Vous êtes sur la page 1sur 22

SPORT ET IDENTITÉ D'ENTREPRISE.

VERS UNE MODIFICATION DE


L'IMAGINAIRE ORGANISATIONNEL

Fabrice Burlot

De Boeck Supérieur | « Staps »

2005/3 no 69 | pages 73 à 92
ISSN 0247-106X
ISBN 2804149234
DOI 10.3917/sta.069.0073
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-staps-2005-3-page-73.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.


© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


rfi›‒ ?¡ ? ¡‹ "? F¡‹ ‒¡fi‒ ¡M?u¡‒ ?·‹¡?«› ¢ ¦\ ›‹? ¡? F «\£ ‹\ ‒¡
›‒£\‹ \ ›‹‹¡
?
??
c¡?a›¡¦¤?t‹ ¡‒ "? ?r \fi ?
QOOTNR?L?‹›?UX
fi\£¡ ?VR?Ÿ?XQ
hrrm?OQSVLPOUw

LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
`‒ ¦ ¡? fi›‹ ¡?¡‹? £‹¡?Ÿ? F\ ‒¡ ¡Y

⁄ fiYNN•••M¦\ ‒‹M ‹¢›N‒¡ ·¡L \fi LQOOTLRLfi\£¡LVRM⁄ «

LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL

LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
o›·‒?¦ ¡‒?¦¡ ?\‒ ¦ ¡?Y

??Arfi›‒ ?¡ ? ¡‹ "? F¡‹ ‒¡fi‒ ¡M?u¡‒ ?·‹¡?«› ¢ ¦\ ›‹? ¡? F «\£ ‹\ ‒¡?›‒£\‹ \ ›‹‹¡ AK?r \fi K??QOOTNR?‹›?UXK??fiM?VRLXQM

LLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLL
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

c ‒ · ›‹?" ¡¦ ‒›‹ fl·¡?b\ ‒‹M ‹¢›?fi›·‒?c¡?a›¡¦¤?t‹ ¡‒ "M


Å?c¡?a›¡¦¤?t‹ ¡‒ "M?s›· ? ‒› ?‒" ¡‒ " ?fi›·‒? ›· ?fi\„ M

k\ ‒¡fi‒› ·¦ ›‹ ›· ‒¡fi‒" ¡‹ \ ›‹ ¡ ¦¡ \‒ ¦ ¡K ‹› \««¡‹ fi\‒ fi⁄› ›¦›fi ¡K ‹F¡ \· ›‒ "¡ fl·¡ \‹ ¡ « ¡ ¡


¦›‹ ›‹ £"‹"‒\ ¡ F· \ ›‹ · ¡ ›·K ¡ ¦\ "¦⁄"\‹ K ¡ ¦›‹ ›‹ £"‹"‒\ ¡ ¡ \ ¦¡‹¦¡ ›· ¦‒ ¡ fi\‒ › ‒¡
"\ ¡«¡‹ M s›· ¡ \· ‒¡ ‒¡fi‒› ·¦ ›‹ ›· ‒¡fi‒" ¡‹ \ ›‹K ¡‹ ›· ›· fi\‒ ¡K ›· fl·¡ fl·¡ ¢›‒«¡ ¡ ¡ fl·¡ fl·¡ «\‹ !‒¡ fl·¡
¦¡ › K ¡ ‹ ¡‒ ¡ \·¢ \¦¦›‒ fi‒"\ \ ¡ ¡ "¦‒ ¡ F" ¡·‒K ¡‹ ¡⁄›‒ ¡ ¦\ fi‒" · fi\‒ \ "£ \ ›‹ ¡‹ £·¡·‒ ¡‹
e‒\‹¦¡M h ¡ fi‒"¦ " fl·¡ ›‹ ›¦¤\£¡ \‹ ·‹¡ \ ¡ ¡ ›‹‹"¡ ¡ "£\ ¡«¡‹ ‹ ¡‒ M¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹¹
Sport et identité d’entreprise.
Vers une modification
de l’imaginaire organisationnel
Fabrice BURLOT
Laboratoire de sociologie de l’INSEP FABRICE BURLOT
11 avenue du Tremblay
75012 Paris
FRANCE

RÉSUMÉ : Cet article traite de la question du sport associatif en entreprise. Il adopte une problématique
liée à l’identité d’entreprise. La question est alors de savoir si le sport peut contribuer à la construction
de l’identité d’entreprise. L’étude porte sur le cas d’une entreprise américaine où les pratiques sportives
associatives sont intégrées dans la politique d’entreprise. Proposées par un service de la direction des
ressources humaines, elles s’inscrivent dans le dispositif des avantages sociaux proposés aux salariés et
concernent 40 % d’entre eux. Après avoir présenté la notion d’identité d’entreprise comme définie
autour d’un ensemble de productions symboliques (la culture d’entreprise) et d’un imaginaire organi-
sationnel (l’image de l’entreprise du point de vue des salariés), la recherche s’oriente vers une étude
comparative à l’intérieur de cet imaginaire organisationnel entre les représentations des salariés parti-
cipant et ne participant pas aux pratiques sportives d’entreprise. Les résultats révèlent une différence
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


significative de représentation entre les salariés sportifs et non sportifs.
MOTS-CLÉS : sport, identité, entreprise, représentation, gestion des ressources humaines.

ABSTRACT : Sport and company identity


This article deals with associative sports in a company. It explores a problematical link to compagny
identity. The central question is “Is the sport able to contribute to the construction of company’s
identity ?” The study is about an American company case in which the sportive practices are the object
of a real company’s politics : a human resource management service proposes them and they concern
40 % of the salaried employee. After having presenting the notion of company’s identity as something
defined by whole symbolical production (company culture) and an organising imaginary (the company
image according to the salaried employee), the research resorts to a comparative study in the inner of
that organising imaginary between the participating paid performances and those who do not partici-
pate to the company. The results notice a meaning difference about the performance (the organising
imaginary) between the sportive salaried employee and those who are not.
KEY WORDS : sport, identity, company, representation, management.
74 Fabrice Burlot

SPORT ET IDENTITÉ D’ENTREPRISE : Ce travail ne se présente pas comme une


LE CAS DE L’ENTREPRISE NIL étude de satisfaction d’une forme de rémunéra-
tion indirecte (Poilbot-Rocaboy, 1996), en
Dans une société où le sport devient une l’occurrence les pratiques sportives d’entre-
véritable norme culturelle, source d’identifica- prise en tant qu’élément d’une politique
tions fortes, comment ne pas s’interroger sur sa sociale2, il se définit comme une étude des con-
place dans le monde de l’entreprise ? Présenté séquences identitaires de cette satisfaction.
par certains comme fédérateur1, par d’autres Quel type d’identité peut dégager une telle
comme un outil de formation (Meignant & politique sociale ?
Rayer, 1991 ; Fourré, 2000 ; Burlot, 2001 ; Pour répondre à ce questionnement, il est
Fourré, 2003) ou d’évaluation (Missoum & nécessaire de définir, au préalable, ce que l’on
Minard, 1990), on ne manque pas de se ques- entend par « identité d’entreprise ». Ramanantsoa
tionner sur le rapport qu’il entretient avec la (1988) définit l’identité d’entreprise comme à la
dimension humaine de l’entreprise (Ehrenberg, fois visible et révélée. L’identité visible est ce que
1991 ; Barbusse, 1997). Pourtant, à notre con- l’on appelle couramment la « culture
naissance, peu de travaux portent sur ses impli- d’entreprise ». L’auteur prend ses distances avec
cations identitaires. Certes, les investissements ce concept, selon lui, beaucoup trop passif et
des entreprises en matière de sponsoring et de introduit la notion d’identité révélée. Elle se
mécénat sportif renvoient à des stratégies de définit autour des représentations de l’entre-
communication (Pichot, 1997) qui ne manquent prise : « Il se passe quelque chose entre l’individu et la
pas de participer à la construction identitaire de culture dans laquelle il baigne. La culture prend place
l’entreprise, au prisme d’identité (Kapferer, non plus seulement dans les représentations conscientes
1988), mais qu’en est-il des activités sportives (les valeurs et les croyances), mais aussi dans les repré-
pratiquées par les salariés dans l’entreprise ? sentations inconscientes de l’individu, et y apporte du
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


Dans la mesure où elles sont proposées par la sens. (…) C’est cette inscription dans l’économie psychi-
direction de l’entreprise et se présentent comme que individuelle qui fait toute l’importance de l’entre-
un véritable avantage social (Sekiou et al., 1993), prise pour l’acteur, et qui explique son engagement ou
peuvent-elles contribuer à la construction de son désengagement » (Ramanantsoa, 1988, 429)
l’identité d’entreprise ? En quoi vont-elles alors
participer à cette identité ? Les recherches en 1. IDENTITÉ D’ENTREPRISE
gestion des ressources humaines montrent que ET PRATIQUES SPORTIVES
les avantages sociaux améliorent la satisfaction
des salariés à l’égard de leur entreprise (Sire, Pour clarifier la logique mais aussi l’intérêt
1993 ; Fonchon et Mélese, 1995/1996). Dans ces d’un recours dans notre problématique à ce
conditions, ne risque-t-il pas d’apparaître des concept d’identité, nous allons donc dans un
différences identitaires sur la base des salariés premier temps en expliciter plus précisément
adhérant et n’adhérant pas au club sportif, c’est- le contenu. Nous discuterons ensuite la perti-
à-dire bénéficiant ou ne bénéficiant pas de cet nence de son utilisation dans le cadre de notre
avantage procuré par l’entreprise ? problématique.

