normes po-
sent problème. Si la Constitution pose le principe simple que la
Cour est composée de neuf membres, le projet de loi susmentionné
leur attribue l’appellation de conseiller.575
Cette dénomination rappelle brusquement celle que le législateur
congolais a toujours donnée aux juges des cours d’appel et de la
Cour suprême de justice en début de carrière auprès de ces hautes
juridictions. Nous pensons que le législateur organique peut faire
preuve d’imagination en les appelant, par exemple, Haut Conseillers
d’État qui seraient ainsi différents de conseillers d’État près le
Conseil d’État. Conseiller tout court ne nous parait pas suffisant
pour ce qui est de la différenciation des autres types des magistrats
en République démocratique du Congo.
Le statut du membre de la Cour est qu’il n’est pas magistrat de
carrière comme l’affirme la loi organique n° 06/020 du 10 octobre
2006 portant statut des magistrats.576 Dès lors, il aurait apparu com-
me une incongruité au regard de la cohérence systémique que le pré-
sident de la Cour constitutionnelle siège au Conseil supérieur de la
magistrature, s’il n’était magistrat lui-même.577

575
Ibidem, p. 4, article 1er alinéa 2.
576
JORDC, Numéro spécial, 47e année, Première partie, Kinshasa, 25 octobre 2006,
p. 21, article 90.
577
Loi organique n° 08/013 du 5 août 2008 portant organisation et fonctionnement
du conseil supérieur de la magistrature, JORDC, numéro spécial, 49e année,
première partie, Kinshasa, 11 août 2008, p. 3, article 4.

306
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Toutefois, il faut d’emblée soutenir le législateur dans cette voie


qui consiste à introduire des éléments non issus de la magistrature
dans le seul organe chargé de surveiller la moralité. Telle est du reste
la tendance dans plusieurs autres pays à démocratie avancée comme
la France dont le rapport Balladur ne propose pas autre chose que ce
que le législateur congolais a fait.578 Nous approuvons que les mem-
bres de cette instance juridictionnelle soient rendus justiciables de la
Cour de cassation et cela, au simple motif qu’ils ne sauraient être

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juge et partie en leur propre cause.
Il importe de souligner que les membres du parquet près la Cour
constitutionnelle, eux aussi, sont des magistrats même si le statut des
magistrats les a complètement omis de sa liste annexée à la loi sus-
mentionnée. En effet, même s’ils sont nommés pour un mandat non
renouvelable de neuf ans au parquet près cette juridiction, les mem-
bres de ce parquet sont définis comme magistrats du ministère pu-
blic, aux termes du projet de loi organique précité.579
Ainsi donc, le législateur organique du Conseil supérieur de la
magistrature semble avoir pris en flagrant délit d’omission son collè-
gue de la loi sur le statut des magistrats en complétant le siège dudit
Conseil avec les magistrats issus de ce parquet général.580
Il semble plus correct de voir dans cette catégorie, des magistrats en
détachement. Le terme mandat inclus à la disposition en chantier pose
aussi problème dans la mesure où cette notion écarte, à notre sens,
tout concept d’avancement qu’implique le signalement prévu par le
projet. En effet, il nous semble correct de ne voir d’avancement que
dans une carrière. Pour des raisons de cohérence légistiques, il serait
bon d’effacer tout simplement le terme mandat de la formulation de
cette disposition légale.

578
Lire pour des détails fort intéressants, COMITE DE REFLEXION ET DE
PROPOSITION SUR LA MODERNISATION ET LE REEQUILIBRAGE
DES INSTITUTIONS DE LA Ve REPUBLIQUE, Une Vè République plus
démocratique, Bibliothèque d’études doctorales de la Sorbonne, Paris, 2007,
p. 149, v° Projet d’article 65.
579
Article 12, alinéa 3 in fine.
580
Lire les articles 4, 14 et 19 de la loi organique sur le conseil supérieur de la
magistrature, op. cit., pp. 3-6.

307
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

De même, il est inadmissible que le statut des conseillers référen-


daires chargés d’assister les membres de la Cour dans
l’accomplissement de leur mission soit renvoyé à un règlement inté-
rieur de la Cour elle-même.581 Il s’agit, à n’en pas douter, d’une paresse
du législateur qui peut faire l’économie de temps et de textes en édic-
tant des normes sur le statut de ces référendaires. Il n’est pas vain de
proposer qu’ils aient le statut de magistrat revêtu du grade au moins
égal à celui de conseiller de cour d’appel.

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Dans la pratique d’autres cours constitutionnelles dans le monde,
les référendaires finissent souvent par être des membres titulaires à la
Haute Cour tout simplement parce qu’ils disposent d’un avantage
certain sur tout autre juriste : l’avantage de l’expérience. Et en plus,
participant à la confection des décisions de la Haute Cour, ils doi-
vent être magistrats pour pouvoir être astreints au devoir de réserve
et de confidentialité.
Quant au régime disciplinaire qui est le pendant naturel du statut
avantageux reconnu au membre de la Cour constitutionnelle, le légi-
slateur a tôt mieux fait de le soumettre à la discipline du Conseil su-
périeur de la magistrature.582 Par le biais de cette procédure discipli-
naire, le juge constitutionnel, envisagé comme censeur suprême, se
retrouve dans les liens du contrôle de tout juge. Ceci offre un avan-
tage assez limité certes en répondant provisoirement à la question
capitale : quis custodiat custodem ?
La réponse est provisoire car l’on ne saurait compter définitive-
ment sur le conseil supérieur de la magistrature, par ailleurs dirigé
par le président de la Cour constitutionnelle, lui-même élu par ses
pairs, donc redevable électoralement à sa clientèle, pour punir les
actes illégaux du juge constitutionnel.
Là, le dernier rempart se trouve dans la moralité sans faille qu’est
censé avoir chacun des membres de cette haute juridiction. Autre-
ment, il faudra se fier à l’homme avec les risques de dérapages qui
sont liés du reste à la nature faillible de ce dernier !

581
Voy article 11 alinéa 2 du projet de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, p. 5.
582
Voy 24 alinéa 4 du projet de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, p. 8.

308
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Il est dit que le droit est une configuration rationnelle du vécu de


l’homme dans la société et comme tel, il doit exprimer des valeurs
qui sont en vogue dans cette dernière ou celles vers lesquelles elle
doit tendre. À cet égard, le juge issu de la société ne doit-il pas incar-
ner, en fin de compte, la vision morale du peuple ? Est-ce suffisant ?
C’est pour cela seul que la loi a toujours institué une procédure, ga-
rante du droit contre l’arbitraire qui s’accommode de l’absence des
formes.

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C. Procédure
La lecture attentive du projet de loi organique sur la Cour consti-
tutionnelle donne à voir que le législateur congolais, à l’instar de ses
collègues de l’espace juridique francophone, est demeuré dans le
droit fil d’une normativité laconique en ce qui est de la procédure.
Cent et trois articles, pour pareille juridiction censée gérer au moins
dix attributions répertoriées par le projet, paraissent bien minces
surtout lorsque l’on se rappelle que le constituant a ouvert la saisine,
du moins en certaines matières, aux particuliers. 583
Si les effets attachés aux arrêts d’inconstitutionnalité et de non-
conformité sont détaillés dans le projet de loi organique sous étude, il
faut en revanche noter que la procédure devant la Cour se déroule
comme devant les juridictions de droit commun où les audiences sont
publiques. À ce niveau, la procédure sera écrite et contradictoire. L’on
peut déjà saluer l’institution de la chambre restreinte comme méca-
nisme de filtrage de recours. En effet, de nombreux recours mus par
des soucis divers sont de nature à surcharger la Cour pour ce qui est
de son travail juridictionnel ; cette chambre restreinte aura donc pour
tâche de ne laisser passer que les seuls recours dignes d’être examinés
in plenum.584
Sur ce registre, il nous semble techniquement difficile à expliquer
que le législateur qui a fermé le prétoire aux parties en ce qui est de
la postulation en matière de cassation, en exigeant la représentation

583
Voy article 162 alinéas 2 et 3 de la Constitution.
584
Voy article 54 alinéa 3 du projet de loi portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, p. 13.

309
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

obligatoire des avocats qualifiés, car il s’agit d’un procès fait à une
décision judiciaire, ait omis de le faire en matière constitutionnelle
dont la technicité est plus que légendaire. 585
Il n’y a qu’à suivre des débats houleux et animés que nos chaînes
de télévision nous déversent à longueur des journées sur la matière
constitutionnelle avec les politiciens et constitutionnalistes de cir-
constance, pour nous rendre à l’évidence que le prétoire doit être
réservé aussi à des spécialistes.586 De sorte que des requêtes bien pré-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
sentées, la Cour composée également des spécialistes n’ait à tirer que
de la moelle du droit constitutionnel enfin réhabilité.
N’oublions pas au demeurant, comme nous le rappelle la doctri-
ne, que la décision constitutionnelle est le résultat du rapport de
constitutionnalité que le juge constitutionnel établit entre la norme
contestée et la norme constitutionnelle. Or, l’établissement du rap-
port de constitutionnalité n’est pas, pour le juge constitutionnel,
aussi simple qu’on pourrait le croire à première vue.
Comme l’a montré Jean-Jacques Pardini, il y a une contradiction
apparente dans la mise en relation entre l’opération de qualification
juridique des faits et le contrôle de constitutionnalité des lois. Alors,
en effet, que la première a pour objet d’assurer une relation circulai-
re entre le droit et le fait – entre ce qui est et ce qui doit être – la se-
conde, à l’inverse, se limite « en principe » à l’examen des relations
entre normes juridiques.587

585
Lire avec intérêt MATADIWAMBA KAMBA MUTU, « L’originalité du procès
en cassation », Revue juridique Justice, Science et Paix, n° spécial, Kinshasa,
juin 2004, pp. 61-67.
586
Ce serait une occasion pour instituer un barreau spécifique devant cette haute
juridiction susceptible de regrouper les avocats spécialisés en droit public. Ici,
comme condition d’accès, le législateur exigerait de l’impétrant une ancienneté
de dix ans d’inscription au tableau d’un barreau près la Cour d’appel pour éviter
tout amateurisme et une publication en matière de droit public interne
notamment en matière de droit constitutionnel pour justifier de la compétence
en ce domaine. Une troisième condition essentielle serait la détention d’un
diplôme d’études supérieures en droit public et ceci, pour stimuler les avocats
congolais à faire des études spécialisées.
587
Lire PARDINI (J.-J.), « La qualification constitutionnelle des faits », Mélanges
dédiés à la mémoire du doyen Favoreu, La justice constitutionnelle, Paris, Dalloz,
2007.

310
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Le « refrain » est connu : le juge constitutionnel ne connaît que le


droit, le droit de la Constitution, le droit législatif. Cet auteur dé-
montre que cette contradiction apparente n’est pas. Il propose un
essai de systématisation du contrôle opéré par le juge constitutionnel
sur la loi en s’efforçant de prouver, décisions à l’appui, que la quali-
fication juridique des faits joue souvent comme une mesure à deux
temps : on la trouve dans le contrôle des motifs de la loi et dans le
contrôle du rapport moyen-fin tel que déterminé par le législateur.

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C’est peut-être aussi le lieu de noter que les décisions du juge cons-
titutionnel répondent à une typologie que l’on doit à Thierry Di
Manno.588 Aussi, il nous paraît utile d’anticiper ici cette catégorisation
que nous préconisons par ailleurs. Il s’agit de la constitutionnalité pré-
caire. Cette catégorie de décisions constitutionnelles est bien identifiée
dans la jurisprudence constitutionnelle italienne, mais ne semblait pas,
jusque-là, avoir été clairement repérée dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel français.
Pourtant, ce type de décisions constitutionnelles est bien présent
dans les deux contentieux constitutionnels. Les décisions de consti-
tutionnalité précaire sont des décisions par lesquelles le juge consti-
tutionnel délivre un brevet de constitutionnalité précaire à la loi
contrôlée lorsqu’un intérêt général justifie, au moment du contrôle,
qu’il soit porté une atteinte temporaire aux droits fondamentaux
constitutionnellement garantis.
En fait, il existe deux types de décisions de constitutionnalité
précaire : les décisions de constitutionnalité provisoire qui n’admettent la
constitutionnalité de la loi que dans la mesure où cette loi revêt un
caractère temporaire et contingent ; et les décisions d’inconstitutionnalité
non déclarée qui reconnaissent l’inconstitutionnalité de la loi contrôlée
mais qui ne la déclarent pas en raison de la situation de plus grande
inconstitutionnalité qui en résulterait. Ces dernières décisions se
traduisent alors par une directive adressée au législateur de réparer lui-
même cette inconstitutionnalité reconnue mais non déclarée. Cette

588
Lire l’étude de Thierry Di MANNO, « Les décisions de constitutionnalité précaire
en Italie et en France », Liber Amicorum Jean-Claude Escarras, La communicabilité
entre les systèmes juridiques, op. cit., pp. 203-234.

311
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

technique est de nature à agrandir l’efficience du cours de contrôle de


constitutionnalité au Congo.
Nous opinons du reste que l’efficience de la procédure dépend
aussi de la qualité de gens de justice en l’occurrence les greffiers et
autres huissiers de justice. En effet, la Haute Cour ne saurait être
mieux outillée du point de vue procédural en l’absence des greffiers
compétents. Le législateur organique en chantier semble avoir pris
en compte ce souci de doter la Cour constitutionnelle d’un greffe

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d’une compétence tous azimuts. En effet, il exige du greffier d’être
titulaire d’une licence en droit, d’avoir réussi à l’examen d’aptitude
professionnelle à organiser par la Cour et avoir, entre autres critères,
une expérience utile d’au moins deux ans. 589
C’est raison pour laquelle les exigences de nomination d’autres
membres de la Cour doivent être supérieures à celles posées pour
être greffier ; sinon il y aura effectivement problème.
En revanche, lorsqu’il s’agira du contentieux électoral désormais
confié au juge constitutionnel, nous pensons que le caractère oral des
débats apportera un avantage certain à la justice qui gagnera ainsi en
crédibilité et en transparence.
En effet, s’agissant d’un peuple issu tout droit de la civilisation de
l’oralité, il est illusoire de ne prendre en compte que les écritures des
plaideurs dont la sécheresse émotionnelle est de nature à contribuer
à rendre la justice inaccessible à ses destinataires.
Le caractère oral des débats emprunte ainsi à la palabre africaine
dont les souvenirs ne sont pas encore totalement évanouis dans
l’inconscient collectif des congolais et dont la résurrection du reste
envisageable et possible du point de vue technique n’est pas pour
déplaire le justiciable congolais.590

589
Lire article 20 du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement
de la Cour constitutionnelle, p. 7.
590
Lire pour une théorie systématisée de la notion de justice de palabre africaine,
KABONGO-KANUNDOWI (Mgr E.) et BILOLO MUBABINGE, Conception
Bantu de l’autorité, Munich, Kinshasa, Publications Universitaires Africaines,
1994 ; BUAKASA TULU KIA MPANSU, L’impensé du discours. « Kindoki » et
« Nkisi » en pays kongo du Zaïre, 2e édition revue et corrigée, thèse de doctorat en

312
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Le congolais dans son quotidien connaît et pratique la vertu de la


parole qui est à la fois incantation et rite de désenchantement. Ainsi,
une justice qui se ferait dans l’austérité de l’écrit serait technique-
ment appréciable mais elle serait privée du même coup de l’aura que
confère la parole.591 Le constituant lui-même semble avoir compris
cela lorsqu’il énonce imperturbablement que les jugements sont
prononcés en audience publique.592
Par ailleurs, le caractère oral de la procédure ne serait encouragé

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
qu’en matière électorale même si là aussi les écritures auraient tou-
jours un impact sérieux dans le fonctionnement de la Cour. C’est le
lieu de fustiger le comportement anarchique de la Cour suprême de
justice qui s’est déclarée saisie sur pied des communiqués de presse
faits à la radio ou à la télévision entraînant ainsi de façon anormale
des recours en tierce opposition qu’elle aurait dû éviter en signifiant
les recours à toutes les parties concernées par l’élection attaquée.
Comme qui dirait, il y a eu excès d’oralité.
De même, dire comme le fait le projet de loi organique sous revue
que le délai de prononcer des arrêts est un délai d’ordre dépourvu
ainsi de toute sanction en cas de violation, c’est, à notre sens, encou-
rager la paresse des membres de la Cour qui doivent être à même de
rendre des décisions dans les soixante jours sans que l’on doive at-

sociologie, Université de Paris, 1971, (publiée), Kinshasa, Faculté de théologie


catholique, 1980 ; BOSHAB (E.), Pouvoir et droit coutumiers à l’épreuve du temps,
Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2007 ; MARCOU (J.), Justice
constitutionnelle et systèmes politiques, coll. Politique en plus, Grenoble, PUG,
1997 ; LOKADI LONGANDJO (R.), Les enjeux et les défis de la transition
démocratique en République démocratique du Congo, tome 1, Éléments pour une
morphologie de la démocratie congolaise, Kinshasa, Éditions COREP, 2005 ;
MAPPA (S.), Pouvoirs traditionnels et pouvoir d’État en Afrique. L’illusion
universaliste, Paris, Karthala, 1998.
591
Lire van COMPERNOLLE (J.), « A propos d’une garantie constitutionnelle du
procès équitable : la publicité de la justice » ; LAVAL (G.) et Alii (sous la direction
de), L’humanisme dans la résolution des conflits, Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 511-
520.
592
Constitution de la République démocratique du Congo, article 21.

313
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tendre indéfiniment une justice qui donne ainsi l’impression d’être


tirée en longueur et par les cheveux.593
Telles sont les conditions préalables à une justice constitutionnelle
efficace, efficiente et effective. Pareille affirmation appelle sans contes-
te un tempérament car l’efficacité d’une institution s’inscrit dans une
très complexe relation psychosociologique entre les hommes appelés à
assumer les rapports de pouvoir et les destinataires des décisions de ces
derniers. En effet, il n’y a pas de génération spontanée ni de juges

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Melchisédech dont la généalogie commencerait par eux-mêmes. Les
juges sont déjà et toujours des congolais ; c’est donc toute la société
politique qui doit connaître un saut qualitatif susceptible d’engendrer
une véritable révolution des mentalités. Il faut une mue. Mais là aussi,
l’exemple vient toujours d’en haut.
Au risque d’élaborer un discours éthique qui, au demeurant, n’est
pas très loin de finalités du droit, il convient de prendre conscience
de l’existence d’une exigence morale profonde qui fait participer la
justice de la divinité.
En effet, avec Maurice Kamto, rappelons que Thémis, fille
d’Ouranos le dieu du ciel, déesse grecque du Droit et de mœurs,
créée pour mettre de l’ordre dans l’Univers et faire régner la justice
parmi les hommes, protectrice de l’assemblée du peuple est identifiée
chez les Romains avec Justitia reproduite avec un bandeau sur les
yeux et une balance suspendue par ses doigts.594
Ce recours au discours mythologique occidental qui fonde
l’indépendance et l’impartialité des juges ne doit pas occulter l’autre
discours mythologique africain bantou qui fait participer les ancêtres
à la justice comme une fonction sociale de continuité de la société.
Au lieu de venir du Ciel comme la fille d’Ouranos, la justice nè-
gre vient d’en bas. Elle est construite par les hommes pour les

593
Lire exposé des motifs du projet de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, p. 3.
594
Lire KAMTO (M.) « La fonction administrative contentieuse de la Cour suprême
du Cameroun », in CONAC (G.) et du bois de GAUDUSSON (J.) (sous la
direction de), Les cours suprêmes en Afrique, tome III, La jurisprudence
administrative, Paris, Economica, 1988, pp. 34 et 52.

314
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

hommes mais sous la présence des ancêtres ici représentés par les
chefs coutumiers.
Voilà pourquoi la différence des fondements mythologiques et
cosmogoniques entraîne une asynchronie mythologique, pour parler
comme Jacques Djoli, mais surtout une inadaptation sociale dont le
coût est exorbitant pour les populations qui ne se reconnaissent guè-
re dans la justice qui est pourtant rendue, aux dires de la Constitu-
tion, au nom du peuple qu’elles constituent. Il est donc essentiel de

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prolonger la réflexion sur la possibilité de faire participer la popula-
tion à l’exercice de la justice.
Il n’y a qu’à observer les chants et proverbes du peuple qui ryth-
ment et accompagnent les palabres africaines pour comprendre
l’incontestabilité des sentences rendues avec sa bénédiction.

315
316
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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

CONCLUSION
DE LA PREMIÈRE PARTIE

Ces longs développements nous amènent ici à résumer que les


modèles de justice constitutionnelle sont toujours des cadres idéaux
de la conception du pouvoir dans une société donnée. Pour le mon-
trer, cette étude s’est attelée à indiquer à travers les deux grands mo-

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dèles de justice constitutionnelle connus dans le monde qu’il y a à la
fois d’éléments de divergence au-delà de la convergence toute natu-
relle qui se trouve dans la volonté de modérer le pouvoir et de pro-
téger ainsi les gouvernés. Les caractéristiques du contentieux consti-
tutionnel étudiées dans chacun des modèles retenus ont indiqué fina-
lement que les traits techniques du contentieux adopté dans chaque
pays sont fonction du choix que ce dernier opère lors de son consti-
tutionnalisme, c’est-à-dire lors de sa volonté constituante à limiter le
pouvoir.
Ce parcours d’un pays à un autre nous a permis de noter que les
fondements théoriques de la justice constitutionnelle sont différents
selon la place que le juge constitutionnel occupe dans l’architecture
politique et constitutionnelle. Aussi, est-il important de noter que
selon cet emplacement institutionnel, deux séries des conséquences
ont été relevées tant à l’égard de l’ordre politique que vis-à-vis de
l’ordre juridique.
C’est ainsi que l’on n’a pu observer que du point de vue juridique
qui est l’expression de l’ordre politique libéral, la primauté du droit
constitutionnel est comme la traduction en termes juridiques de la
séparation des pouvoirs qui induit la protection de la minorité et de
droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi, dans cet ordre
qui s’appréhende comme la matrice de la justice constitutionnelle,
une sorte de sacralité est accordée au droit et au droit constitution-
nel, en particulier et la figure du juge chargé de dire ce droit spécial
apparaît comme transfigurée en une sorte de grand prêtre d’un culte
moderne et laïc : le droit.
Si toutes ces affirmations aux allures des propos liturgiques sont
ressassées par la doctrine occidentale595, il reste que la société politique

595
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, op. cit., pp. 456-459.

317
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

congolaise du fait de son appartenance au continent noir la prédispose


à jeter un œil chez le voisin. Là aussi, un mimétisme effarant et sou-
vent des innovations audacieuses ont été relevés selon les quelques
pays choisis comme symptomatiques d’une Afrique qui avance.
L’étude a tout naturellement abouti à quelques propositions de ré-
forme de la justice constitutionnelle en République démocratique du
Congo.
La proposition centrale est que l’architecture juridictionnelle ac-

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tuelle devrait être maintenue avec quelques accommodements tech-
niques notamment en introduisant la notion des juges ad hoc qui se-
raient des chefs coutumiers chaque fois que le juge constitutionnel
serait amené à se prononcer sur un conflit touchant aux intérêts
d’une communauté de base.
Une démonstration a été fournie sur ce modèle que l’étude pro-
pose comme susceptible d’installer un juge constitutionnel efficace,
efficient et effectif. L’on a discuté de conditions de son recrutement
et celles de son travail qui constituent son statut juridique et finan-
cier, seul garant de son indépendance. Quelques suggestions ont été
formulées pour rendre la justice elle-même accessible et transparente
à ses destinataires que sont les populations congolaises.
Cette tentative d’analyse des fondements de la justice constitu-
tionnelle est inscrite tout logiquement dans les données heuristiques
d’une solution au problème fondamental d’installer un État de droit
en République démocratique du Congo. En effet, sans État de droit
comme arrière-fond épistémologique, le juge constitutionnel
n’apparaîtrait que comme un visage défiguré et pâle dans une carica-
ture institutionnelle propre à un pays à forte tradition autocrati-
que.596
Le juge constitutionnel n’est en effet respecté que dans la mesure
où il incarne la bouche de la Constitution qui contient in se la pro-
clamation et la garantie des droits fondamentaux des citoyens. En

596
L’expression ici employée est empruntée à NGONDANKOY NKOY ea
LOONGYA (P. G.), Le contrôle de constitutionnalité en République
démocratique du Congo. Étude critique d’un système de justice
constitutionnelle dans un État à forte tradition autocratique, thèse de doctorat
en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.

318
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES

d’autres termes, la Constitution doit, pour être respectée, contenir


un compromis social entre le pouvoir et le peuple sur lequel il
s’exerce. C’est dire, en conclusion, que cette étude se situe aux
confins de la problématique de l’État de droit constitutionnel dans
un pays à forte tradition autocratique.597 Mais comment l’organiser ?
La réponse à cette question tout aussi capitale que celle des fonde-
ments est l’objet de développements que nous exposons dans la se-
conde partie de cette étude.

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597
Il n’est pas vain, en outre, de montrer que le caractère autocratique appelle
presque partout une justice constitutionnelle propre à endiguer les dérives
dictatoriales du régime une fois que ce dernier s’est démocratisé. En tout cas,
c’est le premier mécanisme auquel pensent les techniciens du droit lorsqu’il faut
installer un État de droit. Pour schématiser, l’État de droit est fils de la dictature.

319
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PARTIE II :
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

DES ANCRAGES PRATIQUES

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

INTRODUCTION

Il est connu, de nos jours, que l’histoire est une science auxiliaire
du droit et, à ce titre, son apport à la compréhension des institutions
juridiques est essentiel.598
Aussi, dans le premier chapitre de cette seconde partie, nous attel-
lerons-nous à l’étude des origines et de l’évolution de la juridiction

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constitutionnelle en République démocratique. En effet, l’étude his-
torique de cette institution éclairera, nous l’espérons, les dévelop-
pements consacrés à sa compétence, à la procédure suivie devant elle
ainsi qu’aux effets nombreux et divers attachés à ses décisions.
Il est donc utile de savoir que le juge constitutionnel congolais a
une histoire à travers laquelle l’on peut situer les étapes de son instal-
lation et le développement de sa jurisprudence. L’héritage colonial
belge a naturellement laissé quelques traces, même si, par la suite, le
regard a été porté sur l’expérience des autres pays francophones, la
France en tête.
L’essentiel de l’analyse consistera donc à déterminer in concreto
les mécanismes juridiques par lesquels le juge constitutionnel congo-
lais protège le pacte constitutionnel et les droits de la personne hu-
maine. Cet exercice est d’une actualité brûlante tant le droit consti-
tutionnel contemporain est marqué par une judiciarisation qui va
sans cesse croissante.
Il est en effet utile de remarquer que la République démocratique
du Congo, sortie à peine des limbes des régimes autocratiques aussi
insouciants des libertés publiques les uns que les autres, éprouve le
besoin légitime d’articuler des mécanismes juridiques précis en vue
d’enrayer les tentatives certes nombreuses de brimer les citoyens.
L’étude minutieuse de ces mécanismes est le thermomètre à l’aune
duquel l’on peut efficacement apprécier la praticabilité des prescrits
constitutionnels. Par ailleurs, la jurisprudence se révèle ici dans toute
sa splendeur comme le guide sûr dans les méandres du labyrinthe
juridictionnel.

598
CARBASSE (J.-M.), Manuel d’introduction historique au droit, 2e édition
corrigée, Paris, PUF, 2004, pp. 13-23.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En effet, la lecture attentive des arrêts donne à voir et parfois


même à soupçonner le raisonnement du juge comme si l’on avait
participé au délibéré. C’est la raison pour laquelle cette seconde par-
tie sera essentiellement consacrée à l’analyse de la production juris-
prudentielle qui est certes mince mais déjà fort intéressante tant ses
lignes de force tout comme ses faiblesses sont perceptibles. Une doc-
trine assez massive a déjà fort heureusement emprunté la voie de la
critique et permet ainsi à cette étude de bénéficier des commentaires

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de savants juristes de notre pays.599
Le droit congolais en effet ne pouvant rester en marge de
l’évolution dont les étapes avaient déjà été tracées dans l’introduction
de cette étude, il importe de montrer comment il inscrit ses avancées
et ses reculs dans la perspective de la mondialisation. Il est entendu
qu’enfin d’analyse, une conclusion partielle sera tirée pour ce qui est
de modalités d’exercice de la justice constitutionnelle. Des perspecti-
ves seront ouvertes là aussi pour tenter d’inventer ou d’améliorer la
justice constitutionnelle congolaise.
À présent, voyons les origines de ce mécanisme.

599
Lire MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel
congolais, Kinshasa, EUA, 1999 ; KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge
constitutionnel et du juge administratif suprême en droit public congolais. Lecture
critique de certaines décisions de la Cour suprême de justice d’avant la Constitution
du 18 février 2006, Kinshasa, Éditions Eucalyptus, 2007 ; VUNDUAWE te
PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, Bruxelles, Larcier, 2007 ;
WETSH’OKONDA KOSO SENGA (M.), Les perspectives des droits de l’homme
dans la constitution congolaise du 18 février 2006, Kinshasa, Éditions de la
Campagne pour les droits de l’Homme au Congo, 2006 ; NGONDANKOY
NKOY-ea-LOONGYA, Droit congolais des droits de l’homme, Louvain-la-Neuve,
Academia-Bruylant, 2004 ; KILENDA KAKENGI BASILA (J.-P.), Le contrôle
de la légalité des actes du magistrat dans l’administration de la justice criminelle en
RdCongo, thèse de doctorat en droit, Katholieke Universteit Leuven, 2002 ;
MBOKO Dj’ANDIMA, L’État de droit constitutionnel en République
démocratique du Congo. Contribution à l’étude des fondements et conditions de
réalisation, Mémoire de DES en droit public, Université de Kinshasa, Faculté de
Droit, 2005 ; NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA, Le contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo. Étude critique d’un
système de justice constitutionnelle dans un État à forte tradition autocratique, thèse
de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.

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PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

CHAPITREI :
ORIGINES ET ÉVOLUTION HISTORIQUE
DE LA NOTION DE JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE EN RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO

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Nous aborderons ce sujet à travers trois étapes que sont : la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ou
l’héritage du droit colonial belge, la Constitution du 1er août 1964 et
la Cour suprême de justice instituée par la Constitution du 24 juin
1967. Malgré cette classification, l’on peut également retracer
l’histoire de la justice congolaise en deux périodes : celle de la créa-
tion et de l’installation manquée d’une Cour constitutionnelle et
l’époque de l’institutionnalisation de la Cour suprême de justice,
toutes sections réunies, comme juge constitutionnel.
Mais avant d’y arriver, disons un mot sur l’héritage du droit co-
lonial belge en ce domaine.
De prime abord, l’on doit rappeler que c’est seulement en 1980
que la Belgique s’est dotée d’une juridiction constitutionnelle, appe-
lée « Cour d’arbitrage » à l’origine, dont la composition, la compé-
tence et le fonctionnement sont déterminés par renvoi de
l’article 142 de la Constitution coordonnée, par la loi spéciale du
6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage.600 Ainsi, la Cour d’arbitrage
statuait-elle, par voie d’arrêt, sur les recours en annulation, en tout

600
L’on peut se reporter utilement aux développements que nous consacrons à la
Cour constitutionnelle belge, au paragraphe deuxième de la section seconde du
premier chapitre de la première partie de cette étude. Il s’agit en effet d’une loi de
révision de la constitution belge du 7 février 1831 qui introduisit dans la
Constitution un article 107 ter (actuel article 142). Cet article fut révisé à son
tour le 15 juillet 1988 en vue d’étendre les compétences de la Cour d’arbitrage et
d’exiger l’adoption d’une loi spéciale pour régler sa composition, son
fonctionnement et ses compétences.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ou en partie, d’une loi, d’un décret ou d’une règle législative des


communautés ou des régions portées en vertu de la Constitution.601
De ce qui précède, et ce, jusqu’en 1980, il y a eu, en Belgique, ab-
sence de contrôle de constitutionnalité des lois. Le texte constitu-
tionnel du 7 février 1831 n’en faisait aucune mention. Les cours et
tribunaux ne pouvaient, jusqu’à la création du Conseil d’État en
1946, que refuser d’appliquer les actes administratifs illégaux par
voie de l’exception d’illégalité.602

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L’on peut comprendre qu’en vertu de l’article 107 de la Constitu-
tion belge à l’époque les règlements devaient être conformes aux lois
et autres normes supralégislatives dont la Constitution elle-même.
Aussi, indirectement les cours et tribunaux devaient-ils refuser
d’appliquer des règlements inconstitutionnels. Longtemps, « la Bel-
gique reste attachée au dogme de l’infaillibilité du législateur. Elle ne
prescrit pas, à l’origine, le contrôle juridictionnel des lois. Elle le
prohibe même. Pendant plus d’un siècle, elle n’a organisé de contrô-
le qu’à l’égard des règlements ».603
En effet, le contrôle de constitutionnalité des règlements était te-
nu en échec lorsque la violation de la Constitution était le fait d’une
règle du niveau de la loi dont le règlement ne fait que procurer exé-
cution. Ce raisonnement se dégage à partir de l’article 107, actuel
article 159, de la Constitution belge.604
Dans ce contexte, l’on peut comprendre aisément qu’aucune dis-
position de la Loi du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du

601
Voir M.B., 7 janvier 1989 ; Les codes Larcier belges, tome VI, A. Droit public,
2003, p. 340 ; Complément tome VI, 2004, mis à jour au 1er janvier 2004, p. 79.
602
Voy en ce sens DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit.,
n° 76, pp. 96-97.
603
Idem, n° 75, p. 95.
604
Dans la pratique, note Charles HUBERLANT, les cours et tribunaux ont
surtout l’occasion d’user du pouvoir que leur confère l’article 159 lorsqu’ils sont
saisis de poursuites répressives, d’actions civiles en responsabilité dirigées contre
les personnes de droit public ou de recours organisés par des lois particulières
contre des actes administratifs déterminés (« Le contrôle des actes administratifs
par les cours et tribunaux en Belgique », Rapports belges au IXe congrès international
de droit comparé, Bruxelles, 1974, p. 466).

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PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Congo belge, dite la Charte coloniale, ne pouvait faire mention du


contrôle des lois.
Néanmoins, la Charte coloniale avait, en son article 7, prévu la
possibilité d’exception d’illégalité des décrets, actes législatifs du Roi,
en ces termes : « les cours et tribunaux n’appliquent les décrets
qu’autant qu’ils ne sont pas contraires aux lois ».
Et par la suite, la jurisprudence a étendu logiquement cette com-

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pétence des cours et tribunaux aux ordonnances législatives. En ef-
fet, il a été jugé que « l’article 7 de la Charte coloniale qui déclare
que les cours et tribunaux n’appliqueront les décrets que pour autant
qu’ils ne soient pas contraires aux lois, doit s’appliquer également
aux ordonnances législatives ».605
Par ailleurs, c’est dans cet esprit que la résolution n° 6 relative à
l’organisation du Parlement congolais, en son point 15, de la Confé-
rence de la Table Ronde politique tenue à Bruxelles du 20 janvier au
20 février 1960 énonçait clairement « qu’il n’y avait pas lieu de re-
connaître aux tribunaux relevant de l’ordre judiciaire l’appréciation
de la constitutionnalité des lois nationales ou provinciales ».
C’est donc finalement le Parlement belge de l’époque, influencé
sans doute par le mouvement constitutionnaliste européen, qui est le
géniteur historique de la Cour constitutionnelle congolaise car il in-
troduisit des dispositions relatives à cette institution dans la Loi fon-
damentale relative aux structures du Congo.
En cela, le Parlement belge avait rejoint le camp de ceux qui pen-
sent donner à la suprématie constitutionnelle une garantie juridic-
tionnelle. Car l’État de droit, c’est d’abord et enfin, l’État de la
Constitution. Au commencement, dirait Francis Delpérée, était la
Constitution. Retraçons à présent les étapes successives de
l’installation de cette justice constitutionnelle en République démo-
cratique du Congo.

605
Voir Elisabethville, 21 mars 1916, Jur. Col., 1925, p. 304 ; Léopoldville,
8 septembre 1936, RJCB, 1937, p. 105 ; Codes Piron et Devos, tome 1, 1960,
p. 17.

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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Section 1 : CRÉATION DE LA JURIDICTION


CONSTITUTIONNELLE
Nous examinerons, comme annoncé lors de l’introduction, cette
création institutionnelle à travers trois étapes successives.

§ 1.Création et installation manquée de la Cour


constitutionnelle par la Loi fondamentale

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du 19 mai 1960
La Cour constitutionnelle fut créée par l’article 226 de la Loi Fon-
damentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo. Ses déci-
sions et arrêts ne devraient pas être susceptibles de recours. La Cour
était composée de trois chambres : une chambre de constitutionnalité,
une chambre des conflits et une chambre d’administration.
De trois, ce sont la chambre de constitutionnalité et la chambre
des conflits qui nous intéressent ici. La chambre de constitutionnali-
té était compétente pour se prononcer par arrêt sur la conformité
des mesures législatives centrales ou provinciales aux dispositions de
la Loi fondamentale relative aux structures du Congo et de celle re-
lative aux libertés publiques qui formèrent les deux, rappelons-le, en
vertu des articles 3, 5 et 230 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960
la Constitution provisoire de l’État du Congo.
Ici, le contrôle par voie d’arrêt se fait a posteriori, c’est-à-dire après
la promulgation des actes législatifs centraux (loi provenant du Par-
lement et ordonnance-loi émanant du Chef de l’État) et provinciaux
(édit émanant de l’assemblée provinciale).
Il faut cependant affirmer que le contrôle des actes législatifs cen-
traux et provinciaux pouvait se faire aussi a priori par voie d’arrêts
motivés. En effet, la chambre de constitutionnalité devait être obli-
gatoirement saisie avant la promulgation des lois et, sauf urgence
spéciale dûment constatée, avant la signature des ordonnances-lois
par le Chef de l’État.
Soulignons que ce mécanisme de contrôle était principalement
organisé au niveau du pouvoir central. Toutefois, la chambre de
constitutionnalité pouvait être saisie avant la promulgation des

328
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

édits.606 Cependant, les lois et édits budgétaires étaient exclus de tout


contrôle de constitutionnalité.607
Il est utile de noter qu’en ce qui concerne les effets ou sanctions
du contrôle de constitutionnalité de la Cour constitutionnelle à tra-
vers sa chambre de constitutionnalité, toute loi ou ordonnance-loi
déclarée non conforme à la Constitution provisoire est abrogée de
plein droit ; il en est de même du sort de l’édit provincial au regard
de la Constitution provinciale. Il s’agit naturellement d’un contrôle

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a posteriori.
Cependant, s’agissant du contrôle a priori par voie d’arrêts moti-
vés, les lois et édits déclarés non-conformes ne peuvent être promul-
gués ; il en est de même des ordonnances-lois qui ne peuvent, dans
ces conditions, être signées.
Par ailleurs, en tant que juridiction constitutionnelle, la chambre
de constitutionnalité était aussi reconnue compétente pour connaître
du contentieux de la division verticale des pouvoirs.
En effet, la chambre de constitutionnalité devait se prononcer sur
chaque Constitution provinciale dès son adoption par l’Assemblée
provinciale. Une Constitution provinciale ou certaines de ses dispo-
sitions déclarées non-conformes ne pouvaient être promulguées.608
Et de manière subsidiaire, du fait que la chambre des conflits était
chargée de trancher les conflits de compétence entre le pouvoir cen-
tral et le pouvoir provincial,609 la chambre de constitutionnalité
pouvait également vérifier si les édits ne sont pas contraires aux lois,
aux ordonnances-lois, règlements et ordonnances dans les matières
relevant à la fois des pouvoirs central et provincial. 610 La chambre
des conflits, en revanche, était compétente pour régler les conflits
pouvant survenir entre le pouvoir central et les provinces.

606
En ce qui concerne les édits, la saisine de la chambre de constitutionnalité n’était
pas obligatoire. Le président du gouvernement provincial et le Commissaire
d’État représentant le pouvoir central en province disposaient, tous les deux,
d’une faculté de saisine, au cas par cas.
607
Voir article 230, § 1 in fine, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
608
Voir article 231, §2, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
609
Voir article 232 de la loi fondamentale du 19 mai 1960.
610
Voir article 231, §3, de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.

329
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En attendant l’installation de la Cour constitutionnelle ainsi insti-


tuée mais qui n’a pas vu le jour, le Conseil d’État de Belgique était
reconnu, par l’article 253 de la Loi fondamentale, compétent pour
exercer les attributions de la Cour constitutionnelle. Cette recon-
naissance de compétence fut supprimée par l’article 3 de la Loi cons-
titutionnelle du 18 juillet 1963 portant modification de la Loi fon-
damentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.
C’est le lieu de citer le professeur Vunduawe te Pemako qui indi-

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que qu’à cette période, des compétences juridictionnelles avaient été
conférées à des institutions étrangères à savoir : la Cour de cassation,
le Conseil d’État et la Cour des comptes de Belgique. L’arrêt Ma-
hamba rendu le 24 mars 1961 par le Conseil d’État belge, agissant à
titre transitoire comme juridiction administrative, est un cas
d’illustration. Cet arrêt décrète l’incompétence du Conseil d’État
belge pour cause d’impossibilité de rendre un arrêt pour un État
étranger et pour cause du mauvais état de relations diplomatiques
entre les deux pays.611
Il faut préciser tout de suite que cet arrêt est intervenu en matière
administrative et non en matière constitutionnelle. En effet, la ma-
tière constitutionnelle devait être traitée par la chambre de conflits
et la chambre de constitutionnalité qui, toutes les deux, formaient le
juge constitutionnel congolais de transition.
Dès lors, faute d’installation de la Cour constitutionnelle par ail-
leurs, le pays ne disposa pas, jusqu’à l’adoption de la Constitution du
1er août 1964, d’une juridiction constitutionnelle.

§ 2. Création de la Cour constitutionnelle par


la Constitution du 1er août 1964
Contrairement à l’article 4 de la Loi fondamentale relative aux
structures du Congo du 19 mai 1960 qui prévoit que seuls, « le Chef
de l’État et les deux chambres composent le pouvoir constituant », le
président Joseph Kasa Vubu, après avoir renvoyé le Parlement, met-
tra plutôt sur pied une commission constitutionnelle chargée

611
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
p. 851.

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PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

d’élaborer le projet de Constitution qui fut soumis plus tard au réfé-


rendum.612
L’on peut se rapporter aux développements que nous avons
consacrés plus loin à la Constitution dite de Luluabourg, même si
avec le professeur Vunduawe te Pemako, nous pouvons affirmer que
dès lors que le peuple souverain est intervenu pour l’adopter, aucun
reproche ne peut lui être fait car son pouvoir est inconditionnel et
inconditionné.613

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C’est le lieu de dire que c’est par les articles 53 et 165 de la Cons-
titution du 1er août 1964 que la Cour constitutionnelle a été, à nou-
veau, instituée dans l’histoire de notre pays.
Le mémoire explicatif nous donne les raisons de sa création. On
peut donc lire que « le problème de la constitutionnalité des actes légi-
slatifs, celui de l’interprétation de la Constitution et celui du jugement
des autorités gouvernementales accusées de haute trahison et de viola-
tion intentionnelle de la Constitution, ont retenu l’attention de la
Commission. Celle-ci a rejeté le projet que la sous-commission judi-
ciaire avait présenté et qui désignait la Cour suprême de justice com-
me juridiction compétente pour connaître de ces affaires. Elle a estimé
que l’appréciation de la constitutionnalité des lois, l’interprétation de
la Constitution et le jugement des autorités gouvernementales étaient
des questions présentant un caractère politique trop accentué pour
être examinées par une juridiction de l’ordre judiciaire. C’est pour-
quoi elle a prévu l’institution d’une juridiction spéciale dénommée
Cour constitutionnelle ».614
Par ailleurs, l’article 167 de la Constitution dite de Luluabourg
définit la compétence de la Cour constitutionnelle en ces termes :
« la Cour constitutionnelle est compétente pour connaître :
1° des recours en appréciation de la constitutionnalité des lois et
des actes ayant force de loi ;

612
La commission constitutionnelle a été mise sur pied par l’ordonnance n° 226 du
29 septembre 1963 clôturant la session parlementaire et instituant une
commission d’élaboration d’un projet de Constitution.
613
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 101.
614
Voy Mémoire explicatif de la Constitution du 1er août 1964, M.C., numéro
spécial, 1er août 1964, pp. 117-118.

331
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

2° des recours en interprétation de la présente Constitution, (…) ;


3° de toutes les affaires à l’égard desquelles la présente Constitution
lui attribue compétence ;
4° de toutes les affaires à l’égard desquelles la législation nationale
lui attribue compétence. La Cour constitutionnelle veille à la
régularité de l’élection du président de la République et des
Gouverneurs de province (…). La Cour statue, en cas de
contestation, sur la régularité des élections des membres du

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parlement et des assemblées provinciales (…). Elle veille à la
régularité des opérations de référendum (…) ».615

De l’analyse de cette disposition, l’on peut dire que la Cour cons-


titutionnelle ainsi instituée est une juridiction spécialisée qui dispose
du monopole de l’exercice de la justice constitutionnelle. Le consti-
tuant du 1er août 1964 a donc opté pour un système centralisé de
contrôle de constitutionnalité, suivant le modèle européen inspiré,
comme on le sait déjà, de l’Ecole de Vienne dirigée par l’éminent
juriste autrichien Hans Kelsen.
La Cour constitutionnelle congolaise devait donc remplir trois
des quatre missions principales reconnues à une juridiction constitu-
tionnelle en droit comparé, à savoir : le contrôle de constitutionnali-
té des actes législatifs616, le contentieux des élections et des consulta-
tions populaires617 et le contentieux de la division verticale des pou-
voirs.618
Le seul principal contentieux existant en droit comparé 619, depuis
quelque temps d’ailleurs, au niveau de la juridiction constitutionnel-
le, qui ne fut pas organisé par la Constitution sous revue est celui des
libertés et droits fondamentaux.

615
Voir M.C., n° spécial, 1er août 1964, p. 28.
616
Voir article 167, alinéa 1er, 1°, de la Constitution du 1er août 1964.
617
Voir article 167, alinéas 2, 3 et 4, de la Constitution du 1er août 1964.
618
Voir article 167, alinéa 1er, 2°, de la Constitution du 1er août 1964.
619
Aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, en France depuis 1971 et en
Belgique depuis la réforme de 1989 ; voy FAVOREU (L.), Les cours
constitutionnelles, op. cit., p. 45.

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PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Dans ce contentieux, la juridiction constitutionnelle devient gar-


dienne des droits et libertés fondamentaux notamment contre la vo-
lonté législative d’une majorité gouvernementale.620 Ceci induit que le
droit de saisine soit élargi.621 L’élargissement de la saisine aux parle-
mentaires appartenant à un ou plusieurs groupes de l’opposition est
devenu, en France, un élément essentiel du statut de l’opposition.622
En Belgique, Rusen Ergec affirme que « l’accès très large des par-
ticuliers à la justice constitutionnelle, presque sans équivalent en

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droit comparé, constitue un progrès considérable dans la protection
des libertés constitutionnelles et le raffermissement de l’État de droit
dont la Cour apparaît de plus en plus comme la clef de voûte »623.
Ce contentieux apparaît donc pour la doctrine occidentale com-
me le contentieux phare de la justice constitutionnelle.624
Sur la saisine de la Cour constitutionnelle congolaise par les par-
ticuliers, on peut rappeler l’explication fournie dans le Mémoire ex-
plicatif de la Constitution où il est dit qu’« on notera que les particu-
liers (personnes physiques ou morales) ne seront habilités à saisir
eux-mêmes la Cour constitutionnelle. Dans l’esprit de la disposition
proposée par le Secrétariat (article 168 de la Constitution), ils pour-
ront, néanmoins, soulever une exception d’inconstitutionnalité de-
vant la Cour suprême de justice lorsqu’ils y introduisent un pourvoi

620
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, 6e édition, Paris,
Montchrestien, 2001, p. 69.
621
En France aujourd’hui, 60 députés ou 60 sénateurs peuvent saisir le Conseil
constitutionnel. En Belgique, la Cour constitutionnelle peut être saisie par toute
personne justifiant d’un intérêt ou son avocat (voir article 142, alinéa 3 de la
Constitution belge et 5 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour
d’arbitrage).
622
Voy BURDEAU (G.), HAMON (F.) et TROPER (M.), Droit constitutionnel,
24e édition, Paris, LGDJ, 1995, p. 677.
623
R. ERGEC, op. cit., n° 534, p. 230 ; Voy aussi DELPEREE (F.), op. cit., n° 93,
pp. 111-112 ; UYTTENDAELE (M.), op. cit., n° 471, pp. 484-485.
624
Voy GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 17e édition,
Paris, Montchrestien, 2001, pp. 718-719 ; PACTET (P.), Institutions politiques et
droit constitutionnel, 9e édition, Paris, Masson, 1989, p. 464 ; CHANTEBOUT
(B.), Droit constitutionnel et science politique, 15e édition, Paris, Armand Colin,
1998, pp. 600-602.

333
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

en cassation. Dans ce cas, si elle estime que la disposition législative


attaquée par le requérant est inconstitutionnelle, la Cour suprême
pourra, elle, saisir la Cour constitutionnelle d’une demande en ap-
préciation de la constitutionnalité ».625
Enfin, faute de texte d’organisation prévu pourtant à l’article 165,
alinéa 7, de la Constitution qui devait fixer la procédure à suivre de-
vant la Cour constitutionnelle, cette dernière n’a jamais été opéra-
tionnelle.

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Par ailleurs, l’article 196 (dispositions transitoires) avait prévu
qu’en attendant cette installation, la Cour d’appel de Léopoldville
actuellement Kinshasa exercera les attributions dévolues par la
Constitution à la Cour constitutionnelle.
C’est ce qui justifie qu’en tant que juge constitutionnel, la Cour
d’appel de Léopoldville a eu à connaître du contentieux électoral
dans l’affaire qui avait opposé Monsieur Bomboko et consorts
contre la République. La contestation était en rapport avec les élec-
tions législatives pluralistes organisées en 1964 par le gouvernement
Moïse Tshombe.
Il faut cependant dire que ce transfert de compétence de juridic-
tion constitutionnelle à une Cour d’appel ne devrait pas être érigé en
principe. Le pays sorti de perturbations aussi intenses que cruelles
que l’on connaît avait-il réellement les moyens de sa politique ? Au-
delà du catéchisme constitutionnel occidental en vogue à cette épo-
que, le juge constitutionnel était-il un besoin social ressenti par les
congolais ? Rien n’est moins sûr. La solution pragmatique était de
confier cette fonction à un seul juge. La Cour suprême de justice
jouera désormais le rôle de juge constitutionnel en remplaçant la
Cour constitutionnelle proprement dite. Cette dernière n’a jamais

625
Voy Mémoire explicatif de la Constitution du 1er août 1964, op. cit., p. 119.
Relevons par ailleurs que la Cour suprême de justice pouvait en plus, aux termes
de l’article 168, même en l’absence de toute demande émanant d’un particulier,
saisir, motu proprio, la Cour constitutionnelle d’une demande en appréciation de
constitutionnalité.

334
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

connu d’installation en raison de circonstances politiques de


l’époque.626
Au-delà des guerres, des sécessions et des rébellions qui ont émail-
lé les quatre premières années de l’indépendance, il y a lieu
d’épingler aussi l’absence phénoménale de juristes congolais formés
pour siéger à une si haute instance.
Du reste, il est constant dans notre pays que la formation des ca-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
dres n’a pas fait l’objet des préoccupations des dirigeants de première
heure de l’État congolais de sorte que ce mécanisme avalant des mil-
liers des cadres apparaissait comme des ombres sur un tableau
d’illusions. Une chose est de prévoir un mécanisme, une autre est de
trouver des personnalités aptes à l’animer. Comme on le verra, à
l’installation de la Cour suprême de justice, le pays a dû recourir à
des non magistrats et à des juristes étrangers. 627

§ 3.La Cour suprême de justice instituée juge


constitutionnel par la Constitution du 24 juin 1967
(Article VII des dispositions transitoires)
Après le coup d’État militaire du 24 novembre 1965628, le nou-
veau régime s’est résolu de doter le pays d’une nouvelle Constitu-
tion. Le projet de celle-ci fut rédigé par une commission gouverne-
mentale présidée par le Chef de l’État lui-même. Le peuple l’a adopté

626
Lire, pour s’imprégner de ces circonstances, VANDERLINDEN (J.), (sous la
direction de), Du Congo au Zaïre. 1960-1980, Bruxelles, CRISP, s.d :
KAMUKUNY MUKINAY (A.), Contribution à l’étude de la fraude en droit
constitutionnel congolais, thèse de doctorat en droit public, Université de
Kinshasa, Faculté de Droit, 28 juillet 2007 ; KITETE KEKUMBA OMOMBO,
Autonomie Politique et Constitutionnelle du Zaïre. Essai de solution à l’inadéquation
institutionnelle du Zaïre, thèse de doctorat d’État en Droit public, Université de
Droit et sciences sociales de Paris I, 1980 ; YOUNG (C.), Introduction à la
politique congolaise, Kinshasa, Kisangani, Lubumbashi, Bruxelles, CRISP, 1968.
627
Des personnalités comme Marcel Antoine LIHAU, Émile LAMY, Guy
BOUCHOMS, Gérard BALANDA MIKWIN LELIEL ou José Patrick NIMY
MAYIDIKA NGIMBI émanaient soit de l’enseignement universitaire, soit du
Barreau.
628
Voir Proclamation du Haut-Commandement de l’Armée Nationale Congolaise
en date du 24 novembre 1965, M.C., n°spécial, décembre 1965, p. 1.

335
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

lors du référendum organisé du 4 au 24 juin 1967. La nouvelle Cons-


titution fut donc promulguée par le président de la République le
24 juin 1967. Et, revenant sur le sujet, on peut noter que c’est pour
la même motivation629 que celle évoquée en 1964 que la Cour consti-
tutionnelle fut créée par les articles 19 et 70 de la Constitution du
24 juin 1967. Aussi les développements que nous avons faits
s’agissant de la compétence de la Cour constitutionnelle instituée par
la Constitution de 1964 et les différentes natures de contentieux qui

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
s’y rattachent demeurent valables.
Néanmoins, le constituant de 1967 ayant opté pour la forme uni-
taire de l’État, le contentieux de la division verticale des pouvoirs ne
devait plus être retenu, car sans objet.
Comme pour le cas précédent, cette Cour constitutionnelle n’a
pas aussi vu le jour bien qu’instituée. Mais dans un premier temps, la
Cour d’appel de Kinshasa avait dû exercer les attributions dévolues à
celle-là.630
Par la suite, en vertu de l’article VII, alinéa 2, des dispositions
transitoires de la Constitution dite révolutionnaire du 24 juin 1967,
la Cour suprême de justice a eu à remplacer la Cour d’appel de
Kinshasa dans ce rôle de suppléance.
Par ailleurs, la Cour suprême de justice continue de bénéficier,
depuis 1968 jusqu’à ce jour, de cette compétence, et ce, malgré la
succession des textes constitutionnels dont une tentative de systéma-
tisation a été amorcée en introduction générale de cette étude.
Ainsi donc, l’attribution à la Cour suprême de justice de la com-
pétence de juridiction constitutionnelle s’est réalisée en deux temps :
d’abord, comme juge constitutionnel provisoire (1968-1974) et en-
suite, comme juge constitutionnel définitif (de 1974 à ce jour).
Voyons à présent comment cette installation programmée s’est
déroulée.

629
Voir Mémoire explicatif de la Constitution du 24 juin 1967, M.C., n° 14,
15 juillet 1967, pp. 562-563.
630
Voir article VII, alinéa 1er, des dispositions transitoires de la Constitution du
24 juin 1967.

336
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

A. La Cour suprême de justice, juge constitutionnel


provisoire (1968-1974)
Au départ, la Cour suprême de justice, créée à nouveau par
l’article 59 de la Constitution de 1967 et faisant partie de l’ordre ju-
diciaire, devait exercer uniquement le rôle que joue une Cour de cas-
sation et celui du Conseil d’État.631
En effet, disposant de deux sections : la section judiciaire et la sec-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
tion administrative, la Cour suprême de justice était rendue compé-
tente pour connaître des pourvois en cassation, juger les membres du
Gouvernement et connaître des recours en annulation formés contre
les actes et décisions des autorités administratives centrales de même
que l’appel contre les décisions rendues par les Cours d’appel et de
demandes d’indemnités pour dommage exceptionnel. On peut re-
marquer que ne comprenant pas à l’origine une section de législa-
tion, la Cour suprême de justice n’a pas pu jouer le rôle d’organe
consultatif du gouvernement. Faute d’un conseil de législation, le
pays n’a donc pas disposé pendant cette période d’un organisme de
consultation dans le cadre du processus d’élaboration des actes légi-
slatifs et réglementaires.632
Est-ce un oubli ? Sans doute.633 La Cour suprême de justice ne se-
ra dotée d’une section de législation qu’en 1972, à travers la révision
constitutionnelle, intervenue plus exactement le 3 juillet 1972.634

631
Voir article 60 de la Constitution du 24 juin 1967.
632
En effet, le Conseil de législation n’étant pas retenu parmi les institutions
constitutionnelles, le pays a manqué d’un organisme de consultation en matière
de projets d’actes législatifs et réglementaires. Alors que l’institution d’un
Conseil de législation en 1964 était justifiée pour deux raisons : d’abord, parce
que beaucoup de textes législatifs ou réglementaires, ainsi qu’il ressort de la
législation édictée depuis 1960, étaient très mal rédigés, surtout les textes
provinciaux ; ensuite, parce qu’il fallait assurer la coordination des textes afin
d’éviter que la législation ne devienne incohérente et ne contienne des
contradictions. Voy Mémoire explicatif de la Constitution du 1er août 1964, op.
cit., pp. 111-112.
633
Le mémoire explicatif qui accompagne la Constitution du 24 juin 1967 n’a en
effet rien dit à ce sujet.
634
Voir article 1er de la loi n° 72-008 du 3 juillet 1972 portant révision de l’article 60
de la Constitution ; Contra : DIBUNDA KABUINJI, Droit judiciaire zaïrois -
série spéciale, tome IV, Procédure devant la Cour suprême de justice, vol. 3
« Procédure devant la section administrative devant la Cour suprême de justice »,
Kinshasa, Éditions CPDZ, 1987, p. 4.

337
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cependant, l’article VII, alinéa 2, des dispositions transitoires de


la Constitution sous revue ajoute, de manière provisoire, à la Cour
suprême de justice une compétence de juridiction constitutionnelle.
En effet, cet alinéa est libellé comme suit : « Si la Cour suprême de
justice est créée avant la Cour constitutionnelle, elle exercera, en at-
tendant la création de celle-ci, les attributions de la Cour constitu-
tionnelle ». Cette disposition constitutionnelle a été appliquée à tra-
vers l’ordonnance-loi n° 68-248 du 10 juillet 1968 portant code de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
l’organisation et de la compétence judiciaires.
Cette législation fut complétée par le texte définissant la procédu-
re suivie devant la Cour suprême de justice.635 Il faut néanmoins
rappeler que déjà, sur base du code de l’organisation et de la compé-
tence judiciaires, la Cour suprême de justice avait été installée offi-
ciellement le 23 novembre 1968.
Ainsi, la condition évoquée par la Constitution à l’article VII de
ses dispositions transitoires fut remplie. La Cour suprême de justice
devint, dès cet instant, juge constitutionnel provisoire du pays.
L’article 122 de la procédure devant la Cour suprême de justice est
venu compléter l’alinéa 2, de l’article VII des dispositions transitoi-
res de la Constitution, en précisant que « la Cour suprême de justice,
sections réunies, exercera jusqu’à l’installation de la Cour constitu-
tionnelle, les attributions de celle-ci ».
De cette disposition, il se dégage clairement que ce n’est pas l’une
ou l’autre de ses deux sections qui jouera le rôle de juge constitu-
tionnel, mais plutôt la Cour suprême de justice, toutes sections ré-
unies. Et, c’est le principe depuis lors. En outre, s’agissant de la sai-
sine, seules les autorités politiques, d’une part, et les deux sections de
la Cour suprême de justice, d’autre part, peuvent saisir le juge cons-
titutionnel636 :
– le président de la République par une requête écrite ;
– le parlement suivant deux modalités : par une résolution lorsque
c’est l’Assemblée qui agit ; et par une décision transmise à la

635
Il s’agit de l’Ordonnance-loi n° 69-2 du 8 janvier 1969 relative à la procédure
devant la Cour suprême de justice, M.C., n° 2, 15 janvier 1969, pp. 58-73.
636
Voir article 122, alinéa 2, de l’ordonnance-loi du 8 janvier 1969 portant
procédure devant la Cour suprême de justice.

338
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Cour par le président de l’Assemblée lorsque l’initiative part du


Bureau de l’Assemblée nationale ;
– la section judiciaire ou la section administrative de la Cour
suprême de justice, selon le cas, par un arrêt transmis à la Cour
par le Procureur général de la République.

De ce qui précède, on peut observer que l’exception


d’inconstitutionnalité d’une loi ou d’une ordonnance-loi ne pouvait

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
être soulevée, au départ, par les parties que devant l’une des sections
de la Cour suprême de justice.637
En effet, les particuliers peuvent soulever, écrit l’auteur du mé-
moire explicatif de la Constitution du 24 juin 1967, « une exception
d’inconstitutionnalité de la loi devant la Cour suprême de justice
lorsqu’ils y introduisent un pourvoi en cassation. Dans ce cas, si elle
estime que la législation attaquée par le requérant est inconstitution-
nelle, la Cour suprême de justice pourra, elle, saisir la Cour constitu-
tionnelle ».638
En plus, il sied de noter que le concours du Procureur général de
la République, dans la saisine du juge constitutionnel, n’était néces-
saire qu’en cas d’appréciation de constitutionnalité postulée par la
Cour suprême de justice. Les autorités politiques saisissaient direc-
tement elles-mêmes le juge constitutionnel dans les formes rappelées
ci-avant.

B. La Cour suprême de justice, juge constitutionnel définitif


(de 1974 à ce jour)
C’est en effet à travers la révision constitutionnelle du 15 août
1974 que le constituant confie à la Cour suprême de justice la com-
pétence de contrôle de la constitutionnalité des lois. Et c’est au légi-
slateur que revenait la compétence d’aller dans les détails des attribu-
tions de la Cour suprême de justice.

637
Voir M.C., n° 14, 15 juillet 1967, p. 563.
638
Ibidem, p. 563.

339
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En effet, l’article 70 (nouveau) de la Constitution du 24 juin 1967,


telle que révisée par la loi n° 74-020 du 15 août 1974, était libellé
comme suit : « L’organisation, la compétence de la Cour suprême de
justice et la procédure à suivre sont réglées par la loi. Le contrôle de
constitutionnalité des lois relève de la Cour suprême de justice.
(…) ». Ainsi, la Cour constitutionnelle jamais installée, fut suppri-
mée.
Depuis lors, la Cour suprême de justice, toutes sections réunies, est

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
devenue juge constitutionnel du pays.639 Aujourd’hui, l’ordonnance-
loi n° 82-017 du 31 mars 1982 fixe l’organisation et la procédure à sui-
vre devant la Cour suprême de justice.640
Mais ajoutons rapidement que la Cour suprême de justice avait
perdu son rôle de juge constitutionnel, du moins dans sa dimension
de contentieux électoral, en 1988 et ce, au profit du Comité central
du Mouvement populaire de la Révolution, Parti-État.641
En effet, jusqu’à cette année-là, la Cour suprême de justice était
reconnue compétente pour connaître des contestations électorales.642
Mais la loi électorale du 10 janvier 1987 précisait, en ses arti-
cles 140 et 141, que la Cour suprême de justice est compétente en
matière de contentieux des élections des membres du Conseil législa-
tif (Parlement de l’époque) et les Cours d’appel, du contentieux des
élections des membres des entités administratives décentralisées (Ré-
gion, Ville, Zone et Collectivité).
Et, dans le système politique du Mouvement populaire de la Ré-
volution, ces instances judiciaires ne pouvaient connaître que des

639
Voir les articles 102, alinéa 1er, de l’Acte constitutionnel de la Transition du
9 avril 1994 ; 150, alinéas 1er et 2, de la Constitution de la transition du 4 avril
2003.
640
Voir JOZ, n° 7, 1er avril 1982, pp. 11-27.
641
Après avoir été parti unique et institution suprême de l’État depuis le
23 décembre 1970, le MPR fut, le 15 août 1974, devenu Parti-État ; lire utilement
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), À l’ombre du Léopard. Vérités sur le régime de
Mobutu Sese Seko, tome I, Bruxelles, Éditions Zaïre Libre, 2000, pp. 166-183.
642
Voy article 103 de la Constitution de la République du Zaïre, telle que révisée
par la Loi n° 82-004 du 31 décembre 1982.

340
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

contestations fondées sur la violation des conditions légales


d’éligibilité et de la régularité des élections.
Car, les décisions du Comité central relatives à l’examen des dos-
siers des candidatures au Conseil législatif ainsi que celles du Comité
régional du MPR concernant des candidatures aux différents conseils
des entités administratives décentralisées de l’époque n’étaient sus-
ceptibles d’aucun recours.643

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
C. Le Comité central du Mouvement populaire de la
Révolution, organe de règlement du contentieux électoral
(1988-1990)
Rappelons que créé le 15 novembre 1980, le Comité central est
devenu l’organe de conception, d’inspiration, d’orientation et de dé-
cision du MPR, en lieu et place du Bureau politique qui fut ramené à
un simple rôle d’organe de contrôle des décisions du Parti-État.644
Par la suite, à travers une nouvelle révision constitutionnelle 645, ré-
alisée le 27 janvier 1988, le contentieux électoral fut confié exclusi-
vement au Comité central du MPR.
L’article 60, alinéa 3, de la Constitution fut désormais libellé
comme suit : « Il (le Comité central) connaît des contestations élec-
torales ». Il s’agit de toutes les élections organisées dans le pays (élec-
tion présidentielle, élections législatives et au niveau des entités ad-
ministratives décentralisées).
L’exposé des motifs de la loi constitutionnelle du 27 janvier 1988
donne l’explication suivante, de cette évolution : « Le contentieux

643
C’est l’ordonnance-loi n° 87-002 du 10 janvier 1987 portant organisation des
élections des membres du Conseil législatif, des Assemblées régionales, des
Conseils de Ville, des Conseils de Zone et des Conseils de collectivités, JOZ,
n° spécial, 1987, pp. 7-35.
644
Voir les articles 60 et 67 de la Constitution du 24 juin 1967, telle que révisée par
la Loi n° 80-012 du 15 novembre 1980.
645
C’est par la loi n° 88-004 du 27 janvier 1988 portant révision de certaines
dispositions de la Constitution. À partir du 15 août 1974, cette Constitution fut
simplement appelée « Constitution de la République du Zaïre ».

341
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

électoral étant une matière essentiellement politique, il est haute-


ment indiqué qu’il soit vidé par un organe politique ».
Ainsi, en matière de contentieux électoral dans ce régime du mo-
nisme intégral646 dit du Parti-État, le recours judiciaire est remplacé
par le recours politique, selon l’expression de l’exposé des motifs
précité.647 Cette réforme du système de contrôle des élections aurait
dû être parachevée par la mise sur pied de la procédure devant le
Comité central siégeant en cette matière délicate.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
Mais, le règlement intérieur du Comité central du MPR du
17 octobre 1986 ne fut pas modifié pour intégrer cette évolution,
probablement à cause de la précipitation des événements de l’Europe
de l’Est, à la suite de la désintégration de l’URSS, qui obligèrent le
président Mobutu à faire des anticipations pour réformer le système
politique du MPR.648
La Cour suprême de justice ne récupérera son attribution du
contentieux électoral qu’en 1990. En effet, l’article 103 de la Consti-
tution de la République du Zaïre, telle que modifiée par la loi n° 90-
002 du 5 juillet 1990, énonçait que « sans préjudice des autres compé-
tences qui lui sont reconnues par la présente Constitution ou par les
lois, la Cour suprême de justice connaît (…) des contestations nées
des élections présidentielles, législatives et du référendum ».
À ce jour aussi, la procédure devant la Cour suprême de justice
n’a jamais été modifiée pour tenir compte de cette révision constitu-
tionnelle, les articles 136 à 143 de la procédure portée par
l’ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 ayant été abrogés indi-

646
On peut lire utilement LUNDA BULULU (V. de P.), Conduire la première
transition au Congo-Zaïre, collection Mémoires africaines, Paris, L’Harmattan,
2003, pp. 155-158. Cet auteur résume la démarche de raffinement exquis du
monopartisme zaïrois.
647
Dès cet instant, les articles 160, point 3, du Code de l’organisation et de la
compétence judiciaires et, 136 à 143 de la procédure devant la Cour suprême de
justice sont devenus contraires à la Constitution, donc abrogés en vertu de
l’article 1er des dispositions transitoires de la Constitution.
648
Voy VUNDUAWE te PEMAKO, À l’ombre du Léopard…, op. cit., tome II,
pp. 282-288.

342
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

rectement et implicitement par l’article 1er des dispositions transitoi-


res de la Constitution révisée le 27 janvier 1988.649
Par ailleurs, actuellement, la justice constitutionnelle a connu une
évolution notable en rapport avec le contrôle a priori d’actes législa-
tifs et d’actes d’assemblée.650 En effet, la Constitution de la transition
du 4 avril 2003 a introduit la procédure de consultation préalable et
obligatoire de la Cour suprême de justice, toutes sections réunies,
avant la promulgation des lois organiques651 ou avant l’entrée en vi-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
gueur des règlements intérieurs de l’Assemblée nationale et du Sé-
nat.652
Sous cette transition issue du dialogue de Sun City, on peut rele-
ver que les actes législatifs en l’occurrence les lois ordinaires ne peu-
vent être promulguées sans la consultation du juge constitutionnel ;
mais si elle est faite, un texte de loi déclaré non-conforme à la Cons-
titution, quoique voté, ne peut plus être promulgué en l’état. 653
C’est cette évolution que nous allons tenter de retracer dans les
lignes qui suivent.

649
Cette disposition constitutionnelle est ainsi libellée : « Pour autant qu’ils ne
soient pas contraires aux dispositions de la présente Constitution, les textes
législatifs et réglementaires existant à la date d’entrée en vigueur de la présente
Constitution restent maintenus jusqu’au moment de leur abrogation ». A
contrario : les textes législatifs et réglementaires contraires sont purement et
simplement abrogés.
650
Cette évolution est largement inspirée par le droit français. En effet, on l’a vu, le
Conseil constitutionnel français exerce un contrôle a priori des lois,
contrairement au modèle belge dont le juge congolais était proche jusque là. Cela
est accentué depuis la Constitution du 18 février 2006 qui ramène finalement la
justice congolaise dans le giron allemand.
651
Voir l’article 121, alinéa 2, de la Constitution de la transition.
652
Voir les articles 103, alinéa 2, et 109, alinéa 2, de la Constitution de la transition.
653
Voir article 131 de la Constitution de la transition

343
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Section 2 : DÉVELOPPEMENT DE LA NOTION DE


JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE
Nous allons procéder comme dans la section précédente à l’étude
de l’évolution de la notion de juridiction constitutionnelle en droit
congolais. Après de développements consacrés à la création, il s’agit
en effet de voir comment cette juridiction a évolué au regard des
conceptions juridiques que nous avons épinglées ci-haut.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
En d’autres termes, il est question de voir si par sa production
normative, et ici plus précisément jurisprudentielle, le juge constitu-
tionnel s’est rapproché de sa finalité qui est celle d’être gardienne de
la légalité constitutionnelle et de droits fondamentaux des citoyens.
Cet exercice est efficace du point de vue heuristique car autrement
l’étude serait simplement descriptive et manquerait sans doute sa
dimension critique nécessaire à une thèse. Commençons dès lors par
le commencement.

§ 1. À travers la Loi fondamentale du 19 mai 1960


La lecture des conditions matérielles et législatives de la création
de la Cour constitutionnelle indique d’emblée que le législateur bel-
ge, auteur de la loi fondamentale, n’était guère imprégné lui-même
de la nécessité de faire fonctionner au Congo ce qui n’existait pas en
métropole.
Aussi, du point de vue logique, est-il difficile de montrer comment
une Cour créée sans finalité autre que la décoration constitutionnelle
pouvait concrètement fonctionner au Congo d’alors.
Les divers obstacles étudiés ailleurs par la doctrine se sont naturel-
lement entassés ici. En effet, le fait que le Conseil d’État était transi-
toirement retenu comme juge constitutionnel pour un pays qui allait
être indépendant déjà le 30 juin 1960 indique clairement l’intention
du constituant de circonstance de ne pas du tout organiser la protec-
tion de la suprématie constitutionnelle.
Il faut souligner par ailleurs les sécessions, rébellions et autres
troubles de toute sorte qui ont empêché le fonctionnement du jeune
État congolais et donc de sa justice constitutionnelle.

344
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Au demeurant, dès le 30 juin 1960, le Conseil d’État saisi comme


juge administratif congolais de transition déclinait sa compétence du
fait que le Congo était un État étranger souverain.654 En outre, un
peuple, destinataire d’un mécanisme aussi subtil que technique
comme la Cour constitutionnelle, n’avait-il pas besoin de se former
ou d’être informé avant de l’utiliser ?
Cet argumentaire est en effet de nature à expliquer, à nos yeux,
l’absence totale des arrêts rendus en matière constitutionnelle par

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607249851
cette Cour qui, du reste, n’a jamais été installée.
L’on peut regretter, à raison, que ce mécanisme n’ait pas fonc-
tionné car il aurait pu tempérer les élans bagarreurs des politiciens
de la première République et ainsi éviter peut-être au pays les aléas
d’un commencement fragile dont les stigmates sont encore percepti-
bles de nos jours.
En effet, l’existence de la juridiction constitutionnelle pourtant
prévue par la Loi fondamentale aurait, croyons-nous, mis fin à la
révocation inconstitutionnelle de Patrice Emery Lumumba par le
Chef de l’État.
Dans une jeune démocratie africaine, la justice constitutionnelle
joue en effet le rôle ingrat de conseiller de la République, autrement
celui des sages d’une nation qui se retrouve autour d’un arbre à pala-
bres. Ce recours à l’éthos, comme dirait Augustin Kitete Kekumba
Omombo, est comme inscrit dans le subconscient des congolais qui
ont cherché des solutions autour de cet arbre à palabres appelé dia-
logue, conclave, conférence, palais de marbre, etc.
En conclusion, il est utile de constater que le légicentrisme d’un
régime parlementaire moniste comme la Belgique a été transféré sans
acclimatation au tempérament congolais qui est plutôt palabreur.

654
Lire BOSHAB (E.), La contractualisation du droit de la fonction publique, op. cit.,
p. 32 ; Voy notamment, C.E. belge, 26 juin 1964, Druet, n° 10.734, p. 633 ;
C.E.belge, 26 juin 1964, Arghiri, n° 10.735, p. 633 ; C.E.belge, Tshombe,
n° 10.736 ; p. 633 et C.E.belge, 11 septembre 1964, Debremaeker, n° 10.776,
p. 701, cités par E. BOSHAB (E.), La contractualisation de la fonction publique…,
op. cit., p. 32, note 51.

345
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Toutefois, les traces de l’héritage colonial et l’absence de la Cour


constitutionnelle comme mécanisme de modération du pouvoir ont
poussé le constituant congolais à revenir sur la notion en 1964.

§ 2.À travers la Constitution dite de Luluabourg


du 1er août 1964
L’accalmie a permis non seulement les élections générales 655 mais

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surtout, on l’a vu, l’élaboration d’une Constitution définitive et
proprement autochtone même si, on l’a vu également, des apports
doctrinaux étrangers apparaissent dans cette œuvre.656
Le coup d’État militaire du 24 novembre 1965 a mis fin à la tenta-
tive d’installation d’une justice constitutionnelle de sorte qu’il est
difficile de parler de développement de la notion de juridiction cons-
titutionnelle. Là aussi, il y a lieu de voir une stagnation car, quoique
cela n’ait pas été l’intention des constituants, la Cour constitution-
nelle est demeurée un objet de musée sans portée réelle ni pour les
pouvoirs publics ni pour les citoyens.
La Cour d’appel de Léopoldville appelée à jouer transitoirement
ce rôle ne présente aucun cas traité digne d’intérêt hormis le cas de
l’élection contestée de Justin-Marie Bomboko déjà cité. 657
Il faut cependant reconnaître que c’est véritablement avec le ré-
gime de la deuxième République que la notion s’installe dans le men-
tal des juristes même si dans les faits du quotidien ses exigences sont
encore lointaines pour le commun des congolais.
L’explication rationnelle est que le régime du maréchal Mobutu
apporte la stabilité des institutions qui se conçoit comme la sève de
l’État. Institution permanente par définition, la justice constitution-
nelle ne saurait cependant résister aux flux et reflux de la vie mou-
vante de la cité comme si elle était enfermée dans une citadelle im-

655
Lire YOUNG (C.), Introduction à la politique congolaise, op. cit., p. 234.
656
Marcel Antoine LIHAU, auteur majeur du texte de cette constitution, n’est-il
pas docteur en droit de la célèbre université de Louvain ? À ce titre, il était
porteur du droit belge et occidental de façon plus ou moins inconsciente.
657
Voy VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
p. 137.

346
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

prenable. C’est même la preuve irréfutable qu’il s’agit d’une institu-


tion humaine comme toutes celles qu’emporte un fait politique per-
turbateur.
Voyons à présent ce qu’il en est de cette période.

