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L'église Sainte-Sophie de Constantinople,

« la plus glorieuse église de la chrétieneté » pendant neuf siècles


(entre sa constuction par l'Empereur Justinien
au VIe siècle et la chute de Constantinople le 29 mai 1453)

L'Église indivise du premier millénaire


Le schisme entre l’Orient et l’Occident
L’Orthodoxie après le schisme
La rencontre de l’Orthodoxie et de
l’Occident
Pour aller plus loin

L'Église indivise du premier millénaire


Deux faits importants ont marqué les trois premiers siècles de
l’Église  : l’expansion remarquable du christianisme à travers
l’Empire romain, et la persécution féroce des chrétiens à certaines
périodes, jusqu’à la proclamation de l’Édit de Milan en l’an 313. Les
apôtres et leurs successeurs immédiats ont fondé de nombreuses
églises dans les principales villes de l’Empire romain. Dans chaque
ville il y avait une communauté chrétienne de base, présidée par un
évêque, ces derniers nommés à l’origine par les apôtres, et qui
étaient aidés par des presbytres et des diacres. Ce type
d’organisation au triple ministère était déjà bien établi vers la fin
du Ier siècle ; il en est fait mention dans les lettres écrites vers l’an
107 par saint Ignace, évêque d’Antioche, alors qu’il se rendait à
Rome où il devait être martyrisé. Saint Ignace était le premier à
exprimer clairement que la communauté chrétienne locale est
l’Église, idée qui reste au cœur de la conception orthodoxe de
l’Église.

Pendant cette première période, la préoccupation principale les


chrétiens était avant tout la célébration de la foi, ainsi que le
témoignage de cette foi dans un environnement souvent hostile. Les
premiers exposés de la foi chrétienne ont été écrits dès le IIe siècle -
ceux d’Irénée de Lyon, de Justin, de Clément d’Alexandrie,
d’Origène, de Tertullien, souvent par nécessité d’expliquer la foi par
rapport au paganisme et aux philosophies hellénistes à l’extérieur
de l’Église, et de la préciser par rapport aux enseignements erronés
qui la menaçaient de l’intérieur. Mais c’est après l’Édit de Milan de
l’Empereur Constantin en l’an 313 que les grandes controverses
doctrinales ont secoué l’Église, et ceci pendant des siècles. Comme
nous l’avons noté en parlant des principales doctrines élaborées
par les sept Conciles œcuméniques, l’Église a conservé la "  foi
véritable  " en posant et en défendant les dogmes nécessaires à la
foi. Ceci n’a pas été accompli sans problème, car certaines parties
de l’Église n’ont pas accepté toutes les décisions des Conciles. La
première fragmentation importante de l’Église a eu lieu au IVe et Ve
siècles, à la suite des controverses christologiques. L’Église de Perse
est devenue nestorienne et la communion a été rompue entre les
Églises " chalcédoniennes " (Rome et Byzance) - qui ont accepté les
décisions du Concile de Calcédoine en 451 - et les Églises " non- (ou
pré-) chalcédoniennes  "  : les Églises d’Arménie, de Syrie (l’Église
jacobite), d’Égypte (l’Église copte), d’Éthiopie et des Indes.

Pendant les premiers siècles, le christianisme, universel dans sa


mission, s’exprimait dans trois cultures majeures  : sémitique ou
"  orientale  ", grecque et latine. La première grande scission de
l’Église a presque entièrement retranché les Sémites et les autres
Orientaux, laissant les Grecs et les Latins. Pendant cette période,
Grecs et Latins formaient une seule Église, témoignant du message
évangélique dans leurs sphères respectives et luttant contre les
hérésies - dont la plupart, ont surgi dans le monde grec, fortement
influencé par les philosophies hellénistes. Il est notable, par
exemple, que les papes de Rome aient soutenu la doctrine
orthodoxe dans la longue et parfois sanglante querelle des icônes,
qui ne touchait guère l’Occident.

Pendant le premier millénaire de l’ère chrétienne, l’Église entière


était essentiellement "  orthodoxe  ". Il y avait certainement des
différences importantes entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident,
mais elles ont été en communion pendant de longs siècles. La
conception orthodoxe de la structure de l’Église, fondée sur les
évêques en tant que chefs des églises locales, était, et demeure, une
collégialité des têtes des cinq Églises principales  : Rome,
Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, la " pentarchie "
dont l’ordre de préséance reflétait l’importance des Églises. En
pratique, les Églises étaient très autonomes les unes par rapport
aux autres, mais l’Église de Rome, a peu à peu, pour des raisons à la
fois politiques et ecclésiales, consolidé son autorité sur l’Église
d’Occident, affirmant la suprématie du pape, en tant qu’évêque de
Rome et successeur de saint Pierre, au détriment de l’autorité et de
l’autonomie des évêques en Occident.

