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LE CHAMP JAZZISTIQUE SELON ALEXANDRE PIERREPONT

Labrasserie Descatins

Assoc. Multitudes | « Multitudes »

2004/2 no 16 | pages 145 à 155


ISSN 0292-0107
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-2-page-145.htm
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Pour citer cet article :
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Labrasserie Descatins, « Le champ jazzistique selon Alexandre Pierrepont »,
Multitudes 2004/2 (no 16), p. 145-155.
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DOI 10.3917/mult.016.0145
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jazzistique

Pierrepont
Labrasserie
Alexandre
le champ

Descatins
selon
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Qu’il fasse beau, qu’il fasse laid, rares sont les livres qui savent abandon-
ner leur esprit à tout le libertinage dont est porteur le free jazz. Le flâneur
peut pourtant tomber sur un véritable Original : Le champ jazzistique
d’Alexandre Pierrepont — un vrai grain de levain qui restitue à la musique
et aux musiciens une portion de leur singularité nat u r e l l e. Il déborde de noms,
de voix, de pensées, sages ou folles, qui ne demandent toutes qu’à se laisser
courtiser... Dans nos climats de catins, l’auteur ne couche pas volontiers (par
écrit) ; quant à son livre, chacun peut le lire . Reste à capter certaines des voix
qui se font entendre entre l’un et l’autre, entre eux deux et nous, entre nous et
le jazz. — Y. C .

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M OI — C e jazz, quel type d’objet est-ce donc ?
LU I — Tout est perdu quand on fait du jazz un objet au lieu de le
reconnaître comme le sujet de lui-même.
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M OI — M a question ferait-elle du jazz une catin ?


LU I — Et du questionneur un proxénète, voire un esclavagiste, ou
pour le moins un exploiteur... L’exp loit ation commerciale de la musique
a fr o - a m é ricaine est venue remplacer l’exploitation physique des esclaves.
C ela s’opère sur un mode plus élaboré où l’on n’a plus besoin d ’asservir
les corps, bien sûr. M ais comment expliquez-vous qu’en notre époque
de mondialisat ion , les musiques qu’écoutent les Occidentaux soient pour
près de  % issues des Afro -am éricains (même si elles ont été adaptées
et réinventées en cours de route, comme le rock et la techno) ?Vous êtes-
vous jamais donné la peine de suivre les évolutions parallèles qui re-
lient le développement des techniques d’enregistrem ent, le déclin des
musiques dites folkloriques dans les sociétés occidentales et les straté-
gies commerciales des compagnies d’enregistrem ent ?Vos amis les Eu-
ropéens n’ont-ils pas également colonisé l’Asie, qui disposait de tradi-
tions musicales apparemment aussi exploitables que celles de l’Afriq u e ?
C ’est dans l’histoire des relations entre Afro -am é ricains et Occidentaux
qu’il faut chercher l’explication de la prodigalité de ces musiques et du
mode d’exploitation auquel elles se sont trouvées soumises — mode
d’exploitation qui contribue d’ailleurs non seulement à leur diffusion,
mais peut-être aussi à l’apparition de nouvelles formes (au sang frais)
destinées à remplacer celles que leur surexploitation tend à épuiser avan t
l’âge...
M OI — Vous y allez un peu fort, quand même... Et surtout, je vous
parle de jazz, et vous me renvoyez à l’Afro-américan isme : je vais vous
dénoncer à la Stasi pour communautarisme caractérisé.
LU I — Pas si vite... D ans le champ jazzistique, il y a plusieurs en-
sembles. D ’abord, l’ensemble des musiques de jazz, qu’on pourrait com-
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parer, pour faire une boutade, à la «famille musicale rapprochée » (par


r a p p o rt à la famille musicale élargie dont je parlerai ensuite). C e t
ensemble comprend ce qu’on pourrait appeler les styles (N ew Orleans,
sw i n g, b e-b op, cool, third stream, h ard - b op, free-jazz, jazz-rock, jazz élec-
tronique, et ainsi de suite). C hacun de ces styles se décompose à son
tour en dive rs courants, lesquels sont le plus souvent liés à un territ o ire,
que l’on peut cart o gr a p h ier , h ist o riq u em en t , avec une relat ive précision.
C e qui est important toutefois, c’est non seulement que «le jazz » n’est
pas homogène, mais également qu’aucun de ces styles non plus n’est
lui-même homogène. Il n’y a pas un be-bop : il y a autant de be-bops

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que de be-boppers. Aucun de ces styles ne se définit de manière trans-
cendantale par rapport à ceux qui les créent : chaque courant est réin-
venté dans chaque environnement et par chaque créateur, et chaque
jazz(wo)man réinvente la totalité du jazz à chaque fois.
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U N T IERS — Le jazz ne se réduit pas au be-bop !


