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D.

Savatovsky - Master 1 Didactique des langues


2016-2017
Linguistique française : grammaire et syntaxe (section 4)

Morphologie lexicale et
morphosyntaxe
Le mot 1
• Dans l’ordre croissant des niveaux d’analyse
linguistique (phonétique/phonologie,
morphologie, lexicologie, puis syntaxe et
analyse textuelle ou discursive), la lexicologie
(le savoir relatif au lexique – terme spécialisé –
ou relatif aux mots – terme courant) occupe
une place singulière et paradoxale.
Le mot 2
• Paradoxale parce que si, dans l’opinion commune, le mot
est souvent donné comme étant l’élément même de la
langue (« la langue est faite de mots »), le lexique
apparaît dans de nombreuses théories linguistiques
savantes – en particulier celles qui se sont développées au
XIXe siècle (la grammaire comparée), puis au XXe siècle (la
linguistique structurale d’obédience 信奉…的
saussurienne) – comme un niveau d’analyse non pertinent
et peu fécond 丰富 et, pour cette raison, partiellement
délaissé au profit des autres niveaux d’analyse, au motif
qu’il ne constituerait pas un système.
Le mot 3

• « Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la plupart des linguistes occidentaux


s’accordent tacitement à penser que l’unité linguistique la plus petite
qui, à la fois ait une réalité dans la chaîne parlée, et soit porteuse de
signification, est le mot : la phrase est faite de propositions, faites elles-
mêmes de mots. Si l’on décompose le mot, c’est en unités non-
significatives (les syllabes, les lettres). La définition reste d’ailleurs
généralement implicite. C’est que le découpage de l’énoncé en mots
semble jouir d’une sorte d’évidence, qui dispense de toute
détermination explicite. Ce découpage s’appuie non seulement sur une
tradition graphique solidement établie depuis la Renaissance, mais sur
des phénomènes de prononciation incontestables : le mot est l’unité
d’accentuation (les langues à accent n’attribuent en général qu’un
accent, ou au moins qu’un accent fort à chaque mot), de plus certaines
modifications ne se produisent qu’aux frontières du mot (par exemple,
en allemand, la distinction des sons d et t est annulée en fin de mot et là
seulement. » (O. Ducrot & T. Todorov, Dictionnaire encyclopédique des
sciences du langage, Paris, Le Seuil (coll. Points), 1972, p. 257).
Le mot 4

En réalité, la « tradition graphique solidement établie » sur


laquelle la pensée linguistique de l’âge classique se serait appuyée
pour concevoir le découpage en mots comme allant de soi, est
sans doute beaucoup plus ancienne, antérieure – et de beaucoup
– à la Renaissance, même s’il est exact qu’il faut attendre le XVI e
siècle pour qu’elle soit définitivement établie. Elle remonte à
l’abandon progressif par la culture occidentale, à partir du VII e /
VIIIe siècle de notre ère, de la scripta (ou scriptio) continua
(l’« écriture (en) continu[e] »), pratique héritée de l’Antiquité
gréco-latine et encore en vigueur dans les scriptoria monastiques
du haut Moyen âge (ateliers de moines copistes), qui consistait à
déployer la chaîne graphique sans espaces entre les mots et les
phrases, sans marques de segmentation, signes diacritiques ou
signes de ponctuation et tendait à imiter ainsi à l’écrit le
continuum de la chaîne parlée
Le mot 5 : Manuscrit en scripta continua : un extrait des
Géorgiques de Virgile : un exemple de scripta continua
Le mot 6
• Car à la différence d’autres unités linguistiques, comme le phonème ou
la phrase, le mot est un type d’unité très dépendant du code écrit de la
langue au point que, pour certains linguistes, seule la définition
« graphique » du mot présente quelque consistance :
« Dans une langue telle que le français, il n’est possible de donner une
définition à la fois simple et rigoureuse du mot qu’au niveau de la
manifestation graphique, où le mot est le segment de discours compris
entre deux espaces blancs ». (M. Arrivé, F. Gadet, M. Galmiche, La
Grammaire d’aujourd’hui, Paris, Flammarion, 1986).

• Un linguiste « fonctionnaliste » comme André Martinet (1908-1999) va


même jusqu’à douter que le mot renvoie à une « réalité linguistique » :
« Le vrai problème est celui de savoir si les segments isolables qu’on
désigne comme des mots correspondent à une réalité linguistique bien
déterminée et s’il n’y a pas moyen d’analyser les énoncés d’une façon qui
rende mieux compte du fonctionnement du langage ». (A. Martinet, « Le
mot », in Problèmes du langage, Paris, Gallimard, Coll. Diogène, 1966).
Le mot 7

La prise en compte du mot, la segmentation en mots de la chaine


graphique sont en réalité fortement liées aux activités d’apprentissage
du lire/écrire et revêtent du point de vue didactique une importance
qui ne lui a pas toujours été reconnue d’un point de vue linguistique,
comme nous venons de le voir. Importance due en particulier aux
techniques de la lecture silencieuse (ou lecture « avec les yeux ») dont
l’apparition coïncide avec l’abandon de la scripta continua. Des
techniques impossibles à utiliser et à enseigner lorsque l’œil ne peut
prendre appui dans l’espace de la page sur les blancs qui séparent les
mots. Si la lecture à voix haute a continué d’être pratiquée bien après
la fin de la scripta continua – elle l’est du reste encore à l’époque
moderne, en particulier dans les petites classes de l’enseignement
élémentaire –, il n’en demeure pas moins que la lecture silencieuse,
plus rapide, plus « experte » et qui permet une saisie du sens des
textes plus efficace que la lecture à haute voix, ne serait pas possible
sans le marquage d’une séparation entre les mots graphiques.
Le mot 8