Le schisme entre l’Orient et l’Occident


Aux différences linguistiques, politiques et sociales des parties
orientale et occidentale de l’ancien Empire romain sont venues
s’ajouter des différences théologiques et ecclésiales. Les raisons
profondes de la séparation des deux parties de l’Église, et qui seules
en expliquent la durée, sont proprement religieuses. C’est d’abord
la question déjà évoquée de la procession du Saint-Esprit, le
Filioque. Cependant, la cause principale du schisme était en fait la
question de l’autorité du pape. Les papes de l’époque (IXe-Xe siècles)
tentaient de transformer une primauté d’honneur, une " présidence
d’amour " au sein des Églises locales, en un pouvoir juridique direct
sur toutes les Églises, au mépris des droits traditionnels des évêques
et des patriarches des autres Églises. Au XIe siècle, la réforme
grégorienne, visant à libérer la papauté des empereurs francs et
l’Église des féodaux, a voulu soumettre directement au pape non
seulement les évêques, mais aussi les rois – et dans ce contexte a
revendiqué l’infaillibilité du souverain pontife, doctrine occidentale
qui sera dogmatisée par le Concile Vatican I en 1870.

En 1054, une délégation du Pape Léon IX envoyée à Constantinople


pour négocier une alliance politique et une union des Églises
dépose sur l’autel de Sainte Sophie, l’Église impériale de
Constantinople, une sentence d’excommunication du Patriarche
Michel Cérulaire, qui à son tour excommunie le Pape. Les
excommunications réciproques ne seront levées qu’en 1965 par le
Pape Paul VI et le Patriarche Athenagoras I, lors d’une rencontre
historique à Jérusalem.

En 1204, l’irréparable est consommé  : la IVe croisade, déviée de la


Terre Sainte par les Vénitiens pour des raisons commerciales et
politiques, se rue sur Constantinople, la ville est mise à sac, les
icônes et les reliques vandalisées ou volées, une prostituée est
placée sur le trône patriarcal, un Vénitien est nommé patriarche de
Constantinople et un Latin devient empereur de Byzance. En 1261
les empereurs latins sont écartés de Byzance, qui redevient
l’Empire byzantin, héritier de la civilisation grecque et gardien de
la foi orthodoxe. Cependant, cette ingérence latine dans l’Empire
byzantin lui a porté un coup mortel, et il s’écroule lentement devant
le pouvoir grandissant des musulmans turcs venus d’Asie.

L’Orthodoxie après le schisme


Déjà aux IXe et Xe siècles, Byzance est devenu missionnaire en
Europe orientale, du Caucase aux Carpates et jusqu’au cercle
polaire. Les saints Cyrille et Méthode ont traduit la Bible et la
liturgie en slavon pour les Moraves, donnant aux peuples slaves
une langue écrite, qui constitue aujourd’hui encore la langue
liturgique de plusieurs des peuples slaves. Les Bulgares et les
Serbes ont été baptisés au IXe siècle et les Russes de la principauté
de Kiev en l’an 988. Byzance a organisé les nouvelles Églises en
métropolies largement décentralisées, mais dont l’évêque principal
ou métropolite est consacré par le patriarche de Constantinople.
Avec la destruction de la Rus-Kiev par les Mongols et le repliement
des populations dans les forêts du nord-est, l’Église russe devient la
gardienne de l’âme nationale. Au XIVe siècle, saint Serge de
Radonège restaure le monachisme dans un esprit de service
évangélique. Les monastères se multiplient, chacun devenant un
centre de culture chrétienne et l’iconographie orthodoxe connaît un
de ses apogées, en particulier au XVIe siècle, avec les grands centres
de Novgorod, Moscou et Pskov.

L’Église russe à son tour devient missionnaire, convertissant de


nombreux Mongols et les tribus finnoises du Nord. Les
missionnaires orthodoxes ont atteint Pékin en 1714, puis les Îles
aléoutiennes et l’Alaska à la fin du XVIIIe siècle – origine de
l’Orthodoxie en Amérique du Nord.

