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P.

COLLE
de la Société des Missionnaires d‟Afrique
Pères Blancs

Centre d‟Etude de Langues Africaines


B.P. 186 BUKAVU

1971
1

REMARQUE PRELIMINAIRE Ŕ de l‟auteur (1937)

Les présentes notes furent rédigées A L‟USAGE DES MISSIONNAIRES nouvellement arrivés
dans le Vicariat du Kivu afin de leur donner rapidement la connaissance des coutumes et croyances
dont ils auront besoin pour l‟exercice futur de leur ministère.

Elles n‟ont pas la prétention d‟être absolument exactes en tout point et surtout d‟être complètes.
Les missionnaires du Bushi sauront d‟ailleurs redresser ce qui est quelque peu fautif, combler les
lacunes, achever le présent travail par leurs observations personnelles et les renseignements qu‟ils
pourront acquérir en conversant avec l‟indigène.

Si l‟on veut avoir une notion exacte de ce que furent jadis les Bashi, il est temps de recueillir sans
retard toutes les données possibles. Les indigènes, en effet, se transforment rapidement sous la
poussée des missions, de l‟administration et de la présence des Européens établis dans le pays.
Bien des détails, qui ont été relevés ici, ont été recueillis par les missionnaires d‟il y a vingt ans, et
ne pourront plus être reçus de nos jours. Combien de coutumes et croyances seront ignorées de la
génération qui se lève.

Avis à tous les missionnaires.

------------------
NOTE DE L’EDITEUR

En 1937 le Père Pierre COLLE (1872-1961) fit paraître en ronéotype le manuscrit de son « Essai
de Monographie des Bashi ». L‟ouvrage, destiné aux missionnaires, édité sans mention de lieu ni
de date, ne portait même pas le nom de l‟auteur. Il était seulement introduit par la brève
« Remarque préliminaire » qu‟on vient de lire.

Déjà durant son séjour parmi les Baluba-Hemba du Katanga, de 1899 à 1908, le Père Colle s‟était
fait la main aux méthodes de l‟enquête ethnographique systématique. En 1913 parut sa
« Monographie des Baluba », publiée à Bruxelles, sous les auspices du Bureau International
d‟Ethnographie.

Dès son arrivée au Kivu, en 1913, le Père Colle se met à étudier les coutumes et croyances. Pour
son enquête sur les Bashi, comme il l‟avait fait dans le pays des Baluba, il se sert du questionnaire
ethnographique de J. Halkin, adopté par la Société belge de Sociologie (1905).

Dans l‟Essai de Monographie des Bashi, les grandes divisions sont précisément celles du
questionnaire Halkin, et les numéros sont ceux des 202 questions posées aux enquêteurs. A
chacune de ces questions le Père Colle a répondu ce qu‟il est parvenu à en savoir, et rien de plus.

Comme en témoigne la « Remarque Préliminaire » l‟auteur avait nettement conscience que son
information restait incomplète et que son œuvre était perfectible. Il souhaitait que le lecteur y
apporte des corrections et des renseignements complémentaires ou entièrement nouveaux.

Afin que puisse être réalisé ce vœu du Père Colle, il nous a semblé urgent de rééditer sans
modifications le texte intégral de la précieuse documentation ethnographique et historique, que lui-
même se contentait d‟appeler ses « notes », ou tout au plus son « essai » de monographie des
Bashi.
Centre d’Etude de Langues Africaines – Bukavu. Mai 1971
2

TABLE DES MATIERES

numéros pages

1-9 A. RENSEIGNEMENTS GEOGRAPHIQUES ET


ETHNOGRAPHIQUES GENERAUX…………………………………………
1 Nom de la tribu…………………………………………………………………
2 Situation géographique Ŕ hydrographie
Météorologie……………………………………………………………………
3 Carte du Bushi………………………………………………………………….
4 Population Ŕ augmentation Ŕ diminution……………………………………..
5 Occupations principales………………………………………………………..
6 Immigration Ŕ émigration……………………………………….......................
7 Parenté avec les tribus voisines………………………………………………..
8 Etat physiologique et mental…………………………………………………..
9 Mœurs en général……………………………………………………………….

10-64 B. VIE MATERIELLE


10 Soins donnés au corps - propreté
11 Coiffure Ŕ cheveux
12 Ongles
13 Epilation
14 Sommeil (durée)
15 Natation (méthode)
16 Equitation Ŕ quels animaux ?
17 Portage Ŕ (comment on porte)
18 Lutte
19 Jeux pour se développer
20 Alimentation Ŕ espèces de nourritures
21 Façon de se procurer du feu
22 Préparation culinaire
23 Cuisine
24 Repas
25 Mets permis et défendus
26 Excitants
27 Boissons
28 Anthropophagie
29 Géophagie
30 Conservation des aliments (greniers etc.)
31 Coloriage du corps
32 Tatouage
33 Objets suspendus au corps
34 Vêtements proprement dits
35 Vêtements Ŕ matériaux employés
36 Chaussures
37 Coiffure (couvre-tête)
38 Ornements et parures Ŕ distinction de rang
39 Habitation Ŕ situation
40 Habitations transportables
41 Habitation type
42 Réparation et embellissement de l‟habitation
43 Meubles et objets meublants
3

44 Eclairage
45 Chauffage
46 Villages
47 Outils Ŕ armes Ŕ ustensiles
48 Cueillette des fruits
49 Chasse
50 Pêche
51 Agriculture
52 Elevage des bestiaux
53 Tissage Ŕ couture Ŕ confection
54 Vannerie
55 Poterie
56 Métallurgie et forges
57 Meunerie
58 Travail du bois
59 Corderie
60 Tannerie
61 Teinturerie
62 Extraction des minerais
63 Autres métiers et occupations-extraction d‟huile

65-100 VIE FAMILIALE


65 Avant la naissance
66 Accouchement
67 Soins donnés à la mère par le père
68 Soins donnés à l‟enfant
Allaitement
69 Causes qui limitent la population
70 Mouvement de la population
71 Education générale physique
72 Education intellectuelle
73 Education morale
74 Education spéciale Ŕ des sorciers etc.
75 Initiation Ŕ circoncision
76 Rapports entre les sexes en dehors du mariage
77 Fiançailles
78 Nature du mariage
79 Formes du mariage
80 Cérémonies du mariage
81 Remariage
82 Empêchements au mariage
83 Le mari
84 L‟épouse
85 Dissolution du mariage
86 Eunuques
87 Autorité dans la famille
Appartenance clanique
88 Composition de la famille
89 Habitations familiales
90 Relations entre les membres de la famille
91 Propriété familiale
92 Rôle des voisins dans la famille
4

93 Situation sociale des membres de la famille


94 Les clans pris dans leur ensemble
95 Maladies
Remèdes naturels
Féticheurs Ŕ sorciers
Magie noire Ŕ obulozi
Espèces de sorciers
Remèdes superstitieux
Remèdes marago
96 Derniers moments d‟un moribond
97 Le mort avant son enterrement
98 Funérailles ordinaires
Mort d‟un grand muluzi
Mort d‟un mwami
99 Manière d‟agir des parents envers le décédé
100 Modifications produites dans la famille par le décès

101-122 VIE RELIGIEUSE


101 Animisme Ŕ naturisme
102 Culte des ancêtres Ŕ et des esprits
103 Incarnation d‟un esprit dans un objet
104 Tabous ou vitances
105 Totemisme
106 Magie imitative Ŕ sympathique
Sorcellerie (obulozi)
Etre changé en bête sauvage
107 Fétichisme
108 Culte des forces de la nature
109 L‟âme humaine pendant la vie
110 L‟âme humaine après la mort
111 Spiritualisme
112 Matérialisme
113 Monothéisme ou polythéisme
La notion de Dieu chez les Bashi
114 Morale
115 Philosophie
116 Manifestation de la religion dans la vie privée et sociale
117 Rites et cultes
Sacrifice aux ancêtres dans la hutte familiale
Offrande à un défunt
Bénédiction de la hutte
Sacrifice tribal aux ancêtres
Culte des anciens héros
118 Mythologie et folklore
Fables de folklore
119 Sociétés religieuses secrètes
120 Divinités
121 Temples
122 Sacerdoce

123-150 VIE INTELLECTUELLE


123 Ecriture
5

124 Langage Ŕ proverbes


Devinettes
Compliments
125 Dessin Ŕ peinture
126 Danse
127 Chants
128 Musique
129 Sculptures
130-131 Talent inventif
132 Jeux Ŕ plaisirs Ŕ délassements
133 Théâtre et représentations non religieuses
134 Astronomie
135 Mathématiques
136 Sciences de l‟ingénieur
137 Nautique
138 Transports par terre
139 Division du temps
140 Médecine et chirurgie
141 Histoire
142 Géographie
143 Mémoire
144 Imagination
145 Invention et recherche
146 Entendement
147 Observation
148 Raisonnement
149 Prévoyance
150 Perception intellectuelle

151-186 VIE SOCIALE


151 Relations sociales et familiales en général
Politesse
Imprécations et injures
Serments
Propriété des biens familiaux
152 Biens immobiliers
153 Nature de la propriété
154 Limites des propriétés
155 Origine de la propriété
156 Domaine public
157 Location
158-159 Usufruit
160 Objets trouvés
161 Succession
162 Commerce
163 Monnaies Ŕ mesures Ŕ poids
164 Voies de communication
165 Industrie
166-167 Droit civil
168 Droit pénal
169 Recherche des délinquants et preuve du délit
170 Droit d‟asile
6

171 Vie nomade


172 Vie pastorale
173 Vie sédentaire
174 Classes et castes
175 Esclavage
176 Organisation politique générale
177 Comment les chefs occupent le pays
Signes et fonctions du pouvoir
Caractère religieux du pouvoir
Etendue du pouvoir
Intronisation des chefs
Renouvellement du mubande
Perte de l‟autorité
178 Assemblées politiques
179 Associations secrètes
180 Officiers inférieurs
181 Organisation de la tribu
182 Organisation financière
183 Situation des étrangers
184 Relations pacifiques
185 Relations guerrières
186 Contact avec les civilisés

187-202 CARACTERES ANTHROPOLOGIQUES


187-188 Taille
189 Peau
190 Cheveux
191 Yeux
192 Mains
193 Difformités naturelles
194 Déformation artificielle
195 Force musculaire
196 Attitude du corps
197 Acuité des sens
198 Température du corps
199 Nutrition
200 Influence du milieu physique
201 Fécondité
202 Maladies endémiques, épidémiques

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ERRATA
Page 14 : 29 GEOGRAPHIE lire : 29 GEOPHAGIE
Page 235 : 156 LIMITE DES PROPRIETES
lire : 154 LIMITE DES PROPRIETES
Page 255 : 175 VIE SEDENTAIRE lire : 173 VIE SEDENTAIRE
7

A/ RENSEIGNEMENTS GEOGRAPHIQUES

ET

ETHNOGRAPHIQUES GENERAUX

N° 1
8

I. NOM DE LA TRIBU

La peuplade, dont il est ici question, est l‟ensemble des familles établies de longue date dans la
région appelée BUSHI, et parlant le dialecte MASHI.

Les habitants portent le nom de BASHI. Le radical « shi » est fort probablement le même que « si,
chi » des autres langues bantu. Précédé du préfixe n, il signifie terre, sol (nshi, nsi, nchi). En y
ajoutant la marque du locatif ha, ku, ni, il a le sens de : « par terre, dessous, en-dessous (hanshi,
chini, etc.) ».

Le sens du mot BASHI semble donc être : les gens de la terre, du sol, les paysans ; ou encore les
gens d‟en-dessous, de la vallée, par opposition aux habitants des montagnes ou d‟au-delà des
régions montagneuses. On peut leur attribuer les deux sens. Bien plus, ce nom comporte un
troisième sens : gens d‟en-bas, du commun, roturiers, par opposition au mot « Baluzi » qui désigne
les personnes de race noble, les « Banyamwoca », dominateurs du pays. Le chef du clan
Banyamwoca, devenu grand chef du Bushi, prit le nom de Nnabushi après avoir supplanté l‟ancien
grand-chef du pays appelé NNASHI1.

On entend parfois désigner les Bashi par le sobriquet BANYABUNGU. D‟où leur vient-il ?

Il faut, semble-t-il, en chercher l‟origine chez les Banyarwanda.


Voici, en effet, ce qui se raconte :
Sibula, né d‟un inceste entre frère et sœur consanguins, et exclu pour cela du clan des Bahande,
auquel il appartenait, fonda le clan Basibula et fut le grand chef des Bahavu. Ayant réussi à
occuper l‟île d‟Idjwi, à Bunga, il fut appelé « Nyebunga ». Or un jour, ce Nyebunga alla guerroyer
dans le Rwanda et y trouva la mort. Les Banyarwanda, voulant témoigner leur mépris à ses gens,
les appelèrent, non plus Bahavu, mais Banyebunga, mot qui finit par devenir Banyabungu, et qui
dans leur bouche avait le sens de « fils d‟inceste ». Ce nom fut même étendu par eux aux Bashi,
devenus leurs ennemis.

Au lieu de Banyabungu, certains disent Banya-bongo. Ils croient que ce nom leur fut donné par les
soldats des premiers Européens, venus dans le pays. Ce mot aurait le sens de « fiéfés menteurs ».
Cette opinion me paraît peu probable. Banya-bongo n‟est sans doute que la prononciation
défectueuse de Banyabungu.

2. SITUATION GEOGRAPHIQUE
REGIME HYDROGRAPHIQUE, METEREOLOGIQUE, etc.

Le Bushi est proprement la région située à l‟Ouest du Kivu, et de la Rusizi, ayant pour limites : au
Nord la Nyawarongo, au Sud la Luvimvi, la Kadibu et un bout de la Lulindi, à l‟Ouest les
montagnes forestières.

L‟ensemble du pays est montagneux ; on y trouve de vastes espaces marécageux et fort peu de jolis
plateaux. Les sommets varient entre 2000 et 3400 m (mont Kahusi).

Le terrain est d‟une fertilité plutôt médiocre dans son ensemble, et ses pâturages ne sont pas du tout
de première valeur. Il est presque entièrement déboisé si l‟on fait exception de la zone Ouest que
la forêt vierge recouvre encore.

Les productions naturelles sont donc assez réduites.

1
Le préfixe « Nna » désigne le possesseur d‟un objet.
9

La forêt même ne donne guère que les graines oléagineuses du Mushahi et du Mugwerhe et le bois
de chauffage et de construction. Je cite pour mention les bambous de la forêt, les roseaux, les
papyrus et les herbes pour construction des huttes.

Quant au fer, au cuivre, aux autres minerais, s‟ils existent, ils ne sont guère exploités dans le Bushi
proprement dit. La pierre à chaux se voit par-ci, par-là.

Le régime HYDROGRAPHIQUE se réduit à des rivières torrentueuses. Les pluies y tombent


généralement de septembre à juin.

La moyenne varie entre 120 et 150 centimètres par an, sauf bien entendu sur les sommets boisés de
l‟Ouest, où elles sont plus abondantes.

Les peuplades limitrophes sont : au Nord : les Bahavu ; à l‟Ouest les Batembo, les Balongelonge,
les Balinja ; au Sud les Barhinyirhinyi, les Bazibaziba, les Bafulero ; à l‟Est partie Sud du Kivu, les
Banyarwanda.

4. POPULATION
AUGMENTATION ? DIMINUTION ?

La population est-elle en progression ou en régression ?


Il m‟est difficile de répondre à cette question. Je serais porté à croire qu‟elle augmente légèrement,
malgré le manque d‟hygiène et la sous-alimentation générale (cf. 61). La mortalité infantile
semble diminuer, notamment aux alentours des centres occupés par les Blancs, et grâce aux
hôpitaux, dispensaires et aux médicaments distribués dans les missions et chez les colons, bien des
cas qui étaient jadis mortels se terminent par guérison.

Il n‟existe pas au Bushi de villages proprement dits avec rues et places, exception faite pour les
huttes alignées le long des routes par ordre de l‟administration et pour celles des travailleurs
employés par les blancs.

La population est dispersée par familles ; chaque famille a son enclos entouré le plus souvent de
bananiers ; elle vit ainsi séparée de la famille voisine de quelques dizaines de mètres (cf. N° 80).
Les enclos couvrent une colline plus ou moins étendue (ishwa) autour de l‟enclos du notable ou
chef qui y commande.

Il y a aussi des collines habitées, séparées par d‟autres collines réservées aux pâturages et aux
cultures, ou même abandonnées. Le grand chef lui-même occupe de la sorte sa colline. Le nombre
des enclos varie beaucoup ; il y a des collines ayant à peine quelques enclos familiaux ; d‟autres en
ont plusieurs centaines. Rares sont les enclos situés à côté d‟un marais.

Le choix des collines destinées aux habitations et celles réservées aux cultures, aux pâturages,
dépend du chef du pays. Il peut d‟ailleurs faire quitter des collines habitées et ordonner aux
habitants de s‟établir ailleurs. Il en est de même pour les cultures et pâturages. Ceci avait lieu,
jadis surtout, pour forcer les gens à occuper un coin conquis manu militari.
10

CARTE DU BUSHI
11

5. OCCUPATIONS PRINCIPALES

Les Bashi sont PASTEURS-AGRICULTEURS. C‟est dire que leurs occupations principales se
réduisent à la garde du bétail et aux cultures (cf. 171, 172).

La PECHE est pratiquée exclusivement par les riverains du lac Kivu.

La CHASSE est plutôt un sport qu‟une occupation. Elle se fait au moyen de chiens dressés ad hoc,
et se réduit à poursuivre les perdrix, les cailles, les rats de roseaux et d‟autre menu gibier. Les
fauves sont quasi inexistants ; seuls quelques hyènes et léopards se montrent de-ci de-là dans les
plaines couvertes de roseaux ; on voit quelques singes et de rares gorilles dans les parties boisées.
L‟antilope ne se rencontre guère.

LA GARDE DU GROS BETAIL est confiée à des bergers adultes aidés par de petits garçons. Le
petit bétail est laissé à la garde des garçons, ainsi que les veaux. En général chacun amène sa
vache près de l‟enclos du chef après l‟avoir trait, et de là, toutes réunies s‟en vont au pâturage.

Les hommes, s‟ils ne sont pas en balade, vont aux champs avec les femmes, auxquelles incombent
spécialement les cultures et les soins du ménage (cf. 87). Toute la famille vit du produit des
cultures (patates, sorgho, haricots, éleuzine, manioc, etc.) ; la viande ou le lait caillé n‟est qu‟un
extra. La bananeraie procure de temps à autre un bon verre de bière.

La vie normale est sédentaire ; on déplace parfois son enclos et ses huttes, mais il n‟est pas
question ici de vie nomade proprement dite.

6. IMMIGRATION – EMIGRATION

Jusqu‟à ces dernières années les Bashi restaient au pays ; rares étaient les familles qui émigraient
dans une tribu voisine, rares aussi les étrangers, qui venaient s‟établir au Bushi. L‟occupation du
pays par les blancs, tend à modifier cette mentalité. De nombreuses familles quittent en effet le
pays pour aller travailler aux mines, et le nombre de noirs étrangers qui viennent s‟établir dans les
centres ou chez les colons va en augmentant. On rencontre en effet un peu partout des gens
originaires du Rwanda, du Burundi, du Buhavu, du Buhunde et du Bunyanga, pour ne citer que les
principaux.

7. PARENTE AVEC LES TRIBUS VOISINES

La population proprement dite est composée par un ensemble de clans ou parentés. Certains clans
sont ici de temps immémorial, d‟autres sont venus à des époques plus rapprochées de nous, sortant
soit du Rwanda, soit du Buhavu, soit des environs de la Lulindi (Bunyintu) et même des autres
contrées limitrophes. Mais tous, une fois établis à demeure, n‟ont pas tardé d‟adopter la langue
Mashi et toutes les coutumes du pays (cf. N° 94-141).

La LANGUE PARLEE se rapporte nettement aux langues du Nord et de l‟Est, et aussi à celles du
Sud assez rapproché. Ce groupe linguistique va au Sud jusqu‟à moitié chemin d‟Uvira à Baraka.
Il se différencie beaucoup des langues parlées dans l‟Urega. Le Mashi est fortement apparenté au
Kinyarwanda, au Kirundi, au Runyankoro et au Ruganda ; plus encore au Mahavu, Mahunde et
Manyanga du Nord ; au Mafulero, Mazibaziba et Marhinyirhinyi du Sud ; à la langue des Balinja,
Balongelonge et Batembo de l‟Ouest.
12

8. ETAT PHYSIOLOGIQUE ET MENTAL

En général nos Bashi sont bien bâtis. On trouve parmi eux des types aux allures superbes, grands,
forts, à carrure athlétique, surtout parmi les baluzi et les notables. Les malingres (bazamba) sont
l‟exception. Leur force musculaire n‟est pas toujours ce qu‟elle semble devoir être. Cependant ils
sont endurants pour la marche. Ils ne sont pas des travailleurs de première qualité. D‟ailleurs le
travail continu leur répugne très fort. Et surtout ne leur demandez pas d‟avoir un peut d‟initiative.
Tant qu‟il s‟agit de manier la houe, cela va encore… le reste, ils y sont gauches et sans entrain.

Ils sont assez gais et expansifs entre eux, mais muets et fermés pour le blanc envahisseur, mangeur
du pays comme ils disent.

Les larmes sont rares et peu sincères. J‟excepte celles des femmes qui ont perdu leur enfant ;
j‟excepte aussi celles des filles, qui semblent pouvoir verser des larmes sur commande.

Pour leur caractère moral, voir 114.

Pour leur capacité intellectuelle, voire 143 à 150.

A la guerre ils sont courageux, parfois téméraires, sans aucun souci du danger.

Mais ils sont d‟une incroyable susceptibilité devant le mépris et l‟insulte.

Leur dévouement est avant tout affaire d‟intérêt, leur amitié de même.

Ils n‟ont en général ni pitié ni compassion.

Ils se montrent entre eux vraiment polis, évidemment autrement que nous (voir 124) et la flatterie
n‟est pas leur moindre défaut.

9. MŒURS EN GENERAL

Nos Bashi ne sont pas à compter certainement parmi les peuplades les plus dévergondées du centre
africain, malgré le dérèglement de mœurs des jeunes gens qui se livrent au libertinage, malgré
même l‟existence des personnages immondes ; méprisables et méprisés, les « ntazi » (v. N° 76) et
les cérémonies impures des sociétés secrètes (voir N° 119). Malgré leur façon sommaire de
s‟habiller, on peut dire que les Bashi ont le respect de la pudeur.

Il suffit de lire attentivement les N°s 76 et 114 pour s‟en rendre compte. Ils ont de nombreuses
prescriptions, qui ont pour but de protéger la fidélité du foyer familial et conjugal. Un certain
nombre de tabous vont directement à faire respecter la pudeur (voir n° 104).

Ils sont passionnés de liberté, bien que celle-ci soit souvent entravée, surtout chez les pauvres.

Ils se montrent en général accueillants pour les voyageurs de passage et leur fournissent le couvert
et même un peu de nourriture, surtout si ces voyageurs sont de la tribu et plus encore de leur clan
ou d‟un clan allié (n° 114).

On aura d‟ailleurs une idée de leurs mœurs, si on lit le n° 114. On y verra notamment ce qu‟ils
pensent du mensonge et du vol.
13

B/ VIE MATERIELLE

A/ SOINS DONNES AU CORPS


ET EXERCICES CORPORELS

10 à 19

B/ ALIMENTATION

20 à 30

C/ VETEMENTS

31 à 38

D/ HABITATIONS

39 à 46

E/ MOYENS D’EXISTENCE,
METIERS, OCCUPATIONS

47 à 64
14

10. A/ SOINS DONNES AU CORPS ET EXERCICES CORPORELS


SOINS DE PROPRETE, VIE MATERIELLE

Il y a parmi nos Bashi des gens qui aiment la propreté, il y en a qui ne s‟en soucient guère. En
général garçons et filles se lavent le haut du corps et les jambes au moins une fois par jour.
L‟homme marié peut se laver quand il veut, mais la politesse exige que chaque soir sa femme lui
offre un vase d‟eau tiède pour se laver. La femme mariée ne peut se laver qu‟une fois par jour ;
quant à son petit enfant, elle le lave à fond en même temps qu‟elle-même, et de plus à chaque fois
qu‟il s‟est trop barbouillé. Jamais les jeunes gens et les hommes ne se lavent à la rivière ou à la
fontaine en présence des jeunes filles ou des femmes. On s‟entraide à l‟occasion pour se frotter
mutuellement le dos.

Le savon est inconnu, sauf évidemment chez ceux qui fréquentent les Européens. Ils aiment à se
frotter de beurre, c‟est le complément de la toilette. Il arrive souvent que lorsqu‟on dit à quelqu‟un
d‟aller se laver, il vous réponde « je n‟ai pas de beurre ».
Les chefs se frottent d‟huile de ricin, jamais de beurre. Si une femme voulait se laver en allant
puiser, elle devrait d‟abord remplir sa cruche. D‟ailleurs elle a défense de jeter la cendre du foyer
de suite après s‟être lavée. Les enfants aiment patauger dans l‟eau, surtout lorsqu‟ils mènent les
vaches à l‟abreuvoir. Quand il y a fête au village, qu‟on y boive et qu‟on y danse, on a bien soin de
se donner une frottée de beurre.
La religion n‟est pour rien dans ce lavage quotidien. Les ablutions qui ont lieu à la mort et à
l‟enterrement (97-98) sont obligatoires et voulues par la coutume, sous peine d‟être tabou.

11. COIFFURE (cheveux)

Le petit enfant est rasé par la sage-femme environ le 6e jour après sa naissance.

Les PETITS GARCONS ont la tête entièrement rasée à l‟exception d‟une minuscule petite touffe
qu‟il faut toujours laisser, sans quoi leur père mourrait ; s‟il était mort, ils ne laisseraient rien.

Les PETITES FILLES se rasent comme les garçons, mais souvent par coquetterie elles laissent la
chevelure pousser, la tressent et au bout des tresses, qui entourent toute la tête, elles fixent des
perles. Les tresses viennent jusque dans la nuque c‟est le (mweze). Parfois aux petits garçons et
petites filles on laisse sur la tête des lignes de cheveux qui forment des spirales, cercles, ovales ou
demi-lunes. Cela se voit d‟ailleurs aussi chez les jeunes gens et jeunes filles, à l‟imitation des
Banyarwanda.

Les jeunes gens et jeunes filles ont le plus souvent les cheveux coupés en brosse, mais alors on rase
le pourtour de la tête, et au sommet on rase une tonsure, dans laquelle ils mettront de temps à autre
un peu de beurre qui fondra sous les rayons de soleil et inondera la nuque et même les épaules.
Actuellement les jeunes gens et les jeunes filles se rasent volontiers toute la tête comme les enfants.

La coiffure de la JEUNE MARIEE est un peut spéciale. On lui rase la tête entièrement, mais on
laisse au sommet une touffe ronde de 6 à 7 centimètres de diamètre, en brosse, qu‟on imbibe de
beurre et au-dessus de laquelle on saupoudre en forme de croix une farine faite de bois odoriférant
(buku) ou toute autre farine ; les bords extérieurs de cette touffe sont ornés d‟un petit collier de
perles (c‟est le kushisha).

Les HOMMES MARIES font comme les jeunes gens, mais semblent y mettre moins de
coquetterie.
15

Les FEMMES MARIEES ont la tête rasée ; au sommet elles ont parfois une touffe avec tonsure
centrale, pour le beurre, et le pourtour orné d‟un petit collier de perles. A la mort de leur mari,
elles se font raser cette touffe, et restent les cheveux ras jusqu‟à ce qu‟elles puissent songer à se
remarier. Toutefois la chevelure est rasée aux tempes et à la nuque, ce qui donne l‟aspect d‟une
calotte de cheveux, signe distinctif des veuves.

Les VIEUX PERES DE FAMILLE ont les cheveux rasés et laissent simplement une ligne courbe
de chevelure au sommet.

L‟INSTRUMENT employé est un rasoir, simple lame effilée (lugembe). A défaut de rasoir, on se
sert parfois d‟un morceau de verre.

L‟OPERATION est assez simple. Avant de raser, on défait et on redresse la chevelure avec une
tige de bois, ou un peigne de bois primitif. On imbibe la chevelure d‟eau froide ou chaude. Le
savon est inconnu. Puis on opère avec prudence. Les bilafres sont exceptionnelles.

Les COIFFURES de profession existent. Mais le plus souvent on recourt aux bons soins d‟un
parent ou d‟un ami. L‟homme rend ce service à sa femme, et la femme à son mari tant que
possible. Les parents rasent leurs enfants encore petits. Les jeunes filles se rasent mutuellement,
ainsi que les jeunes gens.

DUREE : Nos noirs y mettent leur temps ; en général la « rasade » dure plusieurs heures.

La BARBE est rarement longue chez les Bashi, et la moustache reste assez rudimentaire. Il est
loisible de les raser ou non. Plusieurs aiment à se raser les favoris, et à avoir au menton une courte
barbiche.

12. ONGLES

Aux tout-petits enfants, la maman coupe les ongles avec les dents. Dès qu‟ils sont grandelets, elle
le fait avec un couteau. Tout le monde se coupe les ongles des mains et des pieds régulièrement
avec un couteau. Les négligents seuls portent les ongles en deuil. Certains jeunes gens aiment par
coquetterie à laisser grandir l‟ongle des petits doigts ; tout au plus l‟utilisent-ils pour enlever l‟eau
qui, après la toilette, se serait attardée dans les oreilles.

13. EPILATION

L‟épilation se pratique. Pour le faire, on saupoudre de cendre la partie à épiler, et on arrache avec
les ongles poil par poil. Elle se pratique sous les aisselles et à la région pubienne ; jamais on
n‟enlève les cils, comme le font les Warega.

Nupta seipsama depilat, quod etiam libenti animo suo sponso facit, signum est enim bene-
volentiae ; quod si nogaret, contemptum se haberet vir.
Juvenes utriusque sexus nulli alio recurrit ; puella autem quae alieni juveno turpeter assentit (cf.
76) eum depilat.

14. SOMMEIL (durée)

Les Bashi se couchent habituellement vers 9 ou 10 heures du soir et se lèvent vers les 6 heures du
matin. Il y a évidemment des noctambules qui s‟attardent autour d‟une jarre de bière, car ce serait
un crime de partir sans vider la provision. Il y a aussi des matineux, surtout le jours où il faut aller
à un marché éloigné de plusieurs lieues ou quand on veut aller en voyage.
16

Pas de SIESTE régulière, bien que les hommes aiment à s‟étendre tout au long pour somnoler et
tuer le temps. On trouve rarement des femmes et des filles bien portantes étendues au soleil ; elles
ont d‟ailleurs de quoi s‟occuper tout le long du jour.

Le soir, avant le coucher, se passe en causeries (hommes âgés (bashamuka) ensemble jeunes gens
et jeunes filles par petits groupes, sexes séparés. La mère de famille se tient au foyer avec ses
petits enfants.

Il va sans dire qu‟on déroge à la loi, les soirées où l‟on se ressemble pour chanter et danser ; les
jeunes filles surtout en sont friandes. En dehors des danses des associations religieuses secrètes,
les danses de nuits entières sont rares.

Nos noirs ont donc en général de bonnes nuits. Mais lorsque des jeunes gens ou des hommes
dorment ensemble, en voyage ou pour tout autre motif, ils aiment à jaser des heures entières au lieu
de dormir.

15. NATATION (méthode)

On ne peut pas parler de natation pour la majorité des Bashi. Faute de grandes rivières, on ne
trouve guère de nageurs, que parmi les riverains du lac. Et là, on peut dire que la plupart des
hommes et même des femmes savent nager. Et c‟est nécessaire, attendu que beaucoup y voyagent
ou vont à la pêche au moyen de pirogues très petites.
La méthode est la nage indienne. Ils ne connaissent pas la brasse. Ils savent nager sur le dos, mais
jamais je ne les ai vus faire la planche. Le plongeon proprement dit n‟existe pas. Même les
pêcheurs qui pêchent sous eau, y poursuivant le poisson à la broche ou tringle pointue, quittent
leurs pirogues jambes en avant. Parmi les nageurs il y en a qui savent se tenir sous eaux pendant
une minute et plus encore. Beaucoup en font un exercice d‟entraînement.

Lorsqu‟ils veulent passer du bétail d‟une rive du lac à l‟autre (et à certains endroits ils font 10 à 12
kilomètres) on en voit qui se mettent sur l‟arrière-train de la bête ; d‟autres les entraînent à la nage ;
la plupart précèdent en pirogue, et soutiennent la bête par les cornes. Les garçons aiment à nager
pendant que leurs vaches s‟abreuvent et se trouvent à mi-corps dans l‟eau du lac. Il est curieux de
voir, un jour de tempête, les pêcheurs surpris nager à côté de leur pirogue renversée, en attendant
de pouvoir la retourner, la vider, et continuer à naviguer. Malheureusement, il y a encore beaucoup
de pêcheurs qui ne savent pas nager, et chaque année le lac en engloutit par dizaines. Les rivières
torrentueuses aussi font chaque année pas mal de victimes (voir 137).

16. EQUITATION – QUELS ANIMAUX ?

Il n‟existe pas au Bushi, d‟animaux dressés pour l‟équitation.

17. PORTAGE (comment on porte).

Tout ce qu‟il y a à dire au sujet du portage, sera indiqué au N° 138.

Qu‟il suffise d‟ajouter ici quelques mots touchant la MANIERE DE PORTER LES PETITS
ENFANTS.

Les premières semaines, l‟enfant est porté sur la poitrine, de manière à avoir toujours à la portée de
la bouche, la « corne d‟abondance ». Il y est retenu au moyen d‟une lanière dans un bout de peau
de chèvre ou un pagne crasseux, la tête plus ou moins recouverte. Un peu plus tard, c‟est-à-dire
17

quand les parents ont repris leurs rapports réguliers, il prend place sur le dos de maman, suspendu
dans une peau attachée par une lanière, et il se tient parfois lui-même en passant les bras sous les
aisselles de sa mère. Pour l‟y mettre, la maman saisit l‟enfant par un bras, et d‟un tour de main y
lance son petit, qui instinctivement écarte ses petites jambes et se met lui-même à cheval. A-t-il
besoin d‟une tétée : un cri de sa part, une secousse de la mère et par dessous le bras, la bouche
atteint le sein. Si la mère est chargée d‟un fagot ou d‟une hotte pleine, elle juche son enfant par
dessus.

En l‟absence de la mère, le papa porte le bébé sur le dos comme la mère. S‟il faut voyager, il pose
son enfant à califourchon sur ses épaules, et l‟enfant se soutient en mettant les mains au front de
son père. Souvent on rencontre des mères et même des pères portant leur petit enfant sur la
hanche. C‟est quand il faut le prendre pour un petit moment.

18. LUTTE

La lutte corps-à-corps pour se mettre par terre ne se pratique pas entre hommes, voire entre jeunes
gens ; seuls les gamins s‟y livrent assez volontiers. Mais une lutte en honneur est celle de la canne.
Garçons entre eux ou jeunes gens s‟attaquent avec leur bâton de berger, ils essaient de toucher
l‟adversaire par un coup de flanc, et celui-ci doit barrer. Chacun est muni d‟une canne d‟attaque et
d‟une canne de défense. Ils se montrent parfois très habiles dans l‟attaque comme dans la défense.
C‟est ce qu‟on pourrait appeler le « jeu national » ; mais il n‟amène pas beaucoup de spectateurs,
en dehors de ceux qui y prennent part.

Les jeunes gens se livrent volontiers à la PETITE GUERRE. Ils se divisent en deux camps ; tous
sont armés d‟un arc fabriqué pour l‟occasion, et lancent des flèches, simples pailles de fortes
graminées, parfois même de bois de flèche sans fer et sans pointe. Il s‟agit de mettre le camp
adverse en fuite et de prendre sa position. Au lieu d‟arc et flèches, ils se lancent parfois des
morceaux desséchés de bouse de vache en guise de projectiles. C‟est le jeu appelé mashîshî.

19. JEUX POUR SE DEVELOPPER

Les jeux ne sont guère variés dès qu‟ils ont pour but le développement des forces musculaires. On
voit parfois les jeunes gens jouer à la BALLE, mais ce jeu est d‟introduction étrangère. Il est assez
dans leur goût, parce que violent. Divisés en deux camps, le joueur jette sur le sol la balle en
caoutchouc vers l‟un de ses partenaires. Celui-ci doit le saisir au bond pendant que l‟un des
adversaires veut faire de même. Si ce dernier la happe, il la repasse de suite à son partenaire à lui.
C‟est tout. Mais tel qu‟il est, ce jeu suppose beaucoup d‟adresse et d‟agilité, d‟autant plus qu‟on
ne se fait pas scrupule de se bousculer et même de se renverser par des crocs-en-jambe. Aussi
après peu, tous sont en nage.

Le jeu de canne, décrit au N° précédent, est lui aussi de nature à développer les muscles en même
temps que l‟esprit de précision. Les jeunes gens aiment encore à montrer la force de leurs biceps.
L‟un d‟eux se plante en face de son adversaire, le bras tendu ou plié. A ce dernier de le plier ou de
le redresser selon le cas.

20. B/ ALIMENTATION – ESPECES DE NOURRITURES

L‟alimentation ordinaire est végétale : haricots, patates douces, farine (de sorgho, de manioc,
même d‟éleuzine) réduite en pâte et accompagnée de légumes cuits (c‟est-à-dire de feuilles de
haricots, d‟amarante sauvage, ou de manioc) forment la base de la nourriture. De temps à autre un
peu de viande de bœuf, de chèvre ou de mouton vient rehausser le plat habituel. Les haricots sont
cuits à l‟eau. La farine est versée dans l‟eau bouillante et tournée avec une spatule de bois sur le
18

feu ; c‟est le « buntu ». Les femmes moulent les grains de sorgho et d‟éleuzine sur une grosse
pierre plate au moyen d‟un caillon rond épais de deux poings. Les carottes de manioc, séchées et
râpées, sont écrasées et réduites en farine dans un mortier de bois au moyen d‟un pilon ou d‟un
simple manche de houe, et vannées sur une sorte de large couvercle en osier, le van indigène
(lwibo). Quiconque a une vache donnant du lait, consomme celui-ci sous forme de fromage blanc.
A noter que c‟est le plat du père de famille. Il en laisse cependant quelque peu pour sa femme et
ses enfants. A noter aussi que, si les hommes peuvent manger touts les sortes de viande licite, les
femmes ont défense de manger de la poule. La viande, même avariée, est consommée ; tripes, foie,
estomac sont assez recherchés. Le sang même est consommé ; c‟est souvent la part du pauvre.
Pour pouvoir conserver la viande, on la suspend dans la fumée après lui avoir donné une flambée.
S‟ils peuvent se procurer du poisson, celui-ci est particulièrement estimé, surtout vers l‟intérieur où
il est rare.
Le REPAS PRINCIPAL a lieu à la tombée du jour. La mère prend ses repas avec ses filles et ses
enfants. Le père peut manger avec sa femme et ses enfants (les chrétiens le font souvent), mais en
général il mange avec ses fils grandelets ou avec des voisins de son âge. S‟il invite ses amis, les
enfants ne mangent pas avec eux. Les notables, le chef surtout, ne mangent jamais avec leurs
femmes mais bien avec leurs fils devenus grands.

Le matin on prend souvent ce qui reste du soir, et à midi on mange, si possible, quelques bananes
ou patates cuites sous la cendre. La pomme de terre, introduite depuis quelques années, ne fait pas
encore partie de leur alimentation ; elle se vend aux blancs ou aux « civilisés » qui en mangent.
Nos noirs sont assez délicats sur le choix de la nourriture, et ils préfèrent jeûner que de toucher à ce
qui ne leur est pas coutumier. Parmi les viandes prohibées, il faut mettre : le chien, le singe, le rat,
le cochon, les fauves, le serpent, le corbeau, la chouette, l‟ibis, le serpentaire, la grue couronnée et
d‟autres encore. La sillure est également défendue. A part cela, les Bashi mangent volontiers les
oiseaux et autre gibier, qu‟ils peuvent se procurer par la chasse. Ils aiment le pain, quand on leur
en présente, mais ils ne font rien pour cultiver le blé. Ils ne mangent jamais de beurre, pour eux
c‟est une pommade. Ils ne boivent pas non plus de lait frais, non caillé. Le petit-lait est donné aux
enfants. Ils apprécient vivement le sel, ils en sont friands. A défaut de sel véritable, ils se servent
d‟une sorte de potasse, obtenue par les herbes salines réduites en cendre. Ils consomment aussi une
sorte de potasse venue du sud, qui se vend au marché sous forme de gâteau, ainsi que le sel réel
venu des salines de Gottdorp (Tanganika) ou d‟ailleurs. Certains mangent les courges (cf. N° 22).

21. FAÇON DE SE PROCURER DU FEU (kusinga)

Le feu est obtenu par giration, en faisant tourner une baguette dans un trou (busingo). Ils ont la
notion du feu produit par percussion en frappant deux morceaux de quartz ou silex l‟un contre
l‟autre. Du moins ils attribuent aux bazimu cette manière de faire du feu avec les cailloux,
nshangabuye. Mais eux-mêmes opèrent par giration (kusinga). C‟est Nyamuzinda qui l‟apprit aux
premiers hommes. Le feu par giration s‟appelle omuliro gw‟obusingo. La baguette à giration se
dit : nshingarhi ou nsingo, ou nsingo mulume ou mulume tout court. La latte sur laquelle on tourne
s‟appelle mukazi. Le trou « murhule » ; l‟amadou « cirere », l‟étincelle qui surgit s‟appelle
« endudu ». Il y a aussi le nyalubombo. Ils tournent la bagette entre les mains, sur la latte retenue
par les pieds ou par un compagnon, approchent du trou un vieux bout de chiffon ou d‟habit, en
écorce d‟arbre ; dès que cet amadou a pris feu, ils le mettent sur un peu d‟herbe sèche, y soufflent
et obtiennent ainsi la flamme. Tout berger porte sur lui de quoi faire du feu. Il en est de même de
ceux qui vont en voyage.
19

22. PREPARATION CULINAIRE

Les femmes préparent plusieurs sortes de brouets ou polenta (buntu) :


1. BUNTU proprement dit : c‟est le brouet ordinaire ou pâte à farine de sorgho (luhemba), ou à
farine de manioc (N° 20).
2. BULIGALIGA : brouet fait avec de la farine de bananes ; nourriture de famine assez peu
recherchée.
3. CINIGA : brouet fait de haricots cuits et écrasés.
4. BULO : brouet fait de farine d‟éleuzine ; est surtout consommée par les gens, qui habitent près
de la forêt où l‟éleuzine pousse dans les cendres des arbres abattus.
5. KAPAPA : brouet fait des farines mélangées de manioc et de bananes.
6. HITUNTUME : brouet fait de haricots cuits, écrasés, mêlés de farine de bananes.
7. MUSHUNGA : bouillie claire à base de farine de sorgho fermenté. Le sorgho nettoyé est mis à
tremper un jour, puis enfermé dans un panier et recouvert de feuilles. Dès que les germes
paraissent, on y mêle de la cendre du foyer et on laisse fermenter à fond. Puis on le lave, on le
sèche, et on le moud sur la pierre. Après quoi la farine est versée dans de l‟eau froide, et on fait
cuire. C‟est la nourriture des enfants et des malades.

Le brouet, sauf le mushunga, ne se mange jamais seul. Il faut un peu d‟accompagnement, tout
comme chez nous, on ne mange pas les pommes de terre seules ; il y faut un ajout. L‟ajout
ordinaire est un légume (nshogo).
Les légumes les plus employés sont :
cibwiga : comme grande amarante ;
ngozi : feuilles de patates douces ;
idekere : colocasse ;
muhole : plante à feuilles blanches ;
njinji : feuilles comme celles des arachides ;
kalala : feuilles de manioc
mulunda : grande amarante ;
ntendebuka : amarante ;
mishâka : comme njinji ;
cishoma ou cishogolo : feuilles de haricots ;
cungulira : feuilles de courges.

Ces légumes sont lavés, pilés, cuits à l‟eau avec un peut de sel. Ils sont cuits et servis à part. Le
brouet cuit est versé sur un plat ou un van. Chacun, assis autour, en prend une bouchée avec les
doigts, y met un tantinet de légumes et l‟avale. Si possible on remplace les légumes par de la
viande ou du poisson. Entre les repas on grignote soit des patates, soit des bananes, soit un maïs,
cuits sous la cendre. La ménagère prépare, à défaut de brouet, des patates douces cuites à l‟eau,
non écrasées. On les pèle au fur et à mesure qu‟on les mange. On fait parfois de même pour les
bananes et le maïs. Dans certaines régions, surtout au Nord, on cultive aussi les courges. Celles-ci
sont déposées dans une sorte de petit enclos ou grenier sans toit. Pour les manger on les coupe en
deux pour enlever les graines, et on les cuit simplement à l‟eau.

23. CUISINE

La cuisine se fait ordinairement dans la hutte occupée par la mère. Le foyer consiste en trois
pierres, à même le sol, au milieu de la hutte, parfois aussi un peu sur le côté et vers le fond. Les
ustensiles ordinaires sont : la cruche à goulot étroit pour puiser l‟eau, un grand pot de terre à large
goulot pour le brouet, un petit pot pour les légumes ou la viande, et la spatule pour tourner le
brouet. Voilà l‟indispensable. Ajoutez-y la hotte, quelques paniers pour les vivres, le van pour
nettoyer les graines et servir à l‟occasion de plat et de table s‟il n‟y a pas de petit panier spécial
20

pour recevoir le brouet ; une ou deux écuelles en bois, et s‟il y a une vache donnant du lait une
grande écuelle à traire et une courge vide pour baratter le beurre.

24. REPAS

La quantité et le moment du repas (cf. N° 20). Avant de s‟approcher du plat, on se lave les mains.
Chacun puise en silence dans le brouet, et fait une boulette ; il y donne parfois un coup de pouce
pour y mettre un peu de légumes ou de viande ou de poisson (à moins qu‟il ne préfère mordre le
bout à part), et mange sans perdre de temps, car bavarder alors mène à se relever le ventre vide. La
sauce ou le jus qui reste se boit à la fin, soit avec une cuillère de bois, soit plus souvent avec un
bout de feuille de bananier. On ne boit pas pendant le repas, mais après si l‟on a soif. A la fin du
repas chacun se rince la bouche. Comme on l‟a vu au N° 20 pour le repas, les hommes sont
séparés des femmes. Sous l‟influence de la religion bien des familles chrétiennes mangent
ensemble, et prient avant et après le repas. Pour manger en commun, on s‟assied en rond autour du
plat. Il y a défense absolue de regarder le chef manger à moins qu‟on ne soit invité, ce qui est rare.
Seul son cuisinier peut assister, car il est à remarquer que la nourriture du chef est préparée non par
sa femme, mais par un individu désigné pour cette fonction. La reine-mère elle-même a son
cuisinier. Celui qui regarde le chef manger est tabou (cf. n° 104). Le chef peut cependant boire la
bière en compagnie.

25. METS PERMIS ET DEFENDUS

La liste des mets défendus est donnée au N° 104. A cette liste, il faut ajouter l‟animal ou la plante
propre au clan (c‟est-à-dire le totem) que chacun connaît parfaitement. Il peut exister aussi des
mets dont le devin a défendu de manger désormais à son client (117). En général celui qui se
permettrait de manger un mets défendu se considèrerait comme tabou, et devrait s‟en libérer.

26. EXCITANTS

Nos noirs n‟emploient guère d‟autres excitants que ceux qui servent à assaisonner les aliments, et
de plus le tabac. Les assaisonnements sont :
- le sel ordinaire venu du dehors (munyu) ;
- le sel mukeneka, sorte de potasse obtenue des cendres de petits joncs de marais. Sur ces
cendres déposées dans une sorte d‟entonnoir, ils passent de l‟eau, qu‟ils font évaporer ensuite
pour en avoir le résidu salé ;
- le sel mwenga, potasse obtenue de même des cendres des herbes de marais (lushasha)
- le poivre de Cayenne (lushendo). Les fruits avec les feuilles voisines des fruits sont mis à
sécher au-dessus du foyer et réduits en poudre.

Le TABAC est très recherché. La plupart d‟ailleurs en cultivent quelques plants à côté de leur
enclos. Il se fume dans la pipe ordinaire, qui est composée d‟un fourneau en terre cuite et d‟un
tuyau fait d‟une sorte de sureau (musheke) et quelquefois orné de fil de laiton ; elle ressemble à nos
pipes en terre. Si le tabac préparé manque, on se contente d‟une feuille verte rapidement séchée.
Ordinairement la pipe allumée passe de bouche en bouche ; refuser de la pipe à quelqu‟un est un
acte d‟incivilité ; sinon d‟hostilité, comme de la passer est un signe d‟amitié. La pipe se porte avec
un peu de tabac au fond d‟un petit sac en fibres tressées (ludaha). Le narguilé ou pipe à eau est
inconnu. Les hommes fument presque tous ; on en rencontre qui ne fument pas. Il y a même des
femmes qui fument la pipe, mais c‟est plutôt l‟exception. La coutume s‟introduit de mettre sous la
langue un peu de tabac, cela se voit surtout parmi les jeunes filles. Pour la culture du tabac, voir
N° 51. Le chanvre est quasi inconnu dans le pays ; on recherche cependant, mais très rarement,
l‟un ou l‟autre mushi qui le fume, et qui sans doute est allé l‟apprendre au contact d‟anciens boys
ou soldats. L‟usage de la prise introduite dans le nez n‟existe pas.
21

27. BOISSONS

La boisson ordinaire est l‟eau. La boisson de luxe, au moins pour le vulgaire, c‟est la bière.
Chacun tâche d‟avoir une petite bananeraie, soit autour de son enclos, soit près de ses cultures et
quelque part dans un ravin. Dès qu‟il y a quelques régimes à point, il songe à brasser, car la
banane sert surtout à cela, sauf l‟espèce binyamunyu, sorte de banane de Chine et la musheba,
banane plantain. Les régimes sont coupés quand les bananes sont devenues rondes sur leur
pourtour mais ne jaunissent pas encore. On les place au fond d‟un trou qu‟on a préalablement
chauffé en y brûlant des herbes. On les recouvre avec des feuilles et de la terre, en laissant sur le
côté une petite ouverture, par laquelle on introduit quelques feuilles sèches de bananier auxquelles
on a mis le feu, on referme ensuite hermétiquement. Les bananes s‟y ramollissent. Après 3 ou 4
jours, on ouvre le côté pour donner un dégagement à l‟air et à la chaleur. Le lendemain on les
retire du trou, on les pèle, on les jette dans une grande auge en bois et on se met à les pétrir en y
mêlant des herbes fines. Puis on en saisit une bonne poignée (de ces herbes) que l‟on tord entre les
mains pour faire sortir le jus ; on continue ainsi jusqu‟aux dernières bananes. Dans ce jus, on
ajoute alors un peu de sorgho rouge, fermenté et concassé, dans le but d‟activer la fermentation, et
on recouvre le tout avec des feuilles de bananiers. Après quelques heures, on fait passer le tout à
travers un entonnoir muni d‟herbes fines pour filtrer, et on le met dans des cruches de 10 à 20
litres, où il achèvera de fermenter. Ce jus frais est doux ; c‟est le moût (murhobo). Après un jour
la douceur a disparu, c‟est devenu du mubiro ; le jour après il est à point, c‟est la bière, mamvu, un
jour après encore, la bière est très forte ; c‟est le makali, puis elle devient vinaigre et ne se bois
plus.

Les Bashi ordinaires raffolent de bière et pour en avoir un verre, ils sont prêts à tous. Quand
l‟occasion s‟en présente, ils en boivent tant qu‟ils peuvent. Ceux qui possèdent de vastes
bananeraies, tels que les notables, en font souvent une grande consommation. Il y en a qui en
prennent tellement, qu‟ils ne mangent presque plus. Les chefs, qui ont toujours de la bière à leur
disposition, en prennent une gorgée de temps à autre durant le jour, quitte à se rattraper le soir.
Aussi pour leur causer, il ne faut pas attendre le coucher du soleil. Souvent les chefs renforcent
leur bière avec un peu de miel. Vont-ils en voyage, ils sont toujours suivis d‟un indigène porteur
de la cruche. La bière se boit ordinairement avec le chalumeau. Le propriétaire qui paie la tournée
tient le chalumeau de la main, et le retire de la bouche du buveur, quand il juge qu‟il en a eu sa
part. La bière fait presque toujours partie du sacrifice aux esprits des ancêtres, auxquels on l‟offre
aussi en libation (cf. N° 117).

Le lait liquide ne sert jamais de boisson. Le babeurre (matunda) qui reste après la barattage est
donné aux petits enfants. L‟hydromel n‟est pas connu, non plus que la bière d‟éleuzine, de raclures
de manioc ou de maïs.

28. ANTHROPOPHAGIE

L‟anthropophagie n‟est absolument pas pratiquée, et ils ont un profond mépris pour les peuplades
qui s‟y livrent. Cette coutume est donc connue, et elle leur rappelle encore les sinistres exploits des
Balumbo (voir 141) qui vinrent au Bushi se livrer à l‟esclavage et l‟anthropophagie du temps des
premiers Kabare. Les prisonniers de guerre peuvent être massacrés, coupés en morceaux, mais il
ne viendra à l‟idée d‟aucun guerrier d‟en manger.

29. GEOGRAPHIE

La terre n‟est pas considérée comme aliment ; aussi ne rencontre-t-on pas d‟adultes qui en
mangent. Mais il n‟est pas rare de voir des petits enfants s‟en délecter, à l‟insu de leurs parents, car
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ceux-ci les en réprimanderaient. C‟est sans doute par besoin de goûter quelque chose de salé, car
l‟argile a parfois un léger goût de sel, comme on le remarque assez là où il y a des antilopes ou du
gros bétail. Ces bêtes aiment en effet lécher certaines argiles et surtout les argiles des termitières.
La cendre du foyer est aussi mangée parfois par des petits enfants. Même de grandes personnes se
la mettent en bouche et l‟avalent avec un peu de salive, en cas de fièvre.

30. CONSERVATION DES ALIMENTS (greniers, etc.)

Après la récolte des haricots, ceux-ci sont conservés dans des paniers à l‟intérieur de la maison.
On fabrique aussi pour cela des paniers spéciaux, en papyrus, hauts de 70 cm et large de 40 à 50
cm, à ouverture très étroite ; ils ont plus ou moins la forme d‟une bouteille. On conserve de même
l‟éleuzine, le sorgho nettoyé, tout ce qui est grains. Le sorgho récolté est déposé dans des greniers
spéciaux (nguli) construits au dedans ou à proximité de l‟enclos. Ce sont en somme de vastes
paniers à couvercle, qui reposent sur des cailloux, ou sur des traverses, et sont construits en roseaux
ou en tiges de sorgho. La plupart ont 1 m de large, 2 m de haut, en forme de cylindre couvert d‟un
chapeau. Sur le devant est une petite fenêtre, par laquelle on introduit le sorgho. Les greniers des
chefs sont plus grands. Ils sont souvent larges de 2 m et plus. Les greniers sont à l‟extérieur des
cases pour éviter que les rats s‟y pullulent. Souvent, dans le même but, on rassemble tous les
greniers sur une colline voisine, ce qui lui donne l‟aspect d‟un petit village. Aller puiser dans le
grenier du voisin est considéré comme assez grave ; rares sont ceux qui le font. Les gens peuvent
donc avoir leurs apaisements. L‟ensilage n‟est guère pratiqué. Il semble que jadis on y recourrait,
sans doute à cause des fréquentes guerres ; on trouve en effet de-ci, de-là des anciens silos. A
l‟intérieur de la hutte on a souvent, au dessus du foyer, une claie en roseaux, on y conserve la
viande qu‟on y a mise en réserve ainsi que le maïs et le sorgho devant servir de graines pour le
futur ensemencement. On y sèche aussi à fond le manioc qu‟on veut réduire en farine. Il est à
remarquer que la plupart des Bashi ne font pas de grandes réserves. Ce qui ne doit pas être
consommé à bref délai est porté au marché, vendu ; et quand plus tard la famille manquera de
vivres, les parents iront faire des achats au marché où l‟on vend à ce moment ce qui est désiré. Les
patates et le manioc sont enlevés du champ à mesure des besoins, sauf si l‟on désire en porter au
marché.

31. C/ VETEMENTS

COLORIAGE DU CORPS

Les principales couleurs employées pour se peinturlurer le corps sont : le blanc et le rouge. Le
blanc n‟est autre qu‟une sorte de chyste onctueux (ngwa) que l‟on trouve un peu partout. Le rouge
(mugola) est une sorte d‟argile ferrugineuse, couleur de brique cuite. Ce blanc sert surtout au
moment du sacrifice, et aussi dans les réunions des associations secrètes de Lyangombe (117-37-
41). Ce rouge est spécial à ceux qui venèrent Nabinji. (117-49). En dehors de ces cas on ne se
badigeonne pas. Les dessins sont des lignes plus ou moins longues sur le visage et la poitrine, sans
forme bien caractérisée, sauf la petite croix blanche que la femme mutwa met au front du chef, au
moment de l‟intronisation (177-13) et les croix blanches des adeptes de Lyangombe (117 (36). On
ne se met pas de blanc sur le corps quand on a gagné un procès.
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32/ TATOUAGE

Les hommes ne se tatouent pas, c‟est réservé aux femmes. Le


tatouage a lieu surtout sur la poitrine. Le dessin varie, mais les
lignes les plus ordinaires représentent deux losanges verticaux
rentrant l‟un dans l‟autre. Le nombril est au centre. Une ligne va
de la pointe du haut à celle du bas de chacun des losanges. Cette
forme se rencontre surtout en Irhambi. Il existe un autre dessin :
deux arcs de cercles parallèles de chaque côté du nombril, allant
du bas du sternum vers le bas ventre. C‟est le tatouage du centre
et du sud du Bushi. Toutes ces lignes sont faites d‟une série de
petites scarifications obliques.
Il semble que le but poursuivi est uniquement esthétique, question
de mode. On le fait à partir de l‟âge de la puberté, et non pas aussi
longtemps qu‟on est encore petite fille. Qui tatoue ? et
comment ?
Les filles se tatouent parfois entre-elles, mais c‟est l‟exception,
parce qu‟elles n‟y sont pas artistes. Elles recourent habituelle-
ment à un spécialiste, qui reçoit en paiement deux bracelets de fil
de laiton laminé, enroulé autour d‟une cordelette. Pour l‟opération, la fille se couche sur le dos, le
tatoueur s‟assied sur ses genoux ou ses cuisses. Il couvre d‟herbe le bas du ventre et y ramène avec
son rasoir le sang qui coule parfois abondamment. Avec la pointe du rasoir, il fait les entailles et
puis y met du jus d‟herbes qui doit procurer l‟inflammation, et faire que les cicatrices soient bien
apparentes. Comme on le pense, l‟opération est douloureuse. Aussi bien des filles refusent de la
subir en disant : « La beauté ne vaut pas une telle douleur ». Celles qui se font tatouer, le font pour
éviter les moqueries de leurs compagnes, ou par goût, de coquetterie, ou forcées par leur mère. Le
tatouage est donc facultatif, et beaucoup ne l‟ont pas.

33/ OBJETS SUSPENDUS AU CORPS

Les femmes mariées ont souvent sur la tête, autour de la touffe qui leur est propre (ihuli) un petit
collier de perles (magole, kajuru ou kangabuka). Les femmes de notables portent un diadème au
front ; il est fait de perles parfois très artistement arrangées sous forme de dessins géométriques de
diverses couleurs ; plusieurs ont au front un coquillage (lugamba) retenu par une corde, dont
l‟arrière est orné d‟une dent de cochon sauvage. Autour du cou, filles et femmes aiment à avoir un
collier de perles rouges, blanches ou autres. Il y a parfois des dizaines de ces colliers, réunis par le
haut ; ils descendent toujours jusqu‟au bas du sternum. De plus les femmes mariées aiment à
porter autour du biceps quelques bracelets de laiton laminé ; de même aux poignets, au-dessous des
genoux, et aux chevilles. A défaut de bracelets de laiton (birhale), elles y mettent des bracelets en
fibres tressées (rhwishungu). Autour des reins elles ont des rondelles en fibres tressées, parfois en
très grand nombre. Cela les aide à retenir la peau qui couvre les reins, et sert d‟appui au fardeau
qu‟elles portent sur le dos.

Les hommes ont, si possible, une ceinture de grosses perles aux reins, et aux poignets un bracelet
de laiton plein, ou bien des bracelets en fils de fer laminé et enroulé autour d‟une corde (nyerere) ;
les notables portent en général un bracelet d‟ivoire ; aux chevilles ils ont des nyerere. On en voit
qui ont au front une dent effilée de phacochère ; c‟est la pointe dite de Muhima ; d‟autres ont sur la
poitrine une simple dent de cochon sauvage. Beaucoup ont dans les cheveux soit un peigne, soit
une tige de bois (mutyabirizo) qui a pour but de déranger les hôtes importuns qui les habitent.
Parfois aussi ils ont au cou un collier semblable à celui des femmes. Les vieux y ont un collier de
grosses perles. Les petits enfants ont des bracelets de perles ou de laiton laminé aux poignets et
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aux chevilles, et une petite ceinture de perles aux reins. Dès qu‟ils ont des dents, on leur met un
collier de perles au cou. Beaucoup n‟ont rien qu‟une ficelle de cordes autour des reins. Le
nouveau-né reçoit au poignet un petit bracelet d‟herbes, pour qu‟on remarque s‟il grossit. Tous ces
objets suspendus au corps n‟ont d‟autre but que l‟esthétique, à l‟exception des rondelles de fibres
des femmes et filles, rondelles qui sont en somme leur habit de dessous. L‟introduction des étoffes
modifie graduellement l‟ornementation.

34. VETEMENTS PROPREMENT DITS

La FEMME mariée est seule modestement habillée. Outre les tresses dont il a été parlé au N° 33,
elle met autour des reins une peau de vache (35), pourvue parfois de petites tresses blanches ou
franges (mugono mweru) ; cette peau la couvre bien ; si possible elle porte encore sur le dos une
peau de chèvre.

Les VIEILLES n‟ont plus que quelques tresses autour des reins, et une peau de vache parfois archi-
usée.

La PETITE FILLE, comme d‟ailleurs le PETIT GARÇON, court nue jusque vers 7 ou 8 ans,
parfois même plus. A ce moment elle songe à s‟habiller. Elle se confectionne elle-même les
tresses pour les reins, en fait une sorte de crinoline. Quand elle approche de la puberté, son père lui
procure une peau de chèvre qu‟elle met par dessus ses tresses, de telle sorte qu‟une des cuisses soit
seulement apparente.

L‟HOMME à partir de 18 à 20 ans, porte entre les jambes une étoffe actuellement, et portait jadis
un pagne en écorce de ficus. Il attache son habit devant et derrière à une ficelle fixée autour des
reins. Le grand chic est une étoffe bleu de Prusse, qui pend entre les jambes le plus basses
possibles, jusque vers les genoux. Cet habit est très immodeste. On en voit qui portent en
bandoulière une peau de chèvre plus ou moins artistement arrangée. Les vieux remplacent cette
peau par une peau de génisse. Avant ses 18 ans, le garçon cherche habituellement à se couvrir à la
manière des hommes, avec un bout de cotonnade ou de pagne de ficus, mais il ne se gène pas pour
l‟enlever quand il en a envie, même en public. Jusque vers 8 ans, nous l‟avons vu, il n‟a aucun
habit.

35. VETEMENTS – MATERIAUX EMPLOYES

L‟habit des femmes mariées est la peau de vache, celui des filles est la peau de chèvre, par
exception la peau de mouton. L‟habit des hommes était anciennement fait de l‟écorce battue du
ficus (mutudu) du pays ; c‟est le murhumba, ou d‟un ficus de l‟Urega, c‟est le kahûka. Ces écorces
sont simplement battues avec un maillot de bois pour en assouplir les fibres. Bien des pauvres
vieux portent encore ce genre d‟habit. On a vu ci-devant que les hommes âgés ont souvent en
bandouilière sur le côté une peau de génisse, et les jeunes gens de même de peau de chèvre ; que
les femmes aiment aussi à porter sur le dos une peau de chèvre. Chaque homme sait arranger ces
peaux et ces habits de ficus. Il y a cependant des spécialistes dans le métier, surtout lorsqu‟il s‟agit
de les apprêter avec des dessins ou des enjolivures. La préparation des peaux est assez primitive.
Les peaux de vaches, suspendues entre deux poteaux sont dégarnies des chairs, puis étendues par
terre au soleil sur une natte, elles sont frottées avec un caillou à force de bras, enduites d‟huile ou
de beurre et piétinées avec vigueur ; après quoi on leur donne la forme en coupant ce qui dépasse la
mesure. Une peau de vache donne deux habits (60). Les peaux de génisses, chèvres ou moutons
sont décharnées, frottées d‟un corps gras, piétinées, et elles sont prêtes.
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36. CHAUSSURES

Il n‟est pas question de chaussures chez les Bashi. Habitués dès leur premier âge à courir pieds-
nus, la plante du pied s‟est durcie, fait une sorte de cuir, sinon imperméable aux épines et aux
cailloux pointus, au moins assez solide pour ne pas trop les incommoder quand ils marchent sur un
terrain même rocailleux. Il en est de leurs pieds un peu comme des pneus de vélos. Si la maladie
les tient couchés longtemps, la semelle du pied semble vouloir se détacher du reste ; on la saisit et
on la remue sans que le pied bouge. Faut-il enlever une épine ou bien ouvrir un abcès à cet endroit,
il est nécessaire d‟entailler sérieusement cette peau durcie avant d‟atteindre le derme. Il arrive
cependant que lorsqu‟ils ont à traverser une région couverte d‟aspérité ou de graines épineuses, ils
se fabriquent des sandales en feuilles sèches ou en écorces de bananier, qu‟ils se fixent sous les
pieds tant bien que mal.

37. COIFFURE

Ce qui regarde l‟ornementation de la tête a été dit au N° 33. Quant à la coiffure proprement dite, il
n‟en est guère question, le Mushi courant toujours tête nue. Je parle du Mushi authentique et non
pas de ceux qui, au contact du Blanc, ont déjà modifié leur costume et aiment notamment à se
couvrir le chef d‟une casquette ou d‟un chapeau quelconque ; le plus souvent une vieille défroque
leur suffit. Vient-il à pleuvoir, ou faut-il protéger contre les rayons du soleil la tête d‟un petit
enfant, une feuille verte de bananier en fera le plus souvent tous les frais. On rencontre cependant
fréquemment des hommes d‟âge, des notables surtout ou même des jeunes gens du « haut monde »,
qui se pavanent la tête couverte d‟une peau de singe colobus, de genette ou de chat-tigre. C‟est
alors un ornement de cérémonie ou de sacrifice. Quelques vieux et vieilles couvrent leur calvitie
au moyen d‟une sorte de coiffe en peau de chèvre ou autre. Il en est de la tête comme des autres
membres : les Bashi, à part les femmes mariées, aiment à se montrer tels qu‟ils sont et l‟on dit
facilement de quelqu‟un qui se couvre trop : « sans doute il cache ses plaies ou ses difformités ».

38. ORNEMENTS ET PARURES – DISTINCTION DE RANG

Les notables se distinguent peu du vulgaire au temps ordinaire. Les chefs eux-mêmes n‟ont aucun
signe distinctif, si l‟on excepte le grand-chef qui porte son diadème de pouvoir (ishungwè, lequel
d‟ailleurs tend à disparaître) et certains chefs de clan qui ont sur le front, soit deux cauries, soit un
petit ishungwè, laissés par leurs ancêtres ; ce sont les descendants héritiers directs des anciens
bajinji. Certains ont aussi sur le front, comme nous l‟avons vu, la dent effilée de phacochère, en
l‟honneur du génie Muhima (v. 33). Les gros bracelets de cuivre (mulimba muyangayanga) ou les
bracelets d‟ivoire (ngolo) sont la marque de noblesse ou bien sont portés par ceux que le chef veut
honorer. Il en est de même des colliers de grosses perles et de la peau arrangée et ornée, de génisse
ou de chèvre (N° 33, 34). Les notables ont souvent, suspendu sur le dos, un gros coutelas (ngôrho)
enfermé dans une gaine de bois agrémentée de cuivre et ornée de lanières en peau de loutre ; et en
main une serpe allongée (kahoro). Ils aiment aussi à se mettre aux chevilles toutes une série de
bracelets en laiton ou en fer laminé. Les femmes de notables se distinguent notamment par leur
diadème de perles, et par leur peau de vache, dans laquelle on a fixé des bouts de peaux de couleur
variée en forme de dessin, et au bas de laquelle on a cousu une frange en lanières de peau blanche.
Elles portent aussi des tresses aux reins, en plus grand nombre et ont plus de colliers et de bracelets
que les femmes du vulgaire. Les filles de notables se revêtent de colliers plus nombreux et plus
riches que leurs compagnes gens du peuple.
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39. D/ HABITATION
SITUATION

Le Bushi est un pays sans plaines ; c‟est une succession de collines où percent de nombreux
sommets, et entre lesquelles coulent partout des rivières marécageuses. Bien rares sont les huttes
construites aux abords immédiats des marais. Les Bashi aiment à s‟établir sur de petits plateaux, à
flanc de coteau, à l‟abri des vents dominants. L‟enclos des chefs et des notables préposés à une
(« ishwa ») colline, se trouve le plus souvent au sommet ou non loin de là, plus ou moins à
proximité d‟une source ou d‟un ruisseau. On peut dire que trois raisons guident le choix d‟un
emplacement : proximité de l‟eau, direction des vents et aussi facilité de construire. Presque
toujours le Mushi met la porte de la hutte à l‟opposé des vents froids. Le choix de l‟emplacement
ne se fait pas avant d‟avoir consulté les ancêtres. Le chef pour sa colline, le père de famille pour
son petit coin ira d‟abord (kulaguza) consulter le devin. Celui-ci lui dira d‟y faire tout d‟abord un
sacrifice à tel ou tel muzimu. Ce n‟est qu‟après que l‟on songera à construire. Je n‟ai rencontré
nulle part des familles établies à demeure dans des anfractuosités ou cavernes.

EMPLACEMENT DU BWAMI, enclos ou village du grand chef. Comme bien l‟on pense, le
choix de l‟emplacement des huttes du grand-chef revêt une importance toute spéciale. En 1919, à
la mort de Kabare Rutaganda, les féticheurs consultés avaient déterminé que la place du futur
bwami serait à proximité de la limite de Ngweshe, au sommet de la colline Ikoma. La reine-mère
Mwammuhaya, qui faisait office de régente, y envoya faire sacrifice sur sacrifice aux esprits des
ancêtres du chef. Il faut croire que ceux-ci se montrèrent défavorables, qu‟ils avertirent
Mwammuhaya qu‟à se mettre près de Ngweshe, l‟ennemi héréditaire, on aurait trop de démêlés
avec lui ; toujours est-il que tout d‟un coup on se décida à s‟établir à Cirunga, résidence actuelle de
Kabare, près de l‟endroit où mourut Rutaganda. Des sacrifices y furent offerts tout d‟abord, selon
la coutume. Comment se fit l‟installation ? Comme elle se fait toujours. Et pour en donner la
description fidèle, je reproduis ici l‟installation analogue du Bwami de Ngweshe qui eut lieu le 4
décembre 1917 et à laquelle assista un missionnaire. Au jour marqué, on apporte à l‟emplacement
désigné, un taureau, une vache, un coq, un mouton, un bélier. On apporte aussi la lance (biremera)
du premier chef et son bouclier (kashigabo), haut de 1,50 m, large de 0,35 m et qui est sorti de
l‟Urega ; puis le tambour, la défense (mulazazashano) de l‟éléphant qui jadis tua le gardien du
pays, Muvanga, du temps où Bacinga était chef ; de plus un pot, une cruche, une sorte de collier
encore originaire de l‟Urega. Le Chef lui-même s‟amène alors habillé du costume de son premier
ancêtre : une simple peau de bouc. Il a sur la tête une touffe de plumes rouges de toucan (nduku) ;
sur les épaules une peau de njuzi (chat-tigre) comme jadis la portaient les premiers notables. Cette
plume rouge a une histoire : Kabare était allé consulter le devin pour savoir ce que serait son règne.
Le devin lui fit cette réponse : Si jamais ton fils Ngweshe allait au mont Mumbili, il y deviendrait
grand chef, Ngweshe en ayant eu connaissance s‟enfuit de suite au Mumbili avec un groupe de
suivants. Kabare envoya à sa recherche son vassal Kabamba, chef pygmée. Kabamba rappela
Ngweshe, qui le suivit sans récrimination. En route, le fils de Kabare voit voler un toucan. Il dit à
Kabamba : « Puis-je tuer cet oiseau ? » Le pygmée refuse net ; mais Ngweshe lance quand même
sa flèche et l‟oiseau tombe mort. Kabamba le ramasse ; Ngweshe veut le lui prendre ; le pygmée
lui dit : « Laisse, c‟est l‟oiseau sacré de Kabare ton père ». Ngweshe le supplie de lui en donner au
moins une plume. Le pygmée en consent et lui en pique une dans la chevelure. Sur le champ
Ngweshe s‟écrie : « Voici que tu viens de me donner le pouvoir, je suis grand sous-chef de
Kabare… » et il fait battre le tambour. Kabare l‟entend, apprend ce qui vient de se passer ; il court
de suite enlever tous les biens du chef pygmée pour le punir. Kabamba jure de se venger. Il va
chercher de la terre blanche, vient près de Ngweshe et dit : « Je t‟avais fait seulement sous-chef, eh
bien, je te fais à présent chef suprême (mwami) » et il le frotte de terre blanche. Depuis ce jour
Ngweshe est resté chef indépendant. La plume rouge est signe de son autorité.
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Tous ces objets, dont on n‟apporte qu‟un seul exemplaire, ont pour but de rappeler les objets avec
lesquels les premiers ancêtres du clan arrivèrent dans ce pays, en venant de l‟Urega. On
remarquera qu‟il y manque un arc et une flèche. C‟est que leurs ancêtres n‟en faisaient pas usage.
Dès que Ngweshe est arrivé, on dit aux enfants réunis : « Voici avec quel costume et avec quels
biens votre ancêtre est venu au pays ». Puis ont bâti une petite hutte, un peu plus loin quelques
autres, et on leur dit de nouveau : « Voici comment vos ancêtres construisaient ». Après quoi on
construit une hutte grande et un peu en avant une autre. La première est destinée au chef, la
seconde à ses serviteurs. Puis on lui amène des gens en procès, et il va incontinent trancher le
différend dans la deuxième hutte, appelée ngombe. Au sortir de là, les grands disent de nouveau :
« C‟est comme cela que faisaient nos ancêtres et c‟est dans le ngombe que désormais le chef
tranchera les procès ». On ne tardera pas cependant de construire pour le chef une case plus
spacieuse et aussi un ngombe plus grand. Après le procès, le Murhwa prend une houe en main, et
dit au chef : « C‟est à cause de moi que tu possèdes ta grandeur ; paie-moi maintenant ».
L‟emplacement choisi et la cérémonie qui s‟y est déroulée montre à tout le pays que désormais là
sera la résidence du grand-chef, le bwami, et que là aussi se fera le mubande ou cérémonie annuelle
de l‟intronisation (v. 177). Ce qui vient d‟être dit du bwami de Ngweshe, peut se dire aussi au
bwami de Kabare ; seulement les objets qu‟on y apporte sont un peu différents et sont décrits à
l‟intronisation (v. 177).

40. HABITATIONS TRANSPORTABLES

Les huttes indigènes sont construites en matériaux assez légers, ce qui permet de les transporter
sans trop de peine. Les raisons du transport sont les suivantes :
- Le sorcier a averti le père de famille de transporter sa hutte s‟il ne veut pas encourir la colère
des bazimu.
- La hutte est trop envahie par les rats ou par la vermine.
- Le voisinage déplait au père de famille, et il espère vivre plus en paix ailleurs.
- Le notable qu‟il suit se montre trop pingre ou trop exigeant, il préfère aller (kushiga) se faire le
client d‟un autre ; il y transporte sa maison.
- La maladie visite trop souvent le foyer, il escompte être mieux ailleurs, etc.
Le transport d‟une hutte n‟est pas fort compliqué. Si elle n‟est pas trop lourde, on l‟arrache du sol
bout par bout et on lie ensemble les parties qui pourraient se défaire en route. Puis, après qu‟on a
nivelé le sol du nouvel emplacement et qu‟on y a creusé la rigole ronde aux dimensions voulues,
un groupe d‟hommes prennent la hutte telle quelle, la soulèvent tous en même temps, et vont la
déposer dans la rigole préparée. Si elle est lourde, on enlève d‟abord toute la paille, qu‟on lie en
bottes, et on transporte la carcasse seule, quitte à y porter ensuite la paille et les sticks de soutien.
Habituellement les transporteurs aideront à remettre la hutte en état sur le nouvel emplacement,
lequel se trouve parfois à 7-8 kilomètres de distance.

41. HABITATION TYPE

Pour construire une hutte ordinaire, on commence par débrousser et égaliser le sol (kukolola) ; on
trace une rigole ou cercle (kutwa eciriba) profonde de 15 à 20 centimètres ; le cercle s‟obtient au
moyen d‟une corde qu‟on tourne autour d‟un bâton planté au milieu. On fixe alors en terre, tous
les 20 ou 30 centimètres, des rondins d‟environ 1,50 m, assez forts (ya kuboko) ; puis entre ceux-ci
des bois flexibles, plus minces et longs de 3 à 4 mètres, selon la largeur de la hutte (lulengamishi)
qu‟on réunit par le sommet (bushafu). Sur cette charpente, on fixe en travers des roseaux assez
rapprochés et on remplit les vides de la charpente avec d‟autres roseaux. Le tout est réuni au
moyen de cordes faites d‟écorces d‟arbustes ou de bananiers ou de lianes ou même de chiendent ou
de papyrus, selon les facilités. La charpente ainsi achevée est recouverte d‟herbes soit de nshadu
(herbe coupante) soit de lushasha (herbe des marais) soit de mishushu (longues herbes graminées).
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On dresse d‟abord tout autour des bottes d‟herbes ; puis des couches d‟herbes préparées
préalablement sur le sol y sont fixées par gradins, toujours les pointes en haut. On fixe avec des
cordes, qui toutes disparaissent sous la couche supérieure. Au sommet on enfonce un petit stick
pointu (hishosho) ; on y met un capuchon d‟herbes (cihûniko), petite botte solidement ficelée dont
on a coupé et égalisé le gros bout) et on le fixe sur le cishôho pointe en bois. Cette opération se dit
kushwinja. Pour soutenir cette coupele pointue, à l‟intérieur on fixe un stick central assez gros
(burhungiri) et plusieurs autres sticks (mirhi) en ayant soin que ces bois saisissent le
lugendambeba, sorte de long boyau ou boudin constitué par des roseaux liés ensemble et que l‟on
fixe à l‟intérieur. Il y a un boudin à environ 30 centimètres au dessus du sol, puis un autre plus
haut allant en spirale jusqu‟au sommet intérieur. Pour terminer on dresse à l‟ouverture (omunwa)
réservée pour l‟entrée des sticks, deux de chaque côté, séparé l‟un de l‟autre d‟une épaisseur de
stick (6 ou 7 centimètres) ; on introduit entre eux, couché contre le sol, un stick, c‟est le seuil
(nguliro). Puis à partir de ces sticks, vers l‟intérieur, on met de chaque côté un parroi de roseaux
(milirango) profonde d‟environ 1 mètre ; les deux sont parallèles. La paroi de droite est allongée
par une autre à angle droit d‟environ 0,50 m (murhale) ; c‟est là que sera le réduit (cirhebo) à
ustensiles. Ceci fait, il faut protéger l‟entrée contre la pluie. Pour cela on fixe sur la carcasse, au
dessus de l‟entrée, des sticks en pente qu‟on recouvre d‟herbes, c‟est le toit (lubandamishi). Il ne
reste plus qu‟à fabriquer la porte (olumvi) qui n‟est le plus souvent qu‟une claie de lattes ou de
roseaux fixés sur deux traverses. Cette porte se place au dessus du seuil de manière à être retenue
par les montants latéraux. Si l‟on veut achever, on dresse quelques bois dans le fond en face de
l‟entrée (ahambali) ; on lie des lattes en travers ; ce sera le grenier (lurhalo) où l‟on mettra le bois à
sécher, les courges, le maïs à conserver, etc. Puis sur la droite, à l‟endroit appelé lusika, on
plantera quelques petits pieux sur lesquels pourra reposer le lattis servant de lit. La maison est
terminée. L‟intérieur comprend donc : à droit, près de la porte, le réduit cirhebo ; le lit, le fond du
lit contre la paroi s‟appelle iduli. A gauche près de la porte est le mifubo, emplacement de la
vache. En face du lit est le nyasi ; c‟est là que dorment les petits enfants s‟ils n‟y a pas de vache ;
au fond est le ahambali où se tiennent les chèvres ou moutons. Au milieu est le bululi, c‟est
l‟endroit réservé au foyer (masiga). La hutte réservée au père de famille s‟il loge seul se dit :
ndâro ; la hutte pour les enfants grandelets s‟appelle munene ; celle réservée à la vache, si elle ne
loge pas dans la hutte ndâro, se dit iruli ou kagala ; en l‟absence de la vache, les enfants y logent
souvent. La hutte familiale et celle d‟une grande fille ou d‟un grand garçon se dit nyumpa. La
hutte des ancêtres, qui sert aussi pour les étrangers, les sacrifices et les palabres s‟appelle ngombe.
Toutes les huttes ci-dessus mentionnées, à l‟exception de la hutte ngombe, sont généralement
entourées d‟un enclos. Cet enclos se dit cikubûko s‟il est fait en bambous ; côgo s‟il est fait de
roseaux. A l‟intérieur de l‟enclos il y a parfois des divisions ; les barrières sont dites isheshero. Si
le mari loge à part, sa hutte est séparée des autres par une de ces barrières. Pour construire les
huttes, le propriétaire se fait aider par ses voisins et amis, et les récompense avec de la bière. En
général il réunit la plupart des matériaux avant d‟y commencer. Les notables se font aider par leurs
serviteurs ; le chef fait construire par tel ou tel notable et ses gens, surtout ses serviteurs ou
baganda. Ici encore la bière est le paiement habituel. Beaucoup des Bashi aiment à dresser devant
leur enclos nouvellement terminé une sorte d‟autel à Lyangombe appelé cirhebo (117). En général
le Mushi qui entre en ménage n‟a qu‟une seule hutte, où il dort avec sa femme ; surtout s‟il n‟a pas
de vache. Souvent il y met un enclos, mais souvent il n‟en met pas. Quand il aura deux ou trois
enfants, il ira consulter le devin pour savoir s‟il peut continuer à passer la nuit avec sa femme et ses
enfants, et la réponse fréquente est qu‟il doit se construire une hutte à part, une ndâro, sous peine
de voir mourir ses enfants, de voir sa femme désormais stérile et ses vaches ne plus vêler. Si ce
Mushi est un notable, il se fait construire de suite, assez généralement deux huttes spacieuses avec
enclos. Si vous leur demandez, pourquoi le père de famille loge si souvent dans une hutte spéciale,
ils vous répondent diversement :
- C‟est, disent les uns, pour que le mari puisse recevoir des vivres et manger comme il veut, sans
que sa femme et ses enfants viennent entamer ses repas.
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- C‟est disent, les autres, pour que les étrangers qui viennent le voir ne sachent pas tout ce qui se
passe dans sa famille.
- Ou bien pour dépister ceux qui voudraient venir voler.
- Ou pour que ses enfants ne voient et n‟entendent pas tout ce qu‟il dit à sa femme et fait avec
elle.
- Ils disent encore que si le mari loge à part, derrière sa palissade isheshero, c‟est pour avoir le
temps de cacher sa nourriture et d‟aller au devant d‟un visiteur qui vient (kusengera) mendier et
ne pas être moralement obligé de partager avec lui son repas.
- Au fond je crois que la principale raison c‟est la superstition, puisque cela se fait sur
l‟indication du féticheur.

Le polygame construit une hutte pour chacune de ses femmes séparément, à l‟intérieur de l‟enclos.
Il les visite habituellement durant l‟après-dîner ou à la tombée du jour, pour ses relations
matrimoniales. La nuit les notables et le chef sont ainsi plus à l‟aise pour boire de la bière et traiter
les affaires du pays. Il y a des maris qui interdisent absolument à leur femme de mettre le pied
dans la hutte (kagala) réservée à la vache, sous prétexte que celle-ci resterait désormais stérile,
parce que le devin le lui a dit. Il existe aussi des huttes spéciales, sorte de dortoirs communs pour
grands garçons et grandes filles séparément. Ces huttes (munene) se trouvent en dehors de l‟enclos
familial, mais sont entourées d‟un enclos spécial contigu au précédent. Y logent les garçons ou les
filles de plusieurs familles voisines. Une hutte bien tenue a toujours le sol recouvert d‟une herbe
fine. La maîtresse de la maison la renouvelle autant que possible tous les cinq jours, le jour
ishenyera, où presque toutes les femmes et filles vont faire la coupe par petits groupes.

42. REPARATIONS ET EMBELLISSEMENTS

Sur ce chapitre, il n‟y a pas grand-chose à dire. Lorsque la paille devient vieille et lorsque la
toiture perce, on y jette prestement un peu d‟autre paille, ou bien on la laisse se détériorer jusqu‟au
moment où avec quelques amis, on la renouvellera tout d‟un coup. Les vieux et vieilles surtout, et
les impotents qui n‟ont plus au village de proches parents, assez souvent vivent dans des huttes
quasi ouvertes à tous les vents. Les huttes du vulgaire ne reçoivent aucun embellissement ; celles
du chef sont plus soignées ; les roseaux de l‟intérieur sont tressés avec symétrie, les cloisons sont
parfois tressées comme de vraies nattes. Les huttes des grands notables ont parfois des
compartiments ou alcôves, d‟autant plus que ces huttes sont spacieuses. Toutes n‟ont d‟autre
ouverture que la porte d‟entrée. On badigeonne habituellement le pourtour intérieur avec de la
bouse de vache sans autre enduit, depuis le sol jusque vers un mètre de hauteur. Sculptures,
desseins et relief, peintures et décors sont inconnus. Les huttes ne s‟y prêtent d‟ailleurs pas,
puisque la paille les recouvre du haut en bas.

43. MEUBLES ET OBJETS MEUBLANTS

Les meubles proprement dits n‟existent pas. Actuellement on trouve par-ci par-là un coffre ou une
malle. On rencontre aussi de rares tabourets (129). Le lit est primitif. Quelques sticks fixés en
terre ; sur ces sticks quelques traverses sur lesquelles on attache des lattes pour en faire une claie
qu‟on recouvre d‟herbes. Et c‟est tout. En effet de couvertures de nuit, on a des nattes de jonc ou
d‟herbes. Tables et chaises sont inconnues. On s‟assied par terre sur une natte. En guise de table à
manger, on dépose par terre un van ou une sorte de couvercle en osier ad hoc ; beaucoup puise le
pot à même le plat.

44. ECLAIRAGE

On s‟éclaire avec un tison embrasé qu‟on agite, ou bien avec une petite botte d‟herbes qu‟on
allume et qui fuse, ou plus simplement par la flamme du foyer. Pour voir si le pot-au-feu est à
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point, on allume une petite tige sèche ou quelques herbes. Ceux qui sont en contact avec les blancs
commencent à s‟éclairer avec des lampes tempêtes. Les groupes qui se tiennent à l‟extérieur pour
deviser ensemble le soir, sont généralement accroupis autour d‟un feu plus ou moins éclairant.

45. CHAUFFAGE

Les Bashi se chauffent au feu du foyer ou encore à un feu allumé à l‟extérieur. Si le foyer s‟éteint
la nuit, on va pour le rallumer chercher du feu chez le voisin. La coupe de bois se fait à la forêt
pour ceux qui n‟en sont pas trop éloignés. Les autres recueillent du menu bois, des tiges de sorgho
sec, ou même des herbes sèches dans les environs. En certaines régions, telles que Murhala, la
plupart se servent du chiendent sec sorti de leurs cultures, et parfois de bouse de vache. Ce sont les
femmes et les filles qui recueillent le bois de chauffage. Elles peuvent le faire toujours, mais elles
choisissent de préférence le jour d‟ishenyera, parce qu‟en ce jour elles ne peuvent cultiver. Elles
vont presque toujours en groupe à la forêt, y coupent le bois en bouts irréguliers plus ou moins
longs, le lient, en font des fagots, parfois si lourds qu‟elles ploient sous la charge. Celle-ci est
portée sur le dos, est retenue à la tête par une corde en fibres tressées et repose sur les tresses des
reins.

46. VILLAGE

On ne peut dire qu‟il existe des villages au Bushi, si par village on entend une agglomération de
maisons plus ou moins alignées. En général les familles sont groupées dans des enclos isolés,
séparés les uns des autres par un espace contenant des bananiers et des cultures. Ces enclos sont
dispersés sur une colline ou un flanc de coteau en nombre indéterminé (cf. N° 39). Il y a des chefs
de colline qui possèdent chez eux plusieurs centaines d‟enclos, d‟autres n‟en ont que quelques
dizaines ou moins encore. Il n‟y a aucune symétrie, aucun agencement déterminé pour la
disposition de ces enclos. La disposition de chaque enclos a été déterminée aux n°36/41. Les
communs (W.C.) sont inconnus ainsi que les étables, attendu que les vaches logent toutes dans les
huttes du propriétaire. Seuls les grands notables et les chefs possèdent des huttes d‟assez grandes
dimensions où ils mettent leurs bêtes sous la protection des bergers-gardiens. On a vu que souvent
on met les greniers à vivres, chacun le sien, en groupes sur une colline voisine (N° 30). Routes et
rues se réduisent à de petits sentiers allant d‟un enclos à l‟autre, d‟un groupe à l‟autre, d‟une colline
à l‟autre. Je fais abstraction des routes carrossables et des pistes qui se développent partout sous la
poussée de l‟Administration, des sociétés ou des planteurs, car cela n‟est pas indigène. Il n‟existe
nulle part de barrières, haies, palissades ou fossés entourant les agglomérations ; donc pas non plus
de portes d‟entrée. On se protège contre une attaque éventuelle en temps de guerre par la vigie des
éclaireurs. Les cultures ne sont pas protégées par des haies, du moins en général, un simple fossé
en marque les limites. Quant aux habitations réservées aux hommes, aux femmes, aux jeunes gens,
tout a été dit au N° 39/41. Les étrangers de passage sont habituellement admis à loger dans la hutte
des ancêtres (ngombe) située devant l‟enclos.

47. E/ MOYENS D’EXISTENCE


METIERS, OCCUPATIONS
OUTILS ET USTENSILES

A.OUTILS

1. LA HOUE (nfuka) pour cultiver. Le fer est en forme de cœur avec une pointe au sommet, le
manche mesure environ un mètre, le bout qui reçoit le fer est gros comme un poing ; on y fait
avec un ciseau indigène une entaille et on y introduit la pointe de fer préalablement chauffé au
rouge.
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2. LA HACHE (mbasha) simple cône allongé et aplati qu‟on enfonce comme la houe dans un
manche, plus gros et plus court que celui de la houe.

3. LE COUTEAU de ménage (akêre) lame longue de 15 à 20 centimètres, large de 4 ou 5 près de


manche, et se terminant en pointe ; il est tranchant des deux côtés. Le manche en bois mesure
environ 15 cm et a la forme d‟un cône allongé. Il y a aussi un couteau aussi long, mais qui
mesure partout la largeur de 3 cm environ, sauf à la pointe. Ces dimensions sont dites pour les
couteaux neufs ; il y a évidemment de plus en moins raccourcis par l‟usage.

4. LE RASOIR (lugembe) petit couteau de 6 à 7 cm, à un seul tranchant ; le manche en bois à 6


ou 7 centimètres.

5. LE POIGNARD ou coutelas de parade et de combat (ngorho) tige plate à deux tranchants ; il


est long de 40 à 50 cm, est protégé par une gaine (lubarhi) plus ou moins ornementée.

6. LA SERPE (mugushu) sorte de petite serpe des jardiniers de chez nous ou serpette des vanniers
en forme de croissant avec tranchant intérieur au bout d‟une tige de fer de 30 à 40 cm, un
manche en bois est fixé au bas de la tige. Cet instrument sert pour tout travail et aussi pour le
combat. C‟est l‟instrument par excellence des Bashi.

B. LES ARMES

En plus du poignard et de la serpe, les Bashi utilisent :


LA LANCE (itumu) : le fer a la forme ordinaire d‟une lance (ciramba) ; sa longueur varie ; le bout
inférieur est terminé en forme d‟étui qu‟on adapte sur une tige de bois (lusârhi) de l‟épaisseur
d‟une pouce, longue d‟environ 2 mètres, le bas est armé d‟une pointe de fer (musholo). Si le fer de
la lance est à harpons, on l‟appelle ngobe.

L‟ARC (muherho) : bois d‟environ 2 mètres, taillé en allant en diminuant d‟épaisseur du milieu
vers les pointes. La corde (lugè) est faite de nards de bœufs, parfois elle est en lanières coupées
dans une peau de vache.

LA FLECHE (mwampi) : le fer, simple pointe ronde ou aplatie, longue de 7 à 8 cm, fixé par sa
pointe inférieure dans une tige de bois (lusârhi) de 50 à 60 cm habituellement on y met point des
empennes. On utilise aussi la flèche à harpons (ngobe) et la flèche sans pointe de fer (cisonga),
espèce d‟assommoir pour chasse aux oiseaux (mpiru).

C. LES USTENSILES
s
Pour les ustensiles : pots de terre, vases à lait, écuelles, voir les n° 23, 55, 58.
KABINDI : pot de terre à goulot étroit pour puiser.
NYUNGU : pot de terre à très large ouverture pour cuire le brouet.
NDUGIRO : autre pot de terre à très large ouverture, et de grande dimension ; sert lui aussi à cuire
le brouet.
HINOGA : pot de terre, assez petit, pour cuisson de légumes, viande.
HISHEBA : pot de terre presque minuscule, employé lui aussi pour cuisson de légumes, viandes.
CANZI : vase à lait, en bois évidé, en forme de flacon à large goulot haut de 0,25 m environ.
NJEBE : petit courge réservé pour l‟huile.
NNAMBI, MBALE, MBEHE : écuelles en bois évidés, servant de bols et d‟assiettes.
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48. CUEILLETTE DES FRUITS

La cueillette des légumes est le travail de la femme et des filles (voir N° 22). En temps de famine,
on cherche dans le sol de la brousse des petits tubercules blancs (nshugushu), racines des fougères.
On recherche aussi le cœur des racines du bananier (bihwinja by‟ensina). C‟est là surtout le travail
des garçons et des jeunes gens. On cueille encore, pour en faire de l‟huile, les graines ou fruits
suivants : le ricin (bono) qui donne l‟huile magaja, les fruits du mugwerhe et du mashahi, arbres de
la forêt. Le premier donne des fruits assez pareils à de gros marrons d‟Inde ; ceux du second sont
un peu plus petits. Du mugwerhe on extrait l‟huile magwerhe, du second l‟huile mashahi. Les
graines de ricin sont recueillies par les femmes ; les hommes vont ramasser les autres au pied des
arbres où elles tombent (v. N° 63).

49. CHASSE

Les Bashi vont à la chasse de :


1. La perdrix (nkwale) qu‟ils prennent au piège, ou poursuivent avec des chiens, mais capturent
surtout à la lumière pendant la nuit.
2. Le lugeruge : perdrix de petite espèce.
3. Le pigeon ramier (ngûkù) qu‟ils chassent à la flèche assommoir.
4. D‟autres petits oiseaux qu‟ils chassent de même.
5. Le chat sauvage (musimbi).
6. Le rat des roseaux (nshenzi).
7. Le serval (njuzi) ou chat-tigre.
8. Le muga, sorte de genette ou de civette.
9. Le murhono, autre sorte de genette ou de civette.
10. Le cihumbu, animal qui ressemble à une chèvre sans cornes et qui mange des bananes.
11. La loutre (nzibi).
Tous ces animaux sont recherchés pour leur chair, les Bashi en sont friands. La peau des
quadrupèdes ici désignés sert à relever l‟habillement ordinaire.
Ils chassent également :
12. La taupe ou mulot, et
13. Le rat des champs.

Ces animaux sont recherchés pour en nourrir les chiens de chasse. Ils sont aussi friands de criquets
voyageurs, qui parfois font leur apparition, hommes, femmes et enfants vont en ramasser de pleins
paniers, les sèchent au soleil, pour les conserver et s‟en régaler pendant quelques jours.

La chasse proprement dite est l‟occupation des hommes. Ils se servent de chiens dressés, qui ont
au cou de petits grelots. L‟arme ordinaire est l‟arc et la flèche. Ils excitent les chiens par des cris
spéciaux. C‟est une vraie chasse à course. Ils ne chassent pas le léopard, ils en ont trop peur et pas
davantage la hyène et le renard d‟Egypte ou chacal, car ils n‟en utilisent ni la chair, ni la peau.

50. PECHE

Dans l‟intérieur du pays, la pêche est peu pratiquée. On rencontre parfois de petits garçons qui
s‟amusent à prendre à la ligne le menu fretin des rivières. Quelques-uns aussi mettent de petites
nasses dans les rivières plus grandes, telles que la Ngombo, la Lwiru, mais c‟est rare. La pêche se
pratique presque exclusivement par les habitants du lac.

1. LA PECHE A LA LIGNE (kuloba). Elle est pratiquée le long des rives sans fixer de flotteurs
au-dessus de l‟hameçon. Souvent le pêcheur (mulobi) se fabrique un radeau avec des troncs de
bananiers et s‟avance ainsi de 50 à 100 m au large. Il pêche alors avec 3,4 ou 5 lignes.
33

2. LA PECHE AU CARRELET (nkola). On s‟avance au large en pirogue, et là on fixe le carrelet


(filet de 3 à 4 mètres) au bout d‟une perche (marhamba) qui est elle-même attachée à la
pirogue ; on prend le poisson comme dans une épuisette.

3. LA PECHE A LA SENNE (milanga). Un filet large d‟environ 1 mètre, long parfois de 100
mètres, est déployé entre deux pirogues ; il est retenu vertical par de petits cailloux fixés au
bord inférieur, et retenu à flot par des bouts de bis léger, fixés au bord supérieur. Puis on
s‟avance vers la rive où d‟autres pêcheurs en pirogue battent le bord de leur pirogue avec leur
pagaie pour effrayer le poisson et le faire fuir vers le filet où il reste accroché par les branchies.
Cette pêche se fait la nuit.

4. LA PECHE A L‟EPERVIER est inconnue, du moins je ne l‟ai pas vu pratiquer.

5. LA PECHE A LA PIQUE (kuyubira). Pour ramener le poisson à portée des piques, deux
pirogues vont à droite, deux à gauche, traînant un câble long parfois de 200 mètres, et viennent
en se rapprochant vers les piqueurs qui attendent (accroupis dans des pirogues). Quand les
câbles se sont rapprochés, les piqueurs sautent à l‟eau. Le câble est le lucindo indiqué ci-après.
A lieu pendant le jour. Ces pêcheurs (bûbizi) sont tous en pirogue ; généralement il y a une
dizaine de pirogues montées chacune par deux pêcheurs. L‟un des deux saisit une sorte de
broche en fer (mugera) effilée d‟un côté, garnie d‟une boule lourde à l‟autre bout, puis se laisse
par le bord, pieds en avant, nage à la poursuite du poisson, l‟embroche et revient déposer ce
poisson dans la pirogue pour redescendre de suite après. Il y a des pêcheurs qui savent se tenir
sous eau pendant plusieurs minutes.

6. LA PECHE A LA NASSE (cishenge). Elle se pratique le long des rives peu profondes et là où
les blocs de rochers abondent. On place des nasses entres deux gros blocs. Puis deux pirogues
montées vont au large, et tirent vers la rive une sorte de câble fait de fibres de pandands, appelé
lucindo. Le poisson effrayé fuit vers le bord pour se cacher derrière les rochers et entre dans
les nasses. Ce genre se dit kuhukula et ces pêcheurs bahukuzi. Cette pêche a lieu pendant le
jour. Les nasses sont coniques, en jonc ou en roseaux fines.

7. LA PECHE AU HARPON (ngombe). Le pêcheur (murumizi) se tient sur une rive un peu
élevée, d‟où il peut voir le poisson. Si le poisson approche, il lui lance son harpon (kumira),
sorte de javelot à barbe. Cette pêche se pratique surtout aux eaux chaudes de Mahyuza, au Sud
de Katana, où le poisson est particulièrement abondant.

8. LA PECHE A L‟EPUISETTE (isaburo) est peu connue. Les rares noirs qui la font se servent
de paniers d‟osier, le long des rives couvertes de roseaux ou de joncs. Elle est cependant
pratiquée d‟une façon un peu spéciale. Les pêcheurs construisent des claies de roseaux
(migale) qu‟ils disposent le long de la rive, en forme arrondie en compartiments placés les uns
près des autres de façon à laisser un passage étroit entre 2 compartiments. Les bouts de ces
cloisons ne touchent pas la rive sauf aux deux extrémités. Le petit poisson (nduku)
s‟approchant de la rive pour pondre, entre par les interstices, et voulant repartir ne trouve plus
par où sortir. Il est saisi avec une petite épuisette ; cette pêche se dit kusabura.

9. LA PECHE A LA BOUE. Les pêcheurs (bizimbizi) vont à un endroit où la rive est


marécageuse et couverte de joncs. Avec les mains ils arrachent des mottes boueuses, dont ils
cherchent à recouvrir le poisson entrevu.
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51. AGRICULTURE

Il existe une curieuse croyance au sujet de l‟agriculture. Quand les Bashi commencent à cultiver le
sorgho et les haricots, chaque année, ils ont besoin de savoir si les récoltes seront bonnes. Le ciel
seul peut les renseigner. Aussi croient-ils que chaque fois un ou plusieurs d‟entre eux, pendant que
tous travaillent, montent d‟un trait au ciel (oku nkuba). Là ils se trouvent en présence des bazimu.
On se regarde sans rien dire. Les bazimu prennent alors deux graines de sorgho et deux haricots, et
les hommes qui les ont reçus descendent après 2 ou 3 jours. Si les graines sont belles, c‟est signe
d‟heureuses récoltes, sinon l‟année sera mauvaise pour les cultures.

Les cultures des champs sont faites par les hommes et garçons, partie par les femmes et filles. Aux
hommes le travail lourd du premier défrichement, aux femmes et filles, le nettoyage,
l‟ensemencement, le sarclage et la récolte. Encore s‟entraident-ils souvent. Cependant l‟homme
seul coupe les tiges du sorgho mûr (kurhema). La fumure n‟est guère pratiquée, de même que
l‟irrigation. L‟alternance n‟est pas ou peu connue ; ils préfèrent laisser en jachères un champ
appauvri. Par contre ils mêlent souvent ; ainsi l‟on trouve plantées sur un même champ des tiges
de manioc, et des haricots ; parfois même du sorgho ; plus souvent du sorgho et des haricots. Ils
cultivent donc sur le même terrain des produits qui mûrissent plus vite les uns que les autres. On
cultive habituellement depuis 7 heures du matin jusque vers 3 heures de l‟après-midi. L‟unique
instrument agricole est la houe. La nature même du sol fait que l‟époque des cultures varie selon
qu‟on cultive vers le bas (1600 à 1700) ou vers le haut (2000 à 2400) et selon la période des pluies
qui varie légèrement d‟un endroit à un autre. On peut dire qu‟en général on sème vers la fin de
septembre et vers la fin de février. Les cultures habituelles sont : le sorgho, le haricot, la patate
douce, et même vers le bas, proche du lac, le manioc (d‟introduction assez récente). Le maïs et
surtout l‟arachide sont exceptionnels. Le tabac est cultivé aux abords des enclos. Les courges sont
aussi cultivées vers le Nord. Vers le Sud on n‟en produit guère que pour en faire des calebasses à
bière ou à eau. L‟éleuzine est cultivée sur les hauteurs à la lisière de la forêt. Le sorgho cultivé au
Bushi comporte bien des variétés. Les plus hâtives sont : canikire et nkere ; les moyennes sont :
lusoge et budwakali. Cette dernière espèce est d‟un rouge vif et sert principalement à faire
fermenter le moût de bananes pour la bière. Les espèces tardives sont : nkondo, kashala. Il y a
encore le sorgho à petites grappes : burungulu, et le sorgho qui repousse après la coupe
(nalumbagaye).

52. ELEVAGE DES BESTIAUX

On élève surtout et avant tout le gros bétail c‟est-à-dire les bœufs à cornes moyennes et à légère
bosse entre les épaules. On peut dire que la vache est à la base même du système social. Elle fait
d‟ailleurs les frais des conversations et des préoccupations journalières. Toute la vie individuelle
se rattache à la vache comme chez nous à l‟argent. La vache est ici le nerf de la guerre. Sans
vache le jeune homme ne trouve pas de femme, le notable pas de clients, le chef pas de sujets. Il
suffit de parcourir ce qui a trait à la vie familiale et sociale et même à la vie religieuse et
intellectuelle pour s‟en rendre compte (172). On élève également du petit bétail : chèvres et
moutons, soit pour les transactions commerciales, soit en vue des sacrifices aux esprits, soit en vue
des repas de fête notamment aux festivités et cérémonies du mariage. La plupart des familles ont
quelques poules, moins pour la consommation que pour la vente, et surtout en vue des œufs qu‟on
ira vendre aux européens. Le canard, le pigeon, le lapin, ne font pas l‟objet d‟un élevage ; encore
moins le cochon. Le chien est recherché surtout par les notables ; il est beaucoup employé pour la
chasse. Frapper un chien, c‟est injurier son maître, et j‟ai vu payer une vache pour l‟avoir fait. Le
chien qui crève n‟est pas enterré, il se décompose en plein air.
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53. TISSAGE – COUTURE – CONFECTION

Le tissage n‟est pas pratiqué, et jamais je n‟ai vu filer. La couture (je fais exception pour les tissus
importés et qui se répandent de plus en plus) s‟applique aux peaux et même aux écuelles de bois et
aux courges. C‟est le travail des hommes et se fait au moyen d‟une aiguille (insinge, ngenyu)
espèce de clou pointu percé par le haut, de dimensions différentes. Le fil ordinaire (lurhunda) est
fait avec une liane (lushuli) divisée en lanières fines. On coud ainsi ensemble des bouts de peaux
ou même des étoffes de ficus. On coud aussi des écuelles fendues, après avoir fait des deux côtés
de la fente une série de petits trous avec un clou chauffé au rouge, ou autrement. On coud même
des vases à lait et des courges à eau ou à bière, malgré l‟étroitesse du goulot. Pour cela on perce, à
travers les trous, on passe le fil en boucle, et par le haut on parvient à y passer un autre fil ; puis on
tire celui-ci vers l‟extérieur, un peu comme la navette de nos machines à coudre. Il y faut de
l‟adresse et beaucoup de patience.

54.VANNERIE

Les Bashi confectionnent surtout des paniers et des nattes. La matière employée pour les paniers
est soit des lianes, soit l‟écorce extérieure du papyrus, soit même le cœur du papyrus, des lamelles
de roseaux ou des herbes. Les nattes sont faites de papyrus ou de jonc. Les hommes seuls
s‟adonnent à la vannerie.

PANIERS (cirhiri) ou corbeilles. Ils sont fabriqués de toutes dimensions ; certains atteignent 70
cm de hauteur (voir N° 30) et sont faits surtout d‟écorces de papyrus ou des lames de roseaux. Le
haut est garni d‟un ourlet.

HOTTES (lurhanda) sortes de paniers à fond arrondi avec une solide bordure au sommet, et vers le
haut extérieur de chaque côté une boucle tressée destinée à y passer une corde. C‟est le « vade
mecum » de toute mère de famille. Les hottes sont faites avec des lianes, parfois aussi en lamelles
de bambous. Elles ont environ 50 cm de haut, et 30 cm de large. On les enduit par l‟extérieur de
bouse de vache.

VANS (lwibo) sortes de grands couvercles plats de 60 cm à 70 cm de diamètre. Le rebord est fait
de lamelles de bambous. Le côté extérieur est enduit de bouse de vache.

NATTES : cishiro. On utilise soit le jonc, soit l‟herbe des marais (lushasha) qu‟on réunit avec des
cordes. Servent de couvertures de nuit.

MWANGASESE : nattes faites d‟écorce de papyrus. Elles s‟étendent seulement par terre, car en
les pliant on les brise.

PANIERS A BOUSE (cishabuliro) sortes de demi-sphères en lianes, roseaux ou herbes, destinées à


enlever de la hutte la bouse de vache.

55. POTERIE

L‟argile plastique (ibumba) se rencontre un peu partout. Rarement elle est employée seule. On y
met pour la neutraliser plus ou moins un dixième de poudre d‟une pierre spéciale appelée nsibu
(sorte de pouzzolane). L‟argile est d‟abord mise en repos pendant deux ou trois jours, puis on la
pétrit, et on la passe à travers les doigts pour en enlever le gravier et autres impuretés ; on fait le
mélange de nsibu et on repétrit à fond. Le potier ensuite prend un fond de vieux pot, et se met à
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façonner son argile. Ce pot lui sert de tour, puisque en façonnant avec les doigts, il tourne
constamment pour lui donner une forme ronde. Quand le pot est achevé, il polit l‟extérieur en le
tapotant doucement avec une lamelle de bambou, puis en le lissant avec la même lamelle. Il
expose le pot au soleil pendant une heure ou deux, et s‟il y a un défaut par-ci, par-là, il y remédie
avec un peu d‟argile en guise de mastic ; après quoi il achève de polir avec des feuilles larges et
lisses et au moyen d‟un stylet, il fait quelques dessins : lignes, triangles, cercles, selon sa fantaisie.
Il ne reste plus qu‟à le laisser sécher, et à le cuire. La cuisson se fait en plein air, dans une
excavation peu profonde. Le potier y étend une couche de paille et de bois. Sur ce lit il met le ou
les pots, ouverte en bas, allume et couvre prestement le tout avec de la paille sèche qu‟il renouvelle
au fur et à mesure de sa combustion. Après une bonne heure, il met une dernière couche de paille,
et n‟a plus qu‟à laisser refroidir. Alors il nettoie les pots avec un petit balai et les badigeonne d‟eau
mêlée de cendres. Les potiers se trouvent un peu sur tous les coins du Bushi. Ils ne sont pas, que
je sache, réunis en caste (voir au N° 47 les différents pots confectionnés). La part de la femme
dans la confection se résume à aider son mari à apporter l‟argile et le combustible.

56. METALLURGIE ET FORGES

Le Bushi ne possède presque pas de minerai de fer. On s‟approvisionne chez les Bazibaziba du
Sud et chez les Batembo de l‟Ouest. Le haut-fourneau proprement dit n‟existe pas, et cependant
nos noirs savent réduire le minerai ; ils le ramollissent mais ne le fondent pas. Dans ce but, le
minerai rassemblé sur du charbon de bois, est entouré de 3 ou 4 soufflets. Ces soufflets sont en
forme de Y, soit deux cuvettes qu‟on recouvre d‟une peau de chèvre où est fixée une tige de bois ;
ces cuvettes sont prolongées par un canal creusé au centre par lequel elles projettent l‟air. Le tout
est creusé dans un seul bloc, long de 60 cm environ. Pour produire le vent, on soulève et abaisse à
tour de rôle les tiges, prestement et en cadence. A un signal, tous les forgerons se mettent à activer
l‟air sur le charbon qu‟on renouvelle sans cesse ; on y jette même un peu d‟eau bientôt le minerai
rougit ; se ramollit, prend ensemble. Alors on ramène ce bloc brûlant sur une pierre avec des
pinces de bois trempées d‟eau, et à coups de massues, l‟un d‟eux force les restes de charbon et
impuretés à s‟en dégager. Le bloc est ensuite de nouveau réchauffé au rouge, de nouveau martelé,
puis coupé en morceaux suffisants pour en fabriquer les objets qu‟on désire. Ces objets sont
presque exclusivement des houes, des serpes, des lances et des couteaux. On se sert évidemment
des houes usagées pour en confectionner lances, couteaux, flèches et serpes. Le travail des débris
de houes est propre aux forgerons isolés qu‟on rencontre assez nombreux.

Les OUTILS des forgerons sont assez primitifs :


- une pierre de basalte ou autre sert d‟enclume (ituliro).
- En guise de marteau (nyundo), ils emploient une masse de fer sans manche d‟environ 0,25 m
de long, 0,05 de large et 0,03 à 0,04 d‟épaisseur. Le bout qui s‟abat sur le fer est plat et épais.
- Une sorte de masse de fer (bihûru).
- Ils ont aussi une sorte de ciseaux à couper (ishinjo).
- Un stylet à perforer (mwangarho, murhero).
- Et une pince en bois pour saisir le fer chaud (cifaso).
Pour braser ensemble deux morceaux de fer, ils les lient dans la position voulue, les entourent de
terre rouge (bauxite, alumine de fer) chauffent et battent. Ils doivent assez souvent recommencer,
les morceaux n‟ayant pas bonne adhérence. Ils savent encore étirer le fer en fil au moyen d‟une
filière primitive. Un tronc d‟arbre fixé en terre ; au sommet est encastré un morceau de fer perforé.
Le fer préalablement martelé si mince que possible, est passé et repassé à travers ce trou, qu‟on
réduit de plus en plus jusqu‟à ce qu‟on obtienne un fil de fer de moins d‟un millimètre d‟épaisseur.
Ce fil sert à confectionner les bracelets. La forge elle-même se dit luganda. Faute de minerai de
CUIVRE, les forgerons ne peuvent que manipuler le cuivre d‟importation : cuivre jaune et cuivre
rouge. Jadis (1917) on pouvait se procurer des cartouches vides en cuivre (mabano). On les
fondait et on en fabriquait des serpes. Pour fondre le cuivre, on le coupe en morceaux qu‟on
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dépose dans un pot de terre, un peu plus long que large. Ce pot est posé sur du charbon de bois,
soumis à l‟action du soufflet, le cuivre ne tarde pas à se liquéfier. Puis on jette prestement de l‟eau
sur ce cuivre fondu et il ne s‟agit plus que d‟en fabriquer : bracelets et barres à étirer, comme il a
été dit ci-dessus.

57. MEUNERIE

Toute la question de meunerie a été traitée à l‟occasion de l‟alimentation. Elle se réduit d‟ailleurs à
peu de chose. On prépare la farine soit sur la pierre ; soit dans le pilon.

SUR LA PIERRE on réduit en farine le petit grain : sorgho, éleuzine, etc. ou même les grains plus
gros ; p. ex. le maïs, préalablement concassés dans le pilon. C‟est le travail des femmes et des
filles. La pierre de dessous (lusho ou lwanjikwa) plate et large, reçoit les grains. La femme à
genoux les écrase tout en poussant vers l‟avant avec une petite pierre grosse d‟environ deux poings
(nkagasi). La farine tombe par devant dans le récipient, couvercle de panier ou van.

DANS LE PILON. Un tronc d‟arbre creusé comme un pilon, généralement assez brut, haut de 50 à
60 cm (cishakulo) reçoit le manioc sec et brisé plus au moins ; ou les grains de maïs, etc. La
femme debout, parfois à genoux, pilonne au moyen d‟un manche de bois (muhini) ou même de
deux à la fois, qu‟elle lance alors alternativement de la droite et de la gauche. Au fur et à mesure
qu‟elle a pilonné une partition, elle la verse dans un récipient.

BLUTAGE : La farine obtenue par cette mouture est ensuite blutée sur un van. La femme agite le
van légèrement penché en avant à droite et à gauche, lui donne de petites secousses, amène ainsi
sur le bord les parties qui ne sont pas encore réduites en farine, et qu‟elle va remettre ensuite sur la
pierre ou dans le pilon. Les tamis proprement dits ne sont pas en usage.

Les Bashi préparent en général la farine nécessaire au repas du jour, sauf lorsqu‟ils veulent en aller
vendre au marché.

58. TRAVAIL DU BOIS

Les Bashi ne sont pas des sculpteurs émérites ; cela tient sans doute à ce qu‟ils n‟ont pas de
fétiches. Le travail du bois se réduit à la fabrication des écuelles, assiettes, instruments de musique
(N° 128), vases à lait, mortiers (N° 20 et 23) gaines de coutelas, petits boucliers (N° 47)
planchettes de jeu (N° 132) et de quelques rares tabourets (N° 129). Ils travaillent aussi à l‟ivoire
pour en faire des bracelets (ngolo), des « chasse-poux », des pointes ornementales pour le front
(38) ou même, mais rarement, des démêloirs de cheveux. Dans la région Nord du Bushi, il y a des
creuseurs de pirogues. L‟arbre abattu en forêt est grossièrement ébauché en forme de barque,
traîné à bras d‟hommes vers le lac, où le travail est achevé. Pour lui donner la largeur voulue, ils la
remplissent d‟eau et dirigent la forme des bords au moyen de sticks fixés dans le sol. Les
instruments se réduisent au couteau, à la hache, à l‟herminette (minjo). Pour donner le polis
(kuhala), ils emploient une feuille sèche, qui fait office de papier à l‟émeri (lukuya). Pour fendre
l‟ivoire, ils possèdent un coutelas à dents (scie indigène) appelé lukero.

59. CORDERIE

Pour faire des cordes, les noirs tordent les fibres en leur donnant des tours avec les doigts si les
fibres sont grosses, en les enroulant sur la buisse si les fibres sont fines. Pour les cordes ils
emploient toutes sortes de fibres :
- écorce de bananier (birere) comestible, et de bananier de brousse (grand ornemental
cirembo) ;
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- écorce extérieure du papyrus (muguguna) ;


- partie ligneuse située entre l‟écorce et l‟aubier du ficus (mutudu) ;
- écorce des arbustes namundundu, mpihu, cibugubugu ;
- lianes lushuli et autres ;
- chiendent (lurhendezi).

Pour fabriquer les ficelles employées pour y enfiler les perles et pour tresser de petits sacs, on se
sert surtout de fibres tirées de la nervure (bintamanzi), des feuilles de bananier.

Les nerfs de bœufs (musi) sont employés pour cordes d‟arc (N° 47) et cordes de guitare (lulanga Ŕ
N° 129). Les cordes de birere et lurhendezi sont assez grossières et servent à lier les roseaux et
sticks, ou même à lier le taureau à son piquet par la patte, et à former les câbles de traction pour
objets lourds. Les autres servent à tous usages, et spécialement à tresser les cordes plates
employées par les femmes pour fixer leur peau de vache aux reins porter leur bébé, leur hotte ;
servent aussi à attacher les vaches, les chèvres et moutons, etc. Toutes ces cordes sont non
seulement tordues, mais encore tressées 3 ou 4 fibres ensemble.

60. TANNERIE

Le tannage proprement dit est inconnu. La préparation des peaux consiste dans le ramolissement,
pour en faire ce qu‟on appelle du « cuir blanc ». Pour préparer une peau de vache fraîche
(mugurha) voici comment on procède : La peau est étendue, poil en dessous, sur le sol, étirée et
fixée avec des chevilles de bois sur tout le pourtour. Une fois bien sèche, on la suspend à une
corde solide, retenue entre deux piquets ; au bas, près du sol, on y attache des cailloux pour
l‟empêcher de se recroqueviller. Puis avec une sorte d‟herminette peu tranchante, on gratte de haut
en bas les adhérences charnues et grasses (lesquelles d‟ailleurs sont cuites et mangées). Ceci fait,
on la coupe en forme d‟habit de femmes ; une peau fournit deux habits. Chaque partie est alors
étendue sur une natte de jonc, poil en dessous, et l‟ouvrier la frotte avec un caillou, l‟enduit de lait
caillé (ceci pour enlever les restes du sang, de graisse et de chair) et se met à la piétiner pendant
une bonne demi-heure ; après quoi il la badigeonne de beurre rance ou d‟huile et continue à la
piétiner jusqu‟à complet ramollissement. Quant au poil, on n‟y touche pas, car c‟est ce poil qui en
fait la beauté aux yeux des dames ; la peau se porte en effet, poil vers l‟extérieur (v. N° 35). La
peau préparée est enroulée deux ou trois jours dans une natte ou des écorces de bananiers, et… elle
est prête pour être portée. Les dames du « haut rang » veulent qu‟on y couse une frange (mishumi)
faite de lanières de peau de génisse, ou même de nerfs assouplis à l‟eau, tressés, séchés. Les autres
peaux : chèvres, moutons, fauves, etc. subissent la même préparation, mais beaucoup moins
soignée.

61. TEINTURERIE

La teinture est absolument inconnue. Tout ce qu‟ils savent c‟est de donner aux étoffes une couleur
plus ou moins foncée, en la laissant tremper dans la vase des marais. Elles deviennent ainsi brunes
ou gris foncé selon la durée du trempage. Ils aiment mieux pour rendre une étoffe moins salissante
et plus solide, la frotter de beurre rance. Ils ignorent l‟emploi des racines, feuilles ou bois pour la
coloration des étoffes, et sont, sous ce rapport, inférieurs à d‟autres tribus.

62. EXTRACTION DES MINERAIS ET ROCHES

On a vu au N° 56 que le minerai de fer est rare au Bushi. Les quelques endroits où on le trouve
n‟ont ni galeries, ni cavernes. On se contente de creuser à la surface. Quant à l‟extraction du
cuivre, il n‟en est pas question.
39

63. AUTRES METIERS ET OCCUPATIONS

FABRICATION DE L’HUILE

Les femmes seules font l‟huile. On a vu au N° 48 qu‟elles font de l‟huile avec les graines de ricin
et avec celles des arbres mugwerhe et mushahi.

HUILE DE RICIN (magaja). Les graines sont mises à sécher au soleil. On les concasse dans les
mortier ; puis on les réduit autant que possible en farine sur la pierre à moudre. La farine ainsi
obtenue est mise dans un pot avec un peu d‟eau, et chauffée. L‟huile vient surnager. Elle est
enlevée avec une écuelle, et versée dans une petite courge ad hoc, dite njebe.

HUILE DE MUGWERHE ET MUSHAHI. Les graines sont concassées et réduites en farine


comme il a été dit ci-dessus. Les femmes en extraient l‟huile par simple compression ; la pâte est
prise entre les paumes des deux mains et serrée le plus possible ; l‟huile s‟en écoule dans une auge.

Les Bashi ignorent tout genre de presse, ils ignorent même l‟art d‟avoir un rendement plus grand
en exposant la farine au soleil et en la saupoudrant d‟un peu de sel.
40

C/ VIE FAMILIALE

A/ NAISSANCE

N° 65 à 70

B/ EDUCATION, INITIATION

N° 71 à 75

C/ MARIAGE, RAPPORTS ENTRE LES SEXES

N° 76 à 86

D/ FAMILLE

N° 87 à 94

E/ MORT

N° 95 à 100
41

A/ NAISSANCE

65. AVANT LA NAISSANCE

La femme qui conçoit est dite « avoir de la chance, du bonheur (iragi) et c‟est Nyamuzinda qui l‟a
permis. Si cela tarde, la femme va consulter le devin ou bien sacrifier aux mânes, auxquels elle
offre de la bière, de la viande, du feu… afin que les mânes aillent prier Nyamuzinda de la favoriser.
Dès qu‟elle se sent enceinte, elle ira de temps en temps s‟accroupir sur le cirhebo (sorte d‟enclos
consacré à Lyangombe), jette en son honneur deux haricots dans le feu. Si elle a la fièvre ou si elle
veut avoir un heureux accouchement, elle boira une tisane faite avec les herbes : nyakaririkwa,
kashemankuba et mubwizi ; cette tisane s‟appelle lukombe. Dans le même but, elle se procure
chez le devin des remèdes spéciaux nommés magwiso. Que si la femme enceinte avait eu des
relations coupables avec un autre que son mari, l‟enfant mourrait dans son sein, si elle ne
s‟empressait de boire un remède spécial, appelé lui aussi lukombe ; il en serait de même si son mari
se permettait pareille incartade ; l‟un et l‟autre seraient atteints de « MAHINGA » ou
« MASIMA », maladie que le « lukombe » seul peut écarter (v. 95 Kalume).
Tous deux doivent absolument éviter de toucher un cadavre ; ce serait la mort de l‟enfant à naître.
Vers son cinquième mois, la femme boit tous les jours une infusion de lukombe faite avec des
herbes que les sages femmes lui procurent : ces femmes sont toujours d‟un certain âge. L‟infusion
sert, pense-t-elle de nourriture au fœtus, le fait vivre et se développer. On cite le cas de femmes
qui avortèrent pour n‟en avoir pas assez bu. Voir aussi 4° galwabugiri 95 (23).
D‟autres boivent un tisane de feuilles mibirizi qui est dans un vase placé dans la hutte des
ancêtres ; le vase y est recouvert du diadème et de la petite peau de chèvre que la femme met
d‟ordinaire sur ses reins et sa poitrine des amulettes spéciales, contenant des plumes, des cendres et
des herbes. Le plus souvent la femme n‟avertit pas son mari de son état, celui-ci ne peut le savoir
que de visu. Elle même continue à vaquer à ses occupations habituelles jusque vers le moment
d‟accoucher. Les rapports matrimoniaux ne cessent que vers ce moment. Toutefois, vers la fin, le
mari prend certaines précautions pour ne pas nuire à l‟enfant qui doit naître. Les 2 ou 3 dernières
semaines il s‟abstient. Dès que le mari s‟aperçoit de la situation de sa femme, il va, lui aussi
consulter le devin, pour en recevoir confirmation que ce sont bien les mânes de ses ancêtres ou
bien ceux de sa femme qui ont visité son épouse et veulent prolonger leur descendance. Sur l‟avis
donc du devin, il cherchera à se rendre les mânes favorables. Dans ce but, il va brûler les herbes ou
déposer des vivres dans la hutte des ancêtres et dans celle de tel ou tel défunt, et étendra des
vêtements à l‟entrée de ses huttes. Le devin reçoit deux colliers de perles ou l‟équivalent. Quand
le terme est proche, le mari va chez le devin demander certaines herbes dont il fera une infusion
(kudeka isheba) que la femme boit ; avec les herbes elles-mêmes, elle se frotte le sein pour hâter sa
délivrance. Il arrive qu‟une femme enceinte ait ou une sœur morte pendant sa gestation. Elle
devra essayer de se rendre son esprit favorable. Pour cela elle prendra une jarre (courge évidée)
qui n‟a pas encore servi et l‟entourera du collier de petites perles que portait la défunte ; elle
placera cette jarre dans une hotte qu‟elle couvrira de son propre habit à elle en peau de chèvre, et
sur le tout elle déposera le collier en grosses perles de sa sœur, puis elle adressera à la défunte cette
prière : « Ma sœur, sois bienveillante, ce n‟est pas moi qui suis cause de ta mort, ne m‟en veuille
pas (…Ogashane, arhali nie nakuyisire, orhambêre oburhè).

Relativement au SANG MENSTRUEL (cirambo) il faut noter certaines croyances. A l‟époque de


ses règles, une femme ne peut pas nettoyer ou froisser avec les pieds le sorgho, car si son mari en
mangeait, il en serait malade. Il lui est défendu de quitter le foyer conjugal. Elle ne peut non plus
manger de la caillebotte, la vache en mourrait.
Défense lui est faite de ne rien déposer ni sur, ni sous le lit conjugal ou d‟employer les objets qui se
trouveraient alors là. L‟époque des règles dure cinq jours ; pendant tout ce temps, les rapports
conjugaux sont interdits. La femme se contente d‟essuyer les menstrues ; le cinquième jour, elle va
se laver à la fontaine ; c‟est le signe que les défenses indiquées ci-dessus n‟existent plus pour le
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moment. Tout ceci s‟applique également aux filles nubiles et aux non-mariées ; si elles avaient un
musolomi, elles éviteraient toutes relations pendant les cinq jours indiqués. Voici d‟ailleurs un
autre cas relatif aux règles. Je suppose qu‟un homme a deux femmes ; de la première il a une fille
nubile. A l‟époque des règles de cette fille, il ne peut avoir des relations avec la deuxième femme,
car la fille une fois mariée ne pourrait jamais avoir d‟enfant du vivant de cette deuxième femme, et
sa mère à elle, la première femme, pourrait en mourir.

66. ACCOUCHEMENT

Quand la femme commence à éprouver les douleurs de l‟enfantement (emikero, coups de couteau),
elle sort de sa hutte, car il lui est absolument défendu d‟accoucher à l‟intérieur, et soutenue par son
mari elle s‟assied adossé à la hutte ou à un arbre voisin, les jambes étendues. Dès que la sage-
femme est arrivée, le mari se retire ; il ne peut assister à la naissance. Il se peut que la délivrance
tarde ou bien que la pluie se mette à tomber ; dans ce cas, le mari construit rapidement autour de sa
femme un abri provisoire. S‟il le faut, la sage-femme fait boire des remèdes (magwiso) pour
favoriser l‟accouchement. (Kugwisa = accoucher). Si la délivrance avait lieu avant l‟arrivée de la
sage-femme, le mari ne pourrait toucher le nouveau-né, et force serait à la mère de ramasser celui-
ci et de se traiter elle-même tant bien que mal.
Il arrive que l‟enveloppe fœtale (cigozi, muziha, luhururu) tarde à venir, la sage-femme donne alors
à boire du magwiso2. Je n‟ai pas entendu que la sage-femme aille jusqu‟à détacher le placenta ;
aussi bien des fois, la mort suit la non-expulsion. La délivre est enterrée au côté gauche du seuil de
la case et recouverte d‟un caillou. On dit que les balozi cherchent à l‟avoir. Dès que l‟enfant est
sorti du sein maternel, la sage-femme coupe le cordon ombilical avec un roseau taillé au rasoir (le
reste est laissé attaché au placenta) puis l‟eau tiède ou froide ; elle lui masse prudemment la tête, la
frotte de beurre, lui met au cou une amulette, et le présente à la mère. Celle-ci se purifie elle-même
provisoirement ; et le lendemain, elle ira le faire à fond, de bonne heure, à la fontaine ou la rivière
voisine. Elle rentre dans la case de suite après son accouchement, mais ne pourra s‟étendre sur son
lit ; aussi longtemps que son enfant n‟est pas rasé. La délivrance opérée, la sage-femme va porter
la nouvelle au mari. Celui-ci va l‟annoncer au père de la femme qui lui offrira un cadeau (jusqu‟à
une chèvre s‟il est riche). Si le nouveau-né est un garçon, on se réjouit, si c‟est une fille, on ne s‟en
préoccupe pas dans le voisinage. Il existe de la naissance une curieuse croyance : c‟est celle du
« CIYENJE ». Si pendant la parturition, la mère avait perdu beaucoup de sang, on avait évacué ses
selles, ou si le nouveau-né avait fait de même : la mère, l‟enfant ou tous les deux, seraient atteints
de « ciyenje » : les genoux et coudes gonfleraient, et une toux surviendrait ainsi qu‟un
amaigrissement général de l‟enfant. Pour s‟en débarrasser, la mère devra aller chercher chez le
devin une boisson préparée par lui ; ou bien elle tâchera de passer le mal à un homme qu‟elle
invitera à l‟adultère, sans lui dire la raison de son inconduite. Son propre mari prendrait le mal si
elle lui avait caché le fait et reprenait avec lui les relations conjugales. L‟homme atteint de
« ciyenje » peut s‟en délivrer en se faisant vomir jusqu‟au sang. Si pendant l‟accouchement le
cordon ombilical se trouve enrouler le fœtus ou se détache, ce fait (mushinjo) est considéré comme
grave tabou. A une femme qui engendre pour la première fois, il arrive que l‟enfant vienne au jour
avec difficulté, ou même mort-né ; c‟est qu‟avant son mariage, vaginam non satis ampliavit.
L‟enfant qui se présente les pieds en avant, devient pour ses parents la cause du tabou
« Kashindi ». Si c‟est le bras qui paraît d‟abord, la sage-femme essayera de remettre le fœtus en
position normal, mais y réussira rarement. Pour le faire, elle se frotte la main de beurre. L‟enfant
mort dans le sein est coupé avec un couteau, et extrait pièce par pièce… Le mort-né et l‟avorton
sont enterrés sans cérémonies, ce ne peut être que l‟effet d‟un mauvais sort. Il se présente des cas
où la femme se fait volontairement avorter ; ce sera le plus souvent par hostilité contre le mari, afin

2
On appelle « MAGWISO » les plantes qui ont pour effet d‟expulser le fœtus venu à terme, ainsi que la délivre, si
celle-ci tardait à sortir. Les plantes employées sont l‟indigofera kavunanfuka et le cimbogolo : elles sont données à
boire en infusion.
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de le frustrer d‟un bien qu‟il escomptait de sa part. Hors ce cas, l‟avortement est rare, les Bashi
tenant à l‟honneur d‟avoir beaucoup d‟enfants. L‟avortement s‟obtient par la potion magwiso
indiquée ci-dessus.

Que fait-on en cas de stérilité de la femme ? (L‟impuissance de l‟homme est traitée au N° 81).
Voici des époux qui vivent ensemble depuis près de deux ans et rien ne paraît à l‟horizon. Ils vont
chez les devins spécialistes. Ces devins sont de deux sortes : on pourrait les nommer : devin de la
maison brûlée et devin de la course. Le premier, après avoir débattu avec les époux stériles les
émoluments en cas de « réussite », va déposer dans une petite case construite pour cela sa trousse
magique, et dit aux époux d‟aller ut cocant. Tout de suite il leur crie « attention, je vais vous
brûler », et il se précipite sur la case, une torche à la main. Les époux savent d‟avance ce qui va se
passer, et se sauvent pendant que la case flambe. Après quoi le devin leur dit d‟aller chez eux,
d‟engendrer et… de payer. Le deuxième a plutôt pour fonction de déterminer lequel des deux
époux est cause de l‟insuccès. Quand ses clients lui ont dit ce qu‟ils lui donneront en paiement, il
va poser à quelque 50 m de là son remède magique (mpivu), met les deux époux l‟un à côté de
l‟autre et leur dit : « celui d‟entre vous qui réussira à toucher mon « mpivu » avant l‟autre, celui-là
sera capable d‟engendrer ». Il donne le signal et voilà la course. Si le mari arrive avant la femme
et peut poser le « mpivu » sur sa poitrine, le devin le proclame capable de procréer des enfants et
déclare que la femme restera stérile. Et vice-versa. En conséquence, le divorce a lieu, la dot est
restituée et chacun s‟en va chercher un conjoint nouveau. Le divorce pour cause de stérilité est
d‟ailleurs très fréquent. Des jeunes mariés qui, après 15 ou 16 mois de mariage n‟ont pas d‟enfant,
commencent à s‟accuser réciproquement d‟impuissance. De là au divorce, il n‟y a qu‟un pas. L‟un
et l‟autre conjoint veulent convoler ailleurs, car ils veulent des enfants. Tous deux ont d‟ailleurs
essayé sans succès les remèdes préparés ad hoc par les devins et sages-femmes, quand bien même
ils n‟auraient pas eu recours à ceux des remèdes désignés ci-dessus. Il est presque inouï que deux
époux restent ensemble les deux premières années de mariage sans avoir d‟enfants. Il est vrai
qu‟ils deviendraient vite la risée du public. Je n‟ai pas rencontré de cas en dehors des ménages
chrétiens. Il n‟est pas rare de voir des jeunes femmes quitter leur mari, sans pourtant rompre afin
d‟essayer d‟obtenir d‟un autre l‟enfant que leur mari ne leur donne pas, ne serait-ce que pour lui
prouver que la déficience est de son côté à lui.

67. SOINS DONNES A LA MERE PAR LE PERE

Tout de suite après la délivrance, le mari se procure des boyaux de chèvre et les met à cuire. La
mère doit boire ce bouillon, après quoi elle pourra manger les boyaux et toute autre viande. La
première préoccupation du mari est d‟ailleurs de procurer de la viande à sa femme après les
couches. La mère continuera encore quelques jours à boire le lukombe. Si les parents de
l‟accouchée voulaient lui apporter de la nourriture, ils devraient la déposer dans la hutte d‟un
voisin. Celui-ci irait en prévenir le père de l‟enfant qui viendrait la prendre, la porterait dans sa
case à lui ; et c‟est là que la mère irait la chercher ; mais elle pourrait la manger là où cela lui
plairait. Si l‟enfant vient à mourir, la mère, pour n‟être pas incommodée par son lait se met sur la
poitrine des feuilles vertes de strychnos écrasées (ntobolo). Il semble qu‟elle ne songe même pas à
se dégorger les seins en suçant elle-même son lait, ou en le faisant sucer par d‟autres. En tout cas,
jamais le mari ne lui rendra ce service, c‟est une défense rituelle très rigoureuse.

68. SOINS DONNES A L’ENFANT

De suite, après la naissance, le nouveau-né est porté dans la case de la mère, comme il a été dit. Il
ne pourra en sortir avant un mois, par crainte du froid et du soleil. On voit pourtant des mères
sortir mais en couvrant bien l‟enfant ; bien plus, les chrétiennes n‟hésitent pas à porter l‟enfant à
l‟église pour le baptême dès le lendemain des couches. Il semble d‟ailleurs que ces réclusion tende
à disparaître. Peut-on venir voir le nouveau-né ? Cela dépend du devin. Le père va donc en
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consultation : le devin jette le sort sur la planchette (abwiza enyungu) pour savoir l‟avoir des
mânes et savoir si parents et étrangers sont admis, ou si les parents seuls le sont, ou si personne ne
l‟est. Dans ce dernier cas, le père dresse devant la porte de la case un petit enclos rustique en
feuilles de bananiers, signe qu‟on n‟entre pas. Si l‟on entrait, les mânes tueraient l‟enfant.
Un jour ou deux après la naissance, l‟enfant reçoit un NOM. Le père et la mère font venir les petits
enfants du voisinage et leur offrent un repas. Ils sont invités à citer une série de noms.
Evidemment les adultes les y ont préparés. Dans cette litanie, les parents choisissent celui qui leur
plaît le plus et qui est accepté par la coutume, comme : MUJOKA (le serpent) pour un garçon ;
NDAMUSO (salutation) pour une fille. Ce ne sera jamais celui d‟un génie ou d‟un ancêtre ; mais
assez souvent ces noms sont en relation avec des événements ou des incidents familiaux. Ce sera
p. ex. MUHYUHYU : (lait) si le père a plusieurs vaches : KABANDA : si l‟enfant naît très petit ;
MANGO (sous entendu MABI Ŕ temps mauvais) s‟il règne une épidémie ; BUZOMBO, en temps
de famine (cizombo) ; BAJANAMA (la bénédiction est venue) si le temps est favorable, etc. Les
enfants appelés sont des garçons pour un garçon, des filles pour une fille. Pendant ce temps, le
père a suspendu dans la hutte, un petit bouclier qui y restera assez longtemps, et un fagot de
bâtonnets en nombre égal à celui des enfants appelés. Ensuite tous reçoivent à manger. Quand
l‟enfant a reçu son nom, la sage-femme plante un bananier là où il est venu au monde. C‟est là
qu‟on jettera ses excréments et que le cordon ombilical sera enfoui. L‟arbre appartient à la sage-
femme qui seul peut en cueillir les fruits. Sans tarder, on met au bras du bébé des bracelets en fibre
de bananier dans le but de constater si oui ou non il gagne en poids. L‟enfant est-il malade, le
devin est consulté ; l‟enfant reçoit des remèdes, et la mère a défense de parler à ses parents. Le
père a surtout soin de demander au devin un préservatif contre l‟action nocive des mânes, et
capable d‟empêcher les gens mal intentionnés d‟appeler les mauvais génies. Le père ne manquera
pas d‟ailleurs de mettre des amulettes au poignet du petit. Pendant cinq ou six jours, le mari ne
peut « connaître » sa femme. Cependant il peut se coucher à côté d‟elle, mais la mère tient le
nouveau-né contre sa poitrine, du côté opposé, pour qu‟il ne soit pas étouffé la nuit. Vers le 6 e
jour, la sage-femme vient raser la tête du petit. A l‟apparition des premières dents, on met deux
perles, ou des petits colliers au cou de l‟enfant, afin de montrer sa joie et de faire pousser les dents
(kuyeza amino). Si les dents supérieures paraissent d‟abord, c‟est signe de malheur (kashindi).
L‟enfant sera appelé LWIRO = grosse dent ; et il faudra de suite conjurer la maladie en buvant des
remèdes fournis par le devin. Le mari ne peut, en attendant de les avoir bus, avoir des relations
avec sa femme ; que s‟il se le permettait, il serait « tabou » et n‟en serait libéré que par l‟adultère
de sa femme ; si elle s‟y refusait, le mari irait lui-même chercher un homme pour l‟y forcer. Quand
l‟enfant aura cinq ou six ans, on lui arrachera ces deux dents de malheur, on les jettera par dessus la
hutte, en disant : « Bergeronnette, nyakansisi, donne-moi de bonnes dents, je t‟envoie celles qui
sont pourries ».

ALLAITEMENT

Sa durée est variable ; si le lait n‟est pas arrêté par une nouvelle conception, le petit enfant pourra
têter à volonté, et à toute heure, parfois jusque deux ans et plus. La maman se soumet trop
facilement aux caprices du petit gourmand. Mais le lait, étant considéré comme simple boisson, il
faut nourrir l‟enfant. A peine né, on lui préparera une bouillie claire à base de sorgho, et bon gré
mal gré, le petit doit l‟ingurgiter. Pour cela, la mère met l‟enfant sur ses genoux, l‟adosse contre sa
poitrine, puis elle lui met sous la bouche sa main en forme d‟écuelle, y verse la bouillie… et il faut
que ça rentre. La maman couvre son petit enfant de caresses, de baisers et les voisines y prennent
largement leur part. Le papa est moins sentimental surtout pour le deuxième ou autres enfants. Le
petit enfant ne quitte guère sa mère. Doit-elle s‟absenter pour aller au marché éloigné, le papa
prendra soin de lui, il le portera même lié sur le dos tout comme la maman. L‟hygiène est
malheureusement inconnue. Les parents ne songent pas à précautionner leur bébé contre les
courants d‟air, le froid succédant au chaud ; aussi les maladies de poitrine sont-elles très
fréquentes ; elles enlèvent la grande majorité des enfants dans leur bas âge. Il est vrai qu‟en plein
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soleil comme en pleine pluie, la mère protège de son mieux son enfant. La conduite des parents
envers les nouveaux-nés, est presque toujours la même, la mère surtout ne fait pas de distinction. Il
en va différemment quand l‟enfant est devenu grandelet. Une petite fille est mieux soignée qu‟un
garçon, elle représente une valeur pour la famille, un capital de réserve. L‟aîné des garçons est
également choyé, car il doit être l‟héritier, le futur chef de la famille, chargé de sacrifier aux
ancêtres. Quant aux autres garçonnets, ils sont assez vite livrés à eux-mêmes, s‟ils ne sont pas
positivement rejetés, et condamnés à vivre des miettes qui tombent de la table de leurs frères et
sœurs.

L‟enfant appartient de droit au vrai père, et à son défaut à son héritier. Sans doute, le mari s‟est
« procuré » une femme contre une redevance, et l‟enfant semblerait devoir être le paiement naturel
de la doit puisque celle-ci retourne au père de la femme si elle meurt avant d‟avoir engendré ; le
mari devrait donc pouvoir revendiquer comme sien l‟enfant né de sa femme. Et cependant il n‟en
est rien. L‟enfant revient toujours de droit à l‟homme qui a fécondé la femme, même si le
fécondant n‟est pas le mari. C‟est ainsi que le produit de l‟adultère ou de la fornication appartient à
l‟homme, jamais à la femme. Mais lorsque le père naturel est inconnu, ses droits reviennent au
mari actuel ou futur de la mère. Soit le cas d‟un soldat de passage, qui a abusé d‟une femme et lui
a donné une fille : c‟est le mari actuel ou futur de cette femme qui touchera la dot. Si cette fille a
eu comme père un homme de la tribu, mais non le mari de sa mère, et que cet homme soit connu,
c‟est lui qui touchera la dot, lui qui est donc possesseur de cette fille. Même l‟enfant né d‟une fille-
mère appartient à celui qui a abusé de cette fille.

Je n‟ai jamais entendu dire qu‟on ait tué un enfant mal formé, aveugle ou bossu. Si la mère
mourrait avant que l‟enfant soit sevré, celui-ci ne pourrait être allaité que par sa tante paternelle ;
ou sa grand-mère paternelle. La première femme pourrait donner le sein à l‟enfant de la deuxième
ou troisième femme défunte, mais l‟inverse ne peut avoir lieu. On essayera bien de remplacer le
lait par une bouillie claire, mais le plus souvent, de tels enfants succombent après peu de temps.
Les premiers mois, l‟enfant est porté sur la poitrine de la mère tout contre les seins, suspendu dans
un bout de peau ou d‟étoffe. Un peu plus tard, dès que les époux ont repris leur vie conjugale, il
prendra place sur le dos maternel.

Les JUMEAUX de même sexe sont reçus avec joie, mais non ceux de sexe différent. A la
naissance des jumeaux, le père avec les amis et la parenté, va sur le tas de détritus du village, y
danse, en frappant une houe en guise de cymbale. Chaque mois à la nouvelle lune, cette scène se
renouvellera et la mère y prend part ; les enfants ayant un peu grandi, on ne le fera plus. Les
jumeaux sont promenés aux alentours, exposés aux regards ; les compliments pleuvent, et aussi les
petits cadeaux. Les parents porteront désormais un nom qui rappelle l‟événement : le père
« SHABABIRHI », la mère « NYABABIRHI ». Les noms donnés aux jumeaux sont invariables :
KAKURU pour le premier né, CIRHO pour le deuxième, c‟est-à-dire le grand, le petit. On n‟aime
pas que les jumeaux viennent regarder fabriquer la bière ou cuire la pâte ; leur présence empêche
les bananes de donner leur jus et la farine de faire la polenta. Si on veut punir l‟un des deux, il faut
les punir tous les deux ; si l‟un est mort et que l‟autre soit battu, on battra un morceau de bois à la
place du mort. Dès que l‟enfant commence à parler convenablement, le père invite le devin
(mushakizi) à venir chez lui. Le devin frotte la poitrine de l‟enfant avec des herbes ad hoc, et y fait
une série de scarifications, sur lesquelles il passe et repasse le remède. Le but : éloigner les
mauvais esprits qui seraient tentés de venir molester l‟enfant quand il sera appelé à forte voix par
d‟autres gens. Le devin laisse ensuite au père un remède en forme de farine dont il devra
saupoudrer la tête de l‟enfant, afin que les mauvais esprits n‟arrivent pas chez lui. Si, malgré ces
précautions l‟enfant venait à maigrir ou devenait maladif, c‟est que les mauvais esprits seraient
quand même arrivés jusqu‟à lui. Les parents feraient asseoir l‟enfant sur la litière cirhebo de
Lyangombe pour apaiser les esprits (emandwa) irrités, et le petit devrait s‟abstenir de boire le lait
des « bergers » c‟est-à-dire le collostrum, lait d‟une vache qui vient de vêler. Parfois même les
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parents vont inviter un devin plus célèbre à renouveler les scarifications sur leur enfant et à mettre
le remède qui fera que quiconque cherchera à jeter vers l‟enfant une pierre, une motte, une lance,
un autre objet, aura aussitôt les bras contractés. Le père ira encore voir le devin, et fera jeter les
osselets en faveur de l‟enfant, voulant savoir, s‟il sera riche ou pauvre, s‟il aura une longue ou
courte vie, etc.

69. CAUSES QUI LIMITENT LA POPULATION

La population est-elle en progression, en régression ? Il est bien difficile de le dire, le recensement


complet n‟ayant pas été fait. Tout ce que je puis dire, c‟est que les gains et les reculs ne sont pas
très tangibles, et ne m‟ont pas frappé depuis 24 ans que je suis au Kivu. Sans doute, la mortalité
infantile est énorme, mais aussi les ménages, sans exception, aspirent à une nombreuse progéniture.
Les statistiques des premiers missionnaires du Kivu accusaient 70 % de mortalité infantile ;
actuellement elle est de moins de 60 % ; je m‟en rapporte à des renseignements groupés un peu au
hasard. Mais comme la plupart des femmes âgées ont eu de 6 à 10 enfants, on peut dire qu‟à la
place des pères et mères décédés, arrivent à l‟âge d‟adulte environ 4 fils ou filles, et que malgré
toutes les causes qui peuvent limiter la population, celle-ci est très probablement en progression.
Parmi les causes de limitation, la principale est peut-être la polygamie : en effet le recensement du
31 août 1935 annonçait qu‟un tiers des hommes adultes n‟étaient pas mariés (17.605 sur 52.811).
Sans doute, les femmes le sont presque toutes ; mais un quart d‟entre elles sont supplémentaires, et
comme les femmes des polygames ont en général un quart d‟enfants de moins que les monogames,
il est facile de se rendre compte que la progression est entravée par la polygamie. Sans polygamie,
étant mis à part les maladies et le manque d‟hygiène, la population doublerait en plus ou moins 30
ans ; avec la polygamie, elle n‟aura ce résultat que tous les 45 ans. C‟est une hypothèse qui me
paraît fondée. Il y a aussi à tenir compte des maladies et du manque d‟hygiène. Parmi les
MALADIES, on peut accuser comme spécialement nocives la pneumonie, la pleurésie, la
dysenterie, l‟entérite, la fièvre pernicieuse, la méningite endémique, la grippe, la résorption
purulente à la suite des plaies négligées.
Le grand infanticide reste encore l‟ABSENCE DE TOUTE HYGIENE. Les parents ne songent pas
même à précautionner les petits enfants contre les mouches et les moustiques, contre l‟humidité et
la chaleur. Une mère déposera son bébé sur un sol détrempé, sur une pierre froide, en plein courant
d‟air, au grand soleil, sans y voir le moindre inconvénient. Elle sortira dans la fraîcheur du soir et
du matin avec son enfant en pleine transpiration. Elle couvrira de bouse de vache une plaie
saignante. Elle donnera à boire une eau croupissante ou dans laquelle les vaches ont pataugé. Elle
le couvrira d‟un pagne crasseux et souillé, et ne se préoccupe pas des mouches qui parfois par
centaines, couvrent le corps du petit.
Bref, l‟hygiène la plus élémentaire est hors de sa pensée et de ses connaissances. On a déjà pu
remarquer au n° 66 que dans l‟accouchement même les imprudences les plus graves sont commises
sous prétexte de défense religieuse : la mère accouche sur le sol, parfois sur la terre argileuse ou le
sable, la placenta est souillé et le bébé aussi. Il n‟est donc pas étrange que bien des accouchées y
contractent des fièvres puerpérales, et d‟autres accidents mortels. Nous pourrions encore apporter,
sur l‟actif de la limitation, la SOUS-ALIMENTATION générale des Bashi. Si l‟on fait exception
pour les familles riches qui ont du bétail en quantité et peuvent se payer de la viande et du lait, la
totalité des Bashi souffre de manque d‟aliments gras et de viande (199) ; la plupart ne mange pas
tous les jours à leur faim ; et les moments où la faim les tiraille sont certes plus nombreux que les
jours d‟abondance. La mortalité infantile qui était de 70 % en 1918 était de 45 % en 1936 grâce
aux soins donnés dans les missions, et dans les dispensaires et hôpitaux de l‟Etat et des missions.