Quant aux « phénomènes de prononciation » qui – selon


Ducrot et Todorov – expliqueraient l’importance accordée par
les grammairiens de l’âge classique au découpage en mots, ils
ont revêtu eux aussi et revêtent encore une importance
particulière du point de vue didactique. À côté de la
discrimination phonologique, la prosodie ou l’intonation en
général, le placement dans le mot de ce qu’on nomme l’accent
tonique en particulier (qu’il s’agisse de l’accent d’intensité ou
de hauteur), sont des phénomènes centraux dans
l’enseignement des langues étrangères – sauf pour les langues
à tons, pourtant les plus nombreuses de par le monde –
notamment quand ils sont abordés d’un point de vue
contrastif : si l’accent tonique est libre en allemand, il porte sur
la première syllabe du mot en tchèque ou en hongrois, etc.
Le mot 9
D’abord, l’accent est mis désormais sur l’analyse phonétique et
morphologique. Autrement dit, sur l’étude des formes
linguistiques, au détriment de celle des significations qui était
jusqu’alors le point de vue privilégié dans l’étude des mots. Or la
connaissance des formes de langue relève à cette époque d’une
grammaire comparée. C’est-à-dire qu’à l’intérieur d’une même
famille de langues (dans les faits, seule la famille indo-
européenne a été véritablement étudiée d’un point de vue
comparatiste), la réflexion ne pourra porter que sur ce qui admet
ou requiert la comparaison : les systèmes de sons (le terme
« phonème » n’est pas employé avant les années 1860) et de
morphèmes, précisément, saisis dans leur évolution historique.
La phonétique (nous parlerions de nos jours de phonologie) et la
morphologie comparées sont des disciplines historiques au
premier chef.
Le mot 10
Ensuite, sans que le terme même de « morphème »
soit encore introduit (on devra attendre pour cela la
linguistique contemporaine), le comparatisme admet
l’idée selon laquelle (i) la comparaison entre deux
langues n’est pas possible d’un mot de l’une à un mot
de l’autre, mais d’une unité élémentaire produite par
la décomposition d’un mot de l’une à celle de l’autre
et (ii) que ces unités élémentaires sont bien dotées de
signification. Cette approche contient donc déjà la
définition qui sera donnée plus tard du morphème : le
morphème est la plus petite unité signifiante de la
langue.
Le mot 11
• Ensuite, sans que le terme même de « morphème » soit
encore introduit (on devra attendre pour cela la
linguistique contemporaine), le comparatisme admet
l’idée selon laquelle (i) la comparaison entre deux langues
n’est pas possible d’un mot de l’une à un mot de l’autre,
mais d’une unité élémentaire produite par la
décomposition d’un mot de l’une à celle de l’autre et (ii)
que ces unités élémentaires sont bien dotées de
signification. Cette approche contient donc déjà la
définition qui sera donnée plus tard du morphème : le
morphème est la plus petite unité signifiante de la langue.
Le mot 12

• La quatrième et dernière raison tient – on l’a déjà dit - à l’idée selon laquelle
le lexique ne constituerait pas un véritable système au sein de la langue.
Cette idée est notamment soutenue par Meillet (1866-1936), un des
derniers grands comparatistes français, et le structuralisme linguistique
d’inspiration saussurienne en a hérité en grande partie : la syntaxe chez
Meillet « n’existe que comme science des emplois de formes. Quant au
vocabulaire, s’il est bien composé de signes, il ne forme pas système » .
Meillet remarque ainsi à propos du mélange des langues (tel qu’on le trouve
dans les créoles et les pidgins) que deux langues en contact ne peuvent
mêler leur morphologie ou leur phonologie. Seuls peuvent être mélangés
des systèmes de niveau différent : la phonologie de l’une se combine avec la
morphologie de l’autre, comme dans l’arménien, par exemple, qui combine
une morphologie indo-européenne et un phonétisme caucasien. Deux
langues peuvent en revanche mêler leurs lexiques,
Morphologie lexicale : définitions

• Nous avons employé jusqu’ici trois termes distincts pour


désigner l’objet de notre étude : ceux de mot(s), de vocabulaire
et de lexique. Et nous les avons parfois employés mutatis
mutandis. Ces termes – parce qu’ils sont (ou ont été) en vigueur
dans des contextes et à des époques différentes – ne détiennent
pas la même signification. Ils exigent donc d’être définis et
différenciés.
• Le terme de vocabulaire est de nos jours en usage chez les
linguistes pour désigner l’ensemble des mots employés dans
une production écrite ou orale particulière. (le mot d’un texte)
• Le terme de lexique désigne en une réalité virtuelle, une entité
théorique : il s’agit de l’ensemble des mots à la disposition du
locuteur, un ensemble nécessairement « ouvert / infini ». On ne
peut accéder au lexique que par l’intermédiaire du vocabulaire.
Morphologie lexicale. Définitions 2