1. Voir les travaux de recherche de Pichot (1997), Barbusse (1997) et Burlot (1997) où la mobilisation, la cohésion et l’idée de fédérer son
personnel sont une attente et, en même temps, une qualité que l’on accorde au sport dans l’entreprise. Les discours des décideurs sont, à ce
titre, souvent révélateurs de cette idéologie.
2. Voir à ce propos les synthèses de Poilbot-Rocabois (1995) sur les recherches portant sur la satisfaction des individus à l’égard des avan-
tages sociaux et de la rémunération.
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 75

1.1. De la culture à l’identité d’entreprise Pourtant, vingt ans après leurs recommanda-
L’entreprise est particularisée par une cul- tions, ces secrets ne le sont plus vraiment et
ture (R.F.G., 1984). Elle a une culture – dans cependant peu d’entreprises peuvent se vanter
le sens de posséder – et est une culture – dans le d’avoir réalisé le tour de force de devenir com-
sens d’exprimer – (Thévenet, 1986). D’une pétitives à travers ces « empiriques conseils ».
manière générale, il est admis que cette culture Durant cette période, la problématique de la
d’entreprise se caractérise par plusieurs élé- culture d’entreprise s’est construite autour de la
ments (Ramanantsoa, 1988) : – les croyances, genèse culturelle – comment maîtriser la trans-
valeurs et normes – les mythes et histoires – les formation de ma culture ? – et des problèmes
rites collectifs – les tabous3. Le concept de cul- d’acculturation (Mandon, 1990) – comment
ture reconnaît effectivement qu’au-delà des intégrer et acquérir une culture idéale qui a fait
stratégies de l’entreprise, de sa manière de ses preuves ailleurs ? L’objectif était de changer
s’organiser et de ses processus décisionnels, il et de s’adapter à la culture « qui marche », à
existe un élément d’importance à prendre en celle qui fédère. La maîtrise de ces éléments
compte, « la vie des salariés dans l’entreprise » devenait alors un véritable enjeu (Du Gay &
(Morin, 1999). Salaman, 1991).
Avec le concept d’identité et la notion d’ima- Finalement le peu de réussite de ce type de
ginaire organisationnel, le débat donne une politique montre l’existence d’autres variables
place encore plus privilégiée aux salariés. En dans le mécanisme. Penser que le changement
intégrant les représentations que les salariés se culturel est un processus simple – le choix de la
font de leur entreprise, l’identité va au-delà bonne culture – et mécanique – l’adhésion des
d’une approche en termes de productions sym- salariés à cette culture – (voir dans cette perspec-
boliques observables (Reitter & Ramanantsoa, tive de Kerven, 1986 ou encore Aktouf &
1985 ; Anastassopoulos et al., 1985) et impulse Chrétien, 1987), c’est oublier trois éléments fon-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


une véritable remise en cause conceptuelle damentaux et étroitement liés : la complexité de
autour de la notion de relativité contextuelle. la personne humaine (Reitter, 1991), la notion
En effet, la culture s’est développée comme une de pouvoir (Reitter & Ramanantsoa, 1985) et la
« recette » miracle pour améliorer les perfor- relativité culturelle (D’Iribarne, 1986). Une cul-
mances de l’entreprise : la « corporate culture » ture n’existe qu’au regard des conditions con-
(Bosche, 1984) semblait être la solution à tous textuelles qui la déterminent. C’est ce contexte
les problèmes entrepreneuriaux4. Quelques et l’intérêt des acteurs du système pour cette
consultants ont alors tenté de décrire les cultu- culture légitime qui génère ou ne génère pas
res idéales (Peters & Waterman, 1983) et de l’adhésion5. Ne pas prendre en compte la
pénétrer « les secrets des meilleures entreprises ». dimension humaine de cette culture, c’est à la

3. L’idée de culture d’entreprise apparaît au début des années 1980 aux États-Unis avec l’ouvrage de Deal et Kennedy, Corporate Culture
(1982). L’objet et les méthodes sont élaborés à partir du concept anthropologique de culture (même si les premières réflexions sur la ques-
tion se réfèrent peu aux travaux anthropologiques). L’observation ethnographique et l’analyse de contenu de documents (journal d’entre-
prise, discours de direction, etc.) sont privilégiées pour aborder les productions symboliques (Thévenet, 1984).
4. Même si les méthodes et l’objet restent proches, le concept de culture utilisé dans le sens « corporate culture » est resté réducteur et
manipulateur au regard du sens qu’il pouvait avoir en anthropologie (Cuche, 1996). Son utilisation réduisait la culture d’entreprise à un
état idéal d’adaptation culturelle de l’individu à son environnement et source de cohérence et de cohésion. La culture était perçue comme
extérieure à l’individu et non comme la production d’un ensemble d’individus dans un processus d’interaction culturelle. Elle devenait
une variable à manipuler.
5. Minimiser, voire négliger la question du pouvoir dans le processus de changement culturel, c’est oublier que le pouvoir est un élément
fondamental des processus relationnels entre les individus, que les individus n’ont pas tous intérêt à changer et que, souvent, derrière les
comportements de résistance se trouvent des motivations visant la conservation de la culture légitime car source de pouvoir. Or le change-
ment est un véritable enjeu de pouvoir car il « re-détermine » les rapports de force et modifie les pouvoirs de chacun des acteurs.
76 Fabrice Burlot

fois lui donner un caractère universel – repro- l’approche culturelle. Bien au contraire, il s’agit
ductible – et nier sa relativité contextuelle – le de dire que, sur la base de cette réalité, dont les
caractère unique de la communauté humaine salariés sont eux-mêmes acteurs, se construi-
sur la base de laquelle elle s’est constituée –, sent leurs représentations et qu’il est tout aussi
d’où l’idée de penser qu’il n’y a pas une mais des important d’utiliser le regard extérieur de
cultures et que chaque entreprise est unique l’observateur qu’intérieur des acteurs. Dans ce
(Larçon & Reitter, 1979). sens, l’identité visible est la plupart du temps
Au regard de ces éléments, on comprend abordée à partir d’approches ethnographiques
l’importance de dépasser le caractère figé de la et l’identité révélée à partir de questionnaires
culture et, tout en recourant aux représenta- ou d’entretiens portant sur trois thèmes
tions, de donner une place privilégiée aux d’informations à recueillir : l’image du métier,
salariés : comprendre le rapport qu’ils entre- des structures de pouvoir et de l’entreprise
tiennent avec cette culture (Mintzberg, 1990 ; (Ramanantsoa, 1988).
Reitter, 1991). C’est autour de ce rapport que Pour terrain de cette étude, nous nous
va se construire la spécificité identitaire d’une appuierons sur le cas de l’entreprise Nil dans
entreprise : son identité. L’identité engage laquelle nous avons effectué un premier travail
dans une construction dynamique, elle dépasse de recherche en situation d’observation partici-
le visible et nous projette dans une dimension pante au sein du club sportif (six mois). L’étude
beaucoup plus abstraite, celle de l’imaginaire. Il engagée ici s’inscrit donc dans une continuité
s’agit d’aller au-delà d’une simple compréhen- empirique et conceptuelle : approfondir la con-
sion de l’image émise par l’entreprise (sa réalité naissance d’un cas par le recours à une nou-
et ce qu’elle paraît être au regard de l’observa- velle perspective théorique. Aussi, pour bien
teur) pour analyser l’image perçue par les expliciter notre problématique, il est nécessaire
salariés : l’imaginaire organisationnel. L’imagi-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


de la présenter sur la base de notre première
naire organisationnel est défini par Ramanant- étude.
soa comme un jeu de représentations qui
Cette première étude portait sur l’analyse
renvoie à trois types d’images : quelles repré-
du fonctionnement du club sportif et de son
sentations ont les salariés de leur entreprise,
intégration dans la politique générale de
des structures de pouvoir et de leur métier ?
l’entreprise. La politique générale de cette
Cette prise en compte est capitale car, si les sala-
entreprise avait été analysée en montrant com-
riés sont dans une organisation qui construit
ment dans cette réalité s’intégrait avec cohé-
leur identité au travail (Sainsaulieu, 1977), il est
rence le club sportif. Il répondait à une
donc impératif de comprendre leurs représen-
véritable reprise de l’initiative sociale et au-delà
tations.
satisfaisait un objectif de cohésion interne, élé-
1.2. Contribution des pratiques sportives ment stratégique pour une entreprise aussi
à la construction de l’identité d’entreprise diversifiée.
Pour répondre à la question de la participa- Nil est en effet une entreprise d’origine
tion du sport à l’identité d’entreprise, le choix a américaine fortement diversifiée (60 marchés
été fait de travailler sur la dimension révélée de différents) et implantée en France depuis les
l’identité et de privilégier ainsi le regard années 1950. Elle compte aujourd’hui 3000 sala-
interne des acteurs à travers des entretiens riés sur notre territoire et plus de 80 000 dans
semi-directifs. Dans ce propos, il ne s’agit pas le monde. Au-delà de ces données structurelles,
de remettre en question la démarche ethnogra- l’une des particularités de cette entreprise tient
phique (Vassy, 1999), ni même l’existence de à la place qu’y occupent les pratiques sportives.
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 77