70. MOUVEMENT DE LA POPULATION

La question a été vue au N° 69 au début. Il ne sera pas sans intérêt de donner ici la constitution
d‟un village type. Il s‟agit du village de KAJEJE, territoire de Kabare.
47

Ce village comprenait fin 1936 :


51 hommes 64 femmes mariées et 11 veuves : 126
24 jeunes gens 31 petits garçons : 55
9 filles nubiles 24 petites filles : 33
214
Les enfants à la mamelle ne sont pas inclus dans le chiffre. On remarquera que pour 106 hommes
et garçons, il y a 108 femmes et filles. Les statistiques officielles déclaraient fin 1934 pour le
territoire de Kabare 80.546 hommes et 85.037 femmes, tous adultes ; soit 94 % d‟hommes pour
100 femmes. A cette date, on comptait 70.847 garçons et 73.949 filles, soit :
adultes 165.573 (80.546 H. 85.037 F.)
enfants 144.796 (70.847 G. 73.949 F.)
au total sexe masculin 151.383
au total sexe féminin 158.989
excédant du sexe féminin 7.603 sur le sexe masculin.
Il y a 95,2 hommes pour 100 femmes.
On remarquera qu‟il y a moins d‟enfants que d‟adultes, soit dans le village de KAJEJE : 88 enfants
contre 126 adultes, et pour tout le territoire 144.796 enfants contre 165.573 adultes. La raison en
est que très probablement, on n‟a pas tenu compte des enfants à la mamelle, et que de par ailleurs
on a placé parmi les adultes les jeunes gens non mariés.

71. B/ EDUCATION - INITIATION


EDUCATION GENERALE ET PHYSIQUE

Ne demandez pas à nos Bashi comment ils s‟y prennent pour éduquer leurs enfants, ils ne vous
comprendraient pas. Un enfant s‟éduque, se forme lui-même. C‟est vrai pour les enfants civilisés,
c‟est plus vrai encore pour nos petits sauvages. Les adultes leur donneront bien à l‟occasion un
conseil, lui montreront la manière de faire, mais seulement comme en passant, par mode de
réprimande, de moquerie, rarement avec l‟idée de former l‟enfant. Ceci soit dit avant tout pour
l‟éducation physique. Quant à la formation intellectuelle, et surtout à la formation morale, l‟enfant
ne peut pas tout apprendre par la vue et par l‟ouïe ; il écoute donc les enseignements et les conseils
que lui rendront occasionnellement les adultes, et surtout les parents. Il n‟en est pas moins vrai que
tout noir est plus ou moins un « self made man ». Il voit ce que sont et font les adultes, il aspire à
être et à faire un jour comme eux, et rien de plus. Voilà pourquoi les enfants observent et imitent
ce qu‟ils voient faire, le garçon par son père, la fille par sa mère. Le noir est en général très
observateur, et il a un vrai talent d‟imitation et de mimique. C‟est donc de son père qu‟un garçon
apprendra à construire une case, à planter et tailler les bananiers, à fabriquer de la bière, à faire le
métier paternel, à soigner et traire les vaches. C‟est de sa mère que la fille apprendra à cultiver, à
cuire, à battre le beurre, etc. Pour se rendre compte en détail de l‟éducation physique, il faudrait
parcourir tout le chapitre qui traite de la vie matérielle n° 10 à 64. Il est des exercices qui ne
ressortissent pas spécialement de la famille, et sont plutôt du domaine de la communauté, tels que
la danse, l‟adresse au javelot, à l‟arc, etc. A ceux-là encore, les enfants s‟exercent eux-mêmes par
la vue et l‟imitation.

72. EDUCATION INTELLECTUELLE

Ce qui a été dit à propos de l‟éducation physique, doit être répété à fortiori à l‟éducation
intellectuelle. Le noir s‟éduque lui-même, développe tant bien que mal ses facultés intellectuelles.
Tout petit, il observe déjà sa mère, ses frères et sœurs, apprend à s‟exprimer, à connaître la valeur
des mots et des choses ; devenu grandelet, le garçon en fréquentant son père et ses compagnons,
acquiert les connaissances de son état, les premiers éléments du métier et occupations paternels et
des moyens d‟existence. Petit à petit, à force d‟entendre raconter les adultes, il finit par connaître
les légendes folkloriques, les devinettes et proverbes en usage, les formules d‟incantation dont il
48

aura besoin plus tard, les procédés employés pour conjurer l‟action nocive des esprits et pour attirer
leurs faveurs, la politesse indigène, et aussi et surtout l‟art de plaider sa cause et de se tirer d‟affaire
d‟un mauvais pas. Est-il fils de devin ou médecin indigène, il apprendra de son père les recettes,
c‟est-à-dire les plantes médicinales et leur préparation. Il en est de même, mutatis mutandis, pour
la fillette. Elle passe pour ainsi dire toute sa jeunesse à côté de sa mère. C‟est en l‟observant et
l‟aidant qu‟elle finira par connaître tout ce qu‟une femme Mushi doit savoir et qu‟on peut résumer
dans l‟art de savoir contenter son mari, entretenir sa maison, faire son ménage et élever ses enfants.
Tout ce qui regarde la culture, la préparation des aliments sera aussi de son ressort. C‟est de sa
mère ou des parents et amies de sa mère qu‟elle apprendra toute une série de renseignements
propres aux femmes, les légendes, les défenses rituelles, les proverbes, les « imprécations » sans
nombre et aussi les remèdes et panacées habituels en usage dans la famille. Il va sans dire qu‟il n‟y
a ici nulle part une école ou institution quelconque, en dehors des écoles créées par les Européens.

73. EDUCATION MORALE (cf. N° 114)

Les Bashi, au milieu de leurs défauts et de leurs vices, ont conservé un fond de vertus naturelles
véritables. La notion du bien et du mal est loin d‟être éteinte dans leur âme, ainsi que l‟obligation
morale qui en résulte pour la conscience. On peut affirmer que les 10 commandements sont restés
gravés dans leur cœur. Est-ce à dire que les parents et autres adultes se montreront fort préoccupés
de développer ces germes ? La vérité est qu‟ils n‟en ont souci que pour autant que cela pourra leur
apporter des avantages ou leur épargner des désagréments à eux-mêmes. On rencontre des parents
qui pousseront leurs enfants, tantôt au dévergondage, tantôt au vol et au mensonge, quand ils en
espèrent un gain quelconque. On en rencontre d‟autres, et plus nombreux ceux-là, qui sauront à
l‟occasion donner un bon conseil, ou une verte réprimande pour un mal commis. Voilà qui est
pour la morale naturelle. Mais il est une morale régie par la coutume, où le bien et le mal se
qualifient d‟après qu‟on agit selon ou contre la coutume de la tribu. C‟est cette morale qui a donné
naissance aux innombrables « tabous et sanctions rituelles ». Ici la conscience n‟a rien à voir. Sur
ce chapitre, les parents sont moins indifférents et volontiers, ils initient leurs enfants aux articles de
ce code traditionnel. Mais encore ici, c‟est à l‟enfant lui-même que revient surtout « l‟auto-
éducation ». Il voit, écoute, imprime dans sa mémoire les détails permis, exigés ou défendus, et
cela au fur et à mesure des circonstances. Petit à petit son bagage s‟accumule, et grâce à sa grande
facilité de retenir ce qu‟il a une fois perçu, il en arrive assez vite à savoir tout ce que doit connaître
un homme ou une femme de sa race.

74. EDUCATION SPECIALE DES SORCIERS, Etc.

Sera traitée aux N°s 95 Ŕ 122 Ŕ 124 Ŕ 140 Ŕ 119.

75. INITIATION – CIRCONCISION

Voir les N°s 119 Ŕ 122 Ŕ 124 Ŕ 140.

L‟INITIATION proprement dite n‟est pas en usage ni pour les garçons, ni pour les filles, ni à la
puberté, ni au mariage, ni même à la première grossesse. On ne peut appeler de ce nom la
consultation des mânes des ancêtres, voire même celle de Lyangombe. Sans doute, garçons et
filles sont parfois voués à cet esprit, mais les adeptes de Lyangombe ne sont autres qu‟une
association, sorte de société secrète imitée des « IMANDWA » du Rwanda (cf. 119).
49

La CIRCONCISION n‟existe pas pour le garçon ni l‟EXCISION pour la fille.

76. C/ MARIAGE – RAPPORTS ENTRE LES SEXES


EN DEHORS DU MARIAGE

Les parents ne se préoccupent guère de la conduite de leurs enfants au point de vue du plaisir
défendu. C‟est un fait. Ils se tiennent pourtant sur la réserve pour tout le chapitre de « sexto »
devant leurs enfants. Ainsi :
Dès que l‟enfant est en âge de soupçonner seulement le « redere debitume », les parents
s‟abstiennent devant lui. Un enfant presque à l‟âge de raison, « erhi ajira obwenge » vient-il à se
réveiller en temps inopportun, ils mettront tout d‟abord l‟enfant dormir ailleurs. Jamais ils ne
parleront devant lui de leurs relations intimes. Surtout jamais un père ne touchera cette question
devant sa fille un peu grandelette ; il la respecte « akenga mwâli wage », et réciproquement une
fillette n‟oserait rien se permettre devant son père. Pas de plaisanteries déshonnêtes. Une mère
agit de même pour ses enfants, garçons et filles. Le père cependant donnera facilement des
conseils à son fils, la mère à sa fille. Si une fille reçoit d‟un jeune homme le prix de consentement
au busolomi, elle le portera souvent à sa mère, l‟en avertit habituellement, et celle-ci se contentera,
si la fille est nubile, de l‟exhorter à éviter toute maladie honteuse et tout accident. Comme le père
dort souvent à part, à côté de sa vache, surtout quand il a des enfants, la mère garde chez elle ses
enfants en bas âge, tant qu‟ils ne sont pas à l‟âge des passions, garçons et filles ; ils se couchent
dans des nattes séparées, à moins qu‟ils ne soient tout petits. Les filles dorment habituellement
près de leur mère. A l‟âge des passions, ils sont séparés. Les filles reçoivent une hutte placée
devant la case de la famille, les garçons s‟en construisent une en arrière. Ils y dorment à 2 ou 3, y
appellent volontiers des enfants du voisinage. Si les garçons ou filles commencent à « courir », ils
ont leur hutte à part (voir ci-après : dévergondage). Les garçonnets entre eux ne se privent pas de
paroles grivoises, mais ils ne se livrent guère à la maison à des mauvais jeux entre eux. Les
fillettes chez elles font de même. Les garçons ne se souillent guère avec d‟autres, et le vice
solitaire est peu fréquent. Les filles se montrent moins réservées, le « kulerha nshungé » est assez
fréquent. La BESTIALITE est inconnue. On cite pour tout le pays un seul cas, celui d‟un petit
berger ; qui fut ensuite honnis de tous. La SODOMIE n‟est pas connue du tout.

KUSHINA MISHINO. Ce qui est très fréquent parmi les filles, petites et grandes, c‟est le kushina
mishino. Couchée sur le dos, la tête appuyée contre un obstacle, p.e. une charge de bois, et chaque
main étant préalablement saupoudrée avec de l‟écume de bière et avec une pâte faite d‟une chauve-
souris réduite en cendres, manibus infra crura ductis, labia minora digitis protrahunt ut paulo
longiera evadent et exterius appareant, quam adaptattionem corporis ommino necassariam putant
ad foetum concipiendum. Elles répètent cette action deux fois au moins la semaine et nonnunquam
puerullos invitant ut protrahent. Elles pratiquent cela surtout quand elles vont au bois et qu‟elles
sont plusieurs ensemble ; les grandes enseignent les petites. Il semble qu‟elles n‟y voient pas trop
de mal. Le kushina semble cependant réellement mauvais en pratique. La femme demande de le
debitum par un tremblement du corps (kutwabana). Elle s‟y est d‟ailleurs exercée étant encore
petite, parce que ne pas savoir le faire convenablement peut devenir une cause de répudiation.
Puella, ut exporiat se ad actum conjugalem aptam esse, baginam intra (nanna erhi omuntinda erhi
ebyubi bya kubukubu nka mulume wage (introducit. Insuper putat infantem nasciturum e claustro
exire non posse nisi janua satis larga sit. La mère n‟intervient en tout ceci que par ses conseils. Il
arrive qu‟un jeune homme qui courtise une jeune fille et dont la demande a été agréée par le père,
prenne déjà chez lui sa future épouse. Dans ce cas, il doit porter chez son futur beau-père de temps
à autre, un cadeau : bière, perles, francs, etc. A noter aussi la croyance aux « ENFULAGO ». Un
garçon se montre très mauvais fils ; il refuse à ses parents malades d‟aller couper du bois, de puiser
de l‟eau, de cuire leur nourriture, etc. Ses parents en mourrant le maudissent (kuheherera). La
malédiction, croit-on, aura pour effet que jamais il ne pourra vivre heureux en ménage ni avoir des
enfants. La femme qu‟il prendra en mariage le quittera après quelques jours sous le moindre
50

prétexte. Il en sera de même de toute autre qu‟il prendrait. Bien plus, lui-même se sentira mal à
l‟aise en ménage et quittera sa femme pour chercher fortune ailleurs. Il devient vagabond, méprisé
de tous. Voit-on un homme malheureux dès son premier mariage errant partout, à coup sûr il est
« enfulago », maudit. Même avant d‟arriver à se mettre en ménage, s‟il ne grandit pas
normalement, s‟il tarde à devenir homme-fait, il ne peut être qu‟un maudit. Tel le cas de Nkumbi,
jeune homme d‟allure enfantine que j‟ai connu jadis. Il paraissait avoir 12 ans et en avait au moins
25. On rencontre bon nombre de VIEUX GARCONS qui, faute de vache, ne peuvent se marier.
Ils ne vivent évidemment pas dans la continence, mais s‟abouchent avec les filles ou les femmes
mariées à chaque occasion. Les biens qu‟ils peuvent se procurer sont tous engloutis dans ce
commerce louche. Tel ce vieux vendeur de nattes, Luhinzo, qui vécut successivement avec les
trois filles de Burhanda, sans compter les autres.
Les PROSTITUEES (bishungu) proprement dites sont inconnues. On trouve seulement des
femmes qui ne peuvent rester avec leur mari. Après quelques semaines, quelques mois au plus, de
vie commune, elles se font ramasser par un deuxième, un troisième, un quatrième mari. Telle la
fille de Nyamutonga qui, en deux ans, avait eu neuf maris. On rencontre des veuves qui refusent
de se remarier, mais qui admettent chez elles le premier venu contre une redevance déterminée.
Celles-ci, comme les précédentes, sont désignées sous le nom de BISHUNGU.
Les FILLES DE CHEF ne peuvent se livrer au dévergondage « kusoloma ». Elles sont toujours
sous la surveillance d‟une jeune fille, leur servante, leur mujanyere, qui dort près d‟elles. Si un
homme rendait enceinte une fille de chef, il serait percé de la lance.
Les FILS DE CHEF peuvent kusoloma, mais s‟ils rendent une jeune fille enceinte, ils perdent leur
« bukulu », ils ne sont plus rien. Quand un jeune homme, en fréquentant une jeune fille, a pu
prouver qu‟il est apte à fonder un foyer, celle-ci le raconte à ses compagnes. C‟est toujours bon à
savoir.

NTAZI (sg. lurhazi).


Les ntazi sont des hommes qui se comportent comme des femmes. Ils en prennent la voix, la
démarche et surtout l‟habit : peau de vache aux reins et bracelets herbes aux bras. Ils paient des
hommes, des jeunes gens ou des garçons pour se livrer à eux comme un époux à son épouse. Ils
aiment surtout à débaucher de petits garçons à figure de fillette, et dès que ces enfants ont atteint
l‟âge de la virilité, ils les poussent à se faire initier chez les « imandwa », et se font alors leurs
parrains. Ceci prouve que les ntazi sont voués à Lyangombe. Les ntazi pourraient bien n‟être
qu‟une société secrète de sorciers, de lanceurs de maléfices, ou de devins, affiliés à la secte des
imandwa. En effet, ils offrent des sacrifices à Lyangombe, génie bienfaisant pour ses adeptes et
malfaisant pour les non-initiés. Or les sorciers ont précisément la prétention de capter les génies ou
mânes malfaisants pour nuire. De plus, d‟après le R.P. Vanderburght, les sorciers, qu‟il appelle
« baswazi » sont ceux qui « coîtum habent ».
Les Fangs du Congo Français désignent souvent les sorciers, ou tout au moins une catégorie de
sorciers sous un nom absolument équivalent, beziia, ceux qui sont pollués, dont le verbe racine est
e-zii, forniquer ; ce qui tendrait bien à indiquer l‟universalité de cette coutume. La pollution
solitaire, puis mutuelle, est une condition de l‟initiation (totem chez les Fangs). Enfin, c‟est un
besoin de ces hommes néfastes de se faire des compagnons de débauche, et on les voit parfois
abandonner pour cette passion femme et enfants. Evidemment il y a ici plus que simple passion.
Ne serait-ce pas la contrefaçon ou plutôt le contre-pied de la confrérie des imandwa, voués à
Lyangombe, les sorciers se dressant toujours par leur art magique contre la religion et son culte,
comme la franc-maçonnerie se dresse contre toutes les religions positives.

KUSOLOMA ou dévergondage de la jeunesse.


Dès que les garçons et les filles deviennent un peu grands, ils se livrent à peu près tous au plaisir de
la chair. Les parents n‟initient pas leurs enfants, ils ne les y poussent pas en règle générale, mais
ils se montrent complaisants, laissent faire leurs enfants, veillant seulement à ce qu‟il n‟y ait pas
« d‟accident ». Il arrive cependant que le père se montre plus que complaisant et qu‟il pousse son
51

fils à aller s‟amuser, lui donnant même de quoi payer la fille. Le garçon se met en quête d‟une fille
avec laquelle il pourra s‟amuser. Celle-ci se rencontre à tous les coins des sentiers. Quelques mots
de part et d‟autre et l‟accord est conclu. Ils vont se retrouver tous les 2, 3 ou 4 jours à un endroit
déterminé. Le garçon donne à la fille son cadeau ou mieux le prix de location, car au fond la fille
se livre contre une redevance ; elle y trouve son profit et son plaisir. Cette redevance varie : c‟est
du beurre pour sa toilette, des tresses pour ses reins, des perles pour orner son cou ou pour acheter
des vivres. Souvent la fille remet les perles à sa mère et celle-ci se montre alors plus empressée
pour donner à sa fille de temps à autre une polenta « pour l‟ami ». Le garçon va trouver son amie
au moment convenu, mais plus souvent encore c‟est la fille qui va trouver l‟ami. Et ne croyez pas
que cette fille soit toujours nubile, qu‟elle ait nécessairement eu ses règles. Au contraire, les
garçons recherchent de préférence des filles non nubiles ; il y a moins de danger d‟avoir un
« accident ». Entre-eux tout est permis hormis la copula perfecta. Les parents mettent leurs
enfants en garde, car si la fille devait concevoir ce serait un malheur pour les deux familles. En
effet, si la fille devenait enceinte, le père du garçon et le père de la fille devraient renvoyer les deux
mères ; parce que, s‟ils continuaient à avoir ensemble leurs relations conjugales, ils seraient tabous
et seraient atteints d‟hydropisie. La fille elle-même doit être libérée de sa faute. Pour cela, au pays
de Nyangezi, on l‟envoie dans une contrée voisine, au Muhungu, chez les Bafulero, et là elle fait la
fornication, ce qui enlève le malheur qui la menace. Après cela elle peut revenir, mais souvent elle
y reste jusqu‟après la naissance de son enfant. A Katana, une fille mère qui est prise par un homme
vit avec lui pendant plus ou moins deux mois, après quoi elle envoie chez ses parents un « ugali »,
preuve qu‟elle consent au mariage. C‟est le « MUHUMIRO ». Aucune autre cérémonie n‟a lieu.
Si les parents remarquent que la fille est enceinte, ils peuvent conjurer le malheur dont il vient
d‟être question en pariant celle-ci avant que la faute ne soit devenue publique. Le jeune homme et
la jeune fille déjà grands ont ordinairement leur hutte à proximité de celle des parents, à l‟intérieur
de l‟enclos. Cela facilite d‟ailleurs leurs rencontres nocturnes. Ceux qui sont trop pauvres pour
avoir une hutte autre que celle de leurs parents, se donnent rendez-vous dans les herbes ou dans les
bananeraies. La complaisance des parents n‟est pas absolument générale ; on rencontre des pères
et des mères qui défendent à leurs enfants le « concubinage », mais c‟est l‟exception. Je ne parle
en tout ceci que des familles païennes, c‟est évident. Le premier enfant né d‟une fille-mère n‟est
pas condamné ; mais si un deuxième venait à voir le jour, il serait tué et jeté aux chiens. Il est vrai
que cette coutume a disparu actuellement.
Les FILS DES CHEFS, en se livrant au kusoloma, ne font que des jeux de mains inconvenants.
Par contre, ils peuvent à volonté user de toute femme mariée, veuve ou non. Les femmes
recherchent ces relations, les maris n‟oseraient pas s‟en montrer jaloux ; c‟est que si un enfant
naissait de ce commerce, cet enfant serait muluzi, et la mère elle-même serait considérée comme
ayant donné le jour à un fils de chef. Tel est le cas de la mère actuelle de Ngweshe et Nyangezi.

77. FIANCAILLES

Il n‟y a pas d‟âge déterminé pour les fiançailles. La jeune fille est habituellement nubile, parfois
elle ne l‟est pas encore ; le jeune homme cherche le mariage dès qu‟il a une vache. Assez souvent
il est déjà homme-fait depuis longtemps, mais parfois aussi, surtout parmi les gens de la classe
aisée, il est encore assez jeune mais déjà « potens ». Il est guidé dans son choix, par l‟envie d‟avoir
une femme ; la beauté esthétique y intervient pour une minime part ; il cherche surtout à avoir une
femme qui aime le travail et ne soit pas trop disputeuse, une femme qui satisfera assez bien ses
caprices, car pour lui c‟est en somme une servante, qui doit lui rapporter l‟intérêt de son capital
c‟est-à-dire la dot, et lui donner des enfants, préparer sa nourriture, etc. Les fiançailles sont
généralement d‟assez courte durée, le temps pour le jeune homme de se procurer les accessoires de
la dot. S‟aiment-ils réellement ? Cela arrive assez souvent, mais aussi l‟intérêt est fréquemment le
vrai mobile du mariage ; car au fond, le noir ne s‟aime que lui-même. Si le fiancé venait à mourir
avant le mariage, la future s‟en consolerait assez vite, et attendrait son futur prétendant, sans autre
forme de procès.
52

Voici d‟ailleurs la CEREMONIE DES FIANCAILLES.

1. ACCORD AVEC LA FILLE. Le garçon qui veut prendre femme et qui se sait en état de
fonder un foyer, en avertit son propre père. S‟il reçoit permission, le père l‟aide autant que
possible. Le garçon ira donc à la fille de son choix, et après quelques entretiens avec elle et
après avoir acquis la conviction qu‟elle le désire il lui posera la question du mariage. C‟est le
préambule, le « kurhiza ». Si le garçon était en possession d‟une vache, il pourrait agir de lui-
même ; il pourrait même à la rigueur se passer du consentement de son père. Il est rare qu‟il le
fasse. Il arrive aussi que le garçon aille traiter directement avec les parents de la fille ou mieux
avec le père seul, sans en causer d‟abord à la fille. C‟est le cas où celle-ci serait encore petite-
fille, ou qu‟il craindrait d‟essuyer un refus de sa part.

2. ACCORD AVEC LES PARENTS DE LA FILLE (OBUSHEBANE). Sûr d‟être agréé par la
fille, le prétendant députe d‟abord un ami, un homme marié, le plus souvent un oncle paternel,
pour manifester son désir aux parents de la fille. Il pourrait même accompagner, mais alors il
n‟assisterait qu‟en simple spectateur. Son père, lui, pourrait à la rigueur lui rendre ce service.
L‟ami député doit toujours être un homme marié, un mushamuka. Rarement il fera lui-même la
démarche. Le député se munit d‟une jarre de bière de bananes et entame sur le champ le sujet
qui l‟amène. « Un tel, dit-il, aime votre fille et elle l‟aime ; il a de quoi payer la dot.
Consentez-vous à la lui livrer comme épouse ? » On discute, on finit par convenir du prix. Ce
prix est ordinairement une vache, un taurillon et 4 moutons ; l‟accord est conclu, et l‟on
convient de préparer le mariage de part et d‟autre. Dès le lendemain, le père de la fille envoie
un homme marié contrôler la nature de la dot c‟est-à-dire voir avant tout si la vache répond à la
description faite par l‟envoyé du jeune-homme. Là encore, une jarre de bière facilitera les
pourparlers. Sur un rapport favorable, le père de la jeune-fille acceptera définitivement le
contrat. Désormais le garçon peut considérer la fille comme sienne : « amushebire » il l‟a
fiancée. Il en informera lui-même la fille et lui portera ou lui fera porter son salut, son
« ndamuso ». Si la jeune fille répond au salut, c‟est bon signe ; si elle prenait le devant, ce
serait le « noc plus ultra ». Avec le salut est offert un petit cadeau de quelques colliers de
perles. La fille doit s‟en montrer contente. Elle est désormais « ngereke » fiancée. L‟envoyé
du père de la fille pourrait prendre l‟un des moutons qu‟il est allé inspecter et le remettrait au
père. C‟est le mouton appelé « cibuzi ca kaheko » le mouton d‟enlèvement ou de livraison. A
partir de ce jour, si le mariage tarde quelque peu, la jeune-fille fait à son futur des envois de
vivres de temps à autre, selon ses caprices. Le fiancé ira causer dans la famille, se montrera
respectueux envers son futur beau-père ; mais ne dira mot à sa future belle-mère. Le
consentement de la fille est toujours plus ou moins requis. Je dis : plus ou moins, car bien des
filles sont prises en mariage par un jeune homme moins offrant, malgré la répugnance
personnelle du père. Tel le cas de Mazino qui acquit par une seule vache M‟Kahogera, alors
que deux autres prétendants avaient offert chacun deux vaches, et cela parce que la jeune fille
préférait ce jeune homme. Les parents savent très bien qu‟une pression trop forte ferait de leur
fille une épouse infidèle, sinon coureuse. On peut donc dire en règle générale que le
consentement de la jeune fille entre en ligne de compte. C‟est pour cela sans doute que le mot
employé pour traduire fiançailles inclut l‟idée de réciprocité « okushebana » = se prendre l‟un
l‟autre comme fiancés. Il arrive qu‟un garçon, trop jeune pour se marier de suite, s‟entende
avec une fillette touchant leur futur mariage. Le garçon prévient le père de sa future épouse.
Dès ce jour, il enverra au père des petits cadeaux : perles, houe, étoffe, etc. Celui-ci en dispose
à son gré. Toutefois si ce pseudo-contrat un jour était brisé, le garçon aurait droit de reprendre
ce qu‟il a donné. Ce contrat est différent de celui du « busolomi » ou contrat de concubinage
(76), lequel exclut en principe le mariage subséquent. Un jeune homme ou un homme marié
peut aussi se réserver une fille en bas âge. Il enverra, lui également, des cadeaux de temps à
autre à la famille de la fillette. J‟ai dit que le jeune-homme s‟entend avec le père de la fille. Si
celle-ci n‟a plus de père, le prétendant traite avec son tuteur, qui est l‟héritier régulier du père
53

c‟est-à-dire avec le fils aîné, ou l‟oncle paternel voire même avec le chef du pays, tuteur en
droit de toute fille dépourvue de tuteur naturel. Si le tuteur était encore trop petit, l‟oncle
paternel ou le chef prendrait provisoirement sa place, quitte à remettre au tuteur devenu grand,
tous les cadeaux reçus. Si une fille à marier a suivi sa mère dans un autre ménage, p. ex. si sa
mère est divorcée de son père, les cadeaux doivent aller au père naturel de la fille, mais le mari
de sa mère aurait droit à une part, c‟est du père naturel qu‟il faut attendre le consentement au
mariage. Il arrive que les parents du jeune homme veulent consolider le contrat des fiançailles.
Dans ce but, ils le feront en présence du chef du pays ; le contrat en sera rendu plus stable.

3. CONSULTATION DES ANCETRES. Mais pour un acte si important de la vie, il est


nécessaire de consulter les ancêtres de la famille. Le père du garçon et celui de la fille iront
donc chacun de son côté interroger le devin, pour savoir si ce mariage est agréé par les esprits
tutélaires, s‟il sera heureux et fécond. Généralement, ils ne se contentent pas de la simple
divination ; ils recourront aux sacrifices proprement dits, voire même, pour la fille, au sacrifice
au célèbre muzimu « Lyangombe ».

SACRIFICE DANS LA FAMILLE DU FIANCE. Ce sacrifice a lieu dans la maison de la mère. Y


assistent le père, la mère, le député et le fiancé. Si le père était veuf, le sacrifice n‟aurait pas lieu.
L‟assistance est accroupie au milieu de la hutte, sur le côté est placé un petit pot de bière. Le père
y trempe le tube à aspirer la bière (musiho), en asperge la cabane ; puis il aspire une gorgée qu‟il
crache sur l‟assistance. Il est alors possédé par l‟âme de son père à lui, ou mieux par l‟esprit des
ancêtres. Il est devenu esprit, c‟est-à-dire que sa personnalité a fait place à celle de son père
défunt. Le député lui dit alors : « Tu sais que ton fils veut prendre femme ? Ŕ Je le sais Ŕ La
connais-tu ? Ŕ Oui, c‟est une telle Ŕ Peut-il la prendre comme épouse ? Ŕ Oui, et il peut aller la
chercher en suivant tel itinéraire ». Le père possédé à ce moment tend les bras en l‟air, pousse un
soupir, l‟âme de l‟ancêtre sort par la bouche, le père est redevenu simple mortel, le sacrifice est
terminé. Si le père de la fille n‟avait pas encore fait prendre le mouton « kaheko » le député du
fiancé partirait sans tarder le porter à la famille de la fiancée, avec une cruche de bière. A partir de
ce moment les parents des deux futurs époux doivent observer la continence jusqu‟à ce que la
nouvelle épouse ait offert à son père et son beau-père un repas chaud.

SACRIFICE DANS LA FAMILLE DE LA FIANCEE.


SACRIFICE A LYANGOMBE : Comme la fille a le plus souvent été vouée à Lyangombe dans la
secte des imandwa (v. N° 117 fin), il est nécessaire d‟abord d‟obtenir la bénédiction de ce grand
« muzimu » par un sacrifice en règle. Le père, la mère, deux amis de la fiancée vont avec de la
bière au pied d‟un arbre appelé « mulinzi » (gardien) ; cet arbre est celui-là même où la fille a été
vouée et où elle a subi la cérémonie de l‟initiation. Elle s‟y assied sur un petit siège adossé contre
l‟arbre. A ce moment, elle est saisie par le génie de Lyangombe. Elle prend alors une gorgée de
bière qu‟elle crache contre l‟arbre, puis une autre qu‟elle lance sur les assistants. Les parents et
amis lui font leur prière, pour eux-mêmes, sans doute, mais surtout pour la fiancée, cherchant à lui
obtenir de Lyangombe bonheur et fécondité. Le muzimu promet tout. A ce moment la fille revient
à elle et l‟on rentre au logis.

VARIANTE
Ailleurs ce n‟est pas la fille qui est possédée par le génie Lyangombe, mais la mère. Alors, celle-ci
prend d‟une main un grand coutelas et de l‟autre la spatule qui sert à préparer la pâte. Sa fille vient
la saluer en silence. Pendant ce temps, le père armé d‟une lance appelée pour le moment la lance
de Binego (génie ami de Lyangombe) asperge sa fille d‟une eau lustrale composée d‟eau et de
kaolin blanc, dans le but d‟attirer sur elle une heureuse fécondité. Puis pour arrêter l‟action nocive
des « mauvais esprits », la fille et toutes ses compagnes foulent du pied la petite pierre qui doit
servir à moudre la farine. Actuellement un bon nombre de jeunes filles refusent de se laisser initier
à la secte des Imandwa. Elles n‟auront donc pas à faire ce sacrifice avant le mariage.
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SACRIFICE AUX ANCETRES. Ce sacrifice a lieu dans la maison de la mère, dès que le député
du jeune homme est arrivé avec le cadeau kaheko. Cette bête est tuée, déposée, la viande est
placée dans la hutte. Près du lit est mis un petit pot tout plein de bière en fermentation. A
l‟intérieur, sont accroupis : le père, la mère et le député de la fille. Le député du jeune homme se
tient dehors et attend. Le père observe le ferment : s‟il coule du côté du lit c‟est-à-dire là où
dorment les enfants non encore sevrés (lusika) ou bien du côté opposé (nyasi) où dorment les
enfants déjà sevrés, c‟est signe d‟une heureuse fécondité ; s‟il va du côté où les enfants ne dorment
pas, c‟est signe de stérilité. Dans le premier cas, le député du garçon est averti qu‟il pourra
emmener la fiancée ; dans le cas contraire il est éconduit.
Après cette consultation a lieu le sacrifice proprement dit : le père de la fille fait l‟aspersion et se
fait posséder comme il a été dit ci-dessus ; il bénit l‟assistance. Puis la mère et le député font leur
prière pour la fille. Le père possédé promet bonheur et fécondité ; il leur crache dessus un peu de
bière. Le député lui dit : « Nous avons rencontré un homme qui veut ta fille, nous ne voulons pas
la lui céder sans ta permission, donne-la lui ». Alors le député coupe en morceaux la chair du
mouton, la montre au père possédé, puis fait entrer la fille, la lui présente aussi. Le père aspire une
gorgée de bière qu‟il lance sur la face et la poitrine de sa fille, lui présente le tuyau musiho et lui
dit : « Bois ». La fiancée suce une gorgée de bière. Pendant qu‟elle boit, le père lui dit : « Ma fille,
voici le remède, que les mânes soient bénis, mais là où tu iras, va m‟y engendrer des enfants ».
C‟est l‟adieu suprême de la famille. La fille reçoit ensuite le foie du mouton, qu‟elle va de suite
manger avec sa paranymphe. A ce moment, le père reprend ses sens. Le député du jeune-homme
est alors appelé dans la hutte du père, reçoit une cuisse du mouton, de la bière, et mange avec le
père. La fille recevra l‟autre cuisse, qu‟elle portera à la demeure de son futur. Tout est fini, il ne
reste qu‟à partir au plus tôt. Et pour activer ce départ, on a imaginé une défense rituelle. La
fiancée aurait danger à rester au logis, car si par mégarde elle venait à écraser du pied un crottin du
mouton kaheko, elle serait vouée à une stérilité incurable. Quelquefois on se sert d‟une eau lustrale
dans laquelle sont trempées des branches de ficus (mutudu) et non point de bière. Le père possédé
en asperge au moyen des branches : la hutte, l‟assistance et sa fille. C‟est lorsque le père est
membre de la secte Imandwa, et a le pouvoir de se faire posséder par Lyangombe. Dans ce cas, le
député sera lui aussi possédé, ainsi que la mère. L‟un par l‟esprit Binego, l‟autre par
Nyirakajumba, épouse de Lyangombe.

VIRGINITE – DUREE

La virginité ? Mais le mot lui-même n‟est pas connu ; ce qui indique qu‟on ne s‟en préoccupe
guère. D‟ailleurs, la coutume du kusoloma n‟est pas de nature à y faire attacher c‟est que la jeune
fille, n‟ait pas été enceinte ; car, dès qu‟elle a eu « un accident », elle perd presque toute sa valeur
« marchande », à l‟encontre d‟une veuve qui ne sera donnée en mariage que contre la redevance
d‟une vache.

78. NATURE DU MARIAGE

La fiancée, on l‟a vu, est livrée par ses parents contre la redevance coutumière ou dot. Est-ce un
achat ? Est-ce une location ou un autre contrat ? Le père cède sa fille « pour être mariée » et
trouve à cette cession une compensation en recevant du mari une vache (dot) et des cadeaux.
Cependant le RAPT (mwîrhero) est pratiqué, et était relativement fréquent jadis ; actuellement il
tend à disparaître. Le rapt « physique » c‟est-à-dire l‟enlèvement de la jeune fille avec le secours
des amis, est rare, surtout si la jeune fille n‟est pas de connivence. On pratique plutôt le rapt
« moral ». Pour cela, il suffit de couper par surprise un bout de l‟habit de la fille convoitée ; celle-
ci « doit » suivre sans retard le jeune homme et cohabiter avec lui au moins quelques jours, et cela
sous peine de subir la vengeance des mânes, vengeance qui l‟atteindra infailliblement, elle et ses
parents. Ces derniers n‟oseraient pas s‟y opposer, et forceraient même la jeune fille à aller
55

cohabiter. Il est vrai qu‟après quelques jours elle pourrait rentrer au foyer familial mais comme
cette cohabitation l‟a rendue femme « mukazi », le plus souvent elle restera chez son ravisseur
assez longtemps. Parfois le prétendant s‟y prend autrement. Il tresse quelques pailles en long ou
en rond, les dépose secrètement sur le seuil ou le linteau de la porte de la jeune fille ; si elle y
passe, elle est à lui coûte que coûte, comme il est dit ci-dessus. Enlever par rapt se dit
« kubakula ». Si la fille revient chez ses parents, le ravisseur n‟est tenu à aucune redevance, car
elle a enlevé le « muziro » les suites de la défense rituelle ; et cela suffit à la famille. Si elle reste
chez lui, celui-ci versera la dot, et les cérémonies du mariage auront lieu comme de coutume. J‟ai
néanmoins connu le cas d‟une fille ravie, qui resta chez son ravisseur, en eut des enfants, sans
livraison de dot. C‟est que la fille avait consenti, que le ravisseur n‟avait pas de vache, et que le
beau-père n‟avait pas urgé.

Il faut reconnaître que lors du mariage, il n‟y a PAS D‟ACHAT proprement dit ; qui dit achat, dit
acquisition pure et simple, donc propriété. Un objet qui appartient en propre, peut être échangé,
vendu, détruit. Or le mari n‟a sur sa femme aucun de ces pouvoirs. La femme n‟est pas esclave et
garde sa liberté. Il suffit pour s‟en rendre compte de relire comment se font les fiançailles et le
mariage (cf. 77 Ŕ 79 Ŕ 80). Il n‟y a pas non plus simple location.
Mais examinons de plus près le mariage indigène. Un instinct naturel pousse l‟homme vers la
femme en vue de la génération, Dieu l‟y a mis. « C‟est pourquoi l‟homme quittera son père et sa
femme, et il adhérera à sa femme, et ils seront deux en une seule chair ». L‟homme tend donc vers
la femme et v.v. par un attrait, un amour sensible pour la femme, et un attrait, un amour sensible
vers les enfants à naître. L‟attrait en général pour la femme est stable, l‟attrait pour telle femme est
caduc. L‟attrait pour l‟enfant reste stable, dès que l‟enfant est né. Le mariage est ce double attrait
sanctionné par un contrat, c‟est-à-dire que l‟homme et la femme conviennent de procréer et pour
cela ils se donnent mutuellement « jus ad copulam », l‟un à l‟autre exclusivement. Puisque le
mariage est un contrat, il faut essentiellement qu‟il y ait :
1. Consentement réciproque, libre, interne, manifesté extérieurement
2. Un objet : qui est « jus ad copulam »
3. Entre personnes aptes à contracter.

Ceci donné, examinons le mariage des Bashi.


- Y a-t-il consentement valide ? Oui, en général. Du côté de l‟homme c‟est évident. Du côté de
la fille ? Oui encore.

Sans doute souvent c‟est son père qui arrange le mariage, parfois presque sans consulter sa fille.
(Je dis presque, car à peu près toujours, il lui demande de consentir) et la crainte révérencielle la
force plus ou moins à donner le consentement à cet arrangement, mais au fond la fille, à cause de
son attrait vers l‟homme et vers les enfants à naître, à cause aussi qu‟elle veut se marier sans retard,
finit par consentir. Son consentement se manifeste parce qu‟elle laisse tout préparer pour le
mariage sans protester, qu‟elle se soumet à toutes les cérémonies, qu‟elle accepte le copula, qu‟elle
reste avec son mari. Lors même qu‟au fond du cœur, elle en aurait voulu un autre peut-être, elle
accepte le fait et veut du mari que son père lui donne.
On ne peut pas dire que la crainte de son père peut rendre son consentement invalide. Pour cela il
faut que cette crainte lui enlève la faculté de délibérer, lui enlève donc la liberté ; tout au plus y a-t-
il crainte relative, qui diminue sa liberté, mais ne l‟enlève pas et la pression du père ne porte pas
sur le consentement proprement dit. Le père ne lui dit pas : « Consens, ou je te ferai sentir ma
colère » ; cela s‟est vu peut-être, mais c‟est très exceptionnel. Donc la fille se marie librement dans
presque tous les cas. Voilà pour le mariage lui-même, le contrat des époux vu en lui-même
touchant le jus ad copulam.
Mais voilà, une des conditions requises habituellement à ce contrat c‟est le paiement d‟une dot de
la part de l‟homme à verser au père de la fille. Cette dot n‟est pas du tout l‟objet essentiel du
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contrat ; cet objet est le « jus ad capulam ». Elle n‟en est que l‟objet accidentel, la condition sine
qua non, ici au Bushi.
Mais la fille soumet elle son consentement du ad « jus ad copulam » à la condition de la livraison
de la dot ? Cette condition est à l‟état latent en elle ; elle ne dit rien, elle n‟est certainement pas
exprimée publiquement. Elle ne dit pas « c‟est entendu, je consens mais à la condition que tu
donneras à mon père la dot ». On doit donc considérer le contrat matrimonial valide, même si la
dot n‟est pas livrée, soit parce que la dot périt avant la livraison (qui se fait après le mariage), soit
parce que le père de la fille la refuse après coup. Le garçon a voulu la donner, la fille a cru qu‟il
allait la donner, elle n‟a pas été donnée ; c‟est accidentel par rapport au premier consentement. On
peut donc admettre l‟existence du mariage même sans livraison de la dot. Et de fait, il y a des
mariages sans dot, même entre jeunes gens non mariés d‟abord.
Mais il faut considérer dans les mariages des Bashi un deuxième contrat, une convention du jeune
homme avec le père de la future épouse, contrat qui, tout en laissant intact le mariage lui-même, en
est comme une garantie, une condition de stabilité, et ce 2e contrat a pour objet essentiel la dot (la
vache). Examinons donc le contrat accessoire entre le futur mari et son beau-père. Est-ce un
contrat de vente ou de location ? ou un contrat mutuel onéreux ?
1) Pas un contrat de vente. D‟ailleurs il n‟y a aucune parité possible entre une vache et une
femme libre. Et de plus qui dit vente dit libre disposition, pleine propriété de l‟objet acquis,
et ce n‟est pas le cas du mari envers sa femme, ni même celle du père de la femme envers la
vache, puisqu‟il peut devoir la rendre.
2) Pas de location. La fille n‟est pas la propriété de son père dont il fait tout ce qu‟il veut ; il ne
peut ni la vendre, ni la détruire, ni la tuer, ni en disposer ad nutum.
3) Est-ce un contrat mutuel onéreux ? Il semble que oui. Le père sans avoir la propriété réelle
de sa fille libre, a cependant sur elle des droits. Elle travaille pour lui, l‟assiste, etc.
Or, il peut, tout en respectant la liberté de sa fille, au mariage, céder ses droits contre une
redevance, et c‟est ce qu‟il fait en exigeant du mari une vache ; et quand la femme meurt après
avoir laissé à son mari un enfant vivant, la vache reste acquise au beau-père. Il est remarquable
que le mot dot se dise « ishigi » - clientèle. C‟est comme si la vache était le symbole par lequel le
mari se déclarait le client de son beau-père, client au sens latin. La dot est de la part du jeune
homme comme un capital placé à intérêt chez le père de la jeune fille, mais avec la clause « capital
perdu », si un enfant naît. De la part du beau-père, le paiement de l‟intérêt est l‟abandon de ses
droits (les avantages que la fille lui procure), et si un enfant naît, pleine possession du capital au
sens qu‟à ici possession du bétail. La dot est habituellement 1 vache, 2 vaches et plus, avec les
accessoires, taurillon, chèvres pour les sacrifices aux mânes et la ripaille, et quelques cadeaux de
houes, bière, etc. mais la dot peut être aussi des chèvres seulement avec accessoires ou même de
l‟argent. A Idjwi, la vache n‟est pas requise, elle ne l‟est pas non plus ici pour une veuve, et
récemment, durant la peste bovine bien des mariages se sont faits après un paiement en argent. La
nature de la dot est donc accidentelle. La dot malheureusement prête à des abus de pouvoir chez le
beau-père. La vache vient-elle à périr avant la naissance d‟un enfant, il en réclame souvent une
autre, ce qui est injuste en soi. La vache lui est donnée entièrement après la naissance d‟un enfant,
conditionnellement jusque-là. Il en est possesseur, or « res perit domino ». On devrait donc
chercher à réagir contre cette coutume injuste. En tout cas, est souverainement injuste, la coutume
de rappeler la fille dans ce cas, et de briser le contrat principal, parce que dans le contrat
secondaire, l‟objet périt accidentellement.

79. FORMES DE MARIAGE

On a vu au N° 78 la nature du mariage. Le tout s‟applique à un mariage régulier, le mariage d‟un


jeune homme et d‟une jeune fille. Il s‟applique donc à une union entre clans distincts, car il n‟est
jamais permis de prendre femme dans son propre clan, lequel n‟est en somme que l‟extension de la
famille par consanguinité, de la phratrie (cf. N° 88). A part cela on peut marier des personnes
étrangères au village et même à la tribu. A noter cependant que les FEMMES D‟UN GRAND
57

CHEF DEFUNT ne peuvent être prises par qui que ce soit. Que si l‟une d‟entre elles voulait se
remarier, elle devrait chercher un mari dans une tribu étrangère et y résider. Cette prohibition est
telle, que les femmes que le chef Nyangezi possédait avant d‟être chrétien, auxquelles il avait
rendu la liberté et dont il avait même restitué la dot, n‟ont jamais été prises en mariage par un
autre ; aucun homme n‟oserait les toucher aussi longtemps qu‟elles restent au pays.

Le POLYGAME met ordinairement toutes ses femmes sur le même pied ; tout au plus aura-t-il en
particulière estime celle qui lui a donné un héritier, surtout si c‟est sa première femme. Ces
femmes d‟ailleurs s‟entendent le plus souvent assez bien entre-elles, la première se trouvant être un
peu la matrone, les autres plus ou moins ses servantes bénévoles. Jamais elles ne sont livrées par le
mari en prostitution. Les polygames n‟ont d‟ordinaire que 2 ou 3 femmes ; les chefs eux-mêmes
dépassent rarement 5 ou 6 femmes régulières ; mais ceux-ci peuvent se permettre des licences
défendues aux autres.
Au 31/12/1934, le recensement donnait : 52.811 hommes et 45.970 femmes mariés.
Au 31/08/1935, on recensa les ménages polygames : pour 2.959 polygames, il y avait 10.764
femmes supplémentaires. On peut donc dire que 5,6 % des hommes sont polygames avec une
moyenne de 3,6 de femmes supplémentaires par homme ; 23,4 % des femmes mariées vivent dans
la polygamie. Sur 52.811 hommes, 17.605 sont célibataires, soit 33 % des adultes. Il va sans dire
que la grande majorité des célibataires sont des hommes encore jeunes, attendu que sont recensés
comme adultes tous ceux qui sont susceptibles de payer l‟impôt, c‟est-à-dire tous ceux qui ont du
poil sous les aisselles. Les enfants nés dans un mariage polygame sont tous sur le même pied, à
l‟exception du fils aîné, et parfois aussi les enfants nés de la première femme. Les motifs qui
poussent l‟homme à avoir plusieurs femmes sont :
- le désir de faciliter son existence (car la femme est un capital à intérêt assez sûr) tout en y
trouvant le moyen d‟assouvir ses attraits.
- Etendre les limites de sa famille, et par suite avoir du soutien en cas de détresse (les amis de
mes amis sont aussi mes amis, les parents de mes parents sont aussi les miens).
- En cas de stérilité de la première femme, l‟espoir d‟avoir des enfants d‟une 2 e ou 3e, d‟en avoir
surtout un héritier mâle chargé de continuer sa personnalité dans le monde et de réjouir plus
tard son « muzimu » par des sacrifices.
- L‟arrière pensée d‟acquérir plus d‟enfants, et avec eux le bien-être, l‟aisance, les garçons aidant
le père dans ses occupations, et lui donnant du prestige devant les autres, et les filles aidant
leurs mères à remplir ses greniers pour les cultures et rapportant au père des vaches par leur
mariage.
- L‟assurance d‟être plus considéré dans la tribu, car qui dit polygame, dit homme riche.
- L‟assistance assurée pendant ses maladies ou les glaces de l‟âge, et la pensée que si l‟une de
ses femmes devenait malade, il pourrait se reposer sur les autres des soins à lui donner, et ne
serait pas astreint lui-même d‟aller couper le bois de chauffage, puiser l‟eau, sarcler ses
champs, et soigner les enfants en bas-âge.

LA POLYANDRIE est inconnue.

Le monogame se contente de sa femme légitime ; rarement il amènera chez lui une concubine à
demeure, quoique le cas ne soit pas inouï.

80. CEREMONIES DU MARIAGE

Les cérémonies du mariage proprement dites commencent généralement le soir à la tombée de la


nuit. On pourrait les diviser en trois actes :
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PREMIER ACTE

Au premier acte ont lieu trois cérémonies, celle du « kuhura » ou tradition de la fiancée, celle du
« kufuka » ou preuve de la puissance du mari ; celle du « kufomeka enyungu » ou la dégustation
des graines de courges et des boulettes. Pendant tout ce cérémonial tous les invités chantent et
dansent.

1) TRADITION DE LA FIANCEE. Après le sacrifice indiqué ci-devant, et à la nuit tombante,


l‟envoyé qui a amené le mouton, reçoit la fille. La mère aidée des compagnes de la fiancée,
frotte celle-ci de beurre, et lui met sa parure. Les compagnes pour la circonstance, lui prêteront
volontiers leurs propres colliers et bracelets. La mère alors lui prodigue force conseils pour
vivre en bonne femme de ménage ; son père, on l‟a vu, lui a déjà remis une cuisse de mouton.
Elle s‟en ira, accompagnée de son frère aîné et de sa paranymphe, qui est le plus souvent une
de ses sœurs plus jeunes qu‟elle. A leur défaut, accompagneront oncle et tante paternels,
jamais les parents eux-mêmes. Suivent également d‟autres jeunes gens et jeunes filles, sous la
direction d‟une veuve. Celle-ci porte au cou un morceau de graisse de mouton qui a servi au
sacrifice. Au sortir de la case de sa mère, la jeune fille, parfois le visage couvert d‟une natte,
doit verser des larmes et continuer à pleurer le long de la route. Le cortège suit exactement la
route indiquée par les mânes lors du sacrifice (77). Arrivée devant l‟enclos de son futur mari,
son futur beau-père l‟asperge d‟eau lustrale et la conduit devant la hutte des mânes, pour
demander leur bénédiction. Puis la belle-mère la conduit dans sa case et la couche sur son
propre lit. Elle doit y rester silencieuse jusqu‟à l‟arrivée de son fiancé. Si celui-ci n‟avait plus
ses parents, on introduirait la jeune fille dans une case voisine, habituée par des gens mariés.
Le fiancé alors sort de la hutte qu‟il a construite récemment, lui met sur la tête une herbe des
marais, symbole du nouveau foyer ; elle la rejette vivement, comme mécontente. Cette herbe
sera remise le lendemain à son père. Ensuite le fiancé lui crache au visage une gorgée de lait,
contenant une plante « mbazi » : c‟est le symbole de ses futures maternités. Cependant la jeune
fille n‟a pas cessé de pleurer. Pour arrêter ses pleurs, son beau-père lui donne un mouton,
d‟autres lui donnent un bracelet. Enfin son fiancé, dans le but de la faire sourire, lui offre une
houe ou quelques colliers de perles, en guise de bienvenue, puis il l‟introduit dans sa hutte
neuve et dans laquelle on n‟a pas encore mis d‟ustensiles de ménage. On n‟a pu y déposer que
la lance du père du jeune homme, le jour où la hutte a été terminée, pour y attirer la bénédiction
des ancêtres. Si la hutte avait déjà servi auparavant, on aurait soin d‟enlever tout son contenu.
Les nouveaux époux occuperont cette hutte dégarnie pendant plusieurs semaines, parfois
jusqu‟à la récolte de leurs premières cultures c‟est-à-dire jusqu‟au jour où la nouvelle épouse
demandera à cuire chez elle. A ce jour, la belle-mère ira dresser pour sa fille les pierres du
foyer, et la pierre à moudre. En attendant, les deux époux prendront leurs repas chez la mère
du jeune homme. Parfois, le futur mari dépose dans un coin de sa hutte neuve les ustensiles
qu‟il a pu se procurer pour son ménage, mais alors même ils ne serviront qu‟au jour où la
femme prendra définitivement possession de son foyer.
2) KUFUKA « ESSAI DE VIRILITE ». Dans la hutte neuve a lieu aussitôt ce qu‟on pourrait
appeler « probatio potentiae ». Le financé saisit sa future épouse par les poignets, la renverse,
malgré un simulacre de résistance, et la jette sur le lit nuptial. Il lui enlève son habit de jeune
fille, la ceinture de tresses en fibres de bananiers ou la peau de chèvre. Cette cérémonie
s‟appelle « kutwa cishake » (couper les tresses) puis il fait l‟acte d‟essai par lequel le jeune-
homme doit prouver qu‟il est apte à se procréer une progéniture. Quand le fiancé a de la sorte
connu sa fiancée, il doit avertir le public. Le plus souvent il appelle les deux enfants qui ont
fait le service de paranymphes, une fille et un garçon en bas âge, nommés pour l‟occasion
« rhunshoshole » leur dit d‟aller chercher de l‟eau ; c‟est le signe qu‟il est homme fait. Parfois
il se contente de dire « muntenze eno » enlèvez-moi d‟ici. A cet appel connu, s‟avance une
vieille femme ; elle frappe à la porte et le mari s‟écrie : « ndi mulume na mukazi amuli », (je
suis homme-fait et il y a aussi une femme) : phrase conventionnelle pour exprimer que tout
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s‟est passé normalement. Si le fiancé s‟était trouvé impuissant, il répondrait à la vieille


femme : « rhuli bakazi », (nous sommes des femmes). La vieille dans ce cas rendrait à la jeune
fille son habit de fibres ou de peau de chèvre. Le mari impuissant irait alors aux remèdes
aphrodisiaques ; ces remèdes s‟appellent « budubi » et se composent de nerfs de taureau et de
loutre pilés, mêlés d‟amarante (mbitu). S‟il restait impuissant pendant plusieurs jours, il y
aurait rupture. Mais si tout a été normal, et la vieille l‟ayant constaté soit de visu, soit en
interrogeant la fille, elle remet à celle-ci, directement ou par l‟intermédiaire de la petite
paranymphe, la peau de vache qui sera désormais son costume, ou du moins une étoffe en
attendant que le fiancé ait pu lui procurer une peau de vache. A ce moment la vieille sort en
poussant des youyous (abanda akalulu), cris convenus pour exprimer au public la puissance du
futur époux. Au Sud, la constatation physique est faite non seulement par la vieille, comme on
vient de le dire, mais plusieurs femmes, et la fille a défense pour cela de se laver et de
s‟habiller, pendant des heures.

Ce premier contact matrimonial s‟appelle « kuhuna ». A ce contact la fiancée a défense de


faire le tremblement des membres inférieurs (kutwabana) qui est en ce pays le mode ordinaire
employé par l‟épouse qui désire le debitum. La fiancée, sa paranymphe et la vieille femme se
rendent alors dans la hutte de la belle-mère, où les attend un repas. Avant d‟entrer, la vieille
arrête la fiancée, prend un vase d‟eau lustrale où le beau-père a craché un peu de bière du
sacrifice, l‟en asperge. La fiancée se met à genoux. Cette cérémonie est censée enlever le
muzir ou défense rituelle. Elle ne se pratique qu‟au sud.

3) DEGUSTATION DES GRAINES DE COURGES OU DE BOULETTES DE VIANDE. Ce


même soir où le lendemain matin, on procède à la dégustation des graines de courges ou de
boulettes de viande : « kufomeka nyungu ». Les graines sont employées au Nord, les boulettes
au Sud. Le père du jeune homme a tué un mouton, la mère ou la vieille femme a fait griller des
graines de courges, ou cuire de la viande et un plat de polenta. Les deux enfants d‟honneur
sont introduits dans la hutte neuve, et placés en face des fiancés. La petite fille prend alors
d‟une main une boulette de polenta, et de l‟autre quelques graines grillées ou une boulette de
viande, et s‟efforce de le porter à la bouche de la fiancée deux fois de suite. Si par hasard le
fiancé ne lui avait pas offert la houe de bienvenue, elle la lui ferait payer à ce moment. Elle
refuserait une première fois, une deuxième fois, et une troisième fois, disant de porter d‟abord
quelques colliers de perles à tel ou tel membre de la famille, et finirait par accepter et avaler,
quand la valeur de la houe aurait été payée. Puis le petit garçon fait de même au fiancé. Celui-
ci accepte sans refus. Ensuite tous quatre achèvent le repas en commun. Après cela, la fiancée
cuit un repas, soit sur le foyer de sa belle-mère, soit chez un voisin, et le porte à ses beaux-
parents qui le mangent seuls. Elle doit le leur porter bien chaud et surtout ne pas le déposer
dans la case des futurs époux, car si le plat était présenté froid, ou que les fiancés eussent usé
du mariage à proximité de ce plat, les beaux-parents en mouraient sans tarder. C‟est la
cérémonie de « MUHUMIRO ». Au Sud, où l‟on cultive peu les courges, on remplace leurs
graines par de petits morceaux ou boulettes de viande. La cérémonie d‟ailleurs est la même.
Dès qu‟ont pris fin ces diverses cérémonies, les invités, hommes et jeunes gens, sont priés de
chanter le « ntumba » ou « hirumbarumba » (littéralement chant de jeunesse). Le préchantre et
quelques autres entrent dans la hutte, s‟accroupissent autour du fiancé, pendant que la fiancée
se tient assise sur le lit nuptial. La cadence est marquée par le claquement des mains ; le
préchantre répète à satiété le même motif :
Muha, muhya, eha : jeune époux, jeune époux, e ha
muhya, oba bwe e ha : jeune époux, sois bon désormais, e ha
muhya ohinge e ha : jeune époux, puisses-tu cultiver e ha
muhya oshenye e ha : jeune époux, puisses-tu couper les bois, e ha
muhya oburhe e ha : jeune époux, puisses-tu engendrer e ha
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muhya akaba ozimba e ha : jeune époux, si tu volais jadis e ha


lero oleke olwawe e ha : laisse donc ton habitude e ha
muhya okaba ojacira sho e ha : jeune époux si tu insultais ton père e ha
lero oleke olwawe e ha : laisse donc ton habitude e ha
muhya okaba ojacira nyoko e ha : jeune époux, si tu insultais ta mère e ha
lero oleke olwawe e ha : laisse donc ton habitude e ha
muhya okaba ojacirana e ha : jeune époux, si tu te chamaillais e ha
lero oleke olwawe e ha : laisse donc ton habitude e ha
muhya akaba osoloma e ha : jeune époux si tu vivais en concubinage e ha
lero oleke olwawe e ha : laisse donc ton habitude e ha
muhya akaba ologa e ha : jeune époux si tu ensorcelais les gens e ha
lero oleke olwawe e ha : laisse donc ton habitude e ha.
Les chantres sont payés d‟un bon verre de bière. Comme on le voit, c‟est une leçon dépourvue de
réticence. On veut lui inculquer qu‟il est homme-fait et doit désormais se comporter en homme
convenable. La petite paranymphe rentre chez ses parents, emporte la ceinture de la fiancée sa
sœur, qui le plus souvent lui est donnée, et annonce comment tout s‟est passé. Le fiancé parfois
fait porter aux parents une houe en cadeau (ndiso) : le plus souvent il le fera à la livraison de la dot.
Après ces cérémonies, on laisse passer environ 24 heures sans danses, ni chants. La nuit suivante
les deux fiancés dorment côte à côte, sur le lit nuptial, mais avec obligation stricte de continence.
Si le jeune homme avait encore son père, celui-ci mourrait si la règle était violée. C‟est sans doute
pour préluder aux continences forcées que leur imposeront plus tard les coutumes du pays.
S‟abstenir de la sorte se dit « okulurhalusa ».

A ce moment le fiancé invite son père à un repas. Il tue un mouton (mpembo) ; en cuit une partie
avec un brouet, mange seul avec son père. C‟est l‟adieu officiel. La viande qui reste est au père,
qui la distribue comme il veut.

DEUXIEME ACTE

Les futurs époux ont terminé ce qu‟on pourrait appeler le premier acte ou préparation prochaine.
Le deuxième acte comprendra les cérémonies du mariage proprement dit. Il y a 4 scènes : l‟acte
matrimonial-contrat (omomumuko) ; le saut à la rivière (okujibalala olwishi) ; la toilette des époux
(okushisha) et l‟instruction domestique de la fiancée (okuhigisa).

1/ L‟ACTE MATRIMONIAL Ŕ CONTRAT. A la tombée de la nuit du 3e jour, la fiancée fait au


fiancé sa toilette (amuhanagula) en le frottant de beurre. Celui-ci invite alors sa future femme à se
mettre au lit. Ils useront du mariage tout de suite et une autre fois encore pendant la même nuit.
L‟époux fait redire à son épouse qu‟elle veut entièrement de lui, et de lui seul. L‟épouse doit
consentir, quand bien même elle n‟en voudrait pas dans son for intérieur ; ainsi le veut la coutume.
Ce n‟est que plusieurs jours après qu‟elle pourra manifester sa répugnance, si elle avait dû céder à
la force. L‟époux proteste lui aussi de son amour et de son désir de vivre en commun… si elle se
montre bonne femme. Ce qui n‟empêche pas, s‟il a quelques biens, de songer en ce moment déjà
aux femmes futures qu‟il pourra prendre pour obtenir de plus nombreux enfants, et même à
répudier la présente si elle lui vient un jour à charge. L‟épouse elle-même songe parfois dès lors, à
retourner chez ses parents au cas où son mari ne paierait pas la dot (ishigi) tout entière. C‟est
même là le cas ordinaire des divorces. Les actes et les paroles de cette nuit sont le « okukumuka »
ou « mukumuko » (littéralement la reprise des relations maritales après l‟abstention). Aucun
témoin n‟assiste ou n‟en reçoit connaissance mais tout le monde sait que cette nuit est celle des
promesses réciproques. La veille encore l‟épouse n‟était que fiancée « ngereke » ; à présent, elle
est devenue « muka-iba » épouse proprement dite. On peut donc considérer, semble-t-il, le
« omukumuko » comme le contrat matrimonial, celui qui constitue l‟essence même du contrat
matrimonial, celui qui constitue l‟essence même du mariage.
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2/ LE SAUT DE LA RIVIERE. Pendant la matinée qui suit, les invités s‟amènent petit à petit.
Vers midi a lieu la cérémonie du « kujibalala olwishi » (littéralement : sauter par dessus la rivière).
L‟époux invite les jeunes gens à le suivre. Tous ensemble vont à la rivière voisine emportant
brouet, poule, bière envoyés par le père de la fille, et aussi une serpe, une harpe et du feu. Arrivés
là, l‟époux se lave, passe de l‟autre côté avec son garçon d‟honneur. Celui-ci entaille d‟un coup de
serpe une branche ou un roseau (emblème de la jeunesse finie) ; l‟époux achève de la couper à la
hache. Ensuite il le divise en deux, en garde un bout et donne l‟autre au petit garçon ; il revient
alors de ce côté-ci et recommence la même opération. Après l‟époux, chacun des compagnons va
couper sa baguette au-delà de la rivière, la casse et revient près de l‟époux. Puis le député qui a
cherché la fiancée, cuit la viande sur du bois recueilli sur place, la coupe en petits morceau qu‟il
passe à l‟époux et au petit garçon avec quelques bouchées de brouet. Les compagnons mangent le
reste. Le repas terminé, un joueur de harpe entonne un chant en l‟honneur de l‟époux ; tous
dansent quelque temps et reprennent le chemin du village, emportant chacun ses bâtonnets.
Cependant, la mère de l‟époux est venue à leur rencontre avec de la bière de bananes, ou de sorgho
et les en régale. Dès qu‟ils arrivent contre la hutte des nouveaux mariés, tous lancent violemment
leurs bâtonnets sur les parois, voire même sur les invités et les curieux restés au village. Les époux
ramasseront les bâtonnets comme bois à brûler. Au Sud, les compagnons pénètrent même dans la
case, où on leur passe un peu de bière ou d‟huile pour leur toilette. Ensuite, la danse reprend de
plus belle.

3/ TOILETTE DES EPOUX. Survient alors un groupe de jeunes filles. Elles chantent en
cadence, tenant en main une petite boîte de feuilles vertes et d‟herbes bien arrangées ; elles
entourent le mari, trempent leur fagotin dans de l‟eau, et lui lavent ensemble bras, jambes et dos.
Le mari les récompense en leur distribuant la viande du dos du mouton égorgée. Pendant ce temps,
une femme du village de l‟épouse procède à la toilette de celui-ci dans la case de la belle-mère.
Elle lui rase la tête, laissant au sommet une touffe ronde de 6 à 7 cm de diamètre qu‟elle imbibe de
beurre. Au dessus elle saupoudre, en forme de croix, de la farine d‟un bois odoriférant (buku) ou
toute autre farine ; les bords de cette touffe sont ornés de perles. Au sud elle épile tout le corps.
C‟est le « kushisha » ou toilette de nouvelle mariée. Les cheveux coupés sont confiés pour moitié
aux soins de sa mère qui les gardera et les jettera seulement à la nouvelle toilette (kukera) qui aura
lieu quand les cheveux auront un peu repoussé. Quelques-uns disent que si la mère les égarait
avant cette opération, sa fille serait rendue stérile ; mais ce n‟est pas l‟opinion commune. L‟autre
moitié est cachée dans les herbes à quelque 8500 mètres. En les y déposant la mère dit :
orhagwaha ci arharhangagaho, ce qu‟on peut traduire : ne meurs pas avant ton mari. Pendant ce
temps le petit garçon paranymphe prend la main du marié et tous vont à un carrefour, y font
pieusement une génuflexion ; c‟est dit-on, pour que les mauvais esprits ne le franchissent pas pour
aller nuire au nouveau ménage. Désormais la fille est devenue femme devant le public.

4/ INSTRUCTION DOMESTIQUE DE LA JEUNE MARIEE. La jeune épouse doit faire son


apprentissage. Les occupations principales étant la culture des champs et la coupe du bois de
chauffage, il faut l‟y initier et se rendre compte publiquement qu‟elle sera bonne femme de
ménage. Une femme (muhangizi) vient se mettre d‟abord en travers du seuil de la porte où se tient
la jeune épouse ; on lui passe un collier de perles et elle laisse le passage libre. Cette coutume ne
se pratique qu‟au Sud ; au Nord, on ne la suit que pour les épousailles du chef. Deux de ses
cousins germains (bazala) obstruent également la porte et ne cèdent qu‟après avoir reçu un mouton.
Quand la porte est libre, la belle-mère vient prendre sa bru, comme on prend un bébé, l‟emporte
couchée sur son dos, jusqu‟à un petit champ voisin, tenant en main la houe de la jeune femme, qui
a été portée là par la vieille dont il a été question. Sur le champ, l‟épouse saisit la houe et cultive
sous les regards et les leçons de la vieille. Souvent d‟autres jeunes filles, ses compagnes de
jeunesse, vont l‟aider. Puis l‟on rentre au logis. Ce même jour où le lendemain aura lieu la leçon
de coupe de bois ; la même vieille femme conduit la mariée vers la forêt ou la brousse voisine, et
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lui apprend la meilleure manière de couper le bois, de charger et d‟emporter son fagot. Chacun
rentre bien chargée. Parfois le mari accompagne, armé de sa hache, coupe une bûche et rentre avec
sa femme. L‟épouse est suivie encore cette fois de ses compagnes, un groupe de jeunes-gens va
avec l‟époux. Au retour on prend un repas commun. Ailleurs on apporte le repas et on le mange
après la leçon de culture, en pleine brousse. Les danses n‟ont pas lieu pendant la leçon, mais après,
les jeunes-filles viennent danser en l‟honneur de la mariée. Elles redisent en son nom ses regrets
des beaux jours de son enfance et son bonheur perdu : Amango nali omu mwirhu ntashwa nka
nahula nali mushusi wa mbehe umwa na oli emwa bene ye barhonda obushangwa. Orhanjaga
nshinja, ecili munyere na windi, ecili navura jirhakula.
Autrefois quand j‟étais chez mes parents, je ne devais pas moudre, j‟écrasais le sorgho. Je lavais
les assiettes (c‟est-à-dire toi qui chantes, tu seras comme moi, tu auras ta pénible voie). Il reste du
beurre pour celle-là qui n‟a pas encore grandi (c‟est-à-dire le bonheur est passé pour moi qui ai
grandi). La mariée récompense les chanteuses en les invitant à un repas de brouet avec viande et
bière. Ici se terminent les cérémonies proprement dites du mariage. Les mariés peuvent désormais
user librement de leurs droits réciproques, sauf à observer la continence dans toutes les
circonstances prescrites par la coutume, notamment à l‟époque d‟un deuil.

TROISIEME ACTE

Mais il reste encore deux formalités à remplir, je veux dire l‟offrande de vivres avec livraison de la
dot, et les visites de congratulations.

1/ OFFRANDE DE VIVRES (MUHUMIRO). Quand les festivités ont pris fin, et que la famille
du mari a pu préparer la dot et les cadeaux d‟usage, le père ou le nouveau marié députe vers la
famille de l‟épouse un envoyé porteur d‟un pot de bière de bananes, pour annoncer la prochaine
livraison de la dot et l‟offrande de vivres. Ailleurs l‟envoyé est le petit garçon d‟honneur du mari,
et le cadeau d‟avant-garde est une houe, appelée « ndizo ». On le récompense en le frottant d‟huile
de ricin ou de beurre, et l‟enfant s‟en retourne content. Pendant ce temps on a dépiécé un mouton,
cuit un copieux brouet, rempli quelques cruches de bière de bananes et une petite cruche de bière
de sorgho. Brouet et viande sont mis dans un panier, y compris les intestins et poumons
préalablement coupés en petits morceaux, la bière de sorgho dans un autre panier. Les jarres de
bière sont enveloppées de feuilles d‟écorce de bananier. Au dessus de la viande l‟on dispose soit
une serpe, soit sa valeur en perles. La vieille femme, ailleurs le petit garçon d‟honneur, se charge
de vivres ; la mariée entourée de jeunes-filles porte le panier à bière de sorgho. Les hommes
mariés s‟emparent de la bière de bananes et des vaches et moutons, prix de la mariée. Le cortège
se rend vers midi chez les beaux-parents du mari. La nuit précédente les époux ont dû user du
mariage deux fois, sous peine de causer la mort du mari. A l‟arrivée du cortège, un homme marié
décharge la jeune épouse de son fardeau. Celle-ci chauffera un peu cette bière, la versera dans une
écuelle, la présentera chaude à son père en même temps que le chalumeau pour la boire. Elle
chauffera aussi le brouet, ou bien si l‟on avait apporté de la farine non cuite elle la cuirait, et
préparerait un brouet en même temps que la viande et porterait ce repas dans un panier à son père.
Les compagnons du père prendront sa main, l‟enfonceront dans le panier en disant : « voici les
vivres que ta fille vient t‟apporter ; ils sont à toi ». Le père mange aussitôt avec ses compagnons.
De même qu‟au premier « muhumiro » la fille doit présenter le tout bien chaud ; si c‟était offert
froid, son père en mourrait. Cette cérémonie ainsi que l‟offrande de vivres chauds faite par
l‟épouse à son beau-père, a une importance exceptionnelle aux yeux des indigènes. Elle paraît être
une leçon de piété filiale donnée à la nouvelle mariée au moment où elle va quitter sa famille et
entrer dans celle de son mari ; elle semble lui rappeler avec instance de ne pas oublier ses parents et
beaux-parents quand ils seront devenus vieux et incapables de se suffir à eux-mêmes ; et eux-
mêmes doivent s‟abstenir jusqu‟à ce moment parce qu‟ils sont considérés comme déjà trop vieux.
Mais la jeune épouse a été introduite dans la cabane de sa mère. Assise sur le bord du lit, elle se
soumettra à une réédition de la dégustation des boulettes de viande, tel qu‟il fut expliqué plus haut,
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aura les mêmes refus, et les mêmes demandes de cadeaux qu‟elle fera porter cette fois-ci aux
parents de son mari. Ceci ne se pratique qu‟au Sud. Puis la mère et une ou plusieurs parentes
mariées viennent lui faire la leçon sur la manière de se conduire en ménage. Au Sud, la jeune
épouse s‟étend alors sur le lit de sa mère, y fait un léger sommeil, comme pour goûter une dernière
fois les douceurs de son enfance ; on la réveille et elle retourne chez son mari, escortée de son
frère, de sa sœur paranymphe et de ses compagnes. Pendant son séjour chez ses parents, les chants
et les danses n‟ont pas cessé. Au départ, le père munit sa fille d‟une bonne part déjà cuite du
mouton, et d‟une large portion de polenta, qu‟elle ira manger chez elle. Plusieurs jeunes ménages
se font apporter, après la livraison de la dot et du temps chaud, une poule, appelée pour la
circonstance « Nyabala ». Sa fécondité sera l‟emblème et le présage de la fécondité de la nouvelle
mariée. A ce moment les parents des deux époux reprennent leurs droits conjugaux, car ils ont dû
éviter ces rapports depuis le jour où le mari envoya son député pour prendre livraison de la fille.
Ces rapports sont en effet défendus par une défense rituelle sous peine de rendre l‟épouse à jamais
stérile (bankamuzanganyiza).

2/ VISITES DE CONGRATULATION (KUBONWA). Reste aux parents des deux époux le


devoir de se dire réciproquement leur joie de l‟union de leurs enfants et de se féliciter du nouveau
lien qui les approche, lien spécial appelé « musangire ou manina ». Mais comme une visite ne se
fait pas les mains vides, le père de l‟épouse ira saluer celui de l‟époux muni si possible d‟un repas,
ou au moins d‟une cruche de bière. C‟est le « ishego ». Il ne manquera pas de demander en retour
une chèvre ou un mouton. C‟est le « mbonano » ou cadeau de visite. Ce cadeau lui sera présenté
séance tenante ou un peu plus tard. Le père de l‟époux lui rendra d‟ailleurs la même visite, offrira
son « ishego » et demandera son « mbonano ». Cette visite a lieu 4 ou 5 jours après la livraison de
la dot. Parfois le mari lui-même ira à son tour saluer son beau-père, en compagnie de quelques
jeunes-gens. Le beau-père réunit quelques houes. A la vue du gendre, il lui dit : « c‟est très bien,
tu viens m‟aider à cultiver ». Chaque jeune-homme reçoit une houe et donne quelques coups en
terre ; l‟un d‟eux brise sur une pierre le manche de sa houe, et tous vont dire qu‟ils sont fatigués.
Pour leur peine, ils peuvent ensemble vider une jarre de bière et ils retourneront chez eux.

Voilà l‟ensemble des cérémonies du mariage. La fête est finie. Le jeune époux se montrera
désormais respectueux envers ses beaux-parents, il prendra en mains leurs intérêts comme les siens
propres. Réussit-il par son travail ou son industrie à obtenir quelques biens, il songera à eux. Un
jour il leur apportera un peu de beurre pour se frotter, un autre jour une jarre de bière, une houe,
des perles, etc. A-t-il des vaches, il pensera à en placer une dans la famille de sa femme, surtout si
la vache de dot a passé de vie à trempas sans laisser au moins une petite génisse. Lui naît-il un
enfant, il leur offrira si possible un mouton ou une chèvre ; après la naissance d‟un 2e ou 3e, il
songera à leur donner un taurillon. Les cadeaux à l‟occasion de la naissance d‟un enfant se disent
« ngulo », prix de vente tout comme le prix de la dot. On dirait que les noirs attribuent à leur
épouse une plus value, par le fait de la voir procréer des enfants. Par contre, si l‟épouse meurt sans
enfants, le mari ira reprendre la vache et les génisses issues de cette vache ; il abandonne le reste.
Si la défunte lui avait donné un enfant, il laisserait même à ses beaux-parents la vache de la dot, et
n‟irait la reprendre qu‟au cas où cet enfant viendrait à mourir lui aussi. Si sa femme lui avait
engendré plusieurs enfants, quand bien même ils seraient morts depuis, il laisserait encore toute la
dot et se contenterait de toucher le « bulonde » c‟est-à-dire la redevance ordinaire des usufruitiers
de gros bétail. Le long cérémonial décrit ci-dessus est celui du mariage entre jeune-homme et
jeune fille, riches ou pauvres. Les cadeaux ou la dot sont évidemment en proportion des situations
et des biens. C‟est réellement le mariage, la vie nouvelle, le « obuja ». On n‟observe ce
cérémonial complet qu‟une fois dans la vie.
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81. REMARIAGE

Si l‟un des deux époux avait déjà été marié, qu‟il fut veuf, polygame ou divorcé, il laisserait les
cérémonies qui lui sont propres et la partie qui se marie pour la première fois observerait son
cérémonial à elle en son entier. Au nouveau mariage d‟un veuf, polygame ou divorcé, avec une
jeune-fille, il n‟y aura ni sacrifices, ni essai de puissance maritale, ni dégustation de graines, ni
chant « ntumba », ni saut de la rivière. Tout se réduira pour l‟homme aux fiançailles, à l‟acte
matrimonial-contrat et à la livraison de la dot. Il est vrai que beaucoup d‟hommes, lors d‟un
second mariage, observent l‟une ou l‟autre cérémonie supplémentaire, notamment le saut de la
rivière, soit en les suivant eux-mêmes, soit qu‟ils députent pour cela un petit garçon à leur place,
mais ce n‟est, semble-t-il, qu‟à titre d‟amusement. La femme, au contraire, serait soumise à tout
l‟ensemble des cérémonies. Que si ce mari remarié était âgé et avait un garçon un peu grandelet,
sa femme offrirait le repas chaud à ce garçon, à défaut du père de son mari déjà passé à trépas. Les
chants et les danses se font surtout alors en l‟honneur de l‟épouse. Si la femme avait déjà été
mariée, et qu‟elle fut prise en mariage par un jeune-homme, celui-ci observerait son cérémonial,
mais sans grand décor extérieur. Un jour suffirait à tout. La femme cependant serait astreinte à
porter le repas chaud chez son beau-père et chez son père. Quand deux anciens mariés se
remarient, surtout s‟ils ont des enfants, ils vont cohabiter sans aucune cérémonie. Après un ou
deux mois, la femme va porter le repas chaud à sa famille et donne ainsi au public la preuve de son
consentement (aheruza). La prise en mariage d‟une femme héritée se réduit à la simple
cohabitation.

Assez souvent le mariage est annoncé au chef pour qu‟il prenne acte, d‟autant plus que la vache-
dot fait partie du cheptel de la communauté dont il est le gérant, le chef est le « pater familias »
(ishe w‟abantu).

La dot ordinaire est une vache non stérile, un taurillon et 5 ou 6 chèvres. Une fille de notable vaut
au moins deux vaches, celle d‟un chef se paie plus encore, et peut aller jusqu‟à 20 à 25 vaches. Et
de plus la coutume veut que lors du mariage du fils héritier d‟un grand chef ; le peuple entier
constitue son patrimoine ; les riches lui donnent des vaches, les pauvres des francs ; des perles, des
vivres, etc. Quand le fils Ndagano de Nyangezi se maria, il reçut de la sorte 75 vaches. On dit
qu‟au mariage du fils aîné de Ngweshe (le grand chef de Bashi du Sud), on lui offrira plusieurs
centaines de vaches. A noter aussi que lors de son mariage, une fille quitte son nom de jeune-fille,
pour prendre celui de son père précédé de « MWA » abréviation de « mwâli-fille ». Ainsi
Nakatere, fille de Kahumba, s‟appellera désormais MWA KAHUMBA.

82. EMPECHEMENTS AU MARIAGE

MARIAGES VALIDES ET INVALIDES D’APRES LA COUTUME

Il est difficile de dire les empêchements coutumiers ; ils sont tellement nombreux qu‟on n‟en
sortirait pas. Il sera préférable de désigner les cas où le mariage est permis, du côté de la
consanguinité et du côté de l‟affinité. Pour y voir plus clair, je donne ci-dessous la parenté ; c‟est-
à-dire parents, frères et sœurs, oncles et tantes, leurs enfants et petits-enfants. Cette parenté doit
être considérée du côté :
1° du mari ; 2° de sa femme ; 3° de la femme de son fils ; 4° du mari de sa fille ; 5° du mari de sa
sœur ; 6° de la femme de son frère.
Je suppose qu‟un homme désire se marier. Il peut vouloir prendre :
1) sa mère
2) la fille d‟un autre mari de sa mère
3) une autre femme de son père
4) la femme de son fils
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5) la femme de son frère.


6) la mère de la femme de son frère
7) la sœur de la femme de son frère
8) la fille de son frère
9) la femme du fils de son frère
10) les filles nées de la fille de son frère
11) sa sœur.
12) la mère du mari de sa sœur
13) la sœur du mari de sa sœur
14) la fille de la sœur du mari de sa sœur
15) la femme du fils de sa sœur
16) la fille née de la fille de sa sœur
17) sa tante paternelle.
18) la mère ou la sœur du mari de sa tante paternelle
19) la femme de son oncle paternel
20) la mère ou la sœur de la précédente
21) sa tante maternelle
22) la mère ou la sœur du mari de sa tante paternelle
23) la femme de son oncle maternel
24) la mère ou la sœur de la précédente
25) la fille de sa tante paternelle
26) la mère ou la sœur de la précédente
27) la femme du fils de sa tante paternelle
28) la mère ou la sœur de la précédente
29) la fille de son oncle paternel
30) la mère ou la sœur du mari de la précédente
31) la femme du fils de son oncle paternel
32) la mère ou la sœur de la précédente
33) la fille de sa tante maternelle
34) la mère ou la sœur du mari de la précédente
35) la femme du fils de la tante maternelle
36) la mère ou la sœur de celle-ci
37) la fille de l‟oncle maternel
38) la mère ou la sœur du mari de la précédente
39) la femme du fils de l‟oncle maternel
40) la mère ou la sœur de la précédente
41) la petite-fille de la tante paternelle, née du fils
42) la petite-fille de la tante paternelle, née de la fille
43) la femme (sa mère ou sa sœur) du petit-fils de la tante paternelle, née du fils
44) la femme (sa mère ou sa sœur) du petit-fils de la tante paternelle, née de la fille
45) la petite-fille de l‟oncle paternel née du fils
46) la mère ou la sœur de la précédente
47) la petite-fille de l‟oncle paternel née de la fille
48) la mère ou la sœur du mari de la précédente
49) la femme du petit-fils de l‟oncle paternel
50) la mère ou la sœur de la précédente
51) la petite-fille de la tante maternelle par le fils
52) la mère ou la sœur du mari de la précédente
53) la petite-fille de la tante maternelle par la fille
54) la mère ou la sœur du mari de la précédente
55) la femme du petit-fils de la tante maternelle
56) la mère ou la sœur de la précédente
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57) la petite-fille de l‟oncle maternel par le fils


58) la mère ou la sœur du mari de la précédente
59) la petite-fille de l‟oncle maternel par la fille
60) la mère ou la sœur du mari de la précédente
61) la femme du petit-fils de l‟oncle maternel
62) la mère ou la sœur de la précédente.
Chacune des femmes ci-dessus indiquées peut être la parenté de l‟homme lui-même, ou la parenté
de sa femme, ou celle de la femme de son fils ou du mari de sa fille, ou celle du mari de sa sœur,
ou de la femme de son frère. Il y a donc désignées ici 90 femmes : multiplié par 6 = 540. Les 540
cas lui sont défendus, à part les suivants. Il peut donc marier :

A/ 1) Une autre femme de son père défunt


2) la FEMME de son frère défunt
3) la sœur de la femme de son frère
4) LA FEMME de son oncle paternel défunt
5) LA FEMME du fils défunt de son oncle paternel
6) LA FILLE de son oncle maternel.
B/ 7) LA FILLE d‟un autre mari de la mère de sa femme
8) LA FILLE du père de sa femme, si elle est veuve sans enfants.
9) LA SŒUR cadette de sa femme
10) LA FILLE de la tante paternelle décédée, si elle n‟a pas d‟enfants.
11) LA FILLE de l‟oncle paternel de sa femme
12) LA FILLE de la tante maternelle de sa femme
13) LA FILLE de l‟oncle maternel de sa femme
14) LA PETITE-FILLE de l‟oncle paternel de sa femme née du fils.
C/ 15) Dans toute la parenté de la femme de son fils, il ne peut prendre pour femme que la
sœur de cette femme de son fils.
D/ Dans la parenté du mari de sa fille, il y a prohibition complète.
E/ Dans la parenté du mari de sa sœur, il peut épouser :
16) la fille d‟un autre mari de la mère du mari de sa sœur
17) la sœur du mari de sa sœur
18) la fille de l‟oncle paternel du mari de sa sœur
19) la fille de l‟oncle maternel du mari de sa sœur.
F/ Dans la parenté de la femme de son frère, il peut épouser :
20) la fille d‟un autre mari de la mère de la femme de son frère
21) la femme du fils défunt de la tante paternelle de la femme de son frère.

N.B. Les mots en majuscules indiquent des empêchements ecclésiastiques.

Si une femme veut se marier, elle pourrait vouloir prendre :


1) son père
2) un autre mari de sa mère
3) le fils d‟une autre femme de son père
4) le fils d‟un autre mari de sa mère
5) le mari de sa fille
6) son frère
7) le fils de son frère
8) le père de la femme de son frère
9) le frère de la femme de son frère
10) le mari de la fille de son frère
11) le garçon né du fils de son frère
12) le mari de sa sœur
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13) le père du mari de sa sœur


14) le frère du mari de sa sœur
15) le fils de sa sœur
16) le mari de la fille de sa sœur
17) le garçon né du fils de sa sœur
18) son oncle paternel
19) le père ou le frère de son oncle paternel
20) le mari de la tante paternelle
21) le père, le frère du précédent
22) son oncle maternel
23) le père, le frère de la femme du précédent
24) le mari de la tante maternelle
25) le père, le frère du précédent
26) le mari de la fille de la tante paternelle
27) le père, le frère du précédent
28) le fils de l‟oncle paternel
29) le père, le frère de la femme du précédent
30) le mari de la fille de l‟oncle paternel
31) le père, le frère du précédent
32) le fils de l‟oncle maternel
33) le père, le frère de la femme du précédent
34) le mari de la fille de l‟oncle maternel
35) le père, le frère du précédent
36) le fils de la tante maternelle
37) le père, le frère de la femme du précédent
38) le mari de la fille de la tante maternelle
39) le père, le frère du précédent
40) le petit-fils de la tante paternelle par le fils
41) le père, le frère de la femme du précédent
42) le petit-fils de la tante paternelle par la fille
43) le père, le frère de la femme du précédent
44) le mari de la petite-fille de la tante paternelle par le fils
45) le mari de la petite-fille de la tante paternelle par la fille
46) le petit-fils de l‟oncle paternel par le fils
47) le père, le frère de la femme du précédent
48) le petit-fils de l‟oncle paternel par la fille
49) le père, le frère de la femme du précédent
50) le mari de la petite-fille de l‟oncle paternel
51) le père, le frère du précédent
52) le petit-fils de la tante maternelle par le fils
53) le père, le frère de la femme du précédent
54) le petit-fils de la tante maternelle par la fille
55) le père, le frère de la femme du précédent
56) le mari de la petite-fille de la tante maternelle
57) le père, le frère du précédent
58) le petit-fils de l‟oncle maternel par le fils
59) le père, le frère de la femme du précédent
60) le petit-fils de l‟oncle maternel par la fille
61) le père, le frère de la femme du précédent
62) le mari de la petite-fille de l‟oncle maternel
63) le père, le frère de la femme du précédent.
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Chacun des hommes ici indiqués peut être de la parenté de la femme qui veut se marier, c‟est-à-
dire d‟elle-même, ou de son mari, ou de la femme de son fils ou du mari de sa fille, ou du mari de
sa sœur, ou de la femme de son frère soit en tout 94 multiplié par 6 = 564 cas. Tous ces hommes
lui sont défendus, à l‟exception des suivants :
Elle peut donc être prise comme épouse par :
A/ 1) LE MARI de sa sœur cadette décédée
2) LE MARI de sa tante paternelle décédée
3) LE FILS de sa tante paternelle
4) LE FILS de son oncle maternel.
B/ 5) LE FILS d‟une autre femme du père de son mari décédé
6) LE FRERE de son mari défunt
7) LE FILS de l‟oncle paternel de son mari défunt si elle n‟a pas d‟enfants.
C/D. Elle ne peut marier aucun homme de la parenté ci-dessus désignée ni de la femme de son
fils, ni du mari de sa fille.
E/ Dans la parenté du mari de sa sœur, elle peut s‟unir au :
8) le fils d‟une autre femme du père du mari de sa sœur
9) frère du mari de sa sœur
10) mari de la sœur, du mari de sa sœur
11) mari de la tante paternelle dumari de sa sœur si la tante est morte sans enfants.
12) fils de la tante paternelle dumari de sa sœur si ce mari est mort.
13) fils de l‟oncle maternel dumari de sa sœur
14) mari de la fille de la tante maternelle dumari de sa sœur
F/ Dans la parenté de la femme de son frère, elle peut s‟unir au :
15) mari de la tante paternelle décédée sans enfants, de la femme de son frère
16) fils de la tante paternelle de la femme de son frère, sila femme est morte sans enfants.

N.B. : Les mots en majuscules indiquent les empêchements ecclésiastiques.

Les alliances matrimoniales semblent être régies :


1. par le soin de sauvegarder intact le clan (N° 87) et la solidarité familiale ;
2. par l‟idée de succession (N° 161) et de conservation des biens familiaux.

Les divers cas indiqués ci-dessous dans lesquels un homme ou une femme peuvent s‟unir à un
nombre de la parenté, sont régis par le droit de conserver les biens dans la famille, et en même
temps par la loi d‟exogamie. On remarquera qu‟aucune des unions possibles indiquées ci-dessus,
n‟est entachée de consanguinité, si l‟on en excepte le cas des « BAZALA » dont il sera question ci-
dessous.

MARIAGE AVEC LES FEMMES DU PERE


L‟héritier étant le continuateur du défunt, les femmes de ce dernier lui reviennent de droit. Elles
représentent en effet un BIEN acquis par la dot. Le fils héritier peut les prendre, à l‟exception de
sa propre mère. Bien plus, il devint le père putatif de ses frères et sœurs ; à lui de les nourrir si
c‟est nécessaire, de les protéger, de les élever selon la coutume du pays. La coutume veut que
parmi les femmes du défunt, l‟héritier n‟en garde pour lui qu‟une seule à son choix, et qu‟il
distribue les autres à ses frères puînés. Quant à sa propre mère, elle peut prendre mari ailleurs à
condition que son fils y consente. Si sa mère était morte, l‟épouse venue après elle serait sa mère
putative, et il ne pourrait la marier. Bien plus, si sa mère mourrait après qu‟il l‟eut déjà prise (cette
deuxième femme), il devrait s‟en séparer puisque par suite de ce décès, cette femme serait devenue
sa mère putative. Si l‟héritier est jeune-homme, il peut prendre une femme de son père. Il ira
d‟abord marier une jeune-fille qui ignore ses intentions, fera les cérémonies du mariage, mais au
moment de livrer la dot, il renverra la jeune-fille, et mariera la veuve qui ne lui coûte rien. A
Katana, il peut la prendre sans ce premier simulacre de mariage s‟il est pauvre. Il va sans dire
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qu‟un fils ne peut jamais épouser une des femmes de son père du vivant de celui-ci. Souvent la
femme héritée ne veut pas de l‟héritier ; après peu de temps elle convoie ailleurs.

MARIAGE AVEC LES FEMMES DE L‟ONCLE PATERNEL (mwîshe). Il peut arriver que
l‟oncle paternel de l‟héritier légitime meurt, ne laissant que des filles ou des garçons en bas-âge.
Dans ce cas, les épouses de cet oncle passent, elles aussi, à l‟héritier, et les enfants deviennent les
siens. Il se comportera à leur égard comme à l‟égard des femmes et des enfants de son père défunt.
Toutefois l‟oncle avant de mourir, peut dire auquel de ses neveux ira chacune de ses femmes ; il
peut même leur donner entière liberté. Quant à ses biens, voir N° 161.

(A la mort de l‟oncle MATERNEL, ni biens, ni femmes, ni enfants ne lui reviennent. Tout passe
au fils ou au père de cet oncle, selon les règles données ci-dessus).

A remarquer que si parmi les femmes de son oncle paternel, il s‟en trouvait une qui eut déjà de
grands garçons, il ne pourrait la prendre car elle serait considérée comme mère de l‟héritier. S‟il y
avait seulement des filles ou des garçons en bas-âge ou s‟il n‟y avait pas d‟enfants du tout, elle
pourrait être prise par lui. Si parmi les femmes, l‟une avait des enfants, et l‟autre pas, il ne pourrait
prendre que la première. Mais au cas où la seconde, après s‟être remariée, engendrait un garçon, il
pourrait la reprendre, et elle-même le rechercherait, pour la raison que ce garçon est
coutumièrement considéré comme le sien ; il en est le père putatif, et ce garçon pourrait bien un
jour être son successeur à lui.

MARIAGE ENTRE BAZALA

On appelle « BAZALA » les cousins germains du côté de la tante paternelle (nshenge) et de l‟oncle
maternel (nalume). Sont considérés comme tels :
- par rapport à l‟homme ; la fille et la femme du fils de sa tante paternelle, ainsi que la fille de
son oncle maternel.
- par rapport à la femme : le mari et le fils de sa tante paternelle, ainsi que le fils de son oncle
maternel.
La coutume permet l‟union d‟un homme avec la fille de son oncle maternel, et par conséquent
d‟une fille ou d‟une femme avec le fils de sa tante paternelle. Elle ne permet pas l‟union d‟un
homme avec la fille de sa tante paternelle et vice-versa d‟une fille avec le fils de son oncle
maternel. Ce genre de mariage entre consanguins (consanguinité collatérale au deuxième degré)
respecte cependant la loi d‟exogamie, car ils sont de clan différent.
Pourquoi l‟homme ne peut-il pas marier la fille de sa tante paternelle ? C‟est qu‟à la mort de son
père, il lui succède ou s‟il est cadet, peut être appelé à lui succéder. Et dans ce cas la tante
paternelle devient sa « fille putative », et sa fille, par le mariage serait devenue la « petite-fille » de
son mari, et elle devrait l‟appeler « shakulu » grand-père. Le mariage d‟un homme avec sa
cousine, fille de son oncle maternel, se voit de temps à autre, mais rarement ce mariage est bien
assorti. La raison en est que la cousine étant du clan de la mère de sa mère, elle et sa mère, se
liguent ensemble pour faire dériver les biens du mari vers leur clan à elles, d‟où disputes de
ménage et séparation, même quand il y a déjà plusieurs enfants. Ce mariage est d‟ailleurs assez
mal vu des autres, et les enfants mal formés y sont plus fréquents que dans le mariage normal
« bazala barharhonda engabo » : les cousins germains n‟alignent pas des hommes solides. J‟ai dit
que la coutume n‟admet pas le mariage d‟un homme avec sa cousine germaine, fille de sa tante
paternelle (nashenge). C‟est que cette cousine est la nièce de son père, et que lors de la mort de
son père, son mari, en prenant la succession, deviendrait l‟oncle de sa femme, son père putatif,
qu‟elle devrait dire à son mari « larha » mon père, et que lui devrait appeler sa femme ma fille
« mwâli wani ». Il y a cependant eu des mariages de ce genre, mais ils sont méprisés et ils ont lieu
sans dot ni cérémonies. Quant aux enfants issus de « bazala », ils peuvent se marier entre eux.
Voici par exemple :
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1. Daniel a marié Marie, fille de son oncle maternel, de ce mariage sont nés : Jean et Louise.
2. Anna, sœur de Daniel, est mariée à Joseph, fils de sa tante paternelle (Anna est donc fille de
l‟oncle maternel de Joseph) de ce mariage sont nés : Antoine et Madeleine.
Jean peut s‟unir à Madeleine, et Antoine à Louise. Ils sont consanguins aux 2e et 3e degrés
collatéraux.

G.P. / G.M. / G.P. / G.M. /


===

Isidore - Marguerite Laurent - Virginie André - Jeanne


----- ====== = = = = ………. ……..

Monique défendu Daniel permis Maria


------ ==== ……..

Joseph permis Anna défendu Félix


----- === …….

Madeleine permis Jean


------- ===

Antoine permis Louise


------ ====

(Indiquant les clans : = = = = = = = =, …………........, - - - - - - - - - - - -)

Mais d‟où vient cette curieuse coutume qui permet le mariage entre deux consanguins, alors que la
loi est si stricte et les empêchements si nombreux ? Il est possible que cette licence fut introduite
par le mariage du premier ancêtre des clans. En effet (cf. 94) : Mishingi, fils de Kanjage épousa sa
cousine Nakwiguraowahole, fille de Cilonge, son oncle maternel. A cette époque, ce mariage était
considéré comme incestueux et c‟est pour ce crime qu‟il fut chassé hors du clan. Le couple donna
naissance aux Pygmées du Nord et de l‟Ouest. Ils furent les premiers possesseurs du pays, et leurs
descendants sont encore représentés actuellement au Bushi. C‟est sans doute sous leur influence
que cette coutume prit naissance.

83. LE MARI

Le mari est le vrai chef de la famille. Indépendamment de ses devoirs et droits conjugaux
proprement dits qui sont ici ce qu‟ils sont chez nous, le mari doit à sa femme aide et protection. Il
doit de lui construire sa hutte, lui donner de quoi s‟habiller convenablement, l‟assister pour la
culture des champs familiaux et la récolte, l‟aider quand elle est malade et la remplacer pour les
soins aux petits enfants, la coupe du bois de chauffage, puiser l‟eau et faire l‟achat des vivres au
marché, cultiver les champs familiaux, lui puiser de l‟eau pour se laver, qu‟elle lui prépare une
nourriture convenable et garde ses biens pendant son absence. Il eut exigé qu‟elle soigne bien les
enfants, prépare la nourriture de tous, fasse la coupe du bois, aille vendre au marché les vivres
disponibles, l‟assiste en cas de maladie. S‟il travaille au loin, et qu‟il y ait besoin de nourriture, il
peut exiger de la femme qu‟elle la lui procure. S‟il a une vache, il la fera paître, la traira et la
soignera, mais il peut exiger de sa femme qu‟elle fasse cailler le lait et fasse le beurre. Mais ses
droits et ses devoirs sont tempérés par la coutume ; il ne peut traiter sa femme en esclave ; ce serait
dangereux, car elle peut toujours réintégrer le foyer paternel. Il peut la battre, et cela arrive, mais
ici encore il doit être prudent pour le même motif. D‟ailleurs l‟épée de Damoclès est toujours
71

suspendue sur la tête d‟un mari qui ne plaît pas à sa femme ; tout mariage reste révocable et en cas
de divorce, le père de la femme doit restituer la dot.
En principe, le mari seul a droit d‟user de sa femme et vice-versa. Est donc adultère ici, ce qu‟il est
ailleurs. Il est malheureusement assez fréquent de la part des maris et il arrive que ceux-ci appellent
chez eux des filles nubiles ou des veuves et en usent occasionnellement. Jadis le mari fraudé
pouvait percer de la lance le violateur de sa femme surpris en flagrant délit, quant à sa femme, en
ce cas, il ne peut que la battre. Les parents des deux adultères ne peuvent rien contre le mari
outragé, et le cas échéant, le chef le protègerait. Habituellement le mari occupe une case, sa femme
une autre, entourées ou non d‟un enclos. S‟il y a plusieurs femmes, chacune reçoit sa case
personnelle. Il loge avec sa vache et ordinairement a ses rapports conjugaux durant la journée. Les
biens familiaux ne sont guère que les produits des cultures, et il ne peut pratiquement en disposer
sans le consentement de sa femme et en vue du bien de toute la famille. Il a plein droit sur les
biens personnels, comme la femme l‟a sur les siens à elle. Le mari doit avoir pour sa belle-mère
une crainte révérencielle.
Il y en a même qui évitent son regard et font un détour pour ne pas la rencontrer. Cependant la
plupart des maris lui causent simplement, d‟autant plus que la belle-mère arrive de temps à autre
dans sa hutte. Jamais il ne consentira à manger avec elle au même plat. L‟insulte à la belle-mère
est considérée comme très grave, et si cela arrivait, on ne s‟en rachèterait que par un gros cadeau,
tel qu‟un taurillon. Le gendre d‟ailleurs va fréquemment offrir un cadeau à sa belle-mère, pur
cadeau d‟amitié. A la naissance d‟un enfant, il doit un cadeau au beau-père, mais non à la belle-
mère. Si celle-ci devenait malade, et sans soutien, le gendre prendrait soin d‟elle, même si sa
femme était morte et qu‟il ne fut pas encore remarié, car dans ce dernier cas, les liens entre eux
sont brisés ; alors elle devient pour lui une femme, comme toute autre. Les cadeaux à l‟occasion
du mariage ont été indiqués au n° 81.
Quand la belle-mère meurt, le gendre lui construit une petite hutte, et y offre un sacrifice à ses
mânes. Il doit s‟abstenir de tout acte conjugal, pendant 2 ou 3 mois, après quoi il peut reprendre
ses relations après avoir pris d‟un certain remède préparé par le devin. Il en est d‟ailleurs de même
à la mort de son beau-père.

84. L’EPOUSE

QUELLE IDEE NOS BASHI SE FONT-ILS DE LA FEMME ?


Ici comme partout où le christianisme n‟a pas purifié l‟atmosphère moral, le faible et le petit ne
rencontrent que désintéressement, pour ne pas dire mépris. L‟être faible, qui est la femme, ne jouit
pas de cette considération, de ce respect dont on entoure en pays chrétiens la jeune fille, l‟épouse,
la mère de la famille. Il suffit pour s‟en rendre compte d‟examiner quelque peu les coutumes des
Bashi. Les Bashi ont pour désigner la femme, des mots singulièrement caractéristiques.
Une FILLE, tout court se dit « munyere » ; en tant qu‟issue de ses parents elle s‟appelle « mwâli ».
Munyere donne l‟idée de blancheur, d‟un être exempt de défaut, mwali désigne un être qui peut
préparer un nid, un berceau, capable d‟enfanter.
Une EPOUSE se traduit par « mukazi ». Le radical de ce mot est « kazi » ; « ka » est le signe
d‟infériorité, la marque du diminutif « zi » indique une souche, une source ; de sorte que
« mukazi » signifie « un être inférieur qui sert de souche à d‟autres êtres ». Et cette infériorité
semble ressortir davantage quand on oppose « mukazi » à « iba ». Iba, en effet, rend l‟idée de
« l‟être tout court », par son radical « ba » qui n‟est autre que le verbe substantif : être. Chose
étranger comme on le voit, cette idée de petitesse ne s‟attache à la femme qu‟après son mariage.
Jusque-là, il faut faire valoir « l‟article », et le nommer par des mots qui en fassent ressortir la
valeur. Les coutumes inhérentes au mariage nous montrent plus clairement encore la
déconsidération de l‟épouse. Une femme mariée est un être passif, qu‟on ne consulte presque pas.
Le prétendant la demande « asheba » ; la fille est demandée : « ashebwa ». Jamais on ne dira d‟une
fille : elle s‟est fiancée à un tel. Les cadeaux de demande en mariage se disent : « kaheko » et
« ishigi » ; le premier donne l‟idée d‟enlèvement, de cadeau qui permet de « ravir » la fille ; le
72

second marque la vassalité du gendre, et indique qu‟il est devenu le « client » de son futur beau-
père. Le mari « prend » « ramasse » (arhola) son épouse : celle-ci est prise, ramassée
(« arholwa »). Si elle avait déjà eu un mari précédemment, le mari la prendrait simplement comme
on ramasse « un objet perdu » : « amuherula ». La femme qui entre au foyer du vivant de la
première épouse, porte le nom significatif de « luhali » c‟est-à-dire objet surajouté, acquis par
dessus le marché. La dot est fournie par le mari au père de la fille ; dot se dit « ngulo »
littéralement « troc ». La fille est donc tout bonnement « troquée » (agulwa). C‟est une valeur
placée en usufruit contre une redevance déterminée, redevance qui varie selon la qualité de la
marchandise ; une vache pour une roturière ; deux vaches et plus pour une fille de notable ; 20, 30
vaches ou davantage pour une fille de grand chef. Une veuve s‟acquiert parfois pour quelques
chèvres ; une femme âgée ou réputée stérile est à celui qui la veut, le capital ne produira plus guère
d‟intérêt. L‟épouse elle-même se considère comme simple capital. Elle saura à l‟occasion
revendiquer pour son père le prix du placement. En effet, si le mari ne se hâte pas de le payer, elle
n‟hésitera pas à le quitter pour retourner à la maison familiale. Le père lui même y pousse le plus
souvent sa fille dans l‟espoir de presser le paiement et de recevoir des cadeaux supplémentaires.
S‟il arrivait un autre prétendant, avec une dot supérieure à celle du premier mari, le père ne se
ferait pas scrupule de reprendre sa fille pour la livrer à, ce « plus offrant ». Ce cas se voit chaque
jours, et bien rares sont les épouses, qui même après un an de mariage, en sont à leur premier mari.
Cet objet augmente de valeur avec la fécondité.
A chaque enfant que l‟épouse donne à l‟époux, celui-ci doit à son beau-père un cadeau
correspondant à la valeur d‟une chèvre. Bien que la fille sache librement et le montre parfois (v.
N° 79), le père en tient assez peu compte. A ses yeux, la fille produit pour son père ; c‟est lui le
propriétaire foncier, le mari n‟est que l‟usufruitier. Il n‟est pas étonnant d‟ailleurs que la fille soit
livrée par lui sans être consultée (un objet possédé a-t-il des droits à la libre disposition de lui-
même). Les femmes comprennent parfaitement qu‟aux yeux de leur père, elles ne sont pas libres.
Elles ont conscience que le mariage n‟est qu‟une mise en valeur de leur personne. Le « initium
dolorum », si bien qu‟au jour où la jeune fille est livrée à son mari, ses compagnes viennent lui
chanter des strophes plaintives, des élégies douloureuses. Le père n‟attend pas toujours le jour du
mariage pour faire fructifier son capital. Que de fois n‟a-t-on pas vu les noirs, livrer leur fille,
moyennant finances, à un débauché quelconque, à qui tout sera permis, sauf à la rendre mère. Que
si par hasard il arrivait « un accident », la malheureuse en porterait seule toute la responsabilité.
Jadis elle eut été impitoyablement précipitée au fond d‟un gouffre ou abandonnée sans ressources
sur une île déserte.
Depuis l‟arrivée des Européens, elle devient simplement la risée du public, et la pauvrette en est
réduite à devenir l‟épouse de celui qui n‟en peut plus trouver d‟autre. L‟objet est désormais
déprécié. C‟est ce qui force plus d‟un père à veiller sur ses filles. Somme toute donc, les filles
sont désirées au foyer. Le père de famille ne manque pas, en sacrifiant aux ancêtres, de leur
demander en même temps que des vaches, une kyrielle de « bibondo » d‟enfants, surtout du sexe
féminin, soit pour lui-même, soit pour ses filles mariées : (c‟est sa principale source de revenue).
Aussi comme il se préoccupe de la santé de ses filles !
Alors que facilement il se désintéresse de la santé de ses garçons, à part son aîné qui plus tard doit
sacrifier sur sa tombe, il s‟inquiète de la maladie de ses filles, et se hâte de consulter les devins, et
de faire les offrandes aux ancêtres pour obtenir leur prompte guérison. Est-il dans la misère ? Il
escompte le mariage de ses filles pour en sortir. En temps de famine, il pourra les vendre alors que
les garçons resteront ou mourront à ses côtés. C‟est sur elles qu‟il compte pour se remarier lui-
même ou marier ses fils, car leur mariage lui apportera le prix d‟une épouse.
Quant au mari, bien souvent il ne s‟occupera pas beaucoup de sa femme malade, elle guérira bien
sans lui. Si elle veut un remède, elle n‟a qu‟à s‟en procurer elle-même. Les soins délicats de nos
foyers chrétiens sont ici totalement inconnus, l‟affection vraie n‟y a pas d‟accès. Le mari ne sait
que lui-même, l‟égoïsme forme la base même de son caractère. L‟épouse est pour lui aussi une
valeur de rapport. A elle toute la grosse besogne : culture des champs, coupe du bois ; préparation
des aliments, élevage, je ne dis pas éducation des enfants. Dès qu‟une nouvelle épouse est admise
73

au foyer, l‟aînée est souvent délaissée. Toute sa joie consistera alors à vivre au milieu de ses petits
enfants, la coépouse ne sera plus pour elle qu‟une rivale. Il est vrai que parfois la première épouse
garde un certain rang, et conserve sur les coépouses un peu d‟autorité.

NOTA
(Il résulte d‟une petite enquête que j‟ai eu l‟occasion de faire, que 113 femmes de foyers
monogames ont donné le jour à 663 enfants tandis que 215 femmes unies à 69 polygames n‟en ont
eu que 807, soit donc une moyenne de 5,85 % pour les premières et 3,75 % pour les secondes. Et
l‟enquête a porté exclusivement sur des foyers de vieillards c‟est-à-dire chez des époux arrivés à
l‟âge de décrépitude, incapables d‟engendrer d‟autres enfants. J‟ajouterai même que la moyenne
est plus forte encore dans les familles chrétiennes. Je prends pour les familles chrétiennes, les
registres d‟une ancienne mission. Par exemple à Baudouinville, où les registres en 1928 sont tenus
à jour depuis 35 ans au moins, on a pu constater une moyenne de 6,50 % par épouse).

Si du moins, elle trouvait parmi ses enfants un peu d‟affection vraie. Hélas, là même, elle n‟est
que trop souvent regardée avec indifférence. Beaucoup, il est vrai, éprouvent pour leur mère un
certain attachement, surtout tant qu‟ils sont petits. Mais dès qu‟ils deviennent grands, bien des
garçons ne voient en elle qu‟une sorte de servante. Ils ne l‟appelleront plus maman ou mère, mais
lui donnent son nom d‟épouse ou de fille, que pour un rien on peut accabler de reproches,
d‟insultes ou même frapper ou maudire. Rares sont les mariés qui soutiennent leur mère devenue
impotente ou vieille.

NOTA
(Ceci est spécial aux populations de culture patriarcale du Kivu. Ailleurs, au Tanganika, p. ex. les
enfants restent attachés à leur mère, même les fils, et ils en prennent soin quand elles sont vieilles.
Instinct filial, aussi crainte superstitieuse. Elle mourra la première ; son âme « muzimu » esprit
viendrait se venger après sa mort de ceux qui ne l‟ont pas bien soignée).

Et chose étrange, si une veuve, mère de fils adultes, songeait à se remarier, elle aurait à demander
la permission à son fils aîné, fut-elle issue de notables ou reine régente. Au foyer même, l‟épouse
ne peut pas manger au même plat que son mari ; un homme croirait s‟humilier à prendre ses repas
avec sa femme. Il y a exception pour le temps « de la lune du miel ». Au mari les morceaux de
choix, le lait caillé ; à l‟épouse le brouet et ce qui reste de viande ou de lait quand le mari a fini. La
femme du Bushi n‟a pas même la consolation, comme ailleurs, de transmettre à ses enfants le nom
de son clan. En devenant la chose de son mari, elle quitte provisoirement le nom de son clan ; ses
enfants adoptent celui de leur père. Sur la voie publique, la femme a défense de saluer un notable,
et vient-elle à le croiser, elle doit quitter le sentier, et passer à l‟écart, comme pour éviter d‟être
aperçue. Inutile de dire que sa voix est sans valeur pour la chose publique. Jamais on ne la
consulte pour des affaires d‟intérêt général. Elle n‟est admise aux réunions que pour en agrémenter
le chant et la danse. De toutes parts, les défenses rituelles l‟atteignent. On dirait que la grande
majorité des « tabous » n‟ont d‟autres buts que de rappeler son infériorité. Je ne citerai que
quelques exemples :
- défense de fermer la porte devant son mari
- défense de jeter les cendres du foyer en l‟absence du mari
- défense de défaire le lit conjugal en l‟absence du mari
- défense d‟engendrer dans sa propre case, elle doit accoucher en plein air
- défense de manger un mets préparé par son mari
- défense de se laver deux fois le même jour ou avant d‟avoir puisé de l‟eau
- défense de siffler
- défense de chanter ou de sortir pendant la préparation du repas
- défense d‟écrémer le lait, de le faire cailler sans permission du mari
- défense de laver le pot dans lequel on trait le lait
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- défense de boire du lait frais à ses époques


- défense de traire la vache
- défense de prononcer le nom de son père
- défense de manger des œufs
- défense de passer par dessus une corde, une écuelle, une haie, un ruisseau, un bâton, une lance,
un arc, etc.
- défense de toucher une lance, une serpe, avant d‟avoir donné le jour à un garçon
- défense de se nettoyer la chevelure avec de l‟eau ou avec les doigts et il en est bien d‟autres
encore (v. 104).

Enfreindre ces défenses l‟oblige chaque fois à boire un remède spécial, seul capable de la purifier
de sa souillure rituelle, sous peine de devenir malade.

De tout ce qui précède, on peut conclure semble-t-il qu‟en devenant épouse, la fille se passe au cou
le carcan de l‟esclave et au pied le boulet du forçat. Les jeunes-filles ont donc raison de lui chanter
au jour de son mariage « ecili amavura jirhakula » c‟est-à-dire il y a du beurre pour celle qui n‟est
pas encore grande, ce qui veut dire : quant à toi, tes beaux jours sont passés.
La femme est donc considérée comme un être faible, inférieur par nature. Dès sa naissance déjà on
le remarque, puisqu‟elle ne donne lieu à aucune réjouissance, bien que le père en soit heureux, et
qu‟elle lui annonce pour plus tard un intérêt sérieux. Cependant elle n‟est pas parquée dans un
harem. Jeune-fille, elle a ses allées et venues assez libres ; femme, elle garde au foyer une place
honorable et peut toujours quitter son mari pour convoler ailleurs. Elle ira, même sans avertir son
mari, visiter ses parents, cultiver, commercer, rendre visite à des amies, « kuhûna » demander
ailleurs des vivres (ce qui est fréquent) et prendre part à des danses. Elle est en somme libre pour
sa personne, mais à moitié servante dans son foyer. En se mariant, elle n‟entre pas réellement dans
la famille de son mari. Elle reste la fille de ses parents, chez lesquels elle reviendra fréquemment,
et dont elle repousera les intérêts même contre ceux de son mari et de ses enfants. Elle est
« prêtée » pour rapporter, et elle cherche à le faire. Elle entre, il est vrai, dans le clan de son mari,
mais provisoirement, ou mieux elle adhère à son clan sans en faire partie, restant toujours de son
clan à elle, à celui de son père. Devient-elle veuve, sans enfants, elle rentre de droit au foyer ; si
elle a des enfants, elle va au successeur de son mari, auquel elle appartient au même titre qu‟à son
mari. Si elle divorce, elle retourne de même chez ses parents. Ses visites à sa famille sont
fréquentes, surtout chez sa mère, où elle va décharger ses chagrins familiaux et dire ses joies, où
elle va prendre conseil. En cas de maladie un peu longue, c‟est chez sa mère qu‟elle va se faire
soigner. La mère d‟ailleurs, vient souvent la visiter chez elle. Quand la grossesse est avancée,
c‟est encore au foyer maternel qu‟elle ira chercher conseil et remèdes. Souvent même elle s‟y rend
pour ses couches. Elle conserve donc tous ses droits comme fille de ses parents et saura à
l‟occasion les revendiquer. Si le mari désire s‟engager à distance, il doit demander son
consentement. Elle le suivra si elle veut, mais le mari ne peut la forcer. Il lui reste d‟ailleurs
toujours une forte attirance vers le pays maternel, et rarement elle consentira de bon cœur à
demeurer longtemps loin des siens.
Pour toutes les affaires un peu importantes, le mari la consulte. C‟est le cas notamment lorsqu‟il
s‟agit de marier les enfants, et ses avis sont pris en considération. Ce qui précède s‟adresse à la
femme d‟un monogame, et dans le foyer polygame, à la première femme, la matrone de céans.
Dans la famille de son mari, elle est considérée comme l‟un des membres ; ses beaux-parents,
beaux-frères et belles-sœurs la considèrent comme leur fille, leur sœur. Evidemment ses qualités
personnelles peuvent y concourir beaucoup. La femme doit obéissance à son mari, et généralement
elle s‟y soumet ; mais il ne faut pas que cela soit trop onéreux. Même pour les relations
conjugales, elle fera assez facilement sentir par un refus, qu‟elle est de mauvaise humeur. On peut
dire que la femme Mushi est fidèle. Rares sont celles qui portent leur affection trop crûment à un
amant. C‟est dire que l‟adultère est, de son côté, exceptionnel, surtout, si elle a déjà des enfants,
même en l‟absence de son mari, bien qu‟elle n‟ait pas à redouter pour elle-même de graves
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châtiments, du moins en pratique ; elle sait que son mari a le plus souvent plus d‟une peccadille à
son actif (cf. 168). La femme a toujours droit à la protection de son mari. Je n‟ai jamais entendu
qu‟une femme fut prêtée ou échangée par son mari. Quant aux filles esclaves vendues au temps de
la famine, voir N° 175.

85. DISSOLUTION DU MARIAGE

Le mariage peut être dissout de diverses manières :


1. par la mort du conjoint (cf. N° 100)
2. par divorce.

Les cas les plus ordinaires du DIVORCE sont les suivants :


- Le père de la femme trouve un plus offrant, p. ex. on lui offre un taureau de plus que le 1e
mari ; souvent il cèdera et fera revenir sa fille si elle n‟est pas encore enceinte. Le cas est
fréquent.
- La femme tarde à concevoir (c.f. 2 ans), le mari la répudie le plus souvent comme stérile.
- Il y a incompatibilité d‟humeur, ou bien la femme est coureuse ou paresseuse ou atteinte d‟une
maladie incurable ; le mari la renvoie même si elle a déjà de lui des enfants. Et vice-versa la
femme abandonne son mari.
- La femme qui ne sait pas faire le mouvement par lequel elle doit demander le debitum risque
fort d‟être répudiée.
- Une inimitié surgit entre les deux familles ; presque toujours l‟épouse quitte son mari, car elle
prend à priori parti pour les siens contre la parenté de son mari.
- Si le mari se montre avare et ne donne pas à sa femme de quoi s‟habiller, ou bien la bat
fréquemment, se montre trop exigeant pour la nourriture, ou l‟abandonne trop en cas de
maladie, celle-ci retourne chez ses parents.
- Si le mari tarde trop à payer la dot promise, ou bien si la vache donné en dot est stérile ou ne
donne pas de lait, le père rappelle sa fille chez lui, et le plus souvent la fille obéit.

En cas de divorce, la vache est rendue au mari, si elle a été livrée et agréée, mais les biens
accessoires le plus souvent restent au père de la fille, soit parce que celui-ci ne pourrait les rendre,
soit qu‟ils servent à payer l‟usage momentané que le mari a eu de sa femme. Que s‟il y avait
divorce après que la femme eut déjà enfanté, on s‟arrangerait à l‟amiable, mais la vache resterait
acquise au père de la femme. Assez fréquemment le père force sa fille divorcée à retourner chez
son mari, c‟est le cas notamment si la vache-dot était venue à crever ; mais l‟épouse alors rendrait
bien souvent la vie commune impossible. Une femme divorcée ne peut emporter les ustensiles du
ménage. Que si d‟aventure un mariage avait été conclu entre deux personnes, et qu‟après le
mariage on venait à découvrir un empêchement coutumier (N° 82) le divorce devrait avoir lieu.
Les anciens, gardiens de la coutume, ne tolèreraient pas une telle cohabitation. En cas de divorce,
les enfants issus du mariage, reviennent de droit au père. Toutefois ceux qui ont besoin des soins
maternels suivraient provisoirement leur mère, et devenus grands choisiraient. Le plus souvent les
garçons iraient rejoindre leur père, les filles resteraient chez leur mère ; mais alors même le père
aurait droit de toucher la vache donnée pour leur mariage. Les divorcés sont-ils fréquents ? Oui,
certainement. La liste des cas donnés ci-dessus peut le faire supposer. Et de fait, la plupart des
mariages entre païens sont rompus au moins une fois. Je ne pense pas exagérer en disant que les
deux tiers au moins des femmes mariées mère de deux enfants, n‟en sont plus à leur premier mari,
même en tenant compte que le mariage chrétien a déjà concouru par son exemple à en diminuer le
nombre. Jadis, les 4/5 sûrement des mariages étaient conséquents à des divorces précédents.
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86. EUNUQUES

Les eunuques proprement dits n‟existent pas, je parle de ceux qui auraient éprouvé la castration
dans leur enfance ou plus tard, dans un but semblable à celui que poursuivent les Arabes, en vue
des harems. Si on veut appeler eunuques les hommes dont on a coupé les membres virils, on doit
dire que cela s‟est vu ; car en temps de guerre, l‟ennemi surpris est le plus souvent mutilé de la
sorte, et il peut arriver que l‟un ou l‟autre en guérisse. Quoi qu‟il en soit, je n‟en ai jamais connu.
Le mot « oshahulwe » (que tu sois ainsi mutilé) est extrêmement fréquent, il sort de la bouche des
Bashi pour un rien, tout comme les autres imprécations. Il s‟adresse même aux objets, comme
nous dirions : « maudit temps, maudit crayon » etc.

87. D/ FAMILLE

AUTORITE

Le PERE est maître au foyer, mais non pas maître absolu, puisque la mère elle aussi a son mot à
dire. Il commande à sa femme et ses enfants, à peu près, comme cela se fait chez nous, et tous lui
doivent obéissance, comme il a été dit au N° 83. C‟est lui qui décide pour les choses importantes.
Veut-il changer de demeure ou de colline, ou même de sous-chefs, tous n‟ont qu‟à le suivre. C‟est
lui aussi qui choisira les champs à défricher, qui vendra le produit des cultures après en avoir
déterminé ce qui doit rester pour l‟usage de la famille. Si sa femme vend ses produits au marché,
elle lui en remet le produit, à lui aussi les biens de la famille : vaches, chèvres, moutons, poules,
etc. et tous les ustensiles, ainsi que la hutte. Si les enfants parviennent à acquérir quelque chose,
chèvre, poule, francs, ils doivent le remettre au père qui en dispose en principe. Mais encore ici, il
consultera l‟avis de sa femme « pour éviter les disputes de ménage ». Il est et reste le vrai « pater
familias ». Faut-il sacrifier aux esprits des ancêtres, ce rôle lui revient de droit, il est le
représentant officiel du sang, du clan dans sa famille, car c‟est en lui que les ancêtres se
« survivent ». Devant la communauté, c‟est lui qui répond pour les siens. Sa femme ou ses enfants
ont-ils fait du tort à autrui, il en est responsable.
Que s‟il devenait notoirement incapable, soit par la folie, soit par emprisonnement perpétuel, ses
droits passeraient à son successeur, fils-aîné s‟il est grand ; son frère aîné et sa tante (tante
maternelle des enfants) auraient aussi leur mot à dire au sujet des enfants en bas-âge.
La MERE commande à ses enfants, elle est maîtresse pour ce qui regarde le foyer proprement dit,
surtout pour la cuisine. Elle peut disposer de ses biens personnels, vêtements, ornements reçus de
son mari, ou achetés avec sa permission ; c‟est à peu près tout. Elle intervient dans certains
sacrifices, comme il a été dit notamment au mariage (80). S‟il y a plusieurs femmes, la première,
même si son mari l‟a délaissée un peu, garde la priorité sur les autres ; elle est et reste la matrone.
Mais chacune des femmes conserve l‟autorité sur ses propres enfants, tout comme la première.

Le FILS AINE est dans la famille sur le même pied que les autres, aussi longtemps que vit son
père, tout au plus reçoit-il certaines prévenances en tant que futur successeur et chef de famille.
Ses parents l‟appellent « nfula » « aîné », ses frères et sœurs « mukulu » « le grand ».

Quant aux oncles et tantes paternels et maternels et aux grands-parents, ils n‟ont quasi rien à dire
au foyer du vivant du père. A sa mort, si le fils aîné est en bas-âge, ses droits passent
provisoirement à l‟oncle paternel et à la tante paternelle (N°s 68 Ŕ 77 Ŕ 82 Ŕ 84 Ŕ 161).
J‟ai parlé de la mort du père, c‟est dire que peut se présenter le cas de tutelle obligatoire. En effet,
à son décès, le successeur doit prendre soin des enfants, et particulièrement de leur mère ; l‟héritier
devient tuteur de droit. Il en acquiert toutes les obligations et tous les devoirs ( 82, 100). Il devient
le « pater familias ».
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CLANS : Les enfants font tous partie du clan du père, celui de la mère ne compte pas. Et cela on
suit le régime « patriarcat ». La raison en est très simple : il faut conserver dans le clan les biens de
la famille, et les femmes ne sont là que pour en augmenter et les membres et les biens. Qu‟est-ce
que le clan ? C‟est un ensemble de phratries, développement actuel d‟une famille « une » à
l‟origine, gouvernée par le fondateur du clan qui lui donne son nom. Du clan naîtront à leur tour
d‟autres sous-clans, sous l‟influence des mêmes circonstances qui ont donné lieu à la naissance du
premier. En somme, la tribu des Bashi, constitue dans son ensemble, un arbre aux branches plus
ou moins ramifiées. La tribu en forme le tronc, elle aura une première filiale, la branche maîtresse,
qui garde encore son nom : mais encore à côté de cette branche maîtresse, elle poussera d‟autres
branches également sorties du tronc, et qui seront, parfois plus fortes même que la branche
maîtresse, mais toujours filles comme elle du tronc principal. Chaque branche à son tour se
ramifiera ; certains rejetons, telles des boutures sociales, s‟en iront fructifier au loin et constituer de
nouvelles souches. Ce ne sera pas moins la même vie qui circulera dans toutes les branches, les
rattachera toutes au vieux tronc. L‟étranger qui passe pourra s‟y tromper, le noir, lui, fier de son
origine antique, ne l‟oubliera jamais, et gardera précieusement les derniers lambeaux, qui lui
restent de son histoire nationale (voir : Les Fangs P. Trilles, p. 130).
Les sous-clans, se forment à la suite d‟un crime, d‟un inceste ou d‟une autre faute énorme qui fait
chasser du clan un pater-familias. Ainsi, pour ne donner qu‟un exemple : Kaciko, frère de
Ngingiyinga ou Kwibuka (Ngweshe) qu‟il tua de la lance, fonde le clan des Baciko, sorti du clan
Banyamwoca. La famille vint vers 1850 en Irhambi avec Bikomokero (Katana).

En pratique, on ne sort jamais, de son clan. Il arrive pourtant qu‟une mère veut donner à son enfant
un clan plus considéré que celui de son mari. Pour cela, quand elle a conçu de lui, elle ira faire
l‟adultère avec un homme du clan désiré, et proclamera que le fruit qu‟elle porte est de ce dernier.
Elle le fera plus souvent pour faire entrer son enfant dans le clan des Baluzi (aristocratie actuelle).
Si le mari fraudé porte l‟affaire devant le tribunal du chef, celui-ci s‟en rapporte à priori au dire de
la mère. Et le nouveau-né sera du clan désiré. Mais si plus tard la mère disait à son fils la vérité,
celui-ci pourrait opter pour le clan de son père réel, ou pour celui du mari de sa mère, mais il
passerait pour cela devant le tribunal du chef. Le cas a lieu notamment si le fils ou la fille née de la
sorte voulait s‟unir à un membre de l‟un de ces deux clans réel ou putatif. La femme, en se mariant
reste de son clan, de sa phratrie. On pourrait cependant admettre qu‟elle adhère à celui de son mari
qu‟elle en fait presque partie, surtout si elle a des enfants et n‟est pas en bonnes grâces auprès des
siens, car alors elle en prendrait les intérêts plus entièrement. Il est de rigueur qu‟un homme ne
marie pas une femme de son clan. C‟est la loi d‟exogamie. Il y a cependant quelque tempérance à
la rigueur de la coutume. Ainsi les fils des chefs baluzi prennent parfois des femmes baluzi (clan
Nyamwoca), pourvu que la parenté ne soit pas trop rapprochée. De même quand deux personnes
sont de même clan, mais originaires de pays différents, quand bien même elles habitent le même
village, elles peuvent contracter mariage. Ce serait le cas d‟un Munyintu de chez Kabare, avec une
Munyintu de l‟île d‟Idjwi. Mais le cas reste exceptionnel ; c‟est que l‟ancêtre commun est alors
déjà bien loin ? Suite des clans, voir N° 94.

88. COMPOSITION DE LA FAMILLE

LA FAMILLE au sens restreint, comprend : le père, sa ou ses femmes, les enfants issus de chacune
d‟elles. Le père est roi chez lui, dans sa petite famille. Seul, il y commande.

Au sens plus large, la famille est constituée par :


- le père avec ses frères et sœurs, leurs conjoints et leurs parents, leurs enfants et petits enfants.
- La mère avec ses frères et sœurs, leurs conjoints, leurs parents, leurs enfants et petits-enfants.
- Les fils avec leurs femmes et parents et leurs enfants et petits-enfants.
- Les filles avec leurs maris, et leurs enfants et petits-enfants.
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- Les fils et filles nés d‟une autre femme du père ou d‟un autre mari de la mère (donc demi-
frères ou sœurs des précédents) avec leurs conjoints parents, enfants et petits-enfants.

Donc sont de la famille tous ceux et celles qui sont unis par la consanguinité et par l‟affinité y
compris les consanguins des affinés. Mais l‟affinité de l‟affinité n‟entre plus dans le cadre de la
famille. Ainsi le 1er mari d‟une autre femme du père de Jean, n‟est pas de sa famille. Cependant
cette autre femme de son père n‟est qu‟à moitié de sa famille ; il l‟appelle « munnina », tante, du
vivant de son père, mais peut la prendre en mariage après sa mort.

LES ETRANGERS ne peuvent entrer dans le cercle de la famille ; il faut noter cependant que les
membres d‟un clan allié (v. 94) en ont plus ou moins les prérogatives.
Il arrive qu‟un homme fasse avec un autre le PACTE DE SANG ; (cihango). A partir de ce jour ils
se considèrent comme frères (muko mwira wage) = (son ami de sang), et les consanguins de ce
dernier rentrent aussi dans sa famille ; il ne pourrait en épouser les femmes.

L‟ADOPTION est très rare, même parmi ceux qui n‟ont pas engendré leur héritier. Il se rencontre
cependant des chefs qui ont eu un fils adoptif. C‟est ainsi, dit-on, que le grand chef Kabare, grand-
chef des Bashi, a adopté comme fils un garçon né de sa femme illégitime et du fils de Muliri, et lui
réserve à défaut d‟autre fils, ses droits à la succession. Le peuple l‟acceptera comme grand-chef à
la mort de Kabare, parce que celui-ci lui transmet son pouvoir (voir N° 175).

89. HABITATIONS FAMILIALES

Le jeune homme qui prend femme construit sa hutte lui-même, là où il veut, et selon la permission
du chef. Il fonde son foyer. Il ne reste pas dans l‟enclos de son père, bien qu‟il puisse se mettre
tout contre. Avant son mariage, dès qu‟il est un peu grand, il a sa hutte séparée de celle de ses
parents ; il en est de même pour les filles, mais ces huttes se trouvent habituellement dans l‟enclos
paternel. L‟enclos familial comprend donc : la maison du père, où il dorme près de sa vache, la
maison de sa ou ses femmes, qui s‟y tiennent avec leurs petits enfants, la hutte des grands garçons
et celle des grandes filles. Devant l‟enclos se trouve la hutte des ancêtres (Ngombe voir N° 39).

90. RELATIONS ENTRE LES MEMBRES DE LA FAMILLE

Les parents aiment leurs enfants, c‟est certain, la mère notamment ; et leur affection ne se
manifeste pas seulement quand ils sont petits, mais même plus tard, bien qu‟alors cette affection se
montre assez peu. Mais à l‟occasion du mariage, ou au retour d‟une longue absence, après une
grave maladie ou un grand malheur de leur part, il y a des explosions de joie. Les enfants aiment
aussi en général leurs parents, et frères et sœurs ont l‟un pour l‟autre de l‟attachement. Cette
affection est naturellement plus sensible du côté des femmes et des filles. L‟amour s‟y montre par
l‟entraide mutuelle. Toutefois cet amour n‟est pas profond comme chez nous. En cas de décès on
pleure, mais les larmes sont de bien courte durée. Une mère p. ex. qui vient de perdre son petit
enfant, le pleure, maudit même Dieu (Nyamuzinda) qui le lui a ravi, et après fort peu de temps n‟y
pense plus. J‟ai vu des mères quitter leur mari et lui abandonner sans vergogne ses tout petits
enfants qui restent ainsi sans soins.
Le fond de l‟amour est l‟intérêt, l‟égoïsme. Le père aime ses filles parce qu‟elles lui procureront
du travail et des vaches ; aussi les soigne-t-il de préférence à ses garçons quand elles sont malades.
Il aime son fils-aîné parce qu‟il est son successeur et lui offrira des sacrifices après sa mort. La
mère aime ses enfants d‟un amour plus naturel, mais de surface. Elle et son mari négligent
facilement les garçons puînés ; il arrive même que le plus chétif d‟entre eux est presque négligé
complètement, et dépérit par leur faute. Si la fille est généralement très attachée à sa mère, il n‟en
est pas de même des garçons ; et ceux qui insultent et battent leur mère ne sont pas rares du tout
tous respectent « barhinya » (craignent) leur père. Rares sont les fils mariés qui entretiennent
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convenablement leur mère vieille et infirme, même lorsqu‟ils sont pourvus de biens. Que de fois
n‟ai-je pas rencontré de pauvres vieilles allant ramasser les restes du marché et allant mendier à
droite et à gauche, logeant dans une hutte délabrée, presque sans feu, à peine vêtue, abandonnées
en cas de maladie, lesquelles avaient pourtant des fils aînés. Les filles se montrent moins dures
pour leur vieille mère pauvre. D‟ailleurs une fille n‟appellera jamais sa mère par son nom de
famille, quand elle lui parle. Le père devenu vieux, veuf et infirme, est moins malmené par ses fils.
C‟est qu‟il faut toujours craindre qu‟après sa mort son « muzimu » se vengerait de l‟abandon dans
lequel on l‟aurait laissé durant son vivant. Le veuf ou la veuve n‟éprouve guère de douleur vraie
de la perte du conjoint. Ils regrettent le tort que cela peut leur faire et c‟est tout. On verra au N° 94
ce qu‟il faut entendre de la prétendue parenté avec le totem en clan. Le véritable lien de la parenté
consiste dans le sang du père ; donc dans l‟ascendance et la descendance du côté des hommes :
cinyamulongo et cinyabuguma le traduisent, et signifient : le 1er, la lignée, le 32e l‟unité des
membres de la famille. Il y a cependant entre tous les membres de la famille (et même du clan)
une réelle solidarité. Ils s‟entraident généreusement en cas de dettes, dès que celles-ci menacent de
tourner au tragique, et en cas de grosses difficultés ; ils prennent toujours le parti de leurs proches,
et la fille défendra même les intérêts de son père contre son propre mari, et même contre ses
enfants.

91. PROPRIETE FAMILIALE

Les objets de la famille appartiennent au père, comme il a été dit au N° 87, la mère et les enfants
n‟ont à eux que ce qu‟ils ont sur le corps. Le père peut aliéner ces objets, les partager, les vendre
comme il veut. Il ne peut être question de la propriété foncière des cultures, elle n‟existe pas, la
terre appartient à la communauté. Le père a cependant le droit exclusif de l‟usufruit des vaches et
des terres à lui concédées par le chef, le gérant de la fortune commune.
Le chef, lui-même, n‟eut enlevé à un indigène ses objets personnels, y compris le produit des
cultures, sauf pour le cas, de « lèse-majesté » (kunyaga). Mais il a droit de prendre la bananeraie
que le père a plantée. En principe le travail des enfants produit pour le père, mais le fils peut
songer à son mariage, et se sérver ce qu‟il faut pour ce cas. L‟épargne n‟est guère en honneur, il y
faudrait l‟esprit de prévoyance, qui manque presque totalement aux Bashi. On vit au jour le jour.
C‟est ainsi qu‟après le jour du marché, quand arrive au foyer la hotte pleine de vivres, on y fait
bombance pendant un jour ou deux, quitte à se serrer la ceinture jusqu‟au prochain marché, lequel
a lieu tous les cinq jours. On ne connaît guère la mise en réserve, sauf comme je viens de dire,
pour préparer le mariage, et les semences pour les prochaines cultures.

92. ROLE DES VOISINS DANS LA FAMILLE

Ce rôle se réduit à peu de choses. Chacun pour soi, ici plus qu‟ailleurs. Il arrive pourtant qu‟on
s‟entraide pour les cultures, quitte à être aidé en retour. On ne va pas non plus demander conseil
chez le voisin, on va pour cela chez ceux de la famille. Une vache vient-elle à s‟enliser, une hutte
doit-elle être refaite ou déplacée, on peut généralement compter sur les voisins pour un coup de
main. Il en est de même contre les voleurs nocturnes. Les pauvres et les malheureux trouveront
assez facilement un peu de nourriture dans le voisinage, le noir cède presque toujours un peu de
vivres à celui qui en demande ; il n‟est pas « chiche » ; et dès sa petite enfance on l‟y habitue.

92. SITUATION SOCIALE DES MEMBRES DE LA FAMILLE

Si l‟on considère la famille proprement dite c‟est-à-dire le père, sa ou ses femmes et ses enfants, il
va sans dire que la considération, son importance au point de vue social, sont au prorata des biens
qu‟elle possède. Le pauvre, père de famille, se met le plus souvent à l‟abri d‟un plus riche que lui,
le sert en quelque sorte, est à son service dès que son patron en a besoin ; il se fait son client
(amushiga) ; en retour il reçoit son appui contre qui le moleste, et même parfois il en reçoit une
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vache. Le possesseur de plusieurs vaches, surtout s‟il a 2 ou 3 femmes et un certain nombre de


garçons rentre dans la caste des bagula c‟est-à-dire des gens aisés. Il a son mot à dire dans les
palabres, voire même dans la direction de la communauté ; et c‟est parmi les bagula que les chefs
choisissent le plus souvent les chefs de collines. Il est une caste plus élevée, celle qu‟on pourrait
appeler « l‟aristocratie ». Elle comprend les membres du clan « Banyamwoca » qu‟on désigne
aussi sous le nom de « Baluzi » clan du grand-chef, le « mwami » qui régit le pays avec l‟aide des
autres membres de sa famille, et qui sont placés par lui à la tête d‟un groupe plus ou moins
compact de « bashi ». On pourrait rattacher à cette aristocratie, les représentants de plusieurs
autres clans, qui de ce fait remplissent près du mwami certaines fonctions parfois héréditaires et
forment son conseil, un peu comme « les ministres d‟Etat » chez nous. Tous ces sous-chefs sont
appelés Barhambo, du verbe kurhambula : gouverner.

Mais il s‟agit ici surtout de la famille au sens restreint, du rôle notamment du père et de la mère.
Le père commande, on l‟a déjà vu, il est « roi de son petit domaine » (voir le N° 83). On y a vu
aussi que le rôle de la mère a également de l‟importance. J‟ajouterai seulement ceci : la femme
issue de parents aisés a, dans le village, son petit mot à dire. Elle est considérée et trouvera sans
peine de l‟aide de la part des autres femmes et filles, par exemple pour la culture des champs et
d‟autres petits services journaliers. Son conseil est facilement écouté. Va-t-elle au marché, au
bois, en visite, les compagnes ne lui manquent pas. Dans son ménage, elle est maîtresse.
La femme pauvre, quoique maîtresse dans son foyer, est assez inconsidérée au village. C‟est
qu‟elle n‟est guère en état de faire des largesses, et on le lui fait sentir. La femme en général ne
compte pas pour la chose publique. Il y a cependant des FEMMES-CHEFS. Tout d‟abord, la mère
du « mwami », la reine-mère « mwami-kazi ». Son fils n‟entreprendra aucune affaire importante
sans la consulter. Elle a le plus souvent un bout de territoire à régir. Viennent ensuite la ou les
femmes du « mwami », qui reçoivent également à commander sur un certain nombre de collines,
ont leur bétail et leurs sous-chefs. En l‟absence des sous-chefs, ce sont encore les femmes de ceux-
ci qui dirigent leur territoire. Toutes ces chéfesses prennent part aux palabres sur leur territoire,
quand leur mari n‟y est pas. Il est à remarquer aussi que durant les guerres, qui jadis, étaient
fréquentes, les femmes sont respectées ; elles peuvent librement circuler. Elles entendront peut-
être des insultes, des menaces, mais on ne peut ni les capturer, ni les blesser.

94. LES CLANS PRIS DANS LEUR ENSEMBLE.

L‟existence des clans est due au besoin de se rappeler d‟une manière précise le nom ou surnom du
premier ancêtre et l‟origine commune qui unit entre eux les descendants. Aucune idée religieuse,
semble-t-il, n‟y préside. Les sacrifices, les prières et les autres manifestations du culte font
abstraction complète du clan. Le nom du clan est pour nos Noirs une simple carte d‟identité. Il
correspond assez bien à notre nom de famille.

Le NOM DU CLAN est parfois celui de l‟ancêtre qui le fonda ; le plus souvent c‟est son surnom
ou celui de ses premiers descendants. Voici quelques exemples : Kaciko, donne son nom aux
Baciko. (Ba, banya, bene, mis au début du nom des clans, signifient « gens de … enfants de …).
Namuhonye fonda les Banyamwoca, de son fils Mwoca qui faisait rôtir (kuyoca) la viande pendant
la marche ; Nacahi créa le clan des Badaha ; on l‟avait surnommé Mudaha, parce qu‟il avait sans
permission vidé de leur contenu (kudaha) plusieurs greniers ; Kagenyi engendra le clan Baziralo,
qui prit le nom de la colline Ziralo que leur ancêtre occupa au Butembo avant de venir au Bushi ;
les Baziranduku furent ainsi désignés parce qu‟ils ne mangeaient pas (kuzira) la chair du toucan
(nduku) etc. Chaque noir, c‟est évident, appartient à un clan (N° 87).

Une femme, comme on l‟a vu quitte toujours son clan paternel pour entrer dans le clan de son mari
dès qu‟elle en a eu un enfant. Elle entrera de même dans le clan de son 2e ou 3e mari et se trouvera
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par le fait même astreinte aux prescriptions et défenses inhérentes au clan de son mari actuel. Mais
au fond elle n‟est d‟aucun clan, la femme sur ce terrain est comptée comme de peu de chose.

UN CLAN PEUT SE SECTIONNER. Un membre le quitte pour des motifs divers qui sont
ordinairement l‟inceste ou le meurtre sur un membre du clan. Personne de ce clan ne consentirait à
avoir avec l‟incestueux ou le meurtrier d‟un parent des rapports d‟amitié. Le clan Banyamwoca
sortit du clan Banyintu et se forma à la suite d‟un double inceste des filles de Nalwindi, chef du
clan ; le clan Baciko et celui des Bahanga sortirent du clan Banyamwoca après que ces deux
ancêtres, Kaciko et Kahanga eurent tué leur frère, le roi Nginginyinga, ou plus probablement son
grand-père Kwibuka, chef des Banyamwoca du sud. Ce dernier se détacha lui-même du clan de
Kabare par révolte du premier. Ngweshe contre Kabare son frère à la suite d‟un outrage à son
chien (v. 141).
Le plus ancien clan connu, celui des Banyehya ou pygmées, commença à la suite de l‟union
considérée comme incestueuse du chef Mushingi avec sa cousine germaine, fille de son oncle
maternel. Parfois encore la division a lieu pour chercher des terres fertiles, comme firent les
enfants de Ciganga, devenus chefs des clans Banyintu et Basibula ; ou bien par un simple
déplacement d‟un indigène qui suit un chef d‟un clan autre que le sien sur une terre étrangère et
devient ainsi la souche d‟un clan, que ses descendants sépareront du clan original, comme firent les
Badaha, issus du clan Bagesera au Rwanda.

MAIS COMMENT SE RECONNAITRE ENTRE EUX ? Comment les noirs s‟y prennent-ils pour
tenir unies les innombrables lignées issues d‟un ancêtre commun ? Ils ont imaginé pour cela une
sorte de blason et une devise. Tout homme en est instruit au sortir de l‟adolescence ; ce sont ses
titres de noblesse, la preuve d‟un pouvoir perdu, le noyau autour duquel se groupent les gestes de
ses ancêtres ; les faits historiques qui seuls l‟intéressent.
CE BLASON, qu‟on appelle habituellement « TOTEM » est le plus souvent un animal,
quelquefois une plante ou un objet inerte, rarement une pratique ou un geste. Je ferai remarquer
cependant que le mot « totem » ne semble pas pleinement répondre chez nos Bashi à la définition
qu‟en donnent les savants d‟Europe. Ainsi le clan porte rarement le nom de l‟animal ou de l‟objet
totémique ; le culte que nos noirs lui rendent se réduit à un simple honneur qui se manifeste par le
respect et l‟interdiction de le détruire ou de s‟en servir dans un but utilitaire, ils n‟admettent aucune
parenté réelle entre les membres du clan et le totem. Ils l‟appellent, il est vrai « mwene wirhu »,
notre parent, mais demandez-leur la raison de cette appellation, ils vous diront : « nous l‟appelons
notre parent parce que notre ancêtre l‟a choisi lui-même et qu‟il nous rappelle la parenté qui nous
unit ; c‟est pour ce même motif que nous lui donnerons le nom de notre clan. Nous l‟honorons un
peu comme les chrétiens révèrent l‟image du Sauveur. « L‟animal totémique des rois « mwami »
s‟appelle, lui aussi « mwami » roi et l‟indigène ne dira pas de lui « c‟est notre parent », mais c‟est
notre roi « mwami wirhu », car ils se figurent que l‟âme du premier roi se plaît parfois à rentrer
dans le corps de cet animal pour revenir réclamer des dommages « spéciaux ». Mais s‟ils refusent
catégoriquement tout rapport de parenté réelle avec le totem, il n‟en est pas de même de la
similitude. Les Banyamwoca disent qu‟ils attaquèrent les chefs qu‟ils supplantèrent avec la
voracité du « léopard » leur animal totémique ; les Badaha aiment les huttes des chefs comme la
« bergeronnette » aime le toit de chaume ; les pygmées s‟attachent à leurs forêts comme « le
chien » à son maître, etc.