La distinction vocabulaire / lexique recouvre une autre distinction, de


nature plus générale, qu’on trouve notamment chez Saussure (1857-
1913) : la distinction entre la langue et la parole et chez certains de ses
successeurs – Gustave Guillaume (1883-1960) parmi les premiers – sous
la forme d’une distinction entre la langue et le discours. La langue – dont
relève le lexique – est « la partie sociale du langage, extérieure à
l'individu, qui à lui seul ne peut ni la créer ni la modifier ». La parole (ou
le discours) – dont relève le vocabulaire – est « un acte individuel »
(ibid.), une réalisation singulière. Ce n’est pas pour autant, selon
Saussure, que les signes de la langue doivent être conçus comme des
réalités abstraites : ils « sont pour ainsi dire tangibles 明确的 ; l'écriture
peut les fixer dans des images conventionnelles, tandis qu'il serait
impossible de photographier dans tous leurs détails les actes de la
parole. (...) C'est cette possibilité de fixer les choses relatives à la langue
qui fait qu'un dictionnaire et une grammaire peuvent en être une
représentation fidèle » (ibid.). Ferdinand de Saussure, Cours de
linguistique générale (1906-1911), Paris, Payot, 1975
Morphologie lexicale. Définitions 3

Le terme de mot(s), enfin. Ce terme est en usage dans le langage courant, on l’a dit,
alors que lexique appartient à une terminologie spécialisée. Mais au-delà de cette
différence d’emploi, et indépendamment des difficultés conceptuelles relatives à la
nature de la réalité qu’ils représentent (voir plus haut, p.3), les deux termes ne
possèdent pas tout à fait la même acception. Sur le modèle en vigueur à d’autres
niveaux d’analyse linguistique (l’unité phonologique est le phonème, l’unité
morphologique est le morphème, etc.) l’unité lexicale sera dénommée lexème
(terme introduit par le linguiste Bernard Pottier). Or, d’une part, un lexème peut
être formé de plusieurs mots, constituant une seule et même unité. C’est le cas des
mots composés (comme pomme-de-terre) dont nous examinerons les propriétés
quand nous aborderons la question du figement lexical, et plus généralement
parlant, de ce qu’on nomme les « expressions lexicales ». D’autre part, en tant
qu’unité lexicale, le lexème est identifié à une seule des formes du mot quand celui-
ci est variable. Les prépositions, les conjonctions, la plupart des adverbes sont des
mots invariables. Un nom, un adjectif ou un verbe sont variables, en revanche (ils
peuvent être fléchis). Ils sont alors représentés, de manière conventionnelle, par
une seule de leurs formes : les noms et les adjectifs par le masculin singulier, les
verbes par l’infinitif, etc. Cette forme qui représente le nom et lui sert d’entrée dans
les dictionnaires, est le lexème.
Morphologie lexicale. Définitions 4

Un mot est constitué de trois éléments : sa forme, son sens, et sa catégorie


grammaticale d’appartenance (il peut être un nom, un adjectif, un verbe, un
adverbe, etc.). Même si certains des phénomènes que nous traiterons ont une
incidence grammaticale, nous n’aborderons pas dans ce cours la question des
catégories grammaticales d’appartenance (ce qu’on nommait jadis les
« parties du discours ») qui ne relève pas à proprement parler de la
lexicologie, mais – comme le nom l’indique – de la syntaxe ou de la
morphosyntaxe. Ainsi, on le verra, la dérivation – un procédé étudié à la fois
par la morphologie et la sémantique lexicale qui permet de la création de
mots à partir d’autres mots, soit par conversion 转变 (dérivation dite
impropre), c’est-à-dire sans que 除非 le mot change de forme, soit par
affixation (dérivation propre), entraînant ainsi la constitution de familles de
mots – a partie liée à la classification des mots en parties du discours. Par
dérivation propre (préfixation + suffixation), on a ainsi construit immangeable,
dérivé de mange(r) : ces deux mots n’appartiennent pas à la même catégorie
grammaticale. Par conversion, le nom manger (comme dans « Ici, on peut
apporter son boire et son manger ») est dérivé du verbe manger : ici aussi, il y
a changement de catégorie.
Morphologie lexicale. Définitions 5

• L’autre incidence grammaticale de l’étude du lexique, notamment sur le


plan sémantique, concerne le contexte syntaxique d’usage des mots. Un
même mot peut changer de sens selon l’emploi qui en est fait dans la
phrase. Le verbe chanter peut ainsi avoir un emploi transitif (« elle
chante une chanson ») ou intransitif (« elle chante » – au sens de « elle
est chanteuse » ou bien de « elle est en train de chanter »).
• Enfin, puisqu’on évoque ici le rapport entre mot et grammaire, il faut
noter que certains mots sont dénommés mots grammaticaux. A la
différence des « mots pleins », dont le nom constitue le prototype et qui
ont une référence dans le monde des êtres ou celui des idées, les mots
grammaticaux sont réputés « vides de sens ». Ce sont des mots outils,
comme les prépositions, les conjonctions, certains adverbes, qui
permettent la construction syntaxique et la mise en relation des mots
pleins (dits aussi mots lexicaux). En réalité, ils ne sont pas entièrement
dénués de signification : ainsi, les prépositions avant et après ont un sens
temporel et spatial. Mais c’est un sens plus abstrait que celui des mots
pleins.
Morphologie lexicale. Définitions 6