§ 3. À travers la Constitution du24 juin 1967


et les Actes constitutionnels de la transition

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Cette période est celle appelée IIe République par certains au-
teurs658 et parfois par le constituant lui-même de sorte que nous
trouvons dénué d’intérêt le débat académique sur le nombre de ré-
publiques au pays. Elle correspond à la création de la Cour suprême
de justice comme juge d’abord provisoire et enfin définitif de la
constitutionnalité.
Cette période peut être aussi classifiée en deux séquences : la pre-
mière étant constituée de l’an 1965 à 1990 et que l’on pourrait
nommer l’âge d’or du MPR pendant laquelle aucun contrôle des ac-
tes des gouvernants n’était logiquement concevable et où la Cour
suprême de justice a du jouer le rôle ingrat de décorum des institu-
tions pour les besoins de l’image extérieure de la Nation. 659
Et la seconde période allant du discours historique du 24 avril
1990 au 17 mai 1997 au cours de laquelle des balbutiements des liber-
tés publiques sont non seulement perceptibles mais et surtout reven-
diqués même en justice constitutionnelle et administrative.

658
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. tente en vain de subsumer cette
jurisprudence en une catégorie nouvelle qu’il qualifie de jurisprudence
constitutionnelle incidente. Le premier arrêt proprement constitutionnel est
celui rendu par la Cour suprême de justice dans l’affaire RCE 001 MUTIRI
MUYONGO contre HCR-PT du 4 février 1996. Un deuxième sous RCE 002
en cause KALEGAMIRE contre HCR-PT a été rendu plus ou moins un an plus
tard.
659
C’est la période des élections par acclamation dont les justifications théoriques
sont trouvées par les thuriféraires de tout bord dans l’absence soi disant des
contradictions idéologiques au sein du peuple zaïrois. Lire BOSHAB (E.),
Pouvoir et droit coutumiers à l’épreuve du temps, op. cit., p. 283, spécialement la
note 6.

347
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’on ne peut pas omettre cependant de noter que c’est la seconde


transition précédant la Constitution du 18 février 2006 qui est le ca-
talyseur réel d’une véritable explosion jurisprudentielle en Républi-
que démocratique du Congo.
Soulignons donc qu’avant la libéralisation du régime de la
IIe République, il y avait une sécheresse jurisprudentielle en matière
constitutionnelle même si l’on note des arrêts courageux en matière
administrative à la même époque.660

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En effet, la libéralisation politique consécutive à la révision cons-
titutionnelle du 5 juillet 1990 est à la base des élans libérateurs de la
jurisprudence. Et de ce point de vue, c’est plutôt le juge administra-
tif suprême qui a donné le la à une jurisprudence qui était souvent
timide en matière de protection de droits humains.661
Ainsi, l’arrêt dit Témoins de Jéhovah peut être considéré comme
l’arrêt fondateur non pas par rapport à son contenu juridique qui
peut être ou a été à la base d’une très forte controverse doctrinale662
mais plutôt par rapport au courage des juges qui ont condamné,
après avoir annulé l’ordonnance expropriant cette association sans
but lucratif à caractère religieux, la République.
Là, sans ambages, le juge administratif prenait sa liberté vis-à-vis
d’un pouvoir exécutif longtemps regardé comme le titulaire intégral
de la souveraineté nationale et dont les discours avaient force de loi,
et là encore sans fioritures, l’on peut constater une technique de re-

660
Lire NTUMBA LUABA LUMU, Préface à MABANGA MONGA
MABANGA, op. cit., p. 5. Le professeur parle plutôt de misère de la
jurisprudence constitutionnelle et même de béance de la jurisprudence
constitutionnelle principale.
661
Voir arrêt R.A.266 du 8 janvier 1993, Les anciens membres effectifs de l’asbl
dénommée « Témoins de Jéhovah » contre la République du Zaïre, Bulletin des
arrêts de la Cour suprême de justice, années 1990 à 1999, Kinshasa, Éditions du
service de documentation et d’études du ministère de la justice, 2003, pp. 78-82.
662
Lire VUNDUAWE te PEMAKO, « Réflexion sur la validité de l’Acte portant
dispositions constitutionnelles relatives à la période de la transition au regard du
compromis politique global et l’arrêt R.A. 266 de la Cour Suprême de justice », Le
Soft de Finance, n° 127, du 30 mars 1993.

348
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

vanche du juge sur les actes de l’exécutif qui n’emportent pas son
approbation.663
Par ailleurs, il sied de noter que cette période de démocratisation
de la vie politique en République démocratique du Congo peut être
caractérisée tantôt par la lutte politique classique tantôt par la lutte
armée qui amena l’Alliance des forces de libération du Congo au
pouvoir.

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A. De 1990 à 1997 ou la transition démocratique
Il est utile de noter d’emblée que hormis les deux arrêts rendus
par la Cour suprême de justice, toutes sections réunies, siégeant donc
comme juge constitutionnel, cette période est essentiellement carac-
térisée par la survie des mécanismes juridiques de l’époque du MPR
qui constituent comme une sorte d’empêchement dirimant pour ce
qui est de la saisine du juge constitutionnel.
En effet, à cette époque, il est difficile de recourir aux services du
Procureur général de la République pour agir en appréciation de la
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi.664
Au demeurant, cette autorité publique s’était vue confier la quasi-
totalité du pouvoir de saisine de la Haute Cour de sorte que la seule
parade pour attraire en justice les actes inconstitutionnels fut de les

663
Depuis 1974 en effet, une catégorie juridique nouvelle a vu le jour et que la
doctrine nomme les lois présidentielles. Ces lois sont en réalité des actes
présidentiels pris en la forme de loi en l’absence du parlement mis en congé dans
le texte constitutionnel même. Dans ces conditions, la distinction entre le
prescrit normatif et le non normatif émanant de la même autorité devient dans le
mental d’un peuple analphabète assez délétère. Du reste, pour un peuple qui
baigne dans l’oralité, la parole du chef ne vaut-elle pas loi ?
664
Lire article 131 de l’ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 portant procédure
devant la Cour suprême de justice, JOZ, n° 7, 1982 ; lire aussi KALUBA DIBWA
(D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge administratif suprême en droit
public congolais…, op. cit., pp. 98-99 ; MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA,
« Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous l’Acte constitutionnel de la
Transition du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit, vol. XXV, août 1996,
Kinshasa, PUZ, pp. 321-355 ; KALUBA DIBWA (D.), « Le contrôle de
constitutionnalité des lois et des actes ayant force de lois en droit positif congolais »,
Revue du Barreau de Kinshasa/Gombe, n° 02/2006, pp. 1-17.

349
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

attaquer en annulation devant le juge administratif. Et, ce dernier a


souvent cédé à la tentation de se déclarer incompétent sur la base de
la théorie des actes de gouvernement. Cette attitude du juge, loin
d’attirer les foudres de la critique, est symptomatique d’une volonté
délibérée du juge de ne pas froisser le pouvoir exécutif encore maître
de sa promotion et de sa rémunération.665
Sans entrer dans nombre de querelles doctrinales nées de luttes
politiciennes d’après la Conférence nationale, il sied de remarquer

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que cette période est riche en rebondissements de tout genre dans la
mesure où la conquête du pouvoir se fait désormais en dehors des
canaux prédéterminés. La prolifération des accords politiques qui
traduit une sorte de dérive putschiste vers la contractualisation du
pouvoir d’État est à son âge d’or lors de ces sept années de transi-
tion. Il suffit de penser aux accords du palais du peuple, du palais de
marbre ou de Nsele, pour se convaincre que la suprématie de la
Constitution avait été foulée aux pieds en l’absence manifeste d’un
gardien de la constitutionnalité.
Ces années-là ne sont donc pas porteuses d’espoir de floraison
d’une justice constitutionnelle effective, efficiente et efficace. Poten-
tiellement, cette période est la plus porteuse de germes de conflits
politiques qui eussent pu remplir les tiroirs de la justice constitu-
tionnelle si les acteurs politiques avaient souhaité lever les obstacles
juridiques ou imaginer l’intérêt d’un arbitre à leurs querelles. Sur
cette voie de compromis politique, nul ne peut affirmer les limites
du compromissoire de sorte qu’en fin des comptes, c’est l’Alliance
des forces démocratiques de libération du Congo qui a eu raison des
mécanismes conventionnels auxquels elle était effectivement tierce
penitus extranei.

665
Voy en ce sens E. BOSHAB, « La misère de la justice et justice de la misère en
République démocratique du Congo » in Revue de la Recherche Juridique, n°
XXIII-74, 23e année, 74e numéro, PUAM, 1998-3, pp. 1163-1184 ; MATADI
NENGA GAMANDA, « La question du pouvoir judiciaire en République
démocratique du Congo. Contribution à une théorie de réforme », Revue de Droit
Africain, n° 15, juillet 2000, R. DJA asbl, Bruxelles, pp. 368-377.

350
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

B. De 1997 à 2006 ou la transition des belligérants


Cette seconde période de transition commence le 17 mai 1997
avec la chute du régime Mobutu et la prise de pouvoir par Laurent-
Désiré Kabila. L’époque est à la refondation du pays après les multi-
ples violations de droits de l’homme dues à la guerre dite de libéra-
tion.
Les exactions sont telles que les partenaires d’hier de Laurent-

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Désiré Kabila déclenchent dès le 2 août 1998 une nouvelle guerre qui
dure cinq ans et qui ne connut une fin qu’à travers l’accord global et
inclusif de Pretoria.666
Un tel contexte, l’on s’en doute, n’est pas de nature à favoriser la
primauté de la Constitution qui est au demeurant ravalée au même
rang sinon en dessous de l’accord global et inclusif.667
Paradoxalement, la méfiance des belligérants est une aubaine pour
le juge constitutionnel congolais. En effet, ne pouvant plus recourir
aux armes pour régler leurs querelles politiques, les anciens belligé-
rants devenus à l’occasion des politiques recourent de plus en plus à
l’argumentaire juridique et le droit constitutionnel prend ainsi la
place d’une arme fatale pendant cette période. Le Chef de l’État
consulte la Cour suprême de justice presque pour tout. 668 Le prési-
dent de l’Assemblée nationale sollicite même l’interprétation des
concepts juridiques avant même que les textes législatifs aient été
adoptés.669 Cette période est aussi, on ne le dit pas assez, celle qui

666
Lire cet accord dans Congo-Afrique, n° 371, XLIIIe année, janvier 2003, Kinshasa,
pp. 11-28.
667
Lire avec intérêt, ZEGBE ZEGS (F.), « La répartition équitable et équilibrée des
responsabilités au regard de la Constitution de la transition et des instruments
juridiques internationaux en matière de droits de l’homme en RDC » in Congo-
Afrique, n° 393, Kinshasa, mars 2005, pp. 135-150.
668
Voy KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge
administratif suprême en droit public congolais…, op. cit., pp. 70-81.
669
WETSH’OKONDA KOSO (M.), « L’avis consultatif de la Cour suprême de
justice n° RL 10 du 13 décembre 2005 sur l’infraction politique : interprétation
ou réécriture de la loi ? » in Les Analyses Juridiques, Lubumbashi, n° 8/2006,
janvier-avril, 2006, pp. 4-26.

351
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

voit naître le droit de saisine au profit de l’opposition parlementai-


re.670
Le contrôle préventif de la constitutionnalité fait son irruption
dans le paysage institutionnel congolais donnant ainsi du travail au
juge constitutionnel qui était comme engourdi dans un sommeil
profond lors de la séquence du pouvoir de Laurent-Désiré Kabila.
Avec ce dernier, il faut l’avouer, le pays était très loin des rivages de
la démocratie et de droits de l’homme de sorte qu’il fut illusoire de

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songer un seul instant à la constitutionnalité des actes du Chef de
l’État redevenu bizarrement législateur ordinaire avant de lâcher,
grâce à la guerre, quelques compétences à l’Assemblée constituante
et législative – parlement de transition nommée au demeurant par
lui-même.671
L’explication de cette léthargie peut en outre relever de l’ordre du
système politique qui a engendré celui sous étude.
On peut, en effet, noter avec le professeur Mabi Mulumba 672 que
l’effondrement de l’économie nationale, mêlé aux diverses dérives de
la gestion des finances publiques et la privatisation frauduleuse et
illicite du portefeuille de l’État assaisonnées à une manipulation mo-
nétaire prédatrice ne pouvaient et n’ont pu que dresser un lit à une
rébellion qui mit fin, dans l’euphorie populaire, au régime politique

670
Lire KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge
administratif suprême en droit public congolais…, op. cit., p. 81. L’arrêt R. Const.
06/TSR du 24 mars 2004 est l’arrêt fondateur de ce droit de saisine même si le
non respect des exigences de forme n’a pas permis au juge constitutionnel de
trancher la question de constitutionnalité de la loi sur les partis politiques au
fond.
671
En effet, Mzee Laurent Désiré KABILA qui concentre entre ses mains les
pouvoirs constituant, législatif et exécutif se présente comme une pâle copie du
régime mobutien à son apogée de 1974. Aussi, certainement pour démentir cette
ressemblance qui est préjudiciable à son image, le constituant s’adonna-t-il à
quelques accommodements consistant à donner quelques compétences à
l’Assemblée constituante et législative. Dans les faits, il demeura législateur
ordinaire. Ce que confirma du reste la révision constitutionnelle du 1er juillet
2000. Voy pour les détails, JORDC, n° spécial, 42e année, mai 2001, pp. 91-101.
672
MABI MULUMBA, Les dérives d’une gestion prédatrice. Le cas du Zaïre devenu
République démocratique du Congo, Kinshasa, C.R.P, 1998.

352
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

issu du coup d’État militaire du 24 novembre 1965 pour installer un


autre dont la charpente s’appuie, in jure, tout au moins, sur le décret-
loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 dont l’étude s’impose.
Ce texte revêt une importance tant il inaugure le régime politique
issu du coup d’État du 17 mai 1997.
Un auteur estime que « dans l’ensemble, le décret-loi ci-dessus
s’analyse en un amendement, assez maladroit de l’Acte constitution-

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nel de la transition dont certaines dispositions pourtant anachroni-
ques au regard de la nouvelle logique révolutionnaire sont mainte-
nues en vigueur ».673
Ces imperfections et d’autres qui sont à mettre sur le dos d’une
inexpertise avérée et une précipitation compréhensible de la part des
rebelles qui ont trop longtemps attendu, sans plan politique précis,
seront bien décelées à travers l’étude du texte sous examen. 674
L’article 29 de ce texte dispose, toutefois, que « toutes les disposi-
tions constitutionnelles légales et réglementaires antérieures contrai-
res au présent Décret-loi constitutionnel sont abrogées ».
L’exégèse de cette disposition permet de dire que les dispositions
de l’article 1er de l’Acte constitutionnel de la transition sont restées
en vigueur avec la conséquence que le pays est resté ancré dans la
tradition léopoldienne de l’unitarisme.
Mieux, et de façon malencontreuse, l’emblème du pays est de-
meuré le drapeau vert clair orné au centre d’un cercle jaune dans le-
quel figure une main droite tenant un flambeau à la flamme rouge.
L’hymne national demeure encore « La Zaïroise » ; la devise et les
armoiries n’ont point connu de changement. Le recours à des ex-
perts en légistique aurait permis d’éviter de tels anachronismes.

673
MUKADI BONYI, « Note d’observation sous décret-loi n° 003 du 27 mai 1997
relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir en République démocratique du
Congo », Revue critique de Droit du travail et de la sécurité sociale, Kinshasa,
n° 02/1997, p. 5.
674
Lire le texte publié dans un numéro spécial du Journal officiel de la République
démocratique du Congo, JORDC, 39e année, mai 1998, pp. 14-28.

353
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Le professeur Mukadi Bonyi épingle même la résurgence du droit


et du devoir sacrés de résister à tout individu ou groupe d’individus
qui prend le pouvoir par la force prévu par l’ancien article 37 de
l’Acte constitutionnel de la transition.
Cette disposition à elle seule est apte à faire pâlir le régime qui est
l’antithèse parfaite de son contenu et pourtant elle n’a pas été abro-
gée !

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Il n’en est pas le cas pour la forme de gouvernement instauré par
ce texte qui se dit provisoire déjà en son premier article. La lecture
combinée des articles 4, 5, 6,7 et 8 du Décret-loi constitutionnel sous
étude permet d’affirmer qu’il s’agit d’un présidentialisme outrancier
qui ressemble de très près à celui du texte constitutionnel de 1974.
Le Chef de l’État représente la Nation, est le Chef de l’Exécutif et
des Forces Armées. Il nomme et révoque les membres du Gouver-
nement qui sont comptables devant lui-même si les dispositions de
l’article 18 du texte sous revue donnent des moyens d’information à
l’Assemblée Constituante et Législative.
Le gouvernement conduit la politique de la Nation telle que défi-
nie par le président de la République qui peut, dans un message à la
Nation, dissoudre anticipativement l’Assemblée Constituante et Lé-
gislative.
Le survol de cet article 14 nous convainc de la nature juridique
réelle du régime politique du 17 mai 1997.
Pouvait-il en être autrement, lorsque le préambule de la première
mouture dudit décret-loi constitutionnel fait référence à la déclaration
de prise de pouvoir par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération du Congo, AFDL, en sigle, du 17 mai 1997, dont le Chef
de l’État dira plus tard qu’il s’agissait « d’un conglomérat
d’aventuriers et d’opportunistes » ?
Dans un régime politique où il y a hypertrophie de la personne
du Chef de l’État, peut-on étudier le mécanisme juridictionnel de
limitation de pouvoir ?
Comme pour renforcer le paradoxe que nous avons épinglé plus
haut, ce sont les armes par la méfiance qu’elles installent qui ont
rendu nécessaire le contrôle de constitutionnalité, qui en ont facilité

354
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

les modalités d’exercice et finalement qui ont permis à la doctrine


d’aborder enfin des véritables questions de droit constitutionnel.
Une sorte d’équilibre de la terreur qui rend inéluctable la présence
d’un arbitre qui joue le rôle mythique de Léviathan. Au demeurant,
il ne pouvait en être autrement tant les armes garantissaient à chacun
des belligérants l’inviolabilité par l’autre. Dans ces conditions, la seu-
le arme invisible mais efficace du combat politique qui est, selon
l’expression de Clausewitz, le prolongement de la guerre faite au-

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trement, reste et demeure le droit, en l’occurrence le droit constitu-
tionnel.
Il y a, à notre avis, une corrélation assez évidente entre le passé de
dénégation des droits de l’homme et la nécessité d’endiguer les déri-
ves totalitaires même par les armes qui justifie, en fin de comptes, le
contrôle juridictionnel des lois, expressions législatives de la majorité
militaire ou politique. Autrement, le seul arbitre reste le recours à la
force armée avec tout ce qu’il charrie d’errements de toutes sortes.
Et, là, le rapport des forces n’est toujours pas favorable, sous tou-
tes les latitudes.
Après les élections générales de 2006, le contentieux constitution-
nel fait un grand bond en avant qu’il importe d’examiner tout de sui-
te.

§ 4. À travers la Constitution du 18 février 2006


C’est l’âge d’or du contentieux électoral législatif et présidentiel
dont les retombées théoriques font l’objet des larges développements
de cette étude.675 Il faut d’emblée souligner l’éclosion d’une jurispru-
dence certes titubante néanmoins susceptible d’être améliorée.
À cette période qui correspond finalement aux arrêts rendus après
les élections de juillet et octobre 2006, il faut singulièrement attacher
le développement de la notion d’actes législatifs. En effet, dans

675
Le greffe de la Cour suprême de justice indique plus de deux cents dossiers
enrôlés en matière électorale. C’est le lieu de déplorer la décision interdisant la
vente du Bulletin des arrêts rendus en matière électorale qui empêche justement
des statistiques fiables.

355
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

l’arrêt R.A. 320 du 21 août 1996 dit arrêt Tshisekedi, cette notion est
déjà développée en ces termes : « …le vocable actes législatifs dont le
contrôle est proscrit couvre non seulement les lois stricto sensu ou les
textes ayant valeur de loi, mais également tout document ou acte
émanant ou accompli dans l’exercice du pouvoir législatif ».676
Cet arrêt pris dans son contexte de 1996 est celui qui met le frein
aux élans libérateurs de 1993 déjà signalés mais, en même temps et
paradoxalement, il sera utilisé par le juge constitutionnel d’après

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2006 comme référence pour protéger les droits de l’homme.
Nous verrons en effet plus loin qu’à l’occasion des affaires Trésor
Kapuku Ngoy et Célestin Cibalonza Byatarana contre les Assemblées
provinciales respectivement du Kasaï Occidental et du Sud Kivu, le
juge constitutionnel transitoire a tenu pour acte législatif la motion
de censure adoptée contre ces deux gouverneurs de province.
La Haute Cour a utilisé, dans un style on ne peut plus concis et
précis, la catégorie d’acte législatif comme une sorte de couperet à
l’encontre des arguments tendant à son incompétence matérielle qui
n’ont pas manqué d’être soulevés par la défense des Assemblées pro-
vinciales.
Au-delà de la critique théorique évidente que l’on peut faire aux-
dits arrêts pour cause qu’ils mélangent les actes d’assemblée avec les
actes législatifs, il y a lieu d’y voir aussi, peut-être, une volonté déli-
bérée du juge constitutionnel de saisir tous les actes politiques par le
droit.677
Il y a là sans conteste un développement de la notion d’actes légi-
slatifs dans un sens qui a premièrement abouti à l’incompétence du

676
Voir Bulletin des arrêts de la Cour suprême de justice, Années 1990-1999, Éditions
du service de documentation et d’études du ministère de la justice, Kinshasa,
2003, pp. 161-162.
677
Voir les développements fort remarquables que consacre à ce phénomène,
FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1998. Cependant, s’agissant de la République
démocratique du Congo, l’on peut s’interroger si les juges ont toujours présente à
l’esprit cette nécessité de limiter le pouvoir en élargissant corrélativement l’espace
pacifié des droits et libertés fondamentaux : l’interrogation est capitale mais elle
mérite de développements ailleurs.

356
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

juge administratif et dans un second moment à la compétence du


juge constitutionnel pour contrôler les actes mêmes dits d’assemblée.
Le débat sur cette notion et d’autres, montre, si besoin en était enco-
re, que le droit constitutionnel est en processus de saisir les débats
politiques en République démocratique du Congo à travers le juge
constitutionnel.678
Sans anticiper sur les retombées de ces arrêts qui pourraient justi-
fier amplement une autre étude, l’on peut affirmer que trois déci-

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sions de la Cour suprême de justice de l’époque d’après l’année 1990
c’est-à-dire pendant les deux transitions sont révélatrices déjà de cette
tendance à contrôler les actes d’assemblée que la doctrine française679
et belge680 soustrait du champ du contentieux administratif.681
Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue que les élections législa-
tives et même celles des gouverneurs de province ont donné lieu à
une jurisprudence qui, au-delà de la controverse qu’elle a pu susciter,
présente au moins l’avantage d’enrichir le droit public congolais. 682
En effet, il importe d’épingler ici les nombreux arrêts
d’irrecevabilité pour cause de défaut de qualité manifeste ou même
non apparente dans le chef des requérants du contentieux de candi-

678
Lire WETSH’OKONDA KOSO, « La définition des actes législatifs dans l’arrêt de
la Cour suprême de justice R. Const 051TSR du 31 juillet 2007 à l’épreuve de la
Constitution du 18 février 2006 », La constitution en Afrique, site web appartenant
au professeur Stéphane BOLLE.
679
CHAPUS (R.), Droit administratif général, 2 tomes, 15e édition, Paris,
Montchrestien, 2001.
680
LEWALLE, Contentieux administratif, coll. de la Faculté de droit de l’Université
de Liège, 2e édition, Bruxelles, Larcier, 2002, p. 576, n° 351. Cet auteur dit
qu’aucun énoncé prescriptif juridique ne soustrait ces actes du contrôle du juge
administratif, mais dans la pratique, le Conseil d’État se déclare incompétent en
référence à la notion d’actes de gouvernement qui n’a dès lors qu’un fondement
doctrinal et jurisprudentiel.
681
Voy VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
p. 857. L’auteur fait toutefois une nuance en distinguant le juge administratif du
juge constitutionnel qui n’est pas en principe limité comme l’est le premier.
682
Nous faisons allusion entre autres ici à la définition de notions de majorités
absolue et relative en jurisprudence congolaise à partir de l’arrêt rendu en appel
dans l’affaire concernant l’élection du Gouverneur de la province du Bas-Congo.
Nous y reviendrons.

357
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dature683 ou même de ceux des contestions électorales proprement


dites684 ou des contestations référendaires qui ont été le fait malheu-
reusement de quelques partis politiques minoritaires ou même mar-
ginaux ou marginalisés685.
Ici, s’est posée la question de la recevabilité de la tierce-opposition
aux arrêts de la Cour suprême de justice en matière électorale. 686
N’oublions pas toutefois que le juge électoral suprême a quelques
fois siégé sur pied des communiqués de presse ouvrant par là une

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voie royale à des contestations aussi nombreuses que variées qui ont
émasculé son autorité devant les autres instances de l’État.687
En revanche, le contentieux électoral présidentiel n’a pas été riche
en notions susceptibles d’appuyer l’État de droit. Ainsi que nous le
verrons bientôt, le juge constitutionnel en cette matière a emprunté

683
Voir CSJ, Djuma Anabeku, Arrêt RCDC005/KN du 10 avril 2006, inédit ; La
Convention chrétienne pour la démocratie, Lisanga Bonganga, RCDC 012/KN du
13 avril 2006, inédit ; Bonioma Kalokola Alou, RCDC 004/KIN, inédit.
684
Voy CSJ, Lumbala Mbuyi Joseph, RCE/DN/KIN 024 du 2 novembre 2006,
inédit ; P. P. R.D., RCE/DN/KN/067 du 21 octobre 2006, inédit ; Mouvement
du 17 mai, M17, RCE PR006 du 4 septembre deux mille six, inédit ;
Rassemblement congolais pour la démocratie, RCE PR 007 du 4 septembre 2006,
inédit ; Parti Démocratie Chrétienne, RCE PR 008 du 4 septembre 2006, inédit ;
Mukungubila Mutombo Paul Joseph, RCE PR 005 du 1er septembre 2006, inédit ;
Parti Rassemblement pour une nouvelle société, RCE PR 004 du 4 septembre 2006,
inédit ; Kombo Mambu Mingi, RCE PR 001 du 31 août 2006, inédit ; Alliance des
démocrates congolais, RCE PR 002 du 2 septembre 2006, inédit ; Fonus, RCE PR
003 du 4 septembre 2006, inédit.
685
Voir CSJ, La générale libre socialiste, arrêt RCE 09/05 du 11 janvier 2006, inédit ;
Bossasi Epole Bolya Kodya, arrêt du 1er février 2006, inédit.
686
L’acceptation par la Haute Cour de cette voie de recours tantôt sur pied du code
de procédure civile tantôt sur base de la procédure devant la Cour suprême de
justice révèle, à coup sûr, un tâtonnement théorique évident sur le fondement
légal de cette voie de recours extraordinaire. Nous y reviendrons en détail au
chapitre III de cette partie.
687
Lire BOSHAB (E.), « Le principe de la séparation des pouvoirs à l’épreuve de
l’interprétation par l’Assemblée nationale des arrêts de la Cour suprême de justice en
matière de contentieux électoral », in MBATA B. MANGO (sous la direction de),
Participation et responsabilité des acteurs dans un contexte d’émergence
démocratique, Actes des journées scientifiques de la faculté de Droit de
l’Université de Kinshasa du 18 au 19 juin 2007, PUK, 2007, pp. 27-32.

358
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

le raisonnement de son collègue de cassation évitant ainsi d’aller


dans les marées hautes du droit constitutionnel.
Il importe cependant de dire en guise de conclusion que le
contentieux constitutionnel congolais a eu des beaux moments et
d’énormes difficultés qu’il nous appartient ici d’épingler et de tenter
de résoudre.
En effet, les droits de l’homme ont été durant cette période mieux

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protégés par le juge constitutionnel qui s’est moins déclaré incompé-
tent en raison sans doute du fait de la démocratisation du pays mais
aussi par l’onction que semble avoir donné le peuple congolais par
référendum au texte constitutionnel.
Au demeurant, la déclaration par trop fréquente d’incompétence
par un juge saisi pour trancher une querelle politique très vive dans
la société peut être perçue à la fois comme un signe de sagesse insti-
tutionnelle, si tant est que cela soit envisageable, et un message sûr
que le juge a pris position pour un de camps en refusant de se pro-
noncer. Il en a été ainsi lors de la période antérieure à la Constitu-
tion de transition de 2003.688
Le développement de la notion de justice constitutionnelle en
République démocratique du Congo n’offre pas encore un visage
assuré pour que, dans cette étude, nous ayons la prétention d’arrêter
déjà les traits caractéristiques de cette institution-mécanisme. À dé-
faut de ce faire, nous pouvons néanmoins étudier les mécanismes
institutionnels de l’organisme chargé de contrôler la légalité consti-
tutionnelle dans ses aspects de compétence.
L’on peut aussi affirmer que l’étude de la compétence est une ap-
proche de pure technique juridique mais qui doit allier la perspective
finaliste689 de l’État de droit qui se laisse appréhender ici comme le

688
Il nous a été donné de voir que chaque fois que la classe politique était en
ébullition en attente d’une solution juridictionnelle, le juge s’est retranché
derrière la notion de compétence ratione materiae pour, en fin de comptes,
laisser le problème entier ou en tout cas, à l’avantage du camp qui détient la
réalité du pouvoir.
689
Voy LUCHAIRE (F.), « De la méthode en droit constitutionnel » in R.D.P., Paris,
n° 4, 1981, pp. 123-176.

359
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

droit fil de toute l’étude. En effet, sans cette perspective, l’étude des
compétences du juge constitutionnel dans un contexte d’autocratie
dénotera d’une sécheresse du point de vue heuristique car elle sera
uniquement descriptive.690
Il s’agit là aussi de voir comment le prescrit constitutionnel trou-
ve application dans de cas concrets avant d’énoncer, comme il sied
dans une étude de ce genre, quelques propositions susceptibles
d’améliorer la compétence de notre juridiction constitutionnelle.

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690
Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P. G.), Le contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo. Étude critique d’un
système de justice constitutionnelle dans un État à forte tradition autocratique, thèse
de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.

360
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

CHAPITREII :
LA COMPÉTENCE DU JUGE
CONSTITUTIONNEL

La problématique de la compétence du juge constitutionnel a tou-


jours suscité un intérêt particulier : celui de déterminer la nature de
ce juge tant il est vrai que le législateur congolais, compte tenu de

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l’importance et de la sensibilité de la matière, a souvent affiché une
attitude très circonspecte.
Il en résulte qu’il y a sans nul doute une corrélation entre le type
de régime politique avec la compétence attribuée à une juridiction
en matière constitutionnelle.
Pour être complet, disons d’un mot, que la compétence d’un juge
est son aptitude à instruire et à juger un litige tandis que le juge lui-
même est l’autorité investie de ce même pouvoir, dans les limites et
l’étendue de ses attributions. Cette définition rejoint la doctrine qui
enseigne que la compétence peut s’analyser comme une aptitude lé-
gale, pour une autorité publique ou une juridiction, à accomplir un
acte ou à instruire et à juger un procès.691
Il s’agira donc dans cette étude de saisir la compétence comme
l’étendue et les limites des attributions constitutionnelles et légales
reconnues à la juridiction constitutionnelle par le droit positif.
Il faut ajouter qu’à chaque niveau interviendra l’approche dia-
chronique qui nous permettra en même temps que nous étudierons
le droit posé de jeter un regard appuyé sur le passé qui est souvent
révélateur de l’évolution de nos mécanismes institutionnels. Au de-
meurant, abordant une matière essentiellement prétorienne692,
l’approche jurisprudentielle sera ici abondamment utilisée.

691
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes
juridiques, 6e édition, Paris, Dalloz, 1985, p. 98.
692
L’adjectif emprunte ici son sens étymologique latin : praetor : le juge. D’où
l’adage : De minimis praetor non curat.

361
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Par ailleurs, les attributions de la juridiction constitutionnelle


étant de nature différente selon la classification que nous en avions
dégagée en droit comparé, il importe d’aborder le sujet par l’analyse
des attributions en matière gracieuse avant d’aborder celles que cette
juridiction possède en matière contentieuse.

Section 1 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIÈRE

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GRACIEUSE
Le juge constitutionnel, on l’a vu à travers l’histoire constitu-
tionnelle de notre pays et même au travers de l’étude de droit com-
paré effectuée dans la première partie de ce travail, est souvent char-
gé des questions qui ne sont pas contentieuses. Nous les étudions
néanmoins parce que, du point de vue technique, elles font bel et
bien partie de la compétence matérielle de cette juridiction constitu-
tionnelle. Une approche par rapport au fond de la question soumise
au juge aurait à coup sûr empêché l’étude de telles questions qui, di-
sons-le, d’emblée, ne soulèvent aucune question.
Parmi ces questions qui, apparemment, ne soulèvent aucune ques-
tion contentieuse jusque-là figurent la réception du serment prési-
dentiel, le constat de la vacance au poste de président de la Républi-
que, la proclamation des résultats électoraux et référendaires, le dé-
pôt de la déclaration du patrimoine familial du président de la Ré-
publique et des membres du gouvernement ainsi que la déclaration
de conformité des ordonnances de l’article 145 de la Constitution du
18 février 2006.
Voyons à présent chacun de ces chefs de compétence dans les dé-
tails.

§ 1. La réception du serment constitutionnel


du président de la République
La constitution énonce qu’avant son entrée en fonction, le prési-
dent de la République prête, devant la Cour constitutionnelle, le
serment ci-après : (…).693 L’analyse sémantique et téléologique des

693
Constitution de la République démocratique du Congo, article 74, JORDC,
47e année, numéro spécial, 20 juin 2006, p. 19.

362
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

termes du serment relève du droit constitutionnel substantiel qui


n’est pas notre enjeu ici. En revanche, sur la forme, la question que
pose cette disposition constitutionnelle est celle de savoir si le juge
constitutionnel a quelque compétence à l’égard de la personne qui
prête ce serment. L’expression utilisée par le constituant est celle que
ses prédécesseurs ont souvent employée, malgré quelques variantes
qu’il sied d’épingler. 694
La question acquiert une importance en théorie lorsque le juge

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constitutionnel qui, ici, est assujetti à une obligation juridique de
recevoir le serment du chef de l’État élu, là, s’astreint à une obliga-
tion que ne lui impose aucun constituant. En effet, par arrêt
R.S.002/2001 du vendredi 26 janvier 2001, non seulement le juge
constitutionnel s’est senti obliger de rendre ledit arrêt mais bien plus
il a affirmé tirer compétence de recevoir le serment du Général Ma-
jor Joseph Kabila de la décision du 17 janvier 2001 prise par le gou-
vernement conjointement avec le haut commandement de l’Armée
et la résolution n° 003 du 24 janvier 2001 par laquelle l’Assemblée
constituante et législative – Parlement de transition a investi le mê-
me Général Major Joseph Kabila, président de la République, toutes
décisions communiquées par leurs auteurs respectifs à la Cour su-
prême de justice.
Cet arrêt est symptomatique de l’attachement du pouvoir obtenu
par le sang de se blanchir au contact des hommes en peau de lièvre.
Il s’agit donc de la décoration politique. Mais du point de vue du
droit constitutionnel, non seulement la personne qui a prêté serment
n’y était tenue de même que la Haute Cour qui l’a reçu a joué de la
complaisance que l’on lit du reste dans les attendus de cet arrêt.
En effet, le premier attendu de cet arrêt est ainsi libellé : « attendu
d’une part, que l’ordonnance du 14 mai 1886 impose aux cours et
tribunaux de recourir aux principes généraux du droit et aux cou-
tumes, pour résoudre une contestation en l’absence d’un texte ».695
Cette motivation du juge révèle sans aucun doute son embarras à

694
Constitution, article 74, alinéa 2.
695
Voy Recueil de textes pour le dialogue intercongolais, JORDC, 42e année,
numéro spécial, mai 2001, pp. 5-7.

363
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

trouver un fondement légal à sa compétence. Il en trouve deux : les


principes généraux de droit et la coutume. En l’espèce, l’on
conviendra qu’il n’y a aucun principe général du droit qui oblige
quelqu’un à prêter serment avant d’exercer une fonction publique. Il
s’agit le plus souvent d’une obligation légale ou statutaire.696
Par ailleurs, la Haute Cour qui est souvent vétilleuse avec les ju-
ridictions inférieures a manqué de dire expressis verbis quel principe
général du droit était visé au moyen accueilli par elle. En revanche,

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le second argument contenu dans le deuxième attendu est qu’il est
dans notre droit constitutionnel un principe général et une coutume
selon lesquels un président de la République n’entre en fonction
qu’après avoir prêté serment devant la Cour constitutionnelle en
tant que témoin de la Nation.
Cet attendu est le plus problématique du point de vue juridique.
Il affirme en effet qu’un même principe peut être à la fois une cou-
tume et un principe général qui est naturellement différent d’un
principe général du droit. Cette confusion théorique n’est pas de na-
ture à rendre lisible l’arrêt sous examen. Au surplus, l’attendu sous
analyse affirme que le président de la République devrait, selon cette
coutume - principe général, prêter serment devant la Cour constitu-
tionnelle, juridiction inexistante au 26 janvier 2001, la juridiction
constitutionnelle définitive à cette date se dénommant Cour suprê-
me de justice, toutes sections réunies.
Comme pour enfoncer le clou de cette confusion inacceptable de
la part d’une Haute Cour, elle souligne que la même coutume sans
indiquer laquelle aurait décidé que la Cour suprême de justice, toutes
sections réunies, exercerait les attributions de la Cour constitution-
nelle. Nous sommes en plein dans le délire juridique car le raison-
nement de la Haute Cour consiste à proclamer un dogme hérétique
selon lequel une coutume peut attribuer des compétences de droit
public à une juridiction. La question théorique que tout constitu-
tionnaliste peut se poser est celle de savoir à partir de quelle date

696
Ibidem, p. 6.

364
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

l’opinio juris sive necessitatis se serait formée au cas où l’usage en se-


rait établi de manière répétée.697
La répétition dans le temps est insuffisante dans le cas d’espèce,
car l’arrêt précédent rendu en cette matière est celui donnant acte à
Laurent Désiré Kabila dit Mzee de sa prestation de serment en quali-
té de président de la République le 27 mai 1997. Cet arrêt comme
celui que nous analysons souffre de mêmes carences théoriques.698

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Au nom de cette coutume certainement, la Haute Cour va jusqu’à
donner acte avec félicitations les plus ferventes.699 Outre qu’une telle sen-
timentalité n’est pas habituelle dans le langage d’une juridiction su-
prême qui s’arroge le qualificatif d’une Cour constitutionnelle, en
l’absence manifeste des dispositions transitoires de la Constitution, il
sied de voir clairement qu’elle a, ce faisant, statué comme pouvoir
constituant originaire en modifiant les termes de la Constitution de la
transition alors en vigueur en cette matière et en créant un organe
constitutionnel : la Cour constitutionnelle.
Après ces critiques purement techniques, affirmons tout de même
que la perspicacité des juges était certainement brouillée par des im-
pératifs extrajuridiques et surtout par la fraîcheur de la poudre des
armes sorties des camps militaires suite, dans le premier cas, à la vic-
toire de l’AFDL et dans le second cas, à l’assassinat du Chef de

697
Sans doute la Haute Cour fait-elle déjà allusion au serment du 29 mai 1997
recourant lui aussi aux principes généraux de droit constitutionnel non élucidés
et qui, de ce fait, relèvent d’une herméneutique ésotérique à laquelle la science du
droit n’est pas malheureusement admise. Et même alors, deux hirondelles font-
elles le printemps ? Surtout qu’ici, il n’y a qu’un précédent et même pas deux au
moment où siège notre juge.
698
Lire l’arrêt dans, JORDC, numéro spécial, 38e année, Kinshasa, 1997, pp. 6-13 ;
lire aussi les pertinentes critiques de TEKASALA MAWA, La démocratie
étranglée ou la problématique de la légitimité du pouvoir du chef de l’État et du droit
de résistance du peuple en République démocratique du Congo, Matadi, Éditions
CEC, 2002, pp. 65-67.
699
L’on peut convenir aisément qu’un arrêt n’a pas pour fonction de présenter des
félicitations du reste ferventes au Chef de l’État. Tel arrêt ne peut s’analyser que
comme une sorte d’excès de pouvoir justifié par une allégeance faite par la Haute
Cour au nouvel homme fort. Comment une Cour de Justice peut-elle autrement
féliciter un individu qui accède au pouvoir en dehors des schémas juridiques sans
se renier ?

365
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

l’État. Tout ceci révèle au fond que l’indépendance de la justice sera


un vain mot si ceux qui doivent l’incarner sont généralement des
individus sans caractère. Cet aspect psychologique du tempérament
humain ne doit pas être oublié lors de nominations de cadres dans la
magistrature de notre pays.
La lecture du texte constitutionnel n’indique pas de façon expresse
que la Cour constitutionnelle doive donner acte du serment constitu-
tionnel du président de la République. Les textes constitutionnels de

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la période antérieure étaient mieux rédigés à cet égard.700 Il est cepen-
dant logique qu’un procès-verbal soit établi à la suite de la cérémonie
ou plus exactement de l’audience solennelle.
Dès lors, l’arrêt de donner acte revêt ici la valeur juridique d’un
procès-verbal constatant l’accomplissement d’un acte juridique.
L’intérêt est qu’à dater de cet arrêt qui doit être publié comme tous
les arrêts de la Cour constitutionnelle au Journal Officiel, le prési-
dent de la République entre effectivement en fonction et son mandat
commence donc à courir à l’égard de tous. 701
L’avantage du nouveau texte constitutionnel, c’est qu’il désap-
prouve les deux arrêts ci-haut analysés en renouant avec la tradition
républicaine congolaise.702

700
Lire attentivement les textes et les références reproduites sous la note 612 ci-
dessous.
701
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. 23.
702
Lire article 56 alinéa 6 de la Constitution du 1er août 1964, M.C., numéro spécial,
1965 ; article 22 de la Constitution du 24 juin 1967 ; article 32 de la Constitution
telle que révisée par la loi n° 74-020 du 15 août 1974 ; article 39 de la
Constitution de la République du Zaïre dans sa mise à jour du 1er janvier 1983,
JO, n° 1 du 1er janvier 1983, p. 15 ; article 39 modifié par l’article 1er de la loi
n° 90-002 du 5 juillet 1990 portant révision de certaines dispositions de la
Constitution. Tous les textes de la IIe République prévoient ce serment devant
une haute juridiction avec des compositions qui varient dans le temps. Les deux
textes de transition, en l’occurrence celui contenu dans la loi n° 93-001 du 2 avril
1993 portant acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de la transition,
JO, 34e année, numéro spécial, avril 1993 et celui issu de l’Acte constitutionnel de
la transition, JO, 35e année, numéro spécial, avril 1994, ont omis d’indiquer ce
serment pour la simple et bonne raison que ces textes s’appliquent au président
Mobutu comme partie prenante aux accords politiques ayant donné lieu à

366
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Nous venons de voir que le constituant a prévu l’intervention du


juge constitutionnel en cette matière comme autorité publique char-
gée de recevoir l’accomplissement d’une formalité essentielle du
pouvoir politique sans toutefois lui confier le pouvoir juridiction-
nel ; le juge ne tranche aucune question. Il n’est pas juge.
Dans l’abstrait, qu’adviendrait-il si la personne qui se soumet à la
prestation de serment n’est pas celle élue par le peuple et proclamé
précédemment par la Cour ? Il est évident que l’alinéa 1er de

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l’article 74 de la Constitution déjà invoqué devrait interdire à la
Cour constitutionnelle de recevoir tel serment.
Voilà que ce qui n’était qu’une simple matière gracieuse peut
donner lieu à contentieux. En est-il de même de la vacance du prési-
dent de la République ?

§ 2. Le constat de la vacance au poste de président


de la République
Constater la vacance signifier déclarer officiellement le poste va-
cant, non occupé. Sans rentrer dans la nomenclature de différentes
vacances organisées par les constitutions passées de notre pays, l’on
peut relever que la Constitution de la transition retenait les cas
d’ouverture ci-après pour la vacance au poste de président de la Ré-
publique : la démission, le décès, l’empêchement définitif, la
condamnation pour haute trahison, le détournement des deniers pu-
blics, la concussion ou la corruption.703
Dans l’occurrence d’un des événements prévus à cette disposition
constitutionnelle, le constituant a confié le constat de cette vacance à
la compétence exclusive de la Cour suprême de justice saisie par le
gouvernement.704

l’écriture constitutionnelle et non à tout président de la République. Le serment


en cette occurrence eut été une formalité inadmissible pour une partie aux
accords qui, au demeurant, détenait les rênes du pouvoir.
703
Voy article 66 alinéa 1er de la Constitution de la transition.
704
Voy article 66 alinéa 2 de la Constitution de la transition.

367
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Par ailleurs, il importe de noter que sous la première et au début


de la seconde République, cette mission était réservée à la Cour
constitutionnelle.705
Il faut relever pour être complet sur l’historique que cette juridic-
tion fut supprimée par la loi constitutionnelle du 15 août 1974 qui
attribua cette compétence au Bureau politique706, puis le Comité
central hérita de cette prérogative du fait de la révision constitution-
nelle du 25 novembre 1980.707

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À la suite du discours du président de la République du 24 avril
1990, la révision constitutionnelle du 5 juillet 1990 et l’Acte consti-
tutionnel de la transition confièrent à la Cour suprême de justice
cette compétence.708
En revanche, le décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 n’ayant prévu
cette procédure, la vacance provoquée par l’assassinat du président
Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001, a été comblée à l’issue
d’une procédure anticonstitutionnelle qui a impliqué tous les pou-
voirs de l’État : le Gouvernement, l’Assemblée constituante et légi-
slative – parlement de transition et la Cour suprême de justice.
Le constituant de 2006 a aussi disposé qu’en cas de vacance pour
cause de décès, de démission ou pour toute autre cause
d’empêchement, les fonctions de président de la République, à
l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 c’est-à-dire
le pouvoir de nomination des membres du gouvernement, des hauts
cadres du pays et des magistrats, sont provisoirement exercées par le
président du Sénat.709
Il ressort de la lecture de cette disposition constitutionnelle
confirmée d’ailleurs par le texte exprès de la Constitution qu’il s’agit

705
Voy article 57 alinéa 1er de la Constitution du 1er août 1964 ; article 23 alinéa 1er
de la Constitution du 24 juin 1967.
706
Voy article 33 alinéa 1er de la Constitution révisée par la loi du 15 août 1974.
707
Voy article 40 de la Loi n° 80-012 du 25 septembre 1980 portant révision de la
Constitution du 2 juin 1967.
708
Lire article 54 de l’Acte constitutionnel de la transition de 1994.
709
Voy article 75 de la Constitution du 18 février 2006.

368
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

d’une vacance suivie de plano par un intérim constitutionnel.710


L’intérim prend fin par l’élection et la prise de fonction du nouveau
président de la République qui a ainsi un mandat plein.
Cette élection, en cas d’empêchement définitif déclaré par la
Cour constitutionnelle, doit, sur convocation de la Commission
électorale nationale indépendante, avoir lieu soixante jours au moins
et quatre-vingt-dix jours au plus, après l’ouverture de la vacance ou
de la déclaration du caractère définitif de l’empêchement.711

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
À ce niveau, cette disposition appelle un commentaire spécifique
en ce qu’elle pose au moins deux questions de droit à savoir : la défi-
nition de l’empêchement définitif et la nature juridique de la déci-
sion de proroger le délai électoral prévu à cette même disposition.
Le constituant congolais ne définit pas l’empêchement définitif. Il
se contente d’en déterminer les modalités d’intérim en cas de vacance
qu’il provoque sans dire en quoi il consiste. Le recours à la doctrine
permet de dire que l’empêchement définitif s’entend d’un « obstacle
qui ne permet pas au titulaire d’une fonction publique de l’exercer
normalement ».712 D’autres auteurs, se fondant sur un critère plutôt
organique et formel voient dans l’empêchement « l’impossibilité offi-
ciellement constatée pour un gouvernement d’exercer ses fonc-
tions ».713
Il convient de souligner que dans le cadre du droit français qui
sert de cadre théorique à ces définitions, la distinction est faite entre
l’empêchement provisoire ou momentané et l’empêchement défini-
tif ; l’empêchement provisoire entraîne la suppléance par le Premier
ministre714 tandis que l’empêchement durable provoque l’intérim.715

710
Voy aussi l’article 76 alinéa 2 de la Constitution.
711
Voy article 76 alinéa 3 de la Constitution.
712
Lire AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Lexique. Droit constitutionnel, 7e édition,
Paris, PUF, 1998, p. 54, v° Empêchement.
713
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, 6e édition,
Paris, Dalloz, 1985, p. 186, v° Empêchement.
714
Voy article 21 in fine de la Constitution française.
715
Voy article 7 de la Constitution française.

369
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il apparaît clairement que la distinction tient à l’intensité ou la


durée de l’empêchement. Ainsi, la maladie du président de la Répu-
blique qui l’aliterait pendant plus de six mois pourrait selon les cir-
constances de l’espèce être retenue comme empêchement définitif. Il
faut dire cependant que s’agissant d’une question de fait, elle est lais-
sée à l’appréciation souveraine du juge constitutionnel saisi, dans
tous les cas de vacance, par le Gouvernement.716 En revanche, les
hypothèses d’empêchement peuvent être variées, et difficile égale-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
ment l’appréciation du seuil au-delà duquel un empêchement devient
définitif.717
Il faut cependant relever une autre hypothèse qui est sous enten-
due par cette disposition constitutionnelle : le gouvernement refuse
de saisir la Cour constitutionnelle. Il se passera que la situation sera
délicate si le gouvernement ne devait pas saisir le juge constitution-
nel, soit par calcul politique, soit pour toute autre raison. Sur ce
point, qui, il faut le dire, frôlerait le ridicule, la Constitution est
muette.718
En droit positif congolais, la suppléance qui est provoquée par un
empêchement momentané est, au vœu du constituant, confiée au
Premier ministre mais sur délégation expresse de pouvoir de convo-
quer et de présider le Conseil des ministres.
A contrario, l’on peut dire que la suppléance de plano n’est pas
organisée. Si le Chef de l’État n’opère aucune délégation de pouvoir
au profit du Premier ministre, en cas de cohabitation des majorités
par exemple, ce dernier sera dans l’impossibilité juridique de convo-
quer et de présider le conseil des ministres.
Par ailleurs, avançons que le juge constitutionnel constate la va-
cance de façon en principe non polémique étant donné le caractère
certain de l’événement qui en est la cause : le décès, la démission, à

716
Voy article 76 alinéa 1er in fine de la Constitution du18 février2006.
717
Lire RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), Code constitutionnel, op. cit., p. 250.
718
Voir dans ce sens, GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques,
10e édition, Paris, Montchrestien, p. 626, note 27.

370
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

quoi peut être ajoutée une condamnation entraînant la destitution


prononcée par la Cour constitutionnelle.719
En revanche, même si la délégation de pouvoir qui est une in-
compétence matérielle qu’une autorité publique s’impose momenta-
nément doit être expresse et non implicite, il convient aussi de noter
que l’usage de l’indicatif présent par le constituant entraîne une
obligation, dans le chef du président de la République empêché, de
déléguer.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
En effet, par la délégation de pouvoir, la doctrine la plus éclairée
enseigne que l’autorité délégante se dessaisit d’une partie de sa com-
pétence au profit du délégataire. Elle opère ainsi une nouvelle répar-
tition de compétences et, tant qu’elle n’a pas abrogé la délégation,
elle ne peut plus intervenir dans le domaine transféré. 720 Somme
toute, le refus de déléguer pourrait être retenu comme une violation
intentionnelle de la Constitution tant cette incartade est constitutive
de l’infraction politique de haute trahison, pour briser son inertie,
par la Cour constitutionnelle.721
Le second problème juridique posé par la lecture de l’article 76
alinéa 3 de la Constitution de la IIIe République est celui de la nature
juridique de la décision de proroger le délai électoral prévu par le
constituant.
Il s’agit, à n’en point douter, d’une décision constituante tant le
juge constitutionnel siège comme pouvoir constituant dérivé habilité
à modifier le texte de la Constitution en ce qui est du délai constitu-
tionnel de l’élection en cas de vacance provoquée par un empêche-
ment définitif. Cette nature juridique particulière qui est surprenan-
te élève cependant le juge constitutionnel siégeant ici en matière gra-
cieuse en une autorité constituante dérivée d’un type particulier.
À deux reprises, le juge constitutionnel congolais a déjà pris la dé-
cision de proroger la durée de la transition politique alors que celle-

719
Voy article 167 alinéa 1er de la Constitution.
720
Voy VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
p. 679.
721
Lire article 165 alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.

371
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ci était prévue par la Constitution de la transition.722 L’on doit indi-


quer qu’une opinion contraire en droit français estime que
l’équivalent de cette disposition dans la Constitution du 4 octobre
1958 accorde plutôt soit une compétence discrétionnaire (alinéas 6
et 10 de l’article 7) soit une compétence liée (les alinéas 7, 8 et 9 du
même article).723
Cette opinion n’emporte pas nos suffrages au double motif
qu’elle utilise un vocabulaire propre au droit administratif et voit

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
dans le juge constitutionnel un simple régulateur de l’opération élec-
torale.
En effet, les notions de compétence discrétionnaire ou liée déna-
turent ici le caractère purement constituant du pouvoir que le cons-
tituant originaire accorde au juge constitutionnel. En outre, quelle
serait la sanction de l’irrespect de cette compétence liée ou du non
usage de la compétence discrétionnaire ?
Nous pensons qu’il s’agit de la compétence constitutionnelle ac-
cordée au juge non point comme juge car ici il n’exerce aucune activi-
té juridictionnelle au sens strict du terme mais plutôt comme autorité
constituante. Autrement, il est théoriquement difficile d’expliquer et
de fonder l’autorisation de proroger le délai fixé par la Constitution
sans prendre une décision de même nature juridique.
Si la nature de cet acte est infraconstitutionnelle, comme sem-
blent le suggérer Messieurs Renoux et de Villiers, il y a lieu de cons-
tater qu’elle est incontestablement inconstitutionnelle. Si elle est
après tout conforme à la Constitution, c’est parce qu’elle est
l’émanation de l’autorisation constituante. Cette autorisation consti-
tuante confère, en théorie, une même nature à l’acte qui est pris dans
son sillage.
Sur le fond, disons qu’en cas de démission ou de décès, le juge
constitutionnel constate, d’une part, que sont réunies les conditions
prévues à l’article 75 de la Constitution relatives à l’exercice provi-

722
Lire Décision conjointe n° 001/DC/AN/SEN/05 du 17 juin 2005 portant
prolongation de la durée de la transition et la Décision conjointe
n° 002/DC/AN/SEN/05 du 14 décembre 2005 portant prolongation de la
transition.
723
Voy RENOUX (Th.S.) et de VILLIERS (M.), op. cit., p. 250.

372
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

soire des fonctions du président de la République par le président du


Sénat, d’autre part, que s’ouvre, à partir de cette date, le délai fixé
par l’article 76 alinéa 3 pour l’élection du nouveau président de la
République.724
Il reste le problème du moule juridique d’expression de cette dé-
claration de vacance. Si en droit français, elle s’énonce sous forme
effectivement d’une déclaration en raison du caractère non expres-
sément juridictionnel de cette instance, il importe, chez nous, que la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
Cour prenne un arrêt car il nous semble être le seul mode
d’expression d’une juridiction de ce rang.
Par ailleurs, les articles 41 et 42 du projet de loi organique portant
organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle se limi-
tent à dire que cette dernière connaît de la vacance et de la prolonga-
tion du délai de l’élection du président de la République. 725Pareille
formulation est on ne peut plus mince. Il suffit de se rappeler que la
prolongation du délai d’élection est une question proprement politi-
que pour se rendre compte que le futur législateur organique pour-
rait ajouter quelques mécanismes protecteurs des droits de l’homme
comme le siège de la Cour qui doit, en cette matière, se composer en
plenum.
En conclusion, la déclaration de vacance doit être entendue au
sens juridique du terme c’est-à-dire d’une situation juridique qui est
constatée et non constituée. Ainsi l’arrêt à rendre par la Haute Cour
sera déclaratif du décès, de la démission ou de l’empêchement défini-
tif qui auront préalablement existé.
La Cour heureusement ne constitue aucun droit nouveau au pro-
fit de personne, sauf à étudier plus loin les effets attachés aux déci-
sions de la Cour constitutionnelle à l’égard des tiers.726

724
Voir les Déclarations du Conseil constitutionnel français des 28 avril 1969 et
3 avril 1974, Recueil du Conseil constitutionnel, pp. 33 et 65 citées par RENOUX
(Th. S.) et de VILLIERS (M.), op. cit., p. 249.
725
Projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, op. cit., p. 11.
726
Lire dans ce sens et à propos de ces effets à l’époque antérieure à la Constitution
sous examen, KALUBA DIBWA (D.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois et
des actes ayant force de lois en droit positif congolais », Revue du Barreau de
Kinshasa/Gombe, n° 02/2006, pp. 1-17.

373
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il n’en est pas de même en ce qui concerne les arrêts de proclama-


tion des résultats électoraux dont le caractère constitutif va être étu-
dié dans le paragraphe qui suit.

§ 3.La proclamation des résultats électoraux et


référendaires
L’étude de ce paragraphe va tourner autour de la compétence à la
fois constitutionnelle et légale de proclamer les résultats des élections

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
et du référendum.
En sus, il sied de dire d’emblée que la proclamation des résultats
vient à la suite soit des contestations électorales contentieuses dont
l’étude interviendra à la seconde section du présent chapitre, soit de
la transmission sans contestation des résultats provisoires par
l’autorité administrative indépendante instituée par le constituant.
Commençons par les résultats électoraux avant de voir le cas des ré-
sultats référendaires.

A. Cas des résultats électoraux


Aux termes des dispositions des articles 71 alinéa 3 et 161 alinéa 2,
il ressort clairement que les autorités politiques supérieures de notre
pays doivent être déclarées élues. S’agissant de la procédure à suivre,
le futur législateur organique a prévu deux articles qui se limitent à
énoncer que la procédure est régie par la loi électorale et la loi sur le
référendum.
Pareille formulation est également mince, à l’évidence. Nous di-
rons pourquoi après avoir analysé brièvement la proclamation de
l’élection présidentielle.

1. Election présidentielle
La lecture combinée de l’article 72 de la loi n° 06/006 du 9 mars
2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives,
provinciales, urbaines, municipales et locales727 et 161 alinéa 2 de la
Constitution donne à comprendre que le juge constitutionnel est

727
Loi dite électorale, JORDC, numéro spécial, 10 mars 2006, colonnes 1-61, ou
JORDC, 47e année, numéro spécial, 20 juin 2006, p. 146.

374
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

notamment chargé de proclamer les résultats définitifs des élections


présidentielle et législatives dans les 48 heures qui suivent la trans-
mission des résultats provisoires si aucun recours n’a été introduit
devant cette juridiction.
L’on peut observer aisément que prima facie le juge constitution-
nel joue là le rôle semblable à celui d’une autorité publique chargée
de proclamer les résultats des élections même si en cas de contesta-
tion, le pouvoir de proclamer semble émerger de la nature même du

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
contentieux en question. En effet, dans une joute électorale qui se
mue en bataille prétorienne, il est évident que des droits subjectifs
sont en action et que la proclamation des droits reconnus par le juge
semble être l’issue normale du litige qui est ainsi tranché.
C’est, d’ailleurs, ce qu’exprime le prescrit de l’article 75 de la loi
électorale lorsqu’il dispose que « si les recours sont déclarés irreceva-
bles ou non fondés, la Cour suprême de justice (…) proclame les ré-
sultats définitifs des élections ». Ainsi, la Cour suprême de justice a-t-
elle, « après examen, déclaré irrecevables les recours enrôlés sous
RCE PR 001, 002, 005, 007 et 008 ; elle s’est déclarée incompétente
en ce qui concerne le recours enregistré sous RCE PR 006 et a décla-
ré non fondés les recours enrôlés sous RCE PR 003 et 004 ; procla-
mé les résultats définitifs ci-après (…) ».728
Cet arrêt pose un réel problème juridique car il évacue huit re-
cours en contestations électorales présidentielles par un attendu qui
est loin d’incarner une motivation digne d’une Cour constitution-
nelle. Dire que la Cour a déclaré irrecevables tels recours ou non
fondés tels autres n’est nullement synonyme d’une motivation car la
lecture simple d’un tel arrêt ne permet à personne même pas aux ju-
ges eux-mêmes de savoir les soutènements juridiques qui ont engen-
dré la décision.
Naturellement, l’arrêt a ouvert le second tour de l’élection prési-
dentielle en disant de façon laconique mais claire que « sont admis à
se présenter au second tour, conformément à l’article 114 de la loi
n° 06/006 du 9 mars 2006, Messieurs Kabila Kabange Joseph et

728
Lire CSJ, arrêt RE 05 du 15 septembre 2006, inédit, p. 3.

375
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Bemba Gombo Jean-Pierre, les deux candidats ayant recueilli le plus


grand nombre des suffrages exprimés au premier tour ».729
L’arrêt pose en outre le problème de la composition de la Cour
suprême de justice qui l’a rendu. Au 15 septembre 2006, la Constitu-
tion de 2006 est en vigueur et porte que c’est la Cour constitution-
nelle qui est compétente en matière de contentieux électoral prési-
dentiel et législatif.730 Or, la disposition transitoire de cette même
Constitution attribue cette compétence à la Cour suprême de justi-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
ce731 sans dire en quelle de ses diverses formations.
Or, en plus, la Haute Cour dans l’arrêt commenté affirme avoir
siégé, en ses chambres réunies, sans indiquer en laquelle de ses trois
sections. Procédons donc par élimination : la Haute Cour n’a pu sié-
ger ni en matière relevant de la section de législation, ni en celle re-
lavant de la section administrative. La seule possibilité étant qu’elle
aurait siégé en sa section judiciaire, toutes chambres réunies. Or, là
aussi, il y a un gros problème car, l’article 155 et même l’article 156
du Code de l’organisation et de la compétence judiciaires732 détermi-
nent limitativement les matières relevant de cette section sans citer le
contentieux électoral.
Le contentieux électoral n’est cité qu’à l’article 160 du même co-
de. Ici, aussi, il faut se rappeler qu’en ce qu’il était en flagrante
contradiction avec la révision constitutionnelle de 1988 déjà citée, le
troisième point de l’article 160 était abrogé et n’existe pas.
Ainsi donc, à notre avis, seules les sections réunies peuvent être
considérées comme le seul juge constitutionnel en droit congolais et
comme cette matière est confiée à ce juge, il est seul qualifié à tran-
cher les contestations électorales.
Ayant donc siégé comme il l’a fait, le juge suprême congolais a er-
ré et égarer les acteurs politiques dans la mesure où il n’a pas dit le

729
Ibidem, p. 5.
730
Article 161 alinéa 2 de la Constitution.
731
Lire article 223 de la Constitution.
732
Lire articles 155 et 156 du code de l’organisation et de la compétence judiciaires
tel qu’il résulte de l’ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982, JOZ, n° 7, du
1er avril 1982, pp. 39-53.

376
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

droit dans toute sa splendeur. Or, statuant comme juge constitu-


tionnel transitoire, ou même définitif à l’époque, la Cour suprême
de justice ne peut être composée qu’au nombre de sept, aux termes
de l’alinéa 4 de l’article 54 du code de l’organisation et de la compé-
tence judicaires qui dispose que « lorsqu’elle statue toutes sections
réunies, la Cour suprême de justice siège au nombre de sept mem-
bres au moins ».
C’est le lieu de vider une confusion que semblent entretenir nos

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
vénérables juges de l’entendement de l’article 74 alinéa 8 de la Loi
dite électorale qui dispose que « le contentieux des élections est tou-
jours jugé par une juridiction siégeant au nombre de trois juges au
moins ».733
Cette disposition qui est une pétition de principe pour toutes les
hautes juridictions, car celles-ci siègent déjà toujours à trois membres
au moins, n’est applicable que pour les tribunaux de paix ou les tri-
bunaux de grande instance qui eux aussi siègent à trois juges respec-
tivement en matière coutumière et en matière répressive.
Ainsi dit, cet énoncé législatif n’exprime nullement le souhait du
législateur de voir la composition du juge constitutionnel changer. Il
suffit de remarquer que cet énoncé législatif est général à toutes les
juridictions pour ne pas avoir à écarter une disposition expresse et
spéciale concernant la Cour suprême de justice devenue juge consti-
tutionnel transitoire.
Au demeurant, dire trois juges au moins n’exclut pas que le siège
ait plus de trois membres. Dans l’arrêt étudié, la Cour a siégé effecti-
vement à plus de trois membres sans être pourtant une formation
prévue par la loi pour connaître de la contestation électorale. Ce
problème a été posé lors de l’arrêt RCE PR 009 du 27 novembre
2006734 et la Haute Cour avec une simplicité biblique a tout simple-
ment dit qu’il n’en était rien en opinant que « les articles 54 alinéa 4
et 160 du code de l’organisation et de la compétence judiciaires rela-

733
Voy article 74 alinéa 8 de la Loi électorale, JORDC, 47e année, numéro spécial,
20 juin 2008, p. 148. C’est nous qui soulignons.
734
Voy CSJ, MLC contre KABILA KABANGE Joseph, arrêt RCE PR 009 du
27 novembre 2006, inédit.

377
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tifs au contentieux des élections ne sont pas d’application en


l’espèce ».735 Et le problème de compétence technique de se reposer
dans de termes renouvelés !
Depuis cet arrêt, la Cour sera démasquée, car brusquement sans
trouver un autre fondement juridique, elle siégera à sept membres
pour proclamer « élu à la majorité absolue, président de la Républi-
que démocratique du Congo, Monsieur Kabila Kabange Joseph ».736

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Comment le même jour, deux arrêts peuvent-ils émaner d’une
même haute juridiction et répondre de deux façons diamétralement
opposées à une même question de droit ? Comment dès lors cultiver
la crédibilité scientifique des dires pour droit de la Haute Cour ? Ces
interrogations sont autant de clefs pour tenter de comprendre com-
ment la matière électorale qui est contentieuse par définition se re-
trouve confiée au juge constitutionnel au titre d’autorité chargée de
proclamer les résultats définitifs. C’est vrai également en ce qui
concerne les élections législatives.

2. Elections législatives :
Nous avons vu à l’occasion du paragraphe précédent que cette
matière ressortit à la fois du contentieux électoral et des matières
gracieuses attribuées au juge constitutionnel.
Sans entrer dans de longs développements que nous réservons à la
seconde section du présent chapitre consacré à la compétence
contentieuse de la Cour constitutionnelle, il y a lieu de remarquer
que celle-ci exerce cette compétence, dirait-on, de proclamation tant
au niveau national qu’au niveau provincial pour ce qui est des résul-
tats obtenus à ce niveau et contestés par voie d’appel.

Elections législatives nationales


L’article 127 de la loi électorale renvoie au prescrit des articles 68
à 72 de la même loi pour ce qui est de la proclamation des résultats
définitifs des élections législatives nationales. En effet, l’article 72

735
Ibidem, dixième feuillet, inédit.
736
Voy RE 006 du 27 novembre 2006, inédit, feuillets troisième et quatrième.

378
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

expose l’obligation qu’a la Cour suprême de justice de proclamer les


résultats définitifs des élections législatives (…) dans les 48 heures qui
suivent la transmission des résultats provisoires si aucun recours n’a
été introduit devant elle.
En cas de recours contre les élections législatives nationales, dis-
pose l’article 74 alinéa 3 de la même loi, la Cour dispose d’un délai
de deux mois à compter de la date de leur saisine pour rendre ses dé-
cisions.

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Sans anticiper sur cette question relative au délai endéans lequel
l’arrêt de proclamation doit être rendu, il importe de remarquer que
le futur législateur organique a réglé la difficulté en posant qu’il
s’agit d’un délai d’ordre non sanctionné en droit.737
Il est donc évident que la proclamation sans recours conserve ef-
fectivement un caractère gracieux tandis que l’exercice des recours
par les protagonistes malheureux de l’élection imprime à la procla-
mation faite en cette occurrence un caractère contentieux que nous
étudierons plus tard.
Affirmons seulement que l’arrêt de proclamation confère à l’élu
une sorte de droit à devenir député national qui sera confirmé par la
plénière de l’assemblée nationale. Nous disons droit à devenir député
car l’arrêt ne suffit pas pour emporter validation du mandat obtenu
dans sa circonscription électorale. Il est possible que l’arrêt soit
contesté par les voies de droit que nous analyserons bientôt. 738
Dès lors la sécurité juridique veut que la qualité de député ne soit
réellement acquise qu’après la validation des mandats. Si cette pro-
cédure est souvent celle que les assemblées parlementaires appliquent
dans leurs hémicycles, il importe de noter qu’elle pose une question
théorique de fond : qui valide l’assemblée plénière à valider ? La ré-

737
Lire projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle, inédit, exposé des motifs, p. 3.
738
Il est acquis à ce jour que la tierce-opposition et le recours en rectification
d’erreur matérielle ont été utilisés pendant la période suivant le contentieux
électoral d’après 2006 comme voies de recours contre les arrêts de proclamation
de résultats transformant du même coup ces recours en contestations électorales.

379
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ponse à cette interrogation interdit justement de voir une instance


juridictionnelle dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La validation des mandats est une formalité administrative de
contrôle de présence mais aussi un acte politique important. Il faut
lui reconnaître également la vertu de créer des droits et des obliga-
tions dans le chef du député, soit un véritable statut de droit public.
Il s’agit, en fin de comptes, d’un acte parlementaire dont la légali-

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té constitutionnelle peut être contrôlée par le juge constitutionnel en
vertu de l’article 144 de la procédure devant la Cour suprême de jus-
tice.739
Il sied de dire d’emblée à ce niveau que le futur législateur organi-
que marque un recul car il ne dispose aucunement sur le contrôle des
actes parlementaires comme c’est le cas de l’article 144 vanté qui a
trouvé deux cas d’application en droit congolais.740
Réfutant l’argument avancé par Mabanga Monga Mabanga selon
lequel, l’article 144 invoqué serait lui aussi abrogé par la révision
constitutionnelle portée par la loi n° 88-004 du 29 janvier 1988,741 il
convient tout simplement de noter que la disposition censée l’avoir
abrogé porte sur le contentieux électoral confié au Comité central
du Mouvement populaire de la Révolution et non sur le contentieux
portant sur « les recours dirigés contre les actes du Conseil législatif
(Parlement) refusant la validation des pouvoirs ou constatant la dé-
mission d’office d’un de ses membres ». 742
La nuance eût été, nous en convenons, que le dernier alinéa de cet
article 144 en ce qu’il renvoie aux articles 138 à 143 serait abrogé en-
core que le contenu d’une norme peut être maintenu dans une pro-

739
Lire article 144 de la procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ, n° 7,
1er avril 1982.
740
Lire CSJ, MUTIRI MUYONGO contre HCR-PT, arrêt RCE 001/96 du 4 février
1997, in MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., pp. 95-104 ; CSJ,
KALEGAMIRE NYIRIMIGABO contre HCR-PT, RCE 002/97 du 27 février
1998, inédit.
741
MABANGA MONGA MABANGA, op. cit., p. 74.
742
Voy article 144 de la procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ, n° 7,
1er avril 1982.

380
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

cédure qui reste, somme toute, étrangère à celle qui est visée par
l’abrogation implicite exposée.
En effet, pour que l’abrogation implicite des normes joue, il faut
mais il suffit que les deux normes soient intervenues dans le même
champ et qu’elles soient donc contradictoires. La double exigence de
l’herméneutique juridique manque en l’espèce, les normes préten-
dument en contradiction relevant de deux contenus différents et, de
ce fait, ne présentant aucune contradiction.743

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
Voyons à présent ce qu’il en est de cette compétence concernant
les élections législatives provinciales.

a) Elections législatives provinciales en cas d’appel


Les élections provinciales, comme on le sait, ne relèvent pas di-
rectement du contentieux confié à la Cour constitutionnelle. Elles
sont en ce qui concerne les députés provinciaux de la compétence de
la Cour d’appel du ressort. Et, cela ressort de l’article 72 de la loi
électorale. Mais il faut noter tout de suite que par la voie du recours
en appel contre les arrêts rendus en premier degré par la Cour
d’appel, la Cour constitutionnelle transitoire se trouve rendue com-
pétente en ce qui concerne les législatives provinciales.
C’est ainsi que par arrêt RCE/ADP/012 du vendredi 9 février
2007 opposant la CEI au MLC, la Cour suprême de justice a été sai-
sie comme juridiction d’appel concernant une candidature à une
élection provinciale au poste de gouverneur de province rejetée par
la CEI mais confirmée par l’arrêt RCCE/001 du 3 février 2007 de la
Cour d’appel de Kananga.744 Il en est de même de l’arrêt
RCE/ADP/010.745

743
C’est une règle de logique formelle que la contradiction suppose l’identité de
quantité et non de qualité des propositions. Lire P. de COUBERT, La logique
formelle, Kinshasa, Département de l’Éducation nationale, 1974.
744
Voy CSJ, CEI contre Union pour la Nation, RCE/ADP/012 du 9 février 2007,
inédit.
745
Voy CSJ, CEI contre Union pour la Nation, RCE/ADP/010 du 9 février 2007,
inédit.

381
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ces deux arrêts sont intervenus en matière de contentieux de


candidature ; à ce titre, ils nous intéressent ici car ils marquent la
spécificité du juge constitutionnel qui est compétent pour statuer en
appel tant sur le contentieux de candidature que sur celui de résultats
au terme duquel il proclame le candidat élu notamment gouverneur
de province. Tel est le cas de l’arrêt RCE/014/015 du 16 février 2007
que nous pouvons tenir pour un arrêt de principe tant il définit,
pour la première fois, en droit congolais la notion de majorité abso-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
lue746.
En est-il de même du contentieux référendaire ?

B. Cas des résultats référendaires


Il ressort des dispositions de la Constitution que la Cour consti-
tutionnelle connaît du référendum. Telle formulation, pour laconi-
que qu’elle soit, ne nous avance guère dans l’étude de la compétence
de proclamation des résultats référendaires. Ainsi, la lecture de la loi
référendaire n° 05/010 du 22 juin 2005 portant organisation du réfé-
rendum constitutionnel en République démocratique du Congo747
donne à comprendre que le juge constitutionnel, au-delà du conten-
tieux référendaire que nous verrons bientôt, a été rendu compétent
pour proclamer les résultats du référendum.
Ainsi, par arrêt RE 04 du 3 février 2006, la Cour suprême de
justice « (a) proclamé les résultats définitifs suivants :
Nombre d’électeurs inscrits : 25.021.703
Nombre de votants : 15.505.810
Nombre de bulletins nuls : 725.735
Suffrages exprimés : 14.780.075
Pour le Oui : 12.461.001
Pour le Non : 2.319.074

746
Voy CSJ, MBATSHI BATSHIA et NKUSU KUNZI BIKAWA contre l’arrêt
RCDC 019/020/021/025 du 8 février 2007 de la Cour d’Appel de Matadi les
opposant à FUKA UNZOLA et NE MUANDA NSEMI et le M.L.C., BACSJ,
numéro spécial, contentieux électoraux 2006-2007, Kinshasa, Éditions du service
de documentation du Ministère de la justice, 2007, p. 381.
747
JO, 46e année, 1re partie, numéro spécial, Kinshasa, 25 juin 2005.

382
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

(et) déclaré que le oui a recueilli 84, 31 % des voix et le non 15,
69 % ».748

Cet arrêt n’appelle pas de commentaire particulier tant il est ren-


du par une formation idoine de la Cour suprême de justice et, sur le
fond, s’est limité à constater les résultats du référendum tels qu’ils
lui ont été transmis par le président de la Commission électorale in-
dépendante. Il suffit de voir que la Cour a ainsi fait une bonne appli-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
cation de l’article 52 de la loi déjà citée.749
Terminons par préciser que la requête adressée à la Cour est mu-
nie d’un procès-verbal des résultats provisoires de la consultation
référendaire et qui retrace donc les résultats par bureau de vote dans
toute l’étendue de la République.
Ce chef de compétence qui présente une simplicité toute biblique,
par son énoncé textuel, tranche en difficulté avec la question du dé-
pôt de la déclaration du patrimoine familial de certaines autorités
supérieures de l’État qui, elle, relève de la bonne gouvernance qui
postule une transparence dans la gestion des deniers et biens de
l’État.
Autrement, la confusion des patrimoines de l’État et des diri-
geants transforme, sans coup férir, l’État en une sorte de république
« bananière ». Tel est le fondement de la déclaration du patrimoine
exigée.

§ 4.Le dépôt de la déclaration du patrimoine familial du


président de la République et des membres du
gouvernement
Le souci de la transparence dans la gestion de l’État moderne a
amené le constituant congolais à faire de la déclaration de son patri-

748
Voy CSJ, RE 04 du 3 février 2006, inédit, p. 4.
749
Lire article 52 alinéa 1er de la loi n° 05/010 du 22 juin 2005 portant organisation
du referendum constitutionnel et 31 de la décision n° 021/CEI/BUR/105 du
1er octobre 2005 de la Commission Electorale indépendante portant mesures
d’application de cette loi, JORDC, 46e année, 1re partie, numéro spécial,
Kinshasa, 25 juin 2005.