LA LOI D‟EXOGAMIE qui découle du totem n‟intervient que pour renforcer l‟empêchement
matrimonial à certains degrés de consanguinité collatérale sans les empêcher tous. C‟est ainsi que
certains enfants issus de frère et sœur (bazala) peuvent se marier entre eux, qu‟un homme peut
marier une femme de son clan dès qu‟ils ont l‟un et l‟autre perdu le souvenir de leur ancêtre autre
que la souche du clan d‟où sont sorties les lignées de l‟un et de l‟autre (voir 82, 87). Puisque le
totem rappelle l‟ancêtre du clan, il y aura donc le totem du clan proprement dit, le totem du clan
dont il est issu et quelque fois même le totem de la première tige qui leur a donné naissance à tous.
82

Biens plus, les indigènes ont coutume de respecter le totem du clan de leur chef et d‟en faire quasi
le leur propre. Il suit de là que chaque noir peut avoir plusieurs totems ; et c‟est à ce fait sans doute
qu‟il faut attribuer l‟existence de nombreux animaux qui participent des privilèges totémistiques.
Tels sont : le chien, les fauves (lions, léopards, chats sauvages, hyènes), le corbeau, la grue
couronnée, l‟ibis, le héron blanc dit pique-bœuf, l‟hirondelle, la bergeronnette, le serpent, le lézard,
le caméléon, le crapaud, l‟anguille, le silure. Défense est généralement faite de manger ces
animaux, quelquefois même de les tuer sous peine de faire une maladie grave ; (kuhumâna) ou de
s‟en purifier de suite par l‟absorption du mubande, espèce de panacée composée d‟une infinité de
plantes et objets, les plus disparates englobées dans une pâte d‟argile séchée. Ce serait un abus
d‟énumérer ici les totems des soixante et quelques clans representes au bushi. Qu‟il suffise donc de
spécifier les totems propres aux clans des chefs dont il sera parlé ci-dessous.

LES CLANS ISSUS DU PYGMEE MUSHINGI respectent le chien. Il en est de même de tous les
autres clans, tous originaires directement ou indirectement du Nord du Rwanda. Les ancêtres de
Mushingi, pygmées déjà plus ou moins croisés, étant venus eux aussi du Nord-Est, on peut
supposer que pygmées et non pygmées descendant d‟un clan plus ancien dont le chien était le
totem. Nos pygmées bruns semblent bien être en effet un mélange de pygmées plus petits avec une
race plus forte.

Les BALEGA ont pour totem commun l‟oiseau ifunzi.

Les BARUNGU respectent les poumons de tout mammifère (mahaha) et l‟inceste chinerera.

Les BASIBULA ne mangent pas du ngabi (grande antilope).

Les BANYINTU honorent le jurende (espèce de chat-tigre) (d‟autres disent que c‟est le rat des
roseaux).

Les BANYAMWOCA ont pour totem le léopard.

La grue couronnée est le totem des BASAMBO.

Le corbeau est celui des BANJOKA.

La chèvre est honorée par les clans apparentés aux pygmées, les BADWAKAZI, issus par union de
pygmées à des femmes de leurs clans.

Les BANYAMBIRIRI ne peuvent lancer avec la main le fruit (ntobololo) du strychnos.

Les BANYALUGONO vénèrent l‟insecte musheke et s‟abstiennent de regarder la plante de leurs


pieds.

Les BARHANA ont la même prohibition ; de plus un murhana marié doit toujours sortir du lit
exactement en même temps que sa femme et donner avec elle le dernier coup de pioche aux
cultures, le soir au moment de quitter le travail.

Contrairement à ce qui se fait ailleurs, nos noirs n‟ont aucune espèce de représentation de leurs
totems, ni statuettes, ni tatouages, ni rien de matériel qui pusse les rappeler. Ils ont, il est vrai, des
huttes, des arbres, des pierres et autres objets destinés au culte des mânes, mais ils ne vénèrent
aucune image totémique. L‟ancêtre y reçoit parfois l‟hommage des chefs du clan par exemple, les
sacrifices des chefs Kabare et Ngweshe en l‟honneur du léopard sacré « ngwi mugashane » mais ce
sacrifice est un hommage des chefs en tant que pères du peuple, et aucune emblème n‟y représente
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la présence du totem. Ils se contentent d‟offrir de la bière et du miel dans la hutte élevée sur la
tombe du fondateur de la dynastie.

LES BRANCHES FAMILIALES qui composent le clan n‟ont pas, que je sache, des totems
spéciaux, non plus que les individus.
L‟ENFANT ne reçoit pas au sortir de l‟adolescence, comme cela se pratique dans d‟autres
peuplades bantu, un totem personnel. Il n‟a et n‟aura jamais que ceux du clan dont il fait partie et
des clans qui ont donné naissance au sien. C‟est aussi pour l‟aider à mieux retenir l‟origine de son
clan qu‟on lui apprendra dès son jeune âge une FORMULE QUI CONDENSE en quelques mots
brefs le nom du fondateur de son clan, ou s‟il appartient à un sous-clan, le nom de l‟ancêtre qui le
créa et celui du clan originel, ainsi que le ou les totems qui leur sont propres et le pays où le clan
commença son existence particulière.
En voici quelques exemples :
1° UN MULEGA du sous-clan « b‟e Cime » dira : Shamulega w‟e Cime n‟e Cilamba (noms de
deux pays du Kivu).
Les BENE NAKACUBA ont la devise : Shamulega w‟e Cishari, Shaluhunga wa Nyankaba
kokwe, orhalya ifunzi orhalya na musimbi (père Mulega de Cishari (pays à l‟ouest des volcans)
père Luhunga, fils de Nyankuba, merci, toi qui ne manges ni ………….

LES B‟E CISHOKE disent : ndi mulega w‟e mwa Mpekera na wa Bukanda wa Mpekera orhalya
ifunzi orhalya musimbi orhalya lubaka (je suis mulega de chez mpekera et de Bukanda fils de
Mpekera qui ne mange ni l‟oiseau ifunzi ni le carnassier musimbi, ni le milan lubaka).
LES B‟E KASIRU disent : Shamulega w‟e Kasiru ni orhalya …………… (père Mulega de chez
Kasiru qui ne mange ni ………………..)
Tous ces sous-clans ont le totem du clan Balega d‟où ils sortent.

2° LES MEMBRES DU CLAN BASIBULA ont pour légende : Shabasibula ou Shamuhande wa


Buhunde w‟e Kacucu na Bumera na Bokamanda, orhalya ngabi na nuzi (père des Basibula de
Buhunde …………………qui ne mange ni l‟antilope ngabi, ni le chat-tigre, njuzi).
Cette devise rappelle les pays successivement occupés par les ancêtres du clan, tous pays situés
au Kivu. La devise du clan Pygmée qui s‟est allié au précédent rappelle son origine :
Shabunyehya Nabukango (père Bunyehya (pygmée) maître du Bukango (montagne au Buhunde).

3° LE CLAN BASHOHO dit : Shabashoho b‟e Mwanda, ntalya muhugi na cikere mwene wirhu
(père des Bashoho du Mwanda (pays) je ne mange ni la grue couronnée, ni le crapaud notre
parent).

4° LE CLAN BISHAZA dit : Shamwisheza w‟e Mpembe na Mungombwa na Nakabeje, e munda


marha gavuna murhyozo n‟obuntu buvuna mudugo (père Mwishaza du pays du Mpembe (au
Rwanda) de là où le lait caillé brise la spatule et le brouet brise la cuillère ; c‟est-à-dire Mwishaza
descendant de rois et d‟un pays riche en bétail et en vivres).

Ces devises sont donc par rapport au totem à peu près ce qu‟est la légende ou devise par rapport au
blason de la noblesse d‟Europe ; c‟est en même temps pour chaque noir un très court résumé
d‟histoire clanique. Cette histoire, nos indigènes adultes cherchent à en conserver jalousement la
tradition. Malheureusement, faute d‟écriture, à mesure qu‟on s‟éloigne de l‟origine, les noms et les
gestes des ancêtres se confondent, s‟effacent, les généalogies se perdent ; on attribue à un aiëux ce
qui est le fait d‟un autre, parce que tous deux ont porté le même nom ; bien plus, on finit par
grouper sous un seul personnage les faits de tous ceux qui eurent un nom semblable au sien. Il
s‟ensuit que là où les indigènes se rattachent à leur premier ancêtre par une dizaine de générations,
il faudrait parfois doubler le nombre. La généalogie du roi du Rwanda semble avoir été la mieux
conservée, grâce à l‟existence d‟une caste spéciale, la caste des Bacura-burenga qui ont pour
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mission spéciale de transmettre de père en fils le nom de tous les rois ancêtres du roi régnant.
Cette généalogie permet de déterminer avec une certaine approximation l‟origine des clans au
Bushi et au Buhavu. Il semble acquis actuellement que tous les clans sont originaires du nord-est.
Aussi loin qu‟on peut remonter, toutes les immigrations ont pour point de départ le Nord du
Rwanda, le Ndorwa ou le Karagwe. Les nombreux clans venus du Sud-Ouest ne sont réellement
que des clans issus de la tige mère Kanyintu (ou Nalwindi) et d‟autres encore qui sont venus
s‟établir par la suite des âges dans le territoire et sous l‟autorité de Nalwindi. Je vais essayer de
donner ici une idée du développement et de la marche des principaux. Dans le lointain des âges,
disent les noirs, le Bushi était quasi désert. Bien peu d‟hommes habitaient ces régions couvertes de
forêts. Les premiers hommes dont on ait conservé le souvenir s‟appelaient Kanja et Cilenge, tous
deux de race pygmée. Kanja engendra Nyabuholo, qui fut le père ou aiëul de Mushingi, le plus
célèbre des pygmées. Mushingi prit pour femme sa cousine germaine, Nakwiguraowahole, issue
de son oncle maternel Cilenge, frère de sa mère Nganjakafeke, union considérée partout comme
incestueuse. Il prit le nom de Nabunyohya, de la colline Nyehya-migano où il était établi. D‟où
viennent Kanja et Cilenge ?
Probablement du Nord-Est, refoulés qu‟ils furent avec leurs familles sous la poussée d‟une race
plus forte. Quoiqu‟il en soit, les descendants de Mushingi allèrent occuper les clairières des forêts
situées au Buhavu (N.W. du Kivu). Un premier sous-clan en sortit et occupa le territoire du
Buhunde, à l‟ouest des volcans Virunga ; un deuxième clan alla au Bushi Nord ; un troisième au
Bushi Sud. Les autres clans pygmées, issus de ce même tronc, se répandirent dans les forêts de
l‟Ouest, au Butembo et au Bubembe. Le chef de chaque clan était alors un petit roi indépendant,
uni aux autres par le seul lien d‟une origine commune. L‟ensemble formait la tribu des Banyehya
ou Batwa et occupait tout le pays situé à l‟Ouest du lac Kivu. Sous la poussée des nouvelles
invasions, les pygmées durent se retirer dans l‟épaisseur de leurs forêts, dont ils devinrent les
maîtres jaloux, domaine qu‟ils ont conservé avec acharnement jusqu‟à nos jours. De leur ancien
pouvoir, ils n‟ont gardé qu‟un certain droit d‟investiture. Chaque année à la fête appelée
« mubande », le descendant authentique de chaque sous-clan pygmée transmet au grand chef du
pays, occupé jadis par son ancêtre, le droit d‟occupation. Après l‟avoir béni, il dit en effet
« nakuhâ obukulu bwawe, ogwerhe obwami » (Je te donne la grandeur, tu possèdes le souverain
pouvoir). Le roi du Buhunde reçoit son pouvoir des Pygmées Shakijiri et Ngambwa ; le roi du
Buhavu le reçoit de Murohoye, le pygmée Nabukumwe investit le roi du Bushi, Kabare ; le
pygmée Kabamba fait de même chez Ngweshe.
Je ne connais pas le nom des pygmées qui donnent l‟investiture aux rois du Bubembe et du
Butembo. Les chefs de ces clans pygmées résident habituellement près des rois qu‟ils investissent.
Pendant que les clans pygmées occupaient le pays, Nashi, le chef du clan Balega, vint s‟établir au
Bushi, pays actuel de Kabare et Ngweshe ; Naluniga, chef du clan Barungu, occupa le Sud du lac
Kivu (S.E. du précédent). Tous deux venaient du Nord du Rwanda, chassés dit-on par Cihanga, roi
du Ndorwa. Leurs descendants occupaient bientôt toute la rive ouest du Kivu. A ce moment, par
l‟invasion du petit-fils de Cinga, ancêtre issu d‟un ancêtre nommé Kashonda, et de sa femme
Londo, qui habitaient les rives d‟un lac au Karagwe ka Bahinda. Kashenda avait eu une origine
céleste. Dieu le fit un jour sortir du lac sous la forme d‟un beau jeune-homme, en même temps
qu‟un troupeau de vaches. Peu après, celles-ci disparurent, il ne resta qu‟une vache pleine, qui
donna le jour à un taurillon. A quelques temps de là, le jeune-homme vit reparaître le troupeau,
conduit par une belle jeune-fille. Le troupeau disparut, la jeune-fille resta. Le jeune Kashenda, se
l‟unit en mariage et appela la jeune fille Londo c‟est-à-dire limon, parce qu‟elle était, comme lui,
sortie du limon du lac. Dieu leur fit cadeau d‟un vase à lait, d‟une cruche, d‟une baratte indigène,
d‟un arc, de flèches et les bénit. Telle est la tradition de l‟île d‟Idjwi. On a conservé le souvenir de
28 générations qui séparent Cihanga de Musinga, ce qui rapporte l‟invasion de son descendant vers
l‟an 1300. Il est vrai que Monseigneur Classe ne croit pas pouvoir la faire remonter au delà du
XVIIe siècle. Ce petit-fils, appelé Cihanga, lui aussi, du nom de son ancêtre, traversa la région des
volcans, longea le lac à l‟ouest et repassa au Rwanda par le pont de pierres à quelques lieux au sud
du Kivu. Il laissa au Nord son fils Kahande ou Kanyirhambi, devenu chef du clan Bahunde ou
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Basibula ; son autre fils Kanyindu le quitta au sud et alla occuper la vallée de la haute Lulindi (ou
Lundi ou Lwindi) ; il y prit le nom de Nalwindi et devint le chef du clan Banyindu. Ses fils
Naninja et Mufunda prirent possession, le premier de la clairière sise au Nord, le second des
montagnes au Nord-Ouest. Ils devinrent les fondateurs des clans Balinja et Bafunda. Son aîné
Kabuga, resta sur place, où se trouvent aujourd‟hui encore ses descendants. Le clan Barungu, du
chef Naluniga, prit peu de développement. Il fut facilement supplanté par celui de Kabare, comme
on l‟a vu précédemment. Le clan de Nashi, le chef des Balega, s‟étendit davantage. Il se subdivisa
en 5 branches : les b‟e canya, tige mère, occupèrent le Bushi central ; les b‟e cime, établis au Bushi
Nord et quelques îles du lac (Shushu, etc.) ; les Bakacuba du lac Mokoto ; les Bacishoki ou bene-
nciko ou Babambo de l‟Irhambi ; les Bakasiru du pays des Balongelonge actuels, voisins des
Balinja. Leur pouvoir fut enlevé par les clans Basibula et Banyindu. Ils durent se faire les sujets
des vainqueurs, conservant à la cour de ces derniers une dignité quelconque. Le clan Bahande se
développa sur place. Un descendant de Kahande, le premier ancêtre, le roi Sibula Nyebunga,
voulut un jour aller guerroyer au Rwanda ; il y fut tué. Un aigle (nyunda) dit la légende, pris son
cœur, et son diadème dans son bec et les ramena à sa mère qui habitait au Ruhundu, sur l‟île
d‟Idjwi. Depuis ce jour, ce clan prit le nom de Basibula.

N.B. (Plusieurs légendes racontent que Sibula Nyebunga est issu de l‟union incestueuse du chef de
ce clan avec sa demi-sœur. C‟est peut-être pour ce motif que les Banyarwanda appellent les Bashi
« Banyabungu », gens de Nyabungu, sobriquet équivalent alors à celui de « fils d‟inceste ». Cette
coutume se pratique encore de nos jours chez les chefs de plusieurs clans au Butembo et Bubembe.
Leur successeur est généralement né d‟une telle union, appelée mumba).

Bahole, roi actuel (1936) du Buhavu en est le chef. Ses ancêtres occupèrent à un moment donné
toute la côte ouest du lac du nord au sud, ainsi que la plupart des îles. Le clan des Bahande s‟allia
dès le début au clan des Banyehya. De Nabunyehya, en effet, naquit Barhwa, père de Kalinda et de
Luciza. Barhwa s‟unit à une femme des Bahande, et renonça dès lors au clan des pygmées. Son
fils Kalinda devint le père des Basibula, ou Bahande bene muvunyi au Buhunde ; de Luciza sortit
le clan Bwega. Kalinda fut tué au Rwanda par Luganzu I vers la vin du XVe siècle.

Le clan des Banyindu se développa fortement sur les rives de la Lulindi. Il ne tarda pas à se diviser
et à envoyer des familles vers l‟ouest et le nord-est, vers les régions situées entre le Kivu, la Ruzizi
et la chaîne forestière. Kiligishe, descendant de Kanyindu, envoya son fils cadet Mahangwe près
de la Luvungi ; son petit-fils Kahamba donna son nom au clan Bahamba du chef Kabwika actuel.
Un petit-fils de Kahamba ; Lwamo créa le clan Banyambala (chef Nyamugira) au Bufulero à
l‟ouest de la Ruzizi ; le petit-fils de Lwamo devint le père des Bacivula (chef Nakaziba) au
Buzibaziba au sud du Bushi. Les deux filles de Kiligishe (Nalwindi occasionnèrent la création du
clan des Banyamwoca. On ignore d‟où vient le nom du clan. C‟était peut-être le surnom de
Kiligishe ou celui de Namuhoye l‟une de ses filles, mais plus probablement le nom de son neveu et
mari. Kabare, fils de Namuhoye quitta la Lulindi avec sa mère, passe le Kadubu où celle-ci
mourut, et vint occuper le Bushi ; plusieurs familles l‟accompagnaient et furent la souche des
clans : Bashaza, Banyalugono, Badaha, Banyalwizi, etc. Il supplanta sans efforts les clans
Barungu, Balega, Bashoho, Banyiganda, Banyibamba, etc. Une révolte de son arrière petit-fils
Ngweshe Kwibuka occasionna une scission. Cela se passait sans doute vers le début du XVIIIe
siècle. Depuis ce jour le Bushi est régi par deux dynasties, celle de Kabare et celle de Ngweshe.
De Nalwindi sortirent aussi, on ne sait quand, les familles régnantes de l‟Urundi, et probablement
le clan des Bagofa dont le chef actuel est Naluhwinja, roi des Bahwinja. Les clans dont il vient
d‟être question furent ou sont encore les clans des chefs. A côté d‟eux sont venus se placer de
nombreux clans secondaires, issus des précédents ou venus du Rwanda. Il serait trop long et
fastidieux d‟en parler ici. Je ferai seulement remarquer que le descendant actuel de la tige mère
des clans supplantés dans le pouvoir par les chefs actuels, occupe de droit certaines fonctions à la
cour de ces grands chefs. Celui-ci peut s‟asseoir sur le trône royal, fumer dans la pipe du roi,
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toucher à son diadème (bashoho) ; celui-là lui donnera sa première femme (banyambiriri) ; d‟autres
pourront traire les vaches du roi (banyalugono, basheke, bishaza), seront ses sorciers en titre
(balega b‟ecishoki), feront les tambours, garderont le crâne de l‟ancêtre ou sa lance, ses perles, ses
bracelets (bashoho), enterreront la dépouille du chef défunt (banjoka), planteront le marteau sacré
(banyiganda), etc. Bref, ils héritent de la fonction remplie à la cour par le fondateur du clan. Il en
sera parlé à propos de la fête de l‟investiture (N° 176). Une partie des pygmées dont il a été
question plus haut s‟allia aux nouveaux clans et forma les pygmées croisés (Batwa-Badaha, Batwa-
Baloho, Batwa-Bakanga, etc.) plus grands et plus ou moins adonnés aux cultures et moins
sauvages que les pygmées purs.
Le besoin de solidarité a poussé les clans à se créer des ALLIANCES (bukumbi). Dès le début des
immigrations, il en fut ainsi. Cihanga en venant par ici et en envoyant se fils (c‟est-à-dire les clans
issus de lui) occuper le pays, leur ménagea des alliances dans les clans préexistants. A mesure
qu‟un nouveau clan se forme, on fait de même. L‟alliance se contracte par la bénédiction
(mugisho) du chef des principaux clans. Quatre chefs peuvent au Bushi-Buhavu bénir cette
alliance : Nashi, chef des Balega, Naluniga, chef des Barungu, Nalwindi, chef des Banyindu et
Kahande, chef des Basibula. Eux seuls sont en effet considérés comme chefs des clans originaires
(mashanja) c‟est-à-dire des souches dont tous les autres clans indigènes sont issus. Un chef de clan
demande cette alliance pour ses descendants afin de leur obtenir aide et protection. Il cherchera
donc de préférence l‟alliance des clans les plus puissants et les plus répandus. La solidarité qui en
résulte se manifeste spécialement dans les circonstances suivantes : L‟allié aide son allié dans toute
circonstance pénible. Le voit-il p. ex. écrasé sous le fait d‟une lourde charge ou d‟une amende
onéreuse, il l‟assistera, ce qu‟un homme d‟un clan non allié ne ferait pas. Il n‟hésitera pas à
prendre à sa charge un ou plusieurs enfants laissés sans ressources par leur père défunt ou devenu
impotent, dès qu‟il est de son clan ou d‟un clan allié, et qu‟il n‟y ait pas de proches parents pour le
faire. Un indigène ayant abattu une bête et voyant venir un homme d‟un clan allié, lui donnera une
part avant même d‟en donner à sa parenté ou à ceux de son propre clan. Veut-il construire une
case, il devra payer à ses aides une ou plusieurs jarres de bière, si parmi eux se trouve un membre
d‟un clan allié, il recevra sa part avant même d‟avoir terminé, et avant tous les autres. Quand un
fils est officiellement mis en possession de l‟héritage paternel par la remise des biens, c‟est un allié
de son clan qui les lui remettra (kuyambika bigulo) conjointement avec l‟oncle maternel du fils.
Un noir va-t-il en voyage, il trouvera facilement le vivre et le couvert chez les membres des clans
alliés au sien. C‟est pour ce même motif que l‟on trouve présent à l‟investiture des chefs suprêmes
le chef de chaque clan allié qui lui imposent l‟un le diadème, l‟autre le siège, la pipe, le marteau
sacré, etc. ainsi qu‟on l‟a vu plus haut. L‟allié remplira encore les multiples offices de paranymphe
aux noces d‟un jeune-homme. Un homme est-il mort dans une case, la coutume veut qu‟on enlève
du toit la pointe d‟herbe qui le domine ; ce soin incombe encore à un allié. Bien plus, il est
défendu de verser le sang d‟un membre quelconque d‟un clan allié même à la guerre où ses clans
alliés disséminés dans les guerriers adverses viennent nécessairement au contact. Le guerrier
évitera donc de terrasser tous ceux qu‟il reconnaît être de son clan ou des clans alliés. Que s‟il le
faisait volontairement, il commettrait une faute grave contre le clan ; et l‟âme de l‟ancêtre qui en
est le protecteur attiré, le lui ferait sentir en lui envoyant une maladie mortelle.

Il y a bien d‟autres cas encore de la solidarité qui découle de cette alliance clanique, il serait trop
long de les spécifier ici. Une conséquence curieuse qui en découle est l‟impunité donnée à un allié
quelconque qui insulterait ou maudirait la famille de l‟un des quatre chefs de clans dont il a été
question ci-dessus. Alors qu‟un autre encourrait un châtiment, lui en serait exempt. L‟insulte lui
est permise à titre d‟allié.
Que si l‟on se demande à quel CYCLE CULTUREL, il faut relier les clans du Kivu, on peut
répondre, semble-t-il, que tous ces clans appartiennent en même temps au cycle matriarcal, et au
cycle patriarcal.
Le cycle MATRIARCAL pourrait se prévaloir :
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1. de l‟existence de la société secrète des imandwa au Rwanda avec une certaine extension au
Bushi et au Buhavu.
2. de culte, des ancêtres qui forme la base même du culte indigène.
3. des honneurs donnés au crâne du grand chef Kabare.
4. de la présence dans la cérémonie d‟intronisation de la tige arquée en cuivre appelée mulinga.
5. de l‟existence de la serpette qui est pour ainsi dire l‟arme propre des habitants du Kivu, et le
tatouage des hommes en forme de croissant.
6. du respect dont on entoure certains animaux propres à ce cycle : le lézard, la grenouille, le
caméléon et surtout les bêtes à cornes.
7. de la croyance que les mânes de la reine-mère, qui a donné le jour au chef actuel du clan royal,
se dégagent du corps sous forme de ver cadavérique d‟abord et de serpent ensuite.
8. de ce que le cadavre du grand chef doit être enterré dans une barque.

Le CYCLE PATRIARCAL a, lui aussi, laissé bien des traces :


1. la fête du mubande, sorte de fête de printemps, où les chefs voient renouveler leur autorité au
nom des premiers ancêtres et où la voix des auspices doit dire si cette année la terre sera
féconde ou non.
2. le titre du chef appelé le « mwimo », successeur ou plus exactement le fécondant. Il est en effet
le représentant autorisé de toute fécondation ; c‟est lui qui autorise l‟ensemencement des
cultures vivrières ; par son ordre les époux se séparent « a toro » à certaines époques.
3. la succession paternelle est absolue dans tous les clans.
4. il subsiste quelques rites phalliques, tel ce remède enfermé dans deux courges minuscules à
goulot et toujours juxtaposées que les hommes mariés peuvent seuls employer (ntudirwa).
5. le totem clanique est général, malgré l‟absence de la circoncision.
6. il n‟y a pas d‟initiation propre aux garçons, seules les filles y sont soumises en quelque sorte en
entrant dans la société des imandwa.
7. le soleil est considéré par tous comme maître (Nahamwabo) de la lune.

On relèverait sans peine d‟autres indices pour chacun de deux cycles. Lequel de deux prédomine ?
Il serait malaisé de le dire. On pourrait peut-être supposer que lors des invasions, les clans venant
du nord-est appartiendraient davantage au cycle patriarcal ; leur contact avec les peuples venus du
sud, où l‟élément matriarcal semblait prédominer, aura augmenté encore ce qui leur manquait de ce
cycle et aura produit le mélange actuel. On retrouve plusieurs traces de l‟action des clans du sud
sur les clans du nord. Sans approfondir beaucoup la question, on remarque qu‟après l‟invasion de
Kanyindu sur les confins de l‟Urega occupés par les clans du sud, ce fut une femme appelée
Namugamubondo qui devint, au dire de plusieurs légendes, la transmetteuse de pouvoir, ce qui la
fit surnommer « la faiseuse des rois, Nabami ». Ce sont encore deux femmes « Lukabura et
Namuhoye » que l‟on retrouve à la source du clan Banyamwoca. Le clan Basibula de Muvunyi est
sorti du clan Banyehya par une fille du clan Sibula. Le souvenir de la première mère du clan
Banalugono, sorti du clan Bishaza, de la première mère du clan Banyambiriri sorti des Banyiginya,
de la première mère, femme pygmée qui donna naissance au clan Babishi, sorti des Bakanga, et
d‟autres encore, confirme cette hypothèse. C‟est peut-être à la suite de ce mélange que la loi
d‟exogamie a perdu de sa rigidité.

Par tout ce qui précède, on a pu voir que les moyens imaginés par nos noirs furent de plus efficaces
pour conserver le souvenir de leur origine et de leur parenté éloignée, pour fortifier le lien social
sur la base de la famille et pour se trouver les soutiens au milieu d‟une barbarie, qui sans cela,
aurait bien vite ruiné toutes populations. Puissent-ils bientôt tous s‟attrouper dans la grande
famille chrétienne sous l‟égide de la Croix.
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95. E/ MALADIES - MORT

MALADIES

Les Bashi ne connaissent pas mal de maladies pour lesquelles ils ont un nom spécial. Sans doute
ces noms ne caractérisent pas toujours le mal avec précision de nos livres de médecine ; je les
donne ci-dessus avec le sens qu‟ils leur attribuent :

MALADIES SPECIALEMENT EXTERNES :


Cironda : toute espèce de plaie ou blessure.
Karhanda : lupus.
Kano : maladie caractérisée par le détachement des phalanges aux mains et aux pieds (lèpre)
Lirimbo : éléphantiasis aux pieds (et au scrotum ?)
Mishuha : orchite
Nyamungwe : phlyctenes
Muciridwi : genoux gonflés avec écoulement purulent final
Iseke : œdème des doigts, orteils, bras ou jambes, peut-être par suite de rhumatisme
Ihurhe : abcès, pglemon
Bibenzi : lèpre blanche
Buzimba : inflammation des ganglions de l‟aine
Maherhe : gale
Binyolo : pyan
Cibanga : variole
Muziha : inflammation du poignet, suite du pyan
Lugere : oreillons
Lushomyo : lèpre, psoriasis
Mupiri : indisposition qui occasionne des démangeaisons, sans que rien n‟apparaisse
Mushingiro : mal à la plante du pied
Ohereze : œdème général
Nshongo : taie de l‟œil

MALADIES INTERNES :
Mushunzi : dysenterie
Buganga : fièvre accompagnée de migraine, grippe, etc.
Ishushira : fièvre ordinaire, malaria
Cimba : fièvre recurrente (kimputu)
Nzoka : vers intestinaux
Caburhinda : ver solitaire
Muhalo : coliques violentes (syn. Mparambo)
Mbanga : coliques avec diarrhées sanguinolentes
Nkumbi : syphilis
Karhula : syphilis
Cijabula : syphilis
Kashengere : blennorragie
Cahabukere : sorte de syphilis
Owamukurima : mal d‟estomac avec renvois liquides (pylorite ?)
Luhungu : épilepsie ; hystérie ; convulsions
Cizungu : épilepsie ; hystérie ; convulsions
Mbogo : mal de gorge
Cihumana : rhume de cerveau
Nkongo : bronchite, pleurésie, pneumonie
Mugongo : mal des reins
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Mpeshe : carie dentaire, rage de dents


Ntale : sorte d‟oreillons
Mumiro : mal de gorge
Musonga : pleurodénie ? Espèce de rhumatisme
Cahira : peste ; maladie contagieuse
Kukera omu chifuba : sorte de dilatation d‟estomac douloureuse avec sensation d‟un ver qui monte
et descend
Kuhala omu cifuba : -item-
Bulo : rubéole
Kabunda : hydropisie, ascité
Cilinga : ophtalmie
Nshongo : taie dans l‟œil
Manika : crampe d‟estomac
Bushira : rougeole.

MALADIES PLUS FREQUENTES : plaies ordinaires, plaies phadégéniques ; conjonctivites,


malaria, grippe, affections de poitrine.

MOINS FREQUENTES : mycosites, helminthiases, stomatites, dysenterie.

ACTIVITE « FOMULAC » 1934-1937

ANNEE MALADIES SOIGNEES PLAIES


TOTAL MOYEN.PAR MOYENNE TOTAL MOYEN.PAR MOYEN.PAR
SEMAINE PAR JOUR SEMAINE HEURE
1934 51.745 996 249
(Les relevés de cette année ne distinguent pas
entre plaies, maladies).

1935 59.573 1.146 286 31.231 600 150


1936 58.191 1.119 279 30.709 590 147
1937 18.255 1.621 304 9.663 805 201
par trimestre

INJECTIONS BISMUTH CONTRE PYAN

ANNEE TOTAL MOYENNE PAR SEANCE

1934 9.261 178


1935 14.537 281
1936 12.409 238
1937 3.338 273

DISPENSAIRE : Les plaies et la lutte antipiannique déterminent certainement la plus grande


activité du dispensaire. Le groupe des autres maladies ne représente rien de fort saillant, si ce n‟est
de temps en temps une poussée de conjonctivites, de grippe ou de malaria. La lutte antipiannique a
pris un caractère particulièrement sérieux depuis l‟arrivée d‟un agent sanitaire à la FOMULAC. Il
rayonne dans la contrée en établissant des centres d‟injections dont l‟activité donne de très bons
résultats.
90

C‟est ainsi que tout récemment dans l‟île Idjwi, en même temps que le nouveau dispensaire de
Rambo, il a organisé 6 centres d‟injections, avec un résultat de 1031 injections pour 3 semaines.

HOPITAL : En 1934, simple abri en pisé : comptant une quinzaine de lits. En 1935 s‟ouvre le
premier pavillon de l‟hôpital actuel Ŕ maximum 30 malades. En 1936 : le nombre des hospitalisés
monte à 50, répartis dans les pavillons actuels. Actuellement il y a 66 lits presque toujours
occupés. Les cas sont variés et intéressent les uns la médecine, les autres la chirurgie. Ils nous
viennent d‟un peu partout, du proche voisinage et du Rwanda tout d‟abord, mais aussi de Kabare,
Ngweshe, Idjwi, et vers le Nord de Kalehe, Bobandana, Masisi et même Walikale.

A PROPOS DE LA MORTALITE INFANTILE : sa moyenne dans la région en est, paraît-il, de


45 %. Mais dans certains endroits, il y a des constatations plus alarmantes encore. Voici un
résumé fait à Kahungu, en 1936 lors du recensement :
Pour 102 femmes : enfants en vie Ŕ garçons 48, filles 58 total 106.
Enfants décédés Ŕ garçons 127/Filles 133 total 260, soit 69 % sur 376.
Mortalité due probablement : - aux accouchements laborieux sans l‟assistance du médecin, - au
« cikondo » donné aux nourrissons, en plus du lait maternel Ŕ aux nombreux et graves ulcères
phagédéniques, évoluant très vite s‟ils ne sont soignés quotidiennement.

REMEDES NATURELS

Voici d‟ailleurs les principaux remèdes naturels employés par nos indigènes contre :
Les plaies, blessures : On écrase les feuilles de hyoba et de hishore, et on en recouvre l‟endroit
ondolori.
Les abcès, phlegmons, etc. : Pour activer la maturation, on enferme des feuilles cherereza dans une
feuille de bananier, on chauffe, puis on enlève le cherereza et on l‟applique sur l‟abcès. Ou
encore on grille les feuilles cibombwe, on en applique les cendres sur l‟abcès scarifié.
La gale : On fait cuire des feuilles d‟herbes lurhanda, on les écrase puis mêlées à du beurre, on en
frotte le malade.
Le pian : On fait cuire des feuilles mubazi, on extrait le liquide, qu‟on chauffe, jusqu‟en avoir une
pâte noire caustique, qu‟on applique.
La variole : On asperge le malade avec une tisane chaude de feuilles d‟eucalyptus, ou bien on
l‟asperge avec de l‟urine chaude de vache, dans laquelle on a mis des herbes mugombegombe (on
n‟isole pas, on n‟ouvre pas les pistules).
La dysenterie : On donne au malade, matin et soir, à boire une bouillie claire, faite avec de la farine
du sorgho.
La rubéole, rougeole, scarlatine : On lave le malade avec de l‟urine chaude de vache où on a mis à
tremper des herbes mugunduzimu et mugombagombe.
Les ascarides lombries, etc. : On fait manger des graines grillées de courge ; on emploie aussi la
racine de la plante mwenywe.
Le ver solitaire : Le malade boit au lever du soleil le jus extrait des feuilles de mubirizi.
La syphilis : On prépare une pâte avec les herbes ou feuilles suivantes : kisindike (petite sensitive),
nshimo (vinette, oseille de coucou), kasizi (petite acacia), cibarana ou cishishula (feuilles à revers
chevelu blanc, feuille à cabinet) et kano (grand arbre). Dans cette pâte, on verse le jus extrait de
jeunes pousses de bananier. Ce liquide est passé au tamis. Puis on le boit une gorgée chaque
heure environ. C‟est, dit-on, pour purifier l‟intérieur. En même temps, on écrase des feuilles de
mubazi (caustique, on les saisit entre les doigts, on les appuie sur une pierre préalablement
chauffée, et de là, de suite on appuie fort sur les plaies bien accusées ; au début 4 fois par jour. Il
paraît que c‟est assez douloureux. Quand le mal diminue, on diminue le remède intérieur : 1 fois
par 2 heures, puis moins encore jusqu‟à la guérison. Le mubazi devient aussi moins fréquent, 2
fois par jour, puis 1 fois puis chaque 2 jours, chaque 4 jours, etc. jusqu‟à guérison. La
médication reste double jusqu‟au bout. Il paraît que le remède intérieur n‟a pour but que de
91

dépister le malade, car ce remède est un secret que m‟a confié le chef Nyangezi et qui le dit
efficace.
Les coups de lances, flèches, etc. : On emploie les feuilles de ntendagule, ou bien ses graines, on
les écrase, en fait une pâte que l‟on met sur et dans la plaie.
La diarrhée : On mange les feuilles de nvuno réduites en pâte (feuilles comptées parmi les malago)
ou l‟on emploie une infusion des herbes suivantes, qui toutes se trouvent dans la brousse et son
employées en même temps : kasizi, ishengeri, lwazi, murhagala, mushomolangoko, kibunda,
iseresere, mugwigwi, kalyabilonda, mpulula, muderhe.
Les entorses et enflures des articulations : On met des herbes « madekere » dans une feuille de
bananier, ou met celle-ci au-dessus de la flamme ; les madekere étant très chaudes sont
appliquées sur l‟enflure préalablement scarifiée, on laisse en place un jour ; il en résulte une plaie
que l‟on guérit comme telle.
La toux : les herbes bwahula, enfermées dans une feuille de bananier sont mises à griller, on aspire
la fumée qui s‟en dégage.
La fièvre : 1°) On fait une saignée, on scarifie les tempes ou la nuque et les reins. On prend une
petite courge où l‟on allume des feuilles sèches de maïs, ou de bijangala, rification, on l‟y laisse
environ une demi-heure, parfois on recommence. J‟ai connu des cas où l‟on a tiré tant de sang que
la mort s‟en est suivie.

2°) Un spécialiste pose sur le front une petite lancette, il donne un coup et le sang coule (la lancette
porte le nom de irago) cf. Malago.
Les fractures : Les noirs s‟empressent de fixer le membre fracturé dans des attelles faites avec des
roseaux ou des lamelles de bambou.
Autre maladie que je ne puis identifier).
Maladie intérieure (estomac et intestins) très répandue à Karhongo, décrite par l‟Abbé indigène
Stefano Kahoze, qui le fit après avoir séjourné 3 ans dans le pays, et qui l‟a eue lui-même. Les
indigènes en manifestant cette maladie disent : Bakazihala omu cifuba ; bakazikera.
Début : faim canine puis appétit coupé, mauvais goût de la bouche, mauvaise haleine, bruit sourd
dans l‟estomac, on dirait une purge qui commence à travailler : les gens disent des « vers ».
Symptômes : Constipation ; aucune envie d‟aller à selle, pas moyen de se soulager par des
« vents », gêne générale dans l‟estomac, puis dans le même organe, on dirait qu‟on a un paquet
dans le ventre ; delà l‟illusion qu‟on a d‟avoir un ver solitaire. Les gens disent qu‟il y a une bête
qui monte et descend dans l‟estomac. La matière se forme en boulettes, les purges ne les rendent
pas liquides. Quand la maladie est invétérée, douleurs aux deux côtés et au bas ventre. On sent
une espèce de grattement dans la poitrine, on dirait des piqûres d‟épingles. Insomnie, cauchemars,
maux de tête (buganga). Douleurs tout le long de la colonne vertébrale et aux épaules (misonka),
surtout à la nuque et aux reins, elle disparaît, puis réapparaît le jour suivant. Tous cependant n‟ont
pas cet échauffement.
Choses nuisibles qui aggravent la maladie : viande, pombe, fruits verts, tomates. Gêne après le
repos.
Traitement : Purge qui travaille bien soulage beaucoup ; les douleurs diminuent toujours. Les
purges fréquentes font qu‟on se sent guéri.
Régime lacté : du lait tant qu‟on peut jusqu‟à 4 bols par repas ; bananes cuites, elles font aller à
selle.
Douches : calment pendant une demi-heure les douleurs ; le bain de siège étouffe la douleur aux
reins, qui souvent est cuisante ; lavements aussi.
Complication : Si cette maladie se complique de fièvre, ce qui est rare, elle est difficile à couper et
le cas est ordinairement mortel.
Par exemple : Les deux enfants de Majali : Katungutele et Mwaka. Le malade souffre tellement
qu‟il ne peut pas supporter qu‟on le touche, surtout aux côtes. Souvent perte de connaissance 2 ou
3 jours avant la mort. Un grand nombre d‟habitants de Karhongo en sont affligés ; mais pas tous
au même degré, d‟où symptômes différents.
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NOTES : La purge amène toujours des glaires ou membranes ; alors ce paquet qui oppresse s‟en
va. L‟huile de coton est très bonne pour cette maladie au début, plusieurs lavements soulagent le
malade.

FETICHEURS – SORCIERS

Je transcris ici un passage du « totémisme chez les Fangs »


R.P. Trilles (p. 414 et suite).
Il y a magie et magie. Il y a la magie naturelle, reconnue, et il y a la magie noire, que l‟on pourrait
appeler la magie antinaturelle. Or, si parfois, le même individu peut être magicien de magie
naturelle, c‟est-à-dire FETICHEUR et en même temps SORCIER de magie noire, c.à.d. goëtte,
jamais, et c‟est une note essentielle, il n‟exercera les deux rôles dans une même cérémonie. Le fait
est absolument impossible, les deux rôles s‟excluent mutuellement. Aussi ne peut-on donner le
nom à l‟un et à l‟autre, et comprendre leur rôle et opérations sous le même nom de sorcier et de
sorcellerie.
Pour distinguer entre les deux rôles, nous devons, c‟est le seul moyen, examiner leurs fonctions.
Agir sur les « ESPRITS » bons et mauvais, c‟est l‟affaire des féticheurs. Appeler les bons, comme
on le voit par exemple dans les invocations des sacrifices du mariage ; écarter au contraire les
méchants esprits, mânes, larves ou fantômes, les forcer à quitter le village, laisser les vivants
tranquilles, en somme, protéger d‟une façon quelconque ceux qui s‟adressent à eux, c‟est le rôle
des FETICHEURS.
Ce résultat sera obtenu par des honneurs et sacrifices appropriés, soit directement en protégeant
l‟intercesseur, ou le mettant à l‟abri des mauvais coups et des mauvaises rencontres ; soit
indirectement, en mettant l‟ennemi hors d‟état de nuire, qu‟il soit esprit, mâne, homme ou chose.
Tout cela est le culte, la religion, c‟est le féticheur. Mais en revanche s‟emparer de ces esprits, et
de préférence des mauvais, capturer les mânes et les forcer les uns et les autres à commettre le mal,
ce n‟est plus le culte, ce n‟est plus la religion, c‟est la magie et c‟est l‟affaire du SORCIER.
Tandis que le féticheur opère en public et de façon reconnue, le sorcier, lui, se sert d‟ingrédients
magiques, en secret. D‟une façon générale, le père de famille, est le premier ministre du culte, à lui
de s‟adresser aux mânes des ancêtres, à lui de leur rendre les honneurs nécessaires. Mais en même
temps qu‟il sera le prêtre de la famille, il en sera aussi forcément le « MEDECIN », dépositaire des
secrets de jadis, des rites ancestraux. Mais à mesure que… grandira sa renommée, grâce à ses
connaissances spéciales, à son habilité réelle ou feinte, à ses succès, ou tout simplement au hasard,
de plus en plus son cercle d‟action s‟élargira. On l‟appellera au dehors. Mais toujours le féticheur
restera l‟homme du culte public, avoué, officiel.
Le féticheur est donc l‟homme du culte reconnu. Le sorcier est l‟homme du culte non reconnue,
toujours secret. Le féticheur, suivant qu‟il exerce telle ou telle fonction de son rang, est prêtre,
médecin, guérisseur, voyant. A ce titre encore, il consulte les sorts, appelle les esprits, etc. Dans
les cérémonies du culte public par exemple il sera prêtre, voyant, faiseur de pluie, il sera
l‟intermédiaire reconnu entre le monde des vivants et le monde de l‟au delà ; il agira en somme
pour le bien de la tribu, ou de quelques uns de ses membres. A ce dernier titre, on le verra opérer
comme sacrificateur à la naissance de l‟enfant, à la puberté, au mariage. On l‟appellera dans toutes
les maladies afin d‟écarter les mauvais esprits, les esprits méchants, qui, seuls, les peuvent causer ;
aussi comme médecin commencera-t-il d‟abord par les incantations magiques destinées à dégager
les influences bonnes contenues dans les remèdes qu‟il va administrer ; ensuite il écartera les
esprits méchants, il appellera à son aide les esprits favorables ancêtres de la race ; alors seulement
il procédera à l‟administration du remède ; puis il appellera de nouveau à son aide les esprits
propices, et chassera les mauvais. Cette façon d‟opérer se retrouvera dans tous les actes des ses
fonctions, mais qu‟il agisse comme médecin, voyant, etc. c‟est toujours, on le voit, l‟homme du
culte reconnu, le féticheur. Son titre est « MUFUMU » guérisseur (de kufumya, guérir au sens
actif).
93

Le sorcier, l‟homme de la magie noire, porte un nom tout différent ; c‟est le « MULOZI » dérivé de
kuloga, jeter un mauvais sort). Il n‟a ni rang, ni place dans la tribu. Dire que quelqu‟un qu‟il est
mulozi c‟est l‟insulter gravement, contrairement au titre de mufumu, qui est accepté comme un
éloge. Le sorcier est l‟être détesté et craint par excellence, l‟être malfaisant que l‟on consulte
quand on est forcé, car il détient des pouvoirs occultes, et on connaît sa puissance. Le mieux
encore, car on en trouve toujours assez, est de s‟en débarrasser quand on le peut sans danger.
Aussi n‟y manque-t-on pas. Tantôt le sorcier meurt dans la forêt comme par hasard, ce n‟est
vengeance particulière ; tantôt il est tué et brûlé dans le village, c‟est la vengeance de la tribu ;
tantôt il est pendu haut et court comme il arriva à Lwizi en 1935, pas loin de Kabare, où la
population se vengea sur lui pendant qu‟il l‟avait menacé de la grêle qui arriva peu après.
Evidemment, dans la vie courante, et par la force même des choses, féticheur et sorcier se
confondent souvent dans une même personne. Tel ou tel individu, ministre religieux respecté dans
sa famille, médecin et féticheur estimé dans le public, sera également sorcier, mais alors dans le
plus grand secret, à moins que sa position ne lui permette d‟afficher cette qualité ; dans ce cas il
sera universellement craint, haï, ne se maintiendra que par la terreur et le meurtre et tremblera sans
cesse pour sa vie.

Les féticheurs renferment habituellement leurs INGREDIENTS MAGIQUES dans un sac en fibres
tressées. On trouve là les choses les plus étranges. A côté de la planchette divinatoire, on voit plus
ou moins nombreux des objets servant à faire des amulettes : os de singe, de poule, de chat-tigre,
de chat sauvage, etc. des insectes desséchés, des sauterelles, des lézards, des plumes de
bergeronnette, des morceaux de serpents, des ongles de fauves, des serres d‟oiseaux carnassiers,
des herbes de toute nature, des bouts de peau de loutre, des bâtonnets divers, etc. (v. amulettes).

Chaque féticheur est spécialiste pour une ou plusieurs maladies. Pour les cas bénins, il indique
seulement au matin ce qu‟il a à faire, et comment s‟y prendre pour préparer le remède. Si c‟est un
peu sérieux, lui-même prépare le remède et l‟administre ou le fixe, avec ou sans formules
mystérieuses.
Il va sans dire que les féticheurs n‟opèrent pas gratuitement, mais le plus souvent le paiement (pour
cas de maladie) se fait après guérison obtenue. Ce paiement varie selon l‟importance du cas, et les
moyens du client ; cela va de quelques perles à un taureau et plus.

MAGIE NOIRE – OBULOZI (Pratique N° 140)

La croyance à la magie noire (obulozi) est fortement enracinée, tellement que même l‟instruction
religieuse n‟en débarrasse que très rarement nos Bashi. A l‟aide d‟ingrédients magiques, un
homme peut perpétrer ses vengeances, ses armes, sans être connu. Il peut même opérer à distance.
Il semble qu‟il tient son pouvoir de son remède qui a le pouvoir de capter les esprits et leur faire
faire ce qu‟il veut. Il les fait agir malgré eux. Bien plus, il peut arriver que quelqu‟un opère la
magie noire même à son insu, et c‟est ainsi que celui qui a été accusé de bulozi et a dû se soumettre
au jugement des ordalies (kunywa mizimu) dira l‟avoir fait sans le savoir, mais l‟avoir fait quand
même, si l‟épreuve lui est défavorable.

LE SORCIER ou MAGICIEN OMULOZI est donc un homme ou une femme qui est censé avoir le
pouvoir de capter les esprits et les mânes, dans le but de perpétrer des actions de nature à nuire à
son ennemi, ou aux biens de son ennemi, voire même à le rendre malade, et le tuer.

POUR DEVENIR SORCIER : il faut avoir engendré au moins 4 ou 5 enfants. Car si quelqu‟un se
procurait le « sac magique » ou « mpivu » avant ce temps, il ne pourrait plus avoir d‟enfants, tandis
que, après en avoir eu 4 ou 5, le mpivu ne l‟empêche pas d‟en avoir d‟autres. Quiconque veut
avoir le pouvoir d‟ensorceler, s‟en va chez les Warega faire l‟acquisition d‟un « sac magique »
94

« mpivu » ou sac renfermant une série d‟ingrédients capables de produire l‟ensorcellement ou


envoûtement. Dans ce cas, il y a de tout : ossements humains, surtout les phalanges de mains, des
bouts de plantes, etc. On dit aussi que quiconque veut devenir sorcier va faire le pacte de sang
avec un sorcier ; alors il est devenu son fils. Il paie pour cela une vache.
Par le fait même de posséder le sac magique, le sorcier a le pouvoir de commander aux mânes
(sans doute aux mânes auxquels appartiennent les os qu‟il possède) ainsi qu‟à la bergeronnette
blanche (nyakansisi), au crapaud (kere), au serpent et à la foudre. Voilà ses moyens d‟action.
Lorsqu‟il veut ensorceler quelqu‟un, le sorcier prend, dit-on, une bergeronnette, un crapaud ou un
serpent, lui met au bec ou à la gueule un peu d‟ingrédients du sac magique, dans le but de lui
donner le pouvoir de comprendre et de parler (c‟est-à-dire qu‟il attache les mânes à cet animal).
Après quoi il ensorcelle un objet : boulette de polenta ou autre, le met au bec ou à la gueule de
l‟animal et lui dit : « Va-t-en chez un tel » et l‟animal part aussitôt, et va déposer l‟objet fatal dans
la hutte de celui qui a été désigné. Celui-ci est infailliblement ensorcelé, il n‟échappera pas au mal
voulu par le sorcier. Si par hasard, le destinataire est lui-même sorcier, dès qu‟il voit entrer
l‟animal chez lui, et sachant qu‟il ne lui apporte que malheur, il s‟en saisit et lui dit : « Qui
t‟envoie ? ». L‟animal répond : « Un tel ». Aussitôt le sorcier le tue, prend lui-même un de ses
animaux, fait comme vient de faire son ennemi et essaie de l‟atteindre par un sortilège plus fort.
Le premier sur ses gardes peut arrêter à son tour et renvoyer de nouveau un de ses animaux. En
effet, disent les noirs, les sorciers sont tous ennemis les uns des autres, cherchent sans cesse à
s‟ensorceler mutuellement, et c‟est ainsi qu‟ils s‟achèvent entre eux. Au lieu d‟employer un
animal, le sorcier peut employer la FOUDRE. Pour cela il attend un jour d‟orage, et quand la pluie
tombe à verse, il commande à ses mânes prisonniers de lui amener la foudre. Aussitôt celle-ci
accourt et sur son ordre, va ravager les biens de son ennemi ou le tuer. C‟est ainsi qu‟en août 1916,
la foudre tomba sur la hutte où se tenait Nyangezi et tua deux hommes ; tout son entourage déclara
aussitôt que Kilawa, son ennemi, était l‟auteur du mal et que c‟est lui qui avait envoyé la foudre.
Les malheurs, les maladies, la mort d‟hommes et d‟animaux sont souvent attribués aux maléfices
des sorciers. Une autre façon plus simple est aussi attribuée au sorcier. Un individu mange avec
un autre. Après le repas, cet autre est pris d‟un mal subi ; il a été ensorcelé ; l‟individu a mis d‟une
manière invisible dans sa nourriture ou sa boisson son poison magique, sans qu‟on ait pu le
remarquer. L‟épreuve des ordalies enlèvera tout doute à ce sujet. Les noirs attribuent très souvent
la mort aux sortilèges. Deux hommes se sont querellé vivement le soir et se sont lancés des injures
et imprécations. L‟un d‟eux meurt la nuit, ou devient malade et meurt. Pas de doute l‟autre l‟a
ensorcelé. Une femme près d‟accoucher, reçoit la visite d‟une voisine, qui, voyant qu‟elle est en
peine, lui applique un remède qui devrait faciliter la délivrance ; mais voilà que l‟enfant est un
mort-né. Sans aucun doute la voisine charitable l‟a ensorcelé, elle ou son mari. J‟ai vu le cas et
j‟ai eu toute la peine du monde pour empêcher que le mari de l‟accouchée n‟aille mettre le feu à la
maison de la soi-disante « ensorceleuse » pendant la nuit. On trouvera décrits plus bas plusieurs
ingrédients employés pour ensorceler.

ESPECES DE SORCIERS ET FETICHEURS

1° MUSHONGA ou MULAGUZI : fait la divination au moyen de la planchette et des osselets, ou


au moyen du feu, des poules, de la lance, de la canne, etc.

LA PLANCHETTE évasée dont il se sert est munie sur le devant d‟amulette ebikomero. Ses
jetons sont en os et en fer. Jetés sur la planchette la manière dont ils tombent donnent la réponse.

S‟il emploie la POULE, il agit comme suit :


Il coupe la tête d‟un poussin grandelet ; si celui-ci crève sans se débattre, c‟est mauvais signe ; le
contraire annonce un bon pronostic. Puis il consulte les entrailles et donne l‟oracle selon les
dispositions de celles-ci.
95

Certains de ces féticheurs opèrent avec UNE LANCE fixée en terre et frottée d‟ingrédients
magiques. Il adresse à la lance la question du client, attend, écoute, enfin s‟écrie : « j‟entends ». Il
s‟assied alors sur un petit siège et donne la réponse. Il porte toujours une coiffure en peau de singe.

D‟autres prennent une sorte de CANNE (nyungu), portant 8 rainures et percée au bout. Dans ce
trou, une ficelle munie d‟un anneau. L‟autre bout est entouré d‟ingrédients magiques. Le clien
met le doit dans l‟anneau et le féticheur lance la canne vivement sur le sol. La forme de
l‟empreinte sur le sol indique la réponse (guérison ou mort du malade). Mais pour plus de sûreté, il
ajoute que la guérison viendra si un esprit plus fort ne vient l‟empêcher.

2° MUHUNZA FAISEUR d‟amulettes pour la pluie. Le fils succède au père. Nyamugira (chef
des Bafulero) est le grand-maître des bahunza de ce côté-ci de la Ruzizi. Le grand-maître des
bahunza du Rwanda est Ndagano. Ceci vaut pour 1916. Depuis lors, qui leur a succédé ? Je ne le
sais.

3° MUDUBA W‟ENKUBA ou ARRETEUR DE PLUIE. Pour arrêter (kuduba) la pluie, il apporte


des amulettes à bikomero, beaucoup d‟herbes et bouts de bois, y ajoute de l‟eau et secoue le bout
violemment ; et la pluie s‟arrête dit-on. Il prend alors une corne remplie de remèdes, la pose sur la
maison, fait du feu ; la corne doit suer (v. ihembe 95).

Le faiseur de pluie ne boit pas de lait ni de l‟eau, ne se frotte pas d‟huile, ne se lave pas, ne trait pas
les vaches, ne saute pas au-dessus d‟une rivière. Quand il veut faire tomber la pluie, il boit du lait
et de l‟eau, se lave, se frotte d‟huile : il pleut !!! Comme on le voit, le Muhunza est le plus
souvent aussi Mudub‟enkuba.

4° MUFUMU WA LUSHIKO : espèce de ventriloque, qui fait sortir une petite voix flutée d‟une
cruche de bière placée sur le côté ; cette voix est censée être celle d‟un muzimu. Il se rencontre
surtout chez Muganga.

5° MUFUMU LWA LUJIMBU : celui-ci fait la divination au moyen d‟une petite chandelle
confectionnée avec du beurre. Il la place dans un petit pot, l‟allume et quand elle est consumée, il
donne ses oracles.

6° MUKURUNGU est en même temps mufumu et mulozi. Il a un mpivu (amulette à kuloga) et


bénit les remèdes superstitieux, tels que les amulettes (nshanga). C‟est toujours un homme. Il est
haï parce que mulozi. Il est tué, s‟il est accusé de kuloga. Il ne fait pas de divination (arhalagula),
il n‟a pas de costume spécial. Il est instruit dès l‟enfance, surtout loin de son pays où son père
l‟envoie ; par ex. chez Nyakaziba, Nalwinja, Muganga, et surtout au Bubembe. Les remèdes venus
de loin sont plus étrangers, plus redoutés. Le sorcier initié fait payer ses remèdes au prorata de leur
puissance. Ces remèdes sont une vraie boutique d‟amulettes variant du prix d‟un taureau à une
poule et moins encore. Mais il ne vend pas son mpivu. Souvent le fils aîné d‟un mukurungu est
instruit par son père et hérite de ses amulettes.

7° NALUVUMBU : sacrificateur aux mânes des chefs, quand les mânes réclament un sacrifice par
la voix du léopard.

8° MUDAHWA ou MUFUMU WA CIKOLOLO : grand initié au culte de Lyangombe (voir


Imandwa et Kubandwa N° 119). La Mudahwa est le plus souvent une femme, parfois un homme.
La femme est possédée par Lyangombe, l‟homme possédé par Muhima. On honore en eux
Lyangombe en battant des mains. Le ou la mudahwa parle la langue des imandwa (cf. 124).
96

REMEDES SUPERSTITIEUX

La pharmacopée des Bashi est assez bien fournie. Elle se compose de toutes sortes d‟ingrédients,
où les plantes prédominantes. Ils n‟ont évidemment aucune idée d‟asepsie ou d‟antisepsie. A côté
de quelques remèdes naturels indiqués ci-dessus, et dont plusieurs ne sont pas sans effet, ils
recourent surtout aux amulettes, aux spécialistes pour tel ou tel cas, et aux sacrifices aux mânes.
Ci-dessus, je donne quelques remèdes employés :

KALUME : il est composé de tiges d‟une grande variété d‟arbres, liées ensemble.

On l‟emploie de la sorte. On écrase feuilles de toutes espèces,


cherchées dans ce but. On les dépose sur une pierre à moudre, on y
verse un peu d‟eau, on écrase le tout au moyen du gros bout du
kalume. Le liquide qui en sort est absorbé par les femmes enceintes,
dès le 4ème mois de la grossesse pour obtenir que leur enfant naisse
bien et que l‟accouchement soit heureux. Est encore employé pour se
libérer de la mahinga (N°s 65, 66). On donne à boire en même temps
que le jus des feuilles de 3 arbres : mukogacunda, mujimbu et muhavu,
et des herbes lurhendabuka et lulerema : ces feuilles ont été pilées.

KUHULISA MBANDA : il se compose de quatre amulettes différentes :

Le lwamba et mboza sont des bouts de bois des arbres de même nom :
le mboza est pris dans la branche. Le 31e est une TIGE
CONTOURNEE en forme plus ou moins d‟animal, j‟ignore son nom.
Le MBANDE est un composé de toutes les matières imaginables,
écrasées et agglomérées dans une pâte durcie. Il y a là des plantes des
minéraux, des insectes, des os… de tout, peut-être 100 objets divers.

Ces 4 amulettes ont le même usage. Elles sont employées comme le kalume : feuilles diverses
écrasées sur la pierre et frottées au moyen du bout égalisé de l‟amulette. Toutes 4 servent encore à
prévenir les suites de l‟adultère c‟est-à-dire pour que les personnes atteintes de masima ne meurent
pas. La MAHINGA est toute femme enceinte dont le mari va faire l‟adultère. Des suites de cet
adultère, la femme enceinte doit mourir, à moins que son mari ne prenne un des remèdes des 4
amulettes. La femme boit le lukombe (cf. ci-dessous). Le MASIMA est tout homme qui ayant fait
l‟adultère, et peu après, tombe malade, il est condamné à mourir si par hasard le mari fraudé c‟est-
à-dire le mari de la femme dont le malade a abusé, venait voir le malade et voyait un peu de son
sang. Pour empêcher que cette visite ne le tue, il doit prendre l‟un des quatre remèdes indiqués.
97

CHEREZA est le fruit d‟un grand arbre qui se trouve presque toujours isolé chez les Warega.

Ce fruit a une couleur châtaigne, est grand comme un œuf, mais


aplati. Les hommes faits le portent pour se préserver contre la
mort, soit à la guerre, soit dans tout danger, soit contre la foudre
ou la maladie grave.

MPIVU Y‟OBULOZI : cette amulette est la vraie amulette des lanceurs de maléfices. Elle est
composée de roseaux remplis d‟ingrédients magiques, d‟os, de plumes d‟oiseaux, d‟écorces
battues, de chevilles de bois. Elle se complète par une sorte de petite courge ornée, dans laquelle
elle est plantée. Ce mpivu est tenu secret ; habituellement son possesseur le cache dans un coin
retiré de la brousse, sa femme et ses enfants en ignorent l‟existence.

Quiconque en est trouvé possesseur est amené au chef, et


percé de la lance devant tout le monde. Au moment de
mourir le propriétaire le montre à son fils préféré et le lui
remet en cachette, après lui avoir dit son usage et son but.
Cette amulette sert à lancer des maléfices, soit pour nuire,
soit pour tuer. La manière habituelle de s‟en servir consiste
à tenir le mpivu en mains, puis à tuer un rat, à le déposer sur
le haut de la hutte jusqu‟à complète décomposition ; alors
l‟ennemi visé et cité doit avoir cessé de vivre.

OS DE LUBONDO (serpentaire) porté entre deux bouts de


bois noueux ; je ne sais de quel arbre proviennent ces bois.
Sert contre le mal de gorge.

MPIVU YA NYANGEZI. Cette amulette vient de chez les sorciers Bahavu ; elle a été achetée par
Luhongeka (père de Luhongeka) qui l‟a donnée à Nyangezi.

Elle se compose d‟ingrédients assez semblables au mpivu


y‟obulozi. La ferme tressée est accessoire. A l‟intérieur
se trouvent des bikomero, griffes et os de lion et léopard,
qui donnent à cette amulette son pouvoir. Quiconque lui
manquerait de respect serait tué par le lion ou le léopard,
ou même par le serpent ou par un mal quelconque.
Elle a pour but de lancer des maléfices, tout comme le mpivu ci-dessus indiqué. Pour s‟en servir,
on prend des herbes rougeâtres que l‟on place au-dessus de l‟amulette, on détermine le mal qu‟on
souhaite, et ce mal doit atteindre la personne désignée ; on l‟emploie surtout pour se venger sur
l‟inconnu qui a jeté un maléfice sur quelqu‟un. Si ce malade ensorcelé vient consulter le
possesseur du mpivu, celui-ci le défait de son mal. Cette amulette sert encore pour faire de la
divination ; dans le but on y a attaché un fruit semblable au cereza (cf. ci-dessus) qui sert de
clochette ; on agite celle-ci et le muzimu du défunt pour la cause de la mort duquel on consulte,
98

accourt et va perpétrer le mal au coupable qui est censé avoir ensorcelé le mort. Les clochettes de
cuivre qui y sont mises sont de pure ornementation.

LES MPIVU ORDINAIRES sont des amulettes à bikomero c‟est-à-dire qu‟elles contiennent :
1. des ossements d‟hommes trouvés morts sur le sentier, des étrangers qui sont sans famille
pour les enterrer ; ou bien des os de fous, de guerriers tués ;
2. des os de fauves, d‟oiseaux ;
3. diverses herbes.
En Irhambi, les mpivu sont des nshanga yarhembya, et contiennent les cendres d‟un cadavre
consumé, liées dans un paquet.

IHEMBE : amulette triple ; composée d‟une corne, d‟un bois creusé et roseau.

La corne est le père, le bois creusé est son fils, le roseau creux est le
récipient d‟un remède qui sert aux autres quand on veut s‟en servir.
Cette amulette vient de chez Lusakara, qui les fabrique lui-même et le
vend pour une vache. La corne et le bois creusés sont remplis de
bikomero (os de lion et léopard). De plus le bois creux est surmonté
d‟une houe minuscule ; le fils est censé s‟en servir comme d‟un
instrument pour défendre son père.
Le roseau contient de la poudre de l‟arbre ndaka. C‟est l‟amulette contre la pluie. Elle sert au chef
pour arrêter des pluies trop abondantes, pour l‟empêcher de tomber pendant un temps fixé par celui
qui s‟en sert. Pour cela on prend un ndaka (inclus dans le roseau), on le met sur la corne et dans le
bois creux (côté opposé de la houe) puis on chauffe une pierre ou un bout de tesson. Sur cette
pierre surchauffée, on répand de la poudre de l‟arbre buku et de la terre rouge appelée ngula, venue
de chez les Warega ; pendant que ces poudres se consument on commande à la pluie de s‟arrêter
pendant autant de semaines… et la pluie doit obéir.

CIKOHWA : branches de l‟arbre erhytrina (cikohwa), on la fend en 4 par un bout, on taille en


pointe l‟autre bout. Dans le bout fendu on introduit une poule et des sauterelles jaunes des jardins
(criquet puant appelé kafa). On fixe le tout avec de fibres de bananiers. Cette amulette sert contre
le luhika, maladie des vaches, consistant dans une enflure qui donne la mort en un jour. Pour
l‟employer on met le bout fendu dans le feu, et on fait respirer à la vache la fumée qui se dégage de
cette amulette. Tout le monde peut la fabriquer.

CIKOHO : amulette portée au cou afin d‟avoir toujours un sommeil agréable exempt de
cauchemars. Elle se compose d‟un bout de peau de l‟animal de ce nom, petit animal quadrupède
aquatique. A noter que les Bashi redoutent les cauchemars.

NTOBOLWA : amulette formée de feuilles vertes froissées du ntobolwa ; employée pour sécher
les mamelles d‟une mère qui vient de perdre son enfant non sevré. On la fixe sur le sein.

OLURHI : composée de 2 bâtonnets de cet arbre ; elle se porte au cou contre la diarrhée.

KARHANGASI : fruit rougeâtre assez semblable à une très grosse noix de muscade, est porté au
cou. Il sert contre le rhumatisme musculaire des jambes ; il suffit de le frotter contre les dents.

NSHOLERO : 2 gros bouts de cet arbre, portés sous la mamelle, servent aux femmes enceintes
pour avoir une heureuse parturition.
99

CIZIBWE : de la poudre de cet arbre, dont on fait une pâte, est mise à l‟intérieur d‟un bout de
l‟arbre kano, évidé. Employé contre la fièvre récurrente. On le porte au cou.

MBOKO : nom d‟un mal, sorte d‟ostéomalacie de la mâchoire inférieure et aussi de l‟amulette
préservatrice ou guérissant. Celle-ci n‟est qu‟un morceau de peau de buffle, porté au cou, libre ou
dans un sachet.

SABOT DE VACHE : un bout de sabot de vache, porté au cou sert contre le rhumatisme des fesses
(lombago).

CIKULI : plante réduite en poudre puis en pâte durcie, fixé au cou en même temps qu‟un os de
lubondo (héron serpentaire). Sert contre l‟inflammation de la gorge. On frotte la pâte contre les
dents et on avale la salive.

LUBONDO : os de héron (serpentaire, porté au cou, sert contre l‟érysipèle (iseke) le mal de gorge,
le rhumatisme général. On chauffe un bout de l‟os et on aspire la fumée. Ou bien le malade doit
boire, tout en portant l‟os au cou, une tisane faite d‟écorce de Karhizi (arbre) et de racines de tabac.

KADERHO : deux bouts de bois de 3 à 4 cm accouplés, portés au cou ; dans l‟un des bouts il y a
des ingrédients, des feuilles sans doute, réduites en pâte. Il se porte afin de n‟entendre ni
reproches, ni paroles malveillantes. Ce même remède est encore employé comme suit : si une
femme quitte son mari pour en suivre un autre, le mari délaissé va souvent chez le devin qui lui fait
sur la poitrine des scarifications, où il met des ingrédients de lui connus, et cela pour que la femme
ne puisse avoir des enfants de son nouveau mari. Pour empêcher l‟effet, la femme et le nouveau
mari revêtent chacun le kaderho.

KANO : trois bâtonnets de cet arbre, portés au cou, en même temps préviennent le mal de binyoro
(pian).

LUKOMBE : amalgame de toutes sortes d‟herbes connues des sages-femmes (balika) et mises en
infusion dans de l‟eau. Dès le 5e mois de la grossesse, la femme en prend tous les jours jusqu‟à sa
délivrance, afin d‟engendrer sans peine un enfant bien portant. Employé aussi par la « mahinga »
afin de ne pas mourir ou de ne pas avorter (cf. mbanda 95).

KASHAGALA (eupherbe) (cactus candelabre). Un bout de bois de cet arbre est creusé et rempli
de bouts de plumes de nyangali (grue couronnée) ; porté au cou pour prévenir d‟être molesté par
les balozi qui se promènent la nuit et mordent les gens.

JIRWAMBALU : bout de bois de cet arbre, porté avec le précédent même but.

NGARANJO : un morceau de bois de cet arbre, fixé en long sur une ficelle et 2 autres plus petits
fixés en travers, sont portés au cou contre les vers intestinaux.

MURHAGALA : bois creusé dans le sens de la longueur ; on y enfonce avec une pâte spéciale un
bout d‟os de chèvre ; porté au cou, sert contre le mal de gorge.

IBIS BLANC (MUNANA) : on prend le foie, on le réduit en pâte avec du beurre. Le mufumu
scarifie la poitrine, y frotte de cette pâte… pour rendre son client très fort et bien portant. Autre
façon de s‟en servir : sa chair est mise à tremper dans l‟eau, cette eau est bue afin de n‟être pas
molesté impunément. En buvant on dit : « Quiconque me cherche misère qu‟il soit percé de ta
lance ô ibis ». (L‟ibis a un long bec).
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LOUTRE (NZIBI) : un bout de peau de loutre, portée au cou produit santé et vigueur.

HIRONDELLE : séchée et réduite en pâte, est placée sur des scarifications de la poitrine, pour
produire vigueur et santé.

CORBEAU (HUNGWE) : séché, réduit en poudre et en pâte par les balozi (invisiblement). Les
lanceurs de maléfices sont censés placer de cette poudre dans la nourriture (nshoho) de leurs
victimes ; celles-ci en meurent avant un mois.

NTUNDIRWA : branches et bouts de bois unis en petit faisceau et porté au cou. Est employé pour
arrêter l‟inflammation gangreneuse des plaies. On frotte l‟amulette sur la pierre à moudre, avec de
l‟eau que l‟on boit. On appelle encore NTUNDIRWA, deux boules accouplées, ornées
habituellement de perles arrangées par le féticheur et portées au cou uniquement par les hommes
faits ; bon contre toutes les maladies.

MUBAZI : feuilles d‟un arbuste de ce nom, employées contre les tâches de pian (bunyolo) (v. 95).

LUNDANDA ou MIDENDE YA LUNDANDA : lundanda désigne l‟état d‟être 7e enfant, ou 7e


petit, né de la vache. Quiconque est 7e enfant, garçon ou fille, et aussi la vache qui a vêlé son 7e
veau, doit porter au cou une ou deux clochettes de fer ou de cuivre. Cette clochette a souvent une
forme très allongée qui lui donne l‟aspect d‟un tube à bout recourbé et fendu sur le côté. Le
guerrier qui a tué 7 ennemis durant la guerre revêt aussi le lundanda. Ça ou les clochettes sont
portées jusqu‟à la mort des parents. Ne pas les porter attire sur ceux-ci l‟amaigrissement progressif
et la mort. S‟en vêtir attire sur eux le bonheur. La vache en est revêtue pour avoir beaucoup de
lait.

AUTRE AMULETTE : Sorte de petit tubercule assez semblable à une jeune pousse de bambou,
que l‟on cherche chez les Bafulero, et qu‟on porte au cou. J‟ignore son nom. Employé contre la
fièvre.

L‟EPILEPSIE ou L‟HYSTERIE (luhungu) qui arrive une fois en passant est croit-on produit par un
muzimu qui prend plaisir à s‟emparer d‟une victime. Si les accès sont fréquents, on dit que cet état
morbide a été donné par la mère au jour de la naissance.

EBIKOMERO : on appelle de ce nom une amulette faite avec les ingrédients les plus variés, ongles
d‟oiseau de proie, de lion, de léopard, d‟hyène, de chat-tigre, ossements humains, surtout
phalanges. Est employée surtout comme préservatif contre les fauves. Il suffit de souffler dessus
pour faire fuir les bêtes même le lion.

L‟AMULETTE faite de bouts d‟arbres akafumbelugarhu, akarhal‟ibuye et akashisha est employée


pour se guérir de vilaines plaies.

ELEXIR DE LONGUE VIE. Qui veut vivre bien, se fait scarifier la poitrine, le bas des reins, et le
bas du ventre ; le féticheur y frotte une sorte de farine dont il a le secret (ayirhiza).
101

DANSE AUX ESPRITS : si une épidémie vient à sévir, choléra, peste, méningite, variole, grippe
espagnole, dysenterie, etc., on suppose que les esprits des ancêtres sont fâchés. Pour les apaiser, le
chef envoie un groupe de femmes danser et chanter à tous les carrefours où les mânes passent
amenant avec eux la maladie. De plus les malades sont portés de très bon matin à la rivière, avec
espoir de guérison. Les femmes en retour reçoivent du chef un taurillon et la bière. Ces danses
durent tout le temps de l‟épidémie.

LES REMEDES MALAGO

Il existe un certain nombre de remèdes spéciaux, désignés sous le nom de « IRAGO » (plur.
malago) dont je dois vous dire un mot.
Le sens du mot semble être dérivé de KULAGA qui signifie : être dans le besoin, et aussi avoir de
la chance ; ou bien de KULAGULA = faire la divination. Cinq plantes sont surtout employées
dans ce cas :

1. NVUNO : très petites feuilles venant d‟un buisson. Elles sont broyées dans de l‟eau,
mélangées à du sel. S‟emploie contre la diarrhée humaine, et est donnée aux vaches qui
maigrissent ou n‟ont pas de lait.

2. YA NKUBE et MUGUNDUZIMA : plantes à petites feuilles (+ 3 cm). S‟emploient liées


ensemble et préparée comme le nvuno. Cette amulette sert pour les vaches comme ci-
devant. Ce remède est de plus employé contre les foulures humaines, alors le mufumu
masse avec ce remède en prononçant des formules d‟incantations. Préserve contre la
foudre, s‟emploie encore enfermé dans une feuille de bananier ramollie au feu et mêlée
d‟un peu de farine, contre les maux de gorge.

3. KAHUNGU : ressemble aux feuilles d‟ananas. Employé contre la lèpre blanche (bibenzi).
Le mufumu les ayant réduites en pâte, il les presse dans ses mains, y mêle des remèdes
superstitieux, et les applique sur les parties malades en prononçant des formules secrètes.

4. GA LWABUGIRI : feuilles d‟iris, pilées et jetées dans de l‟eau d‟une fontaine. Sert pour
avoir un heureux accouchement. La femme en boit, se met toute nue dans cette eau et
pendant ce temps le mufumu prononce ses formules secrètes. Sert surtout quand
l‟accouchement est pénible. Est encore employé de même si les dents de dessus paraissent
les premières à l‟enfant. Alors encore la femme se mettrait nue dans l‟eau ; mais le mari, la
femme et l‟enfant devraient boire de cette eau, en même temps que de l‟eau d‟un récipient
ou le mufumu aurait frotté son amulette mpivu.

5. IRHANGA : Autre sorte d‟iris à feuilles plus larges. Les feuilles sont liées dans un bout
d‟écorce de bananier, et portées autour du cou. Sert surtout quand on doit faire un voyage.
Si alors l‟orage éclate, le porteur en prend une feuille, la pose sur le poing fermé de l‟autre
main bat l‟air 4 fois et jette la feuille ; il doit être préservé de la foudre. S‟il est chez lui et
que la foudre menace, il crachote de l‟eau sur le plant, on écrase une feuille, la met sur sa
porte. Si quelqu‟un veut obtenir les bonnes grâces du chef, il va chez le mufumu qui lui
écrase quelques unes de ces feuilles, en exprime le jus, qu‟il fait boire au client. L‟irhanga,
mêlé à d‟autres ingrédients magiques, est encore usité pour lancer un mauvais sort sur son
ennemi. On le place alors à un endroit où l‟ennemi doit passer, ou bien on tâche de le faire
accrocher à son lit, à sa porte, etc. Mais celui qui veut envoûter doit auparavant boire chez
le mufumu un peu de jus de cette plante. Le possesseur de ce dernier remède peut avec lui
se préserver de la visite du lion ou du léopard. Mais aussi pour cela, à chaque fois qu‟il
abat une bête, il doit mettre un peu de sang sur son remède. C‟est pourquoi cet irhanga est
102

surtout employé par les gardiens de bétail qui espèrent de la sorte prémunir leurs bêtes
contres les fauves.

Il y a encore d‟autres variétés de malago, moins connues du vulgaire, car les bafumu se les
procurent soit chez les Warega, soit chez les Batembo de l‟ouest. Parmi elles est peut-être le plant
MUHAVI, que l‟on trouve près des huttes en l‟honneur des mânes, surtout MUKUMBA WA
NYANGONGO. Toutes ces malago, rares dans la brousse, assez fréquentes à l‟emplacement des
villages abandonnés, doivent, pour être efficaces être achetées chez les bafumu. Qui veut en avoir
des plants à demeure va chez le mufumu avec son cadeau ou paiement, et l‟invite à venir les
planter chez lui. Le mufumu muni de ses ingrédients magiques, recherche un endroit moins battu
dans l‟enclos, y creuse un trou, y met le plant désiré avec racines, prend en bouche une gorgée de
bière, la crachote sur le plan en formulant ses incantations, tout en étant à genoux, bat des mains,
invoque Nyamuzinda (Dieu) et ses mânes à lui. Puis autour du plant il fixe en rond de petits
piquets et aussi des tessons de pot. Il n‟y a ni divination, ni sacrifices. Telle est la cérémonie
employée chez les Bashi du Nord ; au Sud c‟est un peu différent :
Pour les 4 premières espèces, on opère de même, seulement avant de mettre le plant en terre, on
dépose un peu de feu dans le fond ; après achèvement, le mufumu dit : « Reste ici, ne sors pas ».
Quant à l‟irhanga, voici comment on opère. Le mufumu après avoir creusé le trou, comme il a été
dit ci-dessus, se met à consulter ses mânes (alaguza) ; prend du feu qu‟il met au fond du trou, pose
au dessus du feu ses mpivu (amulettes) y verse de l‟eau, etc. et demande à être payé. Après cela
seulement, il met le plant en terre, et achève comme il a été dit. Puis il dit à haute voix : « Celui
qui haït le maître des céans, ou qui le calomnie ou cherche à le tuer ; aie soin de le tuer, toi ».
Ensuite il bat les environs du plant avec une baguette, renouvelle son imprécation et ajoute :
« Prends-moi et ton service ; le jour où j‟aurai besoin de tes services, de tes foudres, je reviendrai
battre le sol à tes côtés, et ce jour-là aide-moi ». Le paiement du mufumu varie d‟une chèvre à un
taurillon. Le sacrifice dont il vient d‟être question, peut être un sacrifice à Lyangombe, donc de la
secte des Imandwa. Dans ce cas, le maître de la maison réunit ses femmes, en présence du
mufumu, au milieu de l‟enclos. La première femme fera office de sorcier, c‟est elle qui prépare le
trou, sera possédée par l‟esprit Lyangombe, plantera l‟irhanga et dira les formules en faisant bien
ressortir que cette plante n‟aura de vertu que par la force des esprits ancestraux.

96. DERNIERS MOMENTS D’UN MORIBOND

Quand la fin approche et que le malade s‟aperçoit qu‟il ne guérira pas, il ne semble pas être
impressionné. L‟abattement n‟est pas produit par les remords sur sa conduite passée ; ce sentiment
lui est inconnu. Que craindre puisqu‟il ignore la rétribution future proprement dite. Quand le
malade voit que tous les remèdes employés sont restés sans effet, que vainement on a fait pour lui
les sacrifices aux ancêtres, que le mufumu même n‟a pu le guérir, il se résigne à son sort. S‟il a un
garçon il l‟appelle, lui recommande de jamais oublier de lui offrir des sacrifices, lui dit comment
partager les biens qu‟il lui laisse… et attend. Une mère souvent donnera des conseils à ses filles,
recommandera la garde de ses petits enfants. Il n‟y a pas, que je sache, des danses ou chants
spéciaux, ni d‟intervention du mufumu pour ce moment précis qui précède la mort. On ne croit à
la mort naturelle que pour les tout vieux qui meurent sans maladie apparente. Toute autre mort est
l‟effet malveillant des bazimu, des balozi. Cependant un pauvre qui n‟a rien à offrir aux bazimu,
dira souvent : « Nyamuzinda yenene ayisire omwana, anyirha (c‟est Dieu même qui a tué son
enfant, qui me tue). La mort est la conséquence naturelle des maladies ou des accidents produits
par les auteurs de la mort. Dès que le malade entre en agonie (ahozire) commencent les
lamentations. Les hommes ne se lamentent pas, ils se contentent de pleurer en silence s‟ils sont
réellement affectés. J‟en ai cependant vus se rouler sur le sol et se battre les flancs en hurlant. Les
femmes se mettent à pousser des cris avec des exaspérations sauvages, en se frappant la bouche.
L‟épouse dira à son mari défunt pendant ses lamentations « larha akola, nyangahi nalirwa nyeki
we » c‟était mon père, le père des enfants est mort, où donc irai-je ? Où donc mon père
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m‟abandonne-t-il ? Où donc vais-je trouver ma nourriture ? La mère pour un enfant « larha akola
we, ngahi naja we ? Ngahi nalirwa nyeki we ?
Complainte à la mort : « alala ebweru we ! Anagenda buzira ntanda we! (Il dort là où je ne le vois
pas, il s‟en va sans nourriture de route). « Lero ngahi naja we !» (et où irai-je donc)!
Le chef avant sa mort, lègue ses biens à son successeur, lui recommande son muzimu, lui dit de
haïr ses ennemis et de trancher les palabres comme il les a tranchées.

97. LE MORT AVANT SON ENTERREMENT

Dès que le mourant a rendu le dernier soupir (kurhengamw‟omuka) on lui enlève tout ce qu‟il a sur
le corps, on lui frotte le front et la poitrine avec du beurre (on met dans les mains des petits enfants
morts : des graines de sorgho et de haricots, pour que les provisions de ces graines ne périssent
pas). Puis on lie le mort dans une hotte de mishadu (herbes à couvrir).
Ce travail de dépouillement pour un homme est fait par des hommes de l‟entourage ; pour une
femme mariée on appelle une vieille veuve qui reçoit pour cela 3 ou 4 colliers de perles ; à défaut
de vieille une autre veuve quelconque, d‟un clan différent, ou même un jeune-homme d‟un autre
clan. Pendant tout ce temps les lamentations continuent. Puis on procède à la confection de la
fosse sans retard. Le jour même de la mort d‟une femme, le mari va se laver à la rivière. Si le mari
est un muluzi (homme du clan régnant), tous ses gens se lamentent et pleurent. Il est lié dans le
mishadu. On fait la fosse, soit près de chez lui, soit au luvumbu (cimetière des chefs) si ce
cimetière n‟est pas loin.
Quand le mort est un grand muluzi (Kabare, Ngweshe, Nyangezi) à son dernier soupir, les favoris
qui l‟ont assisté vont appeler un ou deux hommes du clan Banjoka. Ils le mettent à nu (d‟autres
disent qu‟il est habillé de ses meilleurs habits), dans un cercueil (mukenzi) qui est d‟abord une
barque, puis après 3 jours, une peau de vache (mugurha). On attend que le cadavre entre en
décomposition, de manière à en ramasser un ver cadavérique (de préférence à l‟endroit du cœur).
Les Banjoka dissimulent la puanteur avec un jeu où ils brûlent des feuilles de mituzo. Pendant ce
temps les gardiens vont mendier partout des vivres en masse. Quand le ver apparaît, ils avertissent
les femmes du défunt et tout le pays de la mort du chef. Mais tous l‟ont déjà deviné. Cela arrive
après 6, 8 ou 10 jours ; alors on pleure dans tout le pays et on commence le chômage forcé, le
deuil. Le ver se changera en chien noir, ensuite en léopard qu‟on ne pourrait tuer. Pour les Bagore
(les femmes des grands chefs), elles sont traitées comme les autres, mais on pense que son ver
cadavérique se change aussi en serpent. Le muzimu entre dans un serpent rougeâtre et gros (igu).
Chez les Bafulero, la mwamikazi entre dans un boa (nyamisharha).

98. FUNERAILLES ORDINAIRES

Comme il a été dit ci-dessus (97), le corps est frotté de beurre à l‟endroit du cœur et au front, sans
quoi le mort viendrait nuire aux vaches. Le cadavre est mis à nu. Ses habits et ornements sont mis
de côté. Le successeur prend possession des biens le jour où il est déclaré héritier. L‟enterrement
se fait sans aucun apparat. Aussitôt que le malade a rendu le dernier soupir, les voisins ou de
préférence les membres de la famille vont creuser une fosse très sommaire, un trou de 1 mètre au
plus de profondeur, sur 0,40 m à 0,50 m de large. Le fond est garni d‟herbes. Le cadavre est
enveloppé quelquefois d‟une vieille natte, le plus souvent de quelques poignées de mishadu (herbes
à couvrir). On le lie de manière à ce qu‟il soit dans la position d‟un homme couché, avec les
jambes ramassées sur le corps. Il est déposé dans la fosse, sur le dos, tête vers la hutte.
L‟enterrement a lieu le plus tôt possible, car on redoute beaucoup le voisinage d‟un mort. Bien
souvent le corps est encore chaud, ce qui laisse supposer que bon nombre de mourants sont enterrés
avant d‟avoir réellement rendu le dernier soupir. Les gens qui tombent évanouis ou en léthargie
momentanée sont fort exposés à cet accident ; ils sont trop vite pris pour morts.
Le respect pour le cadre semble être nul. Enterrer se dit poliment kubisha (enfouir, mettre en son
lieu), mais la plupart disent kukabulira (jeter) comme on fait d‟un objet de rebut. Les parents eux-
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mêmes ne se font pas scrupule de traîner par une jambe le cadavre de leur enfant jusqu‟à la fosse,
ou encore d‟attacher une corde à la jambe, et de traîner ainsi le défunt comme on traîne un objet
répugnant. Quand le cadavre est mis dans le trou, on détache les cordes qui liaient la natte. On le
fait à un enfant pour que la mère puisse encore engendrer. Pour les adultes, on en ignore le motif,
c‟est la coutume. Puis on jette sur le mort quelques graines de sorgho, des haricots, sans quoi les
récoltes des parents se gâteraient. D‟autres disent qu‟on met les graines dans la main du mort,
même si ce n‟est pas un enfant. On met au dessus deux cailloux lourds, pour que les passants ne
s‟enfoncent pas sur le corps. La première femme du défunt jette la première pelletée de terre. Puis
on comble la fosse en enfonçant bien la terre du pied. Sur la fosse, la mère pour son enfant,
l‟époux pour sa femme se lave les mains dans un peu d‟eau mise dans un pot brisé, puis elle ou lui
verse l‟eau, écrase le pot sur la tertre avec le pied ; c‟est le symbole de sa mort réelle et de sa non-
résurrection (c‟est le kucishuka amishi mabî (se laver avec de l‟eau sale). Si une femme avait été
accusée d‟avoir ensorcelé son mari, après l‟enterrement elle enjamberait la fosse ; c‟est la preuve
de son innocence, car aux yeux de tous, la coupable tomberait morte par ce fait (kubalala ecûsho).
A la mort de l‟époux, sa veuve sort de suite, va chez une veuve voisine, lui touche de la main la
tête (d‟autres disent les parties déshonnêtes) ; celle-ci lui fait de même (kuhumana oku irhwe).
Puis toutes deux arrachent de leur peau de vache un petit bout, le jettent par terre (kushurula) sans
quoi les enfants mourraient. Cela pour le premier mari défunt seulement. Les enfants ne peuvent
assister à l‟enterrement des parents. A la mort de sa femme, le veuf a à faire quelque chose de
pareil (N° 99). L‟épouse, à la mort de l‟époux, quitte ses ornements et les tresses de ses reins, sans
cela on dirait qu‟elle est heureuse de sa mort ; peu après elle fait raser sa huppe, de manière à avoir
une simple calotte de cheveux ras. Elle reste ainsi tout le temps de son veuvage, plus ou moins
deux mois c‟est-à-dire jusqu‟à ce qu‟elle songe à se remarier. Après l‟enterrement on rentre
pleurer dans la maison. On termine par un repas d‟oubli.
Pendant quelques jours jusqu‟à ce qu‟elle fasse la fornication du kufunduka (cf. N° 100), la veuve
elle ne pourrait se remarier avant d‟avoir fait cet acte (défense rituelle). Si elle aimait vraiment son
mari défunt, elle le montrerait en tardant de faire cette fornication. La veuve ne peut pas se laisser
toucher la tête, même par son petit enfant. Dans ce but elle se met souvent sur la tête une espèce de
calotte en feuilles de bananiers (birere). Avant ce temps la veuve ne peut même pas donner à
manger à ses enfants et personne ne peut la toucher. Si par hasard une autre veuve se trouvait alors
dans son cas, toutes deux se toucheraient mutuellement la tête, et elles pourraient nourrir leurs
enfants. Les enfants, dans le cas échéant, seraient nourris par les voisines. A noter encore qu‟un
homme qui a un petit enfant dont les dents ne paraissent pas encore ne peut creuser une tombe.
Ceux qui enterrent le mort, après l‟avoir frotté de beurre, doivent s‟en frotter eux-mêmes, puis ils
vont toucher le cadavre en disant : « ce n‟est pas moi qui t‟ai envoûté ».

MORT D‟UN GRAND MULUZI : NGWESHE, NYANGEZI

Quand le ver cadavérique (muvunyu) a été recueilli et déposé dans un pot avec un peu de miel, on
procède à l‟enterrement. Le pot de miel est déposé dans une petite hutte (higombe) construite au
dessus et sur le côté de l‟endroit où on enterre le chef, après qu‟on en a enlevé le ver. C‟est là
qu‟on ira sacrifier à ses mânes. Le ver cadavérique dit-on, se change en léopard (ngwi
mugashane). Quand le léopard rôde par-là, le gardien va à sa rencontre avec un tambour qu‟il bat
en disant : RHWE BAGUMA NA KABIYA, MWALI WABO BWEGA (nous sommes uns avec
Kabiya, fille de Bwega). Les Banjoka emportent le corps sur leurs bras, au cimetière (luvumbu)
soit de jour, soit de nuit. Ils y creusent la fosse, l‟y déposent sur un lit de rondins entrelancés ; sur
le corps on dresse un nouveau lit de roinds, on ferme les interstices par une couche de feuilles de
bananiers, et sur cela on jette la terre. Sur la tombe, dit-on, on élève un autre lit de rondins, comme
un séchoir rustique.

Le LUVUMBU est le cimetière réservé aux baluzi et aux bagore (premières femmes des grands-
chefs du pays ou de provinces). Cet endroit est planté de grands arbres. Défense absolue d‟y
105

couper du bois de chauffage, sous peine de mort ou de confiscation. C‟est là qu‟on sacrifie aux
mânes des grands chefs (cf. N° 117).

A la mort des BAJINJI (cf. 177)


Les grands-chefs dépossédés par les Baluzi bajinji, sont enterrés dans des bois sacrés appelés
BUJINJI ; on les respecte comme on respecte les luvumbu.

MORT D’UN MWAMI (KABARE EN JANVIVER 1919)

Avant de procéder à l‟enterrement (c-à-d quand le ver cadavérique a été enlevé) le naluvumbu,
gardien du luvumu, détache la tête du tronc et coupe le gland de la verge. La tête est enfermée
dans une natte neuve jusqu‟au complet déssechement. Puis enveloppée d‟une autre natte, elle est
portée dans la maison du successeur. Là elle est gardée jour et nuit par un muvumbu ou
naluvumbu (gardien de tombeau). Chez Kabare, le cimetière est à Mwogo alias Mushera, qui est
sans doute l‟emplacement du 1er Kabare d‟où le gardien de ce cimetière se dit aussi Namwogo ou
Namushera ; le Namwogo actuel (1919) s‟appelle Namushego. La tête déssechée s‟appelle luvuku.
Bien sèche, le crâne est confié à la garde de Namwogo, qui en est responsable sous peine de mort ;
en temps de guerre, c‟est l‟objet à sauver coûte que coûte, car s‟il était pris par l‟ennemi, ce serait
la ruine (pour la suite voir 177, intronisation). Actuellement, dit-on, par crainte des soldats, le
buvuku est conservé dans un coin retiré de la forêt.

99. MANIERE D’AGIR DES PARENTS ENVERS LE DECEDE

Après l‟enterrement de sa femme, le mari va se laver dans une eau sale, puis il se rend chez le
« CITWAMBA » (N° 100) qui lui touche la tête. S‟il ne le faisait pas, personne ne pourrait
toucher à la nourriture que lui-même aurait touchée, s‟il avait une autre femme, il n‟irait pas se
faire toucher la tête. Le veuf monogame qui désire prendre une autre femme, doit tout d‟abord
faire l‟acte conjugal avec une autre femme ou fille. C‟est la loi du lévirat (kufunduka). Par cet
acte il se délivre des droits qu‟avait sa femme sur lui. Après l‟enterrement, le travail des cultures
est défendu, la famille y compris les petits enfants, cesse tout travail non indispensable. C‟est la
marque du deuil. Pour une personne qui a son héritier, on se repose (kushiba) jusqu‟au jour où le
successeur est mis en possession de ses droits (4 à 5 jours) ; alors on reprend le travail (kushibuka).
Pour un muluzi c‟est plus long ; 2 à 3 semaines pour un muluzi ordinaire ; 2 à 3 mois pour les
grands comme Nyangezi et son héritier ; 6 mois pour le grand-chef. Tout le pays chôme pour le
grand-chef, la province pour le nahano, la colline pour tout petit chef muluzi. Pour un chef non
muluzi, on chôme dans son pays 2 ou 3 jours comme pour les simples Bashi. Le chômage pour les
grands chefs est de rigueur sous peine de la perte de ses biens. On ne fait pas de sacrifices sur la
tombe ou ailleurs au moment de l‟enterrement. Mais après 2 ou 3 mois la famille construira près
de ses maisons une hutte et y fera le sacrifice. On y met tous les objets dont le défunt était revêtu,
sa lance, son couteau, et pour une femme un morceau de pot (hijo). On y met aussi du feu, des
débris de nourriture. C‟est pour réjouir les morts (non pas pour les nourrir).
A la mort d‟une femme on lui construit sa hutte à sacrifices. Une fille ne peut y sacrifier à l‟esprit
de sa mère. On renouvelle ces huttes à mesure qu‟elles tombent ; même quand la famille
déménage, elle construit ailleurs les huttes des mânes. Au père du mari on construit une grande
hutte (ngombe). Il y a donc PLUSIEURS TYPES DE MAUSOLEES, voici les 2 principaux :
PREMIER TYPE : HIGOMBE (pl. rhugombe). Ce petit temple est à distinguer du lusho (pl.
nyusho) hutte dressée pour une offrande occasionnelle et du luhero (mahero) hutte qui reste à
demeure. Le higombe est construit simplement ; quelques piquets sont fixés en terre et réunis par
le haut, d‟une hauteur de 0,60 m environ, le haut est recouvert d‟une poignée d‟herbes. Le devant
est laissé ouvert. Ce genre de huttes se place le plus souvent contre l‟enclos, extérieur ou intérieur
ou contre la maison. On envoie des séries de 3, 4, 5 et plus. Chez Kabare, j‟en ai vu plus de 20
réunies devant l‟enclos du chef. Chaque hutte est pour un mort. C‟est là que le muzimu viendra
106

séjourner quand bon lui semble, car, si le corps est dans la fosse et le muzimu dans le kuzimu avec
tous les morts, il peut cependant visiter les siens, quand il veut. C‟est dans sa petite case qu‟il
reçoit honneurs, prières, offrandes et sacrifices (117).
Si le mort est délaissé, les parents ont à craindre sa vengeance c‟est-à-dire la maladie, les accidents
suscités par le muzimu. Ils n‟y échapperont qu‟en lui donnant les honneurs dus.

DEUXIEME TYPE de mausolée est le NGOMBE ou case des ancêtres. C‟est une cabane en forme
de ruche, un peu moins grande qu‟une case ordinaire ; par devant est une simple ouverture. Elle
est destinée au père décédé, et au père de famille. C‟est le fils qui la construit dès qu‟il est mis
dans ses droits de succession. Le muzimu du père défunt est censé y résider, au moins par
intermittence, pour y recevoir les honneurs et les prières de son fils et de la famille. Cependant le
père n‟y est pas toujours seul. Y viennent souvent le grand-père, l‟arrière grand-père et ceux de la
famille qui n‟ont pas de mausolée spéciale. C‟est donc au fond la chapelle des mânes ancestraux.
Le fils y sacrifie comme on sacrifie dans les mausolées précédents. Le petit-fils peut y sacrifier
aussi, même si son père n‟est pas mort. Alors il s‟adresse à son grand-père, lui dit : « Shakulu
ogashane ». Pour cela le petit-fils doit être au moins en ménage. Cette hutte servira de lieu de
repos, où le père de famille devise volontiers pendant le jour avec des voisins. C‟est là aussi que
les visiteurs sont autorisés à passer la nuit. Enfin c‟est là que se traitent de préférence les questions
épineuses. Bref, c‟est le temple de la famille.

A la mort de Ruhongeka (grand-chef de Ngweshe), tous les habitant durent porter le deuil (c-à-d
défense absolu de se promener avec la lance à nu, mais obligation de fixer sur la pointe un bois ou
une corde en fibres de bananiers, puis défense de cultiver, de porter des charges pour construire).
Le deuil dura jusqu‟à la prise de possession du successeur. Après quelque temps, tous les grands
du pays doivent boire le poison d‟épreuve pour prouver qu‟ils n‟ont pas ensorcelé le chef décédé.
Ils ont évidemment pris leurs précautions, pour que l‟accusation ne tombe pas sur eux. On ne
prend aucun soin des TOMBES et le passant ne s‟en détourne pas. D‟ailleurs, la plupart sont
bientôt envahies par une brousse épaisse ; on n‟y fait plus attention. Les morts, comme je l‟ai dit,
sont honorés au village. Il convient de faire exception, pour les tombes des baluzi enterrés au
cimetière luvumbu (v. 98) et celles des bajinji. Les chefs ont un ngombe un peu plus spacieux qui
joue en tout le même rôle que le précédent pour ce qui regarde les affaires de famille. Mais comme
le chef est aussi le père de la communauté tout entière, ce ngombe devient par le fait le temple du
pays, de la province, du village, selon les cas ; les affaires du chef sont les affaires de ses gens et
vice-versa. Ainsi le chef, se met-il en voyage, on bat le tambour près du ngombe, il salue son père
défunt : « Larha ogashane » et lui demande de bénir son voyage. Va-t-il partir en guerre contre un
autre chef, il réunit là ses grands et ses gens, et demande pour lui et ses gens de la force pour
revenir vainqueur. Revient-il victorieux, il ira le remercier en y battant copieusement le tambour.
C‟est là aussi qu‟il tranchera les grands procès. Bref, c‟est le lieu où on fait les actes ordinaires du
culte commun. Les grands baluzi étant enterrés au cimetière luvumbu, c‟est là que se ferait les
actes les plus solennels du culte de la communauté (cf. 117 sacrifice tribal).
Le MWAMI (Kabare ou Nnabushi) a le corps au luvumbu, mais son crâne est honoré à part dans
l‟enclos du successeur, de même que le caput mentullae qui est porté sur le front du successeur.
On sacrifie sur la tombe et dans la hutte du crâne (buvuku cf. 98). On construit parfois une hutte
spéciale au village, la hutte BUSHENJE, assez grande, porte devant, petite porte derrière. C‟est la
hutte où l‟on va sacrifier au père du clan une chèvre et de la bière. On la renouvelle à chaque
saison sèche. C‟est l‟ancêtre Kazi-ya-muntu qui apprit à la construire. On y reçoit les étrangers,
on y plaide ; les femmes n‟y ont pas d‟accès sauf pour plaider.

J‟ai rencontré au mont Bulumbu une CABANE-POULAILLER en l‟honneur de Nashakanya


(ancêtre, dit-on, du chef Nakalonge). Au milieu d‟une enceinte de bambous, on dresse une cabane
munie au centre d‟un perchoir, on y a mis des bouts brûlés de bambous. Sur la porte repose un
bambou. A 10 mètres de là, au dessus du sentier qui traverse le col de la montagne, est dressée une
107

sorte de portique en bambous par lequel il faut passer ; chaque passant jette un peu d‟herbe devant
la porte de la case. Il y a un habitant, un coq solitaire vivant, qui peut sortir pour chercher sa
nourriture.

Bien des huttes aux esprits ont la forme d‟excavation creusée dans un tertre aux bords des chemins
ou aux carrefours, et sont munis parfois d‟une pierre debout, de bâtons, etc. comme j‟ai dit à
propos des sacrifices aux esprits. D‟autres ont la forme de petites huttes en paille, et sont
surmontées de cornes ou tresses de paille, 2, 3, 4 même 8 (voir sacrifices).

J‟ai vu encore le « temple » de Mulirima, arrangé comme suit : un


trou en terre est recouvert d‟un petit pont en demi-cercle ; couvert
d‟herbes et de terre. A côté 3 pierres ornées de desseins ; et autour 5
branches de Kahara. On sonne la trompe en son honneur, et on y
porte des vivres.

SITUATION DE LA VEUVE

Un homme, le Chitwamba, est chargé d‟office de se coucher une fois avec les veuves. Il leur
enlève leur deuil, ce qui se dit : huma oku irhwe. Chez Nyankaziwa est un bosquet appelé
Kajunga, où la première femme du chef défunt donne rendez-vous au Chitwamba, avant d‟être
prise par le chef qui succède. Une veuve de suite après la mort de son mari, doit se faire raser, tout
le corps ; elle ne peut cuire de nourriture avant de l‟avoir fait. De droit la raser est le travail du
Chitwamba, avec qui elle se couche ensuite une fois. La veuve lui paie pour cela une houe ou une
poule, etc. En fait elle peut se faire raser par un homme non marié, un jeune homme, une veuve ou
une jeune fille, qui reçoivent alors le même cadeau. Les cheveux rasés sont portés en partie dans la
brousse comme on le fait avant son mariage.

100. MODIFICATIONS PRODUITES DANS LA FAMILLE PAR LE DECES

Quand une personne mariée meurt, son conjoint devient par le fait même muziru, tabou, objet
défendu pour certains autres. Ainsi elle ne pourra manger avec les autres pendant un certain temps.
Elle ne pourra surtout pas contracter mariage après quelques jours ; avant de se remarier, elle devra
absolument consommer l‟acte conjugal une fois dans la brousse avec un veuf, si c‟est une veuve ;
avec une veuve si c‟est un veuf. Une veuve trop âgée pour se remarier, ou une veuve plus jeune
qui ne rencontre pas de veuf assez vite, s‟adresse à un individu spécial appelé Chitwamba, qui a
pour fonction particulière d‟enlever ainsi aux veuves leur muziru. Cet acte se dit kufunduka.
Personne n‟oserait remarier un veuf ou une veuve qui n‟a fait cet acte ; il croirait encourir la
vengeance du conjoint défunt. Celui qui oserait toucher (copularer) une veuve avant d‟avoir
kufunduka, est de droit condamné à la confiscation (kunyagwa). Son acte est mauvais parce que
« alire olufû omu nyumpa » (ou « alire olufû omu… »). Le veuf qui violerait une fille, dans ce
même cas, serait gravement puni par le chef. Le kufunduka n‟a lieu que pour la première femme,
la muzizi : les femmes mpali ou concubines ne sont pas tenues ; ni au kufunduka, ni au deuil
proprement dit. Le chitwamba en général est un homme non marié, qui n‟a pas de maison à lui. Il
loge de-ci de-là dans la brousse. S‟il lui naît un fils de ce commerce, ce fils lui succède dans ses
fonctions. Il est payé pour son service par la veuve elle-même, reçoit une houe ou de la nourriture
ou de la bière. Passe-t-il au marché, tout objet touché par lui devient sa propriété ; on craindrait de
mourir si on en usait encore. Ce même individu peut aussi remplacer un veuf dans le kufunduka ;
il va faire l‟acte avec une veuve quelconque à la place du veuf ; mais jamais avec une fille ou une
femme mariée. Le chitwamba officiel qui opérait ici encore récemment remplit son office pour
tout les pays de Ngweshe, Kabare (1916). A la mort d‟une femme mariée, son père n‟est pas
obligé de fournir au mari une autre de ses filles ; néanmoins il le fera souvent surtout si la défunte
108

avait un ou plusieurs enfants. Il ne doit pas rendre la dot-vache etc. s‟il y a eu un enfant, même un
simple mort-né (cas de Kashara).

QUE DEVIENNENT VEUVES ET ENFANTS A LA MORT DU PERE DE FAMILLE ?

1/ LE DEFUNT EST MONOGAME : si sa femme n‟a pas d‟enfants nés du défunt, elle va passer
quelques jours chez l‟héritier du défunt déjà grand, puis rentre quand elle veut dans sa famille. Si
la veuve est enceinte, elle va chez l‟héritier de son mari, attend la naissance ; si l‟enfant est un
garçon, elle reste avec l‟héritier qui doit élever l‟enfant, et qui peut vivre maritalement avec la
mère. Si l‟enfant est une fille, elle retourne dans sa famille, mais l‟enfant sera considéré comme
bien de l‟héritier qui recevra la dot au mariage.
Si la veuve a des enfants en bas âge ou bien si ce sont des filles seulement, alors elle rentre dans sa
famille, ou bien il y a des petits garçons et alors l‟héritier du défunt vient vivre chez elle pour
élever les garçons et la veuve devient sa femme le plus souvent. En tout cas, elle ne peut se
remarier à un autre avant que le ou les garçons soient grands.
Quant aux filles sans frères, et dont le père n‟a pas d‟héritier, devenues grandes, elles reviennent de
droit au chef. Donc si une veuve a des filles grandelettes, et que le père n‟a pas d‟héritier, elles
sont enfants du chef (Banyangezi, etc.). Si elle a des garçons grandelets, ils se débrouillent, restent
chez leur mère ou vont chez l‟héritier de leur père.
Le père meurt et laisse à sa femme un garçon à la mamelle. S‟il a un frère, le frère vient pour
prendre le garçon, et la femme qui l‟allaitera sera aussi sa femme. Mais :
1. Ce frère du défunt est un muzamba (malingre) qui ne peut élever convenablement l‟enfant.
La femme alors s‟en va ; le muzamba on ne s‟en occupe plus.
2. Ce frère est fort, mais la femme n‟en veut pas… elle part aussi chez son père. La vache de la
dot revient à l‟enfant, successeur du père, mais si l‟enfant est trop petit, le grand-père le
garde. Si la vache meurt sans petit, tant pis, l‟enfant perd sa vache. Si elle vêle, tout reste à
l‟enfant. Mais l‟enfant a grandi, neuf fois sur dix, il retournera chez le frère de son père,
parce que c‟est son ishanja, sa vraie famille. Il amène une ou deux bêtes en laisse une à son
grand-père s‟il a été bien traité ; s‟il a été mal traité, il part avec tout, mais alors le vieux peut
plaider et le juge déclare s‟il peut oui ou non en recevoir une. Cependant le grand-père
maternel tâche de garder le garçon. Devenu grand, il lui donnera une femme afin de garder
toutes les vaches. Pour cela, s‟il le peut, il dira au frère de la mère du garçon, de lui donner
une de ses filles, la muzala du garçon et ceux-ci se marient et les biens restent dans la famille
de la mère c-à-d chez le père de celle-ci, mais le chef peut les réclamer si le grand-père est
mort.

2/ LE DEFUNT EST POLYGAME : l‟héritier du mari, s‟il est déjà marié, vient dans le ménage à
la place du défunt ; épouse et enfants sont ses biens ; il prend tous les droits et devoirs du défunt.
Toutefois les femmes qui ont des enfants mâles en bas-âge, ne peuvent convoler à d‟autres noces,
comme il a été dit ci-dessus. Les épouses sans enfants mâles pourront convoler ; l‟héritier pourra
reprendre à la famille de la femme la dot fournie par le défunt.

QUE DEVIENNENT LES ORPHELINS ?

A la mort du père et de la mère, ils entrent dans la famille de l‟héritier du père. Si cet héritier n‟est
pas marié, ils sont à la charge du père de l‟héritier ; et s‟il n‟y avait plus de père chez l‟héritier, ils
seraient élevés par leur tante maternelle (nashenge) ou même par les parents de la mère, mais tout
en restant biens de l‟héritier. Si les orphelins comptent un garçon grandelet, c‟est lui qui veillera
sur ses sœurs grandelettes. S‟il n‟y a d‟héritier mâle, les filles reviennent au chef, elles sont Mwa
Nyangezi…, comme il a été dit ci-dessus.
109

QUE DEVIENNENT LES ENFANTS DONT LA MERE SEULE MEURT ?

Si les enfants ne sont pas sevrés, le père les nourrit comme il peut, mais aucune femme autre que la
tante paternelle ou la grand-mère paternelle, pas même la sœur de la mère ne voudra leur donner le
sein. Ils mourront très probablement de misère (v. 68). S‟ils sont sevrés, ils grandiront sous les
soins du père ou de la nouvelle épouse, ou bien des autres épouses si le père était polygame.
Souvent de tels petits enfants grandissent chez les grands-parents, soit paternels, soit maternels,
tout en restant propriété du père.
110

D/ VIE RELIGIEUSE

A/ IDEES RELIGIEUSES ET PHILOSOPHIQUES

111 à 116

B/ RITES ET CULTES

117 à 199

C/ DIVINITES

120 à 121

D/ SACERDOCE

122
111

101. A/ IDEES RELIGIEUSES ET PHILOSOPHIQUES


ANIMISME (NATURISME)

L‟ANIMISME consiste à imaginer partout derrière les objets sensibles, une vie, une activité, par
extension une volonté, des pouvoirs et des passions plus ou moins calqués sur le type humain
(Christus, p. 12).

LE NATURISME est plutôt la tendance à supposer dans les objets sensibles l‟existence d‟âmes
analogues à l‟âme humaine, d‟esprits analogues à notre esprit.
Si on accepte ces deux définitions, il faut reconnaître que :

1 / que nos Bashi ne sont pas « naturistes », ils ne voient certainement pas dans les objets sensibles
une âme, un esprit analogues à l‟âme et à l‟esprit humains. Il ne leur arrivera jamais de s‟adresser
à un arbre, un rocher, un animal comme à un homme.

2/ Mais sont-ils animistes ?


Ils en ont certainement une teinte. Pour eux la plupart des plantes p. ex. ont par elles-mêmes une
force, une activité, je ne dis pas une volonté, lorsqu‟elles sont placées dans telles et telles
conditions, même en dehors de toute intervention du mufumu. C‟est ainsi qu‟un os de serpentaire
(lubondo) porté au cou, peut guérir des maux de gorge, qu‟un bout de peau de l‟animal cikoho
empêche les cauchemars ; que le port de bâtonnets de l‟arbre kano, enlève le pian. Il y a donc bien
là une croyance à une vertu interne qui se dégage sur celui qui les porte. Mais cette force émane-t-
elle d‟une âme, de l‟âme de l‟objet ? S‟ils le croyaient, ils seraient animistes, mais ils ne le croient
pas. L‟os p. ex. du serpentaire agit sur le mal de gorge à peu près comme chez nous une tisane de
tilleul ; c‟est un remède à sa façon. Le Mushi ne voit pas dans cet os, au dedans de lui, un principe
vivant, un souffle, une âme, une volonté capable d‟entrer en relation avec les humains, pas plus que
nos soi-disant civilisés ne les admettent dans la mascotte, le fer-à-cheval, ou le rin-tin-tin. C‟est un
acte superstitieux et c‟est tout. Pas de vrai animisme en tout cela. Si vous leur demandez d‟où
vient cette force, cette activité, ils vous diront que Dieu (Nyamuzinda) lui-même l‟y a mise. Mais
à côté de ces objets, il y en a une foule d‟autres qui peuvent dégager leur force, leur activité, grâce
à la bénédiction du mufumu qui connaît les formules nécessaires pour cela, et les rites à employer.
Le plus souvent, pour le faire, il aura recours aux esprits, aux mânes des ancêtres, qu‟il force pour
ainsi dire par ses formules magiques à faire donner aux objets leur force utile ou même nuisible,
parce que les esprits ont reçu ce pouvoir de Nyamuzinda. Tout cela n‟est pas encore de l‟animisme
proprement dit. Il y a, il est vrai, des arbres, des animaux, des rochers, des marais, et d‟autres
objets que les noirs disent hantés par les esprits. Peut-on dire que cette croyance en fait des
animistes ? Je ne le crois pas. La hantise est momentanée et intermittente, tout comme est
intermittente la possession des féticheurs et de ceux qui offrent un sacrifice aux esprits. Pour être
appelés animistes au sens réel, il faudrait que les Bashi admettent que certains objets sensibles
aient une âme, une volonté « à demeure », tellement que même perdus ou jetés au rebut, ils
conservassent leur activité. Or tel n‟est pas le cas. Nos Bashi ne sont donc pas des animistes
« absolus », tout au plus peut-on dire qu‟ils le sont « relativement » au sens improprement dit.
Leur religion est le « mânisme » avec la croyance sans culte au Dieu, unique, principe de tout (cf.
113). Ils croient encore à la « magie noire », mais ceci n‟est pas la religion.
112

ROLE DU SOMMEIL, REVE, EVANOUISSEMENT, FOLIE, ETC.


considérés au point de vue religieux

SOMMEIL : On ne croit pas que l‟âme quitte le corps pendant le sommeil. Les anciens, d‟après
Nyangezi, disent que Dieu (Nyamuzinda) envoie le sommeil pour avertir qu‟un jour il faut mourir.
Ils l‟appellent même « mort momentanée ».

REVE (cilorho). Pendant le rêve, l‟âme peut vagabonder au dehors du corps et aller là où la
transporte l‟imagination à la dérive (voir 109).

CAUCHEMARS : L‟âme est alors sous l‟influence d‟un maléfice ; les esprits viennent la
tourmenter. Si on se réveille en sursaut, bien souvent on sort, on crie et avec d‟autres on cherche à
éloigner les esprits malfaisants. S‟ils se représentent souvent on va chez un magicien ou sorcier
qui donne des remèdes pour en délivrer le patient.

EVANOUISSEMENT : Il est dû à la possession momentanée de l‟esprit cihangahanga (voir 117).

FOLIE : Le fou est possédé par un muzimu, soit d‟un homme mort sans laisser de fils (afîre
nshuzo), soit d‟une femme morte sans mari, soit d‟une jeune fille. C‟est cet esprit qui l‟entraîne
hors de lui. Les parents sacrifient aux mânes de ses ancêtres pour obtenir sa délivrance. S‟il meurt
fou, son double est enlevé par le muzimu en question. Ses os servent à fabriquer certaines
amulettes (v. mpivu, 95).

102. CULTE DES ANCETRES (MANISME) ET AUTRES ESPRITS

Le culte des ancêtres, si l‟on entend par ce mot non seulement les mânes familiaux mais encore les
mânes d‟antiques héros, tels que Lyangombe, Muhima, Kangere, etc. le culte des ancêtres constitue
presque toute la religion des Bashi. Le but poursuivi par ce culte est toujours le même : assurer le
repos à l‟âme qui a quitté ce monde, s‟acquitter envers elle de ses devoirs en accomplissant les rites
traditionnels, en lui préparant une demeure qui lui sera agréable, et s‟il y a lieu, en la vengeant ;
l‟empêcher de revenir troubler le repos de la famille soit en lui donnant satisfaction par des
offrandes, des libations, des sacrifices, soit en les chassant par des conjurations, des cris, voire des
injures ; enfin de purifier des souillures et se débarrasser des influences qu‟on aurait pu contracter à
cette occasion (Christ. 5).
Le culte des Bashi s‟adresse donc :
1. Aux mânes des ancêtres. On a vu au n° 99 comment ils honorent l‟âme après la mort. Ils
continuent à lui rendre un culte dans diverses circonstances : maladie, voyage, déménagement,
etc.
2. Aux mânes des héros qui furent jadis hommes et femmes. Mais ce culte semble être
d‟importation étrangère. Le culte de Lyangombe vient du Rwanda, celui de Muhima vient de
l‟Irhambi, etc. Les héros les plus connus sont donc : Lyangombe, Muhima, Maheshe, Binego,
Naciyoba, Nanzibira, Cirhahongerwa, Hangi, etc. et tout le groupe des benakayange (cf. 117).
3. Aux esprits NAMUKUMBA, MULIRIMA, qui, d‟après les anciens ne furent jamais des
hommes, bien qu‟on leur attribue une histoire. On y rapporte Kalihira, qui ne fut jamais
homme, mais on ne l‟honore autrement qu‟en citant son nom. Ces 3 esprits ont été créés eux
aussi par Nyamuzinda.
4. A NYAMUZINDA, non pas créé, mais créateur. Le peuple ne lui fait pas de sacrifice, ne le
prie pas. Il l‟honore cependant par des huttes. Seul le clan Banyamwocha lui offre de la bière.
Au dire des anciens, on aurait jadis honoré seulement Nyamuzinda ; plus tard on aurait vénéré
les « esprits » qui ne furent pas hommes d‟abord, puis aurait paru le culte aux « ancêtres » et
en même temps celui des héros. Le culte des Benakayange ne date au Bushi que vers 1910.
On entend parfois parler des « ENAMA » ou « EMANA ». Il paraît que ces esprits,
113

naturellement bons, par opposition aux « bazimu » qui molestent habituellement les hommes,
auraient été connus seulement depuis l‟introduction du culte de Lyangombe, venu du Rwanda.
On rencontre le mot imana dans le sens de Dieu, comme dans le proverbe « mwenge w‟e
Kabanda arhamanya erhi oli elwimana amubwine » celui qui fait ici bas le malin, ne sait-il pas
qu‟il est vu par celui qui est là haut (c-à-d Dieu).

103. INCARNATION D’UN ESPRIT DANS UN OBJET

Nos Bashi ne croient pas à l‟incarnation proprement dite d‟un esprit dans un objet quelconque, et à
fortiori ne lui rendent-ils aucun culte. Il existe sans doute des objets (pierres, arbres, animaux)
dans lesquels les bazimu descendent mais ils ne font qu‟y habiter temporairement ; ils ne s‟y
incarnent pas.
Tels sont entre beaucoup d‟autres :
Le léopard sacré (ngwi mugashane) en qui réside l‟âme du grand chef ; le serpent sacré en lui
habite l‟âme de la Mwamikazi ; le ver (muvunyu) cadavérique en qui est l‟âme de la Mwamikazi,
et du chef muluzi dès que le cadavre entre en décomposition. Le mutudu, le cigohwa, etc. arbres
où viennent résider Lyangombe et Muhima. Le crâne du premier Kabare où réside son âme par
intermittence ; les mpivu dans lesquels les balozi prétendent tenir captive la puissance de certains
bazimu ; les arbres sacrés (enama) où les mânes des anciens chefs viennent souvent se mettre ; le
mouton de Nabinji ; le coq sacré de Nashakanya rencontré chez Nakalonge ; le lion comme celui
qui en 1917, dévora le taureau de Nyangezi et que le féticheur tenta d‟éloigner en allant à sa
rencontre en battant le tambour (lion que nous empoisonnâmes le lendemain) ; la lance, qui frottée
d‟ingrédients magiques, reçoit les questions du féticheur et lui donne une réponse ; les osselets
employés avec la planche magique par le devin et qui donnent réponse ; le féticheur lui-même et le
sacrificateur au moment où ils opèrent ; les amulettes, au moins au moment de leur emploi ; les
marais hantés (cf. 101).

104. TABOUS OU VITANCES

On appelle « tabous » le réseau de défense, interdictions, précautions, par lesquels se manifestent le


respect et la crainte religieuse (Chr. 18). La vie des Bashi en est pleine, c‟est un étau dans lequel
un grand nombre de ses faits et gestes sont enserrés. Ci-dessous j‟en donne un certain nombre ; il y
en a beaucoup d‟autres qu‟on pourra découvrir de-ci delà dans les pages de la présente
monographie.

Voici d‟abord les principaux animaux qu‟il est défendu à tous de manger :
Léopard (ngwi) Kerhembo (hirondelle)
Hyène rayée (namugunga) Nyangi (héron blanc, pic-boeuf)
Hyène tachetée (cihazi) Lumve (caméléon)
Kafa (zorille) Mulindye (rat de maison)
Nyambwe (renard bleu ou chacal) Kere (ba) crapaud)
Musambi (grue couronnée) Njongola (ba) (lézard)
Hungwe (ba) (corbeau) Njoka (serpent)
Mugokoma (ibis blanc) Musherebera ( ?)
Munana (ibis noir) Nshonzi (silure)
Citorha (bergeronnette jaune) Nyika (poisson électrique)
Nyakansisi (bergeronnette blanche) Kabwa (chien).
Les animaux peuvent être tués, non mangés.

Mais on ne peut même pas tuer ni le pic-bœufs, ni le chien.


114

LE CAMELEON inspire la crainte. On croit que s‟il mord, il ne peut se détacher qu‟au son de
tambour. Quand on le rencontre ouvrant la gueule, il faut le regarder et ouvrir la bouche en
soufflant, sous peine d‟avoir des enflures.
LE CRAPAUD est évité, sans quoi on risque d‟avoir le corps couvert de croûtes.
LE POISSON ELECTRIQUE entre dans la composition de certains remèdes ainsi que le crapaud
et le caméléon, ibis, le corbeau, etc. (95).
POULES et ŒUFS. Les hommes peuvent en manger, mais non pas les femmes ; elles disent que le
mari deviendrait malade et qu‟elles engendreraient des montres. D‟ailleurs si une femme mariée se
le permettait, ses compagnes lui donneraient le sobriquet moqueur de « cishambo ». Les petites
filles peuvent en manger.
ŒUFS : Seuls les enfants peuvent les manger. Ils ne peuvent cependant manger l‟œuf encore
inclus dans la poule tuée. Les chefs ne mangent ni poules, ni œufs ; c‟est bon pour les pauvres.

TABOUS INDIVIDUELS

1. Une femme a défense de nettoyer sa chevelure avec l‟eau et avec ses doigts (kasinda).
2. Elle ne peut enjamber un bâton, une lance, un arc, une corde, un ruisseau, une écuelle de bois,
une haie.
3. Elle ne peut manger une polenta préparée par un homme, ou une polenta faite avec de la farine
moulue par un homme.
4. Femmes et filles ne peuvent manger la queue de la vache ou du taureau. C‟est la part réservée
aux bergers.
5. Une femme ne peut employer pour porter sa hotte ou son fagot de bois la corde qui sert à lier la
vache.
6. Un homme ne peut faire pencher les hautes herbes devant une femme.
7. Un homme ou une femme qui brise le crampon à émonder les bananiers est tabou.
8. Personne ne peut plumer un corbeau.
9. Quiconque brise un rasoir est tabou.
10. Une femme ne peut se laver deux fois le même jour.
11. Une femme ne peut mettre le sorgho dans le grenier, par le haut, mais seulement par la porte ;
le sorgho serait jeté si elle se le permettait.
12. Elle a défense de se mettre de la cendre du foyer sur la tête.
13. Un homme marié ne peut mettre une charge sur le dos d‟une veuve ; lui et sa femme seraient
tabous. Seuls peuvent le faire une femme ou un jeune homme.
14. Une veuve à la mort de son mari a défense de se faire raser par des gens mariés.
15. Une femme ne peut administrer un lavement à la mère de jumeaux, elle-même engendrerait des
jumeaux.
16. Défense à tous de déposer dans une pirogue une rondelle-coussinet (ngarha) ; le lac s‟agiterait.
17. Défense pour le même motif de jeter dans le lac la cendre de la pipe.
18. Celui qui brise une pierre à aiguiser est tabou. S‟il ne s‟en délivre de suite, il mourra, et son
père marchera le reste de ses jours avec le dos voûté.
19. Défense aux femmes de siffler.
20. Une grande fille ne peut prononcer le nom de son père, et une femme mariée s‟y résout
difficilement par respect, surtout avant d‟avoir des enfants.

TABOUS FAMILIAUX

21. L‟épouse ne peut enjamber le corps de son mari sur le lit conjugal.
22. La jeune épouse ne peut prononcer le nom de son mari. Elle ne le pourra quelque peu qu‟après
avoir eu des enfants. Elle appelle son mari le père de tel enfant.
23. Défense à une femme de fermer la porte devant son mari.
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24. Une femme, à ses époques, ne peut broyer des pieds le sorgho, car s‟il était souillé par son sang
menstruel et que son mari en mangeait, il deviendrait malade.
25. A ses époques une femme ne peut quitter le foyer conjugal.
26. Une femme enceinte qui ferait l‟adultère serait gravement tabou (mahinga).
27. Une femme à ses époques ne peut manger le lait caillé de la vache, celle-ci mourrait.
28. Une femme qui accouche un enfant bras ou jambes en avant, est gravement tabou (kashindi).
29. L‟accouchée qui perd beaucoup de sang est tabou.
30. Si son enfant fait ses grands besoins en naissant, la mère est tabou.
31. Les parents sont tabous lorsque les dents supérieures de leur enfant paraissent les premières.
32. L‟homme qui les trois premiers jours de son mariage passe une rivière est tabou.
33. La femme qui a ses règles ne peut rien déposer ni sur, ni sous le lit conjugal.
34. La femme qui vient d‟engendrer des jumeaux est tabou. Elle doit de suite s‟en libérer.
35. Quand une femme est enceinte, ni elle, ni son mari ne peuvent toucher un cadavre ; l‟enfant
mourrait de suite.
36. L‟adultère du mari d‟une femme enceinte les rend tous deux tabous (mahinga). Ils doivent de
suite s‟en délivrer (cf. 95).
37. Il est gravement défendu de se marier entre bêhwa : c-à-d avec la fille de sa sœur, femme avec
le fils de son frère.
38. La copula perfecta est défendu quand on commence les cultures (deux fois environ par an).
39. Idem quand la mère de l‟épouse est malade.
40. Idem quand le père de l‟épouse est malade.
41. Une femme a défense d‟accoucher à l‟intérieur de sa case.
42. Une femme, qui revenant au foyer avec des vivres, aurait fait l‟adultère en route, ne pourrait
manger, ni elle ni son mari de ces vivres.
43. Si la femme avait commis l‟adultère, son complice ne pourrait aller voir son mari, et le mari ne
pourrait faire visite au complice malade.
44. Si une femme venait à avorter, son mari devrait lui offrir un mouton sous peine d‟être tabou.
45. Une femme ne peut saisir une lance ou un coutelas (ngorho) avant d‟avoir eu un garçon.
46. La jeune épouse a défense de faire le tremblement du corps (par lequel la mariée demande le
debitum) au premier contact de son mari c-à-d au 1er jour des noces : son père mourrait.
47. Défense à la femme ou à la fille de traire la vache.
48. Idem de faire cailler le lait avec la présure (igunjo).
49. Une femme qui vient de se laver a défense de jeter les cendres du foyer.
50. Le mari qui a perdu sa femme ne peut manger avec d‟autres personnes les premiers jours qui
suivent la mort.
51. Le père de famille qui vient de perdre un enfant à la mamelle ne peut sucer le lait de la mère
pour dégorger les seins (très grave).
52. A la mort du père les enfants mariés doivent s‟abstenir de relations pendant plusieurs jours.
53. Un homme marié ne peut enterrer l‟avorton d‟une autre femme que la sienne, sa femme en
mourrait.
54. Défense à une femme, en dispute avec son mari, de le mordre ; ils devraient alors se mordre
l‟un l‟autre, et faire de suite l‟acte conjugal.
55. Une femme qui s‟enfuit ne peut rien emporter, ni pots, ni paniers, ni houes, ni vivres, etc.
56. Une femme ne peut quitter le foyer pendant l‟absence de son mari.
57. Un homme qui, en querelle avec sa femme, lui arracherait ses colliers de perles, serait tabou.
58. L‟homme qui jette dehors la pierre du foyer (isika) est tabou ainsi que sa femme.
59. Si le mari, en dispute pendant les cultures, jette sur sa femme une motte de terre, il ne peut ni
lui ni sa femme manger des produits du champ sans être tabou tous deux.
60. Le mari qui brise volontairement le pot sur le foyer de sa femme est tabou.
61. La femme qui cuit la nourriture, ne peut sortir, ni répondre à un salut, ni chanter (ni même
réciter des prières). La défense commence dès que la nourriture est sur le feu.
62. La femme qui brise la spatule à polenta est tabou.
116

63. Idem si elle brise la petite pierre à moudre (lusho).


64. Idem si elle fend le portier à pilonner la farine.
65. Une femme ne peut écrémer le lait, ni laver le pot à lait.
66. La femme qui viendrait à briser le pot pendant qu‟elle cuit la polenta, serait tabou, si elle ne
pouvait sur le champ donner un peu de pâte à son mari ou à son garçon.
67. Une femme a défense de se laver à la source avant d‟avoir rempli sa cruche.
68. Les relations conjugales sont interdites pendant que le mari construit son grenier à vivres ou
raccommode sa hutte délabrée ou en construit une neuve.
69. Une femme ne peut manger de la polenta préparée par son mari.
70. Défense au mari de piler pour sa femme ; la nourriture devrait être déposée dans la hutte des
mânes.
71. Défense à une femme qui prépare la panade (mushunga) pour malades ou petit enfant d‟appeler
qui que ce soit.
72. La femme qui achèterait des vivres et avait d‟abord enlevé sa ceinture de perles, empêcherait
son mari et ses garçons de manger ces vivres. Seules elle et ses filles pourraient s‟en nourrir.
73. En écrasant les bananes pour bière, la femme ne peut se mettre à genoux ; elle doit être assise,
sinon son mari ne peut en boire.
74. L‟homme qui enlève chez lui les cendres est tabou.
75. Quand le mari est absent, la femme peut enlever, mais non pas jeter les cendres du foyer.
76. Pendant l‟absence du mari, la femme a défense de défaire le lit conjugal.
77. Une femme ne peut aller se promener au loin, pendant qu‟une poule couve ses œufs dans la
hutte.
78. Un fils ne peut cultiver l‟éleuzine avant son père.
79. Un homme ne peut montrer du coude sa grand-mère, ni une femme de son grand-père.
80. L‟enfant qui brise la petite pierre à moudre (lusho) rend tabous son père et sa mère.
81. Si un mouton grimpe sur la hutte familiale, celle-ci est tabou, il faut la détruire.

TABOUS AU VILLAGE

82. Si une poule imite le cri du coq, ou si elle couvre de fiente ses œufs, elle est tabou, il faut la
tuer.
83. Défense de lier une femme avec des liens quelconques.
On ne peut que la réprimander. Le sous-chef, Cirhuza, a été exclu du conseil du chef Kabare
pour avoir lié sa femme.
84. Défense de lier un homme par les coudes derrière le dos.
85. Tout objet touché au marché par le Citwamba (celui qui enlève aux veuves leur lévirat) est
tabou, lui seul peut en user.
86. Grave défense à une femme de se frotter les seins de terre blanche.

TABOUS PROPRES AUX CHEFS BALUZI

87. Un muluzi ne peut boire la bière fabriquée dans l‟enclos où quelqu‟un vient de mourir.
88. Le Mwami ne peut se frotter de beurre, toutes les vaches en mourraient.
Il se frotte d‟huile de ricin.
89. Le Mwami ne peut s‟accroupir les jambes croisées ; assis il doit étendre les jambes sous peine
de voir mourir beaucoup de ses gens.
90. A la mort du chef ou autre muluzi, tous les mariés doivent garder la continence pendant un
certain temps sous peine d‟être tabous.
91. La continence est encore de rigueur quand on a pénétré dans la case du Mwami.
92. Continence forcée pendant la maladie du Mwami malade depuis 8 jours.
93. Défense absolue de toucher la main l‟ishungwe (diadème du Mwami).
94. Défense de regarder le chef pendant qu‟il mange.
117

COMMENT ON SE DEBARRASSE DES EFFETS DU TABOU.

Quand quelqu‟un ou quelque chose est atteint de tabou (alire omuziro), il peut s‟en libérer. Pour
certains tabous, il suffit de faire un acte ou de prendre un remède connu de tous. Pour d‟autres, il
faut recourir au féticheur qui en délivre en donnant un remède connu de lui ; ou parfois fait lui-
même ou prescrit au client un sacrifice aux esprits. Celui qui est pris par le muziro ou tabou,
cherche parfois à s‟en libérer avant que la défense n‟ait agi ; alors il ahumanibwa (il est rendu
sein). S‟il va pour s‟en guérir après en avoir éprouvé les effets, il est dit : ashazibwa omuziro :
(c‟est-à-dire la défense est vomie).

105. TOTEMISME

D‟après « Christus p. 15 », le totémisme est caractérisé par la croyance en un lien de parenté, qui
lierait un groupe humain d‟apparentés (clan) d‟une part et de l‟autre une espèce animale, végétale
ou une classe d‟objets. Cette croyance s‟exprime dans la vie religieuse, par des rites positifs
(cérémonie d‟agrégation au groupe anthropo-animal, anthropo-végétal, etc. et des rites négatifs
(interdictions, vitances) Ŕ et, au point de vue social, par une réglementation matrimoniale
déterminée (exogamie limitée).
Chez nos Bashi :
- On s‟interdit de tuer ou de manger un ou plusieurs animaux déterminés dans chaque clan, ou de
faire certains gestes.
- On observe aussi la loi d‟exogamie, le mariage étant prohibé entre personnes de même clan,
sauf quelques exceptions (voir 82).
- On n‟a aucune idée de parenté entre le clan et l‟animal, la plante ou l‟objet totémique. On
pourra s‟en rendre compte en lisant ce qui en a été dit au N°s 101 et 103. Voici par exemple le
CHIEN : Cet animal est totem de la plupart des clans. On le respecte et on ne peut ni le tuer ni
l‟enterrer. Il est destiné à réjouir les ancêtres qui l‟ont vénéré jadis.
C‟est pour cela que lorsqu‟on sacrifie aux ancêtres, le chien est lié dans la hutte ancestrale, on lui
donne à manger et il y passe la nuit, pour que les ancêtres puissent venir le voir. Quand quelqu‟un
passe près d‟un chien et qu‟il attrape des plaies, c‟est à cause du chien, et pour guérir il devra
porter sur soi une dent de chien. Sa chair est considérée comme chair humaine ; la manger serait la
mort. Voici encore le LEOPARD (mugashane) sacré. Il est considéré comme totem du chef.
Quand on l‟entend crier après la mort du chef, on se rend là où le chef a été enterré, avec des
tambours, du miel et de la viande. Le naluvumbu, gardien du tombeau, en est chargé au nom de la
communauté. Cela dans la but de l‟apaiser pour qu‟il ne nuise à personne. Ce gardien est désigné
par le conseil des anciens. A sa mort son fils succède, à son défaut, le conseil en désigne un autre.
On fait parfois la même cérémonie pour le LION.

Il y a de même certains SERPENTS (ngubajoka, igu etc.) qui sont respectés et ne peuvent être tués
parce qu‟en eux aussi vient parfois résider le muzimu des chefs. On dit même que tout serpent
trouvé endormi doit être respecté pour le même motif parce qu‟alors un muzimu l‟habite.

106. MAGIE IMITATIVE, SYMPATHIQUE

En parcourant les articles qui précèdent, spécialement les n°s 95, 103, 104 et 105, on aura pu se
rendre compte que les Bashi attribuent à certains objets, plantes, minéraux, animaux et personnes
une force cachée qui s‟en dégage d‟elle-même, ou plus souvent sous l‟influence de formules
secrètes, sur celui qui est en contact direct ou éloigné, avec ses objets. Cette force est soit « le
bufumu » soit le « bulozi », la première étant de nature bienfaisante, la seconde essentiellement
malfaisante. La première pourrait s‟appeler « magie blanche », la seconde « magie noire » ; la
première étant spéciale aux féticheurs, la deuxième aux sorciers. L‟homme ou la femme qui
118

possède le bulozi sont assez souvent connus. On sait qu‟ils peuvent par une sorte de suggestion,
tuer leur semblable, rendre malade, stérile ou impuissant, nuire de toutes manières. Au moyen de
leur « mpivu » et en s‟accompagnant de formules magiques et de rites secrets, ils peuvent agir
même à distance. Ces balozi connus ne sont pas très redoutés, ne sont pas molestés surtout si ce
sont des personnages puissants, aussi longtemps qu‟ils ne sont pas pris ou accusés comme auteurs
de tel ou tel crime. Le « féticheur » lui, le connaît à l‟aide de ses remèdes, et c‟est à lui qu‟on
s‟adresse pour connaître les « balozi » secrets, qui ont occasionné la mort, la maladie ou une grave
nuisance quelconque. Pour faire ressortir un peu la puissance de cette force occulte des personnes,
animaux, plantes ou autres objets, je donne ici quelques exemples prix au hasard :
- Un homme veut forcer une jeune-fille à cohabiter avec lui ; il lui coupe un petit bout de son
habit, la fille doit obéir ; il a emporté une partie d‟elle-même.
- De même il froisse une herbe, la met sur le passage de la fille ; dès qu‟elle est passée par-
dessus, elle doit aller cohabiter ; l‟herbe a pris en elle-même quelque chose de l‟homme.
- Un homme marié a pilé de la farine. Sa femme ignorait ce fait, cuit la farine. Elle ne peut en
manger sans devenir malade. La farine a acquis une force nocive qui s‟est dégagée du mari.
- Le chef (Mwami) s‟est accroupi les jambes croisées. Il se dégage de lui une force mortelle qui
ira tuer beaucoup de ses gens.
- La mère de famille défait le lit conjugal pendant l‟absence de son mari, il s‟en dégage une force
qui les rendra tous deux malades.
- Le citwamba touche un objet au marché. Il y a déposé une puissance nocive, dégagée de lui-
même qui empêche tout autre que lui d‟en faire usage désormais.
- Quelqu‟un porte au cou un os de serpentaire « emmanché d‟un long cou ». cet os part une
vertu médicinale sur lui-même.
- On boit un peu d‟eau dans laquelle a trempé la chair de l‟ibis blanc, on est prémuni contre la
lance, car l‟ibis par son bec rappelle une lance.
- On porte sur soi un morceau de sabot de bœuf, on est prémuni contre le lumbago, car le bœuf a
les reins solides.
- Un bout de peau de buffle porté au cou protège contre le développement démesuré de la
mâchoire (ostéomalacie qui se rencontre quelque fois). C‟est que le buffle a la tête
extrêmement solide.
- Le chasseur veut se mettre à l‟abri de la morsure des fauves, il portera sur lui l‟amulette
ebikomero qui contient des griffes et des dents de fauves. La force qui se dégage ainsi de lui
empêche la morsure et le coup de griffes.
- En passant près d‟un chien quelqu‟un se sent atteint de plaies ; il portera sur lui une dent de
chien, qui le guérira de son mal.
- La hutte est devenue lieu de mort parce qu‟un mouton est grimpé au dessus. On doit tuer le
mouton, car de son corps s‟est dégagée une force nocive qui y reste tant que vit l‟animal.

On pourrait allonger cette liste presque sans fin. Toutes les amulettes à base végétale, minérale ou
animale possèdent une vertu propre qui se reporte sur ceux qui les portent ou qui agit sur ceux
qu‟ils veulent atteindre. Parfois même elles communiquent cette vertu à un être intermédiaire.
C‟est ainsi que certains balozi voulant tuer un adversaire, tueront un rat au contact de leur amulette
« balozu » et déposeront ce rat sur la hutte où sort l‟ennemi visé, et celui-ci devra cesser de vivre
dès que le rat est complètement décomposé. Et la force des amulettes n‟atteint pas seulement les
personnes, les animaux et les choses ordinaires, elle atteint même la force de la nature, la foudre, la
pluie, le vent, la grêle, etc. comme on le verra au n° 108. Il se dégage de la LUNE même une
certaine force, puisqu‟il suffit de lever le bras vers elle comme pour s‟imprégner de ses rayons,
pour se guérir du coriza. Comme on le voit, pour le Bashi, partout et en tout réside une force utile
ou nuisible que les hommes peuvent capter s‟ils en ont le secret.
119

SORCELLERIE (OBULOZI)

Voici une traduction qui rend bien l‟idée que nos Bashi se font de la sorcellerie. C‟est la traduction
littérale d‟un écrit fait par un indigène de Nyangezi.

« Explication des sorciers (balozi) comment ils s‟y prennent pour lancer leurs maléfices.
Celui qui hait les autres va à la recherche de quelqu‟un qui fabrique des mpivu (amulettes à
ensorceler) lui en achète une pour un taurillon. Dans son sac à ingrédients magiques, on met des
ingrédients (ebikomero) de toute sorte comme des doigts d‟hommes qu‟on met dans son mpivu.
Le sorcier lui-même qui a voulu des ingrédients magiques est allé dans l‟Urega. Les Warega lui
ont donné des plantes pour tuer les hommes. Celui qui fait des mpivu ne doit pas encore avoir
engendré, et n‟engendre pas, mais quand on fait des mpivu, l‟homme qui est jeune homme c‟est
celui qui fait les mpivu. Un homme dont le père était sorcier, s‟il meurt et laisse un garçon, celui-
ci aussi sera sorcier. Mais il y a des sorciers qui ne montrent pas leurs mpivu à leurs enfants. Si
l‟on veut châtier un sorcier, on le tue tout simplement parce que si on le châtiait seulement sans le
tuer, on craindrait qu‟il tue ceux qui l‟ont châtié, voilà pourquoi on le tue. Mais d‟abord, quand on
accuse quelqu‟un d‟être sorcier (mulozi), il dit « donnez-moi l‟épreuve (emizimu) si j‟ai ensorcelé
un tel, le fer chaud me brûlera ». S‟il n‟est pas brûlé, les gens disent : cet homme n‟a pas
ensorcelé, mais s‟il est brûlé, ils disent : il a ensorcelé cet homme. Le chef s‟il est fâché contre
quelqu‟un parce qu‟il tue les gens, il le met à mort. Le sorcier pour ensorceler envoie la
BERGERONNETTE chez celui qu‟il veut tuer. Il met de la pâte (obuntu) sur sa tête pour qu‟il le
lui porte. Mais d‟abord il lui donne des remèdes, pour qu‟il puisse l‟envoyer. On envoie aussi une
GRENOUILLE chez les autres qu‟on veut tuer. Mais celui chez qui on envoie la bergeronnette ou
la grenouille s‟il est rusé, lui aussi enverra les siens (bergeronnette etc.) chez ce sorcier. Mais
auparavant, dès qu‟il voit ces choses (bergeronnette ou grenouille), il les interroge : « Qui vous a
envoyés ici ? » et ces choses répondent : « C‟est un tel ». Et lui alors envoie les siens. Les sorciers
qui envoient un SERPENT chez autrui, préparent leurs remèdes et le lui donnent, et lui disent
d‟aller chez un tel pour lui nuire. C‟est tout. Les sorciers tuent aussi par la FOUDRE. Le sorcier
qui emploie la foudre prépare son remède qu‟il enlève de son mpivu, et appelle la foudre pour
qu‟elle vienne et lui dit : « Va chez un tel », et la foudre va là où elle est envoyée pour frapper les
hommes et leurs bananeraies. Mais celui chez qui elle tombe, s‟il la reconnaît, il la prend, car elle
est comme un coq, et lui demande : « Qui t‟as envoyée ? » et elle répond : « Un tel ». Et celui-là à
son tour lui dit d‟aller tuer la première femme et le fils aîné du sorcier envoyeur, qu‟elle aille sur le
cadet, et sur le suivant du cadet, et ne laisse pas de les tuer tous ». (Mayuyu, catéchiste)

ETRE CHANGE EN BETE SAUVAGE

Surtout jadis, disent les habitants d‟ici, les sorciers donnaient du remède donnant le pouvoir de se
changer en bête. A ce propos, ils racontent l‟histoire suivante :
Un homme avait deux femmes. Toutes deux se mirent à remuer leur champ pour planter de
l‟éleuzine (okukolola). Après l‟avoir nettoyé et cultivé, elles le préparèrent pour les semailles.
Une des deux haïssait l‟autre et lui portait une vive jalousie, comme cela arrive souvent entre
femmes de polygames. Pendant que sa compagne cultivait, elle entra chez elle, prit l‟éleuzine
prête à être semée, la mit dans un pot sur le feu et en enleva ainsi toute force germinative. Mais
cette méchante femme portait un enfant de 5 ans sur le dos. Or cet enfant alla trouver la
propriétaire et lui dit : « Ma mère a brûlé ton éleuzine ». La femme lésée, sans rien en dire à la
jalouse, alla dans sa maison, prit la bonne éleuzine et versa à la place l‟éleuzine stérilisée. La
jalouse ne se doutant de rien alla semer son éleuzine. Après quelque temps, à son grand
étonnement, elle voit l‟éleuzine de sa compagne lever magnifiquement, et la sienne rester en terre.
Sa compagne récolta ; elle ne récolta rien. Alors, au lieu de soupçonner l‟échange, elle s‟imagina
que chauffer l‟éleuzine favorisa la germination. L‟année suivante elle chauffa elle-même son
éleuzine, avec résultat négatif évidemment. Elle ne récolta pas un grain. Elle mangea du feu
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(abaga omuliro) c-à-d elle n‟eut rien à manger. Alors la fureur (omutula) la saisit avec le dépit.
Elle alla trouver les balozi ; ceux-ci lui donnèrent un maléfice, qui la changea en buffle ; elle vint
brouter l‟éleuzine de sa compagne pour se venger. Mais les sorciers lui dirent : « Attention à ce
que le public ne te surprenne à manger cette éleuzine, car dans ce cas tu serais changée en lion pour
de bon ». Pendant trois jours tout marcha bien. Elle mangeait l‟éleuzine la nuit, puis le matin elle
retourna chez elle, et de buffle elle redevenait femme. Mais le quatrième jour, on fit la garde de
nuit. On la surprit. Elle s‟enfuit dans la forêt et devint lion pour de bon.

107. FETICHISME

On appelle « fétiche » une image grossière, brute, moins travaillée, laquelle ayant été mise en
connexion avec un autre objet (astre, météoré, lieu, arbre, animal ou personne, esprit ou génie)
possède quelque chose du pouvoir suprême (Christus, p. 16).
Nos Bashi ont-ils des objets qui bénéficient de la sorte de la crainte religieuse, inspirée par les
originaux ? On ne peut, semble-t-il qualifier du nom de fétiches les mille et une amulettes dont ils
s‟affublent ; ce sont des « remèdes utiles ou nocifs et rien de plus. Ne sont pas fétiches non plus
les pierres sacrées, dressées de-ci, de-là en l‟honneur des bazimu. Elles sont élevées là pour plaire
aux bazimu, pour leur donner un lieu de séjour ; elles n‟en sont pas l‟image. Ne sont pas fétiches
les « arbres sacrés » ni le ngwi mugashane, ni le serpent mugashane (99). Ce sont des lieux de
séjour de certains mânes supérieurs, et non leur image. On ne trouve nulle part des objets ayant la
prétention de reproduire l‟image des mânes ou esprits. On peut donc dire que les Bashi ne sont pas
fétichistes, et encore moins idolâtres.

108. CULTE DES FORCES DE LA NATURE

Nos Bashi rendent-ils un culte aux phénomènes physiques et aux forces de la nature, eau, feu,
soleil, foudre, etc.

SOLEIL (voir 134)

LUNE : Les Bashi en général ne l‟honorent pas. Les parents qui ont donné le jour à deux jumeaux
(mahasha) vénèrent la nouvelle lune. A son apparition le père et la mère sortent de la hutte, ayant
en main une houe ; ils cognent les deux houes l‟une contre l‟autre, et dansent l‟un en face de l‟autre
pendant quelque temps en disant : « Hoyo (ou hanyo) rhwashenda nirhu mahasha » (dans les reins
nous honorons nous aussi les jumeaux). Ils continuent ainsi plusieurs années. Les enfants atteints
de rhume de cerveau, à l‟apparition de la nouvelle lune, lèvent le bras droit, puis le bras gauche, en
montrant le poing à la lune, se mouchent avec la main libre en disant : « Prends ton rhume de
cerveau, ô lune et pars avec lui ».

ETOILES, COMETES : voir 134.

ARC-EN-CIEL (cf. 134) : Quand il paraît se poser sur une source ou une rivière, personne ne peut
y aller puiser. Si par distraction ou mépris une femme y puisait, elle serait saisie (akanguka) par lui
et pourrait en mourir ; on dirait alors que l‟arc-en-ciel l‟a tuée (amukanzire : il l‟a saisie). Pour
guérir, elle doit envoyer chercher du remède chez un mufumu. Celui-ci lui donne d‟abord une
prise faite d‟herbes réduites en poudre. Si elle ne guérissait de suite, il l‟aspergerait d‟une potion
d‟herbes ou même lui ferait des scarifications sur la poitrine et y frotterait des herbes (kushaka).
L‟arc-en-ciel (munywera et kalemera) est composé de deux bazimu d‟anciens chefs, mais comme
ils ne sont pas des bazimu de Bashi, on ne leur fait aucun sacrifice cf. 134.
121

FOUDRE – TONNERE – ECLAIR : cf. 134.