D’un point de vue diachronique, ces mots grammaticaux sont le plus souvent
d’anciens mots pleins, qui ont fait l’objet, à travers le temps, d’un processus de
grammaticalisation. La grammaticalisation est « l’attribution du caractère grammatical
à un mot jadis autonome ». Un exemple classique de ce processus est celui de la
formation de certains adverbes de négation, dénommés « forclusifs » parce qu’ils
viennent clore une séquence négative discontinue inaugurée dans la phrase par
l’adverbe ne : ne… pas, ne… point, ne… goutte, etc. Cet exemple a été analysé par
Meillet : en ancien français, la négation était marquée comme en latin par un seul
adverbe (ne) antéposé au verbe, lequel pouvait être suivi de « mots accessoires », à
l’origine des mots lexicaux. C’est notamment le cas de pas – le passum du latin – (le
pas qu’on fait en marchant : « je ne marche pas »), de point (le point qu’on voit : « je
ne vois point », de goutte (la goutte qu’on boit : « je ne bois goutte »). Ce sont ces
mots pleins qui se sont peu à peu affaiblis jusqu’à être presque entièrement
désémantisés. Certains d’entre eux ont cessé ultérieurement d’être en usage en tant
adverbes, comme mie (« je ne mange mie ») ou ont vu leur contexte d’emploi se
modifier par contiguïté phonétique, comme goutte (« ne boire goutte » est devenu
l’expression figée « ne voir goutte » – un changement qui ne serait sans doute pas
produit sans désémantisation du nom. Pas et point sont en revanche demeurés dans
la langue et jouent désormais à eux seuls le rôle de forclusifs, devenus homonymes
des mots pleins dont ils sont issus.
Morphologie lexicale. Définitions 7

• A côté des notions (des termes) de mot, vocabulaire et lexique, centrales pour notre
propos et que nous venons de définir, il en est d’autres qui appartiennent à des
domaines d’étude que nous n’aborderons pas dans le cadre de ce cours, mais qui
peuvent permettre par contraste de mettre en évidence les spécificités de celles que
nous aborderons.
• La principale de ces notions (de ces termes) est celle de terme, précisément, qu’on
emploie parfois à tort en lieu et place de la notion de mot. Un terme est une unité
qui fait partie d’un lexique spécialisé, de ce qu’on nomme aussi une terminologie. Il
peut s’agir d’une terminologie technique, scientifique ou – de façon plus générale –
professionnelle. Certaines de ces terminologies, notamment dans le champ des
sciences exactes, ont fait l’objet d’une normalisation / standardisation – parfois
depuis longtemps, comme celles de la chimie ou de la botanique. Une
standardisation assortie d’une traduction des termes dans les grandes langues de
culture et qui est réalisée sous la responsabilité de commissions internationales,
formées le plus souvent au sein des institutions « régulatrices » de la discipline
concernées (Congrès, sociétés savantes)
Exercices

• révisez la signification des principales notions que nous avons évoquées dans cette introduction historique :
• Accent tonique
• Dérivation impropre (ou conversion)
• Dérivation propre
• Distinction langue / parole
• Grammaire comparée
• Grammaticalisation
• Lecture silencieuse
• Lexème
• Lexicographie
• Lexicologie
• Lexique
• Mélange des langues
• Morphème
• Mot
• Mot plein (ou mot lexical)
• Mot grammatical
• Niveaux d’analyse linguistique
• Scripta continua
• Terminologie
• Terminographie
• Vocabulaire
Morphologie lexicale : domaines et notions

