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différentielle
Cours, exercices
et QCM corrigés
Michel Huteau
5e édition
entièrement revue et actualisée
Maquette de couverture :
Le Petit Atelier
© Dunod, 2021
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-082746-6
Table des matières
Introduction..................................................................................................1
Cours
QCM et corrigés
Corrigés.......................................................................................................434
Conclusion.....................................................................................................469
Bibliographie................................................................................................471
Index des notions.....................................................................................495
Introduction
Dans le premier chapitre, on précise dans quel esprit sont conduites les
recherches dans le domaine de la psychologie différentielle. On présente les
sources philosophiques et scientifiques de cette branche de la psychologie (la tradi-
tion empiriste et la théorie de l’évolution) ainsi que son développement et les
méthodes qu’elle utilise préférentiellement (observation standardisée, analyse des
covariations entre conduites).
Les chapitres 2 et 3 sont respectivement consacrés à l’intelligence largement
définie (résolution de problèmes de nature diverse, processus mentaux élaborés
et aussi créativité et mémoire) et à la personnalité (les manières habituelles de
se comporter dans la vie courante), c’est-à-dire à des conduites complexes qui
résultent de l’intégration de nombreux comportements élémentaires. Bien que
la variabilité entre les individus se manifeste à tous les niveaux de la conduite,
elle a été le plus souvent étudiée aux niveaux supérieurs d’intégration. C’est à ces
niveaux qu’elle paraît la plus intéressante, qu’il s’agisse d’envisager des applications
ou de contribuer à l’élaboration d’une théorie psychologique complète.
Il y a deux manières, non exclusives, de concevoir l’explication des différences
individuelles. On peut considérer que l’on a progressé dans l’explication de ces
différences lorsqu’on a réussi à les insérer dans un réseau de variables, certaines
d’entre elles ayant si possible un statut causal, décrivant le fonctionnement
psychologique. C’est ainsi, par exemple, que les différences d’efficience en lecture
sont mieux comprises lorsqu’on a montré qu’elles étaient associées à des différences
de capacité perceptive ou à des différences dans la connaissance des principes de
la langue. On rencontrera ce type d’explication dans les chapitres 2 et 3. Mais on
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
doit aussi considérer qu’il est nécessaire d’expliquer les différences individuelles
en élucidant les conditions de leur apparition. On est alors conduit à rechercher
les influences environnementales pertinentes, à préciser leur mode d’action et
à s’interroger sur d’éventuels déterminants héréditaires des conduites. Ce type
d’explication, qui concerne l’origine des différences individuelles, est présenté au
chapitre 4.
Après avoir noté que certains individus appartenant à des groupes identifiés
tendent à avoir des caractéristiques communes, on peut s’interroger sur la nature
de ces caractéristiques, et sur les facteurs responsables de la relative homogénéité
observée. On présentera au chapitre 5 des données relatives aux différences entre
hommes et femmes et entre sujets appartenant à des classes sociales différentes..
Le cours est accompagné de QCM et d’exercices.
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Psychologie différentielle
Les QCM et leurs corrigés sont regroupés à la fin de l’ouvrage. Chaque question
du QCM est présentée sous la forme d’une affirmation. Vous devez indiquer si elle
est vraie ou fausse. Si vous ne savez pas ou si vous hésitez, il est bien sûr inutile de
répondre au hasard, étudiez le cours à nouveau.
Les exercices sont en ligne (www.dunod.com), accessibles à partir de la fiche de
présentation de l’ouvrage. Ils sont regroupés par thèmes correspondant à des points
du cours dont ils permettent l’approfondissement. Ils ont généralement pour support
des travaux de recherches qui sont évoqués de manière partielle et simplifiée. Il est
recommandé de rédiger les réponses aux questions posées.
Cours
Sommaire
L’esprit
de la psychologie différentielle
Sommaire
1. Les origines
VV
de la psychologie différentielle........ page 9
2. Les méthodes
VV
de la psychologie différentielle...... page 36
Afin de caractériser l’esprit de la psychologie différentielle on examinera le
contexte philosophique et scientifique dans lequel elle est apparue et le type de
méthodes qu’elle utilise le plus fréquemment.
sur l’origine de nos « idées », c’est-à-dire de concepts très abstraits (Dieu, par
exemple), de catégories de pensée (le temps, la causalité), ou encore d’opérations
mentales. Pour les philosophes idéalistes, les idées sont innées et notre esprit a la
capacité de les appréhender directement. Pour les philosophes empiristes, les idées
sont élaborées à partir des informations fournies par les organes sensoriels.
Dans le cadre des philosophies idéalistes, on est conduit à définir des propriétés de
l’esprit, ou des facultés, qui permettent d’accéder à la connaissance indépendamment
des sensations et plus généralement de décrire l’âme humaine. C’est ainsi que Thomas
Reid (1710-1796), fondateur de l’école écossaise dont l’influence se manifestera tout
au long du xixe siècle, présente une liste des « pouvoirs de l’âme » : vingt-quatre
« pouvoirs actifs » comme la faim, la préservation de soi, l’imitation, l’estime de soi,
le désir de puissance, la pitié, le devoir, l’imagination, etc., et six « pouvoirs intellec-
tuels » comme la perception, le jugement, la mémoire, le sens moral, etc. Ces facultés,
ou pouvoirs très généraux, peuvent se manifester plus ou moins fortement chez des
individus différents et évoquent ainsi des dimensions des différences individuelles.
Mais l’intérêt de tels cadres descriptifs est limité. Ils sont d’abord purement
spéculatifs et les recherches de psychologie différentielle ultérieures fondées
sur l’observation systématique et non plus sur des observations anecdotiques ou
la simple intuition ne les valideront généralement pas. Ils sont aussi statiques,
complètement coupés de tout ce qui pourrait évoquer un schéma de fonctionne-
ment psychologique. Enfin, les postulats innéistes ne fournissent aucune indica-
tion pour aborder les problèmes du développement des individus, sans pour autant
préparer l’étude du rôle des facteurs héréditaires. Aussi, les théories des facultés,
quelle que soit leur forme, ont été davantage des obstacles à la naissance de la
psychologie différentielle que des facteurs la facilitant.
On trouve cependant la trace de la théorie des facultés, et notamment de
l’œuvre de Reid, chez des précurseurs de la psychologie moderne. Alexander Bain
(1818-1903) reprend les facultés de Reid pour décrire les différences individuelles
dans un ouvrage sur la personnalité publié en 1861, Sur l’étude du caractère. Franz
Josef Gall (1758-1828) s’en inspire aussi largement dans sa phrénologie qui connut
un grand succès tout au long du xixe siècle.
➤➤ 1.1.2. La phrénologie
Pour Gall il existe une trentaine de facultés (voir encadré ci-après). Chaque faculté
a son siège dans une région du cerveau et cette région est d’autant plus développée
que l’est la faculté. Le développement du cerveau ayant modifié la forme du crâne,
il est possible d’estimer le développement de la faculté en le palpant. L’expression
« avoir la bosse de… » provient de la phrénologie (appelée aussi craniologie).
Aujourd’hui on peut sourire du schématisme de la phrénologie et de la naïveté de
Gall ; on peut même s’indigner de son réductionnisme. Mais cette théorie, comme
toute théorie, doit être resituée dans le contexte de son époque. Certes, la théorie
11
L’esprit de la psychologie différentielle
➤➤ 1.2.2. L’associationnisme
anifeste dans les guerres, les épidémies, les famines, et qui doit rétablir l’équilibre
m
entre la population et les ressources. Dans la nature il y a aussi « lutte pour l’exis-
tence » entre les individus. Celle-ci peut prendre des formes diverses : un mammi-
fère peut lutter pour l’existence en affrontant physiquement un autre mammifère,
une plante peut lutter avec les autres plantes en produisant davantage de graines…
La lutte pour l’existence conduit à une « sélection naturelle » et à la « persistance
des plus aptes ». La sélection portant sur des caractères héréditaires, il y a modi-
fication continue de la fréquence de ces caractères dans une population. Certains
disparaissent tandis que d’autres deviennent la propriété de tous les individus de
l’espèce. Le mécanisme de la sélection naturelle est identique à celui de la sélec-
tion artificielle pratiquée par les éleveurs.
L’impact de la théorie de l’évolution a été considérable : l’homme qui était
considéré comme une création divine devient le produit naturel d’une évolution
dont la finalité n’est pas évidente. En dépouillant ainsi l’homme de ses attri-
buts métaphysiques pour en faire un animal comme les autres, le darwinisme
ne pouvait que faciliter le développement d’une psychologie objective (avec
cependant un risque sérieux, celui d’une cécité à certains phénomènes qui font
que l’homme n’est pas tout à fait un animal comme les autres). Le darwinisme
a donné naissance à deux branches de la psychologie : la psychologie comparée
qui analyse les différences et les ressemblances entre les espèces animales et la
psychologie différentielle. Plus récemment est apparu un courant de recherche –
la psychologie évolutionniste – où l’on se propose de montrer que les conduites
actuelles sont, au moins pour une part, le produit de l’évolution (voir chapitre 5,
paragraphe 1.4.3).
décrire la liaison il faut tenir compte des deux droites de régression. Il montre
que l’on peut décrire les ellipses qui résument le tableau de corrélation à partir de
trois paramètres : la dispersion des deux variables considérées dans la population
générale et un paramètre r, moyenne géométrique des coefficients angulaires
des deux droites de régression, qui est une mesure de la force de la liaison entre
les deux variables (1888). Galton est également le précurseur des techniques
d’analyse factorielle.
18
17
Moyenne
des
16 descendants
15
R = .33
14
14 15 16 17 18 19 20 21 22
Diamètre des graines des ascendants
(en centième de pouce)
Figure 1.1
En abscisse : diamètres des graines des ascendants ; en ordonnée :
diamètre des graines des descendants (en centièmes de pouces).
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Galton observe que lorsque la taille des graines des ascendants est par exemple
21 centièmes (écart à la moyenne de 3 centièmes), celle des descendants est
seulement de 17,5 centièmes de pouces en moyenne (écart à la moyenne d’en-
viron 1,2 centième seulement). Il y a donc eu « régression » vers la moyenne de
la taille des descendants.
➤➤ 1.4.3. L’hérédité
➤➤ 1.4.4. L’eugénisme
Pour construire son test, ou plutôt ses tests, Cattell reprend les situations expé-
rimentales du laboratoire de Wundt. Voici les 10 tests qu’il présente en 1890:
1) Pression dynamométrique.
2) Vitesse de mouvement (vitesse maximum d’un mouvement du bras du repos à
une distance de 50cm).
3) Zones sensitives (distance minimale entre deux points de la peau afin que leur
excitation donne encore naissance à deux sensations)
4) Pression douloureuse (seuil de perception de la douleur consécutive à une
pression).
5) Seuil différentiel de poids (plus petite différence perceptible pour un poids de
100 g).
6) Temps de réaction auditif simple.
7) Temps de dénomination de couleurs.
8) Bissection d’une ligne de 50 cm.
9) Reproduction d’une durée de 10 sec.
10) Nombre de lettres retenues après une audition.
Tous ces tests, à l’exception du dernier, évaluent la variabilité de processus
élémentaires. On peut noter aussi que beaucoup sont proches des situations de
laboratoire et ne sont pas d’un usage très aisé.
Cattell mettait beaucoup d’espoir dans ses tests. Mais en 1901, un de ses assis-
tants, Clark Wissler, calcula sur un groupe d’étudiants les corrélations entre les
scores à ces tests et divers indices du succès académique. Celles-ci se révélèrent très
faibles et inconsistantes. Les corrélations entre les tests étaient elles aussi faibles et
inconsistantes. Il apparut alors clairement que l’étude des processus élémentaires
ne permettait pas d’appréhender l’intelligence.
➤➤ 1.5.2. Charles Spearman
Charles Spearman (encadré 1.5), bien qu’il n’accepte pas le postulat association-
niste concernant le caractère automatique des associations et la passivité du sujet,
est très attaché à l’élémentarisme de Wundt. Il regrette cependant que celui-ci
reste éloigné de la « vie réelle ». Son projet est donc de relier l’étude des processus
élémentaires, qui seule permet une approche scientifique, à des appréciations plus
globales et plus socialement significatives de l’intelligence.
Issu d’une famille anglaise aisée, Charles Edward Spearman, après des études
d’ingénieur et malgré une forte attirance pour la philosophie et les sciences,
s’engage dans l’armée britannique à 22 ans. Il y restera 12 ans pendant
☞
23
L’esprit de la psychologie différentielle
☞
lesquels son intérêt pour la psychologie, et plus particulièrement pour les travaux
de Wundt et Galton, ira croissant. En 1897, il s’installe à Leipzig et entreprend
un doctorat sous la direction de Wundt. En 1900, au moment de la guerre
que les britanniques conduisent en Afrique du Sud contre les Boers, l’armée le
rappelle et de 1900 à 1903 il sera gouverneur militaire de Guernesey. Ce sont
les écoliers de Guernesey qui lui serviront de sujets pour ses premiers travaux sur
l’analyse factorielle. Spearman déclarera plus tard que ces 15 ans passés dans
l’armée sont « la plus grande erreur de sa vie ». De retour à Leipzig il soutien-
dra sa thèse en 1906, deux ans après avoir publié ses articles fondamentaux.
De 1907 à sa retraite Spearman enseignera la psychologie à l’Université de
Londres.
Spearman est surtout connu comme l’inventeur de la méthode d’analyse facto-
rielle et par ses travaux sur l’intelligence et le « facteur général ». On lui doit
également d’importants travaux dans le domaine de la psychométrie. Il est
l’auteur de la théorie classique de la fidélité, où l’on considère que le score
observé est la somme d’un score « vrai » et d’une erreur (voir dans ce chapitre
le paragraphe 2.1.), dont il a tiré plusieurs implications : notamment le rapport
entre la fidélité d’un test et sa longueur et l’atténuation des corrélations du fait du
manque de fidélité des variables. Il est aussi l’auteur d’un coefficient de corréla-
tion par rangs toujours utilisé.
élevées, ne sont pas parfaites Spearman introduit les notions de facteur général et
de facteur spécifique : « Toutes les branches de l’activité intellectuelle, écrit-il,
ont en commun une fonction fondamentale (ou un groupe de fonctions), tandis
que les éléments restants ou spécifiques de l’activité semblent être totalement
différents les uns des autres ».
loppe, par quels caractères précis sa pensée lui est personnelle et différente de celle
d’un autre individu » (p. 15). Synthétisant un vaste ensemble d’observations, il
montre qu’une de ses deux filles est une « subjectiviste » tandis que l’autre est une
« objectiviste ».
Le test de Binet et Simon est le produit de nombreux travaux antérieurs et
l’aboutissement d’une réflexion sur l’objet même de la psychologie. Binet rompt
sur deux points avec les idées alors dominantes : il considère que la psychologie
doit se centrer sur l’étude des processus supérieurs et qu’elle doit abandonner le
paradigme associationniste.
Quelles fonctions, ou quelles dimensions privilégier dans l’étude de l’intelli-
gence ? Binet note que les tentatives les plus nombreuses ont porté sur l’étude
des sensations. Il conteste fortement cette tendance pour deux raisons. Ces
processus ne sont pas les plus pertinents et ce ne sont pas ceux où la variabilité
26
Psychologie différentielle
i nterindividuelle est la plus forte. « Les processus qui a priori et d’après notre obser-
vation et analyse journalière, paraissent être les plus importants, et qui marquent le
mieux les différences entre les individus, sont les processus les plus intellectuels »
(1895). Certes, Binet n’ignore pas que ces processus sont plus difficiles à mesurer
(« Les processus qui peuvent le mieux être déterminés par les expériences sont
ceux qui nous servent le moins pour distinguer les individus ») mais comme ils
sont l’objet d’une plus grande variabilité, les exigences de précision peuvent être
moindres. Binet et Henri proposent en 1895 une liste de dix processus qui, selon
eux, doivent prioritairement être pris en compte dans la construction des tests
d’intelligence (encadré 1.6). Il suffit de comparer cette liste à celle des dix tests de
Cattell présentés quelques années plus tôt (voir ci-dessus) pour s’apercevoir qu’il
n’y a que très peu de recouvrement entre elles. Avec Binet, c’est l’objet même de
la psychologie qui change.
••La mémoire.
••La nature des images mentales.
••L’imagination.
••L’attention.
••La faculté de comprendre.
••La suggestibilité.
••Le sentiment esthétique.
••Les sentiments moraux.
••La force musculaire et la force de la volonté.
••L’habileté et le coup d’œil.