Nyankuba est l‟auteur du tonnerre, de la foudre, des éclairs. Ce n‟est pas un muzimu ; peut-être un
esprit, on ne sait trop. Il est mauvais et cherche à tuer. Quand Nyankuba produit des éclairs, on ne
peut passer dans l‟eau qui stationne sur le sentier ; la foudre tuerait le passant. N‟étant pas
muzimu, on ne lui sacrifie pas. Le mot Nankuba ou Nyankuba signifie : le maître de là-haut, le
maître de la pluie.

MAIRAIS SACRES : Il existe plusieurs marais sacrés tout près de la mission de Nyangezi sur la
grande montagne à l‟ouest, notamment celui de Nyangonge et celui de Namukumba et de Kafinjo.
Ils sont hantés par les bazimu des premiers chefs Nyangongo et Namukumba. On les appelle :
biziba bya bazimu. Quand une femme est à l‟époque de ses règles, elle ne peut passer sur les bords
sous peine d‟être engloutie. Au marais de Namukumba se rattache une légende :
Namukumba était allé à la chasse. En revenant il demande à sa femme de lui donner un brouet
bien chaud. Celle-ci, de mauvaise humeur, lui présente un brouet refroidi. Il se fâche et dit :
« Puisque tu n‟as à me donner qu‟un brouet refroidi, je m‟en vais ». Il part avec son chien. Sa
femme inquiète le suit. Elle le voit entrer dans le marais, et il s‟y enfonce et disparaît enlisé avec
son chien. Elle y entre aussi et y disparaît de même. Depuis on ne les a plus revus. En son
honneur les dévots viennent construire des huttes sur le bord de ce marais et y font des sacrifices.
(Autres légendes sur Namukumba v. 117). Le marais KAFINJO se trouve au sud de la mission. Il
n‟y a pas de bazimu, mais un jour on a vu paraître au milieu un troupeau de vaches, conduit par
deux bergers. Les autres bergers qui passaient leurs troupeaux dans le voisinage s‟appelèrent les
uns les autres avec leur flûte, afin de s‟en emparer. Quand ils furent proches, les vaches et les deux
bergers disparurent dans le sol. On n‟y offre pas de sacrifice.

MONTAGNES SACREES. A l‟ouest de la mission, Nyangezi, à 2 heures environ, est le mont


NYIDUNGA, sorte de pic isolé, haut d‟environ 2800 m sur le flanc duquel se trouvent, dit-on des
grottes ou mieux des excavations produites par les forgerons y allant creuser leur minerai. C‟est un
pic sacré, hanté par les bazimu des chefs, ancêtres de Nakamina et Namukumba. Le premier
Namukumba est venu du Rwanda. Namukumba est censé avoir apporté lui-même cette montagne
en venant du Rwanda ici. Les chefs actuels de ce nom Nakamina et Namukumba y vont sacrifier
de temps à autre, tout au sommet, où ils ont dressé des huttes à leurs ancêtres. Ils y offrent du miel,
qu‟ils y laissent, et vont y déposer, mais pour les ramener avec eux, de l‟ivoire et un mouton noir
(117).

Au sud-est est le pic pierreux (MBANGWE), hanté par les bazimu du chef Bakabanda. Autrefois
il allait y sacrifier ; mais depuis longtemps il n‟y monte plus, sans doute à cause de sa vieillesse ; il
est mort en 1918. Il offrait de la bière et du miel. Il y aurait d‟autres montagnes sacrées, mais on
ne peut compter comme telle le mont MUMBILI où se trouve le cimetière des premiers Ngweshe ;
c‟est plutôt un « luvumbu » célèbre.

OURAGANS. Ils sont produits par les bazimu.

PLUIES : produites par Nankuba.

TOURBILLONS. Ce sont des coups de vent produits par les bazimu ; on les appelle : mpusi ya
bazimu. On ne les redoute pas, car ces tourbillons ne sont que des bazimu en amusement. Ils ne
font pas de mal.

GLISSEMENTS DE ROCHERS, AVALANCHES (MBYA). Ils sont attribués aux bazimu


sortis des bois sacrés bujinji, donc les bazimu des anciens chefs dépossédés par les baluzi. Quand
un glissement se produit sur une montagne où est un bois sacré bujinji, on va sacrifier au haut de la
122

montagne aux ancêtres bajinji. On leur offre un mouton noir, du miel, une peau noire, une peau de
njuzi (serval), afin de les apaiser, car le glissement est la preuve qu‟ils sont irrités et veulent être
honorés.

GRELE. La grêle est un amas de petits cailloux de quartz blanc, réduit en gravier par les bazimu
des chefs baluzi et bajinji ; le gravier se dit : shangabuye ; ayant passé par leurs mains, ils fondent
en eau en arrivant ici bas. On dit qu‟il va grêler si l‟on cultive les jours prohibés qui sont chez
Nyangezi le jour d‟ishenyera et de mugobe. Remède contre la grêle : En novembre 1918, j‟étais
chez Nyakamina. Il se mit à grêler. Le vieux Nyakamina se précipite à la porte de la hutte
(Ngombe) des ancêtres où nous sommes réunis. Il prend un faisceau de paille, l‟allume, le lève de
la main à hauteur des yeux et se met à crier : Buholo ! buholo ! mîshi ! mîshi ! Nyakamina
ogashane ! Tout doux ! tout doux ! de l‟eau ! de l‟eau ! Nyakamina sacré ! Pendant ce temps, son
fils a pris un bambou, ficelé tout autour, sorte d‟amulette contre la grêle et une trompe. Debout
sous l‟arbre chirhebo, près de la hutte aux ancêtres, il se met à sonner de la trompe tant qu‟il peut.
Le vieux continue : « Pourquoi n‟avez-vous pas mieux nettoyé la hutte des ancêtres ; pourquoi n‟y
avoir pas mis de paille fraîche ; aho ! mulinde aho ! bulolo ! buholo ! etc.

OURAGANS. Ils sont produits par les bazimu pour punir d‟avoir cultivé un jour prohibé.

TREMBLEMENT DE TERRE (musisi). Il est produit par le passage des esprits de Nakuzimu
ou bien de Mulilima.

LES VENTS (101) bienfaisants sont l‟œuvre de Nyamuzinda ; dès qu‟ils font du tort, on dit qu‟ils
sont envoyés par les bazimu, irrités de ce qu‟on a travaillé quelque part aux jours défendus par la
coutume.

ECHO. Si l‟écho revient légèrement il n‟y a rien ; le Mushi devine que c‟est sa voix. Mais s‟il est
assez fort et tarde à se faire entendre, surtout si c‟est la réponse à la voix de quelqu‟un dont il
ignore la présence, il en a peur. Il y a assurément des « esprits » aux environs. Il ira donc
demander du remède au mufumu, et si cela se représente souvent il portera au cou une amulette
spéciale que les féticheurs lui préparent. Cela se voit assez souvent chez les petits bergers occupés
à faire paître dans des endroits ravinés et boisés. L‟écho est comme une malédiction. On dit : Izu
lyahehera : la voix maudit.

109. L’AME HUMAINE PENDANT LA VIE ET APRES LA MORT

1/ L’AME AVANT LA MORT

Au sens catholique, l‟âme est une substance incomplète « substantia incompleta quae merito
formam corporis appellenda est ».
FORMA est substantia incompleta quae ad certam aliquam spaciem, ad certum aliquem essendi
actum materiam determinat, suique communicatione facit, ut sit actu illa essentia, quae prius in
potentia erat.
MATERIA est substantia incompleta, est subjectum recipiens forman est que per se potentia solum
habens illud esse, quod per formam communicatur.
Jam vero pars materialis hominis per se incompleta sane est, sed per animam unam cumque
rationalem vivificatur, ita ut haec sit principium, quo homo totus vivit, movetur, sentit, intelligit
(Jungman 196).
Anima humana est substantia spiritualis, immortalis, libera (item 188).
Donc l‟âme est le principe, qui fait que l‟homme est être, sensible, vivant, raisonnable, elle est
immortelle, spirituelle, libre.
123

Y a-t-il chez les Bashi une notion semblable ? Existe-t-il un principe quelconque qui réponde au
principe catholique ? Si l‟on fait abstraction du corps purement matériel (omubiri) il y a dans
l‟homme : omûka : le souffle, l‟haleine ;
omurhima : le cœur de chair, siège des pensées, l‟intelligence.
obwenge ; obukengere : l‟intelligence.
obulonza : la volonté.
ocizunguzungu : ombre, double ; projection aérienne du corps.
On l‟appelle aussi ecishukwe au Sud et ecitutu au Nord, en Irhambi.
ecilorho : le rêve
obuzine : la vie
omuzimu : la personnalité après la mort ; mâne.
Aucun de ces mots ne répond à notre définition. Doit-on en conclure que les Bashi ne croient pas à
une âme immortelle, spirituelle, libre ?
Non. En effet :
Tous reconnaissent qu‟à la mort, il reste de l‟homme quelque chose de spirituel, immortel, libre.
Les uns, les ignorants, disent que c‟est le cizunguzungu ; les autres, les intelligents (Nyangezi, etc.)
disent que c‟est le cilorho. Les uns et les autres croient qu‟à la mort, le cizunguzungu ou le cilorho
quittent le corps, conservant l‟intelligence, la pensée, la volonté, la vie. A ce moment ce principe
change de nom et s‟appelle muzimu. Quel mort se rapproche le plus de notre conception de
l‟âme ? Ce n‟est pas OMUKA, le souffle ; nos noirs disent clairement qu‟il cesse d‟exister quand
l‟homme a expiré. Ce n‟est pas OBWENGE, OBUKENGERE, OBULONZA, ils sont les effets
produits par le murhima, et y résident, en sortent comme de leur case. Les Bashi affirment tous
que c‟est le murhima qui les produit. Ce n‟est pas OBUZINE (la vie). La vie force intime,
principe intérieur qui préside à l‟éclosion de nos actes, à l‟évolution de notre être, c‟est le moteur
qui met en action toute la machine humaine. C‟est donc le principe de nos opérations passives et
actives, mais ce n‟est pas le principe qui fait que notre être sent, vit, raisonne, etc. C‟est un
principe indépendant de l‟âme, mais qui l‟accompagne durant la vie et après la mort. Il en est
indépendant puisque dans le rêve (sommeil) p. ex. l‟obuzine reste dans le corps, alors que l‟âme le
quitte pour un moment.

Ce n‟est pas non plus le MUZIMU, attendu que le muzimu ne commence à exister qu‟après la
mort. Le muzimu est (d‟après Mgr Le Roy p. 106) ce qui constitue à proprement parler notre
personnalité spéciale, individuelle et distinctive (dans le monde d‟au delà).

Est-ce le MURHIMA ? Non plus, nos noirs prétendent catégoriquement que le murhima disparaît
avec le corps (arhogera murhima). Parlez leur d‟un murhima immatériel, immortel, ils ne vous
comprennent plus à moins d‟en avoir été persuadés par les missionnaires ou autres. Le murhima
est seulement le siège, l‟organe nécessaire à l‟âme, pour produire ses pensées, ses volitions etc.
Restent le cizunguzungu et le cilorho.

CIZUNGUZUNGU : C‟est l‟ombre qui accompagne le corps, en reproduit la forme, c‟est une
sorte de projection aérienne, éthérée du corps ou plus exactement quelque chose d‟immatériel dans
l‟homme qui s‟extériorise dans l‟ombre vivante et mouvante, ombre qui accompagne le corps et
épouse sa forme. (Toute statue ou image n‟est que le cizunguzungu de la personne présentée. S‟il
ne parle ni n‟entend à l‟ordinaire, il comprend à chaque fois, que le dévot s‟adresse à lui). Nos
noirs savent que l‟ombre est due à la lumière mais ils n‟en croient pas moins que l‟ombre est
également l‟image extériorisée de quelque chose d‟immatériel qui est dans l‟homme. Ils le croient
d‟autant plus qu‟ils en donnent une raison ; les sorciers peuvent à volonté faire augmenter,
diminuer ou faire disparaître cette ombre ; ainsi une mère a posé son enfant près d‟un foyer
lumineux et son ombre se projette fort agrandie sur la paroi voisine ; c‟est qu‟un sorcier l‟augmente
dans le but de nuire. Elle court de suite chez un mufumu demander certaines herbes avec
lesquelles elle lavera l‟enfant pour en éloigner le mauvais sort (amuyaganule).
124

Au dire des Bashi moins instruits des coutumes, le cizunguzungu suit vivant le corps dans la
tombe, mais s‟en détache peu après (amango enda yabashire), quand les entrailles se décomposent
et va rejoindre les ancêtres sous le nom de muzimu.
CILORHO : c‟est le rêve ou plus exactement une partie immatérielle de l‟homme qui se détache
momentanément de lui pendant le sommeil, qu‟ils appellent une « mort momentanée ».
Au dire des principaux Bashi, plus compétents « cilorho co cirhafa, cahinduka muzimu ». Le
cilorho donc ne meurt pas. Il quitte le corps à la mort : s‟il fut bon, il va au MALUNGA ; s‟il fut
mauvais, il reste errer aux environs (bilorho binja baja e malunga, bilorhi bibi byasiga eno ka). Il
s‟agit évidemment de la bonté morale selon les noirs : c‟est-à-dire la vaillance, l‟audace.
Les petits enfants avant l‟âge de raison n‟ont pas de cilorho, par conséquent après leur mort il n‟en
reste rien ; ils n‟ont pas de muzimu. Comme on le voit cizunguzungu est, pour les simples, la
forme vaporeuse non seulement du corps, mais de ce quelque chose de suprasensible qu‟il a en lui.
Le cilorho est pour les gens plus réfléchit ce quelque chose de suprasensible lui-même. Ce dernier
mot semble donc être ce qui se rapproche le plus de notre conception de l‟âme : mais est encore
loin de l‟exprimer. Ceci nous rapproche bien sensiblement de la définition de l‟âme d‟après les
noirs, donnée par Mgr Leroy (p. 97) : il dit en effet : « l‟âme, c‟est une sorte de substance éthérée,
qui pendant le sommeil du corps reçoit la visite des autres esprits, qui va les voir, qui s‟occupe, qui
rêve. C‟est la voix intime qui nous parle à nous-même, nous inspire de bons et de mauvais
sentiments, nous porte au bien ou au mal, nous cause de la joie et des remords. Elle est enfin, peut-
être, représentée par cette extériorisation de notre personne qui s‟appelle l‟ombre, qui repose dans
l‟homme endormi, et qui le suit dans la mort ».

Un jour que je demandais à Nyangezi devenu chrétien et bien instruit de sa religion comment il s‟y
prendrait pour parler à un vieux païen, qui n‟a jamais rien entendu de l‟instruction, et lui dire que
son âme va au ciel, si elle est bonne etc. Il me répondit : « Je lui dirais : ton corps va mourir, se
détruire, mais ce que l‟on appelle ton cilorho cela ira chez Dieu si tu es bon etc. » Dans son idée
donc, ce mot est celui qui correspond le mieux à notre idée d‟âme.
Est-ce à dire qu‟il faille l‟employer ? Il semble plus prudent de se servir d‟un mot nouveau
« ROHO » et de l‟expliquer au moyen des mots cilorho et cizunguzungu.
Mais voyons ce mot CILORHO de plus près. Demandez à un noir où opère ce cilorho, il vous
répond : omurhima gulorha : le cœur rêve.
Demandez pourquoi il ne meurt pas, il dira : cilorho cirhafa, bulya murhima gushuba okulorha :
parce que le cœur continue à rêver. Il semble donc que par cilorho nos noirs veulent désigner le
murhima en état de rêver. En sorte qu‟en fin de compte le principe spirituel en l‟homme ne serait
que la forme suprasensible du CŒUR REVANT : omurhima gulorha. Nos noirs admettent donc
sans s‟en rendre compte, que le cœur suprasensible est le principe qui fait l‟homme sensible,
vivant, raisonnable. Et puisque le cilorho est immortel, le murhima l‟est aussi. Donc murhima
gulorha répond à peu près à notre conception d‟âme.

Nyamuzinda, disent les Bashi, crée les âmes au fur et à mesure que le corps se forment et
grandissent. Il est intéressant de noter l‟idée que les Egyptiens se faisaient de la partie immatérielle
de l‟homme. Ils appelaient KA la projection aérienne du corps, le double qu‟ils croyaient rester
éternellement dans la tombe ; nommaient BI l‟essence de la nature humaine qui se rend à l‟autre
terre, et KHOU son principe lumineux qui va chez les dieux. Le cœur contient la conscience
pendant la vie et est témoin après la mort.

110. 2/ L’AME APRES LA MORT

SEPARATION DE L’AME ET DU CORPS

Voyons maintenant le moment de la mort. Le principe suprasensible, l‟âme, qui a fait vivre le
corps, le quitte. D‟après plusieurs, il le quitte tout de suite avec le mûka, souffle ; d‟après d‟autres
125

il attend que les intestins entrent en décomposition. Quitter le corps ne signifie pas une séparation
absolue, comme on le verra. Une fois dégagée du corps, l‟âme prendra le nom de MUZIMU, sans
doute parce que elle entre dans le monde de l‟au delà, appelé KUZIMU. Là elle se réunit aux
autres bazimu, avec lesquels elle entre en communication. Les bazimu entendent, voient, causent,
s‟amusent, se promènent de-ci delà. Au cimetière p. ex. les mânes aiment à venir danser près des
tombes, au dessus du sol. Voilà pourquoi beaucoup évitent d‟y passer. Par contre, on ne redoute
pas une tombe isolée parce que l‟âme ne s‟y tient guère, se trouvant avec les autres âmes. Il y a
aussi des lieux préférés où les bazimu se donnent rendez-vous ; ce sont des endroits arides où rien
ne pousse, telle la colline pierreuse voisine de notre mission (entre nous et Kabiganda). Autrefois
on n‟osait y passer la nuit, parce que les bazimu s‟y livraient à leurs sarabandes nocturnes. C‟est
surtout la nuit que les âmes désincarnées aiment à folâtrer ensemble tout à leur aise. Ces âmes
entendent, voient, causent, boivent, mangent, rient, chantent, s‟amusent, pleurent quelquefois.
Elles se promènent où bon leur semble, quand les ordres de « Nyamuzinda » Dieu ou les
incantations des sorciers ne leur dictent une mission spéciale. Elles aiment paraît-il, à mener des
sarabandes aux endroits où gisent de nombreux cadavres. Dans l‟autre monde les vieillards
retrouvent la jeunesse, les chefs y sont chefs, les esclaves y restent esclaves. Les riches et les
pauvres y conservent leur situation. Chacun y garde ses qualités et ses défauts. Les âmes y vivent
habituellement en bon accord ; leurs rares pugilats ont une répercussion sur notre terre sous la
forme de tremblements de terre. La procréation y est inconnue, aussi bien que les misères morales
qui en seraient la suite inévitable. L‟âme des petits enfants ne compte pas. Elle ne va pas au
royaume des ombres. Ou plus exactement, les petits n‟ont pas d‟âme. Le souffle seul « mûka » les
anime jusqu‟au jour où l‟âme se manifestera avec la raison.

SEJOUR DES MORTS

Où donc se trouve le lieu de rassemblement des âmes désincarnées ? A cette question la plupart
répondent qu‟il est sous terre « OMU KUZIMU » tout comme la croûte terrestre, où il n‟y a ni
soleil, ni chaleur. Mais ce n‟est là qu‟un lieu de passage. Après un temps assez long, sans doute
quand le cadavre est devenu poussière, les âmes émigrent au delà du firmament bleu au
« CIKERERE » la vraie patrie des défunts, le séjour habituel de Dieu.
Le « CIKERERE » est un vaste plancher horizontal, capable de porter une grande masse d‟âmes,
mais non pas toutes. Un jour viendra où le plancher cèdera sous la masse, les âmes tomberont
alors la terre, écrasant les vivants. Ce sera la fin du monde. Qu‟adviendra-t-il à ce moment ? La
pensée de nos noirs ne va pas jusque là. Ils se contentent de dire : alors il n‟y aura plus que le
monde des âmes désincarnées, des bazimu. Le séjour dans l‟au delà est éternel.

BONS et MECHANTS vont également au dessus du firmament. Il est à remarquer en effet qu‟il
n‟y a pour eux aucune récompense, aucun châtiment. Le voleur, l‟impudique, le menteur,
l‟assassin y coudoient ceux qui ont pratiqué la vertu.
« NYAMUZINDA » n‟a cure de la moralité. Il est pourtant des noirs qui affirment l‟exclusion des
« vauriens » condamnés à rester éternellement sous terre, là où ils ont passé leur vie criminelle.
C‟est notamment le sort réservé aux ensorceleurs, aux « balozi » qui se sont livrés à la magie noire.
Le remord de conscience n‟existe pas chez les Bashi païens. Dans l‟au-delà, les défunts ne
mangent, ni ne boivent habituellement. Ils semblent cependant en avoir le désir, puisque le moyen
de se les rendre propices, consiste à leur offrir les aliments et les boissons qu‟ils ont
particulièrement aimés pendant leur vie. Les vêtements ne les embarrassent guère. Ce n‟est
qu‟arrivant au-dessus du firmament que Dieu les revêt d‟une riche parure.
Les Bashi racontent pour preuve l‟histoire que voici : Un jour un indigène était en train de cultiver
dans un marais avec sa femme et ses enfants. Tout à coup ces derniers le virent s‟élever en l‟air et
disparaître. Trois jours plus tard il reparut et raconta que « Nyamuzinda » était venu le prendre
pour lui montrer les âmes au « cikerere ». Il les avait vues couvertes d‟habits princiers, joyeuses, et
vivant en parfaite harmonie. Si la masse des âmes vont au « cikerere », les âmes des
126

« BATWALI » audacieux, de l‟un et de l‟autre sexe, ont le privilège de se rendre en compagnie de


leur corps aux volcans « MALUNGA » et de se joindre aux habitants attitrés de ces lieux, petits et
trapus, à chevelure longue et touffue et à barbe fournie. Nyamuzinda lui-même y va fort souvent.
Ils y coulent des jours heureux dans les plaisirs et la danse ; leur grande occupation est leur
toilette ; la faim y est absolument inconnue, car leur cœur est fort « omurhima guzibuhire ». Les
contestations et querelles ne s‟y rencontrent pas. La harpe que tous jouent à ravir, ne les quitte
jamais. Ils deviennent même professeurs à l‟occasion et c‟est à leurs leçons que maint artiste
vivant attribue son art. Tel l‟oncle de notre cuisinier Kahumba. Ecoutez son histoire.
Un jour, le susdit oncle disparut de la circulation. Nul ne put découvrir le lieu de sa retraite. Trois
ans se passèrent, et déjà la famille s‟en était consolée, quand un beau matin, l‟oncle réapparut au
village et raconta l‟histoire de sa fugue. « Je reviens, dit-il, du pays des volcans. Le jour où je
vous quittai je me rendis aux « malunga ». J‟ai rencontré là des hommes petits et tous couverts de
poil. A ma vue ils me lancèrent des cailloux. Je leur criai alors : cessez donc de faire rouler vos
rochers, ne me chassez pas, je viens vous demander l‟art de la harpe. A ces mots, tous disparurent ;
ils revinrent un instant après et me jetèrent la belle harpe neuve, que voici. Je la pris en mains,
j‟essayai d‟en jouer et à ma grande surprise je constatai que j‟étais devenu artiste. Les jours
s‟écoulèrent, je ne sais trop comment. Enfin, je songeai à rentrer au village, et me voilà devant
vous sain et sauf, et aussi habile harpiste. Et de fait l‟oncle en jouait admirablement, et avait en
plus un superbe talent d‟improvisation.

Les harpistes Bashi accompagnent toujours leur jeu de chants improvisés, à la façon de nos vieux
troubadours.

QUELS DEFUNTS VONT AUX « AMALUNGA » ? Ce sont ceux-là dont la tombe s‟est
trouvée vide de suite après l‟enterrement, et dont les armes et vêtements disparaissent sans motif,
emportés avec le corps par l‟âme désincarnée. Nos Bashi confirment cette croyance par une petite
histoire :
Nyalihenge, le boute-en-train du village, venait de mourir. On l‟avait enterré dans l‟enclos devant
sa case. Ses parents avaient mis dans un coin devant la hutte tout ce qui lui avait appartenu. Deux
jours après voilà que le mort sort de terre, et à l‟insu de tous, va prendre ses vêtements, ses armes,
ses colliers et ses parures, et se rend aux volcans. En route il rencontre un homme armé d‟arcs
neufs. Le mort lui en demande un, l‟ayant reçu il dit à cet homme : « L‟arc que tu tiens encore en
mains, porte le à mon fils, un tel, et il te donnera une chèvre en récompense ». Cet homme court
droit à la maison du ressuscité ; il trouve la famille en plein deuil, occupée à pleurer. Il leur
raconte son aventure. Sans répondre tous se mettent à pleurer de plus belle. Cependant d‟aucuns
commencent à se moquer de lui, d‟autres plus avisés, se disent : « Allons voir la tombe, et nous
verrons s‟il dit vrai ». Ils s‟y rendent et … la trouvent vide. Ils vont examiner les objets du
défunt ; là aussi il n‟y a plus rien. Sans aucun doute l‟étranger a dit vrai. On prend donc avec joie
l‟arc mystérieux ; et on paie la chèvre demandée.

Un autre jour, un mort avait également quitté sa tombe, était revenu près de sa femme et lui avait
demandé ses vêtements et ses armes. La femme les lui avait remis, et le mort avait disparu.
Curieuse de savoir où il se rendait, la femme s‟était mise à le suivre. Longtemps elle marcha
derrière lui à travers la brousse. Un matin, au petit jour, le mari défunt fit si bien qu‟il parvint à
échapper aux regards de sa veuve. Il arriva ainsi aux volcans pendant que l‟épouse éplorée
regagnait son village, où longtemps elle pleura le cher défunt. Au commencement, dit la légende,
tous les morts ressuscitaient deux ou trois jours après l‟enterrement, emportant habits, armes et
vivres. Dans ce but on leur réservait du lait caillé et d‟autres nourritures. Tous se rendaient aux
volcans. C‟était sans doute un lieu agréable, puisqu‟il y avait abondance de lumière et de chaleur,
alors qu‟au « kuzimu » il fait froid et obscur.
127

La jalousie d‟une femme ravit aux mortels ce bonheur : un homme s‟était marié à deux femmes, ce
qui ne s‟était jamais vu. L‟une des deux mourut, laissant un petit enfant. Deux jours après avoir
été enterrée, les cris de son enfant vinrent jusqu‟à elle. N‟y tenant plus, elle sortit de sa tombe,
courut chez sa compagne et lui dit : « Donne-moi ma peau de vache que je m‟habille et que j‟aille
allaiter mon enfant ». La compagne l‟accueillit avec dédain et lui dit : « Tu es morte, n‟est-ce pas,
eh bien, rentre dans ta tombe, les morts ne reviennent pas sur la terre ». La défunte répondit : « Tu
me chasses ; c‟est bien, je rentre sous terre, puisque tu prétends que les morts ne ressuscitent pas.
Mais sache que désormais les morts ne sortiront plus jamais du tombeau ». Le soir le mari rentra ;
sa femme lui raconta l‟aventure et comme elle avait renvoyé la défunte sous terre. Le mari en fut
consterné et dit avec fureur : « Tu es une sotte, tu as très mal agi, voilà que par ta faute les morts ne
sortiront plus de leur tombe ».

Ce fut la fin de la résurrection. Aujourd‟hui seuls les vaillants sont censés en avoir gardé le
privilège. La même légende se raconte encore un peu différemment : au commencement tous les
hommes étaient monogames. Un jour l‟idée leur vint de s‟unir en même temps à plusieurs
épouses. Ce que voyant, Dieu leur dit : « Vous avez violé mes ordres en prenant plusieurs femmes.
Gardez-les, puisque cela vous plaît ; mais sachez qu‟en guise de châtiment, vous mourrez tous
désormais sans espoir de résurrection ».
Enfin voici une autre légère variante : Un homme avait pris une deuxième femme, mais une femme
si jalouse qu‟elle souhaita la mort de sa compagne. Dieu l‟entendit et lui dit : « Tu souhaites la
disparition de la première épouse de ton mari, tu seras exaucée. Mais sache qu‟à l‟avenir toi aussi
tu mourras pour toujours, et avec toi tous les hommes de la terre ».
Pour nos noirs la mort est donc éternelle. La résurrection des corps proprement dite est une
impossibilité absolue depuis que Dieu en a retiré le bienfait aux humains. Cette croyance est
profondément ancrée dans leur tête et chaque enterrement les en convainc davantage. En effet, dès
que le cadavre a été déposé dans la fosse et recouvert de terre, un parent du défunt apporte un vieux
pot de terre plein d‟eau, s‟y lave les mains, verse le contenu sur le tertre, y met le pot et l‟écrase du
pied, pour signifier que le corps lui aussi sera bientôt rien, et qu‟il lui sera aussi impossible de
reprendre la vie qu‟il est impossible à ces tessons de refaire un pot neuf. Est-il étonnant alors que
les païens qui assistent pour la première fois à nos enseignements sur la résurrection des corps, se
mettent à rire et semblent dire « blague qu‟est tout cela ».
Les païens de Karhongo sont particulièrement rébarbatifs. Que de fois ils m‟ont ainsi accueilli
avec des rires moqueurs. Voici, d‟après certains Bashi, pourquoi surtout les hommes ne peuvent
plus jamais sortir vivants de leur tombe :
Un jour, Dieu « NYAMUZINDA » dit au chien : « Va crier chez tous les hommes « kalame !
kalame ! (santé, santé !) et s‟ils ne disent rien, tu crieras : lufu ! lufu ! (mort ! mort !) ». Les
hommes n‟ayant rien répondu à kalame, le chien cria : lufu ! lufu ! et les hommes de répondre :
kalame ! kalame ! Nyamuzinda se fâcha et dit : « Ce sera lufu ». Et depuis lors personne ne
revient à la vie.

REVENANTS : Les âmes, on l‟a vu, s‟en vont dans l‟au-delà, mais elles ne cessent pas de
fréquenter les humains. Elles aiment à protéger, à bénir, ceux de leurs qui les vénèrent. Comme
elles poursuivent de leur haine ceux qui les oublient et les méprisent ou qui, de leur vivant, leur ont
fait du tort. Elles s‟amusent même à effrayer les vivants rien que pour s‟en divertir. La croyance
aux revenants est absolument générale. On en a vu plus haut la preuve. Pour nos noirs les âmes
désincarnées rôdent partout, remplissent l‟univers. Elles manifestent assez peu leur présence
pendant le jour ; c‟est surtout la nuit qu‟elles opèrent. Elles disent qu‟elles sont là, en agitant les
herbes d‟une manière insolite, en imitant le bruit d‟une branche qui craque, d‟une pierre qui roule ;
de bracelets de métal qui s‟entrechoquent, d‟un rire bruyant, d‟un cri lugubre, etc. Parfois même
elles se montrent réellement, soit sur la route, soit dans la case, de préférence contre le plafond
intérieur, soit dans le mausolée construit en leur honneur. Tout événement extraordinaire est l‟effet
de leur présence : le pot où l‟on cuit la nourriture du soir glisse et se renverse sans cause
128

apparente ; n‟en doutez pas, un « muzimu » s‟amuse. Vous entendez dans le silence de la nuit un
bruit de frôlement contre la hutte en paille, croyez-vous que les « bazimu » sont là, appuyés contre
la cabane en train de fumer la pipe. Vous vous sentez indisposé un « muzimu » vient de vous
frapper. Vos troupeaux deviennent malades, des « bazimu » se vengent de vous. Les vagues du
lac s‟enfleri démesurément, un « muzimu » les agite, etc.
Pour dire de quelqu‟un qu‟il est malade, on dit souvent : ashusirwe, bamubanzire : il a été frappé,
on l‟a battu (s.e. les esprits). La crainte des revenants est une vraie hantise. Un soir je revenais
silencieux vers ma chapelle-école à travers une bananeraie m‟éclairant de ma lanterne. Etant seul,
et sans guide, je finis par m‟égarer. A une petite distance, je distingue une case, j‟entends des voix.
Je m‟y rends pour demander la route. « Oh là, braves gens, ne pourriez-vous me montrer le sentier
qui mène à la chapelle-école ? » Pour toute réponse, je perçois le cri perçant d‟une femme
effrayée, le murmure lugubre d‟un homme. Evidemment ces pauvres gens sont terrifiés.
« Pourquoi, leur dis-je, avoir peur ? Je ne suis pas un « muzimu », je suis le père, j‟ai perdu ma
route, je viens vous demander de me remettre sur la voie ». A ces mots l‟homme s‟enhardit, sort,
me reconnaît et dit : « Père, excusez-nous, nous avons pris pour un « muzimu » Kabwengeshera » ;
le bruit court partout que ce « muzimu » parcourt actuellement le pays, une lumière à la main et
frappe de maladie tous ceux qu‟il rencontre. Voilà la raison de notre frayeur ».
Les nouveaux chrétiens eux-mêmes ont bien de la peine à se défaire de ces idées déraisonnables.
Un jour, je recevais de l‟un d‟eux un billet conçu comme suit et dont voici la traduction littérale :
« Mon père, nous sommes, moi et ma femme dans la consternation à cause de ce qui se raconte
partout. Il paraît que pendant la nuit on voit se promener un « muzimu » tenant en main une très
grande lumière ; il entre dans toutes les cases. C‟est pour cela que si quelqu‟un rêve de lui et se
réveille en sursaut, il appelle les voisins au secours. Tous deux nous n‟avons pas fermé l‟œil cette
nuit parce que quelqu‟un s‟est approché de notre cabane, Nyamushomboza, un postulat, a eu peur
lui aussi ; il ira aujourd‟hui encore avec les voisins offrir à ce « muzimu ». Chaque matin je lui dis
de s‟en abstenir, et chaque soir il recommence. Moi aussi, j‟ai rêvé de lui, car j‟avais tellement
entendu raconter ces histoires. J‟ai bien tremblé, et alors je me suis mis à prier avec ma femme.
Quand une personne rêve de la sorte, elle s‟enfuit le plus souvent de chez elle et va se cacher dans
la brousse appelant au secours, et d‟autres viennent la rejoindre avec des castagnettes et des
bambous creux en guise de tambour. A leur approche, la personne affolée sort de sa cachette et
tous ensemble reviennent au village, y font une danse à l‟honneur du « muzimu » Kabwengeshera.
Aussitôt celui-ci s‟en va. Père, je t‟en supplie, envoie-moi de l‟eau bénite ; elle m‟aidera à prier
avec confiance, moi Thomas Mukengere.

Ces histoires nous font penser aux paroles de St Pierre aux premiers chrétiens : « Soyez vigilants,
car votre adversaire le diable, comme un lion furieux, rôde autour de vous, cherchant quelqu‟un à
dévorer ».

Lorsqu‟une âme désincarnée se montre aux vivants, c‟est toujours sous la forme d‟un corps
vaporeux, d‟une ombre aux contours imprécis. On ne la reconnaît que si elle-même dit son nom.

L‟âme des défunts ordinaires rôde non loin des siens, sans habitat spécial. Il en est autrement de
l‟âme des chefs. Celle des chefs indigènes a le privilège de résider dans des ficus ou d‟émigrer
dans le corps d‟un animal. L‟âme des « BARHWALI » chefs, passe dans un ver cadavérique, qui
devient léopard, celle de leur mère va dans un serpent. L‟âme des grands chefs « BAMI » rois,
après avoir séjourné dans le ver, puis dans le léopard, restera dans le crâne jusqu‟à la mort de son
successeur. Deux anciens rois « MUNYWERANJILA et KALEMERA » ont choisi pour y
demeurer deux serpents colorés qui s‟unissent fréquemment pour former l‟arc-en-ciel. L‟ancien
chef NABINJI habite un bélier ; NASHAKANYA se trouve dans un coq. D‟autres enfin résident
dans des ingrédients magiques ou des pierres sacrées où les incantations des devins les fixent
momentanément.
129

Les mânes des enfants morts en bas-âge (mashumba) mais ayant déjà l‟âge de raison, errent près
des volcans, reviennent souvent dans les herbes près de leur village jouer midi et soir. Plusieurs
ont été vus par des enfants qui n‟avaient ni frères, ni sœurs. Ceux qui les voient meurent peu après.

Ce qui précède pourrait donner à penser que nos noirs admettent pour leurs chefs une certaine
métempsycose. Il n‟en est rien. En effet, en séjournant momentanément dans les arbres, les
pierres, les animaux, l‟âme désincarnée reste bien elle-même, maîtresse de ses actes d‟outre-tombe,
avec son double vaporeux ; elle y est comme dans un logis, sans faire avec lui un être unique. Il
n‟entre pas dans la tête des Bashi, de croire qu‟en mangeant la viande du léopard ou du serpent, on
mangerait la chair du chef ; en mangeant celle du bélier et du coq sacré, on mangerait NABINJI ET
NASHAKANYA. C‟est un habitat d‟emprunt où le défunt se manifeste par intermittences,
pendant une période plus ou moins longue, et qu‟il quittera finalement pour se réunir aux autres
défunts. L‟âme désincarnée peut, si elle veut, entrer dans les corps des vivants, hommes ou
femmes. Le cas est même fréquent, journalier, notamment pendant les offrandes et sacrifices.
Certains indigènes ont, dit-on, en eux-mêmes et d‟une manière quasi permanente, l‟âme d‟un
défunt : ce sont les « BADAHWA ». Quiconque fait une offrande commune aux défunts, est
momentanément possédé par eux. Pour s‟en défaire, il n‟a qu‟à lever les bras en l‟air et à ouvrir
largement la bouche en exhalant un souffle. Tout cela est loin de la transmigration des âmes, de la
métempsycose.

III. SPIRITUALISME

On peut affirmer que nos Bashi sont nettement spiritualistes. Ils reconnaissent en effet dans
l‟homme un esprit distinct de la matière. Ils admettent que dans l‟homme se trouve un principe
suprasensible, libre, responsable et immortel. En Dieu, Nyamuzinda, ils voient un être personnel
qui a créé le monde et le gouverne, et dont le caractère essentiel est le bien communicatif de lui-
même, la bonté, laquelle se manifeste dans la marche du monde. Il suffit de relire les articles : âme
humaine (109), la vie future (110), le grand esprit (113) pour s‟en rendre compte. Bien plus, ils
sont spiritualistes de la bonne école, puisqu‟ils conçoivent implicitement dans les êtres, dans
l‟homme surtout, l‟existence de la matière première et de la forme. Car au fond, le muzimu pour
eux n‟est autre que la forme qui a informé ce qui est devenu cadavre.

112. MATERIALISME

Les Bashi ne sont en aucune façon matérialistes. Par leur conception d‟un Dieu personnel, créateur
et conservateur des êtres créés, par leur distinction précise entre l‟âme et le corps, ils se montrent
clairement spiritualistes. Les idées ne sont nullement le produit de la matière organique, le cœur
est le siège, l‟instrument requis à la pensée, il n‟en est pas l‟auteur. C‟est le cilorho (cf. 109) bien
distinct du cœur et du corps, qui opère la pensée, et le cilorho est conçu comme un principe
nettement spirituel. Sans doute il y a du vague dans cette conception, ils ont de la peine à
concevoir un être absolument indépendant de la matière, les moins réfléchis surtout ; mais la notion
d‟un principe spirituel complètement distinct de la matière n‟est pas moins admise par tous (relire
âme 109 Ŕ Dieu 113 Ŕ Vie future 110 Ŕ Culte des ancêtres 102, etc.).

113. MONOTHEISME OU POLYTHEISME

Les Bashi sont nettement monothéistes. Ils ont foi en un Dieu suprême, créateur, unique et
bienfaisant. Tous les autres esprits, supérieurs qu‟ils soient, sont créés. Donc on ne saurait parler
ici de hiérarchie parmi les dieux ; nos Bashi appellent le principe créateur « NYAMUZINDA »
littéralement : celui qui est à la fin… au delà duquel il n‟y a rien… en somme cause ultime, cause
première et dernière de tout. Nyamuzinda porte encore le nom de Nnakuzimu (celui qui est dans le
pays des ombres) et LUNGWE, celui d‟en haut, car ungwe, ungu, semble bien contenir l‟idée d‟en
130

haut. NYAMUZINDA, que tous disent être le « MUJIZI » le faiseur, a existé de tout temps, et
existera sans doute toujours, car on ne lui suppose pas de fin. Il est unique de sa nature. Seul il est
au-dessus de tout. Aujourd‟hui encore tous les phénomènes naturels surtout ceux qui frappent
davantage l‟imagination par leur grandeur, relèvent de sa causalité. C‟est ainsi que la mort lui est
attribuée en dernier ressort : Nyamuzinda amuyisire : Nyamuzinda l‟a tué. Quand ils voient une
chose extraordinaire, comme un enfant qui vient au monde avec une seule main, ils disent :
« Nyamuzinda abumba : Nyamuzinda a fait cette chose étonnante. D‟ailleurs ils affirment que
Nyamuzinda crée les âmes à mesure que les corps viennent au monde, bien qu‟elle ne se manifeste
qu‟avec l‟âge de raison. Le « hasard » ne se traduit pas autrement que par « Nyamuzinda ajizire » :
Nyamuzinda l‟a fait. C‟est à lui encore qu‟ils attribuent les grands fléaux ; seulement alors il se
sert de l‟intermédiaire des BAZIMU. Il leur suffit de savoir que Nyamuzinda est habituellement
bienfaisant, qu‟il accorde aux humains en temps opportun la pluie, le soleil, qu‟il donne aux
plantes, aux animaux, aux hommes leur fécondité, qu‟il pourvoit à leurs besoins journaliers, pour
qu‟eux-mêmes se désintéressent plutôt de lui, et s‟efforcent de se concilier les mânes dont ils
craignent le mauvais vouloir. Cause première Nyamuzinda est encore jusqu‟à un certain point,
cause dernière, en ce sens que c‟est vers lui que retournent toutes les âmes, car le royaume des
ombres est régi par ce même Nyamuzinda sous le nom de NAKUZIMU. Ils ne localisent pas
Nyamuzinda dans de petits temples. Il y a bien la hutte « KANYAMUZINDA » aux carrefours,
mais on ne lui y fait pas de sacrifices « arharherekerwa ». On se contente de lui dédier les herbes
de la hutte car, disent-ils, nous ne savons pas bien ce qu‟il aime, ne l‟ayant jamais vu, et il ne nous
a envoyé personne pour nous en instruire (cf. 117 offrande de bière et manioc pour bergers).

LA NOTION DE DIEU CHEZ LES BASHI

Le nom le plus répandu parmi nos Bashi pour désigner la cause première, le principe de toutes
choses est NYAMUZINDA. Ce nom est assez significatif, et pourrait se traduire par « celui qui est
là où tout finit », « celui à qui on aboutit en dernière ressort, l‟alpha et l‟omega ». (Note Nya =
celui qui, celui qui a, qui est ; mu = là, zinda = être au bout). Il est reconnu comme l‟unique
créateur. C‟est lui qui a fait toutes choses, c‟est lui qui crée l‟homme : Ye mujizi w‟ebintu byoshi,
ye alema omuntu. Il est le dispensateur de la vie, c‟est par sa puissance que les enfants naissent,
que les animaux voient le jour, que les plantes se reproduisent. Les phénomènes naturels, surtout
ceux qui frappent davantage l‟imagination par leur grandeur ou leur étrangeté, relèvent directement
de sa causalité. Il semble qu‟il a une fois pour toutes établi les lois qui régissent l‟univers ; il veille
simplement à ce que le monde marche comme il l‟a une fois constitué. Il n‟intervient plus guère
que pour y déroger. C‟est à Nyamuzinda qu‟on attribue les grandes famines, les grandes
épidémies, les fléaux de grande envergure. Un enfant vient-il au monde perclu ou difforme, on
dira aussitôt : abumba Nyamuzinda ; Nyamuzinda a fait cela. Le mot « hasard » ne se traduit pas
autrement que par ce nom. Son nom est cité avec respect, et il n‟est pas rare de l‟entendre appeler :
le béni, l‟ami, Nyamuzinda gw‟omugisho ; Nyamuzinda mugashane ».
Mais Dieu est bien loin, bien caché, bien vaguement compris. Nos Bashi ont peine à se figurer
qu‟il agit par lui seul. Dans leur pensée, il a commis aux âmes des défunts, aux bazimu, les
besoins particuliers des hommes, leur laissant carte blanche pour avantager ceux qu‟ils aiment et
pour nuire aux autres. C‟est par les habitants de l‟au-delà qu‟il opère le plus souvent. L‟au-delà
est son habitat. Et si quelques-uns disent que cet habitat est sans limites, est partout, la plupart
supposent qu‟il est soit au delà du firmament ; e cikerere, soit sous terre, e kuzimu dans le royaume
de la mort (zimu est réversif de Ŕzima et signifie non-vivant, défunt). De là son deuxième nom
« NAKUZIMU », le maître du lieu où la vie est absente, le prince de la mort.
Que Nyamuzinda soit bon en lui-même, qu‟il comble de bienfaits les mortels, nos noirs n‟y
semblent pas attacher beaucoup d‟importance. Leurs sentiments sont si vulgaires ; ce qui les
frappe ce sont les maux, les revers qui les atteignent personnellement. Et bien que Nyamuzinda
commissionne pour cela ces bazimu, il est le plus souvent rendu seul responsable. Ses « bazimu »
étant si près de nous, il y aurait danger à leur faire mauvaise figure, tandis qu‟il y a peu de danger à
131

insulter, à maudire même Nyamuzinda ; il est bon papa, et trop loin pour entendre. Aussi après un
malheur, les insultes à son adresse sont-elles assez fréquentes. Il en est de Nyamuzinda comme de
moi, me disait un chef » : on dit quelquefois que je suis bon parce que je dois parfois châtier. Et de
même qu‟on ne se gêne pas de m‟insulter en secret, de même les Bashi maudissent Nyamuzinda ».
A la mort de son enfant une mère osera dire p. ex. Nyamuzinda amanyirhira omwana, lya akafa
nshuzo, akafa akarhanda, akalirwe oku mpinga ; que Nyamuzinda, qui m‟a tué mon enfant, meure
sans héritier, meure de peste, soit mangé sur la montagne solitaire. En cas de grande mortalité, on
entend : « Nyamuzinda akayirhwa anabagwa, ye walire abasole : que Nyamuzinda soit tué et
dépéché, lui qui mange les jeunes gens choisis. Nyamuzinda akayena akafa busha, akayanga
akahera : que Nyamuzinda ait des déboires, qu‟il meure sans assistance, qu‟il soit vaincu, qu‟il soit
perdu, etc. ».

Les honneurs rendus à Nyamuzinda sont assez minces : des édicules de paille, surmontés de trois
ou de huit tresses d‟herbes, au carrefour de sentiers, voilà l‟offrande. Et quand on demande aux
indigènes pourquoi ils n‟offrent rien de sérieux à celui qu‟ils mettent au-dessus de tous, c‟est
disent-ils, que Nyamuzinda ne nous a pas fait connaître ce qu‟il désire, ni par lui-même ni par ses
envoyés. Souvent l‟on rencontre sur les montagnes des huttes de même gens construites par les
bergers. Les passants y déposent quelques carottes de manioc, des épis de maïs ou d‟autres vivres,
que les bergers ont droit de manger. Ce n‟est pas une offrande à Nyamuzinda, mais aux bergers
qui lui ont construit sa hutte.

J‟ai dit que le séjour de Nyamuzinda est souvent sous terre. Et cependant nos noirs reconnaissent
qu‟il est partout, qu‟il voit tout, qu‟il entend tout. D‟après plusieurs, il manifeste sa présence d‟une
manière spéciale dans les volcans encore en activité, notamment dans le Mulamba (Nyamulagira).
Mais cette croyance est venue sans doute avec le culte relativement récent de Lyangombe, du
Rwanda et n‟est pas générale.

Les Bahunde, du Nord-Ouest, honorent eux aussi Nyamuzinda, et le redoutent. Pour eux, il ne
serait pas le créateur, mais le plus puissant des mânes ancestraux, chargé de répartir la mort parmi
les hommes. Seuls les chefs lui offrent parfois des vaches et des chèvres ; le peuple ne lui sacrifie
rien. Beaucoup le confondent avec Nyamulagira, qui est lui aussi un grand génie, le chef du clan
Muleke, qui manifeste sa présence sous forme de serpent colorié (l‟arc-en-ciel). Sa femme aurait
été Nyamibere, et sa fille Buingo. Nyamubere signifie : celle qui a des seins, Buingo signifie la
vie. Nyamulagira peut se traduire par « celui qui régit ». Son premier nom était Bihango
« créateur qui ne lui est plus attribué aujourd‟hui, et a été remplacé comme tel par « Lulema »
créateur, et « Lugira » faiseur, noms venus du Rwanda. Du simple énoncé de ces noms on pourrait
presque conclure que les Bahunde, ayant adopté Lulema et Lugira pour désigner le créateur, on fini
par délaisser Bihango, dont ils ont fait le régisseur de Dieu, sous le nom de Nyamulagira, une
espèce de double de Dieu, moins immatériel, père de la vie avec l‟aide d‟une épouse, symbole de
sa providence. Nos Bashi admettent eux aussi l‟existence de Nyamubere ou Nyamubere, dont ils
font la mère immatérielle de Nyamuzinda, et qui semble n‟être que le symbole de sa providence ;
car bien qu‟elle soit dite la mère, le fils est cependant le « premier », « le principe de tout ».
Nyamuzinda est connu de même dans la partie du Rwanda qui voisine le lac. Au dire de certains
vieux, jadis il y était très honoré, et connu comme créateur ; ce n‟est pas un simple génie. Mais le
nom « IMANA » ayant fini par prédominer, on lui a réservé le titre exclusif de « distributeur de la
mort ». On en a même fait la mort personnifiée « urupfu » ; et à cet titre il est gratifié d‟insultes.
Les chrétiens en ont fait le nom du démon. Au nord du Kivu, Nyamuzinda est le roi des défunts,
muzimu lui-même ; frère de Simusiga, fils de Nyamulagira, chargé par son père de tuer les
hommes. Depuis un temps relativement récent, on s‟est mis à désigner sous le nom de Lungwe, le
principe de toute chose. Ce nom a été importé de chez les Bazibaziba, qui habitent la lisière de la
grande forêt au sud-ouest du Kivu. Il signifie « l‟inaccessible ». Dans cette tribu, il est honoré
comme créateur, car disent les vieux, il peuple les forêts d‟animaux. La grande majorité des Bashi
132

le croient immatériel, bon pour les hommes, maître de la vie. Plusieurs affirment qu‟il a créé
Nyamuzinda. Les hommes lui offrent de la bière et du feu dans un petit trou recouvert de mottes
de gazon.
L‟on entend parfois désigner le nom de Dieu sous la dénomination de « IMANA ». Le voisinage
de Rwanda ; en est certainement cause. Dans ce pays en effet Imana désigne actuellement la cause
première, le créateur, l‟être immatériel, qui a toujours existé, n‟a jamais été homme, est honoré de
tous. Personne n‟oserait lui adresser la moindre insulte, car il est bon de sa nature. On ne songe
pas à lui endosser la responsabilité de la mort, que Nyamuzinda délégué par lui, sème parmi les
hommes. Ce nom a probablement apparu aux Bashi avec le culte de Lyangombe. Au Rwanda,
Imana est un Dieu personnel, au dire de la grande majorité. Et cependant il se rencontre le long du
Kivu des gens pour affirmer que Imana est un nom collectif, pour désigner les mânes bienfaisants,
tout comme au Bushi. C‟est ainsi qu‟au Rwanda, lorsqu‟un fils sacrifie à ses parents défunts, il
dira « mana zigasane » mânes amis au pluriel, au Rwanda aussi bien qu‟aux Bashi.

Quant à la signification de ce nom, il peut être traduit par « celui d‟en haut » ; on pourrait encore le
rendre ici au Bushi par « chez celui, ou ceux qui donnent la bénédiction, le bonheur, comme dans
l‟expression « imana yawe (tu es heureux) ajijire imana (il a eu de la chance) ».
(Ce radical se retrouve dans le verbe kumana, être en haut, dans l‟adverbe Ŕbwu-mana, qui est droit
en l‟air ; dans l‟expression e lwi-mana en haut : comme dans ce proverbe « mwenge e kabanda
arhamanya erhi oli e lwimana amubwine : le malin de la vallée ne sait pas que celui qui est en haut
le voit, c‟est-à-dire l‟homme terre à terre oublie que Dieu le voit.

A en juger par ce qui précède, la notion de Dieu, cause première de tout, existe certainement dans
la pensée de nos noirs. La plupart des Bashi admettent que c‟est Nyamuzinda, mais plusieurs
attribuent l‟acte créateur à l‟un ou l‟autre des grands génies. C‟est pour éviter toute erreur dans
l‟esprit de ceux qui suivent l‟instruction religieuse que les missionnaires du Bushi ont été unanimes
à se servir de la dénomination de MUNGU, comme le font ceux du Tanganika, et ailleurs encore,
puisse-t-il être bientôt connu, aimé et servi par tous nos chers Bashi.

114. MORALE

Les Bashi ont du bien et du mal une notion assez claire. A leurs yeux, le vol, le mensonge,
l‟adultère, l‟assassinat sont choses répréhensibles ; assister son prochain, remettre bénévolement
une dette, observer la fidélité conjugale sont choses louables.
Les châtiments dont ils punissent les uns, les louanges qu‟ils donnent aux autres, en sont une
preuve suffisante. Ils se portent de préférence vers ceux qui se montrent généreux, droits,
complaisants. Ils comprennent la bonté. Un libertin, une femme voleuse, encourent le mépris
public. Les vices contre nature sont totalement inconnus. Ils ont notamment la notion exacte de la
PUDEUR. Les enfants se livrant à des mauvais jeux se cachent. Les femmes qui se lavent à la
rivière se retirent à l‟écart ; elles évitent de se dévêtir devant les hommes. Les malades couchés
sans vêtements sur leur natte, se couvrent instinctivement dès qu‟un étranger vient à paraître. Les
parents ne parlent pas de choses lascives devant les enfants. Ils les éloignent de la hutte conjugale
dès qu‟ils sont en état de comprendre ce qui se passe dans leurs rapports intimes. Le père respecte
sa fille, et celle-ci respecte son père, au point de vue de la pudeur. Tout immodeste que soit
l‟habillement, ils prennent instinctivement une pose modeste quand ils font un mouvement ou
quand ils sont exposés à se découvrir p. ex. en s‟asseyant, en se baissant, en ramassant un objet ;
bref, ils ont le sentiment inné de la pudeur. Même ceux qui se livrent au dévergondage, évitent les
regards (voir 76).

LA CHARITE est connue et pratiquée, même si l‟on parle de charité désintéressée. La vache d‟un
pauvre s‟enfonce dans la boue d‟un marais ; le berger trouvera sans peine des aides pour l‟en
retirer. Un passant dont on n‟a rien à attendre demande un peu de nourriture, rarement on lui
133

refusera si l‟on en a sous la main. Une femme revient avec un fagot de bois, elle se blesse ; elle
trouvera une compagne complaisante qui prendra sa charge, et la ramènera chez elle. Un étranger
s‟égare dans les bananeraies, il aura de suite quelqu‟un pour le remettre sur la bonne voie, quitte
même à faire un bout de chemin avec lui sous la pluie. Ces actes sont de tous les jours.
La charité s‟exerce surtout à l‟égard de la parenté, ou des personnes liées par des liens quelconques
de solidarité. Car on peut appeler charité cette solidarité qui porte les uns à payer pour les autres, à
les aider dans les circonstances critiques, quelquefois au péril de leur propre vie. Trouve-t-on de la
RECONNAISSANCE ? Oh ! bien peu. C‟est une perle rare, mais pas totalement inconnue. Les
gens bien élevés vous disent sincèrement merci (okonkwa, kwokwo) pour un petit service.
Quelques-uns vous présenteront de la bière pour témoigner leur joie pour une aide reçue. Un riche
ira même jusqu‟à offrir une vache à un pauvre qui lui a rendu un service insigne. Il n‟en est pas
moins vrai que la règle générale reste : do ut des ! Derrière tout acte qui ressemble à de la
reconnaissance, il y a presque toujours l‟espoir d‟un nouveau bienfait.

LE DEVOUEMENT désintéressé est une plante qui ne pousse pas au Bushi. Voyez le chef ; il est
entouré de gens sans cesse aux aguets pour lui rendre service ; vous croiriez à un dévouement de
chaque instant. Est-il menacé d‟un mauvais coup, ils s‟interposent et le protègent de leurs corps.
Ils épient tous ses caprices pour les satisfaire. Ces gens sont la race des courtisans qui voient
derrière leur chef des faveurs et des biens à recevoir, et rien de plus. « Rien de plus » c‟est peut-
être exagéré ! Dans le chef se trouve personnifié l‟autorité ; les bazimu de ses ancêtres le
protègent, et cela est respectable ; on se dévouera donc peut-être quelques fois parce qu‟il est chef,
sans songer à la rémunération.

LA BRAVOURE, la vaillance, voilà ce qui est aux yeux des Bashi la vertu par excellence. Tous la
respectent, mais tous ne la possèdent pas au même degré. En face du danger réel ou imaginaire ils
perdent facilement la tête. Le cri d‟une hyène, le miaulement d‟un chat sauvage le soir contre la
hutte les fait trembler ; ils n‟y sont pas habitués. Ne leur parlez pas de se promener seul pendant la
nuit, les revenants se trouvent à tous les coins. On trouve pourtant des hommes et des femmes aux
allures décidées ; énergiques ; mais c‟est une assez rare exception. Ce sont là les seuls qui seront
récompensés dans l‟autre monde, par la résurrection de leur corps et le bonheur de vivre dans les
volcans (N° 109).
Ils savent respecter le droit d‟asile ; ils savent même s‟exposer aux coups pour sauver quelqu‟un
qui s‟est réfugié sous leur protection (170). A la guerre les vaillants sont nombreux ; dans l‟espoir
d‟attirer les regards du chef, ils se montrent parfois d‟une témérité outrée, provoquant et attaquant
l‟ennemi de très près, s‟exposant sans réflexion aux coups des adversaires ; ils savent pourtant que
s‟ils tombent entre les mains de l‟ennemi c‟est la mutilation la plus cruelle et la mort ; n‟importe !
Il est vrai l‟entraînement, l‟excitation, la confiance en des amulettes y est pour une bonne part. le
grand facteur de la bravoure à la guerre, est l‟espoir des rapines. J‟ai entendu citer le cas d‟un
guerrier (Lubungo) qui combattit toute une journée avec une telle furie (1915) que le soir il tomba
épuisé et mourut de fatigue.
Nos Bashi ont une certaine notion de l‟AFFECTION FAMILIALE, de cette affection désintéressée
qu‟on retrouve à un si haut degré dans nos bonnes familles chrétiennes d‟Europe. Mais leur
affection ressemble fort, dans la majorité des cas, à celle de l‟animal pour son petit ; elle est
instinctive et rarement raisonnée. Une mère aime ses enfants bien sincèrement, surtout s‟ils sont
encore petits. Viennent-ils à mourir, elle les pleure avec des larmes bien sincères ; mais en général
sa douleur est de très courte durée. Quelques jours après, elle semble n‟y plus penser. Le père lui
aussi, éprouve de la tendresse pour ses enfants, et tout, dans son amour, n‟est pas de l‟intérêt.
Malheureusement cette affection souffre plus d‟un accroc. Dans les familles nombreuses, les
parents délaisseront souvent un ou plusieurs enfants, des garçons surtout. Les meilleurs morceaux,
les soins les plus minutieux, iront à certains, les autres étant à moitié abandonnés ; parfois on dirait
que leur présence est à charge. On rencontre bon nombre de ces enfants, malingres et chétifs
(bazamba) rebutés par leurs parents. Un enfant en bas âge dont la mère vient à mourir, aura bien
134

de la peine à lui survivre longtemps. Une femme ne donnera jamais le sein à un enfant qui n‟est
pas son enfant propre (en dehors des cas prévus par la coutume (N° 68).
Entre époux l‟affection semble plus superficielle ; si tant est que ce soit de l‟affection véritable. La
femme est pour son mari un instrument utile qu‟il a payé une ou deux vaches. Le mari est pour sa
femme un instrument à lui donner des enfants, qui lui procure certains biens. Demandez à une
femme qui a vécu en bons termes avec son époux, qui vient de mourir, demandez-lui si elle aimait
son mari : « Oh oui ! Beaucoup, il me nourrissait si bien, il me donnait si souvent des perles et du
lait de sa vache ». Ce qui n‟empêche pas qu‟un mois au plus après son décès elle se met déjà à
regarder au-dessus de la balustrade pour en apercevoir un autre. Les larmes sont vite séchées.
Si l‟un des deux vient être atteint d‟une maladie incurable ou de longue durée, l‟autre l‟abandonne
presque toujours. Les enfants montrent peu d‟affection pour leur père ; ils le craignent, le
respectent, mais l‟aiment fort peu. Ils montrent plus d‟amour pour leur mère, encore que cet amour
soit à fleur de peau. L‟aide que les enfants donnent à leurs parents vieux et malades, est bien
précaire. Elle semble être en proportion de l‟héritage qu‟ils en attendent. La soumission d‟un fils
est basée sur l‟espoir d‟une vache à recevoir et sur la crainte d‟être déshérité. Pour sa vieille mère
il trouvera rarement un peu de beurre, une peau convenable pour l‟habiller, du lait pour la nourrir.
Les vieux pauvres sont habituellement délaissés, même quand les enfants jouissent d‟un certain
bien-être.

MENTIR est un péché mignon ; il n‟y a aucune honte à cela. Bien plus, on dirait que le caractère
distinctif de cette race est celle du plaisir qu‟ils trouvent « à carotter leur monde ». Tromper sans
se faire prendre est un acte digne d‟éloges. Il y en a qui passent leur temps, trouvent leur plus
grand plaisir à induire les autres en terreur ; à mentir tant et plus pour ou sans le plus mince profit.

VOLER n‟est pas plus exécrable. Le vol est fréquent. Il est dangereux de posséder ce qu‟un autre
n‟a pas. Quand nous voulûmes introduire la culture du maïs, on s‟opposa par une réponse
unanime : « C‟est inutile d‟autres que moi viendront faire la récolte ». Les chefs eux-mêmes, qui
aiment à avoir une plantation d‟arachides à grignoter, ne peuvent la récolter que par la menace des
plus grands châtiments contre quiconque se ferait pincer dans leurs champs. Laisser sa vache
dehors, c‟est presque la certitude de ne plus la retrouver. Nos noirs n‟ont pas de plus grand plaisir
que celui des rapines où ils n‟ont rien à craindre. « Kunyaga » dépouiller un récalcitrant sur l‟ordre
du chef, ne dure pas longtemps. On voyait autrefois et on voit encore des bandes organisées qui
venaient la nuit voler les vaches des particuliers dans la maison même où le propriétaire dormait.
Aujourd‟hui encore la plupart des hommes dorment à côté de leurs vaches de peur qu‟elle ne soient
volées. N‟y était la crainte des sévères châtiments les voleurs pullureraient. Certains individus ont
été éduqués de telle manière qu‟ils ne voleront jamais un objet, grand ou petit, qui est mis de côté
ou qu‟on leur confie. Ce sont des bichunjunjuma. Ils prendront bien quelque chose sur la voie
publique, jamais en secret. Ceux-là ne doivent pas saluer ni s‟annoncer en entrant chez quelqu‟un.

Nos noirs sont CRUELS par tempérament. Ils aiment à voir souffrir. A la guerre, leur grand
bonheur est de mutiler les prisonniers et les blessés, voire même de les couper en morceaux pour
jeter les débris à la face de l‟ennemi. En face de la souffrance d‟autrui, ils se montrent indifférents,
stoïques. Ils ne seront pas faute de rire aux éclats des cris de douleurs poussés par un malheureux.
La souffrance d‟un ennemi est une cause de joie. L‟animal, lui, ne mérite aucune pitié.

Malgré ces défauts et ces vices, on peut dire cependant et on l‟a vu plus haut, que nos Bashi ont
conservé un fond de vertus naturelles, bien peu apparentes, il est vrai, mais qui n‟en sont pas moins
véritables. Au missionnaire de réveiller ces énergies endormies, ces germes, cette mèche qui fume
encore dans toute âme qui reste, malgré tout, naturellement chrétienne, comme disait Tertullien.

CHATIMENT DU MAL ET REMORDS. Nos Bashi n‟ont pas la vraie notion du vrai remord pour
le mal moral. Ils ne connaissent que la crainte et l‟intérêt. Puisqu‟à leurs yeux, il n‟y a pas de
135

rétribution future, ils ne redoutent pas les châtiments de l‟au-delà. Et cependant, ils reconnaissent
que le vol, l‟adultère, le mensonge, le meurtre sont mauvais et que les coupables méritent un
châtiment. Parlez-leur de cela et ils l‟admettent sur le champ ; ces vérités sommeillent au fond de
leur cœur. Une simple remarque les réveille.
Mais à qui revient le droit de châtier ? Avant tout à la partie lésée. Ils semblent pratiquement
admettre que faire le mal n‟est pas défendu ; il suffit de ne pas se laisser pincer par celui à qui on
fait le tort. Nyamuzinda ne s‟occupe pas de ces « bagatelles ». Il laisse les vivants se débrouiller
entre eux, soit seuls, soit à l‟aide des « esprits ». Les Bashi ne s‟occupent donc pas de la justice
ultérieure et ne s‟occupent pas de faire le bien comme ils ne craignent pas de faire le mal en
prévision de la vie de l‟au-delà. Je n‟ai jamais vu un païen s‟en préoccuper ni de près ni de loin ;
ne pas se faire prendre, se précautionner contre les bazimu protecteurs de ceux à qui l‟on nuit,
éviter le jugement des chefs ou des anciens préposés à la justice, éluder la vengeance de son
ennemi, c‟est là tout le souci du voleur, du menteur, adultère, meurtrier.
Pour nos noirs, le mal qu‟ils ont fait de leur vivant périt avec eux, s‟ils n‟ont pas subi de châtiment
avant de mourir.

115. PHILOSOPHIE

On ne peut dire que nos noirs sont des FATALISTES. Ils ne disent pas comme le musulman
« c‟est écrit ». Le bonheur ou le malheur de l‟homme ne dépend pas de la détermination arbitraire
de Dieu, mais en grande partie de ses propres actions. Ils reconnaissent que l‟homme est libre ; ses
actions peuvent être influencées par les bazimu qui les contrecarrent souvent. Nyamuzinda lui-
même permet tout le mal fait par les bazimu. Mais au lieu de se renfermer dans une résignation
stoïque, ils cherchent par tous les moyens à éviter les coups des bazimu par des prières, des
sacrifices, des efforts personnels. Ils cherchent à connaître la cause de leurs maux. Cette cause
sert le plus souvent la malveillance d‟un muzimu, d‟un sorcier, d‟un sort. Ce n‟est pas une
détermination préexistante de Nyamuzinda. Il y a moyen d‟éviter un malheur. C‟est là l‟origine de
toutes leurs amulettes, de leurs continuels sacrifices. Donc ils ne sont pas fatalistes. Toute leur
philosophie se résume d‟ailleurs à la connaissance d‟un Dieu personnel, cause première de toute la
création, et son plan n‟est dérangé que par les « âmes désincarnées ».

Quant à LA FIN DU MONDE : ils ne se posent guère la question. De l‟ensemble de leurs


croyances, on peut conclure qu‟ils admettent l‟existence du monde pendant un temps très long.
Cependant un jour, alors que la voûte céleste sera impuissante à porter des bazimu en plus grand
nombre, elle cèdera. Tous les hommes seront devenus bazimu.

116. MANIFESTATION DE LA RELIGION DANS LES FORMES DIVERSES DE LA VIE


PRIVEE ET SOCIALE

La religion est la conversation de l‟homme individuel et social avec son Dieu. C‟est l‟ensemble
des croyances, sentiments, règles et rites individuels ou collectifs, visant un Pouvoir que l‟homme
tient actuellement pour souverain, dont il dépend, avec lequel il peut entrer en relations
personnelles (Christus, p. 9).
A s‟en tenir donc à cette définition, on doit reconnaître que les Bashi posent très peu d‟actes
religieux, tant privés que sociaux. Ils ne lui adressent aucune prière, aucun sacrifice. Dieu est bon,
il fait marcher le monde qu‟il a créé et puis ne s‟occupe plus des humains en particulier. A quoi
bon le prier.
Mais au-dessus de ce niveau, il existe des actes, des cérémonies, des émotions analogues à ceux
que d‟autres adressent à Dieu (Christus, p. 10).
Prières, sacrifices, culte et rites vont quelquefois à des êtres créés qui participent plus ou moins des
attributs divins. Ces êtres seront les « âmes désincarnées » de personnes illustres comme
Lyangombe, ou même de tous les morts.
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Entrer en relations avec ces êtres constitue un sentiment qu‟on pourrait appeler « infra-religieux »
(Christus II).
Dans ce sens on peut dire que les Bashi sont très religieux. Leur vie entière est remplie d‟actes
infra-religieux, qu‟il s‟agisse de leur vie privée ou sociale.
Il suffit de rappeler le culte rendu aux morts ; les offrandes à Lyangombe, et autres grands esprits,
les temples qui leur sont élevés, les prières quasi journalières qui leur sont adressées.
Aucun acte important de la vie ne se fait sans qu‟on songe à obtenir la bénédiction des mânes
ancestraux et des morts illustres, sans qu‟on cherche à conjurer leur courroux : du berceau à la
tombe, l‟intervention des mânes est constante, force est aux humains de se les rendre propices. Le
kurherekera est de chaque jour.
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117. RITES ET CULTES EN GENERAL

D‟après Nyangezi, les anciens Bashi n‟ont honoré que les bazimu familiaux et les bazimu de leurs
chefs décédés, et encore plus anciennement, disent certains vieux, seulement NYAMUZINDA.
Lors de la bénédiction du nouveau village de Ngweshe à Walungu le 04/12/1917, le Père Orth
entendit clairement dire que le culte des premiers ancêtres de la race allait à Nyamuzinda tout seul.
Le sacrifice comporte toujours :
1. l‟évocation de l‟âme désincarnée
2. la possession
3. la bénédiction
4. une certaine communion avec l‟ancêtre
5. l‟octroi de vigueur corporelle avec promesse de biens terrestres
6. la dépossession.

Le culte se manifeste encore par les libations, les prières, la génuflexion, le vœu, la continence et le
repos rituel, le jeûne, l‟abstinence et les tabous ou titances, le port d‟amulettes, etc.

LE CULTE DE NYAMUZINDA est très restreint. On en a vu le motif, inutile de se le rendre


propice. On fait cependant quelque chose en son honneur, voir 113. En Irhambi, les indigènes
disent qu‟ils offrent de la bière à Nyamuzinda. Voir au 118 ce que nos noirs pensent de
Nyamuzinda.

CULTE DES ANCETRES FAMILIAUX

1/ SACRIFICE AUX ANCETRES (kuvuga ennama) DANS LA HUTTE FAMILIALE

Il se fait par le père dans la hutte de sa femme. La hutte a reçu une couche d‟herbes fines. Le père
prend de la bière qu‟il met dans une cruche sur un coussinet. Il y trempe le tuyau (musiho) en
asperge un côté de la hutte, l‟y trempe de nouveau, en asperge l‟autre côté, puis met le tuyau en
travers sur la gueule de la cruche.
C‟est le signal convenu pour que l‟âme de l‟ancêtre vienne en lui. Aussitôt donc son ancêtre
muzimu vient dans le père. Ce dernier a pris près de lui sa famille et un ami, son assistant :
mwimanzi owarhola. Le père ne parle plus, le muzimu parle par sa bouche, il dit : Mmuhire,
omusingo ezi ngula (que je salue ces gens). L‟ami dit : We ndi ? il répond : Nye… et il dit le nom
de son père. L‟ami : Oyishe bwinja… un tel… ogashane ? il lui présente le tuyau : Oyanke
mapipi : prends de la bière. Le possédé aspire une gorgée, la crachotte sur l‟assistance ; tous
battent des mains en disant : Oganze : merci. Et ils se mettent à lui faire leur prière : donnes-nous
le bonheur, des enfants, des vaches etc, etc. éloigne telle maladie etc. Le père possédé leur promet
tout. Puis il prend un vase d‟eau où il a craché un peu de bière, y trempe des branches de mutudu
(ficus), asperge l‟assistance, touche chacun à la tête, bras, jambes, reins, etc. les comprime même.
C‟est pour leur donner des forces, la fécondité, etc.
On lui amène aussi le bétail qu‟il asperge de même. C‟est sa bénédiction. Après cela il dit : Nkola
naja ha katungutungu : voilà que je m‟en vais en haut. Il lève les bras, baille en disant haa, et
l‟esprit sort de lui par la bouche. On ne sait où il va là haut. L‟ami dit : Ogendage bwinja,
orhagenda na omugondo (ne pars pas en colère), vade in pace !)
Revenu à lui il ne sait ce qui s‟est passé. On lui dit qu‟on vient de sacrifier et il fait l‟étonné. C‟est
tout. La mère peut aussi se faire posséder par son ancêtre muzimu qui est sa mère. Chacun le peut,
car chacun est censé succéder à un muzimu. Au père succède le fils aîné, à la mère de la fille
aînée, au mari mort sans enfants succède la première femme à l‟épouse morte sans enfants succède
sa mère à l‟épouse mère d‟un garçon succède son garçon au frère aîné succède le frère cadet au
garçon seul déjà âgé d‟environ 14 ans succède le père ; à son défaut la mère ; à une fille orpheline,
de mère succède le père ; à son défaut la mère ; à une fille orpheline, de mère succède son frère, à
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un garçon orphelin succède son cadet à celui ou celle qui meurt avant la puberté ne succède
personne. Pour mieux comprendre le rôle de la succession, il est bon de les comparer avec le rôle
de l‟offrande au défunt (117), car ces deux rôles se compénétrent.

2/ OFFRANDE A UN DEFUNT

Deux ou trois mois après l‟enterrement du père de famille, le successeur du mort construit près de
l‟enclos familial une hutte minuscule en herbes, appelé lûsho. Après l‟avoir tapissée d‟herbes
fraîches, il y met les objets chers au défunt : lance, arc et flèches, couteau, parures, vêtements,
vivres préférés et quelques charbons ardents ; il lui refait son logis en miniature.
Puis il se met à genoux, avale une gorgée de bière de bananes et en crache quelque peu sur le seuil
de la hutte, en demandant au mort de le bénir, de lui procurer bonheur, santé, richesse et fécondité.
Un garçon ou un homme marié ne peut sacrifier à ses frères plus âgés ou moins âgés que lui, que si
son père est mort ; encore faut-il que ses défunts eussent été en âge de se marier ou le fussent déjà.
Une fille ou femme ne peut le faire pour ses sœurs plus ou moins âgées qu‟elle si sa mère vit
encore ; si sa mère est morte elle peut leur offrir un sacrifice si elles avaient été mariées.
Le père sacrifie à son fils défunt devenu grand, non pas à ses filles.
La mère sacrifie à sa fille déjà mariée, mais non pas à ses fils défunts. Le sacrificateur familial est
le père de famille. On sacrifie surtout en cas de maladie, de cauchemar où l‟on a cru voir et
entendre, le défunt. Quand la famille déménage, le père sacrifie habituellement tous les morts
adultes de la famille.

BENEDICTION DE LA HUTTE / DES BIENS DE LA FAMILLE

Le père prend une poignée d‟herbes quelconques qu‟il met sur le sol de la case et y dépose les
biens qu‟il désire bénir. Puis il prend une clochette, l‟agite pour appeler l‟esprit de son ancêtre ; il
dit : Larha ogashane, ompe obuzibu, ogishe bana bawe, ebirugu burha abandi, nakuha empanzi
(père béni, donne-moi de la force, bénis tes enfants et tous mes biens qui sont tes biens. Si mes
enfants ne deviennent pas malades et que je puisse en avoir encore d‟autres, je te ferai cadeau de …
un taurillon).
Ce VŒU vaut pour le temps spécifié, après 1, 2, 4 ans.
Au moment d‟accomplir son vœu, il va trouver de suite le mufumu ou le mudahwa lequel dit : c‟est
bien, apporte de la bière. Quand il l‟apporte, il amène en même temps le taurillon promis. Le
mudahwa dit : « Oui c‟est bien le taureau voué ». Un solide gaillard saisit le taureau ; lui enfonce
le bras dans la gueule, enlève de l‟estomac un peu d‟herbes, que le mudahwa met dans la bière et il
dit à l‟homme : « Va boire cette bière seul avec ta femme, puis vous coucherez ensemble » ce qu‟il
fait. Puis le lendemain, il revient. Le mudahwa lui dit : « Tuez à présent le taureau » ; on le tue et
on le mange. C‟est là la viande sacrée. Le mudahwa reçoit la peau et les boyaux. La famille
mange de cette viande. Ce double sacrifice montre combien le culte indigène ancien a été
imprégné par celui plus récent de Lyangombe.

SACRIFICE TRIBAL AUX ANCETRES

Souvent le chef va sacrifier à ses ancêtres. Ce sacrifice est fait en son nom particulier et pour ses
besoins personnels, ou bien pour les besoins de la tribu tout entière. Les chefs qui peuvent sacrifier
ainsi sont : le Mwami, le Nakuno et le Nahano ; c‟est-à-dire ceux qui ont un luvumbu : arbre-
cimetière. Ils s‟y rendent par eux-mêmes ou bien envoient leurs grands sacrifices. Mais toujours il
y a avec eux le naluvumbu ou sacrificateur des luvumbu.
Ce naluvumbu est un homme quelconque, choisi hors du clan du chef par le conseil des grands. Sa
dignité est héréditaire s‟il a un fils en état de lui succéder, sinon le conseil en choisit un autre. Pour
sacrifier, le chef ou son envoyé, les grands et le naluvumbu se rendent au bois sacré avec du miel,
des bananes, un tambour. Le naluvumbu dépose miel et bananes sous le higombe du chef défunt,
139

qu‟il reconstruit s‟il le faut, et où il met une nouvelle jarre. Puis il bat le tambour pour appeler le
muzimu de l‟ancêtre et fait sa consultation sur le sujet qu‟il l‟amène : (issue de la guerre, de
l‟épidémie, de la famine, etc.). On dit que le naluvumbu voit le muzimu, lui parle, etc. ; c‟est sans
doute pour le vulgaire.
Le miel et les bananes ayant disparu, on dit le ngwi mugashane ou léopard habité par l‟ancêtre est
venu le manger. En cas de calamité publique, surtout avant une grande guerre, le chef fait sacrifier
sur toutes les collines à luvumbu, afin d‟avoir la protection de tous les ancêtres à la fois. Pour
sacrifier les grands portent toujours la peau de njuzi (serval).

CULTE DES ANCIENS HEROS

1/ CULTE DE L’ESPRIT NAMUKUMBA

D‟après les anciens, Namukumba était un « pur esprit » créé par Nyamuzinda, mais fixait sa
résidence dans un « féticheur » appelé son gardien. Il serait venu du Rwanda au Bushi, où il aurait
attiré sur lui l‟attention en élevant d‟un coup la grosse montagne Nyidunga à l‟Ouest de Nyangezi
(108). D‟après d‟autres, il serait venu du Bukunzi, pays des grands faiseurs de pluies, à l‟Est de
Nyangezi, au Rwanda. Il était homme, avait un serviteur nommé akashemwa et deux filles :
Nakanyere-Kalungu et Nanjuzi-lungu. Arrivé à la Ruzizi et ne pouvant le traverser, il aurait
détaché du flanc de la montagne un énorme rocher, l‟aurait fait rouler et aurait ainsi formé le « pont
de pierres » sur lequel on passe encore actuellement. Voici ce qu‟on raconte encore sur lui : le
gardien possédé de Nyamukumba avait trois femmes. Un jour il demanda à l‟une de ses femmes
de lui donner à manger. Elle refusa. Il en demanda à la deuxième, puis à la troisième ; même
refus. Furieux, il dit : « Aujourd‟hui j‟ai fini de vivre », et il partit. Intriguées, ses femmes le
suivirent. Tous ensemble ils arrivent au bord d‟un marais. Il dit à l‟une des femmes : « Passe par
ici ». Elle le fait, s‟enlise et meurt. On continue, on arrive devant un deuxième marais : la
deuxième femme reçoit le même ordre, s‟enlise et meurt. Même scène devant un troisième marais.
Enfin il arrive seul devant un quatrième marais, veut le traverser, s‟enlise et meurt.
Peu après un homme dont l‟enfant était malade voulut aller consulter l‟esprit de Namukumba sur le
bord du marais où il se personnifiait dans un autre féticheur. L‟homme prend avec lui 20 colliers
de perles pour lui en faire cadeau. Mais en route, pensant que c‟est trop, il en cache 10 dans les
herbes. Pendant la consultation, Namukumba, par la bouche d‟un féticheur lui dit : « Tu venais
avec 20 colliers et tu m‟en offres 10 ; tu ne profiteras pas des 10 autres ». En retournant chez lui
l‟homme veut ramasser les colliers cachés et y trouve à la place un grand serpent qui le met en
fuite.
Un autre homme alla lui aussi le consulter. Il avait emporté en cadeau deux belles grosses perles.
Pendant la consultation, Namukumba, lui dit : « Tu as en main une seule perle pour me l‟offrir, tu
as caché la deuxième dans ta bouche, ne voulant pas me la donner, eh bien cette perle y restera ;
jamais plus tu ne pourras l‟enlever de ta bouche » et c‟est ce qui arriva.

Pour sacrifier à Namukumba, on lui construit une petite hutte, qu‟on désigne sous le nom de
Kanamukumba. On y offre du miel, de la bière, de sorgho, et on y dépose un moment des
clochettes qui servent aux chiens pour la chasse. Si l‟on en a, on y dépose aussi des cristaux de
quartz.

2/ CULTE DE KANGERE. On appelle Kangere, le fils de Namukumba. Il aurait eu trois sœurs


et aurait vécu avec elles au Bushi. Un jour ils furent tous chassés du pays et s‟en allèrent au
Rwanda. Arrivés à la Ruzizi et ne pouvant passer, l‟aînée des filles prit un petit caillou, le jeta
dans l‟eau, le caillou se mit à grossir tellement que bientôt il forma un pont. Ils passèrent et peu
après ils moururent au Rwanda. Une autre version dit que Kangere était le pâtre Namukumba, et
qu‟ayant accompagné son maître, il disparut avec lui dans le marais, où ils s‟enlisèrent ensemble.
Voilà pourquoi, lorsqu‟on lui sacrifie on dit : Kangere ka Lungwe, nakuluka enshoho, ci
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ntakamanya amambalizo gayo. Erhi aha nshala aha Nyahungula, erhi bagula babirhi
barhabalamanyira, erhi aha mwirhuba aha nyamwirhuba nalya omuhya na omugikulu ; ho
nyakamira hamira omuhya mirhamba na omugikulu. (Je suis le petit frepâtre de Dieu, je tisserai
une sacoche, mais je ne saurais (faire) l‟intérieur. Il y a à la cascade, à la hutte, il y a deux hommes
d‟âge qui ne s‟y promènent (ne les franchissent) pas ; il y a à la mwirhuba (rivière) à l‟eau de la
mwirhuba, qu‟on y dévore une jeune femme et une vieille, à la Nyakamira (autre rivière) qu‟on y
avale une épouse ornée pour les épousailles et une vieille).

Pour sacrifier à Kangere on dresse une petite hutte ouverte devant et derrière ; on y dépose une
cruche à long col ornée de taches blanches verticales. Devant la hutte on dresse une pierre plate,
et on y dessine trois petites croix blanches (sans doute en souvenir des trois femmes, soit les trois
sœurs de Kangere, soit les trois femmes du gardien de Namukumba). On y plante aussi une lance à
manche très courte appelée Katumuzimu. A défaut de la lance, la pierre plate prend ce même nom.
Près de là on creuse un trou dont on garnit le fond avec des feuilles de bananiers. Aux côtés de la
hutte on plante des branchettes de mutudu (ficus) et tout contre ces branchettes s‟accroupissent
d‟un côté les hommes, de l‟autre côté les femmes.
Le côté des hommes est dit : cirhebo (le lit) de Lyangombe ; le côté des femmes est dit : cirhebo ca
imandwa. Nouvelle preuve de l‟emprise du culte de Lyangombe sur le culte primitif. C‟est dans le
trou qu‟on verse les libations de bière, le sacrifice se fait comme la plupart des autres ; mais la
prière comme on l‟a vue ci-dessus est tout à fait spéciale.

3/ CULTE DE BINDULA

On rencontre de rares indigènes qui vénèrent cet esprit. Ils lui donnent le titre de « fils de
Namukumba » mais semblent ne pas en avoir plus long à son sujet. Ils lui dressent aux carrefours
des sentiers, des huttes de paille surmontées de 4 tresses, plantent à côté des branches de mutudu
(ficus) et de pandanus, et par devant la porte une série de lamelles de bambous qu‟ils disent être les
lances de Bindula et de ses guerriers. A l‟intérieur de la hutte ils posent une écuelle contenant de la
terre blanche. Pendant le sacrifice ils offrent des haricots et des patates douces.

4/ CULTE DE MAHESHE

Maheshe est l‟ancêtre qui fonda le clan des Nabaheshe. Les gens de ce clan vivaient en paix mêlés
à ceux du clan Banalugendo. Ils étaient unis par des liens d‟amitié et de parenté. Un jour la
brouille se mit entre les deux clans, et les Banalugendo quittèrent et émigrèrent vers le Nord, vers
les pays Lukumbakumba. Ils y vivaient depuis longtemps déjà quand un jour ils perçurent la visite
des envoyés de Nyamuzinda, qui leur dirent : « Sortez d‟ici, c‟est la propriété réservée de
Nyamuzinda ». Mais les Banalugendo se moquèrent d‟eux et restèrent sur place. Alors
Nyamuzinda se fâcha et réveilla ses volcans, si bien que presque tous furent ensevelis sous la lave.
Pour honorer Maheshe et les Banalugendo on suspend au plafond de la hutte familiale un sac en
écorces et lorsqu‟on tue un taurillon ou une vache crève, on dépose dans ce sac un morceau du
filet, on l‟y laisse deux jours et le troisième jour on le mange.

5/ CULTE AU MUZIMU MULIRIMA (KUKOLERA MULIRIMA)

Mulirima est un des grands bazimu, placé sous les ordres de Lyangombe. Anciennement il était
considéré comme n‟ayant jamais eu de corps. C‟était un « pur esprit » très honoré ; mais comme
beaucoup d‟autres il a fini par s‟hybrider dans le culte de Lyangombe. On le consulte dans les
maladies, etc. Son représentant officiel est le sorcier (mulaguzi) Mushoho. Il y a beaucoup de
Bashoho, tel v.g. le nommé Kabalabala sur le territoire de Nyangezi.
Le mushoho en fonction porte au front un gros remède fixé à un diadème ; il a en bandouillère
toute une série de remèdes. Quand le malade veut le consulter, il y envoie un ami. Celui-ci s‟y
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rend sans cadeau, il s‟adresse v.g. à Kabalabala. « Bonjour Kabalabala. Il y a chez moi quelqu‟un
qui est gravement malade. Je viens demander de consulter Mulirima pour savoir s‟il va guérir ou
mourir ». C‟est bien, dit le mushoho. « Je vais consulter ; tu peux retourner chez toi, ce soir j‟y
serai ». L‟ami revient. Le mushoho consulte (ou ne consulte pas) Mulirima. Cependant la famille
du malade prépare un repas avec de la bière si possible. Au soir venu, le Mushoho s‟amène. A
quelques pas de la maison, il fait entendre une sorte de grognement. Ce grognement semble venir
d‟en bas (du kuzimu) à quelques pas derrière lui. Evidemment c‟est Mulirima qui s‟annonce, tous
en sont persuadés ; le Mushoho ensuite se met à lui parler, de sa voix habituelle ; « tu es mon père,
ma mère, je te supplie de me dire si ce malade va guérir ou mourir, guéris le… donne lui la
santé… ». Puis il se met à genoux devant la porte de la case, colle son oreille sur le linteau de
gauche, et écoute attentivement. Mulirima parle… toute l‟assistance entend une sorte de voix
rauque, un grognement sortir de la paroi. Mulirima se fait entendre. « Oui, oui, c‟est moi qui ai
rendu un tel malade, c‟est moi qui le tiens, mais je ne veux pas le tuer, il guérira (ou il mourra) ».
Le Mushoho intercède pour le malade… il dit en battant les mains : « Père Mulirima, quitte le
malade, ne le tue pas… donne lui la santé ! » Cela continue tout un temps sur ce ton… Mais voilà
que le muzimu se tait. Le Mushoho alors se relève. Il donne au malade à boire une eau lustrale où
il a mis du bihagazi, remède de Mulirima, lui met au cou un collier de malago (v. irago N° 95) lui
fait sur la poitrine une série de scarifications, y frotte de l‟huile chargée de remèdes. Puis il prend
un peu de bière, qu‟il verse sur la paille, qui aboutit au-dessus de la porte en disant : « Ennama
zigashane, obwanga bwa Mulirima » (que les mânes soient glorifiés… le remède de Mulirima). Le
malade est amené de manière à recueillir dans la bouche la bière qui dégoutte de l‟herbe. A ce
moment l‟assistance bat des mains, salue le muzimu, et lui fait sa prière : « Ô grand Mulirima,
protège-nous, accorde-nous la santé, fais que nous ayons des vaches, aide-nous à acquérir une houe
pour cultiver nos champs, bénis nos cultures » etc., etc. Après cela le Mushoho est souvent invité à
partager le repas, à boire un peu de bière… Il ne manquera pas de faire à Mulirima une légère
libation c‟est-à-dire répand sur le sol un peu de boisson. Puis on lui donne ses émoluments : un
mouton si Mulirima a déclaré que le malade guérirait… sinon il ne reçoit rien. Et le Mushoho
rentre chez lui avec le mouton. Si le malade mourrait, la parenté irait de suite reprendre le mouton
en disant : « Rends notre bien, puisque tu nous a trompés ».

6/ SACRIFICE DES PECHEURS DU LAC A L’ESPRIT MUHIMA WA NKANGU

Muhima wa Nkangu était roi à Chirhanga (Nord d‟Idjwi). Sa femme était Nanzige. Il n‟en eut pas
d‟enfant. Son suivant Murhwa s‟appelait Shabushenjegere. Il avait fiancé KANYERE fille du roi
de Mabula (presqu‟île de l‟O. du Kivu). Kanyere était allée à Chirhanga, mécontente elle en était
repartie. Arrivée au pied du mont Mabula, elle fut envoûtée par Nkangu et changée en pierre
(rocher qui a la forme d‟une femme tournant le dos à Idjwi). Son grenier, son jeu de dames
(muchuba) et sa cloche (mudende) furent aussi changés en pierres. Kanyere ne reçoit pas de
sacrifice. Son châtiment est pour son orgueil, car on dit d‟elle « Kanyere kabengaga Iju karhakula
yo masu » (Kanyere a méprisé l‟île Idjwi, elle ne peut l‟enlever à son regard). Les pêcheurs
honorent Muhima wa Nkangu pour une bonne pêche, une bonne traversée et contre la tempête. On
lui construit des huttes sur les bords du lac, on y met un pot avec une tige de fer (sa lance). Dans le
pot on met un peu de bière et une poule pour lui et sa femme, on y met des haricots, bananes mûres
et nshalala (résidu de bière) pour son mutwa. Celui qui sacrifie invoque Nkangu en étant accroupi
et grelotant de tous ses membres. Nkangu alors entre en lui et le sacrificateur dit : « Nyono
Muhima wa Nkangu ». Sa femme et ses enfants participent à son sacrifice. On cuit une poule, on
la mange, et les plumes sont piquées dans les cheveux ; le sacrificateur prend une gorgée de bière,
en crachote sur l‟assistance. On lui offre aussi une barque c‟est-à-dire un tronc de bananier jeté
dans l‟eau en lui disant : « Voici la barque que je te donne ».
Au moment du sacrifice on fait sa prière. Muhima wa Nkangu est autre que « Muhima wa irhwe »
le suivant de Lyangombe et honoré par l‟os d‟ivoire porté sur le front.
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7/ CULTE DE CIHANGAHANGA

Un truc employé par une femme de polygame jalouse, pour se débarrasser de sa rivale, consiste à
simuler la possession par le muzimu Chihangahanga. Chihangahanga est le muzimu d‟un mufa-
nshuzo : homme mort sans enfants mâles. Il est sensé s‟emparer des membres féminins ou des
épouses des hommes de la famille d‟un polygame et de manifester sa présence par la syncope.
Quand une femme jalouse de ses rivales veut s‟en débarrasser, elle simule donc un évanouissement
(luhungu). Les voisins aussitôt lui jettent de l‟eau froide sur le corps, surtout la face. Si elle tarde
à reprendre ses sens, on se figure que Chihangahanga s‟est emparé d‟elle. On dit donc à la
malade : « Akaba muzimu akugwerhi, achiderhage » (Si un esprit s‟est emparé de toi qu‟il le dise
donc). Si la malade ne dit encore rien, on prend des feuilles de tabac vert ou de mutuzo, on les
écrase dans le creux de la main, on y met un peu d‟eau, on met cette mixture dans les narines et les
oreilles de la malade en disant : « Arhule » (Que l‟esprit s‟apaise). La malade excitée se réveille.
Aussitôt l‟assistance dit : « Oleke oyu mulike, orhamuyirhe, rhugende e wirhu, baja kurherekera »
(Quitte cette personne, quitte-la, ne la tue pas, retournons chez-nous, qu‟on aille sacrifier »). Alors
la jalouse simule être en possession du muzimu et dit : « Ega, namulika chi barhenze luhali ; akaba
barharheza undi mukazi, lwo luhali, nayirha muntu muguma hano ». (Oui, je la quitterais, mais
qu‟on chasse la concubine, si on ne chasse pas cette autre femme, elle la concubine, je tuerai une
personne ici). Puis elle ajoute : « Banterhekere, banyubakire bushakalela bwani (enyumpa yani)
inkazikalukamweo, nalonza olikeka lwani, na kashona (bâton de femme), na oluku, na endaha, na
omurhengula, na echimane, na olugamba (belle perle) ».
Qu‟on m‟offre un sacrifice, qu‟on me bâtisse une hutte, pour que je puisse m‟y réchauffer ; je veux
ma natte et mon bâton et ma peau, et ma cruche, et une gourde à col allongé, et mon diadème et ma
belle perle). Puis « omuntu winyu oyu ntachimuyirhe chi okaba iba arhanterhekiri, nakamuyirhe,
nanachigaluka ». (Cette personne-là, la vôtre, je ne la tuerai pas, mais si son mari ne m‟offre pas
de sacrifice, je la tuerai et je m‟en irai »).
Alors le muzimu sort par la tête. On ramène la femme au logis, on avertit le mari. Si le mari est
crédule, il bâtit de suite une petite hutte provisoire, y met les objets désignés, promet au muzimu de
lui faire le sacrifice. Les objets y restent peu de temps. Après quelques jours il construit une
meilleure hutte, appelle chez lui la femme qui a assisté la malade et a fait parler le muzimu. Il
s‟accroupit avec cette femme et la sienne devant le feu, ayant devant lui un pot de bière posé dans
une écuelle. Il y trempe le chalumeau à bière, qui se remplit, le pose sur le plat, appelle le
muzimu : « Omuzimu ayishage, rhumurhekere » (Que l‟esprit vienne donc pour que nous lui
sacrifions), puis jette de la bière sur le feu avec le tuyau, y jette en même temps du sorgho. Le
muzimu vient de la femme, le mari dit : « Charhuma wayisire omukazi omu mpinga ka erhi
wamuyisire ntakachikurherekera ? » (Pourquoi as-tu tué ma femme sur les sommets arides, est-ce
que quand tu l‟as tuée je ne t‟ai pas offert un sacrifice ?). Le mari donne à boire de la bière à la
femme possédée ; elle crache trois fois par terre, la quatrième bouchée, elle la crache sur le mari
« obwanga obwo okazinterekera nani. Erhi okaziyorha wankashaniza omu nyumpa yani, mukazi
wawe arhachilwala » (Voici le remède, offre-moi aussi un sacrifice. Si tu continues à offrir dans
ma maison ta femme ne sera plus malade). Puis elle prend du mutudu, branche sacrée, la trempe
dans de l‟eau, frappe son mari aux pieds, aux genoux, aux reins, à la poitrine. Puis elle lève les
bras et dit : « Hiya ! » l‟esprit sort.
Le mari demande sa bénédiction. Alors le mari appelle par le même procédé le muzimu dans
l‟assistance. Le muzimu venu en elle, celle-ci boit de la bière deux bouchées, qu‟elle crache par
terre, la troisième sur la femme revenue à elle et dit : « Obwanga obwo » (Voici le remède). Elle
offre ensuite de la bière à la femme. Puis l‟assistante fait la divination c‟est-à-dire l‟invite à
l‟honorer. Ensuite la femme se met à genoux, la possédée la masse aux jambes à la poitrine, au
dos, puis la touche avec la branche sacrée aux pieds, genoux, reins, poitrine, dos. Elle fait de
même avec le mari. Puis elle étend les bras et le muzimu sort pour retourner au Katungutungu.
Elle redevient simple femme. Le mari lui offre à manger ; on mange ensemble, on lui donne un
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peu de bière qu‟elle va boire ensemble avec son mari à elle. Le mari crédule a déjà renvoyé la
rivale, surtout si lui-même n‟y tient qu‟à demi.

8/ CULTE DE LYANGOMBE ET SA CLIQUE (ASSOCIATIONS SECRETES)

L‟esprit de Lyangombe a pris dans le culte des Bashi une part envahissante, il a pour ainsi dire
hybridé le culte des mânes et des esprits purement indigènes. Et cependant il vient de l‟étranger.
Quand vous demandez aux Bashi qui est ce Lyangombe, d‟où il vient, ce qu‟il fait ils sont réduits à
« quia ». Ils en connaissent quelques bouts de légendes, quelques chants, la manière plus ou moins
précise de l‟honorer. Même ceux qui lui sont voués, les « imandwa » n‟en savent guère plus long.
C‟est que le culte de Lyangombe a été importé du Rwanda et que les relations entre Bashi et
Banyarwanda ne sont pas fort amicales.

QUI EST LYANGOMBE ? Ses sectateurs, mandwa, disent que c‟est un esprit tellement grand et
puissant, que quoique postérieur à Nyamuzinda, il est bien plus fort que lui. Plusieurs mandwa
vont plus loin : Lyangombe n‟est qu‟un autre nom de Nyamuzinda, créateur, en tant qu‟il est le
chef des bazimu. J‟en ai entendu me dire : Lyangombe est la génératrice de tout à l‟aide de
BINEGO son mari.
A vrai dire la masse des Bashi ne vont pas si loin. Ils disent que Nyamuzinda seul est le créateur et
que Lyangombe est simplement un esprit plus fort que d‟autres esprits et que jadis il fut homme.
Nyamuzinda l‟a créé et l‟a fait grand muzimu pour l‟aider à faire du bien aux hommes et arrêter les
bazimu inférieurs qui veulent leur nuire. Il est toujours bon, il se fâche seulement contre ceux des
imandwa qui violent les secrets de leur initiation ; s‟ils meurent on dit parfois : « Lyangombe a tué
un tel parce qu‟il avait trahi son secret » (Amuyisire okwenge abezire ibango lyage). De là le
proverbe : Omwira w‟ibango arhalibera ; akalibera limwirhe » (L‟ami du secret de Lyangombe ne
le trahit pas, s‟il le trahit, il le tue).

D’OU VIENT LYANGOMBE ? D‟après les Banyarwanda, il aurait eu pour grand-père Nyundo,
qui engendra Babinga, son père. Sa mère était Nyiragyangombe, alias Nyitamitumbi. Il eut un
fils, Binego, de sa femme Nyirakajumba. Lyangombe était mututsi, du clan Bega et serait sorti du
Karagwe, d‟autres disent du Ndorwa ou même du Nduga. Son père Babinga était chef, dit-on mais
on ne sait s‟il était roi ou seulement chef d‟une secte religieuse, les imandwa. Le nommé
Mpumutimuchunyi ayant voulu disputer à Lyangombe son autorité religieuse, celui-ci triompha
avec l‟aide de Binego, son fils né de Kajumba.
Mais au Rwanda, même, on trouve encore des vieux qui disent, que Lyangombe est un grand esprit
créé, qui n‟a eu ni père, ni mère ; d‟autres lui attribuent le titre de « fils illégitime ». Ici au Bushi,
si plusieurs acceptent la généalogie donnée ci-dessus, la plupart disent que Lyangombe n‟a pas eu
de père, mais qu‟il est né d‟une femme appelée Mabira ; ils l‟appellent Lyangombe lya Mabira.
Il aurait été roi du Rwanda, du temps que les Bashi occupaient encore l‟Urega (Bubembe). Il a
deux fils Binego et Muhima. Lyangombe porte encore le nom de Lyandindi, et de Lyahende, ici au
Bushi. On dit que son pouvoir lui vient de Nyamuzinda qui lui accorda le titre de « mulebi »
voyant. On dit aussi qu‟après avoir reçu son pouvoir, il en abusa pour usurper sur les hommes
l‟autorité de Nyamuzinda, qu‟il voulut prendre sa place, et que pour cela il est devenu l‟ennemi
personnel de Nyamuzinda. Au Bushi, on le dit très bon ; il garde spécialement ceux qui lui sont
voués. Ses adeptes ne lancent pas contre lui des imprécations comme ils le font contre
Nyamuzinda. Les non-initiés (enzigo) ne se font pas scrupule de se moquer de lui. Que si un
adepte s‟en moquait, il se rachèterait en offrant quelques colliers de perles au mudahwa c‟est-à-dire
l‟homme dans lequel Lyangombe entre pour parler aux hommes. Presque tous les chefs ont près
d‟eux un mudahwa, afin d‟obtenir ainsi sur leurs gens la bienveillance de Lyangombe. On croit
qu‟il n‟est pas localisé, mais se trouve partout.
D‟autres disent qu‟il se tient surtout dans les volcans et sur les sommets des montagnes « oku
mpinga » mais cette croyance n‟est pas très répandue. On entend souvent des femmes dire « yisha
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ibango », que brille Lyangombe, (ibango) secret des imandwa est alors pris pour leur chef
Lyangombe). Dire « lahira ibango » (jure par Lyangombe) donne la dysenterie. A noter que
ibango et kunu sont encore deux mots pris pour l‟esprit Lyangombe lui-même.

HISTOIRES

Il court au sujet de l‟histoire, de Lyangombe plusieurs variantes pour raconter sa mort. Bien que
venant du Rwanda, elles se racontent ici :

1/ Sa femme lui ayant demandé de lui donner une peau de buffle pour s‟en vêtir, il part en chasse.
Il rencontre 4 buffles, envoie entre eux sa meute de chiens, mais tous sont tués par les buffles. Il
s‟élance alors contre eux, est saisi par un buffle, jeté en l‟air et retombe sur un chikohwa
(erhytrina) où il meurt.

2/ Lyangombe joue au jeu de dame indigène (muchuba) avec Mpumutimuchunyi. Il perd 10.000
vaches. Il va consulter une jeune sorcière et la viole. La fille crie, Lyangombe s‟enfuit et va se
cacher dans un fourré. Peu de jours, après il rencontre la fille qui lui dit : « J‟ai conçu ». Il lui
demande de nommer l‟enfant, qui sera un fils Binego. Mais voilà que 5 mois après elle accoucha
d‟un garçon, qui dès le jour de sa naissance court faire paître les vaches de son grand-père, et
même en tue une. Le grand-père envoie un serpent et un vautour pour le tuer et le dévorer mais
Binego les tue ; il tue même 3 grands hommes de son grand-père, tue encore un taureau et le
mange en une seule nuit. Il tue Nyirakatoke qui lui a refusé des bananes et Nyirakajumba sa belle-
mère, qui lui a refusé des patates. Puis il retourne voir sa mère et trouve avec elle Lyangombe. Il
demande à manger à Nyiramitumbi sa grand-mère qui lui dit : « Mpumutimuchunyi a tout pris et il
se prépare à prendre même le pouvoir de ton père ». Peu après, il apprendra que son père joue
encore avec ce Mpumutimuchunyi, il s‟y rend, n‟est pas reconnu, dit à son père comment il doit
jouer, et le fait vaincre deux fois de suite. Binego alors brandit sa canne de cuivre et casse la tête
de l‟adversaire. Il se fait reconnaître à Lyangombe, qui récupère ainsi tous ses biens. Mais
l‟adversaire a une fille, laquelle à la mort de son père, a fui dans la brousse avec son fils Nantaluhu.
Cependant Lyangombe veut aller à la chasse, mais sa mère a rêvé qu‟il sera tué par un buffle et elle
s‟y oppose. Il passe outre et part avec ses serviteurs. Dans la brousse, il rencontre la fille de son
adversaire, ne la reconnaît pas, tandis qu‟elle le reconnaît. Elle lui dit : « Voilà un buffle, tue-le et
donne-moi sa peau ». Lyangombe envoie ses serviteurs, mais ceux-ci ne veulent pas. Il va donc
lui-même, et le buffle la saisit sur les cornes et le tue. En mourant il rentre dans un chikohwa, et
ordonne que tous lui offrent le sacrifice du kubandwa, tous, sauf les chefs.

3/ Lyangombe était un roi du Rwanda, du temps que les Banyamwocha étaient encore dans
l‟Urega. Un fils de leur clan, Kadusi, était passé dans le Rwanda du temps de Lyangombe. Il avait
avec lui un fils nommé Chihanga. Celui-ci enviait le pouvoir. Il alla trouver une jeune sorcière
appelée Mpumutimuchunyi et lui demande de lancer contre le roi Lyangombe un mauvais sort, ce
qu‟elle fit. Le roi alors se sentit poussé à aller chasser les buffles et les ayant rencontrés, il en prit
bêtement un par la patte, en reçut un coup de cornes et en mourut. Ses gens ayant entendu sa mort,
voulurent tous aller tuer ce vilain buffle. Ils y allèrent, hommes, femmes et enfants absolument
tous. Mais en route ils trouvèrent des ruches chargées de miel appartenant à Katanazi, perdues au
milieu des hautes herbes, et ils volèrent le miel. Katanazi furieux mit le feu à la brousse et tous
furent brûlés et moururent.

4/ HISTOIRE DE KIGERI VAINQUEUR DE LYANGOMBE

Kigeri, fils de Luganza qui tua les chefs du Ndorwa Katabiruru et Nzizamuramira. Jadis le
Rwanda avait de nombreux rois indépendants. Le plus puissant était Mukwege, gros, tellement
qu‟on lui avait fixé une ceinture de cuivre pour lui permettre la marche. Kigeri (Muzinga) était
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moins puissant que lui, et rêvait de prendre son pays. Ne pouvant réussir il fit accord avec un des
ses hommes, Nkuba, fils de Karema et lui dit : « Si tu peux tuer Mukwege, tu seras roi de son pays
et tu seras mon vassal ». Nkuba va le dire à son père. Celui-ci d‟abord ne veut y consentir. Enfin
il lui donne des conseils et des remèdes pour le tuer du premier coup de lance. Kigeri fait la guerre
à Mukwege et marche contre lui ; Nkuba le suit et le tue. Kigeri en l‟apprenant, songe à tuer
Nkuba. Il veut le surprendre et dit à ses gens de mettre sur sa route des femmes et des filles nues et
des pots de bière pour le faire soûler. Nkuba conseillé par son père refuse de regarder ces femmes
et filles et de boire de la bière. Kigeri cherche en vain un motif pour le tuer. Il se résout à lui
donner une colline. Puis il part contre le roi de Ndorwa. Pour y arriver il se travestit en mendiant,
prend une harpe et une hache qu‟il cache dans une cruche, et part avec trois hommes. Il reste 8
jours en route, ignorant du chemin, il rencontre Lyangombe et son serviteur Maheshe. Celui-ci
avait reçu de Kigeri une colline, mais voulant prendre le Ndorwa, il y fit la guerre, fut vaincu et
rentrait chez lui. Lyangombe demande où il va. Kigeri lui dit qu‟il va couper du bois. Lyangombe
lui dit : « Dis la vérité, je sais qui tu es et où tu vas, c‟est au Ndorwa ; voici la route à suivre ».
Kigeri arrivé chez le roi se présente comme chantre et faiseur de lits de peaux. Le roi le croit et
l‟admet à son service. La mère du roi soupçonne que Kigeri est plus qu‟un mendiant ; elle lui offre
de la bière ; Kigeri refuse (un roi ne peut boire de la bière d‟un autre pays). A ce signe, la reine-
mère reconnaît qu‟il est roi et en prévient son fils. Mais celui-ci ne la croit pas et l‟admet dans son
intérieur. Kigeri se dit : « Je suis dans la maison du roi. Son trône doit être le mien ». Et il lui
plante sa hache dans la poitrine. La reine-mère en est avertie en songe et veut fuir. Mais Nkuba a
su que Kigeri est allé au Ndorwa ; en 2 jours il le rejoint et arrive à temps pour tuer la reine-mère.
Il en avertit les gens de Kigeri. Celui-ci est furieux, mais faute de motif, il n‟ose le tuer. Force lui
est de lui donner là un bout du terrain. Puis Kigeri revient sur ses pas après avoir soumis tout le
Ndorwa. Il vient faire la guerre au Buhavu, puis rentre au Rwanda, puisque l‟arrivée des blancs
empêche de continuer ses conquêtes au Kivu.
Lyangombe avait reçu une colline chez Kigeri, mais rêvait de prendre le Ndorwa. Il y fut vaincu et
chassé. C‟est au retour qu‟il rencontra Kigeri. Kigeri revenu chez lui, voulut lui reprendre sa
colline, et lui fit la guerre. Lyangombe s‟enfuit avec ses gens, les mandwa, son ami Binego,
Nakazana son esclave et Nyabirungu sa sœur (d‟autres disent sa fille). Il se cacha dans les hautes
herbes. Là ils volèrent le miel des ruches de Bazinda et sa femme, gens de Kigeri. Celui-ci se
vengea parce que Lyangombe qui avait fait avec lui le pacte de sang, n‟avait pas craint de lui voler
son miel. Il mit le feu aux herbes. Lyangombe grimpa dans un chigohwa et y mourut. C‟est pour
cela que le mandwa l‟honore par un chirhebo où est planté un chigohwa.

DEVIN DU LYANGOMBE. On a rencontré déjà plusieurs fois le mot « MUDAHWA ». C‟est


le nom du personnage, homme ou femme, qui est censé posséder à demeure l‟esprit de
Lyangombe. C‟est par lui que ce génie manifeste ses volontés aux humains, leur parle, leur
accorde son appui, ses bénédictions. On lui donne aussi parfois le nom de « MWALIKWA » sage-
femme. Toutes les fois que le ou la mudahwa opère, il tient en main un coutelas, une spatule à
faire la pâte et des feuilles de mutudu, figuier sauvage. On s‟adresse à lui assis et les mains jointes
comme pour la prière. Voici d‟ailleurs un exemple des prières qu‟on lui adresse.
« Tu es mon père, tu es ma mère, c‟est toi qui m‟a donné des bras, des jambes, sur les sommets
(oku mpinga) tu demeures, garde-moi, garde mes enfants et mes vaches. Quand je serai bien
portant, je te donnerai de la viande et de la bière (entango = cruche de bière) ».

CHIRHEBO = autel (ou lit) de Lyangombe

On rencontre un peu partout l‟autel de Lyangombe, notamment tout près de la case des chefs et
devant de nombreux enclos familiaux, mais jamais aux carrefours et le long des routes comme pour
les autres esprits. Cet autel consiste en un arbre sacré, mutudu ou chigohwa, au pied et tout autour
est un cercle de cailloux, de 2 à 3 mètres de diamètre, dont l‟intérieur est couvert d‟herbes fines.
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Au pied de l‟arbre on a fixé, au moment de le planter, des branches de 4 sortes : kalaliri, murhanga,
efambohwe et lurhendezi (cordes de chiendents).
Le chirhebo est habituellement dressé au moment où le chef de famille vient d‟achever la
construction d‟un nouvel enclos familial. Pour cela il invite le mudahwa à venir procéder à la
cérémonie. Lui-même s‟y trouve avec sa femme et son fils aîné, son héritier. Dès que l‟arbre sacré
est planté, tous ensemble le saisissent, y compris le ou la mudahwa, et récitent la formule suivante :
« nous sommes à l‟abri de la contagion, si la grande maladie arrivait dans le pays, elle ne viendrait
pas ici, si nous arrivons sur l‟arbre nous sommes à l‟abri de la contagion (rhwazibirira echinja
chakayisha muno chihugo, chirhakahikaga hano rhwakuhika oku murhi rhwazibira echinja).
Alors le mudahwa asperge d‟eau lustrale avec une branche de mutudu tous les assistants et dit :
« vous tous, je vous donne la santé, ne soyez pas malades, que les mânes soient honorés, que
Lyangombe vous garde » (mweshi mweshi mmuhire obuzibu, murhalwale, emana zigashane,
Lyangombe amulange).
Cette cérémonie fut introduite avec le culte de Lyangombe. Tout père de famille qui a une vache
agit de la sorte pour son enclos avec le mudahwa. Il doit pouvoir le payer ; s‟il n‟avait pas de quoi,
le mudahwa le ferait à crédit. Désormais le chirhebo recevra la visite des malades de la famille.
La mère de famille y passera de longues heures dès qu‟elle aura conçu. Le père de famille voulant
aller en voyage, y plantera sa lance, demandera à Lyangombe de ne pas avoir d‟accidents en route.
Au retour il y fixera de nouveau sa lance, et remerciera pour avoir été bien gardé.
Les enfants n‟y vont guère s‟ils ne sont pas malades. Celui ou celle qui s‟y rend, offre
habituellement un peu de bière de bananes ou de sorgho à Lyangombe, et l‟asperge avec une
branche de mutudu trempée dans l‟eau, en disant : « Lyangombe ogashane ».

CULTE DE LYANGOMBE

Il est pratiqué plus par les femmes que par les hommes, et plus par les pauvres que par les riches,
ou plus exactement par le peuple que par les chefs. La raison en est que les femmes du peuple se
font initier à la secte des imandwa plus nombreuses que les hommes, tellement que presque toutes
les filles nubiles sont vouées à Lyangombe. L‟instruction religieuse réussit à faire tomber cette
coutume petit à petit. Les chefs le plus souvent ne lui sont pas voués, mais cependant
exclusivement aux ancêtres. Les chefs ou les propriétaires d‟une vingtaine de vaches, font venir du
Rwanda des taureaux choisis, destinés à la reproduction. Ils les prennent parfois dans leur propre
troupeau. Le plus souvent ils les vouent soit aux ancêtres, soit à Lyangombe, soit aux deux. Si le
propriétaire voue le taureau à Lyangombe, le taureau reproducteur est amené devant le ou la
mudahwa, pendant une réunion des imandwa. Le mudahwa asperge le taureau d‟eau lustrale, et le
propriétaire lui promet de ne jamais le tuer sans sa permission. Quand le taureau devient trop
vieux, on appelle le mudahwa, on abat la bête devant lui, on amène un nouveau taureau qu‟il bénit
comme le précédent. A chaque bénédiction le mudahwa lui promet une large fécondité. Les
pauvres agissent souvent de même, mais le taureau est remplacé par un bélier.
Personne ne peut frapper le taureau et le bélier sacrés, et ces bêtes peuvent aller se promener où
elles veulent sans être molestées. Jusque vers 1930 on rencontrait souvent les taureaux sacrés sur
les sentiers et plus d‟un devenait un vrai danger public. Depuis lors je n‟en ai plus rencontrés. En
examinant tout ce qui est dit sur Lyangombe, on serait porté à croire qu‟il est considéré avant tout
comme l‟esprit protecteur de la fécondité.
Le culte de Lyangombe se manifeste surtout par les sacrifices et les cérémonies des imandwa c‟est-
à-dire des adeptes spécialement voués à cet « esprit ». Il semble même qu‟on doive considérer
comme adeptes de Lyangombe la secte immonde des « ntazi » (voir 76) et celle des
« benekayange » dont il sera parlé ci-dessous.
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SACRIFICE A LYANGOMBE

On a vu aux n°s 65 et 117 comment les femmes enceintes vont souvent sur le chirhebo ; au n° 68
comment les enfants malades sont soumis à la protection de cet esprit. On a vu également au n° 77
le sacrifice à Lyangombe fait par les parents de la fiancée. J‟ai dit aussi comment tout le culte est
dirigé par le mudahwa ou plus exactement par le mudahwa, car Lyangombe s‟empare surtout des
femmes (95).
Voir aussi l‟action de cet esprit par l‟iris (irhanga) (95). Il me reste à dire un peu plus en détail
quelques autres sacrifices.

OFFRANDE POUR OBTENIR DE LYANGOMBE LA BENEDICTION SUR LA FAMILLE


(NTEREKERO)

Cette offrande est annuelle et se fait surtout dans un jeune ménage. Elle a lieu pour la première
fois après la naissance d‟un enfant. Elle est toujours précédée de l‟offrande aux ancêtres de la
famille, l‟offrande appelée « kuvuga enama » (v. 117 début).
Dès qu‟a pris fin le sacrifice aux mânes ancestraux, le père de famille peut faire son offrande à
Lyangombe. Il va donc trouver le père de sa femme et le prie de préparer l‟offrande. Le beau-père
se procure un petit pot de bière, quelques bananes mûres, des branches de ficus et un vase d‟eau,
envoie quelques colliers de perles au devin mudahwa en le priant de venir.
A la tombée de la nuit le devin s‟amène chez le beau-père. Le mari, la femme, les parents de l‟un
et de l‟autre, les enfants, tous se réunissent aux côtés du devin. Les deux pères ont en main des
grelots (clochettes de Muhima). On s‟assied à peu près dans cet ordre : devant le foyer, le devin, à
sa droite contre le lit la mère de l‟époux, l‟épouse, le mari et son père, à gauche les parents de
l‟épouse, près du foyer la bière, les bananes et l‟aspersoir de ficus. Le devin allume un bon feu, on
ferme la porte. Puis il dépose près du foyer ses instruments : une courge vide contenant des
graines sèches qui lui sert de grelots, et sa boîte à remèdes magiques composés surtout de cendres
variées etc. Il dispose un petit vase plein de bière en pleine fermentation s‟écoule du côté de
l‟épouse ; car ce sera la preuve que Lyangombe lui est favorable, la rendra féconde, agréera, le
sacrifice. Inutile de dire que le devin s‟arrange en conséquence. Dès que le ferment a « bien »
coulé, le devin salue et souhaite bonheur aux assistants. Jusque-là ce dernier n‟est qu‟un simple
mortel. Il va donc appeler en lui Lyangombe : les bras en l‟air il baille ; il grogne étrangement et…
et voilà possédé. Le beau-père lui passe alors un coutelas, une spatule de bois et le goupillon de
ficus. Le devin les saisit des deux mains, les pose verticalement sur le sol s‟y appuie en dandinant
de la tête, pousse un grognement et dit en la langue du Rwanda « écoute, toi, un tel (il nomme le
beau-père) je te ferai avoir des amis, du bonheur, des richesses ». Pendant ce temps, un assistant
en détache quelques grains d‟une grappe de sorgho, les jette sur le feu où ils se consument en
crépitant. Ce bruit indique que Lyangombe est réellement présent. Le beau-père remercie, en
tapotant des mains. Alors le devin demande de la bière. On la lui présente. Toujours appuyé sur
son étrange fagot, il aspire une gorgée de bière qu‟il crache par terre ; c‟est pour se purifier la
bouche. Il en aspire une deuxième qu‟il lance sur l‟assistance ; c‟est la bénédiction de Lyangombe.
Tous ensemble battent des mains en disant « ha ! ha ! que Lyangombe soit béni ». Le beau-père ici
lui fait sa prière où il demande de bénir sa fille et son gendre, de leur donner une nombreuse
progéniture, et de longues années de vie, puis il demande la même faveur pour lui-même.
A ce moment le devin procure à tous une nouvelle vigueur en les touchant l‟un après l‟autre aux
reins, au cou, à la poitrine, aux mains, aux pieds, à l‟aide du goupillon trempé dans l‟eau lustrale ;
il le fait dans cet ordre : le mari, l‟épouse, le beau-père, le père du mari, la belle-mère, la mère du
mari ; les autres en son exclus. A chacun d‟eux il donne une gorgée de bière en disant : « Voici le
remède de Lyangombe, que les ancêtres soient bénis ; prends un peu de bière, et tu seras
vigoureux ». Pendant qu‟il réconforte les membres il a pour chacun des deux époux des paroles
spéciales. Au mari « marche avec prudence, va et reviens de même ». Quand le beau-père a été
réconforté, il adresse au devin cette prière : « Tu es mon père, tu es ma mère, implore pour moi le
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maître (Dieu) (ceci semble prouver que nos noirs savent que la puissance des âmes, même du grand
Lyangombe (qui parle ici par la bouche du devin) vient du Maître du tout « ahamwirhu »).
« Seigneur donne-moi une autre fille comme celle qui est ici présente, qu‟elle engendre un autre
enfant : fais qu‟on m‟envie comme celui qui a de la chance et qui peut se moquer impunément des
autres ». Le devin lui ayant tout promis, il ajoute : « Si vraiment j‟obtiens un autre enfant, je te
ferai une offrande comme celle-ci et certainement je t‟honorerai dans ma descendance ». Les
autres se contentent de lui faire leur prière ordinaire : « Donnez-nous bonheur, richesse, santé,
fécondité ». Cette cérémonie terminée le devin leur donne une autre bénédiction avec la bière
sacrée, mais cette fois chacun la reçoit en silence : tous se lèvent, sont aspergés d‟eau lustrale,
claquent des mains et crient : « Ha ! ha ! ha ! que Lyangombe soit béni ». Puis le devin les
réconforte encore une fois comme il a été dit, mais personne ne le prie ; Lyangombe a fini. Le
devin le lâche de la manière déjà décrite. Il est devenu simple homme.
Alors il saisit sa courge à graines, l‟agite violemment et s‟écrie : « Que les suivants de Lyangombe
(les emandwa) s‟approchent ». Il jette sur le feu des graines de sorgho ; elles crépitent les âmes
sont là. Ce sont : Muhima, Kangere, Chiyaga, Nabinji et d‟autres encore. Les deux autres vont
entrer dans le beau-père et dans le père du mari, les deux autres dans sa belle-mère et sa mère. Les
deux pères appellent en eux ces âmes en agitant des grelots ; le devin agite les siens pour appeler
les autres dans les deux mères et en même temps appeler dans l‟épouse l‟âme du grand-père du
mari. Ce dernier n‟est pas possédé. Le père du mari se met alors à siffler comme pour appeler les
chiens de Kangere, ancien chasseur, à imiter le bruit de quelqu‟un qui crache. Il prend du feu et
fait semblant de vouloir tout brûler. Puis on lui passe de la bière dont il bénit les autres comme a
fait le devin se met à faire de la divination, à prédire, « réconforte le mari et sa femme, reçoit leur
prière, les asperge d‟eau lustrale et lâche l‟âme qui le possède ? A son tour le beau-père devenu
Muhima prend un gourdin, l‟agite, en frappe le sol avec rage comme pour assommer un animal en
brousse et branle la tête en disant : « Bruu ! bruu ! bruu ! ».
« Je suis Muhima en colère, donnez-moi de la bière ». On lui donne un mare de sorgho qui a servi
pour la fermentation de la bière ; il s‟en frotte la figure, en mange, en crache par terre. Puis on lui
met sur la tête un bonnet de peau de bête, on lui présente de la vraie bière qu‟il avale
gloutonnement, et en crache une gorgée de bénédiction à la face des autres. Le mari à genoux le
prie alors de la sorte : « Donne-moi des forces et à ma femme aussi, pour que nous ayions des
enfants vigoureux ». Il répond : « Je vous donne des enfants féconds ». Puis il masse fortement le
mari aux reins en disant : « Aie des reins vigoureux », de là il passe aux autres membres avec ces
mots : « Que toutes les âmes désincarnées te gardent ». Il asperge l‟assistance et lâche l‟esprit de
Muhima. Les deux mères ne font rien de particulier. L‟épouse en possession de l‟âme de son
grand-père dit : « Hiya ! hiya ! salut à l‟assistance ». Le devin lui donne de la bière en disant :
« Ne viens pas en colère ». Elle répond : « Ne mentez pas, ne mentez pas. Je suis un tel (elle dit le
nom du grand-père) je suis mort, je suis mort, je suis mort ». Et l‟assistance de répéter en chœur en
battant des mains « salut à toi, ce n‟est pas nous qui t‟avons tué, ne viens pas en colère. Elle bénit
alors tout le monde en crachotant de la bière, en donne à boire à son mari qui la prie par ces mots :
« Seigneur donne-moi des forces ». Puis elle dit : « Si vous me construisez un mausolée, j‟y
viendrai souvent ». Et tous ensemble répondent : « Nous te le construirons ». Elle ajoute :
« Mettez-y des cruches, une natte, une peau de vache et je vous bénirai ». Après quoi les trois
femmes en même temps lâchent l‟âme qui les possède. C‟est la fin de l‟offrande à Lyangombe.

On a remarqué que ces « possédés » emploient des instruments, ont des gestes différents.
Instruments et gestes ne se comprennent que par l‟histoire de ces âmes désincarnées. Le goupillon
de ficus rappelle le ficus dans lequel Lyangombe fut brûlé vif ; les sifflements de Kangere font
penser aux chasses à course de celui-ci ; le gourdin dit que Muhima vécut en fugitif dans la
brousse, etc. Ce n‟est pas le lieu de narrer ici ces histoires.
149

SACRIFICE TRIBAL A LYANGOMBE

Ce sacrifice a lieu une fois par an, au passage des cigognes (wakala-mwaka). Le chef consulte
d‟abord le féticheur, pour savoir si Lyangombe accepterait un sacrifice. Si la réponse est favorable
et c‟est toujours le cas, il appelle les hommes d‟âge et les imandwa de son pays. Il appelle aussi un
mudahwa et des sages-femmes ; fait amener un taureau et de la bière ; un grand pot, dit le pot de
Lyangombe, est déposé dans la hutte des ancêtres (ngombe). On arrange le lit (chirhebo) de
Lyangombe, on y met de l‟herbe fraîche, et aussi un pot (kabindi) orné de feuilles fraîches diverses.
Alors le mudahwa et chaque homme se met au front un diadème de feuilles.
On apporte encore un couteau (ngorho), une spatule à brède, des feuilles du figuier sauvage
(mutudu). La mère du chef les prend en mains, puis le mudahwa lui donne de la bière ; d‟une
première bouchée elle se rince la bouche, puis en boit, et en crache deux fois par terre ; ensuite elle
crache une gorgée sur son fils, et delà sur tous les hommes. Le féticheur qui représente alors
Lyangombe, venu en lui, donne à boire de la bière au chef, au mudahwa, aux hommes après quoi il
fait la divination (alagula) et annonce si la famille du chef sera heureuse ou non. Tous alors, le
chef, le mudahwa, les hommes (bagula) prennent la main du féticheur de Lyangombe et lui disent :
« Reste ici bas notre roi ! ». Après cela le mudahwa prend de la bière, en boit, en crache sur les
bagula et tous disent en la recevant sur eux « obwanga obwo (voici du remède) et le remercient ».
Puis il demande au chef le taureau pour être partagé ; on l‟amène et on le lie. Après cette scène,
Lyangombe et chaque imandwa (bakangula) massent légèrement le chef, comme pour lui infuser
de la vigueur, et tous ensemble vont se laver à la rivière voisine (le chef lui est lavé par le
mudahwa) et entonnent un chant à l‟honneur de Lyangombe. Les hommes vont alors couper des
bâtonnets sur la rive opposée et viennent les planter sur la rive où tout le monde se trouve ; c‟est
pour arrêter les maladies qui voudraient la franchir et venir dans le pays ; ils coupent aussi de
l‟herbe pour en garnir de nouveau le chirhebo (lit de Lyangombe). Alors on tue le taureau. On
revient près de la demeure du chef, qu‟on masse ou asperge comme on a fait pour le chef, et on
pose des herbes fraîches sur le lit, et sur le seuil. Le chef alors bénit toute l‟assistance. Après quoi
le mudahwa présente au féticheur de Lyangombe une brebis en disant : « Voici notre brebis, lie-la,
elle nous bénira, elle mettra bas un bélier, si tu vois qu‟elle maigrit mange-la, mais laisse le
bélier ». Si déjà elle avait un bélier, on le lui montrerait, et il le caresserait en disant qu‟il est beau.
S‟il était crevé avant le sacrifice, on mettrait ses cornes dans la maison et on les montrerait à
Lyangombe. Un peu après, on amène le bélier (ou un autre ?) devant le féticheur de Lyangombe
qui lui donne des coups de poing ; les hommes font tous de même. On lui coupe la bourse et le
féticheur s‟en frotte la figure. Les bagula la prennent en mains, dansent et disent au chef leur
souhait de fécondité, puis le mudahwa la fixe sur une lance, qu‟il pose contre l‟arbre qui se trouve
au milieu du lit de Lyangombe (chirhebo) ; on tue la bête qu‟on distribue également à tous. Alors
le féticheur de Lyangombe étend les bras, bénit l‟assistance, ouvre la bouche, lâche l‟esprit de
Lyangombe. La cérémonie est finie.

ASSOCIATIONS SECRETES DE LYANGOMBE

A/ IMANDWA

On appelle « imandwa » l‟association des hommes et des femmes qui se sont voués spécialement
au culte de Lyangombe. Pour en faire partie il faut que le féticheur en donne le conseil. Les
« imandwa » Bashi ont, semble-t-il, essayé de signer l‟association de même nom qui a vogue au
Ruanda et à l‟Urundi. Tout l‟indique, le vocabulaire employé ainsi que les principales cérémonies.
Elles diffèrent cependant par bien des côtés ; celle des Bashi a notamment quelques rites
immondes, qui n‟existent pas chez leurs voisins.
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1er DEGRE
Le profane (qui ici s‟appelle chirhenzi, au Ruanda ngizo nom qui s‟emploie parfois aussi au Bushi)
le profane donc qui désire se faire initier, va trouver le féticheur, lequel après une courte
consultation des esprits lui dira si oui ou non il peut le faire. Si la réponse est favorable, il lui dit
d‟aller faire un pacte, un accord avec le mudahwa ou la mwalikwa, pacte qui se fait en jetant sur le
foyer des graines de sorgho, dont le crépitement indique si oui ou non sa demande est agréée. La
réponse étant favorable le chirhenzi alors pique dans la paroi de la hutte son offrande au mudahwa
soit une pioche en disant : « Yo yawe ! » (C‟est la tienne).

2ème DEGRE
Au jour désigné a lieu la cérémonie de « kuj‟e chirhebo » aller sur l‟autel de Lyangombe. Le
mudahwa qui possède quasi à demeure l‟esprit de Lyangombe, s‟amène à la hutte du récipiendaire.
Il lui servira de parrain. Prenons que la récipiendaire soit une jeune fille, car presque toutes les
jeunes filles sont vouées à Lyangombe avant leur mariage, poussées par leurs parents et par
l‟espoir d‟être bénie dans leur mariage. La fille commence par payer au mudahwa 10 colliers de
perles (un fundo). Puis elle se procure un peu de sel, des bananes mûres, une jarre de jeune bière
de bananes (makangavu), une assiette de buntu (pâte de sorgho) un morceau de viande de chèvre et
un peu de bukuu (poudre d‟un certain bois). Elle se rend au jour venu avec sa mère et souvent son
père chez le mudahwa, portent ces objets appelés pour la circonstance « bibango » cadeaux
d‟initiation. Tous ensemble (le mudahwa, la fille et ses parents) se rendent au chirhebo du
mudahwa, et s‟assient sur la litière circulaire. Le mudahwa est au milieu, à sa gauche la fille, à sa
droite la mère, en face du mudahwa le père. Entre le mudahwa et l‟arbre on dépose un van, sur
lequel sont placés les bibango, sauf la jarre de bière, qui se place sur le côté. Pendant la cérémonie,
l‟assistance vide la bière, après avoir demandé l‟autorisation au mudahwa.
Le mudahwa aspire avec la pipette une bouchée de bière, qu‟il crache
sur la poitrine de la fille, puis il prend la fille, l‟adosse devant lui
père bière
contre l‟arbre et dit : « Hiya ! ka mwashala washe, ka musinzire ezi
arbre ngula » c‟est-à-dire est-ce que vous n‟êtes pas digne d‟honneur, est-
van ce que vous ne glorifierez pas ces gens-ci ». Le père alors fait son
fille mère salut et sa prière, il dit au muzimu qui est dans le mudahwa « asinge
mudahwa yagirwa, we ntula amaboko namagulu, nabusire omwana wani
omumpere nani emisi (c‟est-à-dire je te salue beaucoup toi, c‟est toi
qui me donnes la vigueur des bras et des jambes, j‟ai engendré mon
enfant, donne-moi aussi en cela des forces). Le mudahwa répond « ega washe, mwira wani,
okwenge onyereka echibondo chani, nasimiriza washe, mwira wani ». (Coui certes parce que tu
me montres mon enfant, je suis très content mon ami). Puis le mudahwa saisit la fille, lui donne un
peu de bière et dit « mwira wani, oyanke obwanga (mon amie, prends ce remède). Puis il fait
entendre un grognement « huu huhu » et lui asperge la poitrine avec de l‟eau, se servant pour cela
d‟une branche de mutudu, et lui dit : « ojile amagala, irhondo ojile nawabo aba bana » (soit forte
désormais, sois maîtresse de tes enfants).
A ce moment Lyangombe est censé habiter dans la fille. Elle même se met à parler le même
langage que le mudâhwa « Hiya ! ka mwashala washe, ka musinzire ezi ngula » (est-ce que vous
n‟êtes pas honorable, est-ce que vous ne glorifierez pas ces gens-ci)».
Alors le mudahwa fixe au cou de la fille un collier d‟herbes (peut-être des feuilles de mutudu) lui
frotte de la terre blanche (ngwa) sur le front, le sternum, les deux épaules, les deux poignets et bat
avec une branche de mutudu trempée d‟eau lustrale les deux chevilles, les deux genoux, les reins
au dessus des fesses. Cette opération a pour but de la rendre agile, vigoureuse (kugandula). A ce
moment le père de famille fait sa prière et ses promesses, il parle à peu près comme ceci en
s‟adressant au muzimu du mudahwa « we larha, we nyama, we ndugo, we mwomo, ompe nani
mwana (mukazi) (tu es mon père, tu es ma mère, tu es ma spatule et ma cruche… (Formule de
politesse) donne-moi un enfant ou une femme). Il continue ompe nani nkavu okazindanga oku
ndwala (donne moi des vaches, tu me garderas en maladie)… bulya we Lyangombe, we odwirhe
151

wachiza abandi bantu, we kasinga (car tu es Lyangombe, toi qui est guérissant de tous les hommes,
toi que tu sois glorifié) we konkwa (à toi merci). Erhi omwana wani wakakula nakukuhe echibuzi,
kandi obagi obujera (quand mon enfant sera grande, je te donnerai un mouton, puis tue-le pour tes
adeptes). Le mudahwa répond : « ntangaza bulunga, ntakusimisa, ntakajanjagira obujera bwani
(j‟étonne par le remède, je n‟en suis pas content et ne rendrai pas mes adeptes douillets).
Alors le père présente la jarre vide et dit : si mon enfant grandit, je t‟offrirai de la bière et un bélier
blanc et des bananes, et du sel et du bukuu etc.
La cérémonie est finie.
A ce moment tous ensemble vont à la demeure du père, si possible là où la fille naquit. Le
mudahwa asperge l‟intérieur avec l‟eau lustrale pour la bénir. Il asperge le front de la fille et dit :
« obwanga chibondo chani, okazihinga, okazishenya, nani nkuhe amagala » (voici le remède mon
enfant, tu cultiveras, tu iras chercher le bois, et moi je te donnerai la force). Puis on se rend à la
hutte de la fille, le mudahwa l‟asperge et dépose sous l‟oreiller de sa couchette la branche qui a
servi d‟aspersoir. Cette cérémonie faite, tous se rendent à la fontaine en chantant, on s‟y agenouille
et on s‟y lave le haut et le bas du corps, après quoi on se remet à chanter en revenant au village ; on
chante « abana ba kahunga luzanyo (les serviteurs du muzimu kahunga, l‟admirable).
On revient près du chirhebo, le mudahwa en tête, l‟enfant derrière, lui puis suivent les parents et
assistants. Arrivés près du chirhebo le mudahwa place l‟enfant à côté de lui, l‟asperge encore
d‟eau lustrale, asperge l‟assistance disant des paroles de bénédiction ordinaire. L‟assistance se met
à battre des mains en signe d‟assentiment, demande au muzimu Lyangombe de rester avec eux,
puis en guise de merci dit : « nema zigashane » (que les mânes soient glorifiés). Le mudahwa lève
les bras tant qu‟il peut en l‟air, comme s‟il voulait s‟étirer et s‟écrie « ahaa, ahaa ! nkolera ha
katungutungu » « ahaa ! ahaa je pars en haut). (Katungutungu signifie en haut, au dessus de nos
têtes, mais tout près. Lyangombe ne veut habituellement aller au loin pour mieux garder ses clients
et se rendre compte de ce qui se passe chez eux). Et Lyangombe est censé le quitter, en sortant par
la tête.

3ème DEGRE
Après quelques mois il faut faire le « kuyatura ».
Cette cérémonie commence vers 8 heures du soir. Elle débute dans la hutte familiale du jeune
homme ou de la jeune fille à initier. Cette cérémonie est en effet le prélude de l‟initiation
proprement dite. On y a préparé de la bière de deux jours (entulama) qui mieux que toute s‟habille,
il couvre ses épaules d‟une peau de chat-tigre (njuzi), prend en main une spatule, une lance et des
branchettes (chuhagiro), se met au front un diadème (lulerema) de feuilles de muhu (sorte d‟herbes
à mauvaise odeur). Près de lui se place le père, qui pour lors joue le rôle de Binego (fils de
Lyangombe), et qui se munit d‟un coutelas, comme pour défendre l‟entrée aux profanes. Puis on
offre un sacrifice de la manière habituelle aux ancêtres de la famille, dans le but, semble-t-il de les
empêcher de procéder aux cérémonies qui vont suivre. Et on se met à boire de la bière et à chanter
à l‟intérieur. Après quoi on s‟adresse au mudâhwa, on lui fait sa prière, il fait ses promesses à peu
près comme il est dit ci-devant ; à ce moment on pourrait se retirer et remettre le reste à plus tard,
mais habituellement on poursuit et on procède au 4ème degré.

4ème DEGRE
C‟est le kushola ou kugeza oku chirhebo. Le père du récipiendaire, sur les indications du féticheur,
a préparé une grande quantité de bière, parfois plusieurs dizaines de cruches. Les initiés
« imandwa » sont convoqués. Le mudahwa est assis sur un siège ; il a devant lui de la bière dans
deux cruches en terre, deux courges, deux pots ayant servi à y mettre de l‟huile. Près de lui, le père
qui est Binego, la mère qui représente Nabirungu.
Tous se mettent de la terre blanche en forme de croix sur le front, la poitrine, le dos et au cou des
feuilles de muhu, et prennent en main une tige de sorgho ou un roseau vert ; ils se disent appeler
« mon arbre »nye karhi kani. De plus Binego se couvre d‟une peau de chat-tigre (njuzi) et avec
Nabirungu, couverte d‟une peau de mouton, agite des clochettes. Une des initiées qui devra
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représenter l‟esprit Kagoro se couvre également d‟une peau de njuzi. Le mudahwa saisit alors un
coutelas qu‟il porte pointe en bas, enfermé dans un faisceau de feuilles de chigohwa (erhytrina) de
mutudu (ficus), de lushasha (herbes des marais) et de roseaux, et donne l‟ordre du départ. Il est
environ minuit. La procession se met en route. En tête, Binego, chargé de chasser les profanes ; il
est suivi du mudahwa, puis des imandwa avec le récipiendaire ; en queue vient l‟initiée Kagoro.
On se dirige vers le mulinzi erhytrina de la brousse ; dont les abords ont été nettoyés la veille par le
père (Binego). On y fait du feu. Et tout de suite le mudahwa s‟y met sur un siège qu‟on y a
déposé. Toute la procession se met à tourner autour de l‟arbre et à chaque fois que les initiés
passent devant le mudahwa, ils lui font la génuflexion, lui demandent des enfants, des vaches, des
biens, et il répond par un grognement approbateur. A quelques tours, le mudahwa quitte son siège
et y installe le récipiendaire et la bande recommence, à tourner. Cette fois ce n‟est plus une simple
prière, mais ils font à ce novice les questions les plus crapuleuses, et des actions dont il vaut mieux
ne rien dire. Suit une scène vraiment diabolique de luxure, pendant laquelle a lieu l‟initiation. Le
novice est entraîné un peu plus loin couvert d‟immondices abjectes, pendant que la bande continue
à se livrer à la débauche. Tout le monde est nu, sauf les femmes mariées, car ce serait pour elles un
cas de divorce. On ramène alors le nouvel initié, on lui fait dire le nom de toutes les graines
connues, sorgho, haricots, etc. et cela dans le langage de la secte. Le mudahwa l‟y aide. Après
quoi au milieu des chants obscènes, la procession revient au village dans l‟ordre du départ. L‟un
des initiés porte un panier dont le bord supérieur est orné de sorgho. La bande passe devant les
huttes familiales (car il fait déjà jour) et s‟y arrête un moment. Le mudahwa s‟avance et reçoit des
habitants à genoux devant lui leur prière (enfants, vaches, santé, biens) les asperge d‟une eau
blanche de ngwa ; en retour la famille dépose un peu de haricots, de maïs, de sorgho, etc. dans le
panier. Quand la bande a fait le tour des huttes, elle revient devant la demeure du nouvel imandwa,
et se livre à une danse obscène. Après une dernière gorgée de bière, les « possédés » lâchent leur
« esprit » et tout le monde se disperse. Y a-t-il des cérémonies plus nombreuses, y a-t-il
notamment l‟initiation aux attributs des esprits imandwa, la scène des miracles, embiême du secret,
les agapes (ukugabulirwa) et celle de la confirmation (ukusubira ku ntebe), je n‟ai pu le savoir.
Ce que j‟ai pu en decouvrir se réduit à ceci : Il y a des initiés de haut grade ; on les appelle
« bigwagwa » et « bizaza ». Lors de leur initiation, une femme a, pour l‟aider un parrain, un
homme a une marraine, s‟ils étaient jeunes gens, la fille aurait une marraine, le garçon un parrain.
Pendant la cérémonie on égorge un taureau ; si la bête urine à ce moment, tous se réjouissent, c‟est
un signe de bonheur. On peut remplacer le taureau par un bouc. Après la cérémonie ont lieu des
agapes. Le récipiendaire a au front le dessin d‟une croix blanche, au cou un collier d‟herbes
puantes (muhu). On fait après les agapes la danse finale (omu irhembo) au carrefour devant la hutte
du nouvel initié. On dirait que ceux qui ont introduit le kubandwa dans le Bushi n‟avaient pas été
initiés à ces hauts grades qui existent au Ruanda. Le kubandwa du Bushi n‟est qu‟une parodie
honteuse du kubandwa du Ruanda.
Actuellement les scènes d‟orgies dont il a été question ci-dessus semblent heureusement vouloir
diminuer. Beaucoup se font encore initier, mais sans se mettre en costume d‟Adam, sauf la seule
récipiendaire pour les heures seulement de la cérémonie nocturne, par respect pour les autres
membres de la famille, et le retour au village n‟est plus accompagné de chants obscènes et la danse
obscène n‟a plus lieu, du moins aux environs des lieux où il y a des Européens, et aussi sans doute,
parce que les chrétiens se multiplient un peu partout et protesteraient contre de telles insanités.
Ainsi qu‟il a été dit au N° 77 la plupart des filles subissent cette initiation. Et les filles chrétiennes ?
Au dire d‟un vieux catéchiste, les deux tiers d‟entre elles la subiraient sous la pression de leurs
parents païens. Si elles s‟obstinent à ne pas vouloir, le père force sa fille à prendre en bouche un
peu de farine et à la cracher dans un roseau préparé dans ce but. Le roseau est envoyé chez le
devin, qui à sa vue menace la fille de maladies et de stérilité. Le père prend ensuite le roseau, le
montre à sa fille en lui répétant les malédictions du devin, et le plus souvent la pauvreté cède autant
de la colère de son père qu‟à la crainte de rester stérile et d‟être rejetée par son mari futur.
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Noms des Imandwa : les initiés hommes prennent les noms de Binego, Muhima, Maheshe,
Murhwa.
Les femmes se disent : Nabinji, Nakazana, Nalugendo et Nanzibira.
Il n‟y a pas ici la longue nomenclature des noms employés par les initiés du Ruanda.

LANGAGE DES INITIES AU KUBANDWA (INITIATION DE LYANGOMBE)

MASHI LANGAGE DES IMANDWA

lait marha lubula, mashanjika


sel munyu ngokolo
levure de bananes makangavu mapipi
bière mamvu makongwe
banane mûre muneke mbuvu, lwibonge
viande nyama mamura
tabac irhabi akamira
pipe nkono rukono
pot nyungu nkono
eau amishi makanga
chalumeau à bière musiho mukanga
écuelle kabehe ruhohoro
lance itumu ishongoro
serpette ngorho mbugita
enceinte, cour lugo lugogoro
maison nyumpa nshakara, shababo
feu muliro kashirira
vache nkavu chinyabuligo, yomangenda,
namulinzo
chien akabwa kakungu
pot à eau kabindi chibindi
peau luhu lubugu
garçon murhabana mwere
fille munyere nyachikohwa
femme mukazi ngonakazi (meretrix)
homme fait mulume mukulu murabo
chef de province nahano mutwali wa ebirezi
vieillard mushosi mukungu
serviteur mwambali munyamputu
s‟en aller (ku)genda (ku)nyura
dire, parler derha -gambura
jeune mariée muhya muhyobera
engendrer -burha -butura
en secret omu mahwa omu kasozi
oui ega nesha
Lyangombe Lyangombe Lyahende
initié imandwa ntimbwa
parrain du postulant ? omurholaga
profane ? murhonda, nzigo, chirhenzi
allumer -asa muliro -kora muzigo
initier ? -rhola
père larha data
remède bufumu bwanga
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ensemble des initiés ? bujera


initié, adepte ? chibondo
kaolin ngwa balala
goupillon d‟herbes chishahulizo chihaguro
diadème d‟herbes chimane lulerema
parlant à Lyangombe ?
on dit : ………… ? lwishe data
aux oisifs on dit : ka murhakola chichi ka mwabwatire oku ntini ?
réponse du mudahwa : erhi kuhire obuzibu eti ndakuhaye humure

CHANT : mushute akahwira, date Lyahende ayumbe olwimbo, ahaa ! abana ba kahunga rhuja nyo
(battez vivement, que notre père Lyangombe entende le chant, ahaa ! enfant de
Kahunga… le reste ne se traduit pas)

B/ BENAKAYANGE
Ce nom vient de Nakayange : grand muzimu.
On peut mettre cette association secrète sous le patronage de Lyangombe, comme il sera dit ci-
dessous.

ORIGINE. Cette association ne date au Bushi que de 1910.


Voici comment on raconte son origine :

Dans le pays de Nakalonge (Ouest du Bushi) un jour un groupe de jeunes-filles et jeunes-gens


étaient allés couper du bois. Soudain ils entendirent des cris et virent leurs parents fuir dans toutes
les directions. Les soldats attaquèrent la population. Pendant l‟attaque ils mirent le feu aux herbes.
Les jeunes-gens en furent vite entourés et périrent dans l‟incendie.
Les âmes de ces malheureux revinrent trouver les vivants et sur leur instigation fut créé :
l‟association de ceux qui voulurent les honorer. Bientôt des Bashi se laissèrent initier, et la secte
prit naissance ici. La première fut MWA MUNANDI, qui en 1916 habitait près de la mission
Nyangezi et était considérée comme le grand chef de la secte.

COMPOSITON : Cette association réunit surtout des femmes (peu d‟hommes, peut-être 5 % en
font partie). Tous les membres prennent un nom spécial qui est celui du muzimu auquel ils sont
voués dans la secte et qui durant les réunions est censé venir en eux.
Voici d‟après Mwamunandi, qui me les cita à moi-même, les noms des esprits banakayange, et
en même temps la hiérarchie.
Lubaga : esprit mluzi : grand chef homme
Bushuli : père et Nabihumbi, mère de Lugaba
Namuhenge : femme de Lugaba
Nabifundo : grand-mère de Lugaba (d‟autres disent sa 1ère femme)
Tous ceux-ci sont considérés comme principaux dans la secte, puis viennent les sous-chefs de
Lugaba :
Kalinda : son fils
Kunjuga : son oncle
Au-dessous, les principaux suivants :
Ses fils : Kagurula, Kajangala, Nkashenya, Nalukoma, Chibilindikanya, Kahyuhyu, Mugobola.
Ses filles : Nakangu (nom porté par la femme grand-chef), Namukenge, Nakahemba, Nangubuka,
Namaboko, Nampenzi, Nanzokora, Namugubu, Nakabuko, Nampumura, Nangalumera,
Nangokoma, Lwahoza, Namusiko, Namusheke, Nandogomo, Chibonahwa.
Ensuite viennent les serviteurs et servantes, soit les :
Bakambaza (jeunes-gens) et Banabirhali (jeunes-filles).
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Les serviteurs et servantes adultes se disent : Bakajangala. Banakayange est le nom générique de
toute la secte.