Elles sont gérées par l’un des cinq services de la que sociale de l’entreprise Nil, va-t-il participer
division des ressources humaines : le club Nil. À à la définition de cette identité ? Quel type
ce titre, elles constituent un élément fort de la d’identité va alors se dégager ?
politique sociale de l’entreprise. Nil fait en effet Cette question est d’autant plus pertinente
partie des rares entreprises en France où le que des recherches sur les pratiques sportives
sport associatif est géré par la direction des res- d’entreprise montrent que le sport est un vec-
sources humaines. Cas de figure qui est souvent teur de communication interne améliorant la
le fait d’entreprises implantées sur notre terri- cohésion et la réactivité de l’entreprise. D’une
toire après la Seconde Guerre mondiale et où, part, il crée des réseaux de communication
surtout, l’héritage syndical est peu important. spécifiques et informels qui multiplient les
En effet, le contexte de la France est particulier interfaces à l’intérieur de la structure organisa-
puisque, depuis 1945, c’est au comité d’entre- tionnelle (Burlot, 2000). D’autre part, il devient
prise que revient le droit de gérer le sport dans la source d’une identification commune qui va
l’entreprise. Cette situation est confirmée en participer au renforcement des liens sociaux
1984 : « Le comité d’entreprise définit la politique des constitutifs des réseaux sportifs (Burlot, 1997).
activités physiques et sportives dans l’entreprise. Il les Aussi peut-il paraître intéressant de s’interro-
organise et les développe dans le cadre des activités ger également sur le rapport qu’il peut entre-
sociales et culturelles prévues par l’article L. 4327 du tenir avec l’imaginaire organisationnel. Car
code du travail » (article 20 de la loi du 16 juillet au-delà de la force des liens sociaux interindivi-
1984 relative à l’organisation et la promotion duels constitués sur la base des pratiques spor-
des activités physiques et sportives). Les entre- tives, c’est véritablement de la force du lien
prises peuvent donc rarement utiliser le sport social unissant salariés et entreprise dont il est
dans le cadre de leur politique générale, sauf à question ici : un tel lien social peut-il être pro-
trouver des compromis avec le CE, comme c’est ducteur de différence identitaire ?
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


le cas chez Nil. Plusieurs raisons justifie l’intérêt de cette
Au-delà de cette place tenue dans les straté- interrogation.
gies et les structures de l’entreprise, le club Nil Tout d’abord, le club Nil ne recrute pas tous
a également un rôle à jouer dans la structure les salariés. Il touche 40 % du personnel. Une
décisionnelle et symbolique. Le directeur et différence contextuelle de départ existe donc
gestionnaire du club est un directeur des res- entre les salariés sportifs et non sportifs.
sources humaines mais, élément beaucoup plus Ensuite, l’engagement dans l’association spor-
important, le président du club occupe par tive fait davantage référence à la notion de
ailleurs les fonctions de Secrétaire Général de volontarisme. On adhère sans contrainte et par
Nil France. Il existe de véritables confusions passion sportive (même si le passage à l’acte
entre ce qui se réalise dans le club sportif et peut parfois être motivé par le coût modéré, le
dans l’entreprise. côté pratique de l’activité et l’intérêt stratégi-
Dans le cadre de notre problématique et au que). On peut donc émettre l’hypothèse que ce
regard de notre objet d’étude, le recours au phénomène d’engagement dans une activité
concept d’identité se justifie pleinement. En proposée par l’entreprise correspond à une
effet, les différents niveaux d’intégration du adhésion aux valeurs véhiculées à la fois par le
club Nil dans l’entreprise, qu’ils soient stratégi- club sportif et l’entreprise puisque, dans notre
ques, structurels, décisionnels ou culturels, sont cas, le club s’affiche comme un service de la
décrits. Pour autant, la question de l’identité direction des ressources humaines. Ce qui laisse
d’entreprise reste posée. En quoi cet avantage aussi supposer qu’il puisse exister une diffé-
social, cette intégration du sport dans la politi- rence de représentation antérieure, c’est-à-dire
78 Fabrice Burlot

une image de l’entreprise prédisposant les sala- Pour répondre à cette problématique, nous
riés à faire une pratique sportive sur leur lieu réaliserons donc une étude comparative
de travail. d’entretiens semi-directifs portant sur l’identité
Enfin, si la motivation à l’origine de l’acte révélée de Nil sur la base de trois groupes de
d’engagement se réfère souvent à une passion salariés : les salariés n’adhérant pas au club
sportive, la fidélisation se réalise sous une autre sportif (groupe A), les salariés adhérant au club
logique. La participation aux activités sportives sportif (groupe B) et les salariés adhérant et, de
d’entreprise satisfait davantage, chez les sala- surcroît, s’engageant dans l’encadrement du
riés, un besoin d’appartenance communautaire club sportif (groupe C).
(Burlot, 1997). On peut alors émettre l’hypo-
thèse qu’une telle satisfaction renforce l’adhé- 2. APPROCHE QUALITATIVE
sion à la culture du club sportif, voire à la DE L’IDENTITÉ D’ENTREPRISE
culture d’entreprise. Depuis les travaux PAR LA MÉTHODE DES ENTRETIENS
d’Herzberg (1966) sur les motifs de satisfaction
jusqu’aux travaux portant plus spécifiquement La partie méthodologique se propose de
sur les différentes formes de rémunérations présenter les éléments de construction du
(Donnadieu, 1993 ; Fonchon & Melese, 1995 ; guide d’entretien, les logiques de détermination
Sire, 1993, 1995 ; Poilbot-Rocaboy, 1996), salai- de l’échantillon d’interviewés et la méthode
res et avantages sociaux, on connaît les consé- d’analyse d’entretiens élaborée pour répondre
quences imaginaires entraînées par ce type à notre questionnement.
de satisfaction quant à la motivation et à la
2.1. La construction du guide d’entretien
fidélisation des salariés. Dans une démarche de
marketing social (Igalens, 1992) ou interne Deux éléments ont été déterminants dans la
(Seignour & Dubois, 1999), les activités sporti- construction du guide d’entretien :
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


ves se présentent comme une réponse à un (a) Les trois types de représentation à aborder
besoin de sociabilité procurée par l’entreprise. pour définir l’identité révélée de l’entreprise.
Elles participent donc à la construction du lien – L’image du métier. Elle correspond à
social unissant salariés et entreprise (Bellemare, la perception qu’ont les salariés de leur
1999). En cela, même s’il peut exister une diffé- métier : leur travail, leur salaire, leur car-
rence antérieure de représentation, on peut rière, le contrôle, l’évaluation.
supposer également que les satisfactions appor- – L’image des structures de pouvoir.
tées produisent des effets sur les représenta- Elle s’articule autour des thèmes du pou-
tions. voir, des contre-pouvoirs, des rapports de
Aussi nous paraît-il intéressant de réaliser force, des prises de décision.
une étude comparative à l’intérieur de l’imagi- – L’image de l’entreprise. Elle porte sur
naire organisationnel entre les salariés sportifs ses principales caractéristiques : ses straté-
et non sportifs. Si la pratique sportive participe gies, ses valeurs, la gestion de son person-
à la construction de l’identité d’entreprise de nel, son ambiance.
Nil, une différence de représentation pourrait (b) La spécificité de l’entreprise Nil, dont nous
se constituer entre les salariés participant et ne avions une connaissance précise en raison de
participant pas au club sportif. On peut même notre premier travail de terrain. Cette connais-
émettre l’hypothèse que le niveau d’engage- sance est un élément capital dans le cadre
ment dans le club sportif peut refléter (repro- d’une méthode par entretien. D’une part, elle
duire ou induire) un niveau d’engagement permet de construire un guide spécifique à
pour l’entreprise. l’entreprise choisie et d’autre part, elle permet
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 79

lors de la phase de passation une meilleure salariés des trois groupes à comparer. Ensuite
maîtrise des questions posées et surtout des pour avoir, dans chaque groupe, un ensemble
relances recontextualisées. Par ailleurs, elle d’individus représentatif des types de salariés
place le travail dans une logique d’interactivité existant dans l’entreprise, quatre variables ont
terrain/théorie à laquelle nous adhérons parti- guidé le choix des personnes à interviewer.
culièrement. Quatre thèmes ont finalement (2) Le site administratif ou de production pour
constitué ce guide : l’histoire de l’entreprise et ne pas évacuer la population ouvrière. Il existe
de l’interviewé, le métier de l’interviewé, l’orga- une différence de culture très importante entre
nisation et la vie de son service, les caractéristi- les deux sites distants de 10 km : « on est des
ques de l’entreprise. usines » ou, « on est de la tour ! » (extraits de
2.2. La construction de notre échantillon discussions).
Cinq critères ont guidé notre choix : (3) Jeunes embauchés de moins de deux ans
(1) Responsables (groupe A) / Adhérents (avec des stagiaires en contrat de qualification)
(groupe B) / Non-adhérents (groupe C). et des anciens répartis en moins de 10 ans et
L’objectif était, au-delà de la comparaison plus de 10 ans. Nous voulions des moins de
membres/non-membres, d’analyser si le niveau deux ans car ils n’ont pas connu le plan social
d’investissement dans le club pouvait jouer sur réalisé deux ans et demi avant le début des
les représentations. Notre période d’observa- interviews. Ensuite nous voulions une réparti-
tion participante laissait supposer une possible tion équilibrée entre les plus de 10 ans et les
relation. Cette distinction a permis de définir les moins de 10 ans.
Tableau 1. Caractéristiques des interviewés

Échantillon théorique sur 50 Échantillon résultat de 40


© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


Caractéristiques statutaires et professionnelles personnes (Colonne A) personnes (Colonne B)
des salariés interrogés
Effectif % Effectif %
Responsables (groupe A) 10 20 10 25
Adhérents (groupe B) 20 40 17 42,5
Non-adhérents (groupe C) 20 40 13 32,5
Administratif 30 60 29 72,5
Production 20 40 11 27,5
Contrats de qualification 2 4 2 5
Jeunes embauchés (-2 ans) 8 16 7 17,5
Anciens (-10 ans) 20 40 15 37,5
Anciens (+10 ans) 20 40 16 40
Ouvriers 9 18 8 20
Employés 9 18 8 20
Maîtrise 9 18 9 22,5
Commerciaux 9 18 3 7,5
Cadres 5 10 5 12,5
Ingénieurs 5 10 3 7,5
Cadres supérieurs 3 6 3 7,5
Directeurs 2 4 1 2,5
Syndicalistes(1) 8 16 7 18
Non syndicalistes 42 84 33 82
(1). Parmi les sept syndicalistes, quatre ont des responsabilités au club sportif et trois n’adhèrent pas.
80 Fabrice Burlot

(4) Les catégories ouvriers, maîtrises, employés, 2.3. Construction d’une méthode d’analyse des
commerciaux, ingénieurs, cadres, cadres entretiens
supérieurs et directeurs pour constituer un L’analyse de contenu a été réalisée en trois
échantillon représentatif de l’ensemble des étapes sur la base des trois thèmes définis pré-
statuts. cédemment (l’image du métier, de la structure
(5) Des syndicalistes participant et ne partici- de pouvoir et de l’entreprise).
pant pas aux activités. L’observation partici- – Première étape : synthèse de chaque entre-
pante avait décelé l’existence possible d’une tien en fonction des thèmes et items retenus
différence de représentation entre ces deux dans la grille d’analyse (tableau 2 : thèmes et
populations. items).
Finalement 40 salariés ont été interviewés – Deuxième étape : synthèse de chaque groupe
dont les caractéristiques au regard de ces (A, B et C) en fonction des thèmes et items.
cinq critères sont consignées dans le tableau 1. – Troisième étape : étude comparative des
La colonne A représente notre objectif initial. groupes.
Tableau 2. Grille d’analyse des thèmes et items

Thème n° 2 :
Thème n° 1 : Thème n° 3 :
Numéro du salarié Image de la structure
Image du métier Image de l’entreprise*
de pouvoir.
Puissance - Innovation -
Le travail en lui-même Autonomie
Diversifié
Carrière Coopération Image - Produit
Salaire Pouvoir L’ambiance - Sécurité
Caractéristiques importantes du salarié Évaluation Le pouvoir décisionnel Charge de travail
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


Personnel
Contre-pouvoir :
Formation : Liens avec la Le plan social est souvent
Il apparaît uniquement
carrière transversal aux trois
chez les syndicalistes.
précédents items.
Synthèse
* L’image de l’entreprise se compose finalement de deux thèmes : l’entreprise en elle-même et le salarié dans cette entreprise.