383
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

moine familial une obligation à la fois politique et juridique à charge


du Chef de l’État et de membres du gouvernement.
Ainsi, l’article 99 de la Constitution dispose qu’« avant leur en-
trée en fonction, le président de la République et les membres du
Gouvernement sont tenus de déposer, devant la Cour constitution-
nelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant
leurs biens meubles, y compris actions, parts sociales, obligations,
autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles, y compris

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
terrains non bâtis, forets, plantations et terres agricoles, mines et
tous autres immeubles, avec indication des titres pertinents.
Le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime
matrimonial, des enfants mineurs et des enfants, même majeurs, à
charge du couple. La Cour communique cette déclaration à
l’administration fiscale. Faute de cette déclaration, endéans les trente
jours, la personne concernée est réputée démissionnaire.
Dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de cette
déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon
d’enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle ou la Cour de
cassation est saisie selon le cas ».750
Cette disposition qui doit être saluée du point de vue de la trans-
parence du système politique pose néanmoins le problème de la dé-
finition de la famille des dirigeants politiques. En effet, le consti-
tuant a compris la notion de famille au sens de ménage déjà consacré
par le code de la famille.751 Mais, même là, il s’est arrêté en si bon
chemin car le ménage va au-delà de la petite famille nucléaire.
En termes plus clairs, une mutation au nom des parents ou alliés
rendra cette disposition inefficace. Nous pensons que le constituant,
de lege ferenda, non seulement devrait adopter la notion de ménage

750
Voy article 99 de la Constitution, JO, 47e année, numéro spécial, Kinshasa,
18 février 2006, pp. 34-35.
751
Lire article 443 du code de la famille qui dispose : « …le terme ménage désigne les
époux, leurs enfants non mariés à charge ainsi que tous ceux envers qui les époux
sont tenus d’une obligation alimentaire, à condition que ces derniers demeurent
régulièrement dans la maison conjugale et soient inscrits au livret de ménage »,
JO, numéro spécial, 1er août 1987.

384
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

qui est plus large mais aussi devrait étendre cette disposition à toute
personne dépositaire de l’autorité publique et manipulant, à ce titre,
des deniers et biens publics.
Par ailleurs, l’hypocrisie de ces mécanismes a été dénoncée perti-
nemment par la doctrine car en réalité beaucoup de nos dirigeants
sont polygames et il leur suffira de mettre les biens à déclarer au
nom des épouses ignorées par la loi mais qui sont pourtant réellement
ancrées dans leur vie pour rendre cette disposition purement symbo-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
lique.752 Il faut là aussi un travail de cohérence des énoncés constitu-
tionnels avec la praxis du peuple auquel ils sont destinés.
Il reste toutefois le problème de la forme sous laquelle telle décla-
ration devra être actée par la Cour constitutionnelle. Nous pensons
pour des raisons déjà invoquées ailleurs que la Haute Cour devrait
prendre un arrêt de donner acte qui serait signifié à la fois et à
l’administration fiscale et à l’autorité publique qui aura fait la décla-
ration visée.
La sanction qui est attachée au défaut de déclaration dans le délai
imparti par le constituant s’appliquerait de façon plus nette à comp-
ter de la cessation des fonctions surtout que le Procureur général
près la Cour constitutionnelle aura, entre autres, pour fonction de
rechercher et de poursuivre telles infractions.753
Comme nous l’avons vu, un arrêt de donner acte a l’avantage cer-
tain de porter à la connaissance du public la déclaration ainsi faite
par le biais du contrôle de l’opinion publique qui pourra s’exercer

752
Lire MABIKA KALANDA, Le code de la famille à l’épreuve de l’authenticité,
Kinshasa, LASK, 1990 ; KABAMBA NKAMANY, Pouvoirs et idéologies tribales
au Zaïre, Paris, L’harmattan, 1997 ; DIBUNDA KABUINJI, « Le droit coutumier
traditionnel face aux conflits des coutumes et conflits des lois en République du
Zaïre », RJZ, n° spécial, 50e année, Kinshasa, 1974, pp. 275-305 ; du bois de
GAUDUSSON (J.), « Les constitutions africaines et le mimétisme », in La création
du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, pp. 309-316 ; DONFACK SOKENG
(L.), « L’édification de l’État de droit en Afrique : entre universalité et spécificité »,
Revue de droit africain, n° 28, avril 2003, 7e année, Bruxelles, RDJA, 2003,
pp. 133-191.
753
Lire article 13 alinéa 1er du projet de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, op. cit., p. 6.

385
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

aisément, notamment à l’occasion de la publication de la susdite dé-


claration et de l’arrêt qui en prend acte au journal officiel de la Ré-
publique démocratique du Congo. L’efficacité du contrôle juridic-
tionnel de la transparence passe aussi par l’opinion publique qui est
concernée par les mesures exceptionnelles.

§ 5. La déclaration de conformité des ordonnances


de l’article 145 de la Constitution

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
L’étude de cette question spéciale de droit constitutionnel passe
par l’affirmation que cette disposition constitutionnelle est une co-
pie de l’article 16 de la Constitution française. Il faut cependant re-
marquer qu’il n’y a pas de mimétisme béat tant la disposition fran-
çaise fait appel « à des mesures (qui) doivent être inspirées par la vo-
lonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les
moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission »754, alors que
la Congolaise se borne à faire recours aux « mesures nécessaires pour
faire face à la situation ».755
Du point de vue de la question qui nous occupe, il importe de
souligner que le président de la République, lorsqu’il prend les me-
sures de l’article 145 de la Constitution, n’est pas lié par les disposi-
tions de la Constitution à l’exception naturellement de celles conte-
nues dans ce même article 145 et dans les dispositions des articles 85,
116 et 144 contenant des normes idoines à cette matière. Le rappro-
chement des termes des articles 69 et 145 de la Constitution est signi-
ficatif du rôle majeur du chef de l’État. Arbitre et garant dans les
temps normaux, il peut cumuler les pouvoirs législatif et exécutif
quand sont réunies les conditions prévues par l’article 145 de la
Constitution.
Outre que cette disposition subordonne sa mise en œuvre à une
interruption, et non à un fonctionnement seulement irrégulier, des
pouvoirs publics constitutionnels, il faut donc noter que le dysfonc-

754
Voy article 16, alinéa 3 de la Constitution française du 4 octobre 1958 ; lire
SOMONIAN-GINESTE (H.), Le droit constitutionnel en schémas, 2e édition,
paris, Ellipses, 2008, p. 380.
755
Voy article 145, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.

386
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

tionnement d’un gouvernement ne saurait justifier le recours légiti-


me à cette disposition. Il n’est pas plus légitime non plus de recourir
à cette disposition en cas de grève de services publics. En irait-il de
même d’une grève générale paralysant les services publics constitu-
tionnels ? Il faut avouer que tel recours à cette disposition aurait les
apparences d’un usage idoine de la Constitution.
Cependant, la concentration du pouvoir entre les mains du prési-
dent de la République fait de ce dernier le seul interprète de la Cons-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
titution, tant en ce qui concerne sa compétence, puisqu’il lui appar-
tient de juger quelles sont les mesures exigées par les circonstances,
sous réserve de ne pas modifier la Constitution, que celles du gou-
vernement et du parlement, pour autant, qu’il bénéficie du concours
du Premier ministre et des présidents des assemblées, tout au moins
de celui du président de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, une tentation devrait être évitée : le recours à
l’article 145 de la Constitution en cas de cohabitation des majorités
présidentielle et parlementaire. Ces oppositions de majorités, faut-il le
rappeler, font partie du fonctionnement normal de la Constitution en
étant de simples conséquences de la souveraineté du peuple.756
La doctrine opine de manière majoritaire que la décision de re-
courir à ces dispositions constitutionnelles consacrant la dictature
constitutionnelle présente le caractère d’un acte de gouvernement.757
Naturellement, le juge administratif manque de compétence à son
égard. Il ne lui appartient nullement ni d’apprécier la légalité ni de
contrôler la durée d’application de ces mesures.
Soulignons cependant que s’agissant d’un régime de confusion des
pouvoirs, le juge administratif reste compétent lorsque le chef de
l’État prend des actes réglementaires dans le sillage de l’article 145 de
la Constitution. En effet, le juge doit distinguer les mesures qui ont
une nature législative de celles qui ont une nature réglementaire. Ici

756
Voy DUVERGER (M.), Bréviaire de la cohabitation, Paris, Dalloz, 1986, p. 65.
757
C.E.fr, 2 mars 1962, Rubin de Servens : Recueil des décisions du Conseil d’État,
p. 143 ; S.1962, 147, note BOURDONCLE ; D.1962, 109, Chronique
MORANGE ; JCP 62, I, 1711, chronique LAMARQUE ; JCP 62, II, 12 613,
conclusions HENRY ; AJDA 1962, p. 214, chroniques GALABERT et
GENTOT ; GAJA, p. 598 cités par T.S.RENOUX et M. de VILLIERS, Code
constitutionnel, Paris, Litec, 1994, p. 275.

387
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

joue le critère matériel établi par les articles 122, 123 et 128 de la
Constitution.
Ainsi la requête qui critique une décision à contenu législatif est
donc irrecevable devant le juge administratif suprême. L’on peut
toutefois se poser la question de savoir si le président de la Républi-
que est dispensé de suivre les formes constitutionnelles des normes
qu’il doit édicter pour faire face à la situation qui donne lieu au re-
cours à l’article 145. La réponse doit être non.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
En effet, il devra prendre des actes réglementaires, législatifs ou
autres dans les formes qui permettent qu’ils soient reconnus et
contrôlés par le juge constitutionnel qui reste compétent même de-
vant des actes de gouvernement.
Dans la perspective de l’État de droit constitutionnel ou moderne
que la République démocratique du Congo veut installer, il sied de
noter que l’article 145 de la Constitution ne limite pas les décisions
du chef de l’État pour ce qui est de leur objet ; elles peuvent donc
porter atteinte aux droits et libertés ; mais il les limite quant à leur
but et leurs motifs ; en effet ces mesures sont celles « nécessaires
pour faire face à la situation ». Analysant le caractère nécessaire ou
non des mesures prises par le chef de l’État, la Cour constitutionnel-
le exerce ainsi un contrôle d’opportunité au-delà du simple contrôle
de légalité constitutionnelle.
L’on peut se poser une seconde question non moins pertinente :
comment assurer la sanction de ces obligations constitutionnelles ?
Certes, la Cour constitutionnelle est consultée à l’intervention de
chacune de ces mesures alors que la décision générale de recourir à
l’article 145 n’est pas subordonnée, comme en droit français, à la
consultation officielle de la Cour constitutionnelle.
Le contrôle de la Cour constitutionnelle n’intervenant qu’après la
signature des ordonnances, l’on peut être amené à constater que ce
contrôle-là concerne des actes juridiques en vigueur et non en chan-
tier comme c’est le cas d’un contrôle préalable ordinaire. En effet, la
signature des ordonnances prévues à l’article 145 de la Constitution
correspond à deux moments d’élaboration des normes : l’édiction et
la promulgation.758

758
Voy SIMONIAN-GINESTE (H.), op. cit., pp. 254-256.

388
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

La signature cristallise en effet la promulgation, c’est-à-dire


l’authentification de l’acte édicté et l’ordre donné à l’administration
de procéder à son exécution. S’agissant d’un contrôle a priori et à la
seule initiative du président de la République, il n’est pas envisagea-
ble prima facie de prévoir un contrôle de constitutionnalité des or-
donnances prévues à cette disposition constitutionnelle. 759
Nous pensons qu’il est en effet possible que les ordonnances pri-
ses dans ces circonstances soient susceptibles de contrôle a posteriori

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
lorsqu’elles portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux. En
outre, la déclaration de conformité à la Constitution faite par la
Cour constitutionnelle n’empêche nullement cette dernière à statuer
ultérieurement sur la constitutionnalité desdites ordonnances. 760
Après l’écoulement de délais constitutionnels de circonstances
ayant donné lieu au recours à l’article 145, il faut admettre que la
Cour constitutionnelle reste compétente pour observer l’arrivée du
terme.761
Il faut constater que cette déclaration de conformité est donnée
sans qu’au départ il n’y ait un contentieux à trancher. Il s’agit donc
d’une matière gracieuse qui peut appeler par ailleurs un contentieux
contre les ordonnances qui violeraient les droits et libertés fonda-
mentaux. De ce point de vue, le droit constitutionnel congolais

759
Il s’agit, pensons-nous, de l’apport des juristes français ou francophones, en
l’occurrence les Professeurs Jean Claude MASCLET de l’Université Paris 1 et El
Hadj MBODJ de l’Université Cheik Anta DIOP de Dakar ; lire pour les détails
historiques, ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La Constitution du 18 février 2006 à
l’épreuve du constitutionnalisme. Perspectives et contraintes pratiques, thèse de
doctorat en droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Faculté de
droit, 2009, inédit.
760
Aucune disposition n’interdit en effet de critiquer telles ordonnances devant la
Cour constitutionnelle. C’est même ce que semble impliquer la finale de l’alinéa
2e de l’article 162 de la Constitution du 18 février 2006 lorsqu’elle cite expressis
verbis acte législatif ou réglementaire.
761
La violation de délais prévus par la Constitution donnerait lieu à un véritable
contentieux de constitutionnalité tant elle emporte logiquement celle de la
Constitution par des ordonnances qui doivent s’y conformer quelle que soit leur
nature juridique.

389
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

semble avoir cristallisé les acquis de la transition issue tant des ac-
cords du Palais du peuple que de Pretoria.762
La dictature constitutionnelle semble revenir sur les plages du
contrôle de constitutionnalité et conforter ainsi la prétention de la
République démocratique du Congo à installer un État de droit
constitutionnel.
Il faut cependant remarquer que le constituant congolais s’est li-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
mité à établir une saisine, toutes affaires cessantes, de la Cour consti-
tutionnelle sans dire si cette dernière devrait aussi statuer, toutes af-
faires cessantes et sans désemparer. Il nous semble que telle serait la
logique sous-jacente au système de l’urgence.
Il importe de noter enfin que ce régime de confusion des pouvoirs
est heureusement temporaire car l’objectif ultime est le rétablisse-
ment de la situation normale dans les plus brefs délais. Le dictateur
constitutionnel, à la Cincinnatus, devant rétablir l’état des choses tel
qu’il était auparavant et non le modifier. Entre d’autres termes, il
doit rendre au juge constitutionnel son droit de trancher dans le
contentieux soumis à sa connaissance.

Section 2 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIÈRE


CONTENTIEUSE
Il s’agit, à coup sûr, d’analyser ici l’essentiel des compétences ju-
ridictionnelles de la Cour constitutionnelle congolaise. Ces attribu-
tions contentieuses sont fixées tant dans la Constitution que dans la
loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour
constitutionnelle. Aussi l’étude succincte des chefs de compétence
s’articulera-t-elle autour des notions essentielles de contrôle de cons-
titutionnalité des lois et des actes ayant force de loi ainsi que celui
des règlements.
Des paragraphes seront consacrés à l’étude du recours en inter-
prétation de la constitution avant d’analyser les compétences de la

762
BOSHAB (E.), « L’état d’urgence et le contrôle de la constitutionnalité des mesures
d’urgence dans l’Acte constitutionnel de la transition au Zaïre », Revue de droit
africain, n° 2, avril 1997, 1re année, Bruxelles, RDJA, 1997, pp. 7-24.

390
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Haute Cour en matière de contestations électorales au-delà du carac-


tère proclamatoire que nous avons souligné plus haut. Il sera de
même analysé le contrôle de conformité qui est exercé par le juge
constitutionnel sur les traités et accords internationaux.
Le contentieux de la division tant verticale qu’horizontale des
pouvoirs qui constitue par ailleurs la clef de voûte du dispositif juri-
dictionnel constitutionnel congolais sera analysé tout comme le
contentieux répressif des plus hautes autorités politiques du pays.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.1:1607250112
À proprement parler, ce contentieux qui relève du droit pénal n’a
de lien avec le contentieux constitutionnel que du point de vue for-
mel et organique. En effet, il relève du contentieux politique. 763
L’option levée par le constituant congolais de le confier au juge
constitutionnel nous fonde alors de l’étudier à ce niveau d’analyse.
Voyons à présent ce qu’il en est du contentieux de constitution-
nalité proprement dit.

§ 1.Le contrôle de constitutionnalité des lois et


des actes ayant force de loi
Sous ce point, il sera affirmé comme vu précédemment que le
contrôle de constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi
a été longtemps organisé en droit positif congolais même si son ef-
fectivité est restée pendant les heures sombres du monopartisme
l’ombre du texte qui l’organisait.
En effet, la doctrine a déjà indiqué par ailleurs les raisons tant ju-
ridiques, politiques que psychologiques qui ont milité au renforce-
ment du sommeil presque comateux du juge constitutionnel congo-
lais.764

763
Lire les développements consacrés à cette notion dans les prolégomènes de
l’introduction générale de cette étude, b. Contenu et contours du contentieux
constitutionnel : c. Distinctions du contentieux constitutionnel d’avec la justice
judiciaire et la justice politique, p. 36.
764
Lire MPONGO BOKAKO, « Le contrôle de la constitutionnalité des lois sous l’Acte
constitutionnel de la Transition du 9 avril 1994 », Annales de la Faculté de Droit,
vol. XXV, août 1996, Kinshasa, PUZ, pp. 321-355 ; lire aussi MABANGA
MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais, op. cit.., pp. 67-85.

391
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Puisque l’étude consiste à analyser le système de droit positif, il


importe de distinguer d’une part, les lois, les actes ayant force de loi,
d’autre part, ainsi que les actes d’assemblée.
Cette triple distinction offre l’avantage d’embrasser trois parties de
ce paragraphe et de ramasser ainsi l’essentiel de la matière consacrée
au contrôle des actes législatifs en République démocratique du
Congo. Il s’agit plus précisément d’étudier ici les normes juridiques
susceptibles de contrôle de constitutionnalité.

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a) Les lois
La doctrine a toujours défini la loi au sens strict comme une ma-
nifestation de volonté du législateur exprimée selon la procédure
prévue par la Constitution.765 Il peut s’agir de la loi ordinaire766 ou
d’un acte ayant force de loi.767
Sensu lato, le vocable loi implique également les lois constitution-
nelles et les lois organiques. Selon la hiérarchie plutôt organique que
le droit consacre, commençons par l’étude des lois constitutionnelles.

1. Les lois constitutionnelles


L’on peut légitimement retenir qu’une loi constitutionnelle est
celle qui porte modification de la constitution. Elle se distingue de la
loi ordinaire par le vote renforcé dont elle fait l’objet ainsi que par la
procédure spéciale de révision constitutionnelle prévue. 768
Il faut noter que le pouvoir de révision est constitué par sa forme,
mais constituant par son objet. S’il est soumis à des contraintes de
procédure qui le distinguent du pouvoir constituant originaire fon-
dateur du régime, habituellement qualifié d’originaire, il est aussi
souverain.

765
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 217.
766
Idem, pp. 217-218.
767
Il s’agit de toute manifestation de volonté émanant de l’exécutif et destinées à
produire, en vertu de la Constitution, ou des théories des circonstances
exceptionnelles, des effets équipollents à ceux d’une loi.
768
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
p. 221.

392
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

À ce titre, il est le seul pouvoir auquel ne s’imposent pas les déci-


sions du juge constitutionnel. L’on n’oublie fort inopportunément
que le pouvoir constituant est un pouvoir de l’État, le plus élevé
dans l’État du fait qu’il est incarné dans les faits par le peuple repré-
sentant du souverain ou le souverain lui-même agissant en personne
comme une sorte de deus ex machina ou en tout cas, comme une di-
vinité dont les actes ne peuvent impunément être critiqués par ses
créatures.

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La question que pose cette norme particulière de contrôle est celle
de la légitimité même de son contrôle juridictionnel. En effet, est-il
permis à un juge quel qu’il soit de contrôler les actes du souverain ?
Le problème se rattache à la notion bien connue du pouvoir cons-
tituant qui est perçue en doctrine comme un pouvoir souverain dans
l’État et qui ne saurait théoriquement supporter un quelconque
contrôle fut-il juridictionnel.769
La question a connu un développement fort riche en droit compa-
ré qui a abouti à la célèbre décision du Conseil constitutionnel fran-
çais du 2 septembre 1992 dite Maastricht II. Cette décision affirme que
« le pouvoir constituant est souverain, qu’il lui est loisible d’abroger ou
de compléter les dispositions de valeur constitutionnelle ». 770
Le juge constitutionnel français a admis cependant le contrôle
lorsqu’il s’agit des limites matérielles et temporelles prévues par la
Constitution. Toutefois, la forme de la révision elle-même échappe
au contrôle du juge car elle rentre dans la sphère de la souveraineté
du pouvoir constituant.771
Ces considérations théoriques doivent être acceptées en droit
congolais dans la mesure où le constituant du 18 février 2006 a établi

769
Le doyen Georges VEDEL indiquait cependant fort opportunément que le
pouvoir constituant dérivé était de même nature que celui initial qui l’institue.
Des lors, le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles passait pour
fonder ce qu’il a appelé la mystérieuse supraconstitutionnalité dont le sabordage a
donné de l’eau au moulin du légicentrisme d’avant 1992.
770
Lire la Décision n° 92-312 DC du 22 septembre 1992 ; Voy aussi RENOUX
(T.S.) et de VILLIERS (M.), Le code constitutionnel, op. cit., p. 621.
771
Lire RIGAUX (M.-F.), La théorie des limites matérielles à l’exercice de la fonction
constituante, Bruxelles, Larcier, 1985.

393
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

des limites matérielles et temporelles au pouvoir de révision qui de


ce point de vue reste soumis au contrôle du juge.
Ainsi le prescrit des articles 219 et 220 de la Constitution installe
des limites matérielles et temporelles qui fondent effectivement la
compétence du juge constitutionnel. 772
En est-il de même de lois organiques ?

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2. Les lois organiques
Le constituant congolais fournit un critère purement formel à la
notion de loi organique qui doit s’apprécier comme une loi qui est
qualifiée telle par la constitution.773 C’est naturellement très court
pour une définition juridique. Il importe alors d’ajouter qu’à ce cri-
tère formel le constituant apporte un autre critère formel qui est ce-
lui de la procédure spéciale de son élaboration. En effet, la loi orga-
nique passe par les deux chambres, à une majorité absolue des mem-
bres composant chaque chambre et elle connait la promulgation
après une déclaration de conformité de la Cour constitutionnelle. 774
S’agissant ici d’un contrôle a priori dont nous avons parlé plus
haut, il importe simplement de relever qu’il n’est pas interdit
d’exercer un contrôle de constitutionnalité contre une loi organique
lorsqu’elle porte des dispositions contraires à la loi fondamentale. La
déclaration de conformité qui fait partie de son élaboration
n’empêche pas le juge constitutionnel de statuer ultérieurement sur
sa constitutionnalité lorsque celle-ci pose problème à l’occasion d’un
contentieux. C’est qu’énonce par ailleurs le constituant.775
Cette affirmation rejaillit de l’exégèse de la Constitution qui per-
met une action en inconstitutionnalité contre tout acte législatif,
sans distinction aucune. Au demeurant, il serait incohérent dans un
système démocratique de justice constitutionnelle qu’un texte légi-
slatif quel qu’il fut échappât au contrôle du juge sous prétexte qu’il

772
Lire la Constitution, JORDC, 47e année, numéro spécial, pp. 74-75.
773
Lire article 124 de la Constitution du 18 février 2006.
774
Ibidem.
775
Lire article 162 de la constitution du 18 février 2006.

394
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

aurait été préalablement examiné par ce dernier in abstracto. Le


contrôle concret postérieur a donc une vertu purgatoire par rapport
à l’orthodoxie juridique que doit présenter l’ordonnancement juri-
dique.
Du point de vue de la théorie de la hiérarchie des sources, l’on
peut bien se poser la question de savoir si un contrôle est possible à
l’endroit d’une loi qui aurait violé une loi organique.

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Du point de vue formel, la loi organique ne peut être considérée
comme incluse dans la Constitution. La véritable cause de censure
d’une disposition législative en pareille occurrence n’est pas la mé-
connaissance de la loi organique par le texte censuré, mais bien plu-
tôt la méconnaissance par celui-ci des dispositions de l’article 124 de
la Constitution. Il s’agit donc d’une violation médiate de
l’article 124 susmentionné. Toute violation d’une loi organique doit
donc être considérée comme visant la disposition constitutionnelle
qui renvoie à une loi organique.776
Pour clore, disons d’un mot que la loi de finances qui relève de
cette catégorie particulière des lois échappe en revanche au contrôle
du juge constitutionnel. La justification théorique qu’en donne la
doctrine unanime est l’impératif de la continuité de la vive nationa-
le.777
Du point de vue strictement juridique, reconnaissons que c’est
bien mince comme justification théorique.
En droit congolais, une loi de finances qui ne respecterait pas par
exemple la répartition des recettes nationales opérée par le consti-
tuant violerait sans fioriture la Constitution et devrait donc être dé-
clarée non conforme à cette dernière.
En revanche, la saisine en inconstitutionnalité devrait respecter
l’impératif de la continuité de la vie nationale en n’étant ouverte
qu’aux personnes publiques bénéficiaires fonctionnelles des recettes
et dépenses prévues par la loi budgétaire.

776
CAR (J.-C.), Les lois organiques de l’article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958,
thèse de doctorat en droit public, Aix-Marseille III, janvier 1993.
777
RENOUX (T.S.) et de VILLIERS (M.), op. cit., p. 398.

395
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ainsi doit être déclarée irrecevable une requête en inconstitu-


tionnalité introduite par un particulier contre la loi budgétaire au
simple motif qu’il manque de qualité, n’étant pas bénéficiaire direct
et fonctionnel des crédits. Cette affirmation ne vaut-elle pas pour ce
qui est des lois référendaires ?

3. Les lois adoptées par référendum ou lois référendaires

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Les lois référendaires sont unanimement exclues du champ du
contrôle du juge constitutionnel pour la raison bien simple qu’elles
sont l’expression directe de la souveraineté nationale. En effet,
l’article 5 de la Constitution énonce clairement que « le peuple exer-
ce directement son pouvoir par voie de référendum ». Le juge cons-
titutionnel adopte cette attitude sans qu’une disposition expresse ne
le lui interdise pour de raisons de pure idéologie. 778
L’on parle d’idéologie car il n’est pas superflu de voir que le juge
est toujours issu et imbu de l’idéologie dominante dans la société qui
l’a créé comme juriste ; il n’en est pas toujours conscient lui-même
de sorte qu’il ne peut raisonnablement expliquer son attitude vis-à-
vis de certaines catégories conceptuelles.
En effet, l’idéologie libérale dominante dans le modèle de justice
constitutionnelle qui est le nôtre postule que le peuple est le souve-
rain et que donc les actes du souverain ne peuvent être contestés par
une autorité constituée fut-elle une juridiction constitutionnelle. 779
Cette théorie a convaincu le juge constitutionnel français avant
d’accomplir les marches d’une théorie unanimement admise. 780

778
Lire article 5 de la Constitution de la République démocratique du Congo,
JORDC, Kinshasa, numéro spécial, 47e année, p. 11. Pour les développements
théoriques et idéologiques de la notion de souveraineté nationale et/ou
populaire, lire LAVROFF (D.G.), Les étapes de la pensée politique, op. cit., 455 p.
779
Le postulat se déduit naturellement de l’implication logique selon laquelle la
Constitution est l’œuvre du constituant et comme telle elle ne saurait être
l’œuvre du souverain si elle est susceptible de contrôle par un organe qu’elle
aurait institué.
780
Décision 62-20 du 6 décembre 1962, Loi référendaire, GD n° 14 confirmée par
celle du 23 septembre 1992, Maastricht III, GD n° 45.

396
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Cependant, l’on peut se poser la question de l’incontestabilité


d’une loi référendaire qui ne serait pas intervenue dans les condi-
tions constitutionnellement prévues ou même en cas d’une manipu-
lation plébiscitaire qui violerait les droits de l’homme.
Dans ces conditions, il serait vraiment malheureux que le peuple
lui-même puisse réduire ou enfreindre les droits et libertés reconnus
aux citoyens par la Constitution. Dans ce cas, la seule possibilité de
correction reste l’adoption d’une nouvelle loi en la matière par le

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parlement, car il n’y a aucune interdiction qu’une loi référendaire
soit par la suite modifiée par les représentants du peuple.
S’agissant par exemple du référendum, la science politique donne
des exemples nombreux et variés de son dévoiement à la suite d’une
médiatisation intense susceptible d’émousser toute volonté ou de la
subjuguer à une volonté politique dont les élans démocratiques ne
sont pas toujours évidents. Tel reproche ne peut heureusement être
fait aux lois ordinaires.

4. Les lois ordinaires


Par ce syntagme, le concept « loi ordinaire » recouvre une plurali-
té des normes juridiques que prend le législateur sous la forme de loi.
Il peut s’agir de loi fixant les règles, tout comme des lois fixant les
principes fondamentaux. De même, les lois d’habilitation tout
comme les lois d’approbation rentrent dans cette catégorie.781
Sans perdre du temps dans les détails, l’on peut observer que c’est
la catégorie privilégiée du contrôle de constitutionnalité. Elle l’est
d’autant plus que depuis fort longtemps elle était restée la seule ex-
pression du droit légitime avant l’avènement de l’État de droit cons-
titutionnel. Encadrer le législateur par le droit est paradoxalement
une production des horreurs des deux guerres mondiales. Comme
qui dirait, l’horreur crée le contrôle de constitutionnalité ; en tout
cas, elle le nourrit.

781
Lire VUNDUAWE TE PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
pp. 221-231.

397
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

De nature constitutionnelle, organique ou ordinaire, la loi peut


toujours être soumise au contrôle du juge. Votée par le parlement,
elle est souvent le résultat de tractations et affrontements politiques
entre le gouvernement et les parlementaires. Tout contrôle qui
pourra y être envisagé peut être interprété comme une remise en
cause d’un accord politique obtenu non sans peine.
Cet argument a été développé pour dénoncer un « contrôle total
et absolu » des actes politiques par le juge constitutionnel. La tenta-

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tion conduirait à l’instauration « d’une dictature des juges » dans une
République qui se veut démocratique. Elle serait contraire au princi-
pe de séparation des pouvoirs. Selon cette opinion, le juge constitu-
tionnel est, dans la pratique, appelé à jouer quelques fois à
l’équilibriste, au centrage pour reconstituer, intérêt général oblige,
l’unité du pouvoir politique. Il doit être réaliste.
En revanche, la censure d’une loi n’a pas que des inconvénients. El-
le peut être bénéfique au travail parlementaire. Conscient que son
œuvre est censurable, le législateur est plutôt porté à l’attention et à la
vigilance pour l’avenir. L’intervention du juge est de nature à entraî-
ner une certaine autolimitation juridique du législateur. Convaincu
que la loi qu’il a produite pourra être censurée par le juge, le législa-
teur prend à l’avance des précautions. Ce qui le contraint à une cer-
taine auto censure.
Si les lois ordinaires ne semblent susciter un débat particulier en
ce qui est du contrôle de leur constitutionnalité, il est acquis que les
actes ayant force de loi connaissent le même régime juridique du fait
de l’équipollence des effets qui y sont attachés.

5. Les édits provinciaux


Le siège de cette matière n’est pas curieusement la Constitution,
malgré les termes exprès de cette dernière782. En effet, de manière
claire, le constituant ne dit pas que les édits sont susceptibles de
contrôle de constitutionnalité. En revanche, l’article 73 de la loi por-
tant principes fondamentaux de la libre administration des provinces

782
Voir article 197, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.

398
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

corrige cette omission en posant clairement le principe du contrôle


des édits provinciaux par la Cour constitutionnelle. Cette disposi-
tion légale pose, en effet, que la Cour constitutionnelle connaît de la
constitutionnalité des édits. L’on peut donc affirmer qu’il y a mani-
festement identité de régime juridique entre les lois nationales et les
édits provinciaux en ce qui est du contentieux constitutionnel.
C’est le cas du recours formé par le député national Francis Ka-
lombo Tambwa contre l’édit n° 001/008 du 22 janvier 2008 portant

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création de la Direction Générale des recettes de la Ville de Kinshasa
par l’Assemblée provinciale de la Ville de Kinshasa dont l’issue est
toujours attendue.783
Si l’initiative des édits appartient concurremment au Gouverne-
ment provincial et à chaque député provincial, l’on constate que le
régime des édits décrit par l’article 33 de la loi sur les principes fon-
damentaux relatifs à la libre administration des provinces est sem-
blable à celui des lois organiques nationales. Le régime juridique est
cependant le même pour tous les actes législatifs, y compris les actes
ayant force de loi.

b) Les actes ayant force de loi


Définis comme toutes déclarations de volonté émanant de
l’Exécutif et destinées à produire, en vertu de la Constitution ou de
la théorie des circonstances exceptionnelles, des effets juridiques
équipollents à ceux d’une loi, les actes ayant force de loi demeurent
un concept polysémique en droit congolais.
Aussi une brève synthèse permettra-t-elle d’en saisir la substance
au regard de la théorie du contrôle qui nous occupe.

783
L’on espère que la Haute Cour ne va pas user de sa stratégie de congélateur qui
confine, à maints égards, à un déni de justice de la part d’une juridiction
constitutionnelle considérée comme le dernier rempart contre l’arbitraire
législatif.

399
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

1. Synthèse sur le régime des actes ayant force de loi


Il sied de noter avec la doctrine que de la définition ainsi donnée
des actes ayant force de loi, il découle qu’il s’agit de toutes déclara-
tions de volonté émanant du pouvoir exécutif, bicéphal ou monocé-
phal, ou même composite comme ce fut le cas sous la Constitution
de la transition d’après Sun City. Ces déclarations de volonté
s’expriment sous diverses formes selon la Constitution qui les régit
ou la théorie des circonstances exceptionnelles. 784

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
Ainsi, dans l’hypothèse où les actes ayant force de loi sont prévus
par la loi fondamentale, celle-ci définit les conditions de leur validité
formelle et substantielle. La Charte coloniale, par exemple, en son
article 22, alinéa 4 soumettait les ordonnances législatives émanant
du Gouverneur général à un délai de six mois. Dépassé ce délai, les
ordonnances législatives ainsi prises ne pouvaient être maintenues en
vigueur que si elles étaient approuvées par décret. À défaut, telle or-
donnance était frappée de caducité.785
Sous la Constitution de Luluabourg, les articles 95 à 97 et 183 ré-
glaient le régime juridique des actes ayant force de loi. Ainsi, par déci-
sion des chambres parlementaires ou à la demande du Chef de l’État,
une loi d’habilitation pouvait permettre à ce dernier d’exercer le pou-
voir législatif national, pour certaines matières et pour la durée qu’elle
fixait. Dans le délai fixé par la loi d’habilitation, si un décret-loi était
rejeté par l’une des chambres, il ne pouvait être promulgué.786
Par ailleurs, dans les conditions d’extrême urgence et nécessité, le
président de la République pouvait prendre des décrets-lois autres
que ceux prévus à l’article 97 de la Constitution mais à condition de
les présenter dans les 24 heures de leur signature aux bureaux des
chambres en vue de leur approbation par une loi et à la Cour consti-
tutionnelle pour vérification de leur conformité à la Constitution. 787

784
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
pp. 231-235.
785
Lire article 22 de la Charte coloniale.
786
Voy article 95 de la Constitution du 1er août 1964.
787
Voy article 96 de la Constitution du 1er août 1964.

400
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Il en est ainsi de tous les textes constitutionnels dont l’étude a été


brossée plus haut pour ce qui est de leur aperçu historique.788
À défaut de ce régime constitutionnel, les actes ayant force de loi
trouvent une justification doctrinale dans la théorie des circonstan-
ces exceptionnelles, en l’occurrence les guerres, les coups d’État, la
période des crises critiques en temps de paix.
En effet, selon cette théorie, l’État devant survivre à ces avatars, le

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principe de nécessité fait loi l’emporte momentanément sur la légali-
té formelle au nom du salut dont le peuple doit bénéficier. C’est ce
que traduit l’adage latin : salus populi suprema lex.
Selon les époques et les constitutions dans notre pays, Félix Vun-
duawe te Pemako établit une typologie de deux catégories d’actes
ayant force de loi : les actes ayant force de loi édictés en vertu de
l’habilitation constitutionnelle directe et ceux pris en vertu d’une loi
d’habilitation.
Ainsi, dans la première catégorie, l’on range les ordonnances légi-
slatives de l’article 22 de la Charte coloniale tant et si bien que celle-ci
est considérée comme un texte constitutionnel. La Constitution du
24 juin 1967 énonçait, quant à elle, une double condition d’urgence et
d’absence de session parlementaire pour la validité des ordonnances-lois.
En revanche, la seconde catégorie regroupe le cas d’habilitation
pour certaines matières déterminées et pour une durée que le parle-
ment fixe avec possibilité de rejet avant la promulgation de décrets-
lois par le président de la République789 ; le cas d’habilitation pen-
dant un délai mais sans limitation des matières ni obligation de rati-
fication après coup par le Parlement790 et le cas d’habilitation parle-
mentaire pour l’exécution urgente du programme du Gouverne-
ment.791 L’on peut noter, comme en passant, que pendant la période

788
Lire les articles 52 de la Constitution du 24 juin 1967 ; 48 à 50 et 89 de l’Acte
constitutionnel de la transition ainsi que 119 et 134 à136 de la Constitution de la
transition du 4 avril 2003.
789
C’est le régime de la Constitution du 1er août 1964.
790
C’est le régime du texte originel de la Constitution du 24 juin 1967.
791
C’est le régime de la Loi fondamentale, de l’Acte constitutionnel de la transition
du 9 avril 1994 ainsi que celui de la Constitution de la transition de 2003.

401
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

du Décret-loi constitutionnel n° 003, la notion d’acte ayant force de


loi avait complètement disparu. En effet, à la suite de la révision du
Décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997, seule l’Assemblée
Constituante et Législative avait la compétence du vote des lois au
sein de l’État. La notion d’actes ayant force de loi était inexistante en
cette période792.
Par ailleurs, c’est difficile de penser que la saisine par requête du
Procureur général de la République, agissant sur demande des organes

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politiques (président de la République et Bureaux des Chambres du
Parlement) puisse avoir lieu. L’évolution des institutions et la qualité
des hommes qui les animaient ne permettaient pas de vivre la réalité
du contentieux constitutionnel. Il faut dire qu’en ce moment-là, cer-
taines dispositions qui pouvaient se justifier théoriquement et en droit
comparé, ont eu, en République démocratique du Congo, un but dé-
coratif, en vue très souvent de la consommation extérieure.
Finalement, le citoyen ne pouvait s’attaquer contre un acte anti-
constitutionnel, en cas de procès, que si son juge estime devoir rete-
nir l’exception d’inconstitutionnalité793. En outre, l’ignorance par le
citoyen de ses libertés et droits fondamentaux reconnus par la Cons-
titution et les appréhensions sur l’indépendance des juges congolais,
pour les raisons évoquées ci-dessus, peuvent constituer un obstacle
majeur à l’aboutissement d’une telle procédure.
En conclusion, on peut relever que l’absence, à l’époque, du
contrôle à priori, afin de bloquer la promulgation de toute loi votée
jugée non-conforme à la Constitution, a permis d’enregistrer dans
l’arsenal législatif congolais des dispositions liberticides.
On peut prendre l’exemple de l’alinéa 2 de l’article 14 du Décret-
loi n° 002/2002 du 26 janvier 2002 portant institution, organisation

792
Voy. MBOKO DJ’ANDIMA, « Les actes ayant force de loi sous l’empire du Décret-
loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 », Cahiers Africains des Droits de
l’Homme et de la Démocratie, n° 17, vol. 1, juillet-septembre 2001, Kinshasa,
pp. 77-78.
793
En ce sens, lire MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions
politiques et droit constitutionnel, T.1 : Théorie générale des institutions politiques de
l’État, coll. « Droit et Société », Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2001,
p. 117.

402
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

et fonctionnement de la Police nationale congolaise794. Cette disposi-


tion est la reprise de l’article 31, alinéa 2, de l’Ordonnance-loi n° 72-
031 du 31 juillet 1972 portant institution d’une Gendarmerie natio-
nale pour la République du Zaïre. Suivant cette disposition, la Police
Nationale peut « s’assurer, pour le temps nécessaire à la vérification
de son identité, de toute personne dont le comportement lui paraît
suspect ou qui circule sans document d’identité ».
Quel est alors le régime positif de ces actes en droit positif congo-

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lais ?

2. Application concrète dans la Constitution du 18 février 2006


La Constitution du 18 février 2006 organise un régime spécial aux
actes ayant force de loi qui les rattache à la troisième catégorie de la
typologie de Félix Vunduawe795.
En effet, aux termes des dispositions des articles 129 et 143 à 145
de la Constitution, il ressort que pour l’exécution urgente de son
programme, le gouvernement peut demander à l’Assemblée nationa-
le ou au Sénat l’autorisation de prendre des mesures qui sont norma-
lement du domaine de la loi, pendant un délai limité et sur des ma-
tières déterminées et ce, par voie d’ordonnances-lois. 796
Elles sont délibérées en conseil des ministres et signées par le pré-
sident de la République.797 Elles entrent en vigueur dès leur publica-
tion au journal officiel et tombent en caducité si elles ne sont pas
ratifiées dans le délai fixé par la loi d’habilitation. 798 Lorsqu’elles sont
ratifiées, les ordonnances-lois ainsi prises demeurent en vigueur jus-
qu’à leur modification par une loi.799

794
Voir Les Codes Larcier R.D.C, T. IV, vol. 1 Droit public, 2003, p. 245.
795
Lire le point 1 ci-avant.
796
Lire articles 129 de la Constitution.
797
Article 129, alinéa 2 de la Constitution.
798
Ibidem. L’on peut noter cependant que cette disposition déroge à la règle portée
par l’article 142 de la même constitution en vertu de laquelle la loi entre en
vigueur trente jours après sa publication au journal officiel à moins qu’elle n’en
dispose autrement.
799
Article 129, alinéa 4 de la Constitution.

403
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

S’agissant des mesures d’urgence qui seraient prises pendant l’état


d’urgence ou l’état de siège, il est possible de noter des mesures qui
relèvent de la loi même si la forme qu’elles empruntent est une or-
donnance. Ici, les ordonnances doivent être délibérées en conseil des
ministres.800
Lorsque les mesures prises par telles ordonnances relèvent de la
loi ou même de la Constitution, non seulement elles sont soumises
au contrôle de la Cour constitutionnelle qui doit déclarer si elles dé-

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rogent ou non à la Constitution mais en sus elles constituent des ac-
tes de gouvernement dans la mesure où les ordonnances visées
concernent les rapports entre les pouvoirs constitutionnels et échap-
pent ainsi au contrôle du juge administratif.
Il s’agit plus précisément de la décision initiale de recourir à
l’article 145 de la Constitution et ensuite des pouvoirs qu’il met en
œuvre au terme de la procédure. Si le chef de l’État est un dictateur
constitutionnel, l’État de droit constitutionnel postule en revanche
que les ordonnances prises dans ce cadre soient contrôlables par le
juge constitutionnel devant lequel la théorie des actes de gouverne-
ment ne peut trouver application.
D’ailleurs admettre qu’une théorie, soit-elle une émanation hau-
tement intellectuelle d’un esprit éclairé, fasse ombrage au contrôle
du juge, c’est du même coup accepter que les oppressions d’un
homme échappent à la censure du fait de la volonté d’un seul ou de
quelques-uns, fussent-ils des savants. Depuis Max Weber, l’on sait
que le savant peut être artisan d’une science partisane.
L’admettre, c’est aussi en effet faire échapper certains actes de
l’État à la censure du juge, encore que le constituant lui-même a en-
tendu limiter lesdits pouvoirs exceptionnels par le respect des droits
de la personne humaine.801

800
Article 145 de la Constitution.
801
Lire article 61 de la Constitution qui énumère sept droits indérogeables qui
constituent une sorte de jus cogens en droit constitutionnel congolais. La
formulation de la disposition constitutionnelle écarte à coup sûr toute théorie
d’actes de gouvernement qui n’aurait dès lors que le rôle bizarre d’être un
moignon dans une oasis de constitutionnalité.

404
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Tel est le régime des actes de l’Exécutif intervenus dans le domai-


ne de la loi. En est-il de même de ceux des assemblées parlementai-
res ?

c) Les actes d’assemblée


La lecture des dispositions de l’article 100 de la Constitution sous
revue donne à voir que le parlement non seulement exerce le pou-
voir législatif dont les assises viennent d’être analysées, mais aussi il

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les éta-
blissements et les services publics. Le syntagme « acte d’assemblée »
recouvre donc les actes non législatifs du parlement.
En revanche, par acte législatif, il faut entendre un acte portant
normes générales, impersonnelles et obligatoires émanant du législa-
teur parlementaire ou exécutif dans les conditions prévues par la
Constitution. Cette définition recouvre donc les lois et les actes
ayant force de loi.
Les actes d’assemblée sont donc ceux non législatifs ou plus exac-
tement ceux qui concourent au bon fonctionnement du parlement
en dehors de sa mission d’élaborer la loi. Ainsi une résolution de
l’assemblée nationale ou provinciale adoptant une motion de censu-
re ou de défiance constitue un acte d’assemblée dont le contrôle peut
être exercé par le juge constitutionnel.802
Le constituant ne définit pas un acte d’assemblée. Il désigne avec
précision les normes que peut prendre une Assemblée parlementaire.
Celle-ci vote les lois nationales ou les édits provinciaux. En dehors
de ces normes de nature législative, les assemblées parlementaires
prennent des actes d’assemblée803.
Par contre, il faut éviter la confusion avec les actes administratifs
qui peuvent être pris par les présidents des assemblées parlementai-
res. Peuvent être considérés, à ce titre, comme actes administratifs,

802
CSJ, Trésor Kapuku Ngoy c/Assemblée provinciale du Kasaï Occidental, RConst
051/TSR du 31 juillet 2007 ; inédit ; CSJ, Celestin Cibalonza Byatarana c/
Assemblée provinciale du Sud-Kivu, RConst 062/TSR du 27 décembre 200,
inédit.
803
Lire à ce sujet, F. VUNDUAWE te PEMAKO, Traité de droit… op. cit.., pp. 857-
858.

405
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

les décisions d’affectation des agents de carrière des services publics


de l’État mis à leur disposition et de nomination du personnel poli-
tique et d’appoint des cabinets des membres des bureaux des cham-
bres parlementaires ainsi que des membres de commissions parle-
mentaires ad hoc804. Ces actes ne sont pas des actes d’assemblée. Ce-
pendant, il n’est pas exclu que les présidents des chambres parlemen-
taires prennent même des actes administratifs réglementaires, no-
tamment lorsqu’ils règlent le fonctionnement de différents cabinets

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des membres des bureaux.
Les actes d’assemblée, par contre, se rapportent à l’élaboration et
à l’adoption des règlements intérieurs des chambres parlementaires,
du Congrès, des commissions parlementaires, des motions de défian-
ce ou de censure ainsi que les résolutions, les recommandations
adressées à d’autres institutions805.
Ainsi donc, la Cour constitutionnelle congolaise contrôle la
conformité des actes d’assemblée à la Constitution, sur pied de son
article 160, alinéa 2 tel que complété par l’ordonnance législative du
14 mai 1886 approuvé par décret du 12 novembre 1886.
L’on peut noter qu’une confusion théorique perdure à la Cour
suprême de justice qui mélange les actes d’assemblée avec les actes
législatifs. De même qu’il faudra un effort pour dissocier la notion
des actes d’assemblée d’avec celle des actes législatifs, il faudra éviter
de confondre, ici aussi, les actes d’assemblée avec les actes de gou-
vernement. Les actes d’assemblée et les actes législatifs sont des actes
parlementaires, ils relèvent ainsi de la compétence du juge constitu-
tionnel. Par contre, les actes de gouvernement sont des actes admi-
nistratifs, par principe, justiciables du Conseil d’État806.
Il importe de noter qu’un acte d’assemblée n’échappe pas au
contrôle du juge constitutionnel dès lors qu’il viole les droits et li-

804
M. WETSH’OKONDA KOSO SENGA, « La définition des actes législatifs
dans l’arrêt de la Cour suprême de justice n° R. Const. 51/TSR du 31 juillet
2007 à l’épreuve de la Constitution du 18 février 2006 » Horizons, Revue de
Droit et de Science politique du Graben, n° 5 juin 2008, pp. 18 et 32.
805
P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique… op. cit.., pp. 80 et 105.
806
Voir VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit… op. cit.., pp. 858-859.

406
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

bertés publiques garantis par la Constitution ou qu’il porte atteinte à


ce que le constituant a considéré comme matière protégée 807.
Ce principe a été rencontré par le juge constitutionnel congolais.
En effet, prenant appui à la Constitution du 18 février 2006, Célestin
Cibalonza Byatarana, alors gouverneur de la province du Sud Kivu,
avait saisi, en date du 15 novembre 2006, la Cour suprême de justice
pour solliciter l’annulation de l’acte d’Assemblée provinciale du
14 novembre 2007 portant motion de censure contre lui et son gou-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
vernement.
Dans son unique moyen d’inconstitutionnalité et d’annulation de
ladite motion, le requérant évoque la violation par l’Assemblée pro-
vinciale de la Constitution808. Il précise que depuis le dépôt jusqu’à
son vote, la motion de censure ne lui avait pas été notifiée,
l’Assemblée provinciale aurait même refusé de l’inviter à présenter
ses moyens de défense.
Examinant ladite requête, la Cour suprême de justice, toutes sec-
tions réunies, a rendu en date du 27 décembre 2007 l’arrêt
R.Const.062/TSR809 dans lequel elle a déclaré inconstitutionnelle la
motion du 14 novembre 2007 au motif qu’elle a violé les disposi-
tions constitutionnelles qui garantissent le droit de la défense.
L’arrêt intervenu dans cette affaire importante présente de même
un intérêt théorique évident dans la mesure où la Haute Cour pro-
cède à une définition de la notion constitutionnelle du droit de la
défense. Cet effort de théorisation est louable et place notre Cour
suprême de justice au diapason des autres juridictions de même rang
dans le monde.

807
Il s’agit notamment de la forme républicaine de l’État, le principe du suffrage
universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des
mandats du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le
pluralisme politique et syndical, les droits et libertés de la personne humaine ou
les prérogatives constitutionnelles des provinces.
808
Notamment les articles 12, 19.3 et 61.5 qui consacrent l’égalité de tous les
congolais devant la loi et le droit de la défense.
809
Nous détenons une copie certifiée conforme de cet arrêt.

407
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Par cette décision qui constitue, avec l’arrêt R.Const. 051/TSR


du 31 juillet 2007810, une constante dans la jurisprudence constitu-
tionnelle congolaise, on est permis de penser que la justice congolai-
se a été au service de l’État et du citoyen.811
Voyons à présent quels sont, en droit positif, ces actes.

1. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale

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Sans qu’il ne soit nécessaire d’épiloguer longuement sur le règle-
ment intérieur de l’Assemblée nationale, il suffit de constater que
l’article 112 de la Constitution fonde son existence en droit congo-
lais.
Avant sa mise en application, ledit règlement est obligatoirement
transmis par le président du bureau provisoire de l’Assemblée natio-
nale à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur sa conformité à
la Constitution dans un délai de quinze jours. Passé ce délai, le rè-
glement intérieur est réputé conforme.812
Il faut relever cependant qu’il s’agit d’un contrôle de constitu-
tionnalité a priori. En raison des matières contenues dans ledit rè-
glement et de l’influence qu’elles peuvent exercer sur le fonctionne-
ment d’une institution centrale du régime politique, le contrôle a
posteriori dudit règlement devrait être possible.
Il peut arriver, en effet, et c’est déjà arrivé que le règlement inté-
rieur d’une assemblée provinciale soit contraire à une loi postérieu-
rement à sa mise en application.
C’est le cas du règlement intérieur de la province de l’Équateur
qui exige un quorum différent de celui exigé par la loi sur la libre
administration des provinces pour ce qui est de l’adoption d’une
motion de censure ou de défiance à l’endroit du gouverneur de pro-
vince.813

810
L’auteur détient une copie certifiée conforme de cet arrêt.
811
L’on peut citer les arrêts : CSJ, RConst 04/TSR du 3 octobre 2003, RConst
043/TSR du 21 décembre 2006, RConst 110/TSR du 5 février 2010, tous inédits.
812
Lire article 112 de la Constitution.
813
Lire l’article 86 du règlement intérieur de la province de l’Equateur et l’article 41,

408
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Dans ce cas, puisque le règlement intérieur viole la loi organique


et de ce fait la disposition constitutionnelle visée par cette loi orga-
nique, il y a lieu, à notre avis, d’attaquer en inconstitutionnalité tel
règlement intérieur, les termes de l’article 162, alinéa 2 de la Consti-
tution étant de nature à couvrir tout règlement. 814

2. Le règlement intérieur du Sénat

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Les développements que nous venons de consacrer au règlement
intérieur de l’Assemblée nationale demeurent valables mutatis mu-
tandis à l’égard du règlement intérieur du Sénat qui est une des deux
chambres du parlement congolais qui est bicaméral. Cependant l’on
peut avancer qu’au regard de lois purement sénatoriales il y a moins
de risque que la démocratie soit entravée de ce côté-là. Le risque po-
litique majeur demeure, l’on s’en doutera, du côté du Congrès.

3. Le règlement intérieur du Congrès


À ce jour, ce règlement pourtant prévu par les dispositions ex-
presses de l’article 114 de la Constitution a vu le jour entrainant par
là l’inconstitutionnalité manifeste de tout autre règlement intérieur
du Congrès qui est venu à être élaboré en dehors du délai constitu-
tionnellement prévu qui est la première session après la séance
d’ouverture présidée par le Secrétaire général de l’Administration de
chacune de deux chambres.
Il convient ici aussi d’indiquer que dans la mesure où il viendrait
à porter atteinte aux droits et libertés individuels garantis par la
Constitution, tel règlement serait soumis au contrôle du juge consti-
tutionnel sans qu’aucune théorie ne soit valablement invoquée de-
vant lui pour empêcher son contrôle.
Une autre observation sur le fonctionnement dudit Congrès méri-
te d’être relevée. Il convient d’insister que la Constitution815 exige que
le règlement intérieur du Congrès soit obligatoirement adopté pen-

alinéa 2 de La loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux


relatifs à la libre administration des provinces.
814
Article 162, alinéa 2 de la Constitution.
815
Article 119, point 3 de la Constitution du 18 février 2006.

409
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

dant la session extraordinaire qui a suivi la proclamation des résultats


des élections législatives.816 Elaboré au cours de la session ordinaire de
septembre 2007, ce règlement a été déclaré conforme à la Constitu-
tion817 à l’exception des quelques dispositions818.

4. Les résolutions
Le contrôle est également possible contre les résolutions dans la
mesure où elles contredisent les dispositions pertinentes de la Cons-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
titution ou les libertés individuelles garanties par cette dernière.
C’est ici l’occasion de dire que les motions de censure et autres in-
terpellations demeurent des mécanismes de contrôle parlementaire
qui s’expriment après le vote par des résolutions. 819
Ainsi, au lieu d’aller chercher la catégorie « actes législatifs », le
juge suprême congolais faisant office de juge constitutionnel aurait
dû qualifier l’acte attaqué par devers lui d’acte d’assemblée. 820 Seule-
ment, là, il aurait eu à justifier autrement sa compétence matérielle
au regard de l’article 162 alinéa 2 de la Constitution déjà mentionné.
Les résolutions ont ainsi, l’on s’en doute, une portée positive réel-
le qui affecte l’ordonnancement juridique. Il est même inadmissible
que tels actes restent en dehors du contrôle du juge. De même, l’on
peut noter qu’il y aurait un recul énorme tant déjà à l’époque dite de
la IIe République, deux arrêts821 avaient déjà établi la compétence ma-
térielle du juge constitutionnel en matière d’actes d’assemblée.
Il y a donc lieu que la future loi organique consolide cet acquis et
l’étende au-delà du simple contrôle des mandats parlementaires porté
par l’article 144 de la procédure devant la Cour suprême de justice. Il

816
Article 114, alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
817
R. Const. 061/TSR du 30 novembre 2008, quatrième feuillet.
818
Il s’agit des articles 3.3, 6.7, 17, 38, 40, 42 et 43 qui organisent la procédure de la
proclamation de l’état d’urgence ou de siège, la déclaration de guerre, la procédure
de poursuites et de la mise en accusation du président de la République et du
Premier ministre.
819
Lire l’article 138 de la Constitution du 18 février 2006.
820
Lire la note 706 de la présente dissertation.
821
Lire CSJ, Arrêt RCE 001, Mutiri Muyongo contre HCR-PT du 4 février 1996 ;
CSJ, Arrêt RCE 002, Kalegamire contre HCR-PT du 27 mars 1997.

410
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

y va de la démocratie représentative. Les actes de l’élu ne doivent


aucunement outrepasser la volonté du peuple souverain exprimée
dans la Constitution.
Il en va de même de la résolution n° 005 du 13 avril 2007 portant
création de la Commission spéciale chargée d’examiner la suite à
donner aux arrêts de la Cour suprême de justice en matière de
contentieux électoral des Députés nationaux dont le caractère in-
constitutionnel n’est pas à rechercher.822

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
Heureusement, sa léthargie a eu pour effet de ne pas heurter de
front la volonté constituante. Elle a abouti à des recommandations
dont le caractère non obligatoire heureusement ne cause pas grief.

5. Les recommandations
Les recommandations qu’adresse le parlement au gouvernement
ou à une autorité publique quelconque relèvent de la collaboration
des pouvoirs qu’implique l’unité du pouvoir politique dans l’État.
Il s’agit en effet de conseils ou des avis que l’assemblée émet sans
y attacher une portée juridique quelconque. Il sied de noter qu’au
cas où telles recommandations heurteraient les dispositions de la
Constitution, celle-ci devrait l’emporter devant le juge constitution-
nel surtout si celles-là touchaient immanquablement aux droits ga-
rantis aux citoyens.
L’on peut prolonger la réflexion sur la possibilité ou non
d’attaquer un acte quel qu’il fut qui aurait mis en application une
recommandation d’une assemblée inconstitutionnelle. L’acte serait
attaqué qualitate qua ou plutôt le caractère médiat de la recomman-
dation serait invoqué comme une sorte d’acte-écran. Nous penchons
vers la deuxième thèse en opinant que l’acte devra être attaqué sans

822
Lire BOSHAB (E.), « Le principe de la séparation des pouvoirs à l’épreuve de
l’interprétation des arrêts de la Cour suprême de Justice par l’Assemblée nationale en
matière de contentieux électoral », in BAKANDEJA wa MPUNGU (G.),
MBATA B. MANGU (A) et KIENGE KIENGE INTUDI (R.) (sous la
direction de), Participation et responsabilité des acteurs politiques dans un contexte
d’émergence démocratique en République démocratique du Congo, Kinshasa, PUK,
Bibliothèque de la Faculté de Droit de Université de Kinshasa, 2007, pp. 19-27.

411
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

que la recommandation ne soit invoquée à l’appui du soutènement


de la requête en inconstitutionnalité. Par principe, les recommanda-
tions ne devraient pas être soumises au contrôle du juge sauf si elles
contiennent des dispositions décisoires susceptibles donc de causer
grief.
Dans un pays qui sécrète une pauvreté, voire une misère sémiolo-
gique dans le discours politique, il faut craindre le dévoiement qu’un
auteur exprime ainsi : le plus « dramatique » aurait été peut-être « la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
pauvreté du débat politique et idéologique » qui aurait été remplacé
par « l’émergence de thématiques d’exclusion ».823
Un type particulier des normes provinciales a défrayé la chroni-
que dans le contentieux constitutionnel de notre pays : il s’agit des
actes d’Assemblée provinciale.

6. Les actes d’assemblée provinciale


La lecture attentive de l’article 160 de la Constitution donne à
voir que le Constituant a laissé hors du giron du contrôle de consti-
tutionnalité les édits et les autres actes d’assemblée provinciale. Il
s’agit d’une omission qui a été corrigée par les prévisions de
l’article 73 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, pour
ce qui est des édits.824
S’agissant des autres actes d’assemblée, il y a lieu de faire le départ
entre les règlements d’ordre intérieur et les résolutions portant mo-
tions de défiance ou de censure du gouvernement provincial. En ef-
fet, par l’ampleur des désordres que ces notions entraînent dans les
provinces, il échet de s’y attarder un instant. L’on peut noter,
contrairement à la pratique observée dans certaines provinces, que le
règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée provinciale doit être

823
Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P. G.), Le contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo. Étude critique d’un
système de justice constitutionnelle dans un État à forte tradition autocratique, thèse
de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008, p. 478.
824
JORDC, Numéro spécial, 7 septembre 2009, p. 23.

412
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

soumis a priori à la censure de la Cour constitutionnelle, avant son


entrée en vigueur.
C’est donc le lieu de fustiger l’attitude des assemblées provinciales
ayant fait contrôler leur règlement d’ordre intérieur par les Cours
d’appel, sections administratives, alors que, manifestement, il s’agit
des actes d’assemblée non susceptibles de contrôle par le juge admi-
nistratif. Il reste, à y regarder de près, le seul contrôle du juge consti-
tutionnel auquel ces actes ne peuvent échapper dans la perspective

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
d’un État de droit constitutionnel.
Les motions de défiance et de censure répondent aux prescrip-
tions des articles 41 et 42 de la loi susmentionnée. Ces règles sont, à
bien y regarder, les mêmes que celles qui prévalent au niveau natio-
nal contre le Gouvernement de la République. Le contrôle de cons-
titutionnalité se fera devant la Cour constitutionnelle et non devant
la Cour d’appel, section administrative.825
La proposition de Paul-Gaspard Ngondankoy, faite ci-dessus, de-
vrait mettre la puce à l’oreille du législateur organique qui devrait
embrasser la totalité des actes d’assemblée dans le giron du contrôle
de constitutionnalité. Le constituant ne le dit pas expressis verbis,
mais par cette voie mineure de la loi organique l’on peut raisonna-
blement toucher tous les actes litigieux. Mis à part les actes
d’assemblée ainsi recensés, il demeure que la question de contrôle
des règlements ne se pose plus en droit congolais.

§ 2. Le contrôle de constitutionnalité des règlements


Le contrôle de constitutionnalité des règlements est sans aucun
doute l’une des marques du droit constitutionnel moderne et une
des caractéristiques essentielles de l’évolution de la conception de la
notion de l’État de droit.
En effet, la démocratie constitutionnelle implique que
l’administration, comme les particuliers, soit aussi soumise aux normes
constitutionnelles. La notion ancienne de la légalité excluait, tout au

825
Voir arrêt Cour d’appel de Mbandaka, R.A. 059 du 24 avril 2009, Affaire
Gouverneur José MAKILA SUMANDA contre Assemblée provinciale de l’Equateur,
inédit.

413
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

moins en théorie, le contrôle des actes de l’administration tant qu’ils


ne violaient pas directement la loi, même si la violation d’une disposi-
tion constitutionnelle pouvait être invoquée comme moyen d’illégalité
au sens large.
La Constitution ne donne aucune définition d’acte réglementaire.
Celui-ci peut être défini comme tout acte unilatéral pris par
l’administration dans ses rapports avec les administrés. Pris par une
autorité publique, un acte réglementaire a pour finalité de produire

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
des règles juridiques générales et impersonnelles826. Son édiction ne
donne pas lieu à une concertation entre l’administration et les admi-
nistrés. Établi dans ces conditions, un acte réglementaire poursuit
obligatoirement la satisfaction de l’intérêt général.
Dans la pratique, un acte réglementaire peut se manifester de
deux manières : il peut apparaître sous la forme d’un acte autonome
ou d’un acte subordonné. Le règlement subordonné complète la loi
et en assure l’exécution. Le règlement autonome est un acte pris par
l’exécutif en toute matière où la Constitution ne donne pas expres-
sément compétence au législateur. Cet acte intervient dans des ma-
tières autres que ceux qui sont du domaine de la loi 827. Il importe de
souligner, avec le Professeur Vunduawe te Pemako, que le règlement
autonome peut bien intervenir dans le domaine de la loi, en cas de
vide juridique ou avant l’intervention du législateur. C’est la défini-
tion du règlement autonome au sens doctrinal.828
Par rapport à leurs auteurs, les actes réglementaires peuvent revê-
tir plusieurs formes. Conformément à la Constitution, le président
de la République statue par ordonnance829 et le Premier ministre par
décret830. Le ministre national831, le gouverneur de province832, le mi-

826
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.. p. 303.
827
Article 128 de la Constitution du 18 février 2006.
828
VUNDUAWE te PEAMAKO (F.), op. cit., p. 56.
829
Article 72, alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
830
Article 92, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
831
Article 93, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.
832
Article 28, alinéa 6 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, Journal Officiel de la
République démocratique du Congo, numéro spécial du 31 juillet 2008, col. 1- 18.

414
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

nistre provincial833 et le maire834 agissent par voie d’arrêté. Il en est


ainsi du bourgmestre835 et du chef de secteur ou de chefferie836.
Dans l’organisation administrative, l’autorité compétente peut
prendre plusieurs types d’actes réglementaires, à savoir les règle-
ments d’administration et de police. Tous ces actes sont soumis au
contrôle de légalité devant le juge administratif.
Il semble que dans l’examen de la conformité à la Constitution

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
des actes réglementaires, le juge soit invité à moduler son interven-
tion en fonction de types d’activités exercées. Nadine La Grance
établit à ce sujet deux types d’activités à partir desquelles, le contrôle
peut être envisagé837. Le contrôle peut porter sur les activités réga-
liennes du gouvernement ou sur l’intervention de l’exécutif dans le
domaine législatif.
Dans ce dernier cas, l’intervention du juge constitutionnel apparaît
facile et efficace. Il n’en est pas autant pour le premier cas. Dans celui-
ci en effet, le juge doit, selon l’auteur, se montrer prudent pour éviter
de se livrer à ce qu’il appelle « l’irréductibilité politique »838. Il doit,
dans une perspective de l’exercice de sa politique jurisprudentielle,
être réaliste. Le juge ne doit pas chercher à imposer à tout prix et en
toute circonstance le respect de la Constitution839.
L’analyse de la Grance est critiquable. Gardien de la légalité cons-
titutionnelle, le juge constitutionnel est tenu de s’assurer que, dans
l’édiction par les pouvoirs publics des actes réglementaires, la Cons-

833
Article 29, alinéa 3 de la susdite loi.
834
Article 44 de la loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des entités territoires décentralisées et leurs
rapports avec l’État et les provinces, JORDC, numéro spécial du 10 octobre
2008, col. 5-32.
835
Article 63 de la susdite loi.
836
Article 89 de la loi précitée.
837
La GRANCE (N.), Le phénomène majoritaire, fondement de la Ve République,
thèse de doctorat en Droit public, Université Clermont Ferrand I, 1986, p. 21.
838
Opération qui consiste pour le juge d’entrer en confrontation directe et brutale
avec le pouvoir exécutif dans l’exercice par lui de ses prérogatives régaliennes.
Lire dans ce sens, La GRANCE (N.), Le phénomène majoritaire, op. cit.. p. 11.
839
Cette analyse est discutable dans la mesure où elle conduit à la remise en
question de l’autorité du juge constitutionnel comme gardien de la Constitution.

415
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

titution est respectée. De ce point de vue, le juge doit, par ses déci-
sions courageuses et indépendantes, imposer à tout prix le respect de
la Constitution.
Le contrôle de la constitutionnalité des normes réglementaires
n’avait toujours pas été consacré en droit constitutionnel congolais.
Introduit dans l’actuelle Constitution, il constitue une innovation
importante vers l’encadrement du pouvoir des gouvernants et per-
met au juge constitutionnel d’assurer la régulation de l’activité nor-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
mative des pouvoirs publics840.
Le droit constitutionnel moderne dans son acception d’État de
droit constitutionnel permet d’invoquer la violation de la Constitu-
tion comme norme principale tant devant le juge administratif que
devant le juge constitutionnel. Cependant cette dyarchie normative
est de nature à créer un conflit de compétence entre ces deux juges.
Et, pour y remédier, il faut mais il suffit d’indiquer la frontière entre
les types des actes réglementaires susceptibles ou non d’être contrô-
lés par le juge constitutionnel.
Il importe de dégager ici les conditions ou mieux le critère perti-
nent pour distinguer le règlement susceptible d’être soumis au juge
constitutionnel ou devant le juge administratif, en l’occurrence le
Conseil d’État. En effet, il faut que l’acte à censurer soit un acte ré-
glementaire qui échappe à la compétence du juge administratif.841
Il faut affirmer que le juge administratif détient une compétence
de principe, en vertu de l’article 155, alinéa 1er, de la Constitution,
alors que le juge constitutionnel, sur pied de la finale de l’alinéa 2 de
l’article 162 de la même Constitution garde une compétence rési-
duaire. Il est donc à conclure que le juge constitutionnel reste seul
compétent envers les actes réglementaires ayant toujours échappé au
juge administratif. C’est une implication de la notion d’État de droit
constitutionnel énoncée par le constituant : aucun acte ne doit
échapper à la censure du juge, dans l’idée qu’il doit à tout prix éviter
un déni de justice.

840
DRAGO (G.), Contentieux constitutionnel français, Paris, PUF, coll. Thémis, 2e
édition, 2006, p. 303.
841
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 902.

416
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Ainsi donc, le juge constitutionnel congolais restera compétent


toutes les fois qu’un acte administratif ne peut être contrôlé par le
juge administratif au motif qu’il serait un acte de gouvernement. De
ce principe, l’on doit donc déduire ce critère : il doit s’agir d’un rè-
glement dont la censure n’est pas possible devant le juge administra-
tif. Dans cette hypothèse, seuls les actes de gouvernement peuvent
être visés, tous les autres étant justiciables devant le Conseil d’État.
Ce critère s’appliquera à tous les actes administratifs réglementai-

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res quelle qu’en soit l’origine.

A. Les règlements des autorités administratives


indépendantes
Le Constituant du 18 février 2006, à la suite de son homologue de
la transition, a établi un certain nombre d’institutions d’appui à la
démocratie qui sont des organismes publics de nature constitution-
nelle chargés de gérer des secteurs importants de la vie nationale et
de contribuer ainsi à la saine expression de la démocratie dans notre
pays. Ces autorités sont administratives en ce qu’elles gèrent des ser-
vices publics et à ce titre, elles disposent du pouvoir réglementaire
qui doit être encadré par le droit et notamment le droit constitu-
tionnel.842
En ce qui concerne les institutions d’appui à la démocratie, on re-
marque que, sur cinq que prévoyait la Constitution de la transition du
4 avril 2003, deux ont été maintenues dans l’actuelle Constitution. Il
s’agit de la Commission électorale nationale indépendante843 et du
Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication844.

1. La Commission électorale nationale indépendante


Par le caractère hautement politique attaché à ses décisions, la
Commission électorale nationale indépendante ne pouvait être dis-

842
Lire GRUBER (A.), La décentralisation et les institutions administratives, Paris,
Armand Colin, 1986, p. 33.
843
Article 211 de la Constitution du 18 février 2006.
844
Article 212 de la Constitution du 18 février 2006.

417
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

traite du contrôle du juge constitutionnel. Du fait qu’il s’agit d’une


autorité administrative indépendante, ses décisions auraient dû être
soumises au contrôle du juge administratif. L’impartialité spéciale
dont doit jouir le juge devant de tels actes milite cependant en faveur
du juge constitutionnel dont la place dans l’architecture juridiction-
nelle du pays lui confère une primauté susceptible de le mettre à
l’abri de vaines tentatives d’intimidation.
Du point de vue technique toutefois, un recours en annulation

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pour excès de pouvoir est toujours possible contre un règlement en-
taché d’illégalité pris par la Commission électorale nationale indé-
pendante. S’agissant des actes individuels qu’elle est amenée à pren-
dre, ils demeurent de la compétence du Conseil d’État.
Il faut cependant nuancer cette proposition en affirmant que
s’agissant d’un organisme public personnalisé et dont l’existence est
le fait de la Constitution, il demeure cohérent avec le système juridi-
que congolais que cet organisme s’occupant du processus électoral et
référendaire soit sous le contrôle du juge constitutionnel par le biais
des décisions qu’elle peut prendre et qui aboutissent à la compétence
du juge constitutionnel. Il faut donc noter que les actes administra-
tifs réglementaires que pose la Commission électorale nationale in-
dépendante par leur finalité visent l’investiture des fonctions politi-
ques de l’État et par conséquent, devraient relever de la compétence
du juge constitutionnel.
L’on dirait simplement que la Commission intervient en amont,
tandis que la Cour constitutionnelle fonctionne en aval chaque fois
qu’il s’agit du processus électoral et référendaire.
Ainsi, l’alinéa 3 de l’article 211 de la Constitution, en posant
qu’« elle assure la régularité du processus électoral et référendaire »,
indique que cette Commission a des pouvoirs juridiques qui doivent
être encadrés par le droit et sanctionnés par le juge.
À ce jour, la jurisprudence ne recense pas encore un cas d’un rè-
glement de la Commission électorale nationale indépendante devant
le juge constitutionnel.

418
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

2. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication


Les développements que nous venons d’articuler au point précé-
dent sont valables pour ce qui est du conseil supérieur de l’audiovisuel
et de la communication. Il importe seulement de noter ici que c’est la
liberté d’expression qui va de pair avec la liberté politique qui est spé-
cialement protégée par le constituant.
En effet, cette institution d’appui à la démocratie, a la possibilité

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contentieuse de créer d’énormes atteintes aux droits fondamentaux
liés à la liberté d’expression et à celle d’opinion. En cela, les deux
libertés fondamentales constituent le socle de la vie démocratique
dont l’usage ne saurait être livré au bon vouloir d’une commission
dont les membres ne dépendent pas directement du peuple souve-
rain.
L’on peut dire, avec Félix Vunduawe te Pemako, que cette insti-
tution a la lourde mission d’assurer le respect de l’expression plura-
liste des courants de pensées et d’opinion, spécialement en ce qui
concerne les émissions d’information politique.845
Il est donc cohérent dans le système de justice constitutionnelle
qui est le nôtre que les règlements émanant de cette autorité soient
soumis au double contrôle de la légalité et de la constitutionnalité.
Ce double contrôle n’existe pas, on le verra, à l’égard des actes de
gouvernement dont la connaissance échappe au juge administratif.

B. Les actes de gouvernement


La notion d’actes de gouvernement dont la définition doctrina-
846
le est à la base d’une controverse, par rapport à la notion d’État de
droit constitutionnel,847 a toujours constitué le bouclier juridique des

845
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 845.
846
BOSC (A.), « Les actes de gouvernement et la théorie des pouvoirs de guerre », in
Revue du droit public, 1926, pp. 186 et s.
847
Lire pour de développements théoriques de cette notion, MBOKO
Dj’ANDIMA, L’État de droit constitutionnel en République démocratique du
Congo. Contribution à l’étude des fondements et conditions de réalisation, Mémoire
de DES en droit public, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2005.

419
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

incertitudes dans notre droit positif. En effet, notre Cour suprême


de justice a déjà eu à l’appliquer comme stratégie d’évitement, pour
paraphraser Paul Gaspard Ngondankoy848, dans l’arrêt R.A320.849
D’origine jurisprudentielle et doctrinale, en droit comparé fran-
çais et belge850, le concept a, chez-nous, un fondement législatif en
l’article 87, alinéa 3 de la procédure devant la Cour suprême de justi-
ce.851 Il s’agit donc de certains actes de l’Exécutif qui concernent les
rapports entre les pouvoirs constitutionnels ou se situent dans les

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relations internationales et qui, à cause de leur caractère hautement
politique, échappent à la censure du juge. 852
Il faut devoir à l’histoire du droit de dire que cette notion est née
dans le giron du Conseil d’État français.853 Les actes de gouvernement
sont régis en droit administratif par un régime juridique spécial qui
rend tous recours contentieux à leur égard irrecevables et impossible
toute réparation de dommages causés à leur suite.854 Le recours en ré-
paration pour préjudice exceptionnel reste seul envisageable dans cette
occurrence.

848
NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P. G.), Le contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo. Étude critique d’un
système de justice constitutionnelle dans un État à forte tradition autocratique, thèse
de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008.
849
Lire CSJ, Arrêt Les personnes physiques et morales contre la République du Zaïre,
BACSJ, Kinshasa, Centre d’études et de documentation du Ministère de le justice,
pp. ; lire aussi KALUBA DIBWA (D.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois et
des actes ayant force de lois en droit positif congolais », Revue du Barreau de
Kinshasa/Gombe, n° 02/2006, pp. 1-17.
850
Lire notamment CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 2e édition, coll.
Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994 ; CHAPUS (R.), Droit du contentieux
administratif, 12e édition, coll. Domat droit public, Paris, Montchrestien, 2006 ;
FAVOREU (L.), « Légalité et constitutionnalité » in Les cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 3, Paris, 1997, pp. 57-156.
851
Voy article 87, alinéa 3 de l’ordonnance-loi n° 82/017 du 31 mars 1982 portant
procédure devant la Cour suprême de justice, JOZ, n° 7, Kinshasa, 1982.
852
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit.., p. 242.
853
DUEZ (P.) Les actes de gouvernement, Paris, Dalloz, 2006.
854
CONAC (G.), « Le juge et la construction de l’État de droit en Afrique francophone »
in L’État de droit, Paris, Dalloz, 1996, pp. 105-119.

