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REVUE AFRICAINE DE LA

RECHERCHE JURIDIQUE
ET POLITIQUE

Numéro Varia

Une création de l’Association


Internationale des Jeunes Chercheurs
en Droits Africains (AIJCDA)

Mai 2020
REMERCIEMENTS AUX MEMBRES DU COMITE SCIENTIFIQUE

Nous tenons à remercier les différents membres du comité scientifique pour


l’accompagnement de ce projet. Grace à vous, nous avons pu donner corps à ce projet. Voici
sa toute première parution.

Nous tenons aussi à vous remercier pour votre patience, votre disponibilité, votre
rigueur scientifique ainsi que pour vos orientations qui ont été bénéfiques à la réalisation de
ce projet.

Trouver en ces quelques mots, toute la gratitude que mon équipe et moi avons pour
vous.

Nous remercions aussi en particulier le professeur James MOUANGUE KOBILA qui,


autour d’un échange très enrichissant, a suscité notre intérêt pour ce projet.

MIANO LOE Siastry Dorsey D’aquin

Doctorant en Droit public,


Directeur Exécutif de la RARJP
Comité Scientifique :

James MOUANGUE KOBILA (Maitre de conférences en Droit public, Université de


Douala-Cameroun) ;

Serge AKONO EVANG (Maitre de conférences en Science politique, Université de Douala-


Cameroun) ;
© Association Internationale des Jeunes Chercheurs en Droits Africains

AKONO OMGBA SEDENA (Maitre de conférences en Droit public, Université de Yaoundé


II-Cameroun) ;
Revue accessible en ligne : www. rajcsjp.wordpress.com

LOGMO Aaron (Maitre de conférences de Droit public, Université de Douala-Cameroun) ;

Paterne MAMBO (Maitre de conférences en Droit public, Université de Cocody- Côte-


Ivoire) ;

Lauréline FONTAINE (Maitresse de conférences en Droit public, Université de Paris 3 1


Sorbonne Nouvelle-France) ;

Virginie SAINT-JAMES (Maitresse de conférences en Droit public, Université de Limoges-


France) ;

Stéphane BOLLE (Maitre de conférences en Droit public, Université Paul VALERY


Montpellier 3- France) ;

Gilles J. GUGLIELMI (Professeur de Droit public, Université de Paris II Panthéon-Assas-


France).

RARJP, Numéro 1, Varia, Mai 2020.


A L’ATTENTION DES AUTEURS

Tout texte soumis à la Revue Africaine de la Recherche Juridique et Politique par un auteur
doit être conforme aux indications suivantes :

Les articles devront compter entre huit milles (8 000) et dix milles (15 000) mots.
Le format de la recension est limité à mille (1000) mots.
Les articles devront être envoyés uniquement en fichiers Word (doc. ou docx) et
envoyés par courriel aux adresses suivantes : rajcsjp@gmail.com ou oraxloe247@gmail.com
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Police 12, Times New Roman, interligne 1,5 ; pas de feuille de style (pas de titre
automatique) ;
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Les références bibliographiques et les notes doivent être présentées de la manière


suivante :
NOMS (Première lettre du ou des prénoms), Titre de l’ouvrage, lieu d’édition, maison
d’édition, année, page/élément de la page cité. Exemple : CARTIER (E.), La transition
constitutionnelle en France (1940-1945) : La reconstruction révolutionnaire de l’ordre
juridique républicain, Paris, L.G.D.J., 2004, 643 pages/p. 256.
2

NB ; D’autres indications importantes existent et peuvent être téléchargées sur le site internet
de la revue : https://rajcsjp.wordpress.com (chercher la fenêtre « recommandations aux
auteurs »).
La revue reçoit aussi les articles en Anglais et venant du monde entier.

MIANO LOE Siastry Dorsey D’aquin


Doctorant en Droit public,
Directeur Exécutif de la RARJP

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Sommaire :
Doctrine ……………………………………………………………………………….………………..4
NDZINA NOAH (J.-M.-N.), ‘‘Le pouvoir législatif’’ dans les constitutions des Etats post-crise : le cas
centrafricaine », ……………………………………………………………………………………………... ……5

BIKORO (J.-M.), « les incompatibilités dans le droit de la fonction publique des Etats d’Afrique noire
francophone », ……………………………………………………………………………….………………….32
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MVOGO (M.-C.) et ETALLA FOHOGANG (R.-D.), « Lecture juridique de la délocalisation des


bureaux de vote en temps de crise au Cameroun », .......................................…………………….……….65
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EWANE BITEG (A.-G.), « le pouvoir d’injonction du juge constitutionnel africain. Cas des Etats
d’Afrique noire francophone », …………………………………………………………………….…………..86

EKO MENGUE (A.-S.), « Le statut constitutionnel de la communauté économique et monétaire de


l’Afrique centrale au Cameroun », ………………………………………………………………… ………118

BUNUNU NGONO (P.), « Les fonctions extra législatives du sénat dans les Etats d’Afrique noire
francophone. Réflexion à partir des exemples du Cameroun et du Gabon », ……………………………137 3
TAMA AYINDA (T.-O.), « Le conseil des ministres dans le constitutionnalisme des Etats d’Afrique
noire francophone », ………………………………………………………………………..............................161

SIMO (E.), « La constitution centrafricaine de 2016 et le « droit d’origine externe », ………………...191

Textes juridiques : Jurisprudences……………………………………………………………........................223

Thèses et Mémoires : ……………………………………………………………...........................................231

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DOCTRINE
4
LE STATUT CONSTITUTIONNEL DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE ET
MONETAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE AU CAMEROUN

Par

Arsène Silvère EKO MENGUE*

Docteur Phd en droit public,


Moniteur à la Faculté des sciences juridiques et politiques,
Université de Yaoundé II (Cameroun)
© Association Internationale des Jeunes Chercheurs en Droits Africains

« Juridiquement et politiquement, la constitution est créatrice d’ordre et d’unité.


Juridiquement, elle introduit dans la multiplicité des règles le principe d’une hiérarchie en se
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présentant comme la norme initiale dont toutes les autres découlent politiquement, expansion
d’une idée de droit, elle légitime le pouvoir appelé à en être l’instrument et unifie les sources
d’inspiration politique et instituant les organes de l’autorité. »1. Aussi pouvons-nous dire que
s’il y a un ordre juridique qui doit être maîtrisé par l’ordre constitutionnel camerounais, c’est
sans conteste celui de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale 118
(CEMAC)2. Puisqu’il est « perçu comme étant à l’origine d’une dilution non maitrisée de la
souveraineté nationale »3, par le transfert de compétences souveraines qui la caractérise.