➤➤ 1.6.2. Édouard Toulouse
Édouard Toulouse est un psychiatre qui appartient au corps des aliénistes (méde-
cins-fonctionnaires en poste dans ces institutions publiques qu’étaient les asiles
d’aliénés). Avant d’entreprendre ses études de médecine il a été journaliste dans
la presse marseillaise. Tout au long de sa vie il écrira dans la grande presse et dans
les journaux de tendance radicale et radicale-socialiste. En 1898 il est nommé
médecin-chef à l’asile de Villejuif, il y restera jusqu’en 1921. Dès son arrivée à
Villejuif, il crée un laboratoire de psychologie expérimentale (en même temps
qu’un laboratoire d’anatomie pathologique) qui sera officiellement reconnu
en 1900 (par l’École pratique des hautes études qui avait contribué quelques
années plus tôt à la création du Laboratoire de psychologie physiologique de la
Sorbonne). Ce laboratoire est très actif, plus actif que celui de la Sorbonne. Il
fut le lieu de formation de J.-M. Lahy (1872-1943), qui a fondé la psychologie du
travail en France et d’Henri Piéron (1881-1964), qui fut jusqu’aux années 1950
une des figures les plus éminentes de la psychologie française. Dès sa jeunesse,
Toulouse a milité pour la réforme du système psychiatrique, sa libéralisation
et la transformation des asiles en hôpitaux psychiatriques. Au lendemain de
la Première Guerre mondiale, il crée la Ligue d’hygiène mentale. Cette ligue
obtient, en 1922, la création du premier service psychiatrique ouvert (le Service
libre de prophylaxie mentale du département de la Seine, qui deviendra en
1926 l’hôpital Henri Rousselle), lequel annonce la psychiatrie de secteur qui se
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« J’ai, pendant la guerre, été amené à faire la sélection des femmes watt-
mans pour une compagnie de tramways. Il s’agissait de choisir les candidates
présentant une attention stable, résistant aux perturbations d’ordre émotif.
Dans mon enquête préalable, je me rendis compte que les accidents sont
souvent dus à ce que, devant la menace soudaine d’une collision, le wattman
qui doit immédiatement couper le courant tourne, dans l’émotion, la manette en
sens inverse, ce qui augmente la vitesse au lieu de la diminuer.
L’épreuve principale que j’établis portait sur les temps de réaction, c’est-
à-dire l’intervalle – évalué en centièmes de seconde – compris entre un excitant
auditif ou lumineux et la réaction de la main du sujet dans le sens voulu.
La candidate était en outre prévenue que, si elle tardait à réagir, elle rece-
vrait dans la main une décharge électrique désagréable. Cette attente tendait à
développer un état affectif qui perturbait les temps de réaction.
Les bons sujets avaient des réactions courtes et régulières. Le choix opéré par
ces méthodes eut pour résultat que les femmes quoiqu’inférieures aux hommes
par la résistance et l’émotivité au danger physique, n’ont pas causé plus d’acci-
dents que les hommes choisis par des moyens uniquement médicaux. »
regroupant à la fois des statisticiens et des psychologues. Les statisticiens les plus
connus sont Karl Pearson, le collaborateur de Galton, et Ronald Fisher (1890-
1962) qui est l’inventeur de la statistique inférentielle, et notamment de l’analyse
de la variance. Parmi les psychologues on peut citer Charles Spearman (1863-
1945), inventeur de la première méthode d’analyse factorielle, Cyril Burt (1883-
1971), Philip E. Vernon (1905-1987), Raymond B. Cattell (1905-1998), qui fera
carrière aux États-Unis. Hans J. Eysenck (1916-1997) est le représentant le plus
connu de cette école. Les psychologues de l’École anglaise sont restés très galto-
niens. Ils se caractérisent par l’usage de méthodes statistiques sophistiquées et par
une robuste croyance quant au rôle déterminant des facteurs héréditaires dans l’ex-
plication des différences entre individus et entre groupes. Les tests d’intelligence
furent utilisés très tôt, dès le début des années 1920, à des fins de sélection scolaire.
Les conceptions évolutionnistes de Spencer, la théorie de Darwin et les travaux
de Galton rencontrèrent un vif succès aux États-Unis où la culture dominante
valorisait fortement l’individualisme, la concurrence et le pragmatisme. C’est
là que la psychologie différentielle connut son plus grand développement. Elle
est très présente à la fin du xixe siècle avec James McKeen Cattell (1860-1944).
L’échelle métrique de Binet et Simon est adaptée aux États-Unis par H. Goddard
en 1911. Une autre adaptation – le Stanford-Binet – est proposée par L. Terman
en 1916. Cette adaptation aura beaucoup de succès et sera traduite un peu partout
et notamment… en France. L’utilisation des tests pour le recrutement de l’armée
américaine en 1916 (1 750 000 conscrits furent testés en une année) marqua le
début d’une utilisation massive des tests collectifs papier-crayon. En même temps
que les tests se diversifiaient et étaient de plus en plus utilisés, dans le champ
de l’éducation notamment, la technologie de leur construction devenait de plus
en plus sophistiquée et la psychométrie connaissait des développements impor-
tants. Les méthodes d’analyse factorielles se perfectionnaient et conduisaient,
avec Louis. L. Thurstone (1887-1944), à une conception multidimensionnelle de
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l’intelligence.
L’œuvre de Binet eut peu de prolongements en France et dans le monde
francophone (si elle inspira la psychologie génétique de Piaget, ce ne fut pas par
ses aspects différentiels). Henri Piéron (encadré 1.8), dans la ligne des positions
défendues par Toulouse, affirma une conception de l’intelligence différente de
celle de Binet en insistant sur la nécessité de distinguer l’intelligence du niveau
de développement intellectuel et de caractériser les sujets non plus par leur âge
mental mais par un profil d’aptitudes. Dans cet esprit il construisit des tests qui
furent utilisés dans l’entre-deux-guerres par les premiers conseillers d’orienta-
tion professionnelle, qui étaient à l’époque les seuls praticiens de la psychologie.
30
Psychologie différentielle
Henri Piéron est né à Paris en 1881 dans une famille d’universitaires. Il entre-
prend des études de philosophie tout en étant persuadé que la psychologie,
qui est son centre d’intérêt principal, doit affirmer son indépendance vis-à-vis
de la philosophie. Parallèlement à ses études il s’intègre dans le milieu assez
restreint des psychologues de l’époque : il s’initie à la psychologie expérimen-
tale auprès d’Alfred Binet au laboratoire de psychologie physiologique de la
Sorbonne, à la psychologie clinique en étant un moment secrétaire de Pierre
Janet à la clinique neurologique de la Salpêtrière, pendant les vacances il fait
des recherches de psychologie animale dans le laboratoire de biologie marine
dirigé par Marcel Giard. En 1900, il présente sa première communication au
IVe Congrès international de psychologie. En 1901, il est nommé préparateur
(poste non rétribué !) au Laboratoire de psychologie expérimentale fondé par
Édouard Toulouse à l’asile de Villejuif. Il conduira ses recherches dans ce labo-
ratoire jusqu’en 1912. Il prendra alors la succession de Binet, décédé l’année
précédente, au laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne. En
1923 il sera élu à la chaire de physiologie des sensations créée à son intention
au Collège de France.
L’activité scientifique de Piéron s’est déroulée simultanément dans quatre
directions : l’expérimentation psychologique de laboratoire (qui concerne
directement la psychologie différentielle), la psychopathologie orientée vers la
neurologie et la psychiatrie, la psychophysiologie et la psychologie animale.
Dès 1904, il publie avec Édouard Toulouse et Nicolas Vaschide un recueil de
tests. Piéron est persuadé que la psychologie scientifique est susceptible de
nombreuses applications sociales. Parmi celles-ci il s’intéresse particulièrement
à celles qui découlent de l’examen de la variabilité individuelle : la sélection, et
surtout l’orientation professionnelle. Le premier fascicule du Traité de psycho-
logie appliquée qui est publié sous sa direction à partir de 1949 est intitulé
Psychologie différentielle. C’est dans la perspective de l’orientation profession-
nelle qu’il étudie des questions générales comme la stabilité ou l’hétérogénéité
des aptitudes.
Précurseur du béhaviorisme, Henri Piéron est considéré comme le fondateur de
la psychologie scientifique française tant par ses travaux scientifiques, notam-
ment en psychophysiologie, que par son intense activité institutionnelle. On
lui doit notamment la création de l’Institut de psychologie de Paris en 1920
(la licence de psychologie ne verra le jour qu’en 1947) et de l’Institut national
d’orientation professionnelle en 1928.
Voir l’autobiographie de Piéron dans Psychologues de langue française (Parot
et Richelle, 1992).
y y
A A
Efficience
B
B
x x
Aptitude Aptitude
a)
a) Pas d’interaction b) Interaction
b)
Figure 1.2
Interaction aptitude × traitement
➤➤ 2.1.1. La standardisation
Afin de mettre en évidence les différences individuelles et d’estimer leur ampleur,
on place les individus exactement dans la même situation. La diversité de leurs
conduites ne peut alors s’expliquer que par leurs caractères propres. Placer les
individus exactement dans les mêmes conditions, cela signifie que l’on a défini
avec précision la tâche proposée : s’il s’agit de répondre à des questions, elles sont
formulées d’une manière identique pour tous ; s’il s’agit de résoudre un problème
concret supposant une manipulation d’objets, les caractéristiques physiques de
37
L’esprit de la psychologie différentielle
ceux-ci sont bien spécifiées et toujours identiques d’un sujet à l’autre. Les indi-
cations que l’on donne au sujet (consignes) pour lui indiquer la finalité de son
activité ou pour lui imposer une méthode de travail, ou encore pour lui suggérer
des réponses, sont également rigoureusement identiques d’un sujet à l’autre. Enfin,
l’évaluation de la réponse du sujet laisse peu de place, souvent même aucune, à
l’appréciation personnelle de l’observateur. Dans les cas simples, il suffit de mesurer
une durée, de compter le nombre de fois où une réponse a été donnée, ou le nombre
de problèmes qui ont été résolus. Dans les cas plus complexes, l’observateur doit se
référer à des listes de critères et d’exemples (pour décider par exemple si la défini-
tion d’un mot est correcte ou non) ou encore tenir compte d’éléments du contexte
(des autres réponses par exemple) ; mais il dispose alors d’instructions très précises.
Les tests sont des instruments d’observation qui possèdent les propriétés que nous
venons d’énumérer (standardisation de la situation, de la consigne, de l’évaluation
de la conduite). Du fait de leur standardisation, et bien qu’ils soient fondés sur
l’auto-observation et non sur l’observation du comportement, les questionnaires
fréquemment utilisés en psychologie, lorsque les questions sont à choix multiple ou
lorsque des indications précises sont données pour caractériser les réponses libres,
peuvent être considérés comme des tests. Les exigences de standardisation sont
parfaitement remplies lorsque l’on applique collectivement des tests papier-crayon
(situation et consignes sont imprimées, donc identiques pour tous, la correction
consiste simplement le plus souvent à compter des bonnes réponses) ou lorsque la
passation des tests et leur correction sont informatisées.
La standardisation a pour fonction essentielle d’éliminer les biais dans l’obser-
vation dus à la subjectivité de l’observateur. De tels biais sont systématiquement
observés, et ils sont massifs, dans les évaluations des écoliers par les enseignants ou
dans les évaluations des compétences des travailleurs par leurs supérieurs hiérar-
chiques (voir exercice 4). Lorsque deux individus sont évalués différemment, on
ne sait pas très bien alors si les différences relevées sont de vraies différences, ou si
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un appareil peut être mal réglé…). Pour éviter les erreurs systématiques il est
nécessaire d’analyser soigneusement les conditions de l’observation et de s’assurer
que le test ne mesure pas autre chose que ce qu’il est censé mesurer, ou, en d’autres
termes, qu’il est valide. Lorsque l’on répète la mesure l’erreur aléatoire se manifeste
avec des forces différentes et pas toujours dans le même sens d’une passation à
l’autre. La théorie classique de la fidélité traite uniquement des erreurs aléatoires.
Cette théorie postule que toute mesure observée est décomposable en
une « mesure vraie » et une « erreur » et que ces deux composantes sont
indépendantes :
X = V + E
La mesure vraie n’est pas observable, elle peut être estimée par la moyenne des
mesures observées pourvu que celles-ci soient assez nombreuses.
Du fait de l’indépendance entre la mesure vraie et l’erreur, la variance des
scores observés est égale à la somme de la variance des notes vraies et de la variance
des erreurs (variance vraie et variance d’erreur) :
σ2x = σ2v + σ2e
Le coefficient de fidélité (rxx) est le rapport entre la variance vraie et la variance
observée :
rxx = σ2v/σ2x
Dire qu’un test a un coefficient de fidélité de .90 signifie que 90 % de sa
variance est attribuable à la mesure vraie. Lorsque l’erreur est peu importante rela-
tivement à la mesure vraie le coefficient de fidélité est proche de 1 ; lorsque, au
contraire, l’erreur est très importante relativement à la mesure vraie le coefficient
de fidélité est proche de 0.
Pour calculer rxx, on pourrait estimer directement la variance d’erreur en répé-
tant de nombreuses fois la mesure sur de nombreux sujets. Une telle pratique, outre
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qu’elle serait très coûteuse, ne serait pas très fondée. Dans la mesure où elle sollicite
son activité, l’observation modifie le sujet. Aussi est-il sage de se limiter à une seule
répétition de la mesure. Pratiquement, le coefficient de fidélité est la corrélation
entre une série de mesure et sa répétition. On montre que, dans le cas de deux
mesures (une répétition), ce coefficient de corrélation est rigoureusement iden-
tique au rapport de la variance vraie et de la variance observée.
Σ X X /N σ
rxx = 1 2 X1
σX2
X1 : notes centrées à la première application.
X2 : notes centrées à la seconde application.
On peut distinguer trois grands modes de répétition de la mesure qui corres-
pondent à trois grandes sources d’erreur :
40
Psychologie différentielle
–– on peut répéter la mesure à deux moments différents. Les facteurs d’erreur pris
en compte correspondent alors à des événements qui se manifestent différem-
ment d’une passation à l’autre ;
–– on peut répéter la mesure en faisant varier le contenu de la situation qui concep-
tuellement demeure identique. Les facteurs d’erreurs sont alors relatifs aux déci-
sions prises lors de l’opérationnalisation des idées sur lesquelles est fondé le test,
ou, en d’autres termes, à l’échantillonnage des items ;
–– on peut aussi demander à deux personnes différentes d’évaluer une même
conduite. Les facteurs d’erreur proviennent alors de la subjectivité de l’observa-
teur. Cette source d’erreur est neutralisée dans les tests par la standardisation de
la procédure d’application et de cotation. C’est d’ailleurs sa fonction essentielle.
stabilité est donc un indice ambigu qui ne nous renseigne sur le poids des erreurs
aléatoires que lorsque l’intervalle entre le test et le retest est court (de l’ordre de
quelques mois pour les adultes, moins pour les enfants).
Tableau 1.1
Diagramme de corrélation représentant la stabilité d’une épreuve
13 1 1
12 1 1 1
11 2 1 1 1
10 3 2 3 1 1 2 2
9 4 3 2 1
Seconde passation
8 1 1 1 1 1 1
7 1 1 1 1
6 1 1 1 4 1 1 2 1
5 4 1
4 1 3
3 1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Première passation
L’épreuve a été appliquée à deux reprises à 66 sujets. Lors de la première passation les scores ont
varié de 1 à 14 et lors de la seconde de 3 à 13.
Neuf sujets ont obtenu le score de 5 à la première passation. Sur ces 9 sujets, 4 ont obtenu égale-
ment un score de 5 à la seconde passation, 4 ont obtenu un score de 6, et un, un score de 8.
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☞
Pour plus de simplicité considérons que le test est constitué de deux items et
admettons avec Cronbach que tous les items sont de même variance.
Si les deux items sont indépendants (homogénéité nulle), la variance du test est
égale à la somme de la variance des items et α = 0.
Lorsque deux items sont associés, c’est-à-dire ont en commun une part de leur
variance, la somme de leur variance (var. de a + var. de b) est inférieure à la
variance de leur somme (var de a + b), et cela d’autant plus qu’ils sont en forte
corrélation. Donc, plus leurs inter-corrélations seront fortes, plus se réduira l’écart
entre la variance totale et la variance de chaque item, et plus α sera grand.
Prenons maintenant le cas extrême où les items seraient en corrélation positive
parfaite. La variance de la somme des deux items est le double de la somme de
leur variance totale et α = 1
On considère que pour être satisfaisante, la valeur de ce coefficient doit être
supérieure à 0,70.
se = s x 1 - rxx
(σx est l’écart-type de la distribution des notes observées et rxx le coefficient de
fidélité du test.)
