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LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE

CHANGEMENT ORGANISATIONNEL DANS DES ENTREPRISES


D'AFRIQUE DE L'OUEST
Rosaline Dado Worou

De Boeck Supérieur | « @GRH »

2011/1 n°1 | pages 73 à 100


ISSN 2034-9130
ISBN 9782804166991
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Pour citer cet article :


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Rosaline Dado Worou, « La sagesse polyphonique : trois cas de pilotage de
changement organisationnel dans des entreprises d'Afrique de l'ouest », @GRH
2011/1 (n°1), p. 73-100.
DOI 10.3917/grh.111.0073
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LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 73
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

La sagesse polyphonique :
trois cas de pilotage de changement
organisationnel dans
des entreprises d’Afrique de l’Ouest
Rosaline Dado Worou

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Docteur en Sciences de Gestion
Enseignant-Chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin)
04 BP 800 Cotonou, République du Bénin
Email : worour@yahoo.fr
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Résumé FR

Quelle forme d’instrumentation managériale adoptent les dirigeants pour conduire à


terme le processus d’implantation des outils managériaux en Afrique de l’Ouest ? Pour
répondre à cette question, trois filiales de multinationales exerçant au Bénin et au Nigé-
ria ont été suivies au cours de l’implantation de l’ERP et analysées à l’aide d’un modèle
qui combine la démarche contextualiste et des approches explicatives, politique et
contingente. La recherche qualitative et la stratégie d’étude de cas ont été mobilisées.
Nos résultats ont montré que les styles de management adoptés par les dirigeants pour
conduire à terme le processus sont à la fois panoptique et polyphonique. La combinaison
des deux styles donne lieu à une hybridation de l’instrumentation managériale à l’occi-
dentale et à l’africaine, faisant place à de nouvelles catégories d’acteurs spécifiques au
contexte culturel africain : les leaders d’opinions ethnique et religieuse, les pasteurs des
églises et les griots.

Mots clefs
instrumentation managériale, ERP, panoptisme, polyphonie, leaders d’opinions.
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Abstract EN

What kind of instrumentation do the leaders adopt when they implement management
tools in West Africa? To answer this question, three subsidiaries of multinational exerting
in Benin and Nigeria were followed during the establishment of ERP tools. Our approach
refers to the contextualist analytical framework and uses the political and contingency
theories. Qualitative research and case study strategy have been mobilized. The results
show that the most successful management styles adopted by leaders are at the same
time “panoptic” and “polyphonic”. The combination of both styles leads to a mixture
of Western and African management instrumentation, allowing the emergence of new
actors specific to the African cultural context: ethnic and religious opinion leaders, pas-

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tors of churches, griots.

Keywords
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management instrumentation, ERP, panoptism, polyphony, opinion leaders.


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DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

Introduction
Les outils managériaux tels que le Total Quality Management (TQM) et l’Enterprise
Resource Planning (ERP) ont été introduits dans le système de gestion des entreprises
modernes en Afrique. Certains auteurs qui ont suivi l’implantation du TQM dans les
entreprises en Afrique, ont souligné l’importance de la spécificité du contexte cultu-
rel africain. Chaque contexte culturel influence les modes d’adoption et d’usage. Ainsi,
en Mauritanie, Henry (1998) a montré les erreurs qu’un étranger peut commettre dans
l’évaluation du changement en Afrique. Il explique comment les employés de la Société
Nationale Industrielle et Minière de Mauritanie (SNIM) lui ont présenté une facette très
éloignée de la réalité des résultats de l’introduction du TQM dans leur société. Après
une longue observation, il s’est rendu compte que, malgré le recours à une démarche

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participative, les résultats restaient finalement médiocres. Quant à d’Iribane (1998), il
s’intéresse à l’introduction du même outil managérial dans une filiale marocaine de la
multinationale Sgs Thomson. Cette dernière a réalisé un progrès spectaculaire tant au
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niveau de la qualité des produits que de la productivité. D’Iribane (1998, p. 247) montre
qu’au-delà du TQM, c’est par le biais d’une réforme morale que le changement a été
réalisé : les références à l’Islam ont en effet constitué un fondement moral qui a facilité
la mise en place du TQM. L’auteur soutient que le succès de la réforme morale qui s’est
produite à Sgs Thomson peut être interprété comme le résultat de la combinaison de
trois éléments :
–– le changement de comportement prêché au nom du TQM a pris sens pour le person-
nel parce qu’il était associé à l’idéal moral de l’Islam ;
–– la manière d’agir et d’être du directeur général a permis à chacun de croire au carac-
tère tangible de ce changement et donc de s’y engager lui-même ;
–– l’existence, au sein de la culture marocaine, de l’image de l’institution scolaire, où une
existence inspirée par cet idéal est mise en pratique, a facilité cette évolution.
Cela n’a guère été le cas en Mauritanie. Selon Henry (1998), la mentalité était un obs-
tacle important au changement organisationnel dans lequel s’est engagée la SNIM.
Au-delà de l’appropriation apparente démontrée au voyageur, l’introduction du contrôle
qualité à travers le TQM était avant tout perçue comme un manque de confiance envers
les membres du personnel. Selon l’auteur, ces réactions ne sont rien d’autre que le fruit
d’une combinaison des logiques fraternelles et hiérarchiques.
En résumé, les travaux de Henry et d’Iribane ont montré que les approches qui consis-
tent à appliquer telles quelles les techniques managériales européennes en Afrique
sans tenir compte de la culture du milieu, sont vouées à l’échec.
Quant aux ERP (Enterprise Resource Planning), ce sont des outils qui se caractérisent par
une base de données unique, une architecture modulaire flexible permettant de fédé-
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rer et d’optimiser les processus de gestion de l’entreprise tout en assurant la cohésion


interne dans l’ensemble de l’entreprise et en facilitant les processus commerciaux exter-
nes dans le but de couvrir la totalité du système d’information de l’entreprise (Tomas,
2007 ; Jones, 2006). Selon Segrestin (2004, p. 33-39), ces outils sont surchargés d’uto-
pies : l’utopie panoptique qui fait croire que le manager peut tout voir, en même temps
et tout le temps ; l’utopie de l’intégration de l’activité et l’utopie de la standardisation.
L’auteur souligne que ces utopies seraient à la base des nombreux échecs constatés en
cours d’implantation dans le contexte occidental.
En Afrique, l’adoption des ERP constitue l’apanage des filiales de certaines multinationa-
les installées en Égypte (Rasmy et al., 2005), en Tunisie (Soyah et Magroun, 2004 : Maa-
loul et Mezghani, 2003), au Nigéria et au Bénin (Worou, 2008, 2010). Ces recherches
sur les ERP en Afrique ont permis de comprendre l’influence du rôle des dirigeants en

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cours de processus et ont à nouveau montré qu’une mobilisation inadéquate des facteurs
culturels locaux peut entraver le succès de l’implantation de l’ERP.
On le voit : le contexte africain est essentiellement marqué par la prédominance des
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interactions socioculturelles, traversées par d’importants jeux de pouvoir. Si ces inte-


ractions servent bel et bien de toile de fond pour toute implantation d’outils managé-
riaux en Afrique, quelle forme d’instrumentation managériale les dirigeants pourront-ils
mettre en œuvre pour conduire ce processus ?
L’objectif de la présente recherche est précisément de répondre à cette question en
observant les formes d’instrumentation managériales adoptées par les dirigeants d’en-
treprises au Bénin et au Nigéria pour conduire le processus d’implantation des outils de
type ERP.

Revue de littérature et perspective théorique


La synthèse de la littérature sur les caractéristiques du contexte culturel africain, les
rapports entre outils managériaux de type ERP et jeux de pouvoir dans les organisations
et l’influence du style de management adopté dans l’implantation des nouveaux outils
de gestion.