Pourtant, les signes d’un ordonnancement interne dévolu à la Communauté intégrative


sont difficiles à identifier et à systématiser au Cameroun. C’est certainement pourquoi un sens
constitutionnel n’est pas d’emblée visible pour le droit de la CEMAC, et encore moins à ces
droits dérivés qui ambitionnent reproduire le statut déontique du droit communautaire en droit

* Pour citer cet article, EKO MENGUE (A.-S.), « Le statut constitutionnel de la communauté économique et
monétaire de l’Afrique centrale au Cameroun », RARJP, Numéro 1, Varia, Mai 2020, pp. 118-136.
1
BURDEAU (G.), « Une survivance : la notion de constitution », in L’évolution du droit public. Mélanges
offerts a Achille MESTRE, Paris, Sirey, 1956, p. 54.
2
Elle regroupe en son sein six Etats à savoir le Cameroun, le Tchad, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale,
et la république Centrafricaine. L’élément de partage est la proximité géographique, culturelle, et linguistique
que la majorité de ses Etats partage ensemble, et qui contribue à solidifier leurs liens168. Le processus
d’intégration régionale en Afrique centrale particulièrement la CEMAC va être soumis à une double influence,
tout d’abord celle de la France et enfin celle de la construction communautaire européenne. L’influence de la
France, puissance colonisatrice pour certains Etats, va être importante. Parce que c’est elle qui organisera la
gestion administrative et économique de ses possessions territoriales en Afrique à la manière d’une fédération, et
qui posera les bases d’une Communauté intégrée. Et l’influence de la construction communautaire européenne,
qui va se ressentir sur l’appellation des organes les plus importants de la CEMAC, et également sur les principes
qui structurent son mode de fonctionnement.
3
DUBOUT (E.) et NABLI (B.), Droit français de l’intégration, Paris, LGDJ – Lextenso éditions, 2015, p. 5.

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interne. Pour une entreprise intégrative qui se veut autonome 5, La CEMAC ne dispose pas de
tous les instruments pour créer l’ensemble des ressorts juridiques nécessaires pour son
effectivité et son efficacité en droit interne. C’est pourquoi elle n’a pas d’autres choix que de
s’appuyer sur les Etats membres pour la mise en œuvre et l’exécution de ses règles au sein de
l’ordre juridique national. D’ailleurs, le traité révisé CEMAC le précise lorsqu’il dispose que
« les Etats membres apportent leurs concours à la réalisation des objectifs de la Communauté
en adoptant toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des
obligations découlant du présent traité (…) »6.
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Symbole de la mondialisation grandissante, dont le projet influence de manière


significative l’ordonnancement juridique étatique, la Communauté intégrative met en exergue
un ordre juridique qui se veut une accumulation des compétences nationales transférées, dans
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à l’épreuve des identités autonomes. Un ensemble de précision qui au demeurant impose, dans
la forme et le fond, que les normes fondamentales prennent au sérieux et encadrent ces
rapports avec cette entité singulière.

Cela étant dit, la constitution est considérée « comme le socle du projet global de
société, […]»7. Et pour cette raison, l’appréhension du processus d’intégration de la CEMAC 119
devient donc un impératif constitutionnel. Comme instrument juridique d’impulsion,
d’accompagnement, et de coordination, la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, a
l’irréfragable devoir d’appréhender et d’établir une corrélation harmonieuse du phénomène
communautaire avec l’ordre juridique national. Ce d’autant plus que cette appréhension
constitutionnelle est un viatique pour l’ordre communautaire en droit interne.

La nécessité de construire un droit constitutionnel relatif à la CEMAC n’est pas


seulement une exigence de nature à maintenir l’unité de l’ordre juridique national, mais
également l’impératif du principe de coopération loyale et de la fonction d’exécution du droit
de la CEMAC reconnu aux Etats membres.

5
« Le concept d’autonomie du droit communautaire peut être utilisé de façon souple, pour indiquer qu’il existe
un ensemble de règles relevant des traités constitutifs qui ont pour objet l’organisation et le fonctionnement de
la communauté. Il peut aussi être employé de façon plus rigoureuse en liaison avec la constatation selon
laquelle l’ordre juridique communautaire constitue un système de normes distinct d’autres systèmes de
normes ». SIMON (D.), « Les fondements de l’autonomie du droit communautaire », rapport général du colloque
de bordeaux sur le droit international et droit communautaire, perspectives actuelles, Paris, Edition A. Pedone,
2000, p 213.
6
Lire l’article 4 du traité révisé de la CEMAC du 30 janvier 2009 à Libreville.
7
PRISO-ESSAWE (S-J.), « Fondements constitutionnels de l’intégration régionale en Afrique : De
l’opérationnalité du concept d’ « unité africaine », UNU-CRIS papers, 2014, www.cris-unu.edu, p 2.

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Mais la difficulté de cerner le phénomène d’intégration communautaire est réelle dans
le constitutionnalisme camerounais. Parce qu’aussi implicite que cela soit, l’énoncé du
préambule de la constitution du 18 janvier 1996 devant nous renseigner sur la question de la
CEMAC demeure insuffisante, par son caractère limité. Et en plus, cet énoncé ne remplit pas
sa fonction de modalisation déontique du droit de la CEMAC applicable dans l’ordre
juridique national. Il ne suffit donc pas que le constituant soit « Convaincu que le salut de
l'Afrique se trouve dans la réalisation d'une solidarité de plus en plus étroite entre les peuples
africains, [et qu’il] affirme sa volonté d’œuvrer à la construction d'une Afrique unie et
libre », pour que cela permettent en droit camerounais, la restitution des propriétés et la
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particularité d’une union ou d’une solidarité étroite portée par la CEMAC.

Au contraire cet énoncé cristallise des configurations floues et simplistes, de


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l’ambiguïté du droit constitutionnel communautaire au Cameroun. En cela, il trouble


directement l’appréhension constitutionnelle de la CEMAC et la qualité du droit de ce dernier.
Parce qu’il affecte directement l’identification des propriétés de l’effectivité et de l’efficacité
du droit de la CEMAC en droit interne, et développe par conséquent une transfiguration du
droit de la CEMAC en droit interne. 120
C’est pourquoi la lecture de l’énoncé du préambule de la constitution de 1996, qui
tient le sort du droit de la CEMAC en droit national, se caractérise par une forme tributaire
d’indétermination linguiste qui affecte la communication juridique de l’œuvre du constituant
camerounais du 18 janvier 1996 en ce qui concerne l’intégration de la CEMAC. La
conséquence immédiate étant le lien de cause à effet entre le statut national du droit de la
CEMAC en droit interne et la nature juridique que l’ordre national se fait des règles produite
au sein de la CEMAC. C’est pourquoi nous pensons que l’imprécision et la généralisation de
l’énoncé du préambule dans sa détermination du statut constitutionnel de la CEMAC, traduit
les référents d’un statut par défaut.

Néanmoins, afin d’éviter une conclusion trop hâtive, une vérification du traitement de
la CEMAC et de son droit, dans le constitutionnalisme camerounais s’impose selon la logique
de différenciation8 contenue dans la prétention des textes de la CEMAC à la spécificité. Et
d’après cette logique, l’on constate que l’appréhension constitutionnelle de la CEMAC au
Cameroun est loin de se présenter sous sa forme hybride, c’est-à-dire jouant autant sur son

8
« Les traités communautaires, à différence des traités internationaux classiques, ont institué un ordre juridique
propre, intégré au système juridique des Etats membres qui s’impose à leurs juridictions » lire CARMELI (S.),
La constitution italienne et le droit communautaire. Étude de droit comparé, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 28.

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origine internationale, que sur sa destination communautaire pour affirmer sa spécificité dans
l’ordre juridique national. L’intégration communautaire dans l’ordre constitutionnel
camerounais se trouve plutôt recluse et réduite à son seul versant international. La loi
constitutionnelle du Cameroun assimilant totalement et essentiellement le droit de la CEMAC
au droit international régional. Une construction entretenue par le flou et la généralisation que
porte l’énoncé du préambule sus-évoqué.