420
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Il est évident qu’un tel régime heurte de face les implications de


l’État de droit constitutionnel855. Aussi, est-il admis que les actes de
gouvernement, comme par exemple une ordonnance présidentielle de
dissolution de l’Assemblée nationale ou une ordonnance d’amnistie
ou de nomination d’un Premier ministre, devraient aujourd’hui être
attaqués en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle sans
que leur non-censure ne soit invoquée. La seule condition de perti-
nence du recours devant être la non-conformité de l’acte attaqué à la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
loi fondamentale.856
Il faut tout de suite noter cependant que si le juge administratif
congolais est incompétent pour censurer les actes de gouvernement,
il reste ouvert la possibilité d’une réparation pour préjudice excep-
tionnel en vertu de l’article 155, alinéa 3 de la Constitution du
18 février 2006.
Par ailleurs, une ordonnance de ratification d’un traité internatio-
nal qui ne vérifierait pas les conditions prévues par la Constitution
devrait de même être contestée devant le juge constitutionnel car,
dans tous les cas, un acte de gouvernement demeure un acte gouver-
nemental et, à ce titre, susceptible de contrôle juridictionnel.
Assimiler l’acte de ratification et/ou d’approbation au traité ou ac-
cord international qui en fait l’objet, c’est, à coup sûr, opérer un revi-
rement dangereux dans la position de la doctrine ; celle-ci a toujours
maintenu la distinction qui a l’utilité opératoire de permettre un
contrôle de constitutionnalité des actes ayant autorisé ou approuvé
une convention internationale inconstitutionnelle en s’interdisant de
juger le traité ou la convention internationale litigieux. L’on a noté
plus loin que le juge a toujours eu des scrupules lorsqu’il faut contrô-

855
WETSH’OKONDA KOSO (M.), « La théorie des actes de gouvernement dans
l’arrêt de la Cour suprême de justice RA 459 et consorts du 26 septembre 2001 sur la
révocation de 315 magistrats », Les Analyses Juridiques, Lubumbashi, n° 5/2005,
janvier-avril 2005, pp. 13-27.
856
La violation de la Constitution, intérêt supérieur et suprême de la Nation, ne
devrait être justifiée logiquement par aucune théorie empêchant au juge de
redresser les torts causés à l’ordre juridique. C’est la logique de la démocratie
constitutionnelle qui est l’option choisie par le peuple congolais.

421
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ler les actes de haute portée politique, en l’occurrence ceux suscepti-


bles d’engager la responsabilité internationale de l’État.
En sera-t-il, de même, de règlements des juridictions ?

C. Les règlements des cours et tribunaux


Les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire comme ceux de
l’ordre administratif sont généralement autorisés à prendre de rè-

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glements d’ordre intérieur dont la régularité pouvait et peut être
contrôlée par le juge administratif.857
En effet, en ce qu’ils organisent le service public de la justice, les
règlements d’ordre intérieur des cours et tribunaux sont purement
des actes administratifs pris par les autorités administratives en vertu
du principe de dédoublement fonctionnel et, par conséquent, ils sont
soumis au contrôle du Conseil d’État et d’autres juridictions admi-
nistratives prévu à l’article 155 de la Constitution du 18 février 2006
déjà mentionné.
Dans l’histoire constitutionnelle du pays, il y a lieu d’indiquer
que les cours et tribunaux ont été classés parmi les institutions de la
République même si leur caractère politique n’a été affirmé malen-
contreusement que par la Constitution de la transition de 2003. 858
Le régime contentieux de règlements d’ordre intérieur est fixé par
la Constitution actuelle qui les soumet au contrôle du juge adminis-
tratif, même si avant cette loi fondamentale, l’on peut raisonnable-
ment affirmer qu’un contrôle hiérarchique était toujours possible
contre tels règlements.
Mais là il s’agit d’un contrôle administratif et même politique qui
n’est pas du contentieux constitutionnel.
C’est le cas de règlement d’ordre intérieur de la Cour prévu par
les articles 203 et 205 de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79

857
Lire l’article 146 du code de l’organisation et de la compétence judiciaires, JOZ,
n° 7, Kinshasa, 1982.
858
Lire article de la Constitution de la transition de 2003.

422
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et


parquets.859
Comme dit plus haut, une violation directe de la Constitution
rend le règlement d’ordre intérieur susceptible d’un recours en an-
nulation pour excès de pouvoir.
Cette affirmation embraie naturellement sur la certitude que le
régime des règlements autonomes est celui de la constitutionnalité.

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D. Le règlement autonome
Au-delà de la définition doctrinale et technique du règlement au-
tonome, il importe d’emblée de noter que l’article 128 de la Consti-
tution trace le cadre de cette matière. En effet, les matières autres
que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglemen-
taire. Cet énoncé constitutionnel infère à la notion de la protection
du domaine réglementaire.
Par ailleurs, la loi n’intervenant plus souverainement en toutes
matières, le règlement a une extension plus large que la loi, comme
expression de la volonté générale. Ainsi, plusieurs matières non at-
tribuées au législateur seront réglementées par voie de décret du Pre-
mier ministre qui détient le pouvoir réglementaire général 860,
concurremment avec d’autres détenteurs du même pouvoir que
sont : le Chef de l’État, pour des prérogatives lui dévolues par la
Constitution861et les Gouverneurs de Province, pour toutes les ma-
tières non dévolues au législateur national mais relevant de compé-
tences exclusives des provinces.862
En attribuant le caractère réglementaire aux matières autres que
celles qui sont du domaine de la loi - et non aux matières autres que

859
Cet arrêté n’a pas été publié au Journal Officiel. Lire cependant, Les codes
Larcier, tome 1, Droit civil et judicaire, Kinshasa, Bruxelles, Afrique Editions et
Larcier, pp. 336-358.
860
Lire article 92 de la Constitution du 18 février 2006.
861
Lire l’article 92 de la Constitution du 18 février 2006.
862
Lire les articles 28 et 37 de la Loi du 31 juillet 2008 sur les principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, JORDC, 50e année,
Numéro spécial, 7 septembre 2009, pp. 13 et 16.

423
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

celles énumérées par les articles 122, 123 et 124 de la Constitution-, le


constituant a conféré au système de délimitation des compétences lé-
gislatives et réglementaires une souplesse. Le premier alinéa de la dis-
position de l’article 128 de la Constitution définit, par soustraction
des matières législatives, un domaine réglementaire. Mais au titre du
pouvoir qualifié habituellement de pouvoir réglementaire autonome,
le domaine est très restreint :
– Les matières non attribuées par la Constitution au pouvoir

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législatif sont peu nombreuses.
– Le législateur demeure seul compétent pour porter atteinte aux
principes généraux du droit à valeur législative.
– Les matières réglementaires dites autonomes peuvent être
réduites, voire supprimées : ainsi un abaissement par la loi du
seuil des peines pourrait faire disparaitre les peines de police
administrative.
– Le mécanisme de défense du domaine réglementaire est facultatif
au vœu même de l’alinéa 2 de l’article 128 de la Constitution. La
formulation conditionnelle et facultative dudit alinéa est de
nature à asseoir cette assertion.863

À l’inverse, la compétence réglementaire s’est considérablement


étendue dans les matières législatives, qu’il s’agisse des matières à rè-
gles de l’article 122 ou des matières à principes fondamentaux de
l’article 123.
En effet, le constituant réserve au législateur la fixation des règles
et laisse en vertu des dispositions vantées le soin au pouvoir régle-
mentaire d’édicter les mesures nécessaires pour l’application desdites
règles. Il importe de souligner cependant que quel que soit le conte-
nu des règlements autonomes, le régime contentieux de ces actes res-
te celui des actes administratifs car, comme dit René CHAPUS, le
juge administratif, dans quelques espèces, apprécie la régularité des
actes réglementaires autonomes sans les rapporter aux articles 34
et 37 (122 et 123 de la Constitution congolaise du 18 février 2006)

863
MOREAU (J.), Droit administratif, Paris, PUF, 1989, n° 79. Cet auteur préfère
parler plutôt des secteurs à dominante réglementaire.

424
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

parce que les dispositions législatives pour l’application desquelles


l’acte a été pris font un écran à un contrôle de constitutionnalité. 864
Le problème de la délégalisation des textes à caractère de loi se
pose en des termes différents en droit français qui a inspiré l’alinéa 2 e
de l’article 128. En effet, au lieu des textes à forme législative de
l’article 37 français, le constituant congolais a opté pour l’expression
« textes à caractère de loi ». La synonymie ne peut être établie mani-
festement dans ce cas.

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Par ailleurs, l’expression française a l’avantage d’embrasser tous
les actes législatifs antérieurs ou postérieurs à la Constitution inter-
venus dans le domaine réglementaire ; en revanche, le syntagme
congolais serait à entendre uniquement des lois formelles et non les
actes ayant force de loi. Car le mot caractère utilisé infère au conte-
nu et non à la forme.
En conclusion, il est souhaitable que la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle fasse pourtant une synonymie entre les deux ex-
pressions pour une meilleure protection constitutionnelle du do-
maine réglementaire.
La délégalisation qui concerne les lois intervenues dans le domai-
ne réglementaire ne peut cependant concerner les lois référendaires
pour la raison idéologique déjà avancée qu’il s’agit de l’expression
directe de la souveraineté nationale. Dès lors, aucun domaine ne
peut échapper à la toute puissance du souverain.
Sinon, ce serait une contradiction interne dont les termes ne sau-
raient être explicatifs. L’incontestabilité de telles lois évite l’aporie.
Par contre, les lois organiques bien que préalablement et obliga-
toirement soumises au contrôle de constitutionnalité, peuvent être
délégalisées si les conditions prévues par la Constitution venaient à
être réalisées.

864
CHAPUS (R.), Droit administratif, Paris, Montchrestien, n° 708-709 ; VEDEL
(G.) et DEVOLVE (P.), Droit administratif, Paris, PUF, 12e édition, tome 1,
pp. 338-339 ; FAVOREU (L.), « Les règlements autonomes n’existent pas », RFDA,
1987, p. 871 et s notamment pp. 876 et 877 ; FAVOREU (L.) et RENOUX
(T.S.), Le contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs, Paris, Sirey,
1992, n° 36 et s.

425
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En droit français, la question est controversée tout simplement


parce que le contrôle a posteriori ouvert à tous est inexistant. En ou-
tre, seuls soixante députés ou sénateurs sont admis à contester sur
pied de l’article 61 de la Constitution les lois ordinaires. Ainsi, est-il
admis que les lois organiques ne peuvent être contestées que si elles
contiennent des dispositions de loi ordinaire.865
Nous opinons en guise de conclusion que les lois organiques tout
comme les règlements autonomes devraient être soumis au contrôle

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de constitutionnalité tant les termes exprès de l’article 162 de la
Constitution du 18 février 2006 ne semblent écarter aucune catégo-
rie juridique des actes législatifs et réglementaires.
Telles sont les normes légales et réglementaires sur lesquelles
s’exerce le contrôle de constitutionnalité mais celui-ci suppose, il
faut le dire, une interprétation de la Constitution.

§ 3. Le recours en interprétation de la Constitution


Un texte n’a de sens que par et dans l’interprétation. Interpréter
un texte, c’est découvrir son sens caché ou déposé. C’est également
choisir entre plusieurs significations qui lui sont données celle qui se
rapproche plus de la volonté de son auteur. L’interprétation a pour
but d’obtenir le sens du texte ou de délivrer son secret.
Il n’existe pas une théorie constitutionnelle des sources et techni-
ques d’interprétation des textes. Le recours au droit commun a per-
mis de retenir qu’il existe une différence entre les sources, les mé-
thodes et les techniques d’interprétation au service du juge civil, pé-
nal, administratif ou constitutionnel. En droit pénal, par exemple,
Nyabirungu Mwene Songa distingue l’interprétation authentique de
l’interprétation judiciaire et doctrinale. 866

865
CAMBY (J.P.), « La loi organique dans la Constitution de 1958 », RDP, 1989,
p. 1401. ; LUCHAIRE (F.), « Les lois organiques devant le Conseil constitutionnel »,
RDP, 1992, p. 389 et CAR (J.-C.), Les lois organiques de l’article 46 de la
Constitution du 4 octobre 1958, thèse de doctorat en droit, Aix-en-Provence, 1993.
866
NYABIRUNGU mwene SONGA, Traité de droit pénal général Congolais,
Kinshasa, 2e édition, Editions Universitaires Africaines, coll. Droit et Société,
2007, pp. 63-64.

426
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

L’interprétation authentique émane du législateur et s’impose au


juge. Elle peut être contextuelle ou postérieure au texte.
L’interprétation contextuelle est celle qui est donnée par la loi que
l’on interprète. Elle tient compte du contexte social et politique
pendant lequel la loi a été produite. L’interprétation postérieure sur-
vient après la promulgation de la loi. Elle intervient à l’occasion des
difficultés soulevées par l’application d’une loi.
En ce qui concerne les méthodes d’interprétation, l’auteur en re-

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tient trois : l’interprétation peut être littérale, téléologique ou par
analogie867.
L’interprétation littérale vise à découvrir le sens et la portée de la
loi. L’interprète se limite aux termes de la loi interprétée, il cherche
à connaître sa lettre.
L’interprétation théologique permet au juge de dégager le but
poursuivi par la loi, la volonté du législateur. Elle fait prédominer
l’esprit sur la lettre de la loi. Dans la pratique, le juge sera attentif,
dans l’étude grammaticale de la loi, des termes, du temps (présent,
passé, futur) et du mode (indicatif ou impératif) utilisés par le législa-
teur. Cette technique lui permet de « créer, inventer et choisir entre
plusieurs significations données à la loi, celle qui paraît réaliste : il
détermine librement la signification d’un texte »868.
Pour ce faire, le juge est tenu de se rapprocher des travaux prépa-
ratoires ou du droit comparé. Il est d’ailleurs admis que le juge re-
court à la technique d’interprétation évolutive et à l’argument « a
rubrica »869. Cette dernière technique consiste à découvrir le sens et
la portée de la disposition interprétée par la prise en compte de la
place qu’elle occupe dans l’ensemble du texte. Le juge fera bon usage
de besoins historiques, politiques et sociaux qui ont été à la base de
l’élaboration de la loi.
L’interprétation par analogie permet au juge constitutionnel
d’étendre l’application d’une loi ou une disposition constitutionnelle

867
Idem, pp. 72-75.
868
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit.., p. 145.
869
NYABIRUNGU mwene SONGA, Traité de droit pénal général, op. cit., p. 81.

427
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

à d’autres non expressément prévues mais qui pourraient présenter


une ressemblance avec celles portées devant lui.
Il s’en suit que la technique d’interprétation se trouve même au
centre de la fonction du juge constitutionnel. Aussi, pour déclarer
qu’une loi est ou non-conforme à la Constitution, le juge doit-il dé-
terminer avec exactitude le sens de la loi contestée et la signification
correcte du principe constitutionnel qui aura été violé.

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Dans le contentieux constitutionnel, « s’affrontent trois types
d’interprétations de la loi : celle faite par le législateur, celle donnée
par le requérant et l’interprétation du juge. Pour ce dernier,
l’interprétation consiste en une opération intellectuelle inhérente à sa
fonction et un instrument nécessaire à l’exercice de ses charges »870.
Il faut se garder de considérer que le juge dispose de toutes les re-
cettes pour découvrir le mystère caché dans le texte. Ce mystère est,
à vrai dire, loin d’être complètement levé ou vidé par le juge. Le tex-
te reste à jamais inépuisable par l’interprétation du juge.
Pour tout dire, l’interprétation du juge constitutionnel ne peut être
« qu’un moment de l’histoire du texte qui continue à vivre et donc à
pouvoir être le support, plus tard, d’autres interprétations »871. Il est,
en revanche, nous rappelle Pierre Brunet, une question qui ne dépend
pas du contenu mais de la forme même de la Constitution : exige-t-elle
l’emploi de techniques interprétatives spécifiques ? C’est ce que ten-
dent à penser beaucoup de constitutionnalistes.
Les arguments en faveur d’une spécificité des techniques interpré-
tatives sont généralement au nombre de trois : d’une part, la constitu-
tion est composée de principes qui n’admettent pas une interprétation
littérale mais doivent être interprétés ; d’autre part, les antinomies en-
tre les principes constitutionnels ne peuvent être résolues à l’aide des
critères classiques mais doivent prendre la forme d’une pondération,
d’un balancement entre principes ; enfin, le juge constitutionnel se
situe à mi-chemin entre le législateur et le juge ordinaire : il est libre
comme peut l’être le législateur mais cette liberté est encadrée par des

870
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit.., p. 145.
871
Idem, p. 147.

428
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

exigences prudentielles, ce qui l’éloigne du juge ordinaire qui, lui, est


tenu de se conformer au modèle de la subsomption.872
Il en résulte que l’intervention du juge doit tenir compte de
l’influence de sa décision sur l’exercice par les autres organes consti-
tués de leurs prérogatives constitutionnelles. Elle doit particulière-
ment tenir compte de la proportionnalité entre son contrôle et le but
recherché par le législateur dans l’édiction d’une loi.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
Ces considérations théoriques nous mènent à poser finalement le
problème que pose l’interprétation de la Constitution.

A. Position du problème d’interprétation : conflit politique


D’emblée, il faut remarquer que l’interprétation de la Constitu-
tion, contrairement au contrôle de la constitutionnalité, est déclen-
chée à la seule initiative des autorités politiques. En effet, le consti-
tuant n’ouvre la saisine en cette matière qu’à sept autorités publiques
que sont : le président de la République, le Gouvernement, le prési-
dent du Sénat, le président de l’Assemblée nationale, un dixième des
membres de chacune des chambres parlementaires, le Gouverneur de
province et le président de l’Assemblée provinciale.873
L’on peut ensuite observer que l’interprétation en ce qu’elle met
en jeu plusieurs significations du texte fondamental traduit nécessai-
rement un conflit politique. Le juge qui interprète la Constitution
est ici un arbitre du jeu politique et comme tel son activité pour ju-
ridictionnelle qu’elle est n’en demeure pas moins politique.
C’est dire que le contentieux de l’interprétation est toujours et dé-
jà un conflit politique qui n’a pas connu une issue par les voies poli-

872
Lire BRUNET (P.), « Le juge constitutionnel est-il un juge comme les autres ?
Réflexions méthodologiques sur la justice constitutionnelle », in JOUANJOUAN
(O.), CREWE (C.), MAULIN (E.) et WACHSMANN (P.) (sous la direction
de), La notion de justice constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2005, pp. 115-135 qui cite
PRIETO SANCHIS (L.), « Costituzionalismo e positivismo », Analisi e Diritto,
1996, pp. 207-226
873
Lire article 161 alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.

429
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tiques ; il est donc le prolongement d’un débat politique. Il peut être


aussi une quête de conformité juridique d’une démarche politique.
Ainsi, il est utile de noter que le juge constitutionnel, dans tous
les cieux et sous toutes les latitudes, au-delà de son indépendance or-
ganique et fonctionnelle, souvent proclamée avec emphase comme
une sorte d’épouvantail politique, acquiert sa capacité à gérer le dé-
bat politique par son courage mais aussi paradoxalement par sa mol-
lesse teintée de subtilité.874

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En effet, en se cabrant sur des positions essentiellement juridi-
ques, il s’attire les foudres de la majorité ou de l’opposition.
L’attitude du juge constitutionnel sera à cet égard comparable à celui
d’un balancier qui scrute les horizons de la politique nationale cha-
que fois que se pose un problème.
En effet, la Constitution doit être protégée à l’aune des intérêts
du peuple et non comme un fétiche pour lequel des sacrifices vains
devraient être voués sans qu’un besoin précis ait été ressenti par les
destinataires de toutes normes.
C’est ici le lieu d’observer que les méthodes ou techniques
d’interprétation jouent le rôle de catalyseur de l’ordonnancement
juridique en ce qu’il conforte l’ordre politique en place.

B. Méthode judiciaire d’interprétation


L’accomplissement de cette tâche exige du juge constitutionnel le
recours à une série de techniques de contrôle. Il n’existe pas des

874
Lire BULYGIN (E.), « An Antinomy in Kelsen’s Pure Theory of Law », Ratio Juris,
3, 1990, pp. 29-45 repris dans Norme, validità, sistemi normativi, traduction
italienne COMANDUCCU (P.) et GUASTINI (R.), Torino, Giappichelli, 1995,
Chap. XI, pp. 189-211 et GUASTINI (R.), « Sur la validité de la constitution du
point de vue du positivisme juridique », in TROPER (M.) et JAUME (L.) (sous la
direction de), op. cit.., pp. 216-225 ; FERRERES COMELLA (V.), Justicia
constitucional y democracia, Madrid, CEC, 1997, p. 139 et p. 180. Sur la spécificité
de la participation du juge constitutionnel français dans le jeu politique, voir
MEUNIER (J.), « Les décisions du Conseil constitutionnel et le jeu politique »,
Pouvoirs, n° 105, 2003, pp. 29-40 et, plus généralement, du même auteur Le
pouvoir du Conseil constitutionnel. Essai d’analyse stratégique, Paris, P. U. Rouen-
LGDJ-Bruylant, 1994.

430
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

techniques de contrôle spécifiques à la disposition du juge constitu-


tionnel.
Que ce soit du point de vue doctrinal ou du point de vue juris-
prudentiel, le droit ne peut tout simplement pas s’enfermer dans une
lecture littérale stricte. Considérer que l’application du droit doit se
faire à la lettre suppose que les textes de droit sont omniscients et
omnipotents et aptes à générer des solutions évidentes à toutes les
configurations des litiges sociétaux.

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Pourtant, dès leur conception même, les textes de droit
s’apparentent à des instruments intrinsèquement lacunaires en ce
sens qu’ils ne peuvent pas offrir une représentation fidèle de la réali-
té. Les mots utilisés dans le droit peuvent eux-mêmes être polysémi-
ques comme le montrent les travaux de l’herméneutique.
Aucun système juridique au monde ne peut assurer une prévisibi-
lité normative parfaite. « La quête d’une prévisibilité totale des normes
juridiques est, à l’instar d’un mirage, idéaliste ». Il ne faudrait pas
s’étonner, dans ces conditions, de voir des juges (et pas n’importe
lesquels) être méfiants à l’égard de la rigidité du formalisme en droit.
C’est le cas de la Cour européenne des Droits de l’homme qui
opine dans un attendu d’un arrêt célèbre que les textes de droit
« n’ont pas besoin d’être prévisibles avec une certitude absolue :
l’expérience la révèle hors d’atteinte. En outre la certitude, bien que hau-
tement souhaitable, s’accompagne parfois d’une rigidité excessive ; or le
droit doit s’adapter aux changements de situation. Aussi beaucoup de
lois se servent-elles, par la force des choses, de formules plus ou moins va-
gues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique ».875
Nous présenterons d’abord ce que la Constitution elle-même dit
explicitement de l’interprétation, c’est-à-dire les dispositions concer-
nant l’interprétation d’une Constitution en tant que norme suprême
et le contrôle juridictionnel de la législation dans une société démo-
cratique. Quelques solutions du « mystère » du pouvoir des juges non
élus dans une démocratie constitutionnelle seront brièvement esquis-
sées.

875
Arrêt Burghartz c/ Suisse, 22 février 1994, série A n° 280-B, § 28.

431
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ensuite la discussion se focalisera sur ce que la Constitution dit


des changements, et d’une approche nouvelle de l’interprétation lé-
gislative. Cela conduira à prendre en considération les différences
fondamentales entre l’interprétation constitutionnelle et législative.
La prochaine question considérée sera celle de la Déclaration des
droits fondamentaux, et celle des dispositions qui concernent
l’interprétation de l’ensemble de la Constitution.

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La conclusion offerte est que la méthode « substantielle » et orien-
tée vers des valeurs, adoptée par les Cours sud-africaines est la plus
valable en principe et en pratique. Finalement, les implications d’une
telle approche pour la structure d’une analyse constitutionnelle seront
examinées. Le préambule de la Constitution exprime la nécessité de
créer « un nouvel ordre où tous les Congolais auront en commun
l’égale protection des lois ».
En effet, la Constitution vise la transition d’une suprématie par-
lementaire à une société régie par les principes de la démocratie
constitutionnelle : la suprématie constitutionnelle signifie que la
Constitution fournit l’étalon de mesure de la validité des produits du
processus législatif ainsi que les actions de la branche exécutive du
gouvernement. Bien que le contrôle judiciaire soit bien connu dans
le droit commun, sa portée a été radicalement étendue par la Consti-
tution. L’effet combiné des articles 1er et 162 de la Constitution et la
texture ouverte du langage constitutionnel rend possible un contrôle
plus large et « politiquement chargé » des actions législatives et exé-
cutives. Les juges judiciaires sont chargés de concilier et de résoudre
des confrontations entre droits, valeurs et buts sociaux. Il n’est pas
de la tâche des juges judiciaires de « diviniser » les choix politiques de
la législature et de l’exécutif, mais ils sont tenus d’exercer le contrôle
judiciaire leur incombant afin d’assurer le respect du schéma consti-
tutionnel par chaque branche du gouvernement.
Tous les juges sont tenus de défendre et de protéger la Constitu-
tion et les droits fondamentaux qu’elle contient. L’impact de la
Constitution sera observé dans toutes nos juridictions bien qu’avec
une différence graduelle entre les Cours supérieures et les juridic-
tions inférieures. La Cour constitutionnelle est la cour d’instance
finale exerçant sa juridiction dans toutes les affaires relatives à
l’interprétation, la protection et l’application des dispositions de la

432
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Constitution. Ses décisions lient toute personne et tout organe légi-


slatif, exécutif et judiciaire de l’État.
La Cour constitutionnelle en particulier, et le pouvoir judiciaire
en général, sont chargés de la protection des éléments de notre dé-
mocratie constitutionnelle. Le nouveau rôle des juges judiciaires
dans un système de contrôle basé sur la suprématie de la Constitu-
tion peut être sujet à controverse, mais l’histoire du pays l’exige en
tant que remède contre les défauts du passé.

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L’effet de la suprématie de la Constitution est que les juges judiciai-
res se voient attribuer un rôle s’étendant bien au-delà de
l’interprétation et de l’application de la volonté majoritaire – jusqu’à la
protection des droits fondamentaux des individus et des minorités. En
déclarant non constitutionnelles les actions du gouvernement repré-
sentatif (élu, majoritaire et responsable devant les électeurs), le judiciai-
re (non élu et non responsable devant les électeurs) agit comme institu-
tion contre-majoritaire. La démocratie constitutionnelle contient donc
une tension entre le « majoritarisme » et le contrôle judiciaire.
En Afrique du Sud, par exemple, dans son jugement S. v. Makwa-
nyane sur la constitutionnalité de la peine capitale, P. Chaskalson
eut l’occasion de considérer la relation entre l’opinion publique et
l’interprétation constitutionnelle. Ses remarques nous donnent une
bonne idée de la perception par la Cour constitutionnelle de son rô-
le institutionnel ainsi que de la tension entre le « majoritarisme » et
la démocratie constitutionnelle : bien que l’opinion publique puisse
avoir un rapport avec le sujet, elle ne peut pas être substituée au de-
voir primordial des cours d’interpréter la Constitution et de défen-
dre ses dispositions sans peur ou faveur. Si l’opinion publique était
décisive il n’y aurait eu aucun rôle pour les jugements constitution-
nels.
La protection des droits aurait ainsi été laissée au Parlement qui
possède un mandat du peuple et qui est responsable devant lui de la
façon dont le mandat est exercé. Cela serait un retour à la supréma-
tie parlementaire et un recul du nouvel ordre établi par la Constitu-
tion. Un des soucis de la nouvelle fonction du contrôle constitu-
tionnel du judiciaire, c’est l’absence de mécanismes adéquats pour
empêcher l’usurpation par le pouvoir judiciaire du rôle du Parle-
ment.

433
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il y a un malaise sur la possibilité de l’importation des valeurs et


croyances des juges particuliers dans le processus de l’interprétation.
Une théorie adéquate de l’interprétation constitutionnelle exige
donc plus qu’une collection de principes et de protocoles de
l’interprétation textuelle : elle doit faire face au dilemme « contre-
majoritaire » et elle doit fournir une justification de l’exercice du
pouvoir judiciaire.
Le préambule, en parlant d’un besoin de créer un nouvel ordre

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social, un ordre fondé sur l’égalité, la dignité humaine, les droits
fondamentaux et la liberté, donne le ton à l’ensemble de la Constitu-
tion. D’ailleurs, il vise un État réglé par un constituant, élu par, et
représentatif du peuple.
La Constitution doit prendre en compte son contexte historique
et sa consécration de l’établissement d’une population nationale, la
réconciliation, la réparation et la reconstruction. L’importance de
cette expression des valeurs dans la quête de l’interprétation de la
Constitution doit bel et bien être reconnue par les juges constitu-
tionnels et judiciaires congolais. L’on peut se poser la question de
savoir s’il existe un principe de présomption de constitutionnalité
attachée à une loi. Pourtant, il n’y a aucun doute qu’une telle pré-
somption, en tant que principe interprétatif général, soit applicable,
même en l’absence d’une disposition explicite l’insérant dans la
Constitution.
Dans le droit hollandais, un principe relié à la présomption de
constitutionnalité s’exprime dans la maxime in ambigua voce legis ea
potius accipienda est significatio, quae vitio caret (« dans le cas de
l’ambiguïté d’une loi, le sens/la signification évitant son invalidation
doit préférablement lui être attribué »). Dans la présente hypothèse,
la présomption de constitutionnalité va un peu plus loin – la condi-
tion que les lois doivent être interprétées comme s’accordant avec la
Constitution, dans la mesure où c’est raisonnablement possible, ne
vaut pas seulement dans le cas de leur ambiguïté.
L’article 152 de la Constitution dispose que les Cours et tribu-
naux appliquent les traités et accords internationaux. Ceci implique
qu’ils doivent toujours préférer toute interprétation conforme au
droit international à une interprétation non-conforme. Cette appro-

434
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

che conduit à importer les normes et les valeurs du droit internatio-


nal au sein même de l’interprétation des lois nationales.
D’ailleurs, elle invoque un principe similaire à la présomption de
constitutionnalité dans l’interprétation des lois ordinaires.
L’invocation de la présomption de cohérence avec le droit interna-
tional illustre d’ailleurs l’importance grandissante du droit interna-
tional dans le droit congolais en général, et pas simplement dans
l’aire des droits fondamentaux. Une conséquence de la présomption

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de constitutionnalité est que les sens attribués aux dispositions léga-
les avant l’entrée en vigueur de la Constitution ne peuvent plus faire
autorité.
La même conséquence résulte de la condition que les lois sont in-
terprétées afin d’être en cohérence, si possible, avec le droit interna-
tional. Il y a une différence importante entre l’interprétation d’une
loi à la lumière de la Constitution et son interprétation à la lumière
du droit international. Si la loi ne peut pas être interprétée raisonna-
blement afin de satisfaire aux exigences de la Constitution, elle doit
être déclarée nulle. Lorsqu’il est impossible d’attribuer raisonnable-
ment à la loi une signification correspondant au droit international,
la loi peut néanmoins rester en vigueur.
En Afrique du Sud, par exemple, dans le cas de l’Azanian People’s
Organisation (AZAPO) v President of the Republic of South Africa,
l’organisation Azapo et les familles des certaines victimes des atroci-
tés de l’apartheid saisissaient la Cour afin de réclamer l’annulation
de l’article 20, alinéa 7 du Promotion of National Unity and Reconci-
liation Act, numéro 34 de 1995 (TRC Act) au motif qu’il ne se
conformait pas à l’article 22 de la Constitution intérimaire qui
consacre le droit de toute personne à faire trancher les différends jus-
ticiables par une Cour de Justice, ou, le cas échéant, par un autre or-
gane indépendant et impartial.
Dans la présentation de leur argument les requérants avancèrent
que le droit international exige que les responsables de violations
graves des droits de l’homme soient poursuivis en justice et que le
droit international était violé par l’article 20, alinéa 7 du TRC Act,
qui autorisait une amnistie pour de telles offenses. La Cour constitu-
tionnelle jugea que l’article en question avait été autorisé par la
Constitution intérimaire et était, par conséquent, valide. Et elle reje-

435
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ta l’argument basé sur le droit international. L’analyse et


l’application par la Cour du droit international public en question
furent critiquées d’une façon sévère et pertinente.
D’une importance identique à celle du droit international est la
référence aux enseignements du droit étranger. La Constitution
congolaise ne fait aucune référence au droit étranger. Bien que les
juges ne soient pas obligés de prendre en compte le droit étranger, il
leur est permis de le faire sur pied des principes généraux de droit.

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La Constitution en posant le principe de la supériorité des traités sur
les lois internes, explicitement, inclut, au sein même de la Constitu-
tion, la présomption que le législateur n’autoriserait pas des législa-
tions en contradiction avec le droit international.
De plus, cela permet au juge constitutionnel de considérer le régi-
me des droits fondamentaux tel qu’il a été développé dans d’autres
juridictions d’Afrique, et au-delà, de prendre en considération le droit
des pays dont les auteurs de la Constitution se sont inspirés en rédi-
geant les dispositions de la Déclaration des droits fondamentaux, à
savoir les États-Unis, l’Allemagne et le Canada, la France, la Belgique
etc. Il est bien reconnu dans le monde entier qu’il y a une différence
qualitative remarquable entre l’interprétation de la législation ordinai-
re et l’interprétation constitutionnelle.
Par rapport aux autres législations du Parlement, la Constitution
est rédigée dans un style caractérisé par son amplitude et sa générali-
té. En tant que telle, elle mérite donc : « une interprétation généreu-
se tout en évitant l’austérité d’un légalisme rigide… ».
La Cour continue en réaffirmant le caractère de la Constitution
en tant qu’instrument légal écrit incluant notamment des droits par-
ticuliers invocables devant une Cour de Justice. Tout en reconnais-
sant le caractère et l’origine de l’instrument, le langage utilisé, ainsi
que les traditions, usages et coutumes lui donnant sa signification,
doivent cependant être respectés.
Quant à la question concernant les différences entre le caractère
et l’origine d’une Constitution et d’autres lois « ordinaires », le ju-
gement de la Cour suprême canadienne dans l’arrêt Hunter et al. v.
Southam Inc. procure quelques indications : tandis qu’une loi, faci-
lement promulguée et abrogée, définit des droits et des obligations

436
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

actuels, une Constitution, en revanche, est promulguée en prenant


en compte l’avenir. Sa fonction est de fournir un cadre continu pour
l’exercice légitime du pouvoir gouvernemental, et lorsqu’elle est
couplée d’une déclaration des droits fondamentaux, d’assurer la pro-
tection sans relâche des droits et libertés individuels. Une fois pro-
mulguée, elle ne peut pas être facilement abrogée ou amendée.
Elle doit, donc, être capable de développement dans le temps afin
de faire face aux nouveaux besoins sociaux, politiques et historiques

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souvent non-imaginés par ses auteurs. Le pouvoir juridique est le
gardien et le garant de la Constitution et doit, dans l’interprétation
de ses dispositions, prendre en compte ces considérations. Il assure, à
toute personne, une zone d’autonomie que ni l’État ni aucun indivi-
du ne peut violer. Il assure aussi aux particuliers certains droits qu’ils
peuvent revendiquer à l’encontre du gouvernement.
Comprendre le caractère de l’ensemble de la Constitution et la
Déclaration des droits fondamentaux en particulier, est indispensa-
ble pour comprendre la différence essentielle entre l’interprétation
dite « législative » et celle dite « constitutionnelle ». Dans un système
de suprématie parlementaire, le juge interprétant la loi a pour tâche
de tenter de révéler l’intention du législateur. Les juges, auxquels il
incombe d’interpréter la Constitution, sont engagés dans une tâche
entièrement différente. Ils tentent de comprendre et de clarifier la
façon dont le gouvernement lui-même est censé fonctionner.
Pour atteindre ces buts, ils ont le cadre entier de la Constitution
complété par la Déclaration des droits fondamentaux à leur disposi-
tion. Leur tâche est de comprendre le pacte social qui y est inscrit et
d’articuler que la démocratie est plus qu’un fait de majorité – qu’il y
a des aires interdites à la majorité. Ces aires sont les domaines des
droits fondamentaux et les juridictions en sont les gardiennes. En
interprétant la Constitution, la Cour tranche la façon dont un enga-
gement envers les valeurs fondamentales se traduit et s’applique dans
un contexte particulier.
Les différences essentielles entre l’interprétation des lois et
l’interprétation constitutionnelle sont énumérées par le juge Frone-
man dans le cas de Matiso v Commanding Officer, Port Elizabeth Pri-
son, & another. En résumé, elles sont les suivantes :

437
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

– Dans un système de contrôle fondé sur la suprématie


parlementaire il est de bon sens de commencer avec une recherche
de l’intention de la Législature que le juge doit effectuer en
exprimant la volonté législative du Parlement sans poser des
questions de justesse, etc. (en théorie, l’opinion morale du juge ne
vaut rien).
– En revanche, dans un système de contrôle basé sur la suprématie
de la Constitution, cela n’est pas du tout le cas parce que c’est la

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Constitution qui est suprême et non pas la Législature. L’objectif
et la méthode sont alors le contrôle de la législation et des actions
administratives par rapport aux valeurs et principes imposés par
la Constitution.
– Cet objectif influe sur la façon dont la Constitution elle-même,
ainsi que la loi particulière dite non-cohérente avec elles, doivent
être interprétées. Dans le cas de la Constitution, la recherche sera
orientée pour révéler les valeurs fondamentales tandis que
l’interprétation de la législation visera à constater sa capacité
d’une interprétation conforme aux valeurs ou principes de la
Constitution. Existerait-il une différence entre l’interprétation de
la déclaration des droits fondamentaux et le reste de la
Constitution ?

Il s’agit de savoir s’il existe une différence de principe et la répon-


se est, bien sûr, négative. Bien que quelques parties de la Constitu-
tion soient plus techniques ou banales que d’autres, les valeurs cons-
titutionnelles priment, même dans ce cas, toute autre interprétation
possible. D’ailleurs, la Constitution n’est pas un « texte législatif ».
Par conséquent, la différence n’est qu’une question de degré. Dès
lors, surviennent des théories ou mieux, des méthodes
d’interprétation qu’il importe de passer en revue :

a) L’originalité : la primauté de l’intention des auteurs du texte


constitutionnel
Cette théorie impose de strictes limitations à l’interprétation
permise de la Constitution. Elle vise à minimiser le pouvoir discré-
tionnaire du juge. Elle implique un fort contraste entre la compré-
hension originelle des rédacteurs du texte et les valeurs attribuées au

438
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

texte par les juges. Il y a trois formes d’objections à la validité de cet-


te théorie :
Dans un premier temps, les objections pragmatiques, doutant sé-
rieusement de la capacité d’établir avec une acceptable mesure
d’exactitude l’intention des rédacteurs.
Dans un deuxième temps, les objections de principe, doutant de
l’opportunité de lier des générations présentes et futures à cette in-
tention. Les exigences de la contextualité de l’interprétation consti-

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tutionnelle peuvent bel et bien entraîner une déviation de cette in-
tention afin de rester fidèle aux principes interprétatifs.
Dans un troisième temps, les objections tenant à ce que le langage
constitutionnel est tellement général, large et ambigu qu’il est à peu
près impossible de décider à quel niveau de généralité il est nécessaire
de fixer l’intention « originelle ». Plus ce niveau sera élevé, moins le
judiciaire aura la possibilité d’exercer un rôle indépendant et plus
sera limitée la part de « discrétionnalité » du juge dans la résolution
de la difficulté du « contre-majoritarisme ».

(b) La théorie du « processus politique » : le contrôle constitutionnel


en tant que remède aux dysfonctionnements dans le processus
politique
Selon cette théorie, le contrôle constitutionnel vise à la protec-
tion des intérêts des individus et groupements qui autrement au-
raient été exclus du processus politique parce qu’ils ne sont pas assez
puissants pour faire face aux institutions majoritaires du gouverne-
ment. De ce point de vue, la fonction judiciaire est le renforcement
du processus de représentation démocratique en fonction de la cor-
rection des défauts du processus démocratique et ainsi le perfection-
nement de la démocratie.
Cette théorie a la vertu de fournir des directions de principe à
l’exercice du contrôle constitutionnel et aussi d’offrir une base à
l’activisme judiciaire comme moyen de renforcement du processus
politique. Néanmoins, il existe deux objections majeures, l’une liée à
l’autre, à cette théorie :
– Les instruments constitutionnels font beaucoup plus que
simplement fournir une collection de procédures pour la
régulation du processus démocratique. Par ailleurs, même les

439
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

produits d’un processus politique fonctionnant bien seront


annulés comme non-constitutionnels s’ils portent atteinte aux
droits fondamentaux.
– La seconde objection est dirigée contre la prétention à la neutralité
de cette théorie. La théorie distingue, notamment, entre le
« processus de neutralité » dont le renforcement relève de la
compétence institutionnelle du système judiciaire d’une part, et
des jugements matériels des valeurs considérées comme des

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usurpations illicites de la prérogative législative d’autre part. Le
processus politique lui-même est basé sur les valeurs matérielles.
On a donc besoin d’une théorie d’interprétation constitutionnelle
plus adéquate qui peut développer et défendre une conception
matérielle de « la signification » de la démocratie. L’engagement
constituant congolais pour « une société ouverte et démocratique
basée sur la liberté et l’égalité » peut contribuer au développement
et à l’articulation d’une telle théorie.

Aux États-Unis le professeur Cas Sunstein a initié une théorie po-


litique d’interprétation basée sur les demandes d’une « démocratie
délibérative », c’est-à-dire une démocratie fondée sur l’impératif de
fournir un débat et une justification raisonnée aux décisions et aux
jugements. Dans une telle optique un rôle combatif du judiciaire
peut être justifié en deux circonstances :- lorsque les droits qui sont
au centre du processus démocratique (par exemple, le droit de vote
ou la liberté d’expression) sont violés et qu’il est peu probable que
leur violation relèverait d’une solution politique ; lorsqu’un groupe
rencontre des entraves à son organisation, ou l’hostilité, ou des pré-
jugés envahissants.
Pour le Professeur Sunstein, une théorie démocratique de
l’interprétation ne serait capable de répondre au problème contre-
majoritaire que si elle était soutenue par des valeurs justifiables. Une
telle approche reconnaîtrait que le contrôle constitutionnel est fon-
damentalement une entreprise motivée par des valeurs. Nombre de
droits sont indispensables à la démocratie et à la délibération démo-
cratique et politique. L’autonomie étatique dépend de l’existence de
droits démocratiques protégés. La Constitution peut ainsi garantir
les conditions de la démocratie en limitant le pouvoir des majorités
d’éliminer ces conditions.

440
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

(c) L’interprétation fondée sur les valeurs (constitutionnelles) :


la soutenance des droits individuels en vue des principes
constitutionnels
Cette théorie recherche la signification constitutionnelle en recon-
naissant la nature chargée de valeurs du contrôle constitutionnel et en
soutenant que la bonne approche exige des juges qu’ils retrouvent et
expriment les valeurs sous-jacentes aux garanties constitutionnelles
particulières. Cette approche s’applique particulièrement à la premiè-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
re étape de l’analyse constitutionnelle où la portée d’un droit consti-
tutionnel doit être déterminée afin de décider si le comportement qui
fait l’objet de la plainte viole le droit en question. Les valeurs ne sont
pas épuisées à la première étape, mais elles se font aussi valoir dans
l’analyse de la clause de limitation (la deuxième étape).
Cette approche est également fondée sur une vision du rôle insti-
tutionnel du pouvoir judiciaire et reflète une réponse particulière au
problème contre-majoritaire. Le judiciaire n’est pas censé faire la po-
litique juridique, mais il doit plutôt articuler les principes constitu-
tionnels. Les juges peuvent et doivent, néanmoins, considérer le
principe de moralité politique. Les jugements constitutionnels doi-
vent rapidement reconnaître les similarités entre l’interprétation
fondée sur les valeurs et la méthode substantielle appliquée au droit
constitutionnel canadien dont les points principaux en sont les sui-
vants :
– La signification d’un droit ou d’une liberté garantie par la Charte
(canadienne) doit être trouvée par le biais de l’analyse de la
résolution d’une telle garantie – en d’autres mots, ce droit doit
être compris à la lumière des intérêts qu’il doit protéger. Cela doit
se dérouler par référence au caractère et aux objectifs plus large de
la Constitution elle-même, au langage choisi pour articuler le droit
ou la liberté, aux origines historiques du concept retranché et, le
cas échéant, par référence à la signification et l’objectif des autres
droits et libertés de la Constitution avec lesquels ils sont associés.
– L’interprétation doit être généreuse et doit viser à remplir
l’objectif d’une garantie. D’ailleurs elle doit tenter d’assurer le
bénéfice le plus large de la protection de la Constitution pour les
particuliers.

441
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

– En même temps, il est important de ne pas surétendre la portée


du droit ou de la liberté concernée, mais de se rappeler que la
Constitution doit être placée dans son contexte linguistique,
philosophique et historique.

La Cour constitutionnelle congolaise doit développer trois prin-


cipes de l’interprétation substantielle :
– L’interprétation doit prendre en compte qu’il s’agit du droit de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
la République démocratique du Congo et non du droit d’un pays
étranger. L’histoire, les traditions, les usages, la doctrine, et les
espoirs sont ceux de la population congolaise. La tâche est de
développer une jurisprudence constitutionnelle propre.
– Bien que l’histoire, la politique, etc. doivent être prises en compte,
elles n’imposent aucune restriction au développement des droits et
des libertés. C’est-à-dire que l’interprétation substantielle va bien
au-delà de la protection offerte aux droits par la Common Law qui
doit, en effet, être développée en vue de la Constitution.
L’interprétation substantielle est focalisée vers l’avenir et, en tant
que telle, elle doit respecter la Constitution qui représente une
rupture décisive (ou délibérée) avec le passé.
– Bien que l’interprétation substantielle et l’interprétation généreuse
puissent parfois coïncider, il y a une différence conceptuelle entre
les deux. Il est donc tout à fait possible qu’en certaines
circonstances, l’interprétation substantielle puisse exiger une
interprétation moins généreuse (plus restreinte) afin de dégager la
vraie signification d’un droit ou d’une liberté. Le contexte dans
lequel un droit est invoqué peut être très important pour savoir si
le droit en question doit être construit largement ou étroitement.
L’approche substantielle est par conséquent étroitement liée à une
approche contextuelle.

Dans la pratique, le juge peut être saisi des cas d’incompétence, de


vice de procédure ou de violation de la Constitution. Il peut être sol-
licité pour des cas de détournement de pouvoir. La Cour constitu-
tionnelle peut déclarer une loi conforme ou non à la Constitution.
Elle peut l’invalider en tout ou en partie.

442
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Toute cette diversité d’intervention du juge constitutionnel amè-


ne à soutenir qu’il existe plusieurs techniques de contrôle. Celles-ci
peuvent être appréciées du point de vue du type de contrôle exercé
par le juge et des moyens qu’il utilise.876

I. Du point de vue du type de contrôle


Le contrôle de la constitutionnalité couvre plusieurs aspects.

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Deux d’entre eux méritent une étude approfondie.
Il s’agit du contrôle externe et du contrôle interne de la constitu-
tionnalité de lois, la distinction entre les deux contrôles pouvant se
situer au niveau de la procédure d’édiction des actes (contrôle exter-
ne) et celui des actes eux-mêmes (contrôle interne).

1. Le contrôle externe de la constitutionnalité


Parmi les phénomènes qui peuvent amener le juge constitutionnel
à contrôler la constitutionnalité des lois, deux peuvent être exami-
nés, à savoir l’incompétence du législateur et le vice de forme dans le
vote de ladite loi.

a) L’incompétence du législateur
L’incompétence du législateur peut être positivement ou négati-
vement877 appréhendée. L’incompétence positive apparaît lorsque le
législateur intervient dans le domaine qui lui est constitutionnelle-
ment étranger. Le vote de la loi relève certes de la compétence du
législateur mais il est exercé dans un cadre autre que celui fixé par la

876
D’où le phénomène de « suprématie judiciaire » que connaissent particulièrement
bien les États-Unis, voir sur ce point KRAMER (L.), « We the People. Who has the
last word on the Constitution ? », Boston Review, February/March 2004 disponible
à l’adresse Internet suivante : bostonreview.net/BR29.1/kramer/html et The
People Themselves : Popular Constitutionalism and Judicial Review, Oxford UP,
2004.
877
Sur la distinction entre l’incompétence positive et l’incompétence négative du
législateur, nous nous sommes inspiré de la présentation de Dominique
ROUSSEAU, Droit du contentieux…, op. cit., pp. 137-138.

443
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Constitution. Dans cette hypothèse, l’intervention du législateur


semble se rapprocher du cas-type d’incompétence positive.
La Constitution fait une distinction entre les matières qui entrent
dans la sphère de compétences du législateur organique et celle du lé-
gislateur ordinaire. Dans chaque cas, le juge constitutionnel doit véri-
fier le respect par le législateur des dispositions constitutionnelles. Cet
exercice peut l’amener à invalider, pour incompétence, toute loi ou
partie de loi ordinaire qui enfreindrait les dispositions d’une loi orga-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
nique, voire d’une loi constitutionnelle.
À l’inverse, le juge constitutionnel ne pourra pas censurer une loi
organique qui empiéterait sur le domaine de la compétence d’une loi
ordinaire878. Il se limitera à opérer à l’intérieur de cette loi organique
une sorte de reclassement nécessaire entre les dispositions relevant
du domaine organique et celles du domaine ordinaire. Sa décision
aura pour entre autres conséquences d’inviter le législateur à modi-
fier « la loi ainsi corrigée ».
L’incompétence positive du législateur apparaît également lorsque
le parlement intervient dans le domaine réglementaire. À ce sujet, le
conseil constitutionnel français considère que « la présence des dis-
positions réglementaires dans une loi ne suffit pas pour déclarer cel-
le-ci contraire à la Constitution »879. Le juge constitutionnel peut
procéder au reclassement nécessaire entre les dispositions législatives
et celles relevant du domaine réglementaire.
L’incompétence négative du parlement peut résulter du fait que,
dans la production législative, le législateur est resté en deçà de sa
compétence constitutionnelle. Il en est ainsi lorsque le parlement
méconnaît de manière non équivoque ses compétences.
Cette situation peut amener la Cour constitutionnelle à censurer
les lois votées par le parlement. Par ce contrôle, la Cour rappelle au
législateur d’assumer réellement ses responsabilités politiques et
d’exercer effectivement ses prérogatives constitutionnelles.

878
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux…, op. cit., pp. 137-140.
879
CC 82-143.D.C, 30 juillet 1982, R.P. 57, cité par ROUSSEAU (D.), Droit du
contentieux constitutionnel…, op. cit.. p. 140.

444
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

À côté de l’incompétence, le contrôle externe de la constitution-


nalité peut également s’exercer dans le cadre de vice de procédure.

b) Le vice de procédure
Le contrôle de la constitutionnalité des lois conduit le juge consti-
tutionnel à s’assurer qu’une loi votée par le parlement a ou non été
élaborée selon la procédure fixée par la Constitution. La situation est

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:154.73.21.5:1607302533
pareille lorsque, dans une matière relevant de la compétence d’un édit
provincial, le parlement national s’adjuge le pouvoir d’élaborer une
loi sans un édit d’habilitation. Saisi, le juge constitutionnel ne vérifie
pas seulement l’existence de l’édit d’habilitation. Il s’assure que la pro-
cédure et les discussions parlementaires se sont déroulées dans le res-
pect des règles constitutionnelles.
Le vice de procédure peut être volontaire ou involontaire. Il ne
conduit pas nécessairement à la censure de la loi 880. Celle-ci n’est jus-
tifiée que dans la mesure où ce vice a eu une influence déterminante
dans le processus de votation d’une loi. Il est admis que pour chaque
cas d’espèce, le juge vérifie l’influence d’un vice de procédure sur
l’adoption d’une loi. Le contrôle qu’exerce le juge constitutionnel
peut faire accréditer l’idée d’une incursion dudit juge dans le fonc-
tionnement des chambres. Il porterait atteinte au principe de sépara-
tion des pouvoirs.
Même si la Cour constitutionnelle peut être amenée à censurer le
non respect de la procédure constitutionnelle en matière de produc-
tion législative, il lui est interdit de jouer le rôle du législateur. Son
contrôle a pour but d’inciter « les parlementaires à la discussion, à
l’information et au vote des lois dans le respect des règles constitu-
tionnellement établies »881.

880
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux…, op. cit.., p. 141.
881
Ibidem.

445
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

2. Le contrôle interne de la constitutionnalité


La Cour constitutionnelle exerce le contrôle interne de la consti-
tutionnalité en cas de la violation de la Constitution ou du détour-
nement du pouvoir.

a) La violation de la Constitution
Même si l’incompétence et le vice de procédure peuvent consti-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
tuer des cas de violation de la Constitution, celle-ci peut être égale-
ment vue sous l’angle des atteintes portées par une loi aux valeurs et
principes consacrés dans la Constitution. Il en est ainsi de la viola-
tion par une loi des droits et des libertés fondamentales garanties par
la Constitution.
Par ce contrôle, la Cour constitutionnelle s’efforcera de vérifier si
le parlement n’a pas, dans l’élaboration des lois, porté atteinte aux
droits et libertés du citoyen. Elle s’assurera que le législateur n’a pas
commis une erreur d’appréciation des faits (erreurs de fait) et des
circonstances (erreurs de droit) sur lesquelles il a fondé son œuvre.
Cette erreur ne doit pas être volontaire au point de ressembler à un
détournement du pouvoir.

b) Le détournement du pouvoir
La question du détournement du pouvoir relève en principe du
juge administratif. Il n’empêche qu’appelé à exercer un contrôle pré-
ventif, le juge constitutionnel soit amené à vérifier que le parlement
a bien usé de ses prérogatives constitutionnelles dans l’élaboration
des lois. Il s’assurera que les lois votées par cette institution l’ont été
dans le but et les limites voulus par la Constitution.
L’acceptation d’un tel contrôle peut faire penser que le juge cons-
titutionnel est porté vers un glissement dangereux dans la subjectivi-
té. La démarche pourrait le conduire à rechercher l’intention réelle
du législateur au-delà de celle exprimée dans la loi.
Une telle technique se heurterait aux difficultés de tous genres
notamment que le contrôle du juge pourrait être considéré comme
une réprimande morale à l’endroit du parlement. L’usage de tel
contrôle est en pratique rare et le juge doit se montrer prudent pour

446
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

ne pas être à la base d’un déséquilibre institutionnel préjudiciable au


bon fonctionnement de l’État.
Un autre aspect du contrôle du juge constitutionnel qui mérite
d’être examiné touche à l’étude et à la portée dudit contrôle par rap-
port aux moyens juridiques mis à la disposition dudit juge.

II. Du point de vue des moyens de contrôle

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Dans l’exercice du contrôle de la constitutionnalité, le juge peut
être saisi des cas d’interprétation des textes. Il s’assurera que son
contrôle est proportionnel au but recherché par le législateur dans
l’élaboration des lois.
L’élaboration d’une loi est le couronnement juridique d’un pro-
cessus politique qui associe non seulement les institutions ayant
l’initiative législative (gouvernement et parlement) mais également la
majorité et l’opposition. Elle traduit un certain coulage juridique des
préoccupations et intérêts politiques divergents. L’exercice impose
au législateur le respect de la Constitution et la procédure prévue par
elle.
Dans la pratique, il peut arriver que, dans l’élaboration d’une loi,
le législateur se trompe sur le sens à donner à un principe constitu-
tionnel. Cette erreur peut donner lieu à l’intervention du juge. Saisi,
le juge peut être amené à censurer les appréciations législatives qui
lui paraissent erronées. Son intervention ne portera pas sur toutes les
erreurs potentiellement commises par le législateur. Elle ne se limi-
tera qu’aux erreurs manifestes et excessives. Dans son contrôle, le
juge constitutionnel s’assurera que l’erreur commise est réellement
excessive et porte atteinte à l’intérêt général.
Pour apprécier la constitutionnalité d’un dispositif législatif
contraire à la Constitution, le juge procédera à une sorte de mise en
« concordance pratique »882.
La méthode lui impose une pondération de tous les principes
constitutionnels en jeu pour atteindre la plus grande efficacité et as-

882
RIBES (D.), « Le réalisme du Conseil constitutionnel », Les Cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 22, Paris, Dalloz, 2007, p. 135.

447
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

surer l’application correcte de la Constitution. Ainsi, plus l’atteinte


portée à un principe constitutionnel (par une erreur commise par le
législateur) est conséquente, plus le degré de réalisation d’un autre
principe constitutionnel apparaît important.
Le principe de la proportionnalité permet au juge constitutionnel
de mettre en balance l’intérêt général poursuivi dans et par la loi et
les atteintes portées à tel ou tel principe constitutionnel. De la ba-
lance réalisée, le juge établit un équilibre entre les erreurs en présen-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
ce. Il crée une nouvelle norme, une relation de préférence condi-
tionnée par l’influence de l’erreur sur le but poursuivi par la loi. Par
rapport au résultat recherché, la loi sera déclarée ou non conforme à
la Constitution.
Cette théorisation, valable dans le système de justice de type eu-
ropéen, serait-elle d’application devant la Cour constitutionnelle
congolaise de transition ? Le souci du constituant devrait à cet égard
correspondre au vœu que le contenu de la Constitution soit respecté
par tous et même par ceux qui sont chargés de dire le droit.
Pour conjurer un tel sort qui serait en l’occurrence très triste, il
importe de savoir déjà où l’on en est.

C. État des lieux en RD Congo


En droit positif congolais il existe, entre autres, un cas
d’interprétation qui mérite d’être souligné. Il s’agit de la requête in-
troduite par le Chef de l’État pour l’interprétation de la notion juri-
dique d’infraction politique à l’occasion d’une loi d’amnistie.883
Mais la question la plus importante, dit Paul Gaspard Ngondan-
koy, celle qui a fait l’objet de divergences entre la présidence de la Ré-
publique et le Parlement, concernait plutôt la définition de la notion
d’« infractions politiques », ce dans la perspective de la libération des
présumés assassins du président Laurent-Désiré Kabila.

883
Lire CSJ, avis RL 012, inédit.

448
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Question toujours discutée en doctrine, et ce quels que soient les


États884, elle a été à l’origine d’une divergence politico-juridique par-
ticulièrement passionnée en République démocratique du Congo.
Aux termes de l’article 2.2 de la loi susdite, objet d’une vive dis-
cussion au sein du Parlement de transition, les infractions politiques
étaient définies comme des « agissements qui portent atteinte à
l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, les actes
d’administration et de gestion ou dont le mobile de son auteur ou les

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
circonstances qui les inspirent revêtent un caractère politique »885.
Élaborée « dans la douleur », cette définition prêtera, comme il
fallait s’y attendre, le flan à une très profonde divergence.886
Sans rentrer dans les détails de cette affaire, elle est symptomatique
d’un conflit politique entre le pouvoir en place avec les arriérés du
régime AFDL dirigé par Laurent-Désiré Kabila. Le peu que l’on peut
en dire est que la Haute Cour qui faisait œuvre de juge constitution-
nel a émis un avis qui n’est pas de nature à réunir les suffrages des ju-
ristes ni même de la population.
Il importe d’affirmer que la Cour constitutionnelle instituée par
la Constitution du 18 février 2006 rendra plutôt un arrêt au lieu
d’un avis, celui-ci ayant été l’apanage de la section de législation de la
Cour suprême de justice aujourd’hui maintenue à titre purement
transitoire.887

884
On lira, à titre d’exemple, les controverses rapportées notamment par
WAILLEZ (G.), L’infraction politique en droit positif belge, Bruxelles, Vander
Editeur, 1970, 314 p., qui fait merveilleusement état de l’évolution des
conceptions jurisprudentielles et doctrinales dans ce pays, aux dires de Paul
Gaspard NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA qui le cite.
885
Loi n° 05/023 du 19 décembre 2005 portant amnistie pour faits de guerre,
infractions politiques et d’opinion, JORDC., n° spécial, 28 décembre 2005, pp. 1-3.
886
Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P. G.), Le contrôle de
constitutionnalité…, op. cit., pp. 389-400.
887
Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que le droit peut habiller élégamment des
pratiques politiques par ailleurs tout à fait « immorales », de telle sorte que le
système juridique garde largement l’apparence de la cohérence au sens de Kelsen,
alors qu’il s’écarte largement des idées de justice ou de paix que l’on peut attacher
au droit. Voir par exemple : LOSCHAK (D.), « Droit et non-droit dans les
institutions totalitaires. Le droit à l’épreuve du totalitarisme », in L’Institution,
CURAPP, Paris, PUF, 1981, pp. 125-184.

449
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’on peut donc, en guise de conclusion, affirmer qu’en matière


d’interprétation de la Constitution, au-delà de ce cas qui est spécifi-
que à l’interprétation d’un texte législatif, il y a eu pendant la transi-
tion des belligérants un autre cas888 dont les faits sont ainsi rapportés
par Paul Gaspard Ngondankoy : « À l’approche des premières élec-
tions pluralistes ponctuant le processus de transition démocratique
en 2006, on se trouve encore au début de cette année lorsqu’éclate,
au sein du Mouvement de Libération du Congo (M.L.C.), parti du

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Vice-président Jean-Pierre Bemba, une crise politique ». Cette crise
est consécutive au limogeage d’Olivier Kamitatu Etsu, Secrétaire gé-
néral du parti et président de l’Assemblée nationale de transition, et
de plusieurs autres de ses « collègues » du parti. Soupçonnés de liens
avec le président Joseph Kabila, ces cadres du parti sont accusés de
« trahison » et de « vagabondage politique » ; d’où leur éviction du
parti.
Par la même occasion, le M.L.C. réclame le remplacement de tous
les députés et sénateurs « traîtres » par un groupe d’autres militants
plus fidèles. On évoque alors la question de leur déchéance et de leur
départ du Parlement de la transition, « selon l’esprit et la logique tant
de la Constitution de la transition que de l’Accord global et inclu-
sif ».
Devant la « résistance » des intéressés, qui invoquent à cet égard la
même logique politique et constitutionnelle, le M.L.C. sollicite et
obtient du président de la République, seul requérant institutionnel
à ce requis, une requête en interprétation des articles de la Constitu-
tion relatifs à l’octroi et à la fin des mandats parlementaires de la
transition, pour enfin « départager » les points de vue. 889

888
CSJ, R. Const. 28/TSR, Requête en interprétation des articles 99, 102, 105 et 108 de
la Constitution de la transition, 24 février 2006 (inédit), six feuillets.
889
Il y avait en effet multiplicité des points de vue selon que l’on soutenait Jean-
Pierre BEMBA GOMBO ou Olivier KAMITATU ETSU. A ce jour, l’on peut
constater que les dissidents sont devenus des membres influents du sérail du
président KABILA, comme pour indiquer que le débat juridique joue comme un
voile pudique du vrai combat politique dont les aléas ne sont définitivement
tracés que par l’histoire faite ou à faire.

450
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

À la « demande » du président de la République, le Procureur gé-


néral de la République introduit une requête à la Cour suprême de
Justice, par laquelle il sollicite de la Haute Cour, juge constitutionnel
de la transition, une interprétation des articles 99, 102, 105 et 108 de la
Constitution de la transition, et ce dans les termes suivants : « … Très
Honorés collègues, écrit le Procureur général de la République au
Premier président de la Cour suprême de Justice ; vu les articles 150
alinéa 1er de la Constitution de la transition et 132 de l’ordonnance-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
loi n° 82/017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour
suprême de justice ; à la demande de Monsieur le président de la Ré-
publique démocratique du Congo, formulée dans sa lettre sans numé-
ro du 6 janvier 2006 qu’il m’a adressée ; j’ai l’honneur de solliciter de
la Cour suprême de Justice, toutes sections réunies, l’interprétation
des articles 99, 102, 105 et 108 de la Constitution de la transition
promulguée le 4 avril 2003.
En l’espèce, le président de la République voudrait savoir si, de-
vant les dispositions constitutionnelles sus-indiquées un membre du
Parlement qui n’appartient plus à une composante ou entité dési-
gnée dans l’Annexe IB de l’Accord Global et inclusif peut continuer
ou pas à siéger comme député ou sénateur, d’une part et d’autre
part, si un membre du bureau de l’une ou l’autre Chambre du Par-
lement qui n’appartient plus à une composante ou entité mention-
née dans l’Annexe IB peut continuer ou pas à siéger comme député
ou sénateur et à exercer ses fonctions ».
En somme, la demande présidentielle consistait à savoir si « un
député, un sénateur ou un membre du bureau de l’une des Cham-
bres du parlement qui quitte sa composante ou son entité, peut en-
core continuer à siéger à ce Parlement, au sein de l’Assemblée natio-
nale et/ou du Sénat ».
Par sa décision du 24 février 2006, la Cour suprême de Justice, tou-
tes sections réunies, rend, après une interprétation constitutionnelle
particulièrement problématique, un arrêt définitif dont un des points
du dispositif était ainsi libellé : « … dès qu’un député, un sénateur ou
un membre du bureau de l’une de deux Chambres n’appartient plus à
la composante qui l’avait désigné (lors de la transition), il ne peut plus
continuer à siéger comme député ou sénateur ».

451
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Plus exactement, « La Cour suprême de Justice, toutes sections


réunies, siégeant en matière d’interprétation de la Constitution de la
transition ; le ministère public entendu ; dit qu’un député ou séna-
teur qui n’appartient plus à une composante ou à une entité men-
tionnée dans l’Annexe IB de l’Accord global et inclusif, ou un mem-
bre du bureau de l’une ou l’autre Chambre du Parlement qui
n’appartient plus à une composante ou à une entité mentionnée dans
la même Annexe, ne peut continuer à siéger comme député ou séna-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
teur et à exercer ses fonctions ».
La Cour, pour fonder sa décision, constate d’abord « l’absence
d’une disposition expresse de la Constitution » réglant la question
des suites à donner à l’éviction des membres du Parlement de leurs
composantes et entités respectives.
Par la suite, après une interprétation combinée des articles 100,
101, 106 et 107 de la Constitution avec les dispositions pertinentes
de l’Accord global et inclusif, elle tire la « conséquence logique » que
l’éviction d’un parlementaire de sa formation politique ne peut lais-
ser subsister son mandat parlementaire obtenu par suite de cette
formation, et cela sans créer un déséquilibre entre les composantes et
entités prenant part à la gestion de la transition démocratique »890.
Sous l’empire de la Constitution du 18 février 2006, il y a lieu de
citer un autre cas qui n’échappe pas malheureusement aux critiques
déjà formulées à l’endroit de la Haute Cour. Précisons que par rap-
port aux textes constitutionnels antérieurs, la Constitution actuelle
consacre une large ouverture en matière de saisine de la Cour consti-
tutionnelle en interprétation de la Constitution.
Jusqu’à la Constitution de la transition du 4 avril 2003, la Cour su-
prême de justice ne pouvait être saisie que sur requête du procureur
général de la République agissant à la demande du président de la Ré-
publique, du bureau de l’Assemblée nationale ou d’une juridiction de
jugement devant laquelle une exception d’inconstitutionnalité était
soulevée.

890
Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P. G.), op. cit., pp. 378-405.

452
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Avec la Constitution du 18 février 2006, cette juridiction connaît


des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du prési-
dent de la République, du gouvernement, du président du sénat, du
président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de
chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de province
et des présidents des Assemblées provinciales891.
C’est ainsi que le président de l’Assemblée nationale a saisi, en da-
te du 18 mai 2007, la Cour suprême de justice en interprétation de

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
l’article 114 de la Constitution.
Dans son arrêt R.Const 050/TSR du 23 mai 2007892 la Cour dit
« que la validation du pouvoir confiée au parlement par article 114
de la Constitution, concerne la vérification des faits tels que
l’identité des députés nationaux ou des sénateurs proclamés provi-
soirement élus et ne vise pas le mandat des personnes dont la régula-
rité de l’élection a été constatée par les instances judiciaires dont les
décisions s’imposent à tous ».
Le recours en interprétation de la Constitution suppose
l’existence préalable d’un conflit de compréhension d’une disposi-
tion constitutionnelle. Il est formé par voie de requête déposée
contre récépissé au greffe de la Cour qui l’enregistre893.
Le recours doit être écrit et signé par le requérant ou son repré-
sentant. Il doit en outre mentionner les dispositions pour lesquelles
l’interprétation est sollicitée894. Une fois saisie, la Cour est tenue de
rendre son arrêt dans le délai de deux mois à compter de sa saisine.
Ce délai peut être ramené à huit jours en cas d’urgence 895.
Le moins que l’on puisse dire, au-delà de la stratégie
d’instrumentalisation et de contrôle sur commande politique dénon-
cée déjà par la doctrine, le contentieux de l’interprétation n’a pas
encore gagné ses lettres de noblesse en République démocratique du
Congo.

891
Article 161 alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
892
Article 161 alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
893
Article 43, alinéa 1er de la loi sur la Cour constitutionnelle.
894
Article 43, alinéas 2 et 3 de la loi sur la Cour constitutionnelle.
895
Article 44, alinéas 1 et 2 de la loi sur la Cour constitutionnelle.

453
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Une tentative d’explication qui serait proche de nos convictions


mettrait en avant la jeunesse du juge constitutionnel et son manque
d’expérience évidente pour passer entre les mailles des commandes
politiques parfaitement contraires à la pureté de l’ordonnancement
juridique. Ici, la politique n’est pas encore saisie par le droit. En est-il
de même des contestations électorales et référendaires ?

§ 4. Les contestations électorales et référendaires

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Il arrive qu’à la suite des élections, un candidat, un parti ou un re-
groupement politique conteste la régularité du scrutin ou la sincérité
des résultats. La contestation peut porter sur la qualité d’électeur, les
conditions d’éligibilité, les opérations préparatoires aux élections
voire les opérations électorales proprement dites. Dans tous ces cas,
le juge électoral peut être amené à solutionner un « conflit politi-
que ». Son intervention dans ce type de contentieux n’a pas été cons-
tante dans l’évolution constitutionnelle congolaise.
La loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo ne s’est préoccupé que des contestations pouvant survenir à
l’occasion de la vérification des pouvoirs des parlementaires. Elle
attribue cette compétence à la chambre à laquelle appartient le
contestataire896. Le texte instaure une sorte de contentieux politique
dans une matière électorale.
La Constitution du 1er août 1964 confie l’ensemble du conten-
tieux électoral à la Cour constitutionnelle897. Il en est de même de la
Constitution du 24 juin 1967898. La loi du 15 août 1974 est restée si-
lencieuse sur le règlement du contentieux électoral. Celle du
18 février 1978 le confie à la Cour suprême de justice 899.
Élaborée dans un contexte particulier marqué par le dirigisme du
Parti-État, la loi constitutionnelle du 29 janvier 1988 s’est nettement
démarquée des lois précédentes. Elle confie au Comité central du
Mouvement Populaire de la Révolution la compétence de connaître

896
Article 54 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960.
897
Article 167 alinéas 2, 3 et 4 de la Constitution du 1er août 1964.
898
Article 71 de la Constitution du 24 juin 1964.
899
Article 101 de la loi constitutionnelle du 15 février 1978.

454
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

du contentieux électoral. Ce faisant, elle opère le transfert du


contentieux électoral d’une juridiction à un organe politique. C’est,
à juste titre, que Victor Djelo Empenge Osako qualifie ce revirement
de vouloir instituer un « contentieux politique sui generis »900.
La suppression du rôle dirigeant du parti par la loi constitutionnel-
le du 5 juillet 1990 s’est accompagnée de la restitution à la Cour su-
prême de justice de la gestion du contentieux électoral. Les différents
textes constitutionnels qui l’ont suivi ont réaffirmé le principe. La

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Constitution du 18 février 2006 n’a pas fait exception. Elle indique
que « la Cour constitutionnelle est juge du contentieux des élections
présidentielles et législatives ainsi que du référendum »901.

A. Le contentieux électoral
À ce niveau, l’auteur des présentes lignes renvoie le lecteur aux
développements déjà abondamment faits sur le contentieux électoral
dans les pages précédentes. Sauf à ajouter qu’il faut faire la distinc-
tion entre le caractère gracieux de la proclamation sans contestation
qui aboutit à un arrêt de donner acte et le contentieux électoral pro-
prement dit qui aboutit à un arrêt de proclamation du candidat élu
après vérification de la régularité de l’élection contestée.
Il en est ainsi de l’élection présidentielle comme des élections légi-
slatives nationales.

1. L’élection présidentielle
Les développements faits ailleurs valent ici et sont tenus pour tex-
tuellement reproduits. L’on peut simplement ajouter que le mandat
présidentiel commence le jour de la proclamation des résultats de
l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle et s’achève
donc cinq années plus tard. L’on peut aussi souligner que la durée du
mandat, comme tout délai, se comptera de quantième à quantième,

900
DJELO EMPENGE OSAKO (V.), Dette de clarification. Propositions pour
parachever la révision de la Constitution du Zaïre, Louvain-la-Neuve, Ottignies,
Le Bel Élan, 1989, p. 17.
901
Article 161, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.

455
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

c’est-à-dire que le dies a quo est constitué par le jour de la proclama-


tion par la Haute Cour tandis que le dies ad quem est le dernier jour
de la cinquième année à compter de la proclamation.

2. Les élections législatives nationales


Ce contentieux a été fort nourri dans la jurisprudence congolaise
même si l’on peut regretter l’usage abusif des voies de recours extra-
ordinaires propres à la procédure civile et l’usage fort critiquable des

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
communiqués de presse comme mode de saisine de la Cour suprême
de justice en matière électorale.
L’on peut regretter en outre l’absence en cette occurrence de dé-
lais de saisine scrupuleusement observés ; ceci a constitué une viola-
tion du droit de la défense dont le caractère constitutionnel a man-
qué d’être consacré par la jurisprudence suprême en matière électo-
rale902.
C’est le lieu de souligner quand même que la Cour suprême de
justice était le juge d’appel des décisions rendues au premier degré
par les Cours d’appel en ce qui concerne les députés provinciaux.
L’éclatement programmé de la Cour suprême de justice devrait
conduire à confier cette compétence d’appel à la Cour constitution-
nelle de manière expresse. Le défaut d’une disposition expresse
conduira à une impasse, la compétence étant d’attribution en cette
matière comme partout en droit public903.
Il nous paraît en effet problématique que la loi électorale en vi-
gueur reste dans l’état actuel de son écriture en confiant la compé-
tence à la juridiction d’appel la compétence de statuer sur l’appel
formé par une partie. La Cour constitutionnelle n’est pas techni-
quement la juridiction d’appel des arrêts des Cours d’appel. Nous

902
Nous nuançons ainsi l’euphorie qu’expriment certains auteurs en marquant une
sorte d’adhésion facile à une jurisprudence qui ne mérite pas d’être encensée. En
outre, telle posture indique une sorte d’alléluia facile qui n’est pas une vertu
scientifique. Lire contra : KATUALA KABA KASHALA (J.M.), La jurisprudence
électorale congolaise commentée, Kinshasa, 2007, spécialement sa préface.
903
Dans ce sens, on lira VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit
administratif, Kinshasa, Bruxelles, Afrique Editions, Larcier, 2007, p. 677, § 1.

456
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

plaidons la compétence d’appel de cette juridiction pour des raisons


déjà évoquées.
Du même coup, l’on évitera les hésitations sur la composition de
la Cour suprême de justice en cette matière hautement politique.
Désormais, cette matière relèvera de la seule Cour constitutionnel-
le904.

B. Le contentieux référendaire

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Le référendum, au-delà de sa capacité à oindre l’action politique
de la sacralité issue de la volonté populaire, peut amener les citoyens
pris qualitate qua à en contester les conditions d’organisation et les
résultats.905
Il s’agit en effet d’un moyen de contrôle qui n’a pas beaucoup de
chances dans la mesure où politiquement, le référendum jouit d’une
présomption de régularité absolue et juridiquement, est l’expression de
l’exercice de la démocratie directe. Le juge constitutionnel aura donc
tendance à se méfier du référendum et des lois issues de ce mécanis-
me.906
À notre avis, le juge devrait rester libre de contrôler la régularité
formelle de l’organisation et de la sincérité du vote tout en ayant en
perspective la proportionnalité de la lésion constitutionnelle au regard
du but recherché et des objectifs essentiels de l’État de droit.
Cependant, étant donné la dimension spécifique d’une consulta-
tion référendaire, un examen de la régularité constitutionnelle du tex-
te ne pourrait en fait être pratiqué qu’avant la consultation car le juge
constitutionnel se déclarera incompétent pour en juger s’agissant

904
Lire article 161, alinéa 2, de la Constitution du 18 février 2006.
905
Cela ressort des termes « contentieux » utilisé par le Constituant à la disposition
visée soit l’article 161, alinéa 2.
906
Voir les développements que nous avons faits à propos de la théorie libérale de la
démocratie. Et derrière cette conception, il y a non seulement des intérêts
stratégiques mais aussi des tactiques que la technologie juridique mise en place a
pour fonction de préserver. La philosophie du droit nous enseigne en effet que
les concepts juridiques ne sont jamais innocents. La sémantique prend ici les
allures d’un choix délibéré dans un sens ou dans un autre. Mais il s’agit d’une
autre question.

457
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d’abord de l’expression directe de la démocratie et enfin, quant au


fond, le peuple souverain neutralise ainsi par sa manifestation souve-
raine l’éventuel vice d’inconstitutionnalité ayant pu affecter la procé-
dure.
En droit français, par exemple, saisi d’un recours en inconstitu-
tionnalité dirigé contre la loi autorisant la ratification du traité de
Maastricht, le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent en
considérant qu’« au regard de l’équilibre des pouvoirs établi par la

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Constitution, les lois que celle-ci a entendu viser dans son article 61
sont uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles
qui, adoptées par le peuple français à la suite d’un référendum
contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 60, consti-
tuent l’expression de la souveraineté nationale ».907
Il n’en est pas de même lorsque le conflit éclate entre les organes
du pouvoir central de l’État.