REUNIONS : Les réunions ont lieu de temps à autre, mais surtout à l‟époque du sorgho et en cas
d‟épidémie.
Le grand-chef Lugaba parcourt le pays en faisant entendre un cri spécial « huu huu !», « qu‟il
obtient en appuyant les doigts sur les coins de la bouche entr‟ouverte ».
On s‟assemble au sommet d‟une montagne sur laquelle est une hutte de dimensions moyennes et
qui sert pour les dignitaires pendant la danse.
Le Lugaba a pour insigne un bâton spécial (buhiri), une peau de serval (njuzi) en bandouillère, une
coiffe en peau de fauve (nsimba). Sa marche est celle d‟un ivrogne qui branle la tête et grogne. La
grande cheffesse porte deux grands bambous (ce sont ses tambours). Toutes les femmes portent
une hotte sens dessus-dessous sur le dos, tiennent en mains plusieurs variétés de roseaux et ont les
seins couverts d‟une petite peau.
Les chants et les danses durent parfois une nuit entière. Puis tous en groupe parcourent en vrais
possédés le pays en quête de vivres. Il faut leur donner bon gré mal gré, sous peines d‟être battu. A
ce moment aussi ils forcent d‟autres à se faire membres et l‟un de nos catéchistes ne dut qu‟à
l‟agilité de ses jambes de n‟être pas percé de la lance en 1917 pour avoir refusé. Ils recueillent ainsi
des vivres appelés par eux « mishangishangi » composés de : bananes mûres, haricots, patates
cuites, bière et viande de bœuf et de mouton. A noter qu‟ils appellent leur mouton : leur cochon
(ngulube).
Ces vivres leur servent pour les ripailles de la nuit. Un jour je rencontrais un groupe de près de 100
banakayange, à Nyalukemba ; je les arrêtai, leur fait un catéchisme de circonstance, tous
écoutèrent respectueusement, et se dispersèrent ensuite. Pendant les nuits de danses, les adeptes ont
leurs insignes et allument les fagots d‟herbes par dessus desquels ils sautent, pour honorer les
jeunes-gens brûlés dans la forêt. Leurs chants sont très mélodieux et de sens assez anodin : - hee :
rhwalukoma wee hee : rhwashenga lukoma… (hee nous la frappons à petits coups : hee nous
prions la bananarie) Ŕ Hee ! Kambaza (chant à l‟esprit des jeunes-gens initiés) Ŕ hee ! Nandogoma
wa rhwilonge hee ! Kayange wee ! (chant à Nandogoma et Kayange du pays des bambous
Nakalonge) Ŕ Hee ! Nabirhali (chant à l‟esprit des jeunes-filles initiées) ; elya ngulube yirhu, elya
nshenge yirhu (voici notre mouton, (chocho) voici notre sanglier), aaah ! bwira Lugaba we !
Nakumina ashurha mukazi (aaah dis à Lugaba que Nakumina (homme) a frappé une femme- hee !
Nangokoma wahona ironge, Kabilikombe naluhona e lubako lwahuruma, onanisusagura (Hee !
Nangokoma tu descends de la forêt de bambous (exclamation), j‟en descends par les côtés
silencieux, tu … ?).

INITIATION. Les jeunes filles ne sont pas admises dans l‟association, mais bien les mariées et les
jeunes-gens. Ce sont des femmes qui prennent le nom des jeunes-filles bazimu de la secte. Presque
toujours ce sont des femmes. C‟est une mwalikwa, sage-femme qui fait offre d‟initiatrice. Celle qui
veut être initiée en avertit la mwalikwa, et donne un collier de perles. L‟initiatrice vient chez
l‟aspirante avec de la terre route (mugola) et des herbes sèches de chigololo.
L‟aspirante a dû préparer trois cruches de panade de sorgho (mushunga), trois cruches de bière de
bananes, un plat de patates douces avec un autre plat de feuilles de colocases, des haricots, des
bananes, un coq ou une poule. On entre, quelques femmes se tiennent déjà dans la hutte mais pas
un seul homme. L‟initiatrice met en bouche un peu de chigololo et en mange aussi. Les assistants
(hommes non initiés, appelés bazamba, hommes de rien) battent l‟un un petit tambour, les autres
frappent sur des morceaux d‟auge à bière.
Sur l‟ordre de l‟initiatrice, l‟aspirante est possédée par l‟esprit Nachiyoba, et pousse des cris aigus.
Puis toutes les femmes ensemble sortent avec les cruches et la nourriture, et se mettent à danser au
son des tambours, longtemps jusqu‟à ce que la fatigue se fasse sentir ; alors tous mangent et
boivent. La nouvelle initiée les sert toutes, mais ne peut toucher à la nourriture. A noter que pour la
danse, toutes ont revêtu des feuilles de bananiers autour des reins, au-dessus des habits ordinaires,
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et se sont frottées de terre rouge au front aux épaules et à la poitrine. Après le repas, l‟initiée met
par-dessus sa peau de vache, un pagne de ficus et toutes se remettent à danser et à chanter.
Soudain l‟initiée tombe en pâmoison, elles la recouvrent de leurs feuilles de bananiers (lukoma) et
d‟ordures, et on continue une danse effrénée. Puis tout à coup l‟initiée sursaute et court dans la
brousse. Toutes les femmes revêtent d‟autres feuilles de bananiers, courent après la fuyarde et la
ramènent, pendant que les hommes se sont mis à danser. Au retour toutes ensemble rentrent dans la
hutte ; l‟initiatrice dit à l‟initiée de lâcher l‟esprit qui la possède et se l‟interchangent, puis lui met
en bouche un peu de nourriture, lui donne à boire de la bière. La cérémonie est terminée, chacun se
retire. L‟initiatrice reçoit pour paiement 6 colliers de verroterie rouge.

LANGAGE. Pendant les réunions, les Banakayange usent de nombreux mots incompris par les
Bashi. Ces mots viennent sans doute, en partie du moins, du pays de Nakalonge, où ont été inventé
à dessein.

HYBRIDATION AVEC LES IMANDWA. Les Benakayange semblent s‟être fusionnés avec la
secte des imandwa. Ils ont adopté le culte à Lyangombe. Le Lugaba est en même temps mudahwa.
Dans leurs réunions ils agissent l‟une fois comme benakayange, l‟autre fois comme imandwa.
Mwamunandi, leur première femme grand chef était en même temps mudahwa, c‟est-à-dire
possédée par l‟esprit de Lyangombe. Au pays de Ngweshe, le nommé Luheke, portait les deux
mêmes titres. Lors de la dernière réunion, dont j‟ai connaissance (fête d‟intronisation de Ngweshe)
il portait, outre de nombreux colliers au cou, un gourdin en bois et des branchettes de mutudu, et
on s‟adressait à lui comme à Lyangombe. L‟hybridation a été d‟autant plus facile que presque
toutes les jeunes-filles sont vouées à Lyangombe avant de devenir adeptes des Benakayange.

CULTE DES ESPRITS QUI DEPENDENT DE LYANGOMBE.


Les fervents de Lyangombe ne se contentent pas d‟honorer cet esprit, ils vénèrent également les
esprits qui se rattachent à lui, que ces esprits soient de sa famille ou bien qu‟ils fussent de ses gens.
Il y en a un bon nombre, mais leur culte va le plus souvent à ceux qui sont indiqués ci-dessous.

A/ CULTE DE MUHIMA ET DE MAHESHE


MUHIMA : qui semble être le Kagoro des imandwa chez les Banyarwanda, est le fils cadet de
Lyangombe.

HISTOIRE. On raconte ceci à son sujet. Un jour il y avait deux garçons, fils du même père. Le
père mourut. L‟aîné était Muhima, le plus jeune Ruhanga. Muhima était occupé à faire pâturer les
vaches et les moutons, voilà que des ennemis font irruptions, s‟emparent des troupeaux et
menacent Muhima de leurs lances. Celui-ci eut peur et leur dit : « Je ne suis qu‟un voyageur, je ne
fais que passer par ici. Les troupeaux qui sont là je ne sais à qui ils appartiennent, laissez-moi
donc continuer ma route ». On le laissa partir. Dès que son jeune frère en a connaissance, il
appelle tous ses suivants, court sus aux voleurs, les met en fuite et reprend tout le bétail. Revenu
au village, il retrouve Muhima et lui dit : « pourquoi donc as-tu eu peur » ? Muhima devint rouge
de hôte, et tout le monde vint se moquer de lui. Ne pouvant le supporter, il quitta le village et se
cache dans la brousse. Il traversa d‟abord des mishashu (herbes coupantes) ; pour ne pas se
blesser, il se fit tout petit, puis passa à travers des roseaux et là il se fit tout à fait long mais il en
mourut. Ce qu‟apprennent, ses suivants eux aussi quittèrent le village et allèrent, je ne sais où.
Voilà pourquoi les hommes et surtout les femmes lui offrent des sacrifices.

Celui qui veut honorer Muhima doit aussi faire un sacrifice à Maheshe (différent de Muheshe,
indiqué plus haut). Pourquoi aux deux en même temps ? Je l‟ignore.
Le temple où on le prie peut être soit une hutte à deux portes, soutenue au centre par un stic de
mutudu avec au-dessus une pierre plate (il habite dit-on le stic), soit encore une excavation le long
157

d‟une berge, excavation qu‟on recouvre d‟un latis et de mottes de gazon ; en arrière est planté le
stic au sommet est posé une pierre portant des taches rouges et blanches.
Pour le sacrifier, il faut avoir sur la tête une coiffe avec des plumes de perroquet et tenir en main du
tabac, une serpe et un bâton, d‟aucuns disent : un arc, des flèches et des bâtonnets (lusingo) pour
faire du feu. On lui offre de la levure de bière, de la pâte de sorgho, une poule voire même des
crabes. Mais seuls les hommes à barbe lui font des sacrifices. De plus important en son honneur, au
front, une dent de phacochère taillée en fine corne.
A Maheshe on offre en même temps du sel et des bananes.
Il y a des hommes qui possèdent un mouton voué à Muhima une libération de bière, on saisit le
couteau qu‟on lève en l‟air en disant « Muhima s‟est tué et en immole la bête. A sa place on pose
le premier mouton, qu‟on laisse en paix et qu‟on ne peut frapper ; il est devenu sacré. Il y a même
des jeunes-filles qui se sont vouées à Muhima, mais j‟ignore comment cela se fait. Elles se servent
d‟un langage spécial dont voici quelques mots :

MASHI LANGUE DE MUHIMA


Cruche, jarre ndaha mushimira
tabac irhabi lutumbo
maison nyumba ruhimbi
dire -derha -honda
serviteur mwambali mwene Maheshe
homme muntu munyishaza
initié ? munyere
cracher -meshera -shesha myaga
aimer -sima nyogera
patte de crabe kuboko mwinene w‟ihiri
beurre mavurha lwibonge
homme (vir) mulume mwiralume
beaucoup bwenene washa
sois bien portant olame oharame

Il est curieux de voir que près de la hutte de Muhima, on en construit habituellement une autre pour
Nyamuzinda, dans laquelle on ne dépose qu‟un peut d‟herbe. Les deux sont alors désignées sous
l‟unique nom de Nyamuzinda. Cela vient peut-être du fait que le culte de Muhima est venu de chez
les Bahunde, pour qui Nyamuzinda n‟est qu‟un esprit ordinaire, et non le créateur.
On invoque Muhima spécialement contre la foudre, et il suffit le plus souvent de déposer quelques
petits roseaux contre sa hutte. Au culte de Muhima se rattache celui de sa fille : Muhima wa kiri
cha Murugu, épouse de Kahombo.
C‟est à cet esprit surtout que les filles sont vouées. Beaucoup la confondent avec Muhima lui-
même.

B/ CULTE DE BINEGO
Binego, on l‟a vu, est fils aîné de Lyangombe, et dans les réunions a la charge de chasser les
profanes. Il reçoit les sacrifices de ceux des imandwa qui lui sont voués. On lui construit une petite
hutte à l‟intérieur de l‟enclos, on y pique la lance, et on lui offre de la bière, des bananes et de la
pâte de sorgho, le plus souvent en présence du Mudahwa.

C/ CULTE DE NABINJI
Nabinji est l‟une des suivantes de Lyangombe. Elle est honorée surtout par les femmes. J‟ai
rencontré un jour un village où toutes les femmes étaient bariolées de lignes rouges en son
honneur, et toutes avaient, contre leur hutte, des bananes, des crabes et de la bière non fermentée.
Voici ce qu‟on raconte à son sujet :
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« Un jour il y avait un homme riche, nommé Kagenye, dont le fils était en âge de se marier, mais
ce garçon n‟aimait pas les jeunes-filles. Se promenant un jour à travers le pays, il passa le long
d‟une rivière, il y rencontra une femme mariée, fort belle, et il se mit à l‟aimer, elle-même lui dit
son amour. Cette femme était occupée à pêcher des crabes. Il la demanda sur le champ en mariage
et elle y consentit. Et lui, la dit : « Puisque tu me veux, emporte-moi sur ton dos ». Et lui la prit
sur son dos. Il l‟emporta donc chez lui. En route, elle lui enfonça les doigts dans la poitrine et les
jambes dans les reins. Dès qu‟il fut arrivé à la maison, il lui dit : « Descends donc » et elle de
répondre « je puis bien être portée, mais pas déposée ». Les servants du père voulurent l‟enlever du
dos, mais ne purent y réussir. Le garçon se mit à avoir peur et son père de même. On chercha tous
les moyens pour délivrer le jeune-homme, mais en vain. Et celui-ci se mit à pleurer, pleurer, trois
mois durant. Alors son père alla consulter le sorcier qui lui dit : « va chercher des crabes et des
poils d‟éléphant, du sel et des bananes, puis tu appelleras des petits enfants en grand nombre. Tu
mettras crabes, poils, sel et bananes sur un van. Dès que cette femme verra ces objets, elle se
détachera d‟elle-même, car elle aime tout cela ». Le père le fit et porta le tout à côté de la
femme qui se cramponnait au jeune-homme si fortement. Dès qu‟elle vit ces objets elle lâcha le
jeune-homme qui court aussitôt se cacher. Et la femme aussi disparut. Depuis ce jour, tous lui
sacrifient des crabes, des bananes, du poil d‟éléphant et du sel. Kayange est mort et ses gens aussi.
On dit que cette femme était Nabinji (muzimu) qui était de la sorte venue se faire connaître.

C/ CULTE DE NANZIBIRA
Encore un esprit féminin de la secte des imandwa.
On lui sacrifie dans la brousse, on lui dresse des huttes aux carrefours des sentiers. Là on amène de
nuit ses vaches, chèvres, moutons et ses nattes. Souvent on y tue un taurillon, on y festoie, et l‟on
s‟en va.

F/ CULTE DE NACHIYOBA ET SON FRERE BAHIZI


Ce sont deux esprits qui furent foudroyés et font partie du groupe Banakayange. On a vu plus haut
que la récipiendaire est possédée par cet esprit. Quand une femme initiée sacrifie à Nachiyoba, son
mari le fait à Bahizi. (cf. Initiation des Banakayange). On offre de la bière et des poules. Il est
probable, et la plupart l‟affirment, que Nachiyoba est le même esprit que Nabinji.

118. MYSTOLOGIE ET FOLKLORE

Les récits et légendes relatifs aux mânes des héros anciens ont été donnés au n°117. On en verra
quelques autres parmi les fables au n° 124.

Le rève, l‟image, les hallucinations etc. amènent à concervoir des êtres intermédiaires, génies,
esprits, doubles et âmes désincarnées, lutins et fées. Parmi ces êtres, les plus inconstants, les plus
ambigus, fées et follets, monstres composites ou BETTES ANTHROPOMORPHES, ressortissent
au folklore, qui avoisine le domaine des sciences religieuses, plutôt qu‟elles n‟en font partie
(Christus p. 16).

On peut donc ramener au folklore des Bashi les récits et légendes relatifs aux mânes des héros
anciens, cités à divers endroits de la présente monographie, notamment au n° 117.

FABLES DE FOLKLORE

OMUGANI GWA KATEGA BUCHURU MWENE NYANYA


(Fable de Kategabuchuru fils de Nyanya)
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1/ Kategabuchuru alalira okuja omu buhya, ci aba abula ebirugu. Lero akengera ahabona hagera
ensimba. Aciderha erhi najihira omurhego mula bulambo, ndole erhi nagwasa ehisimba hya oluhu
lwa engulo ndarhi, ngulemwo ebi nayambika mukanye. Aja omu bulambo, asika omurhego
muguma.

1/ Kategabuchuru se préparait à entrer en mariage, mais il manquait de biens. Donc il réfléchit où


il verrait passer un léopard. Il se dit : que j’irai mettre un piège dans cette brousse, que je vois si
je prendrai un petit léopard à peau de grand prix, que j’en achète de quoi habiller ma femme. Il
alla dans la brousse et tendit un piège.

2/ Erhi bucha, achiyunja, ashanga agwasize echibugu. Echibugu chamubwira erhi « Kategabuchuru
ndikuza, nani nakuliza olusika lurhali nka olu. Kategabuchuru achirikuza chagenda.
Kategabuchuru ashibisika gulya murhego. Erhi bucha achiyunja, ashanga agwasize oluntangulira.
Olutangulira lwamubwira erhi « Kategabuchuru ndikuza, nani nakulize olu siku lurhali nka olu!
Alulikula lwangenda. Ashubisika gulya murhego ». Erhi bucha ajiyunja ashanga agwasize emfuko.
Ayumva emfuko yamubwira erhi: «Kategabuchuru ndikuza, nani nakuliza olusiku lurhali nka olu.
Ayilikuza yagenda. Ashibisika, erhi hagera kasanzi ayunja ashanga agwasize empusi. Yamubwira
erhi : «Kategabuchuru, ndikuza, nani nakulikuze olusiku rhuli nka olu». Ayilikuza yagenda.
Anashibisika. Erhi abona bucha, ajiyunja ashanga agwasize omulazo, gwamubwira rhi :
«Kategabuchuru ndilikuza, nani nakulikure olusiku lurhali nka olu ». Ayilikuza yagenda.
Anashibisika. Erhi abona bucha, ajiyunja ashanga agwasize omulazo, gwamubwira erhi :
«Kategabuchuru ndikuza, nani nakulikuze omu murhego gurhayumanini na ogu.

2/ Au matin, il alla voir et trouva qu’il avait pris un taon. Le taon lui dit « Kategabuchuru, exauce-
moi, et moi aussi je t’exaucerai un jour qui n’est pas comme celui-ci. « Kategabuchuru, exauça, et
il partit (le taon). Kategabuchuru alla de nouveau dresser son piège, quand il fut matin, il alla voir
et trouva qu’il avait pris une araignée. L’araignée lui dit : « Kategabuchuru, exauce-moi et moi
aussi je t’exaucerai un autre jour qui n’est pas comme celui-ci. « il l’exauça et elle s’en alla. Il
alla de nouveau dresser le piège. Au matin il alla voir et trouva qu’il avait pris une taupe. Il entend
la taupe lui dire : « Kategabuchuru, exauce moi et moi aussi je t’exaucerai un autre jour qui n’est
pas comme celui-ci. « Il l’exauça et elle s’en alla. Il retourne dresser. Après peu de temps il
regarde et trouve qu’il a pris le vent qui lui dit : « Kategabuchuru exauce-moi et moi aussi je
t’exaucerai un jour qui n’est pas comme celui-ci. Il l’exauça et le vent part. Et il va de nouveau
dresser. Quand il voit le jour, il va voir et il trouve qu’il a pris l’éclair qui lui dit :
« Kategabuchuru exauce-moi et moi aussi je t’exaucerai un jour qui n’est pas comme celui-ci ».

3/ Agulikuza gwagenda. Ashubisika anajiyunja, ashanga agwasire kere. Amubwira erhi :


« Kategabuchuru ndikuza, nani nakulikuze olisiku lurhali nka olu. Kategabuchuru alikuza kere
achigendera. Kategabuchuru ashibisika, ashanga ehigikulu. Erhi ahika aha murhego, hilya higikulu
hyayirukira hyamubwira erhi „Kategabuchuru ndikuza nani nakulikuze olusiku lurhali nka olu.
Ahirikuza hyagenda. Ashubisika, lero erhi akola ajiyunja aja achiduduma erhi „Ndwirhe narhama
ntanabandana hisimba omu murhego. Nkola najiyunja , lero nkaba ntalonziri narhenzaho gulya
murhego gwani nyishi gutwana.

3/ Il s’exauce et l’éclair s’en va. Il retourne dresser et va voir, il trouve qu’il a pris une grenouille,
qui lui dit « Kategabuchuru exauce-moi, et moi aussi je t’exaucerai un jour qui n’est pas comme
celui-ci ». Katagabuchuru exauce la grenouille qui s’en va. Kategabuchuru s’en retourne dresser,
il trouve qu’il a pris une petite vieille. Quant il arrive là au piège, cette petite vieille se montre et
dit : « Kategabuchuru exauce-moi, et moi aussi je t’exaucerai un jour qui n’est comme celui-ci ».
Il l’exauce et elle s’en va. Et voilà que allant voir, il marche en murmurant, disant : je me trouve
fatigué, et je n’ai pas pris un petit léopard dans le piège ; j’irai encore voir et si je n’ai rien pris,
j’enlèverai mon piège et je le brûlerai.
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4/ Agenda alibisire aja aha murhego gwage, ashanga agwasize omunyere. Erhi arhachihika aha
murhego, ayumva omu murhego gwage mpu : « we ndi ? » Olya mulume akola igosi, abona
agwasize omunyere ; asima achishinga anachinyenyesa. Aja aha olya munyere ali. Ayumva olya
munyere amubwira erhi : « Kategabuchuru, ndikuza nani njiba mukawe ». Kategabuchuru erhi
ayumva okwo, amulikuza duba duba, amuheka emwage, amushola. Erhi Kategabuchuru ashinga
migobe isharhu, kurhenga ahajirire omu buhya, alalira okusheza, akolesa ebya omushezo byoshi,
abwira ababo beka boshi mpu : « bamurhwaze byo ». Kategabuchuru abwira mukage « Rhugende
njikusheza ». Mukage na abandi balalikagwa naye yenene, bayanka bilya birheganyibwe bajisheza.
Erhi bahika omu njira, omuhya aderha erhi « nie na ja embere, bulya murhakamanya enjira ya
emwirhu“. Bahundusa omuhya aja embere. Babona agera omuhina, bamushimba.

4/ Il s’en va encourant, et va là où est le piège, trouve qu’il a pris une jeune fille. Il n’est pas
encore arrivé au piège, qu’il entend dans son piège ceci « Qui es-tu ? ». Alors l’homme lève la
tête et voit qu’il a pris une fille. Il se réjouit, éprouve une vive joie et sourit. Il va là on se trouve la
fille, il entend cette fille lui dire « Kategabuchuru exauce-moi, et moi je serai ta femme ».
Kategabuchuru, dès qu’il a entendu cela, il l’exauce tout de suite et l’amène chez lui et en fait sa
femme. Quand Kategabuchuru eut attendu trois semaines depuis qu’il l’eut prise en mariage, il se
prépara à porter la dot, et dit à tous ceux du village qu’ils l’aident à les porter. Kategabuchuru dit
à sa femme : allons que j’aille apporter la dot. Sa femme, et ceux qui avaient été prévenus,
prennent ce qui a été préparé et vont porter la dot. Comme ils arrivent sur le chemin l’épouse dit :
moi je vais devant, car vous ne pourriez connaître le chemin de chez nous ». Ils se garent, se
mettent sur le côté et l’épouse va devant. Ils voient qu’elle passe dans un petit trou, ils la suivent.

5/ Erhi baba bamagera mulya hina, Kategabuchuru ashanga hilya higikulu hyamubwira erhi :
« We ndi ? ». Ahishuza erhi « nie Kategabuchuru». Ehigikulu erhi „ yaja we! Kategabuchuru we
alaha nabwine wankula we ; nkubwire Larha, hano ohika, okola walamusa nyakazala, ofunule
echirhiri. Okola walamusa shazala ofunule enyungu, Kategabuchuru erhi ahika, alamusa shazala ,
afunula enyungu, erhi alamusa nazala, echirhiri. Ishazala erhi: ka nzimane mukwi wani. Ajira
rhubindi rhurhanu rhwa manvu, ajira rhubindi rhurhanu rhwa marha, ajira ntânda munani za buntu,
ajira ntânda ini za bijumbu, ajira ntânda isharhu za bishimbo, ajira nyibo irhanu za marha, abaga
mpanzi ibirhi, ahamagala omukwi yenene yenene, amuheka omu nyumba ahizire bilya byoshi,
amubwira erhi „okaba orhamaziri bino byoshi onafe“. Ayirukira ahuluka, asiga omukwi mulya
nyumba.

5/ Quand ceux-là ont passé dans le petit trou, Kategabuchuru rencontre cette petite vieille qui lui
dit « qui es-tu ? » Il répond « c’est moi Kategabuchuru ». La petite vieille « vraiment !
Kategabuchuru c’est toi qu’ici je vois, toi qui m’as délivré. Que je te dise, père, quand tu salueras
ton beau-père découvre le pot. « Kateg. Quand il fut arrivé, il salua sa belle-mère et découvrit le
pot, et quand il salua son beau-père il découvrit le panier. Son beau-père dit : « que je reçoive
bien mon gendre ». il prépara 5 cruches de bière de bananes, il prépara 3 cruches de bière de
sorgho-éleuzine, il prépara 8 portions de brouet, il prépara 3 portions de haricots, il prépara 8
vans pleins de lait caillé, il tua 2 taureaux, il appela son gendre lui tout seul et il l’amena dans la
maison où il avait mis tout, et lui dit « si tu n’achèves pas tout ceci tu mourras ». Et voilà qu’il sort
et laisse son gendre dans la petite maison.

6/ Kategabuchuru arhondera arhanya ayabirwa okubimala. Ayumva omu idaho mpu : « We ndi ? ».
Erhi « nie Kategabuchuru ». Mfuko aderha erhi : Kateg. Aha nabwine wankula wani. Emfuko
yayaya omwina oku chizizi cha olugendambeba, yamubwira erhi „lolaga aha wahira ebyo“.
Kategabuchuru achimwemwesa, alundula bilya byoshi, abihira omu mwina, abibwikirakwo
orhukere. Ahuluka ajibwira ishazala erhi „namabimala“. Ishazala erhi „kwokwo mwana“.
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6/ Kategabuchuru se mit à penser qu’il ne pourrait pas achever tout cela. Il entendit de dessous
« qui es-tu ? ». Il dit c’est moi Kateg. Une taupe dit « Kateg. Quand je t’ai vu, tu m’as délivré mon
cher ». La taupe creusa un trou au bas de la paroi et lui dit « regarde ici, mets-y le tout ». Kateg.
Sourit, il réunit tout cela et le mit dans le trou, et mit par dessous des herbes. Il sortit et alla dire à
son beau-père « j’ai tout achevé ». Son beau-père : « c’est bien mon fils ».

7/ Ashubi jilangula Kategabuchuru ibuye linene bwenene, amuha embasha erhi nka lugembe,
amubwira erhi « obeze ehi hishali hyani ; okahongola embasha ofe. « Kategabuchuru arhondera
arhanya anajuguma. Ayumva enkuba yamubwira erhi « We ndi ? ». Aya kuza erhi « nie
Kategabuchuru»! Enkuba yaderha erhi ». Kategabuchuru aha nabwine wankula? Nkuba abanda
lilya ibuye, alirengeza, alihisa aha mwa Nakuzimu. Abwira Kategabuchuru erhi: «ka kwo
walonzagya kuno». Kategabuchuru erhi «We Larha». Aja emunda ishazala ali, amubwira erhi
«enshali wantumaga zino na embasha yawe eyi »Ishazala «kwokwo».

7/ Il vint monter à Kateg. Une très grosse pierre ; il lui donna une hache comme une houe, et lui
dit : Fends mon petit bois (qui est) là : si tu ébrèches la hache tu mourras. « Kateg. Se mit à penser
et trembler. Il entendit la foudre l’interroge. « Qui es-tu ? ». Il répondit : « c’est moi Kateg ». La
foudre dit « Kateg. Quand je t’ai vu tu m’as délivré ». La foudre déchira cette pierre, la souleva et
l’apporta là-bas chez Nakuzimu. Elle demande à Kateg. « N’est-ce pas ici que tu voulais mettre
cela ? ». Kateg. dit « père, sûrement ». Puis il alla là où était son beau-père et il lui dit : « voici le
bois que tu m’as confié et voici la hache ». Son beau-père dit : c’est bien ».

8/ Ashubi murhuma mishi oku busongesonge bwa entondo ndiri bwenene, erhi « okaba
orhagadwirhi, lwo lufu lwawe. « Kateg. agenda. Erhi ahika omu karhi k‟omurhezi , arhama ; alola
idako na enyanya abula ahajire. Ayumva kere erhi : «we ndi ?». Ayemera erhi «Nie Kateg.»Kere
erhi « aha nabwine wankula wee». Amulangula amishi ga omuko. Kateg. adoma, ahekera ishazala.
Ishazala erhi : “kwokwo mwani wani”.

8/ Il l’envoya ensuite prendre de l’eau sur le plus haut sommet d’une haute montagne, disant : « si
tu n’en trouves pas, c’est ta mort ». Kateg. Partit. Quand il fut arrivé au milieu de la montée, il fut
fatigué. Il regarda d’en bas, et le haut, il ne pourrait l’atteindre. Il entendit une grenouille lui dire
« qui es-tu ? » Il répondit : « c’est moi Kateg. ». La grenouille dit : « Quand je t’ai vu, tu m’as
délivrée toi ». Elle lui montra de l’eau de sang. Kateg. en puisa et l’apporta à son beau-père, son
beau-père lui dit : « c’est bien mon fils ».

9/ Nakuzimu ashubi rhuma Kateg.ogundi mulimo, erhi : « ogendi kolola ehirheme hya nyokoza ».
Amulangula ishamba elyo, amubwira erhi « okaba orhahimaziri, ofe. « Kateg. Arhondera arhanya.
Ayumva empusi yashegeya lulya lubala lwoshi. Arhachibonaga chiri nehi hibala higuma
hyagerasa. Kateg. Ashubira aha ishazala ali, amubwira erhi : « yagirwa namayusa ». Nakuzimu
erhi : « nechi mwana wani, warhamire wanalibusire, bulya wasimire omukazi kulusha amagala
gawe. Ishaga nkulangule abaganda bo bakuyereka bali bani ; ochishogeho muguma, ye mukawe ».

9/ Nakuzimu confia de nouveau un autre travail à Kateg. Il dit : « va sarcler un petit champ de ta
belle-mère ». Il lui montra un champ énorme et lui dit : « Si tu ne l’achèves pas, tu mourras ».
Kateg. S’étant mis à réfléchir, il entendit le vent arracher toute cette mauvaise herbe ; il ne vit pas
même qu’il passe une seule petite herbe. Kateg. Retourna chez son beau-père et lui dit : « j’ai
achevé ». Nakuzimu lui dit : « oui mon fils, tu es fatigué, et tu es affligé, car tu as aimé une femme
au dessous de ton rang. Viens que je te montre les gens de cour, c’est eux qui vont de faire voir
mes filles, choisis en une, c’est elle qui sera ta femme.
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10/ Kateg. abona echibugu chamurhindaho, chamubwira erhi « ka wono Kateg.nabwine


wandikuza ? Orhachifiri, bakulerhera abakazi banji banali binja nka owawe, chi orhayankaga oyu
ntachishurha ebyubi byani e busu ». Abaganda babwira Kateg. mpu : « oje omu muhango gwe
echogo, owakahuluka erhi omubwine, olinde obona mukawe ». Kateg. eyimanga aha abwizirwe.
Abaganda bahulusa abakazi, muka Kateg. Erhi ahika omu muhango, echibugu chamushurha
amashala, anaderha erhi :“yoyu ye mukanye“.

10/ Kateg. vit le taon se poser près de lui, qui lui dit : « n’est-ce pas toi Kateg. que j’ai vu ? Tu
m’as exaucé, tu n’es pas encore mort ». On t’amènera beaucoup de femmes qui sont aussi belles
que la tienne, mais ne prends pas celle que je n’aurai pas touchée de mes ailes au visage. Les gens
de cour disent à Kateg. ceci : « viens à la porte de l’enclos,….et que tu l’a remarqué , attention, tu
as vu ta femme. Kateg. se tint là où on lui avait dit. Les gens de cour firent sortir les femmes.
Quand la femme de Kateg. arriva sur la porte, le taon la toucha de ses ailes au visage. Kateg. la
saisit et dit : c’est bien celle-ci qui est ma femme ».

11/ Abaganda bashubira aha Nawabo ali, bamubwira mpu : « yagirwa olya mulume abwine
mukage ». Nakuzimu abwira Kateg. erhi : « mwana wani, kwokwo, gendaga bwinja, onagwarha
mwali wani bwinja, nka oku ahinga ebyage ». kateg. ashimba ishazala. Ishazala amuha amagerha,
enjuma, omunyu na ebindi bya engulo ndarhi ; amuha na ababibarhula. Kateg. arhenga aha
mwishazala na mukage ; na abamanyi ba ebirugu byage, bamuhisa aha mwage. Naye abazimana
bwinja anabasereza, bashubira emwabo. Abwarhala bona mukage nsiku nyinji, bakashambala na
obusime, bakalya ebyabyo na amasheka. Lwayurira aho.

11/ Les gens de cour retournèrent chez leur chef, et lui dirent : « Seigneur cet homme là a
reconnu sa femme ». Nakuzimu dit à Kateg. « mon fils, c’est bien, vas-en paix, tu as bien pris ma
fille ainsi que je te l’avait dit, viens que je te montre les biens dont tu vêtiras ta femme, ils lui
procurèrent de quoi cultiver ses biens ». Kategabuchuru suivit son beau-père. Son beau-père lui
donna des perles carnioles, de perles rouges-tacheté, du sel et d’autres objets de valeur ; il lui
donna aussi des gens pour les emporter. Kategabuchuru sortit de chez son beau-père avec sa
femme, et ceux qui connaissaient ses biens l’emmenèrent chez lui. Et lui leur fit bon accueil chez
lui, et ils les congédia. Ils retournèrent chez eux. Il vécut avec sa femme des jours nombreux et ils
conversaient dans la joie, et mangèrent leurs biens avec des rires. Ici la fable est terminée.

MUKA-MWAMI NA MUGOBE MWANA WAGE

1/ Lusiku luguma, muka-mwami alonza okubunga. Arhenga omu mwa iba erhi ali izimi, aderha
erhi : «nkola naja e Bubembe, oyu mulume amandibuza». Muka-mwami aja omu njira, bwakajiyira
analolamwo, abona entondo za e Bubembe. Ahika aja omu nyumpa, ahanda, arhondera ababwira :
«erhi kugenda ngenzire, mubwire omulume walonza omukazi, anyanke».

2/ Erhi bucha, abona omulume alimusheba. Oyo mulume abwira omukazi aliseheba erhi : «ntajira
mukazi, okanye rhugende njikuyanka, rhubere rhweshi». Omukazi erhi : «olya mukazi ayimuka ,
aja omu mwa owamulonza. Erhi ahikamwo, aburha murhabana, aderha erhi : «oyu mwana wani ye
Mugobe», akajilera olya mwana wage bo na iba.

3/ Erhi olya mwana ayandagala, olya mulume omulera afa. Olya mukazi ashuba mukana, alera
omwana wage bufuzi. Erhi olya mwana ahika amango omwana alerha enshali na amishi, nina afa ;
amusigira ehyanahene. Ababembe balya olya mukazi. Omwana wage achirera bufuzi, akula. Erhi
aba mulamba, ababembe bamulalira mpu : «rhumulye».

4/ Lero omuzimu wa nina arhula omu hihene hyage; aderha erhi: “mwana wani Mugobe, babembe
bandire, larha nawe bakulalire, oje oku nyumpa yabo, nawe oyumve oku bakukambirira. Mugobe
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ayimuka, aja aka nyumpa ya ababembe, ayumva barhondire bayocha emijocho mpu bamulireyo.
Agaluka aja omu mwage, ashubiyumva hilya hihene hyage hyaderha erhi :”Mugobe we oyanke
echishiro chawe hitwa olukoba, hikaja embuga, nawe oyije. Hikasoka oku nyumpa, nawe onasoke.
Hikagera omu njira nawe omugere. Hikagera omu lubala, nawe omugere”. Erhi hiyusa
naweokuderha intyo, hyatwa olukoba, hyalibirhira embuga hyasoka oku nyumpa, hyagera omu
lubala, ahishimba.

5/ Balya Babembe bayocha enyumpa ya Mugobe, bayumva ntacho chilasiremwo chiru na omuntu,
chiru n‟empene, baderha mpu : “murhali chichi”. Bakala omuliro, babona murhali chintu. Baderha
mpu : “ rhulumire amajira goshi, rhulole nka rhwamubona. Bagalumira, babona ntaye. Mugobe
ashinga nsiku isharhu omu irundu, ashanga enyumpa. Abantu bamubona baderha mpu « lola
omurhwali, wamahubuka hano ». Abayegera, abalamusa, nabo bamubwira mpu : « Asinge
murhwali ». Bamuzimana amanvu na omushunga, bamuha obuntu n‟enyama.

6/ Mugobe ayumva ehihene hyage hyamubwira erhi : « olinde, obone ebi nalyakwo, byo
wayanka ». Ehihene hyage hyalya oku buntu na enyama, hyanywa oku manvu, hyaleka
omushunga, bulya guli muloge. Mugobe ayanka gulya mushunga agulembula abali mushegwire,
bulya bo benegwo ; banamanyire oku gurhankacinyobwa, bagubulaga. Mugobe abasezera.

7/ Aja oku lundi lugo, abalamusa nabo bamulamusa , bamuzimana empene mbage na obuntu na
amanvu, banamurheralyo omu hinhumpa hirhajibwamo. Ehihene hyage hyamubwira erhi : „oleke
nkuyereke ebi walya“. Ayimanga abona ehihene hyage oku nyama zini, ezindi zilozirwe, hyanya
kwo amanvu abiri, agandi erhi gali maloge. Hyamubwira erhi « bino ndirekwo byo byawe, ebindi
obileke ». Mugobe ajira oku hihene hyage hidesire. Ayanka ebihirirekwo, ebyasigire ahanshi
abilembula abali mushegwire, nabo babikabulira.

8/ Mugobe ashibilikula, ahika oku lugo luli hofi na olwa ishe, olwali lwa mwambali wa ishe.
Ahana omusingo, bamulamusa, banamuyankirira kwinja, bamuha enyumpa mpu alalemwo.
Bamuzimana amanvu n‟enyama n‟obuntu. Erhi guchiri mushi, bakamushambaza. Erhi hagera
kasanzi ebijingo byaba.

9/ Na okwo arhuma abaganda bage erhi: “muje mwalalika abantu bani, mubabwire mpu : mwami
adesire mpu irhondo mujikolola omuhanda gwage”. Balya baganda bayemera. “Balya baganda
bagenda. Ehihene hya Mugobe hyaderha erhi: « ka oyumvirhe abo baganda. Mugobe aderha erhi :
“nyumvirhe“. Ehihene hyage hyashubiderha erhi: “Baganda ba sho abo“. Mugobe alangalira,
anashubirhinya oku ajilola ishe arhanamwishi“. Agweshera erhi aduire arhanya. Bwacha, ayikula,
abasezera. Ehihene hyage hyaja embere.

10/ Mugobe ashimana abalume bakolola omuhanda munene gunali muli. Abalamusa, abarhaluka,
ehinene hyage hyamubwira erhi: "gwo muhanda gwa sho guno“. Hyamulangula omushashu
w‟ishe, anamulamusa anamubwira erhi : “ojindamukiza mwami, omubwire erhi : mbwine
omulume aduire ehihene, amambwira mpu mugala wawe, mpu nina amugendine omu izimi“. Olya
mushashu ayirukira ajibwira nawabo. Mwani erhi : ayumva okwo, arhondera agerereza, akangera
oku mukage agendine izimi lya mwezi isharhu. Abwira olya musole erhi: “nyoko ye mwandi?
Olya musole aderha izino lya nina. Mwani aderha erhi: “nechi mwana wani oyu“. Amuyambika
emyambalo y‟obwami, amuha engoma n‟enkafu n‟omurhundu mwinja n‟abantu n‟omukazi.

11/ Mugobe asima bwenene, ashuba nfula ya mwami, bulya mwami arhali agwerhe wundi mwana
mukulu nka oyo. Mugobe aha empene yage enkafu, yakalya ebi alirekwo. Erhi ayibisha omu
lugurhu lwage. Omugani gwa Mugobe gwayihira aho.
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FABLE DE LA FEMME DU ROI ET DE MUGOBE SON FILS

1/ Un jour la femme d‟un roi voulut déménager. Elle partit de chez son mari alors qu‟elle était
enceinte. Elle dit : « voici que je vais au Bubembe, cet homme m‟a fait de la peine ». La femme du
roi se mit en chemin, la nuit elle y dormit. Elle vit la montagne du Bubembe. Elle vint, entra dans
une maison, elle y demeura. Elle commença à leur dire quant à partir, je suis partie. Dites à
l‟homme qui cherche une femme de me prendre.

2/ Au matin, elle vit un homme qui l‟appela. Cet homme dit à la femme qu‟il avait appelée : je ne
prendrai pas d‟autre femme, dépêche-toi que j‟aille te marier et restons à deux. La femme dit :
allons, mais ne me chagrine pas comme cet autre avec lequel j‟étais, me faisait. Cette femme se
leva, et alla à la demeure de celui qui la voulait. Quand elle y arriva, elle enfanta un fils et dit : ce
mien fils, c‟est lui Mugobe. Elle éleva cet enfant, elle avec son mari.

3/ Quand cet enfant put marcher à 4 pattes, l‟homme qui l‟avait élevé mourut. Cette femme resta
veuve. Elle éleva son enfant en orphélin. Lorsque cet enfant arriva au temps où un enfant apporte
du bois et de l‟eau, sa mère mourut. Elle lui laissa un chevreau. Les Babembe mangèrent cette
femme. Son enfant s‟éleva en orphelin et grandit. Quand il fut jeune-homme, les Babembe
s‟apprêtèrent à le manger.

4/ Et voilà que le fantôme de sa mère entra dans son chevreau. Elle dit : mon fils Mugobe, les
Babembe m‟ont mangée, eh bien, ils veulent faire de même pour toi. Vas dans leur maison et
écoute ce qu‟ils disent à ton sujet. Mugobe se leva, alla dans la maison des Babembe, il entendit
qu‟ils commençaient à griller des bananes en disant qu‟ils allaient le manger. Il revint et alla chez
lui, il entendit de nouveau son chevreau lui dire : « Mugobe prends ta natte, ta lance et ta gourde,
mets en état. Lorsque tu verras ton chevreau casser son licou, et aller dehors, toi aussi vas-y. s‟il
déserte la maison, toi aussi déserte là. S‟il passe sur le sentier toi aussi passe là. S‟il passe par la
brousse, toi aussi passe là. Quand le chevreau eut fini de parler ainsi, il cassa le licou, s‟enfuit
dehors, déserte la maison, passa par la brousse. Mugobe le suivit.

5/ Les Babembe brûlèrent la maison de Mugobe, ils entendirent que rien n‟y criait ni homme ni
chèvre. Ils dirent : il n‟y a rien dedans. Ils dirent : répandons-nous sur tous les sentiers pour voir si
nous le verrons. Ils se répandirent et ne virent personne. Mugobe se tint trois jours dans le désert.
Il rencontra une maison. Les gens le virent et dirent : « Voici qu‟un prince s‟amène ici. » Il
s‟approcha d‟eux et les salua. Eux aussi lui dirent : bonjour prince. Ils lui offrirent de la bière de
bananes et une bouillie de sorgho fermentée, ils lui donnèrent un brouet et de la viande.

6/ Mugobe entendit son chevreau lui dire : attention, regarde, ce dont je mangerai, prends-en. Son
chevreau mangea du brouet et de la viande, but de la bierre de bananes et laissa la boullie de
sorgho fermenté parce qu‟elle était ensorcelée. Mugobe prit cette bouillie de sorgho la rendit à
ceux qui la lui avaient offerte, car ceux-là en étaient possesseurs ; ils savaient qu‟elle ne pouvait
être bue ; ils la jetèrent. Mugobe prit congé d‟eux.

7/ Il alla vers un autre enclos, il les salua et eux aussi le saluèrent ; ils lui offrirent une chèvre
tuée, et un brouet et de la bière et ils l‟amenèrent dans une case qui n‟avait pas encore été habitée.
Son chevreau lui dit : prends garde que je te montre ce que tu mangeras. Il se leva et vit son
chevreau manger de quatre morceaux de viande, les autres étaient ensorcelés, il but de deux
bières, les autres étaient ensorcelées. Il lui dit : ce dont j‟ai mangé, voilà ce qui est pour toi, le reste
laisse-les. Mugobe fit c e que son chevreau lui avait dit. Il prit ce dont il avait mangé, ce qu‟il avait
laissé par terre il le rendit à ceux qui le lui avaient apporté. Et ceux-ci le jetèrent.
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8/ Mugobe se mit en marche et vint à une enceinte longue, proche de celle de son père, elle
appartenait aux serviteurs de son père. Il leur donna le bonjour, ils le saluèrent, le reçurent bien et
lui donnèrent une maison pour y passer la nuit. Ils lui offrirent de la bière de bananes et de la
viande et un brouet. Quand il fut jour, ils le firent parler. Après peu de temps il fut soir.

9/ Et alors le roi envoya ses gens de cour en disant : allez avertir mes hommes, vous leur direz : le
roi a dit que demain vous irez nettoyer la place devant son enclos. Les gens de cour acquiescèrent.
Ils passèrent dans tous les villages alentours. Or ils arrivèrent à cette maison où était Mugobe. Ils
dirent : ces gens de cour sont ceux de ton père. Mugobe fut plein d‟espoir et il continua à penser
d‟aller voir son père sans être connu. Il se coucha en réfléchissant de la sorte. Au matin il partit de
là et leur dit adieu. Son chevreau marchait devant.

10/ Mugobe rencontra des gens sarclant une place large et grande. Il les salua et les dépassa. Son
chevreau lui dit : voici la place de ton père. Il lui montra le trayeur des vaches de son père. Mugobe
le salua et lui dit d‟aller saluer le roi pour lui et dit lui : j‟ai vu un homme qui a un chevreau et qui
m‟a dit qu‟il est ton fils ; que sa mère est partie avec lui dans son sein. Ce trayeur s‟empressa
d‟aller le dire au roi. Le roi quand il entendit cela se mit à réfléchir, il se rappela que sa femme était
partie avec un fœtus de trois mois. Il demanda à ce jeune homme « ta mère d‟où est-elle ? Ce jeune
homme dit le nom de sa mère. Le roi dit : c‟est vrai, celui-ci est mon fils. Il l‟habilla d‟habits
royaux, lui donna un tambour et des vaches et un joli village et des gens et une femme.

11/ Mugobe se réjouit beaucoup, il était le premier-né du roi, car le roi n‟avait pas un autre enfant
si grand que celui-ci. Mugobe donna à son chevreau des vaches pour qu‟il put manger ce que lui-
même mangeait. Quand il mourut, il l‟enterra dans son enclos. Ici se termine l‟histoire de Mugobe.

NANKUBA N’OMUKAZI ORHAYEMERA

(Récit qui enseigne que la désobéissance est punie, l’obéissance récompensée. La femme désobéit
et elle est punie, son fils obéit et il se sauve).

1/ Omukazi erhi alinda, ye muka Sangoga. Abona enkuba yahona yachiheba aha nshi. Abula
omuliro akaluka, akayula bwenene. Lero achiderheza erhi : owampa omuliro , abe na olu lushali
lwani nkamuburhira omunyere muno nda yani ndi wee ! Nna oku nkuba ayumva, arhuma omulazo,
gwabeza gulya murhi gwanatwana omuliro. Omulazo gwagenda. Olya amukaluka.

2/ Erhi arhangira, Sangoga afuluka emunda ashuba ahingire. Mukage amubwira ebi abwine byaba
byoshi. Sangoga naye arhangula, akarhinya oku ebyo byabire, akuhaba yehe. Agera omu babo ba
e ka, abwira abashoshi boshi, bakuhaba. Lero harhenga mushosi muguma abwira Sangoga erhi:
orhere enama yawe, olole oku byaba. Nyehe nkubwine oku manyire, mukawe aburha munyere. Na
Nyamuzinda amwishoge. Sangoga alanga bilya binwa omu murhima gwage.

3/ Hagera myezi minyi, mukage aburha munyere. Sangoga ajilaguza, bamubwira mpu: olange oyo
mwana bwinja, oyubake byogo ikumi oku abomubikemwo. Olusiku akahuluka ommuzuguluke.
Sangoga ayamera oku abwizirwe. Olya munyere wage akula, ahabwa izino lya Nyamisereke. Lero
ishe na nina bamubwira mpu : orhakagihuluka hano. Olusiku rhukaba rhukusizire wenene, orhaja
handi. Ayemera oku badesire.

4/ Ishe na nina baderhe mpu : rhumuhe emilimo midarhi lyo arhakarhenga hano rhwahinzire.
Bamubwira mpu : yumva ensiku zoshi okajishabula amashi g‟enkavu zirhu, oguke oluvu lwa omu
nyumpa, oshwe na amahemba , oshakule na emimbarhi, oshwa na obumera. Hano rhufuluka,
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nyenene nje e rwishi nduge, ndeke na omushunga, ndeke na enshogo, rhulye. Nyamisereke erhi :
nyumvirhe, ayemera. Ensiku zoshi akajikola emilimo abwizirwe yoshi.

5/ Lero lusiku luguma abanyere ba oku lugo balalizanya mpu: rhuje e bukere irhondo sezi. Erhi
bucha na izuba likola lyabasha, erhi na abali misi bahinzire boshi. Balya banyere baderha mpu:
rhujage e bukere. Batwa omuntu adwire ashwa omu karhi ka ebyogo. Bayigula bilya byogo
byoshi, baja omu nyumpa, babona omunyere mwinja mwinja. Erhi bamubona, bamulamusa,
bamubwira mpu: yaga, rhuje e bukere. Nyamisereke erhi: nanga, emikolo ngwerhe erhakaziga.
Ababo mpu: kwo! Bagenda. Baja baderha mpu: lero wa ngahi olya munyere rhubwine. Irhondo
rhushubimubwira rhuje e bukere rhweshi. Bonene baje e bukere banaburhenga, bwayira,
bwanacha.

6/ Balya banyere bashubiderha mpu: rhujagibwira olya munyere rhwabonaga rhuje e bukere.
Bagenda, baja aha mwabo Nyamisereke, bamubwira mpu : yaga, rhujage bukere. Nyamisereke
erhi: nanga, ngwehe emikolo. Ababo mpu : rhubwireyo, rhukurhabale oyuse duba. Nyamisereke
erhi: yaluzire murhakayimala, mukacija bukere. Balya banyere mpu : neci rhwayimala.
Nyamisereke erhi : nashwa, nnashakule, nguke oluvu, ntunde na ecivule cirhu, nshwe na obumera.
Ababiwiraga mpu : orhuyereke byo. Abayereka. Baguma bashwa, abandi bashakula, abandi
batunda, bandi baguka oluvu, abandi baja e rwishi. Bamala emilimo ya owabo yoshi. Bamubwira
erhi : yaga rhujage bukere. Nyamisereke ayemera.

7/ Boshi haguma bayanka emigozi, barhenga e ka, baja bukere. Erhi baba bamakera obu
bakahekaga, bahamagalana mpu : rhushubuze wee ! Boshi bashubuza, bashana duba duba, baheka.
Erhi bahika oku lwishi bashanga lwamayunjula, erhi na enkuba erhachinia. Bayimanga oku
bikunguzo bya olwishi.

8/ Lero bayumva omu lwishi mpu : shekera emiringa enshesheke, mpu shekera amasholo
gashesheke. Muguma mulibo arhonderha aderha erhi : nkasheka emiringa eshesheke, nkasheka
amasholo gashesheke. Lulya lwishi lwahonga, ayikira. Owundi ayegera, abwirwa nka oku owabo
abwizirwe. Ayemera nka oku owabo abwizirwe. Lwahonga, naye ayikira. Boshi babwira nka oku
abandi babwizirwe, nabo bayikira.

9/ Nyamisereke yeki asigala ishiriza yenene yenene, naye ayegera hofi oku chikunguzo, erhi
amayoboha bwenene, bulya ayumvirhe olwishi lwaderha arhanabwini owaderha mwo. Naye
ayumva mpu : nshekera ndole, sheka emiringa eshesheke, sheka amasholo gashesheke. Aderha erhi
: nkasheka amasholo gashesheke, nkasheka emiringa eshesheke. Yeki amasholo na emiringa
byabulajika omu kanwa kage, byaja omu lwishi. Omulazo gwayirukira gwalaza gwa mulengeza,
gwamuhisa emwa Nankuba.

10/ Balya banyere barhebaga Nyamisereke mpu baje bukere, baja balaka baja aha mwa Sangoga,
bamubwira oku omulazo gwahekaga Nyamisereke kwoshi. Sangoga na mukage na bagala bali
munani, bahogola emyambalo, bayambala e ya emishibo. Sangoga aderha erhi : ntakachiyambala
bwinja nkaba ntasigibona mwali wani, na mukage erhi : nani kwo na okwo.

11/ Nyamisereke emwa Nankuba. Nyamisereke erhi ahika, Nankuba omuyanka obuhya bwayurha.
Nyamisereke aderha erhi : yagirwa ojagingalula. Mwami aderha erhi : ntakakugalula erhi
rhurhasingi burha omwana onshusha. Nankuba ayorha bo na Nyamisereke. Ensiku zagera,
Nyamisereke ayanka izimi, aburha murhabana. Nyamisereke abwira iba erhi : ojagingalula,
Nankuba erhi : omwana arhanshusha.

12/ Ezindi nsiku zashubigera, Nyamisereke ayanka erindi izimi, aburha omwana oshusha Nankuba.
Amagulu gage nka ishe, amaboko nka aga ishe, amalanga nka aga ishe, izulu nka elya ishe.
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Omwana akula. Erhi arhondera ukegenda, Nankuba aderha erhi : nkola najigalula. Ajira enkavu
nka bwasi, ajira ebibuzi nka bwasi, ajira empene nka bwasi. Abaga engumba nyinji, adugisa
amantu, akandisa amamvu, adekesa emishunga, acishoga abantu babiheka. Abwira mukage erhi :
gendaga e mwinyu, ojibwira sho oku oba eno, oheke na abana bombi. Mukage ayemera.

13/ Nankuba abwira mukage na omwana wage na balya babarhuzi erhi : namubwira hano muhika
hofi n‟aha mwinyu, mwabona njira ibiri, nguma ya muharuro eyindi ya mwisibira, muyumve oku
naderha, mugere omu njira y‟omushibira, mukagera omu ya omuharuro, mwabona, mwagaya
bwenene, bayemera, bamusezera, bagenda.

14/ Erhi bahika halya babwiragwa, baja kadali. Balya bantu baderha mpu : kurhi rhwageza
omugoli omu lubala, na enjira nyinja e hali ? Enfula yohe yaderha erhi : ntabalala oku larha
ambwiraga, mugendage, nyehe ho nagera aha larha adesire.

15/ Mulibo hyarhenga hyana higuma hyaderha erhi : nashimba omurhwali. Balya bantu bashumika
Nyamisereke mpu arhagere aha iba ababwizire. Bagera omu njira ya omuharuro. Erhi bahika omu
karhi ka gula muharuro, bashaga shazimwe, musimba munene. Abwira omugoli erhi : mpolera .
Nyamisereke aha olya musimba ebiryo bihire bali badwihe byoshi. Olya musimba shazimwe
abimira duba duba, ashibiderha erhi : mugoli, hola ! Olya mugoli abwira abambali erhi : mumuhe
ebibuzi byoshi. Bamuhabyo. Shazimwe abimira duba duba. Ashibiderha erhi : mugoli, hola !
Omugoli ahana enkavu zoshi. Shazimwe azimira duba duba. Ashubiderha erhi : Mugoli, hola !
Omugoli aderha abwira abambali erhi : ka mwe nahanaga? Abambali bamushuza mpu : rhuhane
yagirwa. Omugoli abwira Shazimwe erhi : yanka abantu bani boshi. Shazimwe abamala duba duba.
Shazimwe aderha erhi : mugoli, hola ! Hola! Omugoli ahekula echirhaba chage ashuba ahesire,
achihana. Shazimwe acimira. Ashubiderha erhi : mugoli, hola ! Nyamisereke aderha erhi :
nacihana nyenene : shazimwe amugwarha amumira.

16/ Mwene Nankuba ahika aha mwa Songoga. Ashanga Sangoga abwarhire oku ichukiro.
Amulamusa. Sangoga abwira balya bana erhi : mwe bene ndi? Mwene Nankuba aderha erhi : nye
mwene Nyamisereke ya Sangoga. Sangoga erhi ayumva okwo agaya. Ahamagala mukage erhi
"oyishe oyumve oku omwana adesire“. Mukage ayisha. Sangoga abwira olya mwana erhi : mbwira
bwinja oku odesire, ndeki kuniga. Mwene Nankuba aderha erhi : larha ye Nankuba, na nyama ye
Nyamisereke ya Sangoga. Nali nyishire rhwe na nyama na ebirugu nka bwasi, ene rhuyisha larha
arhubwira mpu rhurhageraga omu njira ya omuharuro. Ene rhuhika aho, nyama agera omu njira ya
omuharuro, nani omu ya omwisibira.

17/ Sangoga ayumbirhiza. Ahamagala abagala, abaha enshoho eyunjwire engembe. Ababwira erhi:
mushimbe ehi hyana, himuyereke aha mwali winyu agezire. Balya bana bayemera. Mwene
Nankuba aja embere, agera omu njira ya omwisibira erya ageramwo. Kandi bahika omu njira ya
omuharuro, mwene Nyamisereke aderha erhi : ho nyama agezire aha. Bene Sangoga mpu “kwo
Mwene Nankuba ayirukira abona olya musimba, erhi abwarhira aha karhi ka enjira, abwira
banalume erhi : namahaba eci mbwine. Bohe erhi bayishi ebihaba. Bamushuza mpu : hulika, boshi
naye bayegera olya musimba.

18/ Shazimwe ababwira erhi muguma mulibo aderha erhi rhurhadwirhi chichi, orhuyankage
rhwenene. Shazimwe asima, abagwarha abamira. Olya na enshoho ya engembe yene asigala.
Shazimwe amubwira erhi : hogola enshoho yawe. Olya oyambirhe enshoho ya engembe aderha
erhi : yagirwa ondye, erhi nnanyambire eyi nshoho yani, entanda nchiyikiremwo eri. Shazimwe
amugwarha nenshoho yage amumira. Nnenshoho ahika omu nda ya Shazimwe. Ashangamwo bene
wabo, na abandi bantu, na mwali wabo, ne ebirugu binji, na enkavu nka lubala. Ayomola
olugembe, abera shazimwe enda. Bene wabo na mwali wabo na abantu bage, na ebintu byage
byoshi byarhengamwo.
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19/ Nyamisereke ahika aha mwabo. Sangoga abona Nyamisereke, erhi amutumirhakwo amasu,
omulenge gwarhenga omu isu. Sangoga alamusa Nyamisereke. Alolakwo mwinjikulu, amuhuma
omu nfune. Sangoga abwira omwali erhi : kwokwo obwenge orhacifaga. Sangoga aderha erhi :
bana bani mmumone (en signe de deuil on laisse parfois pousser sa chevelure) mumpe na
ebyambalwa byani bya aburhanzi, nje e rwishi nchishuke na nchishige, ndye nyigurhe,
kwankanaba ntacilame bulya amasu gani gabwine Nyamisereke, ye nalonzagya omushi na
obudufu. Bene Sangoga bali munani baguma bajidoma abandi bamoma ishe na nina. Abali doma
bayisha bashuka ishe na nina, babashiga babayambika emyambalo ya okusima. Sangoga akanywa
amarha acishiga amavurha, ashubira musole nka omugala mukulu.

20/ Nyamisereke ayorha aha mwabo myaka isharhu. Sangoga ayanka enkavu makumi asharhu,
akanda amanvu nka ikumi, abwira omwali erhi : gendaga nakubwine. Nyamisereke abwira ishe
erhi : ka amango nagaluka nachikubone ? Ishe erhi : mwana wani, irhondo okashanga nafire,
bwinja. Cabaga nkola mushosi. Sangoga asezera omwali. Nyamisereke arhenga aha mwabo erhi
asimire ashubira emwa Nankuba. Lwayurhira aho.

FABLE DE NANKUBA ET DE SA FEMME DESOBEISSANTE

1/ Une femme attendait un enfant, c‟est la femme de Sangoga. Elle vit la foudre tomber et se
précipiter par terre. Manquant de feu pour se chauffer, étant transie de froid, elle se dit : celui qui
me donne du feu et fend aussi cette bûche mienne, je pourrai lui enfanter une fille que j‟ai là-
dedans. Le maître du ciel entend, il envoie un éclair, qui fend cette bûche et qui allume le feu.
L‟éclair s‟en va, celle-ci se chauffe.

2/ Comme elle s‟y met, Sangoga revient de là où il cultivait. Sa femme lui dit tout ce qu‟elle a vu
comme c‟était. Sangoga lui aussi regarde, il redoute ce qui est arrivé, il ne le comprend pas lui. Il
passe près des siens du village, il interroge tous les vieux ; ils ne savent pas. Or il sortit un
vieillard qui dit à Sangoga : offre à ton muzimu, que tu voies ce qui arrivera, quant à moi que je te
dise ce que je sais, ta femme engendrera une fille. Et Dieu la choisira. Sangoga conserve toutes
ces paroles dans son sœur.

3/ Il se passe peu de mois, sa femme engendre une fille. Sangoga va consulter le devin, on lui dit :
garde bien cette enfant, construis dix enclos et mets-la au milieu. Le jour où elle en sortira, tu la
chercheras en v ain. Sangoga croit ce qui a été dit. Cette fille sienne grandit, elle reçut le nom de
Nyamisereke. Or son père et sa mère lui dirent : tu ne sortiras pas d‟ici. Le jour où nous te
laisserons seule, ne vas pas ailleurs. Elle consent à ce qu‟ils ont dit.

4/ Son père et sa mère dirent : donnons lui un travail pénible, afin qu‟elle ne sorte pas quand nous
serons à cultiver. Ils lui dirent : écoute, tous les jours tu va enlever la bouse de nos vaches, tu
emporteras la cendre dedans la maison, tu moudras aussi le sorgho, tu pileras le manioc, tu
moudras aussi le sorgho germé (pour f aire la bière ou la bouillie claire). Quand je reviendrai,
moi-même, ta mère, j‟irai à la rivière, je ferai la bouillie, je cuirai la bouillie de sorgho, je cuirai
les légumes que nous mangerons. Nyamisereke quand elle eut entendu, elle consentit. Chaque jour
elle faisait tout le travail qu‟on lui avait dit.

5/ Or un jour les filles du voisinage s‟avertissent mutuellement disant : allons couper les herbes
demain matin. Au matin quand le soleil était levé, tous ceux qui étaient bien portants cultivaient.
Ces filles dirent : allons aux herbes. Elles coupèrent des cordes et se mirent en route. Quand elles
vinrent près de chez Sangoga, elles entendirent quelqu‟un occupé à moudre au milieu de l‟enclos.
Elles ouvrirent tous ses enclos, allèrent dans la maison, virent une jeune fille très belle. Quand elles
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la virent, elles la saluèrent et lui dirent : chérie, allons aux herbes. Nyamisereke dit : non, j‟ai du
travail qui ne me le permet pas. Les compagnes dirent : « comment ! » Elles s‟en allèrent, en
disant : d‟où donc est cette jeune fille que nous avons vue ? Demain nous retournerons lui dire :
« allons aux herbes ensemble ». Elles-mêmes allèrent aux herbes, en revinrent, il fut soir, il fut
matin.

6/ Ces filles se dirent de nouveau : allons dire à cette fille que nous avons vue : allons aux herbes.
Elles y allèrent. Elles vinrent chez Nyamisereke, et lui dirent : chérie, allons donc aux herbes .
Nyamisereke dit : non, j‟ai du travail, ses compagnes, disons-lui : nous t‟aiderons pour que tu aies
vite fini. Nyamisereke dit : il y en a trop, vous ne pourriez pas l‟achever, aller donc aux herbes. Ces
filles dirent : oui, nous achèverons. Nyamisereke dit : je mouds, je pile, j‟enlève la cendre, je fais
du beurre avec crème, je mouds aussi le sorgho germé. Elles lui dirent : montre-nous cela. Elle le
leur montra, les unes moulent, les autres pilent, les autres barattent, les autres enlèvent la cendre,
les autres vont à la rivière. Elles achèvent tout le travail de leur compagne. Elles lui dirent : chérie,
allons aux herbes. Nyamisereke consent.

7/ Toutes ensemble prennent des cordes, sortent du village, vont aux herbes. Quand elles ont coupé
ce qu‟elles peuvent porter, elles s‟appellent l‟une l‟autre disant : retournons. Toutes retournèrent,
chacune jette les yeux sur les herbes. Elles disent : lions donc nos paquets ! Comme elles sont
occupées à lier leurs fagots, elles entendent que le tonnerre gronde ; elles lient prestement, et les
emportent. Comme elles arrivent à la rivière, elles la trouvent gonflée, sans que la pluie ne soit
tombée. Elles se tiennent sur le bord de la rivière.

8/ Or elles entendent dans la rivière : « ris pour que les bracelets de cuivre s‟entrechoquent, ris pour
que les jetons du jeu s‟entrechoquent ». L‟une d‟entre-elles commença en disant : je rirai pour que
les bracelets de cuivre résonnent. Cette rivière dégonfle, elle la passe. Une autre s‟approche et
s‟entend dire comme sa compagne avait entendu. Elle consent à faire comme sa compagne a été
dite de faire. La rivière dégonfle et elle aussi passe. Toutes entendent ce que les autres ont entendu,
et elles aussi passent.

9/ Nyamisereke, quant à elle, elle reste sur l‟autre rive toute seule, elle aussi s‟approche tout près
sur le bord, mais elle est prise d‟une grande crainte parce qu‟elle entend la rivière parler et ne voit
pas celui qui y parle. Elle aussi entend : ris pour que je vois, ris des bracelets pour qu‟ils résonnent,
ris des jetons de jeu pour qu‟ils résonnent. Elle dit : je rirai des jetons pour qu‟ils résonnent, je rirai
des bracelets pour qu‟ils résonnent. Quant à elle, les jetons et bracelets se répandent dedans sa
bouche, ils vont dans la rivière. La foudre arrive, éclate, l‟enlève, la fait arriver chez Nankuba
(maître du ciel).

10/ Les filles qui ont trompé Nyamisereke pour qu‟elle aille aux herbes, s‟en vont pleurant, vont
chez Sangoga, lui disent que la foudre a emporté tout-à-fait Nyamisereke. Sangoga et sa femme et
ses huits fils arrachent leurs vêtements et revêtent des habits de deuil. Sangoga dit : je ne
m‟habillerai plus convenablement si je ne revois pas ma fille. Et sa femme dit : et moi de même.
Nyamisereke est chez Nankuba.

11/ Nyamisereke, quand elle y arrive, Nankuba le prend en mariage. Le mariage est fini.
Nyamisereke dit : Seigneur, renvoie-moi. Le Seigneur dit : je ne te renverai pas, tant que nous
n‟aurons pas engendré un enfant qui me ressemble. Nankuba reste avec Nyamisereke. Les jours
passent, Nyamisereke conçoit, engendre un fils. Nyamisereke dit à son mari : renvoie-moi.
Nankuba dit : l‟enfant ne me ressemble pas.

12/ D‟autres jours passent encore Nyamisereke conçoit de nouveau, elle enfanta un enfant
semblable à Nankuba. Ses jambes sont comme celles de son père, ses bras comme ceux de son
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père, son front comme celui de son père, son nez comme celui de son père. L‟enfant grandit.
Quand il commence à marcher, Nankuba dit : voilà que je vais te renvoyer. Il prépare des vaches
autant que l‟herbe, il prépare des chèvres autant que l‟herbe, il prépare des moutons autant que
l‟herbe. Il tue beaucoup de vaches stériles, il fait cuire des brouets, fait brasser de la bière, fait
cuire des bouillies de sorgho, il choisit des hommes qui emportent cela. Il dit à sa femme : va-t-en
chez toi, va dire à ton père que tu demeures ici, emporte aussi tes deux enfants. Sa femme consent.

13/ Nankuba dit à sa femme et à son enfant, et à ceux qui portent les vivres : je vous dis, quand
vous arriverez près de chez vous, vous verrez deux chemins, l‟un de grande largeur, l‟autre un
sentier non débroussé, entendez ce que je dis : passez par le chemin non débroussé, si vous passez
par le grand beau chemin, vous serez très fâchés. Ils consentent, prennent congé de lui, s‟en vont.

14/ Quand ils arrivent là où il avait dit, ils entrent en discussion. Les hommes porteurs disent :
comment ferons-nous passer la princesse par la brousse, alors qu‟il y a un beau chemin ? L‟aîné
des enfants lui dit : je ne sauterai pas par dessus de ce mon père m‟a dit, allez, pour moi, je passe là
où mon père a dit.

15/ Parmi eux apparaît un petit enfant qui dit : je suis le prince. Ces hommes excitent Nyamisereke
disant : ne passe pas là où ton mari a dit. Ils passent par le chemin beau et large. Comme ils
arrivent au milieu de ce beau chemin, ils rencontrent Shazimwe, un gros fauve. Il dit à la
princesse : donne-moi à manger, Nyamisereke donne à ce fauve tous les vivres que portent ceux
qui les ont. Ce Shazimwe les engloutit prestement. Il dit encore : princesse, donne-moi manger !
Cette princesse dit à serviteurs : donnez-lui tous les moutons. Ils les lui donnent. Ce Shazimwe les
engloutit prestement. Il dit encore : princesse : donne ! La princese donne toutes ses vaches.
Shazimwe les avale prestement. Il dit encore : princesse donne ! La princesse dit à ses serviteurs :
est-ce que vous, je vous donnerai ? Ses serviteurs répondent : donnez-nous à lui, princesse ! La
princesse dit à Shazimwe : prends tous mes hommes ! Shazimwe les achève tout de suite.
Shazimwe dit : princesse donne ! La princesse dépose le petit enfant qu‟elle avait encore, et lui
donne. Shazimwe l‟avale. Il continue et dit : princesse donne ! Nyamisereke dit : je me donne moi-
même ! Shazimwe la prend, l‟avale.

16/ Le fils de Nankuba arrive chez Sangoga. Il rencontre Sangoga assis sur le sueil. Il le salue.
Sangoga interroge ces enfants (le fils et le petit serviteur) disant : vous êtes fils de qui ? Le fils de
Nankuba dit : moi, je suis le fils de Nyamisereke de Sangoga. Sangoga quand il entend cela il se
fâche. Il appelle sa femme et lui dit : viens, entends ce que dit l‟enfant. Sa femme arrive. Sangoga
dit à cet enfant : dis-moi bien ce que tu as dit, sans quoi je te tue. L‟enfant de Nankuba dit : mon
père c‟est Nankuba, ma mère c‟est Nyamisereke de Sangoga. J‟arrivais avec ma mère et des biens
autant que les herbes, au moment où nous partions, mon père nous a dit : vous ne passerez pas par
le chemin beau et large. Comme nous arrivâmes là, ma mère passa par ce chemin beau et large, et
moi je passai dans celui non débroussé.

17/ Sangoga comprend. Il appelle ses fils, leur donne un sac plein de rasoirs. Il leur dit : suivez cet
enfant, il vous montrera le chemin où votre sœur est passée. Ses fils consentent. Le fils de Nankuba
marcha devant, il passe dans le chemin non débroussé, celui-là où il avait passé, puis on arrive au
chemin beau et large. Le fils de Nyamisereke dit : voilà où maman est passée. Les fils de Sangoga
dirent : vraiment ! Le fils de Nankuba à l‟instant voit ce fauve, qui se tient là au milieu du chemin,
il dit à ses oncles maternels : je ne sais pas bien ce que je vois. Quant à eux, ils savent ce qu‟il ne
sait pas. Ils lui répondirent : tais-toi. Tous avec lui s‟approchent de ce fauve.

18/ Shazimwe leur parle alors, l‟un d‟eux dit : nous n‟avons rien, prends-nous nous-mêmes.
Shazimwe se réjouit, il les prend, les avale. Celui qui a le sac de rasoirs, lui seul reste. Shazimwe
lui dit : ouvre ton sac ! Celui qui est revêtu du sac de rasoirs lui dit : Seigneur, mange moi, j‟étais
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habillé avec ce même sac, j‟y avais mis les vivres de route. Shazimwe saisit le possesseur de sac et
l‟avale. Le possesseur du sac arrive dans le vendre de Shazimwe. Il y rencontre ses frères et les
autres hommes et sa sœur et beaucoup de biens, et des vaches autant que les herbes de la brousse. Il
tire du sac un rasoir, fend le vendre de Shazimwe. Ses frères, sa sœur et ses hommes et tous ses
biens sortent de là.

19/ Nyamisereke arrive chez son père. Sangoga voit Nyamisereke. Il la fixe d‟un regard perçant et
une larme sort de son œil. Sangoga salue Nyamisereke. Il y voit son petit-fils et lui donne la main.
Sangoga dit à sa fille : merci parce que tu n‟es pas morte. Sangoga dit : rasez-moi la tête, donnez-
moi mes habits d‟autrefois, que j‟aille à la rivière me laver et que je me frotte de beurre et que je
me rassasie, peut-être que je ne vivrai plus longtemps, parce que mes yeux ont vu Nyamisereke ,
celle que je cherchais de jour et de nuit. Des huit fils de Sangoga, les uns vont puiser de l‟eau, les
autres rasent leur père et leur mère. Ceux qui sont allés puiser arrivent, lavent leur père et leur
mère, les frottent de beurre, les revêtent des habits de réjouissance. Sangoga but du lait, se frotta de
beurre, il redevient jeune homme comme un grand garçon.

20/ Nyamisereke demeure chez lui trois ans, Sangoga prit trente vaches, brassa dix pots de bière,
dit à sa fille : va-t-en, je t‟ai revue. Nyamisereke demande à son père : quand je reviendrai, est-ce je
te reverrai encore ? Son père dit : mon enfant, quand tu me trouveras mort, ce sera bien, car je suis
vieux. Voilà que tes frères son là et tes belles sœurs. Quant à moi, je suis très heureux. Sangoga
prit congé de sa fille. Nyamisereke sortit de chez son père et s‟en retourna contente chez Nankuba.
Ici c‟est fini.

OLULIBI LWA MWAMI LWAKWIJURU


(Variante de la fable précédente)

1/ Omulume muguma erhi agwerhe omunyere wage anali mwinja bwenene. Abagala boshi
bakayisha mpu bamusheba. Olya mulume akalahira mpu arhahana omunyere wage. Oku handi olya
mulume aderha mpu : olya munyere arhacikagirhenga ahaka : amuyubakira enyumpa elubako mpu
akalegereramwo, abantu barhakimuyanka.

2/ Lero Nankuba ayisha naye mpu ashebe. Abwira ishe wa olya munyere. Alahira mpu
arhamuhaye. Nankuba erhi ayisha kasharhu, n‟ishe wa olya munyere alahira. Nankuba ajibwarhala
emwage, alinga oku olya munyere arhenga mulya nyumpa.

3/ Erhi kugera nsiku nyinji bwenene bwenene, erhi olya mulume bo na mukage bamahinga,
banahamika bwenene aha ka mpu arhakiharhenga, lero ababo banyere bahamula, baja omu cogo.
Erhi baja na bukere. Naye olya munyere akanya abashimba, bulya arhasima okulegerera omu
nyumpa baja omu ntondo bakera obukere. Erhi bayusa okukera ebirando-birando, babona nka
nkuba yaluluma,, babona nka ekola eli hofi, hokunia. Baderha mpu : rhwamaloba, ngahi
rhwayegema lero we ! Baja omu lwala lw‟ibuye, bahira olya munyere mwinja mwinja iduli
bwenene mpu hakajira owamuyanka. Erhi baba bakola bamuli, babona omu luso mwahibuka
ecintu cinene cinene, erhi ye Nankuba yenene. Balya banyere boshi boshi bakajuguma okwenge
badwirhe olya munyere wa bene, nabo bonene bakajuguma mpu bafa n‟oli omu luso.

4/ Oku handi munyere muguma owali oku luso, aderha erhi : mwami wa Kwijuru mbisa mbisa,
kasemasoro, kasemasoro mbisa, kasemiringa mbisa mbisa. Naye Nankuba aderhe erhi : shekaga
ndole ! Olya munyere asheka. Oku handi amuhundusa agera agenda embuga ayimangeyo,
alindireyo ababo. Owundi ahaja aderha erhi : mwami wa Kwijuru mbisa mbisa ; naye aderhe erhi :
shekaga ndole ! Asheka. Amuleka agera ajilindira ababo aha mbuga. Balya banyere bali ndarhu,
n‟olya wa kali nda, boshi bayusa kugera bakayimanga aha mbuga balindana.
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5/ Hasigala olya munyere muguma yenene yenene. Lero naye ayisha aderha erhi : mwami wa
Kwijuru mbisa mbisa. Nankuba acihulikira. Olya munyere ashubiza aderha erhi : mwami wa
Kwijuru mbisa mbisa. Ahulika. Olya munyere erhi aderha kali ndarhu, na owabo ahulika.
Arhondera alaka. Lero liguma Nankuba ayanka olya munyere, anamuyinamukana oku nkuba.

6/ Ababo bakalolereza balangira agera omu bitu ; barhondera balakira owabo. Baheka obukere baja
balaka ; baja e ka; babwira ishe wa olya munyere. Naye ababwira erhi : charhumire muheka
omwana wani mpu lyo agendamwo kanali nabwine oku aga masano gacinyishakwo, nali
namalaguza, co carhumaga nkahaza omwana wani nti arhankarhenga omu nyumpa. Lero yoyo
wagenda oku nkuba kulya rhurhahika rhuli bene enigulu ; ntakacimubona wani ! Omwana wani
amahera busha! Ishe na nina bamulakira bwenene nkaba myezi irhanu.

7/ Ci oyo mulume ali mugale, ci arhali bwenene bwenene ; enkavu zage zali magana asharhu, na
abantu bage bali magana abirhi.

8/ Oku handi Nankuba bo na mukage banaciburha omwana murhabana, bashubiza baburha owundi
murhabana. Oku handi Nankuba, akengera aderha : erhi lero nasimirage bwenene, nkolaga
najisheba. Alalika ambambali boshi mpu balerhe ebirugu n‟ebiryo akishebamwo. Abambali
bakujira, baguma balerha amahanzi, abandi ebibuzi n‟empene binji binji bwenene ; abandi
amamvu, abandi enshano, abandi amagerha, abandi emiringa na ngasi cirugu cinja coshi bahira
ho. Amahanzi igani liguma, empene igana liguma, ebibuzi igana liguma, enkavu magana abirhi.
Abwira ababerhula, abwira mukage erhi : hekaga abana bombi muje emwa sho mujimulamusa ; ci
hano ohika igulu, okola washwira aha mwa sho orhageraga omu njira nyinja omu muhanda, ci
ogere omu njira mbi abantu barhakubone boshi boshi. Olya mukazi ayemera. Oku handi Nankuba
ajira empusi ya bayandagaza ya nabahisa ahanshi.

9/ Lero naye Nankuba ajilinga alole ngahi bagera. Olya mukazi erhi abona oku e bintu byage biri
binji, avuna eciragane c‟iba bo naye. Obwibone bwamugwarha. Aderha erhi : k‟ebi bintu byani
byoshi nnabigezagye omu njira mbi wani ? Ayileka agenda omu njira nyinja, aleka elya mbi
bamubwiraga. Erhi aderha mpu ahike hofi n‟eka, ci arhaciba hôfi bwenene, Nankuba ababona,
akunira bwenene, hofi h‟okufa n‟obukunizi, achihindula nsimba munene bwenene ; aja embere
zabo bulya olya mukazi ye wali mbere. Abwira olya mukazi erhi : mpolera! Olya mukazi, bulya
bakola badwirhe bajuguma boshi, na bambali, ajira mpene ikumi, amuhazo. Olya musimba
amirangusa. Ashubira aderha erhi : mpolera ! Ebibuzi byoshi byahwa? Ashubiza aderha erhi :
mpolera ! Amuha zindi mpene ikumi. Amirangusa. Ashubiza aderha erhi : mpolera : amuha ezindi
ikumi. Amirangusa. Erhi akuderha kasharhu, empene zoshi zayurha. Ashubiderha kasharhu erhi :
mpolera ! Enkavu zoshi zahwa. Amirangusa ci arhakanjaga nangala. Erhi ayusa ebyo byoshi,
hakola hasigire abantu bonene. Ashubiderha erhi : mpolera ! Akudeha kasharhu, ayusa balya bantu
boshi boshi n‟ebirugu byoshi bali badwirhe, amirangusa. Hasigala olya mukazi na bana bage
bombi hoshiaho.

10/ Cirya cisimba chaderha erhi : mpolera ! Olya mukazi erhi : ntaco ncigwerhe nakuha. Ashubiza
erhi : mpolera : olya mukazi erhi mashi ntagwerhi cici mashi. Olya musimba akaliha bwenene,
amahorhola amasu mpu amuhage balya bana. Olya mukazi alahira okuhana abana bage. Erhi abona
amakaliha bwenene, lero olya mukazi amubwira intya erhi : waliha, olekage mpise ono mwana
wani hano burhambi, ngali galuka ondye nyenene. Agenda erhi agwerhe omwana murhanzi, erhi
akola abona owundi, ye wali murho bwenene, erhi aciyonka. Aja abwira olya mwana erhi : ogende
kwa lula lugo lunene hali echishagala cinja cinja. Okashimana omulume mwinja, ye shakulu wawe,
okashima omugoli mwinja mwinja, ye nyakakulu wawe, okashigana barhabana binja, bo banalume
bawe, okashanga banyere binja, bo bazala bawe. Erhi obabwire oku oli mwene Nankuba, olu
173

mwali mwene nyoko na mulumuna wawe, oku nsimba yarhulya na abantu boshi n‟enkafu zoshi
n‟ebirugu byoshi rhwali rhudwirhe.

11/ Olya mwana agenda, aja emwa shakulu wage, ci erhi arhamanyiri aha mwa shakulu wage. Erhi
abona omulume mwinja n‟omukazi mwinja, n‟emisole minja n‟abanyere binja, olya mwana aderha
erhi : wabona aha wani. Hyarhondera hyaderha erhi : nyama ambwizire mpu nkashanga mulume
mwinja, ye shakulu wani, erhi nyama ambwizire nkashanga mugoli mwinja, ye mugaka, mpu
nkashanga misole minja bo banalume bani, erhi nkashanga banyere binja, bo bazala bani. Baderha
mpu, oli mwene ndi? Naye : ndi mwene Nankuba. Mpu : oli mwene Nankuba? Erhi : ega!
Bamanya oku ali mwinjikulu wabo, bamugwarha, bamuha ebi alya, bamukombera bwinja bwinja.
Ashinga aha mwezi muguma ; na ogwo mwezi gwoshi eri balaguza oku baniga eyo nsimba
bamubwira mpu ajire engumba nnunu bwenene bwenene bayibagire halya hantu aliragwa,
bakaiyoca mpu, oku handi babona arhenga omu lubala ayumva okubaya kwa enyama. Bajira ,
babwira hirya hyana erhi : kanyagya orhuyereke halya hantu balirwe. Olya mwana ababwira erhi ;
haha !

12/ Oku handi baniga erya ngumba bayibaga, bayusa kubaga barhondera bayocha enyama
yashushagire. Oku handi olya musimba ayumva okubaya. Amiru gamugwarha bwenene, arhenga
omu lubala, aja halya balya bantu bali. Balya bantu erhi bayocirage ibuye mpu bamuhireryo e
kanwa. Olya musimba ababwira erhi : mpani kashitu. Batwa hitya, bamuhahyo ahirya. Ayumva
hyanuna bwenene. Ashibiderha erhi : mpani kashitu. Bashibimuha, ayumva hyanuna bwenene.
Ashubiderha erhi : mpani kashitu. Lero bamubwira erhi : oyashamage bwenene, rhukuhe nnene
yakugamba. Ayashama, nabo balya bantu erhi babona ayashama, bayanka omurhi gwa mahaji,
baguhiramwo lilya ibuye lidurhu balirengeza mpu bamufundelyo e kanwa. Acilahirira ayoboha, aja
nka hala abwarhalaho. Erhi ashinga hisanzi hintya babona akola muntu.

13/ Lero bayumva aderha erhi : carhumaga mwali mukola mpu munige wani ! Erhi : karhali nye
mukwi wawe wanali mpu onnige n‟ibuye lidurhu. Ababwira erhi : mwali winyu ali cabi,
arhayumva nyungu. Namubwira nti arhageraga omu muhanda mwinja mwinja, yehe agugeramwo.
Nani nagaya, lero namulya. Nabo mpu : k‟orharhuhagaye ? Naye erhi : muleke muheye mwe naye.
Oku handi amushala erhi : muhe na mwana wage. Aderha erhi : muleke muhage n‟ebindi birugu
nali muhire nti amulerhere. Ashala enkavu empene na ebibuzi n‟abantu boshi, boshi ahira aho.
Ababwira erhi: gendagi, mulamusanye bwinja, bwinja, nani ncijire emwani, mushige mwezi
muguma mwalamusanya mukumbulukane bwenene, ngali yishimulola erhi omwezi guyurha.

14/ Nankuba alika mwambali muguma erhi : ojibabwira lusiku lulebe, baje aha mbuga n‟ebintu
byoshi, batunga na balya bantu bani boshi, bayimange aha mbuga nani nabayankirira eno mwani.
Bayemera mpu : ega ! Olya muhya ayankirwe akalonzalonza enkafu n‟empene n‟ebibuzi ebi
atunga. Olya muhya akajibwira nina bo na ishe, erhi : hoshiaho, murhakancibona bundi. Ci amango
nkaba namamudula na ntogeze ecintu omu mulango yinyu munkengerekwo obwo. Nabo mpu :
ega.

15/ Erhi bahika kwa lulya lusiku babwiragwa, baja aha mbuga na ebintu byoshi. Ishazala ajira
nkavu igana liguma, n‟empene igana, n‟ebibuzi igana. Oku handi aja mbuga halya abantu bage bali
na mukage n‟abana bombi. Oku handi Nankuba alerha empusi nene, yabayehukana n‟ebirugu
byoshi omu malunga. Balangira basoka omu bitu, baderha mpu : hoshiaho, nta kundi rhwachijira
rhurhacimubona bundila.

16/ Olya muka-Nankuba, erhi ashinga myezi ndarhu akengera bene wabo, ayanka enkavu ikumi,
azirhogeza omu ngo ya ishe. Nabo erhi bazibona baderha mpu : mwali wirhu oyu orhukengire
wani, nabo bashizi mukengera. Hoshi aho bulya kwo ababwizire akabakengera arhoza echintu.
Akakujira ngasi mwaka arhoza enkavu ikumi, cindi cintu chinja chinja. Ci bohe bene wabo
174

bakayabirwa n‟oku bamuhekera ebintu barhamuhaga chichi bohe. Hoshiaho, nta kundi,
lwamayurha olwo lulibi.

RECIT AU SUJET DU MAITRE D’EN HAUT

1/ Un homme avait une fille très belle. Tous les grands (riches) venaient pour la demander en
mariage. Cet homme refusait, disant qu‟il ne donnait pas sa fille. Ensuite cet homme dit que sa fille
n‟irait pas cultiver, ni engranger, et il lui construisit une maison par derrière (la sienne) pour
qu‟elle y restât et que personne ne vint la prendre.

2/ Alors Nankuba vint lui aussi pour la demander en mariage. Il le dit au père de la file, celui-ci
refusa disant qu‟il ne la lui donnait pas. Nankuba vint ainsi trois fois, et le père de la fille refusait.
Nankuba alla s‟asseoir chez lui, attendant que cette fille sortit de la maison.

3/ Après de très longs jours, voilà que cet homme et cette femme vont cultiver, ils ferment bien la
porte là dans l‟enclos pour qu‟elle ne sorte pas. Et alors les filles ses compagnes l‟ouvrent et vont
dans l‟encos. Elles disent qu‟elles vont aux herbes, et elle s‟empresse de les suivre, car elle
n‟aimait pas rester si longtemps dans la maison. Elles vont sur la montagne couper de l‟herbe.
Quand elles ont fini de couper de l‟herbe, bien de fagots, elles entendent que le tonnerre gronde, et
qu‟il va bientôt pleuvoir. Elles disent : nous serons mouillées, où donc nous abriterons-nous ? Elles
entrent dans une caverne de la montagne et mettent la très belle fille tout au fond pour que
personne ne vienne la prendre. Pendant qu‟elles sont là, elles aperçoivent sur la porte qu‟il sort un
objet très grand et disent : c‟est Nankuba lui-même. Ces filles se mettent toutes à trembler, parce
qu‟elles ont avec elles la fille d‟un autre et elles-mêmes tremblent parce que celui qui est à l‟entrée
va les tuer.

4/ Ensuite l‟une des filles qui est près de l‟entrée dit : Seigneur d‟en haut, laisse-moi passer, toi qui
a de belles choses, laisse-moi passer, toi qui as des bracelets de cuivre, laisse-moi passer ». Et lui
Nankuba lui dit : «ris que je vois ». Cette fille rit. Puis il lui livre passage, elle passe dehors et s‟y
tient debout pour attendre ses compagnes. Une autre tient et dit : « Seigneur d‟en haut, laisse-moi
passer ». Et lui : « ris donc que je voie ». Elle rit. Il la laisse passer, et elle va attendre ses
compagnes dehors. Ces filles étaient six. Et la jolie fille était la septième. Toutes six passèrent, et
attendirent dehors.

5/ Il n‟y restait que cette fille toute seule. Elle aussi vint et dit : « Seigneur d‟en haut, laisse-moi
passer ». Nankuba se tut. Cette fille dit de nouveau : « Seigneur d‟en haut, laisse-moi passer. Il se
tut. Quant elle avait dit ainsi six fois, et que l‟autre se fut toujours tu, elle se mit en pleurer. Alors
d‟un coup Nankuba prit cette fille, et monta avec elle là-haut.

6/ Ses compagnes regardèrent et virent qu‟elle passa dans les nuages. Et elles se mirent à pleurer
leur compagne. Elles allèrent en pleurant porter l‟herbe au village. Elles le dirent au père de la fille,
et lui leur dit : pourquoi avez-vous amené ma fille pour qu‟elle aille là-bas, j‟avais vu que des
choses désagréables m‟arriveraient, j‟avais consulté des sorts, voilà pourquoi j‟avais défendu à
mon enfant de sortir de la maison. Voici que celle-ci est allée là-haut, là où nous n‟allons pas, nous
qui sommes sur la terre. Je ne la verrai plus, helas ! Mon enfant est perdue pour moi inutilement.
Le père et la mère pleurèrent leur fille très fort, durant environ cinq mois.

7/ Mais cet homme était riche, mais pas très riche. Il avait 300 vaches et 200 hommes.

8/ Ensuite Nankuba et (la fille qui était devenue) sa femme engendrèrent un garçon, puis encore un
autre garçon. Après quoi Nankuba réfléchissant dit : ainsi je suis très content, et voilà que je vais
175

te laisser voir tes parents. Il appela tous ses serviteurs et leur dit d‟amener des biens et des vivres
pour qu‟elle les porte à ses parents. Ses serviteurs le firent. Les uns amenèrent des taurillons,
d‟autres des chèvres et des moutons en grand nombre, d‟autres de la bière, d‟autres de la farine,
d‟autres des perles, d‟autres des bracelets. Il y avait 100 taurillons, 100 chèvres, 100 moutons et
200 vaches. Il dit aux porteurs et dit à sa femme : prends les deux enfants, va chez ton père et
salue-le. Mais quand tu seras sur la terre et près d‟arriver chez ton père, ne passe pas par le grand
chemin des alentours (de son enclos) mais passe par le mauvais chemin, pour que personne ne
t‟aperçoive. Cette femme y acquisça. Puis Nankuba fit souffler le vent pour les faire descendre et
arriver sur la terre.

9/ Alors Nankuba alla attendre pour voir où ils passeraient. Cette femme, quand elle vit que ses
biens étaient nombreux, brisa la promesse faite à son mari ; l‟orgueil s‟empara d‟elle. Elle dit : tous
mes biens, les ferai-je passer par un mauvais chemin ? Elle se laissa donc aller par le grand chemin
et laissa le mauvais que lui avait dit son mari de prendre. Quand elle se crut proche du village, bien
qu‟elle ne fut pas très proche. Nankuba les vit et se fâcha très fort, presque à mourir de colère. Il se
changea en fauve, et en très gros fauve. Il alla au devant d‟eux, car la femme était en tête, et dit à la
femme : donne-moi à manger ! Cette femme, parce que tous se mettent à trembler avec les
serviteurs, prit dix chèvres et les lui donne. Le fauve les avala et dit de nouveau : donne-moi ! On
lui donna encore dix qu‟il avala. Il dit trois fois et toutes les chèvres sont finies. Il dit encore trois
fois : donne-moi ! …et tous les moutons sont finis… Il dit encore trois fois : donne-moi ! Et toutes
les vaches sont finies. Il avala, mais il ne mâcha pas du tout. Quand tout fut avalé, il ne restait que
les hommes seulement. Il dit encore trois fois donne-moi ; et il acheva tous les hommes et tous les
biesn qu‟ils avaient apporté. Restaient la femme et les deux enfants, c‟est tout.

10/ Ce fauve dit : donne-moi ! La femme dit : je n‟ai plus rien à donner. Il dit encore : donne-moi !
Et la femme : de grâce ! Je n‟ai plus rien. Le fauve se fâcha très fort, il fit tourner ses yeux en
demandant les enfants. La femme refusa de les livrer. Comme la femme le voyait furieux, elle lui
dit : Seigneur, laisse-moi passer avec mon enfant là par côté, je reviendrai pour que tu me manges
moi seule. Elle va portant son premier enfant, en regardant l‟autre, le tout petit qui têtait encore.
Elle dit à son fils : va là-bas dans ce grand enclos, il y a là de nombreuses huttes. Si tu rencontres
un très bel homme, c‟est ton grand-père, si tu rencontres une très belle femme, c‟est ta grand-mère,
si tu rencontres de beaux garçons, ce sont tes oncles, si tu rencontres de très belles filles, ce sont tes
tantes-cousines. Dis-leur que tu es le fils de Nankuba. Dis que tu étais avec ta mère et ton frère
puiné, et qu‟un fauve les a mangés avec tous les hommes et toutes les vaches et tous les biens
qu‟ils avaient.

11/ L‟enfant s‟en alla chez son grand-père, mais il ne savait où il habitait. Quand il vit un bel
homme, et une belle femme, et de beaux garçons et de belles filles, il se dit : tu vois c‟est bien ici.
Il se mit à dire : ma mère m‟a dit que si je rencontre un très bel homme, c‟est mon grand-père, que
si je rencontre une très belle femme, c‟est ma grand-mère, que si je rencontre de très beaux
garçons, ce sont des oncles, que si je rencontre de très belles filles, ce sont mes tantes-cousines. Ils
lui répondirent : tu es le fils de qui ? Et lui : je suis le fils de Nankuba. Et eux : tu es le fils de
Nankuba ? Il dit : oui ! Et ils reconnaissent qu‟il est leur petit-fils. Ils l‟aident, lui donnent à
manger, et l‟arrangent très bien. Il reste là un mois. Et pendant tout ce mois, ils consultent le sort
afin de pouvoir tuer le fauve. Les sorts leur disent de prendre une vache stérile, à chair très douce,
et d‟aller la dépouiller là où le fauve a dévoré, et d‟aller y brûler la peau. Qu‟ensuite ils verront
sortir le fauve de brousse, dès qu‟il sentirait l‟odeur de la viande. Ils firent cela, et dirent à
l‟enfant : vite, montre-nous l‟endroit où il a dévoré. L‟enfant alla devant, et eux le suivirent. Ils
arrivèrent à l‟endroit et l‟enfant dit : c‟est ici.

12/ Puis ils tuèrent la vache stérile, la dépouillèrent, après quoi ils commencèrent à cuire la viande,
et elle répandait de l‟ordeur. Puis le lion huma l‟odeur, son instinct le prit très fort, il sortit de la
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brousse et alla là où étaient les hommes. Ceux-ci avaient aussi chauffé une pierre pour l‟enfoncer
dans la gueule. Le fauve leur dit : donnez-moi un peu. Ils coupèrent un peu et lui donnèrent à
manger. Il sentit que c‟était très bon, il dit de nouveau : donnez-moi un peut. On lui donna encore
un peu à manger, et il sentit que c‟était très bon. Il dit une troisième fois : donnez-moi un peu. Eux
alors lui dirent : ouvre largement la gueule. Quand ces hommes virent qu‟il ouvrait la gueule, ils
prirent une branche, ils y fixèrent la pierre brulante, la soulèverent et la lui introduisirent dans la
gueule. Il en fut méconte, se retira, alla jusque là et s‟y assit, après quelques instants, ils virent que
c‟était un homme.

13/ Et alors ils l‟entendirent dire : pourquoi donc êtes-vous venus pour me tuer ? Allons donc, je
suis votre gendre, vous êtes venus me tuer avec une pierre chaude. Il leur dit : votre fille a été
désobéissance, elle n‟a pas écouté les sorts ; je lui avais dit : ne passe pas par le côté très beau et
elle y est passée. Et alors je me suis fâché, et je l‟ai mangé. Et eux : est-ce que tu ne la rendras pas.
Et lui : laissez-moi vous la rendre, elle et lui (l‟enfant). Puis il ouvrit la gueule, et la voici avec le
fils. Il dit : laissez-moi que je lui donne les biens que je lui avais donnés pour vous les apporter. Il
ouvrit la gueule et vaches, chèvres, moutons, hommes, il déposa là le tout, et leur dit : allez,
réjouissez-vous beaucoup, et moi je retourne chez moi, pendant un mois restez vous réjouir et
jouir de votre réunion, je viendrai voir cela à la fin du mois.

14/ Nankuba donc leur envoya un serviteur leur dire que : à tel jour ils se mettent dehors avec tous
leurs biens, qu‟ils réunissent aussi tous mes hommes, qu‟ils se tiennent dehors et moi je les
prendrai chez moi. Tous répondirent : oui. L‟envoyé alla chercher partout les vaches, les chèvres
et les moutons et les rassembla. La femme (de Nankuba) vint avertir son père et sa mère et leur dit :
c‟est fini, désormais vous ne me verrez plus. Mais lorsque j‟aurai le désir de vous voir, je ferai
tomber quelque chose à votre porte, pour me rappeler à votre souvenir. Et eux de dire : oui.

15/ Quand fut arrivé le jour qui leur fut indiqué, ils se mirent dehors avec tous les biens. Le beau-
père (de Nankuba) lui aussi y mit 100 vaches et 100 moutons et 100 chèvres. Puis il mit dehors là
où étaient les hommes, et la femme et les deux enfants (de Nankuba). Et Nankuba amena un vent
violent qui les tansporta en balançant avec tous les biens dans leurs hauteurs. Les parents les
observaient montant dans les nuages et dirent : c‟est fini, rien d‟autre ne nous arrivera, nous ne la
verrons plus désormais.

16/ La femme de Nankuba, quand elle eut passé dix mois, elle pensa aux siens. Elle prit dix vaches
et les fit descendre dans l‟enclos de son père. Lorsque les parents les virent, ils dirent : notre fille
vraiment s‟est souvenue de nous, et eux aussi pensèrent à elle. C‟est fini car comme elle le leur
avait dit, elle a pensé à eux et fait tomber quelque chose. Elle fit de même chaque année, faisait
descendre dix et d‟autres choses très belles. Quant à ses parents, ils étaient dans l‟impossibilité de
lui faire parvenir des choses, et eux ne lui donnèrent rien. Fini, rien d‟autre ! Ce récit est achevé.

OLULIBI LWA NANKUBA BO NA NYANGE, YE MWAMI W’ENYUNYI NA NYUNDA


MURHAMBO WAGE

(On respecte au Bushi l’IBIS et l’AIGLE devenus les rois des oiseaux, parce que l’IBIS a pu
trouver de l’eau et l’AIGLE des lances refusées par NANKUBA).

1/ Omwana muguma ashimanaga abantu babaga enkavu yabo. Ababwira erhi : ewe mpe nani obwo
budiku buyende omu nyungu. Mpu : lahira wani ! Erhi : mbofa nkuno. Nabo mpu : rhumuhebwo.
Bamuhabwo. Balerha enyungu bahiramwo, batwanakwo omuliro bwenene, balegerera batwana.
Erhi biba bijingo bamufukula, bashimana azine arhanahire ciru n‟ehitya. Basomerwa bwenene.
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2/ Naye olya aheka bulya budiku bwage omu mwa nakulu. Nakulu abulya. Erhi hiyisha hyabwira
nakulu erhi : mpaga bulya budiku bwani mbulyeko. Naye nakulu erhi : nabulire bwoshi. Hyakunira
bwenene. Hyabwira nakulu erhi : olyulage ! Nakulu ajira obulo amuhabo. Bulya bulo hyabuyanika,
oluhazi lwabulya. Hyalubwira erhi : lyula ! Lwajira iji lwahihalyo. Hyaderha erhi ; kwokwo, orhali
wa mbaka. Mpu higendage obuterezi bwahikuba hyagwarha oku kanwa. Erhi : lyulaga ! Obuterezi
bwamuha obudaka. Hyagenda mpu hyayikira olwishi, hyakulumbamwo, obudaka bwajonga
hyagwarha oku kanwa, erhi : lyulaga. Lwahiha orhwishi.

3/ Hyagenda hyashimana abantu n‟amarhi erhi : ewe chi mwatula na marhi na ngwerhe amishi
mashi ! Mpu : arhuhagego mashi we konkwa we ! Hyabahago batulamwo. Erhi hishinga kashanzi
katya, hyagwarha oku kanwa, hyaderha erhi : mpagi amishi gani, erhi mumpe akere. Bahiha akere.

4/ Hyagenda hyashimana abakazi, bagesha obulo na mino, hyababwira erhi : ewe ci mwagesha
n‟amino na ngwerhe akere nyehe. Nabo mpu : rhuhage rhugeshemwo waliha! Hyabahako
bageshamwo. Erhi hishinga kashanzi katya mpagi akere kani ! Kandi erhi : mumpage obulo.
Bamuha obulo, agenda. Lero ashubira emwa nakulu.

5/ Bulya bulo hyabuhula hyayanika, hyanagwishira hyaja iro. Olunyunyi lwoshi lwayisha, lwalya
bulya bulo bwoshi bwoshi. Oku handi hyatuluka hyabona lulya lunyunyi lwamayusa okulya
obulo. Erhi : mpa obulo ! Kandi erhi : mumpe kanyunyi kaguma ! Rhulya rhunyunyi
rhwacibalalira rhwoshi. Nahyo hyarhuheherera erhi„ mubulire ci burhacihonaga aha mumiro
gwinyu, aha mwakaja omu mahanga goshi mubule amishi. Oku bundi amishi goshi ga mahanga
gachiganira. Orhunyunyi rhwagalwa n‟enyorha nkali bwenene, bulya rhuli mwezi rhurhanywa
chirhu ebideka bya enkuba.

6/ Orhunyunyi erhi : rhuba rhwamarhama n‟okuzungula mpu : rhwachibona ahantu rhwanywera


rhwanabula. Lero rhwaja hantu haguma rhoshi rhoshi erhi : hanali ibuye linne linene.

7/ Lero enyange yalilolereza yageranya, erhi : owabeza eri ibuye, anabonamwo amishi anywa ?
Yabwira orhunyunyi erhi : yaga oku rhwajira : rhubeze eri ibuye na emiromo yirhu. Ababo erhi :
ega rhukujire. Yaderha erhi : ngasi w‟omulomo munene, ye warhanga ! Oku bundi hungwe ahaja
aderhi erhi : mbone amishi, nshube mwami w‟enyunyi. Omulomo gwage gwoshi gwatundamalika
gwoshi, akulumba.

8/ Omusambi gwahaja nagwo, gwahaja gwaderha erhi : mbone amishi mwami wa rhunyunyi. Naye
atundumalika omulomo gwoshi, ahirima. Ngasi kanyunyi k‟omulomo munene kahaja koshi,
rhwoshi rhwanayabirwa okubeza lirya ibuye.

9/ Erhi orhunyunyi rhwoshi rhuhaja rhwoshi rhwamayabirwa, enyange yahaja ci burhanzi


yaderha erhi : najaha ci ntakwo najira. Ka muyabirwe mwe b‟emilomo minene, nye
w‟omusungunu nkuhashe ? Ahaja atota omulomo gwage oku ibuye aderha erhi : mbone amishi
nshube mwami w‟orhunyunyi. Oku handi yehe gwagwarha gurhatundumalikaga, erhi aderha
kasharhu abona amishi gayisha, anywa ashiberha erhi ; mbone amishi nshube mwami
w‟orhunyunyi, kandi gayisha, agakayunjuza endaha. Ababo boshi bamuyamira mpu abahe nabo.
Aha ngasi barhonyi bage bonene, aha nyunda erhi ye murhonyi wage. Ashibitota erhi : mbone
amishi nshube mwami w‟orhunyunyi. Lero goshi goshi garhenga omu ibuye gahuluka, yashuba
nyanja nene. Abanyunyi bali batundumalisire emiromo banakumbire ahanshi bagendanwa na
enyanja.

10/ Oku handi nyange abona mulya ibuye mwakarhenga amishi mwarhenga amatumu minja minja,
agayanka, agafumbarha. Orhunyunyi rhwoshi rhwasima nyange mpu : we warhuha amishi, we
wanakolaga mwami wirhu, nta wundi mwami obwo, ci bwenene wenene. Bagenda emwabo baba.
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11/ Erhi bashinga mugobe Nankuba abona galya matumu ga nyange, ayisha mpu amuhego, bajire
obwira bw‟okuli. Naye acilahira mpu arhamuhago. Ashubirira kasharhu mpu bamuhe amatumu,
nyange acilahirira bwenene. Nankuba ashinga mwezi muguma arhayishihuna.

12/ Lero abwira omwambali erhi : ogende obwire enyange ampage nani aga matumu ngabalamane
oku handi ngali gagalula nago. Lero amuhago, Nankuba erhi agabona asima bwenene; erhi
kwokwo ntacimuhamagala ndi wayishigi gahuna ka bakahika eno munda ? Agayorhana mwaka
muguma arhanamugaluliragwo.

13/ Nyange abwira abambali boshi erhi : ka murhabonaga namukula habi wani. Lero ndi muguma
mulimwe agendage anderhere amatumu oku nkuba. Boshi baderha mpu : ocishoge wenene , oyu
wayanka omurhume. Abwira omusambi erhi : gendage. Ayemera, lero agubwigiriza erhi : kurhi
waderha ? N‟agwo gwayama. Kulya gunayama, nyange agaya, erhi : kurhi odesirage obwo ?
Barhakayumva okwo ci bwarhalire. Arhubwira rhoshi mpu kurhi rhwaderha ? Rhwakayama
kwonene. Agaya erhi : barhayumva, okwo kurhali kuderha.

14/ Lero abonaho muguma amubwira erhi : ngenderaga ompunire amatumu gani. Kayemera erhi :
ega waliha nagenda obwo, ntakalahira kwawe nyakasane. Erhi : kurhi wajiderha obwo ? Nako
kalya kanyunyi erhi : najiderha nti mpu ohe nyange itumu lyage, mpu ohe nyange itumu lyage,
ajira e lundi kulaguza mpu arhayishi aha lyajire. Nyange erhi : kwokwo mwami wani, wamamanya
okuderha obwo.

15/ Ako kanyunyi kagenda oku nkuba, izino lyako ko nyunda. Erhi kahika oku nkuba kagwa oku
nyumpa, kaderha mpu : ohe nyange itumu lyage, ajire e lundi kulaguza, mpu arhishi ahalyajire.
Bayumva bene nyankuba, basomerwa mpu : lero cici co charhuderha. Erhi bahibona bahibanda
irongo. Hyacamukira handi handi. Erhi kaba kasanzi yashubirira mpu : ohe nyange itumu lyage,
ajire e Bubembe kulaguza n‟e Busozo kulaguza mpu arhishi aha lyajire. Lero banyesa enkuba nene
mpu lyo hifa hireke okuderha. Hyacijira omu lulera lwa enguli. Erhi hijirakwo nsiku isharhu,
hyashubiderha erhi : mpu ohe nyange itumu lyage, ajire e Lwindi kulaguza, mpu arhayishi aha
lyajire. Lero balerha amatumu goshi ga omu cihugo coshi, bagalerha aha mbuga, bahibwira mpu :
oyishage oyanke amatumu ginyu. Hyayisha hyalolerezamwo galya matumu goshi,
hirhabonagamwo agabo. Hyashubira oku nyumpa, hyaderha erhi : mpu ohe nyange itumu lyage.
Bahibanda amabuye hyacanukira handi handi. Erhi buca, balerha galya galya matumu goshi, kandi
lero balerha na galya ga nyange, bagahira omu karhi karhi, mpu : oyishe oyanke amatumu ginyu.
Hyayisha hyalola galya matumu, hyalola hyagabona omu karhi, hyagayanka hyachilibirhira.
Banyesa enkuba elimwo olubula mpu lyo hifa omu njira. Oku hyaloba hyanalibirha, hyahika aha
mwa nyange. Hyagana omusingo mpu : oje muno. Nyange erhi : kw‟odwirhe galya matumu gani ?
Nyunda erhi : ngadwirhe waliha ! Nyange erhi : kwokwo mwana wani, we okolaga murhambo
wani, nta wundi murhambo. Nkola nkugwasize ishungwe lyonene, ciwe nawe oli mwani,
owacikunige erhi mwami anizire obwo ! Hoshi aho : Enyange n‟enyunda birhanigwa eno munda.
Lwamahwa obwo.

FABLE DE NANKUBA, DE L’IBIS DEVENU ROI DES OISEAUX ET


DE L’AIGLE SON SOUS-CHEF

1/ Un enfant rencontra des gens occupés à abattre une vache. Il leur dit : donnez-moi le foie et
cuisez le dans le pot. Eux : jure donc ! Et lui « que tu meures de diarrhée ». Et eux : donnons-lui-
en ! Et ils le lui donnent. Ils apportent un pot, y mettent le foie, font beaucoup de feu et chauffent
tout le jour. Quand il fut soir, ils découvrirent le pot et trouvèrent le foie vivant, pas du tout cuit. Ils
sont très étonnés.
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2/ Et l‟enfant porta le foie chez sa grand-mère. La grand-mère le mangea. Quand le petit le sut, il
dit : grand-mère, donne-moi mon foie que je le mange. Et la grand-mère : je l‟ai mangé en entier.
Le petit se fâche fort, et lui dit : paie-moi ! La grand-mère a de l‟éleusine et lui en donne. Et il étent
l‟éleusine et le coq le mange. Et il dit au coq : paie ! Le coq a un œuf et le lui donne. Et il dit !
Merci ! Tu n‟es pas qu‟un à faire des difficultés. Puis le petit part, et à un endroit glissant , il
tombe, et saisit le sol de la bouche. Il dit : paie ! Et le sol lui donne de la terre. Il part et passe la
rivière et il tombe, et il saisit de la bouche la terre détrempée. Il dit : paie ! Et la rivière lui donne de
l‟eau.

3/ Il part et rencontre des hommes avec de la salive, et il leur dit : vous autres pourquoi forgez-
vous avec de la salive (pour jeter sur le charbon de bois) alors que moi j‟ai de l‟eau, vraiment ? Ils
disent : donne-nous-en, s‟il te plait, toi ! Et il leur en donne pour forger. Après avoir attendu un peu
de temps, il se saisit la bouche et dit : rendez-moi mon eau, et donnez-moi un couteau ! Ils le lui
donnent.

4/ Il part et rencontre des femmes occupées à couper de l‟éleusine avec les dents et leur dit : mais
vous, vous fauchez avec les dents, et moi j‟ai un couteau ! Et elles : donne-le-nous, que nous
fauchions avec s‟il te plait ! Il le leur donne pour faucher. Après un petit temps : rendez-moi mon
couteau ! Puis : donnez-moi de l‟éleusine ! Elles lui en donennt et il part. Et donc il retourne chez
sa grand-mère.

5/ Cette éleusine, il la nettoie, va se coucher et s‟endort. Et tous les oiseaux arrivent et mangent
l‟éleusine, toute absolument. Et puis il se réveille et voit que les oiseaux ont fini de manger
l‟éleusine. Il leur dit : donnez-moi mon éleusine ! Puis : donnez-moi un oiseau, un seul ! Et ces
oiseaux s‟envolent tous. Et lui le maudit. Il dit : là où vous irez dans tous les alentours, que vous
manquiez d‟eau ! Après quoi toute l‟eau du pays tarit. Les oiseaux sont pressés par une soif
ardente, et restent un mois sans boire (il n‟y a plus d‟eau) même dans les flaques stagnantes d‟eau
de pluie.

6/ Les oiseaux disent : nous sommes fatigués d‟errer ça et là pour voir un endroit pour y boire, et
nous n‟envoyons pas. Allons donc au même endroit tous ensemble, là où il y a une très grosse
pierre.

7/ Alors l‟IBIS qui était allé l‟inspecter en réflechissant avec inquiétude dit : qui brisera et y
trouvera de l‟eau pour boire ? Il dit aux oiseaux : voici ce que nous ferons, brisons cette roche avec
nos becs. Et les oiseaux ; oui faisons cela. Et il dit : que chacun qui a un gros bec commence. Puis
le corbeau y va et dit : si j‟y trouve de l‟eau, que je sois le roi des oiseaux. Et tout son bec s‟y
brise, et il tomba.

8/ La grue couronnée y va elle aussi, et dit : Si j‟y trouve de l‟eau, que je sois le roi des oiseaux.
Et elle aussi y brissa son gros bec et tomba. Et chaque oiseau, à gros bec, y alla et tous furent
vaincus à vouloir briser cette roche.

9/ Et après que tous y furent allés et furent vaincus, l‟IBIS y alla. Mais d‟abord il dit, j‟y vais mais
je ne ferai rien. Est-ce que vous n‟êtes pas vaincus, vous au gros bec ? Moi au bec fin, le pourrai-
je ? Il y va et donne des coups répétés avec son bec sur cette pierre. Il dit : s‟il y trouve de l‟eau,
que je sois le roi des oiseaux. Puis la lui saisit, et son bec ne brisa pas. Il dit cela trois fois, et voilà
que l‟eau vient ; il boit et dit de nouveau : si je vois de l‟eau, que je sois le roi des oiseaux. Puis
l‟eau vient et il remplit les vases. Tous ses compagnons crient pour qu‟il leur en donne. Il n‟en
donne qu‟à ses amis. Il en donne à l‟aigle qui est son favori. Il continue à frapper le rocher, en
disant : si j‟y vois de l‟eau que je sois des oiseaux. Et donc toute, toute l‟eau sort de la pierre et
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s‟écoule, ce fut une grande mer. Les oiseaux qui s‟y étaient brisé le bec et étaient tombés par terre,
furent emportés par la mer.

10/ Ensuite l‟Ibis vit que de cette roche d‟où était sortie l‟eau, il sortit aussi de très belles lances. Il
les prit, et les empoigna. Et tous les oiseaux aimèrent l‟Ibis en disant : toi qui nous a donné de
l‟eau, toi tu seras notre roi, et pas un autre qui sera roi, mais toi seul. Ils s‟en vont chez eux et y
restent.

11/ Quand ils y étaient une semaine, Nankuba (genie de la pluie) vit ces lances de l‟Ibis. Il vint les
demander avec promesse de bonne amitié. L‟Ibis refusa, et ne les lui donna pas. Nankuba revint
trois fois, pour qu‟il lui donne les lances. Et l‟Ibis refusa absolument. Nankuba resta un mois sans
les demander.

12/ Alors il envoya un serviteur disant : va dire à l‟Ibis qu‟il me donne ses lances, que j‟aille me
promener avec et qu‟ensuite je pourrai les lui rendre. Alors il les lui donna. Quand Nankuba les vit,
il fut très content et dit : merci, je ne refuserai à personne qui viendrait les demander, mais
pourrait-on venir ici où je suis. Et il resta une année entière sans les rendre.

13/ L‟Ibis dit à tous ses serviteurs : n‟avez-vous pas vu que j‟ai enlévé le malheur ! Ainsi qui est le
seul parmi vous qui ira et me rapportera les lances de chez Nankuba (au delà des nuages). Tous
disent : choisis toi-même et envoie celui que tu as choisis. Il dit à la grue courronnée : va elle y
consent. Alors l‟Ibis en lui demande : comment diras-tu ? Et elle de crier : ce cri, l‟Ibis le méprise
et dit : comment donc as-tu dit ? Ils n‟écouteront certes pas et resteront asssis. Il dit à tous les
oiseaux de montrer comment ils diront. Tous sifflent seulement. Il se fâcha et dit : ils n‟écouteront
pas (là-haut), crier n‟est pas parler.

14/ Et alors il envoit un et lui dit : va à ma place, demande pour moi mes lances. Il consent disant :
oui, maître, je ne puis rien te refuser. L‟Ibis lui dit : comment diras-tu donc ? Et lui l‟oiseau, dit ;
j‟irai dire ainsi : rends à l‟Ibis sa lance, rends à l‟Ibis sa lance, il est allé à Lwindi pour faire la
devination sans qu‟un autre sache pourquoi faire. L‟Ibis, merci mon fils, toi tu sais parler.

15/ Cet oiseau là qui se rendait chez Nankuba, son nom est « Aigle ». Quand il y arriva il se posa
sur la maison et dit : donne à l‟Ibis sa lance, il est allé à Lwindi consulter le devin, sans qu‟on
sache pourquoi faire. Les gens de Nankuba l‟entendent, sont stupéfait, ils disent : qu‟est-ce donc
qu‟il nous dit ! Dès qu‟ils l‟aperçurent, ils lui lancèrent une motte de terre. L‟Aigle se déplaça
ailleurs et après un moment il y retourna disant : donnez à l‟Ibis sa lance, il est allé dans la Luindi
consulter le devin ; et dans le Busozo consulter le devin sans qu‟on sache pourquoi faire. Et alors
ils font tomber une averse très forte pour qu‟il meure, et laisse de parler. L‟Aigle se met sous le toit
d‟un grenier. Quand il y eut passé trois jours, il retourna dire : donnez à l‟Ibis sa lance, il est allé à
Lwindi consulter le sorcier sans qu‟on sache pourquoi faire. Et alors ils amènent toutes les lances
du pays tout entier, ils les amènent dehors et disent à l‟Aigle : viens, prends les lances. Il y va,
regarde toutes ces lances, et n‟y voit pas les leurs. Il retourne sur la maison et dit : donnez à l‟Ibis
sa lance. On lui jettte des pierres, il se réfugie ailleurs. Quand il fut matin, ils lui apportèrent les
vraies lances, ils apportèrent celles-là mêmes de l‟Ibis et les placèrent au milieu des autres disant :
viens, prends vos lances. Il vint, regarda ces lances, regarda et les vit au milieu. Il les prit et
s‟enfuit. On fit tomber la pluie avec de la grêle pour le tuer en route. Il fut trempé en s‟enfuyant, et
arriva chez l‟Ibis, et le salua disant : viens ici. L‟Ibis dit : as-tu mes lances ? L‟Aigle répondit :
maître je les ai. L‟Ibis dit : c‟est bien mon fils. Toi tu seras mon sous-chef, sans autre sous-chef
que toi. Voici que je te soutiendrai. Le diadème même soit sur toi. Tu es roi, celui qui te tuerait
aurait tué le roi lui-même. C‟est tout, l‟Ibis et l‟Aigle ne sont jamais tués ici. Voici le récit fini.
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OLULIBI LWA RUGWEGWE

1/ Omulume burhanzi anaciburha bana babiri, omulume na omukazi. Nina wabo arhanzirifa, erhi
munyere asigala na omulume. Omulume ajire e muzirhu, atwa murhi mwali wabo hagere. Atwa e
lushuli mwali wabo agere.

2/ Lero bahika omu karhi ka omuzirhu, bashimana omushosi. Omushosi erhi ali mugale, akola
muntu mukulu bwenene, arhagwerhe na omwana, arhagwerhe na omukazi, agwerhe enkavu nyinji
nka magama kali munani, na empene , mpanzi yange Muyande (nfizi). Omunyere na omulume
bamushiga. Erhi buba budufu, baderhana mpu rhumunige, rhube rhuyime ebi bintu byoshi. Lero
mwali wabo alahira. Lero mushinjo wabo erhi : nakuniga, okaba walahira mpu ntamuniga. Lero
mwali wabo ayemera. Bamuniga, bamubisha omu mashi g‟enkavu oku camvu.

3/ Lero mukonzi wa embala abashimanaho. Ajibwira mwami erhi : nabwine enkavu n‟omunyere.
Na mwami amubwira : carhumire orhalera kavu nguma. Lero : omunyere anzimana, ampire ebilyo
binji. Ntangiyisha kukubwira. Kandi mwami : nakuha bantu, mujiziyanka. Erhi mwami amuha
abantu. Omunyere ababona, ayanka ecirhiri, na akarhi kage, aja oku chanvu. Lero Muyande, ozuke
ovune. Rugwegwe ovune, Muyande ovune. Mushinja wabo ayisha, na empanzi yage n‟enkavu.
Lero empanzi ayisha omuntu, naye wundi. Boshi bahwa. Omukonzi wa embala alibirha, abwira
nawabo erhi : bantu bahwire, mpanzi abayisire na omulume kuguma.

4/ Mwami arhimba engoma, arhabaza abantu, bayisha baja basama. Omunyere ayanka ciriri na
akarhi, ajao omu camvu, erhi : Muyande Muyande zuka, ovune Rugwegwe. Kandi mpanzi ayisha
omuntu na mshinja wabo. Mshinja ayirha omutu na empanzi ayirha omuntu. Lero boshi bahwa.
Mwami alibirha yenene. Ayanka, aja e mwage.

5/ Omugikulu ayishaga abwiza omunyere : cici cankamuyirha ? Erhi : owakarhubanda aha kajo,
rhwanafa. Lero mugikulu atuntuma obufumu, erhi : onyereke endaha zirya za amarha. Lero olya
munyere amuyereka. Akamira zoshi zoshi mwobufumu, mpu hano baganywa bafe. Lero erhi biba
bijingo, Rugwegwe ayisha na enkavu zoshi. Akola adwirhe akama, amubanda akajo ka nyungu.
Arhondera akama, erhi ayusa ashushirwa agweshera. Erhi kuba budufu, mugikulu ayumva bali iro,
azuka aja amutwa irhwe, amuniga. Aja emwa mwami. Erhi lero namuyisire. Lero bayirha bayanka
enkavu zoshi zoshi na omunyere babiheka. Mwami amuyanka ashuba mukage. Enkavu zaleka
okushubala, na okuyana na okukera zaleka bulya zalaka Rugwegwe. Zadorha bwenene.

6/ Mwami amubwira mukage (ye mwali wabo Rugwegwe) : ci olakira ? Erhi : ndakira,
conandakira. Lero mwami asomerwa. Lero erhi kuba kasirahinga, aja omu mugore mwali wa
Rugwegwe, erhi cirhuma nkavu zinyu zirhacishubala, zirhajikera, erhi bulya zikalira nazo. Naye
mwami erhi : nnazo ye ndi ? Naye erhi : olya bayirhaga. Lero mwami : ndi wamuyisire ? Naye :
ntamanyiri ! Ci amanyire, ci ahuluka kwonene, erhi : nkambwira, naye ankayohoba mpu
nanamuniga.

7/ (Omulindye amufulaga). Lero abona omulindye amujacira. Mulindye erhi : olakira mugore ?
Mugore naye : ndi ndakira omushinja wani. Na omulindye erhi : ompe bishari, erhi nyereki naka
mufula. Ompe orhugendane rhwe naye. Agera omu njira, ngere omu lubala. Lero omulindye
gwahahika, gwaja gwarhola norhuvuha omu nyumpa, gwarhuhira haguma. Lero gwajira
kabuhabuha, kalungalunga. Lero gwamubwize Rugwegwe ; ngahi hali kuluma. Naye erhi : omu
cibuno, gwamubwira erhi : oyimuke. Naye erhi : amadwi gamanduma. Gwaciderha, kabuhabuha,
kalungalunga. Lero ayimuka yeshi. Agubwira erhi : ntaho hacinduma. Lero nagwo gwamubwira :
cici wampa ? Naye erhi : owakurhumaga akuhe ntanda akubwizire. Bagenda.
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8/ Gwagera omu lubala, naye omu njira. Rugwegwe erhi : we wanyereka e munda mwali wirhu
aba. Nagwo gwamubwira : erhi nahika hofi na enyumpa, nshokole, nawe osigale nyuma. Erhi
nyumpa nakajamo, nawe ojemwo. Gwaja omu nyumpa omwa mwali wabo. Naye asigala e
muhanda. Lero gubwira mwali wabo : nkola mmudwirhe. Naye mwali wabo : wanteba. Naye
mulindye : ohuluke oji lola. Lero mwali wabo ahuluka, amushimana. Bagwarhana omu cifuba.
Mwali wabo ayigula lumvi, mushinja wabo agere, aluhamika. Ayigula byogo ikumi anabiyigala.
Amuheka omu aba. Lero ayanka amavurha, amushiga kandi amufulika enyuma ya encingo.

9/ Lero amubwira iba erhi : ompe mpanzi mbage. Naye iba amubwira erhi : lero walonza okulya.
Naye erhi : nshalisire, nansimire. Mwakano kanwa bayumva empanzi ayana. Lero mwami erhi :
namasomerwa. Abwira mukage : lero empanzi amayana, enkavu zashubala zoshi, zanayana,
zadwirhe emêzi zanaburha. Lero mwami aheka mpanzi aha mukage. Mukage ayibaga. Kandi
amuha omulindye oluhu lwoshi, na ngasi rhuvuha rhwoshi rhwo omu nyama. Mulindye erhi :
okonkwa. Erhi nsiku zoshi gera, okazimpe bisharhi. Mulindye kandi gwacigendera.

10/ Lero mugore ayanka mushinja wabo, amuheka aha mbuga. Amushuka, anamushiga, alerha
entebe, amubwarhazakwo. Lero mwami ahuluka e kasheshero, amugwarha. Lero amubwira
omugore erhi : oyishe, erhi : ngahi wazimbire omwana ? Naye erhi : mushinja wirhu. Mwami erhi :
ntajira mwana, ye nkola mugala wani. Lero bantu boshi bayumva engoma zaja kumahango, lyo
bamanye oku mbusire omwana we enfula.

11/ Lero ahamagala olya mugikulu owamuyirhaga, erhi : we wancizize. Amuha ishwa na enkavu
makumi arhanu. Ayalusa omugala amuha ishwa lilimwo abantu, na enkavu nyinji nyinji. Lero
mukage ashuba wage mukulu. Lwoshi olwo.

HISTOIRE DE RUGWEGWE

1/ Un homme jadis engendra deux enfants, un garçon et une fille. Leur mère vint à mourir laissa la
fille et le garçon. Le garçon (Rugwegwe) s‟en alla à la forêt, coupant les arbustes pour que sa sœur
passe, coupant les lianes pour qu‟elle passe.

2/ Ils arrivèrent au milieu de la forêt et y trouvèret un vieillard. Le vieillard était riche, c‟était un
homme puissant, mais qui n‟avait pas d‟enfants, n‟avait pas de femme, et avait près de 800 vaches
et des chèvres. Son taureau était Muyande. Et le garçon et la fille se firent ses suivants. La nuit
venue, ils se dirent l‟un à l‟autre : tuons-le, nous hériterons de tous ses biens. Mais la sœur refusa.
Le frère lui dit : je te tue, si tu refuses que je le tue. Et alors la sœur y consentit. Donc ils le tuent et
l‟entérèrent dans la bouse des vaches, au fumier.

3/ Et voilà que le bandanus de la brousse les y voit, et va dire au roi : j‟ai vu des vaches et une fille.
Et le roi lui dit : pourquoi ne m‟as-tu pas amené une vache. Il répondit : la fille m‟a régalé et m‟a
donné beaucoup à manger, j‟ai voulu d‟abord t‟en avertir. Alors le roi lui dit : je te donnerai des
hommes pour aller les prendre. Et le roi lui donna des hommes. La fille les apercevant prit sa hotte,
son bâton et alla sur le fumier. Elle cria : Muyande, sors, Rugwegwe, brise, Muyande, brise. Son
frère arriva avec son taureau et les vaches. Et voilà : le taureau tua des hommes, et lui son fère les
autres. Tous moururent. Les pandanus de la brousse courent en avertir le roi, les hommes sont finis,
le taureau les a tués, et le garçon aussi.

4/ Le roi battit les tambours, appela aux armes beaucoup d‟hommes. Ils y allèrent en dansant. La
fille prit sa hotte, son bâton étalla sur le fumier. Elle dit : Muyande, Muyande lève-toi, Rugwegwe,
brise. Et alors le taureau vint avec le frère. Le frère tua des hommes et le taureau tua des hommes.
Et alors tous furent achevés. Le roi s‟enfuit tout seul, se cachant, et vint chez lui.
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5/ Il arriva une vieille qui interrogea la fille : qu‟est-ce qui pourrait vous tuer ? Et elle : celui qui
jetterait un tesson nous tuerait. Alors la vieille broya du remède et dit : montre-moi tes cruches à
bière. La fille les lui montra. Elle exprima le jus des remèdes dans tous, pour que quand quelqu‟un
y boirait il en mourut. Quand il se fit soir, Rugwegwe vint avec toutes ses vaches, et pendant la
nuit, la vieille lui jeta un tesson de pot. Il se mit à traire et lorsqu‟il eut fini, il fut pris de fièvre et
se coucha. Pendant la nuit, la vieille voyant qu‟ils dormaient, se leva et alla lui couper la tête et le
tua. Elle alla chez le roi et dit : donc je l‟ai tué. Et on vint prendre toutes les vaches et la fille, et on
les amena. Le roi en fit sa femme. Et les vaches cessent d‟uriner, de porter et refusent de brouter,
parce qu‟elles pleurent Rugwegwe. Elles maigrissent fortement.

6/ Le roi dit à sa femme (qui est la sœur de Rugwegwe) : pourquoi pleures-tu ? Elle dit : ce que je
pleure, cela ferait pleurer sur moi. Le roi en est étonné. Et quand il fut midi, il alla de nouveau chez
la princesse, sœur de Rugwegwe et lui dit : pourquoi vos vaches n‟urinent-elles plus, et ne vont
plus brouter, paturer. Et elle : elles pleurent leur maître. Et le roi : leur maître qui est-il ? Et elle :
celui qu‟on a tué. Le roi dit alors : qui l‟a tué ? Et elle : je l‟ignore. Elle le savait bien, mais elle se
tut seulement, disant : si je le lui dis, lui aussi aura peur que je le tue.

7/ Une souris lui rend la vie. Or donc, elle vit une souris, l‟insulta. La souris lui dit : pourquoi
pleures-tu princesse ? Et la princesse : je viens pleurer sur mon frère. Et la souris lui dit : donne-
moi de vieilles peaux, moi je le raménerai à la vie. Donne-moi quelqu‟un, que nous allions
ensemble. Lui passera sur le sentier, moi dans la brousse. Quand la souris y fut arrivée, elle alla
ramasser ses ossements dans la maison et les mit ensemble. Et elle souffla, souffla dessus, elle
amboita, emboita. Puis elle interrogea : Rugwegwe, où as-tu mal ? Il dit : aux reins. Elle lui dit :
lève-toi. Et lui : mes genoux me font mal. Elle parla encore, souffla, souffla, emboita, emboita. Et
il se lève tout à fait. Rugwegwe lui dit : plus nulle part j‟ai mal. Et elle lui dit : que me donneras-
tu ? Et il lui dit : celle qui t‟a envoyée te donnera les vivres qu‟elle a promis. Ils s‟en vont.

8/ La souris passa dans la brousse, et l‟homme par le chemin. Rugwegwe dit : toi tu me montreras
la route, vers là où est ma sœur. Et elle de dire : quand je serai proche de la maison, je davancerai,
toi tu resteras derrière. Quand j‟entrerai dans la maison, entre aussi. Elle alla vers la maison où
était la sœur, et lui resta à côté. Alors elle dit à la sœur : voici que je l‟ai. La sœur dit : tu me
trompes. Et la souris : sors et viens voir. Alors la sœur sortit et rencontra son frère. Ils
s‟embrassèrent. La sœur ouvrit la porte pour laisser passer son frère, et elle la referma. Elle ouvrit
dix enceintes et les referma. Elle l‟amena chez elle. Alors elle prit du beurre, le oignit, puis le
cacha derrière le lit.

9/ Or elle dit à son mari : donne-moi taureau à dépouiller. Le mari lui dit : tu veux donc manger ?
Elle : j‟ai faim, j‟en serai contente. Au moment où les vaches vont boire, on entendit le taureau
beugler. Le roi dit : je suis étonné. Il dit à sa femme : ainsi le taureau vient de beugler, toutes les
vaches urinent, elles beuglent, elles portent et vêlent. Et le roi amena le taureau chez sa femme. Sa
femme le tua, puis donna à la souris toute la peau et tous les os absolument qui étaient dans la
chair. La souris dit : merci ! Tous les jours que je passerai, tu me donneras de vieilles peaux. Puis
la souris s‟en alla.

10/ La princesse alors prit son frère et l‟amena dehors. Elle le lava, l‟oignit, lui amena un siège et
l‟y fit asseoir. Puis le roi sortit d‟une cachette et le surprit. Il dit à la princesse : viens, où as-tu volé
cet enfant ? Et elle : c‟est mon frère. Le roi dit : je n‟ai pas d‟enfants, lui sera mon fils. Tout le
monde entendra les tambours résonner dans le pays, afin qu‟ils sachent tous que j‟ai engendré un
enfant, un premier-né.
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11/ Puis il fit venir cette vieille qui l‟avait tué, et lui dit : toi tu m‟as sauvé. Il lui donna un pays et
cinquante vaches. Il installa en ménage son fils, lui donna un pays avec beaucoup d‟hommes et de
très nombreuses vaches. Et voilà que sa femme devint sa grande princesse. C‟est tout.

FEMME DU ROI MEPRISE QUI TUE ET MANGE SON CHIEN

1/ Omugore ashombwa. Lero akabwa kakaluka omu mwage. Erhi oguziga cura kushenya. Baja
enshali boshi. Lero bashenya enshali nyinji bwenene. Akaberhuza kafurama kayabirwa ; acili
kaberhuza kafurama. Lero akaha embasha akabaga ; erhi ayusa okukabaga akabika omu karhi ka
enshali. Lero afuluka akadeka, alahira mpu bantu barhayija omu mwage. Erhi ayusa okukadeka,
akalya, afulika kandi kasigire omu bukere bwa omu ncingo.

2/ Erhi buca, mwami akola aja kalonza. Erhi : ka obwine akabwa ka omugoli ? Erhi : nanga. Erhi
akabwa akarhakaja omu mushombekazi. Lero iba ayusa kugenda, akadeka koshi. Anagamala oku
madufu abirhi. Lero iba erhi : akabwa kani kahezire ; erhi bagoli mwe ngashobisire. Erhi mwe
mwakalire. Nabo balahira mpu : nanga mwami, akabwa kawe rhurhankalyaga. Mpu : rhwanywe
mizimu. Lero mwami asima ; erhi : mwanywa emizimu.

3/ Boshi abalaliza. Erhi ayusa okubalaliza, abwira omuntu muguma: shweka omugozi. Lero boshi
bayisha hofi na mashinji. Mukage muguma, murhonyi wage, arhanga yisha. Lero aderha : erhi nye
nalire, olutunda lutwike. Erhi akaba larha olire kubangwa, balale olutundo lutwike. Ashubiza erhi
mugaka olire kubangwa mbalale lutundo lutwike. Erhi akaba baba akaba larha walire kubangwa,
mbalale olutundo lutwike. Ahaja aluhama aciyerera. Lero okulikire omurhonyi ahaja, erhi : akaba
larha olire kubangwa, babale olutundo lutwike. Ashubiza eri akaba mugaka walire kubangwa,
mbalale oluntundo lutwike. Erhi akaba baba, akaba larha, walire kubangwa, mbabale olutundo
lutwike. Lero aciyerera. Owundi ahaja erhi : akaba larha walire kubangwa, mbalale olutundo
lutwike. Ashubiza erhi akaba mugaka walire kubangwa mbalale olutundo lutwike. Erhi akaba baba
akaba larha, walire kubangwa mbalale olutundo lutwike. Owa kani ahaja erhi : akaba larha walire
kubangwa, mbalale olutundo lutwike. Ashubiza, akaba baba walire kubangwa, mbalale olutundo
lutwike. Ashubiza, erhi akaba mugaka walire kubangwa mbalale olutundo lutwike. Erhi akaba baba
larha, walire kubangwa, mbalale olutundo lutwike. Owa karhanu ahaja erhi : akaba larha walire
kubangwa, mbalale olutundo lutwike. Erhi akaba baba, akaba larha, walire kubangwa mbalale
olutundo lutwike. Lero mushombekazi ahaja, erhi : akaba larha olire kubangwa, mbalale olutundo
lutwike. Ashubiza erhi, akaba mugaka walire kubangwa, mbalale olutundo lutwike. Erhi akaba
baba, akaba larha walire kubangwa, mbalale olutundo lutwike. Lero abalala arhogeramwo omu
nyanja. Lero mpu : ye walire kubangwa.

4/ Lero bacigendera ; mushombekazi agenda n‟olwishi. Lero agwarha ecibingu, arhacifiri. Arhenga
elwishi, aderha : emirhi eshube bantu. Bashuba bantu. Aderha erhi : ebisinga bishube nkavu,
byanashuba nkavu. Erhi ebisinga bishube nyumpa ; zashuba nyumpa za okulamamwo. Erhi
ebilembu bishube lukoma, lwashuba lukoma. Erhi omurhi gushube mushashu, lero gwashuba
mushashu gwa okama enkavu.

5/ Lero izimi lyage lyaburhwa, lyaburhamwo na orhubwa. Abwira nina erhi : rhubwa rhwani bo
bene birhu. Lero olya mwana akazi hiva ensimba na orhubwa erhi arhanajikula ; acili murho
bwenene. Lero abambali basomerwa, mpu : abusire kaburhwa kanagenda. Lero akayirha ensimba
bwenene, ziba nyinja, empu azibikira ishe.

6/ Omukonzi w‟embala ayumva oku mugoli ahamagala erhi : we mukonzi w‟embale, cirhuma
nkubwira, ci orhumva ? Oji bwira mwami oku olya mugoli akagaga, abusire Nyamahegere-
nyamanjamwa (ali murhabana). Lero omukonzi w‟embale abwira mwami, erhi : nabaga nakonda
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embale, nayumva akanyunyi mpu olya mugoli bakagaga abusire Nyamahegere-nyamanjamwa ;


nasomerwa bwenene, ci ntasigikabona.

7/ Lero mwami amubwira, erhi : amira wayumva, kaderha, oleke kubeza oje yo. Naye erhi : nanga.
Erhi ompe muntu, erhi akabeza nani nagenda, nyumvirize ah„ali aderhera. Lero mwami amuha
muntu muguma ; oku abeza omukonzi w'embale agenda. Lero mukazi ayumva bakonda embale ;
ashonera oku murhi. Erhi : cirhuma nkubwira, ci orhayumva ? Erhi we mukonzi wa embale we
nabwira, oji bwira mwami oku cilya cigoli akagaga, cabusire Nyamahegere-nyamanjamjwa. Lero
abona omukonzi wa embale, arhanamubwine amuhubuka emugongo.

8/ Lero cici ompamagalira ? Naye asheka. Kandi erhi ayusa akusheka erhi : ka mwami akanyire ?
Naye erhi : akanyire. Lero ahamagala omugala erhi : Namwezi, odunde cishake ; erhi sho
alikuyirha, odunde cishake, erhi sho alikira, odunde cishake. Erhi ayisha alerha nsimba nyinji
bwenene. Lero aha omukonzi w'embale nsimba zisharhu, amuha n'oluhu luguma lw'enjuzi. Erhi :
ohekere larha, ci omubwire oku ndi munyere.

9/ Lero ishe alubona. Aderha erhi : ka wamubwine ? Erhi : namubwine munyere. Mwami erhi :
rhwaji muyirha, akaba munyere. Mwami alika abantu barhano. Badaha aha mukonzi w‟embale.
Lero mukazi arhonderha okuhamagala, olya Nyamahegere-nyamanjamjwa. Erhi : cici cirhuma
nkubwira, ci orhayumva we mukonzi w‟embale. Obwire mwami oku cilya cigoli akagaga, c‟
abusire Nyamahegere-nyamanjambwa. Lero bamuhukilirako, arhanababwine, bamuhubuke
emugongo. Erhi aja ahindamuka, ababona.

10/ Lero asheka erhi : ngahi mwarhenga ? Nabo mpu : rhuli yirha olya munyere wawe. Naye erhi :
arhakayirhwa. Kandi aja oku murhi amuhamagala erhi : Nyamahegere-nyamanjamjwa, erhi mpu
sho wawe alisire abali kuyirha ; Namwezi odundage cishake, Namwezi... Lero baji bwira mwami
mpu : arhakayirhwa ; mpu ali mwinja bwenene.

11/ Lero mwami alahira, erhi : nye namuyirha, akaba ali munyere. Nabo bambali mpu : akaba
wamubwine orhakahashi muyirha. Naye erhi : namuyirha akaba munyere. Arhyaza engorho,
ajilaliza omukonzi wa embale, anarhabaza abantu bage mpu : munduse njiyirha olya munyere.
Lero baja omu njira, omukonzi w‟embale arhondera okukonda embale. Erhi bayumva oku mukazi
arhondera okuderha : Nyamahegere-nyamanjamjwa. Lero mwami ayisha omu ishamba na abantu
bage, bo bali yirha olya munyere, bo barhali nshishinye. Mwami anabarhola erhi : mwe mwaji
yirha olya munyere.

12/ Omukazi, olya mugoli, ababona ; arhondera okuhamagala mwali, erhi : Namwesi dunda
cishake, mpu sho ali kuyirha. Erhi sho akuyimukire oku ntebe, odunde cishake Namwezi.
Namwezi ashumika orhubwa rhwage, arhukuza omu lubala erhi : rhuleke okuhiva. Abwira bambali
erhi : mushane zilya nsimba rhwayisire bulya nyama annonza, mpu bulya larha ali nyirha. Lero
asheka na orhubwa rhwage, na ensimba zage.

13/ Babona ayisha alimba na agarhi kage. Lero ishe erhi : mumuyirhage ; banarhinya, mpu :
waliha, arhakayirhwa. Ishe anarhyaza omugushu. Namwezi aja omu mwabo. Nina alerha entebe ;
abwarhalakwo. Arhondera okuderha erhi : ensimba, nyirhe, eri larha : engurube, nyire, eri larha ;
enshagarhi, nyirhe, eri larha ; embabala, nyirhe eri larha ; entene, nyirhe eri larha ; enjuzi, nyirhe,
eri larha ; enshenge, nyirhe eri larha ; enkavu, mpinge, eri larha ; enshali, nshenye eri larha ;
obuntu, nduge, eri larha ; amishi ndomere, eri larha, okuhiva, mpive, eri larha. Lero erhi kuli
kulaka, ishe ayisha, erhi ; nkola nakuniga. Naye erhi : onnige. Amulikira omugushu, gwatwa e
cishake. Lero babona oku ali mulume. Akabulira omugushu kwo na kugaya. Erhi : kuziga oli
mulume. Ahamagala abambali boshi. Erhi bambali bahika omu nyumpa, anamununugurha, erhi :
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mwana wani. Erhi banahishana ebintu byoshi banabiheka emwa mwami, na olya mugoli haguma,
n‟olya mwana Nyamuhegere-nyamanjamjwa haguma.
Lero olulibi lwanacihwa.

FEMME DU ROI MEPRISE QUI TUE ET MANGE SON CHIEN

1/ Une princesse était rejettée de son mari. Or un chien se chauffait chez elle, et voulait être en tête
quand on allait faire la coupe de bois. Tous allèrent au bois et coupèrent beaucoup de bois. La
princesse portant son fagot, s‟affaissa n‟en pouvait plus, dès qu‟elle le portait elle s‟affaissait. Or
elle donna au chien un coup de hanche, le tua ; quand elle l‟eut dépouillé, elle le cacha au milieu de
son bois. Etant revenue chez elle, elle le fit cuire, et refusait à tous d‟entrer chez elle. Quand elle
l‟eut cuit, elle en mangea et cacha le reste qui restait au dessous de la paille de son lit.

2/ Au matin le roi se mit à la rechercher. Il lui dit (à la princesse) : n‟as-tu pas vu le chien de la
princese. Elle dit : non, un chien ne viendrait pas chez une femme méprisée. Son mari finit par
s‟en aller. La femme cuit le tout qu‟elle acheve (de le manger) en deux jours. Alors son mari dit :
mon chien est perdu, vous les princesses, c‟est vous que j‟accuse, c‟est vous qui l‟avez mangé.
Donnez-nous les ordalies. Le roi se réjouit et dit : vous aurez le jugement des ordalies.

3/ Il convoqua tout le monde. Quand il les eut convoqués, il dit à un homme : lie la corde, et puis
tous vinrent près de la rivière. Sa première femme, sa préférée, arriva la première. Elle dit : si c‟est
moi qui l‟a mangé, que la corde se casse. Si mon père a mangé le chien Kubangwa qu‟en sautant
la corde casse, si c‟est mon frère aîné, ou mon père qui a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde
casse. Elle vint, elle sauta au-dessus et se trouva innoncente. Puis vint celle qui suivait la préférée
(la deuxième femme du roi). Elle dit : si c‟est moi qui l‟ai mangé que la corde casse. Si mon père a
mangé le chien Kubangwa, qu‟en sautant la corde se casse. Ensuite si ma grand-mère, si c‟est mon
frère qui a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde se casse. Et elle se trouva innocente. Une
autre vint et dit : si c‟est moi qui l‟ai mangé, que la corde se casse, si mon père a mangé
Kubangwa, qu‟en sautant la corde se casse. Ensuite si ma grand-mère a mangé Kubangwa, qu‟en
sautant la corde se casse, si c‟est mon frère aîné ou mon père qui a mangé Kubangwa qu‟en sautant
la corde se casse. La quartième vint et dit : si c‟est moi qui l‟ai mangé, que la corde casse. Si mon
père a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde casse. Si ma grand-mère a mangé Kubangwa,
qu‟en sautant la corde casse, si c‟est mon frère aîné ou mon père qui a mangé Kubangwa qu‟en
sautant la corde se casse. La cinquième vint et dit : si c‟est moi qui l‟ai mangé, que la corde casse,
si c‟est mon frère aîné qui a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde casse. Ensuite si ma grand
mère a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde casse. Alors vint la femme méprisée, et elle dit :
si c‟est moi qui l‟ai mangé que la corde casse, si mon père a mangé le chien Kubangwa qu‟en
sautant la corde casse. Ensuite, si ma grand-mère a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde se
casse, si c‟est mon frère aîné ou mon père qui a mangé Kubangwa, qu‟en sautant la corde se casse.
Elle sauta et tomba dans l‟eau. Donc c‟est elle qui a mangé Kubangwa.

4/ Puis ils se retirèrent, la femme méprisée fut emportée par la rivière. Elle s‟accrocha aux roseaux
et ne mourut pas. Elle sortit de la rivière et dit : que les arbres soient des hommes, ils furent des
hommes. Elle dit : que les herbes que j‟arrache soient des vaches et elles furent des vaches. Et que
les herbes que j‟arrache soient des huttes pour y passer la nuit. Puis : que les mousses du bord de
l‟eau soient une bananeraie, et elles furent une bananeraie. Et pasteurs pour traire les vaches.

5/ Ensuite l‟enfant de son sein naquit, et il naquit en même temps des petits chiens. L‟enfant dit à
sa mère : les petits chiens sont mes frères. Alors cet enfant partit chasser les fauves avant d‟avoir
mangé, il était encore très petit. Et les serviteurs en furent très étonnés disant : il est né, et à peine
né, il marche. Et il tua beaucoup de fauves bien beaux, et il mit de côté les peaux pour son père.
187

6/ Le pandanus de la brousse entendit la princesse l‟appeler ; disant : toi pandanus de la brousse,


pourquoi quand je t‟appelle, n‟entends-tu pas ? Va dire au roi que la princesse ne reconnaît pas son
tort, qu‟elle a engendré Nyamahegere-Nyamanjamjwa (nom secret pour désigner un garçon). Et le
pandanus de la brousse alla le dire au roi, disant : j‟étais allé battre des arbres dans la brousse,
j‟entendis un oiseau dire que la princesse ne reconnaît pas son tort, qu‟elle a engendré
Nyamahegere-nyamanjabwa. J‟en fus très étonné, mais je ne puis pas aller voir.s

7/ Alors le roi lui dit : lorsque tu l‟entendras parler, laisse de fendre le bois, et vas-y voir. Et lui :
non, mais donne-moi un seul homme ; pendant qu‟il fend, moi j‟irai voir pour écouter là où elle
parle. Alors le roi lui donna un homme, pour que pendant qu‟il fend, le pandanus de la brousse
aille (pour écouter). Et voilà que la femme entend qu‟on abat des arbres dans la brousse ; elle
monte sur un arbre et dit : pourquoi quand je t‟appelle, n‟entends-tu pas ? C‟est toi le pandanus de
la brousse toi à qui j‟ai dit : va dire au roi que la princesse ne reconnaît pas avoir eu tord, mais
qu‟elle a engendré Nyamahegere-nyamanjamjwa. Elle voyait le pandanus de la brousse sans que
celui-ci la vit. Elle vint vers lui par derrière.