Une fois la synthèse par groupe réalisée, sur de positivité. Le tableau 3 en explique le principe.
la base des thèmes et items choisis, une étude Finalement, sur la base de ce premier travail, une
comparative a été engagée afin de vérifier dans synthèse des niveaux de représentation a été réa-
quelles mesures il existait des différences de lisée. Elle se présente sous deux formes :
représentation entre les trois groupes d’indivi- – Un tableau de synthèse des différents signes
dus déterminés (A, B et C) et ainsi répondre à attribués aux images (cf. tableau 4). La somme
la question centrale de ce travail : l’engagement des signes obtenus sur chaque thème a été réa-
dans des activités sportives associatives d’entre- lisée pour chaque groupe. Un récapitulatif du
prise peut-il être producteur de différences nombre de (+), de (+-) et de (-) est donc dispo-
identitaires ? nible sur chaque image.
Par ailleurs, un outil d’analyse de contenu a – Une « note synthèse » pour chaque inter-
été construit afin de faciliter le traitement des view. Elle a été déterminée sur la base des
entretiens tout en commençant à analyser les signes obtenus et en fonction du calcul suivant.
niveaux de représentation en termes de degrés Aux signes (+) (+-) (-) ont été respectivement
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 81

atttribués 2 points, 1 point et 0 point. Une note structure de pouvoir (-) – Image de l’entreprise
allant de 0 à 6 par cumul des trois images est (+-) –, obtient une note synthèse de 3 (2 + 0
donc obtenue pour chaque synthèse d’inter- + 1). Finalement, nous avons consigné dans le
view. Par exemple, un salarié dont les images tableau 5 l’ensemble des notes synthèses obte-
sont : – Image du métier (+) – Image de la nues pour chaque groupe.
Tableau 3. Note technique

Construction d’un outil d’analyse de contenu


Définition de trois niveaux de représentation. Nous avons évalué le contenu de chaque discours en fonction de trois niveaux de
représentation : (+) signifiant image positive, (-) signifiant image négative, (+-) signifiant image neutre. L’image neutre traduit un
discours de deux ordres. D’une part, un discours où les appréciations positives et négatives se neutralisent sur un même item.
D’autre part, un discours sans engagement en termes d’interprétation ou de jugement, mais ce type de discours est rare dans les
entretiens. Les réalités décrites par les interviewés sont la plupart du temps engagées, car ils se trouvent au cœur d’une confronta-
tion identitaire entre ce qu’ils sont et aimeraient être et ce qu’est leur entreprise et ce qu’ils aimeraient qu’elle soit. Leur entreprise
est donc perçue, interprétée et jugée en permanence dans l’élaboration de leur discours. On perçoit ici tout le sens que peut pren-
dre la notion d’« identité révélée » : c’est ce qui, au-delà de la réalité matérielle, révèle le sens de l’entreprise. On peut s’afficher
comme une entreprise citoyenne mais elle peut être perçue comme une entreprise inhumaine en interne (puisque le concept
d’identité n’engage que les salariés ; voir la conclusion sur le prolongement du concept).
Quatre paramètres ont guidé la détermination de ces niveaux. Si le contenu est parfois amplement suffisant pour comprendre si
l’image est positive, neutre ou négative, il demeure parfois insuffisant et le ton, les mimiques (comme un hochement de tête désabusé
suivi d’un long silence) peuvent devenir des éléments déterminants de ce niveau d’image. Nous n’avons pas répertorié l’ensemble
de ces tons et mimiques qui ont parfois orienté notre interprétation, mais lorsque nous avons estimé qu’ils avaient de l’importance,
nous les avons pris en compte. Au-delà, deux autres éléments nous ont paru également très importants à prendre en considération
dans la mesure du signe de l’image : la longueur du discours et son « moment d’attaque ». Nous entendons par « moment d’attaque » le
fait qu’un item soit abordé sans que nous n’engagions une question lui étant directement relative. Il traduit souvent une idée posi-
tive ou négative importante chez l’interviewé. La longueur du discours, qui se traduit souvent par des répétitions, des réexplica-
tions, des recontextualisations, atteste la plupart du temps un élément marquant pour l’interviewé qui vient appuyer d’autres idées.
À titre d’exemple, le plan social, pour ceux qui le vivent très mal, est un élément longuement décrit et souvent résurgent sous forme
de justifications dans les discours sur l’entreprise, ses acteurs, etc.
Classification des contenus de discours en fonction des trois niveaux de représentations. Les discours relatifs à chaque item et thèmes ont
été classés en fonction des trois niveaux de représentation dans des fiches synthèses sous forme de tableaux (voir annexe 1 : exemple
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


de présentation d’une grille d’analyse de synthèse). Les différents items sont répartis dans des colonnes correspondant à leur signe.
La première colonne correspond à la synthèse de l’image à laquelle nous avons également attribué un signe.

Tableau 4. Synthèse des signes obtenus

Images Métier Structure de pouvoir Entreprise Total


Groupe A 7(+) 2(+-) 1(-) 6(+) 2(+-) 2(-) 5(+) 4(+-) 1(-) 18(+) 8(+-) 4(-)
Groupe B 12(+) 5(+-) 0(-) 13(+) 4(+-) 0(-) 8(+) 8(+-) 1(-) 33(+) 17(+-) 1(-)
Groupe C 4(+) 7(+-) 2(-) 5(+) 3(+-) 4(-) 2(+) 7(+-) 4(-) 11(+) 17(+-) 10(-)

Tableau 5. Notes synthèses

Groupe A Groupe B Groupe C


(10 salariés n°1 à 10) (17 salariés n°11 à 27) (13 salariés n°28 à 40)
Très positive(1) 66666 666666 66
Positive 5 5555 5
Plutôt positive 4 444 4444
Neutre(2) 3 333 3
Plutôt négative 2 22
Négative 11 1
Très négative 00
Moyenne 4,4/6 4,65/6 3,15/6
(1). Signifie trois réponses positives pour l’interviewé.
(2). Signifie trois réponses neutres ou une réponse neutre, une positive, une négative.
82 Fabrice Burlot

3. DES GROUPES IDENTITAIRES traitement quantitatif de données qualitatives,


MARQUÉS PAR LEUR ENGAGEMENT SPORTIF il nous a cependant paru intéressant avant
l’analyse comparative des contenus de prendre
La dynamique de cette analyse se construira acte de ces différences. Une analyse de la
autour d’un double questionnement : où se composition des groupes sociaux sera égale-
situent les différences d’image, et sur quels ment réalisée afin de vérifier l’équilibre des
paramètres convergent-elles ? Elle se réalisera groupes constituant l’échantillon et d’examiner
en deux temps : l’influence des variables exogènes (statut, site,
– Une analyse comparative des niveaux de ancienneté, activité syndicale) sur les différen-
représentation en nous appuyant sur les diffé- ces identitaires (tableau 6).
rents indices chiffrés de nos synthèses. Nous – Une analyse qualitative des éléments de
sommes conscients des limites en termes de divergences et de convergences sur les trois
précision et de pertes d’informations d’un tel images (métier, pouvoir et entreprise).
Tableau 6. Répartition des notes des interviewés en fonction de leurs caractéristiques statutaires et professionnelles

Groupe A Groupe B Groupe C


Administratif 11346666 3445555666666 02344456
Production 56 3345 01246
Contrats de qualification 56
Jeunes embauchés (-2 ans) 566 446
Anciens (-10 ans) 466 3445556 12346
Anciens (+10 ans) 1135666 33466 00245
Ouvriers 3 335 0124
Employés 54366 034
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


Maîtrise 145666 5 46
Commerciaux 665
Cadres 1 5 265
Ingénieurs 44 4
Cadres supérieurs 66 6
Directeurs 6
Syndicalistes(1) 1656 012
Non syndicalistes 144666 33344455555666666 023444566
(1). Parmi les sept syndicalistes, quatre ont des responsabilités au club sportif et trois n’adhèrent pas.

