Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Morphologie lexicale et
morphosyntaxe
Le mot 1
• Dans l’ordre croissant des niveaux d’analyse
linguistique (phonétique/phonologie,
morphologie, lexicologie, puis syntaxe et
analyse textuelle ou discursive), la lexicologie
(le savoir relatif au lexique – terme spécialisé –
ou relatif aux mots – terme courant) occupe
une place singulière et paradoxale.
Le mot 2
• Paradoxale parce que si, dans l’opinion commune, le mot
est souvent donné comme étant l’élément même de la
langue (« la langue est faite de mots »), le lexique
apparaît dans de nombreuses théories linguistiques
savantes – en particulier celles qui se sont développées au
XIXe siècle (la grammaire comparée), puis au XXe siècle (la
linguistique structurale d’obédience 信奉…的
saussurienne) – comme un niveau d’analyse non pertinent
et peu fécond 丰富 et, pour cette raison, partiellement
délaissé au profit des autres niveaux d’analyse, au motif
qu’il ne constituerait pas un système.
Le mot 3
• La quatrième et dernière raison tient – on l’a déjà dit - à l’idée selon laquelle
le lexique ne constituerait pas un véritable système au sein de la langue.
Cette idée est notamment soutenue par Meillet (1866-1936), un des
derniers grands comparatistes français, et le structuralisme linguistique
d’inspiration saussurienne en a hérité en grande partie : la syntaxe chez
Meillet « n’existe que comme science des emplois de formes. Quant au
vocabulaire, s’il est bien composé de signes, il ne forme pas système » .
Meillet remarque ainsi à propos du mélange des langues (tel qu’on le trouve
dans les créoles et les pidgins) que deux langues en contact ne peuvent
mêler leur morphologie ou leur phonologie. Seuls peuvent être mélangés
des systèmes de niveau différent : la phonologie de l’une se combine avec la
morphologie de l’autre, comme dans l’arménien, par exemple, qui combine
une morphologie indo-européenne et un phonétisme caucasien. Deux
langues peuvent en revanche mêler leurs lexiques,
Morphologie lexicale : définitions
Le terme de mot(s), enfin. Ce terme est en usage dans le langage courant, on l’a dit,
alors que lexique appartient à une terminologie spécialisée. Mais au-delà de cette
différence d’emploi, et indépendamment des difficultés conceptuelles relatives à la
nature de la réalité qu’ils représentent (voir plus haut, p.3), les deux termes ne
possèdent pas tout à fait la même acception. Sur le modèle en vigueur à d’autres
niveaux d’analyse linguistique (l’unité phonologique est le phonème, l’unité
morphologique est le morphème, etc.) l’unité lexicale sera dénommée lexème
(terme introduit par le linguiste Bernard Pottier). Or, d’une part, un lexème peut
être formé de plusieurs mots, constituant une seule et même unité. C’est le cas des
mots composés (comme pomme-de-terre) dont nous examinerons les propriétés
quand nous aborderons la question du figement lexical, et plus généralement
parlant, de ce qu’on nomme les « expressions lexicales ». D’autre part, en tant
qu’unité lexicale, le lexème est identifié à une seule des formes du mot quand celui-
ci est variable. Les prépositions, les conjonctions, la plupart des adverbes sont des
mots invariables. Un nom, un adjectif ou un verbe sont variables, en revanche (ils
peuvent être fléchis). Ils sont alors représentés, de manière conventionnelle, par
une seule de leurs formes : les noms et les adjectifs par le masculin singulier, les
verbes par l’infinitif, etc. Cette forme qui représente le nom et lui sert d’entrée dans
les dictionnaires, est le lexème.
Morphologie lexicale. Définitions 4
D’un point de vue diachronique, ces mots grammaticaux sont le plus souvent
d’anciens mots pleins, qui ont fait l’objet, à travers le temps, d’un processus de
grammaticalisation. La grammaticalisation est « l’attribution du caractère grammatical
à un mot jadis autonome ». Un exemple classique de ce processus est celui de la
formation de certains adverbes de négation, dénommés « forclusifs » parce qu’ils
viennent clore une séquence négative discontinue inaugurée dans la phrase par
l’adverbe ne : ne… pas, ne… point, ne… goutte, etc. Cet exemple a été analysé par
Meillet : en ancien français, la négation était marquée comme en latin par un seul
adverbe (ne) antéposé au verbe, lequel pouvait être suivi de « mots accessoires », à
l’origine des mots lexicaux. C’est notamment le cas de pas – le passum du latin – (le
pas qu’on fait en marchant : « je ne marche pas »), de point (le point qu’on voit : « je
ne vois point », de goutte (la goutte qu’on boit : « je ne bois goutte »). Ce sont ces
mots pleins qui se sont peu à peu affaiblis jusqu’à être presque entièrement
désémantisés. Certains d’entre eux ont cessé ultérieurement d’être en usage en tant
adverbes, comme mie (« je ne mange mie ») ou ont vu leur contexte d’emploi se
modifier par contiguïté phonétique, comme goutte (« ne boire goutte » est devenu
l’expression figée « ne voir goutte » – un changement qui ne serait sans doute pas
produit sans désémantisation du nom. Pas et point sont en revanche demeurés dans
la langue et jouent désormais à eux seuls le rôle de forclusifs, devenus homonymes
des mots pleins dont ils sont issus.
Morphologie lexicale. Définitions 7
• A côté des notions (des termes) de mot, vocabulaire et lexique, centrales pour notre
propos et que nous venons de définir, il en est d’autres qui appartiennent à des
domaines d’étude que nous n’aborderons pas dans le cadre de ce cours, mais qui
peuvent permettre par contraste de mettre en évidence les spécificités de celles que
nous aborderons.