Prenons par exemple un test de QI de moyenne 100 et d’écart type 15 avec un
coefficient de fidélité (homogénéité) de .90. Si le « QI vrai » est 95, la distribution
des notes observées, dans l’hypothèse de nombreuses répétitions, serait normale, de
moyenne 95 et d’écart-type voisin de 5 (15 0, 1 ).
Dans la pratique on ne dispose que d’une seule mesure observée et le problème
est de définir un intervalle de confiance à l’intérieur duquel la note vraie a une
probabilité connue de se trouver. Si le QI observé est 110
–– il y a 99 % de chances pour que le « QI vrai » se situe entre 110 + 2,5 σe et
110 – 2,5 σe, soit entre 122,5 et 97,5 (calculs arrondis) ;
44
Psychologie différentielle
–– il y a 68 % de chances pour qu’il se situe entre 110 + 1 σe et 110 – 1 σe, soit
entre 115 et 105.
On voit qu’avec une fidélité pourtant relativement élevée (.90), et en ne
prenant en compte qu’une seule source d’erreur, l’incertitude sur la note est relati-
vement importante. On prend conscience du caractère illusoire de la précision du
« chiffre QI » lorsqu’on l’exprime en tenant compte de la fidélité. Les connota-
tions ne sont pas les mêmes lorsqu’on dit qu’un sujet a un QI de 110 et lorsqu’on dit
qu’il y a deux chances sur trois pour que son QI se situe entre 105 et 115…
Plusieurs facteurs affectent la fidélité d’un test, notamment l’homogénéité du
groupe sur lequel elle a été estimée et sa longueur. Dans les groupes hétérogènes,
par définition pourrait-on dire, la variabilité interindividuelle est plus importante
et les individus sont mieux différenciés les uns des autres. Il est donc probable que,
relativement à des groupes plus homogènes, la fraction de variance attribuable à
l’erreur sera plus faible. Prenons un exemple : si l’on souhaite mesurer la fidélité
d’un test au niveau du collège, deux démarches sont possibles : on peut évaluer
la fidélité du test à chacun des quatre niveaux du collège (6e, 5e, 4e, 3e), on peut
aussi traiter les collégiens comme un seul groupe et calculer un seul coefficient. Le
coefficient de fidélité sera plus élevé dans le second cas. La fidélité est certes une
propriété du test, mais relativement à une population. Toutes choses étant égales
par ailleurs, un test long est plus fidèle qu’un test court. La théorie du score vrai
permet de comprendre ce phénomène. La fidélité d’un score composite est plus
élevée que celle d’un score élémentaire car en sommant les erreurs aléatoires on
réduit leur poids. (C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la plupart des tests
sont constitués d’une série d’items.) Le coefficient de fidélité peut être « corrigé »
pour tenir compte de la longueur du test.
Pour résumer, trois sources d’erreurs indépendantes peuvent affecter la précision
ou la fidélité des observations : certaines, nous l’avons vu à propos de la standar-
disation, tiennent à la subjectivité des observateurs (fidélité inter-observateurs),
d’autres au moment où l’on pratique les observations (stabilité ou constance),
d’autres encore aux décisions prises pour opérationnaliser la définition des situa-
tions d’observation (équivalence ou homogénéité). Au cours de la mise au point des
dispositifs d’observation, on cherche à minimiser le poids de ces sources d’erreurs.
9 94,5 722
8 85,3 696
Niveau de réussite au test
7 81,2 1 274
6 72,8 1 701
5 63,7 1 877
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4 52,4 1 707
3 42,3 1 043
2 30,6 553
1 17,6 250
On voit que le pourcentage de réussite à la formation est de plus en plus fréquent lorsque la note au test s’élève
(17,6 % des sujets dont la note au test est 1 réussissent la formation, ils sont 30,6 % lorsque la note est 2, etc.).
Figure 1.3
Pourcentage de réussite à la formation de pilotes en fonction du niveau
de réussite au test (d’après R. M. Thorndike et al., 1991)
temps que l’on relèvera leur efficience scolaire. On utilise parfois, pour des raisons
d’économie, la validité concurrente comme substitut de la validité pronostique.
Mais ces deux notions ne sont pas équivalentes et ne fournissent pas des infor-
mations de même nature. La notion de validité concurrente est utile lorsqu’on
souhaite remplacer une procédure d’observation coûteuse par une procédure d’ob-
servation plus économique sans perdre trop en précision. Par exemple, les juge-
ments formulés à l’issue d’une procédure standardisée, peuvent-ils être équivalents
aux jugements formulés par des experts ayant une longue expérience du domaine
en question ? Pour en décider on peut considérer que les jugements des experts
sont le critère et les jugements à l’issue de la procédure standardisée le prédicteur.
Si la validité concurrente est jugée satisfaisante on pourra remplacer la procédure
coûteuse par la procédure économique.
Le coefficient de validité est une mesure de la précision du pronostic. À partir
des données de la figure 1.3 on peut prédire que les sujets qui ont la note 9 réussiront
la formation et que ceux qui ont la note 1 échoueront, mais on se trompera dans
5,5 % des cas pour les premiers et dans 17,6 % des cas pour les seconds. L’erreur
de pronostic est d’autant plus grande que le coefficient de validité est faible. Mais
il est sans doute plus parlant d’exprimer la précision du pronostic en définissant
une zone d’incertitude autour de la note pronostiquée. On dispose d’une solution
à ce problème lorsque le critère est une variable continue et que quelques autres
conditions sont remplies.
Examinons le diagramme de corrélation entre un test (prédicteur) et un critère
représenté figure 1.4a. Pour chaque score au test on a une distribution partielle des
notes au critère (par exemple : la distribution partielle des notes au critère pour
ceux qui ont 2 au test). Cette distribution peut être caractérisée par sa moyenne
et sa dispersion. La droite qui ajuste les moyennes des distributions partielles est la
droite de régression du critère sur le prédicteur (corrélation linéaire) (figure 1.4b).
Il existe aussi une droite de régression du prédicteur sur le critère (elle est indiquée
en pointillé sur la figure 1.4b).
Étant donné une note au test, le meilleur pronostic est la moyenne de la distri-
bution partielle du critère pour cette note (ou la note au critère prédite à partir de
la note au test au moyen de l’équation de la droite de régression). On montre que
l’écart-type de cette distribution partielle (σy.x), que l’on appelle erreur type ou
erreur standard d’estimation, et que l’on postule identique pour toutes les valeurs
du prédicteur, est fonction de la dispersion des notes au critère (σy) et du coeffi-
cient de validité (rxy) :
s y.x = s y 1 - rxy2
En admettant que les distributions partielles se distribuent normalement, on
peut définir, centré sur la note pronostiquée, un intervalle tel que l’on puisse indi-
quer la proportion d’observations qui se trouvent à l’intérieur (figure 1.4c).
47
L’esprit de la psychologie différentielle
Scores au critère
10 1
a)
9 1 1 1
8 1 2 1
7 1 4 4 6 2
6 7 5 7 2 1
5 1 4 2 9 4 2
4 1 1 2 5 1
3 1 3 1 1
2 2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Scores au prédicteur (test)
10
Scores au critère
)
9
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Scores au prédicteur (test)
10
Scores au critère
c)
9
8
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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Scores au prédicteur (test)
Figure 1.4
a) Diagramme de corrélation entre un test et un critère
b) Droite de régression du critère sur le test
c) Intervalle de confiance autour de la note pronostiquée
48
Psychologie différentielle
test (et plus généralement les propriétés du dispositif d’observation) est représen-
tatif du domaine visé par l’évaluation. Étudier la validité de contenu suppose donc
que l’on puisse définir un univers de référence, c’est-à-dire une population d’items
dont le test serait un échantillon. Il est souhaitable, bien sûr, que cet univers de
référence ait des frontières bien définies et qu’il soit structuré. Dans certains cas,
les univers de référence sont relativement bien définis et ils s’imposent. C’est le
cas par exemple dans le domaine de l’évaluation de l’instruction où il existe des
programmes fixant la liste des acquisitions visées et des textes officiels exposant les
objectifs de l’enseignement. Dans le domaine de l’évaluation des intérêts profes-
sionnels, l’univers de référence est l’ensemble des métiers. Dans de très nombreux
cas l’univers de référence doit être défini par le constructeur du test. Il se réfère
alors à une théorie structurale du domaine en question qui délimite et organise
l’univers de référence.
50
Psychologie différentielle
b) Distribution de Laplace-Gauss (fréquence des 5 classes : 6,7 %, 24,2 %, 38,2 %, 24,2 %, 6,7 %).
Figure 1.5
Différentes formes de distribution (les classes sont en abscisse
et les effectifs en ordonnée)
54
Psychologie différentielle
➤➤ 2.3.3. Unidimensionnalité et transitivité
Il est aussi possible de définir des dimensions sans se référer à des corrélations. On
utilise alors les propriétés formelles des échelles ordinales, notamment la tran-
sitivité des relations entre niveaux de l’échelle. Cette méthode, mise au point
par Léon Guttman dans les années 1940, a été largement utilisée pour distin-
guer les sujets selon leurs attitudes sociales et selon leur degré de développement
intellectuel. Prenons l’exemple du développement intellectuel. L’hypothèse
d’une dimension « développement intellectuel » implique que l’on puisse défi-
nir des niveaux de développement (des stades si l’on considère que l’évolution
est discontinue, de simples repères si l’on pense qu’elle est continue). On peut
spécifier cette hypothèse en considérant que les individus, au cours de l’onto-
genèse, passent nécessairement par tous les niveaux successifs et en considérant
également que les acquisitions d’un certain niveau sont conservées aux niveaux
suivants. Ceci étant posé on peut alors mettre au point des situations-problèmes
correspondant à chaque niveau.
Prenons l’exemple d’une épreuve évaluant le niveau de développement cogni-
tif et constituée de quatre items destinés chacun à repérer un niveau de dévelop-
pement : a pour le niveau le plus élevé, b pour le niveau suivant, etc. (en réalité
il faudrait plus d’un item par niveau). Seuls les patrons de réponses suivants sont
théoriquement possibles, ils correspondent aux sujets hypothétiques A, B, C, D, et
E (1 : réussite à l’item, 0 : échec) :
A B C D E
Item a 1 0 0 0 0
Item b 1 1 0 0 0
Item c 1 1 1 0 0
Item d 1 1 1 1 0
Si l’on donne 1 point par item, le sujet C, par exemple, a 2 points. Mais ceux-ci
ne peuvent être obtenus (selon le modèle théorique) qu’en réussissant les items c et
d. Cette méthode permet un classement simultané des items et des sujets.
La mesure est fondée au niveau ordinal lorsque les observations sont compa-
tibles avec ce modèle théorique. Notons qu’en procédant ainsi on adopte une
démarche plus contraignante que celle qui consiste à inférer l’ordre simplement à
partir du nombre d’items réussis sans se préoccuper des patrons de réussite.
57
L’esprit de la psychologie différentielle
1 2 3 4 5 6
4 – .48 .21
5 – .00
6 –
Tableau 1.3
Réécriture de la matrice du tableau 1.2 afin de faire apparaître
plus clairement deux groupes de tests
1 2 6 3 4 5
3 – .64 .48
4 – .48
5 –
Facteurs
1 2 3 4 5 6
Tests
I .90 .80 .00 .30 .00 .70
II .00 .20 .80 .80 .60 .00
59
L’esprit de la psychologie différentielle
Facteur II
Facteur I
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Figure 1.6
Représentation graphique de la table des coefficients de saturation du tableau 1.4
2.5. Les types
Nous venons de montrer comment on peut décrire les différences individuelles
en ordonnant les individus au long de dimensions. On peut aussi les décrire en
regroupant les individus dans des classes, ces classes définissent des types. Les types
peuvent être établis à partir de dimensions continues ou de dimensions disconti-
nues et à partir d’une ou de plusieurs dimensions
Considérons une dimension continue et une distribution unimodale et symé-
trique des sujets sur cette dimension (figure 1.7). On peut définir une classe de
sujets moyens centrée sur le mode de la distribution. Cette classe peut être plus ou
moins étendue, c’est-à-dire inclure plus ou moins de sujets. Elle constitue un type
que l’on qualifie de modal. On peut aussi définir deux classes de sujets extrêmes
(correspondant aux pôles de la dimension, elles aussi, d’extension variable). Ces
classes constituent deux types polaires. Dans le premier cas, les sujets sont regrou-
pés sur la base de leur proximité à une tendance centrale, dans le second, sur la base
de leur proximité à des cas extrêmes.
a)
Effectifs
Variable
b)
Effectifs
Variable
Figure 1.7
Types modal (a) et polaires (b) définis à partir d’une dimension continue
(distribution univariée)
Ces définitions s’appliquent également lorsque les sujets sont décrits selon
plusieurs dimensions (figure 1.8).
61
L’esprit de la psychologie différentielle
a) 10
9 2 2 1
8 1 2 2 4 1
7 1 2 4 4 2 2
6 1 2 5 5 4 2
Variable 2
5 2 4 4 5 2 2
4 2 2 4 4 2 1
3 2 4 2 2 1
2 1 2 2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Variable 1
b) 10
9 2 2 1
8 1 2 2 4 1
7 1 2 4 4 2 2
6 1 2 5 5 4 2
Variable 2
5 2 4 4 5 2 2
4 2 2 4 4 2 1
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3 2 4 2 2 1
2 1 2 2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Variable 1
Les diagrammes de corrélation représentent la distribution des sujets sur les variables 1 et 2 (distribution
bivariée). Ces deux variables sont en corrélation positive (r = .75). On peut définir un type modal qui
regroupe les sujets ayant les scores 5 ou 6 sur la variable 1 et les scores 5 ou 6 également sur la variable 2
(a). On peut aussi définir deux types polaires : les sujets ayant 3 ou moins sur chacune des variables, et les
sujets ayant 8 ou plus sur chacune des variables (b).
Figure 1.8
Types modal (a) et polaire (b) définis à partir de la distribution continue de deux variables
62
Psychologie différentielle
Type A Type B
Variable
Figure 1.9
Distribution bimodale d’une variable permettant de définir
deux types modaux, A et B
a)
Type A
10 3
9 2 6 2
8 1 4 1
6
Variable 2
5 3
4 4 9 2
Type B
3 1 6 5 3
2 2 1 1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Variable 1
b)
Variable 1 Variable 2
L’examen du diagramme de corrélation (a) fait apparaître deux groupes de sujets. Les sujets d’un groupe
sont des scores élevés sur la variable 2 et faibles pour la variable 1 (type A).
C’est l’inverse pour les sujets de l’autre groupe (type B).
Les sujets de chacun de ces groupes ont un profil voisin (b).
Figure 1.10
Types modaux établis à partir d’une distribution bivariée discontinue
64
Psychologie différentielle
Lectures conseillées
Cronbach J.-L.,
1958, « Les deux disciplines de la psychologie scientifique », Revue de psychologie
appliquée, 6, 159-187.
Dickes P., Tournois J., Flieller A., Kop J.-L.,
1994, La psychométrie, Paris, PUF.
Huteau M., Lautrey J.
2006, Les tests d’intelligence, Paris, La Découverte.
Nicolas S.,
2002, Histoire de la psychologie française. Naissance d’une nouvelle science, Paris, In
Press.
Reuchlin M.,
1976b, Précis de statistiques, Paris, PUF.
Reuchlin M.,
1990a, La psychologie différentielle, Paris, PUF.
Reuchlin M.,
1999, Évolution de la psychologie différentielle, Paris, PUF.
Chapitre
2
Les différences
individuelles dans le
domaine de l’intelligence
Sommaire
Quelles sont les dimensions de l’intelligence ? Ou, en d’autres termes, quels sont
les points de vue à partir desquels on peut distinguer les individus ? On répond à
cette question en deux temps. Dans un premier temps, on recherche, en général
68
Psychologie différentielle
☞
projecteur de cinéma. Ingénieur électricien il fut un temps assistant de Thomas
Edison. Au cours de ses études techniques Thurstone s’intéresse à la psycho-
logie et plus particulièrement aux processus d’apprentissage et aux aptitudes.
En 1924, peu après son doctorat en psychologie (1917), il fonde son premier
laboratoire de psychométrie à l’université de Chicago. Il a déjà publié un
ouvrage sur l’intelligence et il publiera l’année suivante un traité de statistiques.
En 1936 il fonde la Psychometric Society et la revue Psychometrica. Convaincu
que la psychologie ne peut progresser que par la mesure des phénomènes
psychologiques, Thurstone a renouvelé la psychométrie notamment dans les
domaines de la théorie des tests mentaux, de la mesure des attitudes et de
l’analyse factorielle.