• En 1923, le Conseil supérieur de l’Instruction publique recommande « de


se défier de “l’étymologie” qui donne lieu à de fréquentes erreurs (et se
montre) sceptique sur l’enthousiasme que soulèverait chez les élèves la
recherche des familles de mots ».
• Ces critiques étaient liées au fait que l’objet de la morphologie étudié
d’un point historique exigeait qu’on délaisse le sens au profit de la forme.
La Grammaire historico-comparative n’a pu en effet se constituer en
science qu’en bornant très rigoureusement la prise en compte du sens.
Elle l’a fait en abandonnant les pratiques anciennes de l’étymologie qui
consistaient « à partir du sens pour proposer des rapprochements, quitte
à se contenter d’une vague ressemblance formelle en laissant aux sons la
liberté d’évoluer à leur guise (…). Incohérence qui était un défi au principe
de non-contradiction (tel étymon peut aboutir à tel résultat, mais aussi à
tout autre chose) » (Lamberterie)
Morphologie lexicale : domaines et notions 2
• On l’a vu, le morphème est défini comme la plus petite unité de la langue
résultant de la décomposition d’un énoncé qui soit détentrice 持有者
d’une signification. Certes, le morphème peut à son tour être décomposé
en syllabes puis en phonèmes, mais les unités qui résulteront de cette
décomposition ne détiendront pas un sens par elles-mêmes.
• Le morphème peut être un mot simple (ne comportant pas lui-même
d’autres morphèmes), comme occasion - un mot décomposable en syllabes
(o(c)-ca-sion) puis en phonèmes (/okaziɔ̃/). Ou ce peut être un mot
complexe, lui-même constitué d’autres morphèmes, comme intolérable,
dont la décomposition en syllabes est possible, mais sans correspondre au
résultat d’une analyse morphologique. Ainsi, dans *in-tol-ér-able : « tol »
n’est pas un morphème parce qu’il ne revêt aucun sens et ne constitue pas
une unité linguistique, quel que soit le niveau d’analyse auquel on a affaire.
Les trois morphèmes constitutifs de ce mot sont : in (préfixe à valeur
négative), tolér(e) (le radical 词根 ) et able (suffixe ayant pour sens : ce qui
est possible). D’où la première difficulté que nous rencontrons ici : comment
segmenter, où faire passer les « frontières » entre morphèmes quand nous
décomposons ?
Morphologie lexicale : domaines et notions 3
• Comme c’était le cas pour l’étude diachronique du mot, on l’a vu, l’étude synchronique du mot
se situe donc au croisement de deux points de vue distincts sur la langue : le point de vue
formel et le point de vue sémantique. La forme du mot à son tour sera décrite sous deux
aspects : d’une part, elle est constituée d’une suite de phonèmes ; d’autre part, elle renvoie
elle aussi à un sens.
• La morphophonologie étudie la réalisation phonologique des morphèmes en fonction du
contexte ou – si l’on préfère appréhender le phénomène en sens inverse – étudie le mot
comme une suite organisée et contextualisée de phonèmes. Selon la définition du linguiste
russe Troubtezkoy qui a introduit ce terme dans le métalangage linguistique, il s’agit de «
l’étude de l’emploi en morphologie des moyens phonologiques d’une langue » .Ainsi, parmi les
données contextuelles étudiées par la morphophonologie, il y a les phénomènes d’alternance
(vocalique ou consonantique),

« En partant de la matière, sonore ou écrite, qui constitue le mot, on observe sa structure en
termes de suite de phonèmes ou de graphèmes, organisées en syllabes ; l’unité du mot perçue
par les locuteurs est liée à l’accentuation à l’oral, aux règles de l’orthographe à l’écrit. On
s’aperçoit alors que certaines formes sont statistiquement dominantes dans chaque langue et
l’on peut, à partir des traits qui caractérisent ces formes dominantes, dessiner une esquisse du
mot français, en termes de nombre de syllabes et de structure de la syllabe. Cette approche, en
principe indifférente au sens des mots, relève de la phonologie qui s’attache aujourd’hui à définit
le mot minimal en français « (M.-F. Mortureux, La lexicologie entre langue et discours, Paris, A.
Colin, 2011, 2e ed.).
Méthode d’analyse morphologique

• Nous l’avons vu à propos du mot intolérable, la


principale difficulté de méthode que l’on peut
rencontrer dans l’analyse morphologique tient à la
segmentation des unités. L’un des tests permettant
de la surmonter est le test de la substitution 替换
(également nommée commutation). Comme pour
tout type d’unité, quel que soit le niveau d’analyse,
le morphème s’inscrit comme un élément dans une
série d’autres morphèmes (ce qu’on nomme un
paradigme 词形变化表 ) qui lui sont substituables,
moyennant un changement de sens, bien entendu.
Méthode d’analyse morphologique 2

C’est cette « association » des morphèmes dans la même série paradigmatique qui
permet de vérifier si le découpage a été correctement opéré. Ainsi, on segmente
mortifère (« qui (ap)porte la mort ») en mort(i) et fère et non en mor-tif-ère parce
que le mot figure, d’une part, dans le même paradigme que mamm(i)-fère (« qui
porte des mamelles »), calor(i)fère (« qui (ap)porte la chaleur »), etc., d’autre part,
dans le même paradigme 词型变化 que mortel, mortalité, mortellement, mortuaire,
etc. Les éléments de la première série (mortifère, mammifère, calorifère), qui
appartiennent à la même classe syntaxique (ce sont des noms) sont liés par une
signification (« qui porte » ou « qui apporte ») attachée au suffixe –fère qu’ils ont en
commun. Les éléments de la seconde série (mortuaire, mortel, mortalité,
mortellement), qui appartiennent à différentes classes syntaxiques (deux adjectifs,
un nom, un adverbe) ont en commun la même base mort, c’est-à-dire un morphème
qui constitue un mot à lui tout seul. C’est du nom mort que les autres mots du
paradigme (ici, les unités d’une même famille de mots) sont dérivés par suffixation.
Nous préciserons plus loin les notions, d’affixe (préfixe et suffixe), de famille de mots
ainsi que les différents types de dérivation. Précisons d’ores et déjà ce qu’on entend
par base et radical – des termes que nous avons déjà utilisés : le radical d’un mot
dérivé est l’élément qui subsiste 存在 quand on a mis de côté, selon les cas, les
affixes ou les désinences : tolér. La base est le mot d’où est issu le dérivé : tolérer.
Méthode d’analyse morphologique 3

quand on segmente un mot en morphèmes, il faut vérifier


: (i) que la décomposition se fasse en totalité : il ne doit
subsister 存在 aucun élément qui ne puisse faire l’objet
d’une commutation ; (ii) que chaque élément de la
décomposition est employé au moins deux fois dans la
langue avec la même signification et la même forme,
constituant ainsi une série d’éléments commutables 可被替换的 :
-eur est un morphème dans la mesure où il apparaît avec
le même sens et sous la même forme dans blancheur,
noirceur, pâleur, etc. , et blanc et un morphème dans la
mesure où il apparaît avec le même sens et sous la même
forme dans blanc, blancheur, blanchir, blanchâtre,
blanchisseur, blanchissage, blanchiment, etc..
Morphème libre et morphème lié

