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Introduction
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Le Français aujourd’hui n° 151, Penser, classer. Les catégories de la discipline
1. Sur les images dominantes de la langue dans les discours scolaires, voir Paveau (1998).
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l’un des projets de l’analyse du discours : le lien entre classes sociales et pra-
tiques discursives. Ils « rapportent » par stigmatisation fictive, et les termes
et expressions qu’ils contiennent doivent apparaître comme citations, c’est-
à-dire qu’en les lisant, on doit se dire : c’est bien comme ça qu’« ils » par-
lent, (ils désignant les snobs, les journalistes, les politiques, les jeunes, les
vieux, les précieux… selon les sous-catégorisations sociales explicitées par
les auteurs eux-mêmes). (Rosier, 2003, p. 63-64)
On pense évidemment au M. Jourdain de Molière et à sa prose « sans le
savoir », et à bien d’autres personnages littéraires, qui gagneraient sans
doute à être analysés en classe au prisme sociocritique de cette linguistique
spontanée. C’est donc la question de la validité de la description populaire
qui est posée ici, dans l’optique d’une analyse des fonctionnements sociaux
du langage.
L’enfant grammairien
Mais la linguistique populaire est également, et surtout, d’un très grand
intérêt dans l’enseignement-apprentissage de la langue, sous un autre
nom : la compétence métalinguistique.
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Il est dommage que l’efficacité des catégories de sens commun ne soit pas
plus profondément interrogée dans ces travaux, grâce à une ouverture sur
l’histoire et l’épistémologie des sciences. On sait en effet que c’est le
langage de sens commun qui permet la fixation des connaissances :
E. Nagel (1961) défend par exemple l’idée que l’imprécision de la langue
du sens commun permet la perduration des croyances (à cause ou grâce à
la difficulté du contrôle expérimental) alors que le destin des théories est de
mourir précocement. Il ne s’agit évidemment d’appliquer ce programme à la
lettre, mais de mesurer l’efficacité des pratiques linguistiques spontanées
par rapport à celles qui reposent sur des méthodes scientifiques.
précisant qu’un certain nombre de fautes de passé simple figurent chez les
meilleurs auteurs : s’enfuyèrent, dissolva, couris, mouresis, étranglis, aperceva,
demandis, vivèrent (Savelli et al., 2002, passim). Que ces formes soient
fautives, c’est incontestable, mais ce qui l’est moins, c’est d’en faire une
interprétation axiologique et de les mettre sur le compte d’une ignorance
coupable, d’une infériorité linguistique ou pire encore, sociale, et
d’imposer les formes orthodoxes sans autre forme de procès.
Si les fautes de français existent bel et bien, elles possèdent cependant une
rationalité, que le simple bon sens suffit à découvrir d’ailleurs : dans une
optique fonctionnelle, il n’y a aucune raison pour que les gens disent
n’importe quoi. Donc je suitais et il disa dit quelque chose sur le système
de conjugaison et surtout sur le comportement linguistique des fauteurs de
trouble en conjugaison. Il s’agit là d’interventions sur la langue, troisième
des pratiques linguistiques populaires identifiées plus haut, destinées à
régulariser un système parfois très erratique. Suitais s’explique très bien par
l’analogie avec d’autres verbes fréquents dont la base d’imparfait se termine
par [t] : je mens / je mentais, je pars / je partais, je suis / je suitais (CQFD).
Quant à il disa, laissons D. Leeman expliquer la genèse de la faute due à un
phénomène d’hypercorrection6 :
5. « Ne dites surtout pas Il faut qu’ils me croivent ou Il faut qu’ils me voyent. » (Morhange-
Bégué, 1995, p. 12)
6. L’hypercorrection est une « attitude sociale de recherche de prestige », marquée par
« l’excès dans l’application d’une règle » (Gadet, 2003, p. 125), et qui implique de la part
d’un locuteur qu’il soit conscient d’une caractéristique de sa langue (souvent phonétique)
perçue positivement socialement, et d’une autre perçue négativement par la communauté
linguistique où il prend place. L’hypercorrection est alors la reconstruction fautive d’une
forme d’apparence correcte.
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La forme Il dit est commune au présent et au passé simple, d’où la gêne que
peut susciter un récit comme : « Il prit son manteau, se coiffa d’un béret et
se précipita vers la porte. Avant de sortir il dit… ». Le correcteur du devoir
ne va-t-il pas croire que l’on emploie fautivement un présent ? L’élève qui
écrit Il disa ressent peut-être le besoin d’employer une forme clairement
marquée pour compenser une ambigüité dans la langue. (Leeman-Bouix,
1994, p. 125)
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des genres littéraires (sans s’y limiter) et que forme de discours se réfère à ce
que la grammaire de texte a appelé des types ou prototypes (narration,
description, explication, etc.), et que M. Bakhtine met en place dès 1929
(dans Le Marxisme ou la philosophie du langage) sous le nom de genre de
discours. Il montre plus tard dans Esthétique de la création verbale (1979)
que les locuteurs possèdent un répertoire spontané de genres, élaboré dans
les interactions orales et appelés « genres premiers » ou « types élémentaires » ;
ce sont des formes stables qui sont reconfigurées et combinées dans les
genres du discours dits « seconds » ou « types secondaires », présents dans
les productions construites des locuteurs, par exemple dans les textes écrits,
en particulier littéraires.
Cela veut dire que la catégorisation en genre est une activité spontanée
justiciable d’un traitement par une linguistique populaire. En effet, la
simple observation des classements spontanés des locuteurs, véritable
pratique culturelle et sociale, montre qu’ils participent activement aux
versions du monde construites par le discours. Mentionnons par exemple
On classe les textes, mais aussi les films (Lyon-Poche admet par exemple les
catégories suivantes : « comédie », « comédie dramatique », « comédie
d’action », « comédie policière », « polar », « polar psy », « aventure »,
« thriller », « drame », « drame psy », « aventure », « légende », « chronique »,
« guerre », « doc », « portrait », « érotique », « fantastique », « épouvante »,
« science fiction », « dessin animé », etc.). Or si le classement en genres a la
vie si dure, c’est qu’il doit bien avoir une certaine pertinence pour les utili-
sateurs de ce magazine, et jouer un rôle plus ou moins déterminant dans le
choix du film que l’on s’apprête à voir. (Kerbrat-Orecchioni, 2003, en
ligne)
des genres littéraires : au-delà de ces codes particuliers, ils régissent toutes les sortes de tex-
tes. La lettre est un genre littéraire, mais elle est aussi une forme de production textuelle de
la vie quotidienne. Le dialogue est un genre, à la fois littéraire et on ne peut plus banale-
ment quotidien. Le récit est romanesque, mais il est aussi de fait-divers, etc. Les genres sont
donc découverts par les élèves et analysés à partir de textes de toutes sortes, anciens et
contemporains, en liaison avec les formes discursives étudiées. On a donc le souci, au cours
des études au collège, de bien faire percevoir les ressemblances et les différences entre genres
en général et genres littéraires en particulier.
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Marie-Anne PAVEAU
Bibliographie
• AUROUX S. (1995), « La naissance des métalangages », dans R. Bouchard &
J.-L. Meyer (1995), p. 10-13.
• BEACCO J.-C. (2004), « Trois perspectives linguistiques sur la notion de genre
discursif », Langages, n° 153, p. 109-119.
• BEACCO J.-C. (dir.), 2004, « Représentations métalinguistiques ordinaires et
discours », Langages, n° 154.
• BÉGUELIN M.-J. (dir.) (2000), De la Phrase aux énoncés : grammaire scolaire et
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