Figure 2.1
Figure 2.2
{
A
D B
A B C
C
D
Figure 2.3
•• Briques. Imaginez que vous êtes derrière le tas de briques et que vous le regardez
dans le sens de la flèche. Que verriez-vous ?
{
E F G H E
F
G
H
Figure 2.4
71
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
•• Rotations. Indiquer les figures qui sont « comme » la première figure à gauche
de la rangée.
Figure 2.5
1 2 3 4 5 6
Figure 2.6
•• Figures opposées. Chercher parmi les quatre figures ABCD celle qui est la plus
différente de la figure placée à gauche.
{
E F G H E
F
G
H
Figure 2.7
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•• Matrices. Trouver parmi les cinq dessins qui se trouvent à droite celui qui
manque dans le coin inférieur droit du carré.
K L M N O
Figure 2.8
Si la plupart des tests sont fortement saturés dans un seul facteur, certains peuvent
l’être dans plusieurs. Cela signifie que plusieurs aptitudes primaires doivent être
sollicitées pour réussir dans ces épreuves.
72
Psychologie différentielle
Produits
Unités
Classes
Relations
Systèmes
Transformations
Implications
Opérations
Jugement
Production convergente
Production divergente
Mémoire
Cognition
Figure 2.9
Le cube de Guilford
73
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
Voici comment sont définies les modalités de chacun des trois paramètres du
modèle.
Opérations
–– Cognition (C) : reconnaissance, compréhension.
–– Mémoire (M).
–– Production divergente (D) : production de réponses variées à partir d’une
même source.
–– Production convergente (N) : production de la bonne réponse (problèmes de
raisonnement logique).
–– Évaluation ou jugement (E) : comparaison visant à estimer par exemple l’iden-
tité de deux objets ou la cohérence de deux propositions.
Contenus
–– Figural (F) : l’information est présentée sous forme imagée, généralement
visuelle.
–– Symbolique (S) : l’information est présentée sous forme de signes n’ayant pas de
signification par eux-mêmes (lettres, nombres…).
–– Sémantique (M) : l’information est présentée sous forme de significations,
essentiellement des mots ou des énoncés verbaux.
–– Comportemental (B) : il s’agit de l’information non verbale qui apparaît dans
les interactions sociales (attitudes, mimiques…).
Produits
–– Unité (U) : élément d’information isolé.
–– Classe (C) : groupe d’unités.
–– Relation (R).
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Figure 2.10
Exemple d’item d’un test fortement saturé dans le facteur vitesse de fermeture
N W V S M R
W .330
V .348 .422
Il faut trouver lequel des huit dessins du bas complète la figure du haut.
Figure 2.11
Item des tests de matrices progressives de Raven, 1938 (Raven, 1981). On remarquera
la proximité entre ce test et les tests de raisonnement non verbal
76
Psychologie différentielle
Facteurs de
groupe
restreints
(aptitudes
primaires)
Facteurs
spécifiques
Figure 2.12
Le modèle hiérarchique de Vernon
Représentation Visualisation
visuo-spatiale Relations spatiales
V Vitesse de clôture
Flexibilité de structuration
Représentation Discrimination auditive
auditive Jugement musical
U Mémoire des sons
Figure 2.13
Le modèle hiérarchique de Carroll
Certains facteurs primaires sont dits « de puissance ». Ils correspondent à des épreuves
où la difficulté principale provient de la complexité (caractères typographiques romains).
D’autres facteurs primaires sont dits « de vitesse ». Ils correspondent à des tâchespeu complexes
mais qui doivent être exécutées rapidement (en italiques).
78
Psychologie différentielle
Analogies de nombres
Rappel
Assemblage
t ia
de para-
d’objets
l
graphe
Complétion
Compréhension d’images
de lecture
Figure 2.14
La « carte des tests » (d’après Snow et Lohman, 1989)
paragraphe 2.4) qui sont voisines pour les tests d’intelligence fluide et les tests
d’intelligence cristallisée.
L’intelligence cristallisée est la conséquence des apprentissages systématiques,
scolaires notamment, mais ces apprentissages sont d’autant plus faciles que l’intel-
ligence fluide est développée.
L’intelligence fluide est plus vulnérable que l’intelligence cristallisée. Les
atteintes neurologiques de structures telles que l’hippocampe, les noyaux amygda-
liens, le thalamus ou les lobes temporaux entraînent une baisse de la performance
dans les épreuves d’intelligence fluide. Elles ont relativement peu d’effets sur l’
intelligence cristallisée. La consommation excessive d’alcool (occasionnelle ou
régulière) a aussi un effet négatif plus marqué sur l’intelligence fluide.
Enfin, l’intelligence fluide tend à se détériorer à partir d’une vingtaine
d’années alors que le déclin de l’intelligence cristallisée est plus tardif (Cattell,
1971) (figure 2.15). Notons que les effets de génération (voir ci-dessous, para-
graphe 9.5) sont plus marqués pour l’intelligence fluide, ce qui conduit à une
surestimation de l’importance du déclin de cette forme d’intelligence dans les
études transversales. On note en effet un déclin de l’intelligence fluide nette-
ment moins marqué dans les études longitudinales (mais dans ces études, surtout
lorsqu’elles se déroulent jusqu’à un âge avancé, la « mortalité expérimentale »
fait que le groupe est de moins en moins représentatif d’un âge au fur et à mesure
qu’il vieillit, ce qui conduit vraisemblablement à une sous-estimation du déclin
intellectuel).
a) Intelligence fluide
Mémoire
100.0 associative
Performance moyenne relative
Relations
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95.0 figurales
Vitesse
90.0 intellectuelle
85.0
80.0 Induction
Niveau
75.0 intellectuel
b) Intelligence cristallisée
Fluidité
100,0 idéationnelle
Performance moyenne relative
Fluidité
90,0 associative
80,0
Évaluation
70,0 de données
expérimentales
60,0 Connaissance
mécanique
50,0 Compréhension
verbale
Les changements sont exprimés en pourcentage d’efficience (base de 100 à 18-20 ans pour les
aptitudes fluides et à 40-61 ans pour les aptitudes cristallisées).
Figure 2.15
Évolution avec l’âge de cinq aptitudes relatives à l’intelligence fluide et de cinq aptitudes relatives
à l’intelligence cristallisée (Cattell, 1971)
Les formes d’intelligence qui viennent d’être présentées peuvent être qualifiées, à des
titres divers, d’abstraites dans la mesure où elles portent sur la manipulation de signes
et de symboles. Il existe d’autres formes d’intelligence, plus concrètes, qui concernent
les relations avec autrui (intelligence sociale), la vie émotionnelle (intelligence
émotionnelle) et la résolution des problèmes pratiques (intelligence pratique).
81
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
Tableau 2.2
Les compétences sociales de Riggio (d’après Riggio, 1986)
Émotionnel Social
Expressivité émotionnelle : capacité à Expressivité sociale : capacité à s’exprimer
Expressivité communiquer de façon non verbale ses verbalement et à s’engager dans une
émotions. conversation.
Sensibilité émotionnelle : capacité à Sensibilité sociale : capacité à observer et
Sensibilité observer et à interpréter les signes non interpréter les signes verbaux en provenance
verbaux émis par autrui. d’autrui.
Contrôle émotionnel : capacité à réguler Contrôle social : capacité à contrôler le
Contrôle
l’expression de ses émotions. déroulement des interactions sociales.
films, on risque de lui faire perdre son caractère essentiel, à savoir la présence
physique d’autrui. Cette mesure est nécessairement partielle puisqu’elle est relative
à la situation et aux processus choisis. Il existe cependant d’assez nombreux tests
d’intelligence sociale. On a reproduit figure 2.16 un item de l’un de ces tests où il
s’agit de comprendre la signification d’une situation à partir des motivations que
l’on peut raisonnablement supposer chez les acteurs. On utilise aussi fréquemment
des questionnaires où le sujet est invité à se décrire. La validité de ces épreuves est
souvent problématique : les liaisons sont faibles entre les scores dans ces épreuves
et les estimations faites par des observateurs ou des personnes connaissant les sujets.
Il ne semble pas qu’il existe une intelligence sociale générale. Les différents tests
d’intelligence sociale ne corrèlent pas ou ne corrèlent que très faiblement. Dans une
de leurs études, Sternberg et Smith (1985) font passer deux tests qui pourtant se
ressemblent fortement. Dans le premier test, le sujet examine des photos de couples
et doit décider si les personnes sont amies ou étrangères. Dans le second, il examine
toujours des couples mais cette fois en situation de travail et il doit désigner le
supérieur et le subordonné. La corrélation entre les deux épreuves est .09. Existe-
t-il des grandes catégories d’intelligence sociale ? Il est difficile à l’heure actuelle
de répondre à cette question. Il semble cependant qu’il soit pertinent de distinguer
l’ensemble des compétences permettant de comprendre autrui de l’ensemble de
celles qui permettent de choisir des conduites sociales adaptées. Dans ces condi-
tions, il paraît difficile de s’interroger sur les liens entre l’intelligence sociale et les
dimensions de l’intelligence mises en évidence par le courant psychométrique. Dans
certains cas, on observe une corrélation substantielle entre intelligence sociale et
intelligence générale, ce qui fait dire que l’intelligence sociale n’est rien d’autre que
l’intelligence générale appliquée à des contenus sociaux ; dans d’autres cas, il n’y
a pas de corrélation mais les incertitudes sur la validité des épreuves d’intelligence
sociale rendent ce résultat ambigu. Après avoir examiné l’ensemble des travaux
réalisés sur l’intelligence sociale dans la perspective différentielle, Kihlstrom et
Cantor (2000) indiquent qu’il n’est pas possible de présenter des conclusions défi-
nitives sur les relations entre les divers aspects de l’intelligence sociale et sur les
relations entre l’intelligence sociale et les autres aptitudes intellectuelles.
Figure 2.16
Item d’un test d’intelligence sociale (d’après de Mille et al., 1977)
Il s’agit de trouver laquelle des 4 figures du bas complète la série du haut.
83
84
Psychologie différentielle
La liste des composantes proposées par Goleman (1999) est encore plus
longue : ce sont vingt-cinq aspects de l’intelligence émotionnelle, regroupés en
cinq classes et deux grands domaines (domaine personnel et domaine social) qui
sont distingués (tableau 2.4).
85
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
Tableau 2.4
Les 25 aspects de l’intelligence émotionnelle selon Goleman
Domaine personnel
Conscience de soi Conscience de ses émotions
Autoévaluation
Confiance en soi
Maîtrise des émotions Contrôle de soi
Fiabilité
Conscience professionnelle
Adaptabilité
Ouverture à la nouveauté
Auto-motivation Exigence de perfection
Engagement
Initiative
Optimisme
Domaine social
Perception des émotions d’autrui Compréhension d’autrui
Passion du service
Capacité à stimuler autrui
Capacité à concilier
Sens politique
Maîtrise des relations humaines Ascendant
Capacité à communiquer
Capacité à diriger
Capacité à initier et gérer des changements
Sens de la médiation
Capacité à lier des relations utiles
Sens de la collaboration
Capacité à motiver une équipe
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pour d’autres exemples) : pour la perception des émotions on présente au sujet des
visages et le sujet doit indiquer sur une échelle en 5 points à quel degré ils expri-
ment la joie ou la tristesse ; pour la compréhension des émotions on demande au
sujet de choisir parmi plusieurs l’émotion qui en combine deux autres. La bonne
réponse, celle qui témoigne de l’intelligence émotionnelle, est celle qui est donnée
par la majorité des sujets ou par un groupe d’experts. Un score global d’intelligence
émotionnelle est calculé. Les questionnaires d’intelligence émotionnelle sont
construits comme des questionnaires de personnalité et là il n’y a pas de bonnes
ou de mauvaises réponses (voir chapitre 3, paragraphe 1.3). Bar-On a construit sur
le modèle des échelles de Wechsler (voir ci-dessous paragraphe 6.2) un question-
naire conduisant à un quotient émotionnel général et cinq quotients particuliers
(intrapersonnel, interpersonnel…). Il existe également des questionnaires établis
à partir de la liste de compétences de Goleman. Salovey et Mayer ont construit des
tests mais on a aussi utilisé leur modèle pour construire des questionnaires.
Étant donné les différences dans la conceptualisation et dans la méthode d’éva-
luation de l’intelligence émotionnelle, il n’est guère surprenant que les liaisons
entre les diverses évaluations de l’intelligence émotionnelle soient très faibles.
C’est ainsi que la corrélation entre le score total aux tests de Mayer et Salovey et
le QI émotionnel de Bar-On est seulement .21. Lorsqu’on s’interroge sur l’intel-
ligence émotionnelle, il faut donc préciser de quelle intelligence émotionnelle il
s’agit. Les remarques qui suivent portent sur l’intelligence émotionnelle telle que
la conçoivent Mayer et Salovey (2004). Leur modèle hiérarchique semble validé
(voir exercice 3) : les analyses factorielles montrent bien un facteur général, deux
grands facteurs de groupe correspondant à l’expérience et à la stratégie et quatre
facteurs de groupe plus restreints correspondant aux quatre facettes du modèle.
L’intelligence émotionnelle corrèle modérément avec des mesures d’intelligence
générale ou d’aptitudes (corrélations de l’ordre de .30) et très faiblement avec les
grands traits de personnalité (voir chapitre 3 paragraphe 2). Il ne semble donc
pas que, comme cela a été affirmé, que l’intelligence émotionnelle ne soit que « g
plus la personnalité ». L’intelligence émotionnelle permet des prédictions. Elle est
liée positivement à la réussite scolaire et universitaire, à la sociabilité, à la capa-
cité à persuader, et négativement à la déviance, l’usage de drogues, la dépression.
L’intelligence émotionnelle est associée à l’adaptation et au succès professionnel,
c’est d’ailleurs une des raisons de son succès. Mais il ne semble cependant pas
qu’elle apporte un complément de gain massif aux prédictions que l’on peut faire à
partir des mesures classiques d’intelligence et de personnalité.
Il est utile de prendre en compte l’intelligence émotionnelle dans les questions
relatives à la psychologie de la santé. Prenons l’exemple d’une étude conduite en
Belgique par Moïra Mikoljczak et al. (2007) qui montre que les effets du stress ne
sont pas les mêmes selon le niveau de l’intelligence émotionnelle. La réaction
au stress, qui s’étale dans le temps, est déclenchée par un événement extérieur
87
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
d’importance variable. Il peut s’agir d’une catastrophe, d’une rupture dans la vie
familiale ou professionnelle ou plus simplement des tracas de la vie quotidienne.
La réaction au stress est psychologique (émotion négative) et physiologique (sécré-
tions d’hormones dans les glandes surrénales qui préparent l’individu à la fuite ou
au combat : cortisol, adrénaline, noradrénaline). Les sujets de l’expérience sont
des étudiants. Dans un premier temps, qui est une période de relaxation, on mesure
leur état affectif (questionnaire constitué d’adjectifs) et leur taux de cortisol (dans
la salive). L’intelligence émotionnelle, très largement définie, est mesurée par
un questionnaire qui couvre les dimensions bien-être, contrôle de soi, sensibilité
émotionnelle et sociabilité. Dans un second temps les étudiants sont séparés en
deux groupes. Le groupe expérimental doit préparer une intervention en public
(condition stressante) tandis que le groupe contrôle regarde un documentaire sur
les Mayas (condition neutre). On applique ensuite à nouveau à tous les sujets
la mesure de l’état affectif et l’on procède à plusieurs dosages de cortisol. Sur la
figure 2.17 on peut constater que l’effet psychologique du stress est plus faible chez
les sujets qui ont un niveau d’intelligence émotionnelle élevé. Sur la figure 2.18
on voit que dans le groupe contrôle (condition neutre) la sécrétion de cortisol est
sans rapport avec l’intelligence émotionnelle (les deux courbes sont confondues)
alors que dans le groupe expérimental elle est plus importante chez ceux dont
l’intelligence émotionnelle est faible.
1.5
0.5
Effet du stress
Neutre
0 Stress
-0.5
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-1
-1.5
Intelligence émotionnelle
Figure 2.17
Augmentation de l’affectivité négative en fonction du stress
et de l’intelligence émotionnelle
18 18
IE faible IE faible
16 16
IE elevée IE elevée
Sécrétion de cortisol
Sécrétion de cortisol
14 14
12 12
10 10
8 8
6 6
4 4
2 2
0 0
0 60 0 120 0 60 0 120
Temps (en min) Temps (en min)
Figure 2.18
Sécrétion de cortisol en fonction du stress et de l’intelligence émotionnelle
diennes et ont le plus souvent une solution unique à laquelle il y a un seul moyen
d’accéder. Alors que l’intelligence académique repose sur des connaissances parfai-
tement explicitées, formelles, l’ intelligence pratique repose sur des connaissances
tacites (Sternberg et Wagner, 1986). Celles-ci ont trois propriétés :
–– très liées à l’action, ces connaissances sont procédurales (les connaissances
formelles sont déclaratives) ;
–– elles sont associées à des buts pratiques ;
–– enfin, étant implicites, elles ne sont pas systématiquement enseignées dans les
institutions éducatives, elles sont apprises « sur le tas ».