8/ Alors le pandanus dit : pourquoi m‟as-tu appelé ? Elle se mit à rire. Quand elle eut fini de rire,
elle dit : est-ce que le roi est bien portant ? Et lui : il est bien portant. Elle appela son fils disant :
Namwesi (nom de fille) secoue ta ceinture de fibres (habit e fille). Si ton père vient de tuer, secoue
ta ceinture, si ton père vient te tuer, secoue ta ceinture. Son fils en venant amena les peaux de très
nombreux fauves. Il en donna trois au pandanus de la forêt, et lui donna une peau de chat sauvage.
Il dit : porte cela à mon père, mais dis-lui que je suis une fille.

9/ Et son père vit ces choses et il dit : est-ce que tu l‟as vu ? Et lui : j‟ai vu une fille. Le roi dit :
allons la tuer si c‟est une fille. Le roi envoya cinq hommes, ils entèrent chez le pandanus de la
brousse. Et la femme commença à appeler. Et Nyamahegere-nyamanjamjwa (état là). Elle dit :
pourquoi quand je t‟appelle n‟entends-tu pas ? Toi pandanus de la brousse, dis au roi que la
princesse ne reconnaît pas avoir eu tort mais qu‟elle a engendré Nyamuhegere-nyamanjamjwa.
Puis ils sortirent vers elle, sans qu‟elle ne les eut vus, ils allèrent vers elle de par derrière le dos.
Elle se retourna donc et les vit.

10/ Alors elle se mit à rire : d‟où venez-vous ? Et eux : nous sommes venus tuer ta fille. Et elle :
elle ne sera pas tuée. Puis elle alla sur un arbre et appela son fils et lui dit : Nyamahegere-
nyamanjamjwa ton père a envoyé des hommes qui sont venus pour te tuer, toi Namwesi, secoue ta
ceinture de fibres Namwezi. Ils allèrent dire au roi que l‟enfant ne pourrait être tué parce qu‟il est
très beau.

11/ Alors le roit jura, disant moi-même je la tuerai si c‟est une fille. Et eux ses serviteurs : si tu la
voyais, tu ne la tuerais pas. Lui : je la tuerai si c‟est une fille. Il aiguse son poignard, alla appeler
le pandanus de la brousse, il rassembla des hommes disant : accompagnez, que j‟aille tuer cette
fille. Ils arrivèrent sur le chemin, le pandanus de la brousse se mit à couper des arbres. Ils
entendirent que la femme se mit à dire : Nyamahegere-nyamanjambwa. Puis le roi vint avec ses
hommes, ceux qui venaient tuer cette fille, et eux n‟étaient pas sans peur. Le roi les réunit disant :
vous allez tuer cette fille.

12/ La femme, la princesse les aperçut. Elle se mit à appeler son fils, disant : Namwezi, secoue ta
ceinture de fibres, car ton père vient te tuer. Ton père s‟est levé sur son siège contre toi, secoue ta
ceinture, Namwezi, Namwezi excita ses chiens, les fit sortir de la brousse disant : allons chasser. Il
dit aux serviteurs : liez ensemble les peaux des fauves que nous avons tués, car ma mère me veut
parce que mon père vient me tuer. Alors il vient avec ses chiens et ses fauves.
188

13/ Ils le virent venir fièrement avec son bâton. Alors son père dit : tuez-la. Ils eurent peur, et
dirent : Seigneur, cet enfant ne peut être tué. Le père aiguis alors sa serpe. Namwesi rentra dans la
maison. La mère apporta un siège, y fit asseoir son fils. Il se mit à parler disant : les fauves je les
tue, voici mon père , le cochon je le tue, voici mon père ; la grande antilope je la tue, voici mon
père ; le petit oiseau mon père, la petite antilope je la tue, voici mon père ; le poisson je le tue, voici
mon père, le sanglier je le tue, voici mon père ; la vache je la mène dans la brousse, voici mon
père ; le bois à brûler je le coupe, voici mon père ; la pâte je la fais cuire, voici mon père, l‟eau je
la puise, voici mon père, chasser, je chasse, voici mon père. Et puis il se mit à pleurer parce que
son père tenait le tuer, et il fut pris d‟une grande crainte.

14/ Quand il eut fini de pleurer son père arriva et lui dit : je viens te tuer. Il lui dit : tue-moi. Il
lâcha sur lui sa serpe, qui coupa la ceinture. Le roi vit que c‟était un garçon. Il jeta la serpe avec
fureur et dit : ainsi donc, c‟était un garçon. Il appela tous ses serviteurs. Quand les serviteurs furent
venus dans la maison, il l‟embrassa et lui dit : mon fils. Ils se mirent à empaqueter tous les biens, et
les emportèrent chez le roi, et la princesse avec, et aussi le fils Nyamahegere-nyamanjamjwa. Ainsi
finit le récit.

OLULIBI LWA KASHABAGANYOKAGONGWE

1/ Omulume muguma bo na mukage baburha omwana w‟omunyere, ayankwa n‟omwami kuli kuli.
Erhi hagera nsiku nyinji obukenyi bagwarha olya mulume. Erhi amaburha n‟omwana
w‟omurhabana. Ci oyo mwana arhamanyaga erhi mwali wabo arhwalwa erhi arhaciburhwa.

2/ Lero oyo mulume bo na mukage, erhi bakola bali hofi h‟okufa, babwira olya mwana erhi :
oyanke aka kabehe oje wagulamwo ebiryo walya ; erhi wanagenda olinde ohika aha mwali winyu
aba. Ci oyo mulume ye Kashabaganyo-kagongwe na mukage ye Namukungulo-gwagongwe . Na
oyo munyere wabo wayankangwa kuli kuli erhi ye Namukondo-okunda.

3/ Babwire olya mwana erhi : okaderha zino nderho e munda waja wagera, hano wamagula ebiryo
oshubi huna akabehe kawe, oderhe erhi : larha ye Kashabaganyo-kagongwe, mpabwe akabehe
kani. Erhi nani nyumve obwo na nyoko rhukurhabale. Oku handi bafa bombi, baja oku nkuba. Oku
handi hirya hyana hyayanka akabehe kahyo hyarhondera olugendo.

4/ Hyagenda omulegerere goshi. Erhi biba bijingo haja oku lugo luguma hyaderha erhi : mungulire
nani kano kabehe kani ; mumpe ebi nalya. Kalya kabehe bakalola babona kali kinja. Baderha erhi :
rhwagula ; bamuha obuntu na marha ; olya ayigurha, agwishira, bwaca sezi. Hyaderha erhi : mpaga
akabehe kani ncigendere. Baderha mpu lero hino hyana hisire hirimwo ; hikola hyalonza akabehe
rhwanayusize rhwagula. Bahijacira bwenene. Hyaja aha burhambi bw‟enyumpa, hyarhondera
hyaderha n‟izu linene erhi : larha ye Kashabaganyo-kagongwe, mpabwe akabehe kani, na nyama
ye Nakumungulo-gwagongwe, mpabwe akabehe kani ; na mwali wirhu ye Namukondo-okunda,
mpabwe akabehe kani. Oku handi ishe na nina bayumva oku nkuba, balilima barhondera balaza,
bunabe nka budufu. Oku handi balya bantu bamuha akabehe kahyo.

5/ Higende hihika kuli. Birha byoshi binwe, hishirigenda hije oku lundi lugo, higule kalya kabehe ;
bahihe obuntu na nyama ; higwishire. Oku handi buce hiderhe erhi : mpaga akabehe kani
nchigendere. Baderha erhi : olya mwana amasiraha, erhi mpu omuhe akabehe. Bahijacire
hichihulikira. Haje aha burhambi bw‟enyumpa, hirhondere hyaderha erhi : larha ye Kashabaganyo-
kagongwe, mpabwe akabehe kani ; erhi nyama ye Namukungulo-gwagongwe, mpabwe akabehe
kani ; erhi na mwali wirhu ye Namukondo-okunda, mpabwe akabehe kani. Mpu : lulululululu !
gakwa gakwa ! Bube budufu bamuhe akabehe kage duba duba. Hichigendere duba hihika kuli kuli,
birya byoshi bihwe. Balya bantu basigale basomerwa mpu lero byo bichi bino hino hyana
hyakajira. Hyanarhamaga hyagenda hyajira ntyola, hyalinda hyahika aha mwali wabo aba.
189

6/ Hyaja omu njira ya mwali wabo, hyashimana abakazi bashuka ebijumbu. Eriho na mwali wabo
ahali. Hyabaha kalya kabehe hyaderha erhi : nguliri nani akabehe kani. Oku handi mukazi muguma
akayanka kalya kabehe ahiha ebijumbu. Hyarhondera hyalya ; hyabiyusa, hyaderha erhi : mpaga
akabehe kani ncigendere. Balya bakazi barhondera basheka. Hyashiri derha erhi : mashi, mpaga
akabehe kani ncigendere duba oku burhachira. Baderha mpu bakola bahishurha. Hyaderha erhi :
mulekage ntengi muyimbira hitya. Hyarhondera erhi : larha ye Kashabaganyo-kagongwe, mpabwe
akabehe kani, erhi nyama ye Namukungu-gwagongwe, mpabwe akabehe kani, erhi mwali wirhu ye
Namukondo-okunda, mpabwe akabehe kani.

7/ Mwali wabo ayumvirhiza arhondera afumbegerha aderha erhi : shubiza, nyumve bwinja we
mwana. Hyashubiza hyayimba. Erhi : lekaga, namayumva lero. Arhondera alaka, n‟obwonjo
bumugwasire. Erhi : y‟oyu omwana wirhu, mugala wa larha ; oyu wani. Oku handi amuyanka
amuheka emugongo, amuheka eka. Burhanzi amumoma, bulya enviri zage zali zikola nkulu
bwenene bwenene ; amushuka, anashiga akamulisa bwinja bwinja ; alinda atwera bwenene,
anakula. Oku handi mwami amuha omukazi, amuha n‟ecihugo luhande luguma lunji lunji.

8/ Oku handi erhi ishe aba akola ahola ahibwira erhi : obwo waja wagenda wagula akabehe kawe
na nakurhabala obwo, ntakuleke obwo. Chi okabona ntakalihiri, oderhe kasharhu, onaleke kushubi-
derha eriho Namukondo-okunda aba obwo. Hoshaho.

HISTOIRE DE KASHABAGANYOKAGONGWE

1/ Un homme et sa femme engendrèrent une fille. Elle fut prise en mariage par un roi très loin.
Après beaucoupe de jours la pauvreté s‟empara de cet homme. Il engendra aussi un garçon. Mais
ce garçon ne savait pas que sa sœur était devenue princesse avant qu‟il ne fut né.

2/ Or cet homme et sa femme, étant près de mourir, dirent à cet enfant ceci : prends cette écuelle,
va la vendre pour la nourriture que tu mangeras ; tu marcheras jusqu‟à ce tu viennes là où demeure
ta sœur. Et cet homme, c‟est Kashabaganyokagongwe et sa femme est Namukungulogwagongwe.
(la mère du tonnere qui gronde). Et leur fille qui s‟est mariée au loin est Namukondo-okunda.

3/ Ils dirent à cet enfant : tu prononceras ces paroles là où tu vas passer, alors que tu auras acheté
des vivres et que tu auras redemandé ton écuelle, tu diras ceci : « Mon père est
Kashabaganyokagongwe, que je reçoive mon écuell ». Quand moi j‟entendrai cela, moi et ta mère,
nous t‟assisterons ». Après cela tous deux moururent et s‟en allèrent au ciel. Après quoi cet enfant
prit son écuelle et se mit en route.

4/ Il marcha tout le jour. Au soir, il alla dans un village et dit : achetez-moi cette écuelle, donnez-
moi à manger. On regarda cette écuelle, on vit qu‟elle éait belle, les gens dirent : nous l‟acheterons
lui donnèrent de la pâte et du lait caillé et il mangea à sa faim et dormit. Au lever du jour du
lendemain, il dit : donnez-moi mon écuelle que je m‟en aille. On dit : vraiment cet enfant est fou,
voilà qu‟il veut l‟écuelle que nous avons déjà achetée. On l‟insulta beaucoup. Il alla sur le côté de
la maison et se mit à dire à haute voix : « Mon père est Kashabaganyokagongwe, que je reçoive
mon écuelle, et ma mère est Namukungulo-gwagongwe que je reçoive mon écuelle, ma sœur est
Namukondo-okunda que je reçoive mon écuelle. Puis son père et sa mère l‟entendirent au ciel ils
tonnent et se mettent à foudroyer, ce fut comme la nuit. Alors ces gens lui donnent son écuelle.

5/ S‟en allant, il arriva bien loin. Tout cela étant fini, il partit de nouveau, arriva dans un autre
village, il troqua cette écuelle, on lui donna de la pâte et e la viande, il dormit. Puis quand il fit
jour, il dit : donnez-moi mon écuelle que je m‟en aille. Ils dirent cet enfant est fou, il dit que tu lui
donnes l‟écueille. Ils l‟insultèrent pour qi‟il se tut. Il alla sur le côté de la maison et se mit à dire à
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haute voix : « Mon père est Kashabaganyokagongwe, que je reçoive mon écuelle, et ma mère est
Namukungulo-gwagongwe que je reçoive mon écuelle, ma sœur est Namukondo-okunda que je
reçoive mon écuelle et ma mère est …lulululululu, gakwa (= bruit du tonnère et de la foudre), il fut
nuit. On lui donna son écuelle tout de suite. Il partit sur-le-champ, arriva très loin, tout cela étant
fini, ces gens là restaient étonnés, disant : « Oh qu‟est-ce ceci, que cet enfant ». Et il se fatiguait à
marcher et à agir ainsi jusqu‟à ce qu‟il arriva où sa sœur habitait.

6/ Il arriva dans le chemin de sa sœur, il rencontra des femmes lavant des patates. Et sa sœur y
était. Il leur donna cette écuelle disant : achetez-moi mon écueille. Puis une femme prit cette
écuelle et lui donna des patates. Il se mit à manger. Quand il eut fini, il dit : donne-moi mon
écuelle que je m‟en aille. Ces femmes se mirent à rire. Il dit encore : mais donc, donne-moi mon
écuelle que je parte vite pendant qu‟il ne fait pas encore nuit. Elles dirent qu‟elles vont le frapper.
Il dit : attendez que je commence par vous chanter un peu. Il commença : « Mon père est
Kashaba….. que je reçoive mon écuelle, ma mère est Namukungu…que je reçoive mon écuelle,
ma sœur est Namukondo… que je reçoive mon écuelle.

7/ Sa sœur écouta, elle se mit à pleurer en silence et dit : « continue que j‟entends bien, toi
enfant ». Il continua à chanter. Elle dit : ça suffit, à présent j‟ai compris. Elle se mit à pleurer et la
pitié la saisit. Elle dit : celui-ci est l‟enfant de chez nous, c‟est le fils de mon père, vraiment ». Puis
elle le prit, le porta sur son dos et l‟emporta au village. D‟abord elle le rasa, car ses cheveux étaient
très longs (depuis longtemps). Elle le lava, et l‟oignit, et lui donna très bien à manger jusqu‟à ce
qu‟il grossit beaucoup et grandit. Ensuite, le roi lui donna une femme, il lui donna aussi un pays,
tout un grand côté.

8/ Or son père, quand il était à la mort, lui avait dit ainsi : va en route vendant ton écuelle et je
t‟assisterai ainsi, je ne t‟abandonnerai pas du tout. Mais si tu vois que je ne me fâche pas, dis trois
fois (ce que j‟ai commandé) et puis laisse de redire encore, jusqu‟à ce tu sois là où est Namukondo-
okunda. C‟est fini.

OLULIBI LW’OMULUME WAFIRAGWA NA MUKAGE, ERHI ANAGWERHE BANA


BABIRHI, OMURHABANA N’OMUNYERE

1/ Oyo mulume, erhi mukage aba amafa, agenda asheba abandi bakazi. Ngasi mukazi ashebaga
anachiyemera, chi kwonene olya mukazi hano ahika omu mwage, ashingamwo mugobe,
anacimubwira : aba bana bawe orhang‟ibaniga erhi obalibirhekwo, rhubul‟isâmana bwinja. Olya
mulume ashuza mukage : akaba kwo wajira omu mwani okwo, erhi wabona rhurhasimane. Erhi
kuca olya mukazi acigendera.

2/ Erhi bushub‟ica bamubwira : aha mwa lebe hali omuhya. Akanya erhi" nkol‟isheba"! Ahaja,
anacilamusa : ndi ogumpanire mpu asinge! Aja omu omuhya ali : erhi asinge muhya ! ka onsimire
obu? Olya muhya erhi, nkusimire. Erhi rhujage emwani, erhi mwe ndi sheba. Omuhya erhi neci,
we nansimire, erhi rhugendage emwawe, nta wundi nachilonza. Banacirikula, bahika eka. Erhi olya
muhya ashinga migobe ibirhi, anacibwira iba : aba bana bawe orhang‟ibaniga erhi obalibirhikwo
rhubul‟isimana bwinja. Olya mulume acizanwa kandi : erhi kurhi wani! namahanyagala! Erhi aba
bana bani erhi kurhi nankabaniga oku mukazi yenene wani ! Erhi okagenda ogende, ntayirha abana
bani oku busha ! Olya mukazi erhi wenene! Ntabula owundi mulume! Anacigendera.

3/ Olya mulume ashib‟iyorha mushumbalume. Bwaca sezi kandi, bashub‟imubwira mpu aha mwa
lebe hali omuhya ; mpu ci oyishubire omushebe alera aba bana, barhagifa n‟obufuzi. Naye, erhi
nagenda, ci kandi kuyabirwa, nayabirwa. Alikula ashub”igend‟isheba. Oku aha ahika, omuhya erhi
wene nalonzagya! Arhamuyimanzagya, kandi amuhisa eka, abwira abana bage : erhi nyoko oyu.
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Erhi kugera nka nsiku zirhali nyi, olya mukazi anacibwira iba : erhi abana bawe, ntishi, erhi ci
kwonene orhang‟ibaniga erhi obalibirhekwo, erhi rhubul‟ibera bwinja rhwembi ! Olya mulume
ahimwa, aja amuyemera, erhi nafa buzira mukazi la! Anacigerereza oku ankayirha abana bage
aburhaga yenene, ayumva obwonjo. Ashub‟igerereza oku ankayorha buzira mukazi kuhika okufa,
abona arhankakuhasha, erhi lero kurhi najira we?

4/ Lero asinga emigabo : erhi nkola narheba aba bana, mbabwire oku nabaheka emwa nnakulu
wabo, lyo nyorhane oyo mukazi ! Erhi kuba bijingo abwira abana bage erhi mukole lwiko, irhondo
emwa nyakulu. Balya bana : mpu neci larha, irhondo rhuje emwa mugaka. Banacikola ebi
baciyirika. Erhi kuca, bahira omu njira boshi na ishe. Erhi bahika omu irungu mulya nyama
wandya, ishe, erhi bana , erhi muyimange aha, nje bulambo. Abana banaciyimanga ci kwonene,
erhi ishe ali aherhe ifinda lyage erhi alambagira nka nsima ndarhu, agwika itumu, anaciyandagala
omu mashaka, yaba yo na njira y'okushubira e ka. Erhi balya bana babona ishe amalegerera,
bahamagala “ ka orhayishaga?» Lirya ifinda lyaderha erhi munninde"!

5/ Banaciyandalira hali lirya itumu, bahamagala kandi “mpu mashi yishaga mashi“. Lirya ifinda
lyo liherhe lyaderha, baderha mpu larha agenzire mira. Lero banaciyanka lirya ifinda, balikabulira.
Banacigerereza nka nasima ibirhi. Erhi bahika aha ishaka, babudahala, banachiregerereza kurhi
bankajira, bakubula. Lero bombi haguma baderha “mpu owajira eri ishaka nyumpa“! Lirya ishaka
lyanaciba nyumpa! “Banaja mwo, baberamwo. Banacibona balubaka. “Mpu wabajira enkavu“ !
Banaciba nkavu. Erhi bahika abo balya balubaka babire enkavu zabo, banacibona mbogo “mpu
wayijira mpanzi ! Yanaciba mpanzi. Erya mpanzi yanacikayimya zirya nkavu zabo zalinda
ziburha. Olya mushinja wabo anacikakama, naye mwali wabo akamugwasa akanina. Ci kwonene
oyo mushinja wabo ye wakagiyabula ezo nkavu zage, naye mwali wabo akalanga ebirugu.

6/ Na ago mango, erhi hali na mwami muguma arhagwerhe mukazi. Olya mwami anacibwira
abantu bage „erhi munongeze mukazi nani“. Boshi bayemera banciderha “mpu ngasi yeshi
wakabona aha omunyere mwinja ali (mpu) ayishi mbwira! Boshi banacikalonza. Erhi kusinga nka
nsiku ndarhu omugikulu wa muli eco cihugo erhi agenda ahuna, lero anacibugana enyumpa omu
ntondo zone zone. Hirya higikulu hyanacija hali zirya nyumpa, hyanacibugana olya munyere ahali,
ci kwonene olya munyere erhi aderhe-atunda. Hirya higikulu hyanacilamusa olya munyere. Olya
munyere ahidosa “erhi ngahi waja“ ? Hirya higikulu hyamubwira erhi nagenda nahuna waliha!
Olya munyere anacibona oku hiri hya buligo erhi anagwerhe ndaha ibiri za matunda agwerhe na
obuntu obwo, anaciyanka zirya ndaha ibiri za matunda anaciha hirya higikulu na bulya buntu,
hyanacirhondera hyalya, erhi hiyusa hyancimuvuga omunkwa hyanaciheka agasigala. Erhi hihika
emwa olya mwami, hyamubwira “erhi yagirwa nani muli oku nadosa Mwami anacihikulikira ?
Hyanacimubwira erhi yagirwa (erhi) ci wakampa nka lerha olya mukazi olonza ? “Mwami
ahidosa“ erhi ka wamubwine? Hyaderha “erhi namubwine“. Erhi ka mwinja? “Erhi neci mwinja
bwenene waliha“.

7/ Erhi kuca, olya mwami anacirhuma entumwa za okugendirhandula oyo munyere, erhi mwinja
erhi mubi, abone oku ehyo higikulu hirhamurhebaga. Balya bantu banacihira omu njira. Erhi
bahika halyala, babugana olya munyere ahali, anaherhe atunda kandi. Banamulamusa : mpu asinge
we munyere ! “Naye “erhi asinge»! Banacimubwira : mpu we munyere, ka orhusimire : “Naye olya
munyere : “erhi ka muli owagaya abalume ?” Balya balume banchigenda, banchibwira olya
mwami : “mpu rhwabwine olya munyere waliha” ! Naye abashuza “erhi ka mwinja” ? Nabo “mpu
mwinja waliha”!

8/ Olya mwami anacihiga emigabo erhi kuba budufu anacirhuma engabo zigend‟iyanka olya
munyere : erhi ci kwonene mukabona mushinja wage mumunige, kandi mulerhe oyo munyere aba
mkanye. “Erhi bahika halya, bukola budufu oku iro lirhanzi. Olya munyere anciyumva engabo
yahona e lubako lwabo, olyo munyere anacicikebwa : “erhi engabo erhali rhusiga wani ! “Olya
192

munyere acizuka, anacitula mushinja wabo, ci kwonene erhi mushinja wabo ye Muyande, na
empanzi yage ye Rugwegwe. Na munyere ahamagala mushinja wabo: “erhi Muyande, Muyande,
ozuke “ otule Rugwegwe (erhi) bali-rhuyirha ! Ozuke ! otule Rugwegwe ! Mushinja wabo
anacizuka, anaciyanka engorho yage na amatumu gage na omugushu gwage, anacishimba balya
bantu, abakoza kwo olugamba. Nayo erya Mpanzi yage, erhi eyumva ecihogero, yancitwa olukoba,
yashimba nayo, bacija e muhanda, banajilwisa balya bantu, oku Muyande ayirha na empanzi yage
yayirha banachibayusa boshi. Muntu muguma yenene afulumuka halya, olya muntu alibirhiza
emwa nnahamwabo, amubwira oku byabire kwoshi, na oku abwine byaba kwoshi. Ashub‟irika
eyindi ngabo, nayo kwo na kulya, kandi muntu muguma yenene afulumuka, anacibwira
nnahamwabo “erhi kandi balya bantu bahwire.

9/ Olya mwami anachi somerwa “erhi lero kwo kurhi okwo” ? Hirya higikulu hyanacimubwira
“erhi ci wampa nkulerhere oyo mukazi ? Naye “erhi nanakuha ecihugo luhande! “Hyanaciyemera.
Erhi kucha, hyayanka obufumu bwahyo, hyanaciheba omu kanjira. Hyanacihika aha olya munyere
aba, erhi aherhe-atunda. Ahibwira “ erhi asinge mugaka»! Nahyo hirya higikulu „ erhi asinge
nyama we! Olya munyere ahibwira “erhi nanga : Ntasinga, ci badwirhe barhurhera hano!
“Hyanacimudosa : “erhi bahi? „ Naye erhi ntishi! Erhi kwaciba budufu, erhi rhuyumva engabo
ziyishire zigorhe enyumpa nancitula mushinja wirhu, anaciyanka ebirugu byage, naye azuse
empanzi yage, anacilwisa balya bantu, banacibayirha! “Hirya higikulu hyanacimushuza“ erhi
yumvagya! Obwenge wajira ! Erhi nkolaga nakuha obufumu erhi ci kwonene obwo bufumu
obuyendere omu nshogo, hano mushinja wirhu adahya omuhe ezo nshogo ; chi orhalyage kwo,
bulya erhi wakalya kwo zirya ngabo zanakamurhera kanji kanji, zirinde zimunyaga erhi
zimuyirhe“ ! Hirya higikulu hyanacigenda.

10/ Erhi Muyande adahya, mwali wabo anacimuha zirya nshogo, anacirya “erhi kwo bambwire
intya na ntya“. Mushinja wabo “erhi kwokwo! Nahyo hirya higikulu, hyajiribwira olya mwami
mpu alikage engabo agend‟iyanka olya munyere. Erhi kuba budufu engabo yarhabala, yaja halya
ci kwonene yagerha yayumvirhiza, yayumva ntaye wakoma, banacija halya. Olya munyere
anchiyumva “erhi kandi kandi namahera we“. Anachihamagala mushinja wabo, “erhi Muyande,
Muyande! Ozuke otule Rugwegwe! Ayumva ntaye omuyalwire. Ashuza kandi ayumva ntaye
omuyalwire, ciru na empanzi erhacizuka nayo. Anacizuka yenene, aja mulya mwa mushinja wabo,
ahuma oku nchingo, “erhi ka ozine? Erhi kâli barhurhezire?“ Ayumva ntaye omuyalwire.
Abwikula obushiro, abona mira afaga, anacibanda endulu. Erya ngabo erhi ziyumva alaka, zaja
mulya cogo, bancigwarha olya munyere, bayanka na enkavu baheka emwa olya mwami.

11/ Mwami amubwine : « erhi kwokwo, bantu bani ». Ci bwene hirya higikulu, hyo asimire
bwenene, anaciyanka cihugo ciguma luhande aha hirya higikulu. Olya munyere banacimuhira omu
nyumpa na enkavu zage. Olya mwami erhi aba akola aja omu buhya, olya munyere alahira erhi
murhangimpa Muyande ! « Babula aha bakamukula, olya munyere arhacijaga oku lubala
arhaciryaga, arhacishubalaga, na enkavu zage kwo na kwo, omu nyumpa mwone zaberaga naye.
Erhi abonaga omulindye gugera « erhi okaja aha Muyande ajire ». Ngasi lusiku kwo na kwo. Lero
lusiku luguma amalindye goshi haguma gashubuzanya bamubwira “mpu ci orhujacirira? Cici
rhwakulire ? “Naye “erhi mukaja aha Muyande ajire!” “Mpu cici wankarhua rhukulerhe ye? “Erhi
nanamuha ecihugo luhande” nago “mpu nanga”. Ganacimubwira mpu orhuhe ebisharhi !“. Olya
munyere ayemera. Nago “mpu kwokwo! Mpu hano rhuba rhwamulerha obulirhuhabyo”! Gagenda.

12/ Gaja halya Muyande afiraga, babugana bikola bivuha byone byone. Masera ahaja, aserasera,
abumba amagulu gombi. Aja ho Mubuha anacibumba ecifuba, n‟irhwe n‟enda. Banacimuyimanza,
babona yeshi yeshi anaciyunjula. Kafuhira ababwira “erhi ka mwayusize?” Nabo “mpu
rhwayusize”. Kafuhira amufuhira omuka. Bamudosa “mpu ngahi hacikuluma?” Ababwira “erhi
aha! „ Munanika ahananika“. Mpu ka handi?“ Erhi ntaho! Erhi rhugendage»! Banacigenda
banacija omu olya mukazi, ye mwali wabo Muyande. Olya munyere amubwine ahuluka e ruso,
193

anacishishinga omu murhima : erhi “nkaba arhali ye“ ? Amalindye ganachimubwira : mpu
„k‟arhali yoyu, waliha ?“ Olya munyere erhi „mukonkwa“! Anachirhuma entumwa e bwami : erhi
„mumpe nani bishari !“ Mwami anaciyumva okwola adesire : erhi „ebisharhi, n‟omushangi
gw‟akanigi, erhi na ngolo inni, erhi na magana gali-ndarhu ga nyerere, erhi na magana gali-munani
ga birhale“. Ebyo byoshi bancibijira, byayija bamuhekera. Anacishubala, anacima, anacimomwa,
n‟enkavu zage zanacima, zanacishubala, zanacirya, n‟empanzi yage yancikayana. Hirya birugu
abugana byoshi, abiyambisa mushinja wabo, wabo naye yenene.

13/ Erhi kuca, arhuma eyindi ntumwa e bwami „erhi nani nahuna abantu, bayis‟isamira eno
mwami : bulya naziluhirwe ; erhi abakazi na abalume“. Mwami ahuma oku ngoma erhi „aha
bwachera mweshi mugende“. Erhi kuca sezi, abantu bagenda erya munda, bayisha basama
rhuturhutula. Ci kwonene na mwami erhi abamwo. Erhi, bahika aha mwage, arhuma entumwa erhi
„musamire aho muhanda“. Erhi aba amayambisa mushinja wabo, naye yenene amayambala,
Muyande ayanka amatumu gombi, n‟engorho yage, ayiheba oku cikanyi, n‟ensiribo omu nfune.
Anacikanya e muhanda boshi na mwali wabo. Bayisha bamuleka nka izuba, abantu boshi
bababwine, mpu “dyu! mpu ka ye banayirhaga oyu wani“? Mwami naye asomerwa; erhi
amusinzakwo, anacirhuma engabo emwa hirya higikulu : erhi muhiyirhe ! (Erhi) muheze eri kali
hyo hyayirhaga oyu wani!“ Mwami anaciyanka olya munyere, na mushinja wabo, ye Muyande,
banacigabana bulya mwami, bw'olya mwami. Byahwera aho, anacidendeza, boshi na mulamu
wage, yoyo mwami obwo. Hoshi aha.

HISTOIRE DE L’HOMME QUI MOURUT AVEC SA FEMME APRES AVOIR


ENGENDRE UN GARCON ET UNE FILLE
(Variante de la fable de Muyande et de Rugwegwe)

1/ Cet homme, quand sa femme fut morte, s‟en alla pour marier d‟autres femmes. Chaque femme
qu‟il demandait en mariage consentait ; seulement quand cette femme arriva chez lui, et y eut
demeuré une semaine, lui dit : ces tiens enfants, commence par les tuer ou les chasser, afin que
nous puissions nous aimer. Cet homme répondit à sa femme : si c‟est là ce que tu fais chez moi,
alors tu verras que nous ne nous aimons pas. Quand il fut jour, cette femme s‟en alla.

2/ Quand il fut de nouveau jour, on lui dit : là-bas chez un tel , il y a une jeune femme ; vite : « je
vais la demander en mariage ». Il y va, il salue et dit : je vous salue ! On répond : bonjour ! Il va là
où est la jeune femme et dit : bonjour jeune fille ! Est-ce que tu consens ? Et cette jeune femme : je
t‟aime. Il dit : allons chez moi, c‟est toi que je demande en mariage. La jeune femme dit : oui, je
t‟aime, allons chez toi, je ne veux aucun autre. Ils pressent le pas, et viennent au village. Quand
cette jeune femme y est restée deux semaines, elle dit à son mari : ces enfants de toi, commence par
les tuer ou les chasser, pour que nous puissions nous aimer. Cet homme fut de nouveau stupéfait et
dit : pauvre de moi, je n‟ai pas de chance. Es miens enfants, comment pourrais-je les tuers à cause
de cette femme ? Il dit : si tu veux partir, pars, je ne tue pas mes enfants pour rien. Et cette femme
dit : ça te regarde, je ne manque pas d‟autre mari. Et elle s‟en alla.

3/ Cet homme continua à demeurer sans femme. Puis, quand il fut de nuveau jour, on lui dit de
nouveau que là-bas un tel il y a une jeune femme, mais : reviens avec une femme qui élève ces
enfants, pour qu‟ils ne meurent pas en orphelins. Et lui, je vais mais de nouveau je vais échouer. Il
alla vite, de nouveau demander en mariage. Quand il fut arrivé, la femme dit : je ne veux que toi
seul ! Il ne la fit pas s‟attarder, puis la fit venir au village (à la maison) et dit à ses enfants : voici
votre mère. Quand il se fut passé des jours, pas en petit nombre, cette femme dit à son mari : sont-
ce là tes enfants, je le sais, mais seulement commence par les tuer ou les chasser, sans quoi nous ne
pouvons pas demeurer bien à nous deux ! Cet homme fut vaincu et ne vint à consentir à sa femme,
se disant : puis-je rester jusqu‟à la mort sans femme ? Et il réfléchit comment il pourrait tuer ces
194

enfants que lui-même engendra et il fut pris de pitié. Réfléchissant encore s‟il pourrait rester sans
femme jusqu‟à sa mort, il vint qu‟il ne le pouvait pas. Il dit : comment ferai-je donc, moi ?

4/ Ainsi donc il prend un parti : je vais tromper ces enfants, je leur dirai que je vais les amener chez
leur grand-mère, afin que je reste avec cette femme. Quand il fut soir, il dit à ses enfants : prépare
des vivres pour la route, demain nous irons chez votre grand-mère. Et les enfants : oui, papa,
demain nous irons chez notre grand-mère. Ils se mettent à se préparer des vivres. Quand il fut
matin, ils se mettent en route tous avec leur père. Arrivés dans un lieu désert là où les bêtes sont
nombreuses, le père dit : enfants, restez ici, que j‟aille à selle. Les enfants s‟arrêtent. Mais
seulement, comme le père avait son amulette, il marcha environ six pas, fixa en terre sa lance (avec
l‟amulettte) et descendit dans les fourrés, il y avait là le chemin pour retourner à la maison. Quand
ces enfants virent que leur père tardait, ils se mirent à appeler : est-ce que tu ne reviens pas ? Cette
amulette dit : attendez-moi.

5/ Ils descendirent vers là où était la lance, et appelèrent encore : mais reviens donc ! L‟amulette
dit : attendez-moi. Arrivés là, ils virent que c‟est l‟amulette qui parle, et dirent : père est parti
depuis longtemps. Alors ils saisissent cette amulette et la jettent. Ils s‟en vont comme à deux pas de
distance. Quand ils arrivent dans le fourré, ils s‟assoyent et réfléchissent comment ils pourraient
faire, mais ne trouvant rien. Et tous deux ensemble disent : fais que le fourré soit une maison. Et ce
fourré fut une maison, ils y entrent et y demeurent. Et ils voient des milans et disent : fais qu‟ils
soient des vaches, ils apperçoivent un buffle. Ils disent : fais de taureau. Et le buffle est taureau. Et
ce taureau saillit leurs vaches tellement qu‟elles mirent bas. Le frère de la fille se mit à traire, et sa
sœur tenait le veau (retiré des pis avant de traire). Et cependant, le frère menait lui-même paître ses
vaches et sa sœur gardait les biens.

6/ En ce temps là il y avait un roi qui n‟avait pas de femme. Ce roi dit à ses hommes : cherchez-
moi une femme. Tous y consentirent et dirent : quiconque verra là où il y a une belle fille viendra
t‟avertir. Et tous vont à la recherche. Lorsque furent passés six jours, une vieille femme du pays,
en allant mendier, rencontra des maisons au milieu des montagnes. Cette petite vieille alla vers ces
maisons, et rencontra là une jeune fille, mais seulement cette fille était occupée à baratter (du lait).
Cette petite vieille salua la jeune fille. Et celle-ci l‟interrogea : où vas-tu ? La petite vieille lui dit :
je vais mendier, Seigneur ! La fille vit qu‟elle mourrait de faim et comme elle possèdait deux
cruches de petit lait et aussi un plat de polenta, elle prit ces cruches de petit lait, et les donna à la
petite vieille avec la polenta, et celle-ci de mit à manger, ayant achevé, elle lui dit merci et les porta
là où elle restait. Quand elle fut arrivée chez ce roi, elle lui dit : Maître, j‟ai une demande faire. Le
roi se tût. Elle lui dit : Maître, que me donneras-tu si je t‟amene la femme que tu cherches ? Le roi
lui demanda : l‟as-tu vue ? Elle dit : je l‟ai vue. Est-elle belle ? Oui, Seigneur, très belle.

7/ Au matin, ce roi envoya ses émissaires pour aller voir si cette fille était velle ou laide, pour qu‟il
sache si cette petite vieille ne l‟a pas trompé. Ces hommes se mirent en chemin. Quand ils y
arrivèrent, ils y trouvèrent cette jeune fille encore occupée à baratter. Ils la saluent : bonjour jeune
fille ! Et elle : bonjour. Ils lui dirent encore : toi jeune fille, es-tu contente ? Et la jeune fille : y a-t-
il quelqu‟une qui méprise les hommes ? Et ces hommes s‟en vont et disent au roi : Seigneur, nous
avons vu cette fille. Et les lui interrogea : est-elle belle ? Et eux : très belle, Seigneur.

8/ Le roi se décida. Quand il fut nuit, il envoya ses guerriers pour aller prendre la fille et leur dit :
seulement si vous voyez son frère, tuez-le, et puis amenez-moi cette fille pour qu‟elle soit ma
femme. Quand ils y arrivèrent, il faisait nuit, l‟heure de premier sommeil. Cette fille entendit les
guerriers descendre du côté de la maison et elle pensait : ces hommes ne sont pas de petites pierres
du foyer. Elle se leva, réveilla son frère et son frère s‟appelait Muyande et son taureau était
Rugwegwe. Et la fille appela son frère : Muyande, Muyande, lève-toi, Rugwegwe réveille-toi, on
vient nous tuer, lève-toi, reveille-toi Rugwegwe. Son frère se leve, prend son poignard, ses lances,
195

sa serpe et court sus à ces hommes, les attaque. Et son taureau entendant les bruits, brise la corde et
les poursuit lui aussi, ils arrivent sur la place et combattent contre ces hommes, et Muyande tue et
son taureau tue, et ils les achèvent tous. Un seul homme s‟echappa de là et cet homme courut chez
son chef et lui dit tout ce qui était arrivé et tout ce qu‟il avait vu se passer. (Le roi) appela d‟autres
guerriers et à eux il arriva de même, puis un seul homme échappa et alla avertir le chef. Et de
nouveau tous les hommes furent achevés.

9/ Le chef stupéfait, et dit : alors comment arrivé tout cela ? La petite vieille dit : que me donnes-
tu si je t‟amène cette femme ? Et lui : je te donnerai une partie de mon pays. Et elle dit : c‟est bien.
Au matin, elle prit ses remèdes à envoutement, et les posa sur le sentier. Elle alla là où demeurait
la fille et la rencontra occupée à baratter. La fille lui dit : bonjour grand-mère. Et la petite vieille :
bonjour maman. La fille lui dit : non, pas bonjour, car on nous fait la guerre ici. Elle lui demanda :
qui cela ? Et elle : je ne le sais pas. Quand il faisait nuit, nous avons entendu venir des guerriers
pour cerner la maison, j‟ai réveillé mon frère, il a pris ses armes et il a réveillé son taureau, et ils
ont attaqué les hommes et les ont tués tous. La petite vieille lui répondit : écoute, sois rusée, je vais
te donner un remède mais seulement ce remède, fais le cuire dans les légumes, quand ton frère
ramènera les troupeaux tu lui donneras ces légumes, mais n‟en goute pas, car si tu en mangeais, ces
guerriers reviendraient souvent vous assaillir jusqu‟à vous dépouiller et vous tuer. La petite vieille
s‟en retourna.

10/ Dès que Muyande eut ramèné le bétail sa sœur lui donna des légumes et il les mangea, elle lui
dit : on m‟a dit ceci et cela. Son frère lui dit : merci. Et la petite vieille s‟en alla dire au roi
d‟envoyer ses guerriers prendre la fille. Dès qu‟il fut nuit, les guerriers se mirent en marche vers
l‟endroit, seulement, ils marchèrent l‟oreille aux écoutes et remarquèrent que personne ne les
empêchait, ils allèrent là. Cette fille les entendit et dit : je suis perdue ! Elle appela son frère
disant : Muyande, Muyande, leve-toi. Rugwegwe, réveille-toi. Elle n‟entend personne répondre, le
taureau lui-même ne se réveille pas. Elle se leve elle-même et va où est son frère, elle secoue le lit
disant : es-tu en vie ? Voici qu‟on nous attaque. Elle n‟entend pas répondre. Elle enlève la
couverture et voit qu‟il est tout à fait mort, et elle poussa des cris de lamentation. Ces guerriers
entendent qu‟elle pleure, entrent dans l‟enclos, s‟amparent de la fille, prennent ses vaches et les
portents chez le roi.

11/ Le roi la voit et dit : merci, mes hommes ! Mais surtout la petite vieille se réjouit et prit le bout
de pays que le roi lui avait donné. La fille, on la mit dans une maison et aussi ses vaches. Le roi,
lorsqu‟il alla pour la marier, la fille réfusa. Elle dit : rendez-moi d‟abord Muyande. Et on ne put le
sortir de là. Cette fille n‟allait pas dehors, ne mangeait plus, ni fit plus ses besoins, et ses vaches de
même. Toutes restaient à l‟intérieur même de la maison. Dès qu‟elle voyait une souris passer, elle
dit : puisses-tu aller à où est allé Muyande ! Chaque jour elle faisait de même. Or un jour toutes les
souris ensemble s‟y donnèrent rendez-vous, et lui dire : pourquoi nous insultes-tu ? Qu‟avons-nous
mangé chez toi ? Et elle : allez donc là où est Muyande : Et elles : que nous donneras-u si nous te
le ramenons ? Elle dit : je vous donnerai un bout de pays. Et elles : non ! Elles lui dirent : donnez-
nous de vieilles peaux (à grignoter). La fille y consentit. Et les souris, merci ! Quand nous te
l‟aurons ramenè, ne manque pas de nous les donner. Et elles s‟en allèrent.

12/ Elles allèrent là où Muyande était mort, et n‟y trouvèrent plus que des osements. Une (souris)
« presseuse » y alla, elle pressa, pressa, façonna deux jambes. Une (souris) souffleuse y alla et
façonna le buste et la tête et le ventre. Les souris le dressent, elles voient que tout est achevé. Il
leur dit ne grognant : m‟avez-vous achévé ? Et elles : nous avons terminé. Il exhale en grognant un
soupir. Elles lui demandent : où est-ce que tu as mal ? Il dit : ici. Et la comprimeuse comprima et
dit : tu n‟as pas mal ? Il dit : ici. Et la souffleuse souffla et dit : nulle part ailleurs absolument ? Et
lui : non plus nulle part. Les souris dirent : portons. Elles s‟en vont. Elles vont chez la femme, la
sœur de Muyande. La fille voit (Muyande) apparaître sur le seuil et elle se réjouit dans son cœur et
196

dis : ce n‟est peut-être pas lui. Les souris disent : est-ce que ce n‟est pas lui-même, Seigneur ? La
fille dit : je vous remercie ! Elle envoya un émissaire chez le roi lui dire : donne-moi des vieilles
peaux. Le roi écouté ce qu‟il disait et dit : des vieilles peaux, je n‟en aurais pas ! Il prépara dix
paniers (pleins de peaux) et elle les donna aux souris qui dirent merci. Elle dit : cela suffit-il ? Elle
envoya un autre émissaire chez le roi lui dire : donnez-moi aussi de la nourriture et des colliers et
des bracelets de cuivre, et un collier de perles rouges tachetées et une étoffe de calicot bleu et
quatre bracelets en ivoires et six cents rondelles pour les reins, et huit cents bracelets de cuivre fin
enroulé. Tout cela on le lui prépara et on alla le lui porter. Et elle fit ses besoins, et se leva et se fit
raser et les vaches se levèrent, urinèrent, mangèrent et son taureau beugla. Tous les biens qu‟elle
avait demandés, elle en revêtit son frère, lui tout seul.

13/ Quand il fut matin, elle envoya un autre émissaire chez le roi lui dire : et moi je demande des
hommes pour qu‟ils viennent danser ici chez-moi, car je suis persécutée par les esprits, des
femmes et des hommes. Le roi demanda les tambours et dit : au lever du jour, allez-y tous. Le
lendemain matin, les hommes allèrent là et se mirent à danser. Rhuturhutu en masse. Et même le
roi y fut. Quand ils arrivèrent chez elle, elle envoya un émissaire leur dire : dansez là sur la place.
Quand elle eut habilé son frère, elle-même s‟habille. Muyande prit deux lances et son poignard
qu‟il fixa à sa nuque, et prit en mains son bouclier. Et il pressa le pas vers la place où tous étaient
avec sa sœur. Ils étaient brillants comme le soleil, et tous les gens les regardaient disant : dyu !
dyu ! Est-ce lui, celui qu‟on avait tué ? Le roi aussi était dans l‟adminiration en le regardant. Et il
envoya des guerriers vers la petite vieille disant : tuez-la, perdez-la, n‟est-ce pas elle qui l‟a tué !
Le roi maria cette fille et son frère Muyande partagea l‟autorité du roi. Quand ce fut fini Muyande
devint puissant, lui et son beau-frère c‟est-à-dire le roi. C‟est tout.

119. SOCIETES RELIGIEUSES SECRETES

La question fut traitée au n° 117

120. C/ DIVINITES

Tout ce qui a trait aux grands génies, leurs noms, leurs attributs, le but pour lequel on les invoque,
la puissance qui leur est attribuée, les prièrs qu‟on leur adresse et les sacrifices qu‟on offre en leur
honneur, tout cela a déjà été dit au n° 117.

121. TEMPLES

La question des huttes et des autels élevés en l‟honneur des mânes fut traitée au n°S 99 et 117.

122. D/SACERDOCE

Au n° 95, on a vu la question des féticheurs, sorciers, c‟est-à-dire les devins ou médecins de magie
blanche et magie noire. Voir aussi aux n°s 102, 106 et surtout au n° 117.
197

E/ VIE INTELLECTUELLE

A / ARTS

123 à 133.

B/ SCIENCES

134 à 142.

C/ FACULTES INTELLECTUELLES

143 à 150
198

123. A/ ARTS

ECRITURES

Je n‟ai jamais rencontré chez nos Bashi rien qui ressemble à l‟écriture : c‟est-à-dire de représeneter
la pensée par des signes conventionnels. On trace, il est vrai, des signes rouges et blancs sur les
pierres qu‟on dresse en l‟honneur des esprits, soit sous forme de croix, soit sous forme de cercle ou
de lignes verticales ; on se frotte dans certaines danses de terre blanche et rouge selon un
cérémonial prévu , à la fête de l‟intronisation, une femme mutwa trace sur le front du chef une
croix blanche ; on orne encore les pots en argile et les écuelles de dessins variés, on rase parfois la
chevelure de manière à y laisser des touffes à forme variée, on fait surtout aux filles des tatouages
selon un modèle reçu, mais rien de cela, à ma connaissance, n‟a pour but d‟exprimer la pensée.
Quant aux gestes conventionnels et significatifs d‟une idée, la vie des Bashi en est pleine. Il suffit
notamment de parcourir les cérémonies des fiancailles, du mariage, de l‟enterrement, des sacrifices
aux esprits, du mubande (intronisation des chefs), des tabous, bref toutes les phases de la vie
sortant de l‟ordinaire, pour s‟en rendre compte. Mais rien de cela encore n‟a de relations avec
l‟écriture.

124. LANGAGE

Du langage proprement dit il n‟y a rien à dire. La grammaire Mashi, le dictionnaire et surtout la
conversation avec les indigènes doivent l‟apprendre. Il est à noter cependant que les Bashi
recourent très fréquemment aux proverbes. Les proverbes, on le devine, sont assez difficiles à
comprendre pour nous européens. Ils font sans cesse allusion aux coutumes et aux croyances qui
souvent nous échappent. De plus, ils s‟enoncent dans un langage concis et apocopé, où l‟on a
parfois de la peine à reconnaître les formes usuelles données par la grammaire. Il est souvent
malaisé de les traduire en notre langage à nous et surtout de leur trouver chez nous un proverbe qui
y correspond pleinement. Si j‟ai essayé de les traduire, c‟est plutôt pour mettre sur la voie que pour
rendre le sens complet. Chacun qui voudra y avoir recours devra s‟informer auprès des indigènes
dans quels cas ils les emploient. J‟espère néamnoins que, tels qu‟ils sont donnés, ils pourront être
de quelque utilité. Celui qui saurait s‟en servir convenablement, acquerrait certainement une
grande influence sur les indigènes, qui en sont fiers, et qui s‟exercent leur vie durant à développer
la connaissance. A côté du langage courant, il existe un langage usité par les membres des
associations religieuses, qui semble d‟ailleurs être assez réduit. Ce que j‟ai pu en recueillir a été
noté au n° 117. il est à remarquer aussi que lors d‟un sacrifice aux esprits, le sacrificateur aime à
employer des formules un peu spéciales, empruntées au Kinyarwanda et mélangées au Mashi. On
en a vu des exemples notamment au n° 117. Les Bashi ne sont pas dépourvus de toute littérature.
Ce qu‟ils en ont se trouve consigné dans les fables, légendes et apologues (ndibi, migani) qu‟ils
racontent le soir au coin du feu, et aussi dans les réciratifs, les devinettes (bisakuzo) les
compliments (bivugo) et les chants (voir 118 et ci-après).
199

PROVERBES

(N.B : Les numéros qui suivent un proverbe renvoient à d’autres proverbes de sens presque pareil).

1) ABARHUNZI BAKAGANJA BULIGO, NTA BWIRA, BAKAGANJA BWINJA BWO


BWIRA.
Les commerçants, s‟ils comptent mal, il n‟y a pas d‟amitié, s‟ils comptent bien, c‟est là de
l‟amitié.
S. Les bons comptes font les bons amis.

2) ORHABUYISHI ABUZINDALAKWO (s.e. bufumu)


Celui qui ne le connaît pas (le remède) le prend pour une saleté.
S. Ne jetez pas les perles aux pourceaux.

3) ORHISHI OBWENGE ASIMA OBWAGE.


Celui qui ne connait pas l‟intelligence, se contente de la sienne.
S. Chacun se connaît en son sentiment, se croit plus savant que les autres.

4) ORHISHI NYANDUMA, AMUYIRIKA MWIRA WAGE.


Celui qui ne connaît pas le danger, l‟appelle son ami.
S. Ne vous exposez pas au danger.

5) BIZIGO BIZIGO, YE MUKULU KULI OLI OMU CHUSHO.


Cicatrice, cicatrice (= qui a peur de tout) c‟est lui qui est grand, plus que celui qui est dans la
tombe (271).
S. Le poltron court plus de dangers que celui qui ne craint pas, « audances fortuna juvat ».

6) ORHACIYUMYA ERHI ANACHIGALAGAZA.


On n‟a pas fini de sècher quand on étend, le solliciteur ne part pas avant d‟avoir obtenu.
S. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage (150).

7) OGWERHE OMWANA, ARHAMUBULIRA NGOZI.


Celui qui a un enfant, il ne lui manque pas de peau (pour le porter).
S. Qui a une grande chose, ne manque pas d‟une petite, celui qui a plus, a moins.

8) OMUHUBU ARHARHUMWA AHA YEZIRE.


Le gourmand n’est pas envoyé là où les fruits sont mûrs.
S. Qui s‟expose au danger, y périra.

9) OKU BIDESIRWE, KWO BIYEMERWA.


Comme on dit, ainsi on croit.
S. Mentez, mentez, il en reste toujours quelque chose.

10) OLI N’ABANDI MPU ALI N’ABABO


Celui qui est avec d’autres (que ses amis) dit à ses ennemis qu’il est leur ami.
S. Méfiez-vous de ceux qui se disent vos amis, sans l‟avoir prouvé.

11) OSHIZIRE MWAMI, ARHALYALYA NKAMBO (MBAKA).


Qui s’attache au chef, ne court pas de danger (le chef le protège).
S. Il est bon de se mettre à l‟abri d‟un plus puissant que lui.
200

12) ENSHONYI-NSHONYI ZAJIRE OMUNYERE EFUNZI.


Honte, honte, ça rend une fille enceinte, (183).
S. Celui qui voit le mal partout, finit par y tomber.

13) OMONGWA AYONGWA N’EBIRUGU BY’OMWALI.


Dis merci à l’envieux, et les biens de ta fille (disparaissent).
S. Le riche convoite souvent les biens du pauvre.

14) MUGANDA ANASHEKERA MWAMI.


Le serviteur rit à cause du roi (quand celui-ci a besoin de lui).
S. Se dit quand un pauvre peut aider un riche dans la détresse (on a souvent
besoin d‟un plus petit que soi).

15) MUNTU ARHASHIGE EBIRYO NK’EBINWA BY’OMUGALE.


L’homme ne s’attache pas à la nourriture autant qu’aux ordres du puissant.
S. Il faut servir non par intérêt, mais pas esprit de soumission)

16) DUBA DUBA KURHALI KUGENDA.


Vite, vite, ce n’est pas marcher (313).
S. Agir vaut mieux que discourir.

17) ENGULUMIRA ERHAYISA ENYUNGU.


Les flammes ne font pas souffrir le pot (qui est sur le feu).
S. On ne gagne rien à agir avec précipatation.

18) MBALABALA LWO LUNGENZI.


La lenteur voilà la marche.
S. Rien ne sert de courir, il faut partir à temps. Ce n‟est pas le flux de paroles qui
rend la pensée claire. Qui veut aller loin, ménage sa monture.

19) OTWEZIRE ARHABUKWA MUZIRO.


Celui qui est gros, ne se soigne pas avec une charge lourde.
S. Dans la prospérité on ne songe pas au malheur des autres.

20) NAFE AHINGA CI NABUNGE ARHAHINGA.


Qui craint de mourir, cultive, mais qui aime le démenagement ne cultive pas.
S. Pierre qui roule n‟amasse pas mousse.

21) OKUGENDAGENDA KURHAKAMALA MILUNDI, INGA EMILUNDI Y’EBILALA


YAHWIRE.
La marhce n’use pas les jambes, au contaire les jambes des dormeurs (des
paresseux) celles-là s’usent.
S. La paresse fait plus de victimes que la travail.

22) OWACIBARHULA ARHAYABIRWA.


Personne ne se fatigue à se porter soi-même.

23) ORHISHI OMUNYAMPIRE AMUHEKAKWO IZULU.


Celui qui ne sait pas celui qui a pété, y dirige le nez.
S. Mettez-vous en garde contre vos faux amis.
201

24) OKENGULA ISIRA AMALA EBIRONKO.


Celui qui attend la reconnaissance d’un feu (ingrat) y perd ses cadeaux.

25) OWACIKAKOMA ARHAKABULIRWA MULANGA.


Celui qui dresse (un chien) ne jette pas son auge (29,208).
S. Qui veut la fin, veut les moyens.

26) OMWANA ARHALAKIRA IHANZI ARHANALIBWIZIRWE.


L’enfant ne pleure pas pour une petite sauterelle dont on ne lui a pas parlé.
S. Iggoti nulle cupide

27) ABARHABWIZANYA BARHULA MAGULU ABIRI.


Les frères qui ne s’entendent pas, offrent à leur chef deux pattes de leurs vaches.
s. La mésentente est source de nombreuses sottises
28) OYUNJA RINDYE ARHALAMUKIRA ARHANAKEREZA.
Celui qui se met aux aguets pour rendre le rindye (oiseau) n’arrive pas à temps, s’il ne se lève pas
de bon matin.
S. Qui veut la fin, veut les moyens.

29) OZIMBA OMU KW’IDAGA MW’ANASHANIRA.


Celui qui vole chez un sot, a le temps de lier (ce qu’il vole).

30) NDI WAMUNGA ENGOZI ARHAGWERHI N’OMWANA ?


Qui songe à tordre des cordes (pour porter l’enfant) quand il n’a pas d’enfant ?
S. Il n‟y a pas de fumée sans feu.

31) ENINDA BUCE ENASHIGIRE ENYALI HYAYO.


Celui qui attend l’aurore pour se mettre en route finit par devenir serf pour obtenir ce qui lui est
dû.
S. La perte du temps entraîne souvent de graves inconvénients, parfois irrémédiables.

32) ORHISHI OKUKALUKA MPU KALUKULA.


Celui qui ne sait comment construire un nide, dit, on le détruit (se dit quand quelqu’un fait
semblant de vouloir s’en aller, alors qu’au fond il veut rester)

33) AKARHENDE KANYAMIRA AKABO.


Le rat des roseaux (qui pue fort) empeste son compagnon.
S. Le scandaleux gâte celui qui le fréquente (119).

34) ERHI K’IRHONDO ERHI WERI MBERE.


C’est pour demain, moi toi tu es avant lui.
S. (Les jours se suivent et ne se ressemblent pas ?). Un homme prévenu en vaut deux (110.)

35) OMWENGE AKAYISIRE IDAGA LYAKAYAMBAL’ENSHALA.


Si le malin tue l’oiseau, le sot (se contente) de se revêtir de ses plumes (V.42)
S. L‟imbécile fait rarement fortune, seul le malin réussit.
202

36) ENGENZA KAHERO EMWABO ELIMBIRA.


Celui qui veut se promener dans son village, une canne à la main met aussi de
beaux habits.
S. On n‟est fier que parmi les siens, à l‟étranger on se fait petit.

37) BUNAZIKE ERHI BWANURWA.


La barque sombre même quand on rame.
S. On n‟échappe pas la mort, même par tous les remèdes.

38) OWASHEGEMIRE ANAGUKUZE.


Celui qui met sa tête sur l’oreiller, c’est lui qui se roule dans son lit (il le prend tout entier pour
lui).
S. Le riche lui-même sera pauvre un jour (quand malgré tous les biens il mettra un
jour la tête sur l‟orieller, il mourra).

39) EYAGEZIRE ENAHAMBE.


Là où l’on a passé, l’herbe repoussera.
S. Quand un préféré est rejeté, les autres qui craignent le maître le rejettent aussi
et disent ce proverbe.

40) OKU MWAMI AYIMIRE KWO ANASHIGWA.


Ce que le roi a hérité, voilà ce qui est recherché ( se dit quand le fils se montre
plus avare que le père, et qu’il rebute les demandeurs).

41) ORHISHI ECI IKOZI LYAHINDIRA MPU CICI OLYA MUNYUNYI AKOLA HALA, KUZIGA
ERHI IHANZI ALINDA.
Celui qui ne sait pas ce que le vautour attend dit : que fait là-bas cet oiseau, pour sûr il attend un
criquet.
S. N‟ayez pas peur de revendiquer vos droits, même devant les grands qui se moquent de vous.

42) IDAGA LYAKAHISIRE, OMWENGE AKAYAMBALA ENSHALA.


Le sot tue (l’oiseau) le malin se revêt de ses plumes (qui valent souvent plus que la la chair) ,(v.35)
S. Il faut savoir sacrifier l‟acesseoire pour le principal.

43) OKASHIGA OMUNTU ORHACHIMUGAYA.


Celui qui s’attache à un homme, ne peut pas le mépriser.
S. Il est mal de mépriser son supérieur, et de rendre le mal pour le bien.

44) ECIRAGANE ERHI MWENDA.


Un contrat c’est une dette.
S. Promesse oblige.

45) NDIBIRIRA NKUYUFIRIRE.


Fuis pour moi, je sarclerai pour toi. (se dit quand on veut se faire remplacer dans un travail
pénible).
S. Il ne faut pas faire faire un autre, ce qu‟on n‟aime pas à faire soi-même.

46) MUHWINJA W’ENSIKU, EZI ACIRAMWO MPU ZO AFAMWO, NA EZI AFAMWO MPU
ZACIRAMWO.
Celui qui est ignorant des jours appelle jours de bonheurs des jours de mort, et les jours de mort,
jours de bonheur.
203

S. Qui a échappé à un grand danger, peut périr d‟un petit accident.

47) BAZIMBA ENGOMA BABULE AMARHIMBIRO.


Qui a volé un tambour, manquera de baguette. (se dit de quelqu’un qui a volé
un objet qu’il est obligé de cacher pour ne pas être pris).
S. Bien mal acquis ne profite guère.

48) MUKUBIZA BUZIBU AYIHABULA.


Celui qui (recherchant une vache) crie fort, celle-ci le fait tromper de chemin. Si on veut prendre
quelqu’un qui vole ou fait mal, on ne crie pas.
S. Plus fait prudence que violence, prudence est mère de sûreté.

49) MURHIZIBWA WA ENSHEMBE ALENGA NAZO OKUZINEGENERA.


Celui qui emprunte les colliers des autres, s’enorgueillit pour en faire parade (74, 95, 147).
S. Il ne faut pas s‟enorgueillir des biens qu‟on a reçus.

50) NYAGANYAGA ARHABA NKA ALI AJEWE.


Celui qui a été vaincu dans un procès, ne demeure pas (en pas) comme celui qui
a logis chez un chef.
S. Le malheureux est souvent méprisé.

51) MWENGE OLI E LUBANDA ARHAMANYA ERHI OLI E LWIMANA AMUBWINE.


Le malin qui est dans la vallée ne sait pas que celui qui est en haut (au pouvoir) le voit.
S. Le plus malin ne peut éviter les regards de celui qui voit tout.

52) WA NKWALE ARHAKAFIRE CI OMALANGUZA


(Le petit) de la perdrix ne pourrait périr sans qu’on le voit de loin
S. Rien ne nous arrive sans que le chef (ou Dieu) le sache.

53) ABARHUMVANYA BANYAGWA KABIRI


Ceux qui ne s’entendentn pas, sont dépouillés deux fois.
S. Division est cause de faiblesse

54) OHUNA OKU LUKANDO IHIRI ENYANJA


Celui qui touche (qui mange) une boulette de pâte, met son trésor dans la mer (on ne peut le lui
reprendre)
S. Un « tient » vaut mieux que deux « tu l‟auras », l‟un est sûr, l‟autre ne l‟est pas.

55) ECOGO LURHALI LUGURHU


Un enclos n’est pas une haie (on n’y entre pas sans que le maître le sache)
S. Chacun chez soi. Le père de famille sait ce qui se passe chez lui.

56) OJ’E MUZIRHU ARHONDERERA OKU LUSHALI LUGUMA LWISHIBA LULANDO


Celui qui va à la forêt entamme d’abord un bout de bois et le bois coupe devient un fagot
S. On nous demande d‟abord une petite chose de rien et on finit par demander tout ce que
nous avons. L‟indélicat ne connaît pas de mesure.

57) NIRHU KUFA RHWANAFE


Et nous aussi nous devons mourir.
S. Le riche d‟aujourd‟hui peut être pauvre demain.
La renommée est instable.
204

58) MWAMI ARHALI MUNTU, MUGORE ARHALI MUKAZI.


Le roi n’est pas un homme, la princesse n’est pas une femme.
S. Rendez l‟honneur à celui qui le mérite, obéissez à vos chefs.

59) NYANJA HIRHALI HISHI


Dans le lac, il n’y a pas qu’un peut d’eau.
S. Le rusé n‟est jamais à court d‟arguments.

60) ENIGULU BIRHENGA OKU NKUBA MURHULA, NA ENFULA ERHAKAFA EKAFA


NSHUZO.
La terre est un lieu de passage, au ciel seulement se trouve la paix et si le fils ne meurt pas (avant
de fonder un foyer) il peut encore mourir sans enfants mâles c’est-à-dire sans héritier.
S. La vie ici-bas est une misère, même quand on y semble être heureux il faut penser que le
malheur peut toujours venir.

61) OMUKANA ADERHE ERHYA MWAWE MBU OBONA OMULAMBA, NA


OWABO NAYE ERHI ; KAFAGA ABULI NA CIFUNYA
La veuve dit, chez vous là-bas, tachez de me trouver un jeune homme pour mari.
Et sa compagne répond : crève et que personne ne te dépose dans la tombe.
S. Se dit quand le pauvre qui va mendier chez le riche est renvoyé avec des insultes.
Riche soyez miséricordieux pour les malheureux.

62) OMUKAZI ASHIGA IBA ANAMUBWIRHA ERHI : OWAKUTWAGA ERI


IHWE AKAHIRA HWE ERINDI LYOKI WAKINJIHIRE.
La femme qui sert son mari lui dit : celui qui t’a fait une confidence et a oublié une autre, voilà
celui qui est bon.
S. Qui reçoit une confidence est exposé à la divulguer.

63) ERHI BWAYIRA BURHAVUNA KARHI


Quand il fait nuit on ne casse pas son bâton (du bois).
S. Dans le malheur, quand on ne trouve personne qui vient au secours on doit tâcher de se tirer
d‟affaire soi-même.

64) MUNYIMUNYI OMANYA OKU ECIZINDIRE CASIRIRE.


Peu savent que la pousse-crotte est brûlé (est noire).
S. Ne vous confiez pas au premier venu, c‟est peut-être votre ennemi.

65) OSHIGA NYANKUBA ORHAYOBOHA MILAZO.


Qui a pris service chez le maître du tonnerre, ne redoute pas les éclaires.
S. Ne redoutez pas d‟être réprimandé par un grand si vous avez pris service chez lui
(est que vous le serviez bien)

66) AHA WAKARHERERA OMU KANWA WAKARHERERA OMU LUSHANDO.


Là où tu perds par la bouche, tu perds par le pied.
S. Mieux vaut faire un faux pas, que de dire des niaiseries.
L‟imprudence du langage est plus préjudiciable que l‟imprudence dans l‟action

67) OMURHWA AYIGUSIRE LIGUMA AYOCHA ENGULI


L’homme des bois rassasié, brûle son grenier
S. Pensez au lendemain si vous ne voulez pas être pris par la misère.
205

68) AHALI MUJA ARHAHANYAMPA MUGOLI


Où est l’esclave la princesse ne sent pas mauvais.
S. Les grands ont toujours raison.
La raison du plus fort est toujours la meilleure.

69) LUCA MIRHOLE ARHACA MBIMPI


Celui qui coupe le brouet ne coupe pas l’herbe des champs.
S. Celui qui a trop bien mangé ne peut pas travailler.
A chaque chose son temps.

70) NYALUCULA ARHACULA OBURHALI BUDUGE


Celui qui donne (le brouet) ne le donne pas avant qu’il soit cuit.
S. Ne vendez pas la peau de l‟ours avant de l‟avoir tué.

71) OWAYANKA ENSHENYE ARHAKABERULA.


Qui prend du petit bois de chauffage, n’enfera pas un tronc.
S. A l‟impossible nul n‟est tenu (88).

72) ETAJIRAGWA INTYA AMALA MUZUNGWE.


Il n’est pas comblé celui qui vagabonde.
S. Pierre qui roule n‟amasse pas mousse.

73) ZALI ZIRHU ARHASHIGIRA MUGOBE


(Celui qui dit) nous avons beaucoup de biens, ne demande pas le lait d’une semaine (basé sur la
coutume des pauvres, qui demandent aux grands du lait pour une semaine) (v. 146)
S. Celui qui a été riche, ne se sdit pas volontiers pauvre.

74) KAMBALA OMUKOBA ERHI KANAGWIFINJA


Celui qui revêt une ceinture (empruntée) finit pas la désirer.
S. Il ne faut pas s‟enorgueillir des biens reçus en dépôt (v. 49)

75) BAGWARHA ECISHAMBO MPU WE NDI ? NYE KUNDI KURHI ?


On saisit un voleur et dit : qui es-tu ? Il répond : c’est moi, et puis quoi ?
S. Un voleur empoigné songe déjà à sa punition.
Celui qui fait le mal ne vit jamais en paix.

76) AKARHI KASHURHA MUKA BALO, ORHAKABIKA BWINJA AHA MURHALI.


Le bâton frappe la femme de ton mari, ne le mettras-tu pas bien de côté là où le mari n’est pas.
S. Ne sois pas content du malheur d‟autrui, il pourrait t‟arriver la même chose, ou bien : le
malheur est une bonne école.

77) ENGOKO ENALABARHE ECHANA CHAYO ERHI ENACHIBWINE.


La poule piétine ses poussins, mais elle les a vus.
S. Qui aime bien, même quand il chatie songe qu‟il aime.

78) LUBIKA ERHI LWANAKASHWA.


Le grain qui est mis de côté sera moulu un jour.
S. Petits, soyez humbles devant les grands, vous pouvez en avoir besoin.

79) OMULINDYE GWADESIRE MPU : OLYA OBUNTU BWA MULUME BUNDI ASHUBIZAHO.
Le rat de maison s’est dit ainsi : mange la nourriture du maître de la maison ; mais rends-lui en
206

d’autres (c’est-à-dire rends des crottes).


S. La reconnaissance n‟existe guère (87, 142)

80) OKUGULU KUGUMA KURHAJA E MBERE KABIRHI.


Une jambe ne passe pas deux fois de suite par devant (366).
S. Trompeur ne trompe qu‟une fois. On ne croit plus au menteur.

81) MWANA W’EMPENE ARHASHARHA N’OWA NGWI.


Le petit de la chèvre ne joue pas avec celui du léopard.
S. Le pauvre ne doit pas fréquenter le riche.
Il faut savoir se tenir à sa place.

82) ORHUNJIRHUNJIRE RHWENGE.


Les petites huttes (des pygmées) sont dans la brousse.
S. C‟est une vérité de la Palice

83) KABANDA OLIBISIRE.


Celui qui lance les jambes, celui là court.
S. C‟est une vérité de la Palice

84) EMIHONGA EMIRHONDOLA


Les amendes sont des accusations.
S. C‟est une vérité de la Palice. Pas de fumée sans feu.

85) OHUMBA OBUHYA BWA ENGOMBE AHUMBA BUNENE.


Celui qui creuse le sol pour y mettre la hutte neuve des ancêtres, creuse largement.
S. Il ne faut pas faire les choses à demi. Age quod agis.

86) OMUBEMBE ERHI ALI MUGUMA LYO ASOMA.


Le Mubembe (celui qui vient de loin), s’il est seul, il épate (210).
S. A beau menteur qui vient de loin.

87) OMUHAMBWA MUBI ANAYIME OMUHA.


Le mauvais qui a reçu, refuse à celui qui a donné (79).
S. La reconnaissance n‟existe pas.

88) ENGOKO ERHALI MANO ERHAKAKA


La poule qui n’a pas d’ongles ne peut gratter.
S. A l‟impossible nul n‟est tenu (71).

89) OMUNTU AKAMUSHURHA ARHACIMUHANZA KULAKA.


Celui qui frappe un autre ne lui défend pas de pleurer.

90) OMULAMBA ALWALIRA OMU NGOMBE ERHI MUMPE OLWIBO, MPU NTALWO.
Le jeune homme qui passe la nuit dans la hutte des mânes dit : donne-moi le van. On lui dit : il
n’y en a pas (dans cette hutte on ne met pas d’ustenciles)
S. A l‟impossible nul n‟est tenu (88)

91) BASHURHIRA NYAMANIHIRA E BUHAYA ERHI NTALIKA KARHI.


Si on frappe ma mère, et que je me tienne au Buhaya (que je ne sois pas à la maison) je dis : je
ne lâche pas (mo bâton).
S. Un bon fils doit défendre ses parents.
207

92) KUGULU KWALI NYERERE MUKOBA GUYIZINDA.


Quand le pied est orné de colliers, la corde (sur laquelle sont enfilées les perles) dépasse.
S. Les grands ont tous leur petit côté.

93) KANYERE ALI MPINGA ANAHINGE EMISHIBO YA ISHE.


Une fille alla dans la brousse lointaine, elle y cultiva pendant les jours de deuil (ce qui est
défendu).
S. On se cache quand on veut faire le mal.

94) KA OKUYAGA KAYAGANWA.


Est-ce que avoir perdu son procès est (la même chose que) trembler ?
S. Il ne faut pas juger les apparences.

95) OMURHO OYAMBIRHE OMULINGA ARHAKENGA MUKULU WAGE.


Le pauvre qui porte un bracelet de cuivre, ne respecte pas so maître.
S. Le misérieux qui acquiert un peu de biens en devient méprisant.

96) KAKANDA OKUSHOMBIRE GARHULWA OKUZIGIRE OGAMALE MWAKALIGO.


Si vous brassez de la biière pour votre ennemi, il vous paie ; celui qui vous aime, l’achève
comme un affamé (et ne donne rien).
S. Ceux qui se disent amis sont souvent plus nuisibles que ceux qui se disent ennemis (243)

97) OBUCURO OBULI HOFI BWO BWAMAZIRE ABARHWA E MUZIRHU.


La victoire qui est proche (facile), voilà ce qui a achevé les pygmées dans la forêt.
S. Qui fait un trou pour autrui, y tombe souvent lui-même.

98) LUNYE-LUNYE YE OBURHA NYAMUGEGE.


La diarrhée engendre les immondices.
S. Petite cause a souvent des grands effets, ou bien : les petites fautes conduisent aux grandes.

99) AKISHI BAGAYA, KI KABAJABIKA.


Quand il a fini de les mésestimer, alors il les noie (253).
S. Qui a trop de biens les gaspille facilement.

100) OMUNTU ANAKUGERA AHA MBUGA ERHI ANANACHILOBERE EMBUGA.


L’homme qui passe près de toi, sans entrer, dit : on se mouille dehors.
S. Qui a peur d‟un rien, rencontre souvent de grands périls.

101) ECIRERE GWALI MUFUKU.


L’écorce sèche du baninier fut belle écorce jeune.
S. Toute beauté est éphémère (105, 184).

102) MPA NKUHE BWO BWIRA BULAMA.


Donne-moi, que je te donne, voilà l’amitié qui dure (337).
S. Les petits cadeaux cimentent l’amitié.

103) AMABOKO ABIRI GO MUZANGAMULA.


Les deux mains, voilà les travailleurs.
S. On n‟a rien sans peine.
208

104) CIBA MUTUZI, CIBA WACIJIRAGA, CI CIRHIBA WACIJIRAGWA.


Il était forgeron et travaillait pour son compte, mais la base de sa hutte on doit la lui creuser (et
il s’en plaint parce qu’il n’en est plus capable)
S. Les maux présents font oublier le bonheur de jadis.

105) OKURHANGA OMU ISHWA BURHALI BUGALE.


Celui qui commence à créer un village, n’est pas celui qui a de la puissance.
S. Les premiers chefs sont remplacés par les suivants.
La richesse et la grandeur sont éphémères (101, 151,184).

106) ORHAKUHA ARHAKULERHERA.


Celui qui ne te donne rien (en temps ordinaire), ne t’apportera rien (pendant ta détresse).
S. Ne comptez pas sur les gens sans cœur.

107) OHIRWE OLUHYA Y’ENASAMA.


Celui qui a reçu la place où l’on danse, c’est celui-là qui danse.
S. L‟ainé (l‟héritier) est l‟heureux (on ne flatte que les riches).

108) OBUGEREREZE ERHALI BUJIRIRA, HINGA OYU BAHAMAGALA E LUBAKO,


AHAMBALI AGERA.
L’intelligence, la réflexion, n’est pas l’action, mais celui qu’on appelle au dehors passe
juqu’au fond de la maison.
S. Quand un malin échoue, un homme de rien souvent réussit.

109) OMUSHOMBANYI AKABUGANA ECUSHA OMU KWAGE ANACIJACIRE,


CIRHINACIMUZIMBE.
Un ennemi rencontra un fils unique dans son champ, il l’insulta, et cependant il n’avait rien
volé.
S. N‟insultez pas au malheur.

110) BABWIRA ISHAMBA LYA NYAMUMVE : MWAMI WAKUYIRHE ; ABABWIRA ERHI :


NTISHI NTANAHABIRI
On dit à la brousse de Nyamumve (celui qui écoute) : le roi va te tuer ; il leur répond disant :
je ne sais pas et j’ignore (je le sais quelque peu).
S. Celui qui écoute est toujours renseigné, est sur ses gardes.
Un homme prévenu en vaut deux (34).

111) OMWANZI GWO MWANA MURHO GUSHUBIRA KABIRI.


Une nouvelle, c’est un petit enfant, qui revient deux fois.
S. Ajourd‟hui on dit ainsi, demain on dira autrement et plus.

112) BURHANYIHIRA OLI IDULI.


Le lit est assez large pour celui qui dort contre la paroi, du côté du mur.
S. Qui a faim ne regarde pas à la quantité des mets.

113) OWAYAKA E KANWA ARHAKAJA E MAZULU.


Celui qui se retire de la bouche ne pourrait arriver au nez.
S. Qui déplait à l‟enfant, déplait aussi au père.
Qui abandonne le sous-chef, abandonne aussi le chef.
209

114) MINO MERU ASHEKERA, OYU GARHINGE.


Celui qui se moque des dents blanches (du chef), celles-ci se montrent contre lui.
S. Qui se moque de son chef, encourt sa colère.

115) NYABANA YE MUKULU KULI NYABANA BANKUBURHIRE.


La femme préférée, voilà celle qui dépasse la mère qui a déjà des enfants.
S. Tout nouveau, tout beau.

116) MUBALAMA ORHABWIZA ABALAMIRA E BIGUKA.


Le promeneur n’interroge pas ceux qui se promènent près d’un village en ruines.
S. On ne demande pas à l‟orphelin des nouvelles de son père (266).
On ne parle pas de corde dans la maison d‟un pendu.

117) KUBIKA ARHACIBA ARHAHOLAGA.


Celui qui vide le sac (le voleur) dit qu’il n’est pas coupable jusqu’à ce qu’il expire (sous le
coups). Un voleur n’avoue jamais son larcin.
S. Nul ne s‟accuse à moins d‟y être contraint (355).

118) ENJIRA EBURHA OMUGENZI.


Le chemin engendre les compagnons de route.
S. C‟est en voyageant qu‟on fait des connaissances.
Il est bon d‟avoir des amis partout.

119) ORHABALA OMWOBA ALUSHUBANA.


Qui assiste un peureux devient semblable à lui.
S. Dis-moi qui tu fréquentes, et je dirai qui tu es (33, 237).

120) ENYORHA ERHAHWERA OKU IRIBA ERHI NDOGANO.


La soif qui ne s’éteint pas à la source dit : ici il y a de la sorcellerie.
S. Celui qui demande à boire jusqu‟à vomir, se rend malade, et accuse autrui de l‟avoir
ensorcelé (224).
« Graissez les bottes d‟un vilain, il dira qu‟on les lui brûle ».

121) OKULI BANDI BAKUDERHA.


Vraiment d’autres le disent.
S. A l‟œuvre on connaît l‟artisan, c‟est au pied du mur qu‟on connaît le maçon.

122) ORHASHIRAHIGENDA AJIRA OMUHULA NTANDA.


Celui qui n’arrange pas bien son voyage, manquera de vivres de route.
S. Age quod agis. Il faut être prévoyant.

123) NTALUBA YE KUBULIRWA.


Celui qui ne crie pas n’obtient rien.
S. Qui ne travaille pas n‟a pas droit de manger.

124) AKARHENGA AHA IRHWE AHA LURHUGO KAJA.


La charge qui descend de la tête vas sur l’épaule.
S. Tout début est difficile. Qui peine au début du mariage, se reposera plus tard dans ses
enfants.*

125) ESHUNGI IBIRI GWO MUGUSHU.


210

Deux petites choses, c’est une épée.


S. L‟union fait la force (143).

126) NYAMA LAHIRA ARHABA NKA NYAMA LAMUKIRA.


Celui qui dit j’attends, n’est pas comme celui qui dit : je m’empresse.
S. Celui qui se propose toujours d‟agir et ne fait rien, est dépassé par celui qui ne dit rien et agit.
Ne remettez pas au lendemain ce que vous pouvez faire aujourd‟hui.

127) ECABIRE ERHABA NKANGULO/ ACIKANGULA OMUNTU ERHI YE OYISHI


ECAKAMWIRA.
Ce qui est passé ne compte plus comme service rendu, mais celui qui donne des forces (rend
service) à quelqu’un, lui, sait ce qui pourrait le tuer (car celui qui des forces pendant un
sacrifice a en lui les forces des bazimu, et peut en abuser).
S. L‟amitié méconnue engendre la haine.

128) OMWIRA W’IBANGO ARHALIBERA, AKALIBERA LIHWIRHE.


L’ami de ibango (secret des imandwa) ne brise pas son serment, s’il le brisait, il le tuerait
(145).
S. Sachez garder un secret.

129) OMUSHAMBAZA WA BANJI ARHAMANYA MUGUMA OMUSHOBEKA.


Le grand parleur, celui qui cause à tout venant, ne peut pas savoir celui qui dit du mal de lui.
S. Trop parler nuit, trop gratter cuit.
L’excès en tout est nuisible.

130) NYAOBUGENYE ARHABWIRHA, AKABWIRHA ERHI : NTABWO.


Le pressé ne parle pas, ou s’il parle il dit : rien de neuf. Par exemple, ne faites pas comme cet
homme qui allant porter de la bière à son chef, rencontre son ami, s’ils boivent ensemble, il se
dit « j’irai chez le chef, quand je brasserai de nouveau », car si le chef l ‘apprend, il lui fera
sentir sa colère.
S. Il ne faut pas remettre au lendemain ce qui peut être fait aujourd’hui.

131) OMWAMI WAKUHIRE ARHAKURHEBE, AKAKURHEBA OBUKENYI BUKUYIRHE.


Le roi qui t’a donné, ne te trompe pas, s’il te trompait, la misère te tuerait.
S. On ne croit plus celui qui a menti une fois.

132) ENKUBA ERIRIMA ERHI NGENZI.


Le tonnere est tombé, donc je vais me promener. (149)
S. Après la pluie le beau temps.
Ce n‟est pas celui qui crie qui est le plus à craindre.

133) ENGOKO ERHI EBWINE CINENE ERHARHOLA.


La poule qui voit un morceau trop grand ne le ramasse pas.
S. Si l‟affamé avale gloutonnement, l‟homme rassasié fait la fine bouche.

134) OWALIRE CINUNU ARHACIFUMA.


On n’échappe pas à des plaisirs auxquels on s’attribue.
S. Il faut agir visière levée, loyalement, si on veut être estimé.

135) OBUSOLE BUNENE ERHI MULUHU.


La jeunesse vigoureuse se dit fatigué.
S. Celui qui a des biens ne vas pas aux corvées avec le vulgaire (le riche méprise les pauvres)
211

136) ECIBWINE MUKAMO ERHASHANGA.


Celui qui se croit chef, ne rencontre pas les pauvres.
S. Comme 135

137) OKASHIGA OMWAMI ORHAHUHAGA ERHI KAVUMBA ASHIGA ENTONDO.


Si tu te mets au service du roi qui ne t’a rien donné, tu seras la vague qui s’attaque à la
montagne (et ne la ronge pas) (102).
S. Qui veut être aimé doit être généreux.

138) RHINDYE NYAMUKANGWA LWOGO.


L’oiseau rhindye se réfugie effrayé dans son nid (179, 234).
S. Oost West, thuis bost. On ne peut être mieux qu‟au sein de sa famille.

139) CISIRIKA OMUHUNYI NANYUMPA ACIHULUKIRE.


Si le demandeur rencontre le maître du logis (allant au champ avec sa houe) il retourne (car s’il
travaillait de même, il ne devrait pas mendier)
S. Ne demandez pas aux autres ce que vous pouvez faire vous-même.

140) OKONDA ENKOZI ACIYIMA EMILIMO.


Celui qui s’endette (parce qu’il ne paie pas) envers des ouvriers, se refuse à lui même des
travailleurs.
S. L‟ingratitude engendre la misière.
Mauvais payeur n‟obtient pas de crédit.

141) ORHISHI OKULI E LWISHI ARHUMAYO OMWANA.


Celui qui ignore ce qui se passe à la rivière, y envoie son enfant.
S. Qui fait faire des commissions importantes par des sots, s‟attire des désagréments.

142) NTANDA EHIRE ERHABULA C’ABARHULA.


Les vivres de route qui sont déposées par terre ne manquent pas de mangeurs ; mais celui qui
les a portées lui-même (c’est-à-dire celui qui paie ses gens avec des vivres, a beaucoup de
mangeurs et peu de travailleurs, souvent ceux qui ont faim travaillent pour des vivres, mais en
font le moins possible.
S. Le bienfait est souvent payé d’ingratitude (79,87).

143) ORHALINDA OMUGENZI ARHALYA OKU NTANDA YAGE.


Celui qui n’atend pas son compagnon de route, ne mange pas de ses provisions de route.
S. L‟union fait la force (125, 181, 221, 246, 291).

144) ORHALI MUYANKAYANKA ARHAKABURHA OKU NGUMBA.


Celui qui n’est pas preneur (ne profite pas des occasions) est comme celui qui n’obtient pas
d’enfants d’une femme stérile (c’est-à-dire n’aura jamais rien).
S. On n‟a rien sans peine.

145) ARHALI EBI MUNTU ABWINE BYOSHI ADERHA.


L’homme ne doit pas dire tout ce qu’il a vu (128)
S. Il ne faut pas crier sur tous les toits ce qu‟on sait.

146) MWANA WA MUGALE ARHASHIGA MUGOBE.


L’enfant du riche ne mendie pas la pitance d’une semaine (73,252).
S. Le pauvre honteux ne tend pas volontiers la main.
212

147) AKABWA KAYAMBALA OMUKOBA ERHI KA NACISHINJAGWO.


Le chien qui porte une corde dit : que je coupe mon cordon ombilical (49,74,95).
S. Qui gère le bien d‟autrui voudrait bien l‟avoir à lui.

148) ENZIGE YO MUGUMA KABENGO.


Quand l’affection est pour soi seul, le mariage n’a pas lieu.
S. L‟égoïste n‟a pas d‟amis.

149) EBINWA BIHWA CI NSIKU ZIRHAHWA.


Les querelles prennent fin, mais les jours pas (132).
S. Après la pluie, le beau temps.

150) ONONERAKWO NSIKU ZO ZIMUHANA.


Celui qui épargne les jours, ceux-ci lui seront profitables.
S. Patience et longueur de temps font plus que la force ni que rage (6).

151) OMWEZI ERHI GURHENGA OKU NKUBA, OGUNDI GUKUJE


Quand la lune ne paraît plus au ciel, une autre va briller.
S. La chute de l’un est le bonheur de l’aure (101).

152) ERHI WAMANYA ECILI MURHIMA GWA BENE ?


Peux-tu savoir ce qui est dans le cœur des autres ?
S. Dieu seul scrute les reins et les cœurs.

153) OMURHUNGUZI WA MARHUNGU ARHAMAYA LIRO NA LIKULU.


Celui qui a désenfilé ses colliers de perles du cou ne distingue plus les petits des grands.
S. Age quod agis. Rien ne sert de courir, il faut partir à temps.
Qui trop embrasse mal le trein.

154) WANASIMA MWIRA WAWE ORHANAMUZIMBIRE.


Tu aimes ton ami, tu ne lui a donc rien volé.
S. Il faut avoir confiance dans un ami véritable.

155) OMUNTU ARHAMYA AGENDA ARHASIGIHIKA OKU MWAMI WAMUCHIZA.


Qui se fatigue à marcher ne laisse pas d’arriver vhez le roi qui le protège.
S. Celui qui s‟en donne la peine finit par réussir.
Labor vincit omnia improbus.

156) OLI CIKULA MVI, CI ORHALI CIKULA BWENGE.


Tu es à l’âge des cheveux blancs, mais tu n’es pas à celui de la raison.
S. L‟intelligence ne se mesure pas au nombre des années (357).
Non numerando sed ponderando.

157) AMALIBULIKO KAHESIRE ENYENJE E RWANDA.


Il a fini de pleurer et apporté ses cafards au Rwanda.
S. Soyons content de peu quand on n‟a rien de plus.

158) OMUNTU MUKULU ANACIDERHE AHENGEMIRE NA ECINWA


CIRHAHENGEMIRE.
L’homme âgé parle penché, mais sa parole n’est penchée.
S. Les vieillards sont sans force, mais leurs conseils sont solides.
213

159) IZULU LY’ OMUNTU LYANABIHA ERHI LYANAFUNAMO.


Le nez de l’homme est sale quand il se mouche.
S. On se pardonne à soi-même ce qu‟on réprouve chez les autres.
Qui s‟excuse s‟accuse.

160) NTAYE OKU MANINA OKUHUMA NINA OKU IRHWE.


Aucun des beaux-parents (par alliance) ne touche une mère de famille à la tête (il est en effet
défendu à un homme de toucher la tête de la femme d’un autre).
S. A l‟impossible nul n‟est tenu.

161) OBURHE BWACIYIRHE OMUNTU.


La douleur du cœur finit par tuer un homme.
S. La tristesse est mauvaise conseillère

162) IHANO LIRHADERHA MUKULU KWO WALIBWINE


Le conseil que ne donne pas le vieillard, n’est ce qu’il a vu (173).
S. L‟expérience ne profite qu‟à celui qui l‟a.

163) ABAZIRE ACIKUNGULA CI ARHACIYINIGA.


Il demande et mange de tout, mais il ne se tue pas à manger.
Se dit d’un pauvre qui partage avec un autre un peu qu’il a.
S. On ne donne que ce qu‟on a.

164) WE MWANA ORHAKACIGOGOLA.


Toi enfant, tu ne pourrais pas te corriger.
S. L‟habitude est une seconde nature.

165) WE MWANA OLI CIBI, C’AYABIRA ISHE C’AYABIRA NA NINA.


Enfant, tu es comme celui qui a une mauvaise tête, résiste à son père, résiste à sa mère.
S. Qui n‟écoute ses parents, n‟écoute personne.

166) OWAKUKAMBA KANAKUBWIRIRIRE.


Celui qui te fait bisquer par son ostentation est pour toi une leçon.
S. Il faut mettre à profit les sottises des autres.

167) OMURHUMA OZIGA AGENDA, BAMUHE NTANDA, NA HANO AGALUKA BAMUHE


EZINDI.
Celui qui va volontiers où on l’envoie, reçoit ses vivres de route, et à son retour il en reçoit
d’autres.
S. Le serviteur fidèle est doublement récompensé.

168) ENKUNDA BUSHIGE ERHABUBONA.


Qui gratte le sol (au lieu de labourer) pour son patron, ne revoit pas celui-ci (n’en obtient pas
de secours).
S. Qui sert un grand doit travailler pour lui.
Pas de roses sans épines.

169) OBWIRA BWA KALYO BURHALAMA.


L’amitié faite à table ne dure pas (180).
S. C‟est dans l‟adversité qu‟on connaît ses amis.
214

170) OWALYA OMWIFINJO ARHALYA MUNYI.


Celui qui mange avidement ne mange pas peu.
S. L‟ambitieux n‟est jamais satisfaif.

171) WE MWANA KWA BURHO KURHUMIRE ODERHA NTYA.


Toi enfant c’est à cause de ta petitesse que tu dis de si petites choses
S. Un petit ne peut avoir raison devant un grand

172) ENJOKA ERUMIRA MUJINA CI ERHALUMIRA MIRU


Les vers abondent dans un coeur vindicatif, mais no pas dans le nôtre
S. Personne ne se veut du tor à soi-même.

173) OSIME BWAGE BWENGE ARHABWIZABWO UNDI


Qui aime son propre sentiment n’interroge personne.
S. L‟orgueilleux s‟en rapporte à ses propres lumières, ne veut recevoir de personne des leçons
(162).

174) NZIGIRA ARHASHENGWA.


A celui qui dit toujours je veux, je veux, on ne demande pas de cadeaux
S. On ne demande pas de secours à celui qui le ferait payer trop cher

175) OMWIRA WA MUNTU YE MUKULU KU MWENE WABO.


L’ami de quelqu’un est préférable à un frère.
S. Un véritable ami vaut mieux qu‟un trésor.

176) OMUJA ANAJIDUDUMA NA ENGARHA ERHI EMULI HA LURHUGO.


L’esclave murmure même quand le coussinet est sur son épaule c’est –à-dire quand on lui
facilite sa tâche.
S. Un mauvais caractère n‟est jamais satisfait.

177) OBERA OMUGALE BURHE BUHWERA OKU MADWI.


La rancune contre un chef s’arrête à ses genoux (elle doit finir par plier)
S. Un inférieur ne pourrait tenir tête à son grand, il doit finir par demander pardon. C‟est le
pot de terre contre le pot de fer

178) ECILI MULUME NA OWUNDI


Il y a encore un homme et un autre
S. Chacun son tour.

179) OMWANA YE LERHERA NINA OLUBANJA


L’enfant lui, porte ses procès chez sa mère (138).
S. On n‟est jamais mieux qu‟au sein de sa famille.

180) OHIRE OMUNTU AKALYO YE MWIRA WAGE.


Donne à quelqu’un de quoi manger, il se dit ton ami (169).
S. Dans l‟abondance les amis sont nombreux, mais non plus dans l‟adversité.

181) OBWOSHI BURHATWA KUGUMA


Les fers que tu as forgés ensemble, ne se coupent pas d’un seul coup (143).
S. L‟union fait la force (funiculum triplex difficile rumpitur)
215

182) ABAMI BABIRI BARHABALAMIRANA


Deux rois ne se promènent pas ensemble
S. Les ambitieux se regardent entre-eux comme chien et chat.

183) OMUNYERE AKASHEKA BOFUNZE YE ANALIBE


La fille qui se moque de la fille-mère, elle-même le devient (12, 214).
S. Ne riez pas du malheur des autres, vous pourriez un jour devenir malheureux vous aussi.

184) NYABWIBONA BWINJA OKU MPINGA AFIRE


Celle qui s’ennorgueillit de sa beauté finit par mourir dans la brousse (101, 105, 151).
S. Beauté est éphémère, car finit en misère.

185) OLUBANJA LURHAHABWA OCISIZIRE


Tu n’as pas gagné ton procès, et tu te décourages.
S. L‟homme croit toujours avoir raison, il reconnaît difficilement.

186) NALALA BURHUNDA NKA MUSHUMBALUME WA NGOKO


Celui qui fend le tas est comme le coq rejeté par les poules.
S. L‟amour ne se commande pas.

187) BABWIRA OMWANA MURHO MPU : HULIKA RHUBISHE SHO, ERHI CICI
NALAKAGA.
On dit au petit enfant : ne pleure pas pendant que nous enterrons ton père, il répond :
pourquoi dois-je pleurer ?
S. L‟enfant ne voit pas le danger, le malheur.

188) AKENGE AKABWIRHE


Celui qui réfléchit peut parler
S. Il faut tourner 7 fois la langue dans sa bouche avant de parler.

189) OMURHIMA MUHAHANO GURHUJULA NDA


Un cœur plein de conseils ne remplit pas le ventre.
S. Ventre affamé n‟a pas d‟orielles.

190) HAKA OMUGENI ABWINE ARHIKASHEGWERWA.


Engrange, l’étranger a vu qu’il ne recevra pas de vivres
S. On ne donne pas sa confiance au premier venu. (Timeo Danaos et dona farentes).

191) CIRU AKABA AHANA ARHACANA.


Quand bien même il donne aux autres, il ne se donne pas
S. Ne demandez pas à quelqu‟un ce qu‟il n‟aime pas à donner.

192) WANASIMA OWINYU ORHAMUGALULEKO LUFU.


Tu aimes ton frère, tu ne pourras pas le ramener de la mort.
S. A l‟impossible nul n‟est tenu.

193)MUNTU ANABA OBWINJA ERHI ANACIBE OBULIGO


Un homme possède le bonheur, qui a eu le malheur.
S. Après la pluie le beau temps, na lijden komt verblidjen.

194) OMUNTU ERHI AGENDERWA YE ANALYA.


Quand un homme a reçu sa juste part, il peut manger (en paix).
216

S. Plus fait douceur que violence.

195) OMUKAZI ARHAHABA ASIZIRE ECHI ZIRA.


Une femme n’oublie pas (de se libérer) quand elle a enfreint une vitance.
S. Chacun doit remplir son devoir.

196) ERHI MUGALE ACIZA ANAHE OMUKENYI AHE NA OGWERHE.


Quand le riche fait le bien, il donne au pauvre, comme à celui qui a déjà quelque chose.
S. Un chef doit être bon pour les petits et les grands

197) OMUNTU ARHASIMA AHA CILI.


L’homme n’est pas aimé là où il est.
S. Nul n‟est prophète en son pays.

198) ENKWALE YANABISHA NINA NA MUSHWESHWERERO ERHAMUBISHA NA OMU


KUBUKUBO
La perdrix cache (empêche qu’on découvre) sa mère quand elle s’envole (au loin), elle ne la
cache pas en battant des ails (sur place).
S. Le petit n‟aide pas le grand par ses conseils.

199) ENJUCHI ELI NGEKE OKU MKUMBA EHWERA.


L’abeille ressemble au Ngeke (oiseau qu’on chasse à la lumière la nuit) quand on a fini de
l’enfumer (elle est morte).
S. Qui s‟expose au danger y périra.

200) OYONKA NINA ARHASHALA.


Qui tète sa mère ne vomit pas.
S. Il faut être content de son sort.

201) OWALIRE BYA BUSHA ARHAGULA


Celui qui mange pour rien (par vol ou par ruse) n’aura pas de quoi acheter des vivres.
S. Vivre aux dépens des autres, c‟est rester toujours pauvre.

202) OLUBULA MUKULU ALUBULULIRA OMU HANO E KA.


Celui qui n’a pas de grand (pour l’aider) ne trouve pas de soutien au conseil du village.
S. Qui se moque du conseil des grands, ne pourra se tirer d‟affaires quand il aura besoin d‟être
soutenu.
Il est dangereux de se fier à ses propres lumières.

203)ENGULUBE NYENGE ETUKIZE OKU MURHEGO


Le cocho malin éduque ses petits dans le piège.
S. L‟homme prudent triomphe des difficultés.
La prudence est la mère de la sûreté.

204) WANACIFINJA OKWA BENE ARHANABENGAKWO.


Celui qui envie les biens d’autrui (et ne les a pas) ne s’en vente pas.
S. Il ne faut pas vendre la peau de l‟ours avant de l‟avoir tué.
Qui veut atteindre un but doit agir prudement.

205) WANAMUHANULA ARHAGWERHI MURHIMA.


On donne un conseil à celui qui n’a pas d’intelligence (qui ne sait comment faire).
S. Le sot n‟instruit pas le sage.
217

206) ORHAGWERHI ARHALAGANA.


Celui qui n’a rien ne promet pas.
S. Le sot n‟instruit pas le sage.

207) NA ECABI ARHACINIGA


Le père d‟un fils désobéissant ne le tue pas
S. Qui aime bin, châtie bien ou bien, maes petits sont mignons.

208) OMUNTU NTAYE ODOMA NA EZAMBERESIRE


Personne ne va puiser avec une cruche brisée (25,29).
S. Qui veut la fin veut les moyens

209) OKUBWIZIRWE YE NAKUJIRA


Ceui qui est instruit, celui la sait agir.
S. Avant d’agir il faut d’abord réflechir.

210) MUDESE WAGWO ANALENGI OHO WAHALI


Le grand parleur était habile là où il était (86, 240, 280).
S. A beau mentir qui vient de loin.

211) MANGA ERHIRHA ERHAKENGWA NA MWANA


Le mot Manga qui ne tue pas n‟est pas respecté par l‟enfant
S. On ne craint rien quand on ne voit pas le danger

212) AGAZINGE OMUGIKULU GARHARHENGA OKU CISHARHI


Ce que la vieille femme tresse, ne sort pas de son vieux pagne.
S. C‟est par ses œuvres qu‟on montre ce qu‟on est. C‟est au pied du mur qu‟on connait le
maçon.

213) OSAMA BWINJA KUTUHWA ATUHWA


Celui danse bien reçoit sa récompense.
S. L’ouvrier mérite son salaire.

214) OLI NSHONYI ANABURHIRE OMU NYUMPA


Celle qui est honteuse engendre dans sa maison (183).
S. Celui qui se scandalise pour un rien, souvent lui-même ce qui le scandalisait.

215) OWAYOGAGA ANAZIKE


C‟est le nageur qui se noie.
S. Qui s’expose au danger y périra.

216) ORHISHI AK'E BUBEMBE AKAJIRE CIBWANA


Celui qui ne connait pas le chien de l‟Ubembe obtient, le traite de chiot.
S. On méprise ce qu’on ne connaît pas.

217) OMWIHWA YE VUNA NALUME


Le neveu brise, surpasse quelque fois son oncle.
S. On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
218

218) OLUVU LUHOLO LWO LWOCA ENYUMPA.


La cendre éteinte incendie la maison.
S. Méfiez-vous des gens trop silencieuses quand ils se fâchent, ils ne connaissent
plus la mesure.

219) KALORHO ALI OKU NYUNGU ARHASHURWE ARHANALEKWE.


La souris qui est dans le pot de terre, ne peut être battue, ni relachée.
S. Le petit cherche un refuge chez son patron.

220) CABIRHA BAHANA.


Au vainqueur on prodigue les conseils (dont le vainqueur se moque).
S. Qui n’écoute pas les vieux tombe en déconfiture.

221) MWAMI ERI NYANJA ERHAYOGA MUGUMA


Tout le monde peut cottoyer le roi.
S. Quand le chef dit son avis tout le monde doit se taire.

222) OMURHI MUGUMA GURHAJIRA MPUNDA


Un seul arbre ne fait pas un bel ombrage (comme celui du mpunda).
S. L’union fait la force.

223) BADERHA GWA BENE CI BARHADERHA GWABO


On dit hors de chez soi ce qu‟on n‟ose pas dire chez soi. Facilement on parle de l‟autre.
S. On médit volontiers d es autres, mais non pas des siens.
Des petits sont mignons.

224) OTWANIRA OMUSIRHE ERHI AKALA AMUKALIRE


Qui fait du feu pour un fou, quand il est sec il se fâche contre celui qui lui a fait du feu.
S. Faites du bien à un vilain, et il vous mord la main (120).

225) OMWIRA WA ENJEMBE YE NAYIKAZA


C‟est le connaisseur d‟une fiole qui sait fondre le beure qu‟elle contient.
S. On ne doit pas donner sa confiance au premier venu.

226) OLERA OMURHO YE NABUSHOKOLA


Celui qui élève un jeune lui prend tout.
S. On a facilement des amis pour ses biens, rarement des amis de cœur.

227) NTAKISHI KABULA NSHOKO.


Il n‟y a pas de petit filet d‟eau qui ne vienne d‟une source.
S. Toute chose a un commencement.

228) OMULEGWA W‟E BWAMI ARHAYIJA.


Celui qui calomnie le chef, ne va pas chez lui.
S. On craint ceux dont on a médit.

229) AH‟ENKUBA ENYIRE MADAKA GABULA.


Quand il a plu, la boue le proclame.
S. Il n’y a pas d’effets sans cause. Pas de fumée sans feu.
219

230) OBUSHWA ERHI BULI BUNJI LYO BUHUMULWA.


Quand les fournis comestibles sont nombreuses, on le recueille.
S. Pour réussir, il faut savoir attendre.
Il faut mettre l’occasion à profit.

231) OGAYA OWABO ARHAMUJIRA MULUME.


Qui méprise son compagnon ne le fait pas un homme.
S. Le mauvais caractère n’a pas d’amis, il se fait mépriser.

232) OGWERHE EHYAGE ARHABULA CI AHIRIRA.


Celui qui a des biens ne manque pas à manger.
S. Le riche trouve toujours des amis.
On ne prête qu’aux riches.

233) OGAYA AMARHA GA KAFUNZI AKALWAL‟IMYA.


Ceui qui méprise le lait de la vache de l‟orphelin, verra les pis enflés
(c‟est-à-dire le dit mauvais).
S. On refuse souvent l’aide du pauvre.

234) ERHAKUNGULA YE HANA OMUHUMBYA.


Quand il ne tonne pas, il conseille celui qui arrête la pluie.
S. On ne peut savoir ce qu’on raconte de nous quand on n’y est pas.

235) EKUNGULA ERHI YUMVIRHE N'IHEMBE


Il tonne et on continue à entendre le sifflet (les oreilles tintent).
S. Après une faute on éprouve des remords, de la crainte.

236) NYAMBWE ERHI ALI ELUMVI ARHAYUMVA ARHANABONA.


Le chacal qui est derrière la porte, dit qu‟il n‟entend rien et ne voit rien (248).
S. Il ne faut pas médire, les murs ont des oreilles.

237) NASOMIRWE ERHALI MPALALO.


Je suis étonné, ce n‟est pas mon habitude.
S. Qui fréquente les mauvais le devient (119)

238) OLANGALIRA MUKA OMUBENZI ARHAYANKA WAGE.


Celui qui envie la femme du lépreux, ne trouve pas à se marier.
S. Celui qui envie le bien d’autrui rarement s’enrichit.
Jeunesse vicieuse, vieillesse malheureuse.

239 NCIMA AYABWINE MAKO EYAKIRA LUNGWE E MUGONGO.


Le singe qui a trouvé une cachette, se refuge chez Dieu, qu‟il a derrière le dos.
S. Celui qui trouve un bon conseiller, trouve le chemin du salut.
Il est utile de demander conseil aux vieux.

240) ARHAKUDERHA NKA OWAHALI.


Il ne dirait rien, si tu étais là.
S. On ne vante pas ses promesses quand celui nous a vu agir est présent (280).
220

241) KARHWERA ALI MYÂGA ENE, ANAFE BAYIZA.


Une chique forte aujourd‟hui, meurt le soir.
S. La force n‟est pas une garantie contre la mort.

242) NYAMBWE ARHALI MUCIRA ARHALYA MBASI.


Le chacal qui n‟a pas de queue ne mange pas de fourmis (qu‟il attrape avec sa queue).
S. Qui n’a pas de vache ne trouve pas à se marier.
N’ayez pas de désirs de grandeur quand vous ne possèdez rien.

243) GAKANDA OKUSHOMBIRE, GARHULWE OKUZIGIRE OGAMALE MWAKALEGO.


La bière que brasse ton ennemi (et qu‟il te refuse) celui qui t‟aime te la donnera (parce que
ton ennemi est son ami) et tu emportes la cruche (en plus) (96 autre version).
S. Qui veut avoir du soutien, doit se faire des amis.

244) ORHUMA NA KALYO ARHARHENGUHWA.


Celui qui envoie des cadeaux, on ne lui refusera pas de lui en donner en retour.
S. Celui qui est généreux trouverait de l’aide quand il en aura besoin.

245) BABWIRA BURHWA MBEBA MPU WACISHIGE MUYANGWA, ERHI


NTAKACHIMUSHIGA
On dit au petit rat, tu seras celui qu‟on méprise, et lui : je ne le servirai plus, mais c‟est
étonnant.
S. Le désobéissant, le mauvais, ne se fait pas aimer.

246) RHUGENDI BANGA BURHALI BWOBA.


Allons-y en grand nombre et il n‟y aura plus de crainte.
S. L’union fait la force (143).

247) OBURHAGEREZA BURHABUKA.


Qui n‟essaie pas un remède, ne guérira jamais.
S. On n‟a rien sans peine.

248) HULIHULI ARHABULA CIBWINE.


Silence, silence (celui qui se cache) ne manque pas d‟être vu (236).
S. Les murs ont des oreilles.

249) ORHAGWASIRWE CIRHALI CISHAMBO.


Tu n‟es pas pris, alors tu n‟es pas voleur.
S. Qui fait le mal, se cache, et dit : pas vu pas pris

250) ENKUBA ERHI AYIRHA ABANYERE E BARHANGE EMIHANIZO.


Quand la foudre a tué les filles, alors seulement on commence à murmurer (se lamenter).
S. N’attendez pas que le mal soit fait pour y porter remède.
Principiis obsta, sero medicina paratur.

251) CIDUNGULI NYUMPA ERHI BANYERE ERHABWIZA OKULI E KAGOMBE.


Celui qui abat une maison dit : les filles ignorent (ce qui se passe) dans la hutte des mânes
(à côté).
S. Ne soyez pas aux écoutes chez le voisin pour le raconter ensuite aux autres.
221

252) ZALI ZIRHU ARHASHIGIRA MUGOBE.


Ces vaches étaient les nôtres (celui qui se vante des biens qu‟il avait autrefois) ne va pas
mendier le lait d‟une semaine (146).
S. Le pauvre honteux n’ose aller mendier.

253) OZIBWINE BUNJI ARHAZINONERA.


Celui qui a beaucoup de biens ne songe pas à l‟avenir (à se précautionner pour les mauvais
jours) (99)
S. La richesse est instable, il faut se faire des amis pour les mauvais jours.

254) BARHABWIRA OMWANA MPU RHWAKUSHURHA ERHI NA SHO AHALI, ERHI


KWO OKUBURWA ANAGAYA
On ne dit pas à un enfant : on te frappera quand ton père sera présent, il répond : là où je suis
né on ne le voudrait pas (mon père ne le souffrirait pas).
S. Le pauvre trouve un abri chez les gens de sa famille (138).

255) ORHENG‟OMUGEKE ARHAGUBISH‟OLUSHULI.


Celui qui tend un piège à la mouette ne lui cache pas le lacet.
S. Quand on traite avec un ignorant, on peut le rouler sur les affaires évidentes
aux yeux de tous.

256) GARHENGA E RWISHI GANAYOCA.


Les choses qui sortent des ruisseaux brûlent (les roseaux verts, devenus secs, servent à faire
du feu).
S. Les enfants deviennent méchants en grandissant (si on le les corrige pas).

257) BABWIRA ENGOKO MPU CIRHUMA ONYWA AMISHI BUGALAMA ? KUDERHA


NTI : ECIBI CIBONE BOSHI.
On dit à la poule, pourquoi lèves-tu la tête en buvant ? Elle répond : ce n‟est pas mal ce qu‟on
fait à la vue de tous.
S. On ne se cache pas pour bien faire.

258) OLOBA E BWALIKAZI ARHAHOLA BARHAGWISHIRA.


Celui qui a des belles-sœurs, ne meurt pas pendant qu‟elles sont éveillées
(le beau-père respecte ses belles-filles).
S. Celui qui veut être respecté ne s’amuse pas avec ses intérieurs.
Familiarité engendre le mépris.

259) NKWALI AGENDA CARHISHA.


La perdrix s‟en va, mais elle n‟arrive pas (ne revient pas).
S. Le temps fuit et ne revient pas

260) ENKENGA BUVUNE ERHAVUNA BWAYO.


Celui qui admire une désobéissance ne brise pas la sienne.
S. Qui ne sait obésir, ne peut se faire écouter.

261) OBWIYONGWE BAGUMA BABUNENE ABANDI BABUKENEKERAMWO MUNYU.


La jalousie, les uns la refusent, les autres la passent au tamis pour en avoir le sel.
S. Le mal, les uns les méprisent, les autres en tirent profit.
222

262) MAHIRHI MALUME GARHAJA E NYUMPA NGUMA.


Les crabes mâles ne demeurent pas ensemble.
S. La cordialité n’existe pas entre les mauvais.

263) ABARHAKUBANA BARHAKENGANA.


Ceux qui ne peuvent pas se renverser ne se respectent pas l‟un l‟autre.
S. On ne se vante pas de ses défauts.

264) OMUGIKULU AYIYISIRE NA KANJONJO AMALA ENYUNGU ZALI OMU MWAGE.


La vieille qui brise même les tessons, a déjà achevé les pots de terre qui étaient dans sa
maison (382).
S. Dans le malheur on ne trouve plus d’amis.

265) OBULORHO ERHI BULI BUNJI BURHIGALA.


Les rats même en grand nombre n‟ouvrent pas une porte.
S. Les petits réunis ne peuvent rien contre leur chef.

266) KWO BARHEBA ENYUMPA NKULA MPU YANKWANINE ORHAFA YE HANA


OTUMIRHA.
Là où arrange une maison transportée, si on dit : il ne faut pas mourir, celui qui dit cela fait
une blessure (116).
S. On ne parle pas de corde dans une maison de pendu.

267) ORHARHANGULA ECIGALA ARHAMANYA OKU CILOBA.


Celui qui ne surveille pas sa hutte, ne sait pas où elle laisse passer l‟eau.
S. La négligence engendre la misère.

268) AHAKASHIGA ENTUMWA WAKASHIGA ENTABEGA.


Si tu sers l‟esclave tu seras celui qui ne donne rien.
S. Le mauvais cœur ignore la reconnaissance.

269) ENGULUMIRA ERHALAZA OMULIRO.


La flamme n‟entretient pas le feu.
S. Il ne faut pas mettre le char avant les bœufs (17).

270) MWAMI ABUKA BUKENYI CI ARHABUKA BUHANYA.


Le roi guérit la pauvreté, mais ne guérit pas la malchance.
S. Personne ne peut faire l’impossible.

271) VAHA VAHA ALIRA NSIMBA.


Celui qui dit toujours va-t-en, va-t-en le fauve le mange (voir 5, 16, 277, 278, 313).
S. Des actes valent mieux que des paroles.

272) ECIZINDIRE CAHUKULA OMUFUMU ERHI NTUMWA EYI.


Le pousse-grotte cherche partout le médecin et dit : c‟est un envoyé (il ne fait que ce qu‟il doit,
je ne lui doit rien)
S. Le vilain est un ingrat.

273) OKABONA GWADERHWA ERHI MUNYI.


Si tu vois arriver ce qu‟on dit, tu dis : c‟est peu (ce n‟est que ça).
S. Le malheur entrevu est souvent plus redouté que le malheur arrivé.
223

274) ECA BENE CIRHALWIRWA.


Ce qui appartient aux autres, on ne se bat pas pour lui.
S. Il faut savoir se contenter de ce qu’on a.

275) MULINDI GUBUKA KASHOLOBOSA.


Le bruit des pas guérit
S. Qui a été puni réfléchit deux fois avant de recommencer.

276) MWANA WA BABA KARHALI KABOLO.


Point de ségrégation envers un enfant d‟un même père.
S. Chacun aime les enfants de son frère.
Mes petits sont mignons.

277) OMUKEREZA WA OLUNGEZI ANALIBIRHWA AHA ANANKARHONDIRE.


Celui qui coupe l‟herbe de celui qui est en voyage, s‟empresse d‟aller couper là où il avait
commencé (et où il n‟y a plus rien à faire il dit avoir travaillé et n‟a rien fait) (271).
S. Parler n’est pas agir.

278) NINDA NINDA AMALINDISE OMUNDINGWI.


Attends-moi, attends-moi, fait attendre celui qui est attendu (271).
S. Les paroles ne sont pas des actions.

279) NYUMPA YA HOBE ERHALYA NTANDA.


La maison du « va-t-en » ne mange pas ses vivres.
S. Qui est toujours en guerre ne jouit pas de bien-être.
Celui qui n’aime personne finit par mourir pauvre.

280) EZIGI MALINDU OWADERHA OKU ABWINE, BANAMUJIRA NGANUZE.


L‟ami des voyages dit ce qu‟il a vu et on le considère comme un blagueur.
S. A beau mentir qui vient de loin (86, 210, 240).

281) OYEGIRE AMASHINJI YE NAGOYAGA.


Qui demeure près de l‟eau celui-ci peut nager.
S. Près d’une source on n’a pas soif, près d’un grand, on ne manque de rien.

282) OMWENGE WA MALUNGU AGALYA BENE NAGO.


Le malin au désert mange avec le propriétaire (du désert).
S. Un malin qui est pauvre parvient à manger avec le roi.
L’intelligence est une fortune.

283) BUHALUNGUZE ZIRHALI MPANGA


La santé presque éteinte n‟est pas encore une tête de mort.
S. Quand on a un pied dans la tombe on ne songe pas encore de mourir.
Où il y a vie, il y a de l’espoir.

284) OHANDA BUDUFU ANAHANDE OMU MWA ECHIREMA.


Qui cherche un logement la nuit, va loger chez un lépreux.
S. L’imbécile achète sans regarder, quand il a regardé, il la jette.
On n’achète pas un chat dans un sac.
224

285) OMUNYERE WA ENGULO NZIBU ALIBWA NA MWIRA WA ISHE.


La fille de celui qui vend cher, est mangée par l‟ami de son père.
S. Quand l’ugali est prêt, ne le mettez pas de côté pour attendre de l’améliorer.
Quand le vin est tiré, il faut le boire, des amis pourraient venir et vous seriez obligé
de partager.

286) NAMANIHIRE ERHI NTALIKA KANI BAMUHAMWO RHUBIRHI.


Qui sait diminuer (ses prétentions) mais ne les abandonne pas, on lui accordera deux fois plus.
S. Patience et longueur de temps font plus que force ni rage.

287) KUKUBWA MWESI (MWA-ISI)


Etre entouré par la mort
S. Le courage malheureux mérite la louange.

288) NTANGO NTEREKE ENANYWEREKWO OKISHOMBERA NA OKUZIGIRE


BANYWERAKWO BOMBI.
La cruche (de bière pour Lyangombe) préparée pour tous, celui qui te hait et celui qui t‟aime y
boivent tous les deux (et après avoir bu ta bière, celui qui te hait ira médire de toi).
S. Les bienfaits sont souvent payés par l’ingratitude.

289) OHINGIRA ENDYALYA, OMUNKWA YO NA NTANDA.


Qui cultive pour un méchant, un simple merci voilà sa récompense.
S. Un service rendu ne trouve souvent que de l’ingratitude.

290) NYALWANDA BAMUBWIRA MPU NYAKAZIBA AMURHERA, ERHI :


MUNGWARHE OMU CHIFUBA NSHEKE.
On dit à Nyalwanda (chef très puissant) que Nyakaziba (chef minuscule) va lui faire la
guerre ; il dit : tenez- moi la poitrine pour que je puisse rire.
S. Le puissant se moque des menaces d‟un petit.

291) ORHUNYEGERE RHURHABIRWA NA IHANZI


Deux petites fourmis tiennent tête à la sauterelle.
S. L’union fait la force (143).

292) OYU MUNTU ABUKA AMADWI YE MULIBIRHAKWO.


L‟homme dont on a guéri les genoux est celui qui nous chasse.
S. Faites du bien à un vilain il vous mord la main.

293) ORHALI OMU BALYA MPU MWO BALIRWA OMWO.


Celui qui n‟est pas parmi les invités dit : là dedans on est mangé.
S. L’envieux méprise ceux qui sont mieux partagé que lui.

294) NTA MWENGE ENIGULU.


Il n‟y a pas de malin en ce monde
S. Tout homme est bête pour un côté.

295) OBWENGE BWA OMUGUMA YE NSHOHO NTULE


L‟intelligence d‟un homme seul, c‟est un sac troué.
S. Le cœur de l’homme est un mystère.
225

296) NTA NYABWIGENGA


Il n‟ya pas de malin pour soi-même.
S. Personne ne peut se fier à son propre conseil.

297) ECIKWE CANYAMPIRE ECABO, KA HANO SEZI ERHI WERI EMBERE ?


L‟arbre ikwe empeste son compagnon, laisse : demain matin ce sera toi qui seras devant.
S. Tu me déranges aujourd’hui, à mon tour de te déranger demain.
Qui aime à envoyer les autres, doit s’attendre au même sort.

298) AKAFA KAKUMBA OMU MAVURHA ERHI YAMABEGA ENO.


Le zorille tombe dans l‟huile, il dit : on a coupé la pâte ici pour moi, c‟est-à-dire on m‟a
préparé à Manger
S. On est heureux quand dans le malheur on regarde le bon côté des choses.
Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur.

299) AKAKUNI KAHIRIMA OMU LUKONO LWA NAMUKOMANGO NACHINGA


OWAKARHULWA ABENGIRE.
L‟homme colérique tombe sur le bras de celui qui tient le maillet, et l‟envieux qui reçoit des
cadeaux se lamante.
S. Le vilain ne connaît pas la reconnaissance.

300) OMWENGE BUZIBU ERHI IDAGA


Qui fait bien fort l‟intelligence est fou.
S. L’esprit qu’on veut avoir fait perdre celui qu’on a.

301) E BUBEMBE EJA OLI MASU, CI ERHAJA OLI KANWA.


Qui va à l‟étranger doit avoir des yeux et non une bouche.
A l‟étranger, il faut s comporter avec beaucoup de prudence et de discresion, observer
beaucoup et parler le moins possible.
S. Ne vous mêlez pas des choses qui vous dépassent.

302) OJA NSHALI ARHANGIRIRE OKU LUSHALI LUGUMA.


Qui va couper du bois commence par une seule branche.
S. En toute chose il faut commencer par le début.
Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs

303) OMWENGE ARHABONA BUDUFU.


L‟intelligent ne voit pas la nuit, la nuit ne l‟arrête pas.
S. Le rusé n’est jamais a court de moyens.

304) NYAMUZINDA AMAMUHAMBIRA OBULORHO, ERHI BULI BWINJI


BURHAYIGALA.
Nyamuzinda a résisté aux bulorho (petites souris) et dit : il y en a trop, je n‟y puis rien.
S. Qui a trop de orins en perd la tête.

305) ARHALI BIHAMBIRA OMUGABO, ARHALI BYO BIMUHEKA.


Ce n‟est pas la grave accusation contre un homme de valeur, ce n‟est pas cela qui l‟emporte.
S. On perd son temps en s’attaquant à un plus fort que soi.

306) OYU OMUNTU ABOHERA EMBEBA YE MUBOHOREA ENJOKA.


L‟homme qui tend un piège aux rats, le tend pour les serpents.
S. On est souvent récompensé du bien par le mal.
226

307) KAZUNGUZIBWA ERHI NA MUGUMA KASHURHA


On brandit un baton devant plusieurs personnes, alors qu‟on en vise qu‟une
S.En bien des cas, on parle de façon générale, mais avec l’intention de viser uniquement un
individu ou un groupe.

308) OGWERHE CHALONGEZA, ARHALONZA KASANZI.


Celui qui a quelqu‟un qui cherche pour lui, ne veut pas attendre un seul instant.
S. Le désir ne connaît pas de délai

309) NTENDERE YA MUBEMBE ESHALULA OMUGANDA, EY‟OMUGANDA


ERHASHALULA MUBEMBE.
Le glouton Mubembe (étranger) vomit sur le serviteur du chef, et celui-ci n‟a pas vomi sur lui.
S. Le vilain rend le mal pour le bien.

310) OHINGINE OBUSINGO ARHABULA MULIRO.


Celui qui va cultiver emportant sa planchette à feu, ne manquera pas du feu.
S. L’homme prévoyant n’est jamais pris au dépourvu.

311) NAKUSIZIRE EGIGA MUGULI ERHI MWIRA WAWE.


Celui qui t‟a laissé de quoi mettre dans ton grenier est ton ami.
S. Les cadeaux entretiennent l’amitié.

312) ORHISHI EMBAKA ANABWIZE MPU NGAHI OMUGUSHU.


Celui qui ignore le danger demande : où est le coutelas
S. On se moque des menaces d’un imbécile.

313) DIBI DIBI GARHALI MAGULU.


Marcher à pas redoublés n‟est pas marcher.
S. Agir vaut mieux que discourir (271).

314) ABALI BARHANZI BARHEGA ENGULUBE LERO BADERHA MPU WASIRIKA


ENGULUBE MPU AYIYIME OBURHEME
Les premiers arrivés tendent le piège au cochon et disent : tu as rebuté le cochon ; il répond, il
ne veut pas d‟un endroit sans vivres
S. On n’a jamais raison devant plus fort que soi.
La raison du plus fort est toujours la meilleure.

315) BUZIMU BW‟ENCIKO BUZIMULA ORHAMULYAGA.


La dot du foyer (qui a servi à le fonder) rends-là, toi tu ne l‟as pas acquise en mariant la fille.
S. On se compense d’un vol chez le voisin.
Qui est près, reçoit les coups.

316) ENDAGANO CO CANZO C‟E BUKWI.


La promesse voilà la place priviligiée des beaux-parents.
S. Promesse oblige.

317) ENHINGO YA HANSHI ERHAKENGWA NA MWANA.


Le lit qui est par terre n‟est pas honoré par l‟enfant.
S. Un grand qui se néglige est ridiculisé.
227

318) ISHIRA LIBONE BOSHI.


La rougeole atteint tout le monde
S. Personne n’échappe complètement au malheur.

319) CINACISHALYA ARHAHANA


Celui qui ne sait pas encore ce qu‟il peut manger ne donne pas de conseil.
S.Tu es trop bête pour parler (haro su le baudet).

320) OMWISHIGANYA W‟OMUGENZI ERHI: BALI BABIRI.


Celui qui veut se moquer de son voisin dit : ils sont à deux.
S. Chacun veut faire à sa tête.

321) ENFUZI NTANZI YAHANZIZE ENZINDA KULERWA.


Le premier orphelin a servi de pretexte pour ne pas éduquer le second.
S. l’ingratitude d’un premier servi empêche de servir les autres.

322) OGWERHE ECIZIGIRE MPU YE LUSHA ABABO.


Celui qui est aimé de son chef dit qu‟il dépasse tous les autres.
S. Celui qui se croit quelque chose, méprise tout le monde.

323) AKABONA OMULYALYA ALYA ERHI OMUBONE YE BWINE.


Si tu vois un traitre manger, alors celui que tu vois, lui aussi il voit.
S. Le serviteur subit le sort de son maître.

324) OCIGULISIRE KWINJA ANABWINE OWABO MPU ARHACISHIGANYAGIA.


Celui qui se cache bien dit à son voisin de ne pas bouger.
Qui est rassasié ne pense pas qu’un autre peut avoir faim.

325) ABALONDANA BO BAYIRHA ENGWI.


Les enfants qui se suivent au foyer voilà ceux qui tuent le léopard.
S. Il faut mettre en commun les biens du ménage pour s’entraider.

326) OMWANA W‟ENJIRA AHAMBYA NINA.


Un nouveau chemin né d‟un autre, empêche ce dernier d‟être suivi.
S. On est habituellement eclipsé par des personnes qu’on a formées.

327) OKAKUZA OLI OKU LUNVI ERHI KWIGULIRA OMWIGULIRE.


Celui qui salue quelqu‟un qui est à sa porte dit : ouvrez, ouvrez-lui donc !
S. On salue ceux dont on cherche l’amitié.
Les bons procédés engendrent l’amitié.

328) OGWARHIRWA ECIGOHWA MPU CHIRHAFULA.


Celui qui reste accroché à l‟hérirhytrina dit : je ne puis me cacher.
S. Qui ne prend garde se fait attraper.
On prend le voleur en le tentant un petit.

329) OMWENGE W‟ENYORHA AHINGA E KABANDA.


Le malin qui a soif cultive dans la valée (où il y a de l‟eau).
S. Qui veut la fin veut les moyens.
228

330) OYIMANGIRWE NINA WA NGWI ADOMA GASHONGWIRE.


Celui qui est gardé par la mère du léopard, puise l‟eau propre.
S. Il faut savoir demander conseil dans un cas difficile.

331) EZINDILUMA ENALUME OBUSHA.


Celui qui vient de faire mal à quelqu‟un, dit qu‟il a fait mal pour rien, sans y penser.
S. Qui a perdu la tête pleure ses bêtises.

332) OKULIKIRA OLWISHI AMALA EBIRALO


A suivre la rivière on franchit tous les ponts.
S. A instruire un sot on perd son temps.

333) ISU LYO LIBONA ELYABO.


L‟oeil c‟est lui qui voit ce qui est ailleurs.
S. Pour acquérir l’expérience il faut ouvrir les yeux.

334) OFIRIRE OKU MPINGA ABONWA AMINO MERU.


Celui qui meurt au bord du chemin montre ses dents branches exposées au soleil.

335) AKASI KAMERA ASIGA ERHI KARHAKACHIMBERA


La plante qui ne germe pas au mois de germination ne germe plus.
S. Ce qui n’est pas fait au temps opportun risque d’échouer.

336) OMURHIRISI YE N‟OMWANA


Celui qui ne sait pas donner un nom est encore un enfant.
S. L’esprit ne vient pas avant les années.

337) OSHWINJIRA NYAKANSISI AMALA ENGERERO.


Toute mesure est médiocre à celui qui tresse le nid pour la bergeromettre
S. Qui réussit dans de grandes choses peut échouer dans une petite.

338) OMUSHUNZI AGENDISHUNGA ERHI BUDUFU BWANKABA.


Le sorcier sort pour ensorceler quand il fait nuit.
S. Qui veut faire le mal se cache.

339) OWACIBARHULA ARHABWIRWA.


Qui se porte n‟attend pas qu‟on le lui demande.
S. Celui qui est dans la misère ne trouve pas d’amis.

340) BADURHIRA BARHONGANA NTAMBI NGUMA.


On aide ceux qui sont en procès d‟un seul côté.
S. On ne sert pas deux maîtres à la fois.

341) EMIRHI ERHI HAGUMA YO ESINDANA.


Les arbres qui sont ensemble se frottent l‟un l‟autre.
S. Il faut savoir s’entr’aider.

342) OGAYA OKWASHALA ANASHALA BWIMANGA.


Celui qui se fâche quand il vomit, vomit debut.
S. Petites fautes mènent aux grandes.
229

343) OMWIRA OYUMVA ALYA ENTANDA


Celui qui instruit un homme docile mange des vivres (se procure une aide)
S. Un bon conseil donné à un brave homme reçoit sa récompense.

344) CIRI NKIRHU GWO MWANZI.


C‟est comme un paquet, voilà la nouvelle.
S. Le menteur croit tout savoir.

345) ENGANYWA ESHULIRA OBURHINDA OM‟IGOSI.


Le méprisé lave son collier à son cou (de peur qu‟on le vole).
S. Celui qui n’a pas d’amis, est toujours méfiant.

346) OMURHI ORHAKUBE ONAGUNWANE.


L‟arbre que tu ne coupes pas, fais avec lui le pacte de sang.
S. Il faut chercher d’être l’ami de celui qu’on peut devoir craindre.

347) NYAMBWE OGWERHE MAHEMBE ARHACIFULIKA HALI BABO.


Le chacal qui a des cornes ne va pas se cacher chez les siens.
S. On ne croit pas à l’expérience d’autrui.

348) AKALI MIRU KARHARHENGA AH'IBAGO


Celui qui suit ses désirs, ne quitte pas là où on abat une bête.
S. On triomphe difficilement d’une mauvaise habitude.

349) OMWIRA W‟ENJEMBE YE NAYIYAZA


L‟ami du pot-à-beurre est celui qui se dit coupable.
S. Celui qui est pris sur le fait ne peut guère s’excuser.

350) AKISHI NYAMBWE KO KANAMUHIVA.


Qui connaît le chacal, c‟est lui qui sait le chasser.
S. Avant d’agir il faut réfléchir.

351) NYAMUDERHA KURHABE MPU ENKAFU EKABISHWA


Un menteur dit la vache est enterrée.
S. A beau mentir qui vient de loin.

352) MWAMI ALIHA N‟OMURHAMBO WAGE


Si le roi est long, le sous-chef l‟est aussi.
S. Tel père tel fils.
Le petit veut imiter le grand.

353) ISHEGA LYABWINE MWALUNGWE LIRHAHWA OMU NYUMPA.


Une prospérité qui a trouvé bon voisinage se conserve à la maison.
S. la bienveillance des voisins procure un bien être social qui réjouit sur chacun et
chaque famille.

354) ERUNGWE EJA OLI MASU CI ERHAJA OLI KANWA


Qui à l‟étranger doit avoir des yeux et non une bouche.
A l’étranger, il faut être prudent.
230

355) OBISHIRE ERHI ARHALIRI.


Celui qui a caché un objet dit qu‟il n‟a pas été là.
S. Personne ne se reconnaît volontiers coupable (117).

356) ORHOZA NYUNDU CUMA ATWA


Celui qui frappe du marteau coupe le fer.
S. Qui pose la cause doit accepter les conséquences.

357) OMUSHOSI CIKULA MVI, CI ARHALI CIKULA BWENGE.


Le vieillard gagne des cheveux blancs, mais non pas de l‟intelligence (s‟il n‟en a pas encore).
S. Quand on est veau c’est pour un an, quand on est bête c’est pour longtemps (165).

358) OMWERA GURHAYOMEKERWA BUNTU.


Il ne faut pas vendre la peau de l‟ours avant de l‟avoir abattu.

359) NAMALYA OBUSHA NKA BILORHO.


Celui qui n‟a rien mangé est comme le rêve.
S. Le pauvre vit souvent de désirs.

360) LURHEGA CI LURHUNJA


Qui dresse un piège ne reste pas aux aguets.
S. Il faut savoir patienter.

361) KERU AFISA BABUKA MUKARA.


La vache blanche a perdu son veau blanc et on signe le veau noir.
S. On prend parfois des vessies pour des lanternes.

362) ORHUMA N‟ENTANDA ARHALAHIRIRWA.


Celui qu‟on envoie avec des vivres n‟essuie pas de refus.
S. Qui est généreux trouvera du soutien quand il en aura besoin.

363) KUBOKO KUGUMA KURHARHIMBA NGOMA IBIRHI.


On ne frappe pas deux tambours à la fois d‟une seule main.
S. Personne ne peut servir deux maîtres à la fois.

364) ABENGE BABIRHI BARHAYOCA BUDIKU.


Deux malins ne grillent pas ensemble un seul foie.
S. Personne ne peut servir deux maîtres.

365) MPANGA NGUMA ERHANKARHULWA ABAMI BABIRHI.


Un seul crâne n‟est pas donné par deux chefs.
S. Personne ne peut servir deux maîtres.
Il ne faut pas deux têtes sous un bonnet.

366) KUGULU KUGUMA KURHAJA EMBERE KABIRHI.


Une jambe ne passe pas devant deux fois (80 autres versions).
S. Chacun son tour. Un chef remplace l’autre.

367) GASI MBEBA ERHAFUMA OLUHIRA KABIRHI


Le même rat n‟échappe pas deux fois au feu de brousse
S. On ne s’expose pas en vain au danger.
231

368) AMASU GA MUHWINJA CIRHONDA


Les yeux du sot sont une plaine
S. Oculos habent et non vident

369) ENDUNDU ERHASHUBA MUSHABA


Un bananier vert ne devient pas un bananier jaune.
S. Il faut respecter la différence des natures.

370) OKAGENDA KORHANKARHUMA


Si tu t „en vas, pourrais-tu être envoyé
S. On peut se passer de toi. Nul n’est indispensable

371) KAJOCO KARHAHYA KALINDA KARHWANYI


Le petit régime de bananes qui ne mûrit pas, attend l‟étranger
(Se dit à celui qui vide son pot de bière pour ne pas devoir le partager)
S. Qui a beaucoup de biens doit les employer, doit savoir partager avec d’autres.

372) AMANENE AKABEMBA ANALEMBERE BUSHA


Celui qui refuse d‟accepter une arachide n‟aura rien à manger
S. Qui mérpise une petite n’est pas digne d’une grande
Qui spernit modica paulaatim decideet

373) ENSHUL‟ERHABURHWA AKARHALI KA BUSHUNJU


L‟oiseau à huppe ne donne pas des petits qui n‟ont pas de huppe.
S. Chaque nature se reproduit. Tel père, tel fils.

374) KULI MUSHI KURHABISHWA CICI


Quand il fait jour on ne peut rien cacher
S. C’est clair comme le jour

375) LULYA MURHO LURHALEKA MUZIBU


La mort mange le petit et ne laisse pas l‟homme fort
S. Le malheur comme la mort n’épargne personne (379)

376) OGENDE NTACO, OMWANA W‟OMU NDA YENENE ARHABONEKA


Tu peux partir, c‟est l‟enfant seul qu‟on ne peut pas avoir facilement.
S. On peut se passer de celui qui se montre déraisonnable

377) BAKAMIRE ENZIGO


On a trait (du lait) pour un homme méprisé (le non initié des imandwa).
S. Faites du bien à un vilain, il vous mord la main

378) AKARHI KAZUNGUZIBWA NA MUGUMA KASHURHA


Le bâton qu‟on fait tournoyer frappe un seul
S. Le malheur peut atteindre chacun, il ne distingue pas.
La fortune est aveugle (375)

379) ENKUBA ERHANIA BUZIRA BITU


La pluie ne tombe pas sans qu‟il y ait des nuages
S. Pas de fumée sans feu, d’effets sans cause
Qui s’excuse s’accuse
232

380) NGUMA NGUMA YO EBUMBA OBWARHO


Coup par coup on creuse la barque
S. Petit à petit l’oiseau construit son nid
Les russeaux font les fleuves

381) OMUGIKULU AYISIRE ENKWALE NA KANJONJO


La vieille tue la perdrix avec les tessons
S. Qui a une fois de la chance, risque de perdre en recommençant (264)
Le bonheur est instable (378)

382) EYANYIRE KANJI KANJI ERHABULA AHA YAHUMBIRE


Là où il pleut souvent, il ne manque pas de jours sans pluie
S. Après la pluie le beau temps
Patience vient à bout de tout

383) OMURHI MUBI GURHAYANA EMBURHO NYONJA


Mauvais arbre ne produit pas de bons fruits
S. C’est du fruit qu’on connaît l’abre
233

CITATIONS PROVERBIALES

1/ON NE S‟INTERESSE PAS A CE QU‟ON N‟AIME PAS.


Omukazi erhi agay‟iba. Lero aduga anashungurha, lero iba amushuza erhi : cici cirhumire
waduga wanashungurha ? Naye mukage erhi : ntahabire oku guli muziro, ci nabula oyu na dugira.
Une femme était fâchée contre son mari. Or elle cuit l‟ugali en sifflant. Mais son mari demande :
pourquoi cuis-tu en sifflant ? Et elle de répondre : je n‟ignore pas que c‟est une bitance, mais je
n‟ai personne pour qui je dois cuire
S. Quand les époux ne s’entendent pas, ils sont comme morts l’un pour l’autre.

2/ L‟AMBITION ENGENDRE LA GUERRE.


Omurhonyi wa Busakula-nseke, abalama, lero abugana arhyaza n‟igunjo.
Erhi naye lyo anarhyazamwo. Lero alahira. Erhi : ntakacirhyaza na lyo. Lero babaga empanzi ; lero
olya murhonyi arhyaza na omuko gwa erya mpanzi.
Un préféré du chef du pays Busakula-nseke, se promenait. Il rencontra son chef qui aiguisait avec
du petit-lait. C‟est avec cela qu‟il acquise lui aussi. Le préféré dit : je ne pourrais plus aiguiser avec
cela. Alors on égorgea un taureau et le préféré aiguisa avec le sang de ce taureau.
Fable qui se raconte quand deux chefs se jalousent, et veulent se montrer plus grand l‟un que
l‟autre. Il faut que le sang en décide.

3/ LES CONDOLEANCES NE RESSUSCITENT PAS LE MORT.


Kashabaga, omwana wage afaga. Lero aderha erhi : okuderhwa kuluga.
Erhi ci abwiraga Nyamuzinda mpu njira omwana.
L‟enfant de Kashabaga était mort, alors Kashabaga dit : les gens se plaisent à parler ; qui a pu dire:
j‟ai un fils ?
S. Un père qui a perdu son fils, o n fait force condoléances, mais aucun ne peut comme Dieu le
lui remplacer.

4/ ON NE DEMANDE PAS L‟AUMONE A UN PAUVRE.


Omwana w‟empene abwira nina erhi : nyama mpa nani luhu. Nina wage erhi : mwana oleke
nshokole, obone oku nagenda. Omwana wayo erhi : ntacikuhuniri luhu. Le petit de la chèvre dit à
sa mère : maman donne-moi aussi une peau (le vêtement). Sa mère lui dit : « mon enfant, que je
passe devant et tu verras ». Son petit dit : je ne te demanderai plus de peau (il vit que sa mère
n‟avait rien).

5/ IL FAUT RESPECTER LES CHEFS MEME DANS LA MORT.


Babwira Makeba mpu bujana afire. Erhi: obwinja bwamaba. Erhi bacimmushekera mpu :
cirhumire oderha ntya na bujana amafa? Naye aderha erhi: omuzigire amushimbage.
On dit à Makeba que la reine-veuve était morte. Il dit : le bonheur vient d‟arriver. On se moque de
lui disant : pourquoi dis-tu cela alors que la reine-veuve est morte ? Et lui de dire que celui qui
l‟aime, la suive.
S. Makeba dit que c’est bien parce que ceux qui l’aiment suivront encore ses ordres

6/ L‟INNOCENT PAIE SOUVENT POUR LE COUPABLE


Abalibirha oku cishambo, cishimanaga owayifira, camubwira erhi : ndibirhira nani, bajira
oyufiraga e munda alibirhiraga, baji muyirhirayo. On courrait après un voleur. Celui-ci rencontra
quelqu‟un qui sarclait. Il lui dit : cours à ma place. On arrive sur celui qui sarclait à la place de
celui qui courrait : on le tue sur place.
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7/ LE CONSEIL DU PAYSAN DOIT SOUVENT ETRE ECOUTE


Babwira omushi mpu : badwirhe bakulega emwa mukwi wawe. Erhi : ondegayo akaba muhini
mwofi. Mpu : ci mwali wawe, okulega mpu : abami boshi bakurhera. Ehishi hyage hyaderha : erhi
iba lyo lishi-begwa lero agwarha mudahonga.
On dit à un paysan : on est occupé à te calomnier chez ton gendre.
Il dit : celui qui me calomnie, qu‟il devienne une manche courte (insulte).
Mais c‟est ta fille qui t‟accuse disant que tous les rois sortent te faire la guerre. Le petit paysan dit :
quand le mari, lui, veut recevoir sa part du plat, alors il prend celui qui le lui apporte (le petit dit ici
que son chef sera vainqueur et qu‟il en retirera son bénéfice)

8/ SACHEZ GARDER UN SECRET


Naburhinyi alorha abwira abambali erhi : nalosire engasha ziri e lubumbu. Abambali baderha : ka
sho arhankajaga omu buhya. Ci rhubwine ? Aderha : ntaderha, kwihaba.
Naburhinyi rêva, et dit à ses suivants : j‟ai rêvé qu‟il y a des claquements de mains (danses) ou
cimétière du roi mon père. Les suivants lui dirent : est-ce que ton père entrerait de nouveau en
mariage ? Dis-le nous. Il répondit : je ne dis rien, je pourrais me tromper.

9/ L‟ESPRIT QU‟ON VEUT AVOIR FAIT PERDRE CELUI QU‟ON A


Omwana abwira ishe : erhi larha ombwire nani nsiku zamagera zo nyinji hali eziri nyuma. Naye
ishe amubwira erhi : mwana wani, kwankanaba oli mwenge.
Un enfant dit à son père : dis-moi donc si les jours passés sont plus nombreux que les jours à
venir. Et lui son père lui dit : mon fils, peut-être que tu es trop malin.

10/ LA MORT ATTEINT TOUS LES HOMMES


Nalwanda abwira Katwa-migani erhi : ontwire nani emigani. Naye Katwa-migani amubwira erhi :
ecalire abandi nawe co canakulye.
Le roi Nalwanda dit à son narrateur : raconte-moi une fable.
Et lui, le narrateur lui dit : ce qui a dévoré les autres, cela aussi te dévorera.

11/ IL FAUT SAVOIR ETRE DISCRET


Babwira omwana mpu : kurhi sho alala bo na nyoko ? Mpu : okunafulikwa kwo namanya.
On dit à un enfant : comment ton père passe-t-il la nuit avec ta mère ?
Il répond : comment saurai-je ce qui est caché.

12/ LES TRAVAILLEURS SE MOQUENT DES PARESSEUX


Cugu namujanja babwira mwali wabo mpu : olye endugu oleke n‟eyindi.
Mpu ci mushinja wawe aduba ci arhoga.
On dit au sujet du canard, maître de la mer, que sa sœur lui dit : mange le frétin et laisse le reste.
Et il répondit : mais c‟est moi (ton frère) qui pêche et plonge.

13/ IL EST DANGEREUX DE RESISTER AU CHEF


Babwira Nyammuganda ashobeke n‟omu mwabo, abarhonyi bamubwira mpu : carhumire
oshobeka n‟omu mwirhu, mpu wanaciderha mpu waciyaga ? Ocibere enda.
On dit qu‟à un suivant qui méprise son chef, les préférés lui disent pourquoi méprises-tu ton chef et
dis-tu que tu te grattes ? Déchire- toi donc le ventre (ouvre-toi le ventre car le chef te tuera bientôt)

14/ ON N‟ACCUSE PERSONNE QUAND ON EST SOI-MEME COUPABLE


Mwana bulengwa aduga anashungurha. Mpu : ci waduga wanashungurha ? Erhi : ka « Nahabaga
akulyizira liyirha abalume.
Le fils de famine (l‟affamé) pétrit la pâte en sifflant. On lui dit : pourquoi pétris-tu en sifflant ? Et
lui : est-ce que Nahabaga (celui qui se trompe) ; pleure sur toi quand tu tues des hommes.
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15/ LES PETITS SONT PARFOIS PLUS MALINS QUE LES GRANDS.
Erhi babwira Nakakere abali bagula mpu : nfuka rhwakuha.
Naye erhi : ka nguma? Bamuha ini. Erhi mbarhebire.
Des riches dirent à celui qui coupait de l‟herbe (cultivait) avec un couteau : nous te donnerons des
pioches. Et lui répondit : Il dit : je les ai trompés.

DEVINETTES (BISAKUZO)

Assis sur deux rangs, on se livre à la devinette.


Le premier dit « SAKWE » et énonce l‟énigme.
Le deuxième répond « LYA ou NDIA » et donne la réponse.

1/ NJIRA ENKAFU YANI YA MULENGE MUGUMA ENE YABUKIRE OKUMANGA


ERHANAHIRIME.
J‟ai une vache à une jambe qui peut sauter un ravin sans se faire mal
- L‟autre répond : ECIYEGERE : un champignon

2/ NJIRA ENKAVU YANI EKAMWA MUGWISHIRE


J‟ai unevache qu‟on peut traire couchée
- OMUHOMBO : ruche d‟abeilles (les ruches sont placées horizontalement)
OMUKENZI : barque à bière

3/ MIGONGO MIGALI MPEKERA ABANA


J‟ai des dos larges pour porter des enfants
- NCINGO : lit

4/ NAKACO NAKAARHAMBIKA
Je coupe et j‟étends à terre
- ENSHUNGU OMU CIBUNGU : le rat de marais qui coupe les herbes et les couche

5/ CI CIJUMBU NGONDOLE
Quelle patate est courbée
- IHEMBE LY‟ENGANDABUZI : la corne du bouc.

6/ ENJIRA YA EBUBEMBE NGONDE NGONDE.


Le chemin qui mène chez les Babembe est tortueux
- EMPANA OMU KAHEHE : la bouillie dans une assiette

7/ CI AZONGA ENGULI
Qui se cache derrière le grenier ?
- OMUHYA WAYAKA ISHAZALA : la nouvelle mariée qui évite le regard de son
beau-père.

8/ RHUBA BANA BASHARHU OMU MWIRHU, ERHI MUGUMA AKAHARHENGA


RURHAKASHEGA
Nous sommes trois enfants à la maison, si l‟un des trois sortait, nous ne pourrions plus manger.
- ISIGA : la pierre de foyer (le pot ne peut se placer sur deux pierres).
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9/ RHULI MUNO HALI NA OWUNDI ARHUBWINE


Nous sommes ici, et un autre nous voit
- OMUZIMU : l‟esprit d‟un défunt

10/ SAKUZA ABALI KUMWE


Propose une devinette à ceux qui sont chez toi
- - OLULIMI : ma langue

11/ NGAKO
(Nommez) une chose étonnante
- AKASHANGABUYE OMU NTONDO : la grande pierre blanche qui est
dans la montagne

12/ CIHU CIRU


Une vieille peau noire
- OBUCHIRA : une prairie brûlée

13/ CIHU CERU


Une vieille peau blanche
- ENSHANGABUYE OMU NTONDO : le rocher blanc dans la montagne

14/ RHINGA ERHI EBIRHINGANINE BYO BIRYANA


S‟ils se mettaient sur le pied d‟égalité, ils se mangeraient l‟un l‟autre (qui est-ce ?)
- OMUNTU ARHANKAYANKA MWALI WABO : l‟homme qui prendrait sa sœur
en mariage

15/ NALI NA KATWA CIKABA OMU MARHADU.


J‟étais venu sans succès dans un buisson épineux
- OMUNTU ARHANKAYANKA MWIHWA : l‟homme qui ne peut marier sa nièce.