L U I — Il y a ensuite l’ensemble des musiques afro-améri c a i n e s, qui sont
distinctes, mais qui ne sont pas dissociables du jazz. On ne comprendrait
rien au champ jazzistique si on le coupait du gospel, du blues, du R&B,
de la soul, du funk ou du rap, parce que le jazz, dans ses différentes
formes et ses différents styles, appartient (non exclusivement, mais dé-
cisivement) à l’ensemble des musiques afro-américaines.
U N E QU IN T E — Le jazz ne se réduit pas au be-bop !
L U I — Troisième ensemble : l’ensemble des musiques de la diaspora afri-
c a i n e, et pas spécialement état s- u n ie n n e s.Il y a des rapports histori q u e s
entre le jazz et les musiques des Antilles — cela est vrai dès le XIX e
siècle à travers les hommes et les femmes qui fuyaient l’esclavage du
sud des U SA pour aller se réfugier dans les Antilles — et les échanges
ont été innombrables entre ces deux régions, notammen t dans les tra-
ditions percussives. M ême plus tard, la salsa ou le reggae ont eu une
influence considérable sur un certain nombre de musiciens de jazz, et
le jazz lui-même a joué un rôle important dans l’apparition d e ce qui
devint le reggae, etc. Il y a donc tout un jeu d’influences qui va bien
au-delà des État s - U n i s , et qui par-delà même les C araïbes, s’étend jus-
qu’à la diaspora africaine du Brésil (avec des échanges qui vont dans
les deux sens, entre jazz et samba notamment).
U N E N ON N AIN — Le jazz ne se réduit pas au be-bop !
LU I — Enfin, dans la famille la plus éloignée, il y aurait l’ensemble
des musiques improvisées, issues du jazz ou parallèles au jazz — il faut
faire le distinguo puisqu’il y a un certain nombre d ’improvisateurs en
Europe ou au Japon qui sont issus du jazz et du free jazz mais qui ne
s’en revendiquent plus du tout aujourd’hui, et qu’on a aussi des gens
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(comme AM M en Angleterre par exemple) qui disent n’avoir jamais


été influencés par le jazz, mais avoir créé dès les années  une esthé-
tique autonome qui a été après-coup assimilée à ce qui se faisait dans
le monde du jazz. Et puis un contrebassiste comme Peter K owald est
également parti à la recherche de traditions d’improvisatio n qui ne
devaient rien à l’Afrique ou à l’Europe.
N OU S — Le champ jazzistique, selon vous, c’est donc un ensemble
de cercles concentriques de plus en plus ouverts ?
EU X — C ’est bien davantage... Traversant tous ces différents en-
sembles de familles musicales plus ou moins lointaines et dans lesquels