›› Caractéristiques du contexte culturel africain


La plupart des travaux sur le management interculturel se sont inspirés de la typolo-
gie de Hofstede (1994) pour analyser et caractériser l’influence des facteurs culturels
nationaux, voire régionaux sur le fonctionnement des entreprises et sur l’introduction de
nouveaux dispositifs managériaux. On y retrouve notamment le poids des questions de
distance hiérarchique, de centralisation, de leadership, de collectivisme et de contrôle
de l’incertitude. D’autres facteurs semblent plus spécifiques au contexte culturel afri-
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cain. Ainsi, Furuholt et Orvik (2006) soulignent qu’en Tanzanie, la perception du temps et
la faible planification ou l’absence de réflexion à long terme influencent inévitablement
l’implantation des technologies de l’information. Ponson (1990) et Fouda Ongodo (2003,
2004) indiquent que les sociétés africaines sont caractérisées par la prédominance des
liens communautaires due à l’importance accordée à l’appartenance ethnique et reli-
gieuse, par un besoin d’équilibre et de stabilité, par le refus des situations ambiguës
et par le respect de la tradition. Les travaux de d’Iribane (1998) et de Henry (1998)
mettent quant à eux en évidence la distance dans les rapports qu’entretiennent les
acteurs, marqués notamment par le respect des anciens et la soumission à l’autorité
formelle. Quant à Hernandez (2000), il estime que l’adoption d’un style de leadership
paternaliste, du genre « père protecteur », est mieux adapté aux rapports sociaux dans
les entreprises en Afrique (Hernandez, 2000). En synthèse, nous pouvons retenir que

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le collectivisme, la distance hiérarchique forte, le style de leadership paternaliste et le
contrôle de l’incertitude constituent sans nul doute des facteurs culturels susceptibles
d’influencer le processus d’implantation d’outils managériaux tels que les ERP dans les
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entreprises en Afrique.

›› Outils managériaux, source de conflits dans les organisations

L’approche politique conçoit l’organisation comme un système de relations de pouvoirs


(March, 1988, p. 27) où il existe des rapports de forces entre acteurs qui visent la protec-
tion ou l’amélioration de leurs intérêts (Crozier et Friedberg, 1977). Ces acteurs poursui-
vent souvent des intérêts et des objectifs divergents et contradictoires, ce qui provoque
des situations conflictuelles (Hatch, 1997).
D’une manière générale, l’introduction de nouveaux outils managériaux tels que les ERP
provoque des perturbations de l’équilibre des relations entre acteurs, les uns se retrou-
vant en position de perdant, les autres en position de gagnant. Dans une telle perspective,
la gestion du changement lié à cette introduction deviendra inévitablement marquée par
les conflits. Les recherches sur la conduite du changement induit par l’implantation des
ERP signalent en effet de nombreux conflits entre acteurs au cours du processus d’im-
plantation (Huang et al., 2004). À titre d’illustration, Segrestin (2004) indique que les
ERP comportent des schémas organisationnels inscrits en leur sein qui risquent d’entrer
en porte-à-faux avec les représentations et intérêts des acteurs concernés. Dans une
telle mesure, ils constituent des « machines de gestion » qui peuvent être à l’origine de
multiples conflits : vu leur complexité, leur appropriation par les utilisateurs donne lieu à
des comportements variés parmi lesquels le contournement des règles de jeu imposées
par le nouvel outil, l’infléchissement des nouvelles règles ou l’utilisation de ces règles à
leur avantage.
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D’autres illustrations de conflits qui se produisent au cours du processus d’implantation


de l’ERP ont été relevées par Reverdy (2008, p. 136). Dans son étude de cas, deux équi-
pes-projets ont été créées, ce qui a renforcé les clivages entre compétences « métiers »
et compétences « informatiques » : demandes répétées de développement spécifiques
de la part de l’équipe métier ; inquiétudes des informaticiens à propos des risques et
des coûts que va engendrer le système s’il est modifié conformément aux souhaits de
l’équipe métier au lieu de suivre les évolutions des logiciels en évitant de tout reprendre
à chaque version ; hiérarchisation, par les informaticiens, des demandes de l’équipe
métier, etc. Pour donner de l’ampleur à ses revendications, l’équipe métier rallie à sa
cause d’autres acteurs, en l’occurrence les utilisateurs et la ligne hiérarchique, en entre-
tenant auprès de ces derniers une certaine représentation du projet. Quant aux informa-
ticiens, ils se joignent à la direction avec laquelle ils partagent la même vision du projet.

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Cette situation va paralyser le processus de changement. Un autre conflit va naître au
cours de l’installation des nouveaux modules. En effet, les utilisateurs indiquent que les
besoins qu’ils ont exprimés n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes dans l’outil mis en
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place ; de plus, l’équipe de planning se plaint du fait que l’outil ne parvient pas à intimer
des ordres de fabrications fiables, ce qui favorise l’utilisation parallèle de tableurs et de
bases de données simplifiées. Ces multiples conflits limitent l’apprentissage et finissent
par créer de vrais problèmes de coopération.
Jääskeläinen et Pau (2009) soulignent l’importance des stakeholders au cours du pro-
cessus d’implantation en analysant leurs interactions et leurs positions dans le réseau.
De même, Boonstra et Govers (2009) observent les attitudes et comportements des
stakeholders au cours du processus d’implantation d’un ERP dans un hôpital. Les auteurs
montrent les tensions qui naissent entre médecins et administrateurs, ainsi que leur
impact sur le processus d’implantation de l’ERP. L’analyse de ces différentes tensions
les conduit à formuler des recommandations en vue d’aider les porteurs du projet à
atteindre une meilleure efficacité.
La mise en évidence de phénomènes conflictuels au cours de l’implantation des ERP et
de leur impact négatif sur les résultats obtenus est le fait de nombreux auteurs (Borum
et Christiansen, 2006). Toutes ces études confirment le pouvoir important des utilisa-
teurs, qui se marque notamment au moment de l’appropriation : ces derniers peuvent
en effet résister, détourner, voire rejeter le nouveau système s’ils ont les atouts pour le
faire (Lemaire, 2002).
Certains travaux ont ainsi montré que les réactions des acteurs peuvent aboutir à blo-
quer le système ERP (Yeow et Kien Sia, 2008), contribuant ainsi à la mise en place d’un
véritable « contre-système organisationnel » dont la manifestation est la baisse du ren-
dement et l’augmentation des coûts de production ainsi que la non-opérationnalisation
de la fonction de contrôle. Face à une telle situation, les responsables managériaux
peuvent maintenir envers et contre tout leur projet initial ou bien prendre conscience
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DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

de la situation problématique et concevoir un nouveau dispositif qui servira de solution


provisoire au conflit constaté. Ce modèle, présenté initialement par Salerni (1979), à
propos des changements socio-techniques, est une succession de cinq phases :
1. la socialisation des utilisateurs aux nouveaux modes de fonctionnement ;
2. l’apprentissage par les utilisateurs des possibilités de déviation et de détournement ;
3. l’instauration d’un « contre-système organisationnel » ;
4. la prise de conscience de la part de l’équipe managériale, conduisant à l’introduction
de nouveaux dispositifs ;
5. l’amorce d’un nouveau cycle.
Il montre tout l’intérêt d’un style de management polyphonique, susceptible de faire face

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aux phénomènes conflictuels observés au cours d’un projet de changement (Pichault,
2009). Venard (2004) rappelle à cet égard que l’implantation d’un nouveau dispositif de
gestion se caractérise par des séquences d’essais-erreurs nécessitant, le plus souvent,
des réajustements et des régulations progressives.
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Une des questions qui se posent alors est de savoir si les dirigeants doivent tenter à
tout prix de prévenir l’apparition des conflits au cours du processus d’implantation ou
attendre celle-ci afin de rechercher les solutions les plus appropriées. L’objectif de cet
article consiste précisément à observer et à analyser le style de management des diri-
geants des entreprises au Bénin et au Nigeria, dans leur conduite du changement lié à
l’introduction de l’ERP.