§ 5.Les conflits d’attributions entre pouvoirs exécutif


et législatif et entre l’État et les provinces
Dans un État de droit, il arrive que le constituant fasse appel au
juge constitutionnel pour trancher un conflit des compétences entre
les institutions politiques. L’étude de l’évolution politique et consti-
tutionnelle du Congo permet d’affirmer que la question a toujours
préoccupé le constituant.
Première Constitution à avoir pris en charge la question, la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo a
confié la compétence de trancher sur les conflits d’attribution à la
chambre des conflits de la Cour constitutionnelle 908. La Constitution
du 1er août 1964 ne s’est intéressée que des conflits d’attribution
pouvant naître au sein du gouvernement. En effet, en cas de conflit

907
CC, Décision 62-20 DC, 6 novembre 1962, Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, p. 27 ; D.1963, 348, note Léo HAMON ; Grandes décisions du
Conseil constitutionnel, 7e édition, p. 179. Lire aussi, spécialement, CC, 92-
313DC, 23 septembre 1992, Recueil des décisions du Conseil constitutionnel, p. 94.
908
L’article 232 alinéas 1er et 3 de la Loi fondamentale charge cette chambre de
trancher les conflits de compétence qui peuvent survenir entre le pouvoir central
et le pouvoir provincial d’une part et ceux résultant des actes du pouvoir exécutif
d’autre part.

458
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

entre le Premier ministre et les ministres, seul le président de la Ré-


publique pouvait trancher909. Comme on peut bien s’en apercevoir,
cette Constitution a confié à une institution politique la compétence
de trancher les conflits d’attribution.
La Constitution du 24 juin 1967, ses différentes modifications
ainsi que les Constitutions de la transition sont restées muettes sur la
question. La Constitution du 18 février 2006 indique que la Cour
constitutionnelle connaît des conflits de compétences entre le pou-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
voir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu’entre l’État et les pro-
vinces910.
En matière de conflit d’attribution, les manifestations du juge
constitutionnel peuvent être multiples. Nadine La Grance en voit
trois. Pour elle, le juge constitutionnel peut jouer le rôle soit de
contrepoids, soit d’autolimitation juridique du pouvoir exécutif, soit
d’autolimitation du pôle législatif911.
Comme « contre pouvoir », le juge constitutionnel est tenu de
faire respecter l’équilibre constitutionnel des pouvoirs (exécutif et
législatif) mais également d’arbitrer les conflits ou les relations entre
la majorité (le gouvernement et la majorité parlementaire) et la mi-
norité (l’opposition).
Dans la pratique, ce juge est souvent saisi à l’initiative de
l’opposition parlementaire contre le développement d’une législation
dont la responsabilité politique incombe au gouvernement. Cette sai-
sine apparaît comme une arme à la disposition de l’opposition, ce qui
pourra induire de la part de ce juge une attitude d’autolimitation.
La deuxième manifestation du juge constitutionnel apparaît au
moment où son intervention est considérée comme « un contrepoids
institutionnel » face à l’affaiblissement politique du parlement de-
vant la puissance exécutive. Cette puissance s’accommode facilement
avec la quasi-totale irresponsabilité politique et pénale dont peut bé-
néficier le président de la République.

909
Article 62, alinéa 4 de la Constitution du1er août1964.
910
Article 161, alinéa 3 de la Constitution du 18 février 2006.
911
La GRANCE (N.), Le phénomène majoritaire, op. cit., pp. 24-25.

459
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Le juge constitutionnel peut être amené à faire figure de censeur


des actes des autorités politiques. Un tel contrôle qui se situe entre le
droit et la politique peut comporter le risque de le voir se livrer à un
contrôle politique ou d’opportunité. Il est susceptible de susciter un
débat sur la politisation de l’intervention du juge dans le domaine
qui lui serait interdit. Cette intervention est potentiellement redou-
table d’autant que le contenu des règles à respecter n’est pas toujours
pré déterminé, ce qui peut conduire à l’arbitraire912.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Il s’ensuit que bien qu’indispensable pour assurer l’équilibre insti-
tutionnel, l’intervention du juge constitutionnel dans le domaine poli-
tique est diversement appréhendée. Pendant que certains y voient une
garantie dans le règlement des conflits d’attributions, d’autres consi-
dèrent que cette intervention ne doit pas avoir comme finalité de met-
tre en péril l’existence des autres institutions913.
Elle ne doit pas constituer un danger pour l’exercice par les autres
pouvoirs de leurs prérogatives constitutionnelles. Le domaine politi-
que étant celui dans lequel la neutralité est souvent rare, le juge cons-
titutionnel doit éviter de se livrer à une juridicisation excessive du
jeu politique.
Tout de même, voyons à présent quels sont les types de conflits
qui sont susceptibles de survenir dans l’exercice du pouvoir dans
l’État et comment les solutions juridiques peuvent y être apportées.
Commençons par les conflits qui touchent les deux fonctions majeu-
res de l’État.

A. Conflits entre Exécutif et Législatif dans l’État


Les conflits entre ces deux fonctions de l’État sont le plus nuisi-
bles à ce dernier car ils transforment la nature du régime politique
et, avec lui, l’état des libertés publiques dans la nation.
En effet, le conflit pouvant se résorber au profit de l’un ou l’autre
pouvoir, le régime, quel que soit le prototype institutionnel institué
dans la loi fondamentale, finit par se transformer en régime

912
La GRANCE (N.), Le phénomène majoritaire, op. cit.,. pp.24-25.
913
Idem, p. 27.

460
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

d’assemblée ou en une monocratie présidentielle, tous deux dangereux


en fin de comptes pour les libertés fondamentales et pour la démocra-
tie. Sans être grand psychologue, l’on sait que les conflits commen-
cent toujours dans les cœurs des hommes et finissent par être expri-
més soit par la parole soit par l’écrit soit par le geste de sorte que ce
que l’on appelle généralement conflit politique est l’expression d’un
état d’âme non maîtrisé.
Les querelles qui opposent généralement l’exécutif au législatif

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peuvent être d’ordre politique avant de revêtir un costume juridique.
Pour revenir au cas pathologique congolais, il n’est pas vain de re-
tracer la controverse doctrinale liée à la nature du régime politique
qui engendre ou encadre le conflit politique. Ainsi, à propos du ré-
gime parlementaire, André Hauriou pense notamment qu’il est
convenable en occident, où l’unité nationale est achevée, un accord
sur les bases générales de la politique extérieure et intérieure réalisé,
un rythme de croisière trouvé pour la croissance économique 914.
Malgré ces obstacles que nous avons, nous-mêmes, relevés ailleurs,
il convient de nuancer ces affirmations. En effet, le régime parlemen-
taire est convenable ailleurs qu’en occident (ex. Israël) et ces condi-
tions ne sont pas cumulatives ; elles peuvent être alternatives, les unes
entraînant les autres. En Afrique noire précoloniale, les royaumes et
empires ont quelques fois adopté un régime parlementaire, en ce que
les ministres du Roi ou de l’Empereur répondaient de leurs actes de-
vant le conseil des sages qui était, à tout considérer, une assemblée
parlementaire915.
Il est donc excessif de penser que le régime parlementaire est in-
concevable, tout au moins, est-il difficile à appliquer en Afrique en
général et au Congo en particulier pour les raisons que nous
connaissons, tous : exacerbation des luttes tribales et claniques, et
par conséquent, absence de consensus large sur la société (légitimité)

914
HAURIOU (A.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris,
Montchrestien, 1968, p. 570.
915
CHIZUNGU C.S., La réhabilitation des traditions politiques précoloniales dans le
droit constitutionnel postcolonial, Mémoire de licence, Faculté de Droit,
Université de Kinshasa, 1981, pp. 10-29.

461
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

et enfin, l’inefficacité économique qui en résulte et qui exacerbe, ré-


troactivement, les luttes tribales pour la survie.
Par ailleurs, il convient de noter que ces obstacles sont de taille
d’autant plus que beaucoup d’États africains étaient parlementaires
en 1960 ; dix ans après, ils sont devenus presque tous des États à
gouvernement présidentiel.
La raison de ce revirement nous semble être celle avancée par
Hauriou lorsqu’il écrit que « le régime parlementaire apparaît sou-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
vent compliqué et fragile : les Africains ne comprennent pas que ce-
lui qui détient la réalité du pouvoir exécutif ne soit pas le premier
personnage de l’État »916.
Cette assertion est en partie fondée ; cependant, nous nous de-
vons de dire que même en Grande-Bretagne où ce régime est né, se-
lon la théorie constitutionnelle classique occidentale, le peuple an-
glais a dû mettre des siècles pour comprendre que le pouvoir exécu-
tif appartenait dorénavant au Premier ministre venu des Whigs ou
des Tories.
La difficulté de compréhension, toutefois, demeure du fait qu’elle
est exacerbée, chez-nous, par l’absence de la nation, cette force réelle
qui eût pu aider nos populations à comprendre les mécanismes al-
ternatifs du pouvoir. La nuance s’impose au niveau de micro-nations
(tribus et clans) précoloniales ayant atteint un niveau de développe-
ment politique avancé (royaume ou empire).
Devant cette difficulté extrême : diriger un État sans nation, les
dirigeants africains de premières heures (1960) ont préféré à ce régi-
me, le système présidentiel. En l’absence de la nation, l’anarchie
frappait à la porte de l’État. Le régime de type présidentiel permet
surtout un encadrement plus autoritaire du pays 917.
Il nous semble opportun de relever que ce régime a dû gérer des
États vastes comme les États-Unis d’Amérique sans pour autant que
la gestion soit autoritaire.

916
HAURIOU (A.) op. cit.., p. 571.
917
Idem, op. cit.., p. 571.

462
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Le régime présidentiel est finalement la réponse sociologique (pas


très adéquate !) aux problèmes posés par le parlementarisme irra-
tionnel des années 1960.
En effet, le régime présidentiel est permissif, en cas d’absence de
nation, d’une dictature civile ou militaire. Ce régime offre toute sa
valeur dans un tout autre cadre. Chez-nous, le quart de siècle passé
nous révèle que le régime présidentiel n’était qu’une fausse fenêtre en
l’absence de nation, une réponse temporaire et inadéquate surtout

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dans un cadre unitaire et monopartite.
Le chef de l’État est encore perçu ici comme le fils de telle tribu
ou tel autre clan. Une telle mentalité ne confère ni légitimité néces-
saire ni efficacité indispensable au système ainsi mis en place. Voilà
pourquoi, la tentation avait été de verser dans une tendance effrénée
au présidentialisme et au monisme politique intégral. Nous n’osons
pas ainsi justifier les écarts rencontrés dans la pratique de ces gou-
vernements.
Le Congo, en effet, a déjà essayé ces deux types de régimes parle-
mentaire et présidentiel. Il reste le régime semi-présidentiel que le
constituant de 2006 semble avoir adopté.
En effet, outre les obstacles inhérents à l’anatomie du corps social
congolais, il faut ajouter le coût prohibitif du mimétisme institu-
tionnel tel quel. Mais nos préférences vont tout droit au régime
semi-présidentiel qui a l’avantage double d’être un moyen terme en-
tre les deux extrêmes et d’instituer le double contrôle politique du
gouvernement.
Le chef de l’État étant élu au suffrage universel direct comme les
membres de l’Assemblée Nationale, il partagera ainsi l’exercice de la
souveraineté nationale avec eux. Ceci entraîne la conséquence sui-
vante : un double contrôle politique s’exerce sur le gouvernement
d’une part, par le chef de l’État et d’autre part, par l’Assemblée Na-
tionale.
Ce système nous évite les déviations néfastes de deux premiers
qui sont le présidentialisme (césarisme) et le régime d’assemblée et
qui constituent, au fait, l’un et l’autre, des négations de la démocra-
tie. Cependant, les trois dernières années ont offert un cas de conflit

463
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

politique spécifique entre le Chef de l’État et le président de


l’Assemblée nationale, tous issus d’une même formation politique.
Au-delà des définitions que ce mot peut recouvrer en doctrine, l’on
peut noter déjà que la vie politique est parsemée des querelles de tou-
te sorte, dont certaines sont politiques.

1. Les questions politiques


D’emblée, il sied d’affirmer que tout conflit politique est avant

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tout un conflit pour la possession du pouvoir c’est-à-dire le contrôle
des moyens du pouvoir. Ceux-ci sont d’ordre politique, financier,
matériel et humain. C’est ainsi que le transfuge d’un parti rival qui
va dans le camp adverse peut être l’objet d’un conflit politique 918. La
répartition des crédits d’un budget national comme c’est le cas de
nos jours peut de même constituer une pomme de discorde.919
C’est autant dire que le conflit politique est une sorte d’hydre à
plusieurs têtes dont on ne peut pas scruter prima facie les ressorts
réels. La seule certitude du conflit politique est qu’il a sa cause dans
l’envie de contrôler le pouvoir politique mais il emprunte les formes
les plus diverses allant des diatribes les plus violentes aux assassinats
en passant par des bouderies et moues de toute sorte.
Il est donc difficile dans une étude consacrée au contentieux cons-
titutionnel de prévoir tous les conflits politiques qui prennent entre
autres la forme d’un conflit d’attribution du point de vue juridique.

918
Olivier KAMITATU a été l’objet d’un conflit politique qui a pris la forme d’un
recours en interprétation pour sa résolution entre le MLC et le parti du
président Joseph KABILA.
919
Il ya une requête en inconstitutionnalité déposée à la Cour suprême de justice
depuis 2008 par des citoyens congolais pour la plupart originaires du Bas –
Congo tendant à faire déclarer inconstitutionnelle la loi de finances de 2008. Le
premier président de cette Haute Cour n’ayant pas fixé cette affaire en plénière,
elle n’a pas connu de suite perdant ainsi tout intérêt à ce jour. Et pourtant, l’arrêt
aurait permis du point de vue scientifique de fixer les esprits sur l’applicabilité
directe d’une norme constitutionnelle en dehors d’une loi d’application. C’est
donc dommage !

464
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

2. Les conflits juridiques


L’on peut d’emblée dire que lorsque le conflit politique a long-
temps couvé, il éclate souvent sous la forme d’un contentieux juridi-
que. Par ailleurs, un conflit de compétence est toujours et déjà un
conflit politique cependant tout conflit politique n’emprunte pas les
allées du droit. La spécificité du droit constitutionnel moderne tou-
tefois, c’est entre autres de cristalliser toutes les contestations politi-
ques sous la forme du droit.

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Certains ont conseillé la prudence au juge constitutionnel mais ils
n’ont guère indiqué la mesure de cette prudence qui est susceptible
d’inhiber fort longtemps la justice constitutionnelle congolaise. Ain-
si, l’on ne peut s’empêcher de constater que le conflit d’attribution
cache déjà une discorde politique qui n’a pas trouvé une issue politi-
que discrète.
Lorsqu’il prend en effet les formes juridiques, le conflit politique
emprunte naturellement les solutions de droit qu’il sied d’analyser
ici très rapidement. Il s’agit de la protection du domaine du règlement
par rapport à la loi, de la dissolution de l’assemblée nationale ainsi que
de la motion de censure.
En effet, il est vrai que la protection du domaine du règlement
par rapport au domaine de la loi traduit la mutation qui s’est opérée
de l’État légal à l’État de droit de même que l’amincissement du do-
maine de la loi indique l’affaiblissement progressif du parlement au
profit de l’exécutif. Le centre de la normativité se trouve au sein de
l’exécutif et dès lors, le règlement est protégé contre les assauts éven-
tuels d’une législation qui interviendrait ainsi d’une manière sauvage.
À propos, Félix Vunduawe opine que pour protéger le domaine
réservé au pouvoir réglementaire, la Constitution de la transition du
4 avril 2003, en son article 127, donnait le droit au gouvernement de
soulever l’exception d’irrecevabilité au cours de la procédure législa-
tive.920 Sous l’empire de la Constitution en vigueur, possibilité est
donnée au président de la République et plus particulièrement au
Premier ministre de saisir la Cour constitutionnelle d’un recours
visant à faire déclarer une loi déjà adoptée mais non encore promul-
guée, non conforme à la Constitution.921

920
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 311.
921
Voir article 139 de la Constitution du 18 février 2006.

465
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ce conflit juridique traduit, l’on s’en doute, un émiettement de la


majorité parlementaire dans l’hypothèse du régime politique congo-
lais ou un déplacement de cette majorité lorsqu’elle ne coïncide pas
avec la majorité présidentielle. En cas donc de cohabitation des ma-
jorités, l’on peut se rendre compte que l’exception d’irrecevabilité
ou le recours auquel elle peut donner lieu deviennent des armes
d’empêchement entre les mains de l’exécutif.
Il suit de là que tous les actes législatifs intervenus antérieurement

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dans le domaine protégé du règlement peuvent être modifiés par dé-
cret du Premier ministre.922 L’autre conséquence non moins impor-
tante est que le pouvoir réglementaire autonome s’exerce indépen-
damment du pouvoir législatif et ne peut être limité que par la Cons-
titution et les principes généraux du droit.923
Dans la mesure où les principes généraux du droit sont suscepti-
bles d’être modifiés par la loi, il nous semble plus logique de dire que
les règlements autonomes ne se soumettent qu’à l’autorité de la
Constitution.
L’on peut noter aussi que le président de la République peut en-
trer en conflit avec son Premier ministre ; ce conflit se résorbe poli-
tiquement par la révocation de ce dernier dans les formes constitu-
tionnellement fixées.
D’un mot, la règle de solution est différente lorsqu’il s’agit des
matières partiellement réservées au pouvoir réglementaire, le consti-
tuant ayant installé un domaine de collaboration entre les deux pou-
voirs de normativité.
Dans le cas prévu par l’article 123 de la Constitution, le législateur
interviendra dans ces matières mais en fixant les principes fondamen-
taux ou en posant des normes de principe. Le pouvoir réglementaire
en revanche édictera des normes dans le cadre tracé par les principes
législatifs et pour en procurer une exécution aisée.924
La solution juridique ainsi trouvée est susceptible d’aboutir sur
une grave crise institutionnelle car son application stricte est un in-

922
Voir article 92, alinéa 1er, de la Constitution.
923
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit., p. 313.
924
Voir article 123 de la Constitution.

466
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

dicateur sûr que la majorité parlementaire ne soutient plus tout à fait


son émanation gouvernementale. L’autre solution juridique est et
demeure la dissolution de l’assemblée nationale en cas de crise persis-
tante entre le gouvernement et l’assemblée nationale.
Aux termes de l’article 148 de la Constitution, le président de la
République, après consultation du Premier ministre et des présidents
de deux chambres parlementaires, peut prononcer la dissolution de
l’Assemblée nationale. Il suit de cette disposition constitutionnelle

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que le droit de dissoudre appartient exclusivement au président de la
République qui en dispose donc de façon régalienne. Il lui appartient
cependant de prendre la mesure de l’acte de dissolution qui demeure
néanmoins un acte de haute portée politique. La consultation de
présidents des chambres parlementaires aboutit à un avis facultatif ;
par contre, la non-consultation de ces deux autorités publiques rend
la dissolution inconstitutionnelle.
Ainsi donc, la Cour constitutionnelle demeure compétente de
statuer sur la dissolution en ce qui concerne sa validité formelle, le
fond c’est-à-dire l’opportunité étant une question politique laissée à
la discrétion du président de la République. Cependant, il est inter-
dit de dissoudre pendant l’année qui suit les élections, pendant l’état
d’urgence ou de siège ou de guerre, ni pendant l’intérim présidentiel
exercé par le président du Sénat.925
Il en est de même de la motion de censure qu’exercerait l’Assemblée
nationale à charge du Gouvernement en cas de désaccord avec ce der-
nier. En effet, ce mécanisme politique de contrôle s’exprime par voie
d’une résolution qui n’est pas à confondre avec un acte législatif comme
le fait malheureusement la Cour suprême de justice.926
Au-delà de ce commentaire, il sied de noter que la motion de cen-
sure demeure une arme dissuasive que détient la majorité parlementai-

925
Lire article 148, alinéas 1er et 2e de la Constitution du 18 février 2006.
926
CSJ, Arrêt Kapuku Ngoy Trésor, RConst 051/TSR du 31 juillet 2007, inédit. Lire
aussi, WETSH’OKONDA KOSO SENGA (M.), « La définition des actes
législatifs dans l’arrêt de la Cour suprême de justice n° R. CONST.51/TSR du
31 juillet 2007 à l’épreuve de la Constitution du 18 février 2006 », in Horizons,
Revue de Droit et de Science politique du Graben, n° 5, juin 2008, pp. 12-36.

467
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

re à l’endroit du gouvernement. La menace de son utilisation assagit


souvent le Gouvernement qui rentre ainsi dans les rangs de la majori-
té parlementaire. Cependant, en République démocratique du Congo,
toutes motions de censure déposées contre le gouvernement ayant
jusque-là échoué, l’on peut aisément constater que la discipline parti-
sane entraine une sorte de caporalisation de la vie politique.
Mais l’explication ultime pourrait être trouvée dans la conception
traditionnelle du chef qu’a la classe politique congolaise qui le prend

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en effet pour un pourvoyeur des vivres. La politique s’analyse alors
en une sorte de mangeoire nationale où viendraient s’abreuver les
animaux politiques de tout bord.
Dans une telle conception de la politique saisie comme un pro-
longement du tube digestif, il y a fort peu de place pour un nombri-
lisme qui conduirait à l’indépendance de l’élu.
Ainsi, la formule constitutionnelle selon laquelle « le mandat im-
pératif est nul »927 rentre dans le cadre des objets politiquement non
identifiés dans la praxis politique congolaise.
Le dernier événement où les états-majors des partis politiques,
pour faire tomber le président de l’Assemblée nationale, ont fait si-
gner avec grand bruit et à coup d’abattement médiatique officiel,
hors parlement, une motion de destitution à l’encontre de ce der-
nier, est de nature à souligner ce caractère alimentaire de la vie poli-
tique congolaise.
Ces trois cas de figure ne retracent pas la totalité des conflits juri-
diques qui sont multiples et variés.
C’est le cas de ceux qui peuvent survenir entre l’État et ses entités
régionalisées.

B. Conflits entre provinces et l’État


Les contestations faisant partie, on l’a vu, de la vie politique des
nations, il n’est pas exclu que les provinces suscitent des difficultés

927
Lire article 101, alinéa 5 de la Constitution du 18 février 2006.

468
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

avec l’État dans le cadre soit politique soit juridique. Voyons à pré-
sent ce qu’il en est des contestations politiques.

1. Les contestations politiques


À ce jour, la jurisprudence n’indique pas encore une contestation
politique ouverte entre les provinces et l’État. Cependant, il existe
une contestation politique larvée entre ces entités, du moins certai-
nes d’entre elles, avec l’État. En effet, certaines provinces dites privi-

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légiées928 réclament l’application directe et immédiate de l’article 175
alinéa 2 de la constitution qui dispose que la part des recettes à carac-
tère national allouées aux provinces est établie à 40 %. Elle est rete-
nue à la source. 929
En effet, ce débat traduit clairement la présence des luttes ancien-
nes entre les fédéralistes et les unitaristes. Cette lutte se traduit dans
la Constitution actuelle par un savant dosage qui donne néanmoins
gain de cause aux fédéralistes même s’ils ont eux aussi perdu la ba-
taille de la dénomination constitutionnelle.930
Ainsi, il y a une forte résistance due aussi à l’absence des moyens
financiers énormes à l’égard de cette régionalisation politique pour-
tant constitutionnellement consacrée. Les querelles politiques étant
nombreuses du fait même, comme on l’a montré plus haut, qu’elles
expriment des états d’âmes qui sont nécessairement multiples, il
convient de voir comment certaines d’entre elles peuvent être trans-
formées en questions juridiques et ainsi trouver solution.

2. Les querelles juridiques


Les questions juridiques entre les provinces et l’État sont essen-
tiellement celles relatives à la répartition des compétences entre ces

928
L’on cite le Bas-Congo, le Katanga et la Ville de Kinshasa.
929
Lire article 175, alinéa 2, de la Constitution du 18 février 2006.
930
BON (P.), « L’attribution des compétences aux collectivités régionales et locales et le
rôle du juge constitutionnel », rapport introductif au colloque Autonomie régionale
et locale et Constitutions, Aix-en-Provence, 8 et 9 septembre 2006, Annuaire
international de justice constitutionnelle 2006, Economica et PUAM, 2007, pp. 70-
89.

469
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

deux étages de l’État congolais. D’emblée, l’institution de la Confé-


rence des Gouverneurs de province par la Constitution est de nature
à permettre l’aplanissement de tout différend politique car elle assure
des contacts permanents et organiques entre l’exécutif national avec
les exécutifs provinciaux.931
De par sa composition et des objectifs qui lui sont assignés, la
Conférence des Gouverneurs est un mécanisme politique et juridi-
que de résolution des querelles politiques susceptibles de survenir.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Cependant, en raison du régionalisme politique adopté par le cons-
tituant congolais actuel, les difficultés sont susceptibles de surgir du
fait de la répartition des compétences. Ainsi, le législateur national n’a
qu’à intervenir dans les matières exclusives et concurrentes.
Si par hasard, il intervient dans une matière exclusive à la provin-
ce, il appartiendra à la Cour constitutionnelle de trancher le conflit
après saisine de la province lésée ; tandis que les juridictions adminis-
tratives resteront compétentes pour régler les conflits de compétence
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir exécutif provincial, par le
biais notamment du recours pour excès de pouvoir.932
Il importe de noter qu’à l’intérieur des matières, le domaine ré-
glementaire et le domaine de la loi restent séparés comme au niveau
national.933
S’agissant des matières concurrentes, la règle de solution juridique
du différend gît dans l’article 34 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008
portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des
provinces qui dispose clairement que « tout édit provincial incompa-
tible avec les lois et règlements d’exécution nationaux est nul et
abrogé de plein droit ».934
Il s’agit au fait de la reproduction de la norme contenue dans
l’article 205, alinéa 4, de la Constitution. La formulation du dernier

931
Voir article 200 de la Constitution du 18 février 2006.
932
VUNDUAWE te PEMAKO (F.), op. cit., p. 502.
933
Lire article 37 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, JORDC, Kinshasa,
31 juillet 2008, colonne 10.
934
Lire article 34, JORDC, Kinshasa, 31 juillet 2008, colonne 9.

470
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

alinéa de l’article 205 susmentionné en posant que « la législation


nationale prime sur l’édit provincial » semble trancher définitive-
ment toute querelle entre les deux normes de même nature mais de
niveaux différents.935
Il reste qu’en cas de doute, le juge constitutionnel demeure le seul
organe habilité à trancher définitivement. Si des règles constitution-
nelles et légales existent pour régler les querelles dans le cadre du ré-
gionalisme constitutionnel adopté par la République démocratique du

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Congo, il semble que tel n’est pas le cas lorsque le différend oppose les
provinces entre elles.

C. Le cas spécifique des conflits entre provinces


L’hypothèse ne semble pas avoir été envisagée par le constituant,
cependant, elle est susceptible de survenir. Il suffit de remarquer en-
fin que deux ou plusieurs entités régionalisées peuvent poser des ac-
tes juridiques qui recèlent une contradiction juridique. L’hypothèse
est jusque-là théorique mais elle ne manque pas de prévisibilité maté-
rielle. Il faut voir d’abord le problème que pareils actes pourraient
poser avant d’étudier la règle de solution possible.

1. Position du problème
La loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 déjà mentionnée indique par
ailleurs que deux ou plusieurs provinces peuvent contracter des ac-
cords de coopération interprovinciale.936 Cette formulation pose-t-
elle la question juridique suivant laquelle il n’y aurait que des ac-
cords de coopération entre provinces et non un quelconque acte ju-
ridique de nature provinciale susceptible d’engendrer un conflit en-
tre elles. En cette occurrence, quel serait le juge compétent ?

935
Dans ce sens, lire DEAL (E.), « Langue du droit et doctrine : la linguistique
juridique, soutien des influences étrangères doctrinales sur les constitutions
nationales », participation au VIe Congrès mondial de droit constitutionnel, « Le
constitutionnalisme. Les anciens concepts à l’épreuve de mondes nouveaux »,
organisé par l’AIDC (Association Internationale de Droit Constitutionnel), du
12 au 16 janvier 2004 à Santiago du Chili, 20 p.
936
Lire article 40, alinéa 3, point 2, JORDC, Kinshasa, 31 juillet 2008, colonne 11.

471
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

2. Règle de solution
Telle que posée, la question mérite deux niveaux de réponse.
Au premier niveau, il convient de constater qu’entre les provinces
les accords de coopération interprovinciale sont possibles. C’est
d’ailleurs ce que préconise le constituant actuel lorsqu’il édicte que
deux ou plusieurs provinces peuvent, d’un commun accord, créer un
cadre d’harmonisation et de coordination de leurs politiques respecti-
ves et gérer en commun certains services dont les attributions portent

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
sur les matières relevant de leurs compétences.937
Dès lors, il importe d’affirmer que la forme de cet accord entre
provinces n’étant pas précisée, il peut bien intervenir sous la forme
d’un arrêté interprovincial promulgué par les deux gouverneurs soit,
s’il s’agit d’une norme législative, sous la forme d’un édit interpro-
vincial. Il n’est pas exclu de même que cet accord se forme sous une
forme tout à fait libre et différente de deux premières mentionnées.
Au second niveau, dans les deux premiers cas, il convient de cons-
tater qu’à la fois le juge administratif et le juge constitutionnel res-
tent compétents pour en connaître.
En effet, s’agissant d’un arrêté interprovincial, l’article 74 de la loi
n° 08/012 du 31 juillet 2008 rend chaque cour administrative d’appel
compétente pour connaitre des recours en annulation pour violation
de la loi, des édits et des règlements nationaux formés contre les ac-
tes ou décisions des autorités provinciales ou locales et les organis-
mes placés sous la tutelle de ces autorités.
Par contre, s’il s’agit d’un édit interprovincial, l’article 73 de la
même loi rend la Cour constitutionnelle seule compétente pour ce
faire.
En revanche, si l’accord n’a pas emprunté les formes susmention-
nées, il faut décider que le juge ordinaire demeure compétent pour
traiter des difficultés d’interprétation et/ou d’exécution qu’il pour-
rait entrainer.938

937
Lire article 199 de la Constitution du 18 février 2006.
938
Il semble même que ce soit cela l’option levée par le projet de loi sur les
juridictions administratives qui est en processus législatif à l’Assemblée nationale.

472
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

En effet, il faut, dans l’état actuel de la législation, songer à rendre


le juge administratif compétent si l’accord est un contrat administratif
et confier la connaissance du litige au juge de droit commun s’il s’agit
d’un accord régi par les règles du droit commun.939
Si les choses semblent faciles pour ce règlement, le cas de traités
internationaux connaît un régime spécial qu’il sied d’examiner en
abordant tant la controverse doctrinale qui a toujours caractérisé la
matière que la règle de solution adoptée en droit positif congolais.

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§ 6.Le contrôle de conformité des traités et accords
internationaux
Le terme même de « conformité » pose problème en doctrine
même si un grand maître par ailleurs ancien membre du Conseil
constitutionnel pense qu’il y a là des « variations sémantiques sur le
même thème sans portée juridique véritable ».940
La différence sémantique entre contrariété et non-conformité tra-
duit une différence de perspective. Le juge qui dit qu’un texte est
conforme ou non conforme a une approche positive alors que son
homologue qui dit le même texte contraire ou non contraire à la
Constitution a une perception négative qui semble trancher définiti-
vement la contestation.
Au-delà donc des termes qui pourraient être synonymes sans être
identiques, l’on peut retenir que l’expression de conformité sied à la
terminologie du contrôle a priori et au vocabulaire du droit interna-
tional public qui privilégie celle de compatibilité. Ce débat linguisti-
que est l’arrière-fond idéologique du sempiternel débat entre monis-
tes et dualistes, finalement entre constitutionnalistes et internationa-
listes.
En effet, pour l’internationaliste, les normes internationales n’étant
pas inférieures aux normes internes, il ne se pose que le problème de
compatibilité entre les normes de deux ordres différents alors que

939
Code civil, livre III, tiré du Décret du 10 juillet 1888, Bulletin officiel, 1888,
pp. 109 et s.
940
G. VEDEL, R.D.P., 1989, p. 16.

473
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

pour le constitutionnaliste, seule se pose la question de la conformité


des normes même internationales avec la norme constitutionnelle
considérée comme suprême dans l’ordonnancement juridique unique.
Essayons donc d’épiloguer sur cette controverse dont l’intérêt
théorique est encore évident avant de dire ce qu’il en est en droit po-
sitif congolais.

A. Controverse doctrinale entre thèses moniste et dualiste

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La doctrine fait état, depuis des années, de cette controverse qui
est en fait la position adoptée au regard de la question de rapports
entre les ordres juridiques internationaux et internes. Si la question
de l’existence de deux ordres ne soulève guère de difficultés particu-
lières tant elle apparait comme une évidence et s’impose ainsi aux
deux camps comme un dogme, la question de tracer le parallèle entre
les deux semble diviser les penseurs.941
Aussi, traditionnellement, l’on envisageait la question de rapports
entre les deux ordres juridiques du point de vue matériel, c’est-à-dire
de la répartition des matières entre l’ordre international et l’ordre
interne.942
En revanche, l’adoption du critère formel révèle des différences
des règles d’élaboration et d’entrée en vigueur. Cette approche sous-
entend la problématique de la hiérarchie des normes qui est à la base
de la controverse. Si les normes sont en effet différentes dans leur
élaboration, elles doivent en effet connaître une hiérarchie pour
trouver application lorsqu’elles présentent parfois quelque contra-
diction.943
Certains auteurs ont douté de l’existence d’un ordre international
se fondant ainsi sur les imperfections nombreuses qu’il recèle et qui
l’empêcheraient d’accéder à la dignité d’ordre juridique. À supposer

941
Lire à propos, QUOC DINH (N.), DAILLIER (P.) et PELLET (A.), Droit
international public, Paris, LGDJ, 2002, pp. 92-95, n° 47 et 48.
942
Ibidem.
943
Voy VALATICOS (N), « Pluralité des ordres juridiques et unité du droit
international », in Mélanges Skubiszewski, pp. 301-322, cité par QUOC DINH
(N.), DAILLIER (P.) et PELLET (A.), op. cit., p. 92.

474
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

que ces imperfections arrivent un jour à disparaître, il se poserait


théoriquement la question de la place d’un ordre juridique interna-
tional « mondialisé » auquel se subordonneraient les droits internes
enfin vaincus.
Cette hypothèse n’est pas à évacuer dans la mesure où depuis deux
décennies, le discours de « globalisation » et de « mondialisation »
semble réveiller le vieux mythe kantien de la paix perpétuelle qui pas-
serait aussi par un droit mondial. Les réticences et résistances des États

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constituent-elles à ce niveau le gage de l’existence d’un droit interne
dans le futur ? Rien n’est moins sûr au regard de l’évolution de la vie
internationale qui indique plutôt une émasculation de la souveraineté
des États.944
Derrière donc ce débat théorique, se profile un combat politique
d’une intensité aussi grande que le partage du monde après Yalta. 945
Ainsi pour certains, le droit international est de même nature que
le droit interne ; il n’existerait entre eux qu’une différence de degré.
Les monistes sont donc partisans de l’idée qu’il ne peut exister qu’un
seul droit et l’idée d’en formuler deux définitions est rejetée avec
énergie par eux.
En revanche, pour les dualistes, deux ordres juridiques sont par-
faitement concevables tant les imperfections du droit international
sont évidentes et même ses différences fondamentales d’avec le droit
interne très patentes. Certains parmi eux, que la doctrine qualifie

944
À voir de près comment le monde évolue entre l’enlèvement de Noriega et
l’assassinat de Saddam Hussein, il y a lieu de se poser la question de la légitimité
d’un droit mondialisé dont les auteurs, on le sait, ne pourront être que les
détenteurs de la puissance du feu nucléaire. La détention par ailleurs de ce feu par
plusieurs nations qualifiées du reste de dangereuses pour l’humanité restera, à
notre sens, le seul gage d’une paix non pas perpétuelle mais durable tant que le
règne de la terreur imposera la paix des braves.
945
L’image est assez forte mais la métaphore a pour but d’indiquer l’importance de
l’enjeu stratégique et politique qui se cache derrière ce débat doctrinal. En
revanche, dans la réalité, les États semblent avoir opté pour des savants dosages
très subtils entre ces deux théories. Il s’agit là du triomphe de la realpolitik.

475
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d’extrémistes, ont même soutenu que les deux ordres sont indiffé-
rents l’un de l’autre.946
Comme pour résumer, retenons que la thèse moniste énonce que
le droit international s’applique directement dans l’ordre juridique
des États car leurs rapports sont ceux d’interpénétration rendus pos-
sibles par leur appartenance à un système unique fondé sur l’identité
des sujets (individus) et des sources du droit (un fondement objectif)
et non des procédures mettant en œuvre la volonté des États.

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Cette option tranche par sa simplicité car elle implique que tous
les conflits des normes seront désormais résolus suivant des princi-
pes uniques car l’idée même de « réception formelle » des normes
internationales dans l’ordre interne est non seulement évacuée, mais
surtout elle est tout étrange.
Pour les dualistes en revanche, les conflits entre normes de droit
international et norme de droit interne sont non seulement possi-
bles, logiques et surmontables, mais aussi et surtout ces normes
n’ont pas le même objet et ne régissent pas les mêmes rapports so-
ciaux.
Il va donc de soi que l’option des dualistes sera que les deux or-
dres se communiquent par le biais des procédures qui transforment
une norme d’un ordre donné en une règle d’un autre ordre détermi-
né. Du reste, les sujets ne sont pas les mêmes dans les deux ordres
juridiques.947
L’on peut relever avec pertinence qu’il y a pluralité de systèmes
juridiques mais la portée réelle de cette controverse est que la hiérar-
chie des normes internes et internationales se fait souvent au profit
de ces dernières. Mais le constitutionnaliste affirme que la Constitu-
tion reste et demeure la norme suprême à laquelle doivent
s’assujettir toutes autres normes même de droit international. 948

946
Lire de BECHILLON (D.), Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions
normatives de l’État, Paris, Economica, 1996, pp. 256-272, 406-499.
947
DHOMMAUX (J.), « Monismes et dualismes en droit international des droits de
l’homme », in AFDI, Paris, 1995, pp. 447-468.
948
SANTULLI (C.), Le statut international de l’ordre juridique étatique : Étude du
traitement du droit interne par le droit international, Paris, Pedone, 2001, XIV-540
p., spécialement pp. 256-289.

476
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Nous souscrivons à cette opinion des constitutionnalistes qui


considèrent à raison qu’une norme de droit international doit pour
son élaboration et son application vérifier de sa conformité aux rè-
gles de treaty-making power par ailleurs prévues dans la Constitution.
Dès lors, il est logique de considérer que l’État ne s’engage interna-
tionalement que parce qu’il est État organisé politiquement par le
texte fondateur.
Ainsi donc, l’amalgame à mettre dans le même panier toutes

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normes de droit interne procède de la volonté impérialiste de nier la
souveraineté des États et du coup, leur existence constitutionnelle.
Et sur le chemin de cette négation, l’on peut entrevoir le bénéficiaire
de cette théorie négationniste de l’État.949
Le débat étant circonscrit sur le plan de la théorie de droit inter-
national, il importe maintenant d’en saisir la portée en droit positif
congolais et dans la praxis diplomatique du pays.

B. Point de vue et pratique internationale de la République


démocratique du Congo
Le pays considère que le traité oblige tous les organes de l’État
partie, parce que l’obligation d’exécuter s’impose à lui dans son en-
semble comme sujet de droit international.
D’ailleurs, l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités oblige l’État à appliquer le traité même si ce dernier contient
des dispositions contraires au droit interne. En droit international, il
a toujours été admis qu’un État qui a valablement contracté des
obligations internationales est tenu d’apporter à sa législation les
modifications nécessaires pour assurer l’exécution des engagements
pris.950

949
Ne perdons pas de vue que ces théories de droit international ont connu leurs
lettres de noblesse en pleine guerre froide. Le camp soviétique qui incarnait le
côté gauche de l’hémisphère terrestre a toujours soutenu, et avec raison du point
de vue constitutionnel, la primauté de la volonté des États. C’est la thèse du
professeur TUNKIN.
950
Lire Avis n° 170 de la Cour permanente de justice internationale, Affaire de la
compétence des tribunaux de Dantzig, p. 32.

477
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Ainsi, il incombe à chaque organe de l’État de prendre des mesu-


res idoines pour procéder à l’application du traité. Le pouvoir exécu-
tif procédera ainsi à la promulgation et à la publication, tandis que le
pouvoir législatif s’adonnera à élaborer la législation nécessaire à
l’exécution du traité de même que les juridictions l’appliqueront
dans leur mission de dire le droit.
Trois problèmes juridiques majeurs se posent à ce niveau :
l’introduction des traités dans notre ordre juridique, le conflit éven-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
tuel entre le traité et la loi et enfin, la compétence du juge devant le
traité. Ce trousseau des clés est digne d’ouvrir une grille de lecture
intellectuelle essentielle pour l’intelligence de la notion de pyramide
normative et de la place de certaines normes dans le contentieux
constitutionnel.
Le problème de réception du droit international renvoie à la
question de savoir dans l’État quelle est l’autorité revêtue du pou-
voir de sceller le traité de la formule exécutoire.
L’État congolais qui est moniste admet donc que le traité ne pro-
duit pas des effets proprio vigore, comme aux États-Unis d’Amérique
selon la jurisprudence Ware versus Hylon. En 1829, l’arrêt Foster ver-
sus Neilson rendu par le Chief Justice Marshall a persisté dans ce sens
en opinant qu’aux « États-Unis il existe un principe différent. Notre
constitution déclare qu’un traité constitue la loi du Pays… »
Au-delà des distinctions fort subtiles de traités self-executing et non
self-executing, l’introduction du traité en droit congolais suit le sys-
tème actuellement en vigueur en France : la ratification (ou la signa-
ture pour les accords en forme simplifiée) suivie de la publication au
journal officiel. Par conséquent, si l’on considère que la publication
rend seulement opposable l’acte juridique, c’est la ratification (ou la
signature de l’accord en forme simplifiée) qui confère au traité la
force obligatoire et exécutoire. Mais, comme on le voit, la publica-
tion est indispensable pour l’application du traité par les juridictions
du Congo. 951

951
Cette distinction doctrinale vient du droit américain et semble recouvrer les
prévisions de l’article 215 de la constitution du 18 février 2006 qui distingue les
traités et les accords en forme simplifiée.

478
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Ajoutons que pendant la colonisation, en vertu de la spécialité de


la loi coloniale prévue à l’article 1er de la Constitution belge, les trai-
tés applicables sur l’ensemble du royaume de Belgique faisaient
l’objet d’une double publication. Ils étaient publiés au Moniteur belge
et au Bulletin Officiel dans la colonie du Congo belge. Et, en 1958, le
Bulletin officiel devint le Moniteur congolais. 952
Le deuxième problème juridique relatif à la place du traité dans
l’ordonnancement juridique appelle une réponse nuancée. En effet,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
l’obligation d’exécuter le traité international incombe également au
législateur.953
Le traité peut prévoir des mesures législatives pour son application,
auquel cas elles devront être prises par le législateur. Il en découle na-
turellement l’obligation pour l’État partie d’harmoniser sa législation
qui serait en contradiction avec ledit traité.
Cependant, depuis l’avis du 13 mars 1928 dans l’affaire relative à
la compétence des tribunaux de Dantzig, il est reconnu en droit in-
ternational que « sont directement applicables dans l’ordre juridique
interne, les dispositions créant des droits et obligations pour les indivi-
dus et susceptibles d’être appliquées par les tribunaux ».954
L’on peut donc conclure qu’à ce niveau l’État législateur est tenu
de prendre des actes législatifs pour rendre applicable le traité auquel
l’État est partie et selon la procédure constitutionnelle prévue par le
droit interne qui ne peut cependant être invoquée comme motif légi-
time pour ne pas exécuter ses obligations internationales et ce, sous
peine d’engager sa responsabilité internationale.
Quant à la question relative au conflit entre traité et loi, il sied de
noter qu’au-delà de la fameuse controverse dont l’intérêt a été souli-
gné plus loin, la République démocratique du Congo fait partie des

952
Lire VUNDUAWE te PEMAKO (F.), Traité de droit administratif, op. cit.,
pp. 129, 249 et 434.
953
Voy NGUYA-NDILA MALENGANA, Cours de droit international public, IIIe
graduat, Faculté de Droit, Université de Kinshasa, 1983-1984, pp. 93 et s.
954
C.P. J.I., Série B, n° 15, pp. 17-18, cité par SMETS (P. F.), Les traités
internationaux devant la section de législation du Conseil d’État, Bruxelles,
Bruylant, 1978, pp. 110-112.

479
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

États qui ont trouvé une solution constitutionnelle à cet éventuel


conflit. En effet, la Constitution du 18 février 2006 maintenant ainsi
une tradition assez bien établie et inspirée par la Constitution fran-
çaise du 4 octobre 1958 pose clairement que « les traités et accords
internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur pu-
blication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour
chaque traité ou accord de son application par l’autre partie ».955
On notera que ce texte comporte une réserve dite de réciprocité

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
qui écarte l’application automatique de la primauté du traité. Mais le
contrôle de l’application par l’autre partie ne peut être fait que par le
gouvernement, et lui seul est en mesure de soulever cette exception
devant le juge.
Ensuite, on peut se demander si ce texte a pour effet d’autoriser le
juge à préférer le traité à la loi postérieure contraire. Cette question,
discutée en doctrine et en jurisprudence françaises, a divisé ces deux
courants de pensée. En raison de la parenté génétique de la disposi-
tion constitutionnelle congolaise avec le droit français, retenons que
là comme ici on se base sur le fait que le juge n’a pas reçu de la
Constitution le pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois ni
la conformité des lois aux traités. Il est donc fait appel à la solution
traditionnelle de l’égalité de la loi et du traité en cette occurrence. 956
Mais on peut dire aussi que même lorsque la Constitution règle
expressis verbis la question de la primauté du traité, la loi antérieure
au traité n’est pas nécessairement abrogée ; mais son application est
simplement suspendue dans les dispositions contraires au traité en
vigueur ; de même les dispositions d’une loi postérieure au traité ne
pourraient mettre celui-ci en échec sans engager la responsabilité de
l’État.957

955
Voy article 215 de la Constitution du 18 février 2006.
956
Voy LUNDA-BULULU, La conclusion des traités en droit constitutionnel zaïrois.
Étude de droit international et de droit interne, Bruxelles, Bruylant, 1984, pp. 231-
232.
957
Pour prolonger la réflexion, lire KELSEN (H.), « La transformation du droit
international en droit interne », R.G.D.I.P., 1936 ; pp. 5-49 ; lire aussi, GERVAIS
(A.), « Constatations et réflexions sur l’attitude du juge administratif français à
l’égard du droit international », in AFDI, 1965, pp. 13-39.

480
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

S’agissant de l’application des traités par les juridictions, il


convient de noter que la règle constitutionnelle de la primauté du
traité sur la loi résout la question. Toutefois, il convient de noter
que les traités ont toujours fait partie des actes de gouvernement et
comme tels insusceptibles de contrôle devant le juge administratif.
Le juge judiciaire, en revanche, demeure maître de l’interprétation
du traité, ici interpréter étant une opération intellectuelle et habituelle
du juge consistant à déterminer le sens exact d’un acte juridique, à en

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
préciser la portée et à en éclairer les points obscurs et ambigus. Ainsi
l’interprétation judiciaire a-t-elle pris le pas sur l’interprétation au-
thentique de l’auteur de l’acte dans la plupart des systèmes natio-
naux.958
Interpréter un traité étant une opération délicate pour le juge qui
évite ainsi d’engager la responsabilité internationale de l’État par son
œuvre, la pratique suivie en République démocratique du Congo est
que les juges s’abstiennent d’interpréter directement le traité et de-
mandent un avis officiel à l’autorité gouvernementale compétente
pour conduire les relations extérieures et qui a la haute main sur
l’interprétation. 959
Si les choses semblent théoriquement simplement posées pour ce
qui est des traités internationaux, l’on peut affirmer en résumé que
le juge constitutionnel ne dispose pas directement du pouvoir de
contrôler la conformité des traités à la Constitution cependant par le
biais d’une loi d’application, il demeure compétent pour vérifier la
conformité de celle-ci à la Constitution.
Dans cette hypothèse, le traité joue le rôle d’écran entre la loi et
le texte fondamental.

958
MOSLER (H.), « L’application du droit international public par les tribunaux
nationaux », RCADI, 1957, tome 1, pp. 625-711.
959
Le droit congolais n’offre qu’un seul cas tout à fait pionnier qui est celui du
jugement rendu par une juridiction militaire à Songo-Mboyo car cette décision
est la première, à notre connaissance, à faire application d’un traité international
en l’occurrence le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et sans, au
demeurant, s’être référé à l’interprétation diplomatique du Ministère des affaires
étrangères. Si la règle est une norme de prudence, le juge n’est cependant pas
obligé de suivre ce procédé dans sa mission de dire le droit.

481
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Même si la loi exécute une volonté inconstitutionnelle contenue


dans un traité, le contrôle reste ouvert contre la loi pour violation de
la constitution car en effet, par ce biais détourné, le juge interprète le
traité et découvre les vices d’inconstitutionnalité qui l’infectent mais
il ne peut annuler le traité.
En déclarant, comme on le verra plus loin, la loi d’application
non conforme à la Constitution, le juge constitutionnel oblige le
pouvoir exécutif de renégocier le traité ou de modifier la Constitu-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
tion ; ce qui mobilise beaucoup trop d’énergies politiques.
Dans un tel système où chaque ordre de juridictions peut avoir sa
propre vision, il importe qu’une unification de jurisprudence
s’impose de même que les cas de déni de justice soient évités.
L’hypothèse est loin d’être théorique dans les pays qui ont connu la
dualité ou pluralité des ordres juridictionnels. La République démo-
cratique du Congo avait jusque-là évité cette question qui a la forme
géométrique de la quadrature du cercle. C’est la sempiternelle ques-
tion du règlement des juges.

§ 7. Le règlement des juges judiciaire et administratif


L’on peut d’emblée affirmer que la notion de règlement des juges
s’inscrit tout naturellement dans la logique de pluralité de juridic-
tions ou celles de spécialisation des juridictions. C’est dire que dans
le cadre de l’unité des juridictions stricte comme c’est le cas aux
États-Unis, il n’est pas envisageable de songer à une telle notion. Le
règlement des juges s’entend, aux dires de Raymond Guillien et Jean
Vincent, d’une procédure par laquelle, lorsque deux juridictions sont
saisies de la même affaire ou de deux affaires connexes, on peut ré-
gler le conflit de compétence.960
Le droit congolais n’étant pas isolé dans le système romano-
germanique dont il est issu, il importe de jeter un regard croisé dans
le pays dominant du système qui est la France avant de voir ce que

960
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes
juridiques, op. cit., p. 381, verbo : règlement de juges.

482
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

traditionnellement aura été la solution congolaise et de finir par des


propositions de lege ferenda.

A. Solution du droit comparé


La France présente la particularité d’avoir instauré deux ordres de
juridiction. Chacun de ces deux ordres est coiffé soit par le Conseil
d’État pour ce qui est des juridictions administratives soit par la
Cour de cassation pour ce qui est des juridictions judiciaires.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
Très vite, il s’est posé la question de la négation de compétence par
l’un et l’autre en même temps, soit celle de la déclaration de compé-
tence de tous les deux en même temps entraînant ainsi soit un déni
de justice soit une contrariété des décisions.
Dès lors, la question de règlement de juges devait être résolue.
Lorsque deux tribunaux se déclarent soit tous les deux incompé-
tents soit compétents, il y a manifestement conflit de compétence
qui se résout par le biais du règlement des juges.
Il suffit ici d’indiquer que ce type de conflit, en France, est de la
compétence, soit de la Cour de cassation, soit du Conseil d’État, soit
lorsque le conflit concerne ces derniers, du Tribunal des conflits.
Celui-ci exerce ses compétences de régulateur des compétences
entre les juridictions sans juger du fond sauf exception exceptionnel-
le portée par la loi du 20 avril 1922 dont le vote a été rendu nécessai-
re pour résoudre un cas concret, posé par un litige : l’affaire Rosay
qui a été, elle-même, la première application de la loi.961 Les détails
techniques sont fournis par la loi indiquée et par la doctrine françai-
se la plus autorisée.962
L’on peut retenir qu’au-delà de sa mission régulatrice des conflits
de compétence entre les deux cours suprêmes, le Tribunal des
conflits tient de la loi une mission de prévention de conflits.

961
POULET-GIBOT LECLERC (N.), Droit administratif, sources, moyens,
contrôles, 3e édition, Paris, Éditions Bréal, 2008, pp. 185-187.
962
CHAPUS (R.), Droit administratif général, tome 1, op. cit., pp. 989-1008.

483
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En effet, le décret du 25 juillet 1960 a ouvert aux juridictions sta-


tuant souverainement, et nommément au Conseil d’État et à la Cour
de cassation, le droit de renvoyer au Tribunal des conflits la résolu-
tion des questions de compétence « soulevant une difficulté sérieuse
et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judi-
ciaires ».963
Composé du Ministre de la Justice et d’une composition paritaire
(quatre Conseillers d’État et quatre Conseillers à la Cour de cassa-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
tion), le Tribunal des conflits semble n’avoir pas produit une juris-
prudence abondante tant sa saisine est aussi rare. Cette formule n’a
pas été celle adoptée par la République démocratique du Congo.

B. Solution traditionnelle en République démocratique


du Congo
Le droit congolais, dès l’installation de sa Cour suprême de justi-
ce, non seulement adoptait le système d’unité des juridictions mais
également confiait le règlement des juges à cette haute juridiction. La
Cour suprême de justice a donc traditionnellement rempli les fonc-
tions de régulatrice des compétences entre les différentes juridictions
qu’elle coiffait par ailleurs.
Dans cette occurrence, il est difficile d’affirmer qu’il s’agit d’un
véritable conflit de compétence des juridictions. La preuve : c’est
que le greffe de la Haute Cour n’a enregistré aucune affaire de rè-
glement des juges.
En revanche, le renvoi de juridiction selon la matière de chacune
des juridictions organisé par la loi autorisait la Cour suprême de jus-
tice de procéder par ce biais audit règlement.
De même, le pourvoi en cassation surtout dans l’intérêt de la
964
loi permettait toujours de corriger une déclaration simultanée ou
alternative de compétence d’une juridiction ou d’une autre. 965

963
Idem, p. 1007.
964
Article 36 de la procédure devant la Cour suprême de justice qui porte ce qui
suit : « Le procureur général de la République ne peut se pourvoir en toute cause
et nonobstant l’expiration des délais que sur injonction du commissaire d’État à

484
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Le futur législateur organique semble avoir résolument pris une


autre option en ce qui est du règlement des juges rejoignant ainsi le
droit français dans la logique mais non dans la structure et dans le
mode de fonctionnement.966

C. Proposition de lege ferenda


Le futur législateur organique dispose en effet dans les articles 57
à 60 de son projet que la Cour constitutionnelle ne statue en cette

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
matière que si un déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou de-
vant la Cour de cassation ou le Conseil d’État.
Les arrêts rendus par l’un ou l’autre doivent être transmis au Mi-
nistre de la Justice, pour information. Ce dernier par ailleurs dispose
du droit de saisir comme toute personne intéressée la Cour constitu-
tionnelle dans le délai de deux mois suivant la signification de la dé-
cision.
Il peut également le faire motu proprio ou sur demande de toute
personne ayant intérêt. La Haute Cour prend l’avis motivé de cha-
cun de deux ordres de juridictions. Nous approuvons cette option
qui est de nature à trancher définitivement la querelle relative à la
compétence mais en connaissance de cause.
Par contre, nous ne donnons guère nos suffrages aux dispositions
du projet de l’article 60 dans la mesure où il dispose que l’arrêt de

la Justice ou dans le seul intérêt de la loi. Dans ce dernier cas et, sous réserve de
ce qui est prévu à l’article 50, la décision de la Cour ne peut ni profiter ni nuire
aux parties.
Lorsque le procureur général de la République se pourvoit sur injonction du
commissaire d’État à la Justice, le greffier notifie ses réquisitions aux parties qui
peuvent se faire représenter à l’instance et y prendre des conclusions ».
965
Article 69 de la procédure devant la Cour suprême de justice qui dispose : « Il y a
lieu à règlement de juges lorsque deux ou plusieurs juridictions judiciaires
statuant en dernier ressort se déclarent compétentes pour connaître d’une même
demande mue entre les mêmes parties.
Le règlement de juges peut être demandé par requête de toutes parties à la cause
ou du Ministère public près l’une des juridictions concernées. La Cour suprême
de justice désigne souverainement la juridiction qui connaîtra de la cause. »
966
Voy projet de loi organique susmentionnée, p. 16.

485
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

règlement se limite à indiquer l’ordre de juridiction compétent sans


dire quel tribunal précisément. De ce point de vue, le texte actuel de
la procédure devant la Cour suprême de justice offre l’avantage de la
clarté en disant simplement que celle-ci désigne la juridiction qui
connaîtra de la cause.967
En raison de l’analphabétisme des usagers de la justice au Congo
et du caractère non obligatoire du ministère d’avocat devant la Cour
constitutionnelle adopté malheureusement jusque-là, il importe que

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
la haute juridiction indique plus précisément le juge compétent sans
se borner à montrer l’ordre des juridictions compétent. Il s’agit
d’une imprécision légistique du législateur qu’il faut absolument cor-
riger à cette étape car elle est susceptible d’engendrer d’autres diffi-
cultés de compétence à l’intérieur de l’ordre des juridictions dési-
gné.968
De même, nous ne comprenons pas pourquoi la juridiction de
l’ordre déclarée compétente serait saisie par la requête de la partie la
plus diligente.
S’agissant d’une procédure de caractère objectif et instituée dans
l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il est tout à fait
concevable d’appeler toutes les parties à cette instance et de rendre
ainsi un seul et même arrêt qui serait alors signifié automatiquement
à la juridiction désignée sans frais ni perte de temps.
La partie la plus diligente au Congo peut être un vieillard vivant à
deux mille kilomètres du siège de la Cour constitutionnelle et sachant
à peine de quoi il retourne. Ceci est d’autant vrai que le projet in fine
affirme que l’arrêt de règlement du conflit d’attribution lie l’ensemble
des ordres juridictionnels sur l’attribution de la compétence considé-
rée.

967
Lire article 69 in fine de l’ordonnance-loi n° 82/017 du 31 mars 1982 relative à la
procédure devant la Cour suprême de justice.
968
C’est l’occasion de suivre les judicieux conseils de légistique donnés par
MUKADI BONYI, Projet de constitution de la République démocratique du
Congo. Plaidoyer pour une relecture, Kinshasa, C.R.D.S., 2005. En effet, une
aporie linguistique peut mener à une impasse sociale. Ainsi donc, il est demandé
au législateur d’être prévenant en ce qui est de sa cohérence linguistique et de sa
rationalité à la fois praxéologique, axiologique et normative.

486
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Telle affirmation, l’on s’en doute, n’est juridiquement solide que


si la publicité en est faite. Ainsi, il est également utile que l’arrêt de
règlement non seulement soit signifié à chacun des ordres des juri-
dictions mais aussi et surtout publié au journal officiel pour son op-
posabilité erga omnes.
Ces quelques propositions de lege ferenda sont l’occasion de suivre
la marche de la Cour constitutionnelle surtout lorsqu’elle exerce des
attributions non proprement contentieuses comme la répression pé-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
nale des comportements déviants des plus hauts dirigeants du pays.

§ 8.La répression des infractions politiques dans le chef


du Chef de l’État et du Premier ministre
Il est de plus en plus admis que le régime pénal des plus hautes au-
torités du pays soit fixé dans la Constitution. C’est une tradition en
République démocratique du Congo, même si Auguste Mampuya
Kanunk’a Tshiabo s’inquiète que le constituant congolais du
18 février 2006 ait exercé un œil plus qu’averti sur le Chef de l’État
considéré ainsi comme un malpropre.969 Il y a, là, la part du poids de
l’histoire récente et la part du droit comparé qui poussent ainsi le
constituant à plus de vigilance.
L’instant du remords étant évanoui, il importe de s’interroger au-
tour de quatre questions essentielles qui sont autant des clefs pour
une intelligence complète du régime constitutionnel pénal du Chef
de l’État et du Premier ministre.
C’est le lieu de signifier que, par cet arsenal pénal constitutionnel,
le constituant congolais a fait l’économie des textes même si cette
matière pourrait très bien relever du législateur même ordinaire.
L’on peut comprendre sa réticence à confier telle matière au légi-
slateur dans le contexte de la transition d’après Sun City. En effet, il
ne serait pas dans les priorités du Chef de l’État ni dans celles du
Premier ministre de réglementer leur régime pénal et carcéral. Qui

969
Lire MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO (A.), Espoirs et déception de la quête
constitutionnelle congolaise. Clés pour comprendre le processus constitutionnel du
Congo-Kinshasa, Kinshasa, Nancy, AMA. Ed-BNC, 2005.

487
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ferait ceci serait imbu d’une très forte dose de suicide qui n’est pas
cependant une qualité politique.
Par ailleurs, il est aussi compréhensible que, sorti des sentiers
étroits de la dictature, le constituant congolais ait eu à cœur de tout
régir de la vie et de la mort du Chef de l’État aboutissant, à maints
égards, à une personnalisation du texte fondamental dont la survie
dépendra de l’épreuve du temps et surtout de la pratique institution-
nelle que le porteur du costume de la fonction présidentielle pourra

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instaurer. C’est le lieu de dire que, du fait de la fonction, certaines
personnes jouissent des immunités.
Le terme « immunité » peut, de manière générale, être défini
comme le droit de bénéficier d’une dérogation à la loi commune.
Elle pourra être qualifiée de constitutionnelle, lorsqu’elle trouvera
son fondement dans la Constitution.
Les immunités constitutionnelles revêtent, en principe, deux
formes. Il peut s’agir d’immunités de fond, par exemple au profit des
parlementaires pour les opinions ou les votes émis par eux dans
l’exercice de leurs fonctions ou au profit du Chef de l’État pour les
actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.
Il peut s’agir aussi d’immunités de procédure, qui peuvent elles-
mêmes se présenter sous différentes formes (privilèges de juridiction,
garanties procédurales particulières, etc.).
Les immunités prévues par la Constitution concernent en géné-
ral, trois catégories d’organes : le Chef de l’État, les membres du
Gouvernement et les membres du Parlement. L’approche de droit
comparé permet ici de réfléchir sur le point de savoir si le particula-
risme inhérent au régime des immunités et la part de dérogation aux
règles de droit commun qu’il comporte, conservent aujourd’hui des
justifications suffisamment solides.
Il conviendra également de s’interroger sur la compatibilité des ré-
gimes des immunités constitutionnelles avec les droits fondamentaux
garantis par les textes constitutionnels, afin de vérifier que le régime
des immunités ne soit pas une source d’impunité, allant à l’encontre
du principe de l’égalité de tous devant la loi.
La répression mérite d’être évaluée pour ses fonctions : catharsis,
elle l’est sans doute ; facteur de dissuasion pour l’avenir, elle l’est

488
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

probablement, encore que la haine lève les inhibitions qui pour-


raient résulter d’une sage peur du juge. Or, loin des terres yougosla-
ves, à propos desquelles a été créé le TPIY, et de Rome où a été
adoptée la Convention portant statut de la Cour Pénale Internatio-
nale, d’autres pratiques se sont développées.
Celles de l’Amérique latine ont tout d’abord été regardées avec
suspicion : un peuple a-t-il le droit de pardonner à ses bourreaux ? La
pratique de l’Afrique du Sud, celle de la Commission Vérité et Ré-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
conciliation, a recueilli plus de respect. L’idée que le tissu social
puisse être reconstruit à partir d’une élucidation du passé, articulée
avec une certaine sanction, mais ne débouchant pas nécessairement
sur la répression est de plus en plus avancée en post-conflit.
La restauration de l’État de droit dans des sociétés ayant connu de
violents conflits (armés ou non armés) pose de sérieuses difficultés
liées à l’incapacité – fréquente – du système pénal interne de faire
face aux poursuites nécessaires. Les violations massives des droits
fondamentaux de l’individu et les crimes commis durant ces périodes
troublées restent souvent impunis, laissant les victimes insatisfaites
et semant les germes d’un futur conflit.
Que le système judiciaire soit corrompu ou impuissant, il appa-
raît de plus en plus nécessaire de se tourner vers de nouvelles formes
de justice qui ne soient pas uniquement rétributives mais également
réhabilitatrices ou « restauratrices ».
La justice transitionnelle vise à apporter une réponse à ces nou-
veaux défis à travers la création de Commissions Vérité et Réconcilia-
tion. Initiées vers le milieu des années 1970 en Afrique, puis déve-
loppées dans les années 1980 en Amérique Latine, ces Commissions
Vérité et Réconciliation ont connu un développement remarquable
dans les années 1990 et concernent aujourd’hui, avec plus d’une
trentaine d’expériences, tous les continents de la planète. L’on peut
noter avec plus ou moins de bonheur que le recours à la justice tran-
sitionnelle est une tentative heureuse du peuple à se rendre justice en
tenant compte des impératifs catégoriques de paix et de réconcilia-
tion nationale.
Ce phénomène a dépassé le stade expérimental pour faire place à
un nouveau champ du droit de transition lequel est en phase

489
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d’émergence. L’autre axe de recherche vise donc à analyser ce phé-


nomène nouveau dans une perspective comparative et internationale
en cherchant notamment à comprendre l’articulation entre justice
pénale nationale et internationale et justice transitionnelle.
Ce champ d’étude a fait l’objet de recherches dans les milieux ju-
ridiques anglophones mais reste pratiquement inexploré dans le
monde juridique francophone. Le but de la recherche vise non seu-
lement à faire connaître l’existence de cette nouvelle forme de justice

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
mais également à rechercher les axes fondamentaux communs aux
différentes expériences mises en place.
Ce sujet n’est pas strictement juridique et fait appel à une appro-
che multidisciplinaire impliquant notamment des sociologues, an-
thropologues, politistes, philosophes… La structuration juridique de
cette forme de justice reste toutefois fondamentale pour assurer son
succès et éviter que ne se reproduisent les erreurs passées. La recher-
che se veut donc à la fois théorique et pratique. Elle implique une
réflexion sur le sens de la justice en période de transition. Elle impli-
que également et impliquera encore des recherches de terrain. Cette
tendance doctrinale devra mobiliser nos meilleures énergies intellec-
tuelles pour tenter un essai de systématisation théorique susceptible
d’engendrer ou d’asseoir la théorie africaine de la justice.
Pour comprendre à fond ce régime, voyons à présent la première
question qui est celle relative à la nature des infractions visées.

A. Problème de la nature des infractions visées


La lecture des infractions portées par la Constitution à charge du
président de la République et du Premier ministre donne à voir que
deux catégories d’infractions sont prévues par la loi fondamentale
pour l’occasion transformée en norme de comportement répressif.
En effet, il y a, d’une part, les infractions purement politiques, les
infractions de droit commun d’autre part ainsi que les infractions
que l’on nommerait mixtes dans la mesure où reliées aux autorités
politiques elles s’agrégeraient pour ainsi dire une nature politique
par accession.
Procédons par l’énumération avant d’en trouver la justification.

490
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Avec Raphael Nyabirungu Mwene Songa retenons qu’est politique


l’infraction dont l’auteur ou le but recherché est politique.970
Ainsi donc, serait politique par nature une infraction comme
l’attentat à la vie du chef de l’État car le but recherché est manifes-
tement politique : le renversement des institutions politiques. En
effet, l’on ne tue pas un chef de l’État pour prendre sa femme ou sa
voiture. Le but recherché est donc un critère d’une simplicité quasi
biblique ; cependant, lors de la commission de tels actes il est tou-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
jours possible que le ou les infracteurs soient des politiques ou de
simples sujets. Le critère de l’auteur de l’infraction proposée par une
certaine doctrine971 n’emporte qu’une approbation mitigée de notre
part.
Toutefois au-delà de ces infractions politiques par nature, il existe
le catalogue impressionnant des incriminations prévues et punies par
le livre second du code pénal congolais. Il y faut y ajouter les autres
infractions portées par des lois complémentaires et particulières. El-
les recouvrent la qualification générique des infractions de droit
commun. Il est possible aussi que les infractions militaires soient en
cette occurrence à mettre sous la catégorie d’infractions de droit
commun. En effet, vis-à-vis des infractions politiques, les infractions
militaires rentrent dans la catégorie de droit commun.
Au-delà de cette summa divisio, il existe ce que l’on nommerait
volontiers les infractions mixtes. Il s’agit, en effet, de celles que
commettrait un auteur non politique dans le champ politique. Il est
entendu que le comptable public qui aide le Premier ministre ou le
Chef de l’État à faire des faux en écritures destinées à justifier des
malversations financières faisant l’objet d’une motion de censure à
l’Assemblée nationale, non seulement commet un faux en écritures
publiques de droit commun mais il reste susceptible d’être poursuivi
comme coauteur de l’infraction politique d’atteinte à la probité.
La question de la nature politique semble avoir quitté les rivages
de la doctrine pour être définitivement réglé par le constituant. En

970
NYABIRUNGU MWENE SONGA, Traité de droit pénal zaïrois, Kinshasa,
Éditions DES, 1989, pp. 186-188.
971
Idem, p. 187.

491
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

effet, serait politique l’infraction qualifiée telle par le constituant au


regard des dispositions de l’article 164 de la Constitution.
Ainsi donc, sont politiques les infractions de haute trahison,
d’outrage au parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité et les
délits d’initié. Les infractions de droit commun commises à
l’occasion ou dans l’exercice de leurs fonctions empruntent cepen-
dant la nature politique par accession et rendent leurs auteurs justi-
ciables devant la Cour constitutionnelle.972

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
La question qui demeure est que s’agissant des infractions de droit
commun qui serait commises par le chef de l’État ou le Premier mi-
nistre, il faudra non seulement les assimiler à des infractions politi-
ques dans la mesure où elles concernent des institutions ou des auto-
rités les plus élevées de l’État mais surtout se soumettre à la mise en
accusation prévue par l’article 166 de la Constitution.
Par son vote renforcé, et la forme de la décision qui est une réso-
lution du parlement siégeant en congrès, la disposition relative à ce
mécanisme de poursuites et de mise en accusation risque d’être long-
temps lettre morte. En effet, ces mécanismes constitutionnels sont
ceux qui exigent une culture politique non partisane pour leur exé-
cution. Comment d’ailleurs les mettre en mouvement dans un cadre
procédural où la poursuite éventuelle du président de la République
est nécessairement perçue comme une trahison sinon une tentative
de coup d’État par le clan opposé à ce dernier ? À cet égard, le droit
constitutionnel pénal congolais risque fort bien de demeurer un
droit de décoration et rejoindre ainsi les institutions de mimétisme
institutionnel qui constituent des fausses fenêtres dont parle J.-V.
Djelo Empenge Osako.
Faute d’étudier les infractions de droit commun qui font l’objet
des développements savants de brillants pénalistes,973 il est utile
d’aborder ici les seules infractions politiques érigées par le consti-
tuant de 2006.

972
Lire article 164 de la Constitution.
973
NYABIRUNGU mwene SONGA, op. cit., 375 p. ; LIKULIA BOLONGO,
Droit pénal spécial, op. cit., 555 p.

492
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

B. Les éléments constitutifs des infractions constitutionnelles


prévues
Ici, l’on va tenter de procéder à la manière de pénalistes pour res-
sortir les éléments matériels avant les éléments intentionnels,
l’élément légal étant le texte constitutionnel.
Ainsi, le constituant incrimine les comportements constitutifs de
haute trahison. Il y a haute trahison lorsque le président de la Répu-

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blique a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou
le Premier ministre sont reconnus auteurs, coauteurs ou complices
de violations graves et caractérisées des droits de l’homme, de ces-
sion d’une partie du territoire national.
En systématisant, l’on remarque sans peine que les éléments maté-
riels sont constitués dans la violation intentionnelle de la Constitu-
tion, la violation grave et caractérisée des droits de l’homme et la ces-
sion d’une partie du territoire national. Chacun de ces trois éléments
matériels appelle un commentaire de notre part.
Si la violation de la Constitution est une affaire de constat par le
juge constitutionnel éventuellement saisi en interprétation, ou sta-
tuant comme juge répressif et se trouvant là devant une question
préalable de savoir s’il y a violation intentionnelle de la Constitu-
tion, cette question sera toujours une question de fait laissée à la seu-
le appréciation souveraine du juge constitutionnel.
En effet, à partir de quel élément peut-on inférer qu’une violation
est devenue intentionnelle ? Le juge scrutera les intentions, à notre
avis, en recourant au contexte de la violation et aux antécédents po-
litiques du pays.
L’écriture constitutionnelle semble inférer que seul le président
de la République demeure responsable de la réalisation de la haute
trahison par cette modalité de violation intentionnelle de la Consti-
tution, le Premier ministre ne pouvant être poursuivi que comme
auteur, coauteur ou complice de violations graves et caractérisées de
droits de l’homme et de cession d’une partie du territoire national.
Là aussi, les violations graves et caractérisées des droits de
l’homme sont d’une vacuité inadmissible dans un texte incrimina-
teur. Les violations de droits de l’homme deviennent-elles graves et

493
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

caractérisées lorsqu’elles constituent des crimes relevant du statut de


Rome de la Cour pénale internationale c’est-à-dire les crimes de
guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide ?
Aliis verbis, qu’est-ce qu’une violation grave et caractérisée de
droits de l’homme ? C’est finalement une question de fait que devra
résoudre le juge constitutionnel répressif. En revanche, la répétition
et l’ampleur seraient des critères plus ou moins fiables pour indiquer
au juge les caractères grave et caractérisé de la violation incriminée.

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Par ailleurs, la Constitution prévoyant la cession d’une partie du ter-
ritoire national974, il faut entendre donc par cet élément constitutif la
seule cession frauduleuse du territoire national.
En second lieu, il y a l’infraction politique d’atteinte à l’honneur
ou à la probité. Cette infraction se réalise en deux temps : primo,
lorsqu’il y a comportement contraire aux bonnes mœurs ; secundo,
lorsque les autorités publiques visées sont reconnues responsables de
malversations, de corruption ou d’enrichissement illicite.
Ces deux éléments constitutifs posent problème tant l’énoncé in-
criminateur est trop général. En effet, le comportement personnel du
chef de l’État ou du Premier ministre doit être contraire aux bonnes
mœurs. La notion de bonnes mœurs est d’une relativité qui est à la
fois contextuelle, historique et géographique. L’incrimination n’étant
pas précise dans son énoncé, elle pose en effet le problème précis de sa
rationalité praxéologique. Telle disposition perd en efficacité norma-
tive tant elle ne règle pas de manière claire les questions de son conte-
nu.
La seconde modalité de commission de cette infraction pose pro-
blème également car elle postule en effet que les auteurs présumés
doivent avoir été au préalable convaincus de malversations, de cor-
ruption ou d’enrichissement illicite pour être ensuite poursuivis et
jugés pour atteinte à l’honneur.
Telle formulation fait double emploi : un chef de l’État ou un
Premier ministre convaincus des infractions visées à l’alinéa 2 de
l’article 165 ne peut plus être chef de l’État car aux termes de

974
Lire l’article 214, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.

494
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

l’article 167 alinéa 1er, il aura été déchu de ses fonctions empêchant
ainsi la réalisation de cette infraction qui exige que son auteur soit
chef de l’État ou Premier ministre.975
En troisième lieu, il y a l’infraction de délit d’initié qui exige les
éléments constitutifs suivants : être président de la République ou
Premier ministre, effectuer des opérations sur valeurs immobilières
ou sur marchandises à l’égard desquelles l’on possède des informa-
tions privilégiées et tirer profit avant la divulgation desdites infor-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324057
mations au public.
Il en est de même de l’achat des actions ou de la vente des actions
fondés sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux
actionnaires. Ces éléments constitutifs n’appellent guère de commen-
taire particulier sauf à remarquer qu’il s’agit de la mise en œuvre de la
disposition de l’article 96 de la Constitution qui établit une incompa-
tibilité des fonctions absolue dans le chef du président de la Républi-
que976 alors que pour le Premier ministre, une incompatibilité plus ou
moins relative est établie à l’égard de toutes les fonctions à l’exception
des activités agricoles, artisanales, culturelles, d’enseignement et de
recherche.977
Le constituant ne semble pas permettre que le Chef de l’État sur-
tout ait une quelconque activité professionnelle, même pas une fer-
me puisqu’elle constituerait une activité agricole permise unique-
ment aux membres du gouvernement.
En quatrième lieu, il y a enfin l’infraction d’outrage au Parle-
ment. Elle vise les éléments constitutifs suivants : être Premier mi-
nistre, recevoir des questions posées par l’une ou l’autre chambre du
Parlement relativement à l’activité gouvernementale et ne pas ré-
pondre dans un délai de trente jours. C’est sans commentaire
l’infraction la plus caractéristique du droit constitutionnel congolais
car elle vise à obliger le Premier ministre à répondre aux questions
des autres représentants de la Nation.