Le mécanisme d’articulation que le droit de la CEMAC revendique pour son effet utile
dans l’ordre juridique camerounais, ne coïncide pas avec l’assentiment par défaut de la loi
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constitutionnelle du 18 janvier 1996 modifiée le 18 avril 2008. C’est pourquoi dans une
relecture de l’habilitation implicite de l’intégration communautaire dans la constitution du 18
Janvier 19969 et des constitutions antérieures, nous envisagerons au terme d’une interprétation
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globale, fondée sur une dimension sémantique, téléologique, et sur un décodage, de présenter
l’esprit de l’énoncé de ce préambule. Afin de juger de l’existence ou non, de l’idée d’œuvre
du droit de la CEMAC, au Cameroun, et de clarifier son statut dans l’ordre constitutionnel
camerounais. En d’autre terme, il nous incombera, de déconstruire la thèse qui voudrait que
l’habilitation constitutionnelle de la construction de la CEMAC au Cameroun se trouve 121
consacrée implicitement dans le préambule de la constitution du 18 Janvier 1996, et d’ouvrir
le débat sur la véritable représentation nationale du droit issu de la CEMAC, selon le
traitement constitutionnel de sa nature et de ces principes consubstantiels 10. D’où
l’interrogation suivante : l’habilitation constitutionnelle implicite 11 du processus
d’intégration de la CEMAC au Cameroun, suffit-elle d’appréhender son statut et sa qualité
communautaire ?

A la suite de cette question, l’on constate à la lecture de l’énoncé constitutionnel que


ce dernier semble consacrer une internationalisation généralisant des droits extérieurs. C’est
pourquoi il nous reviendra d’éclairer cette globalisation internationale en précisant clairement

9
: « Convaincu que le salut de l'Afrique se trouve dans la réalisation d'une solidarité de plus en plus étroite
entre les peuples africains, affirme sa volonté d œuvrer à la construction d'une Afrique unie et libre, tout en
entretenant avec les autres Nations du monde des relations pacifiques et fraternelles conformément aux
principes formulés par la Charte des Nations Unies » lire le préambule de la loi n° 96-06 du 18 Janvier 1996
portant révision de la constitution du 02 juin 1972, également amendé le 14 Avril 2008.
10
L’article 41 du traité révisé de la CEMAC du 30 janvier 2009 à Libreville au Gabon prévoit que « les
règlements sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout Etat membre ».
11
Elle est unanimement reconnue par la communauté scientifique camerounaise pour justifier l’habilitation à
ratifier le traité communautaire et à intégrer son droit dans l’ordre juridique camerounais.

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le statut par défaut du processus d’intégration de la CEMAC (I), qui justifie par ailleurs
l’assimilation du droit de la CEMAC au droit international (II).

I. UN STATUT CONSTITUTIONNEL PAR DEFAUT DE L’INTEGRATION


DE LA CEMAC.

Il convient de restituer la manière dont les diverses formes d’indétermination linguistique


et conjoncturelle de l’énoncé du préambule de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
mettent en évidence un statut constitutionnel par défaut de l’entreprise intégrative de la
CEMAC. Elle même construite par l’indétermination de la forme normative du droit de la
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CEMAC, résultante de la sanctification de la coopération à l’échelle africaine proclamée par


cet énoncé (A), inadaptée et ne cadrant pas avec l’esprit qui sous-tend le changement de cap
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dans l’idée d’œuvre de l’intégration sous-régionale centre-africaine (B).

A. L’ENONCE DU PREAMBULE OU LA « SANCTIFICATION DE LA


COOPERATION A L’ECHELLE AFRICAINE »12.

Si la considération de la signification d’un énoncé constitutionnel comme constituant une


norme juridique, est liée à son critère d’appartenance, qui permet de le rattacher à un système, 122
les préambules comme la partie introductive d’une constitution, précédant le dispositif, et
contenant un exposé des motifs ou de la procédure suivie pour l’élaborer, soulève par sa
nature intrinsèque des problèmes quant à sa valeur juridique13. Toutefois en ce qui concerne le
Cameroun, le problème de l’ambigüité n’est pas à ce niveau, puisque le constituant
camerounais a tranché cette question à l’article 65 de la constitution du 18 janvier 1996, qui
stipule que « Le préambule fait partie intégrante de la constitution ». Et comme la
normativité ne peut être déduite d’une donnée factuelle, nous serons péremptoire et
reconnaitrons selon cette disposition constitutionnelle que la constitution attribut la qualité de
norme vivante constitutionnelle au préambule de la constitution.

12
Lire à ce propos SINDJOUN (L.), « Les nouvelles constitutions africaines et la politique : contribution à une
économie internationale des biens politico-constitutionnels », Etudes internationales, vol. 26, n° 2, 1995, p. 336.
13
Si le préambule a « une importance capitale pour déterminer la nature et l'inspiration du régime » parce qu'il
serait « l'expression de la conscience collective de la Nation à un moment donné », « l'expression des idées sur
lesquelles la plupart des esprits sont d'accord », il n'en reste pas moins évident que son contenu, pas plus que
son sens ou la valeur juridique des dispositions qu'il comporte n'apparaissent clairement au lecteur. Lire
PELLOUX (R.), « Le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 », RDP, 1947, p. 347.

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La constitution de 1996 a donc pour la première fois au Cameroun 14, transformé l’a-
normativité congénitale des préambules en catalogue de normes juridiques. Pourtant cela ne
dissout pas nos préoccupations sur l’esprit de l’énoncé du préambule comme norme de
référence de la construction de la CEMAC.

A ce sujet il faut dire qu’une norme de niveau supérieur, ne se contente pas de décrire des
valeurs partagées englobant une norme inferieure, elle énonce aussi des conditions générales
de production d’une catégorie de norme spécifique comme le droit de la CEMAC. C’est ce
que l’on appellera ici la détermination de la forme normative du droit de la CEMAC. Elle peut
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se décliner en forme d’habilitation d’adhésion, et d’un ensemble de conditionnement de sa


normativité en droit interne. Il est donc du rôle de la norme fondamentale d’impérativement
intérioriser tout droit extérieur auquel il s’est engagé, à l’instar du droit communautaire, et par
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ricochet d’en assurer son effectivité.