›› Style de management et conflits au cours de l’implantation des ERP

De nombreux auteurs (Scott et Wagner, 2003 ; Worley J. Hermosillo et al., 2005 ; Borum
et Christiansen, 2006 ; Vinck et Penz, 2008 ; Ke et Wei, 2008 ; Lee et Myers, 2004 ;
Wagner et al., 2006 ; Segrestin, 2004) recommandent aux porteurs de projet ou aux
dirigeants des actions à mener en vue de favoriser l’appropriation de la technologie par
les utilisateurs.
Les travaux de Pichault (2009) sur la gestion du changement font apparaître en la
matière deux styles de management : l’un, qualifié de panoptique, basé essentiellement
sur des stratégies de rationalisation, sur la formalisation, sur la prédétermination des
tâches et sur le top-down management ; l’autre, de type polyphonique, qui contribue à
stimuler des dynamiques émergentes en privilégiant les stratégies de négociation, la
diversité des intérêts des acteurs, les circuits informels et le bottom-up management
(Pichault, 2009, p. 168). En s’inspirant de la théorie de la traduction (Akrich, Callon et
Latour, 2006), l’auteur propose trois grandes catégories d’actions qui s’inscrivent dans
l’approche polyphonique du changement : la contextualisation, l’enrôlement et la pro-
blématisation.
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La contextualisation consiste à analyser les acteurs en présence, à tenir compte de leurs


intérêts, de leurs enjeux et de leur degré de convergence (Amblard et al., 1996, p. 155).
Comme le soulignent les auteurs de la littérature sur les ERP, l’analyse du contexte
par les porteurs du projet est cruciale pour favoriser une bonne appropriation de l’ERP
par les acteurs (Yeow et Kien Sia, 2008 ; Vinck et Penz, 2008). Il s’agit notamment que
les dirigeants identifient les relations entre acteurs (Johnson-Cramer et al., 2007) : en
d’autres termes, les réseaux d’acteurs (Borum et Christiansen, 2006). Selon Vinck et
Penz (2008, p. 84), les stratégies d’acteurs donnent sens et forme à l’outil et en déter-
minent les impacts. Une fois que les acteurs influents sont identifiés, il revient aux por-
teurs du projet de rechercher un traducteur légitime, capable d’élaborer des compromis
entre les différents intérêts en présence. Dans le cadre d’une institution académique,
Scott et Wagner (2003) ont ainsi mis en évidence l’importance stratégique du rôle joué

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par le vice-président tout au long du processus d’implantation de l’ERP. Ils ont indiqué
comment ce dernier a réussi à rallier au projet les divers acteurs de l’institution. De
même, Borum et Christiansen (2006) ont pu montrer comment, à partir d’un processus
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d’essais et erreurs, l’organisation qu’ils étudiaient a finalement mis en place une équipe-
projet avec un traducteur capable de conduire le projet SI et ayant la légitimité requise.
Ils ont notamment souligné le rôle joué par les deux directeurs de projet, étant donné
leur qualification, leur capacité à interpréter les tâches à accomplir et leur mode de
gestion du projet. Nous pouvons déduire de ce qui précède que ces acteurs ont assuré
une fonction de traduction autour du projet ERP.
Dans le cadre de l’implantation d’un ERP au sein d’une institution académique, Scott et
Wagner (2003) ont souligné l’importance de l’enrôlement des porte-parole des parties
prenantes au cours du processus d’implantation. Pour Johnson-Cramer et al. (2007),
l’implication des porte-parole des parties prenantes est indispensable à la réussite d’un
projet de changement technologique car ce sont eux qui aident à la mobilisation de leurs
pairs. Pour Lee et Myers (2004), l’implication des différentes coalitions ou groupes d’ac-
teurs au projet d’implantation d’ERP conditionne la réussite de ce projet.
L’enrôlement permet de procéder à des négociations successives entre réseaux d’ac-
teurs hétérogènes pour élaborer une problématisation commune, c’est-à-dire une vision
partagée des problèmes à résoudre. Ainsi, Lee et Myers (2004) suggèrent aux porteurs
du projet de négocier avec les acteurs pour aborder un certain nombre de préalables
avant l’implantation de l’ERP. Segrestin (2004) signale que c’est au cours des réunions
dédiées à la présentation et au maniement de l’outil que la pertinence de l’outil ERP est
éprouvée par les futurs utilisateurs. Ces réunions constituent une occasion de vérita-
bles négociations entre vendeurs, consultants intégrateursles opérationnels et direction
générale. Dans une perspective similaire, Worley, Hermosillo et al. (2005) suggèrent, à
la suite d’une recherche réalisée dans le cadre de l’implantation d’un ERP à l’université,
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que des buts communs et des règles institutionnelles soient formulés avec les acteurs
afin d’accroître leur taux d’adhésion au projet.
La littérature en gestion désigne par parties prenantes des individus ou des groupes de
personnes, touchés directement ou indirectement par un projet, ayant intérêt ou non à
celui-ci et mus par le souci de voir se produire un changement ou de maintenir une situa-
tion bénéfique. Les parties prenantes comprennent des personnes, des groupes et des
institutions ayant quelque chose à gagner ou à perdre dans la mise en place d’un projet
de changement. Les principes du management polyphonique entendent contribuer à
la satisfaction conjointe de ces différents intérêts. L’exemple de la modernisation de
l’agence de presse tiré de l’ouvrage de Pichault (2009, p. 93-94) en est une illustration :
les différents acteurs en présence (rédacteurs, rédacteurs en chef, syndicats et direc-
tion), qui avaient pourtant des intérêts divergents, parviennent à sauvegarder l’essen-

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tiel de leurs intérêts au terme du processus.
Le style de management polyphonique semble être plus adapté que son opposé – le
style panoptique – à la gestion des conflits qui accompagnent inévitablement un pro-
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cessus de changement. En mobilisant les variables de la théorie de la traduction, les


propositions suivantes peuvent être formulées :
Plus le style de management adopté par les dirigeants de l’entreprise est polyphonique,
plus l’entreprise a de fortes chances d’obtenir la satisfaction conjointe des intérêts diver-
gents des différentes parties prenantes.
et
Plus le style de management adopté par les dirigeants de l’entreprise est panoptique, plus
l’entreprise a de fortes chances de se retrouver dans une situation de rapport de forces
unilatéral.

Le tableau suivant présente les composantes des deux styles de management.

Style de management Style de management


Paramètres
polyphonique panoptique
Contextualisation X -
Enrôlement X -
Problématisation X -
Satisfaction conjointe des
Finalité Rapport de force unilatéral
parties prenantes

Méthodologie de la recherche
Notre démarche méthodologique s’inscrit dans le cadre d’une étude longitudinale de
type contextualiste qui permet de suivre et d’analyser les évolutions du projet ERP au
cours du temps.
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›› Démarche contextualiste
Nous nous sommes inspirés de l’approche contextualiste de Pettigrew (1985) qui tient
compte à la fois du contenu du changement, des contextes interne et externe et des
rapports de forces entre acteurs évoluant au fil du temps (processus) :
–– le contenu se réfère aux domaines précis concernés par les changements que l’on
veut étudier ; pour notre cas, il est question du progiciel ERP que l’entreprise s’engage
à implanter ;
–– le contexte externe prend en compte l’environnement social, économique, politique au
sein duquel évolue l’organisation ; le contexte interne concerne la structure, la culture,
la technologie ainsi que le mode de direction et de prise de décision qui fondent la
politique de l’organisation ;

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–– le processus permet de cerner les jeux de forces entre acteurs, leurs actions et inte-
ractions qui font évoluer l’organisation dans une période de temps donnée ; il traduit
la manière dont les acteurs s’efforcent de faire passer l’organisation d’un état présent
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à un état futur.
L’approche proposée par Pettigrew reste une référence incontournable dans l’étude lon-
gitudinale du changement organisationnel. Elle constitue un cadre d’analyse qui tente
de comprendre, dans une perspective résolument constructiviste, les processus itératifs
dans lesquels un contenu évolue dans un contexte particulier, marqué par les jeux de
pouvoir entre acteurs (Pettigrew et Whipp, 1991 ; Brouwers et al., 1997). Elle vise à
expliquer le contexte d’émergence d’un projet de changement et les antécédents qui
lui donnent du sens, tout en retraçant au fil du temps la manière dont il se maintient,
se transforme et éventuellement disparaît. Elle permet d’identifier différents niveaux
d’analyse et d’analyser leurs interrelations. Il s’agit d’une « grille d’analyse générale dans
laquelle peuvent venir s’enchâsser différentes approches » (Pichault, 2005, p. 186). En
cela, le contextualisme tranche avec les approches habituellement présentées dans la
littérature sur les ERP. Il permet en effet d’articuler différentes perspectives théoriques,
ce qui conduit à recueillir des données très diverses aussi bien sur l’application ERP elle-
même, sur le contexte dans lequel elle apparaît que sur les jeux de pouvoirs autour de
sa mise en œuvre.