À partir du XIIIe siècle les empereurs byzantins cherchaient à se


rapprocher de Rome pour des raisons politiques, afin d’obtenir
l’aide militaire de l’Occident contre le pouvoir turc qui menaçait
l’Empire. C’est dans ce contexte que les représentants orthodoxes
aux Conciles de Lyon (1274) et de Ferrare-Florence (1438-39),
poussés par l’empereur, ont capitulé devant les prétentions
romaines en ce qui concerne l’autorité du pape et le filioque. Mais
les conclusions de ces Conciles ont été rejetées par le peuple et le
clergé, qui sont restés fidèles à la foi orthodoxe. En 1453 les Turcs
s’emparent de Constantinople, c’est la fin de l’Empire byzantin et la
Russie devient le rempart de l’Orthodoxie.

Sous l’Empire ottoman, l’Église est à la fois persécutée et tolérée  ;


les quatre patriarcats traditionnels de Constantinople, Alexandrie,
Antioche et Jérusalem, ont connu une existence précaire pendant
des siècles. En même temps, les grands centres de spiritualité
orthodoxe, en particulier les monastères de Sainte-Catherine au
Sinaï et ceux de la "  Sainte Montagne  ", le Mont Athos en Grèce,
continuaient de rayonner même sous la domination musulmane. La
Grèce a été libérée du joug ottoman en 1832, la Bulgarie et la Serbie
en 1878 et leurs Églises deviennent autocéphales. Au XXe siècle,
l’Église de Grèce connaît une véritable renaissance spirituelle, avec
des mouvements religieux comme Zoé et Soter et des théologiens
éminents, tels que Christos Yannaras, Panayotis Nellas et Jean
Zizoulias.

C’est à partir de la Sainte Montagne qu’a eu lieu ce qu’on appelle le


" renouveau philocalique " de la spiritualité orthodoxe au XIXe et au
XX
e siècle. En 1782, un moine du Mont Athos, saint Nicodème
l’Hagiorite, et l’évêque de Corinthe, Macaire, publient à Venise une
monumentale Philocalie ("  amour de la beauté  "), un florilège de
textes spirituels dans la grande tradition hésychaste remontant aux
Pères du Désert des IVe et Ve siècles, passant par les grands spirituels
de l’Église d’Orient jusqu’au XIVe siècle. Traduite par un moine
Ukrainien fixé en Moldavie, saint Païssi Velitchkovsky, la Philocalie
slavonne, puis russe, devient la source de la renaissance spirituelle
de l’Église russe au XIXe siècle. Cette renaissance puise ses racines
dans l’hésychasme, notamment la prière de Jésus, et atteint un
apogée dans des personnages tels que saint Séraphim de Sarov et
les saints starets du monastère d’Optino. Ce renouveau philocalique
est l’inspiration du fameux "  pèlerin russe  " et il continue à
influencer non seulement le monde orthodoxe, mais aussi
l’Occident. (Nous reviendrons sur l’hésychasme dans les sections
sur la prière.)

Au XXe siècle, toute la violence de l’athéisme et du matérialisme


modernes s’est déchargée sur l’Église russe après la révolution
bolchevique de 1917, puis sur les Églises orthodoxes de plusieurs
pays de l’Europe de l’Est à partir de 1945. De 1918 à 1941, l’Église
russe a subi une des persécutions les plus terribles qu’ait connu le
monde chrétien, avec des martyrs par dizaines voire centaines de
milliers. La plupart des églises, les monastères et les séminaires ont
été fermés, toute catéchèse interdite, le patriarcat a été suspendu en
1925 et une bonne partie de la hiérarchie s’est soumise à l’état
communiste. Pendant la deuxième guerre mondiale, Staline a
"  normalisé  " les relations avec l’Église, beaucoup d’églises ont été
rouvertes, ainsi que des monastères, séminaires et académies de
théologie. Une nouvelle période de persécution, non sanglante mais
asphyxiante, s’est abattue sur l’Église entre 1960 et 1964 et puis
encore entre 1979 et 1985. Ce n’est que suite à la chute du régime
communiste sous Gorbatchev, à la fin des années 1980, que l’Église
russe est sortie de l’ombre dans laquelle elle a vécu pendant 70 ans.

La rencontre de l’Orthodoxie et de l’Occident


Les Églises orthodoxes, longtemps isolées des mouvements
religieux en Occident - le schisme occidental de la Réforme était
longtemps considéré comme une question qui ne les concerne pas -
se sont jointes à la globalisation des discussions religieuses depuis
les années cinquante. La présence de nombreuses communautés
orthodoxes en Occident, la formation du Conseil œcuménique des
Églises en 1948, la tenue du Concile Vatican II en 1964-68, la
restauration de la liberté religieuse dans les anciens pays
communistes, ont été autant d’occasions pour le monde orthodoxe
de prendre conscience de lui-même et de se définir par rapport aux
autres confessions chrétiennes. Les principales Églises orthodoxes
ont par exemple participé au Conseil œcuménique des Églises,
même si elles avaient des réserves quant à ses tendances
spirituelles et sociales - réserves qui récemment ont obligé
certaines des Églises orthodoxes à reconsidérer leur adhésion au
Conseil œcuménique.