3.1. Analyse comparative des synthèses ses positives pour les groupes A et B et une
répartition assez équilibrée pour le groupe C.
3.1.1. Des différences marquées Pour le tableau 5, les notes synthèses obtenues
par la pratique sportive montrent une différence de moyenne impor-
Une lecture comparative des tableaux 4 et 5 tante entre les deux premiers groupes et les
montre l’existence d’une importante différence non-participants. Les groupes A et B ont res-
entre les trois groupes. Les salariés participant pectivement des moyennes de 4,4 et 4,65 con-
au club (groupe A et B) ont une perception tre 3,15 pour le groupe C. Cependant,
plus positive de leur entreprise que les salariés l’hypothèse selon laquelle une différence de
n’y participant pas (groupe C). Le tableau 4 représentation pouvait exister entre les adhé-
met en évidence une concentration de synthè- rents investis de responsabilités et les simples
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 83

participants, ne se vérifie pas sur une telle lec- l’image du club pour rouler sa caisse à l’extérieur »
ture. Elle se trouve même légèrement inversée. (Groupe A1, ouvrier, syndicaliste).
Cette inversion peut cependant s’expliquer. Si l’on exclut donc ces deux sujets de notre
Tout d’abord elle n’est pas véritablement échantillon, la moyenne passe à 5,25/6, chiffre
significative : 4 % entre A et B (obtenu par le très significatif de cette positivité, d’autant plus
rapport (4,65-4,4)/6) alors qu’elle est de 21 % que dans l’échantillon des huit personnes res-
entre A et C et de 25 % entre B et C. Il apparaît tantes se trouvent trois syndicalistes dont on
ensuite à la lecture des notes-synthèses que aurait pu attendre dans un contexte de restruc-
deux salariés dénotent avec la tendance géné- turation une position plus critique à l’égard de
rale de l’échantillon. Leur image très négative l’entreprise. Certains syndicalistes expliquent
réduit considérablement la moyenne. L’ana- cette situation comme le résultat de l’instru-
lyse de leur trajectoire professionnelle semble mentalisation du club et tiennent à s’en
alors intéressante pour expliquer ce position- démarquer : « Moi, je refuse d’aller en voyage avec
nement. le club… J’ai toujours refusé qu’on m’achète pour
La présence du premier à un poste à res- quoi que ce soit. Jamais tant que je serais élu du per-
ponsabilité s’explique par un investissement sonnel, je ne participerai » (Groupe A1, ouvrier,
très ancien dans le club sportif et parallèlement syndicaliste).
une situation récente d’« amour déçu » avec Dans la même perspective, la cohérence de
l’entreprise. Il ne possède pas un niveau l’ensemble des autres interviewés a été analysée
scolaire élevé (baccalauréat), mais grâce à un afin de tenir compte de toutes les trajectoires
investissement professionnel élevé occupe particulières qu’elles donnent lieu à des images
aujourd’hui un niveau de responsabilités positives ou négatives. Ainsi, il existe deux indi-
important dans l’entreprise. Cependant, à vidus dans le groupe A (interviews 2 et 5) qui
terme, le service dont il est responsable risque occupent des responsabilités importantes dans
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


de disparaître. Sa carrière est stoppée. Sans l’entreprise (direction). Cependant, leur pré-
perspectives, il est très inquiet pour son avenir. sence n’entraîne pas une modification significa-
Son image de l’entreprise est extrêmement tive de l’image, on reste à 5/6. Par ailleurs, il est
négative, même sur des éléments reconnus sans doute normal de trouver dans nos échan-
comme positifs par l’ensemble de salariés. Son tillons des personnes qui ont particulièrement
pessimisme est tel qu’il juge même très négati- bien réussi et inversement. Par contre, il est très
vement le club alors qu’il y occupe des respon- contradictoire de trouver à ce niveau d’investis-
sabilités et qu’il y participe activement : « Pour le sement en responsabilité un individu percevant
club, n’importe quel CE, n’importe quelle boîte de très négativement la structure dans laquelle il
même niveau a, au moins, aussi bien… si c’est pas s’investit bénévolement. Concernant les deux
mieux » (Groupe A10, cadre). autres groupes, aucune trajectoire n’est vérita-
La présence du second s’explique politique- blement marquée à l’exception des trois syndi-
ment. Il est l’un des syndicalistes les plus actifs calistes faisant partie du groupe C. Deux
de l’entreprise. Il occupe un poste à responsa- d’entre eux (28 et 29) ont une image très néga-
bilité au sein du club uniquement pour exercer tive de l’entreprise (0/6 et 1/6) alors que le der-
un contre-pouvoir dans cette structure qu’il nier émet des critiques beaucoup plus
estime au service de la direction : un outil de atténuées (2/6). Dans ces conditions de rema-
manipulation et de détournement de l’argent niement, ce groupe reste tout de même à 3,8 de
du comité d’entreprise : « Le club devrait être géré moyenne, ce qui donne 14 % de différence avec
par le CE car il est financé par le CE… Nil se sert de les adhérents (4,65) et 24 % avec les responsables
l’argent du CE pour faire fonctionner le club et de (5,25) compte tenu également du remaniement
84 Fabrice Burlot

de l’échantillon A en fonction des trajectoires Pour conclure sur cette première partie,
particulières. quels que soient les remaniements et les croise-
ments, la tendance différentielle entre les grou-
3.1.2. Des différences marquées
à l’intérieur des groupes sociaux pes sportifs et non sportifs reste toujours
importante. La même réalité est interprétée et
Le choix méthodologique d’une analyse
jugée différemment suivant l’engagement spor-
comparative entre les sportifs et les non-sportifs
tif sans que cela ne remette en cause les diffé-
(engagés et non engagés dans l’encadrement)
rences liées aux cultures de métiers ou aux
ne signifie pas l’exclusion des autres variables.
situations professionnelles. Bien au contraire,
Loin de nous l’idée de penser que l’entreprise
il semblerait que l’appartenance sportive dif-
forme « une unité » culturelle. L’analyse n’est
férencie les groupes sociaux. Sur la base de
pas centrée sur cette question mais la culture
cette analyse, nous allons désormais essayer
des cadres n’est pas celle des ouvriers, ni celle
de comprendre les éléments de convergence
des syndicalistes. L’observation participante et
et de divergence sur lesquels reposent ces dif-
les entretiens montrent des groupes sociaux
férences de représentations, cette identité
différents et à l’intérieur de certains d’entre
plurielle.
eux des variations d’images parfois dépendan-
tes de l’appartenance au club. 3.2. Analyse comparative des trois types d’image
Une synthèse de notes a été réalisée pour 3.2.1. Le métier
préciser cette question (tableau 6). Elle montre En dehors d’une convergence commune
tout d’abord un certain équilibre dans la com- aux interviewés des trois groupes autour de
position des groupes. Nous qualifions cet l’intérêt pour le métier et d’une conscience pro-
équilibre de « certain » car l’objectif étant la fessionnelle élevée, il existe plusieurs éléments
comparaison des groupes A, B et C, ce sont sur- de différence.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


tout ces trois dimensions qui ont guidé la consti- Groupe Responsables (A) et Adhérents
tution de l’échantillon. L’analyse des différences (B) : quelques divergences et de nombreuses
d’images, encore une fois informative, met en convergences. En ce qui concerne la carrière et
évidence plusieurs éléments appuyant l’idée de les salaires, les images sont sensiblement identi-
différences de représentation importantes entre ques entre les responsables et les adhérents. La
les groupes sociaux. Plus on monte dans la hié- majorité pensent que l’on fait carrière chez Nil :
rarchie sociale de l’entreprise, plus on est en « On fait carrière chez Nil. Je crois que Nil se situe
début de carrière et plus l’image de l’entreprise globalement en termes de salaire, conditions de tra-
semble s’améliorer. La réussite ou l’espérance vail, participation dans les 25 meilleures entreprises.
de réussite (pour les cadres et les jeunes) et sur- Je discute beaucoup avec les petits jeunes qui sont sous
tout le contexte de plan social sont, sans aucun contrat, ils disent : quand on voit les salaires à l’exté-
doute, très influents dans cette observation. Par rieur, on est bien content d’avoir cela » (Groupe A3,
ailleurs, il apparaît des différences de représen- agent de maîtrise, délégué syndical). On note
tation entre les sportifs et les non-sportifs à cependant, dans des proportions minoritaires,
l’intérieur de certains groupes sociaux comme deux craintes : sans diplômes, on est sans ave-
les ouvriers et les employés des groupes B et C nir et l’investissement ne serait plus l’unique
ou encore les syndicalistes. Cependant, la fai- critère de réussite. Quant aux salaires, ils sont
blesse des effectifs ne permet pas de systémati- jugés élevés même si une petite dégradation est
ser ce constat d’une différenciation par le sport constatée.
dans les groupes, elle permet tout au plus de Les représentations divergent uniquement
donner de nouvelles pistes d’exploration. sur l’évaluation. Les responsables la présentent
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 85

comme un élément positif car déterminant de faire valoir auprès de leur hiérarchie et basta »
la carrière et des salaires, alors que les adhé- (Groupe C31, employé).
rents sont partagés entre la vision idéalisée pré- Conclusion. Finalement, une certaine perte
cédente et à nouveau le problème des de confiance dans la capacité de l’entreprise à
diplômes. Sans diplôme, même dans les condi- récompenser le travail réalisé (le travail des
tions d’une évaluation positive, aucune évolu- anciens et l’investissement présent) ressort de
tion de carrière ou de salaire n’est possible. cette analyse. Une forte opposition semble éga-
Chez certains, on voit même une remise en lement se dégager entre le diplômé et le non
question de l’objectivité de cette évaluation trop (ou moins) diplômé. Cette double tendance
souvent soumise à la relation hiérarchique. trouve, sans doute, ses explications dans le
« L’évaluation d’accord, mais pour réussir chez Nil, il récent plan social réalisé deux ans auparavant
faut déjà avoir des diplômes… Ensuite, les relations (les départs en préretraite, même s’ils sont
ça compte dans une carrière. Il y en a qui montent financièrement très intéressants, symbolisent
très rapidement, donc soit ils ont des influences pour une forme de travail non récompensé) et dans
les aider, soit ils sont hyperdoués » (Groupe B19, l’embauche de jeunes salariés de plus en plus
agent de maîtrise) diplômés (baccalauréat pour les opérateurs et
Groupe Non-adhérents (C) : de nombreu- assistantes…). Mais ce qui est le plus étonnant,
ses divergences avec les groupes A et B. En ce et nous intéresse davantage, c’est que cette
qui concerne les carrières, les remarques mino- perte de confiance est fonction de la participa-
ritaires (groupe B) concernant les diplômes tion au club sportif. Ainsi, au-delà de la conver-
s’accentuent. Les avis sont partagés. Pour la gence d’image mise en évidence sur le métier,
moitié de l’échantillon, sans diplômes, quel que les trois groupes se différencient fortement et
soit l’investissement professionnel, aucune pro- un mouvement général d’amélioration de
gression n’est possible. En ce qui concerne les l’image du métier est constaté en fonction du
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