›› Techniques et outils méthodologiques


La stratégie de recherche que nous avons retenue est la réalisation d’études de cas.
L’une des raisons fondamentales pour lesquelles nous avons opté pour cette stratégie
est qu’elle permet de se centrer sur l’examen des processus décisionnels ainsi que sur
l’élaboration et la mise en œuvre d’actions organisationnelles de manière longitudinale.
Pour réaliser chaque étude de cas, nous avons procédé à une analyse horizontale qui
nous a permis de reconstruire le processus de changement sous une forme chronolo-
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 83
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

gique avec identification des phases clés. Cette programmation a permis d’organiser
l’analyse du processus de changement. Quant aux niveaux d’analyse du contenu et des
contextes aussi bien interne qu’externe, ils ont été inventoriés et documentés à partir
d’entretiens auprès d’acteurs-clés, d’observations et d’analyses documentaires appro-
fondies.

Présentation des sites d’investigation


Étant donné la rareté des applications ERP en Afrique et les problèmes d’accessibilité
des terrains, nous avons constitué un échantillon de convenance (3 cas), à partir de
divers contacts que nous avons pu nouer au Nigéria et au Bénin, à la suite d’une étude
exploratoire :
–– La société A exerce ses activités dans les secteurs agro-alimentaire, agro-industriel

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et biotechnologique. Basée à Lagos, en République Fédérale du Nigéria, elle a adopté
le Navision de Microsoft.
–– La société B est spécialisée dans la distribution des produits pétroliers. Basée à Coto-
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nou, en République du Bénin, elle a fait le choix de JD Edwards de People Soft.


–– La société C est active dans les domaines de l’exploration, la production et la com-
mercialisation des produits et dérivés du pétrole et du gaz. Basée à Port Harcourt, en
République Fédérale du Nigéria, elle a privilégié le SAP R/3 de la firme SAP.

Techniques d’échantillonnage utilisées au sein de chaque société


Sont considérés comme faisant partie de la population mère, les utilisateurs potentiels
du logiciel : les cadres et les agents de maîtrise de la société, ainsi que les consultants.
Tous les consultants ou analystes concernés ont été interviewés en raison de leur
nombre relativement faible. Les utilisateurs clés et finaux, les leaders d’opinion, les
associations d’employés et les non-utilisateurs étant relativement plus nombreux au
niveau des trois sociétés, nous les avons sélectionnés sur la base de critères comme
la disponibilité, l’ancienneté dans la société, le domaine de compétence, le fait d’être
un témoin privilégié de l’implantation du logiciel et des changements organisationnels
induits, le fait d’être ancré dans la tradition ou d’occuper une position stratégique dans
l’entreprise, etc. Nous avons essayé de diversifier les points de vue en rencontrant les
chefs de projets, les responsables hiérarchiques, les consultants intégrateurs, les utili-
sateurs potentiels et les non-utilisateurs.

Techniques de collecte de données


Plusieurs techniques ont été utilisées afin de recueillir des données diversifiées sur les
mêmes questions et de les trianguler. La démarche a consisté en des séjours dans les
trois entreprises faisant l’objet de notre recherche. Dans chaque cas, nous avons mené
des entretiens semi-directifs, de l’observation et de l’analyse documentaire.
84 @GRH • 01/2011

Pour la réalisation des entretiens, nous avons ciblé spécifiquement le personnel des
structures impliquées dans le processus d’implantation de l’ERP et les dirigeants. Il
s’agit de personnes ressources jouissant d’une bonne expérience professionnelle afin
de s’assurer de la qualité et de la pertinence des informations. Les entretiens se sont
déroulés sous forme d’échanges au cours duquel l’interviewé pouvait s’exprimer ouver-
tement. Nous avions effectué auparavant une préparation matérielle des outils de travail
en élaborant un guide d’entretien dont les rubriques tiennent compte de nos diverses
préoccupations. À cet effet, nous nous sommes rapprochée des cadres du service infor-
matique et de la direction des ressources humaines. Ceci a permis de nous imprégner
des réalités vécues au quotidien et utiles pour nos recherches. Nous avons également
échangé avec le personnel des autres directions : production, commercialisation, comp-
tabilité et finances. Ces échanges ont porté sur les difficultés pratiques et les problèmes

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récurrents lors du processus d’implantation de l’ERP.
Nous avons privilégié l’écoute des personnes interviewées, car notre sujet de recherche
nous imposait un comportement de prudence sur le terrain. Notre objectif étant de com-
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prendre les phénomènes que l’on observe au cours du processus d’implantation de l’ERP
dans les contextes spécifiques que sont le Nigéria et le Bénin, l’écoute était devenue
un principe précieux pour confronter la réalité du terrain aux conclusions des recherches
antérieures menées en Amérique, en Europe et en Asie.
Les interviews ont été réalisées en trois temps. Dans un premier temps, l’interviewé
était invité à décrire son activité, ses relations avec les autres entités de l’organisation
et son parcours professionnel au sein de l’organisation. Dans un deuxième temps, nous
avons abordé la question du changement dans lequel s’est engagée l’organisation ; ce
thème n’a nécessité aucune démarche structurée de la part de l’interviewé. Ce dernier
avait le loisir de poser la problématique dans ses propres termes et d’en développer les
aspects qu’il jugeait importants. Dans un dernier temps, nous avons abordé les ques-
tions relatives à leurs perspectives d’avenir.
Au niveau de la Société A, une première vague de vingt-cinq entretiens a été réalisée
auprès de témoins privilégiés qui étaient dans l’entreprise avant la décision d’implan-
tation du logiciel ERP (deux ans minimum). Une deuxième vague de trente interviews a
été réalisée auprès des principaux responsables, des utilisateurs-clés, des utilisateurs
finaux, des consultants et des membres de l’association des employés. Ensuite, une
troisième vague de vingt-deux entretiens a été également réalisée pour des complé-
ments d’information des leaders d’opinion, des utilisateurs finaux, des consultants et
des responsables. Enfin, une dernière vague de cinq interviews a permis de toucher les
non-utilisateurs de l’ERP.
Au niveau de la Société B, une première série de dix entretiens a été réalisée auprès de
personnes qui étaient dans l’entreprise depuis sa création : des responsables, des utili-
sateurs potentiels et le jeune informaticien. Une deuxième série de quatorze interviews
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 85
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

a été menée auprès des consultants, de cadres IT et de membres de l’association des


employés. Et une troisième série de quinze interviews a été conduite auprès des autres
utilisateurs potentiels. Deux interviews ont permis de toucher les non-utilisateurs de
l’ERP.
Au niveau de la société C, une première vague de vingt entretiens a été réalisée auprès
de personnes présentes dans l’entreprise avant la décision d’implantation de l’ERP. Une
deuxième vague de trente interviews a été réalisée auprès de responsables, des consul-
tants, de membres de l’association des employés et d’utilisateurs potentiels, suivie d’une
troisième vague de vingt-cinq entretiens auprès des mêmes catégories de personnes.
Enfin, une vague de six interviews a permis de toucher les non-utilisateurs de l’ERP.
Au total, 82 interviews individuelles ont été réalisées dans la société A, 41 interviews