975
Article 167 de la Constitution du 18 février 2006.
976
Article 96 de la Constitution.
977
Article 97 de la Constitution.

495
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Curieuse chose, s’il en fut ; car, le Premier ministre étant


l’émanation de la majorité parlementaire, celle-ci aura du mal à li-
vrer son élu aux gémonies d’une minorité politique en proie à des
fortes frustrations pour n’avoir pas reçu de réponse dans le délai.
Les éléments intentionnels ainsi que l’on l’a vu sont de l’ordre du
dol spécial. En effet, l’infracteur doit avoir eu conscience qu’il
commet une interdiction comportementale prévue par la constitu-
tion et avoir choisi de le faire quand même. Ce catalogue

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
d’infractions pose aussi le problème pénal de la sanction comminée
contre les auteurs des faits punissables.

C. Problématique de la sanction pénale


Le constituant ayant choisi de poser des normes comme législa-
teur pénal, il eut fallu aller jusqu’au bout de sa logique en portant
des sanctions pénales à chaque incrimination. Il semble qu’il n’a por-
té que la seule sanction de déchéance des fonctions comme peine ac-
cessoire à la condamnation. À défaut des règles plus spéciales, l’on
est autorisé à penser que les autres normes de droit pénal ordinaire
jouent ici aussi en faveur des prévenus de la Cour constitutionnelle.
L’on peut observer déjà que contrairement à l’usage établi les infrac-
tions qui sont portées par la loi fondamentale seront comminées des
peines prévues par une loi organique.
En fin de compte, le législateur organise devra comminer des pei-
nes à chacun des comportements incriminés par le constituant. Le
régime pénitentiaire devrait être également fixé par la même loi pour
faire économie de temps et de texte. La condamnation du président
de la République ou celle du Premier ministre peut donner lieu à la
condamnation des personnes qui seraient coauteurs ou complices
avec ces hauts dirigeants du pays. Cette condamnation pose une au-
tre problématique qu’il faut étudier ici.

D. Le privilège de juridiction et le double degré de


juridiction : violation de l’article 61 de la Constitution ?
Le privilège de juridiction, de tout temps, a été l’apanage des plus
hautes autorités du pays. Il a été dit et ressassé que ce privilège n’en
était pas un tant le principe demeure l’égalité des citoyens devant la

496
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

justice. Il a été également avancé que ledit privilège était établi pour
protéger le juge contre les influences dont il pourrait être l’objet de
la part des justiciables les plus fortunés ou ceux occupant les premiè-
res places dans la Cité. L’argumentation a fait des émules et même le
constituant semble s’être rangé de ce côté-là.
La question surgit brusquement lorsque l’on sait que les arrêts de
la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours alors
que l’article 61 de la Constitution range le droit de recours parmi les

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droits indérogeables des citoyens. Il se pose la question théorique des
deux normes constitutionnelles contradictoires.
En d’autres termes, il se posera la question de la constitutionnalité
de la loi organique sur la Cour constitutionnelle lorsque celle-ci re-
prenant la disposition constitutionnelle affirmera écarter le droit de
recours contre les arrêts de cette haute juridiction. Par le biais de la
théorie de la loi-écran, la Cour pourrait très bien décréter
l’inconstitutionnalité de cette disposition légale. Elle aura donc le
choix entre privilégier l’article 61 de la Constitution si elle est pro-
gressiste en matière des droits de l’homme ou plus conservatrice,
s’accrocher à l’article 168 de manière viscérale.
La seconde hypothèse semble plus réaliste car elle vise à asseoir
l’autorité de la Cour constitutionnelle qu’elle ne saurait raisonnable-
ment saper elle-même. Au demeurant, telle est la logique d’ensemble
du système de justice constitutionnelle instauré dans le pays et qui est
dans le modèle européen que l’on a vu plus loin.
Le problème ainsi posé se posera chaque fois qu’un justiciable or-
dinaire suivra le Chef de l’État ou le Premier ministre devant la Cour
constitutionnelle par le mécanisme de la participation criminelle. Ce
pauvre justiciable sera condamné de manière irrémédiable sans une
seule possibilité de recours pourtant reconnu à tous les autres ci-
toyens. Loin d’être une question de constitutionnalité, c’est l’égalité
des citoyens devant la justice qui est rompue et qui entraîne une inco-
hérence systémique.
Il n’est pas exclu de lege ferenda d’observer qu’il est possible
d’organiser à l’intérieur de la Cour constitutionnelle une chambre

497
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d’appel pour concilier l’article 61 et les dispositions de l’article 168


susmentionné.
Telle formule est en marche devant la justice pénale internationa-
le.978 Ainsi, si les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont pas sus-
ceptibles de recours devant une autre instance, ils demeurent néan-
moins réformables par elle-même.
La formule consisterait à introduire des recours devant la Cour
siégeant in plenum alors qu’au premier degré, elle siégerait en forma-

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tion restreinte. Il s’agit d’une anomalie qu’il faut extirper du système
de justice politique de la République démocratique du Congo com-
me celle qui concerne les arrêts de la Haute Cour militaire congolai-
se.

§ 9.Le contrôle de constitutionnalité des arrêts de la


Haute Cour militaire : une anomalie de l’article 83,
alinéa 3 du code judiciaire militaire ?
Après avoir posé en son article 76 du code judicaire militaire de
2002 le principe de la surséance et de renvoi préjudiciel au profit de
la Cour constitutionnelle, le législateur militaire, comme pris de ver-
tige, crée une situation insolite en droit congolais : il pose le principe
d’un contrôle de constitutionnalité des arrêts de la Haute Cour mili-
taire. Par quelle modalité la Cour constitutionnelle se saisirait-elle
d’un tel contrôle ?
Jean-Louis Esambo Kangashe dans sa thèse défendue devant la fa-
culté de Droit de Panthéon-Sorbonne opine que « l’analyse approfon-
die des actes soumis au contrôle du juge constitutionnel congolais in-
cite à soutenir que ce contrôle ne s’exerce pas uniquement aux seuls
actes obligatoires énumérés dans la Constitution.
Le constituant et la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant
code judiciaire militaire élargit l’intervention du juge constitutionnel
à d’autres actes non expressément déterminés par la Constitution.

978
Lire notamment le traité de Rome sur la Cour pénale internationale, Codes
Larcier RDC, tome 2, Matières pénales, Bruxelles, Larcier, 2002.

498
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Cette thèse est affirmée par la récente jurisprudence de la Cour su-


prême de justice laquelle autorise le juge constitutionnel à contrôler
les actes d’assemblée. Le courage et l’audace du juge constitutionnel
congolais l’ont amené à assurer la suprématie de la règle constitution-
nelle sur toute autre norme ».979
De notre point de vue, il s’agit d’affirmer que l’arrêt de la Haute
Cour Militaire en tant qu’œuvre juridictionnelle reste soumis à la
voie de recours extraordinaire de cassation conformément à

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l’article 153, alinéa 2 in fine de la Constitution du 18 février 2006.
Et en tant que voie de recours, la cassation ouvre sur la Constitu-
tion comme norme de référence pour son admissibilité. Ainsi, une
réconciliation peut être faite entre l’article 76 du même code judi-
ciaire militaire qui prévoit la surséance lorsqu’une exception
d’inconstitutionnalité a été soulevée avec le fameux article 83, ali-
néa 3 du même code qui cite expressément le contrôle de constitu-
tionnalité des décisions juridictionnelles.
Cette interprétation nous semble plus cohérente avec le système
de justice constitutionnelle adopté par le constituant congolais. Au
cas contraire, il se créerait à coup sûr une anomalie dans le système
qui ne reconnaît en principe de compétence au juge constitutionnel
que contre les actes législatifs et réglementaires au vœu du texte
constitutionnel mais qui, par voie d’une loi ordinaire même spéciale
comme l’est le code judicaire militaire, rendrait le même juge com-
pétent à l’égard des actes juridictionnels que Jean-Louis Esambo
Kangashe qualifie de spéciaux. 980
Enfin des comptes, ce chapitre aura été le plus long de cette étude
tant son caractère hautement technique a exigé des développements
plus étendus. En effet, la question de la compétence du juge constitu-
tionnel, vue dans les détails comme nous venons de l’examiner, re-

979
ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La constitution du 18 février 2006 à l’épreuve du
constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, thèse de droit public,
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Université de Kinshasa, 17 juin 2009,
p. 286.
980
Idem, p. 286.

499
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

vient à poser le problème de la place de ce juge dans le système poli-


tique congolais.
S’il a autant d’attributions constitutionnelles et parfois même légis-
latives, c’est que véritablement le pouvoir politique congolais a consi-
déré dans son architecture institutionnelle la centralité du juge consti-
tutionnel qui devra, s’il est efficace, occuper les premières marches de
l’édifice État de droit. En effet, la disposition de l’article 1er de la
Constitution actuelle du pays semble conforter cette thèse en posant

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de manière on ne peut plus volontariste que « la République démocra-
tique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un État de
droit… »981
Cette proclamation de foi n’aura de pertinence au regard de
l’efficacité du système de justice constitutionnelle mise en place que
grâce au courage des juges, à leur audace quelques fois, et comme
tous les juges constitutionnels souvent, à leur timidité. Cette marche
d’horloge est à la mesure de l’œuvre juridictionnelle qui a pour am-
bition de brider l’un des pouvoirs d’État les plus puissants : le pou-
voir exécutif.982
En effet, la transformation des régimes politiques modernes va
dans le sens de la prédominance de l’exécutif.983 Les lois sont de plus
en plus d’origine gouvernementale de sorte que censurer une loi
équivaut à contester le gouvernement qui fait porter seulement le
projet par sa majorité parlementaire. Cette inféodation du législatif à

981
Lire article 1er de la Constitution du 18 février 2006.
982
Lire ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 2006
à l’épreuve du constitutionnalisme, op. cit., p. 234 qui va dans ce sens en opinant
que « Ces questions ont fait l’objet d’amples développements. On insistera sur le
contrôle de la constitutionnalité des lois et l’encadrement juridictionnel du
pouvoir. Bien exercé par la Cour constitutionnelle, le contrôle de la
constitutionnalité des lois pourra jouer un rôle éducatif dans le chef des
gouvernants et des gouvernés. Ceux-ci sont tenus au respect de la Constitution.
Le constituant a fait de la Cour constitutionnelle le juge pénal du président de la
République et du Premier ministre. L’exercice sans entrave de cette compétence
est susceptible d’accréditer l’idée de l’émergence en République démocratique du
Congo d’une nouvelle branche du droit constitutionnel : le droit pénal
constitutionnel ».
983
Dans ce sens, TURPIN (D.), Droit constitutionnel, op. cit., p. 456.

500
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

l’exécutif rend de plus en plus vitale la présence de l’arbitre constitu-


tionnel du jeu politique : la Cour constitutionnelle.
Mais pour que le juge lui-même ne devienne un danger public, une
sorte d’automate brisant la beauté du jeu politique ou imprimant des
accélérations indues là où l’intérêt de l’État commanderait une mar-
che plus pesante, il faut brider l’enthousiasme zélé du juge constitu-
tionnel en enserrant son activité dans des règles de procédure aussi
simples que claires. C’est ce que nous allons voir au chapitre suivant.

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501
502
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LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

CHAPITREIII :
PROCÉDURE DEVANT LE JUGE
CONSTITUTIONNEL

La procédure est comme tout juriste le sait la clef de voûte d’un


système juridictionnel. En effet, sans procédure expressément pré-
vue dans la loi, les velléités dictatoriales qui sommeillent dans cha-

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que juge pourraient bien lui dicter des énormités. Aussi, le législa-
teur a-t-il arrêté dans le cadre de ce système une procédure à suivre
tant pour saisir le juge que pour exécuter les décisions qu’il aura au
départ rendues.
Il s’agira donc ici d’étudier dans un premier moment les recours
organisés devant le juge constitutionnel en ce qui est de la procédure
juridictionnelle et dans un second mouvement, les conditions de re-
cevabilité et de mise en état de la cause devant ce juge.
Voyons dès lors en détail comment s’organise la saisine du juge
constitutionnel dans les différentes matières dont il doit connaitre en
tant qu’il exerce sa fonction juridictionnelle.

Section 1 : LES RECOURS DEVANT LE JUGE


CONSTITUTIONNEL
Le constituant congolais a prévu dans les dispositions pertinen-
984
tes de la Constitution du 18 février 2006 un certain nombre des
compétences qui nécessitent pour leur exercice par la Haute Cour
une saisine particulière. C’est cette saisine que la doctrine qualifie
d’ensemble d’actes de procédure pour porter un litige devant le juge
qui fera l’objet des paragraphes qui suivent. Par ailleurs, chacun de
paragraphes traitera un mode de saisine relatif à une matière de la
compétence de la Haute Cour précédemment étudiée.
Commençons par le nœud gordien du contentieux constitutionnel
qui est le contrôle de constitutionnalité des lois.

984
Lire spécialement les articles 160 à 167 de la Constitution du 18 février 2006.

503
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

§ 1. En matière de contrôle de constitutionnalité des lois


Deux hypothèses sont susceptibles de survenir en cette matière,
soit qu’il s’agit d’une action directe en inconstitutionnalité, soit qu’il
s’agit alors d’un incident d’inconstitutionnalité soulevé à l’occasion
d’une instance ordinaire devant un juge non constitutionnel. Nous
envisageons ici les deux hypothèses et nous y consacrons deux
points suivants.

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A. Cas de l’action en inconstitutionnalité
L’hypothèse de l’action en inconstitutionnalité est couverte par
les dispositions de l’article 162, alinéa 2 de la Constitution. En outre,
elle recouvre deux occurrences, celle du contrôle a priori et celle du
contrôle à posteriori.

1. Hypothèse du contrôle a priori


Le contrôle de constitutionnalité étant ouvert contre les lois et les
règlements dont nous avons parlé au chapitre précédent, le consti-
tuant a réservé l’initiative du contrôle a priori aux seules autorités
publiques, écartant ainsi les particuliers du cercle des personnes qua-
lifiées pour saisir le juge constitutionnel. En effet, s’agit des actes ju-
ridiques en chantier, il est plus logique que ce soient les autorités po-
litiques elles-mêmes au courant de ces textes en chantier qui soient
habilitées à en empêcher la naissance juridique.
Il en est ainsi des lois organiques qui sont obligatoirement soumises
au contrôle de la Cour constitutionnelle avant leur promulgation, sur
pied de l’article 160 ; alinéa 2 de la Constitution. La saisine dans cette
occurrence est l’œuvre du président de la République auquel le tertio
de l’article 124 de la Constitution confère cette compétence. Lorsqu’il
s’agit du règlement intérieur des chambres parlementaires ou du
Congrès, la saisine revient au président de la chambre concernée ou,
en ce qui est du congrès, à son président. Il en est de même des règle-
ments des autorités administratives indépendantes que nous avons
analysées au chapitre précédent.
Il est également possible au regard de notre ordonnancement ju-
ridique que les lois ordinaires puissent également faire l’objet d’un

504
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

contrôle a priori. En effet, aux termes de l’article 160, alinéa 3 de la


Constitution, les lois peuvent être déférées avant leur promulgation
par le président de la République, le Premier ministre, le président
de l’Assemblée nationale, le président du Sénat ou le dixième des dé-
putés ou des sénateurs.
Dans toutes ces occurrences, la saisine appartient aux autorités
politiques qualifiées qui doivent agir par voie de requête en inconsti-
tutionnalité. Il n’est pas indifférent de remarquer que cette possibili-

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té d’empêcher la loi de naitre juridiquement est une arme politique
dont la minorité dans les chambres ne peut s’interdire l’usage. Le
droit public congolais connait déjà un cas qui a malheureusement
abouti à une décision d’irrecevabilité. C’est le RConst 06/TSR du
24 mars 2004.
En date du 11 mars 2004, les honorables députés Kazadi Nansha-
bolowa, Jean Mubanga Kabobela, Alphonse Lupumba Kamanda,
Bruno Mukadi et Flory Sekelay ont sollicité l’examen de la confor-
mité à la Constitution de la Transition de la loi portant organisation
et fonctionnement des partis politiques.
Enrôlée sous R.Const.06/TSR, la requête du 23 décembre 2003
émanant d’une poignée des parlementaires a donné lieu à un arrêt de
principe de la Cour Suprême de Justice, qu’il convient de commenter
avant de donner notre position.
Le mode de saisine pratiqué par les parlementaires n’appelle nul-
lement de commentaires particuliers dans la mesure où ils ont agi
par voie de requête prévue à l’article 131 de la Constitution de la
transition.
L’étude de cet arrêt présente néanmoins un intérêt majeur car il
s’agit du premier antécédent jurisprudentiel du recours formé par les
députés contre une loi dont ils n’ont pu empêcher l’adoption au ni-
veau de l’Assemblée Nationale.
De ce point de vue, l’on peut apprécier l’efficacité de ce moyen de
contrôle exercé par une minorité politique pendant la période de
transition. La logique caporaliste des composantes semble émasculer
l’efficacité d’une telle procédure.

505
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il reste à voir si cette requête a répondu aux exigences de forme et


de fond portées par l’Ordonnance-loi relative à la procédure devant
la Cour suprême de justice.
Dans son arrêt R.CONST. 06/TSR du 24 mars 2004, la Cour Su-
prême de Justice relève que « s’agissant de la recevabilité du recours en
appréciation de la conformité d’une loi à la constitution, l’article 131 de
cette loi fondamentale pose deux conditions aux députés désireux
d’engager cette procédure, à savoir :

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– Le recours doit être formé par un nombre de députés au moins
égal au dixième des membres de l’Assemblée Nationale
– Le recours doit être introduit dans le délai de six jours francs qui
suivent son adoption définitive.
Elle constate en outre que dans l’espèce examinée, « aucune de ces
deux conditions n’a été respectée » en ce que d’une part, « le recours du
11 mars a été introduit au-delà de six jours francs fixés par l’article 131
de la Constitution, et qu’il a été signé d’autre part par cinq députés sur
les cinq cent que comprend l’Assemblée Nationale ».

Aussi, la Haute Cour, toutes sections réunies et siégeant en ma-


tière d’appréciation de la conformité des lois à la constitution, a-t-
elle déclaré irrecevable le recours introduit par les requérants pour
non respect des conditions fixées par l’article 131 de la Constitution
du 4 avril 2003.
L’article 131 de la Constitution du 4 avril 2003 dispose que « la
Cour Suprême de Justice peut être saisie d’un recours visant à faire
déclarer une loi non conforme à la Constitution de la Transition no-
tamment par un nombre de députés au moins égal au dixième des
membres de l’Assemblée Nationale, dans les six jours francs qui sui-
vent son adoption définitive ».
De cette disposition, il découle que tout recours soumis à
l’appréciation de la Cour en cette matière, doit répondre aux trois
conditions non alternatives suivantes, à savoir : la signature du re-
cours par un dixième au moins des membres de l’Assemblée Natio-
nale ; l’adoption définitive d’une loi par l’Assemblée Nationale et le
respect du délai de six jours francs courant à partir de l’adoption de
loi.

506
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Dans l’espèce examinée, il ressort qu’aucune de ces conditions n’a


été respectée par les représentants, et que c’est à bon droit que la
Cour Suprême de Justice a décrété l’irrecevabilité de la susdite re-
quête.985
L’examen de ce cas nous a permis de relever que dans l’arrêt
R.Const 06/TSR, la Cour Suprême de Justice a été autant rigoureuse
qu’impartiale. Il faut préciser d’emblée que les notions de courage et
de vertu ressortissent du langage moral. Mais la justice n’est-elle pas

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finalement une question éthique ? La symbolique de la justice n’est-
elle pas deux plateaux soutenus au milieu par un glaive, c’est-à-dire le
fait et le droit soutenus par la puissance publique (l’imperium) ?
Lorsqu’au mépris de cette logique de justice le droit est dit, il n’est
pas rare de constater qu’il est contesté et méprisé, à son tour, per-
dant ainsi son caractère normatif au seul profit de son apparat auto-
ritaire.986
Nous ne pouvons pas perdre de vue aussi un aspect pratique sus-
ceptible de constituer une tentative d’explication rationnelle de cet
état de choses.
En effet, il n’est pas inutile de constater que la quasi-totalité de
nos hauts magistrats sont des juristes de haut niveau œuvrant depuis
vingt-cinq ans, en moyenne, dans le domaine de droit privé et judi-
ciaire sans avoir eu à trancher des matières de droit public du reste
rares devant les juridictions inférieures dont ils proviennent.
Nous avons ailleurs dit que ce cas est symptomatique de la situa-
tion politique qui prévalait lors de la transition politique d’après Sun
City. Et c’est le paradoxe de base du contentieux constitutionnel :
les horreurs engendrent le développement de la justice constitution-
nelle.987

985
Arrêt inédit.
986
L’autorité est en effet une des caractéristiques de la loi mais l’adhésion est une
constante dans l’histoire qui fait de la loi une œuvre commune des gouvernants
et des gouvernés.
987
Lire KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel et du juge
administratif suprême en droit public congolais, op. cit., Kinshasa, Éditions
Eucalyptus, 2007.

507
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

2. Occurrence du contrôle à posteriori


La survenance de cette occurrence postule que la loi a été votée et
promulguée par le Chef de l’État alors qu’elle est infectée des vices
d’inconstitutionnalité. Dans ce cas, toute personne détient le droit
de saisine vis-à-vis des lois déjà étudiées qu’elles soient organiques ou
ordinaires, dans la mesure où elles renferment un vice
d’inconstitutionnalité. 988
Ainsi, il est permis à toute personne de droit public ou de droit

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privé, physique ou morale, de saisir le juge par voie de requête. Si-
gnalons que le contrôle a priori qu’une autorité publique aurait ini-
tié devant la Haute Cour ne la rend pas inapte à saisir de nouveau la
même juridiction car en effet, la déclaration de conformité d’une loi
organique ne joue pas au titre d’autorité de la chose jugée.
L’explication rationnelle est qu’agissant sans litige, la Cour constitu-
tionnelle ne fait pas œuvre de juge, elle agit en revanche au titre
d’autorité constituée dans un processus législatif prévu par la Consti-
tution.

B. Cas de l’exception d’inconstitutionnalité


Cette hypothèse est celle prévue par les dispositions de l’alinéa 3
de l’article 162 de la Constitution. Elle n’appelle guère de commen-
taire particulier sauf à remarquer que la juridiction par devant la-
quelle est soulevée une exception d’inconstitutionnalité n’a d’autre
ressources juridiques que la surséance à statuer, toutes affaires ces-
santes. La question d’exception concerne une personne qui est partie
à un procès et qui se voit appliquer une loi qu’elle juge inconstitu-
tionnelle.989

988
Le terme « actes législatifs » utilisé à l’article 162 de la Constitution du 18 février
2006 n’est pas de nature à introduire des distinctions entre les diverses formes de
loi. Il importe seulement au regard du critère formel qu’il s’agisse d’un acte
législatif, c’est-à-dire d’une manifestation de volonté législative émanant du
législateur, ordinaire ou d’exception, exprimée dans la forme et dans les
conditions prévues par la Constitution.
989
Lire AVRIL (P.) et GICQUEL (J.), Lexique de droit constitutionnel, 7e édition
corrigée, Paris, PUF, 1998, p. 57, v° Exception d’inconstitutionnalité.

508
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

C’est ici le lieu de mentionner la problématique juridique que sou-


lève l’énoncé constitutionnel sur l’exception d’inconstitutionnalité. En
effet, en limitant l’exception d’inconstitutionnalité à la personne
concernée par une affaire, le constituant semble donc écarter toute in-
tervention volontaire des tiers.
En d’autres termes, une personne non partie à l’instance n’a au-
cune qualité pour soulever cette exception. Or, en matière civile et
administrative, par exemple, l’intervention volontaire comme la

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tierce-opposition sont permises de sorte que des tiers plus ou moins
intéressés ont le droit aussi de soulever cette exception. 990
Il ne pourrait en aller autrement dans la mesure où il n’est pas
inutile d’observer que l’exception d’inconstitutionnalité engendre
un contentieux objectif contre la loi ou l’acte réglementaire dont la
nullité est ainsi sollicitée.
Le régime congolais de l’exception d’inconstitutionnalité qui
fonctionne par renvoi préjudiciel porte une spécificité : non seule-
ment que le texte trouvé et déclaré inconstitutionnel ne peut être
comme partout ailleurs appliqué à la partie exceptionnelle mais aussi
et surtout le texte constitutionnel postule que la Cour constitution-
nelle statue et rend un arrêt définitif sur cet incident. 991
L’on peut de même observer que par la longueur des délais de
prononcé et la chicane parfois non justifiée des plaideurs, l’on serait
amené à considérer l’exception d’inconstitutionnalité comme une
sorte d’arme fatale désorientant les plaideurs sur le sort de la ques-
tion principale. Le destin de cette mécanique procédurale tient sans
conteste au respect strict du délai de trente jours992 fixé par le projet
de loi organique.993

990
Voir articles 80 du code de procédure civile et 84 de la procédure devant la Cour
suprême de justice.
991
Saisie par avant dire droit, la Cour constitutionnelle rend en effet un arrêt qui
sera définitif sur incident vis-à-vis des parties à l’instance principale qui aura
entretemps été suspendue.
992
Lire article 160, alinéa 4, de la Constitution.
993
Lire 50 du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement de la
Cour constitutionnelle, inédit.

509
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Pour résumer, par voie d’exception, la Haute Cour est saisie non
d’une requête mais plutôt d’un jugement ou arrêt avant dire droit
ordonnant à la fois la surséance de l’examen de la question principale
et renvoyant la question de constitutionnalité à la connaissance de la
Cour constitutionnelle.994

§ 2. En matière d’interprétation de la Constitution


En cette matière, il a été déjà dit que seules les autorités politiques

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qualifiées par le constituant pouvaient saisir la Haute Cour pour ob-
tenir son interprétation. Sont ainsi seuls qualifiés le président de la
République, le gouvernement, le président du Sénat, le président de
l’Assemblée nationale, un dixième des membres de chacune des
Chambres parlementaires, des Gouverneurs de province et des pré-
sidents des assemblées provinciales. L’on note donc une saisine limi-
tée par rapport à celle qui est largement ouverte en matière de cons-
titutionnalité des actes législatifs et réglementaires.
L’on peut raisonnablement ajouter à cette liste, les cours et tribu-
naux qui peuvent en prenant des décisions avant-dire droit de renvoi
solliciter par là même l’interprétation de la Constitution comme
œuvre naturelle du juge appelé à appliquer une norme juridique qui
doit échapper à l’ambigüité et à l’obscurité. Par cette voie incidente,
une certitude s’évince : les juridictions peuvent saisir la Cour consti-
tutionnelle en interprétation de la Constitution.
L’intérêt de l’interprétation réside dans le fait évident que les au-
torités politiques étant chargées d’appliquer la Constitution sont
amenées à en solliciter l’interprétation en cas d’obscurité ou de di-
vergence d’opinions. C’est le lieu d’observer que c’est à travers cette
technique d’interprétation que les politiques ont vite fait de propo-
ser leurs débats à la censure du juge constitutionnel le transformant
du coup en une pièce maîtresse du jeu politique.
Cette situation est à la fois délicate et resplendissante pour le juge
constitutionnel car en effet il prend des couleurs politiques avec le ris-
que évident de discrédit mais en même temps sa parole, son obiter dic-

994
Lire article 162, alinéa 4, de la Constitution.

510
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

tum revêt la force d’une parole d’évangile qu’aucun homme politique


ne négligerait dans ses joutes oratoires considérées comme arme du
combat politique. Pendant la transition, de telles divergences ont
conduit une de ces autorités suprêmes à saisir la Cour suprême de jus-
tice faisant alors office de Cour constitutionnelle notamment en ma-
tière d’organisation du pouvoir politique.

A. L’organisation du pouvoir politique

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La jurisprudence congolaise indique que de tels cas ont eu lieu.995
Soulignons déjà avec Jean-Louis Esambo Kangashe, que « dans un État
de droit, la suprématie constitutionnelle suppose l’élaboration d’un
arsenal législatif de contrôle de la constitutionnalité des actes juridiques
des gouvernants. Le principe de constitutionnelle est contraire à la pra-
tique de duplication institutionnelle et à d’empiétement des pouvoirs.
Elle s’appuie sur le contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes
ayant valeur de lois mais également sur la conformité à la Constitution
des actes législatifs, administratifs ou juridictionnels996. Le respect des
règles établies par la Constitution y joue le rôle de premier plan.
Le principe de constitutionnalité implique qu’en vertu du princi-
pe de parallélisme de forme et de procédure, seule une loi constitu-
tionnelle peut modifier la Constitution997. L’existence d’une justice
constitutionnelle dont les décisions obligent les gouvernants et les
gouvernés a fait dire à Louis Favoreu, que « sans la justice constitu-
tionnelle, la Constitution risque d’apparaître comme un recueil ou

995
CSJ, R. Const. 28/TSR, Requête en interprétation des articles 99, 102, 105 et 108 de
la Constitution de la transition, 24 février 2006 (inédit), six feuillets. Pour le texte
soumis au contrôle, lire la Loi n° 05/023 du 19 décembre 2005 portant amnistie
pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion, in JORDC., n° spécial,
28 décembre 2005, pp. 1-3.
996
KAMUKUNY MUKINAY NGAL (A.), De l’effectivité du contrôle, op. cit., p. 9.
997
Tel n’a pas été le cas en République démocratique du Congo où le Décret-loi
constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 relatif à l’organisation et à l’exercice
pouvoir en République démocratique du Congo a été modifié par un texte qui
portait initialement l’intitulé de décret-loi avant d’être publié au Journal Officiel
sous la dénomination du Décret-loi constitutionnel n° 074 du 28 mai 1998.Lire
dans ce sens, ESAMBO KANGASHE (J.-L.), Le texte de la Constitution de
transition, op. cit.. p. 355.

511
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

un simple programme politique, à la rigueur moralement obligatoi-


re »998.
L’existence constitutionnelle d’une Cour constitutionnelle n’est
pas à notre avis une condition nécessaire et suffisante pour que
s’impose le principe de constitutionnalité. Ce qui importe, c’est que
la garantie que la suprématie constitutionnelle ne se limite pas aux
seules incantations, aux prières et louanges pour se situer dans le ter-
rain du concret.

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Conçu depuis la fin du XVIIIe siècle, le principe de constitutionnali-
té ne s’est développé que tardivement. En Europe, son affirmation
peut être située à partir de la seconde moitié du XXe siècle. En Afrique,
il ne date pas d’avant les indépendances et particulièrement avant les
années 1990. Ce retard pourrait se justifier par le caractère quasi per-
manent du débat entre défenseurs et adversaires de la légalité et de la
constitutionnalité. En France, on relève que bien que proclamé dans la
Constitution, la suprématie constitutionnelle a pris du retard pour être
ancrée dans les mœurs politiques999. Il y subsistait encore une attache
au légicentrisme qui consacre le règne de la loi placée au centre de
l’ordonnancement juridique.
Cette position a été largement véhiculée dans beaucoup de pays
africains. La République démocratique du Congo ne fait pas exception.
Dans ce pays, on peut affirmer qu’avec la concentration des pouvoirs
entre les mains du président de la République, la violation de la Cons-
titution est devenue la règle et sa protection l’exception. Comme la
probabilité de sanctionner toute violation de la Constitution a été for-
tement réduite, la suprématie constitutionnelle semble avoir emprunté
la voie des hypothèses sinon des hypothèques.
Il s’en suit qu’après une longue période d’atermoiements, l’idée
de renforcer la légalité constitutionnelle dans la gestion des affaires
publiques est apparue avec les travaux de la conférence nationale
souveraine. Celle-ci a levé l’option de confier à trois juridictions dis-
tinctes, les attributions jusque-là exercées par la Cour suprême de
justice.

998
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, op. cit.. p. 142.
999
FAVOREU (L.) et Alii, Droit constitutionnel, op. cit.. p. 143.

512
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

L’option levée par le constituant congolais se justifie lors de la sor-


tie du peuple d’un moment historique marqué par une confiscation
des libertés individuelles. Le mouvement constitutionnaliste se caracté-
rise notamment par la limitation du pouvoir que l’on décèle à
l’énumération plus qu’exhaustive des libertés fondamentales.
La démarche n’a pas abouti immédiatement. La raison est que les
prescriptions constitutionnelles n’ont pas toujours été respectées.
Instituée par la Constitution, la Cour constitutionnelle doit être en

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mesure d’assurer et de rassurer la fonctionnalité d’un État soumis au
droit. De même, par une interprétation correcte de la Constitution,
la protection des droits de l’Homme et des libertés publiques ou la
résolution de tout litige né de sa saisine, cette juridiction favorisera
l’encadrement du pouvoir ».1000

B. Les droits et libertés fondamentaux


L’interprétation dont il s’agit à ce point de l’étude est celle qui
consiste en la saisine principale du juge constitutionnel. Il reste ce-
pendant que le juge constitutionnel, du fait que sa norme de référen-
ce essentielle se trouve être la Constitution ne peut statuer sur les
matières de sa compétence sans procéder ne fût-ce qu’implicitement
à l’interprétation voire à la réinterprétation de la norme constitu-
tionnelle. Il faut préciser qu’interpréter la norme, c’est l’appliquer à
un cas d’espèce, c’est subsumer le fait sous une catégorie juridique.
L’on devine en effet l’intérêt sans cesse croissant que
l’interprétation de la norme fondamentale en matière des libertés pu-
bliques peut avoir sur le développement des libertés fondamentales.
L’on voit du reste de ce point de vue un tâtonnement jurispru-
dentiel qui fait dire à certains auteurs que la Cour suprême de justice
fait une valse à plusieurs temps.1001

1000
ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 2006 à
l’épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et perspectives, thèse de
droit public, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 17 juin 2009, pp. 232-233.
1001
CSJ, arrêt Kapuku, R. Const 051 du 31 juillet 2007 ; CSJ, arrêt Cibalonza, R.
Const 062 du 27 décembre 2007, CSJ, arrêt Makila, mai 2009, inédits.

513
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Pour éviter cette valse de mauvais aloi entre une affirmation des
droits du citoyen1002 et leur négation sous les formes d’évitement1003 les
plus horribles, il importe que le juge recoure davantage à une interpré-
tation qui prenne en charge les libertés publiques comme la partie es-
sentielle du droit constitutionnel qu’il est chargé d’appliquer. Il s’en
suit que la technique d’interprétation se trouve même au centre de la
fonction du juge constitutionnel.
Aussi, pour déclarer qu’une loi est ou non-conforme à la Consti-

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tution, le juge doit-il déterminer avec exactitude le sens de la loi
contestée et la signification correcte du principe constitutionnel qui
aura été violé.
Dans le contentieux constitutionnel, « s’affrontent trois types
d’interprétations de la loi : celle faite par le législateur, celle donnée
par le requérant et l’interprétation du juge. Pour ce dernier,
l’interprétation consiste en une opération intellectuelle inhérente à sa
fonction et un instrument nécessaire à l’exercice de ses charges »1004.
Il faut se garder de considérer que le juge dispose de toutes les re-
cettes pour découvrir le mystère caché dans le texte. Ce mystère est,
à vrai dire, loin d’être complètement levé ou vidé par le juge. Le tex-
te reste à jamais inépuisable par l’interprétation du juge.
Pour tout dire, l’interprétation du juge constitutionnel ne peut être
« qu’un moment de l’histoire du texte qui continue à vivre et donc à
pouvoir être le support, plus tard, d’autres interprétations »1005.
Le recours à des méthodes spécifiques, telle celle de l’interprétation
neutralisante, voire la prosopopée, est révélatrice de la sollicitude, et
pour tout dire de pleine réussite du juge constitutionnel1006.

1002
Les deux premiers arrêts marquent le droit congolais des libertés publiques en
protégeant le droit de la défense tandis que le dernier arrêt rentre dans la
catégorie de ceux que NGONDANKOY ea LOONGHYA appelle avec raison
des arrêts sur commande tant leur qualité intellectuelle n’inspire guère le respect.
1003
La stratégie d’évitement est celle qui consiste entre autres à déclarer un recours
irrecevable pour ne plus voir le problème juridique qu’il pose ou plutôt de
déclarer tout recours non fondé sans trouver une base de raisonnement qui soit
logique et juridiquement cohérent.
1004
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op. cit.., p. 145.
1005
Idem, p. 147.

514
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

L’interprétation peut ainsi se rapporter aux principes à valeur


constitutionnelle.

C. La place des principes généraux à valeur


constitutionnelle
La problématique s’est posée en droit français et a donné lieu à
une forte littérature : la place des principes généraux à valeur consti-

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tutionnelle. Cette question est d’intérêt théorique car elle postule
que le juge constitutionnel peut être amené à établir une hiérarchie
entre principes constitutionnels.
En d’autres termes, existerait-il des principes généraux à valeur
constitutionnelle qui s’imposeraient au juge même en cas d’autres
principes constitutionnels écrits ? La question est loin d’être théori-
que parce que finalement elle a déjà donné lieu à la théorie de la su-
praconstitutionnalité.1007 Elle se rattache idéologiquement à la doc-
trine du droit naturel.
Cette théorie postule en effet que le droit positif quelle que soit
son autorité doit se soumettre au droit naturel saisi comme un en-
semble des valeurs transcendantales et supérieures donc à la volonté
constituante. Ainsi la vie serait supérieure à tout prescrit constitu-
tionnel dans la mesure où le constituant ne fait que l’organiser sans
jamais la créer.
Dès lors, en cas de conflit entre deux normes à valeur axiologique
différente, il faut trancher en faveur de la norme qui ressortit de la
valeur supérieure. Du point de vue du droit positif, telle formulation
est de nature à poser problème car le juge ne saurait impunément
s’ériger en censeur moral alors qu’aucun catalogue desdites valeurs
transcendantales ne lui est guère présenté. Il pourrait le créer lui-
même avec le risque que l’étendue et la qualité desdites valeurs dé-
pendraient largement de la subjectivité du juge lui-même.

1006
GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit., p. 720.
1007
Ibidem.

515
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’on ne peut manquer de constater avec amertume que le risque


est immense de quitter l’arbitraire de la majorité politique pour celui
d’une minorité judiciaire.
Aussi, est-il utile que le juge reste soumis aux seules valeurs consi-
gnées dans le texte fondamental avec l’interprétation que le consti-
tuant leur accorde dans les travaux préparatoires mais sous les lu-
mières bienveillantes d’une « idée de droit » progressiste.
Disons tout de suite ou rappelons qu’il s’agit là du vrai rôle de la

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Haute juridiction. Il serait complètement aberrant qu’un juge consti-
tutionnel donne l’impression d’inventer un droit au mépris de toute
rationalité, en faisant fi de la Constitution et de son contenu.
Juge constitutionnel, il porte bien son nom ; il doit veiller à ce
que le législateur tout en exprimant la volonté générale de la nation,
ne le fasse que dans le respect de la Constitution. Pas plus, d’ailleurs,
qu’il ne doit donner l’impression de régler des litiges à visage juridi-
que sur fond politique, des litiges voisins de ceux qui opposent des
particuliers où une solution du juste milieu peut les satisfaire pour
éviter celle où apparaissent un vainqueur et un vaincu.
Dans le contentieux constitutionnel ou, si l’on préfère la justice
constitutionnelle, ce ne sont jamais deux parties en litige, mais il y a
toujours, d’un côté, le législateur et, de l’autre, la Constitution. Le
rôle du juge constitutionnel, c’est de vérifier si le législateur n’a pas
outrepassé les limites tracées par le constituant.
Quelle utilité aurait la constitution si ses principes n’étaient que
des vœux pieux à l’adresse d’un législateur fort de sa légitimité sou-
veraine ? Là est toute la philosophie dont se nourrit la loi organique
de cette haute instance. Parce qu’elle intervient pour mettre en ap-
plication un article de la Constitution, elle doit, avant sa promulga-
tion, impérativement passer sous l’œil vigilant du juge constitution-
nel auquel il revient de dire si certaines de ses dispositions sont ou ne
sont pas contraires aux règles, principes et préceptes contenus dans
le texte le plus élevé dans la hiérarchie juridique, la Charte fonda-
mentale.
En paraphrasant Kelsen, on dira que si la loi est une création du
droit vis-à-vis du règlement, elle se présente comme une application
du droit vis-à-vis de la Constitution ; de ce fait, la vérification de sa

516
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

régularité doit se fonder sur le rapport d’un degré inférieur à un de-


gré supérieur de l’ordre juridique.
À la suite du même grand juriste, père fondateur du contrôle de la
constitutionnalité des lois en Europe, on ajoutera que cette corres-
pondance constitue le fondement de l’existence des garanties de la
Constitution qui sont considérées comme garanties de la régularité
des règles immédiatement subordonnées à la Constitution, c’est-à-
dire, essentiellement, des garanties de la constitutionnalité des lois.

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Constitutionnalité ! Voilà le terme magique auquel il faut resti-
tuer l’importance qui est la sienne et reconnaître l’étendue qui le ca-
ractérise ! Signifie-t-il uniquement le contenu purement formel de la
Constitution ou doit-il intégrer tout ce qui s’y rattache comme prin-
cipes et règles auxquels le texte constitutionnel fait référence ?
Notre Constitution, comme du reste la plupart des constitutions
du monde pour ne pas dire toutes, contient un ensemble de référen-
tiels qui complètent tout ce qu’elle proclame expressément. Naturel-
lement, ces référentiels varient d’un pays à un autre.
Ici, cela peut être l’attachement aux droits de l’homme tels qu’ils
sont universellement reconnus, ailleurs, cela peut être l’attachement
aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels
qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 etc. Ici, l’État peut être
laïc, ailleurs, il peut être musulman ou chrétien. Ici, cela peut être la
souscription aux principes, droits et obligations découlant des chartes
des organismes internationaux dont l’État est membre, ailleurs, cela
peut être la proclamation comme particulièrement nécessaires à notre
temps de principes politiques, économiques et sociaux.
Bref, et pour ne pas déborder l’objet de la présente analyse, dans
sa mission, le juge constitutionnel est un créateur de droits, de nor-
mes juridiques et, plus simplement, du droit à partir de la Constitu-
tion et surtout de son esprit et des principes ainsi que les valeurs
dont elle est tissée ou qui coulent des textes auxquels elle fait réfé-
rence. La constitutionnalité d’un texte de loi organique ou autre, ne
réside pas seulement dans sa conformité à ce qui est expressément
énoncé dans les seuls articles de la Constitution, mais à ce qui trans-
paraît au travers de ses dispositions et se manifeste dans la trame de
ses lignes.

517
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Elle s’apprécie au regard de ce qui constitue le bloc de constitu-


tionnalité.
En droit congolais cependant, il importe de souligner qu’il
n’existe pas de principes généraux à valeur constitutionnelle, catégo-
rie juridique créée par le Conseil constitutionnel français pour régler
la question du bloc de constitutionnalité qui se posait en France du
fait de l’absence d’une proclamation des libertés publiques dans le
texte même de la constitution.

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Telle n’est pas la situation du droit congolais qui proclame invaria-
blement le caractère constitutionnel des libertés fondamentales dans
ses textes constitutionnels. La même constance est observée en matiè-
re des traités internationaux.

§ 3.En matière de recours en conformité des traités et


accords internationaux
La procédure en matière de saisine du juge en cas de recherche de
conformité d’un traité international ou même d’un accord sous for-
me simplifiée est perçue sous l’angle de la pratique diplomatique
alors que la pratique jurisprudentielle est d’une sécheresse quasi lé-
gendaire. L’explication légendaire est que fort longtemps il a été dé-
cidé que les traités internationaux échappaient au contrôle du juge
avec la conséquence que l’exécutif à travers les organes habilités à
engager l’État vis-à-vis d’autres puissances souveraines reste le seul
habilité non seulement à négocier et à ratifier lesdits accords mais
aussi à les interpréter.

A. Pratique diplomatique de la République démocratique


du Congo
Le droit congolais ne semble guère fourmiller d’exemples de saisine
juridictionnelle en matière de traités internationaux. La pratique qui
s’observe est celle de saisir, de la part du juge qui traite de la question
sollicitant l’application d’un traité international, le ministère des affai-
res étrangères en vue d’obtenir la seule interprétation officielle et au-
thentique de l’État congolais. Les raisons en ont été exposées plus
loin.

518
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Cette pratique qui est constante tranche avec l’application quasi


existante des normes internationales par le juge congolais.

B. Pratique jurisprudentielle
La jurisprudence indique un seul cas où le traité international a
été appliqué donc interprété par le juge sans qu’il se soit référé au
ministère des affaires étrangères. Le juge du tribunal de garnison de
Songo Mboyo, dans la Province de l’Equateur, a appliqué en effet le

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statut de Rome de la Cour pénale internationale comme de droit in-
terne conformément à l’article 153, alinéa 4, de la Constitution.
S’agissant de la Cour constitutionnelle, Marcel Wetsh’Okonda
opine qu’« il résulte de ce qui précède que, faute de base juridique, la
Cour constitutionnelle est incompétente en matière de constitution-
nalité des conventions internationales encore qu’elle est habilitée,
avant la ratification des conventions internationales, à la demande du
président de la République, du Premier ministre, du président de
l’Assemblée nationale, du président du Sénat ou d’un dixième du Sé-
nat, à examiner la conformité à la constitution desdites conventions.
Dans le cas contraire, la ratification est subordonnée à une révision
préalable de la constitution. Une fois ratifiées, les conventions inter-
nationales en tant que telles échappent au contrôle de constitutionna-
lité. Ne peuvent dès lors être censurés par la cour constitutionnelle
que les actes détachables en l’occurrence le décret de ratification d’une
part et la loi d’autorisation de la ratification d’autre part.
Dans l’hypothèse d’une ratification d’une convention internationale
comportant des dispositions déclarées inconstitutionnelles en l’absence
d’une révision constitutionnelle préalable, le décret de ratification peut
bien être annulé par la Cour constitutionnelle à la suite d’une requête
en inconstitutionnalité ou simplement écartée à la suite d’une exception
d’inconstitutionnalité.
La conséquence en est que les conventions en cause ne pourront
recevoir application sur le plan interne, ce qui peut avoir pour effet
d’entraîner la responsabilité internationale de l’État. En revanche, il
n’est pas sans intérêt de le souligner, ces irrégularités qui peuvent

519
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

entacher la procédure de ratification des traités internationaux au


plan interne n’auront aucun effet dans l’ordre international 1008.
Ce raisonnement reste également valable dans le cas d’une ratifica-
tion en l’absence d’une habilitation législative ou d’un référendum
constitutionnel lorsque l’une de ces formalités est requise. Il peut éga-
lement arriver que la loi d’habilitation en vertu de laquelle la ratifica-
tion est intervenue n’ait pas été adoptée conformément à la procédure
parlementaire, ce qui peut donner lieu à son annulation par la cour

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constitutionnelle.
Comme dans les autres cas, la ratification peut en souffrir et
l’application des conventions en cause entravée avec toutes les
conséquences qui peuvent en résulter au plan de la responsabilité
internationale de l’État1009.
En définitive, la Cour constitutionnelle est incompétente pour
connaître de la constitutionnalité des conventions internationales en
tant que telles comme du caractère self executing des conventions in-
ternationales mais elle est compétente pour connaître, par voie
d’action ou d’exception, de la régularité de la ratification des mêmes
conventions internationales, ce qui revient à un contrôle indirect de
la constitutionnalité des traités internationaux.
Ce contrôle peut porter sur la loi d’autorisation de la ratification
ou le décret de ratification, lesquels sont des actes détachables soumis
au principe de légalité sensu lata1010.
Tel n’est pas le cas lors du scrutin notamment référendaire.

1008
LOCHAK (D.), op. cit., pp. 60-63.
1009
Lire à ce sujet, CC, 80-116, DC, 17 juillet 1980, Convention franco-allemande
d’entraide judiciaire, BREILLAT (D.), Libertés publiques et droits de la personne
humaine, Paris, Gualino éditeur, 2003, p. 172.
1010
Lire l’article de WETSH’OKONDA KOSO SENGA (M.), « La compétence des
juridictions congolaises en matière d’examen des conditions d’application des traités
internationaux relatifs aux droits de l’homme », Revue du Barreau de
Kinshasa/Gombe, n° 03/2009, Kinshasa, 2009.

520
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

§ 4. En matière de contentieux électoral et référendaire


Le contentieux électoral et référendaire comme nous l’avons vu
plus haut donne lieu à la saisine du juge constitutionnel pour ce qui
est des élections présidentielles et législatives nationales. La contesta-
tion est portée devant le juge constitutionnel par voie d’une requête
initiée par le candidat à l’élection contestée, son parti politique ou
son regroupement lorsqu’il s’agit d’un scrutin de liste.1011

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Le candidat indépendant reste parfaitement libre de signer sa pro-
pre requête sans avoir à recourir aux services parfois controversés des
partis et autres regroupements politiques.1012
Les arrêts Patcho Panda et Serge Amuri ont indiqué que le même
parti politique pouvait, au gré des intérêts souvent peu définis au
départ de ceux qui le dirigent, signer des multiples requêtes à intro-
duire devant la Haute Cour entraînant ainsi une cacophonie qui
était à la base du contentieux électoral congolais 1013.
La jurisprudence a parfois admis le recours en rectification
d’erreur matérielle, avant de recevoir et de refuser finalement le re-
cours en tierce-opposition donnant ainsi l’impression bien malheu-
reuse que le juge constitutionnel de transition n’était pas au fait des
questions de droit qui lui étaient soumises.
Ces arrêts « sur commande »1014 furent néanmoins, au nom de la
sécurité juridique et surtout de la « jeune » démocratie naissante en
République démocratique du Congo, acceptés par l’Assemblée na-
tionale non sans quelque amertume justifiée. Mais quelles sont ob-
jectivement les conditions de recevabilité que doit réunir une requê-
te devant le juge constitutionnel ?

1011
C’est le cas en droit congolais au regard de l’article 73 de la loi dite électorale
susmentionnée.
1012
Le cas particuliers des regroupements politiques sera étudié plus loin.
1013
Il est arrivé qu’une même question de droit ait trouvé une solution divergente
selon la chambre de la Cour suprême de justice qui la traitait et parfois, chose
curieuse, selon les juges d’une même chambre autrement composés.
1014
L’expression est de Paul-Gaspard NGONDANKOY NKOY ea LOONGHYA
dans sa thèse précitée.

521
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Section 2 : LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ


ET DE MISE EN ÉTAT DE LA CAUSE
L’étude des conditions de recevabilité et de mise en état de la cause
ainsi introduite par voie de requête est d’une importance procédurale
capitale. En effet, une chose est d’avoir le droit d’agir, une autre est
toutefois le respect de la marche à suivre pour faire sanctionner la
méconnaissance d’une violation de ce droit. C’est ainsi qu’au-delà de
l’affirmation constitutionnelle du droit de chacun d’agir en inconsti-

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tutionnalité contre les actes législatifs et réglementaires, il doit exister
des mécanismes particuliers pour faire sanctionner judiciairement
ledit droit.1015
En droit judicaire ordinaire, il est reconnu quatre conditions de
recevabilité des actions en justice qui sont : la qualité, l’intérêt, la
cause et l’objet de l’action. Ainsi, une action qui est la manifestation
juridictionnelle d’un droit doit également être mue par une person-
ne pourvue de la qualité, de l’intérêt à agir et son action doit abso-
lument porter à la fois sur un objet licite et posséder une cause légi-
time.1016 Dès lors, la théorie générale des actions en justice ne semble
guère rencontrer le prescrit constitutionnel et les conditions de rece-
vabilité des requêtes prévues par les lois régissant la matière. 1017
C’est ce que nous allons voir en analysant d’abord les conditions
applicables à toutes les requêtes quelle que soit l’origine de leurs au-
teurs, ensuite une approche particulière sera opérée à propos de la
requête en contentieux constitutionnel. Nous clôturerons la section
avec une vue d’ensemble de la matière de mise en état de la cause.

1015
Article 162 de la Constitution.
1016
Lire avec profit RUBBENS (A.), Droit judiciaire privé, Kinshasa, PUZ, 1979.
1017
Il s’agit de la loi portant procédure devant la Cour suprême de justice du 31 mars
1982 déjà citée ainsi que la proposition de loi organique relative à la Cour
constitutionnelle.

522
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

§ 1.Les conditions générales de recevabilité de la requête


devant le juge constitutionnel
Ici, il est question d’une sorte de théorie générale de la recevabili-
té de la requête devant la Cour suprême de justice faisant office de
Cour constitutionnelle transitoire.
L’intelligence de cette théorie générale est utile à la saisie intellec-
tuelle de la suite des questions procédurales qui émaillent le conten-

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tieux constitutionnel. En effet, bon nombre d’arrêts rendus en ma-
tière constitutionnelle ont consacré l’irrecevabilité des actions don-
nant ainsi l’impression – comment ne pas le dire – que la Cour su-
prême de justice évitait des questions politiques d’une brulante ac-
tualité.
En réalité, la connaissance de cette question aurait évité aux ac-
teurs politiques, auteurs de saisine souvent controversée, de recourir
aux armes de combat de rue s’ils avaient une connaissance parfaite de
ces conditions. Nul n’est censé ignorer la loi, dit un adage. Tout le
monde aujourd’hui sait comment tout le monde ignore la loi : celle-
ci ou plutôt les nombreuses lois étant devenues l’affaire des profes-
sionnels. Cette introduction nous invite à voir de près les détails de
la question.

A. De la forme de la demande
Le droit congolais positif se contente d’indiquer la requête comme
mode de saisine du juge constitutionnel. Ainsi, tout autre exploit de
justice qui ne serait pas une requête devra aboutir à l’irrecevabilité
devant la Cour constitutionnelle.1018
En effet, la requête, contrairement à d’autres exploits saisissant les
juridictions en République démocratique du Congo, a la particularité
d’être un acte unilatéral de la partie adressé à une juridiction pour
trancher les prétentions de fait et de droit qui y sont contenues.
Ainsi, elle se différencie nettement de l’assignation qui est enten-
due comme un acte du greffier, dressé à la demande d’une partie,

1018
RUBBENS (A.), op. cit., p. 235.

523
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

adressé à une juridiction et portant des prétentions contradictoires


vis-à-vis d’une autre partie1019.
Selon l’article 1er de la procédure devant la Cour Suprême de Jus-
tice, celle-ci est saisie par voie de requête ou de réquisitoire du Minis-
tère Public déposé au greffe.
La loi impose que la requête introduite soit signée par un Avocat
inscrit au Barreau près la Cour suprême de justice, sauf en matière
administrative ou si elle est l’œuvre du Ministère Public. Celle-ci est

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datée1020.
Sans être formaliste, la justice constitutionnelle gagnerait aussi en
clarté en admettant la forme épistolaire comme étant équipollente à
la requête. En effet, le Chef de l’État ou toute autre autorité publi-
que qualifiée par la constitution peut bien saisir la Haute Cour en lui
adressant une lettre.
Du reste, il nous parait évident que c’est la forme que la pratique
institutionnelle semble imposer. Celle-ci vaudra donc requête. De
plus, la qualification de requête rejaillit davantage des mentions
qu’elle doit contenir plutôt que de sa dénomination, du reste, non
obligatoire.

B. Des mentions obligatoires de la requête


La requête doit obligatoirement et, sous peine de nullité, men-
tionner : le nom, éventuellement les prénoms, la qualité et demeure
ou siège de la partie requérante ; l’objet de la demande ; les noms,
prénoms, qualité et demeure ou siège de la partie adverse et
l’inventaire des pièces formant le dossier1021.
Nous pensons que ces mentions obligatoires seront d’emblée ré-
introduites dans la future loi organique relative à la Cour constitu-
tionnelle car elles procèdent tout naturellement de la logique judi-
ciaire qu’impose le contentieux constitutionnel. Comment en effet,
introduire un recours constitutionnel sans indiquer les mentions qui

1019
Ibidem.
1020
Article 3 de la procédure devant la Cour suprême de justice.
1021
Lire l’article 2, alinéa 3de la procédure devant la Cour suprême de justice.

524
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

viennent d’être énumérées. La requête qui contient ces éléments est


recevable, de ce point de vue, mais elle appelle en réponse un mé-
moire émanant du défendeur à l’action dont l’étude s’impose égale-
ment.

C. Des éléments du mémoire


Pour être recevable, le mémoire doit être signé par un Avocat
inscrit au Barreau près la Cour Suprême de Justice, sauf en matière

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administrative ou s’il émane du Ministère Public. Ce mémoire est
daté et comporte les mentions ci-après : les noms et prénoms, éven-
tuellement, la qualité et la demeure ou le siège de la partie concluan-
te ; les moyens complémentaires à la requête ou les exceptions et les
moyens opposés à la requête et aux mémoires ; les références du rôle
d’inscription de la cause et ; l’inventaire des pièces format le dossier
au greffe1022.
Les éléments du mémoire constituent, à n’en point douter, le
contenu tandis que le mémoire lui-même joue le rôle de contenant
surtout que la procédure devant la Haute Cour est écrite et accessoi-
rement orale. Cette exigence ressort implicitement de la lecture de
l’article 93 de la proposition de loi organique relative à la Cour cons-
titutionnelle qui pose que le rapporteur « fixe aux parties des délais
pour produire leurs moyens de défense et ordonne au besoin des en-
quêtes ».1023
Il n’est qu’à constater que le futur législateur a tiré les conséquen-
ces juridiques du caractère contradictoire de la procédure devant la
Cour constitutionnelle. Cela tranche sans conteste avec le caractère
quasi mystérieux et donc opaque de l’actuelle procédure devant la
Cour suprême de justice qui ne permet à personne de savoir à quelle
étape de la procédure se trouve sa cause ?
Il est évident que cela est contraire à l’État de droit qui postule
une transparence administrative à tous les niveaux. La justice a certes
besoin de discrétion mais elle ne doit pas fonctionner dans le secret.

1022
Article 3 de la procédure devant la Cour suprême de justice.
1023
Lire article 93 alinéa 3 de loi organique relative à l’organisation et au
fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

525
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

C’est pour conjurer ce secret digne de la belle époque des dictatures


que l’exigence du nombre des copies s’explique tant à l’égard des
parties qu’à l’égard de la Cour elle-même.

D. Du nombre des copies et de l’élection du domicile


Pour être recevable, la requête ou le mémoire produits devant la
Cour suprême de justice doivent être accompagnés de deux copies
signées par l’Avocat ou en matière administrative, par la partie elle-

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même, ainsi que d’autant d’exemplaires qu’il y a des parties dési-
gnées à la décision entreprise1024. Les parties doivent, sauf en matière
administrative, dans la requête introductive ou dans le mémoire en
réponse déposé au greffe, faire élection de domicile au cabinet d’un
Avocat à la Cour Suprême de Justice1025.
Cette exigence qui semble être légitime du fait que les parties aux
procédures pendantes devant la Haute Cour sont souvent éloignées
du siège de celle-ci dont le ressort est le territoire national, pose
quand même le problème juridique de sa cohérence avec l’ordre ju-
ridique tout en entier.
Les parties au procès d’interprétation de la Constitution et celles
en instance de contrôle de constitutionnalité des lois tant a priori
qu’a posteriori sont sans conteste des autorités publiques dont
l’élection de domicile nous parait non seulement superflue mais sur-
tout sujette à caution.
En effet, il est utile d’élire domicile lorsque son domicile réel est
situé loin du lieu où un acte doit être accompli. Dans le cas qui nous
occupe, les autorités publiques qui sollicitent une interprétation de
la Constitution ou un contrôle de la constitutionnalité des lois ont
leur siège à Kinshasa. Il s’agit, en sus, des institutions politiques que
le Constituant lui-même a logées à Kinshasa à l’exception des cours
et tribunaux qui sont essaimés à travers la République.

1024
Article 4 de la procédure devant la Cour suprême de justice.
1025
Article 5 de l’Ordonnance-loi organisant la procédure devant la Cour suprême
de justice.

526
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Comment dès lors peuvent-elles élire domicile encore que techni-


quement elles se limitent à adresser des requêtes ou des jugements ou
arrêts avant dire droit à la Cour constitutionnelle, pour ce qui est du
contrôle de constitutionnalité des lois ou d’interprétation de la
Constitution ?
L’argument tranchant est que le Code de la famille qui dispose
sur la matière d’élection de domicile ne concerne que les personnes
physiques, les personnes morales même celles de droit privé restant

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régies quant à cette question par le droit commercial ou la loi sur les
associations sans but lucratif qui réglementent alors leur siège social
et non leur domicile entendu comme le lieu du principal établisse-
ment d’une personne et le siège de ses intérêts essentiels 1026.
Cette exigence légale nous semble parfaitement justifiée lorsqu’il
s’agit des particuliers et dans les seules matières où ceux-ci peuvent
intervenir. Or, les particuliers sont loin d’ester en justice en cette
matière. Dès lors, il est excessif, comme le laisse croire le Premier
avocat général de la République Katuala Kaba Kashala que le prési-
dent de la République aurait dû recourir aux services d’un avocat à la
Cour suprême de justice et donc élire domicile au cabinet de ce der-
nier pour que sa requête formée sur base de l’article 121 alinéa 2 de
la Constitution de la transition soit reçue. 1027
Cette querelle est aujourd’hui éteinte car la nouvelle Constitution
tranche en clarté en donnant le droit de saisine à « toute personne »,
y compris le Chef de l’État et la future législation organique relative
à cette haute juridiction ne semble guère faire du ministère de
l’avocat à la Cour suprême de justice une obligation procédurale. En
revanche, l’éclatement de la Cour suprême de justice étant acquise
aux termes de la Constitution, il nous semble dépassé le problème de
l’ordre des avocats à la Cour suprême de justice qui ne devraient
comme de droit exercer de façon monopolistique que devant la
Cour de cassation.

1026
Code la Famille, article 161.
1027
KATUALA KABA KASHALA, « Une nouvelle exception à la saisine de la Cour
suprême de justice telle qu’organisée à l’article 2 du Code de sa procédure », in Revue
juridique Justice, Science et Paix, Ibidem, p. 10.

527
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Nous prolongerons la critique au point réservé à cette formalité


procédurale mais à présent attelons-nous à ce qui est particulier à
chacune des demandes devant la Cour constitutionnelle.

§ 2. Les conditions particulières de recevabilité de la


requête
Devant le juge constitutionnel, l’initiative de la demande était re-
connue, selon les cas, au président de la République, au Bureau du

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Parlement, aux Cours et Tribunaux, au Procureur général de la Ré-
publique, et à titre exceptionnel selon l’article 131 de la Constitution
de la Transition du 4 avril 2003, aux Parlementaires. La Constitu-
tion du 18 février 2006 a innové en élargissant le cercle des initiatives
de saisine aux particuliers. Dans le détail, voyons ce qu’il en est de
chaque participant éventuel à la procédure.

A. La forme de la demande
Nous étudierons cette question, eu égard à chacune des initiatives
procédurales prévues par la Constitution.

1. L’initiative émanant du président de la République


Selon les dispositions des articles 131 et 132 de l’ordonnance - loi
n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour
Suprême de Justice, le président de la République peut, lorsqu’il
constate, à travers les lois et règlements intérieurs du Parlement, des
dispositions jugées par lui comme étant inconstitutionnelles, prendre
l’initiative de procéder par voie de recours en appréciation de la
constitutionnalité.
Il en est de même lorsqu’il se décide de déclencher la procédure
d’interprétation de la constitution. Mais la loi précise qu’il doit,
pour cela, adresser une demande au Procureur général de la Répu-
blique.
Cette affirmation est contredite de nos jours par le texte exprès de
la Constitution qui donne le droit de saisine au président de la Ré-
publique sans qu’il doive s’encombrer des services du Procureur gé-
néral de la République. La saisine directe par le chef de l’État était

528
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

déjà valable pendant la transition. L’on doit donc considérer que les
dispositions de la procédure devant la Cour suprême de justice rela-
tives à la matière constitutionnelle sont abrogées en ce qu’elles
contredisent les prescrits de la Constitution qui, au demeurant, règle
leur sort juridique aux termes de l’article 221 de la Constitution de
2006.
Toutefois, avant la promulgation d’une loi, la Constitution de la
Transition offrait au président de la République, lorsque celle-ci

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contient des dispositions jugées par lui, comme étant non conformes
à la Constitution, la possibilité de saisir directement la Cour suprê-
me de justice d’un recours tendant à faire déclarer celles-ci confor-
mes ou non à la Constitution, et cela, par voie d’arrêt1028. Ici, le légi-
slateur congolais semble s’être aligné sur le constituant français1029.
Mais, il convient de relever que, dans ce cas précis, la requête du
président de la République ne peut se faire que dans le strict respect
de la procédure applicable par devant la Cour suprême de justice.
Est-ce à dire que sa requête doit être signée par un Avocat exerçant
son ministère près cette Cour ?1030
D’emblée, nous pouvons constater que la Cour suprême de justi-
ce n’a pas adopté le point de vue du Premier avocat général de la
République Katuala Kaba Kashala.
Nous approuvons la Haute Cour sur ce point précis car, le prési-
dent de la République agissant sur pied de l’article 121 de la Consti-
tution de la transition par exemple ne saurait être valablement sou-
mis au prescrit de l’article 2 de la procédure devant la Cour suprême
de justice.
En vertu de la hiérarchie des sources des normes juridiques et au
vœu du constituant, l’institution politique qu’est le Chef de l’État
n’est pas obligée de recourir aux services d’un Avocat.

1028
Article 131 alinéa 1 point 1 de la Constitution du 4 avril 2003, in JORDC, n°
spécial du 5 avril 2003, p. 34.
1029
Lire, pour les détails, DUBOUIS (L.) et PEISER (G.), Droit Public, 16e édition,
coll. Mémentos, Paris, Dalloz, 2003, pp. 87-89.
1030
KATUALA KABA KASHALA, op. cit.., p. 8.

529
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Du reste, il faut combiner cet article 2 de la procédure devant la


Cour suprême de Justice avec les pertinentes dispositions de
l’Ordonnance-loi organique du Barreau pour se convaincre que les
règles qui imposent le recours obligatoire à un avocat à la Cour su-
prême de justice ne sont d’application qu’en matière de cassation.
L’extension qui en est faite en toutes autres matières de la compé-
tence de la Haute Cour nous parait dénuée de toute base légale. Cet-
te question semble soulever cependant le problème tranché récem-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
ment par la Haute Cour qui est celle du monopole de représentation
des parties par les avocats près cette Cour1031.
Les avocats à la Cour suprême n’ont de monopole obligatoire de
représentation des parties qu’en matière de cassation aux termes de
l’article 103 de l’Ordonnance-loi n° 79/028 du 28 septembre 1979
portant organisation du Barreau, du corps des défenseurs judiciaires
et du corps des mandataires de l’État.
À notre avis, la confusion serait partie de l’interprétation intéres-
sée de l’article 2 du code de procédure devant la Cour suprême de
Justice qui dispose tout simplement que « la requête introductive
doit être signée par un avocat à la Cour suprême de justice ». Signer
une requête n’emporte aucune représentation de la partie. La signa-
ture de la requête relève des actes de postulation et non de la compa-
rution des parties qui pose le problème de la représentation.
S’agissant d’une procédure écrite et sans partie opposée, nous ne
voyons pas pourquoi la représentation de l’avocat serait indispensa-
ble. C’est ainsi, qu’à notre avis, le débat du monopole brisé ou non
des avocats près la Haute Cour est mal posé par les commentateurs
de tout bord de l’arrêt RR 302.
De même, ce débat a l’inconvénient majeur d’être posé par des
protagonistes de l’un ou l’autre barreau qui semblent s’intéresser à

1031
CSJ, 4 mai 2000, RR 302, MINOCONGO Sprl contre SOCIMEX, le Tribunal de
Paix de Matadi et le Procureur général de la République, Revue de droit africain,
n° 16, octobre 2000, R.D.J.A., Bruxelles, pp. 536-551. Lire les commentaires de
Maître WASENDA N’SONGO et ceux de Vincent KANGULUMBA BAMBI
MUTANGA et Raoul KIENGE-KIENGE INTUDI dans la même Revue.

530
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

leurs intérêts professionnels plutôt qu’à une interprétation désinté-


ressée de la Loi.

2. L’initiative émanant des bureaux des chambres parlementaires


La Constitution de la Transition indiquait clairement que, le Bu-
reau de l’Assemblée nationale et celui du Sénat pouvaient, distinc-
tement, initier un recours en appréciation de la constitutionnalité
des lois et des actes du président de la République ayant force de loi,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
en adressant une demande au Procureur général de la République. 1032
Cette initiative leur est aussi reconnue dans les mêmes conditions
lorsqu’ils veulent solliciter de la Haute Cour une interprétation pré-
cise d’une disposition constitutionnelle.1033
La Constitution du 18 février 2006 renforce ce droit de saisine des
bureaux des chambres parlementaires et plus précisément, désigne
les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour agir en jus-
tice en cette qualité.1034
En désignant ainsi nommément les présidents de l’Assemblée na-
tionale et du Sénat, les bureaux de ces enceintes nationales seraient-
ils démunis du pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle ? En ma-
tière d’interprétation de la Constitution, il faut considérer qu’ils
n’ont pas le droit de saisine qu’ils conservent par ailleurs à titre indi-
viduel en matière de contrôle de constitutionnalité.1035
En est-il de même du gouvernement qui, lui, ne peut agir que col-
lectivement ?

3. L’initiative du Gouvernement
L’initiative du gouvernement est une innovation de la Constitution
du 18 février 2006 qui range cette institution dans le cercle des autori-
tés qualifiées pour agir en interprétation constitutionnelle.

1032
Article 131 de la Constitution de la transition.
1033
Article 150 de la Constitution de la transition.
1034
Article 161, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.
1035
Article 161, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.

531
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Cette innovation pose problème dans la mesure où le chef du


gouvernement est démuni pour pouvoir de saisine personnel alors
qu’il est autorisé par la même constitution à agir qualitate qua en in-
constitutionnalité des lois en vertu de l’article 160, alinéa 4 de la
Constitution.
S’agissant donc d’une institution collégiale, le Premier ministre ne
saurait agir au titre de chef de gouvernement en matière
d’interprétation de la Constitution sans que la question soit ainsi po-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
sée au conseil des ministres qui opinera sur un procès-verbal de cette
réunion. L’absence de ce procès-verbal sera de nature à disqualifier la
saisine comme n’étant pas l’initiative du gouvernement.
Cependant, au nom du gouvernement, le Premier ministre et son
ministre de la justice seraient autorisés à signer la requête introducti-
ve d’instance en interprétation. Il est entendu que ledit procès-verbal
pour valoir preuve de ce que le gouvernement a décidé de saisir la
Haute Cour doit être produit en photocopie certifiée conforme à
défaut de l’être en original.1036

4. L’initiative du Procureur général de la République ou celle du


Procureur général près la Cour constitutionnelle
Le Procureur général de la République pouvait, d’office, prendre
directement l’initiative de saisir la Haute Cour par voie de recours
en appréciation de la constitutionnalité des lois, des actes législatifs
et des actes du président de la République ayant force de loi.
Mais la loi spécifie qu’en matière de recours en interprétation de
la constitution, le Procureur général de la République ne peut dé-
clencher cette procédure qu’à la demande, soit du président de la
République, soit du Bureau du Parlement, soit encore des Cours et
Tribunaux.
Selon Mabanga Monga Mabanga, c’est en vertu des dispositions de
l’article 6, alinéa 1 du code d’Organisation et de Compétence Judiciai-
res que le législateur a permis au Procureur général de la République

1036
C’est la jurisprudence constante de la Cour suprême de justice qu’il faut
sauvegarder car elle garantit les droits des parties.

532
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

de déclencher la procédure de contrôle de constitutionnalité lorsqu’il


estime que la loi ou l’acte législatif dont lui et ses subalternes sont ap-
pelés à veiller à l’application est entaché d’inconstitutionnalité1037.
Cette interprétation de la disposition légale susévoquée semble re-
cueillir les suffrages d’une frange de la doctrine1038.
Pour notre part cependant « surveiller l’exécution des lois » n’est
nullement attributif d’une compétence en cette matière plutôt spé-
ciale. En effet, la compétence du procureur général de la République

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
au lieu d’être recherchée dans une disposition légale par trop généra-
le se trouve confirmée tout simplement par l’article 131 de la procé-
dure devant la Cour suprême de justice. L’on peut toutefois en dire
que dans un contexte de monolithisme politique comme celui du
texte de 1982, le procureur général de la République ne pouvait et
n’a pu jouer que le rôle ingrat de surveillant de la légalité mobutiste
c’est-à-dire celui de bras séculier d’une légalité qu’il fallait protéger
de toutes impuretés idéologiques.
Le Procureur général de la République disposait aussi de
l’initiative de saisir la Cour suprême de justice en matière de contes-
tation électorale, spécialement en ce qui concerne l’élection du prési-
dent de la République, mais uniquement en considération des récla-
mations qui lui sont adressées et ce, dans le délai de huit jours.
Cette procédure est modifiée heureusement par la loi électorale
en vigueur depuis 2006. Il faut donc considérer qu’étant en flagrante
contradiction avec le libellé précis du texte constitutionnel, les dis-
positions de l’ordonnance-loi relative à la procédure devant la Cour
suprême de justice contraires au texte fondamental ont été abrogées
et ne sauraient être d’application. En conséquence, le procureur gé-
néral de la République n’a plus compétence de saisir le juge constitu-
tionnel qu’en matière répressive et tant que le Procureur général
près la Cour constitutionnelle n’aura pas été installé.

1037
MABANGA MONGA MABANGA, Le contentieux constitutionnel congolais,
Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 1999, p. 61.
1038
KILALA Pene-AMUNA (G.), Attributions du ministère public et procédure
pénale, tome 1, Kinshasa, Éditions AMUNA, 2006, pp. 82-84.

533
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

En revanche, le procureur généra près la Cour constitutionnelle


dispose aux termes de la proposition de loi organique en chantier des
attributions de ministère public près cette haute juridiction.1039 Il
exercera ses attributions devant la Cour constitutionnelle soit par
voie d’avis soit par voie de réquisitoire en matière répressive. Si les
choses semblent réduire les pouvoirs qu’avait jadis le Procureur gé-
néral de la République, en raison de la personnalité étouffante de
certains locataires de la fonction, il n’est pas de même des parlemen-

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taires qui subissent depuis la transition une cure de jouvence.

5. Les parlementaires : députés et sénateurs


En cas de contestation électorale pour les élections parlementai-
res, ou pour les actes d’assemblée refusant la validation des pouvoirs
ou constatant la démission d’office d’un parlementaire, la loi accorde
au parlementaire ou au candidat lésé la possibilité de saisir directe-
ment la Cour suprême de justice de ses réclamations.1040
Par ailleurs, la Constitution de la Transition précisait en son arti-
cle 131 qu’avant la promulgation d’une loi par le président de la Ré-
publique, et lorsqu’il existe dans ladite loi des dispositions jugées
non conformes à la Constitution, au moins le dixième des députés
ou le dixième des sénateurs peuvent saisir la Cour Suprême de Justi-
ce, par voie de requête, en vue de faire déclarer ladite loi non
conforme à la Constitution.
La symbolique de la fraction donne à penser que ce droit n’est
donné qu’à contrecœur ou, à tout le moins, avec une arrière-pensée
de récupération politicienne.
En doctrine cependant, l’on peut noter que les recours constitu-
tionnels ouverts aux députés et sénateurs contre les actes législatifs
visent en réalité à protéger la minorité parlementaire contre les excès
et l’arbitraire de la majorité politique qui légifère. 1041

1039
Article 13 de la proposition de loi organique relative à la Cour constitutionnelle.
1040
Lire l’article 144 de la procédure devant la Cour suprême de justice.
1041
Lire ERGEC (R.), Introduction au droit public. tome 1, le système institutionnel,
2e édition, Bruxelles, Story Scientia, 1994, pp. 154 et s.

534
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Du point de vue politique, si des membres de la majorité saisis-


saient le juge constitutionnel pour censurer une loi à laquelle ils sont
théoriquement censés avoir adhéré, il y aurait indubitablement rup-
ture de confiance dans la majorité du fait de ce manque de discipline
nécessaire à la survie d’un parti.1042
Cette disposition constitutionnelle déroge au principe érigé par
les articles 131 et 132 du texte sur la procédure devant la Cour Su-
prême de Justice et abroge donc lesdites dispositions légales pour

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
contrariété manifeste, laquelle subordonne pareille démarche à la
requête du Procureur général de la République.
C’est dans ce sens que par leur recours daté du 11 mars 2004 et
déposé au greffe de la Cour Suprême de Justice, le 12 mars 2004, les
honorables députés précités ont sollicité l’examen de la conformité à
la Constitution de la Transition de la loi portant organisation et
fonctionnement des partis politiques.
L’histoire dira plus tard quelles auront été les motivations réelles
en soutènement du recours ainsi formé. Le silence qui l’a entouré et
le peu d’intérêt que l’arrêt intervenu en cette cause a suscité en doc-
trine sont surprenants.1043 Le juge constitutionnel a décrété
l’irrecevabilité du recours formé par ces députés pour cause
d’insuffisance du quorum exigé par la constitution.
Cette possibilité constitutionnelle n’est pas encore envisagée par
l’opposition politique de sorte que la jurisprudence congolaise est
demeurée nulle en la matière. Ce qui n’est pas du tout le cas des par-

1042
Lire avec intérêt TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p. 503
sur les développements qu’il fait à propos du rôle régulateur du Conseil
constitutionnel, « rôle renforcé avec l’alternance de 1981 en agissant comme une
sorte de frein sur le balancier politique, rappelant à travers son contrôle dû à
l’inflation législative qu’une certaine continuité constitutionnelle l’emportait sur
les bouleversements partisans, changement de majorité ne signifiant pas
changement de régime » et pendant les cohabitations 1986-1988 et 1993-1995, le
Conseil constitutionnel a eu à « départager plusieurs lectures contradictoires de la
Constitution » ; VELU (J.), Droit public, tome 1, Le statut des gouvernants (I),
Bruxelles, Bruylant, 1986, pp. 211-266.
1043
Lire cependant KALUBA DIBWA (D.), La saisine du juge constitutionnel…, op.
cit., pp. 100-118.