Dans les exemples que avons analysés plus haut, le


morphème mort et le morphème –fère n’ont pas le même
statut. Le premier peut être employé comme un élément
indépendant. Certes, pas indépendant d’un point de vue
syntaxique (comme tout nom, on l’utilise précédé d’un
déterminant dans le groupe nominal), mais indépendant
d’un point de vue morpho-lexical. Autrement dit,
indépendamment d’autres morphèmes, tel que –el ou -
alité. C’est ce qu’on nomme un morphème libre dont le sens
est fixé par sa valeur dénominative, telle qu’on peut la
trouver dans une définition du dictionnaire, et par les
relations qu’il entretient avec le sens des autres mots de la
phrase. Les morphèmes libres sont des mots simples
(comme mort).
Morphème libre et morphème lié 2

Les morphèmes –el, en revanche, ou –fère ne


peuvent être utilisés séparément. On les nomme
pour cette raison morphèmes liés. Il peut s’agir de
désinences 词尾 (terme employé le plus souvent
pour désigner les terminaisons verbales) ou d’affixes,
comme les suffixes –el ou –fère : des éléments qui
détiennent un sens qui leur est propre (sinon, il ne
s’agirait pas de morphèmes), même s’ils n’ont pas de
valeur dénominative, comme les bases ou les
radicaux, mais un sens abstrait, quoique ce sens ne
suffise pas toujours à les distinguer au sein de leur
paradigme d’appartenance.
Morphème libre et morphème lié 3

• Ainsi, la signification de –el n’apparaît distincte de celle -al, un


suffixe dont le sens est proche du sien, que si l’on inscrit chacun de
ces éléments à son tour dans une série paradigmatique plus large,
celle des mots auxquels il peut être affixé – une série elle-même
organisée selon un système d’oppositions que la commutation
permet de mettre en évidence :
« La distinction qui s’établit (entre formations voisines de sens) ne
dépend pas seulement du sémantisme du suffixe. Ce n’est nullement
l’opposition du sens général du suffixe -el à celui du suffixe -al qui
peut expliquer l’opposition sémantique de culturel à cultural, et celle
d’originel à original. Chacune de ces deux oppositions s’est constituée
pour elle-même dans le domaine du couple de vocabulaire qui nous
intéresse. Culturel n’a été sémantiquement réservé à la culture de
l’esprit qu’en contraste avec cultural «  (E. Pichon, « L’enrichissement
lexical dans le français d’aujourd’hui », Le Français moderne, 1938-4,
p. 12).
Base autonome vs non autonome

A côté des désinences et des affixes, certaines bases des


mots dérivés ou composés peuvent aussi constituer des
morphèmes liés : celles qui ne détiennent pas une
existence autonome. C’est le cas de buv, dans buvons ou
buvable. C’est le cas de la plupart des bases qui ont fait
l’objet d’un emprunt, notamment au grec et au latin.
Dans paléographie 古文字学 , mot suffixé par -ie et
constitué de deux bases (paléo-graph(e)-ie), seule la base
graph(e) est autonome : paléo n’est pas utilisé de
manière autonome. La décomposition des bases non
autonomes peut faire l’objet d’erreurs d’interprétation,
relatives au processus de dérivation dont les mots qui les
contiennent sont issus :
Base autonome vs non autonome 2