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dans la société B et 81 interviews dans la société C.
L’observation directe a été utilisée pour procéder à la vérification des informations
recueillies par questionnaire à partir des faits et phénomènes observables directement.
Elle a donc bien complété les autres techniques utilisées. L’observation se justifie par
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notre présence effective sur les sites des trois entreprises durant des périodes prolon-
gées (plusieurs semaines). Dans les trois sociétés, nous avons observé le comportement
d’utilisateurs à leur poste de travail. Notre observation a porté sur :
–– la fréquence de l’utilisation du nouveau système pour effectuer leurs tâches ;
–– la fréquence de la sollicitation des consultants ou informaticiens pour la résolution
des difficultés rencontrées par l’utilisateur ;
–– le temps qu’ils mettent pour imprimer les rapports, ou pour enregistrer les données ;
–– les difficultés rencontrées au cours de l’utilisation du nouveau système.
Pour chaque étude de cas, une variété de documents a été consultée : internes (notes,
courrier, rapports, procès-verbaux, plans stratégiques, etc.) et externes (rapports d’acti-
vités, textes légaux et documents officiels). La documentation interne a permis de vérifier
la validité de certaines informations, d’accéder à des données rétrospectives et d’iden-
tifier la manière dont l’organisation gère sa structure. La documentation externe nous a
permis de reconstituer le contexte institutionnel dans lequel évolue l’organisation et dans
lequel s’inscrit le projet de changement organisationnel.

Techniques de traitement et d’analyse des données


Le traitement s’est appliqué principalement aux données primaires, celles provenant du
discours, des attitudes et des comportements des acteurs.
Nous avons retranscrit à la main toutes les interviews enregistrées. Ces interviews ont
été retranscrites mot à mot pour rendre compte des idées énoncées par les personnes
interviewées. Nous avons ensuite procédé à leur saisie dans un format Word. Au total,
86 @GRH • 01/2011

204 interviews ont été retranscrites. Dans cette retranscription, nous avons bien tenu
compte des interjections et des nombreuses informations liées à l’expression non ver-
bale. Les enjeux d’emploi et les réseaux de solidarité interpersonnelle ne favorisent pas
toujours l’expression verbale spontanée. L’apport du corps dans la communication est
un élément fondamental pour saisir les positions et les opinions des acteurs. Ayant réa-
lisé les entretiens nous-même, nous avons toujours considéré les gestes, les sourires,
les mimiques, le degré de difficulté ou d’aisance dans les expressions en fonction des
acteurs et des sujets abordés. La retranscription a donc non seulement permis d’écrire
ce qui a été dit, mais de signaler le mouvement du corps l’ayant accompagné.
Notre présence dans les entreprises a permis d’observer la culture matérielle de l’entre-
prise. Nous avons également rédigé des notes d’observation. Les produits empiriques

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issus des observations sont complémentaires aux discours des acteurs et indicateurs de
la cohérence/incohérence de leurs actes.
À l’étape du codage des données, nous avons étudié de façon minutieuse les textes
d’interviews et des notes d’observation. Après la retranscription des interviews, nous
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avons attribué à chacune d’elle un numéro, la catégorisation de la personne interviewée,


son service ou département au sein de la société. À titre d’illustration :
–– interviews nº 1, Nigérian, agents service du personnel ;
–– interviews nº 52, Béninois, apprenants ;
–– interview nº 76, Nigérian, service comptabilité.
Nous avons pu découper et ranger les extraits de texte par catégorie thématique, en
allant du général au particulier. Plusieurs niveaux de catégorisation ont été retenus.
Un premier niveau a permis de retenir quatre items : la présentation générale de la
société ; le contexte dans lequel elle exerce son activité ; la démarche d’adoption de
l’ERP et la démarche d’implantation de l’ERP.
Un deuxième niveau a été réalisé à partir de la première catégorisation. Ainsi, pour la
présentation générale de la société, nous avons retenu : l’historique de création de la
société ; les activités et les structures de l’entreprise. Pour le contexte de la société, les
sous-items suivants ont été notés : le contexte économique du pays ; le contexte cultu-
rel et le contexte interne (avant et après l’implantation de l’ERP). En ce qui concerne
l’implantation de l’ERP, nous avons précisé : le mode de pilotage du projet ; les relations
aux utilisateurs ; les phases du projet, etc.
À l’intérieur de chacune des catégories précédentes, des sous-catégories ont été iden-
tifiées. Pour le mode de pilotage du projet : la mise en place de l’équipe projet (présence
d’un chef-projet dont le profil est en adéquation avec les exigences du poste, compé-
tence de l’équipe projet) ; la planification de la gestion du projet ; les relations avec les
prestataires (consultants et fournisseurs) et les événements-clés (bifurcations, points
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 87
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

de tension, blocages, etc.). Pour la relation aux utilisateurs : la communication ; la for-


mation ; l’implication de la direction générale, etc.

Présentation et discussion des résultats


Les trois études de cas d’implantation de l’ERP sont présentées et discutées sur la base
de la perspective théorique que nous avons retenue.

›› Présentation des cas

Le cas d’implantation de Navision dans la société A

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Le progiciel Navision a été introduit dans la société A pour pallier les faiblesses de
l’ancien logiciel Sun Account utilisé dans ladite société. Ainsi, les dirigeants ont recouru
à l’expertise des cabinets informatiques sud-africains pour identifier les problèmes et
proposer des solutions idoines, ce qui a abouti à l’adoption de Navision. De l’analyse de
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l’existant en passant par l’étude préliminaire, les cabinets informatiques sud-africains


ont rédigé les termes de référence, puis ils ont aidé à l’identification des compagnies éli-
gibles pour répondre aux exigences du marché. Ils ont lancé l’appel d’offres et étudié les
dossiers soumis. La meilleure offre a été celle de la Compagnie d’ingénierie canadienne.
Les dirigeants sont alors entrés dans un processus de négociation avec la compagnie
sélectionnée, en raison du coût élevé du progiciel proposé. Après examen des perfor-
mances financières de la société, la compagnie canadienne a accepté de se joindre au
groupe d’investisseurs auquel appartenait la société A. À l’issue du rachat de la compa-
gnie, les spécifications fonctionnelles et non fonctionnelles ont été écrites et validées.
S’en est suivie la mise en place de l’équipe projet composée de divers spécialistes.
L’équipe a d’abord entamé le paramétrage du nouveau système et la sensibilisation des
acteurs, puis le déploiement, la formation des utilisateurs, le test en grandeur réelle et la
mise en production. Cependant, de fortes résistances se sont manifestées parmi les uti-
lisateurs. La réussite de Navision n’a finalement été possible que lorsque les dirigeants
ont fini par impliquer les leaders d’opinion ethnique et religieuse : ces derniers ont réussi
à utiliser les facteurs caractéristiques du contexte culturel nigérian pour mobiliser les
acteurs locaux autour du projet.