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s’inscrivent (sans jamais s’y réduire) différents contenus humains, sty-
listiques, et géographiques, on peut ensuite dissocier deux modes d’as-
s o c i at i o n, qui peuvent être com plém entaires, m ais qui relèvent de
l o giques différentes. Les modes d’association avec d’autres formes artistiques
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qui offrent un interface avec d’autres musiques bien sûr, mais aussi avec
d’autres arts participant de la création contemporaine (danse, p ein t u re,
littérature, etc.). Et puis les modes d’association avec d’autres aspects de la
vie courante, aspects que nous n’identifions pas toujours comme «a rt is-
t iq u es », mais qui peuvent être très étroitement liés avec certains modes
de création musicale. Par exemple, la manière d’arranger son arrière-
c o u r , dans les ghettos urbains des communautés afro-am éric a in e s
(accumulant un patchwork improbable d’objets recyclés) produit des
so rtes de compositions improv i s é e s , m o b ile s, h é t é r o c lit e s, qui sont
assez proches des processus musicaux qui ont été mis à l’œuvre dans
le jazz. Ou alors, on a depuis longtemps repéré les analogies entre le
musicien se lançant à corps perdu dans un solo et le prédicateur entrant
en transe dans l’église baptiste — association qui sera certainement moins
prégnante sur un Evan Parker que sur un Roscoe M itchell, sur un D aunik
Lazro que sur un D aniel C arter (ce qui pose d’ailleurs la question de
savoir de quelles autres associations se nourrissent les solos d’Evan Parker
ou de D aunik Lazro).
UN E CAT IN —Vous oubliez quelque chose d’essentiel: ces ensembles
et ces modes d’association sont à leur tour ouverts à une multiplicité de
sens attribuables à la musique qui s’y produit. Il peut d’agir de sens esthé-
tiques, variés et qui sont souvent traversés par une ambigu ïté (féconde)
entre savoir si on joue une musique «p o p u laire », accessible à tous, issu e
du peuple et épousant les causes du peuple en lutte ou en fête — ou
savoir si on joue quelque chose qui n’est de toutes façons pas contre le
peuple, mais qui doit obtenir un statut de musique aussi « sérieuse »,
aussi «sava n t e »que les musiques classiques contemporaines du monde
occidental, avec la volonté, légitime, de faire reconnaître une œuvre
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d ’An t h o ny Braxton ou d’Ornette C oleman sous le même statut qu’une


œuvre d’Olivier M essiaen.
U N E AU T RE C AT IN — Il peut s’agir aussi de sens politiques, à la
fois incontournables et encombrants, évidents et problémat iq u es, m a is
certainement eux aussi multiples — puisque cela va de citer M alcolm
X à s’engager auprès des Black Panthers, à s’impliquer dans des pro-
jets de reconstruction de commu nautés urbaines, voire à rester en
marge de tout militantisme ouve rtement politique tout en proclamant,
comme C ecil Taylor, que sa façon même de créer de la musique par-
ticipe d’une pratique révolutionnaire qui n’a pas à s’embarrasser de phra-

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séologie.
UN E T ROISIÈM E PEN SÉE — Il peut s’agir aussi bien de sens ma-
giques, liés à l’idée d’un art fonctionnel (qu’on retrouve en Afriq ue de
l’O u est , sans que l’héritage soit passé forcément en ligne directe) :
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beaucoup de musiciens, en particulier dans le free jazz, jouent cette


musique en croyant à son efficience magique (manifestée par des halos
de lumière, des phénomènes de lévitation, des anecdotes comme celle
d’Albert Ayler creusant un trou dans le mur du club où il joue, ou des
visées comme celle de John C oltrane souhaitant jouer pour faire tom-
ber la pluie, pou r rend re les gen s heureux, pour leur apporte r la
richesse).
U N LIBERT IN — Où se situe le free jazz sur cette carte multidi-
mensionnelle du champ jazzistique ?
U N LIBERT IN ÉRU D IT — Point important : il faut affirmer non
seulement que le jazz ne se réduit pas au be-bop, mais aussi que le free
jazz n’est pas un courant de plus : c’est l’ouverture du champ jazzistique à
sa propre complexité, complexité qui lui était inhérente dès le départ , m ais
que les musiciens ne pouvaient pas assumer jusqu’alors. FatsWaller vou-
lait faire connaître ses improvisations à l’orgue, mais dans l’entre-deux
g u e rres un clavi é riste noir américain n’était pas censé improviser à l’orgue.
A partir des années , il y a une complexification assumée des rè-
gles du jeu musical qui permet au champ jazzistique de se laisser arp en-
ter avec de moins en moins d’enclosures. C ’est en cela qu’il faut situer
la liberté du free jazz.
M AD EM OISELLE D E L’ESPIN ASSE — Au fait, pourquoi tend-
on si largement à réduire le jazz au seul be-bop ?
LA M AC H IN E À PREN D RE D U REC U L — C ’est qu’en réalité,
le champ jazzistique peut être étudié sur deux niveaux : celui dont on
a parlé jusqu’ici concerne les logiques sociales qui sont à l’œuvre dans cette
musique. M ais il y en a un autre à prendre en compte également : celui
de la réaffectation de ces logiques sociales par le discours de la « critique
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sp écialisée », réaffect ation qui est expressive d’autre chose que la manière
dont on a essayé de rendre compte du jazz.
LA M AC H IN E À C RIT IQU ER LA C RIT IQU E — Le propre de
ce champ socio-musical, c’est qu’aucun des paramètres qu’on vient de
passer en revue ne se réduit à aucun autre. C ’est pour ça que ces para-
mètres forment un champ ; aucun d’entre eux ne prend l’hégémonie sur
les autres. En reva n c h e , ce que l’appareil critique a constamment essayé
de faire, aujourd’hui comme hier, c’est précisément de mettre en ava n t ,
consciemment ou non, tel ou tel de ces paramètres, érigé en position de
domination par rapport aux autres. D ans le passé, cela avait un aspect