535
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ticuliers, nouvelle catégorie, s’il en est, des usagers de la justice cons-


titutionnelle.

6. Les particuliers :
Les particuliers sont des sujets de droit et d’obligations qui ne res-
sortent pas du cercle des institutions politiques. Par contre, le terme
« particuliers » doit recouvrer ici tant les personnes privées que pu-
bliques territoriales autres que l’État.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
a) Personnes physiques
La personne physique, être doué de raison et de chair, est autori-
sée aux termes de l’article 162 de la Constitution à agir en inconsti-
tutionnalité. Ceci n’appelle guère de commentaire particulier tant il
s’agit d’une rhétorique élémentaire de la science du droit. Cepen-
dant, les limites et exceptions de qualité et de capacité d’exercice que
prévoit le droit civil congolais ou même le droit international privé
congolais devraient sans conteste trouver application devant le juge
constitutionnel.
En somme, il faut être né vivant et viable 1044 pour être une per-
sonne physique, congolaise ou étrangère, pour agir en justice consti-
tutionnelle. C’est légèrement la situation des personnes morales. 1045

b) Personnes morales
Les personnes contrairement aux personnes physiques sont des
êtres de raison et non de chair. Il s’agit des intérêts juridiquement
protégés sous la forme tant des sociétés, des établissements d’utilité
publique ou même des associations sans but lucratif, pour ce qui est
des personnes morales privées. Elles agiront conformément à leurs
statuts sociaux et aux lois particulières1046 qui les régissent par leurs
organes statutaires.

1044
Code la famille, article 211.
1045
Code de la famille, article 213.
1046
Il s’adit du décret de 1887 relatif aux sociétés commerciales et de la loi
n° 004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux
associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique, JORDC, 42e
année, 15 août 2001.

536
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Il y a d’autre part, des personnes morales de droit public tant ter-


ritoriales que spécialisées. Ainsi les entreprises publiques, les établis-
sements publics, les provinces et les entités administratives territoria-
les décentralisées sont des personnes de droit public habilitées à agir
devant le juge constitutionnel. Elles devront agir cependant selon le
prescrit du texte de création ou de la loi qui les organise. 1047 C’est le
même régime qui s’impose à l’endroit des partis politiques, catégorie
spéciale des personnes morales.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
c) Partis politiques
S’agissant des associations des personnes majeures possédant la
nationalité de l’État concerné, partageant une même idéologie poli-
tique et concourant à la conquête démocratique du pouvoir et à sa
conservation, les partis politiques ont par ailleurs une nature hybri-
de. À la fois, associations de droit privé dans leur création et leur
fonctionnement, les partis politiques empruntent cependant des ha-
bits de droit public lorsqu’ils concourent à l’expression du suffrage
populaire. Il s’agit même d’un statut constitutionnel.1048
Pour agir, l’on déterminera la qualité de la personne physique
habilitée à ester en justice au nom du parti conformément aux clau-
ses des statuts notariés et déposés au Ministère de l’intérieur qui aura
à la suite délivré un arrêté ministériel d’agrément. Il s’agit là de deux
conditions préalables de recevabilité de l’action d’un parti politique
en justice.
En outre, le récépissé délivré par le Ministère qualifié doit tenir
lieu d’arrêté d’agrément car les lenteurs et les négligences de
l’Administration, de jurisprudence constante, ne devraient pas nuire
à l’administré qui a souscrit aux obligations qui lui ont été posées.
Si la recevabilité de l’action du parti politique semble aisée, celle
des regroupements politiques pose problème.

1047
C’est en effet le droit commun des personnes morales qui postule cette exigence
qu’elles ne peuvent agir que par des personnes physiques attitrées notamment
par l’acte constitutif.
1048
Lire article 6 de la Constitution du 18 février 2006.

537
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

d) Cas spécial des regroupements politiques


Le regroupement politique est une association pour la plupart des
temps momentanée des partis politiques formée dans le but
d’obtenir les suffrages de la population ou même de partager
l’exercice du pouvoir politique.
Le regroupement politique qui se forme ainsi librement n’est pas
doté de personnalité civile. Cependant, la loi électorale de 2005 cite
parmi les personnes qualifiées pour agir en contestation électorale

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
cette association momentanée. Si cela est compréhensible politique-
ment, la question qui se pose en droit de savoir si la simple citation
dans une disposition légale a conféré la personnalité civile aux re-
groupements politiques.
Nous pensons qu’ils n’ont pas le pouvoir d’ester en justice sans
que la loi ne leur ait accordé la personnalité civile cependant l’action
engagée en leur nom doit l’être ut singuli par chacun des partis
membres du regroupement. Autrement, une anomalie sera consacrée
par notre droit positif qui perdra ainsi sa cohérence normative né-
cessaire à l’introduction de la cause devant le juge constitutionnel.

B. L’introduction de la cause et la publicité


En matière de recours en annulation et de recours de pleine juri-
diction, la loi prévoit qu’au-delà des mentions obligatoires de la re-
quête, celle-ci devra contenir un exposé des faits et des moyens 1049.
Cette exigence peut être nécessairement invoquée à l’appui de la re-
quête saisissant le juge constitutionnel. Il appartient en effet au futur
législateur organique de réintégrer cette disposition dans la procédu-
re en matière constitutionnelle.
Les moyens dont parle la loi s’entendent des arguments tant de
fait que de droit qu’un plaideur doit articuler à l’étai de sa demande
ou de sa défense. Ceux-ci doivent du reste être exposés de manière
claire pour écarter ainsi l’application de l’irrecevabilité qu’encourrait
une demande obscure ou confuse. L’obscurité du libellé (obscuri li-
belli) est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande ou par le non
fondement lorsqu’il s’agit d’une défense ainsi mal assurée.

1049
Article 76 de la procédure devant la Cour suprême de justice.

538
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

De plus, la future loi organique spécifie que les requêtes portées


au rôle de la Cour seront, à la diligence du greffier, signifiées dans les
quinze jours de leur réception aux parties en vue de leurs conclu-
sions.1050
La jurisprudence de la Haute Cour arrête, unanimement, que le
dépôt au greffe aux fins de publication ainsi que la consignation des
frais pour ce faire constituent une preuve de la satisfaction de cette
exigence, les négligences et lenteurs de l’Administration ne pouvant

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
nuire aux particuliers1051.
Au titre des mesures complémentaires de publicité, vu que les ar-
rêts de la Cour constitutionnelle sont opposables à tous, il est impé-
rieux qu’ils soient publiés au journal officiel avec en annexe la requê-
te qui a saisi la Cour ainsi que les autres actes de procédure qui ont
été posés.
Ceci a l’avantage de permettre un contrôle par l’opinion qui est
toujours le soubassement de la transparence démocratique dans
l’État de droit que veut la République démocratique du Congo. En
effet, le juge constitutionnel ne doit aucunement être dans l’ombre
de la paperasserie administrative qui lui donnerait faussement
l’impression bien malheureuse qu’elle est une sorte de loge mystique
décrétant des oracles plutôt que des jugements humains. Pour éviter
cette impression, la requête elle-même doit être transparente en
contenant certaines mentions.

C. Les mentions de la requête introductive d’instance


L’étude des mentions que doit comporter une requête paraît re-
dondante au regard du point déjà consacré à cette question. Cepen-
dant, il est utile de repréciser certaines mentions qui ont un intérêt
procédural évident.

1050
Article 91 de la proposition de loi organique portant organisation et
fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
1051
CSJ, R.P. 30, 3 mai 1972, in BACSJ, 1973, p. 52. Cet arrêt est reproduit par
l’arrêt RA 278 du 21 décembre 1995, Archidiocèse de Kinshasa contre la
République du Zaïre, BACSJ, 2003, pp. 139-142.

539
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

1. L’identification de la partie requérante


La partie requérante devant le juge constitutionnel doit être iden-
tifiée de manière on ne peut plus claire. Une faille à ce niveau abou-
tit inévitablement à une irrecevabilité. C’est ainsi que le requérant
indiquera son nom1052 avec tous ses éléments constitutifs, son domi-
cile1053 ou sa résidence,1054 et fournira tous autres éléments suscepti-
bles de l’identifier sans encombre.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
2. L’identification de la partie adverse
L’identification de la partie défenderesse est une nécessité. Elle
permet de savoir contre quelle institution est dirigé le recours cons-
titutionnel de sorte que soit signifiée la requête en vue d’obtenir les
conclusions ou le mémoire de cette partie.
Il est dès lors nécessaire de l’identifier à son tour. Comme il
s’agira toujours d’une autorité publique, plus précisément d’une ins-
titution qui a pris un acte inconstitutionnel, il suffira d’indiquer la
dénomination officielle de cette autorité, son siège légalement établi
et éventuellement, la personne physique qui est censée avoir posé
l’acte attaqué.
Cette manière d’identifier la partie défenderesse a l’avantage de
faire éviter au requérant le risque d’une irrecevabilité pour mauvaise
direction. Par ailleurs, le fait de solliciter des choses sur lesquelles le
juge constitutionnel ne possède aucune compétence entrainera, à
coup sûr, un arrêt d’incompétence qui n’empêche guère qu’un autre
juge soit ressaisi.
Il en est de même de l’absence de l’objet clair et précis qui pour-
rait entraîner d’autres ennuis procéduraux.

3. L’objet de la demande
La requête en inconstitutionnalité comme toute requête devant le
juge constitutionnel doit avoir un objet clair et précis. De la juris-

1052
Code de la famille, article 56.
1053
Code de la famille, article 161.
1054
Code de la famille, article 169.

540
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

prudence de la Cour suprême de justice, il appert que des requêtes


contenant des objets confus, imprécis ou tout simplement flous ont
été rejetées sans que les juges aient ressenti la nécessité de se justifier
outre mesure1055. En effet, l’obscurité du libellé entraine inélucta-
blement l’irrecevabilité de la requête.
La demande doit être intelligible c’est-à-dire compréhensible par
toute personne de bonne foi et de formation moyenne. Par ailleurs,
le juge doit être mis dans la possibilité de comprendre ce que de-

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mande le requérant et les défenses que le défendeur peut lui opposer.
Autrement, les demandes absurdes n’ont de place devant le juge
constitutionnel. La clarté de cette demande dépend aussi des pièces
que le requérant doit annexer à sa requête.

4. L’inventaire des pièces formant le dossier


L’inventaire des pièces est une formalité de transparence judiciai-
re car il permet à chaque partie au procès constitutionnel de connaî-
tre parfaitement les moyens et les pièces sur lesquelles chacune des
parties élève ses prétentions.
Il est utile de former cet inventaire des pièces essentielles, celles
qui ont un rapport direct et pertinent avec les articulations de la re-
quête ou du mémoire contenant les conclusions du défendeur.
En effet, la décision attaquée ne saurait manquer dans l’inventaire
des pièces. Toute autre pièce pouvant établir la qualité, le domicile et
partant identifier la partie devra être produite aux débats pour assu-
rer non seulement leur loyauté mais la transparence judiciaire qui est
un corollaire du principe du contradictoire.
L’inventaire des pièces ainsi formé doit être signé et daté de la
main même de la partie qui le produit et contresigné par le greffier
qui le reçoit aux fins de publication et de signification. 1056 Cette for-

1055
Le rigorisme parfois excessif de la Cour suprême de justice est connu, lire dans ce
sens DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire général de la
jurisprudence de la Cour Suprême de Justice, Kinshasa, C.P. D.Z., 1990.
1056
Voir article 2 de la procédure devant la Cour suprême de justice.

541
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

malité met effectivement la cause en l’état de recevoir jugement de-


vant le juge constitutionnel.

§ 3. La mise en état de la cause


Lorsque les parties ont ainsi mis la cause en l’état de recevoir ju-
gement en échangeant les pièces sur lesquelles elles entendent élever
et soutenir leurs prétentions, les débats oraux doivent avoir lieu
pour l’exposé solennel des prétentions.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
A. Les débats judicaires
La question des débats judicaires est d’une importance capitale.
Non seulement qu’il s’agit d’une garantie procédurale accordée au
procès, pour sécuriser le juge, les parties et même le public qui prend
part à l’audience. En effet, de la part d’un peuple qui fonctionne sur
le mode de l’oralité, les débats judiciaires prennent une dimension
spirituelle essentielle.
La parole créatrice et purificatrice de l’Afrique sort des abysses
des nuits de notre histoire pour retrouver ainsi comme par une sorte
d’osmose la vertu purgative que ne possède pas l’écrit. Le futur légi-
slateur organique a sans conteste opté pour un débat oral. C’est le
lieu de critiquer sans ambages une pratique somme toute de bandi-
tisme judiciaire qui consiste à rendre des arrêts sans entendre les par-
ties sur leurs prétentions en prétextant que les écritures suffi-
raient.1057
Une telle pratique doit être découragée car elle laisse au peuple le
sentiment d’une œuvre inachevée et du point de vue juridique viole
sans atermoiement l’article 15 du code de procédure civile et les dis-
positions de l’article 14 du pacte international relatif aux droits civils
et politiques qui posent les principes d’un procès équitable. 1058

1057
Nous faisons allusion ici au procès Makila Sumanda, Gouverneur de l’Équateur,
qui a donné lieu à un prononcé sans que les parties n’aient vidé leurs arguments
par écrit ni même plaidé devant la Cour suprême de justice.
1058
Lire dans ce sens, MATADI NENGA GAMANDA, Le droit à un procès
équitable, Louvain-la-Neuve, Kinshasa, Academia-Bruylant, DIN, 2002.

542
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

B. Problématique de la représentation des parties


par les Avocats devant la Cour constitutionnelle
Le législateur organique à venir a pris l’option de rendre le minis-
tère de l’avocat facultatif devant la Cour constitutionnelle. Nous
prenons le parti de ceux qui pensent qu’en raison du caractère très
technique que soulève le contentieux constitutionnel il est nécessaire
d’épargner les juges des verbiages nombreux et imprécis des profa-
nes. S’agissant d’un débat technique, les profanes ont la vertu péche-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
resse d’obscurcir les notions les plus simples.
Aussi, faut-il les écarter de la manière la plus totale des marches
du palais de justice pour n’y laisser que des initiés. C’est d’ailleurs ce
que l’on fait en matière de cassation. En droit comparé, par exemple
au Congo-Brazzaville, la postulation devant la Cour d’appel est obli-
gatoirement confiée à l’avocat.1059 Cette tendance doit être encoura-
gée et poursuivie car elle simplifie les questions de droit et permet
ainsi des jugements clairs et transparents.
En effet, les avocats sont classés en ordres professionnels pour ga-
rantir un certain niveau de compétence. Si le jeune licencié en droit
passe par un stage professionnel préparatoire de plus ou moins quatre
ans pour être admis au tableau de l’ordre devant une Cour d’appel, il
est à noter qu’il lui faut une publication en matière juridique et une
ancienneté de dix ans au moins pour prétendre être admis au barreau
près la Cour suprême de justice siégeant comme Cour de cassation.
À plus forte raison, comment peut-on laisser un prétoire aussi
spécialisé totalement ouvert à des plaideurs novices ou à des avocats
chevronnés mais qui ne possèdent que des vagues et lointains souve-
nirs du droit public. La nécessité se fait sentir de créer à défaut un
barreau des spécialistes devant la Cour constitutionnelle. Il va
d’ailleurs de soi que les conditions de recrutement des juges comme
celles du procureur général mettent la barre assez haut pour que le
barreau qui est le pendant naturel de la justice soit ravalé au niveau
de la simple licence en droit.1060

1059
Nous le tenons de notre propre pratique professionnelle d’avocat international.
1060
Tout le monde déplore la baisse du niveau de cette licence depuis quelques
années. Il serait paradoxal de confier de hautes charges à des personnes peu
qualifiées. C’est le meilleur moyen de discréditer l’institution.

543
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

À défaut de créer un barreau spécifique, nous pensons qu’il est


possible de n’autoriser, comme le prévoyait du reste le projet de
constitution de la Conférence nationale souveraine, que l’assistance
des avocats ayant au moins quinze ans d’ancienneté.1061
Il n’est pas inutile d’exiger que ces avocats chevronnés aient un
diplôme d’études supérieures en droit public, ce qui les rendrait plus
attentifs aux questions de cette branche de droit. En plus, le diplôme
d’études supérieures aurait du même coup une autre finalité profes-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
sionnelle qu’il n’a pas à ce jour.
En effet, au sortir de la licence, le jeune licencié frais émoulu de
l’université semble garder des souvenirs vagues et lointains du droit
constitutionnel qu’il aura vu en première année de graduat en droit
avant de finir ses études totalement imbu des connaissances de droit
privé.
Cette formation ne garantira pas une bonne qualité de justice
constitutionnelle. Il faut donc une réforme de l’enseignement uni-
versitaire du droit dans le sens d’une synergie avec la demande socia-
le que la société présente à l’endroit de l’université congolaise.
Enfin, il est plus qu’utile qu’un cours de contentieux constitu-
tionnel à l’instar de celui de contentieux administratif soit dispensé
soit en deuxième licence en droit, tout au moins au niveau du di-
plôme d’études supérieures pour former de véritables spécialistes de
la question.
La justice spécialisée doit être servie par des avocats et des juges
spécialisés. Cette question mérite une attention particulière de la
part du législateur car autrement, c’est transposer les tares que l’on
déplore déjà au niveau de la Cour suprême de justice devant la plus
haute juridiction du pays. L’avenir du droit passe par là. C’est dans
l’intérêt bien compris des parties à l’instance et de la justice. Il reste
cependant une question à se poser : est-il permis à un tiers
d’intervenir dans le procès constitutionnel comme il s’agit d’amicus
curiae dans le droit anglo-saxon ?1062

1061
Lire article 138, alinéa 1er in fine du projet de constitution de la République
fédérale du Congo, Kinshasa, Palais du peuple, novembre 1992, p. 84.
1062
Lire à ce sujet le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui prévoit
notamment l’institution anglo-saxonne d’amicus curiae.

544
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

§4. L’intervention volontaire des parties à l’instance :


la question de désistement
Cette question d’intervention volontaire à l’instance constitu-
tionnelle se pose en théorie. Comme on le sait, les arrêts de la Cour
ne permettent pas de tierce-opposition ni toute autre voie de re-
cours. Or, il peut arriver qu’une personne ait un intérêt personnel à
faire valoir lors du procès qui se déroule devant la Cour constitu-
tionnelle. Telle personne peut-elle agir par intervention volontaire ?

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324329
Le caractère objectif du contentieux constitutionnel semble
s’opposer prima facie à une telle entreprise car c’est plutôt l’acte qui
est attaqué et non la personne du défendeur. Le contentieux électoral,
par contre, devrait même permettre une telle approche pour éviter
des rallongements onéreux de la procédure de contestation électorale.
Il serait en effet bon d’appeler à l’instance de contestation électo-
rale toutes les personnes ayant pris part à ladite élection dans la cir-
conscription concernée. Il y aurait ainsi économie de temps et
l’avantage d’avoir un seul et même arrêt opposable à tous.1063 En re-
vanche, nous opinons que concernant les autres types de conten-
tieux constitutionnel, l’intervention volontaire des personnes ne de-
vrait pas être admise. D’abord, parce que notre système de justice
constitutionnelle par ses modalités d’exercice ne s’adapte guère à de
telles interventions intempestives.
Ensuite, la présence du Procureur général, garant de l’ordre pu-
blic et celle de l’institution auteur de l’acte attaqué sont de nature à
garantir les intérêts généraux de la société. De la sorte, il n’est pas
plausible qu’un tiers excipant d’un intérêt personnel vienne s’en
prévaloir pour empêcher le contrôle de la loi ni son interprétation
qui sont censés être neutres car effectués dans l’intérêt bien compris
de la société.1064
Au contraire, la question de désistement se pose en ordre inverse.
Pour une raison propre à une partie, il est possible qu’elle se désiste de

1063
Il est fait allusion ici à l’empiétement des pouvoirs qui a failli survenir à
l’occasion d’un contentieux électoral long et fastidieux. L’Assemblée nationale
avait du reste failli rejeter les arrêts intervenus ainsi hors délai.
1064
L’on peut cependant discuter de la notion d’intérêt général dans un État en
pleine reconstruction.

545
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

sa requête. Quelle doit être l’attitude du juge constitutionnel ? Ne


s’agissant pas d’un intérêt personnel, la Cour constitutionnelle devra
poursuivre l’instance de contrôle, l’initiative du particulier n’ayant
qu’un simple rôle de déclencher le mécanisme constitutionnel de
contrôle. Permettre le désistement, c’est à coup sûr, rendre disponible
l’action en inconstitutionnalité qui, à notre sens, n’est pas dans le
commerce. Tout autre doit être la solution lorsqu’il s’agit du conten-
tieux électoral ou d’une question qui entraîne le changement dans le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
statut personnel d’une partie.1065 En effet, dans cette hypothèse, il
s’agit d’une renonciation à un droit subjectif. Les choses ne sont pas si
tranchées en jurisprudence étrangère1066 ni même chez nous.1067
Il est utile de voir dans les détails les effets des décisions que le ju-
ge constitutionnel est appelé à prendre.

1065
Ceci procède de la logique juridique qui veut que nul ne soit privé de son statut
sans être entendu.
1066
Lire JAN (P.), Le procès constitutionnel, Paris, LGDJ, 2001, p. 151 ; CC 88-1073-
1085 du 3 octobre 1988, Assemblée nationale, Paris, circonscription 19, Recueil
142.
1067
Le contentieux électoral a connu des cas de tierce – opposition alors que le
contentieux de constitutionnalité proprement dit n’a pas encore jusque là connu
de cas de tierce-intervention.

546
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

CHAPITRE IV :
LES EFFETS DES DÉCISIONS DU JUGE
CONSTITUTIONNEL

Parmi les modalités pratiques de l’exécution des décisions juridic-


tionnelles, il y a lieu d’étudier en détail et avec minutie, les effets
desdites décisions sur les pouvoirs publics quelles que soient leur na-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
ture et la transformation de l’ordre politique qu’elles impliquent.
En effet, la transformation de l’ordre politique vient du fait que si
le juge constitutionnel par ses décisions les plus courageuses influe
certainement sur l’ordonnancement juridique, cette influence abou-
tit presqu’inéluctablement à une transformation de l’ordre politique
qui est ainsi « saisi par le droit ».1068
Il s’agit, à vrai dire, d’une socialisation des pratiques et des
conceptions politiques. L’État de droit, vu sous cet angle, est une
question de civilisation finalement. Par ailleurs, le primat de la
Constitution garanti par le juge est l’affirmation d’un principe de
civilisation qui veut simplement dire que ce qui est décidé par le plus
grand nombre doit être respecté par la minorité, fût-elle celle qui
dirige. C’est un renversement des principes millénaires qui postulent
la domination de la minorité sur la majorité. C’est une restitution du
pouvoir au peuple.
Il est utile, à ce niveau, d’analyser en deux moments les implica-
tions théoriques du contrôle de constitutionnalité lorsqu’il s’exerce
avant ou après la promulgation de la loi. Ce démarquage temporel
est une sorte de summa divisio en matière de contrôle de constitu-
tionnalité. Qu’il soit exercé avant ou après la promulgation de la loi,
le contrôle a pour but institutionnel de purifier l’ordonnancement
juridique.
Cette vertu purgatoire présente l’avantage certain de fixer une
sorte de ligne rouge aux gouvernants qui sont ainsi tenus de respec-

1068
Lire FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et
conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998.

547
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ter la Constitution telle qu’exprimée par la bouche du juge constitu-


tionnel. La Constitution est, de ce point de vue, ce que dit le juge
constitutionnel. Ceci transfigure le visage du juge constitutionnel
qui devient non pas un simple rouage institutionnel, mais surtout un
maillon essentiel de la mécanique de l’État de droit. La controverse
sur sa légitimité cesse dès lors qu’elle procède de la fonction que lui
confère le constituant lui-même.
Dans le détail, essayons de voir quelles sont les implications pra-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
tiques des décisions que le juge constitutionnel peut être amené à
prendre.

Section 1 : LE CONTRÔLE A PRIORI OU LA


CENSURE DES ACTES JURIDIQUES
EN CHANTIER
Contrairement au droit français qui n’établit pas le contenu du
rapport de conformité devant s’installer entre la norme constitu-
tionnelle et la norme contrôlée, le droit congolais dresse ce rapport
tant dans la Constitution que dans le projet de la future loi organi-
que relative à la Cour constitutionnelle.1069
En effet, la Constitution congolaise a établi la pyramide normati-
ve en son article 153 de sorte que les questions qui se sont posées en
France à l’occasion du bloc de constitutionnalité ne se dressent pas
devant le juge congolais.1070
Si en France, la notion de Constitution s’est fait enrichir par la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, au Congo la notion a un
contenu plénier qui implique à la fois la déclaration des droits et li-
bertés et l’organisation du pouvoir politique dans l’État. De la sorte,
il demeure essentiel de voir que le juge constitutionnel agit ici com-

1069
Voir article 153, alinéa 4 de la Constitution du 18 février 2006.
1070
Cette disposition qui, du point de vue de l’argument a rubrica, relève des
juridictions de l’ordre judiciaire doit être tenue pour générale car l’on ne conçoit
guère qu’elle ne s’applique pas aux juridictions administratives ou même à la
Cour constitutionnelle. Sa portée est donc plus étendue, du point de vue
téléologique.

548
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

me l’un des mécanismes constitutionnels de l’élaboration de la loi.


Procédons succinctement à l’étude de chacune des normes infracons-
titutionnelles dont le contrôle s’impose.

§ 1. Les lois
Il s’agit de se rapporter ici à la définition formelle et organique
que nous avons donnée plus loin. Les lois, en effet, recouvrent plu-
sieurs formes selon aussi le contenu de la matière qu’elles régissent.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
Le caractère obligatoire du contrôle de ces normes à ce niveau
implique la pratique d’un contrôle à double détente : une décision de
non-conformité interdit la mise en application de la disposition cen-
surée.
C’est ce que le doyen Vedel exprime en s’interrogeant si le
Conseil constitutionnel est un gardien du droit positif ou le défen-
seur de la transcendance des droits de l’homme. Commençons par
les lois constitutionnelles.

A. Les lois constitutionnelles


La Constitution étant comprise comme la norme fondamentale à
laquelle il ne peut être porté atteinte impunément, il faut donc
considérer qu’il n’est pas logiquement admissible qu’il y ait des
normes supraconstitutionnelles. On chercherait par ailleurs en vain
qui serait l’auteur de pareilles normes. Le rapprochement que l’on
est tenté d’établir entre les principes d’organisation démocratique
communs à plusieurs États ou la constatation qu’il y a des traditions
constitutionnelles communes à certains États sont des observations
de grand intérêt sur le plan de la science politique mais n’ont pas de
portée normative.1071
En droit positif congolais cependant, l’on peut affirmer que le
contrôle de constitutionnalité reste ouvert lorsqu’une révision cons-
titutionnelle est susceptible de dépasser les limites matérielles et
temporelles imposées par le constituant du 18 février 2006. En effet,
les dispositions des articles 219 et 220 de la Constitution induisent, à

1071
BOULOUIS (J.) et CHEVALLIER (R.-M.), Grands arrêts de la CJCE, 5e édition,
Paris, Dalloz, 1991, p. 91.

549
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

n’en point douter, une double limitation au pouvoir constituant dé-


rivé. Mais comme l’on sait, le pouvoir constituant est toujours sou-
verain de sorte que le non respect des formes qu’il s’est imposées est
aussi l’exercice de sa souveraineté.
Il faut donc conclure que le juge constitutionnel peut être a priori
saisi en inconstitutionnalité d’une loi constitutionnelle en chantier
sans que cette possibilité soit écartée même lorsque la loi ainsi adop-
tée aura été promulguée. L’effet de l’arrêt de non-conformité

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
s’agissant d’une loi constitutionnelle sera sa non-promulgation.
Mais politiquement, il est utile de remarquer que si le contrôle
d’une loi constitutionnelle d’origine parlementaire reste possible,
celle d’origine référendaire demeure et politiquement et juridique-
ment inattaquable s’agissant, on l’a vu, d’une expression directe de la
souveraineté.

B. Les lois organiques


L’obligation qui est faite aux autorités publiques de saisir le juge
constitutionnel avant la promulgation des lois organiques a pour effet
de purifier lesdites lois avant leur insertion dans l’ordonnancement
juridique.
Prenant appui à la Constitution du 18 février 20061072 et à celle de
la transition1073, le président de la République a, le 23 août 2006, saisi
la Cour suprême de justice pour solliciter l’examen de la conformité
à la Constitution de la République démocratique du Congo et à celle
de la transition de la loi organique portant statut des magistrats.
Examinant ledit recours, la Cour a rendu le 8 septembre 2006 l’arrêt
R.Const.36/TSR1074 dans laquelle elle a déclaré ladite loi conforme à
la Constitution.
La non promulgation en cas de contrôle juridictionnel ayant
abouti à la non-conformité est la sanction qui frappe ce type de lois ;
cependant, si malgré cet arrêt de non-conformité, le Chef de l’État

1072
Article 222 de la Constitution du 18 février 2006.
1073
Article 121 de la Constitution de la transition du 4 avril 2003.
1074
Nous disposons de la copie de cet arrêt.

550
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

promulgue quand même la susdite loi organique, pour des raisons


qui lui seraient propres, il convient d’observer qu’il commettrait
ainsi une violation intentionnelle de la Constitution1075 qui relève
désormais du droit constitutionnel pénal que l’on a vu plus haut.

C. Les lois ordinaires


Les lois ordinaires, quelle que soit la catégorie à laquelle elles ap-
partiendraient, restent soumises au contrôle préalable de constitu-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
tionnalité au vœu du constituant. Lorsque le juge aboutit sur pied de
l’article 160, alinéa 3 de la Constitution à une déclaration de non-
conformité, la sanction demeure la non-promulgation. Une seconde
lecture au niveau parlementaire peut également s’ensuivre.

D. Les actes ayant force de loi


Les actes ayant force de loi, étant par définition des actes du pou-
voir exécutif intervenus dans le champ législatif, n’échappent pas au
contrôle lorsque le constituant ouvre expressément ce contrôle. En
effet, autrement, il est théoriquement difficile aux autorités habili-
tées à déclencher le contrôle à priori de savoir qu’un acte ayant force
de loi est en chantier auprès du Chef de l’État.
Par ailleurs, si malgré tout, un tel acte était soumis au contrôle du
juge, ce dernier devrait le censurer car, à notre avis, l’équipollence
des actes ayant force de loi avec les lois formelles commande une tel-
le solution. La solution est différente lorsqu’il s’agit des actes expres-
sément cités par le constituant.

§ 2. Les ordonnances présidentielles de l’article145


de la Constitution
Les termes exprès de la disposition constitutionnelle font de la
Cour constitutionnelle un mécanisme de contrôle inclus dans
l’élaboration des ordonnances du Chef de l’État. La promulgation
desdites ordonnances sans que la Cour constitutionnelle ne les ait
préalablement contrôlées entraîne à la fois l’infraction de haute tra-

1075
Voir article 165, alinéa 1er de la Constitution du 18 février 2006.

551
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

hison dans le chef du président de la République pour violation in-


tentionnelle de la Constitution, mais aussi et surtout la non-validité
de telles ordonnances du point de vue interne.

§ 3. Les règlements intérieurs des assemblées


L’exigence de conformité des règlements des assemblées parle-
mentaires relève du souci du constituant à rationaliser le régime par-
lementaire. Il convient de noter que les règlements n’ont pas valeur

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
constitutionnelle en eux-mêmes. Si une disposition réglementaire
peut avoir valeur constitutionnelle, c’est au bénéfice de la disposi-
tion constitutionnelle qu’elle reproduit, ou dont elle assure le pro-
longement nécessaire, comme pour les lois organiques.
Le juge doit être, de ce point de vue, d’une extrême rigueur car,
autrement, la suprématie de la Constitution serait un vain mot ou
une lettre morte. Ce contrôle s’exerce à la fois sur le règlement inté-
rieur de chaque chambre et même du Congrès.
La non-conformité, on s’en doute, débouche sur la non-mise en
œuvre, par la Chambre concernée, du règlement intérieur ainsi cen-
suré. La question ainsi traitée présente de différences évidentes lors-
qu’il s’agit des actes de droit international dont l’étude s’impose au
paragraphe suivant.

§ 4. Les traités et accords internationaux


Marcel Wetsh’Okonda1076a indiqué avec pertinence que « la Ré-
publique démocratique du Congo a opté pour le système du monis-
me juridique avec primauté du droit international. Les différentes
constitutions qui ont eu à régir cet État comportent une clause aux
termes de laquelle une fois ratifiés conformément aux conditions
d’autorisation parlementaire, de référendum ou de révision constitu-
tionnelle, selon le cas et publiés au journal officiel, les traités inter-
nationaux font partie intégrante du droit national1077.

1076
Nous le citons in extenso avec les références qu’il a exploitées.
1077
Lire notamment les articles 214 à 216 de la Constitution du 18 février 2006, La
Constitution de la République démocratique du Congo, Kinshasa, Commission
électorale indépendante, 2006, p. 9.

552
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Ils occupent dans la hiérarchie des règles juridiques un rang in-


termédiaire entre la constitution et les lois nationales. Il en résulte
que leurs règles devraient être préférées à toutes les lois nationales,
peu importe que celles-ci soient antérieures ou postérieures sous ré-
serve de leur caractère self executing1078.
En revanche, la réciprocité n’est pas de mise s’agissant des traités
relatifs aux droits de l’homme1079. Il ne suffit donc pas que les traités
internationaux soient ratifiés pour qu’ils puissent recevoir une appli-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
cation directe. Encore faut-il que les conditions susvisées soient ré-
unies. Il n’est pas sans intérêt de le noter, les constitutions congolai-
ses sont plutôt muettes sur le rang dans la hiérarchie des règles juri-
diques congolaises des coutumes internationales relatives aux droits
de l’homme comme sur les conditions d’application desdites coutu-
mes internationales. Ce qui ne rend pas facile l’application desdites
coutumes internationales.
En tout cas, la République démocratique du Congo ne s’est jamais
prononcée en la matière et le jour où ils seront confrontés à ce pro-
blème, les juges congolais n’auront certainement pas la tâche facile.
Tel est également le cas en matière d’application des traités inter-
nationaux dans la mesure où pendant longtemps l’on a déploré sinon
l’absence du moins l’indigence de la jurisprudence en la matière et
que la première expérience soulève la question des juridictions com-
pétentes pour procéder à l’examen des conditions d’application di-
recte des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, ques-
tion qui n’a pas manqué de susciter une vive controverse.
Pour les uns, cette compétence est dévolue au juge du fond tandis
que pour les autres, il s’agit là d’une compétence exclusive du juge
constitutionnel »1080. Pour étayer cette thèse, il importe d’examiner

1078
WETSH’OKONDA KOSO (M.), op. cit., pp. 139-169.
1079
WASCHSMANN (P.), op. cit., pp. 121-123 et 125 ; Article 60 par. 5 de la
Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, in S. A, La
Commission du droit international et son œuvre, 3e Edition, New York, Nations
Unies, 1982, p. 232.
1080
KAMBALE KALUME (P.), op. cit. (cote 11), pp. 161-163 cité par
WETSH’OKONDA KOSO (M.), « La compétence des juridictions congolaises en
matière d’examen des conditions d’application des traités internationaux relatifs aux
droits de l’homme », Revue du Barreau de Kinshasa/Gombe, n° 3/2009, pp. 102 et s.

553
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

chacune des possibilités institutionnelles qu’emporte la non-


conformité du traité à la constitution.

A. Effet vis-à-vis du pouvoir constituant


Le pouvoir constituant étant souverain, il est de principe que
l’arrêt d’une juridiction fût-elle la Cour constitutionnelle ne
s’impose pas à lui. Dès lors que la Cour constitutionnelle est un
pouvoir institué, il est juridiquement impossible qu’il contrôle le

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
constituant.
Cependant, il faut ajouter que le constituant lui-même s’étant lié
lorsqu’il s’agit d’un traité international en posant qu’il ne peut être
ratifié ni approuvé lorsqu’un arrêt l’a déclaré au préalable non
conforme, il lui reste la possibilité souveraine de réviser la Constitu-
tion s’il entend ne pas engager sa responsabilité internationale. En
effet du point de vue des relations internationales, le droit interne
est considéré comme du pur fait non susceptible d’être invoqué pour
s’exonérer de sa responsabilité internationale. Si telle est la position
à l’égard du pouvoir des pouvoirs dans l’État, la situation est diffé-
rente vis-à-vis du pouvoir exécutif.

B. Conséquence à l’endroit du pouvoir exécutif


La non-conformité prononcée par le juge constitutionnel est un
désaveu de la conduite des relations internationales par le juge cons-
titutionnel qui joue ici le rôle de la troisième chambre. En effet, le
pouvoir exécutif en l’occurrence le chef de l‘État qui détient le treaty
making power a dès lors l’obligation de renégocier le traité avant de
le ratifier. La conséquence est donc hautement politique. Si l’attitude
à ce niveau est politique, elle n’appelle guère de réponse divergente
lorsqu’il s’agit du pouvoir législatif.

C. Attitude du pouvoir législatif


Le parlement étant l’instance politique par excellence, son fonc-
tionnement n’est pas indifférent aux fluctuations de la politique
lorsqu’un arrêt de non-conformité est prononcé par la Cour consti-
tutionnelle. Il demeure alors que le législateur qui approuve le traité

554
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

irrégulier est obligé par l’arrêt de la Cour constitutionnelle à réviser


sa position. Pareille loi d’approbation reste parfaitement attaquable
en inconstitutionnalité même si le traité, lui, ne peut être l’objet
d’un contrôle de constitutionnalité.
Une conséquence politique non négligeable est qu’en réalité, dans
le système parlementaire majoritaire qui est le nôtre, il est difficile
de concevoir une attitude revêche à la ratification d’un traité par le
président de la République qui est le chef de la majorité. L’assemblée

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aura donc une propension forte à soutenir le président de la Répu-
blique dans le duel qui s’engagerait ainsi avec le juge constitutionnel.
En revanche, la ratification de certains traités internationaux non
self executing exige des lois de mise en application qui restent soumi-
ses au régime juridique déjà souligné. Si le traité dans ce cas est décla-
ré non conforme, sa loi d’approbation ou celle de mise en œuvre
connaissent une non-promulgation par le Chef de l’État dans les
conditions indiquées plus haut.
Dans le modèle de justice constitutionnelle congolaise, le contrôle
a priori reste une affaire des autorités politiques. La raison en est
bien simple : la non-promulgation et la non-publication de la norme
contestée empêchent sa connaissance par le commun des mortels. En
outre, n’existant pas encore juridiquement, telle norme n’est pas
susceptible de causer un préjudice aux particuliers car elle n’est pas
encore opposable.
C’est ainsi que le particulier, dans tous les cas, garde la possibilité
majeure d’attaquer la loi après sa promulgation comme une arme
fatale qui vient parfaire le système de justice constitutionnelle qui
cesse ainsi d’être fortement autocratique1081 pour devenir démocrati-
que.1082

1081
Lire NGONDANKOY NKOY ea LOONGYA (P. G.), Le contrôle de
constitutionnalité en République démocratique du Congo. Étude critique d’un
système de justice constitutionnelle dans un État à forte tradition autocratique, thèse
de doctorat en droit public, Université catholique de Louvain, 2008, 603 p.
1082
Il s’agit d’un vœu et d’une praxis qui doit suivre.

555
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Section 2 : LE CONTRÔLE A POSTERIORI OU


LA CENSURE DES ACTES JURIDIQUES
ACHEVES
La censure de la norme juridique achevée c’est-à-dire régulière-
ment insérée dans l’ordonnancement juridique mais encore infectée
par une inconstitutionnalité est l’archétype même du contrôle de
constitutionnalité. C’est en réalité empêcher enfin la matérialisation
de l’expression législative de la majorité politique lorsque l’on soup-

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çonne celle-ci de déviationnisme à l’endroit des valeurs essentielles
proclamées par le constituant. C’est ainsi que l’on peut observer déjà
ici que seul le cas de contrôle positif nous intéresse. C’est le nœud
gordien du contentieux constitutionnel et la trame de l’État de droit
moderne.
En effet, le cas de contrôle négatif aboutissant à un arrêt de
conformité est sans intérêt car il postule que la norme dès le départ
était régulièrement insérée dans l’ordre juridique congolais. En re-
vanche, tel arrêt joue un rôle de certification ou mieux
d’authentification de la norme juridique qui devient ainsi comme
nimbée d’un halo de sainteté qui la rend inattaquable.

§ 1. Les cas de contrôle positif


Par une disposition constitutionnelle qui a une portée générale, le
constituant pose le principe que « tout acte déclaré non conforme à
la Constitution est nul de plein droit ».1083 Ce principe par son énon-
cé même s’appliquera à toutes les normes infraconstitutionnelles
censurées.

A. Les lois constitutionnelles


Ainsi que nous l’avons relevé, une loi de révision constitutionnel-
le peut être inconstitutionnelle si les règles présidant à la révision
même quant au temps et à la matière n’ont pas été observées. Le
constituant cependant peut toujours renverser la décision du juge
constitutionnel en adoptant la même loi de façon conforme à la

1083
Lire article 168, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.

556
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Constitution en ayant au préalable révisé les dispositions constitu-


tionnelles imposant les limites.
Plus encore, le constituant peut sans réviser ces limitations recou-
rir à la voie du référendum et empêcher ainsi définitivement le juge
constitutionnel d’examiner la conformité de cette loi référendaire à
la Constitution. Au demeurant, il faut noter que l’autorité de la cho-
se jugée au constitutionnel ne joue pas à l’égard du pouvoir consti-
tuant qui garde la latitude de tout faire.

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B. Les lois organiques
À l’égard des lois organiques, la nullité posée par le texte consti-
tutionnel joue comme un couperet et interdit toute invocation ulté-
rieure devant n’importe quel autre juge, la loi étant censée être
inexistante. Les conséquences de la nullité absolue et de plein droit
qui sont radicales ont été dans d’autres systèmes de justice constitu-
tionnelle atténuées soit par la loi soit par le juge auquel la latitude a
été donnée de délimiter les effets de la susdite nullité au regard des
droits subjectifs des particuliers.
On peut voir que la loi organique se caractérise par un régime ju-
ridique présentant des spécificités par rapport à celui des lois ordi-
naires. Ce régime juridique est marqué d’une plus grande solennité
par rapport à la loi ordinaire, solennité qui souligne l’importance des
lois organiques à la fois parce qu’elles sont destinées à appliquer la
Constitution, mais également parce qu’elles sont relatives aux insti-
tutions les plus importantes.
Cela va se traduire d’une part, par des spécificités dans la procé-
dure et, d’autre part, par des caractéristiques contentieuses. Jean-
Christophe CAR écrivait que la loi organique n’était au fond qu’une
loi ordinaire avec une procédure spécifique. Ces spécificités se re-
trouvent tant au moment de l’adoption que de la modification de la
loi organique. La procédure de l’article 124 est applicable. Toutefois,
faute d’accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté
par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité abso-
lue de ses membres. Les lois organiques ne peuvent être promulguées
qu’après la déclaration par la Cour constitutionnelle de leur
conformité à la Constitution. Les spécificités relatives à l’adoption

557
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

de la loi organique sont donc inscrites à l’article 124 de la Constitu-


tion qui, sur plusieurs points, déroge aux règles procédurales de
droit commun prévues aux articles 145 et suivants de la Constitution
qui restent tout de même applicables : lex speciali lex generali derogat.
Que ce soit au moment de l’initiative de la loi organique ou au
moment de sa discussion, aucune spécificité, autre que celle qui
pourrait être prévue par les règlements d’Assemblée ou qui sera la
conséquence d’une certaine solennité, de fait, des questions sur les-

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quelles portera la loi organique, n’est identifiable quant au régime de
droit commun appliqué en matière de loi organique. On doit
d’ailleurs relever que si l’on parle beaucoup de projets de lois orga-
niques, il y a aussi la faculté de déposer des propositions de lois or-
ganiques, et qu’en matière organique le nombre de ces propositions
est même plus important qu’en matière de loi ordinaire.
Tant en ce qui concerne l’initiative que la discussion, comme en
matière de lois ordinaires, le Gouvernement peut faire usage de ces
prérogatives pour limiter notamment le nombre d’amendements.
Sinon, la navette ordinaire est applicable. À ce niveau, aucune diffé-
rence n’est décelable par rapport aux lois ordinaires.
Le parlementarisme rationalisé voulu par le constituant de 2006 a
conduit celui-ci à doter le Gouvernement d’un arsenal de prérogati-
ves, dans le cadre de la procédure législative, lui permettant
d’accélérer la procédure d’adoption d’un texte et d’avoir une certai-
ne maîtrise de la procédure législative. Ces techniques facilitent de ce
fait l’adoption des textes.
Il peut sembler curieux de distinguer le régime d’adoption du ré-
gime de modification des lois organiques. Logiquement, elles sont
modifiables dans les mêmes conditions que pour leur adoption :
principe de parallélisme des formes et des procédures. Cependant, en
pratique, ce n’est pas si simple.
Par ailleurs, certaines questions se posent : Comment sait-on par
exemple qu’une loi organique doit être modifiée ? Est-ce qu’une telle
loi peut être modifiée suite à l’adoption d’un texte autre qu’une révi-
sion constitutionnelle ? Nous allons voir dans quelles conditions une
loi organique peut être amenée à être modifiée à travers la question
des modifications provoquées d’une loi organique, puis nous verrons

558
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

quelle procédure doit être suivie pour opérer la modification d’une


loi organique.
Existe-t-il des cas où la modification d’une loi organique est ren-
due obligatoire par l’adoption d’un autre texte ? Nous allons voir
trois cas de figure dans lesquels cette question peut se poser :
l’adoption d’une révision constitutionnelle, l’adoption d’une loi or-
dinaire, et l’adoption d’un engagement international.
Il arrive parfois que des dispositions constitutionnelles soient

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modifiées sans qu’il soit fait allusion dans le texte à la modification
des dispositions organiques d’application : soit parce que, tout sim-
plement, les dispositions organiques applicables ne nécessitent pas
une modification car leur rédaction reste applicable en l’état ; soit
parce la modification affecte incidemment le domaine de la loi orga-
nique et suppose la modification de la loi organique sans que ceci
soit inscrit dans le texte constitutionnel : c’est une conséquence né-
cessaire de la révision constitutionnelle. Sans modification, la loi or-
ganique devient contraire à la Constitution. Il appartient dès lors au
législateur organique de se saisir de cette question.
Les autres cas de modification provoquée de la loi organique sont
moins évidents.
Il semble a priori curieux qu’une simple loi ordinaire puisse
conduire à la modification d’une loi organique car, dans notre sché-
ma intellectuel simplificateur, nous supposons que les lois organi-
ques chapotent les lois ordinaires donc qu’elles les précèdent et les
encadrent. Ce n’est pas aussi simple que cela.
Il se peut qu’une loi ordinaire entraîne la modification d’une loi
organique car elle affecte indirectement le domaine de la loi organi-
que. Cela est, par exemple, le cas de la création d’une nouvelle caté-
gorie de collectivités territoriales ou lorsque la loi décide de faire
changer de catégorie une collectivité territoriale. Cela peut conduire
à un changement de la loi organique parce que, par exemple, en af-
fectant une collectivité territoriale dans une autre catégorie, elle
change de statut et ce statut doit être défini par la loi organique.
Il en va de même lorsque la loi ordinaire décide de modifier une
circonscription électorale et que cette modification entraîne la modi-
fication du nombre de députés, relevant de la compétence de la loi

559
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

organique au regard de l’article 2 de la Constitution. Il en va de mê-


me en cas de modification du mode de scrutin, cette modification
pouvant avoir des incidences sur le nombre de députés ou le mode
de remplacement de ceux dont le siège deviendrait vacant.
Il faut bien souligner, cependant, que si cette modification est
pleinement justifiée, il n’y a aucun moyen de contraindre juridi-
quement le législateur organique à intervenir. Il n’y a pas de sanction
de l’omission législative. Le juge constitutionnel devra parfois faire

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des observations, notamment à la suite des opérations électorales,
dans lesquelles il devra souligner les lacunes du législateur mais cela
ne peut pas aller plus loin. Autre situation plus complexe encore : la
modification entraînée par la ratification d’un engagement interna-
tional.
Il s’agit de deux cas de figure différents car l’entrée en vigueur des
engagements internationaux est subordonnée à l’adoption d’une loi
de ratification en vertu de l’article 216 de la Constitution.
Que se passe-t-il si un engagement international, que la Républi-
que démocratique du Congo souhaite ratifier, est contraire à une loi
organique ou intervient dans le domaine de compétence du législa-
teur organique ? Cela conduit, tout d’abord, à s’interroger sur la pla-
ce respective des engagements internationaux et des lois organiques
dans la hiérarchie des normes. La lecture de la Constitution laisse
apparaître une réponse simple : d’après l’article de la Constitution, si
un engagement international est contraire à la Constitution, après
constatation effectuée par la Cour constitutionnelle, sa ratification
ne pourra intervenir qu’après une révision de la Constitution faisant
disparaître cette contrariété. Il n’est fait, dans cette disposition, au-
cune mention à la loi organique.
L’article 215 de la Constitution pose, pour sa part, le principe de
supériorité des engagements internationaux par rapport aux lois sans
distinguer le caractère organique, ordinaire ou encore référendaire
de ces lois.
De ce fait, et sans que les travaux préparatoires à la Constitution
puissent le contredire, le rapport hiérarchique entre lois organiques
et engagements internationaux semble simple : les lois organiques
sont subordonnées aux engagements internationaux qui sont eux-
mêmes subordonnés à la Constitution.

560
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

De ce fait, la ratification d’un engagement international qui serait


contraire à une loi organique sera possible sans qu’il soit nécessaire
préalablement de modifier la loi organique. En revanche, les disposi-
tions de la loi deviendront caduques et il appartiendra au législateur
organique de tirer les conséquences de la ratification de l’engagement
international.
Autre question : si l’engagement international intervient dans le
domaine de la loi organique, cela oblige-t-il à une ratification par une

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loi organique afin de respecter les prescriptions de l’article 46 de la
Constitution ?
Le Conseil constitutionnel français a répondu à ces questions par
deux décisions rendues le 30 juin 1993 en se fondant sur
l’interprétation de l’article 53 de la Constitution française : la déci-
sion n° 93-318 DC, Accord avec la Mongolie et la décision n° 93-319
DC, Convention internationale sur les risques professionnels causés par
les substances et agents cancérogènes : « l’article 53 de la Constitution
(…) subordonne à une autorisation donnée par une loi ordinaire la
ratification ou l’approbation » de certains engagements internatio-
naux. Par conséquent, quel que soit le domaine affecté par
l’engagement international, la ratification en la forme d’une loi or-
dinaire suffit. Bien que cela ne respecte pas le principe de parallélis-
me des formes et des procédures : il n’y a aucune obligation de sui-
vre les formes de l’article 124.
Une seule hypothèse doit être mise à part, celle où la loi organi-
que reprendrait expressément des dispositions de la Constitution
auquel cas, elle serait « le miroir » des dispositions constitutionnelles
et la modification des dispositions constitutionnelles nécessaires à la
ratification de l’engagement international devrait entraîner de facto
la modification des dispositions de la loi organique.
A priori, la réponse semble simplissime : une loi organique ne
peut être modifiée que par une autre loi organique qui aura suivi la
procédure de l’article 124 de la Constitution. C’est du moins ce
qu’indique l’article 124 de la Constitution qui dispose : « Les lois
auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques
sont votées et modifiées (…) dans les conditions suivantes ».
En pratique, cela n’est pas si simple, soit que les lois initialement
intervenues dans le domaine organique ne soient pas des lois organi-

561
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ques ayant suivi la procédure de l’article 124, soit que d’autres pro-
cédures prévues par la Constitution puissent être utilisées pour mo-
difier une loi organique.
Dans le premier cas, la question qui se posera est de savoir si le lé-
gislateur organique peut utiliser la procédure de l’article 124 pour
modifier un acte intervenu dans le domaine de la loi organique.
Dans le second cas, il s’agira de savoir si la modification par une
autre procédure que celle de l’article 124, d’une part, est constitu-

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tionnellement acceptable et d’autre part, si cette procédure ne vient
pas affaiblir le domaine de la loi organique.
Il s’agit là d’étudier la question de la modification par le législa-
teur organique d’un acte intervenant dans le domaine de la loi orga-
nique mais n’ayant pas suivi la procédure de l’article 160. Le législa-
teur organique dispose, d’après la Constitution, d’un domaine qui
lui est réservé. Ce domaine est défini par les divers articles de la
Constitution renvoyant à des lois organiques.
Est-ce qu’une loi organique adoptée par référendum ne peut être
modifiée que par référendum ? Le Conseil constitutionnel français a
répondu clairement par la négative à cette question dans une déci-
sion n° 76-65 DC du 14 juin 1976 à propos justement de la Loi or-
ganique modifiant la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à
l’élection du président de la République au suffrage universel direct.
Il a estimé que le législateur organique pouvait suivre la procédu-
re de l’article 46 (notre article 160) pour modifier ce type de disposi-
tion. La loi référendaire, une fois entrée dans l’ordre juridique, de-
vient semblable aux autres lois et perd son originalité. Son insertion
dans l’ordre juridique dépend de la matière sur laquelle elle porte et
elle n’a pas de régime juridique spécifique.
Une loi organique peut donc modifier sans contrainte une loi ré-
férendaire qui porterait sur le domaine organique. Mais le contraire
est-il exact ? Cela pose la question de la possibilité de modification
d’une loi organique adoptée selon les formes de l’article 160 par le
biais d’une procédure étrangère à cet article.
Si l’on interprète strictement les dispositions de l’article 160 qui
dispose que « les lois auxquelles la Constitution confère le caractère

562
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

de lois organiques sont votées et modifiées (…) dans les conditions


suivantes », on peut considérer que la procédure de l’article 160 est la
seule procédure constitutionnellement admissible pour modifier une
loi organique. Or, la pratique institutionnelle française, qui est illus-
trative à cet égard, a révélé que ce n’était pas le cas. Il convient ici de
distinguer le cas du recours à des procédures référendaires, de celui
du recours à des procédures délégataires telles que celles de
l’article 16 ou de l’article 38 de la Constitution française.

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Dans la Constitution française, et mis à part le cas des consulta-
tions relatives à l’autodétermination des populations d’outre-mer, il
y a eu pendant longtemps deux types de référendums seulement : le
référendum de l’article 11 et celui de l’article 89. Il s’agissait de deux
procédures de référendum pouvant être organisés sur le plan natio-
nal et dont le déclenchement appartenait aux seuls pouvoirs publics :
le référendum originellement qualifié de législatif, prévu à
l’article 11 et le référendum de l’article 89 de la Constitution qui
permet d’adopter une loi de révision de la Constitution. En 2003,
sont apparus les référendums locaux avec la réforme sur la décentra-
lisation. Ces référendums ne peuvent en aucun cas toucher au do-
maine de la loi organique. En 2008, l’article 11 de la Constitution a
été modifié pour introduire à côté du référendum déclenché par les
pouvoirs publics, un référendum qualifié de référendum d’initiative
partagée. On peut se demander si une loi organique peut être modi-
fiée par cette nouvelle procédure non encore entrée en vigueur faute
d’adoption de la loi organique permettant sa mise en œuvre.
La première question qui se pose est de savoir si l’article 11 alinéa
premier français peut modifier une loi organique. La réponse est po-
sitive d’autant que rien dans l’article 11 ne l’interdit et que, comme
nous l’avons déjà souligné, le champ d’application de l’article 11
couvre le domaine de la loi organique. En outre, les termes de « pro-
jet de loi » ont été interprétés largement au point de permettre la
soumission de projets de lois constitutionnelles.
Par conséquent, et cela s’est déjà produit en 1962, la loi référen-
daire peut modifier la loi organique d’autant plus que les disposi-
tions à caractère organique pourront être clairement identifiées par
la loi référendaire elle-même ou par le contenu de cette loi adoptée
par référendum. L’intervention de la loi référendaire pour modifier

563
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

une loi organique ne fait pas perdre, à cette dernière, son qualificatif
de loi organique ; la délimitation des compétences matérielles est
sauvegardée.
En revanche, le recours à la procédure référendaire pour modifier
une loi organique fait perdre à la loi organique les spécificités de son
régime protecteur définies à l’article 124 de la Constitution. Ainsi, le
Sénat ne pourra pas bénéficier de l’exigence de voter dans les mêmes
termes les textes de loi et ne pourra non plus obliger à un vote à la

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majorité absolue en cas de désaccord avec l’Assemblée nationale.
Surtout, les lois référendaires échappent au contrôle de constitu-
tionnalité depuis la décision 62-20 DC du 6 novembre 1962 dans la-
quelle le Conseil constitutionnel français s’est déclaré incompétent
pour contrôler la constitutionnalité d’une loi adoptée par voie de
référendum. Par conséquent, ces modifications échappent au contrô-
le obligatoire et préalable prévu par la Constitution.
En outre, la loi constitutionnelle n’est pas soumise au contrôle de
constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s’étant déclaré incompé-
tent dans une décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003. Par consé-
quent, il est impossible de faire sanctionner les empiétements du pou-
voir constituant dérivé sur le domaine du législateur organique.
Concernant, enfin, l’éventuelle utilisation de la procédure réfé-
rendaire pour modifier une loi organique. Nous ne pouvons faire
que des suppositions en attendant l’adoption de la loi organique
mais a priori rien n’exclut que cette procédure puisse être utilisée
pour modifier des dispositions organiques. En outre, ces dispositions
bénéficieront du contrôle de constitutionnalité préalable obligatoire
pour ce type de proposition de référendum introduit à l’article 160
par la Constitution du 18 février 2006.
Il s’agit de s’interroger ici sur le point de savoir si les procédures de
délégation législative au bénéfice du pouvoir exécutif peuvent permet-
tre à ce dernier d’intervenir dans le domaine de la loi organique.
L’habilitation référendaire à intervenir dans le domaine de la loi
organique, donc à modifier une telle loi, est possible mais pour que
les dispositions prises en vertu de cette habilitation conservent un
caractère législatif (organique), la loi référendaire elle-même devra
prévoir leur ratification.

564
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

A priori, le domaine des lois organiques n’est pas exclu du champ


d’application de l’article 145 de la Constitution puisque ce dernier
ne fait pas la distinction entre les matières qui relèveraient de la loi
organique et celles qui relèveraient de la loi ordinaire. D’ailleurs,
pendant la période d’application de l’article 16 équivalent, en Fran-
ce, à notre article 145 susmentionné, (du 23 avril au 29 septembre
1961), deux décisions ont affecté le domaine de la loi organique.
La première, du 26 avril 1961, a suspendu le principe

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d’inamovibilité des magistrats du siège et la seconde, du 17 juin 1961,
a dérogé aux règles de droit commun du statut des magistrats. Elles
concernaient toutes les deux les magistrats en poste en Algérie. Par
ailleurs, le domaine matériel de chaque disposition est respecté par
l’article 16 français – et notre article 145 de même –, car la réparti-
tion des matières prévues par la Constitution est respectée à
l’intérieur de cette habilitation, comme a pu le constater le Conseil
d’État dans l’arrêt du 2 mars 1962, Rubin de Servens.
Les caractéristiques contentieuses de la loi organique vont nous
conduire à aborder deux questions : celle de son régime contentieux
et, par là même, celle de sa place dans la hiérarchie des normes. Les
lois organiques se caractérisent par leur soumission obligatoire au
contrôle de constitutionnalité et cela les distingue des lois ordinaires.
Il en découle, a priori, une règle simple : celle de la subordination
de la loi organique à la Constitution. Cependant, une confusion a pu
naître à partir du moment où certaines dispositions organiques ont
pu servir comme normes de référence du contrôle opéré par le juge
constitutionnel.
L’article 160 de la Constitution congolaise prévoit la soumission
obligatoire de la loi organique au contrôle de constitutionnalité opé-
ré par le juge constitutionnel. Il s’agit d’une condition de validité de
la loi organique car une loi organique ne pourra pas entrer en vi-
gueur si elle n’a pas fait l’objet de ce contrôle. Contrôle obligatoire,
ne signifie pas cependant contrôle automatique. Les lois organiques
venant d’être adoptées par les assemblées seront soumises au juge
constitutionnel.
Il découle de ce caractère obligatoire de la saisine plusieurs consé-
quences :

565
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

1 - La lettre de transmission du président de la République ou du


Premier ministre n’est pas argumentée à la différence des lettres
de saisine car, de toute façon, ce contrôle est exigé par la Consti-
tution. D’ailleurs, le juge constitutionnel se considère comme
naturellement saisi de l’examen de l’ensemble des dispositions de
la loi organique.
2 – Toute autre procédure que celle de l’article 160 pour contrôler la
loi organique est irrecevable : ainsi, la procédure de l’article 160,

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alinéa 3 ne peut être utilisée, de même qu’est considérée comme
irrecevable une lettre de saisine des parlementaires qui viendrait
appuyer la lettre de transmission du Premier ministre (Conseil
constitutionnel, décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, Statut
de la magistrature).
3 – Si le juge constitutionnel relève des inconstitutionnalités, il pra-
tiquera un contrôle à double détente, c’est-à-dire que lors de
l’examen de la loi organique modifiée pour tenir compte des in-
constitutionnalités relevées par lui, il vérifiera si ces inconstitu-
tionnalités ont été purgées.
4 - Le juge constitutionnel s’estimant saisi de l’ensemble des disposi-
tions de la loi organique, si celle-ci est déclarée constitutionnelle,
l’ensemble de ses dispositions se voient conférer un brevet de
constitutionnalité, donc elles bénéficient a priori d’une présomp-
tion irréfragable de constitutionnalité.

Ce contrôle obligatoire induit nécessairement la soumission de


toutes les lois organiques à la Constitution.
Il semble aller de soi que les lois organiques sont soumises à la
Constitution car, le législateur organique ne dispose pas de « la com-
pétence de la compétence », c’est-à-dire qu’une loi organique ne peut
intervenir que parce que la Constitution l’a prévu.
Ensuite, elles font l’objet d’un contrôle obligatoire dans lequel on
vérifie leur conformité à la Constitution.
Enfin, une loi organique ne pourrait être considérée comme
ayant valeur constitutionnelle qu’autant que serait empruntée, pour
sa modification, la voie de la révision constitutionnelle.

566
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

Nous allons voir deux cas : le premier est celui où des disposi-
tions organiques s’imposent aux règlements d’assemblées, le second
où ce sont des dispositions organiques qui s’imposent aux lois ordi-
naires.
Dans la mesure où le constituant donne compétence au législateur
organique pour poser des règles en matière parlementaire, ces dispo-
sitions organiques s’imposent aux règlements d’assemblées et donc,
aux résolutions venant modifier ces règlements.

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En revanche, les autres lois organiques et les dispositions organi-
ques qui ne viennent pas poser de règles en matière parlementaire en
vertu de la Constitution, n’ont pas de raison de s’imposer aux rè-
glements d’assemblée. C’est-à-dire que les assemblées retrouveront
une certaine autonomie dans la détermination du contenu de leur
règlement intérieur si aucune disposition organique ne vient poser
de règles.
La seconde question qui se pose est de savoir s’il existe un rapport
de hiérarchie entre lois organiques et lois ordinaires ou un rapport
de réserve de compétence comme il peut exister entre la loi et le rè-
glement.
Si l’on regarde du côté de la loi de finances, les dispositions orga-
niques qui s’imposent à elle sont soit des dispositions qui ont un
fondement constitutionnel, soit des dispositions qui instituent le
respect de procédures particulières et dont le non-respect entraîne
indirectement le non-respect de la Constitution.
Par exemple, l’introduction de cavaliers budgétaires dans la loi de
finances est sanctionnée par le juge constitutionnel car ce sont des
dispositions qui n’ont rien à faire dans la loi de finances.
Au-delà de la théorie des cavaliers, l’on peut noter que les disposi-
tions de la loi organique n’ont pas pour autant un rang constitu-
tionnel, sinon il faudrait nécessairement les modifier par la voie de la
révision constitutionnelle. Ce qui n’est pas le cas.
En réalité, et plus généralement, certaines dispositions organiques
ont valeur constitutionnelle car elles reprennent des dispositions de
valeur constitutionnelle de telle sorte que leur modification doit pas-
ser préalablement par une modification de la Constitution ; d’autres

567
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

instituent des règles de procédure obligatoire qui s’imposent aux lois


ordinaires, elles sont des normes de référence mais pas des normes
constitutionnelles ; d’autres encore, sont tout simplement des dispo-
sitions organiques et il n’y a pas de rapport de hiérarchie avec des
lois ordinaires mais simplement un rapport de réserve de compéten-
ce.

C. Les lois ordinaires

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Les lois ordinaires n’échappent pas au régime de nullité absolue
prévu par le constituant. Cependant, l’on peut observer qu’et le
constituant et le futur législateur organique n’organisent cette nullité
de plein droit dont les effets sont dévastateurs du point de vue de la
théorie des nullités.
En effet, la nullité agissant toujours ex tunc ou ab origine, il est
possible que l’annulation de la loi ait des effets pervers sur des tiers
bénéficiaires de bonne foi. Si la nullité ne pose aucun problème pour
l’avenir, le passé par contre est géniteur des droits subjectifs. Dire
que ses droits n’ont jamais existé, c’est à coup sûr créer un désordre
dans l’ordonnancement juridique. En droit comparé, la question a
été résolue par le législateur belge1084.
Nous pensons que la formulation de l’ordonnance-loi portant
procédure devant la Cour suprême de justice peut être mise à profit
ici. Il suffit de donner latitude au juge constitutionnel de préciser
l’étendue de la nullité pour en limiter les effets à l’égard des droits
acquis en vertu de la législation antérieure abrogée.1085

1084
Lire BECKERS (M.), L’autorité et les effets des arrêts de la Cour d’arbitrage,
Bruxelles, Story Scientia, 1987, p. 7.
1085
Dans ce sens, voir TREMEAU (J.), « La confrontation de la loi à la Constitution
par le juge ordinaire. Qu’en pensez-vous ? », en collaboration avec
CARPENTIER (E.), Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Paris, Dalloz, 2006 ;
JACQUELOT (F.), « Les droits de la défense », in RUBI-CAVAGNA (E.) (sous la
direction de), Les principes fondamentaux dans la jurisprudence des juridictions
suprêmes, Université Jean Monnet de Saint-Étienne, octobre 2004, pp. 130-159.

568
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

D. Les actes ayant force de loi


Le régime juridique des actes ayant force de loi est celui de tout
acte législatif. Il est donc demandé au lecteur de se reporter sur ce
qui a été déjà écrit à propos des actes législatifs. La nullité de plein
droit est donc la sanction de pareil acte quand il ne rencontre pas les
prévisions du constituant. La sanction semble poser problème lors-
qu’il s’agit des actes d’assemblée.

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E. Les actes d’assemblée
Pendant longtemps, l’acte d’assemblée a toujours échappé au
contrôle du juge administratif en vertu de l’article 87, alinéa 3 de la
procédure devant la Cour suprême de justice. À notre avis, cette pré-
vention du juge administratif suprême procédait d’une lecture tron-
quée de la loi. La disposition légale citée renvoie à la notion d’acte lé-
gislatif qui recouvre uniquement les lois et les actes ayant force de loi.
Les actes d’assemblée étant une catégorie d’actes parlementaires à
part, il est juste effectivement de dire que le juge administratif est in-
compétent en ce qui est du contrôle des actes législatifs. La raison en
est bien simple : il ne s’agit pas d’actes des autorités administratives.
De plus en plus, la jurisprudence découlant de l’arrêt R.A. 320 du
21 août 1996 a été consolidée erronément par le juge constitutionnel
qui a considéré aussi et à tort que les motions de défiance étaient des
actes législatifs relevant de sa compétence de contrôle.1086 En effet, les
motions de défiance comme les résolutions sont des actes
d’assemblée.
Dans l’état actuel de la législation devant la Cour suprême de jus-
tice, il n’y a pas de base légale de compétence pour la Cour transitoi-
re. Par contre, l’article 144, alinéa 1er est la seule base pour attaquer
un acte d’assemblée mais uniquement dans la matière considérée car
cette disposition légale pose que « la Cour connaît aussi, à la requête
de l’intéressé, des recours dirigés contre les actes du Conseil législatif

1086
Lire CSJ, arrêts Kapuku Ngoy Trésor, Cibalonza Byatarana Célestin et Makila
Sumanda José respectivement sous R. Const 051 du 31 juillet 2007, R. Const 062
du 26 décembre 2007 et R. Const 078 du 4 mai 2009, inédits.

569
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

refusant la validation des pouvoirs ou constatant la démission


d’office d’un de ses membres ».1087
La question mérite d’être réglementée car s’il est permis
d’examiner la régularité formelle d’une loi constitutionnelle, nous
ne voyons guère de justifications théoriques solides pour faire
échapper les actes d’assemblée autres que ceux prévus à l’article 144
de la procédure devant la Cour suprême de justice de la censure juri-
dictionnelle. En effet, deux arrêts ont déjà consacré ce contrôle en

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
droit congolais.1088
C’est le lieu de dire que l’article 74 de la loi n° 08/012 du
31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre ad-
ministration des provinces pose aujourd’hui autrement la question
en disposant que « la Cour administrative d’appel connait en pre-
mier ressort des recours en annulation pour violation de la loi, des
édits et des règlements nationaux formés contre les actes ou déci-
sions des autorités provinciales ou locales et les organismes décentra-
lisés placés sous la tutelle de ces autorités ».
La lecture de cette disposition légale plus récente donne à voir
qu’elle ouvre le recours en annulation contre tout acte des autorités
provinciales sans distinguer les autorités administratives de toutes
autres. C’est ce qui a fait dire à la Cour d’appel de Mbandaka, sié-
geant en matière administrative, qu’elle était parfaitement compéten-
te pour statuer sur la régularité d’un acte d’assemblée provinciale
ayant adopté une motion de défiance dans les conditions qu’elle avait
jugées illégales.1089
C’est peut-être l’occasion de régir la question par une disposition
légale, par voie mineure de la loi organique en chantier, claire et digne
d’intelligence. De toutes les façons, si les actes d’assemblée ne sont pas
susceptibles de contrôle, il faut le dire expressément, même si, en le

1087
Lire article 144 de l’ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 portant procédure
devant la Cour suprême de justice. C’est nous qui soulignons.
1088
Lire CSJ, arrêt RCE 001, Mutiri Muyongo contre HCR-Pt, du 4 février 1996 et
arrêt RCE 002 Kalegamire contre HCR-Pt de 1998.
1089
Lire Cour d’Appel Mbandaka, arrêt José Makila Sumanda contre Assemblée
provinciale de l’Equateur, R.A.059 du 24 avril 2009, inédit.

570
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

disant, le législateur consacrerait une zone de non droit qui est in-
compatible avec la notion d’État de droit constitutionnel qui postule
le respect par tous des droits et libertés des citoyens. Si cette notion de
l’époque du légicentrisme est acceptée, il faudra accepter les violations
des droits subjectifs tant qu’elles seraient exprimées politiquement et
juridiquement sous la forme non législative. C’est inadmissible.
La question ainsi posée ne concerne pas les actes réglementaires.

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F. Les actes réglementaires
Ceux-ci subissent le régime commun de nullité qui les rapproche
du recours en annulation pour excès de pouvoir législatif. En effet,
les actes réglementaires que nous avons analysés au chapitre second
de cette seconde partie en détail sont susceptibles de contrôle de
constitutionnalité. Lorsque celui-ci est positif c’est-à-dire lorsqu’il
aboutit à la non-conformité, il reste acquis que l’acte ainsi annulé ne
porte plus d’effets en droit. La question des droits acquis se pose
mais il appartient au législateur de régler les effets de la nullité qui
frapperait un tiers bénéficiaire de bonne foi d’un acte réglementaire
annulé de plein droit. Lorsque le juge s’est ainsi prononcé, il reste
que sa décision doit être exécutée par les destinataires qu’il échet
d’appréhender ici.

§ 2. L’exécution des décisions du juge constitutionnel


La question de l’exécution des décisions de la Cour constitution-
nelle est résolue par l’article 168, alinéa 1er de la Constitution qui dis-
pose que « les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles
d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obliga-
toires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités admi-
nistratives et juridictionnelles civiles et militaires ainsi qu’aux particu-
liers ».1090
Cette disposition constitutionnelle appelle en écho les dispositions
de l’article 62, alinéa 2 de la Constitution française du 4 octobre 1958
qui pose que « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont suscep-

1090
Voir article 168 de la Constitution du 18 février 2006.

571
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à tou-


tes les autorités administratives et juridictionnelles ».1091
La similitude est rompue entre les deux dispositions de deux or-
dres juridiques différents car le constituant congolais en faisant une
longue énumération semble vouloir embrasser toutes les catégories
d’individus revêches à l’exécution des décisions juridictionnelles. Il
s’agit de l’apport de l’expérience congolaise de quarante dernières
années.

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La disposition congolaise pose en effet deux questions différentes.
En posant qu’il n’y a point de recours contre les arrêts de la Cour
constitutionnelle, cette disposition tire les conséquences d’une décla-
ration d’inconstitutionnalité. La promulgation étant l’acte qui attes-
te que la loi a été régulièrement délibérée et votée et en ordonne
l’exécution, ne peut être considérée comme une annulation. La
compétence de promulgation étant cependant une compétence liée,
l’usage du terme « annulation » s’est répandu en jurisprudence.
La déclaration d’inconstitutionnalité peut frapper tout ou partie
des dispositions d’une loi. La première hypothèse se réalise lorsque
toutes les dispositions de la loi sont déclarées inconstitutionnelles,
soit quand il y inséparabilité entre les dispositions non-conformes
avec l’ensemble de la loi.
La promulgation est alors interdite et il n’y a le choix qu’entre
l’abandon du texte, la reprise de la procédure législative au stade de
l’initiative ou la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, et ce,
en cas de contrôle à priori. S’agissant du contrôle à posteriori, le tex-
te qui a fait l’objet d’un contrôle positif de constitutionnalité, dispa-
rait de l’ordonnancement juridique sans autre forme de procès.1092
Dans l’hypothèse d’une annulation portant sur certaines disposi-
tions seulement de la Constitution ou sur celles dont le caractère sé-
parable est décrété par le juge constitutionnel, il est admis que le pré-

1091
Voir article 62 de la constitution française du 4 octobre 1958 telle que révisée à
nos jours.
1092
C’est l’implication logique, sémantique et juridique des mots nullité de plein droit
utilisés par le constituant congolais.

572
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

sident de la République peut promulguer la loi soit après amputation


des dispositions déclarées contraires à la Constitution, soit après
substitution à celles-ci de nouvelles dispositions réalisant une mise en
conformité avec la Constitution.
Mais l’amputation des dispositions déclarées contraires à la cons-
titution ne peut être que provisoire en attendant la révision de la
Constitution ; ce qui permettra de les réintroduire dans un nouveau
texte de loi. Il est donc utile que les conséquences d’une déclaration

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
d’inconstitutionnalité partielle soient prévues dans la future loi or-
ganique relative à la Cour constitutionnelle.
Si en droit français, la promulgation de la loi la rend incontesta-
ble, chez-nous la loi reste attaquable pendant six mois de sa publica-
tion au Journal Officiel.1093 La conciliation des impératifs de sécurité
juridique et de protection de droits de l’homme a amené cette for-
mule que nous approuvons.
L’article 168, alinéa 1er de la Constitution définit, en second lieu,
l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la Cour consti-
tutionnelle. Cette autorité a été définie par la doctrine comme étant
une autorité absolue de chose jugée avec effet erga omnes. 1094
L’autorité de la chose jugée ne joue qu’à l’égard du texte qui a été
soumis au juge constitutionnel. Par rapport à l’autorité de la chose
jugée telle que définie par l’article 227 du code civil livre III qui dis-
pose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a
fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ;
que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit
entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la mê-
me qualité » ; 1095ne disparaît que l’exigence d’identité des parties, le
contentieux de la constitutionnalité ayant, comme le contentieux de
la légalité, un caractère objectif.

1093
Lire article 49 de la proposition de loi organique relative à l’organisation et au
fonctionnement de la Cour constitutionnelle, inédit, p. 14.
1094
FAVOREU (L.) et RENOUX (Th. S.), « Le contrôle de la constitutionnalité des
actes administratifs », Répertoire Dalloz du contentieux administratif, Paris, Dalloz,
1991.
1095
Lire article 227 du code civil congolais livre III, Codes Larcier, Kinshasa,
Bruxelles, Afrique Éditions, Larcier, 2001, tome 1, p. 161.