Le cas de l’implantation de JDE dans la société B


Le progiciel JDE a été introduit dans la société B pour répondre aux besoins de la société
mère relatifs à la généralisation de JDE dans leurs filiales. Les dirigeants ont sélec-
tionné, en collaboration avec la compagnie d’informatique qui a installé JDE au siège,
un cabinet d’informatique installé en Côte d’Ivoire pour implanter le progiciel dans leur
filiale de Cotonou. Pour plus d’efficacité, le siège a envoyé ses cadres IT à Cotonou pour
88 @GRH • 01/2011

appuyer le cabinet d’informatique retenu. Il n’y a pas eu de diagnostic de l’existant, ni


d’étude préliminaire. Le progiciel a été imposé aux dirigeants de la société B. L’équipe
projet a été mise en place avec le Directeur administratif et financier comme chef-projet.
Elle a démarré directement ses activités avec l’organisation des séances d’information
destinée aux utilisateurs. Des sessions de formation des utilisateurs clés et des chefs
de groupes ont été organisées. Les utilisateurs clés ont formé à leur tour les utilisa-
teurs finaux. L’équipe projet a poursuivi ses activités avec l’implémentation du nouveau
système et sa mise en production. Les dirigeants de la société B n’ont guère impliqué
les employés locaux dans le processus d’implantation. Ils ont profité de la situation de
précarité d’emploi qui prévalait dans le pays, en proférant des menaces de licenciement
vis-à-vis des employés récalcitrants. Les employés locaux, habités par la peur de perdre
leur emploi, se sont vus dans l’obligation de prendre des cours du soir dans des centres

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de formation spécialisés pour se mettre à niveau et se plier à la volonté des dirigeants.

Le cas de l’implantation de SAP dans la société C


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Le progiciel SAP a été adopté au sein de la société C à la suite d’un diagnostic, puis
d’une étude préliminaire, qui ont conduit au lancement d’un appel d’offres internatio-
nal restreint ayant permis de sélectionner une compagnie d’informatique pour conduire
l’implantation du progiciel. Les équipes projet ont été mises place et les activités pré-
vues dans le plan d’implantation ont été réalisées. Le système SAP a été bien implé-
menté techniquement. Cependant, de mauvaises manipulations du système ont conduit
à son blocage. Une première panne a été observée et une approche de solution a été
trouvée. Une nouvelle panne, faisant suite à une malversation, a finalement conduit les
dirigeants à changer de fournisseur. Ce dernier a proposé un nouveau progiciel pour les
deux petites compagnies de la société. L’implantation du nouveau progiciel a démarré
avec l’installation d’une équipe-projet chargée de la maintenance de l’ancien système.
L’équipe projet a utilisé les équipements en place pour implanter son progiciel. L’implé-
mentation a ainsi été réalisée en un temps record. En outre, les phases de formation et
de mise en production du nouveau système ont été conduites avec succès grâce à une
forte mobilisation des pasteurs et des chefs religieux.

›› Discussion des cas

Style de management des dirigeants de la société A


Il importe de caractériser les réactions des dirigeants face aux résistances durant le
processus d’implantation de Navision dans la société A. L’émergence de phénomènes
conflictuels va les inciter à adopter un style de management de nature polyphonique
(Pichault, 2009).
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 89
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

Identification des détenteurs d’influence


Les dirigeants de la société A se sont en effet rendu compte de la présence de « griots »
(agents de communication traditionnels) au sein de la société. Ces griots ont pu orienter
les dirigeants vers des leaders d’opinion capables d’aider au dénouement de la situation.
Les leaders d’opinion sont très importants dans la tradition du pays : quelle que soit leur
position organisationnelle, les Nigérians s’y réfèrent en raison de l’importance accordée
au droit d’aînesse et à la parole donnée.
Les leaders sont obligés de se respecter et de respecter la parole donnée pour bé-
néficier de notre confiance (Interview nº 26, Nigérian, agent service de production).
Ici, on utilise plus les expressions « daddy », « brother », « mummy », « oga » pour
désigner les leaders. Tu ne peux pas les appeler par « sir », c’est les expatriés que

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nous appelons « sir ». Tu ne peux pas les appeler par leur nom de famille, c’est leur
manquer de respect (Interview nº 29, Nigérian, agent service du personnel).
Plusieurs acteurs confirment que leur attachement aux leaders d’opinion a conduit les
dirigeants expatriés à s’intéresser à eux afin que le travail avance vite et bien, le logiciel
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à installer coûtant cher. Eu égard à ce qui précède, nous pouvons conclure qu’après le
déclenchement des conflits, les dirigeants ont bel et bien procédé à l’identification des
principaux détenteurs d’influence.

Problématisation et formulation d’un objectif commun


La négociation avec les détenteurs d’influence a abouti à la formulation d’un objectif
commun : l’appropriation du système par tous. Cette négociation est passée par des
promesses de valorisation des emplois, d’augmentation des primes, de création d’un
cadre permanent de concertation pour accroître la collaboration entre les ressources
humaines et instituer le respect mutuel entre collaborateurs et dirigeants. La consé-
quence de cette manière de définir le problème a été l’accroissement du taux d’adhésion
des acteurs aux changements organisationnels induits par le logiciel Navision.

Mobilisation et enrôlement des acteurs autour du projet


Dans le contexte culturel africain, on l’a vu, il est nécessaire d’identifier des leaders de
groupes ethniques, religieux ou autres qui ont une influence sur les membres de leurs
groupes ou communautés. Ces leaders, s’ils sont acquis à la cause que défendent les
dirigeants de l’entreprise, entraîneront les autres à s’y rallier. En Afrique, ce n’est pas l’in-
dividu qui est respecté, mais la position que ce dernier occupe. Les dirigeants ont fini par
comprendre tout l’intérêt qu’ils avaient à associer les responsables ethniques et religieux
officiant au sein de la société pour mieux expliquer la nouvelle démarche de l’entreprise
tout en leur montrant les éventuels intérêts qu’ils pouvaient tirer de l’implantation du
logiciel ERP. Au nombre de ces intérêts, nous pouvons citer : un travail valorisant, rapide,
moins fatigant, avec la possibilité de travailler en équipe.
90 @GRH • 01/2011

Des rôles précis sont donc attribués aux leaders d’opinion. Ils servent dorénavant d’in-
termédiaires entre les dirigeants et les autres acteurs. Prenant le devant de la scène, ils
se sentent effectivement impliqués dans le projet, ils sont responsabilisés et c’est à eux
désormais d’informer les acteurs de ce qui va se passer au cours du processus.
L’implication de nos sages et doyens d’âge nous a rassurée, car nous leur faisons
confiance. S’ils prennent le devant d’une chose, cela doit nous être bénéfique
(Interview nº 25, Nigérian, agent service de production).

Les leaders d’opinion sont impliqués en tenant compte de la couverture ethnique (surtout
les ethnies dominantes : yoruba, haoussa, igbo et autres). Sur le plan religieux, les prin-
cipales confessions religieuses sont également prises en compte (Apostolic Church et
Islam), de même que l’appartenance aux principaux sites de la société (Lagos, Kaduna,

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Zaria, Sokoto, Ibadan).
Ils se comportent comme des chefs de famille. Ce qui montre qu’au sein de la so-
ciété, nous sommes en famille (Interview nº 28, Nigérian, agent du service comp-
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tabilité).
C’est à partir de cet instant que le travail d’implantation de l’ERP démarre réellement ; à
chaque étape, les dirigeants ou le comité de pilotage sont tenus d’expliquer aux leaders
le travail à faire. Ainsi, les acteurs à la base sont-ils pleinement associés par le biais des
leaders d’opinion à la phase du déploiement, à la phase de formation, à la phase test et
à la phase de mise en œuvre.
Les dirigeants sont parvenus à enrôler les leaders d’opinion à un moment où ils ne par-
venaient plus à convaincre directement les acteurs. L’implication de ces leaders, après
l’apparition des conflits, a permis de conduire le processus avec succès.
Depuis que leurs sages ont pris le devant de la scène, nous jouons la diplomatie et
cela marche mieux entre nous. Il faut les connaître, ils ne sont pas très difficiles,
car, quand ils ont confiance en vous, ils travaillent et donnent le meilleur d’eux-
mêmes. Nous avons compris que nous devons être souples (pas trop durs et pas
trop doux). Ce qui semble être bizarre, ils ne veulent pas que nous soyons durs,
mais ils acceptent que leurs devanciers soient très durs envers eux. Les devan-
ciers sont aujourd’hui pour nous autres de bons relais de communication et de
sensibilisation (Interview nº 49, irlandais, directeur commercial).