salaires, si les groupes A et B reconnaissent, niveau d’engagement dans le club sportif (res-
malgré une légère dégradation, un bon niveau ponsable, adhérent, non-adhérent). Le groupe
général des salaires, les non-adhérents sont responsable a une meilleure image de l’évalua-
particulièrement déçus : en termes de salaires, tion que le groupe adhérent. Le groupe adhé-
l’investissement est peu récompensé, mis à part rent perçoit plus positivement les carrières et
pour les cadres. Enfin, pour l’évaluation, les salaires que le groupe non-adhérent et le
l’image du groupe des non-adhérents converge groupe responsable a une image plus positive
avec celui des participants et s’oppose à celui que le groupe non-adhérent sur carrière, salai-
des responsables. Les avis sont partagés entre res et évaluation. Au fond, ces différences
des salariés jugeant l’évaluation comme le d’interprétation et de jugements révélatrices
moyen de faire évoluer salaires et carrières et d’une crise de confiance renvoient à une ques-
des salariés jugeant l’évaluation comme totale- tion identitaire fondamentale : le caractère
ment subjective et pas nécessairement détermi-
juste ou injuste du comportement entrepre-
nante car secondaire par rapport aux
neurial. Dans notre cas, deux groupes identitai-
diplômes : « Le problème, c’est qu’avant tu avais la
res semblent se dégager et caractériser une
chance d’avoir une évolution de carrière qui pouvait
entreprise juste pour les uns et, sans la définir
être due à ton savoir, à ton acquis dans la société et
injuste, moins juste pour les autres.
non pas à ton acquis par tes études. Je trouve que c’est
un peu frustrant de ne plus être reconnu au mérite… 3.2.2. La structure de pouvoir
De plus, il y a le côté politique. Tu sais, il y a des mecs Une convergence globale. Les images con-
qui font rien mais qui ont la tchatche, ils savent se vergent entre les trois groupes sur la plupart
86 Fabrice Burlot

des éléments. Il y a une bonne connaissance de martyrs – alors qu’il reste un problème au
la structure de pouvoir. Tous constatent avoir même titre que la pression hiérarchique
une réelle autonomie de travail et la coopéra- (groupe C) – la pression américaine n’est pas
tion avec les responsables est une constante une raison suffisante pour agir ainsi. Le sys-
managériale. tème de justification construit autour de la
Une divergence d’interprétation. Les ima- pression professionnelle est très intéressant, il
ges des deux premiers groupes divergent avec renvoie encore à l’idée de justice mais cette fois-
le groupe non-adhérent sur l’interprétation de ci interroge le caractère humain de l’entreprise.
la pression exercée sur les salariés en termes Pour tous, la pression exercée par le pouvoir
d’attentes professionnelles. Les groupes res- n’est pas juste mais, pour les uns, ceux qui ren-
ponsables (A) et adhérents (B) conservent une dent la justice sont responsables de la situation
bonne image du pouvoir, même s’ils décrivent alors que, pour les autres, ils sont comme eux
cette pression comme s’accentuant considéra- des victimes. Apparaît alors une entreprise à la
blement. Sur ce point, ils déresponsabilisent la fois humaine car victime et inhumaine car
direction française et rejettent la faute sur les dotée de comportements purement économi-
instances décisionnelles américaines : « Tout le ques. Cette situation traduit sans doute ce lien
monde ressent que l’économie redémarre. On aimerait privilégié semblant se mettre ici en place entre
avoir un retour des efforts fait durant deux ans. Je l’entreprise, plus particulièrement ses déci-
suis persuadé que notre patron s’en rend compte mais deurs, et le groupe social des sportifs. Une des
n’a pas forcément les moyens de lâcher quelque chose. pistes explicatives pourrait résider dans le fait
La direction française ne détient pas le pouvoir, il est qu’un certain nombre de ces décideurs sont
américain… » (Groupe A2, cadre, délégué syn- partie prenante du club sportif et y sont enga-
dical). Le groupe des non-adhérents insiste gés dans des responsabilités diverses. Ils sont
davantage sur cette pression. Elle devient un donc directement associés en termes d’images
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


discours central pour plus de la moitié des avec cet élan de sociabilité procuré par le club.
interviewés. Par ailleurs, même si on insiste Peut-être alors se construit-il autour d’eux une
également sur le fait que le pouvoir décisionnel image sociale assez forte pour être capable de
est détenu par les Américains, il n’est pas fait de construire des formes de justification de leur
ce constat une justification de la pression exer- comportement.
cée comme cela ressort dans les deux autres 3.2.3. L’image de l’entreprise
groupes : « Je suis assez sévère avec notre direc- Une convergence générale. Les représenta-
tion… C’est vrai qu’il y a un certain nombre de cadres tions relèvent a priori de contenus identiques.
qui sont entre le marteau et l’enclume, s’ils ne font pas D’une manière générale, les salariés ont une
ce qu’on leur dit, effectivement ils sont virés. Mais bon perception positive de l’entreprise, mais sont
ce n’est pas une raison pour agir ainsi » (Groupe plutôt insatisfaits de la politique sociale. Pour
C29, employé, délégué syndical). les trois groupes, l’image de l’entreprise con-
Conclusion. Une différence d’image en verge sur la puissance de Nil : une entreprise
fonction de l’engagement dans le club est éga- innovante, diversifiée, bien organisée dont
lement mise en évidence sur ce thème. Plus dif- l’avenir est certain. Elle possède une très forte
ficile à juger, elle ne se mesure pas directement notoriété qu’elle doit surtout à la qualité de ses
sur le contenu, puisque ressortent sensiblement produits. Les trois groupes mettent, par
les mêmes idées, mais dans la manière d’articu- ailleurs, en avant des problèmes de lourdeurs
ler ce contenu. Le pouvoir américain est la jus- de fonctionnement. Le dernier point de conver-
tification d’un état de pression (groupes A et B) gence concerne le plan social et ses effets immé-
– les responsables français sont transformés en diats quant à la dégradation de l’ambiance.
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 87

Au-delà de ce constat de convergence, il existe une première chez Nil. Finalement on se rend compte
pourtant une réelle divergence à l’intérieur que, du jour au lendemain, ça peut basculer pour
de ces images. D’une part, leur interprétation quelqu’un. Tout le monde en discute, tout le monde
est différente et d’autre part le développement spécule, tout le monde invente des trucs… on devient
des items est différemment accentué selon les un peu parano. Il y a forcément un impact au niveau
groupes. relationnel. L’ambiance n’est plus la même
Des différences d’accentuation. Le groupe aujourd’hui. » (Groupe B27, cadre).
des responsables (A) développe davantage dans – Le plan a provoqué également une sur-
ses discours les qualités de l’entreprise (puis- charge de travail différemment envisagée selon
sance, innovation, etc.). Pour les non-adhérents l’appartenance. Le groupe A la constate, mais
(C), on assiste à un développement plus consé- beaucoup l’acceptent comme une réalité écono-
quent du plan social, de la dégradation de mique à laquelle il faut s’adapter. « On a une sur-
l’ambiance, de la surcharge de travail, etc. Les charge de travail et le travail a changé. Donc il a
deux discours s’équilibrent quelque peu chez fallu s’adapter » (Groupe A4, agent de maîtrise).
les adhérents. Pour le groupe B, elle est développée par la
Des divergences d’interprétation. Les repré- moitié des interviewés, alors que pour le
sentations se différencient autour du plan social. groupe C la plupart développent ce thème. Le
Elles sont partagées entre majoritairement une ton est par ailleurs beaucoup plus virulent :
entreprise qui respecte ses salariés et minoritai- « Surtout pas dire qu’on en a trop. Par contre, c’est
rement une entreprise qui, pour assurer sa marrant tu parles avec tout le monde. Tout le monde
pérennité, n’hésite pas à sacrifier ses salariés. au niveau du boulot en a ras la casquette, tout le
Sur la base de ce constat, les images de l’entre- monde est survolté » (Groupes C31, employé).
prise divergent alors sur trois éléments : – Enfin, la sécurité de l’emploi apparaît
– Pour les responsables, même si l’ambiance comme un point de divergence essentiel. Les
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


s’est dégradée, elle demeure tout de même responsables ne mentionnent aucune insécu-
bonne. Un appel au réalisme est même lancé rité. Ils présentent Nil comme une entreprise
aux insatisfaits qui devraient s’informer de la où l’on entre pour faire toute sa carrière : une
situation dans les autres entreprises : « Faut pas véritable administration. À l’inverse, chez les
tout mélanger… il faut pas parler de morosité. Ils ont participants et les non-adhérents, on constate
qu’à voir à l’extérieur ce que c’est la morosité. Je crois un discours contraire décrivant le passage
qu’il faut être reconnaissant au jour d’aujourd’hui. d’une période de quasi-fonctionnariat à,
Moi je dis que je suis un privilégié. La morosité ici, aujourd’hui, une période où l’on peut se
faut pas abuser. Je te jure, je suis sévère avec ces retrouver licencié si l’entreprise se porte mal :
gens » (Groupe A3, agent de maîtrise). Pour le « Maintenant qu’il y a eu un premier plan de licen-
groupe des adhérents (B), l’image est diffé- ciement, ça refroidit tous les gens. Oui parce que chez
rente. On constate qu’il est apparu beaucoup Nil, on disait qu’on était embauché à vie… Il y a des
de stress, de méfiance et que les relations s’en gens qui l’ont appris au bout de six mois la veille de la
ressentent, mais cet état est immédiatement date limite où la direction pouvait le dire. C’était
relativisé au regard du contexte extérieur. Pour hyperdur… j’ai vu des gens partir, j’ai l’impression
les non-adhérents (C), le ton monte encore. La que c’était moi… Je trouve que c’est tragique »
longueur des discours sur l’ambiance dégradée (Groupe C37, cadre). Au-delà de ce contenu
se développe considérablement. D’énormes convergent, les groupes B et C se différencient
frustrations sont présentes chez certains sala- par la longueur du discours consacré à cette
riés. « L’ambiance était très très tendue. Et là j’ai question et par la virulence des propos. Les
senti qu’il se passait quelque chose. Ce plan, c’était salariés non adhérents semblent davantage
88 Fabrice Burlot