L’intelligence pratique se manifeste dans tous les aspects de la vie quotidienne
et dans de très nombreuses activités professionnelles. Les ergonomes ont bien
montré que le travail ne consiste pas seulement en l’application de procédures, ce
qui le rendrait inopérant, mais mobilise tout un savoir concret, rarement explicité,
ou, en d’autres termes une intelligence pratique.
Voici un exemple d’une procédure d’évaluation de l’intelligence pratique des
managers (il est tiré des recherches de Sternberg et Wagner). On demande au
sujet de s’imaginer qu’il est depuis deux ans un manager occupant une position
moyenne dans la hiérarchie de son entreprise. Il est responsable d’une trentaine de
personnes. Il a deux adjoints, l’un le seconde efficacement, l’autre ne lui apporte
pas une aide véritable. À l’issue de la première année, son activité a été appréciée
positivement. On indique aussi au sujet que son objectif est d’obtenir une promo-
tion rapide.
On lui donne ensuite une liste d’une quinzaine de tâches qu’il pourrait accom-
plir dans les deux mois qui viennent. Par exemple :
–– participer à des groupes de discussion afin d’apparaître à la télévision locale ;
–– s’assurer que ses supérieurs ont bien conscience de ses performances ;
–– s’efforcer de mieux tenir compte des points forts et des points faibles de chacun
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☞
« Comme il est naturel, concernant une catégorie mentale aussi profondément
enracinée dans la pensée religieuse, nous avons consacré la plus grande part
de nos analyses à établir la place, les fonctions, les moyens d’action de Mètis
dans le mythe et à mettre en lumière la rigoureuse répartition de ses compé-
tences entre les diverses puissances divines… » (p. 12). Il y a des dieux à mètis,
d’autres qui en sont dépourvus ; la mètis prend des formes différentes selon les
divinités.
conceptuelle, que mesurent les tests d’aptitudes et le QI mais celle-ci facilite néan-
moins des apprentissages explicites.
Robert Sternberg est né en 1949 dans le New Jersey. On raconte que l’intérêt
de Sternberg pour la mesure de l’intelligence date de la sixième année de sa
scolarité primaire où, du fait de son anxiété, il n’avait pas bien réussi l’épreuve
qui lui était proposée. L’année suivante, il devait donc avoir aux environs de
treize ans, il aurait construit son premier test d’intelligence… On raconte aussi
que lors de sa première année universitaire ses notes en psychologie étaient
telles qu’on lui conseilla de poursuivre ses études dans un autre domaine…
Sternberg est surtout connu pour sa théorie triarchique de l’intelligence mais on
lui doit aussi de très nombreuses contributions à l’étude des fonctions intellec-
tuelles : intelligence pratique, créativité, sagesse, développement, modification
et éducation de l’intelligence, styles d’apprentissage…
Sternberg est aussi l’auteur d’une théorie « triangulaire » de l’amour. Selon cette
théorie, l’amour est constitué de trois éléments : l’intimité qui est le sentiment de
proximité entre deux personnes ; la passion, besoin qui conduit au sentiment,
à l’attraction physique et aux rapports sexuels ; et la décision de s’engager qui
permet l’inscription de la relation amoureuse dans la durée. Selon cette théo-
rie, le type d’amour et sa force sont déterminés par ces trois composantes et
leurs interactions. L’amour romantique se caractérise par la dominance de l’inti-
mité et de la passion, l’amour-amitié par celle de l’intimité et de l’engagement,
l’amour fou, par celle de la passion et de l’engagement ; l’amour accompli
combine les trois éléments dans des proportions voisines. Chaque individu peut
être décrit par deux triangles, celui qui caractérise sa relation effective et celui
qui, correspond à la relation idéale qu’il souhaiterait. La réussite amoureuse
dépend de la compatibilité des triangles de chaque membre du couple.
Sélection Organisation
Adaptation
Composantes d’exécution
Métacomposantes
Figure 2.19
Relations entre les aspects de l’intelligence dans la théorie triarchique
(Sternberg, 1994)
95
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
Sternberg a présenté des données tendant à valider ces tests et la théorie qui les
sous-tend mais ces résultats ont été contestés.
vidu impliqué dans les activités régulières de sa salle de classe. La somme totale
de temps peut être de cinq à dix heures d’observation… » (1997, p. 396-397).
Cette forme d’évaluation est radicalement différente de celle qui est largement
pratiquée en psychologie différentielle.
La théorie de Gardner, et à un moindre degré celle de Sternberg, a eu de
nombreuses applications pédagogiques. D’une manière générale, il y a plusieurs
manières d’utiliser les données de la psychologie différentielle pour individualiser
le processus éducatif. On peut avoir pour objectif le développement des intelli-
gences ou l’acquisition de compétences ou de connaissances plus ou moins reliées
à ces intelligences.
Si l’on cherche à développer des intelligences, on pourra se proposer d’amé-
liorer encore l’intelligence dominante afin de favoriser l’émergence d’un individu
hypercompétent dans un domaine, ou de développer les intelligences qui le sont
98
Psychologie différentielle
peu afin de faire en sorte que les compétences de l’individu soient équilibrées. On
peut bien entendu, bien que ce ne soit pas très facile, chercher à développer les
points forts d’un individu tout en améliorant ses points faibles. C’est la probléma-
tique de l’éducation cognitive (voir chapitre 4 paragraphe 3.6).
Si l’objectif est l’acquisition des compétences et connaissances scolaires se pose
alors la question des méthodes pédagogiques à mettre en œuvre et de leur adéqua-
tion à la diversité des apprenants. Gardner tire de sa théorie des propositions
générales de réforme de la pédagogie. À chaque forme d’intelligence correspond
une manière d’apprendre et d’appréhender le monde. Or nos systèmes scolaires
valorisent beaucoup trop l’intelligence langagière et, à un moindre degré, l’intelli-
gence logico-mathématique. Il y aurait tout à gagner, écrit Gardner (1991), à une
présentation diversifiée des matières et à une évaluation des connaissances faisant
moins appel aux routines scolaires.
La forme de l’intelligence détermine à la fois un style d’apprentissage chez
l’apprenant et un style d’enseignement chez l’enseignant. On pense généralement,
et il semble que ce soit à juste titre, que l’apprentissage est d’autant plus efficace
qu’il y a un bon appariement entre le style d’apprentissage de l’apprenant et le
style d’enseignement de l’enseignant (et plus généralement une situation péda-
gogique favorisant ce style d’apprentissage). Dans cette perspective, l’enseignant
doit parfois aller contre son style d’enseignement spontané. C’est là un aspect de
sa compétence professionnelle.
3. La créativité
aptitudes primaires de Thurstone et, avec la pensée divergente, elle est présente
dans 24 des 120 cases du cube de Guilford. Elle apparaît aussi dans le modèle
de l’organisation hiérarchique des aptitudes de Cattell, Horn et Carroll avec le
facteur de second ordre « récupération en mémoire à long terme » qui coiffe
les facteurs plus restreints originalité, fluidité idéationnelle, fluidité d’association,
fluidité verbale. La créativité est encore présente dans la théorie triarchique de
Stenrberg où elle est l’une des trois formes d’intelligence que présente cet auteur
(paragraphe 2.4).
Nous avons vu aussi qu’il existait des tests pour opérationnaliser ces aspects
de l’intelligence largement définie. Dans les tests de créativité (voir exercice 2
pour des exemples), on demande au sujet d’apporter plusieurs réponses à une
question qui rend possible de nombreuses réponses (indiquer toutes les utilisa-
tions possibles d’une brique, terminer un dessin de plusieurs manières…). Depuis
les travaux de Guilford sur la pensée divergente on distingue trois aspects dans
la créativité :
–– la fluidité qui se mesure par le nombre de réponses fournies ;
–– la flexibilité qui caractérise la variété des réponses et qui sera d’autant plus
importante que le sujet fournira des réponses appartenant à des catégories
différentes ;
–– l’originalité qui est appréciée à partir de la fréquence des réponses dans un
groupe, les réponses peu fréquentes sont considérées originales, à condition bien
sûr qu’elles aient une certaine pertinence.
Il sera justifié de parler de créativité dans la mesure il y aura des associations
notables entre les divers tests de créativité et dans la mesure également où les
scores à ces tests seront des prédicteurs de critères externes témoignant bien de la
créativité (voir exercice 2.1).
On a beaucoup étudié la corrélation entre le QI (qui se réfère à la fois à
l’intelligence fluide et à l’intelligence cristallisée) et la créativité. Celle-ci est
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Forte
Créativité
Faible
Faible Forte
Intelligence
Figure 2.20
Corrélation entre créativité et intelligence
étapes, ne soit pas toujours celui qui décrit le mieux le processus de création. Il
n’est pas toujours nécessaire, par exemple, de distinguer un moment où le problème
serait posé et un moment où il serait résolu tant ces deux aspects de la création
sont intriqués. Dans la création artistique illumination et vérification vont de pair.
La créativité suppose originalité, flexibilité mentale, tolérance à l’ambiguïté
ouverture aux expériences nouvelles. Elle suppose aussi une base de connaissances
bien développée et bien structurée (intelligence cristallisée) dans le domaine où
elle s’exerce. Le fait que les informations contenues en mémoire soient fortement
interconnectées ne peut que faciliter le processus associatif qui permettra l’identi-
fication du problème, la découverte d’informations pertinentes et la production d
idées alternatives (Lubart, 2003).
Tableau 2.5
Profils intellectuels des créateurs étudiés par Gardner (2001, p. 390)
« CE est originaire d’un lieu qui se trouve un peu à l’écart des véritables
centres de pouvoir et d’influence dans sa société, mais pas assez éloigné pour
que sa famille n’ait pas les moyens de connaître ce qui se passe par ailleurs.
Sans être très riche, sa famille ne connaît pas non plus la misère, et notre créa-
teur grandit dans un certain confort matériel. L’atmosphère toutefois est plus
guindée que chaleureuse : le jeune créateur se sent souvent en porte-à-faux
avec ses parents biologiques. Les liens parfois étroits qui l’unissent à l’un de
ses parents ne sont pas sans une certaine ambivalence, et il se sentira géné-
ralement plutôt proche d’une nourrice, d’une gouvernante ou d’un membre
plus éloigné de la famille.
Il ne vient pas d’un milieu très cultivé, mais ses parents accordent de l’impor-
tance à l’éducation et au succès : ils attendent beaucoup du jeune créateur.
En un mot, ce sont des bourgeois typiques qui adhèrent aux valeurs tradition-
nellement associées à cette classe, surtout à la fin du x i x e siècle : l’ambition,
la respectabilité et le travail acharné. Ils encouragent l’enfant dans la voie
pour laquelle il a montré des dispositions précoces, même s’ils se montrent
plus réservés à la perspective d’une carrière qui sort des chemins battus.
CE fait preuve d’une certaine intransigeance morale, héritée de l’atmosphère
familiale qui met l’accent sur la morale ou la religion : il arrive que ce trait de
caractère se retourne contre lui mais aussi contre ceux qui ne se comportent
pas comme il l’attend. Le créateur traversera souvent une phase de religiosité
qu’il abandonnera par la suite pour y revenir parfois, mais pas toujours, dans
la vieillesse.
En grandissant et une fois devenu adolescent le jeune créateur ne peut plus
se satisfaire de ce que le foyer parental lui offre. Il travaille alors depuis une
dizaine d’années pour acquérir la maîtrise de son domaine, où il est presque
à la pointe. Sa famille et les experts locaux ne peuvent plus lui apprendre
grand-chose, et il ressent de plus en plus le besoin de se mesurer aux autres
jeunes talents de son domaine. C’est ainsi que CE part s’installer en ville, vers
la fin de l’adolescence ou le début sa vie d’adulte, dans une métropole où son
domaine est en pleine ébullition. Très vite, il y rencontre des camarades qui
ont les mêmes centres d’intérêt que lui. Ils explorent ensemble les possibilités
de leur domaine, montant des structures et publiant des manifestes dans un
mouvement d’émulation mutuelle qui les pousse vers de nouveaux sommets.
CE peut commencer à travailler dans le domaine qui sera le sien ou explorer
plusieurs pistes de carrières possibles jusqu’à ce que la cristallisation sur l’une
d’elle se fasse.
À chaque discipline son parcours […]. Tôt ou tard cependant, CE découvre un
domaine ou un problème particulièrement intéressant, susceptible de conduire
vers de nouvelles pistes. Ce moment de révélation est crucial. CE s’éloigne alors
de ses pairs et doit désormais surtout travailler seul. Il a conscience d’être sur le
point d’effectuer une percée décisive même si elle reste encore mal comprise y
compris de lui. À ce moment crucial, CE a besoin de soutien sur le plan affectif
☞
103
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
☞
et intellectuel, de repères, et il arrive qu’il fasse une dépression s’il ne les trouve
pas.
Bien sûr, si les circonstances sont favorables (comme dans les cas étudiés), il
réussit bientôt au moins une percée décisive. De plus, le champ associé à sa
discipline reconnaît assez rapidement la valeur de sa contribution. CE est à ce
point persuadé d’être différent des autres qu’il est prêt à faire des compromis, à
signer un pacte faustien pour maintenir l’élan que lui donne la production d’une
œuvre originale et puissante. Cela implique un certain degré de masochisme,
ainsi, que des attitudes déplaisantes envers autrui, et quelque fois le sentiment
effectif d’avoir signé un pacte avec Dieu. Le créateur ne ménage pas sa peine et
travaille constamment. Il se montre très exigeant pour lui-même et les autres, et
place sans cesse la barre plus haut… Sûr de lui, capable de rebondir après de
faux départs, fier et obstiné, il admet rarement avoir eu tort. »
Le créateur réalise une seconde percée décisive, moins radicale mais de plus
grande ampleur, environ dix ans après la première. Il recherche une certaine
marginalité
Les créateurs ont des caractéristiques personnelles qui les distinguent des
gens ordinaires. Ils sont de gros travailleurs, non conventionnels, sûrs d’eux. Par
certains aspects, ils ont conservé des traits enfantins, s’ils manifestent une certaine
fraîcheur, ils font montre aussi d’égoïsme et d’égocentrisme, voire de narcissisme.
Ils ont aussi un fort besoin de reconnaissance ce qui les conduit à s’investir dans
leur promotion.
Csikszentmilalyi (2006) a étudié les biographies de quatre-vingt-onze indi-
vidus exceptionnels, des écrivains, des artistes, des scientifiques, des politiques,
des acteurs, des chefs d’entreprise. Il y a beaucoup de points communs entre ses
conclusions et celles de Gardner. Ces personnes n’ont pas manifesté précoce-
ment de talents intellectuels particuliers mais elles ont été des enfants curieux.
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L’entourage a joué un rôle stimulant. Il y a parmi ces créateurs une forte propor-
tion d’orphelins de père (un homme sur trois a perdu son père avant 13 ans).
Si certains enseignants ont joué un rôle important, l’école ne semble pas avoir
eu un effet positif sur le développement ultérieur. Au moment de l’adolescence,
ces créateurs ne revendiquaient pas fortement leur indépendance et ils étaient
assez peu sociables, aucun n’était populaire parmi ses pairs. C’est au cours de leurs
études universitaires qu’ils trouvent leur voie sans pour autant avoir des résultats
exceptionnels. Comme Gardner, Csikszentmilalyi insiste sur leur originalité, leur
engagement dans le travail et leur hyperactivité. On note cependant quelques
petites différences entre ces deux auteurs. Csikszentmilalyi n’insiste pas trop sur
les conflits intérieurs des créateurs, ni sur les aspects plutôt négatifs de leur person-
nalité (égoïsme, arrivisme…) ; le portrait qu’il en trace est plus flatteur, peut-être
parce qu’il est un des principaux représentants de la psychologie positive… Les
104
Psychologie différentielle
l’échantillon sont victimes de dépression, ce taux atteint 70 % chez les écrivains.
Il en va de même pour les épisodes psychiatriques sévères (20 % dans l’échantil-
lon, 42 % chez les écrivains). Revenons au cas Zola. Pour Toulouse, Zola n’est ni
épileptique, ni hystérique mais c’est manifestement un névropathe, « c’est-à-dire
un homme dont le système nerveux est douloureux ». Son émotivité est défec-
tueuse, il a fréquemment des obsessions, des impulsions, des idées morbides (arith-
momanie, besoin de toucher les mêmes meubles avant de se coucher, de toucher
les becs de gaz dans la rue, de sortir de chez lui du pied gauche, etc.).