Un des grands événements spirituels du XXe siècle était la rencontre


de l’Orthodoxie et de l’Occident, grâce surtout à la présence en
Occident de la diaspora orthodoxe, ukrainienne, russe et grecque
surtout, mais aussi roumaine, serbe et arabe. Il y avait déjà à la fin
du XIXe siècle une présence importante d’immigrants orthodoxes en
Europe occidentale et en Amérique du Nord. La première guerre
mondiale a déclenché l’arrivée massive réfugiés grecs chassés de la
Turquie. À partir de 1920 ont déferlé des vagues d’émigrés russes,
chassés de leur patrie par la révolution bolchevique. Parmi eux,
l’élite de l’intelligentsia russe s’est établie principalement en
France. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, des
Roumains, Bulgares et Serbes se sont ajoutés à une deuxième vague
d’émigrés russes. Depuis la crise libanaise, de nombreux Arabes
chrétiens en provenance du Liban et de la Syrie se sont établis en
Europe et en Amérique du Nord. De nos jours, une troisième vague
d’immigration russe, suite à l’effondrement de l’Union soviétique,
vient augmenter la présence dans les pays occidentaux de
populations issues de la tradition orthodoxe.

Les immigrants des pays de tradition orthodoxe apportent avec eux


non seulement la foi et la pratique orthodoxes, mais aussi leurs
Églises nationales, qui se trouvent implantées dans les pays
d’accueil. D’importantes écoles de théologie ont été fondées,
notamment l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris et
le Séminaire Saint-Vladimir à New-York. Parmi les représentants
éminents de l’"  école de Paris  " figurent les théologiens Vladimir
Lossky, Georges Florovsky, Léonide Ouspensky, Paul Evdokimov,
Jean Meyendorff et Alexandre Schmemann. Ces deux derniers se
sont établis au Séminaire Saint-Vladimir à New-York.

À partir de la fin des années 1920 apparaissent des "  Orthodoxies


occidentales  ", des paroisses utilisant les langues occidentales
comme langues liturgiques. Celles-ci ont été créées à la fois par
l’implantation progressive dans les pays d’accueil des immigrants et
de leurs descendants, et par la conversion d’Occidentaux "  de
souche ". La première Liturgie célébrée en français remonte à 1927
et la première paroisse francophone a été fondée à Paris en 1928.
Ainsi se sont formées des paroisses et des diocèses utilisant le
français, l’anglais, l’allemand etc. comme langues liturgiques. La
plupart de ces diocèses demeurent sous la juridiction des
Patriarcats et Églises dont elles sont issues (Constantinople,
Antioche, Roumanie, Serbie…). Cependant, en 1970, le Patriarcat de
Moscou a accordé l’autocéphalie à ses diocèses en Amérique du
Nord, qui sont devenus l’Église Orthodoxe en Amérique.

La présence des populations d’immigrants de tradition orthodoxe


en Occident permet depuis plus d’un siècle un contact véritable
entre les deux grandes traditions du christianisme. Les chrétiens
occidentaux peuvent découvrir les traditions spirituelles
soigneusement transmises et enrichies pendant des siècles dans
l’Église orthodoxe, la Liturgie byzantine, les icônes, la spiritualité
hésychaste, la prière de Jésus, et une théologie demeurée fidèle aux
enseignements des Pères et des Conciles œcuméniques.

Pour aller plus loin


Clément, Olivier, L'Église orthodoxe. PUF (Que Sais-Je), 1998.
Meyendorff, Jean, L’Église orthodoxe hier et aujourd’hui. Seuil,
1995.
Ware, Timothy (Mgr Kallistos Ware), L'Orthodoxie : L'Église des
sept conciles. Desclée de Brouwer, 1998.
Histoires de l'Église, par exemple :

Daniélou, Jean, et Irénée Henri Marrou, Nouvelle histoire de


l'Église, 1963-1975.
Knowles, M.D. et D. Oboleviski, Nouvelle histoire de l'Église, 1968.
Mayeur, J.M., et al., Histoire du christianisme, des origines à nos
jours, 1990-1995.

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Dernière mise à jour : 20-12-01

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