Pourtant lorsque l’on analyse l’énoncé dont l’ensemble de la doctrine s’accorde à


reconnaitre l’habilitation du Cameroun à s’engager à une entreprise communautaire telle que
la CEMAC, on se rend immédiatement compte de la généralité de l’énoncé, si ce n’est son
flou. Un tel énoncé ne peut servir de fondement à l’engagement communautaire au Cameroun 123
et encore moins constituer une véritable clause constitutionnelle d’intégration 15. En plus de ne
pas faire référence à une intégration de type intégrative comme celle de la CEMAC, l’esprit
de cet énoncé brille par la généralisation formelle des cas de figure de l’union ou de la
solidarité plus étroite. Si l’unité est une association qui peut se présenter comme simplifiée ou
complexe, on peut s’accorder à dire qu’une organisation de coopération telle que
l’organisation de l’unité africaine devenu Union africaine16, sied mieux avec cet énoncé. Car
l’UA est une manifestation d’une Afrique unie au sens de l’énoncé du préambule de la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996. Aussi pensons-nous que ce paragraphe du préambule se

14
Il convient de noter que dans le constitutionnalisme camerounais, depuis les indépendances le Cameroun a eu
matériellement quatre constitutions à savoir la constitution du 1er Janvier 1960, celle du 1er septembre 1961, la
constitution du 02 juin 1972 et enfin celle du 18 janvier 1996 dont le débat reste très tranché sur la question de
savoir si formelle il s’agit d’une nouvelle constitution ou de la révision de celle de 1972. Il faut reconnaître
l’apparition de cet énoncé du préambule est avec la constitution du 4 mars 1960, ensuite on constate sa
disparition avec celle du 1er septembre 1961, et l’énoncé réapparait avec la constitution du 02 Juin 1972. Il faut
remarquer que durant tout ce périple constitutionnel, le préambule est partie intégrante du corpus normatif
constitutionnel avec la loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996.
15
ONDOUA (A.), « Le droit international dans la constitution camerounaise » in ATANGANA AMOUGOU (J-
L.) (Dir.), Le Cameroun et le droit international, Paris, Edition Pedone, 2014, pp. 295-307, spec. p. 306.
16
Nous précisons que l’OUA ou l’UA sont des organisations de coopération intergouvernementale.

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présente comme un marqueur international de la constitution camerounaise, c’est-à-dire
d’une forme de « profession de foi internationale »17.

Plus précisément encore, l’énoncé de ce préambule renvoie à ce que Hans KELSEN


appelle les « communautés internationales partielles »18, car les normes qu’elles posent ne
sont valables que pour ceux des Etats qui prennent part aux traités. Il s’agit d’une
consécration implicite du « droit international partiel »19, qui s’applique à une communauté
internationale. Ce droit international des Communautés20, entendu ici comme le droit d’une
Communauté d’Etats, a un sens qui diffère de la définition actuelle du droit communautaire.
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Parce qu’il fait plus référence à un projet de coordination qui se caractérise par l’absence
d’organes pour la création et l’application des normes de droit contraignant. C’est en partant
de ces éléments que l’on distingue le droit de la CEMAC, du droit international africain
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consacré implicitement par la loi constitutionnelle du Cameroun et dont fait référence


l’énoncé de son préambule. La loi fondamentale camerounaise est donc muette sur la question
de la CEMAC, « et ne consacre spécifiquement aucun titre, chapitre ou article aux
conventions d’associations ou d’intégration »21. D’ailleurs une étude de l’historiographie du
constitutionnalisme camerounais renforce cette idée. 124
Il faut dire à ce sujet que l’énoncé sur lequel se fonde la communauté scientifique pour
reconnaître un fondement constitutionnel au projet intégratif de la CEMAC, trouve ses
origines dans la constitution du 4 Mars 196022. Le même énoncé à quelques différences près
est réapparu dans la constitution du 2 juin 1972 23. Et cet énoncé acquérait ainsi la force
normative – avec une légère réadaptation qui ne changea pourtant pas le sens de la phrase qui
date de 1960 – avec la loi constitutionnelle du 18 Janvier 199624. La stabilité du signifiant de
cet énoncé, outre le fait que les constitutions ont été changées, révisées et modifiées, ne peut

17
SALL (A.), « Le droit international dans les nouvelles constitutions africaines », RJPIC, n°1, 1997, p. 352.
18
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2e edition, Neuchâtel, éditions de la baconnierre, 1988, p. 176.
19
Ibidem.
20
C’est nous qui le soulignons.
21
MOUELLE KOMBI (N.), « Les dispositions relatives aux conventions internationales dans les nouvelles
constitutions des Etats d’Afrique francophone », RJPIC, n° 1, 2003, pp. 5-38.
22
« Le peuple camerounais affirme son attachement à la réalisation d’une coopération étroite entre tous les
Etats africains afin de parvenir dans l’indépendance à la formation d’une Afrique unie et libre » lire le
préambule de la constitution du 4 mars 1960.
23
« …Convaincu que le salut de l’Afrique se trouve dans la réalisation d’une solidarité de plus en plus étroite
entre les Etats africains, affirme sa volonté de parvenir dans l’indépendance de la patrie camerounaise à la
création d’une Afrique unie et libre… ». Lire le préambule de la constitution du Cameroun du 2 juin 1972.
24
« Convaincu que le salut de l’Afrique se trouve dans la réalisation d’une solidarité de plus en plus étroite
entre les peuples africains, affirme sa volonté d’œuvrer à la construction d’une Afrique unie et libre… » Lire la
loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996.

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pas justifier qu’aujourd’hui cet énoncé du préambule ait reçu une nouvelle signification autre
que celle qui était la sienne en 1960. Et pour s’en convaincre il faut apporter d’autres éléments
pour davantage préciser le signifiant qui était le sien dans le contexte des indépendances.

Le signifiant de cet énoncé fait référence en grande partie à l’unité africaine et au


panafricanisme25. Qui d’ailleurs a produit une organisation de simple coopération (l’OUA).
La volonté d’une Afrique unie a toujours plané comme une épée de Damoclès sur nos Etats.
C’est peut-être la raison de sa survivance au moins spirituellement dans nos lois
fondamentales. Aussi s’il est évident que l’idée de l’unité Africaine transparaît dans les
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différents énoncés des constitutions du Cameroun, c’est avant tout un vœu pieu ou tout au
moins une simple volonté de coopération interafricaine, avant qu’elle ne soit une volonté
intégrative économique. L’énoncé en question apparaît bien plus comme une expression
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dilatoire répétée sans conviction dans toutes les constitutions en Afrique pour faire
« politiquement correcte » avec l’air du temps. C’est pourquoi nous pensons qu’au Cameroun,
« si un attachement à l’unité africaine est affirmé, il n’existe toutefois aucun lien avec
l’intégration, qui n’est d’ailleurs même pas mentionnée »26.

Toutefois, l’on ne peut pas nier l’existence des bribes d’une volonté de coordination des 125
économies africaines, construite par l’organisation continentale. D’abord adopté par la charte
de l’OUA lors du sommet d’Addis-Abeba27. Ensuite par la déclaration sur la coopération, le
développement et l’indépendance de l’Afrique 28. Enfin par le plan de Lagos, qui promeut une
véritable intégration de type communautaire devant mené, à terme à la fusion des peuples
africains. Mais au demeurant, l’intégration communautaire avec l’ambition d’effacer les

25
Le mot panafricain est apparu à la fin du XIXe siècle lors de la conférence panafricaine de 1900. Le
panafricanisme est une idée politique et un mouvement qui promeut et encourage la pratique de la solidarité
entre les africains où qu’il soit dans le monde. C’est donc à la fois une vision sociale, culturelle et politique
d’émancipation des africains et un mouvement qui vise à unifier les africains. L’expansion du panafricanisme se
trouve dans les écrits et discours de Edward Wilmot Blyden (théoricien du panafricanisme) et Antênor Firmin.
Au début du XXe siècle, d’autres figures telles que Benito Sylvain ou W.E.B Du Bois contribuent à l’affirmation
politique du projet panafricain. Avec la décolonisation, celui-ci prend une ampleur nouvelle et se retrouve
incarné par des dirigeants tels que Kwame Nkrumah. La plus large organisation panafricaine aujourd’hui est
l’Union Africaine.
26
« C’est le cas de la constitution du Cameroun, dont le préambule proclame la conviction « que le salut de
l'Afrique se trouve dans la réalisation d'une solidarité de plus en plus étroite entre les peuples africains » et
affirme la « volonté d'œuvrer à la création d'une Afrique unie et libre », lire PRISO-ESSAWE (S-J.),
« Fondements constitutionnels de l’intégration régionale en Afrique : De l’opérationnalité du concept d’ « unité
africaine », op cit, p. 8.
27
Donc les dispositions y afférentes déterminent entre autres objectifs, la coordination et l’intensification de la
coopération entre les Etats membres, afin d’offrir les meilleures conditions d’existence aux peuples africains
28
C’est la base sur laquelle vont se créer la CEAO, la CEDEAO et la CEPGL.