Plutôt que de rechercher la fréquence de la présence de troubles mentaux chez
les créateurs on peut se demander quelle est la fréquence des personnes créatives
parmi celles qui souffrent de troubles mentaux. Richards et al. (1988) observent au
Danemark cinq groupes de sujets :
–– des sujets atteints de psychose maniaco-dépressive ;
–– des sujets cyclothymiques ;
–– des sujets à risque (le trouble bipolaire étant en partie sous la dépendance de
facteurs génétiques on considère que les parents au premier degré de maniaco-
dépressifs ou de cyclothymiques sont des sujets à risque) ;
–– un groupe contrôle de sujets normaux ;
–– un groupe contrôle constitué de sujets ayant d’autres troubles psychiatriques.
3.0
2.0
Score de créativité
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1.0
0
1 2 3 4 5
Figure 2.21
Scores de créativité pour les divers groupes : 1. sujets témoins malades, 2. Sujets témoins normaux,
3. sujets à risques, 4. Cyclothymiques, 5. maniaco-dépressifs.
Les résultats ont été corrigés pour neutraliser les différences intergroupes dues au sexe
(ligne continue) et les différences dues au sexe, à l’éducation, à l’âge et à l’intelligence
(ligne pointillée) (Richards et al., 1988).
106
Psychologie différentielle
Les auteurs font l’hypothèse que les plus créatifs seront les cyclothymiques et
les moins créatifs les sujets témoins, les deux autres groupes ayant une position
intermédiaire. Pour évaluer le potentiel créatif un juge examine, à l’aveugle, la
transcription de longs entretiens (plusieurs heures) où le sujet parle des intérêts
qu’il a manifesté et des activités qu’il a entreprises aux diverses étapes de sa vie.
Le potentiel créatif est estimé sur une échelle en 3 points. On notera qu’il ne
s’agit plus de la créativité des grands créateurs. Les résultats sont indiqués sur la
figure 2.21. Le score des maniaco-dépressifs est plus faible qu’attendu, sinon les
résultats vont dans le sens des hypothèses.
4. Apprentissage et mémoire
4.1. L’apprentissage
n’est guère surprenant car pendant longtemps la réussite scolaire a été considérée
comme un critère de validation des tests : un test ne corrélant pas avec la réussite
scolaire ne pouvait être un test d’intelligence !
La corrélation intelligence-réussite scolaire est cependant loin d’être parfaite ;
elle dépasse rarement .50. Parmi les autres caractères individuels associés à la réus-
site on rencontre des traits de personnalité qui peuvent compenser des aptitudes
relativement faibles, ce sont tous les traits qui favorisent l’implication et la régula-
rité dans le travail. On rencontre aussi des propriétés motivationnelles : la motiva-
tion intrinsèque (le sujet apprend par plaisir) est plus favorable que la motivation
extrinsèque (le sujet apprend pour réussir aux examens) qui elle-même est plus
favorable, on s’en doutait, que l’absence de motivation.
Mais tous les apprentissages ne sont pas associés à l’intelligence verbo-concep-
tuelle. Les corrélations entre le QI et l’efficience dans l’apprentissage implicite
(voir paragraphe 2.3) sont nulles ou faibles. Par contre, les performances dans
ce type d’apprentissage sont notablement associées à des aptitudes verbales : la
compréhension de phrases et l’efficience dans le fonctionnement de la mémoire
de travail verbale. Les sujets qui sont victimes de troubles du langage (aphasies,
dyslexies…) sont peu performants en apprentissage implicite. Il y a sans doute plus
que des analogies entre l’apprentissage d’une grammaire artificielle en laboratoire
(qui peut être présentée avec des stimuli auditifs) et l’apprentissage d’une langue
en situation d’immersion. Il est vraisemblable que les processus d’acquisition sont
voisins (Misyak et Christiansen, 2011). D’ailleurs, dans l’apprentissage d’une
langue seconde des aptitudes spécifiques jouent un rôle bien plus important que
l’intelligence générale. Cet apprentissage est plus rapide chez les sujets à l’aise dans
le codage phonétique (ce qui favorise la mémorisation), sensibles à l’organisation
de la langue, qui ont une attitude inductive les conduisant à généraliser les acqui-
sitions et qui apprennent par cœur facilement (Carroll et Sapon, 2002). Pour de
nombreuses tâches d’apprentissage associatif (par exemple apprendre des paires de
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mots, l’un des membres de la paire servant d’indice pour le rappel) la liaison entre
l’efficience de l’apprentissage et le QI est faible.
Les courbes d’apprentissage n’ont pas la même allure pour les apprentissages asso-
ciatifs et pour les apprentissages qui se font par élaboration d’hypothèses (comme
dans les apprentissages de concepts par exemple). Dans le premier cas, on a une
progression continue, dans le second, une progression « par bonds » qui risque d’être
masquée lorsqu’on établi des courbes moyennes (voir l’exercice 5 du chapitre 1).
Dans l’exercice 1.3 on se demande si les sujets qui ont une bonne aptitude
spatiale apprennent plus vite dans une situation qui suppose des aptitudes spatiales.
On verra que la réponse à cette question est moins simple qu’il peut sembler.
Les facteurs d’aptitude liés à l’apprentissage n’ont pas le même poids selon le
degré d’apprentissage. Fleishman et Hempel (1954) caractérisent leurs sujets selon
huit facteurs psychomoteurs et psychologiques et ils les soumettent à l’appren-
108
Psychologie différentielle
1
0
1 2 3 4 5 6 7 8
Étapes de l’apprentissage
0.35
0.30
0.25
r
0.20
M=2
0.15
0.10 M=3
0.05
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Essais
a) Corrélations à chaque essai entre la performance à une tâche de catégorisation et l’intelligence (g),
(b)
0.35
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0.30
M=3
0.25
r 0.20
0.15 M=2
0.10
0.05
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Essais
b) Corrélation à chaque essai entre cette performance et la vitesse perceptive.
M = 2 : faible charge en mémoire, M = 3 : forte charge en mémoire (d’après Ackerman, 1989)
Figure 2.23
110
Psychologie différentielle
avec l’intelligence et la personnalité ne sont pas toujours très claires (voir Olry-
Louis, 1995).
taires évoque par bien des aspects les méthodes structurées et celle des professeurs
de lycées évoque les méthodes peu structurées. Avec la mise en place du collège
unique, on a assisté à une généralisation des pratiques pédagogiques de type lycée
alors qu’arrivaient dans l’enseignement secondaire beaucoup d’élèves qui avaient
besoin d’être guidés. Pour être bref, et forcément un peu schématique, on a généra-
lisé une pédagogie qui était relativement adaptée au recrutement ancien des lycées
mais qui cessait de l’être pour beaucoup de nouveaux arrivants dans l’enseigne-
ment secondaire. Bien que les pratiques aient évolué depuis les années 1970, il y a
là une des causes (ce n’est pas la seule !) de l’échec scolaire au collège et un frein
au processus de démocratisation de l’enseignement.
(que l’on peut considérer comme une mesure d’intelligence lorsqu’on s’adresse aux
aptitudes intellectuelles). On dit alors que l’évaluation est dynamique.
Deux méthodes ont été utilisées pour mesurer le potentiel d’apprentissage :
–– Méthode test – apprentissage – retest. Dans un premier temps le test est d’abord
appliqué dans les conditions habituelles. On passe ensuite à une phase d’ap-
prentissage qui dépend du test utilisé. Avec le test des Matrices progressives
de Raven (figure 2.11, paragraphe 1.2), par exemple, on utilisera des matrices
différentes et on montrera au sujet que la mise en œuvre de certaines stratégies
facilite la découverte de la bonne réponse. Dans un troisième temps on applique
à nouveau le test. La différence entre le score final et le score initial est une
mesure du potentiel d’apprentissage. On peut aussi utiliser comme mesure de ce
potentiel le nombre d’aides nécessaires au cours de la phase d’apprentissage pour
que le sujet arrive à un niveau de performance donné.
114
Psychologie différentielle
il faut aussi stocker des résultats intermédiaires pour les réutiliser. La mémoire à
court terme est donc un des aspects de la mémoire de travail. On peut distinguer
dans le contenu de la mémoire de travail des informations et des traitements audi-
tifs et verbaux et des informations et des traitements visuels et spatiaux. On se
représente généralement (avec Baddeley) la structure de la mémoire de travail
comme un système à trois composantes :
–– une « boucle phonologique » responsable du stockage temporaire et de la
manipulation de l’information auditive et verbale ;
–– un « calepin visuo-spatial » permettant de stocker temporairement et de mani-
puler l’information visuelle et spatiale ;
–– un « administrateur central », c’est-à-dire une instance supérieure de contrôle
qui affecte les ressources attentionnelles et contrôle l’activité des deux premières
composantes.
Il existe de nombreuses épreuves de mémoire de travail. Les mesures d’empan
mnésique que nous avons évoquées évaluent un aspect de la mémoire de travail,
la fonction mémoire proprement dite. De telles mesures peuvent être recueillies
sur des données spatiales. Par exemple, dans une procédure on présente succes-
sivement des grilles à neuf cases (3 × 3) dans lesquelles à chaque présentation
une case est pointée par une flèche. Le sujet doit se rappeler les cases qui ont été
pointées et l’ordre dans lequel elles l’ont été. Mais ces mesures d’empan mnésique
ne prennent pas compte de la fonction traitement de la mémoire de travail. Aussi
utilise-t-on fréquemment des tâches où sont présentes à la fois les deux fonc-
tions (tâches doubles). Dans une des épreuves les plus fréquemment utilisées, on
demande au sujet de lire une série de phrases et de vérifier si elles sont séman-
tiquement correctes (traitement) et de se souvenir du dernier mot de chaque
phrase (mémoire). On commence par trois items de deux phrases, puis on passe à
trois items de trois phrases, etc., l’épreuve s’arrête après trois items de six phrases.
Après chaque item le sujet doit indiquer les mots terminaux dont il se souvient.
La capacité de la mémoire de travail est définie par le niveau de complexité le plus
élevé pour lequel deux items sur trois sont correctement rapportés. On peut encore
présenter au sujet à chaque item une série de nombres en lui demandant d’ajouter
plusieurs de ces nombres afin d’obtenir un nombre divisible par 3 (traitement),
puis lui demander ensuite de se souvenir des nombres obtenus. L’existence d’inter-
férences et la difficulté à centrer son attention sur plusieurs choses à la fois rendent
parfois l’exécution de ces doubles tâches difficile.
La distinction de deux processus en fonction de la nature de l’information à
traiter a notamment été validée à partir de l’étude de la variabilité interindivi-
duelle : les corrélations entre épreuves de mémoire de travail relatives à une même
catégorie d’informations sont plus fortes que les corrélations entre épreuves appar-
tenant à des catégories différentes. On ne sera pas surpris de voir les sujets ayant
de bonnes aptitudes verbales plus efficaces dans les épreuves de mémoire de travail
117
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
faisant appel au langage, et les sujets ayant de bonnes aptitudes spatiales plus effi-
caces dans les épreuves de mémoire de travail spatiales. Bien qu’il existe un facteur
général « mémoire de travail », l’existence de deux formes de mémoire de travail
conduit à nous demander dans quelle mesure il est toujours pertinent de parler de
la mémoire de travail en général.
Si, souvent, la nature de l’information à traiter implique soit le choix de la voie
phonologique, soit le choix de la voie visuo-spatiale, il est des cas où les deux voies
sont possibles. En fonction de leurs aptitudes les sujets choisissent préférentielle-
ment une voie plutôt que l’autre. Dans une expérience de MacLeod et al. (1978),
on propose une tâche de vérification de la correspondance entre un énoncé et une
figure. Par exemple on présente la figure suivante :
*
+
et l’on demande si l’énoncé « la croix est au-dessus de l’étoile » est exact ou
non. Certains sujets construisent une représentation spatiale de la phrase et
comparent deux patterns visuels, ce sont des sujets qui ont de bonnes aptitudes
spatiales. D’autres sujets construisent une représentation linguistique de la figure
et comparent deux énoncés, ce sont des sujets qui ont de bonnes aptitudes verbales
(voir exercice 6).
Bien que tous les résultats ne soient pas parfaitement concordants, les scores de
mémoire de travail sont de bons prédicteurs, les meilleurs semble-t-il parmi ceux
qui ont été testés, de l’intelligence fluide. On observe fréquemment des corréla-
tions de l’ordre de .70. Les sujets ayant des scores élevés en mémoire de travail
ont la capacité d’intégrer davantage d’informations que ceux qui ont des scores
plus faibles. Ils sont plus efficients dans les épreuves de raisonnement et dans les
diverses situations de résolution de problèmes. Ils réussissent également mieux
dans les apprentissages scolaires et notamment les apprentissages scientifiques
(Kun Yuan et al., 2006).
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Moyenne
18 000
16 000
Note la
14 000
plus basse
12 000
10 000 Note la
8 000 plus élevée
6 000
4 000 Total
2 000 manuels
0
Base 6e 5e 4e 3e
Niveau scolaire
Figure 2.24
Estimation du nombre de mots acquis de la 6e à la 3e : en moyenne, pour les élèves ayant
les meilleures notes scolaires, pour les élèves ayant les moins bonnes notes et nombre
de mots recensés dans les manuels (d’après Lieury, 1997)
tique). Pour de nombreuses informations l’encodage peut se faire sous une forme
imagée ou sous une forme linguistique. Le codage imagé est plus fréquent chez les
sujets ayant de bonnes aptitudes spatiales, et le codage linguistique plus fréquent
chez ceux qui ont de bonnes aptitudes verbales. On peut s’intéresser aussi, non
seulement à la qualité de la récupération, mais à sa rapidité. Pour étudier cette
question on demande aux sujets de dire si deux lettres sont identiques ou non
(paradigme de Posner) ; dans un cas l’identité est physique (AA), dans l’autre
elle est sémantique (Aa). Dans le premier cas, il suffit pour répondre de comparer
deux patterns physiques ; dans le second, il faut solliciter des données stockées
en mémoire à long terme ce qui prendra plus de temps. La différence entre les
temps de réponse dans les deux situations est une mesure de la vitesse d’accès à
la mémoire sémantique. Celle-ci est plus brève pour les sujets ayant de bonnes
aptitudes verbales.
120
Psychologie différentielle
ceux qui imposent une structure à un champ perceptif informe, ils sont dits « indé-
pendants du champ perceptif » ; pour d’autres, la structure est très prégnante et
ils éprouvent des difficultés à la briser, ce sont aussi ceux qui laissent un champ
perceptif informe en l’état, ils sont dits « dépendants du champ perceptif ».
L’ensemble des sujets d’un groupe non sélectionné se distribue régulièrement
entre ces deux pôles. Cette dépendance du champ, tout comme celle qui se mani-
feste dans la perception de la verticale, n’est pas limitée à la perception visuelle.
L’attitude analytique qui caractérise les sujets indépendants est notamment solli-
citée dans les épreuves de figures intriquées (Embedded Figures Test ou EFT) où
un dessin géométrique se structure perceptivement de telle sorte que certains de
ces éléments ne sont pas perçus (figure 2.25). Ces épreuves sont réussies aisément
par les sujets indépendants du champ tandis que les sujets plutôt dépendants ont
besoin de davantage de temps et souvent même échouent.
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Figure 2.25
Exemple d’item d’une épreuve de figures intriquées (Witkin et al., 1971)
Les sujets qui utilisent des références visuelles dans la perception de la verti-
cale ont fréquemment de faibles capacités de déstructuration, tandis que ceux qui
utilisent des références posturales en ont de bien meilleures. On peut donc consi-
dérer qu’une même dimension est sous-jacente aux situations qui viennent d’être
évoquées.