touchés par cette situation d’insécurité, idée lien d’une forme très particulière entre l’entre-
souvent absente des discours des adhérents. prise et les salariés sportifs, lien qui semble
Conclusion. S’il est communément admis déterminer une identité sociale très forte
que Nil est une entreprise puissante, les repré- et réenchantée (Sociologie du travail, 1986).
sentations sur sa situation actuelle divergent Au-delà, il faut cependant voir dans cette diffé-
fortement entre les trois groupes. Cette situa- rence de représentation, le résultat d’une
tion semble acceptée par les responsables, alors convergence de causes dans un contexte entre-
qu’elle est jugée comme se dégradant par les preneurial spécifique. Contexte entrepreneu-
adhérents et qu’elle génère, pour les non-adhé- rial spécifique car toutes les conditions sont
rents, des critiques virulentes. On ressent un réunies pour présenter le sport chez Nil
climat social extrêmement dégradé. Ambiance comme un élément réel de la politique sociale
déprimée, tension très importante sur la de l’entreprise : des rapprochements structu-
charge de travail et perte de confiance face à rels, décisionnels et symboliques sont effective-
l’avenir laissaient présager dès cette époque un ment engagés entre l’entreprise et le club
climat de fortes insatisfactions. Nil connaîtra la sportif. Convergence de causes car, même s’il
première grève de son histoire deux ans après est assez logique de penser dans la perspective
l’étude. Là encore, il est intéressant de consta- du sport défini comme un avantage social que
ter une certaine forme d’atténuation des criti- cette différence peut être le produit des satis-
ques et surtout une tendance à décrire d’un factions apportées par les pratiques sportives, il
côté une entreprise qui se déshumanise ne faut pas exclure l’existence d’une différence
(méfiance, ambiance détériorée), se dérespon- antérieure de représentation : on adhère au
sabilise socialement (sécurité de l’emploi) et club sportif car on a une image plutôt positive
d’un autre, une entreprise encore humaine et de son entreprise.
responsable. Aussi, sans exclure que l’engagement dans
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


le club puisse correspondre à une certaine
forme d’adhésion ex ante à l’entreprise, on ne
4. CONCLUSION peut pas pour autant nier l’existence d’un lien
très fort entre sociabilité sportive procurée par
L’analyse comparative montre des repré- l’entreprise et tendance à ne pas percevoir les
sentations très différentes en fonction de actions de l’entreprise comme inhumaines. Un
l’engagement sportif : les salariés participant au certain nombre de travaux sociologiques mon-
club Nil ont une meilleure image de leur entre- trent depuis quelques années que la quête
prise que les salariés non participants, et plus le d’une appartenance à des groupes à taille
niveau de responsabilité augmente dans le humaine est une lourde tendance contempo-
club, plus l’image de l’entreprise s’améliore. En raine (Maffesoli, 1988 ; Cathelat, 1997). Chez
dépassant ce constat et en analysant le contenu Nil, l’adhésion au club sportif d’entreprise par-
de ces différences, force est de constater que ticipe à cette tendance : la recherche d’un idéal
c’est bien du fondement identitaire de Nil dont communautaire dans une société où les liens
il est question ici. L’entreprise est perçue sociaux sont davantage distants. Quand Nil
comme étant plus ou moins « juste/injuste », apporte à ses salariés ce type de satisfaction, il
« humanisée/déshumanisée ». La perte de con- inscrit son action dans une politique de revalo-
fiance dans l’investissement récompensé est risation de son image sociale et se construit une
atténuée, un système de justification s’élabore identité plus humaine, plus juste. Cette situa-
autour de la pression professionnelle et du plan tion pourrait constituer une explication des dif-
social. Il semblerait donc qu’il se construise un férents systèmes de justification élaborés autour
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 89

de la pression professionnelle et du plan social. D’un point de vue managérial, les résultats
Ce qui ne manque pas de souscrire au débat de cette recherche souscrivent au débat de la
des limites de l’intervention sociale des entre- multiculturalité de l’entreprise : l’entreprise ne
prises. Jusqu’où les entreprises peuvent-elles se définit pas autour d’une culture stable et uni-
s’immiscer dans le jeu social ? Dans quelle que mais autour d’une diversité culturelle cons-
mesure peuvent-elles se promouvoir au rang truite sur la base de métiers, de professions, de
d’acteur social ? Ne risque-t-on pas de tomber services… L’analyse décrit une entreprise à
dans une nouvelle forme de paternalisme ? À multiples facettes identitaires, une entreprise
l’inverse, pourquoi leur soustraire le droit de perçue différemment selon les communautés :
s’engager dans le jeu social ? Ces questions, une entreprise plurielle. Certes, il existe un cer-
fondamentales pour notre société, se trouvent tain nombre de convergences identitaires
depuis les années 1990 à la convergence à la (comme la puissance) autour desquelles les
fois des sciences de gestion où l’on parle salariés donnent un sens commun à leur com-
d’entreprise citoyenne (d’Alméïda, 1995) et de portement et s’inscrivent dans une synergie
la sociologie de l’entreprise où l’on s’interroge commune, mais il existe également un certain
sur les rapports qu’entretient l’entreprise avec nombre de divergences (comme le caractère
la société (Bernoux, 1995; Thuderoz, 1996). Le humain ou inhumain) sur la base desquelles se
cas de l’entreprise Nil illustre bien cette ques- construisent les différences identitaires et peu-
tion. Cette reprise de l’initiative sportive par vent s’expliquer les crises d’identité. Il serait à
l’entreprise participe à un mouvement plus ce titre intéressant de prolonger le concept
vaste de reprise de l’initiative sociale par les d’identité par la notion d’imaginaire institu-
entreprises (Chevalier, 1991) et d’innovation tionnel, c’est-à-dire l’image perçue par l’envi-
sociale (Alter, 1996). ronnement. À notre sens, c’est au croisement
Le cas de l’entreprise Nil illustre également de ces différentes réalités et de ces différents
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


la question de l’instrumentalisation du sport regards que l’identité se construit, se définit,
dans l’entreprise. Depuis 1945, il revenait au trouve les motifs de ses crises et finalement
CE de gérer le sport dans l’entreprise afin trouve ou ne trouve pas sa cohérence.
d’éviter les dérives paternalistes dans lesquels Insérer ici annexe burlot
s’inscrivaient souvent jusqu’à la Seconde
Guerre mondiale le sport associatif d’entreprise BIBLIOGRAPHIE
comme chez Michelin (Bui-Xuan, 1989) où il
était un outil au service de la politique d’entre- D’ALMÉÏDA, N. (1995). L’entreprise à responsabilité illimitée, la ci-
prise. Le sport chez Nil s’inscrit clairement toyenneté d’entreprise en question. Paris, Édition Liaison.
dans cette perspective (voir aussi le cas du ALTER, N. (1996). Sociologie de l’entreprise et de l’innovation.
Paris, PUF.
GAN ; Pichot, 1998). Il est un enjeu fort de
ANASTASSOPOULOS, J.P., BLANC, G., NIOCHE, J.P. & RAMANANTSOA, B.
politique interne. Les entretiens réalisés auprès
(1985). Pour une nouvelle politique d’entreprise. Paris,
de syndicalistes sont particulièrement éclairants PUF.
sur cette question. Plus encore, les différences AKTOUF, O., CHRÉTIEN, M.(1987). « Comment se crée une cul-
de représentation fortement accentuées entre ture organisationnelle », Revue Française de Gestion,
les syndicalistes participant et ne participant 66, 156-166.
pas au club sportif posent la question de leur BARBUSSE, B. (1997). Sport et entreprise : des apports récipro-
ques en matière de gestion des ressources humaines. Thèse
indépendance et de l’intérêt de séparer ce qui
de doctorat non publiée, Université Paris V.
est du ressort de l’entreprise – l’économique –
BELLEMARE, G. (1999). « Marketing et gestion des ressour-
et ce qui est du ressort des partenaires sociaux ces humaines postmodernes. Du salarié-machine au
– le social. salarié-produit », Sociologie du travail, (1) 41, 89-103.
90 Fabrice Burlot

BERNOUX, P. (1995). La sociologie des entreprises. Paris, Seuil. IGALENS, J. (1992). « Le marketing social : une approche
BLANCHET, A., BOUKERCHA, A. & BONNET, P. (1991). « L’interacti- nouvelle de la gestion des ressources humaines », in
vité des relances dans l’entretien d’enquête », Con- Helfer, J.-P. & Orsoni J., Encyclopédie du management.
nexions, 57, 57-68. Paris, Vuibert, 62-77.
BOSCHE, M. (1984). « ‘Corporate culture’ : la culture sans D’IRIBARNE, P. (1990). « L’importance des spécificités cultu-
histoire », Revue Française de Gestion, 47, 29-38. relles nationales dans la gestion des ressources
BURLOT, F. (1997). Le sport en entreprise : un outil de cohésion humaines », Problèmes économiques, 2, 171-188.
interne. Enjeux identitaires et mécanismes idéologiques,. KERVEN, G.-Y.(1986). « L’évangile selon saint Mac », Gérer
Thèse de doctorat non publiée, laboratoire CRCS de et comprendre, 5, 26-41.
la division STAPS d’Orsay, Université de Paris XI KAPFERER, J.-N.(1988). « Maîtriser l’image de l’entreprise :
Orsay. le prisme d’identité », Revue Française de Gestion, no-
BURLOT, F. (2000). « Le sport en entreprise : un vecteur de vembre-décembre, 72, 76-82.
communication interne ». Revue STAPS, 53, 65-78. LARÇON J.-P. & REITTER R.(1979). Structure de pouvoir et iden-
BURLOT, F. (2001). « L’intégration du sport dans une poli- tité de l’entreprise. Paris, Nathan.
tique de gestion des ressources humaines. Le cas MAFFESOLI, M. (1988). Le temps des tribus. Le déclin de l’indivi-
d’Apple », in M. Desbordes, Stratégies des entreprises dualisme dans la société de masse. Paris, Méridien
dans le sport. Acteurs et management. Paris, Economica, Klincksiek, coll. Sociologies au quotidien.
181-195. MANDON, D. (1990). Culture et changement social, (approche
BUI-XUAN, G. (1989). « Les écoles Michelin optent pour la anthropologique). Lyon, coll. Synthèse.
méthode naturelle », in P. Arnaud, J.-P. Clément, MEIGNANT, A. & RAYER, J.(1991). Saute manager. Paris, Les
M. Herr, Clermont Ferrand, Édition AFRAPS, Éditions d’Organisation.
61-72.
MINTZBERG, H. (1990). Le management. Voyage au centre des
CATHELAT, B. (1997). Le retour des clans. Paris, Denoël. organisations. Paris, Les Éditions d’Organisation.
CHEVALIER, A. (1991). « Gérer par le social ou la finance », MISSOUM, G. & MINARD, J.-L.(1990). L’art de réussir. L’esprit du
in Beltran A. & Ruffat M., Culture et histoire d’entrepri-
sport appliqué à l’entreprise. Paris, Les Éditions d’Orga-
se. Paris, Les Éditions d’Organisation.
nisation.
CUCHE, D. (1996). La notion de culture dans les sciences sociales.
MORIN, J.-M.(1999). Sociologie de l’entreprise. Paris, PUF.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