16/ BIKANA BUBEMBE BALI NTEBE NGUMA


(Nommez) les veuves de l‟Urega qui n‟ont qu‟ul seul roi
- EMIJOCO : les bananes (qui sont fixées sur un seul régime).

17/ ABANYERE BACIKALWA EBIHENGA BYA BIGUMA


Les filles qui se coiffent de la même manière
- ENSALA Z‟ENGULI : les toitures des greniers à vivres (toutes sont semblables).

18/ NYANKANTEREZI NYAKANTYAGO


(Qui est-ce qui) glisse rapidement dans le gosier
- OBUNTU BWA EMPULULE OKU NYAMA : un brouet liquide avec de la viande.

(BIVUGO) COMPLIMENTS – DECLAMATIONS

Voici quelques compliments que récite celui qui reçoit une vache.
Ces compliments sont presque intraduisibles. Ce sont sans doute d’anciens textes retenus par
tradition et plus ou moins tronqués. Je les traduis avec le sens que leur donnent les indigènes.

1/ Nyange y‟okwigu, Nyange y‟okwilenga, mbe ngankubenge Nyabune ntacho mbabire, kumbuya
ku mugazo citale ca mugazo, ntasomera kwa mulengera ngoma.
Vache blanche comme l’ibis de la plaine et de la montagne, si tu te fachais contre moi, je me
montrerais méchant contre toi. Avec tes quatre membres je ne crains rien, avec toi ma vache
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blanche du Mugazo, ma vache blonde du Mugazo, je n’appellerai personne (pour m’aider) même
quand je bats le tambour (comme on fait pour le combat).

2/ Ijambo livuza mu ngabo olikambala inyonga n‟inyundo.


La nouvelle se répand parmi les guerriers que tu es ornée de joyaux et de bracelets.

3/ Empimbaza bugabo ya rugabo si ntambala, murhima w‟entwale, cihogo ca mikole ca rukaza


kuhunga omu labamba ntale na munaga ibii.
Toi Mpimbaza, courage du combattant au combat, cœur du vaillant, vache brune qui fait trembler
par le front, tu e lion et tu tues.

4/ Ntakwakuye nyamuhotiri oku chitero, mugabo n‟emilindi wavaye kusuka kwa Nyamakombe.
Toi vache, solide comme le bélier (Nyamuhotiri) choisi d’un troupeau pris dans la guerre comme
le guerrier qui déguerptit en courant de chez Makombe (où il faisait la guerre et avait pris le
butin).

5/ Ngoma ya bwami ya rhunyera mu machumu, rhugwankanika obugarus‟ingoma.


(Toi vache) tu es le tamboru du chef qui nous appelle avec nos lances, et nous fait retourner au
son du tambour (c‟est-à-dire victorieux).

6/ Ntayoberana ya kwa Mugabwe, ntayoberana ya vyuruguru, akalusha ko muhanga, bandi balye


eyi mfinzi, bandi bayibangulirekwo.
Ma vache vaillante de chez celui qui donne les vaches, surpasse les troupeaux des alentaours, que
d’aucuns mangent la chair des taureaux, d’autres (comme moi) la feront saillir (je veillerai à ce
que tu sois féconde).

7/ Nyamugema kuli kahanda itumu lyani mushesha lyasheka wa mpenda , lyalengerezagya


abakazi omw‟iziko, lyashisezera ndeko mpu na chicha.
Vache qui broutte très ras, bien mieux que celle qui reste au logis (je te dois à ) ma lance qui rit et
m’enlève toute crainte, ma lance qui veille le long du jour sur les femmes qui passent la rivière
pour les défendre, ma lance qui dit adieu au groupe des guerriers (ennemis) après en avoir tué
deux à chaque coup.

125/ DESSIN PEINTURE

En dessin ou en peinture nos Bashi ne sont pas des maîtres. Si l‟on excepte les didadèmes des
femmes de notables, on ne trouve chez eux rien qui attire vraiment l‟attention. On ne peut appeler
dessins artistiques les lignes géométriques dont ils ornent parfois leurs pots, écuelles, pipes et
fourreaux de poignards. Là où ils manifestent quelque goût, c‟est dans la confection des diadèmes
ou l‟agencement des perles de couleurs variées, c‟est souvent d‟un effet vraiment artistique.

126/ DANSE

Cette question ne relève guère de l‟observation des missionnaires. La plupart des danses, pour ne
pas dire toutes, sont plusou moins indécentes, et se réduisent, somme toute, au simulacre d‟appel
de l‟homme et de la femme. Elles ont lieu spécialement à l‟occasion d‟un combat, d‟un sacrifice
aux esprits, pour apaiser ou pour détourner les mânes irrités. Les danses des associations secrétes
sont franchement impudiques. Les plus innocentes sont encore des filles et des femmes réunies en
cercle, en vue d‟honorer le chef ou un visiteur de qualité, et celles des jeunes gens et des hommes
réunis en groupes compacts, tous tenant la lance au poing et faisant sur place des c ontrorsions
avec le haut du corps, en chantant un refrain assez monotome, qui ressemble plutôt à d es cris,
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pendant que le préchantre court le long des groupes en chantant une sorte de récitatif. Les femmes
scandent la cadence par le claquement des mains et les coups de pieds sur le sol ; les hommes le
marquent surtout par le pied herté avec vigueur sur le sol. Il y a des danses à la nouvelle lune, au
mariage, avant le combat, pendant les sacrifices et les réunions importantes, notamment à la fête de
l‟intronisation annuelle du grand chef.

Voici d‟ailleurs décrites les danses principales :

Danses de petite guerre (Nyimbo et Kusharha)

Les guerriers armés de la lance, de l‟arc et des flèches, s‟avancent comme pour fondre sur
l‟ennemi, reculent, avancent de nouveau, toujours en mesure. Celle-ci est commandée par un cercle
de femmes et de jeunes filles, qui les entourent, claquent des mains, frappent du pied en parfaite
cadence.

Danses de fête (Kurhamba)

Toutes les femmes et filles sont en ligne forment une sorte d‟ovale. Une préchantre entonne le
couple et ou récitatif, toutes lui répondent par un refrain, partie invariable, partie en répétant des
mots du couplet, tout en battant des mains et des pieds et en mouvant le buste en avant. L‟une
après l‟autre, une danseuse s‟avance au centre du groupe les bras tendus, exécute quelques
mouvements légers du coprs en allant et venant selon la mesure indiquée par les chanteuses. De
temps à autre une deuxième danseuse s‟ajoute à la première, et toutes deux finissent par
s‟embrasser, en se touchant mutuellement les épaules et rentrent dans les rangs. Pendant ce temps
les hommes exécutent, en dehors du cercle des danseuses, des marches et contre-marches, comme
pour attaquer un ennemi invisible, foncent sur lui, reculent, reviennent à l‟assaut, jusqu‟à ce qu‟au
signal du préchantre tous se dispersent. Suit un « you you » général des femmes. C‟est la fin de la
danse.

Danse des femmes mariées (Kugasha)

Deux groupes des femmes se mettent en face l‟un de l‟autre. Les femmes s‟avancent les unes
vers les autres en faisant des contorsions du corps, agitant les bras avec une certaine élégance, tout
en battant la cadence du pied.
Autres danses « Ngamuzo » : sorte de danse plus ou moins rituelle avec chants ; on peut encore
citer :
La « Mparanyi » : danse de jeunes gens accompagnés de chants.
La « Namujangwa » : danse spéciale pour exprimer la joie.
On pourrait y ajouter ces combats singuliers où quelques guerriers font semblant de s‟attaqueer
quasi corps à corps et qui ressemblent un peu à la lutte à la baionnette, leur baionnette étant leur
grand coutelas, ou encore ces exhibitions, au centre d‟un cercle de spectateurs, de contorsionnistes
à la figure grimaçante (Cigangu, Kasalabwe et Bijuri).

127/ CHANTS

Voici, pour indiquer le mode des chants employés pendant la danse, quatre modèles du genre. On
peut voir que l‟allusion aux usages du pays est constante. Le premier chant est une espèce
d‟épithalame, le second est surtout chanté par les filles vouées à l‟esprit Birali, dont il a été
question à la secte des Benekayange ; le troisième est un avis aux jeunes gens qui songent à se
marier, la quatrième est un chant à l‟occasion d‟un mariage d‟un fils de chef. Tous les autres sont
des chants très courts, de circonstance, soit à l‟aoccasion d‟un combat, soit quand les membres
d‟une société secrète sont réunis, soit quand on offre un sacrifice aux mânes.
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1° Kabundabunda mugoli wani nyerekera Kabundabunda ma princesse montre-toi que je te


nkubwire, ci nakubwira ca kuburhira omwana, parle que tu dirai-je pour que tu engendres un
na mwana wirhu rhwamukweba oku nkuba enfant, et notre enfant nous le lancerons en haut,
bwami kwo kurhabala luhwezo à la cour du roi, où l‟on guerroie avec (envie)
ardeur. Je n‟ai pas d‟enfant, et ne regarde pas
Ntajira mwana, ntakalola owa bene celui des autres. Celui qui a bu du lait ne passera
pas à Ikoma (Pays de Ngweshe) je n‟ai pas de
Owanywire amarha vache et ne regarde pas celle des autres. Le
arhakagera okw‟ikoma taureau du chef beugle, il beugle comme un
autre, il beugle en mugissant. Le petit de la
Ntajira nkafu, ntakalola eya bene. Mpanzi ya poule, on l‟étrangle avec l‟ongle, il dit à sa mère
mwami yayana yayana nka eyindi yayana omu qu‟elle chante comme un coq. Le petit de la
lumbo. Ecana ca engoko, bajisina oluno cabwira taupe on le pince à la queue, il dit à sa mère
nina mpu akabika nka luhazi, ecana ca embuli qu‟elle sent bon, et est bien portante. Que son
bacinosha okw‟ihunga chabwira nina mpu ventre gorgé de nourriture repose sur ses pattes,
akabaya anazine. comme seraient des pattes (servant) d‟écuelle.
Depuis longtemps on ne l‟a plus rasée comme
Obushulishuli butamala mirundi rhinga mirundi une jeune fille. Elle ne donne rien, quand je la
ya kabale. Yalazire lukoma lwara. prie notre chef Kasole fait des merveilles à
Arhahakahola nkahumira Kasole kirhu kasomera Iyombe (pays), notre princesse, sa femme, prend
omw‟iyombe, makamba girhu galanga ebigango, soins des vigoureux, elle qui les jette en haut à
owakabwebe oku nkuba bwami kwo kurhakala la cour du roi où l‟on guerroie avev ardeur,
luhwezo, ci kama mwera arhakagera e mais celle qui traie (pour avoir du beurre, pour
Buharanyi frotter une belle fille ne passera pas a Buharanyi
(pays de Ngweshe).
2° BIRALI chant de la secte des Benekayange (Birali est le nom donné aux filles vouées à Birali)
Omwana munyere Nakuruha we entumwa Toi fille Nakuruha que les envoyés s‟en aillent
engende na bwanga enjira emwabo Lukata prestement, qu‟ils entrent chez Lukata (fils de
(Ndagano) Nyangezi). Voici Jifuha, femme du chef, voici
Ala engoli Jifuha (Mwakahunga) ali abwira qu‟elle dit à ses Birali : celui qui se laisse
abage : omurhebwa arhali mwenge, owarhebaga tromper, n‟est pas mailin, celui qui a trompé
Lulanga muregerege munane erhi alira Lulanga (chef) pendant nuit jours voici qu‟il
omulenge ogwa enkwi na amishi verse des larmes comme le bois (qu‟on coupe) et
comme des rivières.
Chaque phrase est suivie du refrain :
He, he, he, he, he, he Birali oyo akola e Rwanda He, he, he, he, he, cette Birali demeure au
3° Chant de jeunes filles. Rwanda
Owamuyirha irhemo Celui qui fait mal à celui qui tremble, je ne me
Nkalambirakwo marierai pas vite avec lui. Celui qui me donne
Owampa mbingane des vivres (pour aller cultiver). Qu‟il ait le cœur
Murhima anarhule en paix (je me marierai un jour à lui ?)
SENS : qui espère me marier, doit être doux et
charitable
4° Chant au mariage de Ndagano (fils de Commencez par donner une femme à Ndagano,
Nyangezi) à la fin donnez-en une à Kahwijima
Murhange Ndagano omukazi Mwakadugu pourquoi malmener le guerrier. Qui
Muzinde Kahwijima omukazi trait pour toi, celui là quand il trait, tu le veux
Mwakadugu ci wabanja omugabo encore. L‟arracheur de bananes voilà qu‟il
Okukamira, olya akakama omudula. tambourine sur la courge et ye.
Omushonga akola abanda olungu e ye ye Fille pour qui je me foule Nyamuroha ? Dis
E munyere ndabukire, ka we mwali. celui qui a vu mon enfant Bishoma, va dire à la
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Nyamuroha ? Derha oyu wabwine mwana wirhu femme du chef (mère du marié) comme un mal
Bishoma, oji bwira Omugoli oku endwala syphilitique.
yangazire, nka na endwala karhula.
5° Chants guerriers
1. Ngahi rhwacigeze muhigiri ? Balya nyundo, ogende obwire Mweze, kaye mugala Nyalunja, oku
rhwahimirwe. Aheye, Rukanyagiza muguma orhalilbirha. Nyama, nkola naciriginya we, ngahi
rhwachigezi muhigiri, balya nyundo, ogende obwire Mweze.
Nous ferons passer où les vaches ? et vous mes hommes (de Lulanga) allez dire à Mweze, enfant
de Nyalunja, que nous sommes vaincus. Quand nous sommes mis en déroute, ce Rukanyagiza ne
marche pas vite pour s’enfuir. Ma mère je veux jouer. Où ferons-nous passer les vaches, où etes-
vous mes hommes ? Allez dire à Mweze
2. Ruhongeka, Ruhongeka, alabarha Lulanga, na muyongwa alolere oku wabo.
Ruhongeka, Ruhongeka, écrasa Lulanga, le jaloux qui veut supplanter son frère.

3. Ngahi rhacigere omu Bega we ? Aha ahe, mwali na Muhaya, orhantebe nani ! ala nkola nadula
oburhe. Ndi wacigere omu Bega ? aha ahe, ohindage bwenene ahe mwali na Muhaya, arhantebe
nani.
Où passerons-nous dans le pays de Bega (anciens sujets de Ruhongeka, chassés, amis de Lulanga ).
Lulanga dit : ma femme ne me trompe pas. Toi fille de Muhaya ne me trompe pas, je suis triste.
Qui passera chez les Bega, danse fort, fille de Muhaya, ne me trompe pas.

4. Ahe, mwami ali Irhambi lyage, aganze.


Ahe, le roi est allé en Irhambi (Katana) qu‟il y prospère !

5. Ee, zahana Mpango ha ! ee ! zahana Mpango, Nabushi walya obuhaya.


Va aider Mpango (homme de Ngweshe) Nabushi a conquis le Buhaya (pays de Kabare)

6. Ahe ee ! ahe ! bwire Kasisi oku Ntagengwa afire amabale !


Ahe ee ! ahe : dites à Kasisi (ami de Lulanga) que Ntagengwa (homme de Lulanga) est mort à la
guerre.

7. Ahe : ibi ! Cirimwami we ! orhenge e Luciga rhubage Ndamurata.


Ahe ! Cirimwami sort de la forêt, tuons la vache Ndamurata

8. Ahe ! Ahanshi Bigangu, ngahi mwasiga Kahunga ? Omu burhakacwa ?


Ahe ! Faisons la guerre avec force, nous Bigangu (hommes de Nyangezi) où avez-vous laissé
Kahunga, (père de la première femme de Nyangezi tué à la guerre). Est-ce chez Burhakacwa
(homme de Lulanga) c‟est-à-dire au milieu des ennemis ?

9. Ahe ! yinamule omurhwali Cibumbiro wahana irhonge.


Faites monter Cibumbiro (fils de Ngweshe) qu‟il sorte de la brousse irhonge.

10. Ahe ! Cihazi wahona e rungwe ! ahe rhululerwe !


Comme la hyène, l‟ennemi sort de Lungwe (forêt) taisons-nous.

11. Ahe ! yinamule e Bigangu, abalamba ba Nahano bahana Nyakalonja.


Faites monter les gens de Bigangu, guerriers de Nahano, faisons la guerre avec Nyakalonja
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6/ CHANTS DIVERS

Ahe ! Nakanyama, mwali wa Lugaba. Ahe ! Rhwashenga olukoba.


Nakanyama, fille de Lugaba (grand-maître des Benakayange) nous te demandons une corde (pour
lier toutes nos vaches).

Ahe ! he ! Munyangolo ! ahe ! he ! Munyangolo, ogwerhe enkafu ayikamire omu rumbete.


Munyangolo (fils de Cirimwami) lui qui a des vaches qu‟il trait (pour els européens) au signal de
leur trompette.

Aje ! olagire Rucoca buce irhondo ndabarha e Mazigiro.


Intercède (pour nous auprès des Blancs), toi Rucoca (autre nom de Kilawa) pour que, quand le
matin paraitra, je puisse de nouveau fouler mon pays Mazigiro (Muzuka).

Ahe ! obwire Burhaka cwa muka mukenyi, arhayambala kabiri.


Nakambala arhabalwa, ci Sangara, arhahana obwami, Kabayabaya ye oli oku bwami.
Dis à Burhaka Ŕcwa, que la femme du pauvre n‟a pas deux habits ; si elle en a deux, ils ne lui
profitent pas. Mais Sangara (l‟administrateur Mr. Vincke) ne donne pas le titre de roi. Kabayabaya
(Mr. Moulron) lui est pour le roi (allusion au fait de savoir qui sera successeur de Ruhongeka, père
de Ngweshe actuel 1914).

Ahe ! bwire Lugaba we ! Ahe ! bwira Lugaba Nyakaminika ashurha Nabushi.


Omunyere arhali wana we : ahe ! Bwira Lugaba we ! Ahe ! Bwira Lugaba Nyakaminika ashurha
Nabushi.
Dis à Lugaba (voir ci-dessus n° 1) que Nyakaminika frappe Nabushi.
Une fille n‟est pas bien, un garçon vaut mieux (chant des Banakayange).

Ozabule ciyongwa ishe wa Camwa, mfula erhanyanya, nkola nahera enama we !


Déplie ton habit (mets le) Ciyongwa père de Camwa, le fils aîné ne marche pas avec crainte, voici
que je donne la bénédiction (ou bien que je sacrifie aux serviteurs bienfatisants).

Ndi Nkuba ya Sebugabo (ye we gawe) (exclamation) Mushongolo wa Nyundo.


Ndi Nyamubwira entumwa. Ntayerya empingu n‟empingu mpe olutendre lwanje.
Je suis Nkuba de Sebugabo, c‟est moi même le bon de Nyundo (volcan).
Je suis celui qui dis aux envoyés : je ne demande pas une récompense, et je n‟exige pas qu‟on
m‟offre un bouc aux cornes en spirale. (chant de mânes).

Amalala e bweru we ! Anagenda buzira ntanda we ! Lero ngahi naja we.


Il dort là où je ne le vois pas ! il est parti sans nourriture de route. Où irai-je donc.
(chant d‟une veuve)

128/ MUSIQUES

Les Bashi ont plusieurs instruments de musique.

1/ LULANGA. Harpe primitive. Une planchette longue de 60 centimètres, large de 20, est évidée
sous forme de petite pirogue, très évasée, à rebord rentrant. Dans le sens de la longueur on fixe à
cordes en nerfs de bœuf. C‟est l‟instrument par excellence des troubadours indigènes. Ils s‟en
servent parfois avec une maîtrise au moyen des doigts, en accompagnant leurs chants qui racontent
l‟histoire du pays, ou les événements du jour. Les chefs aiment à savoir un joueur de harpe près de
leur couchette comme pour favoriser leur sommeil ; habituellement le joueur est accroupi et tient
son instrument sur les genoux.
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2/ NZENZE. Mandoline indigène. Une lamelle de bois, longue de 60 centimètres terminée par
quelques saillies taillées en relief, et garnie d‟une corde en nerfs de bœuf. Au bout opposé est fixé
une demi calebasse, servant de caisse de résonnance. On joue en pinçant des doigts de la main
gauche pendant que ceux de la main droite appuient les cordes sur les saillies pour donner les
différents tons.

3/ LIKEMBE. Petit piano portatif à lamelles. Sur un rectangle de bois dur, creusé dans le sens de
la longueur, mesurant de 20 à 25 centimètres sur 15 de largeur et de 5 à 6 d‟épaisseur, on fixe par
un bout des lamelles de fer ou de bois plus ou moins longues. Toutes donnent un sont différent et
sont disposées d‟après un ordre qui ne rappelle en rien notre gamme. L‟artiste tient l‟instrument
des deux mains devant la poitrine, mais de manière à avoir les pouces libres. Il fait résonner les
lamelles avec le bout des pouces, pendant qu‟ill frédonne un petit air approprié. Quelques fois on y
suspend une écuelle pour faire office de deuxième caisse de résonnance. L‟instrument se trouve
surtout entre les mains des jeunes et est d‟introduction assez récente.

4/MUSHEKERE. Corne de bœuf ou de grande antilope, dont la pointe est coupée. Le joueur y met
la bouche comme nous le faisons sur un instrument de cuivre, et y souffle de même, ce qui produit
un son lugubre qu‟on entend de loin. Cet instrument est à l‟usage des notables qui veulent faire
venir leurs hommes ou qui se joue à côté d‟eux, lorsqu‟ils sont en route, pour annoncer à tous leurs
présences. Certaines de ces cornes sont en ivoire plus ou moins travaillé.

5/ MUJEGEREZO. Espèce de hochets, faits de fruits durs évidés, gros comme une pomme, dont la
chair a été remplacée par des graines dûres et petites nommées bulengo. Trois ou quatre de ces
fruits sont piqués de part en part et superposés sur une tige longue de 25 à 30 centimètres. Le
musicien tient l‟instrument par la manche, donne en cadence de petits coups secs qui lancent les
graines contre la paroi et produisent un bruit particulier. Il est employé surtout par les devins et
pendant certaines cérémonies en l‟honneur des esprits.

6/ NZEGE ou MASHOMBO. (grêlots en fer forgé en forme de noix fendue sur le côté). Ces
grêlots sont fixés à une lanière, et attachés aux jambes c‟est-à-dire à la cheville et sous les genoux
des danseurs. Le son cadence des grêlots rythme parfois la danse tout en attirant le regard des
spectateurs sur celui qui en est revêtu. Souvent les mamans mettent à la cheville de leur petit
enfant un ou deux de ces grêlots pour entendre ses déplacements et pour attirer sur lui leur
attention.

7/ LUNYERE. Tige fourchue en forme d‟Y, longue de 70 à 80 centimètres. Au bout de chaque


branche on fixe une corde qui est liée à la bigurfication ; cette corde n‟est pas tenue. Au milieu est
un fruit évidé avec des graines et qui est fixé de part en part comme les fruits de mujegerezo décrit
ci-dessus. Cet instrument est employé par certains devins, qui y font de la divination en choquant
les fruits contre la tige.

8/ KARHERHA. Sorte de grande flute. Une tige de lobélia est percée de quelques trous, elle
mesure environ 70 centimètres. L‟artiste souffle sur le bout mince en tenant l‟instrument en biais et
marque les notes en ouvrant ou fermantt les trous avec les doigts. C‟est l‟instrument favori des
bergers.

9/ NGOMA. Tambours. A part les dimensions tous se rassemblent. Un tronc d‟arbre taillé en cône
tronqué à forme quelque peu arrondie, creusé entièrement, avec ouverture en haut et en bas. Sur
chacune de ces ouvertures on fixe une peau, et toutes deux sont reliées par des lanières de cuir
qu‟on sert à volonté. On les bat avec deux baguettes. Le tambour ordinaire « ngoma » sert aux
notables pour appeler leurs gens. Le chef a son tambour spécial, appelé « LUGOMA » qui mesure
243

parfois plus de 1,50mètres de hauteur. Il a aussi de petits tambours (HIBILIGIZO) qui servent
surtout pour la danse.
Le lugoma est battu soit pour annoncer au pays que le chef appelle ses guerriers pour une sortie (le
battement alors est rapide et saccadé) soit pendant la fête du mubande (177) ; ou pour la première
intronisation du chef. Le battement alors est violent, mais selon des cadences diverses.

129/ SCULPTURES

Le creusement des pirogues est indiqué au n° 58 de même que le travail de l‟ivoire. Nos Bashi ne
sont d‟ailleurs pas du tout sculpteurs ; tout au plus travaillent-ils le bois comme il a été dit au n° 58.
Ils emploient pour les ustensiles deux arbres à bois tendre muzûzi et cigohwa (erhytrina) et un
arbre à bois dur : cigorhe, ce dernier est notamment utilisé pour les tambours. Les tabourets qu‟on
rencontre sont en somme deux assiettes d‟arc. Ils sont assez rustiques.

130 - 131/ TALENT INVENTIF

Il est vraiment peu développé, nos Bashi se contentent de faire comme ils sont vu faire. Leurs
meilleures productions en armes, ustensiles, instruments de musique, etc. témoignent parfois d‟un
certain talent, mais ils ne révèlent rien de personnel. Je n‟ai pas remarqué qu‟ils soient ou
supérieurs ou inférieurs à leurs voisins, sauf bien entendu aux Banyarwanda qui les dépassent au
point de vue du talent inventif et artistique.

132/ JEUX, PLAISIRS, DELASSEMENTS

Les jeux sont des excercices corporels ont été indiqués au n°s 18, 19).

1/ BISAKUZO. Devinettes (cfr. 124). C‟est un jeu auquel tous ses livrent, surtout le soir autour du
feu, à l‟extérieur. La mère aime à proposer les devinettes à ses enfants, après le repas du soir, à
l‟intérieur de la hutte.

2/ KUCUMANA. C‟est le jeu des hommes d‟âge. Il consiste à se lancer l‟un à l‟autre des
plaisanteries, dont les paroles grivoises sont absentes. Le premier dit la sienne, son adversaire doit
répondre par une autre, et si elle est bien réussie, et spirituelle à leur façon, tous deux se tapent
dans les mains l‟un de l‟autre.

3/ KUKOM‟ENYALI. Réunis sur un terrain plat, les jeunes gens armés de lourds batons font
gisser ou lancent au loin, à l‟aide de leur gourdin, un caillou ou un morceau de bois. Il ssont divisés
en deux camps, ils doivent se passer le caillou sans le laisser emporter par le camp adverse. En
général, ils tâchent de lancer ce caillou de manière à pouvoir le reprendre eux-mêmes. Pour jouer,
on part du milieu entre deux camps. On cherche à faire entrer le caillou dans le camp des
adversaires, celui-ci se défend et cherche lui aussi à le passer dans le camp opposé. Quand la partie
est gagnée on recommence.

4/ CACHE-CACHE. Il est joué surtout par les bergers. Un ou deux bergers vont se cacher à une
certaine distance. Les autres vont en groupe à leur recherche et les ramènent prisonniers au camp.
Puis on recommence avec un ou deux autres.

5/ MITEKWA. Encore un jeu de petits garçons et bergers. Sur le sol, on amasse un petit tas de
sable, qu‟on dispose en monticule alongé. Un joueur y cache secrètement un petit caillou ou un
crottin de chèvre (hihuluhulu). Puis s‟agit de défaire le monticule contenant le hihuluhulu en 3 ou
4 coups. Le joueur qui a fait les petits tas, recommence aussi longtemps que l‟adversaire n‟a pas
réussi. Si celle-ci réussit, il peut à son tour cacher l‟objet.
244

6/ KABUHULYA. C‟est le jeu des filles. Elles le jouent le plus souvent quand elles attendent des
compagnes par exemple pour aller ensemble ramasser du bois ou des herbes, ou en attendant
d‟entrer en classe. Elles sont debout. L‟une d‟entre-elles présente la main ouverte, paume en haut
et reste immobile. Une autre vient frapper à plat de main un certain nombre indéterminé de corps.
Quand elle s‟arrête, il faut que la première lui frappe aussitôt la main dans le sens opposé c‟est-à-
dire doit deviner qu‟elle ne s‟apprête pas à continuer. Si la première a deviné juste, c‟est au tour de
celle qui a frappé d‟étendre la main.

7/ Les jeunes gens et bergers pratiquent encore : la lutte à bras le corps, la lutte corps à corps pour
se terrasser, la petite guerre à l‟arc et flèches ; ou encore le combat mashishi avec des mordeaux de
bouse sèche. Mais cela a été dit aux n°s 18 et 19.

8/ MUCUBA. Jeu de dames. Tous les hommes, grands et petits, s‟y livrent fréquemment. Les
casiers sont creusés le plus souvent dans une planchette, soit 2 rangées de 10 casiers ronds de 5 à 6
centimètres. La planchette se dit mucuba, les jetons « nsholo », les casiers « canga ».
Les joueurs se tiennent de chaque côté, ayant chacun 20 jetons. Le premier joueur prend le 1 er
jeton, le met dans sa 2ème case et ramasse les jetons de son adversaire qui se trouvent vis-à-vis.
Puis il continue avec ces 2 jetons, plus les 2 de sa 2ème case à lui soit 4, les pose dans les cases
suivantes, ramasse à chaque arrêt les jetons adverses qu‟il rencontre en face de son dernier jeton
posé. Il continue de la sorte jusqu‟à ce que le dernier jeton ramassé soit déposé devant une de ses
cases vides et en même temps devant les deux cases vides de son adversaire. A ce moment celui-ci
commence son jeu et fait de même. Le jeu prend fin quand tous les jetons de l‟adversaire ont été
ramassés. Ce jeu demande une grande attention pour prévoir où va tomber le dernier jeton. Les
plus habilles remarquant ainsi parfois 3 et 4 coups d‟avance, tout comme nos bons joueurs de
dames ou d‟échecs. Le mucuba se joue parfois un peu différemment ; on le nomme alors
MWEZE. L‟un des deux joueurs sort dehors pendant que l‟autre met ses jetons, en sortant il lui
dit : ramasse d‟abord trois ou quatre jetons et joue. Quand le joueur resté à l‟intérieur a fini de
poser ses jetons et de jouer comme s‟ils étaient à deux, il crie et l‟autre revient. A son retour il doit
remarquer si l‟adversaire, qui vient de mettre les jetons et de jouer, a été correct. Ceci suppose une
plus grande attention que pour le jeu du simple mucuba. Au lieu de la planchette les bergers
creusent parfois sur le sol les casiers pour jouer.

133/ THEATRES ET REPRESENTATIONS NON RELIGIEUSES

A part les danses dont j‟ai parlé plus haut (126) et les cérémonies rituelles (117) qui, en fait,
constituent parfois des mimiques assez peu artistiques, je ne connais pas de représentations
théâtrales proprement dites.

B. SCIENCES

134/ ASTRONOMIE

CIEL, FIRMAMENT.
Tout en haut est le CIDEKERE (firmament bleu), voûte lisse et égale comme le sol-apprêté. Les
mânes des ancêtres s‟y promènent ; c‟est leur pays, c‟est l„oku-nkuba.. quand il y aura tellement
de bazimu que le firmament cédera sous leur poids, il descendra sur le sol, ici bas, et tous les
vivants seront tués en même temps. Ce sera la FIN DU MONDE : cidekere cayandagala. Sous le
firmament se trouve la sphère des nuages, le pays de NANKUBA ou NKUBA.

NUAGES : c‟est dans les nuages, omu karhi k‟ebitu, que réside Nankuba, l‟auteur du tonnerre, des
éclairs, de la foudre.
245

PLUIE : l‟auteur de la pluie bienfaisante est Dieu, NYAMUZINDA.


C‟est lui qui l‟amène en temps et lieu. Cependant, les bazimu peuvent troubler son travail. Ils
arrêtent la pluie quand ils veulent, la font tomber en temps inopportun, pour châtier les hommes le
faiseur de pluie (le muhunza ou mutahonga), au moyen d‟un remède peut commander aux bazimu
qui arrêtent la pluie. Il lui sufffit de regarder le ciel avec des yeux menaçants : il a d‟ailleurs pour
cela ses moyens à lui (95). L‟arrêteur de pluie, (le muduha ou muhumbya w‟enkuba) leur
commande de cesser leurs averses importunes. Il emploie pour cela l‟amulette ihembe (cfr. 95) et
ses formules d‟incantation.

TONNERRE, FOUDRE, ECLAIR


Au milieu des nuages, habite Nankuba, esprit essentiellement malfaisant. Ce n‟est pas un muzimu ,
mais un esprit. Il cherche à tuer tous les hommes. Il y réussirait s‟il n‟y était empêché par un autre
esprit, qui habite plus haut, un esprit mulagizi (intercesseur) qui veille sur les hommes et
mahamwabo. Cet esprit d‟après certains noirs est différent de Nyamuzinda.
Nankuba produit des reoullement sourds (alilima) ou des coups secs (alaza). Pour produire ces
coups secs, il fait scintiller ses yeux (akengula). Chaque scintillement (mulazo) se manifeste sous
la forme d‟un coq rouge, qui vient d‟un bord ici-bas, et tue celui que Nankuba a désigné.
Ces scintillements sont du feu, des coqs de feu (cfr. 108).

VENTS, OURAGANS, TEMPETE


Nos noirs se contentent de n‟expliquent leur colère que par le désir des bazimu de nuire aux
humains (108)

GRELE, TREMBLEMENT DE TERRE, TROMBES, TOURBILLONS


Même chose à dire que pour les vents (voir 108)

SOLEIL (Izuba)
Le soleil est chaud, mais nos noirs ne savent pas si c‟est du feu ou non. Il est fait et régi par
Nyamuzinda. Chaque soir il s‟enfonce à l‟horizon dans des nuages, se cache, et là éclate en pièces,
en poussière, semblable aux étincelles qui sautent sous le marteau des forgerons. Ces étincelles
s‟éteignent à moitié, mais fait bloc ; le soleil est devenu un globe d‟étincelles. De suite après, vers
7 ou 8 heures du soir (omu mwiza) il retourne sur ses pas, et en peu de temps, va reprendre la place
qu‟il occupait le matin, et là, il attend l‟ordre de repartir ; ce qu‟il fait à l‟aurore. A mesure qu‟il
monte, les étincelles refont bloc, et s‟illuminent. Les « BALAMU » seuls ont pu voir tout cela. Les
balamu sont ceux qui disent avoir vu le soleil éclater et revenir de nuit. Ils sont plusieurs encore en
vie. Ce ne sont pas des sorciers. Le soleil n‟est l‟objet d‟aucun culte. On le considère comme le
chef (nahamwabo) de la lune et des étoiles.

LUNE (mwezi)
Elle a été faite par Nyamuzinda. Ils ignorent d‟où lui vient sa lumière ; c‟est Nyamuzinda qui la fait
briller. Elle n‟est habitée par aucun muzimu, ni génie. Si le croissant au premier quartier a des
pointes très apparentes et très pointues, c‟est signe que le mois sera favorable aux cultures.
La nouvelle lune n‟est honorée que par les parents des jumeaux (cfr. N° 118).
Cependant les Bashi aiment à danser à l‟apparition de la nouvelle lune et les soirés suivantes.

PLANETTES, ETOILES (Enyenyezi)


Ce sont des lumières placées au firmament par Dieu. Rien de plus. On ne connaît aucun nom
d‟étoiles. Seules les deux étoiles : Mercure, et Venus, qui accompagnent la lune croissante, sont
dites servantes de la lune (bambali ba mwezi), qui dansent en son honneur. Mais il y a les étoiles
de la terre. On appelle ainsi les feux follets. Autrefois elles étaient au firmament, c‟est Nyamuzinda
qui les a envoyées sur la terre. Il continue à en envoyer souvent ; elles nous apparaissent sous la
même forme que les étoiles filantes.
246

ETOILES FILANTES
Débris du soleil qui laissent dans le ciel une trainée lumineuse (nyamalika amishembere)

COMETES. Pour nos noirs, ce sont de simples étoiles que Nyamuzinda orne pour épater : oku
nkuba kubabwa (au ciel, on en est étonné, émerveillé). Nos noirs ne les redoutent pas.

BOLIDES. Ils semblent n‟en avoir aucune idée.

ARC-EN-CIEL (munywera enjila) (cf. 108)


L‟arc-en-ciel est un composé de deux magnifiques serpents : Munywera-enjila et Kalemera, séjour
de deux bazimu de rois (bazimmu bami), qui existaient ici avant l‟arrivé des Bashi et des Baluzi.
Mais on ne leur fait pas de sacrifices, ils sont trop anciens. Kalemera est le muzimu du fils aîné du
premier Kabare, disent certains. Ces esprits se reposent souvent sur les poches d‟eau profonde
(ntula, ou ntaba) qu‟on rencontre dans les torrents sur le flanc des montagnes, par exemple au
torrent Kasula (près Mushego) à l‟Ouest d‟ici. L‟eau en est rendue limpide par eux. Les Bashi
aiment à en boire, eux et leurs vaches.

135/ MATHEMATIQUES

La plupart des Bashi savent assez bien compter c‟est-à-dire additionner et même soustraire, quant à
mutliplier et surtout à diviser, ils n‟en sortent guère mentalement. Ils ont pour désigner cent, le mot
igana, pour mille le mot cihumbi. Ce dernier mot est d‟ailleurs assez imprecis et prend le sens de
nombre très élevé. Au-delà, il n‟y a pas de mot. Ils se contentent de dire : birhakaganjwa (on ne
pourrait les compter).
Pour montrer 1 (guma) ils dressent l‟index de la main droite, 2 (-bili) se montre par le medium et
l‟index, en baissant les autres doigts ; 3 (sharhu) par le medium, l‟annulaire et le petit doigt
redressés ; 4 (-ni) en recouvrant l‟index par le médium redressé ; 5 (-rhano) par le poing fermé,
mais en faisant passer le bout du pouce entre l‟index et le médium , 6 (ndarhu) comme trois de la
gauche et de la droite, parfois comme cinq et un ; 7 (nda ou nta) comme cinq et deux ci-dessus,
mais plus souvent comme quatre et trois ; 8 (munane) s‟indique avec le médium sur l‟index aux
deux mains ; 9 (mwenda) comme cinq d‟une main, quatre de l‟autre , 10 (kumi) par les deux
poings marquant chacun cinq. Pour dire qu‟il s‟agit bien d‟une dizaine, on frappe les deux poings
l‟un contre l‟autre. On désigne les dizaines en disant makumi, et en montrant en même temps le
nombre deux, trois, etc. pour signifier vingt, trente, etc. Assez souvent, pour ne pas se tromper dans
leurs calculs, notamment quand il s‟agit de mutliplier un nombre par un petit multiplicateur, ou de
le diviser par un petit diviseur, nos bashi se servent de batonnets.

136/ SCIENCES DE L’INGENIEUR

Au Bushi, ces sciences sont réduites à leur plus simple expression ; on pourrait même dire qu‟elles
sont quasi inexistantes. Est-ce à dire qu‟ils ne seront pas INGENIEUX ? Le contraire est vrai, car
pour se tirer d‟affaire en ce qui les regarde, ils ont des petits trucs auxquels parfois les civilisés ne
songent pas. Il suffit pour s‟en rendre compte de voir comment ils savent tirer parti des matériaux
dont ils disposent pour construire leurs huttes, parfois fort spacieuses et solides, comment pour
franchir une rivière non guéable ils parviennent à y jeter un pont provisoire avec des arbres ou des
lianes. Leur industrie rudimentaire témoigne également de leur ingéniosité. Toutefois ils sortent
rarement des procédés traditionnels ; ils font comme on a toujours fait et rares sont ceux qui
cherchent à faire mieux que leurs devanciers.
247

137/ NAUTIQUE

Cette question ne peut s‟appliquer qu‟aux riverains du lac Kivu, attendu qu‟en dehors du lac, il n‟y
a nulle part des eaux naviguables. Les Bashi riverains sont en général d‟habiles mariniers. Il
faudrait les voir aux prises avec un lac déchainés ; Comme ils parviennent avec leurs petites pagies
à maintenir à flot leurs légères pirogues. Un jour que je naviguais dans une pirogue à huit
rameurs, la tempête nous surprit, et les vagues menaçaient constamment de nous englourir. Sur
l‟odre du barreur, tous gardaient le silence, et à chaque vague plus forte qui voulait se jeter dans
l‟embarcation, le barreur en arrière la crête de la vague, pendant que deux des rameurs du côté
enlevaient prestement l‟eau qui avait réussi à s‟y jeter. Cette manœuvre dura plus d‟une heure et
nous permit de gagner le rivage. Voilà pourquoi l‟européen, qui voyage en pirogue, agit
prudemment à ne pas vouloir commander la manœuvre. Il est curieux aussi de voir les mariniers
qui n‟ont pu tenir contre les vagues, et dont la pirogue a été submergée, mais étant plus légère que
l‟eau n‟a pas coulé à pic, de les voir, dis-je, s‟accrocher à la pirogue renversée, puis à la première
accalmie, la retourner s‟il le faut, d‟un coup d‟épaules, y sauter, enlever prestement l‟eau et
continuer leur route. Il est vrai que trop souvent la pirogue submergée coule, si le bois est plus
lourd que l‟eau et que bien des Bashi, ne sachant pas suffisamment nager, se noient. Chaque année
le lac Kivu engloutit pas mal de gens.

138/ TRANSPORTS PAR TERRE

Les moyens de transport sont des plus primitifs.


Le plus souvent l‟homme porte sa charge sur la tête ou sur l‟épaule. Un coussinet en herbe en
amortit les aspérités. Les femmes portent de préférence sur le dos. La charge, alors repose sur les
reins et est retenue par une sorte de gance en fibres tressées, qui passe sur le front. C‟est ainsi
qu‟elles transportent tout ce qui est lourd et familial ; c‟est ainsi qu‟elles transportent tout ce qui est
lourd et volumineux, même la hotte chargée de vivres. Et si la femme a un bébé, elle n‟hésite pas à
le hisser au sommet de sa charge. Quant à la hotte vide ou légèrement chargée, elle la porte sur le
dos, retenue aux épaules par une corde arrangée en bretelles, à peu près comme le troupier porte
son harvesac. Je n‟ai jamais rencontré de femmes portant à deux une charge trop lourde. Les
hommes, eux, le font. Et alors ils suspendent le fardeau à un bambou ou un stic, et le portent sur
l‟épaul. Le fardeau est-il trop lourd pour être suspendu à un bambou, ils le portent tous ensemble
sur la tête. C‟est le cas notamment lorsqu‟ils veulent déplacer une hutte qui demande les efforts
réunis d‟un grand nombre. Les arbres et les pirogues ramenés de la forêt sont trainés à même le
sol au moyen de cordes, au chant cadencé de tous. Il ne peut être question de véhicules ou de bêtes
de somme, de quelque nature que ce soit.
La femme (et l‟homme aussi) porte sur la tête la cruche remplie à la fontaine, si elle n‟en est pas
trop éloignée. S‟il fallait puiser au loin, elle mettrait sa cruche dans la hotte et la porterait sur le
dos. C‟est d‟ailleurs ainsi qu‟elle transporte les jarres de bière.

139/ DIVISION DU TEMPS

Nos Bashi divisent l‟année en deux périodes : le temps de pluie (mpondo) et le temps sec (canda).
A la période de pluies, ils attributions sept mois et cinq au temps sec ; mais dans leur pensée ; il
n‟y a pas toujours égalité complète, les uns atribuant certains mois au temps de pluies que d‟autres
disent être le temps sec. Voici d‟ailleurs la liste de ces mois :
MPONDO :
1. Kamera (plus ou moins août)
2. Cambase
3. Muhaho
4. Nyaceze
5. Nyaruzigwe (ou bien ibera-bibuga)
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6. Kasikiru karhanzi
7. Kasikiru kazinda
CANDA :
1. Lukanga
2. Cigogo
3. Kahya karhanzi
4. Kahya kazinda
5. Cugarhi
On désigne par le nom de Mpanguka l‟époque de grandes pluies, par Nshangula les pluies du
temps sec. Les Bashi ne s‟occupent pas de savoir quel mois commence l‟année. Le mois lunaire
n‟a pas de sudbivisions en semaine. Ils le divisent en périodes :
1. Premier quartier : omwezi gwabaluka
2. Dernier quartier : omwezi gucherwa
3. Nouvelle lune : omwezi gubasha, ou encore omwezi gushasa abana ommu ngo
4. Pleine lune : omwezi gukula
5. Nuit sans lune : mwizimya

Le jour, en opposition à la nuit, se dit : « mûshi » ; la nuit s‟appelle « budufu » , la journée et la


nuit réunies sont dites : « lusiku. »

Le jour se divise ainsi :


1. Chant du coq : oluhanzi lubika
2. L‟aurore : e musholo y‟izuba
3. De bon matin : mucherachera
4. Lever du soleil : izuba lishoshoka
5. Matin, matinée : sezi
6. Midi : kasirahinga
7. Soir, soirée : hijingo
8. Coucher du soleil : enkavu zadaha ou bien izuba oku ntondo
La nuit est partagée en six parts qui selon l‟ordre indiqué ci après
1. Enkafu by‟ebizizi
2. Mango bayiza
3. Bubing‟icha
4. Mangwambogo
5. Mucanca
6. Mmusinsimuke

La semaine (mugobe) proprement dite : La semaine mushi a cinq jours dont les noms sont :
1er jour : mugobe
2e jour : ifululira
3e jour : eciduhu
4e jour : ishenyera
5e jour : omuzinda

La semaine s‟appelle « Mugobe ». Chaque jour a sa destination ; il y a des jours pour cultiver,
d‟autres pour aller au bois de chauffage, d‟autres pour le marché. Chaque chefferie des Bashi a des
jours différents. Prenons pour exemple la Chefferie de Nyangezi (Karhongo).
a. Jour de culture. Pendant la saison sèche (canda) on peut cultiver tous les jours ; mais pendant la
saison des pluies (septembre à mai), on ne peut cultiver les deux jours nommés Ishenyera et
Mugobe. Jadis, dit-on, on cultivait pendant ces jours, mais de fortes pluies et la grêle firent
penser que les mânes (bazimu) s‟y opposaient. Les grands du pays alors portèrent défense de
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travailleur ces jours à la pioche. Lorsqu‟un mushi ose contrevenir à cette défense, on lui enlève
sa pioche. Cependant on peut nettoyer les champs, mais sans pioche.
b. Jours à bois de chauffage. Ces jours, à Nyangezi, les femmes vont au bois, qui se trouve à
trois quart d‟heure environ, près de la Ruzizi. Ce sont les deux jours nommés Ishenyera et
Mugobe.
c. Jour de marché. Le marché est très fréquenté, on y vient de loin ; ce peuble est très marchand,
et très habile dans son commerce. Le jour de marché de Nyangezi est le deuxième, nomme
Ifululira. Le marché se dit : ecibuye. S‟abstenir du gros travail de culture aux jours prohibés se
dit : okufulula.

140/ MEDECINE ET CHIRURGIE

Au n° 95 a été traité des médecins et de la médecine indigènes. Il serait fastidieux d‟y revenir ici.
L‟art opératoire se réduit à peu de choses. Contre une fracture de la jambe ou du bras, nos noirs
recourent aux atelles, qu‟ils fabriquent avec des lattes, lamelles de bambous ou roseaux réunis par
des cordes. Les luxations sont traitées comme les inflammations ordinaires. Contre la migraine, ils
emploient surtout la saignée, au moyen du vide produit par la flambée dans une petite calebasse
appliquée sur la peau préalablement scarifiée. Abcès, furoncles, phlegmons et panaris sont soignés
au moyen de compresses de feuilles pilées et souvent cuites. Ils ont recours parfois à des végétaux
caustiques pour les forces. Il est à remarquer cependant que dans la majorité des cas, la médecine
indigène est mêlée d‟actes superstitieux. Il suffit pour s‟en rendre compte de relire le n° 95/106.
Pour les soins à donner aux vaches, voir n ° 172.

141/ HISTOIRE

Le Bushi est habité par deux races bien différentes, les Bashi, qui forment le menu peuple, et les
Baluzi, la classe dominante. Jadis, le nom de Bashi était attribué à une partie seulement du peuple,
aux agents soumis au chef Nashi il a fini par désigner la tribu toute entière (cf. n° 1).
Sur l‟origine des Bashi, nous avons peu de de données. Autrefois, il y a peut-être 200 à 250 ans, le
pays était régi par plusieurs chefs indépendants :
Naluniga, Nacahi, Nashi, etc. En ce temps les pygmées ou Batwa occupaient encore en grand
nombre les forêts de bambous qui recouvraient les montagnes actuellement dénudées. Si l‟on
considère le physique des Bashi, leur langue et leurs coutumes, on peut, semble-t-il, affirmer qu‟ils
appartiennent à un groupe commun, comprenant les Bahavu établis au Nord, les Barongeronge et
Balinja, voisins de l‟Ouest, les Barhinyi, Baziba et Bafulero qui occupent le Sud ; et même les
Batembo. Ils pourraient aussi n‟être qu‟une fraction se rattachant aux peuplades de l‟Urindi,
Rwanda, Butembo, Bahunde, Bunayanga, Unyoro, Unyankole, Uganda, etc. si différentes de celles
qui habitent le Sud et l‟Ouest des peuplades susdites. Les légendes nous ont conservés sur
l‟Origine des Baluzi des données moins obscures. Les récits recueillis chez les Bashi, les Bafulero
et les Banyindu, concordent à dire qu‟ils sont sortis de l‟Urega, ou plus exactement de la grande
calirière des Banyindu, au Sud de la haute Lwindi, ou Lulindi. Dans le lointain des âges, le père
des Baluzi, Namuga ou Namugamubondo, surnommé aussi Kalenga occupait l‟Urega avec sa
famille. Il donna naissance à la branche Kiligishe, qui forma le clan Banyamwoca. Un membre de
clan, Kibira, vint s‟établir sur les bords de la Lwindi, au pays actuel de Mubeza et Luganza. Il
n‟était pas chef, car de ce temps, les noirs vivaient indépendants. Un jour que Kibira se promenait
à la lisière de la forêt, il vit venir à lui un pygmée et sa femme, qui demandèrent à se mettre à son
service. Le pygmée bientôt se prit d‟affection pour Kibira, il résolut de lui trouver d‟autres sujets
et d‟en faire un puissant chef. Il se mit donc à parcourir la brousse et la forêt, clamant partout les
qualités de son maître, et engageant tout le monde à venir habiter près de lui. Sa voix fut entendue,
les noirs accoururent de partout. Bientôt Kibira se trouva à la tête de tout un peuple sur les deux
rives de la rivière. Il prit alors le nom de Nalwindi, c‟est-à-dire maître de la Lwindi. Ce nom est
resté à sa descendence, je veux dire à son héritier en ligne directe. Nalwindi devint riche en vivres
250

et en bétail. Il engendra des fils et des filles. L‟aîné des fils était Ndambwe, ses filles s‟appelaient :
Lukabura-engasha et Namuhoye.
Dans son pays était une femme stérile. Un jour qu‟elle allait cultiver son champ, elle trouva au pied
d‟un palmier élais, un nouveau-né qu‟une fille mère venait d‟y abandonner. C‟était un peit garçon.
Près de lui venait de naître aussi un petit chien. Toute heureuse de sa trouvaille, elle ramasse
l‟enfant et le chien, et les porte dans sa cabane. Ce que voyant, ses voisins lui disent : « toi qui es
stérile, comment as-tu cet enfant ? Elle répond simplement « d‟un enfant dont personne ne prend
soin, chacun est maître ». Cependant l‟enfant grandit, le petit chien aussi. Quand il fut devenu
jeune homme, Nalwindi l‟appela chez lui et en fit son chasseur. Trompant la confiance de son
maître, il eut avec la fille Lukabura-engasha des relations coupables. Nalwindi les chassa tous deux
dans la forêt ; là le jeune homme mourut, laissant la jeune fille sur le point de devenir mère. Celle-
ci retourna chez son père, et obtint son pardon. Avant d‟expirer, elle supplia son père de confier
son enfant à sa sœur Namuhoye. L‟enfant grandit donc chez sa tante maternelle. Devenu grand, il
s‟unit à elle en mariage et lui donna sept fils. Après la mort de leur mère, les sept fils se décidèrent
à émigrer « il y a là bas au Bushi un peuple sans énergie, des chefs sans autorité, se dirent-ils :
allons Ŕy ». Ils se mirent en route avec leur mère Namuhoye, mais arrivés aux confins du pays, près
de la Shesha, Namuhoye mourut. Trois de ses fils : Kalunzi, Cinda et Narana l‟enterèrent,
contrairement à la cotume qui défend au fils de déposer sa mère dans la fosse. Ils perdirent de ce
fait le titre de Baluzi, nom de noblesse du clan banyamwoca, et ne purent garder que le privilège
d‟enterrer les Baluzi. Leur descendence forme le clan Njoka, Nyamubira et Rana. Après
l‟enterrement, les sept fils se dispersèrent en quête d‟un pays. Les trois déjà nommés s‟établirent
aux abords de la Lwindi, et restèrent des chefs sans importance. Les quatre autres, Naninja,
Muganga, Nabushi ou Nahashi (de son vrai nom Cilembebwa-Kabare) et Nalwanda réunissent
mieux. Naninja devint chef de la tribu Balinja à l‟Ouest de Ngweshe-Kabare, Muganga occupa les
montagnes de Burhinyi au Sud de la Kadubu. Les deux autres réussirent à supplanter les deux
chefs du Bushi et du Rwanda, par la ruse plus encore que par la force. Ceci se passa vers la fin du
XVIIème siècle, selon mes suppositions personnelles.
Voici comment la légende le rapporte :
Nabushi et Nalwanda arrivèrent au Bushi avec quelques vaches et des graines de sorgho (millet).
Les habitants du Bushi n‟avaient jamais vu cela. Luniga, l‟un des chefs les prit à son service. Les
chefs, semble-t-il, malmenaient assez leurs sujets. Les riches dévailisaient les pauvres sans
vergogne, et si ceux-ci portaient plainte chez leurs chefs, ils avaient toujours tort. Un jour, des
pauvres dépouillés portèrent leurs doléances au tribunal de Nabushi et Nalwanda.
Les deux frères firent rendre gorge aux voleurs, en disant « au pauvre ses objets, au riche les siens
(omukenyi ehyage, na omugale ehyage). Ce fut assez pour leur gagner la sympathie de tout le
menu peuple. De plus, voyant qu‟ils possèdaient du bétail et du millet, les Bashi se dirent « ces
deux frères ont des vaches et du millet, suivons-les, ils nous en nourriront et nous aussi nous
pourrons boire du lait et manger du sorgho ». Et ils s‟attachèrent à Nabushi eet Nalwanda. Un
jour que Naluniga était absent, Nahashi ou Nabushi alla s‟asseoir sur son siège et le supplanta
ainsi dans son autorité, et tout le peuple le reconnut pour chef. A son retour Naluniga trouva sa
place prise : force lui fut de se soumettre. En même temps Nacahi et Nashi furent supplantés de la
même façon. Ils devinrent tous sous-chefs, de ce nouveau chef Nahashi ou Nabushi et leurs
descendants le sont encore aujourd‟hui. Ils n‟ont conservé de leur ancienne grandeur que le droit de
porter le diadème („ishungwe) et de se faire enterrer dans un cimetière de famille appelé « bujinji ».
Quand Nalwanda vit son frère devenu chef et que lui seul n‟avait pas de pays, il passa la Ruzizi et
vint au Rwanda, soumis alors au chef Kihanga, il réussit lui aussi à le supplanter. Il y fonda la
dynastie du roi Musinga actuel.

Voilà ce que dit la légende des Baluzi. Mais plusieurs autres pensent que, contrairement à cette
légende, Musinga et les Batutsi sont originaires du Nord. Nabushi surnommé Kabare-Kaganda
groupa petit à petit toute la population du Bushi, jusque-là très dispersée. Grâce à ses soins, le
bétail ne tarda pas à augmenter. Bientôt il fut lui-même père de deux fils : Mushema et Kagweshe-
251

Bagweshe. Le premier lui succéda à sa mort. Le second était sous-chef, et eut pour fils Bihamba,
qui fut le père des Kwibuka. Ici il y a assez de confusion dans la mémoire des indigènes. Les uns
font de Kabare ŔKaganda, le père de Mushema, alors que d‟autres (et ceux-là sont les plus
autorisés, puisqu‟ils sont les anciens mêmes de la famille de Kabare) en font le petit fils par inceste
de Namuhoye ; mais ceux -ci ont certaiment tort. Kwibuka détermina la scission d‟où sortit
l‟indépendance de la branche cadette, la branche actuelle de Ngweshe. Voici comment le rapporte
la légende.
Kwibuka avait un chien de chasse, appelé Nyacibwa qu‟il aimait beaucoup, parce qu‟il lui
procurait beaucoup de gibier. Un soir, son chien ne reparut pas. Il se mit tout de suite à sa
recherche. Pendant plus d‟un mois, il parcourut la brousse, l‟appelant partout, mais en vain. Enfin,
il rencontra une vieille femme qui lui dit : que me donneras-tu, si je te dis où est ton chien ? « Tout
ce que tu me demanderas » lui répondit-il. Elle se contenta de recevoir un morceau d‟œuf et
quelques fruits, et elle l‟amena quelque part en disant : « voici où on l‟a enterré, voici encore les
clochettes qui ornaient son cou ». Celui qui l‟a tué est Nabuhanga, fils de Kabare. Kwibuka se met
à sangloter. « Pourquoi, dit-il, ne m‟avait-il pas tué moi-même, et laissé mon chien en vie ? Je le
jure, je me vengerai de Nabuhanga ». Et il partit. Il alla aussitôt rassembler ses partisans et attaqua
le meurtrier de son chien. Il lui tua beaucoup de monde. Kabare vint au secours de son fils et fut
également battu. Mais après quelque temps la guerre ayant repris, Kwibuka fut battu à son tour. Il
s‟enfuit au Rwanda, où le grand chef lui donna un pays à gouverneer, non loin de la Ruzizi. Un
jour qu‟il était en chasse, ses chiens passèrent la rivière, il les suivit et rentra au milieu de ses
anciencs sujets. Ceux-ci lui firent fêete, et le forcèrent de rester. Il ne tarda pas à attaquer de
nouveau Nabuhanga, ce fut son malheur, car il fut battu et resta lui-même sur le terrain, au mont
Mumbuli, qui sert actuellement encore de cimetière à la famille Ngweshe. Kwibuka laissait sa
veuve enceinte d‟un fils, tout le monde se groupa autour d‟elle. Kabare dit-on, s‟en moqua
beaucoup eet appelait ses sujets : « les serviteurs incensés d‟une femme ». Eux répondaient : oui
nous servons une femme, mais elle porte en elle un lion » « Cirimwentale ». Cet enfant devait
consolider leur indépendance. Une autre version raconte l‟histoire un peu différemment (1).
Quand Nabuhanga eut tué le chien de Kwibuka, celui-ci alla le trouver et lui dit : « portons l‟affaire
au tribunal de ton père ». Nabuhanga refusa. Furieux, Kwibuka tua la mère de son ennemi. Battu à
la guerre, qui s‟en suivit, il se réfugia au Rwanda, où il fut tué dans un combat contre les Barundi.
Son fils Weza revint au Bushi. Kabare ayant appris, il le chassa vers le Sud. Weza vint construire
sa hutte au pied du mont Mumbili, à Lurhala, résidence de Ngweshe. Petit les partisans de son
père se groupèrent autour de lui. Kabare l‟ayant su, envoya contre lui Nabuhanga, qui le tua.
Weza laissait un fils appelé Bicinga ou Ngingiyinga dont naquit Cirimwentale. Depuis le début, la
guerre n‟a cessé de régner entre la branche aînée Kabare et la branche cedette Ngweshe. Il existe
encore actuellement entre eux une animosité qui ne semble pas près s‟éteindre. Telle est l‟origine
des deux familles qui règnent au Bushi (2).

(1) On a remarqué le rôle important attribué au chien par la légende. C‟est que cet animal est sans
doute un totem du clam Mwoca, ou si l‟on veut, le symbole, le blason de la parenté. La scission
entre la branche Ngweshe et Kabare semble avoir été provoqué sur une insulte à l‟animal
totémique de la famille cadette, insulte susceptible de produire scission partout où règnent les
clans.

(2) Si l‟on s‟en rapporte aux données reccuillies ailleurs, il semble que la famille de Kabare vécut
assez longtemps sans autorité au Bushi. Le premier ancêtre venu au Bushi semble avoir été
Cilembwembwa ; il eut pour fils Cifundangombe lequel engendra Kamoma. Les fils de celui-ci
étaient Mushema eet Kagweshe-Bagweshe. C‟est sans doute Kamome qui devint roi.
Mushema fut le grand-père de Kabare-Kaganda ; Kagweshe eut pour petit fils Kwibuka. La
« guerre du chien » eut lieu entre Kwibuka et l‟un des fils de Kabare-Kaganda, et c‟est à cette
époque sans doute qu‟il faut faire remonter la scission de la famille de Kabare-Ngweshe.
252

(3) L‟abdication de Kabare en 1936 et l‟intronisation de Ngweshe-Mafundwe ainsi que sa mise à la


tête de tout le Bushi ont changé la face des choses.

BALUMBO
Les Bashi font mémoire d‟un peuple envahisseur appelé Balumbo. Ces Balumbo qui sont-ils ?
D‟où vinrent-ils ? On ne le sait pas au juste. Ils seraient venus deux fois au Bushi, une première
fois bien avant l‟arrivée des Baluzi, une deuxième fois sous le règne de Mushemwa, qu‟ils tuèrent
et mangèrent. Ce Mushemwa était le fils de Kamome, fils de Cifundangombe, fils de Cilemwebwa,
premier Kabare venu de la Lwindi. D‟après certains, c‟étaient des Banyoro, venus des montagnes
des Ruwenzori. D‟après d‟autres, ils seraient venus de l‟Urega. Certains disent qu‟ils avaient le
teint des européens. Ne seraient-ils pas des portugais esclavagistes venus ici avec des porteurs
antropohages ? Ce qui donne à cette idée quelque fondement, c‟est 1° qu‟il est avéré que du 17 ème
au 18ème siècle, les portugais sillonaient de centre de l‟Afrique en quêete d‟esclaves. 2e que d‟après
la légende, ils construisaient des maisons en terre cuite (briques). Même un jour ils avaient
construit une maison élevée, avaient voulu la surmonter d‟un tour en bois (serait-ce une sorte de
maçon de prières ?). Le tout se serait effondré, aurait tué plusieurs d‟entre eux, après quoi ils
auraient disparu. Ils sont ocupé dans le pays trois points principaux :
1. Sur les bords de la Lwiru, près Katana
2. Sur la colline où est la mission d‟Irhonda-Byuhu
3. Sur les hauteurs derrière la mission Kabare, à l‟Ouest.
Les Balumbo étaient donc esclavagistes, et ils firent de très nombreux esclabes. Ils étaient aussi
forgerons, et faisaient fondre le fer dans des hauts-fourneaux assez élevés, construits en terre au
moyen de boudins d‟argile superposés comme des briques. A Mwanda, le père Watteyne en a
découvert des vestiges en 1914. ils fabriquèrent des armes inconnues des Bashi, et certains disent
qu‟il en existe encore quelques exemplaires qu‟on cache soigneusement. Ils tuèrent donc Mushema
et le mangèrent c‟est à dire sans doute que leurs porteurs le dévorèrent. Une vieille femme
recueillit le crâne, et le porta à son fils et successeur, Cibagamuhoye, qui l‟enveloppa d‟une natte et
le conserva précisieusement jusqu‟à sa mort. Depuis ce jour, on enlève au chef défunt son crâne,
pour être conservé par le successeur comme talisman protecteur, ainsi qu‟il a été dit au n° 98.

Le reste de l‟histoire des Bashi ne comporte guère qu‟une série de combats entre la Chefferie
Kabare et celle de Ngweshe.
Voici à ce sujet ce qu‟on a pu en recueillir.

GUERRE DE NGWESHE II, III, IV, V, VI, VII, VIII.

Les sept successeurs de Ngweshe dont les noms sont marqués sur la liste généalogiques (141) ont
tous fait la guerre avec Nabushi ou Kabare, avec succès et revers, sans que jamais l‟un battit
complètement l‟autre. C‟est sans doute à cause de ces guerres qu‟il y eut tant de successeur,
plusieurs ont été tués ou très affaiblis dans ces guerres continuelles. Le pays en souffrit beaucoup,
car d‟après les meurs, on tuait enfants, femmes et mêmes femmes enceintes, les premiers parce
qu‟ils deviendront guerriers, les autres parce qu‟ils enfatéront d‟autres guerriers. Actuellement la
coutume de tuer les femmes et enfants a disparu.

GUERRE ENTRE NGWESHE VIII (RUGENGE) ET SON FRERE MUYANGWA

Muyangwa se dit aussi fils aîné, et ainsi commence cette guerre fratricide de succession. Pendant
de longues années le sang coule à flots, sang de guerriers, d‟enfants, de pauvres femmes et
d‟impuissants vieillards. La guerre de succession s‟appelle « enshombana y‟obwami ». Muyangwa
un jour prit la vache d‟un de ses sujets Cijanda. Celui-ci contre fit le fou dans les circonstances
suivantes :
253

Muyangwa avait résolu de s‟emparer des vaches d‟un nommé « Kere ». Il appela les grands de son
entourage et congédia tous les autres pour que le conseil restat secret. Mais Cijanda lui aussi se
trouvait dans la maison. On lui dit de sortir. Il resta à la porte. Est-ce là ce que nous t‟avons dit ?
Lui dirent-ils. Alors il rentra et alla se mettre sur le lit. Et touts de rire et de répéter : est-ce là ce
que nous t‟avons dit ? Alors Cijanda sauta sur le petit grenier et y prit de la bière en
fermentation. Tous se mirent à rire plus fort et lui dirent : laissons-le, il est fou. Mais il n‟était pas
si fou que cela, car il était dans la maison, il apprit le projet d‟aller attaquer et piller « Kere ».
Après le conseil, Muyangwa appela tous ses guerriers, et les envoya chez Kere. Lui-même resta
avec les invalides, les femmes et les vieillards. Mais le malin Cijanda, qui voulait se venger de
Muyangwa et avoir ses vaches en retour, se hâta d‟aller avertir Rugenge que l‟occasion était belle
de pillier Muyangwa, puisque tous ses guerriers étaient partis en guerre. Celui-ci saisit l‟occasion
à deux mains, arrive avec force armée, tua beaucoup de femmes et d‟enfants. Muyangwa dit à
Rugenge : « tu as su que mon peuple n‟était pas là , attends qu‟ils revienne et tu verras s‟ils ne
sont pas des hommes ; ne me tues pas, tu verras ». Rugenge prit aussi toutes les vaches. Lorsque
les guerriers de Muyangwa revinrent de chez Kere, ils trouvèrent ceux de Rugenge dans leur pays.
Ils allèrent d‟abord à la rivière « Nkombe » pour leur couper la retraite. Ils y mirent des maléfices
et aussitôt elle se mit à grossir. Alors ils les attaquèrent résolument et les mirent en fuite. Celui
que la lance épargna, périt dans l‟eau.
La guerre n‟était pas terminée, ils continuèrent à s‟achever les uns les autres. La guerre continua
encore sous la succession de Rugenge, Ngweshe IX ou Lushamba. Pour cette raison, cette guerre,
qui se continue toute une génération de père en fils s‟appelle « Nkwakwa ». Muyangwa fut aidé par
son frère Kalangiro. Lushamba cependant vint à bout de Muyangwa, quoique celui-ci ait tué deux
Baluzi ou gens de la famille royale. Alors Muyangwa et son frère, ainsi que son successeur dans la
révolte, le nommé Cibanvunya épuisa le pays, on ne cultivait plus, on ne pensait qu‟à la guerre. Le
successeur de Ngweshe IX nommé Katabirulwa ou Ngweshe X fit seulement la guerre pendant
quelques jours avec les Baluzi Birega et Cibumbiro. Katabirulwa eut pour successeur Ngweshe XI
ou Ruhongeka. Ce chef était très cruel, souvent pour s‟amuser il tuait les gens qu‟il rencontrait sur
la route. Il engageait avec eux un combat singulier et s‟ils étaient vainqueurs, il leur donnait une
vache, sinon il les tuait. Cependant il ne guerroya pas comme des ancêtres, il n‟eut que quelques
démêlés passagers avec les Baluzi nommées Birego , Kabi et Cibumbiro, sous-chef de Kabare.
Cependant, il ne volut pas porter le titre de « Mwami » car ses devins lui avaient dit : « le jour où
tu porteras le titre de mwami, tu mourras ». Il se contenta donc du titre de « Nahano » et donna le
titre de mwami à son frère Lulanga. Il le lui prêta, disant les gens. C‟est lui qui tranchait toujours
les grands différents, ce qui est l‟apanage du Mwami. Avant de mourir, il désigna Mafundwe pour
son successeur. Lulanga, habitué à être mwami, ne voulut pas y acquerir, d‟où une nouvelle guerre
intestine (1915).

GUERRE ENTRE LULANGA ET MAFUNDWE

Ngweshe avait un frère, Nyangezi ou Rutumbuka. Son petit-fils, le père de Nyangezi actuel
(Kasole) nommé Rhwesha, n‟eut pas d‟enfants mâles de ses femmes, celles-ci ne lui donnèrent que
des filles. Mais il eut un fils nommé Kasole de son adultère avec la femme de l‟un de ses sujets.
Cette femme s‟appelle Mwakamarungu. Lorsque cette femme eut enfanté son fils, il la prit chez lui
(vers 1890).
Le Nyangezi actuel est donc un enfant adultérin. L‟enfant était encore trop jeune pour règner. Le
frère de Rhwesha le nommé Cirimwami, fut désigné pour être son tuteur. Ce frère hérita de la
femme Mwakamarungu. Lorsque Kasole fut en âge, il succéda à son père. Le Nyangezi actuel fut
toujours deux, car disent les indigènes, il n‟a tué que trois ou quatre sujets, tandis q ue son père
Rhwesha, comme Ruhongeka était dûr pour ses sujets et cruel. Ruhongeka à son tour fit
l‟adultère avec Mwakamarungu, qui mit au monde le mwami : Mafundwe.
254

Voici les enfants de Ruhongeka :


1. Mafundwe (l‟enfant adultérin)
2. Bamanyirwe
3. Ndagano
4. Vuningoma
5. Mushengezi
6. Balagizi
7. Lwana Abraham
Comme nous l‟avons vu, à sa mort Ruhongeka désigna comme mwami le nommé Mafundwe. Cela
ne faisait pas l‟affaire de Lulanga, qui portait le titre de mwami pendant la vie de Ruhongeka.
(Cirimwami de son côté prétendait que l‟enfant de sa femme héritée, Mwakamarungu, était son
enfant). D‟où une guerre civile sanglante. Le bilan de cette guerre fut qu‟il y eut du côté de
Lulanga 1100 tués, et Lulanga et Bamanyirwe fils-aîné légitime de Ruhongeka. Muzuka, un neveu
de ruhongeka les aida aussi. De l‟autre côté Mafundwe et son frère Kasole ou le Nyangezi actuel.
Une première fois Lulanga fut mis en fuite, puis le gouvernement Belge s‟en mêla et exila Lulanga
à Rutshuru. Mais celui-ci parvint à s‟échapper en cours de route, et se cacha avec Bamanyirwe
dans la chefferie du mwami Kabare ou Nabushi. Tout ceci se passait vers 1917. Depuis Lulanga et
Bamanyirwe ont été repris et exilés au Nord du lac kivu.

GUERRE DES BASHI AVEC LE ROI DU RWANDA

Kwibuka le 3ème Ngweshe fut aidé par le roi du Rwanda dans sa lutte contre Nabushi et
Nabuhanga, et grâce à lui put vaincre ses ennemis. Mais lorsque le roi du Rwanda se fut retiré, il
fut battu et s‟enfuit chez son allié au Rwanda, qui lui donna le pays de Mushaka, au Rwanda.
Ngweshe et ses successeurs sont toujours restés amis avec le roi du Rwanda. Mais il n‟en était pas
de même de Nabushi, ou Kabare. Celui-ci eut pour successeur comme mwami son 9ème fils
Byaterana, né avec les fameux birugu ou graines en main. Il a toujours été battu dans ses
nombreuses guerres contre Nalwanda, qui, lui, avait le nom d‟être invincible, à cause du nombre de
ses guerriers et leur valeur (ensiku zoshi Nalwanda arhahimwa na owundi mwami. Nta mwami
arhasagilwisa erhi anabahima). Un jour Kabare s‟enfuit au Kalonge près des Warega.
Un jour pourtat Nalwanda eut un revers. Il se trouvait à la Ruzizi lorsqu‟un sujet de Kabare
Rutaganda, c‟est à dire un homme de Ciraba, l‟insulta et lui dit : okafa nshizo (que tu meurs sans
enfant mâle), olya omulindye okalya akabwa (que tu mange la sourie et que tu mange nu chien), oli
mwana wa mushi (tu es l‟enfant de paysan). Le roi du Rwanda Lwabugiri se mit en colère, il
appela ses guerriers et attaqua Ciraba. Mais celui-ci les battit à plates coutures. Ciraba tua
beaucoup de ses guerriers et la Ruzizi, disent les indigènes, arrêta son cours, obstrué par les
cadavres (yasika erhi bantu barhuma). Bientôt, cependant Lwabugiri prit sa revanche. Il tua des
guerriers et des habitants en grand nombre, ainsi que de grands troupeaux de bétail. Ciraba pour en
sauver un certain nombre, les dirigea sur Karhongo, pays de Kasole (Nyangezi) mais celui-ci s‟en
empara. C‟est de là que vient l‟inimitié entre Nyangezi et Ciraba, qui dure toujours (1615). Ciraba
s‟enfuit chez Nyakaziba, chef non muluzi.

DIFFICULTES DU KABARE RUTAGANDA AVEC LE GOUVERNEMENT BELGE


(1915)

Le seul mwami de droit du Bushi n‟a pas eu de la chance. Il a vécu toujours en inimitié avec son
grand vassal Ngweshe qui s‟est rendu indépendant, et de Nakuno qui s‟est fait mwami, de fait. Il ne
lui paie plus de redevance depuis longtemps. Ensuite, il fut toujours battu dans ses guerres avec
Nalwanda. Enfin, ses gens eurent la maladresse, en 1903, de tuer un agent du gouvernement Belge
Monsieur TONDEUR avec treize soldats. Kabare n‟aurait pas dit-on ordonné ce meurtre, mais il
accepta le fait accompli. Ce Monsieur était devenu odieux aux yeux des indigènes à causes de
ses réquisitions de vivres pour les troupes. Les indigènes l‟ont horriblement mutilé avant de le tuer.
255

Après ce meurtre commis dans son territoire, Kabare a été quelques fois encore aux postes de
l‟état, puis sa tête a été mise à prix jusqu‟en 1915. Cependant, Kabare, caché dans la chefferie de
Ciraba, a échappé à toutes les expéditions dirigées contre lui. En 1915 on a pardonné à ce chef et
on l‟a remis en amitié avec l‟Etat. Cette situation de fugitif ne fut pas propice pour fortifier son
autorité sur ses vassaux, aussi cette autorité est-elle méconnue par Ngweshe, Katana et d‟autres. En
novembre 1936, Kabare abdiqua et Ngweshe devint chef de tout le Bushi et fu reconnu comme tel
par le Gouvernement le 25/07/1937.

HISTOIRE LOCALE DE KARHONGO (NYANGEZI)

Nyangezi-Kasole, qui mourut de syphilis, eut huit garçons. Il vient de chez Ngweshe s‟établir sur
la colline occupée actuellement (1915) par Ruteranya avec huit cents hommes. Malheureusement
beaucoup y moururent de dysenterie. Alors le père de Ciruza, le chassa du pays. Il s‟en alla chez
Nyakaziba demander secours et put ainsi rentrer dans son pays. A cette époque, le grand marais
situé devant la mission était boisé. Il ordonna à ses gens de couper tous les arbres. Les collines de
Munya et de Mulende étaient à cette époque infestées de cochons sauvages et occupées par un
chef Murhwa, venu de l‟Urundi, le nommé Ntale. Peu après l‟arrivée de Nyangezi-Kasole, ce
murhwa repartit en Urundi. Le Nyangezi I règna environ dix ans. Son fils Ruzuba lui succéda et
mourut de dysenteri, après 9 ans de règne. Son fils Rhwesha (qui avait pour frère Cirimwami)
succéda, après 5 ans, il mourut lui aussi, laissant un fils Lukula-Kasole, le Nyangezi actuel (1915))
âgé de 8 à 9 ans. Marié jeune (vers 15 ans) il eut un fils dès l‟année suiante (Ndagano).
En 1915 les vieux de 60 à 70 ans disent être venus ici avec leurs pères, ce qui fait supposer que
l‟arrivée du premier Nyangezi date de vers 1860. Nyangezi déjà établi ici, a fait la guerre lui aussi
à son allié Nyakaziba, l‟a vaincu et a occupé son pays. Mais Ngweshe, craignant qu‟il ne se rendit
indépendant, lui ordonna de revenir chez lui (car il est à remarquer que le pays occupé par
Nyangezi dépendait de Ngweshe). Il fut néanmoins autorisé plus tard à venir de nouveau occuper
le pays, ce qu‟il fit grâce à ses guerriers.

OCCUPATION EN IRHAMBI (KATANA)

Makombe, qui était roi encore vers 1860, avait décidé de refouler de son territoire les Bahavu qui
l‟avaient envahi et l‟occupaient jusqu‟à la Murhundu, près la mission Irhunda-Byuhu. Il les refoula
en effet et vint lui-même établir un village au bord de la Lwiru, à Kakondo permi ses sept fils,
seul Bikomokero n‟avait pas reçu de terrain. Il dit à son père : tu ne me donnes pas de terre, j‟en
prendrai au Buhabu, mais alors je serai maître chez moi. Il fit donc la guerre aux Bahavu et réussit
à les refouler jusqu‟au delà de la rivière Nyawarongo (Irhambo). Ainsi Bikomokero acquit la
région située entre la rivière Lwiru et Nyawarongo. Plus tard il étendit son autorité même au Sud
de la Lwiru, au Bugore ; Byaterana successeur de Makombe, probablement le fut rendu, mais par
l‟enremise du père Watteyne, ce pays fut rendu à sa descendence vers 1914 ou 1915.
En droit Bikomokero et ses descendants ne sont donc plus vassaux de Kabare. En fait,
l‟administration les y a obligés vers 1925. Bikomokero eut pour sucesseur Nciko (Walamba) à qui
succéda Ruboneka, lequel mourut en 1917 âgé d‟environ 50 ans, et Bahirwe prit sa succession.
Celui-ci avait alors environ 18 ans, c‟est le Katana régnant de 1937.

HISTOIRE DE NYIGANDA

Nyinganda, ayant voulu depuis 1930, à 1936, usurper le trône de Kabare, ce qu‟il a fini par payer
par la prison et l‟exil, il est intéressant de voir qui est ce personnage. Nyiganda est le chef du clan
Bashinjahavu. Ce clan, qui jadis faisait partie du clan Bega au Rwanda, a pris son nom actuel en
venant au Bushi en passant par le Buhavu, d‟où vient le nom Bashinjahavu.
Le 1er Nyiganda se nommait Kamakala. Il vient du Bugesera (au Rwanda) s‟établir au Buhaya,
pays de Kabare. Comme il était du clan Bega, et que la spécialité de ce clan est de donner des
256

épouses aux grands chefs du Rwanda, le Kabare voulut aussi épouses un Mubego (abami bo
bamurhwalira Nyiganda) et par suite Ngweshe voulut faire de même.
Lirangwe (Ngweshe X), avait pris pour concubine la mère de Kabare. Le Nyiganda d‟alors était
Ciragira. Celui-ci donna sa fille Nakesa ou Bujana à Lirangwe, qui engendra d‟elle Ruhongeka
(Ngweshe XI) et Lulanga. Ruhongeka épousa ensuite une fille de Nyiganda. Le fils de Ciragira,
Cifuniko-Nyiganda encore en vie en 1937 résolut de prendre la place de Lirangwe. Il demande
l‟aide de Musinga, roi de Rwanda, qui vint et tua Lirangwe avec une de ses femmes. Cifuniko
s‟empara des vaches et régit le pays avec sa sœur Bujana, mère de Ruhongeka. Ce dernier, sollicité
par ses gens, aurait voulu commander le pays, mais il y mit comme condition le retour de ses
vaches, mais sa mère Bujana s‟y refusait. Quand celle-ci mourut, Cifuniko s‟enfuit avec ses vaches
et tous ses partisans chez Nyalukemba à Karhembo (territoire de Kabare). Nyiganda avait quitté le
Buhaya et était allé s‟installer avec ses gens ches Lirangwe. C‟est delà qu‟il s‟enfuit à Karhembo.
Mais il lui restait au coeur de retourner au Buhaya, car Karhembo était trop petit. Kabare n‟y
voulut consentir, il conçut l‟idée de conquérir le Buhaya à l‟aide des européens, qu‟il trompa. Cela
finalement le mit en prison pour meurtre. Ce n‟est pas ici le lieu de parler en détail de cette
palabre. Libre en septembre 1937, il émigra vers le Nord. Nyiganda a pour titre Mushoho et est
gardien du marteau Walengera, qui sert à fabriquer les clous qui rentrent dans l‟ishungwe ou
diadème du mwami. Il participe toujurs à l‟intronisation de Kabare et de Ngweshe. Le titre de
Mushoho lui vient du fait qu‟en étant chef du clan Bega, il est aussi du clan Bashoho, subdivision
du clan Bega.

Voici, semble-t-il, comment on pourrait le plus raisonnablement reconstituer d‟après les


généalogies et les légendes historiques l‟Origine des chefs du Bushi et la suite de leurs successeurs
immédiats.
1. NAMUGA-MUBONDO : l‟ancêtre le plus lointain connu. Qui est ce personnage ? L‟opinion
est assez variée.
a. C‟est un surnom de Kalenga, ancêtre de Nalwindi, m‟a-t-on dit chez Nalwindi même ;
b. C‟est la femme de Nalwindi, venue du Bushi, dit-on ici,
c. C‟est la femme du premier Kabare, disent d‟autres,
d. C‟est le père même du premier Nabushi dit-on encore, et si par père on entend ancêtre, cela
peut correspondre au surnom de Kalenga, chef Murhega. D‟ailleurs il y a en Urega le clan
Namuga.
e. Enfin et c‟est l‟opinion la plus probable, Namuga-Mubondo aurait été une femme stérile de
chez Nalwindi, peut-être la femme de Nalwindi, mais stérile (b).
2. LUKABURH‟ENGASHA ET NAMUHOYE
La 1ère fille aînée, la 2ème fille cadette de Nalwindi. La 1ère trouve un enfant qui devient plus
tard son mari. Elle engendre un fils qui se marie à Namuhoye, sa tante maternelle.
De cette union est sorti, avec d‟autres futurs chefs, le premier chef qui supplanta les roitelets du
Bushi : Naluniga, etc. Ce chef était Cirembebwa premier roi Munyamwoca au Bushi ou 1er
Nabushi.
257

Cirimbebwa

Cifundamugombe

Kamome

1. Mushema ou Mushimbi 1. Kagweshe-Bagweshe (ou Bishugi)


(Kaserere règna un an)
2. Chibabamuhoye

3. Kabare-Kaganda 2. Bihamba-Muhive

4. Ngabwe 3. Kwibuka I

5. Mafundwe 4. Weza (batwa encore au Bushi)

6. Ngwabwe II (très long règne) 5. Bichinga ou Ngingiyinga (tué par Kabare)

7. Muherwe 6. Ntale ou Cirimwentale

8. Birenjira 7. Cirahongerwa ou Kwibuka II

9. Makombe 8. Rugenge

10. Byaterana Bikomokero 9. Lushamba (Lwahira) Kasomere


ou Katubirulwa

11. Rutaganda Nciko


10. Lirangwe (Kwibuka III)
tué par Kabare Ruzuba
12. Kabare Alexandre (au Buhaya) Ruhongeka
(m.1917)
11. Ruhongeka (Rugenge II) Rhwesha
(m. 1919) (m.1003)
Bahirwe (Katana
actuel en Irhambi)
12. Mafundwe (Weza II) Nyangezi Albert
(ou Bishugi) (à Karhongo)

Il y a parmi les ancêtres de Kabare une série de noms qui devaient trouver place dans la généalogie
en ligne directe. Mais la mémoire des Bashi ne peut dire exactement la place qu‟ils ont occupée
dans la liste des ancêtres, ni même si ces noms sont, oui ou non, des surnoms ou s‟ils désignent
réellement des individus différents de ceux que mentionne la génealogie donnée ci-dessus. Ces
noms sont :
Lukwale-lukulu, Lwisire (mwene Ngabwe), Batahakana, Rulibyo, Lukuvi (nkoma n‟biremwa),
Lutura. Il est donc probable que Kabare Alexandre est, non pas le douzième, mais le 17ème ou
18ème, descendant de Cirembebwa, son premier ancêtre établi au Bushi et fondateur de la dynastie.
258

142/ GEOGRAPHIE

Si l‟on excepte les elèves qui fréquentent nos écoles et aussi les adultes qui les ont fréquentés,
jadis, les Bashi n‟ont pas de véritables notions géographiques. Ils connaissent l‟Est et l‟Ouest,
qu‟ils désignent par les mots : là où le soleil se lève, là ou il se couche. Pour le Nord et le Sud ils
n‟ont pas de mots. C‟est ailleurs par les pays limitrophes qu‟ils indiquent le plus souvent les quatre
points cardinaux. Le nord se dira donc, e bwa Buhavu, l‟Est, e bwa Rwanda, le sud : e bwa
Bufulero, l‟ouest : e bwa Bubembe. Quant à la position des chefferies c‟est-à-dire des centres
connus les plus habités, ils savent indiquer leur position avec une assez grande précision, de même
que les distances en journée de marche. La géographie est d‟ailleurs la moindre de leurs
préoccupations. Il va donc sans dire qu‟ils n‟ont aucun graphie qui puisse donner une idée de la
position des villages et des pays voisins.

143/ FACULTES INTELLECTUELLES

MEMOIRE

Cette faculté est fort développée. C‟est d‟ailleurs le fait chez des peuples qui n‟ont pas d‟écritures,
et doivent retenir de mémoire la multitude de prescriptions coutumières, de vitances ou tabous, de
récits traditionnels, etc. Les faits vécus sont retenus. Cela paraît surtout dans tout ce qui a trait aux
vaches et aux questions matrimoniales. Ils y voient clair dans un enchevêtement compliqué de
faits où nous avons une peine infinie à nous reconnaître. C‟est ce qui rend si difficile la tâche à un
européen qui prend à charge de trancher le procès des noirs. Les empêchements matrimoniaux sont
innombrables : grâce à leur mémoire, ils n‟ont aucune peine à s‟y reconnaître. D‟ailleurs la plupart
des Bashi ont parfaitement retenu la série de leurs ascendants jusque parfois à la cinquième
génération et au délà. Voyez par exemple la généalogie des chefs, connues de la plupart des
hommes âgés. Dans nos écoles nous devons constamment lutter contre la propension des élèves à
vouloir retenir de mémoire au détriment de la réflexion personnelle. Voilà aussi pourquoi leur
cauchemar ; c‟est l‟arithmétique et l‟application des règles grammaticales. Autant ils ont de facilité
à retenir les mots d‟un vocabulaire étranger, autant ils répugnent à l‟analyse de la phrase et de la
période. Et pour ceux qui poursuivent leurs études jusqu‟au grand séminaire, la philosophie est le
vrai pont-aux-ânes.
Toutes les affaires qui ont atteint la famille, ils les retiennent avec une précision étonnante, et à
chaque procès reviennent sur le tapis des histoires qui ont eu lieu parfois depuis plusieurs
générations. Un tort grave subi par les parents et grands-parents ne s‟oublie pas et ne se pardonne
jamais.

144/ IMAGINATION

Leur imagination se manifeste surtout par l‟imitation. Nos Bashi sont de parfaits imitateurs. Ils ont
un talent spécial pour contrefaire les gestes, les tons de voix, les tics, de ceux dont ils aiment à se
moquer. Ils tendent même vers l‟exagération, et atteignent parfois la caricture. Volontiers leur
imagination, dégénère vers le mensonge, menteurs, ils le sont, et pour eux le mensonge reste un
péché mignon, pour ne pas dire une vertu. Savoir bien mentir pour se tirer d‟affaires attire les
louanges, et qui sait, par d‟habiles stratagèmes, faire dévier la sentence du juge en sa faveur, ne
manque pas d‟attirer les applaudissements. Il faut au juge des finesses parfois bien grandes pour
parvenir à découvrir la vérité. On pourrait presque dire qu‟un Mushi ne dit la vérité que quand il
voit son intérêt.
Leur imagination se donne libre cours dans leurs innombrables fables et légendes, racontées par
certains vieux, elles deviennent souvent de vrais petits chefs-d‟œuvres d‟imagination.
259

145/ INVENTION ET RECHERCHE

Au n° 136 on a déjà pu remarquer que nos Bashi ne brillent pas par leur esprit d‟invention et de
recherche. Ils sont naturellement routiniers. Ils imitent, mais n‟inventent pas. La cause en est sans
doute dans cette paresse de l‟esprit qui les caractérise.
Mais dès qu‟il s‟agit des choses qui leur plaisent ou leur sont utiles, ils se montrent vraiment
ingénieux. Manquent-ils de cordes pour lier, ils sont tôt fait d‟en fabriquer, avec des écorces ou du
chiandent. Ont-ils du tabac et pas de pipe, une nervure de feuille de bananier se trouve pour la
faire, etc. Quant à chercher à améliorer leur outillage rudimentaire, leurs méthodes de culture, la
hutte famiale et autres choses de la vie courante, ils n‟y songent même pas. C‟est la réparation de la
routine avec l‟habilité personnelle variable.

146/ ENTENDEMENT

L‟intelligence est chez nos Bashi ce qu‟elle est chez la plupart des noirs. Elle n‟est ni plus vive, ni
moins vive. On trouve parmi eux bon nombre d‟esprits éveillés, qui se servent de leur intelligence
surtout pour « rouler » les âmes bonasses. Autour des riches pulullent ces « toublards » qui par
flatterie arrivent presque toujours à décrocher soit une vache, soit un peit poste de confiance. C‟est
la race « des baganda » qui en servant le chef, trouvent moyen de vivre au détriment du peuple.
L‟intelligence de ces « malins » subit souvent une éclipse au moment de la puberté et j usqu‟après
la lune de miel. Je n‟ai pas remarqué ici, ce que j‟ai vu ailleurs notamment chez les aluba, que les
jeunes filles ont souvent l‟esprit plus éveillé que les jeunes-hommes ; en pourrait même croire le
contraire à en juger par celles qui suivent l‟instruction religieuse.
Il est curieux de noter que nos Bashi sentent rarement le besoin d‟apprendre ce qui n‟est pas
conforme à la coutume. On ne trouve pas chez les enfants cette curiosité native qui leur fait
demander partout le comment et le pourquoi, et par-là ils se distinguent foncièrement des petits
européens.
Sont-ils aptes à apprendre ? La réponse doit êtere affirmative et les résultats obtenus dans nos
écoles en sont la preuve. Guidés par un bon maître ils apprennent sans peine non seulement à lire
et écrire, mais même tout ce que comporte le programme d‟une école primaire adaptée à leur
milieu. Mais une fois sortis de l‟école, bien peu trouvent le besoin d‟entretenir l‟acquis, encore
moins de le développer.

147/ OBSERVATION

Comme on l‟a vu par ce qui précède, nos noirs sont de bons observateurs, mais ce qui les frappe,
c‟est le côté sensible des choses. Quant au pourquoi et au comment, c‟est autre chose. En route ils
remarquent tout : une herbe froissée, une trace de bête ou d‟hommes, un caillou, une branche, une
flaque d‟eau, et c‟est ce qui leur donne cette facilité de retrouver la route en brousse, une fois qu‟ils
y ont passé. J‟ai déjà noté comment cet esprit d‟observation leur rend la mimique facile.
Les noms par lesquels ils désignent les européens avec qui ils sont en contact sont bien souvent
caractéristiques d‟un geste, d‟un fait, ou d‟une façon de travailleur des blancs dès leur arrivée dans
le pays, et ces noms ne sont pas toujours à l‟éloge de ceux qui en sont dotés, car si nos noirs
remarquent les qualités, ils voient surtout les défauts. Leur vocabulaire même témoigne de cet
esprit d‟observation. Il serait déplacé d‟en faire ici une nomenclature. Voici seulement deux ou
trois mots en titre d‟exemples. La pholite (pierre basaltique résonnate) se dit : ndundu, par
harmonie imitative ; le busalte pourri, qui est dûr en terre mais se décompose à l‟aire, se dit :
birhabuye (littér.pierre qui n‟est pas pierre) ; une autre roche qui s‟effrite à l‟air se dit
nshangabuye.
Chacun peut se rendre compte combien les mots traduisent souvent une des qualités de l‟objeet
qu‟ils représentent. L‟harmonie imitative, l‟onomatopée, joue un grand rôle en Mashi.
260

Quant à l‟observation des choses venues de pays civilisés, elle s‟arrête à une constatation
superficielle. Le premier étonnement passé, le noir se contente de dire : c‟est une affaire des blancs.
L‟idée ne lui viendra pas de demander comment il se fait qu‟une auto marche seule, comment un
avion tient l‟air, pourquoi une montre marque les heures, pourquoi l‟aiguille d‟une boussole
regarde toujours le Nord. Cela ne les intéresse pas. L‟ouvrier mécanicien lui-même monte et
démonte les pièces d‟une manière empirique, nullement raisonnée. Il fait comme il a vu faire le
blanc, et c‟est tout.

148/ RAISONNEMENT

Les Bashi ont une notion bien superficielle de l‟abstraction. Ils ont, il est vrai, le préfixe BU, qui
indique l‟abstraction des noms et qualificatifs, mais ils semblent s‟en tenir là. Le syllogisme n‟est
pas leur fort et leur raisonnement est très faible. Ils ont trop peur d‟un effort de l‟esprit, car sur ce
rapport ils sont d‟une incroyable paresse. Ils sont d‟un illogisme déconcertant. Toutefois, si par
raisonnement on entend ces comparaisons quasi matérielles, oh ! Alors, ils ne font que cela. Dans
leurs palabres, ils savent employer tout : exemples : énumération d‟arguments, voire de pures
subtilités. Ici assurément, la logique reçoit encore des accrocs, mais faites-y attention. Leur intérêt
leur donne le coup de pouce qui fait bifurquer. Ils sont d‟une extraordinaire habileté pour faire
dévier un raisonnement qu‟ils sentent les amener à qui a, à distraire du principal qui va contre eux
pour faire tomber la palabre sur des choses absolument accessoires. Là où leur raisonnement est
vraiment remarquable, c‟est au jeu de dames (muchuba). Les bons joueurs supportent parfois
plusieurs coups d‟avance la mise des jetons qui leur doit donner une bonne levée et en cela ils
ressemblent singulièrement à nos bons joueurs d‟échecs.

149/ PREVOYANCE

En général nos noirs n‟ont aucune prévoyance. Ils agissent sous l‟impulsion du moment, sans
songer aux conséquences possibles. Pour eux, plus peut-être que pour nous, « à chaque jour suffit
sa peine ». Ont-ils fait la récolte des haricots ou du sorgho, ils songeront à mettre une part dans le
grenier, mais rien que le « quod justum ». Quant à penser que peut-être la prochaine récolte peut
manquer, pourquoi s‟en préoccuper. Aussi se hâtent-ils de porter au marché tous les vivres dont ils
n‟ont pas un besoin urgent. C‟est tout juste s‟ils se réservent les semences pour les cultures à venir.
Heureusement qu‟il existe de nombreux marchés, sans quoi la famine se ferait très fréquemment
ressentir. A part les biens qu‟il faut pour se procurer une fiancée, et à part aussi, au moment de la
perception de l‟impôt, ce qu‟il faut apporter au gouvernement, le noir dépense au fur et à mesure ce
que son travail lui a procuré. Et avec cela, il est toujours en dette, à droite et à gauche.
Mangeons, buvons, et puis…on verra.
Aussi n‟ont-ils pas même l‟idée de mettre quelque chose en réserve pour les vieux jours : « après
moi le déluge ».

150/ PERCEPTION INTELLECTUELLE

Après ce qui a été dit depuis n° 143 au n° 149, il reste bien peu de choses à noter.
Un examen, même sommaire de leurs dictons et proverbes, prouve que « la sagesse des nations »
n‟est pas absente chez eux. Le bon sens s‟y fait jour d‟une façon remarquable. La structure
grammaticale de leur langue étonne tous les Européens qui se donnent la peine de l‟étudier.
L‟idée même qu‟ils se font de l‟âme humaine prouve le travail de leur intelligence. Sous ces divers
rapports ils sont loin d‟être de « purs sauvages ».
Le sens politique qu‟on remarque chez ceux qui détiennent l‟autorité est parfois si aiguisé qu‟ils
« roulent » même les meilleurs administrateurs territoriaux.
Celui qui leur donne l‟instruction religieuse est fort souvent frappé par les questions qu‟ils lui
posent et auxquels il n‟est pas toujours très facile de répondre sur le champ. Ils vont, il est vrai
261

souvent chercher midi à quatorze heures, mais il n‟en est pas moins vrai que lorsqu‟ils veulent
s‟efforcer de réflechir, ils arrivent parfois à des conclusions aussi justes qu‟inattendues.

=&&&&&&====== &&&&&&========= &


262

F/ VIE SOCIALE

A/ PROPRIETE, RELATIONS SOCIALES


151 à 161.

B/ REGIME ECONOMIQUE
162 à 165

C/ COUTUMES JURIDIQUES
166 à 170.

D/ ORGANISATION SOCIALE
171 à 175.

E/ ORGANISATION POLITIQUE
176 à 183.

F/ RELATIONS AVEC L‟EXTERIEUR


184 à 186.
263

A/ PROPRIETE, RELATIONS SOCIALES

151/ RELATIONS SOCIALES ET FAMILIALES EN GENERAL

Les relations entre les membres de la tribu et entre ceux du groupe familial comporte avant tout des
marques de politisse et aussi, par conséquent, des marques de mépris.
Leur politesse bien que fort différente de la nôtre, est réelle, et l‟on peut dire que les Bashi sont très
polis dans leur genre. Quiconque rencontre une personne connue et amie lui adresse le salut qui
convient à son rang. Par contre la grossièreté est fréquente, et ils savent à l‟occasion la manifester
bruyamment à l‟égard de ceux qu‟ils méprisent. Autant donc ils savent être polis, autant ils
savent exprimer leur mépris. Bien plus, l‟imprécation leur revient à chaque instant sur les lèvres,
tant ils sentent le besoin de faire croire qu‟ils disent vrai, étant donné que le mensonge est la règle
générale dans les relations sociales quotidiennes et que les paroles proférées sont sujetées à caution
en principe.

POLITESSE

- Recevoir le salut de quelqu‟un et ne pas lui répondre, est considéré comme un signe de mépris.
- Un inférieur bien élevé qui reçoit l‟annonce que son grand vient le voir et est tout proche, doit
aller au devant de lui pour le recevoir et envoyer devant lui quelqu‟un pour le saluer de sa part.
- Un chef va chez son fils marié, si celui-ci ne sort pas pour le recevoir, le chef n‟entre pas, parce
que l‟attitude de son fils prouve qu‟il est mécontent.
- Quand le chef mange et qu‟il admet des intimes, si l‟un d‟eux se permet de fumer sans
autorisation, le chef lui rappelle suite qu‟il est le maître.
- La fille grandelette d‟un personnage important, voyant arriver son père, se cache par respect, si
elle ne le faisait pas son père lui dirait : tu n‟as pas de respect pour moi, tu n‟en auras pas pour
ton mari.
- Quand un chef passe sur la route, l‟inférieur doit quitter le sentier.
- Le gendre est plein de respect pour son beau-père et surtout sa belle-mère.

Les formules les plus ordinaires de politesse sont :


Mpanyire omusingo waliha ou yagirwa.
Mpanyire omusingo muhanyi ou muciza w‟abantu.

Voici d‟ailleurs la manière de saluer dans les principales circonstances ; mais cette liste est bien
incomplète, car nos Bashi ont en réserve toute une kyrielle de salutations.
Quand on rencontre quelqu‟un en route, on le salue par les mots :
Asinge ou waliha musingo, musingo, les mots waliha, oli, waliha, waliha et yagirwa sont des
termes de politesse. Répondre à un supérieur sans y ajouter l‟un de ces mots est la marque d‟un
mal élevé.

Pour prendre congé de quelqu‟un (kusengaruka) on dit à un supérieur :


Nasengaruka waliha, le supérieur répond : Gokakwe. Dans le même cas le supérieur ou l‟égal
simplement : nagenda (je m‟en vais) ; l‟autre répond : gendaga bwinja ou gokakwe.
Si l‟on ajoute envers un supérieur au mot asinge, le mot shabuka (c‟est à dire maître) ou kanza, on
lui fait grand honneur. Un inférieur remercie souvent par ces mots : muciza wa abantu (guérisseur
ou sauveur des hommes). On entend dire parfois, après un service rendu : bufumu bw‟enda (c‟est à
dire le remède est au centre, dedans) cela veut dire, tu peux bien donner du remède, mais
Nyamuzinda seul guérit. (Explication de Nyangezi). Répondre à un salut : asinge sho, est un salut
de mérpis, sho est mis pour shosho, sorte de petit ver qui fait du bruit en passant sur les herbes. Sho
n‟est pas mis pour : ton père ou par ton père. Répondre ou saluer par asinge shakulu est le signe
que celui qui salue a perdu son père comme pour dire : Je te salue par mon grand-père qui est
264

mort, et toi aussi tu mourras (explication donnée par Nyangezi). Lorsque les gens réunis chez le
chef pour une palabre le saluent et que lui ne répond pas, on ne peut commencer le procès.

POLITESSE ENTRE EPOUX ET EPOUSE

Quand les époux sont chez eux, ils ne se saluent pas. Mais les femmes saluent leur mari après une
absence de quelques jours, elles disent : asinge n‟emwani ; salut maître de chez moi. Et le mari dit :
asinge. La femme reprend « emyanzi mici ? « Quelles nouvelles ? Et le mari de répondre : « ya
buholo » bonnes nouvelles.

ENTRE MERE, PERE ET ENFANTS

Lorsque la mère (nina) salue son enfant, elle dit : « asinge larhawa » salut mon père. Le père qui
salue son enfant dit simplement. « Asinge » sans rien ajouter. Cependant il ajoute parfois le nom de
l‟enfant quand il est encore petit. Quand un père a un fils marié qui vient le voir il ne salue pas son
fils lui-même, mais son petit-fils, en disant « asinge » en le nommant. Et son grand fils alors
répond à la place de l‟enfant en disant « mpanire omusingo waliha ».
L‟enfant qui salue son père ne dit pas « salut père », mais seulement « mpanyire omusingo » (je
demande le salut) et le père répond « asinge ». Quand ils se rencontrent sur le chemin le fils dit
« asinge » ou bien ils se parlent (baderhesanya) seulement. Quand l‟enfant rencontre son père assis
avec d‟autres hommes, il ne le salue pas à part mais donne le salut comme « muhire omusingo »
(je vous donne le salut) et eux de répondre « asinge ».

LE PACTE DE SANG est contracté, surtout à propos d‟une vache donnée, tandis que chez d‟autres
peuples voisins il est tout âge, même entre des garçons encore jeunes mais de clans différents. Le
but en est alors de se faire partout des « entrées libres », lors d‟une visite et aussi de satistaire à ce
besoin d‟aimer inhérent à la nature humaine, qui se trouve en germe même chez les populations
païennes.
L‟AMI s‟appelle encore « omurhonyi » et le verbe « kurhonya » traduit le « diligere » latin. Le
simple « amare » aimer, se rend par « kuzigira ou kusima » et l‟amitié intime « boezemvriend) par
« umunywenyi » celui avec lequel on a contracté l‟alliance ou le pact de sang.
Les BARHONYI sont souvent des amis de même clan, avec lesquels on ne peut pas contracter
l‟alliance du sang. Chez les Bashi, l‟ami de sang ou l‟ami tout court, lors de sa visite est embrassé
(kuhobirana). Chacun passe les deux bras autour du cou de l‟autre. On se salue du salut familier
« asinge wayaga », et l‟autre répond : « asinge ». Ensuite, on fait entrer le visiteur, on lui donne à
manger et à boire de la bière, puis on se met à raconter et à causer.

SALUT DES GRANDS


Le Mwami Nabushi. On salue le Mwami qui reste assis sur sa chaise, en se mettant à genoux
devant lui et en frappant des mains sans rien dire (ashurh‟omu nfune kwonene, kwo Mwami
alamusibwa acihulikire). Ceci est pour le Mwami de droit, et non pas pour Ngweshe qui n‟est que
Mwami de fait. Le Mwami de son côté ne dit rien. S‟il lui disait « asinge » cet individu mourrait
sur l‟heure.

Le NAKUNO ou NAHANO. La politesse veut qu‟on le salue par intermédiaire. Un homme vient-il
à rencontrer un chef ou sous-chef en chemin, il dira à l‟un de ses suivants : « ogumpanyire nani »
« rapporte lui mon salut), et le suivant dira au chef « ahanyire omusingo » (cet homme te salue).
Le chef répondra « omulamuse » (salue-le), et le suivant rapporte le salut à l‟intéressé : « asinge ».
Quant les indigènes rencontrent un père en chemin, ils emploient le salut indirect, par respect, bien
que le père ne salue pas par l‟intermédiaire de son boy ou compagnon. Ils l‟emploient même quand
le père est seul. A la place de « waliha », ils disent « Mwami ou Nakuno ». Actuellement les noirs
qui connaissent le père, disent tout simplement « asinge Padri » ou « namalamusa Padri »
265

A UNE VISITE. Un indigène qui va rendre visite à un autre a certaines cérémonies à observer,
exigées par la politesse des Bashi. En arrivant devant l‟enceinte, il commence à tousser (anaje
agohola) pour signaler sa présence, car il ne peut arriver en secret (bufunda-funda). Il reste dehors
ou dans une haute voisine (muhanda) ou dans le ngombe, grande hutte de l‟encêtre en dehors de
l‟enceinte. Il se contente de saluer « ndi ogumpanyire », qui présente pour moi les salutations.
Quand on lui dit d‟entrer, il entre, sinon il doit rester dehors. Quand il est entré et quand on lui
donne de la bière, il doit recevoir le récipient à deux mains, et éviter de cracher (okukaya). Quand
il a bu de la bière avec le chalumeau (musiho) il doit d‟abord l‟essuyer (ahorhola) avant de le
passer à un autre.

IMPRECATIONS ET INJURES

Si les Bashi sont habiles à trouver des mots flateurs, des louanges, des compliments pour les
personnages dont ils ont à se ménager les faveurs, ils sont non moins habiles dans le sens opposé.
Si leur répertoire d‟insulte, d‟imprécations est si riche, c‟est qu‟ils les ont souvent à la bouche. Et
de fait, il n‟est pas une conversation animée qui n‟en apporte l‟echo ; et les disputes, c‟est le grand
jeu largement ouvert des orgues putrides de l‟insulte, de l‟imprécation et le serment. Il ne peut être
question ici d‟en donner la nomenclature complète, il y faudrait un volume, d‟ailleurs la plupart
sont de nature à blesser les oreilles pudiques. Mais puisqu‟il est quasi nécessaire, à qui est changé
d‟âmes, d‟en avoir une idée j‟en transcris ici quelques spécimens pris parmi les moins crus.

Les hommes disent :


- Okatwa mukage amabare anagalye
Qu’on coupe les mamelles à ta femme et qu’elle les mange

- Okaba buligo
Qu’il t’arrive le malheur

Okafa nshuzo, okafa embula kanyere


Que tu meurs sans enfant mâle et sans fille

Okafa okalirwa olu ntondo


Que tu meurs et sois dévoré sur la montagne

Okafa nka mugula ya kabwa fa burhahir‟omugozi ecibunu


Que tu meurs comme un pauvre chien qui n’a pas même une corde autour des reins

Okafa akano erhi bulema, erhi rusoro erhi ehibangu


Que tu meurs des plaies à la jambe ou au pied, ou d’une balle de fusil ou de petite vérole

Okafa nshuzo mwe na sho


Que tu meurs sans enfants mâles, toi et ton père

Okalwala enciramwake
Que tu sois malade à chaque retour des hérons (ici toujours)

Sho akacifinja omu kanyagira gwa luve


Quand ton père ait la démarche du caméléon (lente)

Isho akania arhunania ayirhe ensusi miru


266

Quand ton père va à la garde robe, qu’il ne réussisse pas, et désappointe ainsi les fourmis (qui
attendent leur repas)

Okaja okuboko e mulonge


Que ton bras soit au bambou (aux atelles qu’on lie à une foulure de bras pour le remettre)

Okatwika okugulu
Puisses-tu te casser la jambe

Okagana okazima, okaduduka erhi akarhumba budufu


Que tu sois perdu, que tu périsses, que tu meurs la nuit subitement.

Okarhindibuka, okalibuka
Que tu aies des déboires, des misères

Okashahulwa okanonongalwa
Que tu sois mutilé (fait eunuque)

Okashanwa omu bukere bwa mushadu


Qu’on t’enveloppe bientôt d’herbes à couvrir (que tu meurs bientôt).

Okashenyura n‟enkuba
Que tu meurs foudroyé

Les femmes ont leurs imprecations speciales :

Okagenda emikono nk‟ihanzi


Que tu sois attaché aux bracelets du bras comme une sauterelle (les femmes ramassent les
sauterelles et les emmagasinent dans leurs bracelets du bras, elles n’en sentent pas le poids c’est
à dire que tu sois compté pour rien).

Okabwira na walinga
Que tu reçoives de mauvaises nouvelles

Okafa enkumbi emuyuse erhi ecijabula


Que tu meurs rongé par la syphilis

Okarhanga anazinde
Qu’on te refuse l’héritage paternel à cause de folie

Okanenerwa oku murhali kwa na bandi basimirwa.


Quand tu es au lit (sur l’oreiller) que ton mari te repousse à cause de ta mauvaise odeur et que
d’autres soient préférés à toi.

Okanshombekala
Que tu sois supplantée par les autres femmes de ton mari

Okafa omushunzi erhi karhanda


Que tu meurs de dysenterie ou de lupus

Mbobona ishenyera ou bien omuzinda, omugobe, ifululira


267

Que tu meurs le jour de… ishenyera, omuzinda…une femme emploie cette imprécation en
disignant tel jour de la semaine si elle avait perdu un enfant ce jour là.
Ce genre d‟imprécation est aussi un serment.

UN PERE OU UNE MERE LANCE PARFOIS DES IMPRECATIONS CONTRE SON ENFANT
- Okahindagala
Que tu tombes et te blesses

Okafa ecibanga erhi bushirha


Que tu meurs de la petite vérole, de la rougeole

Okafa amarhama aha nguli


Que tes joues florissantes de santé aillent près du grenier (dans le tombeau) c‟est à dire que tu
meurs.

Okarhuma erhi oduduka


Que tu meurs de mort subite

Okabona olusiku lubi


Que tu trouves un jour mauvais

SERMENTS

Les Bashi ne jurent pas sur le Créateur Nyamuzinda, sans doute par indifférence ou par respect
instinctif. Ils jurent le plus souvent de la sorte : mbofa Lyangombe ou ses synonymes mbofa
ibango, mbofa kunu, mbofa Muhima ou Binego, ou Nabinji ou Namukumba, ou quelque autre
esprit du groupe Lyangombe. Que je meure par eux, si je mens. La punition du parjure est, dit-on,
la dysenterie (kulumwa omu nda). Aussi ont-ils honte de cette maladie, parce que tout le monde
dit alors, il a parjuré par les esprits. Quand quelqu‟un est pris de dysenterie, on lui demande : as-tu
juré par Lyangombe ? Et à sa réponse affirmative, on dit : Lyangombe amulwazize (l‟a rendu
malade) et on va chercher des remèdes pour conjurer. On jure encore par le tombeau d‟un membre
de la famille.
- Mboja ecirhwa lebe
Que j‟aille où repose un tel, si je mens. Comme on l‟a enterré souvent près de la porte de la hutte(
aha luso), la femme jure par le bananier le plus proche de la tombe.
Mboja aha nsina = que j‟aille près du bananier, si je mens.

Si on l‟a enterré près du grenier à vivres, la femme dit :


Mboja aha nguli ahizire lebe
Si je mens, que j‟aille près du grenier ou repose un tel.

Quand un membre de la famille est mort de la maladie appelée « enzirondo » (empoisonnement par
suite d‟avoir mangé de la viande d‟une vache malade) elle dira :
Mbofa enzirondo.
Que je meurs de cette maladie, si je mens

Si quelqu‟un lui demande de la nourriture, elle affirme par serment imprécatoire qu‟elle n‟en a pas
en disant : Ecishuba enzirondo = que ma nourriture se change en nourriture mortelle, s‟il est vrai
que j‟ai de la nourriture.

Quand une femme a un fils mort de la lance dans le combat ou dans une querelle elle dira :
Mbofa itumu = que je meurs par la lance, si je mens
268

Quand elle a un enfant emporté par l‟eau d‟une rivière, elle dira :
Mbofa olwishi = que je meurs par l‟eau d‟une rivière, si je mens

Avoir des relations criminelles avec la femme de son fils aîné ou avec sa fille doit régulièrement
être puni de mort. Ils en ont une horreur instinctive. Aussi, pour certifier la véracité de leurs dires,
les hommes feront-ils les imprécations suivantes :
Mbo hinduka n‟omu mwirhu = que je couche avec la femme de mon fils, si je mens
Mbo hinduka mwali wani = que je couche avec ma belle mère ou sa mère

Dans le même sens, les femmes disent :


Mbo hinduka larhazala = que je couche avec mon beau-père.

SERMENTS SUR LE CHEF REGNANT


Quand on accuse un homme qu‟il a fait quelque chose, il nie en jurant :
Mbo tumirha Nawirhu : que je transperce notre chef (ce que je ne pourrais faire).

Mbo alyaluka Nawirhu : que je regarde comme traitre mon chef.

Mbo loga Nawirhu : que j‟ensorcelle notre chef.

Mbo twa engolo : que je coupe le bracelet d‟ivoire du chef.

PROPRIETE DES BIENS FAMILIAUX

Tout ce qui regarde la propriété des biens familliaux a été traité aux n°s 87 et 91.

152/ BIENS IMMOBILIERS

Voir également les n°s 87 et 91

153/ NATURE DE LA PROPRIETE

Ce qui a trait à la nature de la propriété familiale a été vu aux n°s 87 et 91.


Quant à la propriété collective, on en parlera tout au long au n° 177.

154/ LIMITES DES PROPRIETES

Le mot « propriété » quand il est question des terres, est inexact. La terre occupée par la tribu est
propriété collective, dont la gestion revient de droit au chef suprême. En ce sens on peut dire que
les limites sont celles de cette terre occupée et elles sont défendues avec achernement contre toute
tentative d‟occupation étrangère. Je me mets ici au seul point de vue indigène, sans songer à
l‟occupation par le Gouvernement belge, car ici je souléverais la grave question des droits des
colonisateurs. D‟ailleurs le gouvernement lui-même reconnaît aux Bashi leur droit sur les terres
occupées effectivement par eux, puisque aucun étranger n‟obtient de lui un droit d‟occupation ou
de mise en valeur d‟un terrain quelconque sans procès préalable de vacance de ce terrain et
l‟autorisation du chef du pays. Que si l‟on parle des terres occupées effectivement par les
différentes familles, on doit attribuer à cette occupation le nom d‟USUFRUIT, et elle se rapporte
uniquement aux terres mises en culture. Quiconque met en valeur un lopin de terre avec
l‟autorisation du chef ou du sous-chef délégué, a un droit exclusif sur ce terrain pour tout le temps
qu‟il l‟occupe. Celui qui voudrait y cultiver sans l‟agrément de l‟occupant, serait en faute, et aurait
269

tort au tribunal du chef, et celui qui a défriché et ensemencé le sol, est seul à pouvoir faire la
récolte ; même les terres laissées privisoirement en friches revienent au défricheur.
On ne met pas de bornes aux cultures, si ce n‟est pour éviter que les passants ou le bétail ne
viennent les détériorer. Si la famille porte ailleurs ses pénates c‟est-à-dire, quitte la tribu, ses
champs restent à la disposition du chef, qui les donne à qui bon lui semble. Le chef n‟intervient
pas dans la distribution des terres en général. Mais il y a des coins spécialement convoités, et alors
le chef détermine chaque année, à chaque famille, le lopin désiré.
Tout ceci s‟applique aux cultures proprement dites. Quant aux bananeries, le chef peut, si cela lui
plait, les reprendre à celui qui les a plantées, pour les donner à un autre. C‟est ainsi qu‟en 1916
Nyangezi ordonna aux gens de village de Mulende, d‟aller refaire un nouveau village et de
nouvelles bananeries à Munya, et distribua à d‟autres celles qui avaient été plantées. Le chef peut
aussi décréter que telle ou telle colline ne sera plus cultivée et servira désormais de patures pour le
bétail.

155/ ORIGINE DE LA PROPRIETE

L‟origine de la propriété est celle même de l‟occupation du pays, par les chefs actuellement
régnants, Kabare et Ngweshe ; c‟est-à-dire par le clan des banyamwoca.
Jadis le Bushi était régi par les chefs supplantés lors de l‟invasion des Banyamwoca. Ces chefs
eux-mêmes avaient occupé les terres qui primitivement appartenaient aux batwa. C‟est ce qui
ressort clairement de la cérémonie annuelle d‟investiture durant laquelle un descendant authentique
des anciens occupants transmettent au chef actuel leur ancien droit sur les terres (voir n° 176).
Il serait peut-être plus exact de dire qu‟ils lui renouvellement le droit de gérer la propriété
collective, car au fond le terrain appartient à la tribu c‟est à dire aux clans qui sont dans le pays,
étant donné que le vrai propriétaire foncier du sol, c‟est la tribu. Et la tribu des Bashi, c‟est
l‟ensemble de toutes les familles parlant le Mashi et actuellement en résidence au Bushi, c‟est le
peuple Mushi. Le chef distribue les terres, non pas en tant que propriétaire, mais en tant que
paterfamilias de la tribu, et pour éviter les contestations et les luttes. Et cela est tellement vrai que
le chef qui voudrait pour son profit personnel aliéner une partie du pays serait désapprouvé par tout
son peuple et aurait bien de la peine à rester chef.

156/ DOMAINE PUBLIC

La question a été traité dans les n°s qui précédent. Mais existe-t-il un domaine autre que les
autres ? Oui, on peut dire que le gros bétail est du domaine de tous les Bashi. On en parlera plus
long au n° 172. On peut aussi considérer comme domaine public les forêts, les arbrisseaux qui
poussent spontanément, les marais et autres coins de terre couverts de papyrus, de roseaux et
d‟herbes à couvrir les huttes. Les indigènes peuvent y faire à volonté la coupe des bois dont ils
ont besoin ou qu‟ils désirent vendre, la coupe des roseaux, des herbes etc.Ils peuvent aussi
extraire du sol d‟argile ou autres matériaux nécessaires à la confection de la poterie. Ils
pourraient tout aussi bien en extraire le minerai de fer s‟il y en avait, et la pierre à chaux qu‟ils
désireraient vendre aux blancs, pour tout cela il ne faut pas recourir au chef. Mais il n‟existe pas
nulle part des terres qui soient exploitées par les membres de la communauté en commun, et dont
les revenus seraient partagés au prorata du travail fourni. Sans doute, assez fréquemment plusieurs
familles se mettent d‟accord pour cultiver un champ, mais c‟est aussi que la parente se mette
ensemble pour cultiver un coin de terre, et se partage le produit, mais c‟est là une exception et le
témoignage de bonne entente.

157/ LOCATION

La location des terres est fréquente. Un père de famille possède un terrain par lui défriché qu‟il ne
désire pas employer pour le moment. Si quelqu‟un désire y cultive, il se met d‟accord avec ce
270

paterfamilias, et paie généralement comme redevance un panier du produit récolté sur un champ
ordinaire de trois à quatre ares. On loue parfois aussi sa bananerie, et alors le locataire paie par une
cruche de biière à chaque fois qu‟il en fabrique 5 à 6 cruches.
Le prix de la location se dit « irhulo » (dime).

158-159/ USUFRUIT

La servitude personnelle, le droit d‟usage, les servitudes foncières ont été indiqués c i-devant
depuis 151 à 157. Le droit de chasse, de pêche, d‟abattage d‟arbres et de cueillette des fruits
spontanés, tels que les fruits du mugweshe, mushahi et ricin dont on extrait de l‟huile, et la coupe
du chiroge et autres arbres dont on fait le charbon de bois, ce droit et reconnu à tout membre de la
tribu, sans aucune formalité préalable.

160/ OBJETS TROUVES

Personne ne peut se déclarer propriétaire d‟un objet trouvé. Celui qui l‟a perdu peut toujours le
reclamer. Mais en fait, l‟indigène ne se mettra guère en peine pour retrouver le propriétaire. La
trouvaille est pour lui une bonne aubaine, qu‟il dissimulera le plus souvent et déformera même
pour la rendre méconnaissable. Si le propriétaire porterait plainte au tribunal du chef, il obtiendrait
généralement gain de cause et le détenteur devrait lui rendre l‟objet. Le cas est assez fréquent avec
le gros et le petit bétail. Celui qui a trouvé l‟objet n‟a droit à aucune récompense, mais il va sans
dire qu‟en rendant l‟objet spontanément, le propriétaire se montrerait mauvais coucheur en ne lui
donnant pas même un peu de bière.

161/ SUCCESSION

La SUCCESSION est le droit que possède l‟héritier légitime de prendre avec le nom, tous les
droits du défunt. Il est censé continuer ici bas sa personnalité. L‟héritier légitime est avant tout le
fils aîné. A son défaut ce droit revient au frère cadet. A défaut de progéniture masculine, le titre
d‟héritier passera au défunt à son propre frère aîné, et s‟il est mort, à son fère cadet, ou même le cas
échéant, au fils aîné de l‟un ou de l‟autre. S‟il n‟y avait ni fils, ni frère, les biens retourneraient à la
communauté c‟est-à-dire pratiquement au chef, gérant de droit ; et parmi ces biens seraient
compris les filles laissées par le défunt cfr n°82. Au successeur reviennent tous les biens, huttes,
gros eet petit bétail, bananeries, cultures, vivres et argent, quitte à lui d‟en donner une part à ses
frères , s‟il le juge opportun.
Ce partage comprend notamment les épouses, cfr.n° 82. Si le frère de son père (oncle paternel,
mwishe) meurt ne laissant que des filles et des garçons en bas âge, il hérite des femmes, enfants,
s‟ils sont vraiment petits et que leur mère fût morte, il les confierait à leur tante paternelle
(nashenge) jusqu‟à ce qu‟ils puissent se débrouiller tout seul.
Du côté de l‟oncle maternel (nalume) rien ne lui revient (n°82).

SUCCESSION APRES LA MORT D’UNE PERE DE FAMILLE

Lorsque le deuil est fini, on va installer l‟aîné à la place de son père. On appelle trois hommes
âgés de la famille et cinq enfants. Tous les enfants du défunt arrivent. Les trois vieux remettent à
l‟aîné (nfula) les bracelets de son père, comme signe de succession (kuyimika) et lui remettent
aussi toutes les vaches laissées par lui. Pour cette cérémonie on est assis sur une natte en jonc
(ecishiro) devant l‟enceinte, mais auparavant on a fait sortir toutes les choses de la maison. Si le
défunt laisse plusieurs vaches, l‟héritier en donne une à son cadet ; le plus souvent les autres
enfants n‟ont rien. Par dérision on dit qu‟on va leur donner du feu. Parmi les femmes de son père,
en dehors de sa mère, l‟héritier prendra pour femme celle ou celles qui n‟ont pas eu d‟enfants de
271

son père et parmi les autres celles qui ont enfanté deux fois, mais dont les enfants sont morts, celle
qui a engendré trois ou quatre fois est considéré comme sa mère (voir n° 82).

SUCCESSION APRES LA MORT DU CHEF (LE NAHANO)

Le jour où le fils-aîné est mis sur le trône de son père, chaque chef de famille un peu riche apporte
une ou deux vaches comme cadeau de joyeuse entrée. Le nouveau chef donne à son cadet 2 à 5
vaches. Aux autres fils il promet une femme de son père défunt. Lui-même ne prend parmi les
femmes de son père que les toutes jeunes.

A LA MORT DE NDAGANO, héritier présomptif du chef Nyangezi.


Ndagano, successeur de Nyangezi, meurt sans enfant en août 1919. Il n‟a qu‟une femme
Mwamutalimba, qu‟il a acquise pour trente vaches. Celle-ci ne peut se remarier. Elle passe de droit
à celui qui sera désigné comme successeur de Ndagano, c‟est à dire l‟un de ses frères. Ce choix se
fera donc uniquement parmi les garçons de Nyangezi. Les pères de famille importants vont au
burhwali, disent celui qu‟ils préfèrent. Leur vœu est soumis à Ngweshe, qui consulte des grands,
puis à sa mère, Mwamikazi. Alors tous trois : Ngweshe, Mwamikazi, Nyangezi s‟entendent sur le
choix définitif. L‟élu doit aller chez Nyangezi jusqu‟après son mariage. Les autres fils reçoivent
ensuite leurs collines, l‟élu ne reçoit rien. Si l‟élu était encore trop jeune, pour se marier, l‟épouse
du défunt attendrait qu‟il soit grand et devienrait plus tard sa première femme.
Mais ! On découvre un fils adultérin de Ndagano. Il a quatre mois. Tous le reconnaissent comme
successeur sauf Ngweshe, Mwamikazi et Nyangezi. Ils attendent d‟abord pour voir ce qu‟il sera.
S‟il se montre incapable, il sera écarté, et on choisira parmi les autres frères, ou peut-être parmi les
fils à naître encore, car le bruit court qu‟il a laissé chez Ngweshe deux femmes enceintes de lui
par adultère.
En tout cas l‟épouse du défunt doit attendre que cet enfant de quatre mois soit apte au mairage.
Elle ne pourrait faire autrement, car son père ne pourrait ou ne voudrait restituer les 30 vaches de
dot. Si le successeur devenu grand, ne voulait pas d‟elle, elle pourrait être prise par un frère de
Ndgano, s‟il refuse lui aussi, elle devrait chercher à se marier à un frère ou un fils de Ngweshe. Si
celui-ci encore n‟en veut pas, on s‟entend en conseil de famille à qui la donner. Mais en tout
cas Nyangezi doit donner son consentement à ce nouveau mariage.

SUCCESSION APRES LA MORT DU MWAMI (cf. n° 177 : SUCCESSION DU MWAMI)

Lorsque le gardien du tombeau du chef, le Naluvumbu prétend avoir vu le léopard dépositaire du


muzimu du défunt, il envoie un homme quelconque dire le fait au successeur du chef, et aussitôt on
peut procéder à son intronisation. Le nouveau chef convoque donc ses grands (bagula) dont le
principal est, chez Kabare, Nakabanda. Quand tous sont présents, le nouveau chef s‟assied sur le
piège de son père défunt, à l‟intérieur de la hutte du mwami. Nakabanda lui met aux bras les
bracelets du défunt, lui remet tous les objets qu‟il a laissés en les citant les uns après les autres,
puis il dit : orhakazishomba abantu bawe lyoba mwami ; orhakajinyika bwenene, orhakajira
obwengwa (ne méprise pas tes hommes, ce sont ceux du du roi, ne sois pas trop avare et ne te
montres pas jaloux des autres). Après quoi on apporte les cruches de bière, on danse pendant deux
ou trois jours. Chaque indigène, père de famille, lui offre un peu de farine que la femme du
nouveau chef cuira avec l‟aide des autres femmes, et il y a repas commun. Nakabanda et payé de
deux vaches et reçoit un autre bout de terrain avec les gens qui l‟habitent. Ce Nakabanda porte le
titre de Mushoho, titre qui est transmis de père en fils. Le nouveau chef alors peut tout de suite
commander, il est vrai chef.
Mais en réalité la direction du pays appartient à sa mère, la mwamikazi, puisqu‟il ne fera rien
d‟important sans la consulter. Celle-ci désormais ne peut pas se remarier, parce qu‟elle a engendré
le mwami. Elle a cependant un ntazi à son service (76).
272

Un mwami ne peut, dit-on, manquer d‟héritier, Nyamuzinda veille à ce que le mwami ait toujours
un successeur.

TOUCHANT LA SUCCESSION DE KABARE (RUTAGANDA) DECEDE EN JANVIER


1919

Ce qui suit est de l‟histoire ancienne en 1937, mais il est intéressant de connaître ces détails.
Byaterana, le père de Kabare Rutaganda, avait eu par extraordinaire deux fils « Nkebe » c‟est-à-
dire deux fils nés avec les marques donnant droit à la succession. Ce furent Nabugi et Rutaganda.
Nabugi était le principal, il aurait dû être préféré à Rutaganda, mais il fut exclu et chassé du
pays ; il s‟enfuit chez Nyaluhwinja. Ayant appris la mort de son frère, il revient au pays, espérant
succéder. Mais le pays n‟était pas d‟avis, à cause des difficultés que cela allait entrainer, et peut-
être des vangeances à craindre. Les grands s‟emparèrent de lui. Cilawa, qui est le premieer après
Kabare, le fit lier et on répète partout à voix basse, qu‟il le fit tuer.
Le successeur de Rutaganda était son fils « Nkebe » le nommé Namuherika ou Nyamuhikwa, fils
que Kabare eut de Mwanyangezi, femme de Cilwa, donc fils adultérin, mais cet enfant mourut un
peu avant son père. Lui restent deux autres fils : Murheza, l‟aîné (âgé de 12 ans (en 1919) et
Rugemeninzi, un peu plus jeune. Aucun des deux n‟est Nkebe, n‟a donc droit à la succession.
Avant de mourir, Kabare appella Ciruza seul, au lieu d‟appeler comme il l‟aurait dû de par la
coutume, Cilawa, Cirhuza et Kakira, ses principaux Banahano. Il dit à Ciruza : « natwirwa
maboko, natwirwa irhwe » en fisant le signe qu‟on lui coupe les bras et la tête, ce qui signifie : je
meurs sans successeur Nkebe. Puis il lui désigna le nom de celui qu‟il choisit comme successeur.
Ciruza est donc actuellement seul à le connaître (1919). Mais ayant été écarté du conseil des grands
sous prétexte d‟avoir lié les bras d‟une femme (ce qui est un muziru) il refuse de dévoiler son
secret. On ne le saura peut-être pas avant 1 an, d‟après Kahanzi, ami intime de Ciruza.
La province régie par Chilawa revient de droit à Murheza, fils-aîné de Kabare. D‟après la
coutume, Ciliwa doit être chassé de Cilawa, Mbala-mbalagizi et Murheza installé à sa place. A la
mort de Chilawa, Mbalagizi peut revenir au pays ; il seera accepté comme sous-chef de Murheza et
recevra une colline. Chilawa a obtenu sa province d‟après cette même coutume.

SUCCESSION D’UN HOMME QUI MEURT NSHUZO (SANS HERITIER)


cf. n°s 100 et 177 (ORPHELINS, VEUVES)

B/ REGIME ECONOMIQUE

162/ COMMERCE

Industrie étant assez rudimentaire, les produits fabriqués dans le pays peuvent à peine suffire
pour les besoins de la population. C‟est dire qu‟il y a fort peu de commerçants qui font de
l‟exportation dans les tribus environnantes. Tout ce qui se fabrique, comme aussi le produit des
cultures, se vend sur les marchés à l‟intérieur du Bushi.

LES MARCHES sont répandues un peu partout. Ils se tiennent en plein air chaqque cinq jours. Ils
battent leur plein entre 10 et 14 heures. On peut dire que chaque jour il y a marché sur l‟un ou
l‟autre point du pays. En général les lieux affectés aux marchés sont, soit le sommet d‟une colline,
soit une vallée plus ou moins centrale par rapport aux villages. Les vendeurs y amènent leurs
marchandises parfois l‟assez loin. On y voit même des étrangers venus des contrées avoisinantes.
Les marchés sont plus ou moins importants. A tel marché, on voit seulement quelques centaines de
personnes, à tel autre ils sont habituellement plus de 5000. Les marchés ont le grand avantage
d‟obvier à la famine. En effet, les cultures se trouvent étagées sur des altitudes fort diverses, allant
de 1500 à 2500 m. Si les cultures ratent dans un coin du pays, le plus souvent elles réussissent
ailleurs, en sorte qu‟on peut le plus souvent se procurer à un marché éloigné, ce qui manque au
273

marché de voisinage. Sur les marchés on trouve toujours partout, du bétail, de la bière, on y
amène : des pots, des cruches, des houes, sorgho et patates douces, manioc, éléusine, sel, de la
viande, des bêtes abattues sur place, etc.
Actuellement on y vend aussi des étoffes et autres articles d‟Europe. Jadis ont faisait surtout du
troc, c‟est-à-dire des marchandises ou bien encore on payait avec des colliers de perles rouges
(magerha).
A présent on paie surtout en monnaie. Bien des marchandises y viennent de l‟extérieur, des
peuplades voisines. Du sud on vient vendre des houes et du sel pour les vaches. Du Rwanda
viennent surtout du gros et du petit bétail. En principe, toute marchandise qui vient dans le
territoire paie un Droit d‟entrée. Exception est faite pour toute marchandise qui est troquée
directement au marché, parce qu‟on suppose que ceux qui troquent là viennent pour avoir de quoi
manger. Ainsi les Banyarwanda qui viennent troquer du bétail au marché de Nyangezi, ne paient
qu‟au passeur de la rivière, soit : un collier par tête. Mais un commerçant qui est allé avec des
houes, des bracelets d‟herbes ou autre chose, acheter du bétail au Rwanda, paie à son retour une
tête environ sur vingt ou l‟équivalent au chef ; ua passeur un collier par tête de petit bétail, une
houe par tête de gros bétail. De plus, il paie deux colliers par vache ou taureau au douanier. Le
petit commerçant qui revient au pays avec une chèvre ou un mouton, paie au chef un pot de bière.
En pratique, toutefois ce droit d‟entrée tombe en désuétude depuis que les communications sont
devenues faciles. Indépendamment du droit d‟entrée, il y a encore le paiment de la dime. Le chef
se contente d‟envoyer percevoir une légère dime chez les vendeurs. Je dis les vendeurs, car les
acheteurs ne doivent rien donner. Voici à peu près le montant de la dime : pour un panier de
haricots, on paie une petite mesure de haricots ; pour une chèvre un collier de perles ; pour une
vache stériele deux ou trois colliers ; le vendeur de toute autre marchandise, paie une petite part de
ce qu‟il vend.
Le percepteur de la dime, le MUHOZA, est envoyé par le chef, il se fait aider par des parents ou
des amis. Le tout est réuni et porté chez le chef dès qu‟il y a une certaine quantité de marchandises
ou de colliers de perles. Le chef récompense le muhoza.

La Douane existait jadis. Un douanieer était chargé de surveiller la frontière. Il était payé pour
chaque article important. Sur toute introduction de gros bétail, il réclamait deux colliers par vache.
Depuis quelques années, la douane est supprimée (1937).
Les fraudeurs surpris ont leurs marchandises confisquées, ils ne peuvent les recevoir en retour
qu‟en payant au chef deux chèvres ou moutons. Ce qui précède s‟applique à l‟époque d‟avant
1914, car depuis que l‟administration s‟est implantée dans le pays, l‟impot sur les produits vendus
rentre dans la caisse de secteur et ce qui jadis se payait en colliers, se paie à présent en monnaie
sonnante.

163/ MONNAIES, MESURES, POIDS

Autrefois, c‟est-à-dire jusque vers 1920, la monnaie européénne n‟avait pas court au Bushi.
Anciennement les marchandises étaient simplement troquées contre d‟autre équivalentes, puis
furent introduites des perles faites de petites rondelles de nacre enfilées sur une corde. Plus tard,
on eut des petites perles rouges, dont on fit des colliers de dimensions plus ou moins grandes et qui
devinrent elles aussi monnaie d‟échange. Les dimensions des colliers rouges employées sur les
marchés de Ngweshe étaient différentes de celles usitées chez Kabare et à Katana. A tel marché,
on employait des colliers allant du pouce au coude, à tel autre ils allaient du pouce au milieu du
biceps ou même jusqu‟à l‟épaule. Dès qu‟on dut payer l‟impôt avec des francs, on se met à
échanger les colliers, du pouce au coude, pour un franc. Depuis 1930 la monnaie sert presque
exclusivement aux achats. Il n‟y a pas de mesures ou de poids fixes, tel que litre ou kilo. On vend
soit au panier (lurhanda) entier, soit au panier minuscule. Les liquides tels que l‟huile de mashahi,
magwerhe et ricin sont mesurés dans une petite courge de la valeur d‟un petit bol. Le sel se vend
par petit tas ou par mesure d‟un petit bol.
274

En somme il n‟y a rien de fixe et le vendeur s‟arrange pour le mieux. De poids proprement dits et
de balance, il n‟est pas question.

164/ VOIES DE COMMUNICATION

Avant l‟occupation effective des Blancs, c‟est à dire avant 1915, toutes les voies de communication
étaient de simples petits sentiers, parfois un peu élargis, serpentant à travers la brousse. De routes
larges et débrousses, il n‟en était pas question. Des sentiers unissaient entre-eux les groupes de
maisons, la résidence du grand-chef lui-même n‟avait pas d‟autres accès. Il arrivait cependant que
les habitants débroussaient en commun et élargissaient légèrement le sentier conduisant à la
fontaine. On débroussait aussi un bout de chemin de 50 à 100 mètres devant l‟enclos habité par un
chef ou un notable. Dès l‟arrivée des européens, on se mit à créer des pistes larges de 2 mètres
environ allant d‟une résidence à l‟autre, et de l‟une de ces pistes vers l‟enclos du chef on élargit un
peu le sentier de liaison sans se préoccuper de la ligne droite. Petit à petit, sous la direction de
l‟Administration, on augmente les pistes, on en vint même à faire des routes bien alignées et larges
pour la circulation des automobiles. Il est inutile d‟entrer ici dans le détail. Les Bashi, tout en
répugnant à la corvée que de telles routes imposent, semblent en apprécier les avantages, aussi on
se déplace bien plus qu‟autrefois.
Inutile encore de dire que nos montagnards prendront, quand ils existent, les raccourcis à travers la
brousse, sans se préoccuper s‟ils passent par-dessus les sommets ou descendent dans les vallées,
quitte à patauger dans la boue des marais.

165/ INDUSTRIE

Ce qui a trait à l‟industrie a été vu plus haut (n° 49 à 63). Il n‟y a pas d‟industrie proprement dite
dans des ateliers-familiaux ou familiaux, où travaillerait un directeur-proproétaire avec des espèces
d‟ouvriers, et dont les produits seraient vendus par la voie du commerce. Donc pas la moindre trace
de l‟organisation capitaliste. Le noir est individualiste. Il considère toute association en vue du
travail comme une atteinte à la liberté individuelle et toute sujétion comme un esclavage. Il ne
travaillera que sous les ordres du capita d‟un chef, d‟un dignitaire ou d‟un blanc, jamais sous les
ordres d‟un égal.
Pour le commerce, plusieurs commerçants voyageront ensemble de commun accord. Mais chacun
portera ses propres marchandises, ou se fera aider par les membres de sa famille.

C/ COUTUMES JURIDIQUES

166-167/ DROIT CIVIL

Toutes les coutumes relatives à la famille, au mariage, à la filiation, à la tutelle, aux successions,
etc. ont été rapportées et décrites à leur numéro respectif. Je crois suffisant d‟y renvoyer.

168/ DROIT PENAL

Il n‟existe pas chez nos Bashi de code de lois proprement dit, définissant et classant les délits,
établissant et déterminant les peines. Tout est inclus dans la tradition et la coutume.
Quand on se demande quel est le principe qui se dégage de l‟observation des coutumes pénales, on
peut répondre « quiconque est lésé par vol de vaches, adultère, incendie volontaire, a le droit de se
faire justice, à condition qu‟il surprenne le coupable en flagrant délit ; en dehors de là, la cause est
toujours portée devant le tribunal du chef, sauf pour certaines fautes moins graves, telles que vol
léger, dommages aux cultures, etc. que le coupable peut racheter par une compensation quelconque
à la partie lésée. La gravité de la peine n‟est pas fixée pour chaque espèce d‟infraction ; elle varie
suivant l‟appréciation des juges, le caprice du chef ou de la partie lésée par un petit dommage.
275

Les peines employées sont : l‟amende, la peine du talion, le droit de vengeance, le banissement, la
détention, le dépouillement, rarement le châtiment corporel. La mutilation est inconnue en justice.
J‟ai cependant rencontré un homme dont on avait coupé les deux bras à la suite de vol de vache ;
on lui avait même crevé un œil. La mutilation n‟existe qu‟à la guerre. La pendaison n‟est pas
pratiquée.
Je n‟ai jamais entendu dire qu‟on empalât les voleurs de vaches comme on le faisait chez les
Banyarwanda.

Pour le vol. S‟il s‟agit de vol de vaches, le propriétaire ou le gardien a le droit de tuer le voleur,
s‟il le surprend en flagrant délit. Mais si le voleur parvient à fuir, ou s‟il vole sans être vu, le
propriétaire porte plainte devant le tribunal du chef. Pour les vols de moutons, chèvres, poules ou
autres objets n‟ayant pas l‟importance d‟une vache, le volé peut exiger la restitution du double ou
du triple dela valeur de l‟objet enlevé, à moins que le voleur ne préfère plaider chez le chef, ce qui
est l‟exception.
Si l‟accusé est un notable, il amène ainsi que l‟accusateur, sa vache au tribunal, et déclare s‟en
désaisir s‟il est convaincu d‟avoir volé. On pourrait rappeler ici la façon dont se fait le plus souvent
le Vol des vaches. Un voleur désire enlever la vache de quelqu‟un ; il s‟entend avec deux ou t rois
compères, et tâche de savoir exactement à quel endroit de la hutte se trouve le lit du propriétaire de
la vache , car l‟homme dort presque toujours seul à côté de sa vache, et toutes les vaches du pays
sont généralement mises pendant la nuit, dans les huttes des particuliers. La nuit venue, au moment
où tous se trouvent dans le premier sommeil, le groupe de voleurs s‟approche à pas furtifs de la
case, l‟un d‟eux passe sa lance à travers la paroi de paille au dessus du corps du propriétaire, qui
au moindre cri, au moindre mouvement est percé de part en part ; notre homme le sait bien, aussi se
tient-il coi. Pendant ce temps, les autres font sortir la vache, et puis tous déguerpissent au galop,
emmenant leur butin. Ce n‟est qu‟à ce moment que le gardien de la vache pousse le cri d‟alarme.
Les voisins se réveillent, sautent sur leur lance et se mettent à la poursuite des voleurs. Mais ceux-
ci sont souvent déjà hors d‟atteinte. Malheur à eux s‟ils sont rattrapés ; ils n‟échapperont pas à la
mort. Il y a quelques années, ce genre de vol était si fréquent, que pour en finir les chefs durent
porter la loi qu‟on percerait de la lance tout passant, pendant la nuit, si, sommé de dire son nom, il
ne répondait pas.
Lorque l‟un des intéressés en ayant appelé à son tribunal, le chef a acquis la certitude de la
culpabilité du voleur, il le condamne le plus souvent à rendre l‟objet volé ou quelque chose
d‟équivalent, sans autre châtiment en cas de récidive ; et s‟il y a récidive il n‟hésite pas à lui
reprendre une ou plusieurs vaches ou même à le dépouiller (kunyaga) de tout ce qu‟il a : vaches,
maisons, biens, vivres.
Pour opérer ce dépouillement le chef n‟a qu‟à dire un mot à ses suivants, et ceux-ci se jettent sur
l‟enclos où est la famille du voleur, ramassent tout ce qu‟ils trouvent, car tout l‟objet, sauf les
vaches, est pour celui qui le prend. On ne laisse aux habitants que la peau ou le chiffon dont ils
sont habillés. Ce dépouillement à lieu surtout quand le vol a été fait au détriment du chef lui-
même, et pour les voleurs de vaches.
Il existe pourtant des coutumes plus barbares contre les Cleptomanes. Souvent, pour corriger les
enfants de la manie de voler, on leur fait des brûlures aux mains qu‟on tient quelques instants au -
dessus du feu. Il arrive même que le père de l‟enfant lui brise l‟épine dorsale. Pour cela il lui prend
les épaules, appuie le génoux sur le milieu du dos, et force l‟épiné dorsale. Quelque fois l‟enfant
succombe ; le plus souvent, il reste à moitié déformé. D‟autres fois le père le frappe sur la
poitrine avec un bâton ; l‟enfant en devient « asthmatique ».
Cette coutume barbare est relativement rare et a pour but d‟avertir les voisins qu‟ils ont à se
précautionner contre ces cleptomanes.

Adultères. Tout mari qui surprend un homme à faire l‟adultère avec sa femme, peut le tuer sur-
le-champ. L‟adultère avec une femme du chef, Nahano ou Nakuno, est presque toujours puni de
mort, soit qu‟on noie le coupable, soit qu‟on le tue à coups de lance ou de serpette, et le chef doit
276

répudier cette femme. Il arrive cependant que le chef se contente de dépouiller (kunyaga) le
coupable.
La plupart du temps, le mari se contente d‟insulter l‟homme et sa femme coupable, il lui arrive
d‟aller jusqu‟aux coups et blessures ; mais rarement il va au lélà ; Il sait bien la plupart du temps
qu‟on pourrait lui faire plus d‟un reproche à lui-même.
Il se rencontre pourtant des maris qui soumettent leur femme soupçonnée d‟adultère à l‟epreuve de
la serpe brûlante sur les mains, s‟il y a des brûlures, elle est déclarée coupable, souvent le divorce
suit, si le mari la garde son beau-père lui fera un cadeau d‟une chèvre et davantage. Le mari lésé
peut aussi demander pour sa femme soupçonnée d‟adultère l‟épreuve de la corde. Celle-ci est
obligée de sauter par-dessus une corde retenue par deux piquets, après avoir pris à témoins les
membres de sa famille.
Si elle tombe ou brise la corde, elle est déclarée coupable : les esprits ont prononcé sa culpabilité.

Coups et blessures. Le plus souvent l‟agresseur paie son tort par le paiement d‟une chèvre, d‟un
mouton, de colliers, de perles ou francs, etc. afin que l‟affaire ne soit pas porté devant le tribunal
du chef. Si la blessure est grave, surtout s‟il s‟agit de coups de lance, de couteau ou de serpette,
l‟agresseur doit au moins une fois laver la plaie, sans quoi le blessé ne pourrait guérir.
Si l‟affaire vient devant le chef, celui-ci fait le plus souvent payer une compensation quelconque.
Mais si la blessure est donnée involontairement, la compensation sera moins grande, souvent
même elle ne sera pas exigée. J‟ai cependant connu le cas d‟une blessure faite involontairement
par un mushi à un muluzi, où, sans notre intervention, le mushi eut été tué.

Meurtre. En principe c‟est la loi du talion qui règle le châtiment du meurtre : un homme a été
tué, le meurtier ou au moins un membre de sa famille doit l‟être également. Aussi le premier soin
du meurtier est-il d‟en avertir sa parenté, pour la mettre en garde contre la revanche de la famille de
la victime. Les membres de deux familles ne mangeront plus ensemble, aussi longtemps que le
meurtre n‟a pas été vengé. Dès qu‟il l‟aura été ; l‟accord est rétabli. Toutefois le chef peut
modifier la loi du talion et commuer la peine en une amende de vaches. Dans ce cas il faut venir le
meurtier, le répirmande fortement et lui dit de payer un certain nombre de vaches. La parenté ou le
clan du meurtier se cotise alors, et aide celui-ci à payer son amende. Ces vaches sont remises au
chef, qui en est d‟ailleurs le gérant ou propriétaire foncier ; après quoi les deux clans-familles
reçoivent l‟ordre de se réconcilier sans user de représailles. Si le meurtrier et sa victime sont de
simples indigènes du commun, la peine comporte abituellement le paiement de deux vaches ; le
chef augmenterait d‟une ou de deux vaches si le meurtier était un murhonyi (un courtisan).
Voici un autre cas qui s‟est présenté en 1915. Deux jeunes gens de 16 à 17 ans : Burume et
Muhanya s‟étaient pris de dispute ; Burume saisit Muhanya par les parties génitales et les tordit
fortement. Deux ou trois jours après Muhanya était mort. Tous deux appartiennent à la chefferie de
Nyangezi. Burume habitait au village de Gogo (chef du clan Bofa), Muhanya dans un autre village.
Aussitôt le père de Muhanya, le nommé Namujima est appelé chez Ngweshe en même temps que
burume. D‟après la coutume, aussitôt que la preuve du crime a été faite, le père de la victime doit
percer de la lance le meurtier. Cette fois Ngweshe, par crainte de difficultés avec le gouvernement,
fait brêche à la loi. Il ordonne à gogo, chef du village de à Nyangezi 10 vaches et une jeune fille.
Cette fille serait donnée en mariage à un autre fils de Namujima, s‟il en avait. Mais comme il n‟a
pas d‟autre fils mariables, Nyangezi lui donne 2 vaches en compensation. Que si le meurtier ne
répondait pas à la sommation de Ngweshe (comme ce fut le cas de Burume) son chef de village
serait appelé à sa place, fortement réprimandé, recevra l‟ordre de le livrer aussitôt, et à la moindre
résistance serait privé de ses fonctions.
Burume fut donc pris, enchaîné, et resta à la chaîne jusqu‟à ce que Gogo, aidé par la parenté de
Burume, eut payé les dix vaches. Si la victime était un membre du clan du chef (muluzi), le
meurtier serait tué, lui et sa famille : Père, mère, enfants, oncles, tantes, etc. et tous leurs biens
confisqués, car à ce vrime il n‟y a pas de rémission possible.
277

Lorsque deux individus s‟entretuent l‟un l‟autre : il n‟y a lieu ni à châtiment, ni à revanche.
Si un Muluzi tuait un Muluzi : il serait chassé, mais pas tué lui-même.

