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CONNEXIONS 80/2003-2
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l’adaptabilité de l’individu à son milieu. Ces éléments combinés don- © Érès | Téléchargé le 19/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.66.3.84)
nent l’« indice de dangerosité ». Deux formes d’état sont habituellement
distinguées : l’état dangereux permanent ou chronique défini comme
une « modalité psychologique et morale dont le caractère est d’être anti-
social » (Vienne, 1957) et l’état dangereux de crise. Cette notion, sur
laquelle s’est construite la criminologie, a permis le pontage entre les
discours juridiques et médicaux, plus particulièrement psychiatriques.
Comme l’indique M. Foucault (1999), l’individu dangereux n’est ni
exactement malade ni à proprement parler criminel. La réaction sociale
au crime va s’élaborer de façon homogène selon deux pôles articulés
l’un à l’autre formant un réseau continu d’institutions médico-judi-
ciaires autorisant un quadrillage de pratiques ayant pour but de neutra-
liser l’individu et de le normaliser. Dès lors, le traitement des individus
criminels ou le repérage des potentialités criminogènes se substituera à
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pour but de neutraliser ou d’éliminer le potentiel dangereux de certains © Érès | Téléchargé le 19/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.66.3.84)
individus. Le vagabondage est ici moins incriminé comme délit ponc-
tuel que mode de vie jugé criminogène car situé en dehors des valeurs
traditionnelles. Ainsi, l’arsenal juridique s’est construit sur des mesures
ante delictum déclenchées par l’état dangereux de l’individu.
Après avoir affirmé dans l’article 269, le délit de vagabondage, l’ar-
ticle 270 en donne la définition : « Les vagabonds ou gens sans-aveu
sont ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance et qui
n’exercent habituellement ni métier ni profession. » On retrouve ici les
trois éléments majeurs qui ont défini, dès l’Ancien Régime, la régle-
mentation du vagabondage nous indiquant en creux la pérennité des
valeurs dominantes que sont l’appartenance à un réseau social par le tra-
vail fixe et l’inscription territoriale. La notion d’aveu reste prépondé-
rante et insiste sur l’absence de garant mais aussi de garantie et donc sur
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ment des pauvres, que ce soit dans les hôpitaux généraux ou dans les
dépôts de mendicité et sanctionnent le mendiant récalcitrant à des
peines d’emprisonnement. Le décret de 1808 avait prévu la création des
dépôts de mendicité toutefois tous les départements n’en étaient pas
pourvus. Le double régime a donc été mis en pratique afin d’apporter
une solution à tous les cas de figure. Nous retrouvons la constance de la
lutte contre l’oisiveté par l’entremise de la dichotomie entre mendiants
valides et invalides, les premiers étant punis même en l’absence d’une
structure pouvant les accueillir. Le cadre juridique de la mendicité, tout
comme celui du vagabondage, s’étaye sur la présomption à la paresse ou
à l’oisiveté et va tenter d’évaluer la moralité de l’individu. De plus, le
discours prolonge les questions relatives à l’inscription territoriale en
augmentant les peines à l’encontre des mendiants arrêtés hors de leur
canton de résidence. Mais les dichotomies entre le pauvre valide et inva-
lide disparaissent quand le mendiant use de menaces, pénètre dans des
maisons, feint des plaies ou mendie en réunion. (art. 276) Ces cas de
mendicité forment des délits spéciaux et les peines d’emprisonnement
prévues peuvent atteindre deux ans. La loi punit, dans ce cas, certaines
formes de mendicité jugées plus graves et révélant le potentiel dange-
reux des individus. Les menaces et la pénétration du domicile violent
l’ordre public mais aussi la propriété privée qui fonde, entre autres, les
appartenances territoriales. Feindre des plaies équivaut à gruger le dona-
taire et nous retrouvons l’image traditionnelle du « mauvais pauvre » ne
méritant pas l’aumône. Enfin, si le mendiant isolé représente l’image de
l’oisif profitant des largesses sociales, son regroupement en bandes
effraie et l’inscrit dans la criminalité. Le mendiant est, ainsi, tout
comme le vagabond un individu dangereux à neutraliser.
Les causes d’aggravation du vagabondage et de la mendicité sont le
travestissement (revêtir, par exemple, un costume d’ecclésiastique afin
de quêter), le fait que l’individu soit porteur de limes, crochets (bien
qu’il n’en ait ni usé ni menacé) ou d’autres instruments propres à com-
mettre des vols ou procurant les moyens de pénétrer dans les maisons
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vagabondage et de mendicité. Dans ce nouveau cadre juridique, le men- © Érès | Téléchargé le 19/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 105.66.3.84)
diant, extrait de la sphère répressive, semble être devenu un homme plus
à plaindre qu’à blâmer. Toutefois, les représentations ne sont pas aussi
tranchées. Si l’on en croit F. Desportes (Jurisclasseur pénal, 1995),
l’abrogation de cette incrimination s’est heurtée à une vive résistance au
sein de l’Assemblée Nationale lors des discussions consacrées aux
atteintes à l’État et la paix publique. Une solution de compromis, pro-
posée par la Commission des lois de l’Assemblée, a consisté à réprimer
la provocation directe d’un mineur à la mendicité (art. 227.20). Cet
article appartient au registre « de la mise en péril des mineurs » et
décline, sur le même mode, l’incitation à la prise de stupéfiants (art.
227.18), à celle de boissons alcooliques (art. 227.19) et l’incitation au
délit ou au crime (art. 227.21). En pratique, cette incrimination est diri-
gée contre un adulte. La définition de la mendicité est la même que celle
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Mendicité et insécurité
Présentation du corpus
Cadre juridique
Considérations préalables
Les articles
Conclusion
nent plus lieu à polémique et leur bien fondé n’est pas remis en ques-
tion. La construction sociale du danger qu’ils formulent semble être par-
tagée par la collectivité entière ce qui légitime leur utilité mais aussi les
représentations sociales véhiculées sur les mendiants ainsi stigmatisés.
Nous avons tenté, en analysant en parallèle deux corpus juridiques
distants dans le temps, de montrer l’entremêlement du passé et du pré-
sent dans la pensée sociale et plus spécifiquement dans nos catégorisa-
tions. Nous retrouvons dans le traitement de ces catégories sociales la
pérennité de certains traits qui nous conduisent à mesurer la présence de
la mémoire dans le maintien des représentations sociales et cela, notam-
ment sous la forme « d’une inclusion d’anciennes valeurs, croyances ou
théorisations relatives au fonctionnement du monde et des relations
sociales » (Roussiau et Bonardi, 2002, p. 47). Ces croyances ou théori-
sations pourraient correspondre aux éléments centraux et donc stables
dans le temps de la représentation. Encore faudrait-il pour l’affirmer
poursuivre l’exploration de la représentation sociale du mendiant et
recourir à d’autres méthodes d’investigation.
Références
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