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frontières nationales, est sur un plan strictement juridique en pleine contradiction, avec le
principe de respect des frontières héritées de la colonisation, érigé en principe sacro-saint par
l’organisation panafricaine, afin de renforcer la stabilité du continent.

Remarquons tout de suite que cette contradiction, soulève – au-delà du caractère


incantatoire du projet d’intégration conduite par l’organisation continentale – des questions
sur la pertinence de la consécration implicite de l’intégration communautaire dans la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996. Dès lors, un constat nous laisse voir que la référence à
l’intégration communautaire dans l’énoncé du préambule de la loi constitutionnelle
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camerounaise est minimale et n’apporte aucune précision, ni sur la possibilité de participer à


des organisations supranationales auxquelles sont transférées l’exercice de certaines
compétences souveraines, ni sur le statut du droit résultant de l’activité de telles
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organisations29. En conséquent, l’énoncé du préambule de la constitution de 1996 est comme


le dirait le doyen Maurice HAURIOU, simplement cet « élément spiritualisé »30 qui manque
d’une armature, d’un cadre, d’une consistance constitutionnelle, propre à se greffer
durablement à l’entreprise communautaire.

Cet énoncé est inadéquat à reproduire le statut communautaire du droit de la CEMAC en 126
droit constitutionnel camerounais. D’ailleurs le contexte qui a vu naître cet énoncé dans les
années soixante ne cadre pas avec les ambitions de cet énoncé, et consolide cette
indétermination communautaire du préambule de la constitution de 1996.

B. L’INADEQUATION DES OBJECTIFS COMMUNAUTAIRES AVEC


L’ENONCE DU PREAMBULE DE LA CONSTITUTION DU CAMEROUN.

L’inadéquation reviendrait à dévoiler les termes d’ouverture libérale de la CEMAC, et de


présenter la rupture significative des années précédentes caractérisée dans les textes
constitutifs d’organisations régionales et sous régionales antérieurs par les termes tels que
« autosuffisance collective », « développement endogène » « développement auto-

29
Voir sur cette question BURGORGUE-LARSEN (L.), « Prendre les droits communautaires au sérieux. La
force d’attraction de l’expérience européenne en Afrique et en Amérique latine », in Les dynamiques du droit
européen en début de siècle. Etudes en l'honneur de Jean-Claude Gautron, Paris, Pedone, 2004, pp. 563-580.
30
Voir HAURIOU (M.), Principes de droit public, Paris, Sirey, 1916, pp.276-284

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entretenu »31, etc., des termes fortement inspirés du plan de Lagos « dont la philosophie
consiste à se désolidariser des stratégies d’insertion asymétrique à l’économie mondiale »32.

La CEMAC est le fruit de l’instrumentalisation de l’intégration économique régionale


« en tant qu’elle est devenue une passerelle vers la mondialisation »33. Sa création est inscrite
dans l’objectif de créer un marché commun nécessaire à la relance des économies qui ont été
touchées par la crise de la fin des années 80 et de la dévaluation du francs CFA, grandement
marqué par une crise économique induite par la chute du prix du baril de pétrole. Il se
caractérise par une forte expansion du capitalisme et de son modèle d’intégration 34.
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C’est pourquoi si lors des « années soixante, les expériences africaines d’intégration
économique avaient été marquées par la volonté d’édifier des ensembles régionaux
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endogènes, en retrait par rapport au marché mondial, celles donc qui seront initiées à partir
des années quatre-vingt-dix se distingueront fondamentalement par leur dilution dans la
dynamique de la mondialisation »35. Ainsi à la différence des autres organisations régionales
et sous régionales nées sous le prisme de l’OUA, la CEMAC est imprégnée des logiques de
mondialisation. On veut pour preuve son institution dans la foulée de la dévaluation du franc
CFA intervenue le 1er janvier 1994, sous la pression exacerbée des institutions financières 127
internationales.

Elle est donc le fruit des programmes ou des mesures d’assainissements des économies
des pays africains et une volonté de réorganisation des structures de production et d’échange,
mais surtout de mettre en avant le secteur privée comme seul vecteur de la croissance
économique36. L’une des manifestations de nos assertions est visible dans le préambule du
traité de la CEMAC de 1994, lorsqu’il est stipulé que « la nouvelle dynamique en cours dans
la zone franc, au demeurant nécessaire au regard des mutations et du recentrage des
stratégies de coopération de développement observés en Afrique et sur d’autres continents
dont l’Europe »37.

31
Voir le traité instituant la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) signé le 18
octobre 1983 à Libreville au Gabon.
32
JACKSON (W.), « Pour une dynamique de refondation de l’intégration régionale africaine : de la
mondialisation de la CEMAC à la régionalisation de l’Afrique Centrale », in Dynamique d’intégration régionale
en Afrique centrale, tome 2, Yaoundé, Presses Universitaire de Yaoundé, 2001, pp. 525-535. Spec. p 529.
33
Ibidem p.526.
34
KAIL (M.), « Mondialisation et néo-libéralisme », Les temps modernes, n° 607, Janvier-février 2000, pp. 1-14.
35
Ibidem.
36
DE SENARCLENS (P.), La mondialisation, théories, enjeux et débats, Armand Colin, 4e édition, 2005, p 65.
37
Lire le préambule du traité instituant la CEMAC signé le 16 Mars 1994 à N’djamena au Tchad.

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La CEMAC porte ainsi un ensemble d’éléments renvoyant à la mondialisation. L’on peut
également énumérer l’émergence des principes de l’Etat de droit, d’où par exemple au plan
normatif, l’adhésion de la CEMAC « aux principes de libertés, de démocratie et de respect
des droits fondamentaux des personnes et de l’Etat de droit »38, et au plan institutionnel à
l’institution d’un parlement communautaire chargé du contrôle démocratique de la CEMAC,
d’une cour de justice communautaire et d’une cour des comptes assumant le contrôle
budgétaire39.

La mondialisation de la CEMAC transparaît aussi à travers le dispositif de surveillance


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multilatérale40, dont le but principal est d’assurer la convergence des politiques macro-
économiques. En ce qui concerne la politique douanière, l’on constatera que le passage de
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l’UDEAC à la CEMAC, a permis un dépouillement de la politique douanière de leur finalité


originelle qui était la constitution d’un marché intérieur. Ce dépouillement se traduit par un
démantèlement des préférences régionales dans le domaine de la politique commerciale pour
s’arrimer aux normes du commerce international. À titre d’illustration, la convention de
l’Union Economique de l’Afrique Centrale (UEAC) fait obligation à l’union économique :
128
« de contribuer au développement harmonieux du commerce régional et mondial »41. Afin
que la CEMAC soit en phase avec les priorités et réglementation de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC). La création de la CEMAC se situe loin des idées de simple
coordination des économies africaines et de la recherche d’une unité africaine, proclamée par
l’énoncé du préambule de la constitution de 1996.