Incendie de maisons. Tout incendiaire pris en flagrant délit, peut être tué sur le champ. S‟il n‟est
pas tué sur le coup, l‟affaire doit toujours venir devant le tribunal du chef, car toutes les cases
appartiennent de droit au chef Nahano ou Nakuno. Il en serait de même si l‟incendie avait été
allumée involontairement. Le chef prononce la sentence qu‟il veut. Si l‟habitant allume la propre
case qu‟il occupe, il n‟y a lieu ni à procès, ni à châtiment.

Faute à l‟égard du chef. (Nahano ŔNakuno). Toute faute un peu grave à l‟égard du chef est punie
par le « dépouillement ». (Kunyaga). Tel serait le cas de celui qui insulte le chef, refuse
obstinément obéissance, frappe un membre de sa famille, lui vole un objet de quelque valeur, etc.

Sorcellerie. Le fait d‟être accusé et convaincu d‟avoir produit un tort, une maladie, ou la mort, par
des enchantements magiques (magie noire) attire toujours la mort. Celui qui est accusé de
sorcellerie et que l‟épreuve ne déclare pas innocent est toujours tué sur place. On ne le chasse pas,
et surtout on ne le soumet pas à une simple amende, car on redoute, s‟il continuait à vivre, qu‟il
ne se vengeât par ses sortilèges. Mais comme la preuve en doit toujours être faite d‟abord, voyez au
n°162. Le châtiment consiste dans la mort : le père de famille est tué, lui, sa femme, ses fils, mais
non ses filles. Si la mère de famille est accusée, elle est tuée seule, car ses enfants et son mari sont
mis hors de cause.
Les jeunes gens et enfants ne pouvant se procurer le « sac magique » (cfr. 106) il ne saurait être
question pour eux d‟ensorcellement. La preuve d‟ensorcellement se fait par l‟eau bouillante, ou le
fer rouge. Mais s‟il s‟agit d‟ensorcellement du chef Nahano, Nakuno, c‟est par le vrai poison
d‟épreuve, ce qui a lieu à la Lwindi, chez les Barega ou chez Nakalonge (v.169).

169/ RECHERCHE DES DELINQUANTS ET PREUVE DE DELIT

Le président en titre du tribunal indigène est le chef, non pas les petits chefs de villages abarhambo,
mais le Nakuno ou le Nahano. Toutefois le chef se décharge de cette fonction sur l‟un de ses
grands, le murhambo gwa olubanja (le maître des palabres) qui transmet de droit cette fonction à
son successeur légitime. Le Nakuno ou le Nahano n‟intervient dans les procès que pour contrôler le
jugement. Lorsqu‟une difficulté entre deux personnes se présente, ou que quelqu‟un a lésé un autre
sans queee la plaidoirie soit nécessaire pour trancher la palabre, le chef, le plus souvent, se contente
d‟un rappel à l‟ordre, menace pour le cas de récidive, fait payer une certaine amende à la partie
lésée , etc. et souvent fait jurer le coupable de ne plus recommencer. Pour cela, il lui en fait faire la
promesse, la main croisée sur le bras du chef : c‟est le « kulahira oku kuboko kwa Nahano ».
Le « maître des palabres » désigne par le chef en agit souvent de même pour les affaires de peu
d‟importance. Mais quand il s‟agit d‟affaires plus sérieuses, de contestations importantes, telles
que procès de sorcellerie, vol, adultère, meurtre, insulte au chef, on institue une procédure
régulière.
Le ou les plaignants vont trouver « le maître des palabres » et lui soumettent le différend. Celui-ci
amène les plaignants chez le chef, et lui expose rapidement les motifs qui les amènent. Le chef dit
au maître des palabres d‟aller instruire le procès. Il se rend devant la hutte des mânes du chef. Là
les deux parties, accusateur et accusé, s‟asseoient dos tourné devant la hutte ngombe du Nahano ou
Nakuno ; devant eux, face à face, le murhambo gwa olubanja, avec quelques autres barhambo, ses
conseillers. Tout autour, tous les hommes (mais non les femmes et enfants) qui veulent écouter.
Sur l‟ordre du maître des palabres, les plaignants développent chacun à tour de rôle leurs
arguments. Quand ils ont fini, le « murhambo gwa olubanja et ses conseillers se concertent et
prononcent la sentence. Le chef approuve le plus souvent, et quelque fois désapprouve. Quand tout
est fini, l‟accusé doit donner au maître des palabres et à ses conseillers une cruche de bière et 20
colliers de perles. C‟est le seul paiement requis pour l‟arrangement de la palabre. Lorsque les
278

preuves de culpabilité ne sont pas bien établies ou quand l‟accusé continue à nier, on recourt à
l‟épreuve des mânes (kunywa emizimu). Les mânes invoqués ne trompent pas, disent les noirs, et
montrent toujours le coupable.
L‟accusé peut toujours la demander. Cette épreuve est : l‟épreuve de l‟eau bouillante, l‟épreuve du
fer rouge, l‟épreuve du poison, l‟épreuve de la corde tendue. Nos noirs ont une fois absolue dans la
valeur juridique de ces épreuves ou ordalies (kunywa emizimu : littéralement : boire aux esprits des
ancêtres).
Les esprits disant toujours la vérité, on croit à ce point que si celui qui est convaincu de culpabilité
par les esprits pertinement être innoncent, il finit par se croire coupable « j‟ai fait cela dit-il, sans le
savoir ; mon esprit l‟aura fait sans que je le sache, pendant que je dormais », et acquittera sa
condamnation en se croyant vraiment coupable. C‟est le cas notamment pour ceux qui sont accusés
et convaincus d‟envoûtement. C‟est leur « double » qui s‟est détaché d‟eux pour aller envoûter
sans qu‟ils le sachent. Lorsqu‟une contestation s‟élève entre un particulier et le chef de son village,
l‟affaire est portée au tribunal du Nahano. Si la contestation a lieu entre le Nahano (chef de
province) et un chef de village, l‟affaire est traitée chez le grand-chef. Si elle s‟élève entre deux
chefs de provinces, tous deux vont chez le chef du pays (Nakuno). S‟il y avait contestation entre le
chef de pays (Nahano-Nakuno), le chef de province céderait de suite. Toute contestation entre les
gens de deux provinces différentes se traite chez l‟un des chefs de province, au gré des parties. Si
c‟est entre les gens d‟un chef de province et ceux du chef de pays, ils vont au tribunal du chef où la
contestation de produit.
Il paraît qu‟avant l‟arrivée des européens, un grand chef qui avait à se plaindre de son voisin et qui
ne voulait pas lui faire la guerre, portait l‟affaire chez un autre grand chef. Kabare et Ngweshe
recouraient au tribunal de Muganga ; celui-ci recourait à Luganza. On dit même que le chef du
Rwanda recourait à Luganza pour des cas semblables. Y a-t-il un Tribunal d‟appel ? Oui.
Tout accusé peut en appeler du tribunal du chef de province à celui du chef du pays , et alors le
chef de province fournit à l‟accusé un introducteur de sa cause, ou mieux un délégué, qui servira
en somme de sauf-conduit.

EPREUVE PAR L’EAU BOUILLANTE (OKUYISHABA)

L‟épreuve de l‟eau bouillante est subie pour des motifs bien différents : vol, mensonge grave,
sorcellerie, adultère, etc. Elle a pour but de justifier d‟une accusation. L‟épreuve est imposée par le
juge, ou bien c‟est l‟accusé lui-même qui demande à la subir. Celle-ci a lieu dans la hutte des
mânes du chef du village de l‟accusé pour vol, mensonge, adultère, etc. et toujours dans la hutte
des mânes du grand chef, Nahano, Nakuno, pour sorcellerie. Le préparateur officiel est le
« Mweza » individu choisi pour cette fonction par le conseil du chef. L‟accusé lui paie auparavant
ses émoluments, soit 10 à 20 colliers de perles. Le Mweza amène un petit pot de terre appelé
« ishabo » qu‟il fait remplir d‟eau et met sur le feu. Quand l‟eau est en pleine ébullition, il y met un
bracelet de cuivre. Pendant ce temps le Mweza écrase des herbes apportées dans ce but, y mêle un
peu d‟eau, en forme une sorte de pâte dont il frotte le bras de l‟accusé ; penché sur le pot, l‟accusé
dit : « on m‟accuse injustement ; je n‟ai pas fait ce dont ont m‟accuse, si je suis coupable, que je
sois brûlé.» Et il plonge rapidement la main dans l‟eau bouillante pour saisir le bracelet qu‟on y a
mis ; puis on le garde à vue. Si l‟avant bras se couvre de traces de brûlures, il n‟y a pas de doute,
l‟accusé est coupable, les mânes ont prononcé la sentence. Dans le cas contraire, son innocence est
manifeste, mais l‟accusateur ne serait pas molesté : toutefois tous le mépriseraient désormais
comme un mauvais homme. L‟accusé lui-même n‟aurait aucun recours contre lui.

EPREUVE DU FER ROUGE (ECIBABO)

Cette épreuve est subie spécialement pour se justifier de l‟accusation de vol, d‟adultère.
Elle est imposée par le juge ou demandée plus souvent encore par l‟accusé. Elle a lieu dans la hutte
des mânes du chef de province ou du chef du pays. Tout le monde peut assister. Le préparateur est
279

encore le « Mweza ». C‟est l‟accusé qui lui paie ses émoluments. Le « Mweza » s‟amène avec ses
remèdes (végétaux) un petit pot d‟eau et une serpette. Il chauffe cette serpette au rouge, puis verse
un verre sur la serpette brûlante et appuyée sur la pierre du foyer. Puis il passe rapidement un
côté du fer rouge, puis l‟autre sur le mollet (quelquefois sur la main). S‟il y a trace de brûlures, les
mânes ont prononcé la culpabilité.

EPREUVE DU POISON

Elle est réservée aux membres influents de la famille du chef, aux baluzi, bagale, qui sont accusés
d‟avoir ensorcelé le chef. Cette épreuve se fait hors du pays. Les baluzi de Ngweshe vont chez
Nalwindi, ceux de Kabare vont chez Nakalonge. L‟accusé doit donc s‟y rendre en compagnie de
sa femme et enfants. Quand les juges de Nalwindi ou Nakalonge ont préparé le breuvage
empoisonné, l‟accusé, avant de le prendre, proteste de son innocence, et dit que s‟il est coupable,
les esprits le déclarent. Dès qu‟il a bu le poison, si celui-ci est mortel, la malheureuse tombe
généralement mort assez vite. Il est donc coupable. Aussitôt on tue ses parents, sa f emme et ses
enfants. On ne tue pas les parents de la femme. On prend absolument tout ce que possédait la
famille. Si le poison n‟est pas mortel, il est déclaré innocent, et le chef lui fait un magnifique
cadeau de vaches. Il se met à danser malgré ses vomissements et sa violente diarrhée. Il est blanc
(ayera). Mais malheur à l‟accusateur, car celui-ci est tué avec ses parents, femmes et enfants, et
dépouillé de tout. On comprend que dans ces conditions, les accusations de ce genre sont rares.

170/ DROIT D’ASILE

Une personne poursuivie par une autre qui veut la tuer ou s‟en emparer, se réfugie chez un grand
qui soit capable de la défendre. C‟est par exemple une femme que son mari furieux poursuit pour la
percer de sa lance. Elle fuit chez un mugale. En arrivant elle s‟écrie d‟une voix plaintive « we
larha, we nyama, ondikuze, oncize nani ; akaba nazimbire ntakuhanze, akaba nagonyire,
ntakuhanze, etc. : tu es mon père, ma mère, sauve-moi de grâce, je n‟ai rien fait, si j‟ai volé, je ne
refuse pas cela (les coups), si j‟ai fait l‟adultère, je ne refuse pas, etc. Le lieu où elle s‟est réfugiée
est inviolable. Le propriétaire doit défendre la victime. S‟il est homme de cœur, il se mettra entre
la victime et l‟enorgumène, tâchera de le calmer, laisserait même détruire sa maison par le furieux,
mais ne livrera pas la victime. S‟il la livrait, tout, le village serait mécontent et il serait discrédité.

D/ORGANISATION SOCIALE

171/ VIE NOMADE

Si l‟on voulait caractériser d‟un mot l‟organisation sociale de nos Bashi, on dirait que c„est un
peuple de pasteurs, agriculteurs sédentaires. La vie nomade, si l‟on entend par cela le déplacement
périodique et en bloc de la tribu, leur est inconnue. Ce n‟est pas pas à dire qu‟ils ignorent tout
déplacement, bien que contraire. Pour un rien ils quittent leurs villages et portent ailleurs leurs
pénates. Un chef a-t-il reçu en apanage un nouveau pays à la suite d‟un coup de main, d‟un
héritage, d‟un litige, il envoie une partie de ses sujets en prendre possession, et y construire des
villages. Si ce pays se trouve près de celui d‟un ennemi puissant, il viendra le plus souvent s‟y
établir lui-même, ou du moins il y mettra un groupe compact de guerriers avec leurs familles. Le
désir de punir un sous-chef peu souple ou de récompenser un sujet fidèle, le besoin de doter un
membre de sa fammile, le nouveau sous-chef viendra s‟installer avec sa famille et un groupe de
suivants, à la place de l‟évincé. A la mort d‟un chef, le successeur choisit toujours une autre
colline, toute la clientèle du défunt le suit sur ce nouveau territoire. Son premier soin sera de
dresser où il domeura. D‟autres fois, il fera déserter une colline couverte de riches bananeries,
uniquement pour y créer une brousse pouvant servir de pâturages aux troupeaux. L‟indigène, lui,
n‟est guère plus stable. Une maladie s‟abat-elle avec quelques persistances sur une colline, les
280

habitants ne tardent pas à fuir l‟un après l‟autre si le chef n‟y met obstacle. Les champs sont-ils
plus ou moins épuisés ou bien le passage des porteurs étrangers devient-il trop fréquent, le village
obtient sans peine du chef un coin plus favorable. Le devin lui-même cause parfois ces
déménagements ; il lui suffit de dire que telle est la volonté des mânes ancêstraux. Un sous-chef, se
montre-t-il dûr ou avare, les gens essaieront de se faire les clients d‟un autre, et le quitteront avec
leurs familles. Un jeune homme en quête d‟une vache pour payer la dot de son mariage, est forcé le
plus souvent de quitter son village et de s‟attacher au service d‟un plus puissant hors de chez lui.
La jeune fille elle aussi quitte parfois les siens pour suivre un homme d‟une chefferie voisine.

172/ VIE PASTORALE

Si nos Bashi sont agriculteurs, ils sont aussi des pasteurs. Rares sont les familles qui ne possèdent
pas au moins un petit taurillon. Beaucoup comptent plusieurs têtes de gros bétail. Les grands et les
chefs en ont des dizaines, voire des centaines. Le gros bétail est le pivot sur lequel s‟appuie pour
ainsi dire toute l‟organisation politique et sociale. Sa possession est la force des chefs, la source de
guerres et de querelles sans fin, le terme de leur ambition. L‟espoir de recevoir une vache suscite le
dévouement les plus héroïques comme aussi les plus basses flatteries et les plus noires félonies. La
vache est pour les Bashi ce que l‟or est pour les sociétés européennes. On comprendra donc sans
peine le rôle prépondérant qu‟elle joue dans leur société. Il ne sera pas hors de propos de donner ici
les coutumes et croyances relatives aux troupeaux.

La richesse type chez les Bashi est la vache. C‟est elle qui fait le puissant, le riche ou le considéré,
omugale, omuhirhi. Est considéré comme tel celui qui a au moins une dizaine de vaches. C‟est
aussi la vache qui fait le prix du mariage. Jadis une vache laitière valait environ un taureau et trois
ou quatre chèvres. Voici les différentes manières d‟acquérir les vaches, objet de la concovoitise
première du mushi.

1/ Cadeau du chef. Autour du chef grouille une troupe de suivants. Le chef offre-t-il une vache à
un individu, l‟un des suivants amène la vache cadeau chez l‟individu et reçoit pour cela une
chèvre. En même temps le suivant ou muganda donne un gardien (olungero) de la part du chef pour
garder la vache. Ce gardien reçoit 10 à 20 colliers de perles. Celui qui a été l‟intrmidiaire entre le
chef et l‟individu, s‟appelle le mulagizi (le médiateur). Lui aussi reçoit une chèvre en cadeau. Le
chef ne donne jamais de vache sans que le mulagizi ne l‟ai demandée, et ait intrércedé pour cet
individu. Le mulagizi est évidemment un favori du chef. L‟individu qui est allé s‟engager (kushiga)
chez le chef en vue d‟en recevoi une vache, la reçoit parfois après quelques jours, parfois aussi
après plusieurs semaines, voire des mois ou des années, selon l‟humeur du chef à son égard. Avant
que la vache n‟arrive chez lui, celui qui reçoit la vache va consulter le devin pour savoir la volonté
des mânes c‟est à dire savoir s‟il doit mettre la vache dans une maison où les étrangers viennent
parfois, s‟il doit la mettre dans sa maison ou dans celle de sa femme, si l‟on peut oui ou non
fumer du tabac dans la maison de la vache, etc. A l‟arrivée de la vache, la première femme exécute
une danse de joie (ayibandula akabuli) et elle allume dehors un grand feu de joie. Veaux ou
génisses restent brouter (kuyiyabula) près de la maison (eka), et on leur donne souvent de la terre
salée (muloba). Si le père de famille a un garçon, c‟est lui qui gardera les veaux ; au cas contraire
ceux-ci sont confiés au berger donné par le chef (lungere) moyennant paiement de quelques
colliers de perles ou une poule. Chaque semaine il reçoit de la nourriture. Lorsque la vache a mis
souvent bas, le chef réclame la 3ème génisse et la 7ème génisse (kulonda). Le chef ne demande guère
à ses sujeets des vaches en retour, une par-ci par là, mais il en demande à ses sujets parfois près de
200, au mariage de son fils aîné (cfr.n°81 fin). Alors le riche donne 2 ou 3 vaches, le bourgeois
ordinaire 1 vache, le pauvre un taurillon ou une chèvre ou des francs.

2/ Cadeau d’un ami (Kunywana). Un homme a trois ou quatre vaches, mais n‟a pas de mâle
(ashalisire=il a faim, sans lait). Un autre a un taureau et quelques chèvres ; ils font l‟accord
281

d‟échanger le taureau contre une vache, en faisant l‟amitié ou pacte de sang (v.184). Celui qui a
reçu la vache a la charge de kulonda c‟est à dire rendre la 3ième et la 7ième génisse qui en naître. Si la
génisse meurt en naissant (ekafisa) il va le dire à son ami. Si le petit veau est un tourillon et qu‟il
meurt, il en apporte une cuisse à son ami. Si la vache meurt après avoir mis bas deux ou trois
tourillons, il lui apporte de même une cuisse de la vache crevée. Mais s‟il avait déjà acheté une
femme avec sa vache, il resterait soumis à la loi de kulonda. S‟il réfusait de s‟y soumettre c‟est à
dire de payer la troisième génisse, on apporterait le différend au chef mais en aucun cas le lésé n‟a
le droit de prendre la vache ou génisse due dans les paturages, car disent les Bashi « omulambo
gwa mwami » : Les champs sont proprietés du chef. Le chef le punirait. Si la vache même meurt
avant d‟avoir mis bas une génisse, souvent l‟ami lui donne une autre vache à la place.

3/ Vache en otage (bugwarha). Voici deux autres manières d‟obtenir une vache. Un maître a un
domestique (omwambali). Son domestique s‟enfuit. Le maître va le trouver et lui demande de
retourner chez lui. Le domestique dit : « à une condition, c‟est que tu me donnes une vache ». Le
maître accepte, mais comme il n‟a pas de génisse, il lui donne une vache en otage (bugwarhi) en lui
disant : « le jour où j‟aurai une génisse, je te la donnerai, et tu me rendras ma vache ». On peut
aussi donner en otage un taurillon (kugwarhiza). Quelqu‟un dit à son ami : je vois que tu n‟a
qu‟une chèvre ou deux voici une vache. Le jour où tu auras une troisième chèvre, donne-la moi, et
la première génisse de cette vache sera à toi, mais la vache alors me reviendra.

4/ Vaches des transfuges. C‟est à dire de ceux qui quittent leur chefferie pour aller chez des chefs
soit amis, soit ennemis de celui qu‟ils abandonnent.
a. Chefs amis. Quand un indigène s‟enfuit sur le territoire d‟un chef ami, d‟après la coutume
indigène il garde sa vache, mais le chef dont l‟indigène est orginaire a le droit de kulonda
c‟est-à-dire de demander les 3e et 7e génisses. Actuellement, à cause des européens,
lorsqu‟un indigène s‟enfuit dans le territoire d‟un autre, le chef qui le transfuge vient rendre
toutes les vaches au chef d‟où il est originaire.
b. Chefs ennemis. Chaque chef recueille les génisses dues d‟après le kulonda. Telle était la
coutume. Mais actuellement, à cause des européens, ils sont forcés de rendre les vaches du
transfuge au chef d‟origine avant de pouvoir accepter l‟indigène chez lui. Si cet indigène est
un mugula ou mushi important, son nouveau chef lui donne assez vite des vaches afin de le
garder chez lui.

CHEPTEL

Le chef dit : en parlant de toutes les terres du pays « mes terres », en parlant des vaches « mes
vaches ». Et cependant au fond, terres et vaches, sont la propriété de toute la tribu. Malgré cela, le
chef se considère comme propriétaire foncier de toutes les vaches, de tous les pâturages de son
pays. Les indigènes n‟en ont que l‟usufruit. Ils doivent reconnaître ce droit par une redevance
coutumière. C‟est d‟ailleurs le chef qui détermine à chacun où il peut habiter, paturer et cultiver.
L‟indigène qui a du bétail lui doit donc une redevance, pour payer pour l‟herbe broutée. En
pratique le chef dispose de la propriété commune comme il veut ; il donne les vaches à qui il veut,
les reprend quand il veut, sauf à respecter certaines prescriptions déterminées par la coutume.
Quand un étranger, fuyant son chef avec un troupeau passe sur son territoire, il doit lui donner un
certain nombre de têtes, mais après cela, l‟étranger reste maître absolu de son troupeau, et ne doit
plus au chef que le droit de passage. Tel Sebahire, venu du Rwanda chez Nyangezi avec 10
vaches, il en a donné trois au chef. Mais après cela, si Sebahire donnait des bêtes de son troupeau à
des gens d‟un autre chef, le chef Nyangezi serait en droit de les lui rafler toutes. Les troupeaux que
les commerçants introduisent contre l‟échange de houes et autres marchandises doivent être abattus
et débités au marché ou ailleurs. Ils ne peuvent prendre rang parmi les troupeaux du pays. Si un
commerçant tardait de 2 mois à les abattre, il aurait à payer au chef un mouton, comme paie de
passage. Si un indigène du chef va prendre femme chez un chef étranger, il peut payer en vaches au
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père de la fille, mais la 3ième génisse qui nait de cette vache revient au mari de la femme ; la 7ème
née soit de la vache, soit de l‟une des jeunes, revient de droit au chef. Mais la règle varie un peu
selon les chefferies.

DISTRIBUTION DES VACHES CHEZ NYANGEZI

Le chef distribue ses vaches parmi les indigènes de sa chefferie. Il se réserve un joli troupeau. Mais
il a droit de choisir parmi les trois premiers jeunes celui qu‟il veut ; de plus la 7ème bête qui nait soit
de cette vache, soit de l‟un des jeunes, est à lui.

DISTRIBUTION DES VACHES CHEZ KATANA

Le chef donne une vache. Si cette vache met bas un mâle, on le mange et le chef reçoit une cuisse.
Si le deuxième jeune est une génisse, elle se dit mufunze et reste acquis. Si le troisième jeune est
un mâle, on le mange et une cuisse va au chef. Et si le quatrième est une génisse elle est le bulonde,
et Katana la reprend. Si on n‟a que des mâles, les deux premiers sont au mushi, le 3 ème est du chef.
Si la vache met bas 3 mâles, puis 3 femelles, le chef prend le 3ème mâle ; la 1ère femelle reste au
mushi ; la 2ème va au chef, la 3e reste au mushi. Si de 6 jeunes, le 1er, 3e, 5e sont mâles, le 2e, 4e, 6e
femelles le chef prend le 3e et 4e. Les jeunes ont des petits v.g. la vache Musengo de Bihogo. Le
produit des génisses laissées au mushi est à lui ; il peut les distribuer et alors il aura les mêmes
droits que Katana ; mais pour chaque bête qu‟il distribue, il recevra un mouton qu‟il portera au
chef. Mais le chef peut venir demander le sous-produit. Le mushi ira chez celui à qui il a donné
une vache et réclamera la génisse qui est née après la première ou mufunze. Si le mushi avait
donné à l‟autre trois génisses, il irait là où il trouverait une génisse née après la mufunze. En
somme la mufunze reste et n‟est jamais reprise sauf dans le dépouillement (kunyagwa) par le chef.
Un mushi dépouillé qui aurait donné les sous-produits à d‟autres, pourrait aller redemander une
vache. Le dépouillement ne s‟étend jamais aux vaches issues de la vache du chef, et données à
d‟autres. Mais Katana a donné la vache Bihogo à Jean, Jean a eu des sous-produits, et met une
génisse chez Louis ; Cette génisse met bas une génisse, etc. Katana demande à Jean une vache.
Jean va chez Louis qui n‟en a pas, mais Louis a donné une génisse à Pierre qui en a eu deux
génisses, cette deuxième (luherula) Pierre la remet à Louis, celui-ci à Jean, celui-ci au chef. Si cette
vache crève en l‟absence du chef, le mushi à son retour lui donnera la peau, mais mangera toute la
viande. Si ce mushi mangeait toute la viande sans en offrir une cuisse au chef, il devrait payer un
mouton pour chaque bête, ou un taureau pour trois bêtes qu‟il aurait ainsi mangées sans attribuer
les cuisses au chef. Si le1er veau est un mâle et que Bihogo crève avant d‟avoir un 2 e veau, le
mushi doit vendre la viande de Bihogo, en porte le produit chez le chef avec le veau mâle ; en
retour il reçoit une nouvelle vache.
En résumé chez Katana, on doit rendre la 2e génisse (luherula) qui est la bulonde, et le 3e taurillon.
Pour le sous-produit, on attend que le chef l‟exige dans les mêmes conditions. Toute bête cédée à
d‟autres, produit au chef un mouton, toute bête abattue lui produit une cuisse.
Noms d‟une génisse jusqu‟à ce qu‟elle devienne vache :
- Omudege
- Enyena : 1 an
- Ndaku : 2 ans
- Nshasha : près de mettre bas
- Mburha : buliza ou mbashe-lubere : a mis bas une fois
- Mbuguma : vieille vache
Couleurs des vaches
- Ecibogo : noir
- Cirhale : gris
- Akalinga : rouge
- Enziga : noir tacheté
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- Akeru : blanc
- Ebihogo : roux
- Omurundi : gris foncé
- Ecirala : rouge et blanc
- Emporomi : couleurs mêlées
- Obugondo : „‟ - „‟
- Enjuce : „‟ - „‟
- Akakumbi : foncé noir
- Omusingo : noir sale
- Munsisi : blanc en bas et front ; noir sur bos et parties latérales de la tête.

COUTUMES ET CROYANCES RELATIVES AU GROS BETAIL.

Le pays tout entier est un vaste pâturage. Les bergers mènent leurs troupeaux partout, là où il y a
un brin d‟herbe à brouter. Cependant à la saison sèche, quand l‟herbe devient rare, les bêtes de
chez Ngweshe sont menées dans les endroits réservés où la verdure abonde, appelée lieux bénits
(bugisha) ; ailleurs elles pâturent surtout près de marais.

Mener paitre les vaches est réservé aux hommes. C‟est la grand travail de leur enfance et de leur
jeunesse. Les hommes d‟âge mûr ne le font qu‟à défaut de gardiens plus jeunes et surtout quand il
y a du danger.

TRAIRE les vaches est également réservé au sexe fort. Femme ou fille ne pourrait le faire sans
encourir le « muzimu » devenir tabou, et être astrointe à une purification rituelle. En l‟absence du
mari, un voisin rendra ce service avec plaisir.
On trait habituellement à l‟aurore et au coucher du soleil. On le ferait aussi vers midi si la vache
avait trop de lait ou venait de vêler. C‟est le plus souvent dans la hutte même ou dans l‟enclos
qu‟on trait.
On amène le veau près de la mère pour la têtée, on lui laisse le temps d‟amorcer, puis on le retire
violement et on se met à traire. On laisse un têton intact, c‟est la part du veau. L‟opération terminée
en frotte le pis avec la terre blanche-mêlée d‟eau, afin de la garantir contre la piqûre des mouches.
Le vase qui reçoit le lait est lavé à l‟eau exclusivement par les hommes. La femme qui le ferait,
serait tabou. Au Rwanda il est rincé avec de l‟urine de vaches. Les vaches donnent en moyenne un
à deux litres de lait par jour. Le veau ne peut têter à satiété, il en attraperait, dit-on, la diarrhée.

LE LAIT (bukalanga) qu‟on trait le cinq ou six jours qui suivent la naissance du veau, est cuit pour
le coaguler ; on le mange en guise d‟assaisonnement avec une nourriture solide. Le lait qu‟on trait
les jours d‟après (mpyuhyu) ne sera jamais cuit ; il sert à faire le fromage blanc. Il n‟est bu frais
que par les tous petits enfants. Une femme serait tabou si elle se permettait d‟en boire à ses
époques et la vache devrait en mourir. Pour la coagulation, les indigènes se contentent quelquefois
de laisser le lait se prendre naturellement, mais le plus souvent ils y ajoutent en guise de presure, le
liquide aigre qui s‟écoule du fromage liquide, vieux de 5 à 6 jours (igunju) et qui lui donne alors un
gout très recherché. La crème n‟en est pas séparée. Une femme qui oserait ecrêmer le lait serait
soumie à une purification.
Le fromage blanc revient de droit au père de famille. A lui de s‟en rassasier avant tout autre et à
part. Le reste est donné à la mère qui le mange avec ses enfants. Le chef lui-même mange son
fromage tout seul à l‟abri des regards indiscrets. Seul son trayeur en titre peut assister, et recueillis
le reste du repas qui sera partagé entre lui et les favoris du chef. En l‟absence du père de famille, le
voisin qui est venu traire la vache mange la part de l‟absent et donne le reste à la famille comme il
a été dit.
Les femmes et les filles ne peuvent faire coaguler le lait sans être tabou.
284

Une partie du lait est employé pour faire du Beurre. Pour cela il est mis frais dans une grande
calebasse, que l‟on roule sur les génoux pendant des heures à la façon d‟une baratte. Dès que le
beurre s‟est formé, on vide la courge et le petit lait est distribué aux petits enfants ; eux seuls sont
autorisés à s‟en nourrir. La calebasse est rincée avec de l‟eau après qu‟on y a fait passer un peu
d‟urine de vache.
Le barattage est le travail de tous. Le beurre est employé quasi uniquement pour s‟en frotter le
corps. Le grand chic consiste à s‟en placer une motte sur le haut du crâne, et d‟aller ensuite se
promener au soleil pour la faire fondre et couler le long des temps. On imprègne de beurre les
pagnes et les peaux dont on se couvre, afin de leur donner souplesse et solidité. Les galants aiment
à la parfumer en y laissant tremper un bout de bois odoriférant (mukavu) ou bien en le faisant
rancir à fond.
La coutume semble vouloir s‟introduire de mêler un peu de beurre au pot-au-feu, à la vue sans
doute de notre cuisine européenne, hors ce cas on ne le mange jamais.
Pour ABATTRE une vache ou un taureau, on saisit la bête par les cornes et on lui enfonce un
couteau près du nœud, puis on la lui gorge. Le sang de la plaie est recueilli avec soin. Pas
d‟abattoir, pas d‟abatteurs de métier ; cela se fait par tous et partout. Le marché est pourtant le lieu
préféré, car la clientèle est proche, et les amateurs nombreux. De toute bête abattue et appartenant
au cheptel du pays, une cuisse revient de droit a chef du pays (v. plus haut), le filet est donné aux
amis qu‟on veut obliger, la croupe et la queue appartiennent aux bergers. Les indigènes raffolent de
cette viande. Les nobles ou grands baluzi n‟en peuvent manger d‟autre. Toute qualité est bonne
pourvu que ce soit de la viande de bœuf. Les bêtes crévées sont consommées comme les autres,
malgré les empoisonnements fréquents (nzirondo) qui en sont la suite. L‟herbe retirée de l‟estomac
est un mets recherché. La viande se prépare de deux manières ; elle est mise à mijoter ou bien on la
cuit et on la laisse boucaner. Le sang se cuit avec la viande, à moins qu‟on ne l‟abandonne aux
pauvres.

La PEAU n‟est guère employée que pour l‟habillement. On en tire deux longues bandes qui servent
chacun pour un complet de femme, et qui les couvrent des hanchés aux mollets. Le poil est laissé
sur la peau et la revêet du côté extérieur. Le devant de cet habit est souvent orné d‟une frange
gracieuse faite en peau de chèvres. Les élégantes font broder dans la peau des pièces triangulaires
de couleurs différentes disposées avec symétrie. Les filles revêtent pour la première fois une peau
de vache, le jour de leurs noces. Pauvres et riches, voire même la reine-mère, n‟ont point d‟autre
habit que celui-là, et s‟il leur arrive de mettre une étoffe, ce sera encore par-dessus leur peau de
vache. Les jeunes filles revêtent quelquefois un habit en peau de génisse. Si la peau de vache est
exclusivement réservée aux femmes, il est cependant une certaine catégorie d‟hommes qui s‟en
habillent ce sont :
1/Les « ntazi » ou efféminés ; êtres odieux, répandus surtout au pays de Ngweshe et voués presque
tous au génie Lyangombe. Que le nom suffise pour caractériser leur dévergondage. Ils portent un
complet de femme.

2/Les bakengerwa ou élégants ; ils ont pour tout constume une bande en peau de vache autour des
reins ; cette bande est grémentée d‟une frange en lanières de peau de chèvres. D‟aucuns disent que
tel était le costume des anciens Bashi.

3/ Les hommes qui veulent sacrifier aux mânes des ancêtres et qui pour la circonstance mettent sur
le dos une bande (mwirero) en peau de vache.

Cette peau sert quelquois à couvrir les tambours. On la fixe alors sur les deux bouts d‟un tronc
d‟arbre creusé en forme de cône renversé, au moyen de longues lanières de la même matière. Le
mariage chez nos noirs est un contrat entre les deux époux sans doute, mais un contrat qui, presque
toujours, présuppose le consentement du père de la femme ou de son héritier devenu tuteur de la
femme. Pour marier une fille le garçon doit absolument donner un gage. C‟est comme si le
285

possesseur de la fille ou de la femme disait à l‟épouse : je te concède d‟usage de ma femme à


condition que tu me donnes tel ou tel objet. Au Bushi, cet objet est presque exclusivement une,
deux ou plusieurs vaches. Les mariages conclu, on pourrait presque les considérer alors comme de
simples concubinages. Pour une fille pauvre, une veuve d‟un certain âge, on livre ordinairement
une seule vache. Pour une fille de classe moyenne ce sera une vache et un taureau, ou deux vaches
et un taureau, mais alors l‟époux recevra en retour le plus souvent l‟une des deux vaches. Les filles
de chef sont livrées contre un plus grand nombre de vaches, surtout si l‟époux est lui-même chef.
Certaines filles ne sont cédées que pour 20 ou 25 vaches et plus encore. L‟accord est toujours
conclu avant la prise de possession de l‟épouse par l‟époux. La vache au contaire ne se donne
qu‟après. Souvent le mari tarde à donner le gage, soit parce qu‟il escompte une vache qui ne vient
pas, soit pour quelque autre motif. De là les fréquentes reprises de la femme par son père. Il en est
de même quand la vache donne peu de lait ou tarde à vêler. D‟autres fois un prétendant, même
après le mariage de la fille, offre au père un gage plus avantageux que celui du premier mari ; le
père n‟hésitera pas à rappeler sa fille et à la donner au prétendant généreux. Au moment où le mari
amène le gage à son beau-père, celui-ci récite ou chante, s‟il est quelque peu artiste un compliment
(voir 124 : bivugo).
Le beau-père détient la vache de son gendre conformément à la loi du « bulonde », dont il a été
question plus haut (v.chaptel). Il n‟en a point la nue-propriété. Il lui devra donc une au plusieurs
génisses. Vient-elle à mourir, il est quitté de toute obligation. Par contre il forcera le plus souvent
son gendre à lui en payer une autre. Si la femme meurt sans laisser d‟enfants, le veuf a droit de
reprendre sa vache, ou bien une autre si la première était crevée. Aussi pour la garder, le beau-père
cèdera, s‟il peut, une autre de ses filles pour remplacer la défunte. Que si l‟épouse mourrait mère,
ne serait-ce que d‟un mort né, le mari perdrait son droit. Lorsque l‟épouse a donné à son époux
plusieurs enfants et que celui-ci a d‟autres vaches acquiert un certain droit à d‟autres vaches ou au
moins à un taurillon. Si le mari vient à mourir, son successeur hérite de ses droits et obligations.
A lui reviennent donc les veaux dus par le beau-père, et si la femme, qui de droit est devenue la
sienne, peut convoler à d‟autres noces, c‟est lui qui ira reprendre la vache. Mais voilà que le
successeur est un fils en bas-âge. Alors le père de sa mère continuera à jouir de la vache-gage. Il
devra à son petit fils une partie du lait, et les soins que le père aurait donnés à l‟enfant. Devenu
grand, l‟enfant réclamera les veaux auxquels il a droit. Bien plus, si son grand-père s‟est mal
conduit à son égard, il aura le droit de reprendre la vache-gage et les veaux qui en sont issus. S‟il
n‟est pas assez fort pour le faire, le différend sera porté au tribunal du chef, qui lui donnera presque
toujours raison. Ainsi le veut la coutume. Aussi le grand-père se montre-t-il généralement généreux
à son égard. Il fera ce qu‟il pourra pour conserver la vache. Il procurera même à son petit-fils une
épouse. S‟il le peut, il dira à la sœur de la mère de ce garçon de lui donner une de ses filles ; c‟est
sa muzala (cousine germaine). Ainsi les biens restent dans la famille.

D’OU SONT VENUES LES VACHES ?

Sur l‟origine du gros bétail, sur la manière et la date de son apparition dans le pays, nous n‟avons
que peu de données. Selon les uns, il vient du Rwanda, selon les autres et c‟est le plus grand
nombre, il vient de chez les Barega. Voici ce qu‟on dit la légende :

1/ Un homme du Rwanda logeait au milieu de ses cultures pour les garder. Un matin, il s‟aperçut
que son sorgho avait été brouté la nuit. Il se mit aux aguêts et il vit bientôt surgir de la Ruzizi qui
coulait le long de ses champs, des animaux inconnus. C‟était un gros troupeau de vaches. Voyant
leur allure timida, il sortit de sa cachette, fondit sur le troupeau et réussit à capturer un taureau et
une vache près de mettre bas ; il les mena incontinent chez son roi Nalwanda. La vache vêla une
génisse ; Nalwanda l‟offrit en cadeau à son frère Nabushi roi des Bashi. Devenue grande, la
génisse restait toujours stérile, Nabushi la fit conduire au taureau de son frère où elle fut saillie.
Nalwanda lui renvoya la vache et y joignit taurillon. Les troupeaux bientôt abondèrent au Bushi.
286

2/ Une autre légende raconte que Namuhoye, fille de Nalwindi, chef Murega, légua en mourant à
ses filles deux vaches et un taureau. Nalwanda reçut le mâle et Nabushi et un autre frère reçurent
chacun une femelle. Désireux de faire produire sa vache. Nabushi la conduisit au taureau de son
frère qui exigea comme paiement les deux premières génisses. Vêlant une troisième fois, elle
donna un petit mâle. Nabushi l‟amena.

3/ Au Rwanda même on raconte que les troupeaux furent introduits au temps du 3ème ou 5ème roi
appelé Kihanga, et seraient venues de Mpondorugezi (notons ici que ce mot rappelle encore
qu‟elles sortirent d‟un marais). Ce roi fut renversé par Nalwanda. Celui-ci parvint, probablement
grâce à ses troupeaux, à capter les sympathies du peuple. De sorte que cette légende semble
confirmer la légende précédente, et même la première où il est dit que les troupeaux vinrent au
Rwanda de la Ruzizi, donc du côté ouest. Si on met en regard ces récits et ce qui a été dit de
l‟origine des Bashi, on pourrait peut-être conclure que les troupeaux du Bushi et ceux du rwanda
sortirent du pays situé à l‟ouest, donc de l‟Urega ; et si l‟on veut remonter plus haut, ils seraient
venus du Nord (peut-être de l‟Abysinie) vers les Barega, et de là vers les deux rives du lac Kivu.
En attribuant à Nalwanda le 1er taureau, la légende signifie simplement que c‟est au Rwanda qu‟ils
prospèrent le mieux.

Voici encore deux autres légendes touchant l‟origine du gros bétail.


1/ Dans les temps très éloignés, un jeune homme allant se promener rencontra un animal isolé
qu‟il ne connaissait pas. C‟était une vache. Il la conduisit chez lui et la menait chaque jour aux
pâturages. Un jour qu‟il la menait sur les rives du Kivu, il vit surgir de l‟eau un gros mâle suivi
d‟une longue file de bêtes semblables à la sienne. Par derrière un énorme taureau plus gros que le
premier, et un jeune garçon à la chevelure droite sur la tête comme un bonneet de tresses hérissées.
Il s‟en approcha. A sa vue, le jeune garçon et le gros taureau se précipitèrent dans l‟eau et
disparurent, laissant là le reste du troupeau.
Le jeune homme s‟en empara eet le conduisit au village. Le roi ayant appris la nouvelle, fit amener
le bétail chez lui et dit : « enkavu za Mwami : les vaches sont au roi. C‟est ainsi que parut le
premier gros bétail.

2/Un jour déjà ancien, une vache sortit de la forêt de l‟ouest, et se rencontra avec une lionne sur
une pelouse verte près d‟une fontaine. La vache dit « voilà de l‟eau qui m‟appartient ». La lionne
répondit : « cette eau est à moi, à toi est la pelouse ; si tu oses y boire, je te tue ». La vache s‟étant
remplie d‟herbe s‟en fut boire à la fontaine. Ce que voyant la lionne bondit et la tua. La vache
expirante beugla sept fois. Elle vit tout près de là son veau, une gentille génisse. La lionne, elle
aussi, avait deux jeunes lionceaux. La génisse entendant les cris de sa mère mourante, crut que
c‟était ceux des lionceaux. La génisse entendant les cris de sa mère mourante, crut que c‟était ceux
des lionceaux. Elle s‟en fut à la poursuite de la génisse pour la tuer. Celle-ci rencontra sur la route
un renard qui voulut lui barrer la route, la génisse supplia tant que le renard en eut pitié et lui dit
« passez ». Elle alla se cacher sdans une grotte. Peu après arrivait la lionne. Elle dit au renard : « tu
as caché la génisse qui a tué mes petits ; dis-moi où elle est ou je te tue ». Le renard aussi s‟enfuit
dans la grotte. Il dit à la génisse. « Sors vite d‟ici. » La pauvre bête sortit. Un homme la rencontra
« voilà, pensa-t-il, un fauve ; vite ma lance que je le perce ». La bête gémit si bellement que
l‟homme se dit : « je ne la tuerai pas, mais je l‟amenerai chez moi. » Il prit la génisse et partit. La
bête grandit, grandit. Un jour parrut près d‟elle un taureau sorti de terre : « mpanzi y‟e kuzimu ».
La bête fut saillie et mit bas une génisse. Les pis gonflés regorgeraient de lait, tellement qu‟il
tombait par terre goutte à goutte. L‟homme curieux le recueillit dans un vilain tesson de pot, et dit :
« le petit boit cela, serait-ce bon ? » Il y trempa le doigt, le goutta et le trouva délicieux. Il courut
chercher une jarre neuve, et tirant sur les pis, se mit à traire et en rempli son récipient. Il fit de
même chaque matin et s‟en nourrit, lui, sa femme et ses enfants.
Un jour qu‟il avait fortement remué la jarre, il remarqua des cailots gras ; il s‟en mit les bras, et vit
que c‟était du beurre. Il s‟en frotta désormais le corps.
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(Note : on sait que les noirs aiment à se frotter le corps d‟un corps gras ; le beurre n‟a que cet
usage au Bushi, il n‟est pas mangé).
Après quelques mois le taureau mystérieux reparut, saisit de nouveau la vache ; cette fois elle mit
bas un petit taurillon. Et les vaches ne tardèrent pas à abonder au Bushi. C‟est ainsi que les anciens
bashi recurent leurs troupeaux et connurent l‟usage du lait et du beurre.

RESUME DES COUTUMES ET CROYANCES RELATIVES AUX TROUPEAUX

- Vache domaine public : 156


- Introduction des vaches ; duanes : 162
- Vol des vaches : 168
- Vaches allant au successeur : 161
- Peau de vache, habillement : 37-172
- Présence d‟un couple à la construction du boma du chef : 39
- Soins donnés par l‟homme et la femme : 49
- Vache dot : au mariage : 81-172 ; au divorce : 85 ;
remèdes quand elle est malade (cikohwa) : 95-172
- Vache donnant son septième veau : ludanda : 95
- Renvoi de la vache : 100
- Lait, fromage (nourriture de qui ?) : 104
- Lait des vaches des Banjoka : 104
- Beurre, le chef n‟en peut se frotter : 104
- Lait défendu à la femme qui a des règles : 104
- Vaches de bazimu : marais sacrés : 108
- Taureau objet d‟un vœu à Lyangombe (bénédiction de la hutte 117)
- Taureau sacré : 117
- Filet de vache, offert à Maheshe : 120
- Déclamation à l‟arrivée de la vache-cadeau : 124
- Vache et ses petits à l‟intronisation du chef : 176, 177
- Bugisha, pâturages : 172
- Vaches au nouveau village de chef : 39
- Lait et faiseur de pluie : 122

173/ VIE SEDENTAIRE

Quoiqu‟il en soit des déplacements des indigènes indiqués ci-dessus (171), on peut dire que nos
Bashi sont nettement sédentaires. La plus belle partie de leur vie s‟écoule à l‟ombre de leurs
bananiers. A l‟aube du jour, la bergeronnette fait entendre son premier chant, le mushi sort de sa
case, rassemble une poignée de brindilles séches et d‟herbes vertes, allume un feu à grande fumée,
y amène sa vache pour la dégarnir des tiques et s‟y chauffe accroupi sur le sol, faisant un bout de
causette avec son voisin. Puis la famille grignotte un reste de nourriture de la veille. La mère et la
fille s‟en vont alors aux cultures, au bois, à l‟herbe destinée à garnir le sol de la case, ou au marché.
Les plus jeunes fils mènent les vaches au lieu du rassemblement, et quand toutes les bêtes à cornes
sont là, ils mènent tous ensemble les troupeaux aux pâturages. Le père de la famille le plus souvent
s‟assied devant sa case, se chauffe au soleil levant, révant à je ne sais quoi, à moins qu‟il ne
veuille accompagner sa femme pour les plus grosses cultures ou aller commercer et « palabres »
ailleurs. Vers trois heures la mère revient des champs et se met en demeure de préparer le repas de
famille, lequel se prendra en commun vers le coucher du soleil. Les fils à ce moment ramèneront
les vaches ; le père rentrera lui aussi. Le repas terminé, c‟est le moment des bonnes causeries. S‟ils
ne préfèrent s‟entretenir autour du foyer, le mari ira s‟accroupir avec un groupe de son âge devant
l‟enceinte du chef de village, ou bien tâchera de pénétrer dans une case où l‟on vide une cruche de
bière. La mère reste au foyer, entourée de ses enfants, jasant avec eux comme une mère sait le
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faire ; si la lune luit, les enfants iront dehors pour chanter et danser, mais le bruit ne dure pas. Vers
8 ou 9 heures le village est habituellement silencieux, tout le monde s‟est retiré chez soi. La nuit
comme le jour est presque toujours d‟un calme plat, les mariages, les cérémonies religieuses et
quelques autres incidents pénibles ou joyeux viennent seuls en rompre la monotomie. Voilà le
genre de vie de la masse. Il va sans dire que forgerons, vanniers, pêcheurs et commerçants donnent
la plus belle paartie de leur temps à leurs occupations spéciales.
Leur vie n‟en est pas moins tranquille et sans secousses. N‟ayant besoin de presque rien, trouvant
sans peine ce qu‟il leur faut pour vivre, nos noirs ressemblent à des rentiers qui veulent bien se
créer une petite occupation pour passer le temps. Seule la mère de famille a et fait bonne besogne.

174/ CLASSES ET CASTES

Comme on a pu le voir par ce qui précède, les Bashi se partagent en classes distinctes et nettement
caractérisées. C‟est tout d‟abord la caste ou le clan des Banyamwoca ou Baluzi, qui préside aux
destinées du pays. C‟est aussi la caste des « Barhambo» à qui le chef confie une partie de ses gens.
Ces abarhambo sont souvent du clan des Banyamwoca, mais beaucoup aussi appartiennent à
d‟autres clans et détiennent leur autorité par voie d‟hérédité, ou bien sont simplement choisis par
le chef qui veut les récompenser ainsi de leurs services.
Vient ensuite la classe des BAGULA riches, de ceux qui ont plusieurs garçons, quelques vaches et
quelques Bashi ou suivants ; ils forment en quelque sorte avec les précédents, l‟aristocratie du
pays. Il y a aussi les Bagula pauvres c‟est-à-dire, les pères de famille qui ont trois ou quatre
garçons mais n‟ont pas plusieurs vaches et n‟ont pas des suivants. Ce sont les Bashamuka. On peut
guère mettre comme caste spéciale les Baganda ou serviteurs au service personnel du chef, car ce
titre est trop instable. Il y a encore les Barhwali. On appelle ainsi tous les Baluzi hommes et
femmes, qui ne sont pas trop éloignés de la souche primitive. Portent aussi ce nom par
appropriation tous les hommes qui sont considérés comme favoris-barhonyi-du chef ; et à ce titre
les Barhambo sont dits Barhwali, bien que n‟étant pas du clan Banyamuyoca. Bashamuka, Bagula,
Barhambo ont leur mot à dire dans les affaires publiques. Le reste constitue le peuple proprement
dit, c‟est-à-dire pères des familles pauvres, jeunes mariés, jeunes gens, femmes et enfants. Tout
homme capable de porter les armes est astreint à la guerre. Chaque mushi valide doit en effet à son
chef le devoir dû « muhero » - arc.
Il n‟y a donc pas des classes à part pour les guerriers. Il n‟y a pas non plus de caste à part pour les
commerçants, ni pour les artisans, pas même pour les forgerons et les potiers. On ne peut pas
même dire que les féticheurs et les sorciers forment une classe ; ils sont de l‟aristocratie ou du
peuple. Doit-on parler de la caste des esclaves ? La réponse est donnée ci-après au n°175.

175/ ESCLAVAGE

L‟esclavage proprement dit est inconnu au Bushi.

1/ Selon Mikaeri Kisimononwa (1935), il y aurait des filles traitées en esclaves à la suite de
nshuzo. Nshuzo, c‟est l‟état d‟un homme qui meurt sans laisser de garçon pour lui succéder. Le
chef prend d‟office tous ses biens et ses filles. Celles-ci parquées dans un enclos spécial, toutes
ensemble et chargées de puiser, de couper le bois, de cultiver pour le chef. Si celui-ci n‟est pas
content de leur travail, il envoie, dit-on, les battre, parfois très violement. Parmi elles beaucoup
vieillissent là. Si un homme leur parle sans autorisaation, il est « kunyagwa », « dépouillé ». Le
chef peut les donner en mariage, et alors il reçoit la vache-dot. Souvent elles sont données à de
vieux polygames, amis du chef. Il est vrai que le plus souvent le chef se montre bienveillant à leur
égard et les marie à des jeunes gens, même de bonne famille. Tout cela jusqu‟il y a 20 ans environ.
Actuellement par ordre des blancs, les filles de nshuzo vont au successeur légitime du père défunt
(son frère, son père, son neuveu, etc.)
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2/ Esclavage par suite de la famine.


Il y a quelques années encore, on rencontrait des esclaves, enfants vendus par leurs parents contre
des vivres durant la famine. Notamment après 1915 bien des enfants de Bagoye du nord du lac
furent ainsi vendus au Bushi. Ces esclaves étaient bien traités en général, et rares furent ceux
qu‟on revendait plus loin. Plusieurs même étaient considérés comme enfants de la famille. Etant
sortis de leur clan, de leur parenté, ils prennent le nom du clan de celui qui les a achetés ; les
garçons sont mariés par l‟acquéreur comme par un père, et pour les filles l‟acquéreur touche la
vache-dot. En somme ces enfants sont achetés et rendus à la liberté.

3/ Les enfants trouvés.


Sont-ils eslcaves ? Non, ils sont recueillis et adoptés comme enfants de la famille. Le cas est rare,
mais il se présente, soit que ces enfants soient abandonnés secrètement par une fille-mère qui a
réussi à se cacher, soit que les parents aient disparu pour éviter des poursuites jidiciaires et que
l‟enfant ne puisse rien dire de son origine, etc.

E/ ORGANISATION POLITIQUE

176/ EN GENERAL

Le Bushi est administré par deux chefs principaux : Kabare et Ngweshe. On pourrait y ajouter le
chef Katana, lequel s‟est rendu indépendant de Kabare vers 1850 et régit l‟Irhambi, la partie Nord
du Bushi, conquis par lui sur les Bahavu (cfr. 141). A côté d‟eux se trouvent encore quelques chefs
secondaires, tels que Birali, Muzuka, Kakira, considérés comme indépendants. Mais ces chefs se
rattachent aux deux premiers par la parenté, et de droit ou de fait dépendent de l‟un ou de l‟autre
en bien des circonstances. On peut donc les rattacher soit à Kabare, soit à Ngweshe. Chacun des
deux chefs régit son pays en toute indépendance ; Kabare au Nord, Ngweshe au sud. Il en est le
grand propriétaire, à lui appartient tout le terrain et tout le gros bétail. C‟est lui qui détermine à
chacun sa parcelle, qu‟il pourra cultiver pour lui et les siens ; c‟est lui aussi qui distribue à son gré
ou plutôt donne en usufruit chacune des bêtes à cornes. On pourrait dire aussi que les grands chefs
sont gérants de la propriété de la tribu. Le pays est divisé en plusieurs provinces ; chaque province
est administrée par un « Nahano ». Le grand chef lui-même, tout en ayant la haute main sur tout le
pays, se réserse une province, à titre il peut être appelé « Nahano ». Comme chef d‟un pays, on le
nomme « Nakuno ».
(Note : Nahano-maître d‟ici Ŕ de cet endroit précis)
Nakuno-maître de là-bas partout, d‟un endroit dont les limites s‟étendent au loin).
Le « Nahano » est le chef d‟une branche puinée de la famille régnante. C‟est là le Nahano,
reconnu pour tel par le « Nakuno». Par exemple Nyangezi, Birali, Muzuka, Kakira, Chilawa. Il y a
un autre genre de Nahano. On donne aussi ce titre à celui qui est chef de clan, ou chef tout court ; il
est appelé Nahano par ses gens à lui (e mwage) plus ou moins par flatterie ; v.gr. Ruteranya,
Ngingi. Ils se trouvent en effet sous l‟autorité du grand chef, ou d‟un chef de province. La province
elle-même est divisée en une grande quantité de chefferies et sous-chefferies ou villages, appelés
Mashwa. Les chefs et sous-chefs qui les dirigent sont désignés par le chef de province d‟accord
avec le grand-chef ; ils sont pris le plus souvent dans la parenté la plus rapprochée de Kabare et de
Ngweshe ; ce sont les « Barhwali », quelquefois aussi ce sont des favoris priviligiés « barhambo » ;
enfin un certain nombre d‟entre eux sont les descendants directs des anciens chefs « bajinji.» En
principe leur autorité passe de père en fils ; des fautes graves font seules déroger à ce principe. A
défaut de fils ou de petits-fils, les droits du défunt sont repris par le chef.
Chaque village se compose d‟une certaine agglomération de familles groupées, soit autour du chef,
soit autour de l‟un de ses suivants plus importants, appelés bagula. On appelle mugula, tout
personnage qui reçoit en usufruit dix, quinze ou vingt têtes de bétail et une clientèle de quatre ou
cinq familles au moins. Les chefs et chaque mugula font tous leurs efforts pour développer leur
clientèle par l‟appât d‟une vache, de bière ou de vivres, et des pauvres viennent ainsi à eux et les
290

servent gratuitement. Quand le mugula meurt, le chef le remplace parfois par un autre que fils ainé.
Dans ce cas, ce fils continue à porter le titre de mugula ou murhambo, sans en avoir les privilèges.
A remarquer aussi qu‟il y a les bagula b‟emwage et les bagula ba mwami. Les premiers sont les
riches dont il vient d‟être question, les derniers sont les pères de trois ou quatre garçons, mais qui
n‟ont presque rien. Les premiers sont souvent chefs de collines ; et alors ils se confondent avec les
barhambo. Mais tous les bagula font d‟office partie du conseil du chef, quand il y est question des
affaires générales de la tribu. Le chef de province se réserve à lui-même un village qu‟il administre
personnellement. A ce titre il possède sa clintèle et ses « bagula » en propre. En parlant de village,
on ne peut signifier un groupement de cases avec rues et places publliques. Le village est une
agglomération de famille séparée les unes et les autres, dans des enclos de roseaux au miieu d‟une
petite bananeraie et de cultures. Les limites du village sont donc à proprement parler les limités
même du territoire concédé au chef ou sous-chef pour les besoins des clients qui se sont attachés à
lui.

Le gardien secret de l‟organisation politique, le lien de cohésion entre tous les chefs, c‟est l‟âme
des ancêtres de Kabare et Ngweshe. C‟est pour cela que Kabare conserve toujours près de lui le
crâne de son prédéccesseur, et porte sur le front, sans jamais le quitter, un diadème contenant une
partie du corps du défunt. Ces âmes ancestrales protègent leur pouvoir, elles sont idées en cela par
les mânes des héros d‟autres fois : Lyangombe, Muhima, Kagere, etc. avec l‟approbation du grand
esprit créateur Nyamuzinda. Des deux ou trois grans chefs qui administrent le bushi, Kabare seul
en porte le titre en toute justice. Lui seul peut se dire « Mwami » parce que seul il est le descendant
authentique et direct du fondateur de la dynastie. Ngweshe ne le porte que par appropriation.

Note sur le mot Mwami. Originairement Mwami désigne le bonnet de peau des Babembe.
Aujourd‟hui encore ces chefs en sont toujours revêtus. Chez les Bashi, ce mot est resté pour
désigner le chef suprême, le roi. Il en est de même au Rwanda, Urindi, chez les Bafulero, les
Bahavu, les Batembo, les Bahunde, etc. N‟est-ce pas une preuve de plus que tous ces chefs sortent
des Babembe ou Warega ? Tous sont du clan Mwoca, ou d‟un clan issu du clan Mwoca. Il n‟est
pas jusqu‟au roi de l‟Ufipa qui n‟en vienne, puisque ses gens le saluent d‟une expression que
personne ne comprend là-bas, et qui est caractéristique « Mwocha taa » (père Mwocha).

177/ COMMENT LES CHEFS OCCUPENT LE PAYS

Chaque chef de province occupe pour son propre usage et celui de sa famille les terrains dont il a
besoin. A lui de les cultiver tout comme un simple particulier. Aussi voit-on ses femmes manipuler
la pioche comme toujours autre femme, à cette différence près qu‟elle peut dans une certaine limite
réquisitionner des travailleurs pour l‟aider. En tant que chef de village, il prend les terres qu‟il faut
pour tous les gens de son village. A chaque « murhwali » il laisse également des terres arables. Le
murhwali partage ces terres entre les divers bagula, proportionnellement au nombre de familles
qu‟il a pour clientèle. Et en général le partage est assez equitable.
Le menu peuple se groupe autour des bagula, au gré de ses désirs et de ses intérêts. C‟est ce qu‟on
appelle « kushiga » c‟est-à-dire se mettre au service d‟un autre. En dehors des terres occupées par
les barhwali, il y a de grands espaces inoccupés. Ce sont les terres les moins fertiles. C‟est une
réserve pour les nécessités à venir.

Le chef du pays « Nakuno » est le seul quasi-propriétaire foncier de toutes les terres. En
reconnaissant un Nahano comme chef de province, il lui donne droit de récolter l‟usufruit de toutes
les terres de sa province. Le chef de province agit de la même façon avec les barhwali, ou chefs de
village. Chefs de province, chefs de villages, doivent reconnaître leur dépendance à l‟égard du chef
du pays par le paiement d‟une redevance déterminée par la coutume.
291

Rédevance déterminée. Chaque famille doit donner à son mugala ou chef de village un peu de bière
quand elle brasse. De plus à la récolte du sorgho, elle doit porter un petit panier de sorgho chez le
chef de village ; celui-ci réunit tout et le porte chez le chef de province. Il doit aussi donner au chef
de province de la bière de temps à autre. L‟offrande des prémices se dit : « kurhula mwaka ». Le
chef de province reçoit chaque année l‟investiture pour un an ; elle se fait par la cérémonie appelée
« kunywa mubande.» Si l‟on considère l‟ensemble de l‟organisation politique, on voit que c‟est
une vaste hiérarchie basée sur la parenté. Du haut en bas on pratique l‟investiture. L‟investi qui n‟a
pas démérité passe son autorité et ses fonctions, à sa descendance, suivant l‟ordre traditionnel du
père au fils-ainé. Que s‟il mourait sans laisser de fils, le chef qui lui avait donné l‟investiture
hériterait de tous ses biens, et mettrait un autre à sa place. L‟investiture est réservée avant tout aux
membres de la famille du chef et secondairement aux riches bagula ou aux amis du chef de
province. Comme on a pu le remarquer, on n‟a pas donné à chaque sous-chef des terres à pâturage
pour ses vaches. C‟est que les vaches étant propriété exclusive de la communauté, les bergers
peuvent les mener paître partout où il y a de l‟herbe à brouter, à l‟exclusion des cultures.

SIGNES ET FONCTIONS DU POUVOIR

Le signe du pouvoir suprême chez Kabare est don diadème, son « ishungwe.» Ngweshe ne le porte
pas. La fonction principale des grands chefs est de protèger les frontières contre toute tentative
d‟invasion. A la première apparition de l‟ennemi, le chef de la province envahie mène au combat
tous ses hommes valides. Peut-il tenir tête, le chef suprême le laisse ; mais si l‟ennemi gagne du
terrain, tout le pays se lève et le grand-chef devient chef de combat. Il dirige en personne toutes les
opérations. Il se fait aider par un chef de guerre « spirituel », le « murhambo wa Kashala » individu
choisi par tous les grands du pays, consacré et béni par les plus célèbres sorciers et féticheurs.
Chef de pays et chefs de province sont les Juges attitrés. C‟est chez eux, devant la hutte des
mânes, que se tranchent tous les procès important. Pour les affaires secondaires, ils déchargent sur
le « Murhambo gwa olubanja » (le chef des procès) ; mais même ces jugements doivent être
sanctionnés par les chefs. Les affaires très graves ou celles pour lesquelles les accusés interjettent
appel, sont traitées devant le chef suprême ou devant la reine-mère. Les chefs sont encore les
Sacrificateurs en titre. Ils jouent par rapport au groupe qu‟ils administrent le rôle que le père joue
dans la famille. A eux d‟offrir le sacrifice destiné à conjurer un malheur public, à procurer les
faveurs des ancêtres à leurs gens, à obtenir leurs bénédictions dans les combats. Il va sans dire que
l‟autorité du chef suprême dépasse le loin celle des chefs de province, et que facilement elle touche
à la tyrannie. Faisons pour le moment abstraction des agents du gouvernement, et voyons comment
elle s‟exerce.

Le grand chef a sur ses sujets Droit de vie et de mort. Devant ses caprices tout le monde n‟a qu‟à
plier l‟échine. Il peut à son gré prescrire le chômage complet des cultures et imposer ainsi la
famille, exiger des prestations en vivres et en travail, dépouiller ses sujets de tous leurs biens,
destituer les chefs, tuer et martyriser qui bon lui semble. Cependant, si tel est son droit, telle n‟est
pas toujours la pratique. La coutume qu‟il cherche à suivre le plus souvent, veut qu‟il soit mesuré
dans ses exigences, qu‟il récompense tout service rendu, qu‟il ne destitue et ne châtie qu‟à bon
escient et pour des fautes sérieuses. De plus, la crainte de voir s‟enfuir ses gens chez les chefs
voisins avec leurs troupeaux, met toujours en sourdine ses velléités tyranniques. Cependant, s‟il lui
arrive de faire des actes de cruauté, personne n‟ose se plaindre, il a dans les veines le sang des
ancêtres, le fondateur de son pouvoir est en lui. Tuer le grand-chef attirerait la vengeance des
mânes.
Les ordres du grand-chef sont sacrés, ils doivent être obéis telle est la loi. Les chefs de province
participent à ce pouvoir, mais le grand chef peut toujours faire rendre compte de son emploi. Les
chefs ont aussi des devoirs bien précis. Ils sont les protecteurs nés de quiconque s‟est mis sous leur
autorité. Qui se croit lésé, peut librement recourir à leur assistance, et il faut reconnaître que leurs
sentences sont le plus souvent imprégnées de justice et de bon sens. Les chefs doivent à leur gens
292

de cadeaux. Toute l‟année les chefs importants ont leur cour envahie par des solliciteurs. Il est de
bon ton d‟aller « mendier » chez les chefs. C‟est leur faire grand honneur. Mais les chefs font
souvent prolonger le séjour de ces solliciteurs pendant des semaines et des mois avant d‟accéder à
leurs désirs. La demande se fait à voix basse, à l‟oreille, soit directement, soit à l‟aide d‟un favori
qui fait grassement payer ce service. Aux chefs, on demande de tout : vaches, chèvres, manioc,
bière, viande. Les riches reçoivent le plus, les pauvres ont de la peine à obtenir quelques miettes.
Quiconque meurt sans héritier c‟est-à-dire sans enfant mâle, laisse tous biens au chef de province,
y compris ses femmes et des filles. A ce titre donc le chef de province est le patron, le Tuteur
régulier de toutes les filles sans soutien. A lui de les nourrir, de les habiller, il les garde jusqu‟au
mariage. Il recueille également les veuves, mais la charge n‟est pas lourde, car celles-ci peuvent
convoler à d‟autres noces, dès qu‟elles ont accompli ce qui est exigé par la coutume. Le chef de
province touche le paiement fourni par le mari au mariage de ces filles et de ces femmes (v.175,
esclavage).

CARACTERE RELIGIEUX DU POUVOIR

Aux yeux des indigènes, le pouvoir de leurs chefs revêt un caractère nettement religieux :

1/ On a vu plus haut que le petit garçon, père de toute la famille règnante, trouvé au pied d‟un
palmier et né d‟un père dont personne ne parle, est considéré comme un être quasi miraculeux
(v.141).

2/ Toutes les cérémonies de la fête « Mubande » ont pour tout d‟attacher à ce pouvoir ce même
caractère religieux (v. ci-après : intronisation).

3/ Le chef est le sacrificateur public, à qui revient le droit de sacrifier aux ancêtres pour obtenir
leur protection dans les affaires publiques, pour l‟heureuse issue d‟une guerre, la fin d‟un fléeau, le
succès d‟un procès de tribu etc. le sacrifice est fait aux mânes des chefs défunts, considèrés comme
protecteurs nés de toute la tribu.

4/ Le diadème « ishungwe » qui concrétise aux yeux de tous la légitimité du pouvoir est consacré
aux ancêtres et essentiellement religieux.

5/ Le grand chef a près de lui deux hommes de basse origine, en qui il dépose moralement le
fardeau de son pouvoir. Ce sont les « barhambo ba Kashala » reconnus officiellement par les
grands de tout le pays, et sacrés par les plus célèbres féticheurs et soricers, et par le descendant
authentique du pygmée qui aida le premier chef muluzi à conquérir son pouvoir.

6/ L‟âme de cet ancêtre continue à veiller sur le pays. Il protège le chef régnant et se montre parfois
sous la forme d‟un léopard qui crie, mais ne fait tort à personne, et qu‟on appelle pour cela le
léopard béni « ngwi mugashane ». Il vient réclamer des sacrifices. Le chef s‟empresse toujours d‟y
répondre. Le détenteur de ce pouvoir suprême n‟est en somme qu‟un instrument visible où habite
le pouvoir émanée du premier chef, et consacré par les esprits invisibles, Lyangombe, Muhima,
etc. avec la permission du grand esprit Nyamuzinda.

La petite histoire suivante dira, elle aussi, comment le chef est lui-même persuadé de ce caractère
religieux. Un jour le grand chef Ngweshe causait avec sa mère et son frère Albert Nyangezi, chef
d‟une province. Albert était chrétien depuis quelques mois. Au cours de la conversation, Nyangezi
dit à Ngweshe : « Si tu ne deviens chrétien, après ta mort tu iras en enfer et tu seras pire qu‟un
esclavage, tout puissant que tu sois maintenant. Tu ne pourrais garder cette lave, tout puissant après
la mort que si tu devenais chrétien, car seuls les gens qui meurent serviteurs fidèles de Dieu
293

régneront éternellement ». Le chef paien, incapable de comprendre ce langage, répondit avec


colère : « comment, tu contestes que mon autorité survivra dans l‟autre monde, et que mes ancêtres
la possèdent encore ? Tu veux que mon pouvoir cesse à la mort ? Il ne reste qu‟à me le ravir tout de
suite. Ignores-tu cependant que je puis d‟un seul mot reprendre ta province, et tous tes biens ? »
« C‟est vrai, reprit Albert, c‟est vrai, tu as ce pouvoir, tu es tout puissant et je respecte cette
autorité, tu es mon chef, et cependant je te dis que tu ne pourrais m‟empêcher de règner pendant
toute l‟éternité, puisque je suis et veux mourir chrétien. »
Quelques hommes avaient entendu la discussion. Comme une trainé de poudre, le bruit se répandit
que le chef de province allait être disgracié et dépouillé de tout. Heureusement, leur mère, païenne
intelligente (devenue chrétienne depuis) parvient à calmer son puissant fils. Ngweshe réfléchit et
comprit que le pouvoir dont parlait son frère n‟était pas celui dont il était revêtu. Il lui rendit
aussitôt son affection. Bien plus, il eut la bonne idée d‟aller demander aux missionnaires eux-
mêmes ce qu‟ils pensaient de l‟origine et de la nature du pouvoir des chefs. L‟explication parut le
satisfaire, mais sans l‟étonner bien fort, tant était ancré dans son esprit le caractère religieux et
immortel de cette autorité reçue légitimement de son père Ruhongeka et consacrée par les mânes
de ses ancêtres et des esprits invisibles.

ETENDUE DE CE POUVOIR

L‟autorité du chef et des sous-chefs est respectée par grands et petits. Aux yeux de l‟indigène,
résister à son chef, lui intimant un ordre, de vive voix ou par un envoyé, est chose grave. S‟agit-il
de construire, par forme de corvées, les cases du chef, de lui apporter les dîmes de vivres et des
troupeaux, de se présenter pour un jugement, d‟assister à un sacrifice public, de prendre part à la
guerre, de faire gratuitement un travail d‟utilité générale, les « bashi » s‟exécuent sans trop
récriminer, car c‟est conforme à la coutume. Même lorsque le chef veut faire exécuter l‟ordre qu‟il
a reçu de fournir à la station voisine du portage, du travail ou des vivres, la plupart lui obéissent.
Les récalcitrants eux-mêmes finissent par céder.
L‟autorité du chef s‟étend sur tout son pays, celle des sous-chefs s‟arrête aux limites de leur
territoire, sans préjudice de l‟autorité du chef qui peut s‟y exercer toujours, mais qui d‟ordinaire ne
vient pas contrecarrer le pouvoir de sous-ordres. Chaque indigène connaît parfaitement le chef dont
il dépend. Actuellement même (1920) la mère du grandŔchef Nabushi régit le pays pour son fils
âgé de 8 à 9 ans, avec l‟aide du tuteur et d‟un conseil d‟anciens. Il va sans dire qu‟une femme ne
transmet jamais sa succession, le fils se cédant de droit à son père. La régente, quel que soit son
âge, a défense absolue de prendre un mari tant que son fils est à la tête du pays. Le chef est
considéré comme l‟unique propriétaire des terrains et du gros bétail, ou si l‟on veut, il en est le
régisseur au nom de la communauté, tous ses subordonnés reçoivent de lui le droit d‟en récolter les
fruits. Ils reconnaissent ce droit par le paiement régulier d‟une dîme. Quiconque brasse de la bière,
récolte du sorgho, des haricots ou du manioc, doit à son chef une petite part que la coutume
détermine ; c‟est ce qu‟ils appelent « Kurhula mwaka » offrir le cadeau du champ. Les pâturages
sont communs à tous les troupeaux du pays. Les bergers peuvent les mener partout où il y a de
l‟herbe.
Tout détenteur de gros bétail doit la dîme à son chef. Il doit lui offrir l‟un des trois premiers veaux,
aussi le sixième ou septième veau qui naitra soit de la vache qu‟il tient du chef, soit de l‟un de ses
jeunes ; il doit lui apporter une cuisse de chaque bête qu‟il abat. Les sous-chefs, même les plus
proches-parents du chef, sont soumis à la rédevance, mais alors celle-ci se donne plutôt sous forme
de prestation ou de cadeaux. S‟ils en sont priés, ils enverront à leur maître la vache, le tourillon ou
les vivres demandés. Brassent-ils de la bière, une part est offerte au grand-chef. De temps en
temps, ils doivent aller lui offrir leurs hommages ; ils lui font à ce moment cadeau d‟une tête de
gros ou de petit bétail et de quelques jarres de bière. En certaines circonstances ils sont tenus à un
cadeau plus important, le grand-chef reçoit-il son pouvoir ou entre-t-il en mariage, les notables lui
offriront plusieurs têtes de gros bétail.
294

C‟est ainsi que lors de la mise en possession de son autorité, Katana reçut de son oncle et sous-chef
vingt vaches et une pointe d‟ivoire ; lors du mariage du fils de Nyangezi, les grands du pays lui
constituèrent de toutes pièces un troupeau de septante cinq têtes de gros bétail.

INTRONISATION DES CHEFS

Le grand chef vient de mourir. Il faut désigner son successeur. Celui-ci n‟est connu que des initiés,
car pour avoir droit, il doit être né « nkebe.» Aux yeux du vulgaire, le nkebe est celui des fils qui a
eu l‟heure de naitre avec toutes les dents formées, tenant en mains des haricots, du sorgho et du
lait caillé. En fait, il n‟est que l‟un quelconque des fils, autres que l‟ainé, que le chef défunt a eu
d‟une femme désignée par un féticheur de la famille « Bene rubambo » originaire de chez Cibondo
au Rwanda. L‟ainé se contentera de porter le titre de « mulezi » tuteur du nouveau chef, mais son
autorité réelle sera parfois presque pareille à celle de son pupille. Ce n‟est pas sans raison qu‟on
écarte l‟ainé de la succession ; le successeur doit rester ignoré, et par là même aucune des femmes
du chef désireuse de devenir reine-mère n‟a intérêt à envoyer plutôt que de droit son mari dans
l‟autre monde. Le défunt est enterré, de suite on a confectionné le nouveau diadème,
l‟« ishungwe ». On a détaché la tête du cadavre, on l‟a mise à sècher au dessus du foyer, on l‟a
enveloppé d‟une double natte et mise le tout à l‟intérieur d‟un grand tambour de bois recouvert
d‟une peau de vache ; c‟est le « buvuku » talisman protecteur qui va être donné au successeur et
qui pendra désormais dans la hutte des ancêtres, gardée sous peine de mort par le titulaire Mwogo,
gardien des tombeaux des chefs défuns. Au moment d‟en prendre possession, l‟héritier fait la
prière suivante : « oli mpanga ya Mushema Namuhoye ; olamye abana bawe (tu es le crâne de
Mushema Namuhoye (surnom du fondateur de la dynastie) ; donne à tes enfants longue vie).
Et peu après on voit venir du tombeau des ancêtres une vache avec deux petits, un tourillon et une
génisse. Vache et génisse s‟appellent Kahiri ou Cirala ca e mwogo ; le tourillon se nomme
Cibanywanyira ou Mugabira. Le défunt, dit-on les envoie de l‟autre monde. Les trois animaux vont
d‟eux-mêmes vers l‟enclos du nouveau chef ; la vache y laisse ses petits, s‟en retroune seule au
cimetière et disparaît en terre. Voilà ce qui se dit. Le taurillon désormais pourra grandir et vivre en
paix, personne jamais ne le molestera ; il mourra de vieillesse ou de maladie et son cadavre sera
respectueusement enterré. La génisse, elle, est réservée au chef qui, seul, pourra boire de son lait.
Notons que seul le gardien des tombeaux des chefs voit sortir de terre et y rentrer la miraculeuse
Kahiri. Vers ce temps aussi à lieu la transmission des biens du défunt au successeur. Le titulaire
Mushogo amène le nouveau chef dans la hutte où son prédécesseur est mort, il le place sur son
siège ; autour de lui tous les anciens s‟accroupissent. Le gardien des trésors étale devant lui les
bracelets ; les perles, l‟arc, la lance, le couteau, le marteau, les amulettes, en un mot les ornements
et intruments du défunt. Puis il se met à en revêtir son maître objet par objet, disant leur origine,
leur signification et leur but ; il lui dit alors le nom du taureau reproducteur et le nombre de bêtes à
cornes qui vont lui être remises. Bref, il le met en possession de sa fortune. En même temps, il lui
donne nombre de bons conseils. En récompense de sa peine, il recevra une ou deux vaches, et peut
régir un petit bout de territoire. Il tient sa fondation par hérédité. Parmi les biens légués au
successeur de Kabare ou de Ngweshe, il convient, de citer les suivants, à cause de leur antiquité ou
de leurs significations :

1/ La lance. Elle a appartenu au 1er Kabare (XVIIe siècle) ou 1er Ngweshe. Selon une autre version,
cette lance aurait seulement servi à percer des hommes, sans remonter si haut.

2/ Le coutelas. Il a la même origine. Le coutelas et la lance sont employés pour tourner la pâte de
farine pendant la cérémonie pour rappeler comment ces deux fondateurs de dynastie n‟avaient pour
ustensiles que des armes. Le coutelas s‟appelle bikamba, mais ne remonte pas si loin.

3/ L‟arc. Cet un arc en tige de bambous semblable à celui que des pygmées de la grande forêt
emploient encore. Il aurait servi au 1er Kabare quand il allait en chasse avec sa troupe de pygmées.
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Cet arc s‟appelle budari (mot pygmée) et est conservé par le pygmée consecrateur.

4/ Un marteau indigène, petite masse de fer sans manche, appelé kayundwe kaluwe ou bien
walengera. Le chef Nyiganda le garde.

5/ Un anneau de cuivre, pesant près de trois kilos. Chez Ngweshe cet anneau s‟appelle lulinga lwa
Cilimwentale, le bracelet de Cilimwentale, son ancêtre. Il l‟aurait pris dans la poursuite des
Barundi vaincus par lui, au XVIème siècle san doute, et qui avaient tenté de prendre son pays. Le
marteau et le bracelet frappés l‟un contre l‟autre sont employés pour la divination.

6/ Une barre courbée en cuivre, terminée par deux boulets et longue de 75 centimères, autre relique
des premiers Ngweshe. La légende raconte que cette barre avait été achetée par Mushagwa,
indigène de Ngweshe. Devant se mettre en route, il confia ce trésor à sa femme, qui n‟eut rien de
plus pressé que de la montrer à Bucinga, 5e Ngweshe. Ce chef se l‟appropria. Mushagwa l‟ayant
appris courut chez son chef pour la redemander. Ngweshe répondit : « bientôt » hano kashanzi.
L‟indigène l‟ayant ainsi réclamée pendant longtemps et ayant toujours reçu la même réponse, vola
une vache de Ngweshe et alla l‟offrir à Kabare, ennemi de son chef. Ngweshe, furieux appela son
frère Murandikire ; son sous-chef Cigwerhe et son serviteur Kashosi, et leur dit d‟aller reprendre la
vache. Mais Kabare envoya contre eux Nabuhanga, qui les tua tous. La barre resta propriété du
successeur. (il y a ici confusion Nabuhanga vivait en effet du temps de Kwibuka, grand-père de
Bicenga).
L‟histoire raconte encore que le grand-père du Ngweshe actuel, se trouvant occupé à se construire
un nouvel enclos, tenait en main cette fameuse barre. Tout-à-coup les Banyarwanda firent
irruption, se jetèrent sur lui, et le massacrèrent. Il avait eu juste le temps de jeter son trésor dans les
hautes herbes. Une femme allant au bois un jour la retrouva, et la remit à son fils. La barre
s‟appelle lulinga chez Kabare, on a une barre semblable appelée mulingwa gwa akari. J‟ignore que
souvenir s‟y rattache.

7/ Une pointe d‟ivoire taillée chez Kabare en trompe de guerre, nommé mulaza-nshano ; elle est
conservée par le chef pygmée et rappelle comme l‟arc le temps où le fondateur de la race vivait de
chasses.

8/ Une écaille blanc-neige, nyonga ya e Budzi, image de la richesse. Autrefois une écaille
semblable avait une valeur de trente vaches.

9/ Un tambour appelé Biremera, dans lequel se trouve le crâne du chef décédé. Chez Ngweshe on
n‟a conservé que la peau de vache qui a fermé l‟ouverture du tambour Biremera du premier
Kabare, l‟ancêtre commun.

10/ Une ceinture appelée la perle de la reine-mère (nyonga ya mwamikazi),ornée de deux tubes en
bois, et d‟un bout d‟ivoire creux rempli d‟ingrédients magiques et fermé avec une pâte dure où sont
fiés des clous en cuivre à large tête. Cette relique a été portée autrefois par Mwanaluganda, reine-
mère, femme du chef Cirahongerwa (vers 1830). Actuellement (1920) la réine-mère chez Ngweshe
la porte en cérémonie.

11/ Un collier de perles sales et vieilles, nommé nyabushawe, ayant orné le cou des premiers chefs.

12/ Un bonnet en peau de cidesi (sorte de civette) orné d‟une rangée de cauries ; il rappelle le
« mwami », coiffe des chefs Barega, d‟où Kabare est sorti.

13/ Une étoffe en écorce de ficus (mulendwe) et une peau de bélier ; que le chef doit revêtir pour
rappeler l‟habit de son premier ancêtre.
296

14/ Une peau de genette (shambo) fixée sur une autre petite peau semblable à une portée par
Namuhoye, l‟ancêtre commun, comme talisman contre les coups mortels. La reine-mère s‟en
habille.

15/ Une peau de vache qui a été portée par une femme trop âgée pour avoir encore des enfants
(emeraburha). On en revêt la sœur-épouse du chef (voir ci-après) en souvenir sans doute de la
femme stérile qui ramassa et éduqua le petit garçon abandonné qui devint le vrai père des ancêtres
du clan. (v.141).
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RENOUVELLEMENT DU MUBANDE

Vers le mois de mars ou avril qui suit l‟intronisation, à la fête annuellement du Mubande-Mpundu,
les ancêtres consultés diront si le nouveau chef sera bon et s‟il peut être conservé. C‟est alors
qu‟aura lieu la consécration officielle du successeur. Ce jour est donc arrivé, on convoque tous
ceux qui d‟une manière ou d‟une autre, doivent y prendre part :

1/ La réine-mère (mwamikazi) qui a donné le jour au nouveau nkebe.

2/ Une jeune fille choisie dans la famille Birende, appelée pour cela nya-ngoma. Cette fille sera
désormais la compagne du chef, aux seuls jours de l‟intronisation ou de son renouvellement
annuel. Hors de là, elle doit vivre dans la continence, que si elle y manquait, elle serait chassée du
pays ; son père et l‟homme coupable seraient tués. Nya ngoma porte le titre de « sœur du chef », et
remplir le rôle d‟épouse sacrée, ou, pour traduire la pensée des noirs « echigoho cha bajinji
bwabo » l‟employée du pouvoir des anciens chefs.

3/ Une femme pygmée et son mari Nabukumwe, descendants authentiques du chef pygmée
Nabukumwe, dont l‟aide favorisa l‟établissement de la dynastie actuelle. La femme pygmée est
l‟épouse et la demi-sœur de son mari ; ils sont issus tous deux du même père, mais de mère
différente. A elle revient le droit de désigner la fille de son mari et d‟une autre femme, qui devra
épouser le fils qui succédera à son mari, et remplira les fonctions qu‟elle-même a remplies.

(Note : Ce rôle d‟épouse-sœur est très étrange et rappelle sans aucun doute une coutume ancienne.
Pour quoi la femme pygmée est-elle épouse-sœur ? Pourquoi la fille choisie parmi les descendants
des anciens chefs (bajinji) pour le nouveau chef est-elle épouse-sœur ? Pour le successeur nkebe
des chefs Basibula (Rushombo-Muvunyi, etc.), issus comme Kabare de Nalwindi, chez les Warega,
est-il né de son père et de la demi-sœur de son père ? C‟est que l‟usage des Basibula était sans
doute aussi l‟usage chez les ancêtres des Bajinji et de Kabare. Il est certain que le clan de Kabare
(Nyamwocha) et des Basibula s‟est détaché d‟un clan plus ancien, à cause de l‟union incestueuse
de Namuhoye (fille de Nalwindi) avec le fils de sa sœur, lequel fils était lui-même né
illégitimement de cette sœur et d‟un père, fils naturel d‟une fille mère (v.141).

4/ Les descendants authentiques des anciens chefs ou bajinji. On a vu précédemment (141)


comment Kabare a réussi à renverser les bajinji et à établir sa dynastie à la place de la leur, avec
l‟aide des pygmées.

(Note : Chez Kabare ces anciens chefs supplantés sont :


Nyibamba, Nashi, Naruniga et peut-être Nyiganda, le chef pygmée qui l‟aida est Nabukumwe.
Chez Ngweshe les anciens chefs sont : Cilinda, Buruta, Mugeremo, Kahere, Musheba,
Namufumbe ; le chef pygmée s‟appelle Kabamba)

5/ Le gardien-chef du cimetière des ancêtres du chef, son titre est Naluvumbu.

6/ Le titulaire Mushogo, gardien des trésors.

7/ Les sous-chefs de la famille Kabare-Ngweshe (les baluzi) et autres (abarhambo), invités


seulement à prendre part aux réjouissances et recevoir une nouvelle reconnaissance d‟investiture.

Au moment qu‟ils prévoient leur convocation, tous les invités sacrifient chez eux aux mânes des
ancêtres pour obtenir leur bénédiction. Une vingtaine de jours avant la cérémonie proprement dite,
les bajinji, les plus anciens surtout s‟amènent. Ils ont pour mission de « conseiller » le nouveau
chef. Ils viennent lui dire l‟histoire de ses prédécesseurs et des anciens temps, telle que la tradition
298

la leur a transmise. Ils y ajoutent force conseils. Le nouveau chef doit écouter en toute humilité
« acirohya », il ne peut prendre en mauvaise part rien de ce qu‟on lui dit alors. Les invités ont
revêtu les ornements ou habits à eux destinés, tous entrent ensemble dans la hutte des ancêtres, le
nouveau chef est là, orné de la peau de bélier et d‟une étoffe en ficus entre les jambes ; sur la tête le
bonnet de peau, au cou la perle blanche et les vieilles perles ; au front de Kabare son diadème
ishungwe ; au front de Ngweshe la plume de toucan ; au poignet ses bracelets de cuivre ; en mains
la lance et le coutelas. Autour de lui est le couple de pygmées, la reine-mère, l‟épouse-sœur, et les
bajinji. Aussitôt on procède à la cérémonie de la divination. Il s‟agit de savoir ce que sera ce
nouveau chef, et si son règne sera heureux pour ses administrés.

La cérémonie est triple :

1/ Divination du Marteau et du Bracelet. Les devins des bajinji cognent l‟un contre l‟autre ces deux
objets, la manière dont ils rebondissent et résonnent indique la réponse.

2/ Divination de l‟Eau bouillante. Un grand pot d‟eau est mis sur le feu. Quand elle commence à
bouillir, tout le monde, sauf le chef, inspecte l‟ébullition. Les devins en comprennent le sens et y
lisent la réponse cherchée.

3/ Divination des Entrailles. Devant la case on amène un bélier noir d‟un an, issu d‟une brebis
sacrée appelée Nyabulambwi, sortie comme la vache au sein de la terre. L‟animal est tué d‟un coup
du coutelas (bihamba) passé à travers la nuque et la langue, ou bien planté dans la poitrine de
manière à percer d‟un coup le cœur tout entier. On le dépouille de sa peau, on ouvre le ventre, on
lave les entrailles sans les déranger, l‟on regarde et l‟on tire l‟augure touchant le nouveau règne. Si
les augures sont favorables, on poursuit la cérémoie, sinon on l‟arrête, et le nouveau chef est
remplacé par un autre.

(Note : Le remplacement du chef n‟est pas un fait inouï.


Vers 1890 mourait le Kabare Byaterana. Son fils Kagi fut élu. Il règnait depuis six ans sous la
régence de sa mère, femme cruelle. Comme de coutume, on faisait la fête du renouvellement de
l‟intronisation, quand les augures consultées se montrèrent défavorables. Kagi fut chassé et
remplacé par son frère Rutaganda. A la mort de ce dernier en 1919 Kagi sortir de sa cachette et
essaya de reprendre le pouvoir. On ne lui permit pas. Bien plus, un jour il disparut avec sa femme
eet ses trois enfants. La rumeur publique veut qu‟il ait été massacré avec sa famille. Quoi qu‟il en
soit, depuis ce jour, aucun des cinq n‟a reparu). Mais les augures se sont prononcés en faveur du
nouveau chef. On va donc lui donner son pouvoir. Le chef pygmée et sa femme-sœur préparent
un mélange de terre blanche, de farine et d‟eau. Ils en frottent à tour de rôle le chef au front, à la
poitrine et au ventre, lui crachettent sur la tête un peu de salive, ce qui marque ici la bénédiction, et
lui souhaitent une abondante progéniture, santé, bonheur, nombreux troupeaux et riches récoltes.
Puis ils ajoutent « Nakuha, obukulu bwawe, ogwerhe obwami, ntaye mwami wakuimanga » je te
donne ta grandeur, tu as le pouvoir suprême, pas un roi ne pourra te vaincre ». La femme ajoute :
« oyorhe wakalihire, ntaye mujinji okulashirage emalanga : sois sévère, pas un ancien chef ne te
frappera au front ». Après cela le chef quitte son siège et va s‟accroupir par terre pendant que le
principal des anciens descendants chefs, Nyibamba, vient prendre sa place. Dès qu‟il y est assis le
nouveau chef se lève, bouscule Nyibamba, qui cède de suite le siège et va se remettre à ses côtés
par terre, en disant : « orhashukaga oku ankula oku ntebe, naye muluzi walenganya, nga
akulenganya aku ankula bwaca omunige naye ». (Avant de te laver, si quelqu‟un menace de
prendre ton trône, et que ce soit un prince de ton clan qui te trahisse, de bon matin, fais-lui la
guerre et tue le ; que si le traître est un sous-chef, et qu‟il te trahsisse et te menace, hate-toi de le
tuer aussi).
299

Ces deux cérémonies montrent d‟une manière frappante qu‟aux yeux des Bashi le chef suprême
n‟est qu‟un simple mandataire. Il tient son pouvoir des ancêtres protecteurs consultés par les
devins, qui veulent bien renouveller son mandat pour un an par l‟entremise des chefs plus anciens
et des chefs aborigènes. Cependant, la femme pygmée s‟est emparée de l‟eau bouillante qui a servi
à la dévination, y a jeté de la farine de sorgho, de maïs et aussi de la farine d‟éleusine, qu‟on est
allé acheter dans la grande fôret d‟où Kabare est sorti, et elle en fait une pâte dure. Elle a cuit aussi
une partie de bélier, et a déposé le tout devant les bajinji dans la hutte du chef défunt. Ceux-ci
coupent pâte et viande avec le coutelas et la lance. Puis le chef Nyibamba prend avec la pointe de
ces armes une bouchée de pâte et de viande, la porte à la bouche du nouveau chef, en disant : « eyi
ngoro ya e mwami wa e Bushi ; wakushimbe omu ishwa lyawe orhabale, na engoro na itumu
lyayirakwo omuntu » (voici le coutelas de chez le roi du Bushi, celui qui te suit dans ton pays,
aide-le d‟un coutelas et de la lance qui a tué un homme ».) Et tous les personnages qui ont été en
scène jusqu‟ici mangent ce repas sacré avec le chef. A lui le cœur du bélier.

Tout de suite les autres bêtes sont abattues. Dans ce but, chaque sous-chef a amené une bête, qui un
taureau, qui un mouton ou un bélier. On en tue une dizaine, le reste est offert au nouveau chef. La
viande est divisée en parts proportionnées à l‟importante du destinataire ; on y ajoute un peu de
pâte et un petit morceau de viande de bélier, et on envoie cette part à chacun des sous-chefs
présents et absents. C‟est la marque qu‟on lui renouvelle, à lui aussi, son pouvoir de vassal. L‟en
priver, par contre, est la preuve que sa déchéance est proche. Cependant, la femme pygmée est
sortie ; elle se met à lancer dans toutes les directions des you you joyeux (abanda mpundu) pour
proclamer à tous les vents le pouvoir du successeur. C‟est cette scène qui a donné le nom à toute
la cérémonie, du « Mubande-mpundu ». « Le roi est mort, vive le roi. En même temps le chef fait
dire partout qu‟on peut procéder aux semailles du sorgho. La fête de l‟intronisation devient ainsi la
fête des semailles.

Les princes de la famille du chef (baluzi) et le sous-chef (abarhambo) qui ne descendent pas des
anciens chefs, se sont eux aussi, amenés à la fête, apportent farine, bière et viande. Les vivres ont
été préparés chez les femmes laissées par le chef défunt. Dès que la distribution est faite, les
tambours et les danseurs sortent de tous les coins, l‟on mange, l‟on boit, l‟on danse, pendant deux
jours et une nuit. Le menu peuple des environs avec ses notables viennent un à un devant la case où
se trouve le nouveau chef, et passent en silence pour le féliciter et participer à sa bénédiction. Au
soir du deuxième jour, le nouveau Kabare se retire chez lui avec sa femme épouse ou sa première
femme ; la cérémonie est terminée.

Ce qui précède inqique ce qui se fait chez Kabare. Chez Ngweshe, le grand chef du Sud, c‟est un
peu différent. Il n‟y a pas chez lui de sœurs-épouse, ni de tambour au crâne ; le renversement du
trône est remplacé par l‟imposition d‟une plume de toucan ; le chef pygmée qui l‟aide appartient à
une suatre famille. On n‟y fait pas non plus de diadème. C‟est que Ngweshe n‟est pas au fond le
chef de toute la tribu, mais seulement d‟une partie.

Nous avons vu au n° 39 et 141 que Ngweshe est le chef de la branche qui se détacha de Kabare et
occupa la partie Sud du pays en toute indépendance. Cette scission doit avoir eu lieu au XVIIe
siècle, peut-être vers la fin. En effet, Kwibuka qui la causa vécut du temps de KAbare-Kaganda, or
celui-ci a eu au moins 1215 descendants en ligne directe (141) jusqu‟au Kabare actuel, et il n‟est
pas téméraire, semble-t-il d‟attribuer à chaque chef 15 à 18 ans de règne, si l‟on s‟en rapporte aux
règnes récents connus. L‟on sait en effet que Byanterana était chef vers 1860 ; or Kabare
Alexandre est son petit-fils.

L‟intronisation, comme nous avons vu, ce fait après l‟élection de chaque nouveau chef. Toutefois,
il importe de remarquer qu‟elle ne vaut que pour un an. En effet au début de chaque saison des
grandes pluies, vers mars-avril, le pouvoir doit être renouvelé. La cérémonie du Mubande est
300

reprise toute entière, les augures disent chaque fois s‟il y a lieu de proroger l‟autorité du chef
règnant ou s‟il faut la porter sur une autre tête. C‟est la grande fête du pays. La croyance populaire
veut que le chef puisse manquer d‟héritier. Le grand esprit y veille. La question ne se pose donc
pas si le trône peut tomber en quenouille. Il arrive que l‟héritier soit mineur. Dans ce cas, il sera élu
quand même, et règnera sous la direction de sa mère jusqu‟à ce qu‟il puisse le faire lui seul.

PERTE DE L’AUTORITE

L‟autorité suprême réside surtout dans les mânes des ancêtres du grand-chef. Il n‟en est investi que
sur leur assentiment, dûment constaté par les devins dans un sacrifice. Si donc les mânes
manifestent par la même voie leur reprobation, le grand-chef perd de plein droit son pouvoir.
Comme on vient de le voir, ce fut le cas pour Kagi. Cette réprobation ancestrale correspond le plus
souvent avec celle des sujets, mécontents d‟une autorité tyrannique, ou bien avec les visées
ambitieuses d‟un proche parent du grand-chef, ou avec un puissant vassal. C‟est ainsi que tout
récemment encore un chef de province du jeune Kabare, Ngweshe, intrigait pour écarter son chef,
et diviser son pays en 3 ou 3 chefferies indépendantes. Heureusement pour le grand-chef, son
vassal ne trouva pas l‟appui espéré, et les mânes des ancêtres durent cette fois retirer leur désavoeu.

Tant que les mânes ne se sont pas prononcés contre le chef, tout le pays le reconnaît. En 1903,
Kabare-Rutaganda était accusé d‟avoir massacré Monsieur Tondeur. Le gouverneur lui ravit son
pays, et le remit sous l‟autorité de Nyalukemba, son cousin. Kabare pourchassé pendant plus de 12
ans vécut dans son pays, protégé par la connivence de tous. Les perquisitions les plus habiles ne
purent pas le découvrir. Enfin, on lui fit grâce, aussitôt son autorité fut admise sans ombre
d‟hesitation par tout son peuple. Il était resté l‟élu des ancêtres. Aujourd‟hui (1937) Ngweshe a été
déclamé par l‟Administration chef suprême des Bashi à la suite de la démission volontaire de
Kabare. Or le peuple de Kabare continue à voir en lui leur chef, et seul son fils serait agréé par
tous.

A la mort du grand-chef Ngweshe Ruhongeka, deux compétiteurs surgirent, Mafundwe son fils
naturel, et Bamanyirwe, l‟ainé de ses fils légitimes. Mafundwe avait pour lui la désignation
publique de son père mourant ; Bamanyirwe se prévalait de son droit d‟ainé légitime, accepté par
les ancêtres, attendu que ses devins le lui avaient déclaré. De là surgit une violente guerre de
succession. Bamanyirwe vaincu s‟enfuit au Rwanda. Aux yeux des indigènes, l‟âme de
Ruhongeka avait protégé Mafundwe, et enlevé à son compétiteur tout droit au pouvoir. Les
partisans du vaincu, il est vrai, n‟ont pas encore reconnu ce droit.
Dans le territoire de Kabare se trouve une province qui est l‟apanage authentique de l‟ainé de ses
fils ; celui-ci doit en prendre possession à la mort de son père au moment où son frère puiné est
mis sur le trône. En attendant cette province est administrée légitimement par un parent de Kabare.
Le pouvoir de ce chef de province est bien précaire, la coutume veut qu‟au moment où l‟ainé
réclamera son droit, il soit violemment banni du pays et meure à l‟étranger. Seul son fils ainé sera
autorisé à sa mort à revenir au pays ; il y recevra la gestion d‟un ou plusieurs villages. Les chefs de
province ordinaires (banahano) recevant leur pouvoir directement du grand-chef peuvent en être
dépouillés quand bon lui semble.toutefois, par raison politique, il use rarement de ce pouvoir. Une
insubordination flagrante, l‟accord manifeste avec un ennemi ou un compétiteur du trône, le refus
obstiné de s‟acquitter de ses devoirs de vassalité, sont les motifs qui pourraient l‟y pousser.
Cependant, quand un nouveau grand-chef vient sur le trône, il a des préférences qui ne sont pas
celles de son père ; il voudra faire sous-chefs des proches parents de son père, de sa mère ou même
de simples favoris. Il n‟hésitera donc pas à expulser de leur charge des barhwali (gens du clan du
grand-chef) plus ou moins éloignés de la souche commune, des barhambo simples sous-chefs et
autres préférés de son prédécesseur. Aussi tout changement de règne dans la caste des sous-chefs
de nombreux revirement de fortune. C‟est la cause la plus ordinaire des perturbations politiques.
Les chefs de province ont le droit de destituer leurs subordonnés ; rarement ils le font sans entente
301

préalable avec leur grand-chef. Les motifs ne diffèrent pas de ceux indiqués ci-dessous. Toute
destitution comporte de droit la confiscation des biens (kunyaga). Le titulaire déchu ne conserve
que ses femmes et enfants, heureux s‟il n‟est pas malmené et expulsé du pays. Rarement on lui
laissera quelques têtes de bétail et un embryon d‟autorité.

178/ ASSEMBLEES POLITIQUES

La réunion la plus importante est sans contredit l‟assemblée annuelle du Mubanda. Son rôle
politique, ses pouvoirs et ses autres caractères ressortent peut-être assez clairemenet de ce qui a été
dit précédemment pour qu‟il soit inutile d‟y insister (cf. 177).

Hors de là, des réunions de notables peuvent avoir lieu à l‟occasion d‟un trait d‟amitié, de la
guerre, d‟un grand procès, d‟un sacrifice public, ou même pour préparer le renversement de
l‟autorité existante. La plupart de ces assemblées se tiennent dans l‟enclos du grand-chef, voire
même dans sa case privée.

1° Assemblée pour Traite d’amitié (Kuyinjibana)

Le grand-chef veut contracter une alliance de bon voisinage avec un chef voisin. Il convoque par
des envoyés quelconques tous les notables du pays ; sous-chefs, bajinji, barhwali et barhambo. Au
jour marqué tous se présentent, seuls ou accompagnés de leurs devins (bashonga). Tous auront leur
mot à dire et la question sera débattue en présence du chef, de sa mère et des grands qui forment
son conseil. On y supputera les avantages à en retirer ; on y déterminera le lieu, le jour du contrat et
la manière d‟opérer. Ces mêmes notables seront là au moment de la cérémonie. Celle-ci consiste la
plupart du temps dans le pacte du sang conclu entre les deux chefs. Une petite incision est faite par
le devin à la poitrine de chacun des chefs, une goutte de sang coule (cihango) est recueille sur un
peut de sel ou de la bière et est avalée par le nouvel ami. Désormais ils sont frères de sang ; les
intérêts de l‟un seront ceux de l‟autre. (v.184)

2° Assemblée pour la Guerre.

Le pays est-il menacé d‟une invasion armée, ou le chef rêve-t-il de conquête, il convoque tous les
notables indiqués ci-dessous, et délibère avec eux sur la manière de faire. On indique les chefs qui
y prendront part, le contingent à fournir, le point à attaquer par chacun d‟eux, bref, tout le plan de
la bataille. A cette assemblée les barhambo de Kashala ont un rôle prépondérant, car ce sont ceux
qui finalement donneront l‟ordre ou la défense de se battre. Tant que durent les opérations, le chef
suprême se tient en contact avec ses notables, les réunit souvent. Il n‟entreprendra rien de sérieux
sans leur assentiment.

3° Assemblée à propos d’un grand Procès

Le chef veut remplacer par un autre un sous-chef important, ou bien il est en contestation avec un
voisin touchant un coin du territoire ou une partie des troupeaux ; il a tout d‟abord consulté ses
conseillers ordinaires, mais ne s‟est pas rallié à leurs décisions. Il convoque alors les notables en
totalité ou en partie, tous auront voix consultative, diront librement ce qu‟ils pensent. Le chef reste
libre de la décision finale. Toutefois, les devins et les notables intrigants auront souvent une
influence prépondérante sur cette décision.
302

4° Assemblée pour un sacrifice public.

Il arrive que les notables se réunissent pour offrir un sacrifice sur la tombe des ancêtres de leur
grand-chef. Les notables sont alors les bajinji, descendants des anciens maîtres du pays, les
barhwali, étant de la famille du grand-chef en sont exclus.
Le chef lui-même ne peut y prendre par parce que ce sacrifice a lieu dans une hutte de paille
construite sur le cimetière (luvumbu) de son premier ancêtre, et qu‟il n‟est admis qu‟une fois dans
sa vie de s‟y rendre. Ce sacrifice a pour but d‟obtenir l‟assistance du premier grand-chef sur tout le
pays, le protège contre l‟ennemi du dehors, contre les intrigues des sous-chefs ambitieux, contre
tout fléau. Par ce côté, il touche à l‟administration politique du pays.

5° Assemblée pour le Renversement du pouvoir.

Les notables ou une partie d‟entre eux sont mécontents de leur chef ; ils voudraient bien le
remplacer par un autre qui leur soit plus favorable et plus généreux ; ils vont donc se réunir chez
l‟un d‟entre eux, et là, à huis-clos comploteront à leur aise.
Ces notables peuvent appartenir aux trois classes de chefs indiquées. Ils désignèrent celui d‟entre
eux qui dira au chef la décision prise, et l‟endroit où il devra se retirer, si tant est qu‟il ne soit pas
banni. Mais toujours les notables mécontents ont commencé par sacrifier sur la tombe de l‟ancêtre,
car il faut être sûr de son assentiment ; cet assentiment est donné au féticheur qui fait le sacrifice.

179/ ASSOCIATIONS SECRETES

Tout ce qui existe en ce genre a été dit au n° 119 à propos des associations secrètes religieuses ; et
aussi au même n° 119 à propos des « ntazi-effiminés de Lyangombe. »

180/ OFFICIERS INFERIEURS

Tout a été indiqué au n° 177. Il serait d‟ailleurs fastidieux de désigner les quelques cent sous-chefs
ou barhambo, bagula et bajinji qui se trouvent sur le territoire de Kabare, autant et plus chez
Ngweshe, chez Nyangezi et chez Katana, etc.

181/ ORGANISATIONS DE LA TRIBU

Cette question a été traitée aux n°s 2,4 et 177.

182/ ORGANISATION FINANCIERE

Le paiement de la redevance se fait comme il a été rapporté plus haut au n° 177.


Elle se paie parfois en mains propres, parfois aussi au moyen des collecteurs intermédiaires,
comme il fut dit au n° 177 et à propos des marchés (n° 162).
Comme on l‟a vu, le droit de péage, ne s‟exerce guère que pour le passage des rivières limites
(Ruzizi ou Lac), et pour l‟introduction de troupeaux (n° 162).

183/ SITUATION POLITIQUE DES ETRANGERS

Il convient tout d‟abord de spécifier le mot « étranger ». Au sens indigène, est étranger « cigolo,
mugenyi » quinconque n‟est pas attaché à une chefferie. Il devient membre de la communauté par
le fait de son adoption parmi la clientèle d‟un chef ou d‟un grand, et n‟est plus, dès lors, considéré
comme étranger.
303

Ainsi défini, l‟étranger n‟a absolument rien à voir aux affaires du pays. S‟agit-il de prendre une
décision grave, il n‟est même pas consulté. D‟ailleurs les étrangers ne résident jamais longtemps ;
ce sont des gens de passage, et comme tels, gens à exploiter plutôt qu‟à consulter. En principe tout
étranger de passage est accueilli avec politesse, il reçoit sans trop de peine nourriture et couvert,
s‟il a soin au préalable d‟aller saluer le chef. C‟est qui l‟héberge. En pratique, l‟étranger est souvent
molesté s‟il fait partie d‟une communauté antipathique ou ennemie.

Mais dès qu‟ils sont acceuillis dans la clientèle, ils en partagent tous les devoirs et tous les droits ;
qu‟il s‟agisse d‟individus venus des tribus avoisinantes. C‟est ici surtout qu‟il est bon pour
l‟étranger, de trouver des gens appartenant à son clan ou à un clan allié au sien.

184/ RELATIONS PACIFIQUES

Les Bashi se montrent en général fort indépendants. Toute manifestation qui semble y porter
atteinte les récolte. Entre eux ils montrent beaucoup de simplicité dans leurs rapports journaliers,
ils n‟ont pas cette morne méfiance de beaucoup d‟autres peuplades. Ils aiment à se rendre visite, à
inviter à boire la bière le groupe des amis. Ils sont heureux de passer de joyeuses soirées dansantes
avec leurs invités. Ils aiment surtout à manger en groupe, hommes et femmes séparément. Il n‟y a
pas de traités proprement dits à ma connaissance, entre nos Bashi et les peuples voisins.
Cependant, ils sont certains accords de circonstances, des ententes de solidarité offensive ou
défensive contre un ennemi commun, ainsi qu‟on a pu le remarquer à propos des guerres indiquées
plus haut (cf.141).
Quand ils veulent cimenter leur amitié, ils recourent volontiers au pacte de sang.
Ceux qui veulent faire le pacte de sang se donnent rendez-vous. Les deux y viennent avec chacun
leur assistant. Cette alliance a lieu le plus souvent à l‟occasion des vaches (cf.172).
Assis sur une natte, à côté du feu, l‟assistant du premier fait à la poitrine, proche du cœur, du
second une lègère antaille. Le sang qui encoule est reccueilli sur un peu de sel déposé sur une
feuille d‟erythrine (cigohwa) et versé das une assiette contenant de la bière. Puis, l‟assistant du
second fait de même au premier. Tous deux boivent ce breuvage. Désormais ils sont frères, et ils se
doivent assistance comme des parents entre eux. Si l‟un d‟eux tombe dans le malheur, il doit
trouver gîte et nourriture chez l‟autre, et il a droit à sa protection. Cependant si l‟un des deux
voulait abuser du pacte pour forcer l‟autre à faire une chose qu‟il réprouve cet autre n‟y serait pas
tenue. Ces deux contractants ne peuvent appartenir au même clan ; ils deviennent parents sui
generis, et tellement que leurs familles sont considérées comme affinnes ; les membres ne peuvent
plus désormais se marier entre eux. Après avoir bu le breuvage indiqué, chacun dit à son tour « le
jour où tu vois mon enfant affamé et que tu ne lui donnes rien à manger » « eci cihango
cikuyirhe » « que ce sang de tue » « le jour où tu pourras me rendre la génisse à laquelle j‟ai droit,
et que tu la refuses, que ce sang te tue » (ceci ne se dit que par celui qui a livré sa vache à son
ami). Puis prenant du toit de la hutte un peu de paille, il a fait flamber et dit « le jour où je
viendrais chez toi, transis de pluie et de froid, pour te demander un peu de bois de chauffage, et que
tu me le refuses, je pourrai faire flamber ta maison, comme flambe cette paille ». Ensuite tous
deux se couchent sur la natte, et disent « le jour où nous nous trouverons ensemble et que nous
n‟ayons qu‟une seule natte, nous dormirons sur cette seule natte tous les deux ».
Après la cérémonie chacun des deux assistants reçoit un cadeau, plus ou moins 20 colliers de perles
ou l‟équivalent. Bien plus les convenances veulent que celui qui a livré le taureau en échange de la
vache (172) donne encore à la femme de son ami une chèvre, et parfois une deuxième chèvre à son
fils, car la femme et le fils sont considérés comme médiateurs (balagizi) pour la conclusion du
pacte.
304

185/ RELATIONS GUERRIERES

1° Guerre de toute la tribu

Le chef (Mwami) de l‟avis de son conseil appelle ses grands sous-chefs, leur dit d‟aller avec leurs
hommes à tel ou tel endroit ; chaque sous-chef commande son groupe, le grand chef commande
l‟ensemble. On cache la force le plus possible ; on lance d‟abord un petit groupe, les autres en
réserve restent cachés. Les morts sont remplacés à mesure. Quand le groupe est submergé on
envoie des renforts, mais sans cesse le groupe devient plus compact. Quand l‟ennemi cède une
colline, le premier groupe la prend, le deuxième groupe prend la place du premier, le troisième est
épuisé et ne veut pas céder, il bat corps à corps, c‟est la dernière résistance. Tout homme qui
tombe est porté à l‟arrière, si l‟ennemi est trop avancé pour enlever les corps, ceux-ci sont pris
mutilés, coupés en lambeaux qu‟on jette à la face de l‟ennemi pour le territoire. Tel fut le sort du
père de Mwakahunga, femme de Nyangezi. Au triomphe final on plante un arbre là où était assis le
grand chef (arbre sacré).
La guerre Lulanga-Ngweshe de 1915 compta près de 2000 morts. « On dit » que les notables sont
chargés à dessein de leurs lourds anneaux de cuivre pour qu‟ils ne puissent pas s‟enfuir.
Par un accord entre les grands chefs, il est convenu de ne plus employer la flèche empoisonnée, il
y avait trop de morts ; et on observe le contrat dit Nyangezi. De fait les Bashi ne mettent jamais de
poison à la pointe des flèches, comme cela se pratique ailleurs au Congo. Tout homme valide doit
à son chef le « muherho » c'est-à-dire la main armée.

2° Guerre de surprise

Un sous-chef voisin, menacé ou non, veut attaquer. Il lance l‟alarme par le tambour de guerre (on
le bat par coups saccadés très rapprochés). Tous ses hommes valides filent à la frontière la plus
rapprochée. Le chef envoie un fort groupe sur l‟un ou l‟autre flanc pour prendre l‟ennemi de
revers. C‟est la tactique de prise de flanc, par une seule aile.
En général, les sous-chefs, se débrouillent entre eux.
Le rassemblement principal se fait autour du chef. Les guerriers s‟entrainent par une danse de
guerre. Le vieux Kasiho, très habile guerrier, a tué beaucoup d‟ennemis. Il est obéi par tous quand
il ordonne une manœuvre (1915).
L‟attroupement d‟un groupe armé sur la frontière est une provocation, casus belli, même s‟il y a
des femmes et des enfants.
Ex. les 600 danseurs et danseuses de Kilawa, sous-chef de Kabare à Kabwenegeshera, sur le pont
de Nyangezi, le 06/12/1918. Les hommes avaient serpes et flêches, et battaient un tambour ; c‟était
un casus belli pour Nyangezi. Il ne partit pas en guerre uniquement par considération pour les
blancs. Pendant 4 jours les gens de Kilwa patrouillèrent à la frontière, craignant la riposte à leur
provocation. Au dire de certains noirs (Kahumba) etc. les premiers hommes n‟auraient pas fais
usage de l‟arc, de la flèche, de la lance ou du couteau. Ils se battaient dans l‟eau seulement en se
jettant des gerbes d‟eau l‟un sur l‟autre ; le vaincu était celui qui était le premier transis de froid.
C‟est évidement une légende.

3° La petite guerre

Prenons deux chefs voisins en inimitié constante, comme Nyangezi, sous-chef de Ngweshe et
Ciraba, sous-chef de Kabare. De temps en temps ils en viennent aux mains ; c‟est le kulwa kwa
bakulu b‟ecihugo. L‟occasion est souvent produite par un simple indigène. Par exemple un homme
de Nyangezi a été dépouillé de ses perles ou des ses vivres et battu dans le territoire de Chiraba. Il
vient se plaindre chez son chef. Celui-ci envoie des émissaires dire à Ciraba « rendez les biens de
mon sujet». Ciraba de répondre : « la guerre seule les verra ». Nyangezi provoqué envoie ses
baganda chez les sous-chefs annoncer qu‟il veut porter la guerre contre Ciraba, qu‟ils soient prêts
305

dès qu‟ils entendront le tambour. La nuit, le chef entouré de ses notables demande « comment
guerroyerons-nous ? » « Kurhi mwalwa ? » Et tous de répondre : « nous allons à la victoire » et
chacun de s‟écrier : « moi je tuerai mon homme ». Après s‟être excite ainsi mutuellement, le chef
désigne l‟avantè-garde (barhangilwa) et le renfort ou arrière-garde. De grand matin on grappe le
tambour de la guerre. Chacun boit du lait et en donne à son voisin, mange de la polenta et des
patates. Quand chacun est rassassié on donne le signal du départ avec le tambour et tous marchent
en courant vers le théâtre de la guerre, ou déjà l‟ennemi est rassemblé.
De part et d‟autre, on fait mille démonstrations avec les lances, on crie, on chante jusqu‟à ce que
de part et d‟autre un homme soit tombé. Puis on s‟arrête. Les vaincus s‟enfuit du théâtre de la
guerre. Evidemment les parents du tué, n‟ont pas à le venger comme cela se fait lors du meurtre à
la suite de querelle. Les femmes viennent au devant des guerriers à leur retour avec de la bière de
sorgho.
On a vu n° 114 quelques chants de guerre.
Les armes employées sont : la lance (itumu) , l‟arc (muherho), la flèche (mwambi) avec la serpe
(mugushu), le poignard (ngorho). De plus beaucoup de guerriers portent le bouclier est
généralement en bois, de forme ovale allongée, orné de dessins blancs. Il varie de dimensions,
allant de plus ou moins 30 cm jusqu‟à 80 cm. La plupart du temps il ne dépasse pas 50 cm, sur 20
cm de large.
La tactique ordinnaire consiste à contourner l‟ennemi par les ailes droites et gauches, pour faire
ensuite avancer le centre. Le chef pendant le combat reste habituellement chez lui, entouré de
quelques guerriers et de ses principaux devins. Pour le détail des guerres voir n° 141.
Le butin appartient à celui qui l‟a fait… Aussi voit-on des femmes, des enfants mêmes, aller à la
suite des guerres pour enlever du butin. J‟ai connu un gamin qui s‟est de la sorte acquis une vache,
laquelle, bien que revenant de droit au chef, lui fut laissée en usufruit. Les femmes portent à
manger aux guerriers, et surtout de la bière de sorgho (mushunga) à leur retour du combat. Elles
peuvent d‟ailleurs sans danger d‟être tuées volontairement par l‟ennemi, circuler partout d‟un
territoire à l‟autre.
La guerre se fait contre les hommes, non contre les femmes. Le territoire conquis est
immédiatement occupé.

186/ CONTACT AVEC LES CIVILISES

Pour se rendre compte du chemin parcouru en trente ans, il faut comparer d‟un trait rapide le point
de départ et le point d‟arrivée. Je ne mets qu‟au point de vue missionnaire, laissant à d‟autres ce
qui regarde l‟action de l‟Administrateur sur nos Bashi. Quand les premiers missionnaires vinrent
s‟établir à Nyangezi en 1906, ils furent reçus comme des étrangers. Encore en 1917 notre
catéchiste Thomas Mukengere fut sur le point d‟être mutilé par un groupe de femmes et d‟hommes
de la secte Benekayanke, et ne dut son salut qu‟à la fuite.
En 1916 les gens de Kabare disaient encore « si les pères mettent ici un catéchiste, nous le
percerons de la lance et nous dirons l‟avoir fait parce qu‟il a voulu faire violence à la femme du
chef. »
Le chef Nyangezi aida donc à recueillir les matériaux et bâtir, mais, ainsi qu‟il le dira plus tard
« nous avions décidé de vous aider avec l‟arrière pensée que vos maisons vous tomberaient un jour
sur la tête et qu‟alors vous vous en iriez, comme jadis les Balumbo ». (cfr. n° 141) Aussi les
misères succédèrent aux misères. La première année le Père Verhaeghe, supérieur, mourut
d‟hématurie. Les gens se tenaient à distance, à tel point que les Pères furent réduits tout un temps à
mener paître eux-mêmes leur bétail. Quand en 1908 Mgr Roelens vint visiter la mission, le chef
Nyangezi alla le saluer de nuit, sortant de la brousse où il se tenait caché par crainte des gens du
gouvernement. Cette même année, Monseigneur, ayant parcouru la rive Ouest du lac en baleinière,
en vue de fonder une nouvelle mission, reçut chez Rushombo le salut du chef, sorti pour l‟occasion
de la forêt où il était caché, il reçut de même la visite de Katana, lui aussi caché dans la forêt.
C‟était la guerre partout et les villages étaient abandonnés.
306

Les missionnaires à peine établis à Katana en 1910 durent demander assistance à l‟administration
pour n‟être pas assassinés, car Katana les aurait tués, n‟eut été l‟opposition de son frère Karibanya
et des chefs voisins chez qui il escomptait se réfugier au cas où l‟administration voudrait le
prendre. Katana avait admis les Pères, escomptant que leur présence le libèrerait des prestations au
gouvernement. Ayant été décu dans ses vues, il s‟était résolu à les faire disparaître par le meurtre.
Jusqu‟en 1910, il était fort dangereux de mettre le pied dans la région de Ngweshe, et c‟est un
miracle que le Père Verhaeghe ait pu sortir vivant de chez Ruhongeka. Partout on vivait sans cesse
sur pied de guerre. C‟était la guerre à l‟état endémique entre Katana et Rushombo au Nord ; entre
Kabare et Ngweshe au Sud. Partout aussi c‟était le triomphe de la sorcellerie, de la divination des
sociétés secrètes, de la vie païenne en plein.

Après trente ans, la face du pays a bien changé. Partout nos écoles regorgent d‟enfants désireux
d‟apprendre à lire et à écrire ; les instructions sont fréquentées, la vie chrétienne s‟épanouit dans un
grand nombre de foyers, l‟action des devins, féticheurs et sorciers se voit entravée de plus en plus,
les croyances aux esprits s‟en vont les guerres de tribu à tribu, et de village à village ont disparu,
les travailleurs surgissent de toutes parts, la sécurité a remplacé l‟insécurité de jadis. Les hommes
convertis se montrent plus réservés dans leurs rapports avec les jeunes filles et les femmes
mariées ; il en est de même des chrétiennes avec les jeunes gens et envers leurs maris. L‟idée
d‟éducation chrétienne semble vouloir commencer, surtout chez les néophytes de la première
heure. L‟adultère et la fornication parmi eux se fait plus rares et les divorces diminuent. Les
chrétiens se mettent petit à petit à suivre nos conseils d‟hygiène, et la mortalité infantile est en
régression.
Les pratiques superstitieuses sont de plus en plus délaissées. Il reste cependant beaucoup à faire,
car des croyances si profondément imprégnées dans toute la vie ne s‟abolissent pas d‟un coup.
Grâce à l‟action de l‟Evangile unie à l‟action de l‟Administration, la paix règne, les mœurs
s‟épurent, la civilisation gagne du terrain.
Je termine par ce petit trait, ancien déjà, mais qui montre sur le vif l‟action transformante de
l‟instruction sur les âmes, hier encore païennes.
En 1916 Maria Mwabikuba est invité par le chef Nyangezi (pas encore chrétien) à déclarer en
jugement que le capita de la mission a fait avec elle l‟adultère. Elle reçoit pour cela 50 francs. Le
chef voulait sans doute se venger du capita. Maria refuse, disant « je suis chrétienne, je ne puis
accuser un innocent ». Acte héroïque si l‟on sait la crainte d‟une femme pour le chef. Sans nul
doute, quand aura disparu la génération des vieux tenants du paganisme et des mœurs antiques et
que les jeunes qui ont grandi au contact des missionnaires et des autres européens, seront devenus
pères de nombreux enfants, le paganisme avec ses coutumes sauvages aura cédé la place au
christianisme, semeur de paix, de bien-être et de vraie civilisation. Fiat, adveniat, regnum tuum.

LE JUSTE PRIX OU SALAIRE CHEZ NOS TRAVAILLEURS

Prenons une famille composée du père, de la mère et de trois enfants en bas-âge qui ne peuvent pas
encore cultiver. La famille est entretenue par les cultures du père et de la mère. De plus elle peut
fournir l‟habit de la mère. Les autres habits ne comptent guère, et en plus payer la dîme au chef.
Voici ce qui se fait normalement. Or pour l‟alimentation, je compte que le père prend la moitié, la
mère et ses trois petits enfants l‟autre moitié. Il faut au père 1 kilo de farine, soit 0,50 pour extra,
poterie, etc. 0,25 soit 0,75 par jour ou 5,25 par semaine. Cela correspond à son travail. Autant
pour la mère et les enfants, soit donc 10,50 par semaine, qui correspond au travail des deux. Mais
il faut payer l‟impôt 45 francs par an. Il faut s‟habiller, l‟étoffe par trimestre pour le père, l‟étoffe
pour la mère, l‟étoffe pour les enfants réunis, soit 25 francs par trimestre ou 100 francs par an. Il
faut améliorer un peu le menu.
Le gouvernement estime que la ration d‟un travailleur est au Bushi 5,60 francs par semaine.
Donc pour la famille, elle sera 5,60 francs x 2 = 11,20 francs. On a vu que, actuellement, elle a
besoin de 10,50 francs pour vivre.
307

La différence représente le prix de l‟amélioration : = 0,70 francs par semaine.


Soit donc par jour :
Pour le travail du père seul : 0,75
Pour l‟impôt de la famille : 0,125
Pour l‟habillement : 0,275
Pour l‟amélioration des aliments : 0, 10
Le père doit gagner par jour : 1,250

Ceci soit dit pour 365 jours. En réalité il doit travailler seulement 308 jours ; donc 57 de repos où
l‟on mange doivent être ajoutés au salaire précédent (57 x 1,25 = 71,25)
(71,25 : 365 = 0,195, disons 0,20). Le salaire devrait donc être :
1,25 + 0,20 = 1,45 par jour.
Voilà le salaire normal d‟un ouvrier à tout faire, qui travaille raisonnablement. C‟est donc le salaire
à payer à un ouvrier qui fait bien sa tâche. Mais il est à remarquer que nos Bashi qui ne sont pas
talonnés, ne fournissent guère que la moitié de leur tâche. J‟ai fait l‟observation bien souvent au
travail du nivellement sur les terres argileuses. Mais à la tâche un ouvrier enlève et transporte, à 40
à 50 m de là, 1 mètre cube de terre. En travaillant bien, il achève facilement son travail en 6 heures
de travail. S‟il n‟est pas mis à la tâche et n‟est pas fortement talonné, il fournit ½ m cube en 8
heures. Il semble donc, que nos travailleurs surveillés seulement par un capita ordinaire, ont le
juste salaire si nous leur donnons 0,75 par jour. Par contre, si nous les mettons à une tâche
raisonnable, il faudrait leur payer 1,45 par jour, ou bien faire en sorte qu‟ils puissent achever leur
tâche en moins de 4 heures de bon travail. Tout ceci soit dit pour le pésent, 1937.
308

G. CARACTERES ANTHROPOLOGIQUES

A/ SOMATIQUES N° 187 à 1 94

B/ PHYSIOLOGIQUES N° 195 à 202


309

187-188 A/ SOMATIQUES

TAILLE

La taille des Bashi ne diffère pas sensiblement de celles des européens. On trouve même parmi eux
des types élancés, admirablement bâtis, surtout parmi les notables et les gens du clan
Banyamwocha. Par contre, on en trouve qui sont assez courts et trapus, spécialement dans certains
clans issus de l‟Urega ou qui sont plus ou moins du sang mêlé à celui des Batwa ou pygmées.On
distingue donc facilement les Bashi des Barega et surtout des Batwa, ils sont plus élancés. Faute
d‟instrument anthropométrique, il m‟est difficile de donner des mensurations.

189/ PEAU

La peau est d‟un joli bronzé, bien entendu les nuances sont multiples. Il y a plus de Bashi à tein
clair qu‟à la couleur ébène. La couleur claire est estimée, et les jeunes gens recherchent des filles
de ce genre. Elle se trouve fréquemment chez les Banyamwoca. Il est naturel que les endroits
habituellement protégés contre les ardeurs du soleil soient légèrement moins foncés. Les enfants
naissent avec un tein blanc grisâtre, mais ils ne tardent pas à prendre le teint normal. Les albinos se
rencontrent, mais rarement. Ils sont assez peu agréables à voir, et souvent ils ont le corps couvert
de croûtes. On ne semble pourtant pas les fuir comme le font d‟autres tribus. On dit simplement
que les esprits ont puni leurs parents. Il n‟y a pas, que je sache, de mot spécial pour les désigner.

190/ CHEVEUX

Les cheveux sont noirs, drus, crépus. La forme habituelle de leur chevelure a été décrite au n°11.
Malgré la malpropreté de la plupart des Bashi, la calvitie est généralement peu prononcée, et la
plupart des vieux conservent toute leur toison. J‟ai connu un sorcier qui avait un véritable chignon.
Les cheveux tressés mesuraient près de 70 cm, ce qui suppose que déployés ils avaient à peu près
2 m de long. Il liait donc ses tresses en chignon. Il parait qu‟il y a d‟autres sorciers qui font de
même.
Certains individus, les bajinji-bashoho qui concourent à la transmission du pouvoir du chef à la
tête du mubande (cfr. 177) ont défense de couper court leur chevelure sur le haut du crâne ; ils ne
se rasent que le pourtour, en passant par le front, les temps et la nuque. Ils portent leurs cheveux
comme les sorciers désignés ci-dessus. Les cheveux des Bashi semblent blanchir bien plus vite que
chez les européens, rares sont les vieux dont les cheveux sont tout blancs ; ils grisonnent plus ou
moins et c‟est tout.

191/ YEUX

Les yeux des Bashi apparaissent comme les nôtres, souvent cependant ils sont plus ou moins striés
de lignes gris-brun. Nos noirs ont la vue généralement très perçante et l‟habitude de se mouvoir
dans les ténèbres fait qu‟ils distinguent la nuit les objets mieux que nous. Les aveugles sont rares.
L‟iris est noir, parfois vert. Les cils et sourcils ne sont jamais épilés comme le font leurs voisins du
Sud, les Banyintu.

192/ MAINS

Rien de particulier à signaler, sinon que la paume est bien plus claire que le dos de la main.
Assez souvent l‟on rencontre des Bashi qui ont un petit doigt adventice adhérant au petit doigt de
chaque main ; ceux qui ont cette particularité s‟appellent shamamba. Beaucoup se le font couper.
310

193/ DIFFORMITES NATURELLES

Aucune difformité spéciale ne sépare nos Bashi. La stéotose ne se remarque pas à l‟arrière train des
femmes. Il y a des bossus ici comme ailleurs, il y a même des nains, à buste normal et très courtes
jambes. On n‟a pas de mot spécial pour dire un nain. On ne se moque spécialement ni des uns, ni
des autres.

194/ DEFORMATION ARTIFICIELLE

Chez Cogo il y avait en 1917 une mère de famille qui se trouvant être coureuse au début, fut saisie
par son mari furieux, qui lui coupa les deux grandes lèvres. J‟ai vu en 1918 un jeune homme pris
pour vol qui avait déjà eu les deux mains coupées et un œil crevé en châtiment des larcins commis.
Mais ces cas sont rares. Quant aux organes féminins déformés, voir n° 76. Nulle déformation des
lèvres, des oreilles, du nez, les seins ne sont pas allongés par traction ; la circoncision n‟existe pas,
non plus que l‟excision. Seules les dents sont taillées en pointe chez un grand nombre de Bashi
cfr.200.

195/ B/ PHYSIOLOGIQUES

FORCE MUSCULAIRE

Le mushi comme beaucoup d‟autres noirs, est plus endurant que fort. Cela se remarque notamment
chez les pagayeurs qui peuvent ramer des journées entières sans fatique spéciale et sont mauvais
porteurs. Ils sont généralement bons marcheurs. Des femmes et des filles vont parfois faire leurs
emplettes à des marchés situés à 5 et 6 heures de marche, à travers les montagnes et les ravins, et
reviennent le même jour au logis.

Il est vrai que le père de famille ou le fils va alors à leur rencontre au retour pour prendre le
fardeau. Les femmes sont plus fortes que les hommes pour le portage. On dit qu‟une femme porte
le double d‟un homme. C‟est qu‟elles se sont entrainées depuis leur jeune âge. Il est curieux de les
voir revenir de la forêt, parfois éloignés de deux à trois lieues, chargées d‟un fagot de bois
extrêmement lourd, tellement que pour se redresser elles doivent se faire aider. Nous aurions bien
de la peine à porter une charge de 25 à 30 kilos pendant 4 à 5 heures, nous Bashi, de force normale,
le font sans peines.

196/ ATTITUDES DU CORPS

Ils se tiennent en général bien droit et ont l‟allure dégagée. Il n‟y a cependant rien de prétentieux
dans la pose, ni des hommes ni des femmes. Au repos les hommes s‟accroupissent à la taille, sauf
le chef qui a défense rituelle de la faire. Les femmes ont les jambes repliées l‟une sur l‟autre ; leur
costume sommaire l‟exige, ainsi que la politesse. Si elles doivent se baisser elles prennent une
attitude la moins immodeste possible. Lorsqu‟elles s‟accroupissent, elles ont soin de se couvrir.
Les hommes sont moins réservés.

197/ ACUITE DES SENS

La vue et l‟ouïe sont fines ; sous ce rapport ils nous dépassent le plus souvent. Le toucher semble
moins délicat, sans doute par suite du manque de vêtements chauds. On voit des bergers passer
leurs journées sur le sommet des montagnes exposés à un froid glacial, sans feu, parfois à peine
abrités contre la pluie. Dans de pareilles conditionnes nous serions très vite atteints de bronchite ou
de pneumonie.
311

Le goût n‟est pas très fin à en juger par la nourriture que parfois ils prennent. Une viande avariée
qui nous répugnerait fait encore leurs délices. L‟odorat est bon, mais peu délicat. Ils aiment des
parfums âcres qui nous indisposent, tel le beurre rance dont ils se frottent. Parfois leurs habits
sentent à nous rendre malades.

198/ TEMPERATURE DU CORPS

Je pense qu‟elle ne diffère pas de la nôtre, à en juger par les prises de température chez les
malades.

199/ NUTRITION

On ne peut pas dire que nos Bashi sont de gros mangeurs. Assurément ils aiment bien de temps à
autre faire une ripaille et de se bourrer le ventre à éclater. Mais ce n‟est pas l‟habitude. Il n‟y a
cependant pas mal de glouttons. J‟ai vu un chef, qui ne manquait de rien, manger avec une telle
voracité que j‟en fus tout surpris. Leur estomac parait élastique. Ils peuvent manger le double et le
triple de nous, quitte à rester ensuite longtemps sans manger. C‟est le cas surtout au soir et le
lendemain des jours de marché ; ils devorent alors ce qui a été acheté, et savent se serrer la ceinture
en attendant le marché suivant. J‟ai vu des pagayeurs ramer presque jour et nuit, n‟ayant mangé
qu‟une bonne bouchée de haricots. Si nos Bashi sont privés de toute nourriture et de toute boisson,
ils ne font pas long feu. Ils semblent n‟avoir pas grande réserve et c‟est naturel puisqu‟ils sont
habituellement sous-alimentés, sinon à cause de la quantité, certainement à cause de la qualité.
L‟alimentation type pour un travailleur ordinaire comporte d‟après la commission pour la main
d‟œuvre.

Protéines Hydrate de Graisses


carbone
Viande 100 gr 20 - 4,5
Farine de sorgho 700 gr 71 493 21
Haricots 145 gr 34,3 77 3
Arachides 125 gr 34,7 26 51
Légumes 150 gr - - -
Sel 15 gr - - -
_______________ _________ ________ ________
1235 160 596 79,5

Or un mushi qui se nourrit habituellement de brouet, de haricot ou de patates, est assez loin d‟avoir
la dose voulue de trois aliments constitutifs d‟une bonne alimentation. Si l‟on veut réduire à une
moyenne sa nourriture habituelle on peut, semble-t-il, la déterminer ainsi :

1° Protéines Hydrate Graisses


Farine de sorgho 500 gr 50 450 15
Haricots 100 gr 23,6 52,5 2
Légumes 50 gr - - -
Sel 5 gr - - -
________________ ________ ______ _____
655 73,6 502,5 17

2° Les jours où il ne mange que des patates et c‟est fréquent, il en consomme environ deux kilos,
soit : patates 2000 : protéines 20, hydrates 560, graisses 40. On voit par là que dans le premier cas
il n‟a que la moitié des protéines et le quart des graisses qu‟il lui faudrait. Dans le deuxième cas
(patates seules) il n‟a que la huitième de protéines, et la moitié des graisses. Est-il étonnant alors
312

que les Bashi ne peuvent pas fournir un travail pénible de longue durée ? Jadis, au dire des
indigènes, on a condamné des Bashi à mourir de faim et de soif. Trois jours ou quatre au plus
suffisaient pour amener la mort. Les pauvres vieux abandonnés trainent leur vie avec un rien ; une
patate, une bonne bouchée de brouet ou de haricots et de l‟eau à suffisance les maintiennent en vie
assez longtemps. Mais viennent-ils à ne plus avoir rien à manger, ils ne résistent pas 48 heures.
C‟est que les réserves étaient nulles. Il existe une curieuse particularité par rapport aux pécheurs à
la pique dit bûbuze (cfr. 50)/ leurs fréquents séjours dans l‟eau plus ou moins chargée de calcaire
du Kivu, a rendu leur chevelure roussâtre et le haut du crâne s‟est légèrement aplati et élargi.
C‟est devenu un trait de familial. La longue habitude de gravir les montagnes a consolidé les jarrets
et mollets de nos noirs, au point que beaucoup se trouvent plus à l‟aise en portant une charge dans
la montagne que dans la plaine. Habituée depuis leur enfance aux vents frais des hauteurs et aux
intempéries, ils montrent aux changements de température une résistance contre laquelle nous
aurions peine à concourir. Il en est de même pour la privation de nourriture (cfr. 199).

201/ FECONDITE

L‟âge de la puberté se trouve être pour les garçons vers 15 ou 16 ans, pour les filles vers 13 ou 14
ans. L‟âge critique semble être pour les femmes vers 40 ans, si l‟on s‟en rapporte au nombre des
enfants issus. Je dis « il semble » car faute de connaître la date de leur naissance, il est difficile de
le déterminer d‟une manière précise.

202/ MALADIES ENDEMIQUES, EPIDEMIQUES

ENDEMIQUES

1/ La framboisie ou pian afflige beaucoup de Bashi. Elle paraît surtout dans la jeunesse. On trouve
même des mères qui la provoquent chez leurs enfants, car, disent-elles le cas est alors moins grave.

2/ Les maladies de poitrine, la malaria, les mycosites, les hemonthiases, les stomatites, la
dysenterie, (cf. 95) sont fréquentes.

EPIDEMIQUES

La variole est assez rare à en juger par la vue des visages ; la cérébrospinale refait son apparition
de temps à autre ainsi que la grippe espagnole. Celle-ci sevît très violement vers 1917-1918, depuis
lors les cas sont devenus rares.
313

TABLE ANALYTIQUE
Note : Les chiffres se rapportent aux numéros.

A Bravoure 114
Bunyabungu 1
Abatage des arbres 159 Bushi 2
Accident 95 Bwami 39
…….66
Soins à l‟enfant 68 C
Soins à la mère 67
Acuité des sens 197 Caractère antrophologique 188
Adaptation du corps (filles) 76 Cauchemars 101
Adoption 88 Causes limitant la population 69
Adultère (punition) 168 Cérémonie du mariage 80
Affection familiale 90 Chant 127
Agriculture 51 Chauffage 45
Ablinos 189 Chaussures 36
Alimentation 20 et 199 Chef 177
Préparation 22 Cheptel 172
Allaitement 68 Cheveux 190
Ame hume 109-110 Conservation 30
Animisme 101 Chien 52 et 103 et 105
Antropophagie 28 Cihangahanga 117
Arbre génélogique 94 Cirhebo 65 et 66 et 117
Arc-en ciel 108 et 134 Chirurgie 96 et 100
Armes de combat 185 Citwamba 140
Arts 123 Ciyenje 66
Asile (droit d‟) 170 Ciel 134
Assemblée 178 Cimétière 98
Associations secrétes 179 Circoncision 75
Astronomie 134 Clans 87 & 94
Attitude du corps 196 Classes et castes 174
Autorité de la famille 87 Cleptomanes 163
Avalanches 108 Coiffure 11 & 37
Avant la naissance 65 Coloriage des habits 31
Avortement 66 Comètes 134
Composition de famille 88
B Concubinage des jeunes gens 76
Contact avec civilisés 186
Balamu 134 Corderie 59
Balumba 141 Coups (châtiment) 168
Benekayanke 117 Coutume juridique 166
Bénédiction de hutte 117 Cousins (en mariage) 82
Bergeronette 95 Crâne 98 & 177 & 188
Bétail (coutumes touchant les grands) 172 Crapaud 95
Bière 27 Croyances relatives au bétail 172
Biens familiaux 87 et 92 Cueillette des fruits 48 & 159
Biens immobiliers 87 et 91 et 152 Cuisine-aliments 22
Bindula 117 Cuisine-lieu 23
Binego 117 Culte des ancêtres 102
Boissons 27 Cultes et rites 117
Bolides 134
148

D Entr‟aide familiale (clans) 90


Epilation 13
Danse 126 Epouse-sœur 177
Décédés 99 Epreuves judiciaires 169
Déformations artificielles 194 Equitation 16
Délassements 132 Esclavage 175
Déménagement 40 Espèces (nourritures) 20
Dents (apparition des -) 68 Etat physiologique 8
Derniers moments du moribond 96 Etat mental 8
Dessin 125 Etoiles 134
Devins 95 & 122 Etrangers (situation) 183
Dévouement 114 Etymologie 1
Diadème des Bajinji 38 Eunuque 86
Diamème de Kabare 38 Evanouissement 101
Diadème de Ngweshe 39 Excitants 26
Diadème des femmes 38
Dieu (Nyamuzinda) 102 & 113 & 117 & 118 F
Différence en art avec voisins 131
Difformités naturelles 193 Famille 87
Dîme au marché 162 Fécondité 201
Dissolution du mariage 85 Femme-être inférieur 84
Divinité 120 Femme en mariage 84
Divorce 66 & 85 Femme de chef 79
Division du temps 139 Femme de père défunt 82
Domaine public 136 Femme de polygame 79
Dot 68 & 80 & 79 Fétichisme 107
Douane 162 Fetiches 103
Droit d‟asile 170 Féticheurs 95 & 122
Droit civil 166 & 167 Feu 21
Droit de chasse, pêche 159 Feux-follets 134
D‟entrée 162 Fiançailles, contrat 77
Sur objets trouvés 160 Fiançailles consultation 77
Fiançailles sacrifices 77
E Fiancé-tradition 80
Fille Ŕmère 76
Echo 108 Fille vouée à Lyangombe 117
Eclairage 44 Fille vouée à Muhima 117
Eclairs 134 Fin du monde 134
Ecriture 123 Folie 87 & 101
Education des sorciers, devins 74 Folklore 118
Education intellectuelle 72 Forces musculaires 195
Education morale 73 Forgerons 56
Education physique 76 Formes de mariage 79
Efféminés (ntazi) 76 Foudre 95 & 117 & 134
Elevage des bestiaux 52 Fous 87 & 101
Emigration 6 Fulago (maudits) 76
Empêchement matrimoniaux 82
Emplacement des villages 39 G
Enclos familial 39 & 41 & 46
Enfant (appartenance) 68 Garçons (vieux) 76
Enfants trouvés 175 Généalogie 176
Entendement 146 Géographie (situation) 2
149

Géographie (science) 142 Mahinga 65 & 95


Géographie 29 Main 192
Grèle 29 Maladies 95
Guerre (assemblée) 172 Maladies endémiques, épidémiques 202
Guerre de succesion 141 Mandwa (soc. Secr.) 117
Manières d‟agir envers les décédés 99
H Manifestation de religion 116
Manisme 102
Habit 37 & 172 Marais sacrés 108
Habitation 39 Marchés 162
Bénéfiction de 117 Mari (droits, devoirs) 83
Familiale 89 Mariage nature 78
Transportable 40 entre cousins 82
Type 41 femme du père défunt 82
Histoire du Bushi 141 femme de chef 79
Homme chargé en fauve 106 femme de polygame 79
Huile 48 & 63 cérémonie 80
Hydromel 27 tradition de fiancé 80
Hygiène 69 essai de puissance 80
dégustation des graines 80
J Masima 65 & 95
Matérialisme 112
Jeux-plaisirs 132 Mathématiques 135
Soins du corps 19 Maudits 76
Jours 139 Médecine 140
Jumeaux 68 Médecins-éducation 74
Membres de famille 93
K Mémoire 143
Kagoro 117 Menstrues 65
Kangere 117 Mesures et poids 163
Kanyene (Mabula) 117 Métallurgie 56
Kashindi 66 & 68 Métiers 47
Kigeri 117 Mets permis, défendus 25
Meubles, objets meublants 43
L Meuneries 57
Milieu physique, influence 200
Langage 124 Minerais 62
Langage secret 17 Modifications par décès 100
Langue 7 Mœurs en général 9
Limites des propriétés 154 Mois 139
Lit 43 Monde, sa fin 134
Location 157 Monnaies 163
Lugaba 117 Monothéisme ou polythéisme 113
Lukombe 117 Montagnes sacrées 108
Lune 137 -135 Morale 114
Lutte 18 Mort 95
Luvumbu 117 Mouvement de la population 70
Lyangombe 117 Moyens d‟existence 47
M Mubande 176-177
Mudahwa 117
Magie 95 & 106 & 140 Maheshe 117
Maheshe 117 Muhima w‟irhwe 117
150

Mihima wa nkangu 117 Pacte de sangs 151 & 184


Mulirima 102 & 117 Parenté avec tribus voisines 7
Mushinjo 66 Parures 31
Musique 118 Peau 172 & 189
Mythes 118 Peaux (arrangements) 35 & 60
Mythologie 118 Pêché 50
Peintures 125
N Perception intellectuelle 150
Philosophie 115
Nabinji 117 Planètes 134
Nabirungu 117 Pluies 134
Naciyoba 117 Poids et mesures 163
Naissance 65 Poison d‟épreuve 169
Naluvumbu 117 Politesse 151
Namukumba 102 & 108 & 117 Polygamie 81
Nanzibira 117 Pont de pierres 117
Natation 15 Population (limitation) 69
Nature du mariage 78 (mouvement) 70
Nautique 137 Portage 17
Nkebe 177 Poterie 55
Nom de l‟enfant 68 Pouvoirs des chefs 117
Nourriture 20 Préparation culinaire 22
Ntazi 76 Preuve du délit 169
Nuages 134 Prévoyance 91 & 149
Nuit 139 Procès politiques 178
Numération 135 Propreté 10
Nutrition 199 Propriété collective 177
Nyamuzinda 102 & 117 & 118 de la maison 151
nature 153
O limites 154
origine 155
Objets suspendus au corps 33 familiale 91
Observation 147 objets trouvés 160
Occupation 47 Prostitution 76
Occupations principales 5 Puberté 68
Officiers inférieurs 180 Pudeur
Ongles 12
Ordalies 169 R
Organisation financière 182 Raisonnement 148
politique 176 Rapports sexuels hors mariage 76
sociale 173 Rapport pour mariage 78
Origine de la propriété 155 Reconnaissance 114
de la tribu 94 & 141 Régime économique 162
Ornements 38 Règle (menstrues) 65
Orphelins 176 Relation avec l‟extérieur 185
Ouragans 134 membres de famille 90
Outils 47 sociales, familiales 151
guerrières 185
pacifiques 184
Religion 116
P Remèdes pour personnes 140
Remèdes pour vaches 172
151

Remords 114 Tempête 134


Renouvellement du pouvoir 177, 178 Temples 121
Réparation des habitants 42 Temps (division) 139
Repas 24 Tonnerie 134
Résurrection 110 Totémisme 105
Rêve 101 Totems 94 & 104
Revenants 110 Toucan (diadème) 39
Rites 117 Tourbillons 134
Rôle des voisins dans la famille Traité d‟amitié 178
Transformation par l‟Evangile 186
S Transport par terre 138
Sacerdoce 122 Travail du bois 58
Sacrifices 117 Tremblement de terre 134
Sacrifice du fiancé 77 Tribu 181
de la fiancée 77 Trombes 134
familial 117 Tutelle 87
à un défunt 117
tribal 117 U
politique 178 Usufruit 158
Salaire 186
Salutations 151 V
Sang menstruel 65 Vaches 52 & 172
Sculpture 129 Vannerie 54
Science de l‟ingénieur 136 Vents 134
Séjour des morts 110 Vêtements 31
Semaine 139 Vêtements proprement dits 34
Sens (acuité) 196 Veuves 99-100
Serments 151 Vie familiale 65
Situation de l‟habitation 39 future 110
de membres de famille 93 intellectuelle 123
géographique 2 matérielle 10
Sociétés secrètes 117 réligieuse 101
Soins de propreté 10 sédentaire 173
à l‟accouchée 67 sociale 151
au nouveau-né 68 Village 46
Soleil 134 Virginité 77
Soloma 76 Vitances 104
Sommeil 14 Vœu 117
Sommeil (rôle en religion) 101 Voies de communication 164
Sorcellerie 106 Vol 168
Spiritualisme 111
Stérilité 66 Y
Succession 161 Yeux 191

T Z
Tabous 104 bazala (cousins) 82
Talent inventif 130
Tannerie 60
Tatouage 32
(n) Tazi 76
Teinturerie 61
Température du corps 198

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