Au regard de ce qui précède, nous pouvons conclure que le style de management des
dirigeants de la société A a évolué. Au départ, il était clairement panoptique, dans la
lignée de la vision rationaliste véhiculée par les vendeurs de l’outil. Avec l’apparition
des conflits en cours de processus, les dirigeants ont adopté une nouvelle stratégie de
négociation avec les leaders d’opinion ethnique et religieuse : après avoir procédé à
une contextualisation de leur projet (identification des acteurs clés), ils sont parvenus
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 91
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

à mener à bien la problématisation et la formulation d’un objectif commun ainsi que


l’enrôlement des différents protagonistes autour du projet Navision. Ils ont fini par adop-
ter un style de management polyphonique, à l’opposé des prescrits d’une perspective
strictement rationaliste.

Style de management des dirigeants de la société B


Examinons à présent le style de management adopté par les dirigeants de la société B
au cours du processus d’implantation de JDE.

Identification des principaux détenteurs d’influence


Ni les dirigeants ni les consultants n’ont identifié les détenteurs d’influence avant l’im-
plantation de JDE. Il convient de rappeler que c’est depuis le siège en Suisse que le

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groupe a initié l’implantation du progiciel. Effectivement, celui-ci avait été déjà installé
au siège et la succursale de Cotonou faisait partie de la phase de généralisation à tou-
tes les filiales de la société.
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Le directeur administratif et financier a été nommé pour conduire le projet. Sans doute
ce dernier, connu de tous les agents, a-t-il pu jouer le rôle de gestionnaire financier du
projet. Rien ne montre cependant qu’il ait joué un rôle de traducteur entre les intérêts
des uns et des autres.

Problématisation et formulation d’un objectif commun


Bien que les enjeux des acteurs en présence étaient bel et bien divergents, les dirigeants
se sont comportés comme si tous les membres du personnel n’avaient qu’un seul et
même enjeu : celui de la réussite du projet. Les dirigeants ont agité, dès le départ, la
menace de licenciements en cas de réticences ou de non-adhésion au projet. La sou-
mission des employés, dans un contexte de marché du travail précaire, a évidemment
facilité le succès du projet. Hantés par la peur de perdre leur emploi, les utilisateurs n’ont
pas hésité à prendre des cours dans des écoles privées pour mieux maîtriser le système
et diminuer le risque de licenciement.
Aucune négociation n’a donc été possible. Les dirigeants locaux de la société B se sont
cachés derrière la décision du siège pour amener les acteurs à se soumettre aux deside-
rata des responsables du projet. Au lieu d’une stratégie de négociation, ils ont privilégié
une stratégie d’imposition, sans effectuer de travail de problématisation ni tenter de
formuler un objectif commun.

Mobilisation et enrôlement des acteurs autour du projet


Plusieurs catégories d’acteurs se présentaient avec des enjeux divergents (Direction
du siège, direction locale, employés, DAF, consultants, etc.), ce qui aurait dû inciter les
dirigeants à se montrer attentifs aux intérêts en présence et à mobiliser les acteurs
92 @GRH • 01/2011

concernés. La composition de l’équipe-projet montre toutefois que cela n’était pas vrai-
ment le cas. Celle-ci était composée d’un sponsor (le DG local), d’un chef-projet (le
DAF), de deux spécialistes en comptabilité, d’un spécialiste ingénieur en gaz, d’un spé-
cialiste ingénieur en hydrocarbure, d’un spécialiste vente et service après-vente, d’un
informaticien, de deux spécialistes PSM/Trading et de trois spécialistes Downstream
venus de la direction du siège à Genève. L’un des deux spécialistes en comptabilité était
le représentant des consultants. On remarque l’absence des directeurs techniques et
de représentants des employés locaux, ce qui montre que toutes les parties prenantes
n’étaient pas impliquées dans l’équipe-projet.
Pour faciliter l’acceptation du projet, les consultants ont fait des outils de communica-
tion leur cheval de bataille. Ils entendaient ainsi limiter certains dysfonctionnements
risquant d’être préjudiciables aux attentes de la Direction du siège et de la Direction

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locale. Toutefois, ces actions ont continué à s’inscrire dans une logique planificatrice
où il s’agit essentiellement de faire adhérer à un projet conçu ailleurs, et non de faire
participer.
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En conséquence, les dirigeants de la société n’ont guère mobilisé les acteurs autour du
projet. Il n’y a pas eu davantage de réflexion sur le moment opportun pour les impliquer.
Il ressort de l’analyse du cas B que le style de management utilisé par les dirigeants
au cours du processus d’introduction de l’ERP n’est guère polyphonique. On peut plutôt
le qualifier de panoptique, basé sur un rapport de force unilatéral, dans un contexte
économique dégradé.

Style de management des dirigeants de la société C


Il a fallu le blocage provoqué par la deuxième panne pour que les dirigeants qui, jus-
que-là, croyaient à la réussite du plan d’implantation des consultants sans associer
les acteurs, se ravisent et rebroussent chemin. On peut en déduire qu’ils ont d’abord
utilisé un style de management panoptique. Avec ce style de management, ils n’avaient
pas besoin d’analyser le contexte à travers l’identification des principaux détenteurs
d’influence ni de rechercher un traducteur fiable. Il n’était pas nécessaire, à leurs yeux,
d’enrôler les acteurs autour du projet, ni de négocier avec eux un compromis.
Une fois la situation de blocage observée, la réaction des décideurs va se manifester
par la recherche d’un traducteur légitime, l’enrôlement des acteurs clés, une nouvelle
problématisation, etc. En d’autres termes, par l’adoption d’un style de management poly-
phonique.
L’analyse du cas C illustre les phases 3 et 4 de la grille de Salerni. La phase 3 (contre-
système organisationnel) est celle qui a connu le blocage du système SAP mis en place,
le rendant inopérant. La phase 4 (rétroaction) correspond à la prise de conscience de
la part des dirigeants, ce qui va les conduire au choix d’un nouveau fournisseur et à
l’acquisition d’un nouveau progiciel, mis en place avec succès.
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 93
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

Identification des principaux détenteurs d’influence


La détection de panne et, par la suite, la résolution du cas de malversation ont permis de
repérer les principaux détenteurs d’influence. À la suite de ces phénomènes conflictuels,
le nouveau directeur général, un Nigérian, est parvenu à endosser un rôle de traducteur.
Sa légitimité n’a pas été contestée au cours du processus d’implantation, comme l’indi-
que l’extrait d’interviews ci-après :
Depuis la nomination d’un Nigérian comme directeur général, nous nous sommes
sentis davantage impliqués dans la gestion et nous avons désormais des raisons
d’espérer une gestion plus saine (Interview nº 108, Nigérian, agent compagnie de
commercialisation).
Ce nouveau directeur général est accepté et reconnu par les autres acteurs, quelle que

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soit leur position hiérarchique.

Problématisation et formalisation d’un objectif commun


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Après le blocage du système, les dirigeants ont compris qu’il y avait un mécontentement
grandissant au niveau du personnel, qui tournait autour de la répartition des ressources
entre société-mère et compagnies locales. Pour régler le problème, les dirigeants ont
dû répondre aux différentes revendications des communautés dont les salariés sont les
porte-parole en mettant l’accent sur le fait que la restructuration en cours allait permet-
tre de transférer les compétences et la gestion de la société aux Nigérians, dans le but
d’une meilleure répartition des ressources.
La négociation avec les acteurs a donc bien eu lieu. La nomination d’un Nigérian à la
tête de la société a fortement contribué à un compromis avec les acteurs en place.