573
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

S’agissant de la matière d’interprétation de la constitution, il faut


opiner que l’interprétation donnée par le juge constitutionnel fait
corps avec la Constitution et les autres pouvoirs publics
d’application violeraient la Constitution s’ils ne la respectaient pas.
L’exigence d’identité de cause doit faire admettre que le juge
constitutionnel ne puisse être saisi sur le fondement de l’article 128
de la Constitution, des dispositions législatives dont il avait eu déjà à
connaître sur le fondement de l’article 160 de la Constitution.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
L’autorité de la chose jugée n’est pas opposable si le texte appliqué
n’a pas été soumis au juge constitutionnel, ou bien si, l’ayant été, il
n’a pas été promulgué à la suite d’une déclaration de non-conformité
de la loi. Si le juge constitutionnel s’est déjà prononcé sur les disposi-
tions qui lui sont soumises, l’autorité de la chose jugée s’impose avec
force de vérité légale, mais ne s’applique qu’aux seules dispositions
sur la constitutionnalité desquelles le juge constitutionnel aura ex-
pressément statué.
En droit comparé, l’on observe que l’identité d’objet est parfois
remplacée par l’analogie d’objet : en effet, le conseil constitutionnel
a décidé que « si l’autorité de chose jugée ne peut être en principe
utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi conçue en termes
distincts, il n’en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi, bien
que rédigées sous une forme différente ont, en substance, un objet
analogue à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la
Constitution ».1096
La théorie de l’autorité de la chose jugée n’est pas indifférente en
matière de contestation électorale du fait du caractère subjectif de ce
contentieux.
En effet, ici, le juge constitutionnel devra dire la requête irreceva-
ble en tant que les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont suscep-
tibles d’aucun recours même si la tendance affichée est de recevoir
les recours en rectification d’erreur matérielle et ceux en interpréta-
tion d’une décision de la Cour elle-même.

1096
CC, décision n° 89-258 DC, 8 juillet 1989, Recueil des décisions du Conseil
constitutionnel, p. 48. ; JCP 90, II, 21 409, note Claude FRANCK ; AIJC 1989,
chronique de Bruno GENEVOIS.

574
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

L’on peut légitimement discuter de la constitutionnalité de tels


recours introduits dans une loi organique qui, elle-même, doit se
conformer à la Constitution pour sa validité.
L’usage d’« aucun » à côté de recours rend manifestement tout au-
tre recours, quelle que soit sa légitimité, inconstitutionnel. Et c’est
pourtant l’option qu’a levée le futur législateur organique. 1097
Du reste, comment procéder au caractère « immédiatement exé-
cutoire » si les recours en rectification d’erreur matérielle et en in-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
terprétation ont nécessairement pour but de retarder l’exécution du
moins jusqu’au prononcé du nouvel arrêt ? On peut lire : « Tout ac-
te déclaré non-conforme à la Constitution est abrogé de plein
droit »1098. Toutefois, l’inconstitutionnalité d’une ou de plusieurs
dispositions d’un acte n’entraîne pas nécessairement l’abrogation de
tout l’acte. L’étendue de l’abrogation est déterminée souverainement
par la Cour suprême de justice1099.
Dans ces conditions, l’abrogation, qui a des effets erga omnes et ex
tunc (pour le présent et l’avenir), n’appelle pas, en droit congolais,
une autre procédure quelconque au sein de l’État. La déclaration du
juge constitutionnel suffit. C’est pourquoi le législateur prévoit, dans
ce cas, que l’arrêt de la Cour suprême de justice, à titre transitoire,
soit publié directement au Journal Officiel 1100, afin justement
d’assurer l’opposabilité à l’égard de tous alors que, notamment, les
arrêts de la haute juridiction sont publiés dans un bulletin des ar-
rêts1101.
Disons enfin que l’abrogation de l’acte ou de l’une ou plusieurs de
ses dispositions a lieu également en cas d’interprétation de la Consti-
tution par le juge constitutionnel. La loi prévoit, en effet, l’arrêt de
déclaration d’inconstitutionnalité. Il suffit que l’acte soit déclaré in-
constitutionnel pour qu’il soit abrogé de plein droit.

1097
Lire l’article 97, alinéa 3 de la proposition de la loi organique déjà citée.
1098
Voir l’article 134, alinéa 1er, Ordonnance-loi portant procédure devant la Cour
suprême de justice.
1099
Voir l’article 134, alinéa 2 et 3 du même texte.
1100
Voir l’article 135, du même texte.
1101
Voir l’article 28, in fine, du texte cité ci-dessus.

575
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

L’on peut affirmer que le juge constitutionnel siégeant en matière


d’interprétation crée en effet une norme qui s’insère dans
l’ordonnancement juridique de sorte que la loi qui n’est pas confor-
me à cette interprétation encourt l’abrogation de plein droit posée.
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une abrogation expresse ; il
s’agit plutôt d’une abrogation implicite de plein droit. L’autorité de
la chose interprétée par le juge constitutionnel s’attache ainsi à toute
loi postérieure qui ne serait qu’inconstitutionnelle et donc abrogée
avant même d’exister.

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Cette description de l’autorité de la chose jugée attachée par le
constituant lui-même aux décisions de la Cour constitutionnelle
permet de voir à présent comment cette exécution se déroule à
l’égard des parties au procès constitutionnel, avant d’examiner les
mêmes effets à l’égard des tiers et des pouvoirs publics.

A. À l’égard des parties


À l’égard des parties à l’instance de constitutionnalité, il est plus
que patent que l’arrêt a effectivement autorité immédiate de chose
jugée. En effet, dès le prononcé, le ministère public, et dès la signifi-
cation de l’arrêt pour ce qui est du requérant, l’arrêt ainsi rendu est
exécutoire sans autre formalité. L’on peut raisonnablement se poser
la question de l’apposition de la formule exécutoire sur les arrêts de
la Cour constitutionnelle.
En effet, faute d’une disposition légale interdisant telle apposition
sur lesdits arrêts, la formule exécutoire serait à apposer sur ces déci-
sions même si, il faut le dire, des termes mêmes de la Loi fondamen-
tale, il ressort le caractère exécutoire qui a une source dans la Consti-
tution et de ce fait, pourrait dispenser le greffier de cette formalité.
Mais le Chef de l’État étant le chef de l’Administration, il serait bon
que l’ordre d’exécuter émane de lui par le biais de la formule exécu-
toire apposée par un fonctionnaire de l’État régulièrement désigné.
La publication ultérieure au journal officiel de l’arrêt ne change
rien à la force exécutoire de l’arrêt qui détient cette force de la Cons-
titution de sorte que l’apposition de la formule exécutoire est mani-
festement sans objet. À l’égard des parties, surtout en matière électo-
rale, l’autorité de la chose jugée agit de façon péremptoire. En est-il
de même des tiers penitus extranei ?

576
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

B. Vis-à-vis des tiers penitus extranei


La notion de tiers peut paraître étrange dans un contentieux ob-
jectif. Cependant, comment ne pas voir qu’un étranger qui débarque
en République démocratique du Congo est concerné par l’article 162
de la Constitution qui ouvre la saisine à toute personne ? Est-ce que
le délai de six mois pour attaquer les actes législatifs publiés qui est
consacré dans le droit public congolais futur s’oppose à lui ? Généra-
lement, cet étranger pourrait légitimement faire état de l’ignorance
des lois du pays sans que l’on lui excipe de manière légitime le « nul

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n’est censé ignorer la loi » qui fonctionne lorsque le journal officiel
parait régulièrement et dans le pays d’origine de cet étranger.
Avouons que cette hypothèse est rarissime mais elle peut se pro-
duire.
Il faudra donc décider que vis-à-vis des tiers penitus extranei,
l’arrêt sera non pas immédiatement exécutoire mais exécutoire dès la
publication au journal officiel. Il s’agit, l’on s’en doute, d’une exi-
gence de l’État de droit de n’appliquer des normes aux particuliers
que dans la mesure où ceux-ci les connaissent. La situation n’est pas
la même lorsqu’il s’agit des pouvoirs publics.

C. À l’endroit des pouvoirs publics


L’expression « pouvoirs publics » que le constituant congolais a
utilisée est des plus globalisante. En effet, le terme recouvre une
multitude d’autorités publiques allant du Chef de l’État au chef du
quartier d’une commune rurale. C’est dire que le constituant a voulu
que toutes les autorités publiques au Congo soient assujetties aux
décisions du juge constitutionnel et malgré ce terme qui est généri-
que, il a éprouvé la nécessité de citer les autorités administratives et
juridictionnelles, civiles et militaires. Nous pensons que le consti-
tuant a voulu briser à l’avance les inerties fonctionnelles qui éma-
nent des catégories qu’il cite. Comme on le sait depuis la Seconde
Guerre mondiale, en démocratie, la majorité peut s’abuser ou être
abusée1102 si elle n’est pas contrôlée ou encadrée.1103

1102
MATHIEU (B.) et VERPEAUX (M.) (sous la direction de), L’intérêt général,
norme constitutionnelle, Paris, Dalloz, Cahiers constitutionnels de Paris I, 2007,
p. 2.
1103
Lire BOSHAB (E.), « République démocratique du Congo : le spectre de la
Constitution virtuelle devant la Commission constitutionnelle », Revue de droit
africain, n° 6, 1998, pp. 139-141 ; BOSHAB (E.) « République démocratique du

577
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Il est connu que, de tous les pouvoirs dans l’État, ce sont le légi-
slateur et le gouvernement qui sont portés à violer la Constitution
pour la simple raison que ce sont les instances qui sont au fait de
l’action. En effet, il est presque naturel que ceux qui agissent soient
enclins à se donner des libertés avec les normes suprêmes en ce qui
est de l’action quotidienne.
C’est le fondement même du contrôle de constitutionnalité en
République démocratique du Congo qui a connu une longue période

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d’autocratisme dont Paul-Gaspard Ngondankoy dit que « l’un des
travers de cette conception du Pouvoir (…) réside précisément non
seulement dans cette considération exagérée de la figure du chef,
mais surtout dans la mise au pas de toutes les structures chargées, à
un titre quelconque, du contrôle du Pouvoir ».1104
Une socialisation est donc nécessaire tant à l’égard des autorités
publiques que vis-à-vis des élites de la Nation pour une culture du
droit constitutionnel. Le tassement du contentieux public provient,
aux dires de la doctrine congolaise, de cet aspect socio-psychologique.
Le peuple a appris depuis des lustres à craindre le chef au point que les
actes juridiques sont perçus comme un prolongement de la personna-
lité de ce dernier. Attaquer l’acte du supérieur revient, dans cet envi-
ronnement, à s’attaquer à la personne du chef.1105
Par effet d’accoutumance, le chef lui-même subit de la sorte un
feedback amplificateur négatif qui ne lui permet guère de pousser la

Congo : État unitaire à régionalisation constitutionnelle ou fédéralisme assourdi »,


même Revue, n° 7, 1998, pp. 292 et s.
1104
NGONDANKOY NKOY ea LOONGHYA (P. G.), op. cit., thèse précitée,
p. 15.
1105
DJELO EMPENGE OSAKO, L’impact de la coutume dans l’exercice du pouvoir
en Afrique noire, Louvain-la- Neuve, Le Bel Élan, coll. « Esprit libre », 1990,
p. 115. Effectivement, aux termes de l’article 44, alinéa 5, de la Constitution
révisée le 15 août 1974 : « Les Décisions d’État (émanant du Bureau Politique)
obligeaient, selon le cas, le Conseil Législatif ou le Conseil Exécutif à préparer les
textes législatifs ou à élaborer les règlements conformes ». Or l’interdiction du
port des cravates était, une décision du Bureau politique du MPR.-Parti-État ! La
décision ne fut cependant pas traduite dans un texte législatif de caractère pénal.
La condamnation du Tribunal de la sous-région de Ndjili, à cause du « tollé »
qu’il suscita dans les milieux nationaux et internationaux, fut d’ailleurs, dans la
droite logique des sociétés autocratiques, « désavouée » par le Guide de la
Révolution lui-même lors d’un meeting, mettant du coup le juge d’appel en
situation d’acquitter tous les prévenus !

578
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

population au respect du droit qui commande paradoxalement une


vigilance des actes juridiques posés par les autorités politiques. Dès
lors, la culture du droit passe par une socialisation des élites dans le
cadre d’une culture qui encense les valeurs de l’État de droit. La va-
leur essentielle dans cette conception et son implication théorique
première sont le culte du droit et la transfiguration du visage du juge
qui apparaît ainsi comme le rouage essentiel de l’État.1106
Et dans ce travail de socialisation, les instances gouvernementales

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ont une tâche primordiale.

1. Les autorités gouvernementales


Il arrive souvent qu’en raison de la nature complexe des activités
du gouvernement, ce dernier soit en effet porté à violer les droits et
libertés garantis par la Constitution au nom de l’efficacité de son ac-
tion. Deux approches sont possibles : un encadrement juridictionnel
de ce pouvoir dont cette étude est la trame essentielle ainsi que
l’encadrement politique.
Dans cette perspective, la réclamation de la démocratie renvoie à
la formule développée par Georges Vedel et reprise par El Hadj
M’bodj. D’après cette formule « l’exercice du pouvoir d’État par la
majorité est soumis au contrôle de l’opposition et à l’arbitrage du
peuple »1107. On peut dire qu’à la séparation classique des pouvoirs
qu’exige tout régime démocratique, se substitue, une séparation poli-
tique entre la majorité et l’opposition sous l’arbitrage cumulé du
peuple (par la voie des élections) et du juge chargé de veiller à la ré-
gularité des lois.
La réflexion permet de soutenir que la consolidation de la démo-
cratie passe par le renforcement de la capacité d’action des acteurs
politiques. Elle conduit à la définition d’un cadre juridique et politi-
que qui détermine les droits et devoirs de la majorité et de
l’opposition ainsi que leurs rapports respectifs.

1106
CHEVALLIER (J.), L’État de droit, 2e édition, coll. Clefs/Politique, Paris,
Montchrestien, 1994.
1107
EL HADJ M’BODJ, Les garanties éventuelles du Statut de l’opposition, op. cit.,
p. 41.

579
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

La recherche d’un statut de l’opposition est devenue une préoc-


cupation partagée par les acteurs et partenaires au développement de
l’Afrique. Au cours de la conférence sur « le bilan de la démocratisa-
tion en Afrique », organisée à Libreville par l’Assemblée Internatio-
nale des Parlementaires de Langue Française, un plaidoyer a été fait
en faveur de la généralisation d’un statut de l’opposition en Afri-
que1108. La réclamation a fini par dépasser le cadre du discours politi-
que pour s’intégrer dans le domaine des réformes institutionnelles.
L’adoption d’un statut particulier pour l’opposition dont les droits

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et devoirs se distillent dans ceux des partis et regroupements politi-
ques légalement constitués1109 devient délicate.
En République démocratique du Congo, la reconnaissance des
droits et devoirs de l’opposition politique ne semble pas avoir pré-
occupé le constituant. La question n’a pas été abordée avant
l’élaboration de la Constitution du 18 février 2006. Il n’a pas existé
de corps de règles spécifiques garantissant les droits et les obligations
de l’opposition.
Cette situation a fait dire à Jacques Djoli Eseng’Ekeli que la pro-
blématique de l’opposition au Congo se pose en termes de transfert
du droit et de la démocratie1110. Le transfert du droit dépasse, « celui
du texte juridique pour atteindre le transfert des représentations as-
sociées et donc de la démocratie. Or, ces représentations ne
s’exportent pas. Pour tout dire, le droit n’est pas seulement les textes
mais surtout ce qu’en font les acteurs »1111.
Pour matérialiser ce transfert, le constituant a décidé de consacrer
le caractère sacré des droits et activités de l’opposition politique ainsi
que sa lutte pour la conquête démocratique du pouvoir1112.
La loi n° 07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l’opposition
politique1113 constitue de ce fait « l’aboutissement d’un consensus poli-
tique émergeant de plusieurs luttes pour la conquête des droits autour

1108
Idem, p. 30.
1109
Ibidem.
1110
DJOLI ESENG’EKELI (J.), Problématique de l’opposition, op. cit., p. 101.
1111
Idem, p. 102.
1112
Article 8.
1113
Journal Officiel de la République démocratique du Congo, numéro spécial du
10 décembre 2007, pp. 1- 10.

580
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

des valeurs et principes républicains qui doivent désormais caractéri-


ser le système politique congolais. Il s’agit notamment du pluralisme
politique, de l’alternance démocratique au pouvoir et la reconnaissan-
ce de la différence »1114.
Gage de stabilité politique, l’opposition politique a le droit de cri-
tiquer ouvertement l’action du gouvernement et de contribuer à
l’amélioration de la conduite des affaires de l’État 1115. Elle a particu-
lièrement droit d’être informée de l’action de l’Exécutif.

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L’opposition a également le droit de critiquer ladite action et, le cas
échéant, formuler des contre propositions, sous réserve du respect de
la loi, de l’ordre public et des bonnes mœurs.
Il est reconnu à l’opposition le droit de présider alternativement
avec les députés et sénateurs de la majorité, les travaux des commis-
sions de contrôle ou d’enquête de l’action de l’Exécutif ou d’en être
rapporteur. L’opposition peut faire inscrire des points à l’ordre du
jour des Assemblées délibérantes1116. Le droit à l’information recon-
nu à l’opposition politique est garanti sur toutes les questions im-
portantes de la vie de la Nation1117. Les représentants de l’opposition
à différents niveaux ont droit d’être reçus par les autorités ou leurs
représentants, soit à leur demande, soit à l’initiative de ces autori-
tés1118.
Au-delà de ces affirmations théoriques, il reste le pouvoir réel de
la sanction du non respect par les autorités gouvernementales des
prescrits constitutionnels. La seule garantie est donc culturelle car la
culture du droit opère le transfert dont parle Jacques Djoli et consti-
tue ainsi un rempart contre les violations massives de la loi constitu-
tionnelle.
Les mécanismes du recours constitutionnel comme ceux de re-
cours en annulation pour excès de pouvoir devant le juge adminis-

1114
Exposé des motifs, p. 2.
1115
Journal Officiel de la République démocratique du Congo, numéro spécial du
10 décembre 2007, pp. 2 et 4.
1116
Article 8 de la loi du 4 décembre 2007.
1117
Article 9 de la loi du 4 décembre 2007.
1118
Article 10 de la loi du 4 décembre 2007.

581
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

tratif ne peuvent atteindre leur objectif que lorsqu’ils sont intégrés


dans l’habitus du peuple congolais. Autrement, ils seront de l’ordre
du décorum institutionnel.
Et pourtant, il n’est pas inutile de constater ici que la violation in-
tentionnelle de la Constitution est une infraction constitutionnelle
susceptible d’entrainer la déchéance du gouvernement, même si le
mécanisme procédural de la mise en accusation des autorités gou-
vernementales procède d’une volonté – n’en déplaise à certains – de

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ne pas poursuivre.
L’hypothèse risque de ne pas être réalisable tant la composition
de la majorité parlementaire fera que ces autorités ne soient guère
dérangées par le procureur général près la Cour constitutionnelle.
Par ailleurs, la bonne moralité dont doit jouir l’élite politique reste
finalement le seul rempart contre les abus de pouvoir qui peuvent se
rencontrer aussi au sein du pouvoir législatif.

2. Le parlement
Cette instance est, depuis le mouvement constitutionnaliste euro-
péen, la clef de voûte du système politique. Le transfert du pouvoir
d’État du monarque vers une assemblée élue a été l’innovation de ce
courant d’idées de la fin du XVIIIe siècle cependant les affres de deux
dernières grandes guerres en Europe ont indiqué que les majorités
peuvent opprimer.
La théorie rousseauiste de la représentation a marqué ses limites à
l’épreuve de la réalité de la société. En effet, les expressions législati-
ves de la majorité politique peuvent aller à l’encontre des valeurs so-
ciales qui sont véhiculées dans la constitution. En outre, c’est le lieu
de dire que le contrôle de constitutionnalité doit se concevoir comme
un social control car la Constitution, comme le contrôle qui assure sa
protection, est avant tout un des éléments de la culture d’un peuple.
Il n’est pas possible en réalité que la constitution soit protégée si,
d’une part, elle ne contient pas des valeurs essentielles d’un peuple et,
d’autre part, elle n’est pas perçue comme un fait culturel. Le mimé-

582
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

tisme qui a caractérisé le constitutionnalisme africain et congolais est


la preuve de l’inefficacité des mécanismes.1119
Le plaidoyer sera à ce niveau d’ordre sociologique : non seule-
ment que le peuple doit être réellement représenté au sein du parle-
ment mais surtout ses aspirations doivent être prises en charge par le
texte fondamental. La logique poussée au bout conduit inexorable-
ment à la reconnaissance des tribus comme des sujets de droit capa-
bles de s’exprimer et d’être entendues. À défaut d’un mécanisme

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d’expression officiellement installé, elles se comporteront clandesti-
nement mais dans le sens des intérêts qui ne sont pas toujours ceux
de l’État.1120
Voilà pourquoi nous revenons à l’idée centrale que chaque peuple
a non seulement sa Constitution, mais aussi un corpus des valeurs
supérieures auxquelles il croit et qui sont consignées dans la consti-
tution et pour lesquelles un contrôle juridictionnel doit être organi-
sé. Les suites de l’hitlérisme ont produit la valeur « liberté » au sein
de l’Europe de sorte qu’aucune constitution européenne ne peut être
tenue pour telle si elle ne renferme pas cette valeur. Dès lors, le
contrôle constitutionnel qui en est fait est orienté vers cette valeur
suprême de l’Occident.1121
Ce background idéologique est essentiel pour comprendre l’utilité
opératoire du contrôle juridictionnel des gouvernants surtout ceux
qui possèdent le pouvoir exécutif dans l’État. Il faut cependant dire
que les craintes du peuple vis-à-vis des juridictions sont minces par
rapport à celles exprimées à l’endroit d’autres pouvoirs dans l’État.

1119
Voy KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « Modernité sous l’identité culturelle
d’emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la Faculté de Droit, vol. IV-
VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp. 63-76.
1120
Dans ce sens, et avec une belle démonstration, lire BOSHAB (E.), Pouvoir et
droit coutumiers à l’épreuve du temps, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant,
2007 ; DJOLI ESENG’EKELI (J.), Le constitutionnalisme africain. Entre la
gestion des héritages et l’invention du futur, Paris, Éditions Connaissances et
Savoirs, 2006.
1121
Lire la convention européenne de sauvegarde de droits de l’homme et des
peuples de 6 janvier 1950.

583
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Toutefois, les violations du droit par les juges touchent, l’on s’en
doute, plus directement les citoyens que les violations, disons, abs-
traites de la Constitution par les autres pouvoirs publics.

3. Les juridictions
Lorsqu’un arrêt est rendu sur la non-conformité d’une loi, il
s’impose à toutes les juridictions de la République de sorte qu’il n’est
pas pensable le conflit que l’on a observé ailleurs entre le Conseil

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
d’État et la Cour de cassation. L’autorité des décisions de la Cour
constitutionnelle est donc supérieure à celle attachée aux arrêts du
Conseil d’État et de la Cour de cassation. Cette autorité est donc
spéciale dans la mesure où elle s’impose même sur les juridictions
suprêmes de deux ordres de juridiction prévus par la constitution.
Le droit congolais ne dispose nullement d’une possibilité offerte
aux juridictions de contester les décisions même illégales de la Cour
constitutionnelle. Une telle autorité ne peut être renversée que par
la volonté constituante qui change ainsi le cours jurisprudentiel et
lui imprime les atténuations nécessaires pour assurer le contrôle du
contrôleur.
La question du contrôle du contrôleur est loin d’être une hypo-
thèse d’école. Aussi est-il bon que le juge constitutionnel soit à la
fois attaché au texte et à la prudence pour assurer efficacement son
rôle de régulateur de la vie politique. Ce rôle aussi pose le problème
en fin des comptes de la nature de la Cour constitutionnelle dans le
paysage institutionnel et politique d’un pays.
En effet, la Cour est certainement un pouvoir constitué d’une na-
ture particulière dans la mesure où il faut les décisions de l’autorité
souveraine pour renverser l’autorité de ses dires pour droit. Une tel-
le place avoisine – on l’a certes vu plus loin – celle du pouvoir cons-
tituant.
Par ailleurs, il n’est aucun doute dans la théorie que les normes
jurisprudentielles d’annulation d’une loi ont au moins la même na-
ture que celles qu’elles annulent. C’est le principe de l’équivalence

584
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

des normes qui s’induit de la théorie de la pyramide normative kel-


senienne.1122
Pour conclure, il est bon de noter que les juridictions par le biais
du recours constitutionnel sont placées sous l’autorité de la Cour
constitutionnelle dont les arrêts s’imposent à elles quel que soit leur
degré dans la pyramide juridictionnelle. Par accoutumance, disons
aussi qu’il est plutôt rare de voir la rébellion s’installer entre une
Haute Cour et les juridictions inférieures. La raison se trouve dans

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
l’esprit somme toute caporaliste qui caractérise la magistrature de
notre pays.
Il s’agit d’étudier, selon une approche de droit comparé, com-
ment s’opère la réception de la jurisprudence du juge constitutionnel
dans les jurisprudences des juges ordinaires. L’étude de la réception
de la jurisprudence constitutionnelle par les juridictions ordinaires
met, en effet, en lumière la coexistence inter-systémique du juge
constitutionnel et des juridictions de droit commun en matière de
protection des droits fondamentaux.
Si, jusqu’à l’avènement du juge constitutionnel, le juge ordinaire a
été le juge naturel des droits fondamentaux, aujourd’hui, au sein
d’un même ordre juridique, diverses juridictions suprêmes se parta-
gent ce contentieux avec, pour point commun, la même difficulté à
établir une répartition claire des compétences.
Dans ce contexte de fractionnement, il est important que le juge
constitutionnel unifie ce contentieux. Toutefois, tant que les juridic-
tions, avec lesquelles il doit collaborer, restent des juridictions souve-
raines, force est de constater qu’aucun mécanisme ne peut réellement
les contraindre à s’aligner sur la jurisprudence constitutionnelle.
Aussi bien et pour cela, faudra-t-il rechercher si le dialogue des ju-
ges, nécessairement né de cette pluralité de pôles dialogiques, a pour
conséquence, d’une part, d’unifier ou, au contraire, de disperser le

1122
Lire TROPER (M.), « Le bon usage des spectres du gouvernement des juges au
gouvernement par les juges », Le nouveau constitutionnalisme, Mélanges en
l’honneur de Gérard CONAC, Paris, Economica, 2001, pp. 49-65 ; HEGEL
(G.W.F.), Leçons sur la philosophie de l’histoire, Paris, Librairie philosophique J.
Vrin, 1987.

585
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

contentieux des droits fondamentaux et, d’autre part, de renforcer


ou d’amoindrir la protection de ces droits.
La question mérite, en effet, d’être posée, car, à la vérité, si cette
multiplication des juges susceptibles d’intervenir en la matière a été
créée avec la volonté sincère de renforcer la protection des droits
fondamentaux des citoyens, il se peut fort bien qu’elle produise le
résultat inverse, conduisant, à terme, à affaiblir ce contrôle juridic-
tionnel.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
Bien plus, à partir de l’analyse des expériences française, belge et
allemande que nous avons privilégiée, il sera possible de s’interroger,
plus généralement, sur ce que doit être la fonction même d’une juri-
diction constitutionnelle.
Que conclure ?

586
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES

CONCLUSION
DE LA SECONDE PARTIE

L’abord de questions de fondements théoriques du contrôle juri-


dictionnel des lois et d’autres normes infralégislatives à l’aune de la
Constitution nous a donné un prétexte pour voir dans la réalité les
mécanismes concrets de l’exercice de la justice constitutionnelle en
République démocratique du Congo.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
Il est apparu que les origines de la justice constitutionnelle se si-
tuent historiquement sur le plan du droit positif écrit dans la Loi
fondamentale relative aux structures du Congo du 19 mai 1960. L’on
n’a pas discuté en effet de la présence des éléments caractéristiques de
cette notion dans nos sociétés traditionnelles précoloniales non pas
que cela ne fût pas intéressant mais plutôt que cela ouvrait largement
les perspectives de l’étude dont le temps nous manquerait probable-
ment.
Par ailleurs, nous avons indiqué que la notion de justice constitu-
tionnelle a évolué à travers tous les textes constitutionnels qui ont
régi le pays en jouant selon le type de régime politique en place soit
un rôle décoratif soit enfin un rôle institutionnel de régulation de la
vie politique.
L’étude des compétences du juge constitutionnel a été abondam-
ment déterminante car de notre point de vue la question ainsi posée
est celle de savoir ce que peut le juge de la Constitution. Il ne s’est
pas agi de les énumérer, – ce qui aurait été simple et pédagogique – il
s’est plutôt agi de les analyser du point de vue critique et sous les
lumières de la praxis jurisprudentielle de dernières années. 1123
Cette analyse à la fois exégétique et jurisprudentielle constitue le
soubassement de la technique du droit du contentieux constitution-
nel congolais. La compétence indique également la procédure à sui-
vre devant le juge constitutionnel dont les arrêts ne souffrent en
principe d’aucun recours.
Nous avons évidemment analysé les outils conceptuels du travail
du juge lorsqu’il interprète la Constitution. Dans ce rôle de consti-
tuant sui generis, la Cour constitutionnelle demeure « la bouche de la
Constitution » de sorte que les craintes maintes fois exprimées par la

1123
Une étude de droit du contentieux constitutionnel est essentiellement exégétique
et jurisprudentielle. Il ne peut en être autrement sauf à faire de la littérature
juridique.

587
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

doctrine sur le gouvernement des juges s’avèrent fondées. 1124 Qui


contrôlera le contrôleur ?, s’inquiétait inexorablement le très regret-
té Professeur Bibombe Muamba à chaque fois que cette question se
posait.1125
Mais les contraintes les plus diverses mais toutes fondées sur une
appréhension des misères que le juge ainsi investi d’énormes pou-
voirs pourrait infliger au politique sont là pour maintenir la justice
constitutionnelle au milieu du village.1126 Tout le problème est de
savoir si le village lui-même est bâti au bon endroit.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
C’est dire que la querelle a encore de beaux jours devant elle,
même si une vision plus mondialiste tente d’imposer le juge consti-
tutionnel comme une bonne enseigne sur une bonne bouteille de
vin, en tout cas, comme élément de qualification d’un État moderne.
La fréquentabilité de l’État est d’ailleurs à mettre sur le dos de cet
habit institutionnel meilleur entre tous. Cependant, au-delà du décora-
tif, il y a l’institutionnel qui commande une cohérence et une rationali-
té que ne saurait négliger celui qui est dans le commerce international
des idées.1127 Il est donc vain de tenter d’édulcorer les concepts les plus
en vogue au seul profit de leur apparat. Telles sont les perspectives
principales auxquelles a abouti cette partie de l’étude.

1124
HAMON (L.), Les juges de la Loi. Naissance et rôle d’un contre-pouvoir, Paris,
Fayard, 1987.
1125
Notamment à l’occasion des soutenances des thèses et des mémoires en droit
public à l’université de Kinshasa.
1126
Lire FROMONT (M.), op. cit., p. 45.
1127
Le monde actuel se caractérise par le fait entre autres que les idées circulent par
internet à une vitesse qui ne permet à plus personne d’ignorer leur existence ni
de cacher les choses les plus ignobles sous sa tente à l’abri des yeux désormais
universels du web.

588
CONCLUSION GENERALE

CONCLUSION GÉNÉRALE

L’étude des fondements théoriques et des modalités pratiques de


l’exercice de la justice vient à la suite de la question théorique du
constitutionnalisme. En effet, de manière pragmatique, il s’est agi,
tout au long de ce travail, de voir ce qui est fondamentalement
congolais dans le contentieux tel qu’il est organisé par le droit posi-
tif. Mais au-delà, nous ne nous sommes pas empêchés de nous inter-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
roger sur la pertinence épistémologique du choix du cadre concep-
tuel opéré par le constituant congolais.
Enfin, le contentieux constitutionnel traduit, comme a pu le déce-
ler Jean-Louis Esambo Kangashe, une sorte de « respiration démo-
cratique » dont la garantie réside dans l’exercice effectif par le juge
du contrôle de la constitutionnalité des actes législatifs ou réglemen-
taires, mais également de tout autre acte contraire à la Constitution.
Instituée par la Constitution, la Cour constitutionnelle assure la
limitation du pouvoir politique, la sauvegarde de la suprématie cons-
titutionnelle et la protection des droits et libertés fondamentaux. Sa
saisine a été ouverte à toute personne pour qu’elle ne fonctionne
plus dans une léthargie déconcertante.
Dans la pratique actuelle de la Cour suprême de justice, on relève
que cette juridiction est encore hésitante pour sanctionner la viola-
tion de la Constitution par les pouvoirs publics. D’où l’impérieuse
nécessité d’appeler cette juridiction à assumer courageusement et de
manière objective ses responsabilités, avant l’installation de la Cour
constitutionnelle.
La question du constitutionnalisme est capitale pour être laissée
aux seuls juristes « constitutionnalistes », aux membres de la Cour
constitutionnelle ou aux acteurs politiques. Il importe de la décloi-
sonner et de procéder à une sorte de remise à niveau de son contenu.
La démarche commande une socialisation des gouvernants et des
gouvernés aux principes du constitutionnalisme. Elle consiste à créer
une sorte de synergie entre les pouvoirs publics, la Cour constitu-
tionnelle, les milieux universitaires et associatifs aux fins de vulgari-
ser et de promouvoir le constitutionnalisme.1128

1128
ESAMBO KANGASHE (J.-L.), La constitution congolaise du 18 février 2006 à
l’épreuve du constitutionnalisme, op. cit., pp. 210-311.

589
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

On observe aujourd’hui que la politique est saisie par le droit, et il


en résulte une « juridicisation » de la vie politique. Aussi, certaines
Constitutions font-elles des juridictions constitutionnelles les organes
régulateurs du fonctionnement des institutions et de l’activité des
pouvoirs publics. Les juridictions constitutionnelles se trouvent ainsi
investies d’un rôle de pacification et d’encadrement de la vie politique
qui est, par nature, tumultueuse. Du reste, la passion politique pour le
pouvoir ne se dispute en intensité qu’avec l’instinct sexuel qui est,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
comme l’on sait, une activité de reproduction de la vie.
Mais les juridictions constitutionnelles sont-elles toujours en me-
sure d’assurer pleinement ces missions ? Les acteurs politiques sont-
ils toujours disposés à se soumettre au droit ? N’y a-t-il pas là source
de crise ?
En droit, la crise s’analyse comme une situation de trouble ou de
conflit qui, soit affecte le fonctionnement des pouvoirs publics, et il
en va ainsi d’un conflit d’attribution entre les pouvoirs législatif et
exécutif, de la paralysie ou de la démission du gouvernement, soit
nécessite, en raison de sa gravité, des mesures d’exception comme
c’est le cas de l’état de siège, de l’état de guerre, de l’état d’urgence,
de l’état de nécessité…1129
En politique, la crise révèle la situation dans laquelle l’ordre social
et la légitimité des gouvernants sont remis en cause par une fraction
de la classe politique ou du corps social. Elle conduit généralement à
un conflit ou à un blocage des institutions. Elle peut également ré-
sulter d’une perception divergente des règles du jeu politique ou de
leur défaillance.
En fait, le mot « crise » est perçu comme un terme de médecine et
désigne, d’après le dictionnaire Littré, un « changement qui survient
dans le cours d’une maladie et s’annonce par quelques phénomènes
particuliers… »1130

1129
Dans ce sens, BOSHAB (E.), « La misère de la justice et justice de la misère en
République démocratique du Congo », Revue de la Recherche Juridique, n° XXIII-
74, 23e année, 74e numéro, P. U.A.M., 1998-3, pp. 1163-1184.
1130
Dictionnaire Littré 2009.

590
CONCLUSION GENERALE

Le mot est présent aussi bien dans le langage commun que dans le
langage scientifique. Il n’est donc pas de domaine qui, aujourd’hui,
ne soit hanté par l’idée de crise.
Quel que soit son milieu d’utilisation, ou son objet d’application,
le terme, dont l’étymologie grecque (krisis) signifie choix, lutte, déci-
sion, désigne toute situation de désordre, de perturbation, de déran-
gement, de dysfonctionnement s’introduisant dans un système. Le
mot crise invite donc à l’identification rapide de l’élément perturba-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
teur afin d’une décision plus ou moins rapide à prendre sur la solu-
tion à appliquer.
Les juridictions constitutionnelles ont pour mission de prendre
des décisions pour prévenir ou résoudre les crises relevant de leurs
domaines de compétence. Mais quelles sont les crises relevant de
leurs domaines de compétence ? Les crises qui procèdent des actes
contraires à la Constitution ? Celles impliquant des violations des
droits de l’Homme ? Ou encore celles perturbant le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ou celles portant atteinte à l’existence
ou à l’intégrité des pouvoirs constitués ou de l’ordre constitution-
nel ? Ou, enfin, celles perturbant le déroulement normal ou faussant
les résultats des élections ? L’une et/ou l’autre, sinon toutes, en fonc-
tion des prescriptions de la Constitution concernée.
La question la plus délicate est soulevée par la démocratie elle-
même. Démocratie implique nécessairement la reconnaissance et la
garantie de toutes les libertés : liberté de pensée, de parole,
d’organisation, de manifestation, droit de grève et de protestation,
etc…
À partir de quand peut-on dire que l’usage de telle ou telle liberté
a donné naissance à une crise ? Il y a nécessairement une question,
d’une part, d’intensité et, d’autre part, d’objectif dans l’appréciation
d’une manifestation de liberté. Le critère d’appréciation paraît être
constitué par l’État de Droit : chaque liberté est déterminée dans sa
forme et dans ses objectifs par l’État de Droit et le détournement
d’une liberté peut être constitutif de crise.1131

1131
Lire CONSTANTINESCO (V.) et PIERRE-CAPS (S.), Droit constitutionnel,
coll. Thémis Droit public, Paris, PUF, 2004, pp. 45-47.

591
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

Or, la démocratie est le régime politique de gestion des contradic-


tions politiques et sûrement même de mini-crises quotidiennes. Et
c’est là la raison d’être des juridictions constitutionnelles et de la ju-
ridicisation de la vie politique : ramener, le cas échéant, chaque insti-
tution constitutionnelle, chaque acteur de la vie politique et chaque
citoyen dans la voie prévue par la Constitution.
Dans un État de Droit, la loi prévoit les voies et moyens de droit
pour contester et même réduire à néant la décision d’une autorité

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
politique, voire destituer ladite autorité. Il y a nécessairement crise,
lorsqu’il est recouru, par l’usage d’une liberté ou d’une prérogative
légale quelconque, à une voie non prévue pour la finalité vers laquel-
le on l’utilise.
Ainsi, l’on peut distinguer les crises ordinaires (bénignes ou nor-
males) inhérentes à une démocratie et les crises graves, celles qui re-
mettent en cause le système. Mais le passage de l’une à l’autre peut se
produire.
Quelle que soit la compétence dévolue par la Constitution à une
juridiction constitutionnelle, une crise n’ayant manifestement aucun
rapport avec les institutions ne peut-elle pas en fin de compte en-
traîner des effets relevant de la compétence du juge constitutionnel ?
Par exemple une crise climatique qui entraîne une crise alimentai-
re, laquelle provoque une crise sociale qui, à son tour, génère une
crise politique et institutionnelle. Le juge constitutionnel peut-il se
retrouver ainsi interpellé par une situation au départ éloignée de la
Constitution ?1132
De même qu’aujourd’hui, la réflexion et l’action progressent sur
l’alerte précoce et la prévention des conflits, de même la question se
pose au sujet de la prévention des crises par les juridictions constitu-
tionnelles. Celles-ci en ont-elles les moyens ? À quelles conditions ?
Toutes ces questions constituent autant des manettes pour soulever
la question fondamentale qui est celle du fondement de la justice
constitutionnelle en République démocratique du Congo. De ma-
nière triviale, à quoi sert-elle ?

1132
Ces questions sont posées, comme tel, par Stéphane BOLLE.

592
CONCLUSION GENERALE

Nous avons tenté tout au long de ce travail d’indiquer les fonde-


ments théoriques ainsi que les modalités pratiques de l’exercice de la
fonction juridictionnelle constitutionnelle en République démocra-
tique du Congo. La simple description des mécanismes nous fonde à
dire que la justice constitutionnelle congolaise est un décalque des
justices constitutionnelles européennes.1133
De ce point de vue, elle est, du moins sur papier, en avance théo-
rique sur plusieurs modèles du système européen mais au regard des

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
valeurs et principes que la Constitution doit charrier, il est utile
qu’une dose importante de la coutume, saisie ici comme la praxis
millénaire de nos ancêtres, soit intégrée dans le jugement des conflits
politiques soumis à la Cour constitutionnelle. La panoplie des modè-
les vus plus haut montre, si besoin en était encore, que chaque peu-
ple a su inventer sa justice constitutionnelle.1134
Au contraire, l’on doit éviter le reproche que fait Jean Ziegler
lorsqu’il écrit que la plupart des classes dirigeantes de l’Afrique
contemporaine, mises en place, formées et téléguidées par l’ancien
colonisateur, s’efforcent de suivre à la lettre les recommandations de
Jaurès : leurs modes de pensée, leurs coutumes vestimentaires, ali-
mentaires, sexuelles, leurs habitudes de consommation, d’habitation,
leur langage politique, tout dénote une furieuse volonté d’imitation,
de reproduction des valeurs de la métropole. Les significations et
valeurs autochtones, les conduites qu’elles génèrent sont mutilées,
perverties, discréditées. La culture traditionnelle est niée, noyée dans
la culture imitative, son oubli organisé1135.
Il n’y a pas meilleure expression pour parler du mimétisme insti-
tutionnel dont le coût peut aller jusqu’au suicide culturel, à l’instar de
Haïti.
Cette conclusion tient au fait que « dans la plupart des États et
sociétés francophones de l’Afrique noire, le pacte colonial, persiste

1133
Il suffit de consulter les Constitutions des pays choisis dans cette étude et de les
lire sous la lumière du droit congolais pour faire apparaître le mimétisme
effarent dont il est question plus loin.
1134
Dans ce sens, BADIE (B.), L’État importé. L’occidentalisation de l’ordre politique,
Paris, Fayard, 1992.
1135
ZIEGLER (J.), La victoire des vaincus, Paris, Seuil, 1988, p. 85.

593
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

au-delà de l’accession à l’indépendance formelle. Ce pacte est d’ordre


économique, politique et surtout : culturel »1136. Que faire pour bri-
ser ce pacte d’extraversion ?
La réponse semble nous venir de Jean Ziegler lorsqu’il propose
qu’il faille « une intelligence créatrice, un courage rare pour puiser
dans l’expérience de son peuple les valeurs, les convictions nécessai-
res à la construction d’une nouvelle culture »1137.
La nôtre ne vient pas d’en haut, elle est plutôt constituée des com-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
promis multiples que les gens se font sous l’arbre à palabres. Ainsi, la
justice rendue à l’occidentale avec un vainqueur et un vaincu débou-
che, en Afrique noire, au minimum sur une contestation sourdine ou
ouverte que le juge ne sait plus trancher et, au maximum, sur un pro-
jet de renversement du pouvoir incarné par le juge.1138
En Afrique noire, en outre, l’arbre à palabres étant l’arbre de
tous, il n’est arrivé à personne l’idée saugrenue de le déraciner ni de
contester les décisions issues finalement de la volonté de tous. 1139 La
question reste posée comme paradigme d’action et d’efficacité d’une
Cour constitutionnelle congolaise réellement démocratique. 1140
En effet, il faut avoir à l’esprit que le phénomène constitutionnel,
ainsi que l’observe Jean-Louis Seurin,1141 ne pouvait être isolé du
contexte qui l’engendre, de la matrice sociologique qui le porte et
l’enchâsse dans une conception du monde qui est elle-même le pro-
duit d’un peuple toujours et déjà nécessairement situé historique-
ment. La refondation de l’État de droit, sous cette perspective, ap-

1136
ZIEGLER (J.), op. cit.., p. 89.
1137
Idem, op. cit., p. 97.
1138
Voir KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du
constitutionnalisme dans les États d’Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987.
1139
Lire DJOLI ESENG’EKELI (J.), Le constitutionnalisme africain. Entre la gestion
des héritages et l’invention du futur, Paris, Éditions Connaissances et Savoirs,
2006.
1140
BON (P.), « Observations générales sur la préparation de la décision du juge
constitutionnel », Séminaire international sur les modes de décision du juge
constitutionnel, Bruxelles, 6 et 7 décembre 2001, Revue belge de droit
constitutionnel, 2004, pp. 307-316.
1141
SEURIN (J.-L.) (sous la direction de), Le constitutionnalisme aujourd’hui, Paris,
Economica, 1984, rapport introductif.

594
CONCLUSION GENERALE

pelle également la prise en charge de l’Homo politicus, celui-là même


qui est appelé à gérer ce changement d’une vie misérable vers une vie
plus heureuse.1142
C’est, en d’autres termes, demander à tous et à chacun de se dé-
passer. Mais un tel discours (moral) ne saurait être scientifique. Voilà
pourquoi des contrôles politiques et juridiques prévus par les méca-
nismes institutionnels que nous avons préconisés s’imposent pour
empêcher que des hommes politiques, peu scrupuleux, ne se reposi-

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324660
tionnent en vue de ramasser leurs savates dans le vomitorium de
l’histoire.1143
Sans contrôle donc, une décision, fût-elle salutaire en principe,
risquerait de devenir très vite suicidaire pour le peuple. La première
garantie de ce contrôle réside dans le système politique qui doit fa-
voriser la participation du peuple.1144
Il est démontré que les modes de participation classiques ou plu-
tôt hérités de l’Occident ne sont pas efficaces, dans la mesure où le
peuple participe aux élections et autres votations comme à une beso-
gne sans signification mystique particulière.
En effet, comment dire à un peuple à grande échelle analphabète
que les élections générales qui ressemblent à des grands-messes dont
la liturgie lui est étrange et étrangère constituent le seul mode démo-
cratique de sa participation à l’exercice du pouvoir dans l’État ?
Nous avons tenté de montrer que d’autres modes alternatifs de par-

1142
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1144
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595
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

ticipation sont possibles et même envisageables. Ainsi, il nous a paru


possible la participation des chefs coutumiers à l’exercice de la justi-
ce constitutionnelle dans la mesure où ces non-élus manifestent en-
core, l’on s’en doute, une aura incontestable de représentation sécu-
laire de nos populations au niveau des structures de base.
En plus, il n’est pas inutile de constater que le choix levé par le
constituant congolais est à maintes reprises confirmé dans sa
structuration de la vie administrative : les tribus sont reconnues à la
fois comme pourvoyeuses de la nationalité congolaise et matrice
sociologique de la coutume comme norme de droit public. Au

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
demeurant, la géographie politique de notre pays indique que la
République démocratique du Congo demeure encore un pays rural
de sorte qu’il nous semble perturbant que les Congolais résidant
dans nos campagnes et cités ne soient pas suffisamment représentés
dans les structures de la justice des justices.
Voilà les axes de réflexion de la présente thèse et les perspectives
sans doute nombreuses qu’elle appelle. Il reste à convoquer les autres
disciplines scientifiques au crible de la raison pour tenter une appro-
che plutôt holistique de la notion d’État de droit sous les tropi-
ques.1145 Cette tâche, l’on s’en doute, est au-delà des compétences du
juriste, fut-il constitutionnaliste.1146

1145
NGOMA BINDA, Une démocratie libérale communautaire pour la RdCongo
et l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2001, trace des bons sillons pour un modèle de
démocratie à la congolaise qui a été tenté pendant ce que l’on a appelé le 1 plus
4.Il faudra tenter un bilan de cette formule politique.
1146
Le spécialiste de questions constitutionnelles devrait cependant avoir une bonne
approche pluridisciplinaire du droit, dans la mesure où le droit constitutionnel
est perçu comme le droit de la fondation, c’est-à-dire celui qui véhicule la
cosmogonie politique et philosophique d’un peuple donné.

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à l’occasion du séminaire sur les perspectives de la nouvelle Constitu-
tion de la République démocratique du Congo, Palais du Peuple,
septembre 2004, pp. 1-7.
 KABUYA LUMUNA SANDO (C.), Histoire politique du
Congo, communication faite au Sénat à l’occasion du séminaire sur
les perspectives de la nouvelle Constitution de la République démo-
cratique du Congo, Palais du Peuple, août 2004, pp. 1-13.
 KALUBA DIBWA (D.), Le constitutionnalisme congolais : de la
démocratie électorale à la démocratie constitutionnelle, Communi-

637
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

cation faite aux Journées dédiées au cinquantenaire du constitution-


nalisme en République démocratique du Congo, Faculté de Droit
de l’Université de Kinshasa, du 28 au 30 juin 2010, pp.1-14., voir
aussi www.la-constitution-en-afrique.org
 KALUBA DIBWA (D.), Les modes de scrutin et la légitimité élec-
torale, Communication faite au Séminaire d’information organisé
par le Ministère des relations avec le Parlement, Hôtel Vénus,
Kinshasa, 31 octobre 2010, pp. 1-10, voir aussi www.minrepa.cd

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
 MAMPUYA KANUNK’A TSHIABO (A.), Nouvelle Constitu-
tion pour le Congo : quel régime politique ? Communication faite
au Sénat à l’occasion du séminaire sur les perspectives de la nouvelle
Constitution de la République démocratique du Congo, Palais du
Peuple, août 2004, pp.1-11.
 MBATA MANGU (A.), Constitution sans Constitutionnalisme,
démocraties autoritaires et responsabilités sociales des intellectuels en
Afrique Centrale : quelle voie vers la renaissance africaine ?
CODESRIA, Douala-Cameroun, octobre 2003, pp. 1-23.
 M’BODJ EL HADJ, Le contexte de l’élaboration de la Constitu-
tion de la transition en République démocratique du Congo, com-
munication faite au Sénat à l’occasion du séminaire sur les perspec-
tives de la nouvelle Constitution de la République démocratique du
Congo, Palais du Peuple, septembre 2004, pp. 1-7.
 MBUY MBIYE TANAYI, L’état de la justice congolaise, Discours
de rentrée judiciaire 2008, Palais du Peuple, Kinshasa/Lingwala,
octobre 2008, pp. 1-21.
 MPONGO BOKAKO (E.), Les conséquences et modalités de
l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution du 18 février 2006,
communication faite à la journée scientifique sur le sort des institu-
tions de la transition en République démocratique du Congo au len-
demain du 30 juin 2006, Université de Kinshasa, juin 2006, pp. 1-
13.
 NGONDANKOY NKOY-ea-LOONGYA (P.-G.), De
l’organisation de la Cour constitutionnelle congolaise : le constituant
de 2006 induit-il le principe d’une organisation décentralisée de la
nouvelle juridiction constitutionnelle ?, communication aux journées
de réflexion sur « la mise en place des ordres juridictionnels institués

638
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

par la Constitution du 18 février 2006 » organisées par le Départe-


ment de Droit public interne de l’Université de Kinshasa du 29 au
31 janvier 2009, pp. 1-11.

V. TEXTES OFFICIELS

A. TEXTES CONSTITUTIONNELS

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
 Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du
Congo, MC, 1re année, Léopoldville, n° 21 bis du 27-28 mai
1960, pp.353-389 et MB, 27-28 mai 1960.
 Loi fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés publi-
ques, MC, 1re année, Léopoldville, n° 26 du 27 juin 1960.
 Constitution de la République démocratique du Congo du
1er août 1964, MC, 5e année, Léopoldville, numéro spécial du
1er août 1964.
 Constitution de la République démocratique du Congo du
24 juin 1967, MC, 8e année, Kinshasa, n° 14 du 17 juillet 1967.
 Acte constitutionnel harmonisé relatif à la période de transition
du 2 avril 1993, JOZ, 34e année, Kinshasa, numéro spécial,
avril 1993.
 Acte constitutionnel de la transition du 9 avril 1994, JOZ, 35e
année, Kinshasa, numéro spécial, avril 1994.
 Décret-loi Constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 portant or-
ganisation et exercice du pouvoir en République démocratique
du Congo, JORDC, 38e année, Kinshasa, numéro spécial,
mai 1997.
 Constitution de la Transition du 4 avril 2003, JORDC, numéro
spécial, 44e année, 5 avril 2003.
 Constitution de la République démocratique du Congo du
18 février 2006, JORDC, 47e année, 18 février 2006.

639
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

B. TEXTES LÉGAUX
 Ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 portant procédure
applicable devant la Cour suprême de justice, JOZ, 23 e année,
Kinshasa, n° 7, 1982.
 Ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982 portant code de
l’organisation et de la compétence judiciaires, JOZ, 23 e année,
Kinshasa, n° 7, 1982.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
 Loi n° 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonc-
tionnement des partis politiques, JORDC, n° spécial, 45e année,
18 mars 2004.
 La loi n° 04/009 du 5 juin 2004 portant organisation, fonc-
tionnement et attributions de la Commission Électorale Indé-
pendante, JORDC, 45e année, Kinshasa, n° spécial, 27 décembre
2004.
 La loi n° 04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et
enrôlement des électeurs en République démocratique du Congo,
JORDC, 45e année, Kinshasa, numéro spécial, 27 décembre
2004.
 Loi n° 05/010 du 22 juin 2005 portant organisation du référen-
dum constitutionnel en République démocratique du Congo,
JORDC, 46e année, 1re partie, numéro spécial, Kinshasa, 25 juin
2005.
 Loi n° 06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élec-
tions présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, munici-
pales et locales, JORDC, 47e année, numéro spécial, Kinshasa,
10 mars 2006.
 La loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut
des magistrats, JORDC, 47e année, Kinshasa, numéro spécial,
25 octobre 2006.
 La loi n° 07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de
l’opposition politique, JORDC, 48e année, Kinshasa, numéro
spécial, décembre 2007.
 La loi organique n° 08/013 du 5 août 2008 portant organisa-
tion et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature,
JORDC, 49e année, Kinshasa, numéro spécial, 11 août 2008.

640
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

 La loi organique n° 08/015 du 7 octobre 2008 portant modalités


d’organisation et de fonctionnement de la conférence des gou-
verneurs de province, JORDC, 49e année, numéro spécial, Kins-
hasa, 10 octobre 2008.
 La loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composi-
tion, organisation et fonctionnement des entités territoriales dé-
centralisées et leurs rapports avec l’État et les provinces, JORDC,
49e année, numéro spécial, Kinshasa, 10 octobre 2008.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
C. TEXTES RÉGLEMENTAIRES
 Ordonnance n° 07/017 du 3 mai 2007 portant organisation et
fonctionnement du gouvernement, modalités pratiques de colla-
boration entre le président de la République et le gouvernement
ainsi qu’entre les membres du gouvernement, JORDC, 48e an-
née, Kinshasa, numéro spécial, mai 2007.
 Ordonnance n° 07/018 du 16 mai 2007 fixant les attributions
des ministères, JORDC, 48e année, Kinshasa, numéro spécial,
mai 2007.

D. JURISPRUDENCE
 CSJ, R.P. 30, 3 mai 1972, BACSJ, 1973, p. 52.
 CSJ, R.A.266 du 8 janvier 1993, Les anciens membres effectifs
de l’a.s.b.l dénommée « Témoins de Jéhovah » contre la
République du Zaïre, BACSJ, années 1990 à 1999, Kinshasa,
Éditions du service de documentation et d’études du
ministère de la justice, 2003, pp. 78-82.
 C.E.D.H., Arrêt Burghartz c/ Suisse, 22 février 1994, série A
n° 280-B, § 28.
 CSJ, R.A. 278 du 21 décembre 1995, Archidiocèse de Kinshasa
contre la République du Zaïre, BACSJ., 2003, pp. 139-142.
 CSJ, Mutiri Muyongo contre HCR-PT, arrêt RCE 001/96 du
4 février 1997, inédit.
 CSJ, Kalegamire Nyirimigabo contre HCR-PT, RCE 002/97
du 27 février 1998, inédit.

641
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

 CSJ, arrêt R. Const. 06/TSR Kazadi Nansha Bolowa et


consorts contre la loi sur les partis politiques du 24 mars 2004,
BACSJ, Kinshasa, Éditions du service de documentation et
d’études du ministère de la justice, 2003.
 CSJ, La générale libre socialiste, arrêt RCE 09/05 du 11 janvier
2006, inédit.
 CSJ, Bossasi Epole Bolya Kodya, arrêt du 1er février 2006,
inédit.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
 CSJ, R. Const. 28/TSR, Requête en interprétation des
articles 99, 102, 105 et 108 de la Constitution de la transition,
24 février 2006, six feuillets, inédit.
 CSJ, avis RL 012, Loi portant amnistie pour faits de guerre,
2006, inédit.
 CSJ, Djuma Anabeku, Arrêt RCDC005/KN du 10 avril 2006,
inédit.
 CSJ, La Convention chrétienne pour la démocratie, Lisanga
Bonganga, RCDC 012/KN du 13 avril 2006, inédit.
 CSJ, Bonioma Kalokola Alou, RCDC 004/KIN du 31 août
2006, inédit.
 CSJ, Kombo Mambu Mingi, RCE PR 001 du 31 août 2006,
inédit
 CSJ, Lumbala Mbuyi Joseph, RCE/DN/KIN 024 du
2 novembre 2006, inédit.
 CSJ, P.P.R.D., RCE/DN/KN/067 du 21 octobre 2006,
inédit.
 CSJ, Mukungubila Mutombo Paul Joseph, RCE PR 005 du
1er septembre 2006, inédit.
 CSJ, Alliance des démocrates congolais, RCE PR 002 du
2 septembre 2006, inédit.
 CSJ, Mouvement du 17 mai, M17, RCE PR006 du 4 septembre
2006, inédit.
 CSJ, Rassemblement congolais pour la démocratie, RCE PR
007 du 4 septembre 2006, inédit.

642
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

 CSJ, Parti Démocratie Chrétienne, RCE PR 008 du


4 septembre 2006, inédit.
 CSJ, Parti Rassemblement pour une nouvelle société, RCE PR
004 du 4 septembre 2006, inédit.
 CSJ, Fonus, RCE PR 003 du 4 septembre 2006, inédit.
 CSJ, MLC contre KABILA KABANGE Joseph, arrêt RCE PR
009 du 27 novembre 2006, inédit.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
 CSJ, Proclamation des résultats de l’élection présidentielle, RE
006 du 27 novembre 2006, inédit.
 CSJ, CEI contre Union pour la Nation, RCE/ADP/012 du
9 février 2007, inédit.
 CSJ, CEI contre Union pour la Nation, RCE/ADP/010 du
9 février 2007, inédit.
 CSJ, MBATSHI BATSHIA et NKUSU KUNZI BIKAWA
contre l’arrêt RCDC 019/020/021/025 du 8 février 2007 de la
Cour d’Appel de Matadi les opposant à FUKA UNZOLA et NE
MUANDA NSEMI et le M.L.C., BACSJ, numéro spécial,
contentieux électoraux 2006-2007, Kinshasa, Éditions du
service de documentation du Ministère de la justice, 2007,
p. 381.
 CSJ, arrêt Trésor Kapuku Ngoy contre Assemblée provinciale du
Kasaï Occidental, R. Const 051 du 31 juillet 2007, inédit.
 CSJ, arrêt Célestin Cibalonza Byatarana contre Assemblée
provinciale du Sud-Kivu, R. Const 062 du 27 décembre 2007,
inédit.
 CSJ, arrêt José Makila Sumanda contre Assemblée provinciale
de l’Equateur et consorts, R. Const 078 du 19 mai 2009, inédit.
 Cour d’appel d’Elisabethville, 21 mars 1916, Jur. Col., 1925,
p. 304.
 Cour d’appel de Léopoldville, 8 septembre 1936, RJCB, 1937,
p. 105.
 Cour d’Appel Mbandaka, arrêt José Makila Sumanda contre
Assemblée provinciale de l’Equateur, R.A.059 du 24 avril 2009,
inédit.

643
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

 C.E. belge, 26 juin 1964, Druet, Recueil Lebon, n° 10.734,


p. 633.
 C.E.belge, 26 juin 1964, Arghiri, Recueil Lebon, n° 10.735,
p. 633.
 C.E.belge, Tshombe, Recueil Lebon, n° 10.736, p. 633.
 C.E.belge, 11 septembre 1964, Debremaeker, Recueil Lebon,
n° 10.776, p. 701.

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856

644
TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIÈRES

ÉPIGRAPHE ............................................................................................ 5
DÉDICACE .............................................................................................. 7
REMERCIEMENTS................................................................................. 9
PRÉFACE ............................................................................................... 11

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607324856
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS................................... 17
INTRODUCTION GÉNÉRALE.......................................................... 21
I. PROLÉGOMÈNES ............................................................................ 22
A. Le contentieux constitutionnel est une partie
du droit constitutionnel ..................................................................... 22
a. Qu’est-ce le droit constitutionnel ? ............................................... 23
b. Qu’est-ce la Constitution ? ........................................................... 27
c. Aperçu des textes constitutionnels de 1885 à nos jours ................. 38
B. Contenu et contours du contentieux constitutionnel...................... 56
a. Définition du contentieux constitutionnel.................................... 57
b. Définition de la juridiction constitutionnelle ............................... 57
c. Distinction du contentieux constitutionnel d’avec la justice
judiciaire et la justice politique ...................................................... 60
C. Des fondements théoriques du contrôle juridictionnel................... 62
a. La suprématie matérielle de la Constitution ou le titre
juridique des gouvernants ............................................................. 62
b. La suprématie formelle de la Constitution : le pouvoir
constituant.................................................................................... 64
c. La garantie juridictionnelle ou l’efficacité
de la séparation des pouvoirs. ....................................................... 69
II. PROBLÉMATIQUE........................................................................... 75
III. INTÉRÊT ET ACTUALITÉ DU SUJET ......................................... 79
IV. INDICATIONS MÉTHODOLOGIQUES...................................... 83
PARTIE I : DES ASSISES ÉPISTÉMOLOGIQUES .......................... 91
INTRODUCTION................................................................................. 93
CHAPITREI : LES MODÈLES DE JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE............................................. 95
Section 1 : LE MODÈLE AMÉRICAIN............................................... 97
§ 1. Les États-Unis d’Amérique ......................................................... 97

645
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

a) La violation de la clause due process of law ................................. 102


b) La violation de la rule of reasonableness...................................... 102
c) La violation de la clause des contrats ........................................... 103
d) La violation de la clause d’égalité................................................. 103
§2. Le Brésil....................................................................................... 106
§3. Le Japon ...................................................................................... 109
§4. L’Israël......................................................................................... 113
Section 2 : LE MODÈLE EUROPÉEN .............................................. 117
§1. France .......................................................................................... 118

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607325065
§2. Belgique ...................................................................................... 136
§3. Allemagne ................................................................................... 146
§4. L’exemple récent de la Russie ..................................................... 156
CHAPITRE II : LES TRAITS DU CONTENTIEUX
CONSTITUTIONNEL ............................................ 161
Section 1 : LES CARACTERISTIQUES DU MODELE
AMERICAIN ................................................................... 161
§1. Le contrôle diffus ........................................................................ 161
§2. Le contrôle a posteriori................................................................ 164
§3. Le contrôle par voie d’exception ................................................. 165
§4. Le contrôle concret ..................................................................... 168
§5. L’autorité relative de la chose jugée ............................................ 170
Section 2 : LES CARACTERES DU MODELE EUROPEEN.......... 172
§1. Le contrôle centralisé .................................................................. 172
§2. Le contrôle a priori ..................................................................... 174
§3. Le contrôle par voie d’action ...................................................... 176
§4. Le contrôle abstrait ..................................................................... 177
§5. L’autorité absolue de la chose jugée ............................................ 180
CHAPITRE III : LES INFLUENCES DE LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE ....................................... 187
Section 1 : L’ORDRE POLITIQUE ET LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE................................................ 189
§1. La séparation des pouvoirs ou la place du juge constitutionnel.... 189
§2. La protection de la minorité politique ......................................... 201
§3. Les droits et libertés fondamentaux ............................................ 207
Section 2 : L’ORDRE JURIDIQUE ET LA JUSTICE
CONSTITUTIONNELLE................................................ 217
§1. La primauté du droit constitutionnel ou
la constitutionnalisation de toutes les branches du droit
et ses conséquences ...................................................................... 219
§2. La sacralité du droit ou la théologie du droit constitutionnel ..... 223
§3. Le contrôle du juge ou le culte du droit ....................................... 227

646
TABLE DES MATIERES

CHAPITRE IV : QUEL MODELE POUR LA RÉPUBLIQUE


DÉMOCRATIQUE DU CONGO ? ....................... 261
Section 1 : VERS UN MODELE AFRICAIN ? ................................ 263
§1. La République sud-africaine ........................................................ 263
§2. Le Sénégal ................................................................................... 272
§3. Le Bénin ...................................................................................... 285
Section 2 : LE MODELE CONGOLAIS A INVENTER ................. 293
§1. L’état des lieux ............................................................................ 293
§2. Propositions pour un juge constitutionnel efficace,

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607325065
efficient et effectif ........................................................................ 296
A. Composition ............................................................................. 297
B. Statut.......................................................................................... 305
C. Procédure ................................................................................. 309
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE .................................. 317
PARTIE II : DES ANCRAGES PRATIQUES................................... 321
INTRODUCTION .............................................................................. 323
CHAPITRE I : ORIGINES ET ÉVOLUTION HISTORIQUE
DE LA NOTION DE JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE EN RÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DU CONGO............................. 325
Section 1 : CRÉATION DE LA JURIDICTION
CONSTITUTIONNELLE............................................... 328
§1. Création et installation manquée de la Cour constitutionnelle
par la Loi fondamentale du 19 mai 1960 ..................................... 328
§2. Création de la Cour constitutionnelle par la Constitution
du 1er août 1964 ......................................................................... 330
§3. La Cour suprême de justice instituée juge constitutionnel
par la Constitution du 24 juin 1967(Article VII des
dispositions transitoires ................................................................ 335
A. La Cour suprême de justice, juge constitutionnel
provisoire (1968-1974) .............................................................. 337
B. La Cour suprême de justice, juge constitutionnel
définitif (de 1974 à ce jour) ........................................................ 339
C. Le Comité central du Mouvement populaire
de la Révolution, organe de règlement du contentieux
électoral (1988-1990). .................................................................. 341
Section 2 : DÉVELOPPEMENT DE LA NOTION
DE JURIDICTION CONSTITUTIONNELLE. ................... 344
§1. A travers la Loi fondamentale du 19 mai 1960 ............................ 344
§2. A travers la Constitution dite de Luluabourg
du 1er août 1964 ......................................................................... 346

647
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

§3. A travers la Constitution du 24 juin 1967


et les Actes constitutionnels de la transition................................. 347
A. De 1990 à 1997 ou la transition démocratique ........................... 349
B. De 1997 à 2006 ou la transition des belligérants ......................... 351
§4. A travers la Constitution du 18 février 2006 ............................... 355
CHAPITRE II : LA COMPÉTENCE DU JUGE
CONSTITUTIONNEL ............................................ 361
Section 1 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIÈRE GRACIEUSE ..... 362
§1. La réception du serment constitutionnel du Président

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607325065
de la République .......................................................................... 362
§2. Le constat de la vacance au poste de Président
de la République ........................................................................... 367
§3. La proclamation des résultats électoraux et référendaires ............ 374
A. Cas des résultats électoraux........................................................ 374
1. Election présidentielle ............................................................. 374
2. Elections législatives : ............................................................. 378
B. Cas des résultats référendaires ................................................... 382
§4. Le dépôt de la déclaration du patrimoine familial
du Président de la République et des membres
du gouvernement.......................................................................... 383
§5. La déclaration de conformité des ordonnances
de l’article 145 de la Constitution ................................................ 386
Section 2 : LES ATTRIBUTIONS EN MATIÈRE
CONTENTIEUSE ............................................................ 390
§1. Le contrôle de constitutionnalité des lois et
des actes ayant force de loi ........................................................... 391
a) Les lois........................................................................................ 392
1. Les lois constitutionnelles ....................................................... 392
2. Les lois organiques .................................................................. 394
3. Les lois adoptées par référendum ou lois référendaires ............ 396
4. Les lois ordinaires .................................................................... 397
5. Les édits provinciaux ............................................................... 398
b) Les actes ayant force de loi ........................................................ 399
1. Synthèse sur le régime des actes ayant force de loi .................. 400
2. Application concrète dans la Constitution
du 18 février 2006 .................................................................... 403
c) Les actes d’assemblée .................................................................. 405
1. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale .................... 408
2. Le règlement intérieur du Sénat............................................... 409
3. Le règlement intérieur du Congrès ......................................... 409
4. Les résolutions ......................................................................... 410

648
TABLE DES MATIERES

5. Les recommandations .............................................................. 411


6. Les actes d’assemblée provinciale ............................................ 412
§2. Le contrôle de constitutionnalité des règlements ........................ 413
A. Les règlements des autorités administratives indépendantes ..... 417
1. La Commission électorale nationale indépendante ................. 417
2. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et
de la communication ................................................................ 419
B. Les actes de gouvernement ........................................................ 419
C. Les règlements des cours et tribunaux ...................................... 422

international.scholarvox.com:None:785551256:88842290:45.221.7.6:1607325065
D. Le règlement autonome ............................................................ 423
§3. Le recours en interprétation de la Constitution .......................... 426
A. Position du problème d’interprétation : conflit politique ......... 429
B. Méthode judiciaire d’interprétation .......................................... 430
I. Du point de vue du type de contrôle........................................... 443
1. Le contrôle externe de la constitutionnalité ............................ 443
2. Le contrôle interne de la constitutionnalité ............................. 446
II. Du point de vue des moyens de contrôle ................................... 447
C. État des lieux en RD Congo ..................................................... 448
§4. Les contestations électorales et référendaires .............................. 454
A. Le contentieux électoral............................................................. 455
1. L’élection présidentielle .......................................................... 455
2. Les élections législatives nationales ......................................... 456
B. Le contentieux référendaire........................................................ 457
§5. Les conflits d’attributions entre pouvoirs exécutif
et législatif et entre l’État et les provinces .................................... 458
A. Conflits entre Exécutif et Législatif dans l’État ......................... 460
1. Les questions politiques .......................................................... 464
2. Les conflits juridiques .............................................................. 465
B. Conflits entre provinces et l’État .............................................. 468
1. Les contestations politiques .................................................... 469
2. Les querelles juridiques ........................................................... 469
C. Le cas spécifique des conflits entre provinces ............................ 471
1. Position du problème .............................................................. 471
2. Règle de solution ..................................................................... 472
§6. Le contrôle de conformité des traités et accords
internationaux ............................................................................ 473
A. Controverse doctrinale entre thèses moniste et dualiste ........... 474
B. Point de vue et pratique internationale de la République
démocratique du Congo ............................................................. 477
§7. Le règlement des juges judiciaire et administratif ........................ 482
A. Solution du droit comparé......................................................... 483

649
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

B. Solution traditionnelle en République démocratique


du Congo......................................................................................484
C. Proposition de lege ferenda........................................................ 485
§8. La répression des infractions politiques dans le chef
du Chef de l’État et du Premier ministre .................................... 487
A. Problème de la nature des infractions visées .............................. 490
B. Les éléments constitutifs des infractions constitutionnelles
prévues ...................................................................................... 493
C. Problématique de la sanction pénale .......................................... 496

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D. Le privilège de juridiction et le double degré de juridiction :
violation de l’article 61 de la Constitution ? ............................. 496
§9. Le contrôle de constitutionnalité des arrêts de la Haute
Cour militaire : une anomalie de l’article 83, alinéa 3
du code judiciaire militaire ........................................................... 498
CHAPITRE III : PROCÉDURE DEVANT LE JUGE
CONSTITUTIONNEL............................................ 503
Section 1 : LES RECOURS DEVANT LE JUGE
CONSTITUTIONNEL ................................................... 503
§1. En matière de contrôle de constitutionnalité des lois .................. 504
A. Cas de l’action en inconstitutionnalité ..................................... 504
1. Hypothèse du contrôle à priori .............................................. 504
2. Occurrence du contrôle à posteriori ....................................... 508
B. Cas de l’exception d’inconstitutionnalité ................................... 508
§2. En matière d’interprétation de la Constitution ........................... 510
A. L’organisation du pouvoir politique .......................................... 511
B. Les droits et libertés fondamentaux............................................ 513
C. La place des principes généraux à valeur constitutionnelle ....... 515
§3. En matière de recours en conformité des traités
et accords internationaux ............................................................ 518
A. Pratique diplomatique de la République démocratique
du Congo................................................................................... 518
B. Pratique jurisprudentielle .......................................................... 519
§4. En matière de contentieux électoral et référendaire .................... 521
Section 2 : LES CONDITIONS DE RECEVABILITÉ
ET DE MISE EN ÉTAT DE LA CAUSE ........................ 522
§1. Les conditions générales de recevabilité de la requête
devant le juge constitutionnel ...................................................... 523
A. De la forme de la demande ........................................................ 523
B. Des mentions obligatoires de la requête .................................... 524
C. Des éléments du mémoire ......................................................... 525
D. Du nombre des copies et de l’élection du domicile ................... 526

650
TABLE DES MATIERES

§2. Les conditions particulières de recevabilité de la requête ............ 528


A. La forme de la demande ............................................................ 528
1. L’initiative émanant du Président de la République ................ 528
2. L’initiative émanant des bureaux des chambres
parlementaires ........................................................................ 531
3. L’initiative du Gouvernement ................................................ 531
4. L’initiative du Procureur général de la République
ou celle du Procureur général près la Cour
constitutionnelle...................................................................... 532

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5. Les parlementaires : députés et sénateurs ................................ 534
6. Les particuliers : ...................................................................... 536
B. L’introduction de la cause et la publicité.................................... 538
C. Les mentions de la requête introductive d’instance ................... 539
1. L’identification de la partie requérante .................................... 540
2. L’identification de la partie adverse ........................................ 540
3. L’objet de la demande ............................................................. 540
4. L’inventaire des pièces formant le dossier................................ 541
§3. La mise en état de la cause............................................................ 542
A. Les débats judicaires .................................................................. 542
B. Problématique de la représentation des parties
par les Avocats devant la Cour constitutionnelle ....................... 543
§4. L’intervention volontaire des parties à l’instance :
la question de désistement .......................................................... 545
CHAPITRE IV : LES EFFETS DES DÉCISIONS
DU JUGE CONSTITUTIONNEL ......................... 547
Section 1 : LE CONTRÔLE A PRIORI OU LA CENSURE
DES ACTES JURIDIQUES EN CHANTIER ................ 548
§1. Les lois ......................................................................................... 549
A. Les lois constitutionnelles ......................................................... 549
B. Les lois organiques ..................................................................... 550
C. Les lois ordinaires ...................................................................... 551
D. Les actes ayant force de loi ........................................................ 551
§2. Les ordonnances présidentielles de l’article 145
de la Constitution......................................................................... 551
§3. Les règlements intérieurs des assemblées ..................................... 552
§4. Les traités et accords internationaux ............................................ 552
A. Effet vis-à-vis du pouvoir constituant ....................................... 554
B. Conséquence à l’endroit du pouvoir exécutif ............................. 554
C. Attitude du pouvoir législatif..................................................... 554
Section 2 : LE CONTRÔLE A POSTERIORI OU LA
CENSURE DES ACTES JURIDIQUES ACHEVES....... 556

651
LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE EN RDC

§1. Les cas de contrôle positif ........................................................... 556


A. Les lois constitutionnelles ......................................................... 556
B. Les lois organiques ..................................................................... 557
C. Les lois ordinaires ...................................................................... 568
D. Les actes ayant force de loi ........................................................ 569
E. Les actes d’assemblée ................................................................. 569
F. Les actes réglementaires ............................................................. 571
§2. L’exécution des décisions du juge constitutionnel ....................... 571
A. A l’égard des parties .................................................................. 576

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B. Vis-à-vis des tiers penitus extranei ............................................. 577
C. A l’endroit des pouvoirs publics ............................................... 577
1. Les autorités gouvernementales .............................................. 579
2. Le parlement ........................................................................... 582
3. Les juridictions ....................................................................... 584
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE .................................... 587
CONCLUSION GENERALE............................................................. 589
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE ......................................................... 597
TABLE DES MATIERES..................................................................... 645

652
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N° d’Imprimeur : 99977 - Dépôt légal : juillet 2013 - Imprimé en France
justice
La

constitutionnelle
en République démocratiquedu Congo

Ouvrage majeur en droit constitutionnel congolais,


ce livre fait l’état des lieux de la justice constitutionnelle
congolaise. Il retrace les fondements des normes de cette
justice, en y étudiant profondément les racines historiques
et philosophiques qui les nourrissent et en proposant des
solutions juridiques à des problèmes théoriques susceptibles
d’entraver le progrès de cette activité essentielle de l’État de
droit moderne. La différence sociologique des fondements
devrait entraîner une différence des modalités d’organisation
et d’exercice de la justice constitutionnelle. L’auteur analyse,
ensuite, les ancrages pratiques de cette vaste théorie et
imprime ainsi à cet ouvrage un caractère plutôt pratique
susceptible d’intéresser parlementaires, magistrats, avocats,
professeurs et étudiants en droit. L’ouvrage présente des
solutions plutôt juridiques à plusieurs cas ici envisagés comme
autant d’hypothèses de travail que l’auteur a analysées avec
une grande rigueur scientifique. Œuvre de doctrine mais
également œuvre d’un praticien chevronné, l’ouvrage apporte
un double éclairage à la fois théorique et jurisprudentiel à la
compréhension de la justice constitutionnelle en République
démocratique du Congo.

Docteur en Droit de l’Université de Kinshasa, Dieudonné KALUBA DIBWA


y est professeur de droit public ; il exerce également comme avocat à la
Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et à la Cour pénale internationale,
à La Haye, aux Pays-Bas. Il est auteur de plusieurs ouvrages et publications
scientifiques.

Éditions Eucalyptus ISBN : 99951-650-1-2


Éditions Academia ISBN : 978-2-8061-0117-4

www.editions-academia.be 70 € - 75 € hors Belgique et France

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