122
Psychologie différentielle
60 IC
Proportion d’items relatifs à la nourriture
55
correctement rappelés
50
45
40 DC
35
Supermarché Restaurant
Figure 2.26
Rappel d’items relatifs à la nourriture en fonction de la dépendance-indépendance du champ
(IC et DC) et de la présence (restaurant) ou non (supermarché) d’un contexte
(Spiro et Tirre, 1980)
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5.2. La réflexion-impulsivité
Lorsque, face à un problème, une décision est à prendre, deux attitudes sont
possibles. La première consiste à différer sa réponse afin que celle-ci soit de meil-
leure qualité, c’est l’attitude réfléchie. La seconde consiste à répondre rapidement,
au risque de fournir une réponse médiocre, c’est l’attitude impulsive. L’ensemble
des sujets peut être situé, de manière stable, sur un continuum de réflexion-impul-
sivité (ou de tempo conceptuel) défini par ces deux pôles (Kagan et al., 1964 ;
Messer, 1976). Pour objectiver cette dimension, on utilise habituellement une
épreuve d’ exploration perceptive, le test d’appariement des figures perceptives
(Matching Familar Figures Test ou MFFT). Dans chaque item, le sujet doit déci-
der lequel des six dessins voisins représentant un objet familier est identique à un
modèle (figure 2.27). Les conséquences de l’attitude réfléchie sont un temps de
124
Psychologie différentielle
Figure 2.27
Exemple d’item du MFFT
Si l’individu peut être caractérisé par son style cognitif, cette caractérisation
n’a rien de rigide. Notons d’abord que la plupart des styles sont définis par les pôles
opposés d’une dimension (c’est le cas pour la dépendance-indépendance du champ
et la réflexion-impulsivité). Les sujets « typiques » sont les sujets extrêmes et pour
les sujets de la zone moyenne, les plus nombreux, les préférences stylistiques sont
moins marquées. Ensuite, les individus disposent d’un répertoire de conduites et
si, en fonction du style, certaines conduites sont plus probables que d’autres, des
contraintes de la situation, ou même de simples incitations, peuvent amener le sujet
à modifier sa conduite spontanée pour adopter une conduite qui correspond plutôt à
un autre style. Enfin, les styles cognitifs se mettent en place au cours d’un processus
d’apprentissage (voir chapitre 4 paragraphe 3.4.3.) on peut donc s’attendre à ce que
des pratiques éducatives puissent, sinon les inverser, du moins les modifier.
On présente parfois les différences de styles cognitifs comme des différences
purement qualitatives. Or il n’y a aucune raison pour que des différences qualita-
tives dans le mode de traitement de l’information et dans les préférences straté-
giques conduisent à des performances équivalentes. De fait, on observe souvent
des liaisons substantielles entre style et intelligence ce qui a conduit certains à
être sceptiques sur l’intérêt même de la notion de style. Certes, l’efficience est
fonction des situations : si les indépendants du champ sont plus performants
que les dépendants dans de nombreuses tâches cognitives (celles notamment
qui demandent des capacités d’analyse), ils le sont moins dans des situations qui
demandent une certaine sensibilité sociale ; si les sujets impulsifs réussissent mieux
dans les nombreuses tâches, notamment celles qui nécessitent une attention soute-
nue, il est parfois utile de prendre une décision rapidement même si ce n’est pas
forcément la meilleure. Mais dans une société technicienne comme la nôtre, une
société ou l’importance de la formation académique est considérable, on comprend
que les différents styles cognitifs soient inégalement valorisés (Li-fang Zhang et
Sternberg, 2006).
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–– les épreuves ne sont plus représentatives d’un âge mais ce sont des sous-tests
constitués d’items de difficulté graduée. Les acquisitions d’un âge à l’autre ne se
manifestent plus par l’apparition de nouvelles conduites, mais par des réussites
dans des problèmes plus difficiles de même nature ;
–– Wechsler abandonne la notion d’âge mental et donne une nouvelle définition
du QI. Le QI de type Stern, ou QI de développement présente deux inconvé-
nients : il n’a guère de sens chez des adultes et sa signification varie d’un âge à
l’autre dans la mesure où à un même QI peuvent correspondre des classements
sensiblement différents (un sujet ayant un QI de 80 peut très bien être classé 95e
sur 100 à un âge et 75e sur 100 à un autre âge). Le QI de type Wechsler, ou QI
Standard, n’a plus rien à voir avec un quotient. Il indique simplement le rang du
sujet. On a convenu de donner à l’indice d’efficience générale une distribution
gaussienne, de moyenne 100 et d’écart-type 15, et d’appeler cet indice QI. Si
un sujet a un QI de 120, cela signifie – quel que soit son âge, qu’il soit enfant ou
adulte –, qu’il se situe à 1,33 écart type au-dessus de la moyenne (20: 15), ou,
en d’autres termes (et après lecture d’une table de la loi normale réduite), qu’il
se classe à peu près dixième sur 100 parmi les sujets de son groupe d’âge.
Tableau 2.7
Les sous-tests de la WAIS-R (Wechsler, 1989)
• Information • Vingt-neuf items portant sur des connaissances générales.
• Mémoire • Le sujet doit répéter des chiffres dans l’ordre de présentation et dans
immédiate l’ordre inverse (3 à 10 chiffres).
Échelle verbale
G CV OP A
Dans les échelles qui viennent d’être présentées, on calcule un QI. Nous avons vu
par ailleurs qu’il existait un facteur général (facteur g) (paragraphe 1.2). Ces deux
notions ne sont pas identiques mais proches. On se réfère à l’une ou à l’autre ou aux
deux à la fois lorsqu’on parle d’intelligence générale. Le facteur g est une variable
hypothétique, une abstraction mathématique à laquelle on donne un contenu. On
cherche ce qu’il peut y avoir de commun à diverses variables qui sont associées plus
ou moins fortement les unes aux autres. On peut caractériser le sujet par une note
en facteur g ou par son score dans des épreuves fortement saturé dans ce facteur
général. La notion de QI est plus simple. On se borne à sommer l’efficience dans
une série de tests. On peut très bien ne pas exprimer cette somme par un QI ou
encore la pondérer selon divers critères. Tout comme avec le facteur g on pense
saisir avec le QI une intelligence générale. On a souvent présenté d’ailleurs le
132
Psychologie différentielle
interpréter le facteur g en faisant appel non plus à un seul processus mais à une
multiplicité de processus. Un test sollicite un ensemble de processus, un autre test
en sollicitera un autre, mais il y aura un recouvrement entre ces deux ensembles
de processus, recouvrement qui explique la corrélation entre les tests. Ce qui est
vrai de la corrélation entre deux tests l’est aussi de la corrélation entre le QI ou
les notes en facteur g et des variables très diverses, comme par exemple la réussite
professionnelle.
La dernière remarque portera sur l’intérêt pratique des mesures d’intelli-
gence générale. Dans la mesure où ils évaluent un processus à l’œuvre dans de
nombreuses tâches ou un échantillon de processus qui est partiellement commun
à de nombreuses tâches, les mesures globales d’intelligence permettent des pronos-
tics qui peuvent être utiles pour des conseils d’orientation, la sélection profession-
nelle ou pour l’individualisation de l’enseignement par exemple. Mais ces constats
globaux sont de peu d’utilité s’il s’agit d’analyser un cas individuel comme, par
exemple, les raisons de difficultés scolaires. Là il sera préférable de décrire le sujet
sur une série d’aptitudes ou de compétences. La forme du profil sera bien plus infor-
mative que son altitude moyenne.
Demandons-nous quelles sont les caractéristiques des sujets qui sont à chaque
extrémité de la distribution de l’efficience cognitive.
C’est presque toujours à partir de leur score à la WISC que les enfants sont
qualifiés d’exceptionnels. Ceci pose deux types de problèmes. La WISC, nous
l’avons vu, valorise l’intelligence académique, verbo-conceptuelle, mais on peut
très bien être exceptionnel pour d’autres formes d’intelligence, des formes d’intel-
ligence pour lesquelles il n’existe pas de tests convaincants. Par ailleurs, second
problème, à partir de quel QI dira-t-on que l’enfant est exceptionnel ? Si on fixe le
seuil à 130, 2,28 % des sujets sont exceptionnels ; si on le fixe à 140 il ne sont plus
que 0,13 %. Il faut donc établir des degrés dans l’exceptionnalité. Peu utilisées,
des procédures de diagnostic du haut potentiel prennent en compte diverses formes
d’intelligence, la créativité, les aptitudes artistiques.
Voici des caractéristiques des enfants à haut potentiel relevées fréquemment
dans les observations cliniques (pour une liste plus détaillée, voir Lubart, 2006) :
–– domaine cognitif :
•• précocité langagière ;
•• curiosité ;
•• besoin de comprendre ;
•• goût pour la complexité ;
•• modes de pensée originaux ;
•• traitement rapide de l’information ;
•• bonne mémoire ;
•• capacité de concentration ;
•• capacité de généralisation ;
•• capacités méta-cognitives ;
–– domaine socioaffectif :
•• humour ;
•• refus des règles et des consignes ;
•• sensibilité affective ;
•• attiré par les camarades plus âgés ;
•• préfère travailler seul ;
•• autonome.
Les asynchronies dans le développement sont plus fréquentes chez les enfants
à haut potentiel. Les développements intellectuel, psychomoteur et socio-affec-
tif sont moins bien coordonnés. Généralement, l’apprentissage de la lecture est
précoce tandis que celui de l’écriture est plus tardif alors que chez les enfants tout-
venant ces deux apprentissages sont simultanés. Les écarts entre le QI verbal et le
QI performance sont plus marqués : par rapport au QI total moyen l’écart signi-
ficatif entre ces deux QI est quatre fois plus fréquent chez ceux dont le QI total
est supérieur à 130 et 5 fois chez ceux dont le QI total est supérieur à 140. Ces
asynchronies, et plus particulièrement celle entre le développement cognitif et le
développement socio-affectif peuvent être source de difficultés d’adaptation.
135
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
pondant à ce niveau (il y avait à peu près autant d’hommes que femmes dans
l’échantillon mais nous sommes dans les années 1920 et de nombreuses femmes
n’ont pas suivi d’études supérieures, d’où ce taux relativement faible) ;
–– il y a bien quelques belles réussites mais elles sont rares. Le destin de la grande
majorité de ces sujets exceptionnels n’a pas été exceptionnel (deux futurs prix
Nobel de physique étaient dans les classes où Terman a recruté ses hauts poten-
tiels, mais ils n’ont pas été jugés dignes d’être inclus dans l’échantillon…). La
comparaison des 150 sujets qui ont le mieux réussi leur vie professionnelle et
des 150 qui l’ont le moins bien réussi montre que les différences de QI ne jouent
aucun rôle, ce qui était hautement prévisible vu le taux de sélection sur ce
critère, mais que les différences sont importantes pour des traits de personnalité
comme l’ambition, la confiance en soi, la persévérance et pour le niveau socio-
économique du milieu familial ;
136
Psychologie différentielle
–– bien que de nombreuses critiques aient été adressées au travail de Terman ses
conclusions n’ont pas été remises en cause par des travaux plus récents, il est
vrai de moindre envergure.
Les enfants à haut potentiel devraient réussir brillamment à l’école, mais ce
n’est pas toujours le cas. Certains sont en échec scolaire, et d’autres ont un niveau
de réussite qui est manifestement en deçà de leurs possibilités, ce sont des « sous-
réalisateurs ». On a donc recherché des modes de scolarisation plus adaptés aux
enfants à haut potentiel (Lautrey et Vrignaud, 2006). On rencontre trois types de
réalisation : l’accélération, des classes spéciales et l’individualisation des parcours.
La forme de l’accélération la plus fréquente est le saut de classe. En France il
concerne surtout l’entrée à l’école primaire à 5 ans et n’est pas réservé aux hauts
potentiels. Il est peu répandu et concerne environ 2 % des élèves (Il a fortement
diminué depuis 1960 où il en concernait 20 %.). La création de classes spéciales
est fortement revendiquée par les associations de parents d’enfants à haut poten-
tiel, associations qui sont à l’origine de quasiment toutes les innovations péda-
gogiques dans ce domaine. Ces classes spéciales sont cependant peu nombreuses
tant dans l’enseignement public que dans l’enseignement privé français alors
qu’elles sont très fréquentes dans un pays comme les États-Unis. Enfin, l’indivi-
dualisation des parcours, qui est la solution prônée par le ministère de l’Éducation
nationale, consiste à proposer aux hauts potentiels des activités supplémentaires
(enrichissement).
On dispose pour l’Amérique du Nord de nombreuses évaluations des divers
modes de scolarisation des hauts potentiels. Dans ces études, on compare des
sujets à haut potentiel bénéficiant de mesures particulières à d’autres sujets à haut
potentiel qui n’en bénéficient pas, le critère de comparaison étant les acquisitions
scolaires. Les différents modes de regroupement des élèves (groupes de niveau par
classe, groupes de niveau inter-classes à partir des acquis scolaires, classes spéciales)
ont peu d’effets tant que le programme n’est pas modifié et des effets marqués
lorsque le rythme d’acquisition est accéléré. « Lorsque les conditions sont réunies,
c’est-à-dire lorsque les enfants présentent à la fois une forte avance du dévelop-
pement intellectuel et les connaissances scolaires prérequises, le cursus peur être
accéléré d’un ou deux ans sans inconvénient apparent sur le niveau des connais-
sances scolaires. Un résultat plus surprenant est que les enfants comparables qui
suivent le cursus normal atteignent le même niveau de réussite scolaire au terme
du cursus » (Lautrey et Vrignaud, 2006, p. 243).
caractérise pas seulement par des limitations dans le fonctionnement cognitif qui
apparaissent au cours du développement, elle se manifeste aussi par des difficultés
d’adaptation dans les divers domaines de la vie sociale. On doit la distinguer de la
démence qui est une régression du développement cognitif et des troubles instru-
mentaux (la dyslexie par exemple). En France la déficience mentale touche 2 %
à 3 % de la population et concerne 1,5 garçon pour une fille. (Chapireau, 1997)
Pratiquement les degrés dans la déficience mentale sont définis à partir de tests
QI. On considère qu’il y déficience lorsque le QI est inférieur à 70. Classiquement
on désignait trois niveaux de déficit : idiots, imbéciles et débiles. La classification
de l’Organisation Mondiale de la Santé est plus fine et moins stigmatisante. Elle
définit les degrés suivants :
–– QI inférieur à 25 : déficience profonde. Le niveau mental ne dépasse pas 2-3
ans. Le langage est très limité. Dans tous les secteurs du développement, le
retard est massif. On note une grande fréquence des troubles neurologiques ;
–– QI inférieur à 40 : déficience sévère. Le niveau mental ne dépasse pas 6-7 ans.
Le retard psychomoteur est fréquent et le langage reste rudimentaire. Une
autonomie relative est possible dans un environnement adapté. Tant la scola-
risation que la formation professionnelle ne sont généralement pas possibles ;
–– QI inférieur à 55 : déficience modérée. Une scolarisation correspondant aux
premières années de l’enseignement primaire est possible. L’insertion sociale est
possible dans un milieu protégé
–– QI inférieur à 70 : déficience légère. Les sujets peuvent recevoir une scolarité
primaire et une formation professionnelle. Des troubles socio-affectifs sont
fréquents : instabilité, inhibition. Lorsque le QI est inférieur à 85 on considère
que la déficience mentale est limite.
La grande majorité des déficients mentaux sont des déficients légers (environ
85 %) et la déficience est d’autant moins fréquente qu’elle devient sévère (10 %
de déficients modérés, 3 % à 4 % de déficients sévères et 1 % à 2 % de déficients
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
profonds).
La définition de la débilité à partir du QI a le mérite de la simplicité mais,
terriblement réductrice, elle masque la variété des formes de débilité à QI constant
et elle assimile trop facilement le débile à un individu plus jeune (voir exercice 2
du chapitre 1). René Zazzo (1979) a montré que le sujet débile se caractérisait
par un développement inégal selon le secteur de la conduite considéré (hétéro-
chronie). Zazzo distinguait aussi une débilité endogène qu’il attribuait, sans en
avoir la preuve, à une hérédité polygénétique et une débilité exogène provenant de
facteurs culturels et offrant davantage de possibilités éducatives et que l’on a quali-
fiée de « fausse débilité ». Bärbel Inhelder (1943) a montré non seulement que
les débiles n’atteignaient pas les stades terminaux du développement de la pensée
logique mais aussi que ceux-ci restaient fixés à des périodes transitoires du déve-
loppement qui chez l’individu moyen sont assez brèves (viscosité génétique), d’où
138
Psychologie différentielle
une certaine inconstance de leur comportement qui témoigne tantôt d’un stade,
tantôt du stade suivant. Signalons aussi la distinction entre les débiles harmonieux
dans lesquels le déficit cognitif ne s’accompagne pas de troubles particuliers et les
débiles dysharmoniques chez qui le déficit coexiste avec des troubles du comporte-
ment et des troubles affectifs.
La catégorie « déficience mentale » étant très peu homogène, on ne s’éton-
nera pas de trouver des causes très diverses au retard intellectuel. Lorsque le retard
est sévère, son origine est généralement organique, soit d’origine génétique (voir
chapitre 4, paragraphe 1), soit consécutive à des traumatismes au moment de la
naissance, soit encore dû à des maladies de la mère au cours de la gestation (la
rubéole par exemple). Pour les déficiences légères, pour lesquelles on a évoqué des
facteurs génétiques, il n’y a généralement pas de causes organiques repérables et
on les explique généralement par un manque de stimulation et des carences affec-
tives (voir chapitre 4, paragraphe 3.3). Les déficiences légères sont liées à l’origine
sociale alors que les déficiences profondes ne le sont pas.