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clair et caricatural : c’était le hot jazz qui était le vrai jazz ; ou c’était le
swing qui était l’essence du jazz. M ais sous des formes plus sophisti-
quées, le même mode de pensée est à l’œuvre à l’heure actuelle dans
le discours critique. Il n’y a rien d’élémentaire dans le jazz. Or c’est pré-
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cisément l’élémentarisation de cette musique qui est promue, sans le


moindre complot bien entendu, dans la plupart des discours critiques
tenus depuis un siècle. C ’est pour cette raison qu’il vaut mieux parler
de champ jazzistique : l’expression est un peu aride, mais elle vise à pla-
cer la complexité au fronton de notre analyse. Il faut donner une pro-
fondeur de champ à l’image que nous nous faisons du jazz, et surtout
éviter l’écrasement de cette profondeur de champ que fait subir à cette
musique l’approche habituelle, qui est à la recherche du trop fameux
« dénominateur commun », d’un invariant à vocation nécessairement
universelle.
A. —Votre grande pantomime du champ jazzistique est assez impres-
sionnante, mais permettez que je revienne un peu sur quelques détails.
À commen cer par les « sens magiq u es ». . . N e nous fa i t e s - vous pas
retomber dans une vue potentiellement condescendante de ces Africa in s-
primitifs attachés à leur gri-gri ?
B. — Le problème n’est pas de savoir si de telles croyances son t «p ri-
mitives » ou « naïves » (ou « métaphoriques » ), mais de percevoir les
sens qui trouvent à s’investir dans la musique. Et ce qui s’investit dans
ces sens magiq u es, c’est peut-être le point aveugle qu i gr ève toute
notre vision du politique, à nous autres Occidentaux.
A. — N ous autres, par exemple, qui faisons du jazz et de l’improvi-
s ation collective un modèle de politique d’émancipat i o n , une autre
utopie, un nouveau Tahiti ?
BORD EU — Précisément ! D ire que l’improvisation collective est
une forme de démocratie idéale, c’est une idée juste, mais insuffisante,
parce que c’est une humanisation totale de la musique : tout s’y passe
entre les hommes qui sont là. Ç a peut correspondre à des idéaux liber-
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taires très nobles, mais chez les Afro -am érica in s, et au-delà des croyan ces
particulières, il y a une autre conception de la vie et de l’univers : la
musique qui passe en nous n’appartient pas qu’à nous. Elle n’appar-
tient pas non plus forcément au D ivin d’ailleurs. L’improvisation col-
lective se joue entre nous, elle est aussi dans l’espace qui existe et qui a
une consistance entre nous, et elle existe à travers nous, elle nous tra-
verse comme elle traverse une pierre, un arbre, une étoile, le cosmos.
C ’est appauvrissant de n’y voir qu’une démocratie réalisée ; contre cet
a p p a u vrissem en t , ces musiques affirment qu’il n’y a pas que nous dans
l’univers. L’individu, à travers la pratique de l’improvisation est situé