« Par exemple cécité 失明 est un mot dans lequel on reconnait le suffixe –


té, -ité ; il apparaît donc comme dérivé (sur le modèle de beauté,
généralité…) ; mais l’élément céc- ne se retrouve pas comme une base
(qui doit être adjectivale) en français ; cependant c’est bien lui qui fonde la
valeur dénominative du mot français cécité : on sait qu’il s’agit d’un
emprunt au latin, l’adjectif caecus signifiant « aveugle ». Cécité est bien un
mot français dérivé, mais sa base est empruntée » (M.-F. Mortureux, op.
cit., p. 24).
• Vous voyez ce à quoi vous devrez être attentifs ici si l’on vous demande
d’analyser un mot de ce type en morphèmes : (i) au fait que cécité
échappe au modèle sur lequel sont construits en français les mots en –
té ou –ité : sa base n’est pas adjectivale ; (ii) la segmentation à laquelle
nous procédons spontanément, qui consiste à isoler l’élément céc- est
correcte ; mais céc- n’existe pas en tant que tel en français ; on peut
donc faire l’hypothèse qu’il s’agit d’un emprunt. Cette remarque suffira :
difficile d’aller plus loin en indiquant quelle est l’origine de cet emprunt
(caecus) si vous ne connaissez pas le latin.
Difficultés de reconnaissance du morphème : 1. Allomorphie 异形词素
• Les bases allomorphes sont des variantes de forme d’un mot d’où
provient le mot dérivé, avec conservation du même sens. Certaines
d’entre elles sont construites librement (je m’assois/je m’assieds ;
réécrire/récrire) : il s’agit de deux morphèmes qui ont la même
distribution, mais sans s’opposer. La plupart des autres allomorphes sont
« systémiques » : leur emploi est réglé par tel ou tel sous-système
particulier de la langue, comme celui des conjugaisons. Ainsi, les bases des
verbes irréguliers (notamment ceux qui sont dits du 3e groupe) sont
allomorphes6 : elles peuvent prendre, selon les verbes, de deux à six ou
sept formes différentes. La conjugaison du verbe aller se construit ainsi
avec trois radicaux distincts : all- (j’allai, nous allons, etc.), ir- (tu iras, tu
irais, etc.), v- (tu vas, ils vont, etc.). La variation est contextuelle (selon le
mode, le temps, etc., employé) : les morphèmes sont donc en distribution
complémentaire, bien que non-commutables. Mais le contexte de
variation n’est pas toujours grammatical : il peut être aussi phonétique.
Ainsi le e ouvert en syllabe fermée (peine) se ferme en syllabe ouverte
(pénal)
Allomorphie 2
• Il ne faut pas confondre allomorphes et doublets 同源对似
词 . Il y a doublet quand les deux formes proches, mais
concurrentes, occupent des espaces sémantiques voisins,
mais distincts. Frêle, hérité de fragilis (latin), est la forme
populaire du mot – celle qui s’est transformée
progressivement sous l’effet des lois phonétiques. Fragile
est un doublet du même mot, emprunté plus tardivement
du latin et introduit dans la langue pour un usage savant.
Mais en français contemporain, c’est fragile qui a l’emploi le
plus courant, avec un sens concret (on lira sur une caisse de
livraison : « Attention, fragile ! ») au point d’avoir presque
supplanté la forme frêle, qui n’est plus guère employée que
dans un sens abstrait, dans le vocabulaire littéraire ou dans
certaines locutions figées (un frêle esquif).
Allomorphie 3

Dernière remarque à propos des


allomorphes : comme pour toute autre
analyse linguistique, c’est la considération
de l’oral qui doit prévaloir sur celle de
l’écrit. Dans inaudible et intangible, les
préfixes in- sont allomorphes :
quoiqu’indiscernables à l’écrit, il s’agit bien
de variantes d’une forme en distribution
complémentaire (devant voyelle vs devant
consonne) : /in/ vs / ɛ/̃ .
Difficultés de reconnaissance du morphème 2 : identification malaisé 困难 du sens

• Dans le mot république, la base ré- qui signifie


« chose » (du latin res) et qu’on trouve aussi
dans un mot comme réalité, n’est pas aisée à
repérer. Comme souvent dans une analyse
comme celle à laquelle nous nous sommes
limités (l’analyse synchronique), la
connaissance des données diachroniques,
même si nous ne les développons pas
explicitement, sont utiles à convoquer, qu’il
s’agisse du sens, comme ici, ou de la forme.
Difficultés de reconnaissance du morphème 3:le supplétisme 补充

C’est un phénomène qui se produit quand la forme du


radical diffère entièrement de la forme du mot qui a
une signification liée à celle du dérivé. Il trouve son
origine, lui aussi, dans la juxtaposition d’un lexique
hérité (dit « populaire »), qui a évolué selon ses
propres lois, et d’un lexique formé d’emprunts – aux
langues anciennes le plus souvent – (dit « savant »).
Ces radicaux suppléent les mots ordinaires de même
sens dans les formes dérivés de ces mots. On a ainsi
eau, d’un côté (qui n’a donné aucun dérivé), et
aquatique ou hydrique (« le stress hydrique »), de
l’autre.
Exercices

• Relever et classer les mots simples et les mots dérivés dans cet extrait du journal Le
Monde (21 octobre 2016) :
« Je suis partisan (parti) de garder mon gâteau et de le manger – l’équivalent
(valoir=>équivaloir=>équivalent, -ent : participe présent, impropre) anglais (angle) d’
‘avoir le beurre et l’argent (l’emprunt de latin) du beurre’ – est depuis (de+puis)
longtemps (long+temps) une des phrases fétiches de Boris Johnson (nom propre). Il
l’a répétée (l’emprunt de latin, demander de nouveau, comme répétition) lorsqu
(lors+que) ’il menait la campagne (champ) pour la sortie (sortir=>sorti(p.p)+e,
dérivation impropre par conversion,) du Royaume-Uni (mot composé) de l’Union
(unir, propre) Européenne (europe+en+me ».
• Segmentez les mots suivants en précisant le sens de chaque élément :
Rotondité : = rond, rotond (un mot de latin) + ité/té (la qualité de l’adj)
Repasser : re+passer, passer de nouveau
Sureau : une sorte de fleur, simple (N.B. : -eau est aussi un suffixe)
Garantie : garantir=> garanti (p.p.) =>garantie
Tricotage : -age: l’action ou le résultat de l’action, tricot+age
Dératisation : rat=>ratiser=>dératiser=>dératisation, changement de forme mais pas de
catégorie=> propre, une dérivation parasynthétique : ratiser/ratisation n’existent pas
Dérivation, composition, créativité lexicale