Dans son idée d’œuvre de supranationalité, différente des organisations de coopération,


l’Etat voit sa pertinence mise en cause en tant que unité politique, puisque la mondialisation
portée par l’entreprise communautaire ambitionne un déplacement des limites contrairement
au droit international partiel. La CEMAC apparaît dès lors comme un correctif de la logique
du régionalisme en Afrique centrale. Et les rapports qu’elle impose à l’Etat membre,
restreignent l’activité de ce dernier, et aboutissent à le « priver d’une part au moins de ses
pouvoirs de régulation économique, […] la formation de ces espaces économiques régionaux
intégrés est en même temps un vecteur de la mondialisation »42. C’est pourquoi la spécificité

38
Lire le préambule du traité révisé de la CEMAC du 30 Janvier 2009 à Libreville au Gabon.
39
Lire KAMTOH (P.), Introduction au système institutionnel de la CEMAC, Yaoundé, AFREDIT, 2014, p. 10.
40
Voir de l’article 51 à 63 de la convention régissant l’Union Economique de l’Afrique centrale (UEAC) signée
le 25 juin 2008 à Yaoundé au Cameroun.
41
Lire l’article 19 de la convention régissant l’UEAC signé le 25 Juin 2008 à Yaoundé au Cameroun.
42
CHEVALLIER (J.), L’Etat post-moderne, Paris, LGDJ-Lextenso éditions, 2008, pp. 46-47.

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de la construction de la CEMAC réside dans le fait qu’elle met en cause l’Etat, par la mise en
place d’institutions de type supra-étatique, dont les décisions s’imposent aux Etats membres.
Et comme l’affirme le professeur CHEVALLIER, « on est en présence d’une configuration
politique originale, vidant les Etats d’une partie de leurs prérogatives de souveraineté »43.

En fait ce n’est pas seulement la configuration institutionnelle supranationale qui


distingue la CEMAC des organisations panafricaines de coopération consacrées par le
préambule de la constitution de 1996. C’est plutôt le sentiment que le droit inhérent de la
CEMAC et de ses organes devient un droit de subordination : subordination des normes
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nationales aux normes communes ayant le même objet (primauté), subordination des citoyens
dont la situation est directement et régulièrement influencée par les règles communes, et
subordination des Etats qui subissent une contrainte plus forte en comparaison à la situation
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qui prévaut en droit international classique.

C’est pourquoi la nature de « polygone de force se déployant autour des centres de


décisions, formant des constellations qui évoluent autour des foyers différents »44, impose à
ce que l’Etat se coordonne avec la Communauté intégrative et interagit avec elle. Et cet
équilibre doit être construit sur un projet constitutionnel, avec des innovations juridiques 129
accordant une valeur juridique particulière au droit de la CEMAC. L’Etat membre sera dès
lors une construction répondant à ces contraintes fonctionnelles avec la Communauté, à la
différence de l’assimilation au droit international qui consolide le statut par défaut.

II. UN STATUT CONSTITUTIONNEL D’ASSIMILATION DU DROIT DE LA


CEMAC AU DROIT INTERNATIONAL

En n’effectuant pas une distinction avec le droit international, la loi constitutionnelle du


18 janvier 1996 alimente plus la thèse d’une assimilation et d’une confusion entre le droit
communautaire et le droit international. Ce qui a pour conséquence d’asseoir l’absence de
différenciation constitutionnelle entre le droit de la CEMAC et le droit international (A), cela
nous amène à s’interroger sur la véritable figure constitutionnelle du droit de la CEMAC en
droit interne (B).

43
Ibidem, p. 47.
44
Ibidem.

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A. L’ABSENCE DE DIFFERENCIATION CONSTITUTIONNELLE ENTRE LE
DROIT DE LA CEMAC ET DROIT INTERNATIONAL AU CAMEROUN.

Le droit extérieur, volontairement consenti par l’Etat, exige une confiance légitime de
l’ordre juridique dans lequel il doit se mouvoir 45. Et la conformité de la norme juridique
extérieure à la norme fondamentale, découle premièrement de la validité de la norme et
deuxièmement sa matérialisation. C’est la raison pour laquelle tout texte juridique validé avec
des fortunes diverses, ne respectant pas sa qualité intrinsèque, court le risque que les
exigences de sa fiabilité, consubstantiel à son plein rayonnement, se trouvent dissout ou
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dilués, dans (et par) un ordre juridique qui lui soit indifférent.

Cela est d’autant important que tout ordre communautaire aspire à une certaine autonomie
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institutionnelle et matérielle. Mais en même temps l’ordre juridique communautaire n’est rien
sans les ordres juridiques nationaux46. Par conséquent, « sans les droits nationaux, leur
organisation juridictionnelle et l’ensemble des règles de procédure, le droit [communautaire]
serait un droit figé, incapable de se mettre en mouvement en dehors des procédures
proprement [communautaire] »47. La loyauté vis-à-vis de ses engagements communautaires
obligerait les Etats membres de prendre toutes les mesures nécessaires, utiles à l’efficacité du
130
droit communautaire et de s’abstenir de toute action de nature à mettre en péril les objectifs
communs. Ce principe est dit de coopération loyale, et est établi par l’article 4 du traité révisé
de la CEMAC48. Il se présente comme un élément central de construction de la Communauté
y compris du droit constitutionnel communautaire, parce qu’il livre sans aucun doute la
véritable philosophie des rapports entre la CEMAC et les Etats membres.

La loi constitutionnelle du Cameroun ne s’inscrit pas dans cette mouvance. On peut même
dire que « le constituant camerounais, y compris dans ses interventions postérieures à 1990,
n’a pas réservé un sort singulier à l’intégration communautaire »49. La politique juridique

45
HUBEAU (F.), « Le principe de la protection de la confiance légitime dans la jurisprudence de la cour de
justice des communautés européennes », cah.dr.eur, 1983, p. 143.
46
BERGE (J-S.) et ROBIN-OLIVIER (S.), Introduction au droit européen, Paris, PUF, 2008, p. 500.
47
Ibidem.
48
« Les Etats membres apportent leur concours à la réalisation des objectifs de la Communauté en adoptant
toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent
traité. A cet effet, ils s’abstiennent de prendre toute mesure susceptible de faire obstacle à l’application du
présent traité et des actes pris pour son application ». Lire l’article 4 du traité révisé de la CEMAC du 30 janvier
2009, signé à Libreville au Gabon.
49
ONDOUA (A.), « Le droit international dans la constitution camerounaise » op cit, p. 306.

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extérieure 50 du Cameroun ne fait pas de différence entre le droit international et le droit
communautaire. Au meilleur des cas elle fait une distinction implicite, des droits
internationaux africains51, et ou régionaux avec le droit international classique 52 dit universel.
Ce qui implique qu’à l’absence de disposition spécifique traitant de la question de
l’intégration communautaire, que l’on se rabatte sur le titre VI de la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996 comme substrats et base idéologique du traitement des questions
communautaires.