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dans le cosmos comme une composante de l’univers, ou mieux encore,
comme une « improvisante » de l’unive rs. D ’où le contact avec un soi dont
on a élargi la notion : un soi participant d’un corps individuel, et affir-
mant la puissance de ce corps, mais d’un corps qui est multiple, par ce
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qui le traverse et par ce qui le conditionne (les phases du jour et de la


nuit, les saisons, la faim, le vieillissement, les pensées conscientes, les
désirs inconscients, les paroles d’autrui) — donc un soi qui s’éprouve
comme collectif et pluriel.
M AD EM OISELLE D E L’ESPIN ASSE — Le champ jazzistique
serait-il donc par excellence le chant d’expression des multitudes ?
BORD EU — L’urgence du jazz tient à ce qu’il réinitie l’emploi du
p lu riel dans notre compréhension du viva n t : p lu riel des musiques,
p l u riel des mondes, p l u riel des mondes de mondes, mais aussi — et ceci
a des enjeux politiques évidents — pluriel au sein de l’individu, pluriel
dans nos origines et dans nos devenirs.
M AD EM OISELLE D E L’ESPIN ASSE — Pluriel de voix qui par-
lent à travers nous... Le jazz abolit-il l’individuation ?
BORD EU — Bien au contraire, il nous éclaire sur la constitution des
individus. H istoriquement, une des spécificités de la musique chez les
Afro-américains a été de permettre à des gens auxquels on avait enlevé
non seulement la liberté mais aussi l’individualité — et c’est là le propre
de l’esclavage des N oirs en Amérique — de se redonner un sujet col-
lectif et un sujet singulier. D ’où l’importance dans ces musiques de se
forger sa propre voix, de s’individualiser ; ce sont des musiques où l’in-
dividu se signifie.
D ’ALEM BERT (bâillant) — Allons bon, nous voilà repartis vers
l’Afrique et l’époque de l’esclavage...
L’AN T H RO P O L O G U E — Les Afr o - a m éricains jusque vers la pre-
mière moitié du XX e siècle n’ont eu, pour l’essentiel, aucun autre
moyen d’expression que la musique. C e n’était ni comme peintre, ni
comme écrivain, ni comme architecte, ni comme politicien qu’ils pou-
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vaient avoir une expérience du sujet — du sujet singulier et du sujet


collectif —, mais seulement comme musicien (et, par ailleurs, comme
pasteur ou croya n t , c’est-à-dire comme membre de la comm unauté des
croyants). En a résulté un surinvestissement de sens, que je représente
à travers un schéma, un peu pataphysicien, prenant la forme de deux
entonnoirs, assemblés embout contre embout. À la grande entrée d’un
des entonnoirs, on aurait une culture riche de toutes ses dim ensions
(les arts, les savoir-faire, les pratiques culinaires, vestimentaires, l’or-
gan isation politique, les relations de parenté, e t c. ) . Sous l’effet d’un eth-
nocide, tout cela se rétrécit à une peau de chagrin et se réduit à un ou

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deux aspects de l’existence seulement — aspects parcellaires, mais qui
vont de façon talismanique regrouper, au niveau du sens investi dans
ces expressions, l’ensemble des habilités d’une culture totale. N e reste
plus, alors, que le secret espoir qu’une culture puisse à l’avenir se redé-
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p loyer en passant par un second entonnoir tourné cette fois dans l’autre
sens — même si ce sera bien sûr une culture réinventée, et pas forcé-
ment similaire dans tous ses traits à la culture totale originelle. On y
retrouvera des manières de faire qui auront transité par ce moment de
réduction dramatique et qui se reconstruiront avec les nouveaux mat é-
riaux disponibles de l’autre côté de ce passage étroit. En ce sens, pour
les populations issues de l’esclavage en Amérique du N ord, la musique
a pu être l’équivalent de ce qu’a été une religion comme le vaudou en
H aïti, soit bien davantage qu’une religion.
LE G RAN D ON C LE — D ’où par exemple une différence majeure
entre le statut socio-culturel (ainsi que politique) du jazz et celui qu’a
pu avoir le rock dans les tats-U nis ou l’Europe des années . C e der-
nier représentait une contre-culture, un geste de rébellion contre la com-
munauté dont étaient issus les musiciens et les auditeurs. N i le jazz, ni
le blues, ni le rap ne sont des contre-cultures pour les Afr o - a m érica in s :
ces musiques s’opposent bien sûr à l’Amérique blanche (quoique, ici
encore, non sans ambiguïtés, concessions, copinages), mais elles par-
ticipent — souvent très explicitement et consciemment — à un travail
d’invention culturelle et de mémoire sociale, qui implique des marques de
respect enve rs les générations précédentes. Les envolées spat io-myst iq u es
d’un Sun Ra ou d’un G eorge C linton sont l’affirmation d’une culture,
le réinvestissement d’un hérit a ge , qui peut s’opposer bien sûr à une autre
culture (blanche), mais qui n’est pas défini au premier chef par cette
opposition.
M OI — M ais je sens vos doigts qui vous démangent... Vous m’avez
l’air prêt pour une dernière grande pantomime. Allez-y ! Faites-nous
une fugue à trois voix, dans le style de votre oncle, pour nous esquis-
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ser les trois lignes de fuite qui font l’ori ginalité du jazz d ans les arts d’au-
jourd’hui...
LE N EVEU — M erci, monsieur le philosophe...
PREM IÈRE VOIX : L’INVENTION D’UNE FORCE COMBINA-
TOIRE — Le champ jazzistique donne lieu au déploiement d’une mul-
tiplicité en deve n i r. On l’a vu en évoquant l’entrecroisement constant des
styles, sous-genres, influences, pratiques, associations, sens : multipli-
cité le jazz était, multiplicité il est devenu en se transformant, et mul-
tiplicité il deviendra. Et cela à travers un développement qui n’est pas
lin éa ire, mais relève plutôt de la spira l e, laquelle progresse par des mou-