• La principale de ces notions (de ces termes) est celle de terme, précisément, qu’on
emploie parfois à tort en lieu et place de la notion de mot. Un terme est une unité
qui fait partie d’un lexique spécialisé, de ce qu’on nomme aussi une terminologie. Il
peut s’agir d’une terminologie technique, scientifique ou – de façon plus générale –
professionnelle. Certaines de ces terminologies, notamment dans le champ des
sciences exactes, ont fait l’objet d’une normalisation / standardisation – parfois
depuis longtemps, comme celles de la chimie ou de la botanique. Une
standardisation assortie d’une traduction des termes dans les grandes langues de
culture et qui est réalisée sous la responsabilité de commissions internationales,
formées le plus souvent au sein des institutions « régulatrices » de la discipline
concernées (Congrès, sociétés savantes)
Exercices
• révisez la signification des principales notions que nous avons évoquées dans cette introduction historique :
• Accent tonique
• Dérivation impropre (ou conversion)
• Dérivation propre
• Distinction langue / parole
• Grammaire comparée
• Grammaticalisation
• Lecture silencieuse
• Lexème
• Lexicographie
• Lexicologie
• Lexique
• Mélange des langues
• Morphème
• Mot
• Mot plein (ou mot lexical)
• Mot grammatical
• Niveaux d’analyse linguistique
• Scripta continua
• Terminologie
• Terminographie
• Vocabulaire
Morphologie lexicale : domaines et notions
« En partant de la matière, sonore ou écrite, qui constitue le mot, on observe sa structure en
termes de suite de phonèmes ou de graphèmes, organisées en syllabes ; l’unité du mot perçue
par les locuteurs est liée à l’accentuation à l’oral, aux règles de l’orthographe à l’écrit. On
s’aperçoit alors que certaines formes sont statistiquement dominantes dans chaque langue et
l’on peut, à partir des traits qui caractérisent ces formes dominantes, dessiner une esquisse du
mot français, en termes de nombre de syllabes et de structure de la syllabe. Cette approche, en
principe indifférente au sens des mots, relève de la phonologie qui s’attache aujourd’hui à définit
le mot minimal en français « (M.-F. Mortureux, La lexicologie entre langue et discours, Paris, A.
Colin, 2011, 2e ed.).
Méthode d’analyse morphologique
C’est cette « association » des morphèmes dans la même série paradigmatique qui
permet de vérifier si le découpage a été correctement opéré. Ainsi, on segmente
mortifère (« qui (ap)porte la mort ») en mort(i) et fère et non en mor-tif-ère parce
que le mot figure, d’une part, dans le même paradigme que mamm(i)-fère (« qui
porte des mamelles »), calor(i)fère (« qui (ap)porte la chaleur »), etc., d’autre part,
dans le même paradigme 词型变化 que mortel, mortalité, mortellement, mortuaire,
etc. Les éléments de la première série (mortifère, mammifère, calorifère), qui
appartiennent à la même classe syntaxique (ce sont des noms) sont liés par une
signification (« qui porte » ou « qui apporte ») attachée au suffixe –fère qu’ils ont en
commun. Les éléments de la seconde série (mortuaire, mortel, mortalité,
mortellement), qui appartiennent à différentes classes syntaxiques (deux adjectifs,
un nom, un adverbe) ont en commun la même base mort, c’est-à-dire un morphème
qui constitue un mot à lui tout seul. C’est du nom mort que les autres mots du
paradigme (ici, les unités d’une même famille de mots) sont dérivés par suffixation.
Nous préciserons plus loin les notions, d’affixe (préfixe et suffixe), de famille de mots
ainsi que les différents types de dérivation. Précisons d’ores et déjà ce qu’on entend
par base et radical – des termes que nous avons déjà utilisés : le radical d’un mot
dérivé est l’élément qui subsiste 存在 quand on a mis de côté, selon les cas, les
affixes ou les désinences : tolér. La base est le mot d’où est issu le dérivé : tolérer.
Méthode d’analyse morphologique 3
• Relever et classer les mots simples et les mots dérivés dans cet extrait du journal Le
Monde (21 octobre 2016) :
« Je suis partisan (parti) de garder mon gâteau et de le manger – l’équivalent
(valoir=>équivaloir=>équivalent, -ent : participe présent, impropre) anglais (angle) d’
‘avoir le beurre et l’argent (l’emprunt de latin) du beurre’ – est depuis (de+puis)
longtemps (long+temps) une des phrases fétiches de Boris Johnson (nom propre). Il
l’a répétée (l’emprunt de latin, demander de nouveau, comme répétition) lorsqu
(lors+que) ’il menait la campagne (champ) pour la sortie (sortir=>sorti(p.p)+e,
dérivation impropre par conversion,) du Royaume-Uni (mot composé) de l’Union
(unir, propre) Européenne (europe+en+me ».
• Segmentez les mots suivants en précisant le sens de chaque élément :
Rotondité : = rond, rotond (un mot de latin) + ité/té (la qualité de l’adj)
Repasser : re+passer, passer de nouveau
Sureau : une sorte de fleur, simple (N.B. : -eau est aussi un suffixe)
Garantie : garantir=> garanti (p.p.) =>garantie
Tricotage : -age: l’action ou le résultat de l’action, tricot+age
Dératisation : rat=>ratiser=>dératiser=>dératisation, changement de forme mais pas de
catégorie=> propre, une dérivation parasynthétique : ratiser/ratisation n’existent pas
Dérivation, composition, créativité lexicale