Paris, Repère, La Découverte.
PICHOT, L. (1997). La construction d’une politique de communi-
DONNADIEU, G. (1993). Du salaire à la rétribution. Pour une
cation de l’entreprise. Stratégies de partenariat et développe-
nouvelle approche des rémunérations. Paris, Liaisons.
ment des organisations sportives dans les secteurs public et
DEAL, T.-E. ET KENNEDY, A.-A.(1982). Corporate Cultures, the privé. Thèse de doctorat non publiée, Laboratoire de
rites and rituals of Corporate Life. Addison-Wesley recherches APS et sciences sociales, Université de
Publish Co USA. Strasbourg.
DU GAY, P. ET SALAMAN, G.(1991). « La culture d’entreprise PICHOT, L. (1998). « Les usages d’une association sportive
et la recherche de l’excellence », Sociologies et sociétés, d’entreprise : de l’offre associative à la fonction de
volume 23, 2, 129-149. gestion politique », in Charles Pigeassou (ED), Le ma-
EHRENBERG, A. (1991). Le culte de la performance. Essai Socié- nagement des organisations de services sportifs : évolution,
té. Paris, Calmann-Lévy. transformation,innovation. Actes du deuxième congrès
FONCHON, P. ET MÉLESE, F.(1995/1996). « Stratégies salariales de la société Française de management du Sport.
pour attirer et garder certains employés », Revue de Montpellier, 122-136.
Gestion des Ressources Humaines, 18, 31-40. POILBOT-ROCABOY, G. (1995). « La satisfaction des individus
FOURRÉ, C. (2000). Mise en scène de la métaphore sportive dans à l’égard de la protection sociale : les modèles de la
la formation professionnelle : l’exemple des stages out-door divergence », Revue de Gestion des Ressources Humaines,
organisés pour les cadres d’entreprise. Thèse de doctorat 16, 25-36.
non publiée, laboratoire de recherche en APS de POILBOT-ROCABOY, G. (1996). « La protection sociale com-
l’UFRAPS de Toulouse. plémentaire d’entreprise : un outil de gestion des
FOURRÉ, C. (2003). « Le secteur des stages outdoor : la pro- ressources humaines », Revue Française de Gestion,
fessionalisation des consultants d’entreprise », Revue 114, 15-26.
Européenne de Management du Sport, 9, 35-72. RAMANANTSOA, B., (1988). « L’identité », in J.-P. Anasta-
HERZBERG, F. (1966). Works and the nature of man. Cleveland, sopoulos (éd.), Strategor. Paris, InterÉdition,
Ohio, World Publication. 401-472.
Sport et identité d’entreprise. Vers une modification de l’imaginaire organisationnel 91

RAMANANTSOA, B. & THIERY-BASLE, C.(1989). « Histoire et SIRE, B. (1995). « Le mix rémunération : concilier
identité de l’entreprise », Revue Française de Gestion, coût et satisfaction », Stratégie Ressources humaines,
janvier-février, 73, 107-111. 53-67,14.
Revue Française de Gestion, (1984). Spécial Culture d’en- Sociologie du travail, (1986). Retour sur l’entreprise, (3)
treprise, septembre-octobre, 48. XXVIII.
REITTER, R. & RAMANANTSOA, B.(1985). Pouvoir et politique. THÉVENET, M. (1984). « La culture d’entreprise en neuf
Au-delà de la culture d’entreprise. McGraw-Hill. questions », Revue Française de Gestion, 48, 7-20.
REITTER, R. (1991). Cultures d’entreprise. Paris, Vuibert. THÉVENET M. (1986). Audit de la culture d’entreprise. Paris, Les
SAINSAULIEU, R. (1977). L’identité au travail. Paris, Presses de Éditions d’Organisation.
la Fondation Nationale des Sciences Politiques. THUDEROZ C. (1996). Sociologie des entreprises. Paris, Éditions
SEIGNOUR, A., DUBOIS, P.-L.(1999). « Les enjeux du marke- La Découverte.
ting interne », Revue Française de Gestion, 123, 19-29. PETERS T. & WATERMAN R.(1983). Le prix de l’excellence. Paris,
SEKIOU, L., BLONDIN, L., BESSEYRE DES HORTS, C.-H. & CHEVALIER F. InterÉdition.
(1993). Gestion des ressources humaines. Paris, De Boeck VASSY C. (1999). « Travailler à l’hôpital en Europe. Ap-
Université. port des comparaisons internationales à la sociolo-
SIRE, B. (1993). Gestion stratégique des rémunérations. Paris, gie des organisations », Revue Française de Sociologie,
Liaisons. 39, 325-353.

ZUSAMMENFASSUNG : Sport und Corporate Identity. In Richtung einer Veränderung der Vorstellung von
Organisationen
Dieser Artikel handelt vom Betriebssport. Es geht dabei um eine Problematik, welche die Corporate
Identity betrifft. Es stellt sich die Frage, ob der Sport zur Konstruktion dieser Corporate Identity beitra-
gen kann. Die Studie betrifft ein amerikanisches Unternehmen, in dem die vereinssportlichen Praktiken
in die Unternehmenspolitik integriert sind. Sie werden von einer Abteilung der Leitung des Personal-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)


managements angeboten und sind Teil der angebotenen sozialen Vorteile für die Beschäftigten und
betreffen 40 % von diesen. Nachdem der Begriff der Corporate Identity, definiert als eine Gesamtheit
symbolischer Produktionen (die Unternehmenskultur) und einer Vorstellung von Organisationen (das
Bild des Unternehmens aus Sicht der Arbeitnehmer) vorgestellt wurde, orientiert sich die Forschungs-
arbeit auf eine vergleichende Studie innerhalb dieser Vorstellungen von Organisationen, wobei die Vor-
stellungen der Arbeitnehmer, die Betriebssport betreiben mit denen, die keinen betreiben, verglichen
wurden. Die Resultate zeigen einen signifikanten Unterschied zwischen den beiden Gruppen.
SCHLAGWÖRTER : Sport, Identität, Unternehmen, Repräsentation, Personalmanagement.

RIASSUNTO : Sport e identità d’impresa. Verso una modificazione dell’immaginario organizzativo


Quest’articolo tratta della questione dello sport associativo nell’impresa. Esso adotta una problematica
legata all’identità d’impresa. La questione è allora di sapere se lo sport può contribuire alla costruzione
dell’identità d’impresa. Lo studio si basa sul caso di un’impresa americana dove le pratiche sportive asso-
ciative sono integrate nella politica dell’impresa. Proposte da un servizio della direzione delle risorse
umane, esse si inscrivono nel dispositivo dei vantaggi sociali proposti ai dipendenti e riguardanti il 40 %
di loro. Dopo aver presentato la nozione d’identità d’impresa, definita attorno ad un insieme di produ-
zioni simboliche (la cultura d’impresa) e ad un immaginario organizzativo (l’immagine dell’impresa dal
punto di vista dei dipendenti), la ricerca si orienta verso uno studio comparativo all’interno di
quest’immaginario organizzativo tra le rappresentazioni dei dipendenti partecipanti o non partecipanti
alle pratiche sportive d’impresa. I risultati rivelano una differenza significativa di rappresentazione tra i
dipendenti sportivi e non sportivi.
PAROLE CHIAVE : gestione delle risorse umane, identità, impresa, rappresentazione, sport.
92 Fabrice Burlot

RESUMEN : Deporte e identidad de empresa. Hacia una modificación del imaginario organizacional
Este artículo trata la cuestión del deporte asociativo en empresa. Adopta una problemática ligada a la
identidad de empresa. La cuestión es entonces saber si el deporte puede contribuir a la construcción de
la identidad de empresa. El estudio se refiere al caso de una empresa americana donde las prácticas
deportivas asociativas son integradas en la política de la empresa. Propuestas por un servicio de la direc-
ción de recursos humanos, se inscriben en el dispositivo de las ventajas sociales propuestas a los salaria-
dos y conciernen 40 % de ellos. Después de haber presentado la noción de empresa como definida
alrededor de un conjunto de producciones simbólicas (la cultura de empresa) y de un imaginario orga-
nizacional (la imagen de la empresa del punto de vista de los salariados), la investigación se orienta hacia
un estudio comparativo al interior de este imaginario organizacional entre las representaciones de los
salariados que participan y los que participan a las practicas deportivas de la empresa. Los resultados
revelan una diferencia significativa de la representación entre los salariados deportivos y no deportivos.
PALABRAS CLAVES : deporte, identidad, empresa, representación, gestión de recursos humanos.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 10/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.12.248)

Vous aimerez peut-être aussi