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vements qu’une approche en quête de dénominateur commun voit
comme des retours en arrière, mais qui, restitués dans leur profondeur
de champ, apparaissent comme autant de retours sur soi qui avancent.
Pour illustrer ce deven ir, et remettre à leur place ceux qui s’offenseraient
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de ce que le jazz se serve aujourd’hui de platines, hier de guitares ou


de claviers électriq u es, rappelons que le jazz est né sans trompette, sa n s
piano, sans saxophone, sans contrebasse et sans batterie : il s’est bri-
colé une identité à partir des instruments abandonn és par les fanfares
militaires des armées nordistes (trombones, cornets et clarinettes). Si
les fa n fares militaires du XIX e siècle avaient utilisé des bassons, des haut-
bois et des clavecins (ce qui aurait certes été moins pratiqu e du point
de vue logistique), les Afro-américains auraient comm encé à jouer du
clavecin sans se poser davantage de questions. La multiplicité en deve-
nir existe donc à l’origine, dans les instruments recyclés de droite et de
gauche, ainsi que dans les différents genres qui se sont mélangés à la
N ou velle Orléans. L’i m p o rtant est que ce mélange ne se soit jamais réduit
à donner un résultat, ultime et définitif qui ferait dire Eurêka, le jazz,
c’est ça ! Il ne consiste qu’en une force combinatoire qui ne va cesser à par-
tir de ce moment-là de continuer à se mélanger. L’espace propre de cette
musique ne se stabilise pas autour de tel ou tel mélange plus ou moins
sp écifiq u e : il ouvre un champ dans lequel d’autres mélanges vont en per-
manence pouvoir avoir lieu.
D EU XIÈM E VO I X : LA MISE EN PLACE D’UN CONTINUUM —
L’idée de continuum se trouve abondamment employée par les Afro-
am éricain s, ce qui se comprend de la part de populations plongées dans
un vide culturel ; pour que quelque chose survive, il a fallu réinventer
un continuum, entre le passé d’une Afrique largement fantôme, le pré-
sent d’une société américaine marquée par la coupure et l’isolation, et
des perspectives d’avenir souvent mystérieuses. C ’est là le sens du slo-
gan de l’Art Ensemble de Chicago, dans lequel se sont reconnus de nom-
breux musiciens : from the Ancient to the Future. Outre ce besoin d’in-
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venter un pont par-dessus l’abîme (à commencer par l’abîme historiq u e


de la déport at io n ) , la mise en place d’un continuum peut se com-
prendre en opposition avec la notion de vacuum, qui caractérise d’un
certain point de vue la société américaine. C ar ce ne sont pas les seuls
Afro-américains qui sont dans un vide culturel : leur pratique d’inven-
tion d’un continuum offre un radeau de survie à tou s les Occidentaux
souffrant de ce même vacuum.
T ROISIÈM E VOIX : LE CHAMP JAZZISTIQUE EST RICHE DE
MUSIQUES RÉALISANTES — On se trouve, avec le champ jazzisti-
que et dès la charnière du XIX e au XX e siècle, dans cette situation que