Alors même que le régime constitutionnel des délégations de pouvoirs et des limitations
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des compétences souveraines, n’est pas pris au sérieux au Cameroun. Et que l’intégration de
la CEMAC affecte le droit constitutionnel matériel, notamment les droits et libertés des
citoyens, le principe démocratique ou la souveraineté53, l’on constate que l’assimilation
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constitutionnelle au droit international, semble s’infléchir lorsque l’on quitte le plan des
symboles du droit constitutionnel pour une vision de l’ordre juridique camerounais pris
comme une unité. A l’image « ce qui est bloqué par le haut se réalise par le bas »54.

Ainsi malgré les confrontations permanentes et potentiellement conflictuelles qu’engendre


l’intégration communautaire dans son développement et les exigences du droit 131
constitutionnel, la loi constitutionnelle du Cameroun a trouvé un subterfuge d’intégrer le droit
de la CEMAC, selon que ce dernier n’a d’incidences que sur la compétence législative, ou sur
les droits subjectifs. L’ordre juridique camerounais s’est auto-réorganiser, et au même
moment il a consolidé la confusion entre le droit communautaire et le droit international. La
ruse consiste à intégrer les droits communautaires (primaires et dérivés) produits au sein de la
CEMAC, selon une double modalité adaptative et interchangeable : la première étant de faire
dépendre l’efficacité interne du traité communautaire à un « ordre d’exécution rendu par un
organe déterminé, sur la base du postulat que le droit interne est entièrement et

50
LACHARRIERE (G.), La politique juridique extérieure, Paris, Economica, 1983, 236p.
51
Par l’énoncé du préambule qui solidarise le Cameroun à une idée d’Afrique unie et libre et son consentement
d’y œuvrer, auquel l’article 65 confère une autorité juridique constitutionnelle.
52
Cf. le préambule qui proclame la volonté du peuple camerounais d’entretenir avec les autres nations du monde
des relations pacifiques et fraternelle, conformément aux principes formulés par la charte des nations unies. Et le
titre VI intitulé « traités et accords internationaux » de la constitution du 18 Janvier 1996.
53
GREWE (C.) et RUIZ FABRI (H.), « La situation du droit international et du droit communautaire dans le
droit constitutionnel des Etats », in Droit international et droit communautaire, perspectives actuelles, colloque
de bordeaux-SFDI, Paris, Editions A. Pedone, 2000, p. 255.
54
Ibidem, p. 253.

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exclusivement une émanation de la volonté de l’Etat »55. C’est ce que nous qualifions
d’incorporation législative.

La deuxième modalité se caractérise par une plus grande perméabilité, caractérisée par
une totale absence d’un mécanisme de recyclage préalable des traités ou des actes dérivés
dans l’ordre interne donnant ainsi naissance au caractère autosuffisant de la ratification des
instruments conventionnels adopté dans les officines communautaires. Ces deux modes
d’intégration-réception du droit de la CEMAC ont le mérite de consolider le manquement en
ce qui concerne la spécificité du droit de l’intégration communautaire, tout en permettant au
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Cameroun de tenir à ses obligations communautaires. Et se faisant d’intégrer le droit de la


CEMAC en relativisant les exigences communautaires. Par cette technique de fuite en avant,
le Cameroun semble ne pas violer les engagements volontairement consentis, du traité révisé
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CEMAC56. C’est une technique propre à l’ordre camerounais que nous appelons
d’impressionnisme de l’assimilation, conçue pour éviter les conflits.

Ainsi la primauté des droits primaire et dérivé trouve une solution atténuée en droit
camerounais, la première solution étant utilisée pour intégrer dans l’ordre juridique interne les
accords, traités et conventions ayant plusieurs points d’achoppement avec plusieurs domaines 132
de la loi, parfois domaine de compétence du parlement 57. Et La seconde solution
d’intégration-réception concerne les actes dérivés issus des organes et des institutions de la
CEMAC.

A ce propos, on peut remarquer que les règlements, règlements cadres et directives


intègrent l’ordre juridique camerounais sans une réception particulière. Grosso modo, le
Cameroun use de la première méthode pour insérer les actes primaires dans l’ordre juridique
camerounais et met en œuvre la seconde méthode pour transposer ou laisser la liberté d’action
aux actes dérivés au sein de l’Etat. Ainsi, la « transplantation respectueuse du statut originel

55
Lire SPERDUTI (G.), « Le principe de souveraineté et le problème des rapports entre le droit international et
le droit interne », RCADI, vol. 153, 1976, p. 335.
56
Lire article 66 du traité révisé de la CEMAC du 30 janvier 2009 à Libreville au Gabon « le présent traité sera
ratifié à l’initiative des hautes parties contractantes, en conformité avec leurs règles constitutionnelles
respectives. »
57
Lire l’article 43 in fine de la loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996 amendé en 2008, qui stipule que « les
traités qui concernent le domaine de la loi sont soumis avant ratification à l’approbation en forme législative
par le parlement. »

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et de l’identité primordiale de la règle, [est remplacée par] une transfiguration de celle-ci,
une mutation de son statut »58.

Au demeurant, sommes-nous encore en présence d’un droit communautaire ?

B. LA REPRESENTATION CONSTITUTIONNELLE DU DROIT DE LA


CEMAC AU CAMEROUN : UN DROIT INTERNATIONAL PARTIEL.

La transfiguration internationale construite par le constituant camerounais, permet de


considérer la spécificité du droit de la CEMAC comme un épiphénomène pour l’ordre
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constitutionnel camerounais. Puisque l’on est toujours ramené à la matrice constitutionnelle


dans la détermination de la qualification et de la nature du droit de la CEMAC en droit
interne. Ainsi on peut subodorer à la lecture de la loi constitutionnelle camerounaise que,
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l’assimilation constitutionnelle au droit international 59, mène qu’à une seule conclusion pour
l’ordre communautaire : à une organisation internationale classique, qui produit un droit
international partiel ou un droit international de la Communauté. Malheureusement au mépris
de la logique communautaire inscrite dans l’esprit des textes de la CEMAC.

Pour cerner cette mutation du droit de la CEMAC, il convient de prendre en compte un 133
certain nombre de points, qui vont de la généralisation du statut constitutionnel des droits
venus d’ailleurs dans le constitutionnalisme camerounais, mais aussi le sort réservé au
paramètre de communautarisation du droit de la CEMAC en droit interne.

A ce propos, pour ce qui est de la généralisation du statut constitutionnel des droits


externes en droit international, il convient de souligner que l’ordre constitutionnel reste le
point de coordination des droits externes. Il définit en tant que de besoin et sous son rôle de
norme suprême de l’ordre national, les modalités d’entrée et d’incorporation dans
l’ordonnancement juridique national. Grosso modo la constitution établit la forme déontique
des droits d’origine extérieure dans l’ordre constitutionnel et infra constitutionnel. La loi

58
MOUELLE KOMBI (N.), « La loi constitutionnelle camerounaise du 18 janvier 1996 et le droit
international », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A). et SINDJOUN (L.) (ss. Dir.), La réforme
constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspect juridique et politiques, Yaoundé, fondation Friedrich
Ebert/ association africaine de science politique (section camerounaise), 24-25 juillet 1996, pp 126-144, spec. p.
137.
59
Sur cette logique d’assimilation, et concernant les communautés européennes (devenues Union européenne),
cf. BLUMANN (C.), « L’article 54 de la constitution et le contrôle de la constitutionnalité des traités en
France », RGDI publ. 1978, pp. 598-607.