Mobilisation et enrôlement des acteurs autour du projet


L’implication des pasteurs appartenant aux églises évangéliques a favorisé une forte
mobilisation des acteurs autour du projet. La référence au nouveau progiciel dans les
prédications des pasteurs a favorisé une meilleure assiduité des futurs utilisateurs au
cours des sessions de formation. Les pasteurs ont joué un rôle important dans la réus-
site du projet, comme l’illustrent les extraits suivants :
Les prédications régulières des pasteurs, aussi bien à l’église qu’au sein de l’en-
treprise, ont été d’une grande utilité, car, elles ont éveillé notre intérêt pour l’utili-
sation de ce nouveau progiciel (Interview nº 111, Nigérian, agent de la compagnie
de commercialisation).
Au cours de la phase de mise en production, le staff, avec l’appui des pasteurs,
nous a réunis pour nous expliquer le bien-fondé d’avoir un travail valorisant pour
nos familles et surtout pour nos enfants, ce qui nous a beaucoup intéressés (In-
terview nº 113, Nigérian, agent compagnie de commercialisation).
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Si les dirigeants ont adopté au départ un style de management panoptique, celui-ci est
devenu, avec le déclenchement des conflits, davantage polyphonique.

Rôle différenciateur du style de management


Un élément différenciateur majeur se dégage donc de l’analyse comparée des trois cas :
le style de management adopté par les responsables des projets ERP. Une nette distinc-
tion peut être opérée à cet égard entre le cas B – caractérisé par un style de management
panoptique, basé sur une logique de rapport de force unilatéral – et les deux autres cas
– avec un style de management devenant de plus en plus polyphonique au fil du temps,
marqué par une réelle prise en compte des éléments du contexte externe aussi bien
qu’interne et la négociation de solutions de compromis avec les acteurs-clés.
Les contextes macrosociaux béninois et nigérian sont différents : le Bénin est un pays

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francophone et le Nigéria est anglophone. L’histoire de l’adoption du pluralisme syndical
en Afrique montre qu’il existe, chez les anglophones (Nigéria), une culture de résistance
plus forte que chez les francophones (BIT, 2010). Cela peut contribuer à expliquer le
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comportement des dirigeants de la société B au Bénin : ils ont pu se permettre d’impo-


ser l’ERP sans guère rencontrer d’opposition. Inversement, dans la Société C au Nigéria,
le mécontentement des utilisateurs a finalement amené les dirigeants à adopter une
stratégie impliquant des acteurs clés externes à l’entreprise, après avoir initialement
adopté une démarche d’imposition de l’ERP.
En outre, on a vu combien la précarité du marché de l’emploi a été exploitée par les
dirigeants de la société B : ceux-ci n’ont en effet pas hésité à agiter la menace du licen-
ciement vis-à-vis du personnel, anesthésiant ainsi toute velléité d’opposition.
En définitive, ce sont donc principalement les modes de mobilisation du contexte éco-
nomique et culturel et, d’une manière plus générale, le style de management adopté
par les responsables du changement qui expliquent la manière dont un projet ERP s’im-
plante en Afrique subsaharienne. L’adoption d’un style de management polyphonique
fait apparaître de nouvelles catégories d’acteurs susceptibles de contribuer à la satis-
faction conjointe des parties prenantes dans un contexte africain : les leaders d’opinion
ethnique et religieuse, les pasteurs des églises, les griots, etc. Il faut également noter le
rôle décisif joué par les aînés ou les anciens, auxquels l’ensemble des acteurs voue un
véritable culte issu du respect du droit d’aînesse
Face à l’accumulation des difficultés rencontrées lors de nombreux processus de chan-
gement, l’adoption d’un style de management polyphonique, basé sur la mobilisation
des différentes parties prenantes, la traduction progressive de leurs intérêts divergents
en une problématisation commune, la négociation permanente, etc., est souvent préco-
nisée dans la littérature consacrée aux ERP. Scott et Wagner (2003) suggèrent ainsi aux
porteurs de projet de recourir à une approche itérative et participative, faite d’essais
et erreurs. Dans le contexte africain, ces préconisations nous semblent d’autant plus
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 95
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

fondées que les organisations y sont très perméables au monde extérieur et qu’un projet
ERP constitue dès lors un changement de suffisamment grande ampleur pour nécessiter
les multiples opérations de traduction (internes et externes).
En synthèse, la mobilisation des éléments pertinents du contexte économique et cultu-
rel et l’adoption d’un style de management polyphonique paraissent des facteurs clés de
réussite pour l’implantation d’un projet ERP en Afrique. Encore faut-il, bien entendu, que
les responsables de projet soient sensibilisés au style de management polyphonique et
ne soient pas tentés de reproduire les errements d’un style de management panoptique,
que la culture locale de respect de l’autorité aura probablement tendance à favoriser.

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Conclusion
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Notre article porte sur l’introduction d’une technologie d’origine occidentale,


les ERP, dans un contexte africain. Sur la base d’une analyse comparée de trois
cas, la combinaison d’une approche contingente et d’une approche politique
nous a permis de comprendre que si les dirigeants de deux sociétés (A et C)
avaient adopté un style de management panoptique en début de processus, ils
ont finalement été amenés à l’abandonner en raison de l’apparition de conflits :
ils ont fini par recourir à un style de management davantage polyphonique, mar-
qué par l’identification des détenteurs d’influence, la mobilisation des acteurs
autour du projet, la négociation de compromis et la formalisation d’un objectif
commun. Quant aux dirigeants de la société B, ils ont pu se permettre d’établir
un rapport de force unilatéral vis-à-vis des utilisateurs et d’adopter un style de
management panoptique en raison d’un contexte socio-culturel moins porté sur
la contestation et d’un marché du travail dégradé, marqué par le chômage et la
précarité de l’emploi.

En mettant l’accent sur la prise en compte du contexte et le rôle-clé du style de


management, la présente recherche propose une nouvelle approche du chan-
gement, qui combine les formes d’instrumentation managériale à l’occidentale
– le recours à une technologie de type ERP – et à l’africaine – la médiation des
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leaders ethniques et religieux, des griots, etc. Elle permet de cerner les limites
des méthodes de gestion universalistes considérées comme des « best practi-
ces » qu’on pourrait implanter indépendamment du contexte local et du moment
concerné (Nizet et Pichault, 2007). Elle s’inscrit davantage dans le courant néo-
institutionnaliste, selon lequel les organisations sont largement influencées par
les composantes leur environnement (Rojot, 2005, p. 409) et leur capacité d’y
faire face. Comme le rappellent Khan et Ackers (2004), un tel néo-pluralisme est
d’autant plus justifié que l’on se situe en Afrique subsaharienne, où se mêlent
des influences religieuses, économiques, politiques, etc. On notera ainsi que les
responsables de chacune des trois sociétés étudiées se sont servis d’un ou plu-

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sieurs éléments issus de leur environnement pour construire un mode spécifique
de pilotage du changement.
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On peut également se demander dans quelle mesure la prise en compte des


éléments pertinents du contexte social, économique et culturel ainsi que l’adop-
tion d’un style d’un management polyphonique sont des facteurs clés propres au
processus de changement lié aux ERP ou s’ils sont également valables pour l’in-
troduction d’autres dispositifs de gestion d’origine occidentale, qu’ils soient de
nature technologique (automatisation, commerce électronique, etc.) ou organi-
sationnelle (qualité totale, nouvelle gouvernance publique, restructuration, etc.).
Des études similaires pourraient donc être utilement menées sur d’autres projets
managériaux. Puisque notre recherche a été réalisée au sein de filiales de mul-
tinationales installées en Afrique de l’Ouest, il semblerait également judicieux,
dans le cadre d’études ultérieures, de nous intéresser aux maisons-mères des
entreprises étudiées pour mieux comprendre les types de rapports centre-péri-
phérie au cours du processus d’implantation.
LA SAGESSE POLYPHONIQUE : TROIS CAS DE PILOTAGE DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL 97
DANS DES ENTREPRISES D’AFRIQUE DE L’OUEST

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