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le moyen d’expression devient le lieu du groupe. Pour le dire autrement : il
n’y a pas d’antériorité de l’être par rapport à l’expression. Regardons en ef-
fet où s’inventent ces musiques, par qui, pour quoi. Il n’y a pas d’unive r-
salité du jazz, et c’est tant mieux : il y a sans toute une transnationalité
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du jazz, mais elle ne tient en rien du nappage uniforme qui couvrirait


également toute la planète. Les musiques afro-américaines s’implantent
dans des sociétés où les musiques populaires ont cessé d’exister ou sont
sur le déclin. D ans un premier temps, cette implantation passe par l’imi-
tation de styles importés (le be-bop, le rap), mais assez vite se réalisent
des greffes qui mélangent des thèmes empruntés à ce qui reste du folk-
lore local, des phrasés propres à la langue, des pratiques et d es inves-
tissements de sens caractéristiques de la culture d ’implantation.
LE PH ILOSOPH E — Le jazz est donc porteur d’un pouvoir consti-
tuant qui lui serait propre ?
LE N EVEU — Plus précisément : le champ jazzistique offre une dyna-
mique de reconstituant culturel. C ette dynamique fonctionne toujours
selon un double principe. D ’un côté, le rapport à soi libère de l’altérité.
G râce aux surprises de l’improvisation, il sort de moi une musique qui
m’est inouïe à moi-même ; je suis donc amené à jouer non seulement
ce que je sais, mais également ce que je ne sais pas ; non seulement qui
je suis, mais aussi bien celui que je suis sans le savoir encore. En même
temps, grâce au travail de l’improvisation, je vais pouvoir identifier cet
inouï, le prat iq u er, me fa m ilia riser avec lui, le faire entrer dans mon vo c a-
bulaire : faire que ce je, qui était un autre, devienne mien. Le corollaire
de ceci, c’est que d’un autre côté le rapport à l’autre libère de l’identité.
L o rsque deux musiciens se rencontrent, aucun unive rs n’englobe
l’a u t r e : chacun est restitué à lui-même, a gr a n d i, au sein d’un troisième
univers suscité par la rencontre même. C ’est ce qui s’est passé avec les
musiques cubaines dans les années , les musiques moyen-orientales
dans les années  et  , les musiques africaines et sud-américaines dans
les années  et , les musiques klezmer et asiatiques dans les années
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 et ... D ans tous ces cas, il s’est agi de reprendre possession de soi,
de se réinscrire dans sa propre histoire, mais dans une histo ire qui n’est
pas identitaire, puisqu’on se réunifie à un soi dont on a fait l’expérien ce
qu’il était aussi un autre, donc à une version agrandie de soi-même.
C ’est une superbe (parce que pacifique) revanche culturelle qu’ont pris
les Afro-américains : ils offrent aujourd’hui aux individus de toute ori-
gine un processus de recontextualisation des conditions de vie et de réen-
chantement du monde qui permet de renouer des liens tout en les actua-
lisant. Il ne s’agit pas en effet de renouer avec le passé, mais avec qui
on est aujourd’hui et avec qui on peut devenir demain, en faisant jouer

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la multiplicité de relations et de déterminations qui nous traversent.
M OI — Vous voilà tout en sueur : il est temps de vous reposer... U ne
dernière question toutefois : que vous attribuer parmi tous ces beaux
propos ?
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LU I — Tout et rien ! C ela dépendra de ce que vous chercherez dans


notre causeri e : causes prochaines ou causes premières. . . M ais on cause,
on jase, et on fait languir la machine. C ’est mon estomac qui a besoin
d’un reconstituant... N ’avez-vous pas promis au jaseur un d îner, en
échange de ses pantomimes ?
M OI — C ombien de bouches à nourrir ce soir ?
LU I — U ne seule, monsieur le philosophe. N ’est-il pas vrai que je
suis toujours le même ?

() Alexandre Pierrepont, Le champ jazzistique, M arseille, éditions Parenthèses, , 
pages, ISBN ---,  Euros.

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