• Le lexique français comprend plus de mots construits


que de mots simples. La formation des mots
construits, qui font partie de l’ensemble plus large des
mots complexes (constitués de deux ou de plusieurs
mots ou morphèmes) obéit à deux procédés
distincts : la dérivation et la composition. La
dérivation est à son tour de deux types principaux : la
dérivation proprement dite (ou dérivation propre) de
type affixal et la conversion (ou dérivation impropre)
qui n’entraîne aucun changement de la forme du mot.
Dérivation, composition, créativité lexicale

• Par « formation des mots construits », on entend le résultat


de la créativité lexicale. Comme nous avons décidé de ne
pas aborder la morphologie d’un point de vue diachronique,
nous ne chercherons pas à dater la création des mots ni à en
préciser l’origine : nous nous bornerons à en décrire le
résultat. Les morphèmes grammaticaux sont caréctérisés par
la dérivation flexionnelle (des affixes grammaticaux,
également nommés « désinences », telles que les marques
de genre, de nombre, de personne, etc.) – un phénomène
qui n’entraîne pas la création de mots nouveaux, mais le
simple changement de forme d’un même mot.
Créativité lexicale : caractéristique 1 (récursivité 循环性 )

Elle obéit à des procédures récursives  递归 : tout mot


construit peut servir de point de départ à la construction d’un
nouveau mot : blanc → blanchir → blanchiment (ou
blanchisserie). Mais l’allongement des mots ainsi construits
contrevient à la tendance générale au raccourcissement, qui
est à l’œuvre dans des procédés langagiers aussi divers que
l’apocope 尾音节省略 , l’aphérèse 头音节省略 , la siglaison
首字母缩合词 , etc., ce qui limite l’extension de la
récursivité. On a ainsi créé urbaniser et urbanisation voire
désurbanisation à partir d’urbain. On a aussi le dérivé rurbain
(mot valise, né de la contraction de rural et d’urbain), mais ni
rurbaniser, ni rurbanisation, ni dérurbanisation ne sont
vraiment d’emploi courant Il s’agit de la reconduction de la
même procédure sur le résultat qu’elle vient de produire.
Créativité lexicale : caractéristiques 2 (cs/ics du processus)

La CL est le produit de l’activité consciente de la


communauté des locuteurs, mais il arrive que
certains mots construits ne soient plus perçus comme
tels, que leur procédé de construction cesse d’être
conscient et qu’ils perdent de ce fait leur
productivité ; ils seront alors considérés par les
locuteurs comme des mots simples. C’est le cas de de
bureau (« table recouverte de bure ») ou de biscuit
(« deux fois cuit ») : exemples cités par Riegel et al.,
op. cit., p. 899. Autrement dit : (i) dans biscuiterie,
biscuit est traité comme une base ; (ii) ni *tri(s)cuit, ni
*bi(s)cuisson, etc., ne sont attestés.
Créativité lexicale : caractéristiques 3 (étymologie 词源 populaire)

A contrario, les locuteurs peuvent projeter sur


certains mots, notamment des mots empruntés à
d’autres langues, des règles de formation dont ils ne
relèvent pas et produire de cette manière, par
analogie, des nouveaux mots. Ainsi, sur le modèle de
bikini – d’après le nom d’un atoll du Pacifique – on a
construit en français monokini comme si bikini était
formé du préfixe bi- (signifiant « deux) et de la base
kini (?) ; mais ce n’est pas le cas. Il s’agit là de ce qu’on
nomme une « étymologie populaire » – un
phénomène à la source lui aussi d’un certain type de
création lexicale et sur lequel nous reviendrons plus
loin.
Créativité lexicale : caractéristiques 4 (création par analogie 类比 )

Procédé le plus fécond de création linguistique,


modélisable par le calcul d’une quatrième proportionnelle :
a/b = c/x (a, b et c étant des unités linguistiques plus ou
moins anciennement attestées ; x étant l’unité créée).
Par exemple : bivalent / monovalent = bikini/x. X =
monokini. Les créations morphologiques imaginaires, telles
qu’on peut les trouver dans la bouche de jeunes enfants,
par exemple, ou de locuteurs non natifs, procèdent du
même type de calcul. Ainsi, le raisonnement analogique
tend à régulariser la conjugaison des verbes irréguliers (dits
du 3e groupe) sur le modèle de celle des verbes réguliers
(du 1er groupe), notamment quand il s’agit de formes peu
usitées à l’oral, comme celles du passé simple : il mange/il
mangea = il boit/*il boiva.
Créativité lexicale : caractéristiques 4 (non compositionnalité)
La signification d’un mot construit ne correspond pas toujours à la
somme des significations de ses parties. Ainsi coutelier et archer
弓箭手 , des mots auxquels on donne par composition le sens de
« personne dont l’activité a pour objet des x (couteaux / arcs) », ne
relèvent pas de la même catégorie sémantique : le coutelier
fabrique des couteaux quand l’archer se sert d’un arc :
« Poivrier renvoie à un arbuste et à un ustensile de table et
pétrolier à un type d’industriel et à un navire, on voit qu’il n’est
plus guère possible, étant donné l’hétérogénéité constatée, de
dériver directement le sens constaté du sens compositionnel
obtenu par la combinaison du sens des constituants du mot
construit » (Georges Kleiber, « Item lexical, mots construits et
polylexicalité vus sous l’angle de la dénomination », Syntaxe et
sémantique n° 5, 2004, p. 24).
Cela renvoie à la question de la polysémie

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