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constitutionnelle camerounaise réclame par là une posture de « support de l’ordre juridique
[externe] mais également le garant de [son] efficacité et incidemment de [son] effectivité »60.

Néanmoins, un bémol s’impose aux normes fondamentales, il s’agit de la nécessité


d’assurer dans l’ordre national la sécurité juridique, devenue une des conditions d’existence
de l’Etat de droit au sens moderne du terme. Mais aussi d’assurer le principe de confiance
légitime, dont l’intérêt est de traduire définitivement dans le droit positif national des valeurs,
des principes et des règles garantis par les textes et la jurisprudence communautaire au profit
des citoyens, afin de permettre une certaine stabilisation de l’ordonnancement juridique
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national. Malheureusement ces précisions sont loin d’être réservées aux normes d’origine
externe, comme celle de la CEMAC. C’est ce qui entraîne une transformation insidieuse de la
forme déontique des droits externes.
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Ce constat, affine la figure constitutionnelle du droit de la CEMAC, et nous permet de


dessiner une absence de titre spécifique dans la constitution relatif à la Communauté
intégrative, et au même moment une dépendance pour son insertion, aux dispositions
constitutionnelles relatives aux rapports entre droit international et droit interne. Il convient
donc de reconnaître que la figure constitutionnelle du droit de la CEMAC est d’abord 134
façonnée par l’énoncé du deuxième paragraphe du préambule de la loi constitutionnelle 61.
Ensuite par l’article 45 62 qui postule premièrement le principe constitutionnel de supériorité
des normes d’origine externe, abordé jadis par la juridiction administrative camerounaise, et
d’où il ressort : « considérant que les conventions internationales constituent des sources du
droit interne ; que leur violation peut être à l’appui d’un recours devant le juge
administratif »63. Et deuxièmement, il met en valeur le respect de la règle pacta sunt
servanda. Cette réciprocité figurant à l’article 45 constitue à notre sens une seconde entaille à
la primauté du droit communautaire, après celle qui réside dans la valeur supra-législatif des
droits d’origine externe. Et enfin le dernier élément constitutionnel qui dessine la figure

60
MOUELLE KOMBI (N.), « La loi constitutionnelle camerounaise du 18 janvier 1996 et le droit
international », op.cit., p. 126.
61
« Jaloux de l’indépendance de la patrie camerounaise chèrement acquise et résolu à préserver cette
indépendance ; convaincu que le salut de l’Afrique se trouve dans la réalisation d’une solidarité de plus en plus
étroite entre les peuples africains affirme sa volonté d’œuvrer à la construction d’une Afrique unie et libre, tout
en entretenant avec les autres Nations du monde des relations pacifiques et fraternelles conformément aux
principes formulés par la charte des nations-unies ».
62
« Les traités et accords internationaux (...) ont une autorité supérieure à celles des lois, sous réserve pour
chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».
63
Cour fédérale de justice, ch. Administrative, arrêt n° 163 du 08 juin 1971, société commerciale et immobilière
africaine des chargeurs unis c/ Etat fédéré du Cameroun oriental.

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constitutionnelle du droit de la CEMAC est l’article 47 alinéa 164. Avec ce dernier élément, on
retrouve le rôle du conseil constitutionnel en matière internationale. Et ce rôle est des plus
importants car c’est à lui que revient la responsabilité de lever tout équivoque sur la question
de l’intégration communautaire au Cameroun. Mais pour le moment, le conseil
constitutionnel n’a pas encore relevé un problème dans le traitement constitutionnel du droit
de la CEMAC.

Au demeurant, il n’existe pas un droit constitutionnel autre qu’international au Cameroun.


Il faut donc relever cette constitutionnalisation internationale par défaut du droit de la
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CEMAC au Cameroun. Cela peut se comprendre comme la considération internationale


constitutionnellement consacrée du droit de la CEMAC, dans sa formation comme dans sa
nature au sein du système juridique camerounais. Cette appréhension rejoint parfaitement
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l’une des tendances65 de l’internationalisation développée par le professeur Hélène


TOURARD, à savoir une conception axée sur « le procédé de l’internationalisation » en
l’occurrence « le développement des dispositions constitutionnelles relatives à la position de
l’Etat par rapport [au droit d’origine externe] »66.

Cette figure constitutionnellement construite traduit irrémédiablement une articulation 135


maîtrisée du droit de la CEMAC en droit constitutionnel camerounais. Le constituant en
reconnaissant par défaut, un pouvoir de légation internationale au chef de l’Etat sur des
questions d’intégration, attenue considérablement les engagements communautaires. Et les
soumets sous des fondements constitutionnels à faire l’objet d’un contrôle de
constitutionnalité. C’est pourquoi la figure constitutionnelle du droit de la CEMAC traduit
aussi un droit international de la Communauté timide, puisque son internationalité
constitutionnelle est construite pour justifier son absorption par le principe de
constitutionnalité. Autrement dit, il s’agit de privilégier le principe constitutionnel au
caractère communautaire sous des dispositions internationales. Une façon sournoise et
indirecte de reconnaître que le caractère communautaire porte atteinte à la suprématie de la
constitution camerounaise.

64
« Le conseil constitutionnel statue souverainement sur : -la constitutionnalité des lois, des traités et accords
internationaux (…) »
65
L’autre tendance est relative à la dimension téléologique de l’internationalisation, elle correspond à
« l’harmonisation des concepts de droit constitutionnel ».
66
TOURARD (H.), L’internationalisation des constitutions nationales, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque
constitutionnelle et de science politique, tome 96, 2000, p. 5.

RARJP, Numéro 1, Varia, Mai 2020.


Dès lors, l’on peut se dire que le droit international de la Communauté, construit par la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996, n’est que l’appréhension compréhensive que fait le
constituant camerounais du droit de la CEMAC, via une ouverture internationale maîtrisée.
Au final le caractère communautaire ou international de la CEMAC et de son droit « vaut
sous réserve de la suprématie de la constitution »67.

En définitive donc, on peut dire que la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 colle à la
CEMAC et à son droit un statut par défaut construit par la sanctification à l’échelle africaine
© Association Internationale des Jeunes Chercheurs en Droits Africains

que promeut l’énoncé du préambule et qui tient lieu de fondement communautaire de


l’engagement national, malheureusement qui ne coïncide pas avec les aspirations et objectifs
Revue accessible en ligne : www. rajcsjp.wordpress.com

de la construction de la CEMAC. Ce statut par défaut se présente par une absence de


différenciation entre le droit de la CEMAC avec le droit international. Une situation de
généralité qui nous permet de construite et d’appréhender la figure constitutionnelle du droit
de la CEMAC. Autant donc dire que l’on ne pourra parler véritablement du droit de la
CEMAC au Cameroun que lorsque la constitution camerounaise aura pris au sérieux
l’argument du droit de l’intégration communautaire. Et du même coup le degré de flexibilité 136
communautaire de la constitution sera en ce moment un indicateur de performance de l’Etat
de droit au Cameroun.

67
ONDOUA (A.), « La jurisprudence internationale des juridictions constitutionnelles des Etats d’Afrique noire
francophone », in NAREY (O.) (Dir), La justice constitutionnelle, Paris, L’Harmattan, 2016, pp. 293-303, spec.
p. 303.

RARJP, Numéro 1, Varia, Mai 2020.

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