La notion de débilité n’est apparue qu’avec les exigences cognitives imposées
par la généralisation de la scolarisation. Certes, la déficience mentale légère existe
dans les cultures où l’école ne joue pas un rôle majeur mais elle ne pose pas beau-
coup de problèmes et elle passe quasiment inaperçue. Les tâches relativement peu
qualifiées étant nombreuses, les déficients intellectuels s’insèrent socialement et
professionnellement sans trop de difficultés. En France, comme dans les autres pays
développés, on s’est préoccupé du diagnostic de la débilité et de l’éducation des
déficients mentaux légers à partir d’une réflexion sur l’échec scolaire consécutive à
la généralisation de l’enseignement. Même si c’est un peu rapide, il n’est donc pas
faux de dire que la débilité est une invention de la Troisième République.
Au début du xixe siècle, on a commencé à se préoccuper de l’éducation des défi-
cients mentaux. Jean Itard (1774-1838), médecin à l’Institut national des sourds-
muets de Paris, entreprend, de 1801 à 1806, l’éducation de Victor, l’enfant sauvage
recueilli dans les forêts de l’Aveyron en 1799. (Les efforts d’Itard ont été décrits par
François Truffaut dans son film L’Enfant sauvage, en 1970.) Victor était vraisem-
blablement un enfant autiste abandonné par ses parents (Gineste, 2004). En 1840,
inspiré par Itard, Édouard Séguin ouvre une classe pour les déficients mentaux
profonds. Prolongeant cette première expérience, Désiré Magloire Bourneville,
chef du service des aliénés à l’hospice de Bicêtre, ouvre également une classe
pour les déficients mentaux de son hospice en 1879. Ségin et Bourneville sont les
fondateurs de l’éducation spécialisée en France. En 1907, une loi crée des « classes
de perfectionnement » annexées aux écoles publiques et destinée aux « enfants
arriérés ». On se souvient que Binet a construit, avec Simon, la première version
de son échelle métrique de l’intelligence pour, précisément, faciliter le diagnostic
de déficience devant conduire à l’admission des enfants dans ces classes. Les classes
139
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
☞
Le syndrome d’Asperger est une des formes de l’autisme mises en évidence
également en 1943 par un pédopsychiatre autrichien Hans Asperger. On
retrouve les difficultés de communication mais les « Asperger » se distinguent
des autres autistes par un niveau intellectuel souvent supérieur à la moyenne et,
assez fréquemment, par des compétences élevées dans un domaine particulier
(on parle à leur propos d’« autisme de haut niveau »). Ils ont généralement une
très bonne mémoire et des facilités pour les apprentissages musicaux. Ils mani-
festent aussi souvent un intérêt démesuré pour des sujets précis et limités dont ils
deviennent experts et ont un goût marqué pour l’ordre et les classifications. On
discute pour savoir si ce syndrome doit être considéré comme un handicap ou
comme une simple différence.
Daniel Tammet, écrivain et linguiste anglais, né en 1979, est un autiste
Asperger avec des aptitudes particulières pour les langues et les nombres.
Il parle couramment onze langues et a appris l’islandais en une semaine. En
2004 il a appris par cœur les 22 514 premières décimales du nombre pi et les
a récitées sans erreur, ce qui a nécessité plus de 5 heures… Daniel Tammet a
décrit son itinéraire dans un ouvrage autobiographique Je suis né un jour bleu
(sa perception est synesthésique, ce qui est une des sources de son inspiration
poétique).
dits peu différenciés. En d’autres termes, le profil de leurs aptitudes est à peu près
plat, ou encore la variabilité intra-individuelle de leurs performances est faible.
Dans le cas contraire, les sujets qui se situent sensiblement différemment sur les
diverses dimensions sont dits bien différenciés.
De nombreuses théories psychologiques décrivent le développement comme
un processus de différenciation intra-individuelle, ou de spécialisation. Chez
les jeunes enfants, les réussites dans les divers secteurs de l’intelligence seraient
fortement associées. Puis, vers la fin de l’enfance et à l’adolescence, elles le
seraient moins et il deviendrait alors possible de caractériser le sujet par des
points forts et des points faibles. (Plus tard, au moment de la vieillesse, il y aurait
à nouveau une relative indifférenciation.) S’il en va bien ainsi, on doit observer
une diminution de la force moyenne des corrélations entre aptitudes différentes,
et donc une diminution du poids du facteur général, lorsque l’âge augmente.
On observe généralement un tel phénomène (Baltes et al., 1970). Le fait que
la corrélation entre l’ intelligence fluide et l’intelligence cristallisée soit plus forte
chez les enfants que chez les adultes témoigne de cette différenciation.
Mais la différenciation n’est pas un processus continu. Les phases de différen-
ciation, qui conduisent à une augmentation de la variabilité intra-individuelle,
sont suivies de phases d’intégration qui, elles, conduisent souvent à une réduc-
tion de cette variabilité. L’intégration peut prendre la forme d’une détermina-
tion des performances par une seule aptitude ou celle d’une coordination étroite
de plusieurs aptitudes. Aussi, observe-t-on parfois, lorsque les différences d’âge
sont faibles, une moindre différenciation chez les sujets plus âgés. Anh Nguyen
Xuan (1969), par exemple, applique une batterie de quinze tests correspondant
aux aptitudes primaires à des élèves de collèges, elle observe une corrélation
moyenne entre les épreuves de .28 en cinquième, .24 en quatrième et .30 en
troisième.
résultats on peut tirer deux conclusions qui valent pour toutes les études de ce
type :
–– d’une passation à l’autre il y a des écarts de QI sensibles : pour neuf élèves
l’écart entre les deux passations est supérieur à quinze points, pour vingt-neuf
il est compris entre 6 et quinze points, pour vingt et un il est inférieur à six
points ;
–– la corrélation entre les deux passations est élevée : .79.
Ces deux conclusions ne sont pas contradictoires : les écarts de performance
relevés sont tout à fait compatibles avec une assez bonne stabilité des classements.
100
• • ••
90
•• • ••
••
80
••
70
•
60
•
50
•
40
30
•
20
10
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
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Âge en années
Figure 2.28
Corrélations entre les QI obtenus à 18 ans et les QI obtenus à divers âges de l’enfance
et de l’adolescence (d’après Bayley, 1970)
l’ordre de .80 à partir de 4-5 ans). Dans une étude longitudinale entreprise en
1928, N. Bayley a observé un groupe d’enfants à trente-huit reprises entre 0 et
18 ans. Quelques-uns d’entre eux furent à nouveau observés entre 18 et 36 ans.
Dès 4-5 ans on observe une corrélation élevée (.66 et .78) entre le QI alors observé
et celui qui sera observé à 18 ans (figure 2.28). Cette stabilité apparaît bien sur
les cinq courbes de développement individuelles représentées sur la figure 2.30
ci-contre. Sur ces courbes on voit que la position des sujets à 21, 26 et 36 ans est à
peu près ce qu’elle était à 18 ans.
La bonne stabilité des classements au niveau du groupe n’est pas incompa-
tible avec des profils d’évolution de forme variable. McCall et al. (1973) ont
mis en évidence cinq types de profils d’évolution entre 3 et 17 ans. Ces profils
traduisent des différences dans le rythme du développement (figure 2.29). Les
sujets ayant le profil 1 voient leur QI s’élever légèrement ; ceux ayant le profil 2
ont un QI qui baisse jusqu’à 6 ans, remonte ensuite et baisse à nouveau à partir
de 14 ans ; ceux ayant le profil 3 ont un QI qui baisse jusqu’à 6 ans, se stabilise
et remonte à partir de 14 ans ; ceux qui ont le profil 4, et c’est vrai aussi à un
moindre degré pour le profil 5, voient leur QI s’élever jusqu’à 10-11 ans pour
baisser ensuite.
160
150
140
QI -Binet
4
130
5
1
120
3
110
2
100
2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Âge en années
Figure 2.29
Patrons d’évolution des QI (QI-développement) de 2 à 17 ans
(McCall et al., 1973)
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Cas 5 M
70
60
Cas 22 M
50
Cas 7 M
40
30 Cas 8 M
Scores standards
20
Cas 5 M
10
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 21 26 36
Âge en années
Figure 2.30
Courbes d’évolution individuelles du QI (Bayley, 1970)
147
148
Psychologie différentielle
9.3. Le vieillissement
Les aptitudes intellectuelles et mnésiques diminuent avec l’âge, c’est bien connu.
Mais ce déclin est variable selon les aptitudes (nous avons noté, au paragraphe 1.2.3,
qu’il était plus marqué pour l’intelligence fluide que pour l’intelligence cristallisée)
et il est plus tardif qu’on l’imagine (car on ne tient généralement pas compte des
effets de génération, voir ci-dessous). De plus il est très inégal selon les individus :
la variabilité interindividuelle est plus grande dans les groupes de personnes âgées.
À l’issue d’une importante étude longitudinale au cours de laquelle plusieurs
milliers de sujets ont été examinés à six reprises sur une période de près de quarante
ans et jusqu’à 88 ans, Shaie (1994) a mis en évidence sept facteurs qui réduisent
fortement le risque de déclin des fonctions cognitives, même à un âge avancé (les
mesures portaient sur les facteurs compréhension verbale, spatiale, de raisonne-
ment inductif, numérique et fluidité verbale) :
–– 1) l’absence de maladies chroniques. Elle n’a pas un effet direct mais est l’indice
d’un style de vie favorable au maintien d’une activité cognitive de haut niveau ;
–– 2) des circonstances favorables : niveau de vie relativement élevé, activité
professionnelle stimulante, relations familiales de qualité ;
–– 3) un investissement dans des activités intellectuelles et culturelles : lectures,
voyages, participation à des associations… ;
–– 4) avoir manifesté avant la vieillesse une personnalité flexible (questionnaires
et tests objectifs) ;
–– 5) avoir un conjoint d’un niveau cognitif élevé ;
–– 6) avoir conservé un bon niveau de vitesse perceptive ;
–– 7) avoir été satisfait de sa vie dans sa jeunesse et dans sa période d’activité.
Certains facteurs de personnalité ne jouent un rôle protecteur que pour certaines
fonctions. Prenons l’exemple de la mémoire épisodique. On a montré que son déclin
avec l’âge était plus ou moins marqué selon que les individus sont plutôt introver-
tis ou plutôt extravertis (Allen et al., 2011). On explique ce phénomène à partir
des relations qu’entretiennent à la fois l’extraversion et la mémoire épisodique avec
la vie affective et les émotions. La mémoire épisodique conserve le souvenir des
événements personnels qui ont souvent une tonalité affective. Pour se rappeler ces
événements on utilise fréquemment des indices émotionnels, positifs ou négatifs,
qui correspondent aux émotions ressenties lors de l’encodage. La sensibilité affective
diminuant avec l’âge, les performances de la mémoire épisodique diminuent égale-
ment (ce qui n’est pas le cas de la mémoire sémantique). Le degré d’extraversion
est une mesure du niveau d’activité émotionnelle (voir chapitre 3 paragraphe 6).
Les sujets extravertis ayant une sensibilité émotionnelle plus élevée sont moins
sensibles ou sensibles plus tardivement que les introvertis à cette baisse de la sensibi-
lité affective avec l’âge. On conçoit donc que, chez eux, le déclin des performances
149
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
en mémoire épisodique soit moins marqué. Un autre facteur personnel qui contri-
bue à expliquer la variabilité en mémoire épisodique est le sentiment de contrôle
(voir chapitre 3 paragraphe 8). Les sujets qui pensent qu’ils ont peu de possibilités
de contrôler le fonctionnement de leur mémoire sont souvent des sujets anxieux et
leur anxiété est à l’origine de pensées intrusives qui interfèrent avec le processus de
rappel et le gênent, d’où de moindres performances Lachman et Agrigoroaei, 2011).
Exemple
Item 41 : Une souris mange deux grains de blé. Combien faudra-t-il de souris pour manger les grains de
blé représentés ?
– pourcentage de bonnes réponses en 1944 : 27,7 ;
– pourcentage de bonnes réponses en 1984 : 50,2.
151
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
Item 60 : En regardant la rangée du haut, il faut trouver ce qui manque dans la rangée du bas et le
dessiner (dernier item d’une série de quatre de difficulté croissante).
– pourcentage de bonnes réponses en 1944 : 10,5 ;
– pourcentage de bonnes réponses en 1984 : 67,8.
Figure 2.31
Deux items du test mosaïque de Gille
données fiables, une diminution (Flynn, 2012). Dans une étude réalisée en France,
cette diminution, entre 1991 et 2002, est la plus forte pour les épreuves les plus
proches des disciplines scolaires (numériques notamment) ; elle est nettement plus
faible, et on ne l’observe que dans une épreuve sur trois pour les tests de facteur g
(Nicollet et al., 2009). Il n’y a pas de consensus pour l’interprétation de ces résultats.
On a évoqué l’évolution des objectifs des systèmes éducatifs. On a aussi évoqué les
effets négatifs de la télévision et d’internet.
Ces données ont des conséquences directes pour l’étude de l’évolution des apti-
tudes en fonction de l’âge. Si l’on s’intéresse aux changements dans l’efficience
cognitive entre 30 et 60 ans, on peut procéder à une comparaison transversale qui
consiste à comparer des sujets aujourd’hui âgés de 30 ans à des sujets aujourd’hui
âgés de 60 ans. Cette comparaison est ambiguë. Si l’on observe que les sujets de
60 ans réussissent moins bien, est-ce parce qu’ils ont 30 ans de plus (vieillissement
biologique), ou est-ce parce qu’ils sont nés 30 ans avant, c’est-à-dire à une époque
où le niveau moyen de performance était plus faible (effet de génération) ? Comme
il n’est pas possible d’observer au même moment des sujets d’âges différents qui
seraient nés la même année (!), il est nécessaire de procéder à des comparaisons
longitudinales, c’est-à-dire de comparer les mêmes individus à des âges différents.
En procédant à de telles comparaisons, on montre que les effets de l’âge sont
modérés et que le déclin de l’efficience cognitive globalement évaluée (combinai-
son de l’intelligence fluide et de l’ intelligence cristallisée) ne se manifeste claire-
ment qu’à partir d’une soixantaine d’années (figure 2.32).
QI 80
60
40
Étude transversale
Étude longitudinale
30
25 32 39 46 53 60 67 74 81
Âge (en années)
Figure 2.32
Évolution du QI en fonction de l’âge : données transversales et données longitudinales
(d’après Shaie, 1990). L’étude longitudinale n’a pas duré cinquante-six ans…
On a suivi pendant une vingtaine d’années des groupes de sujets d’âge différent.
153
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
est face à une console sur laquelle sont disposés en demi-cercle huit lampes et
à côté de chacune, huit interrupteurs permettant de les éteindre. Au début de
chaque essai le sujet a le doigt sur un bouton central (représenté par un carré sur
la figure 2.33). Lorsqu’une lampe s’allume il doit l’éteindre en appuyant sur l’inter-
rupteur qui lui correspond. La durée qui s’écoule entre le moment où la lampe
s’allume et le moment où le doigt du sujet quitte le bouton central est le temps de
réaction. Celle qui s’écoule entre le moment où le doigt du sujet quitte le bouton
central et celui où il éteint la lampe est le temps de mouvement.
En utilisant des caches, on peut présenter au sujet deux lampes (la 4 et la 5)
ou quatre lampes seulement (de la 3 à la 6). L’incertitude, ou la complexité de la
situation, augmente avec le nombre de lampes. L’information apportée est nulle
quand aucune lampe n’est allumée, elle est de un bit avec deux lampes, deux bits
avec quatre lampes et trois bits avec les huit lampes. On observe une relation
154
Psychologie différentielle
4 5
3 6
2 7
1 8
Figure 2.33
Schéma de l’appareil destiné à la mesure des temps de réaction
430
I
390 M
TR
350
TR ou TM Moyen (ms)
310
270
TM I
M
230
S
190
0 1 2 3
Information (Bits)
Figure 2.34
Temps de réaction et temps de mouvement moyens en fonction du nombre de bits
et de l’efficience aux Matrices progressives (S : tiers supérieur, M : tiers moyen,
I : tiers inférieur)(d’après Jensen et Munroe, 1979)
où le sujet est mis en présence des éléments entre lesquels il doit découvrir une
relation et celui où il formule sa réponse ?
Pour répondre à cette question, Robert Sternberg (1977) demande à ses sujets
de résoudre des analogies du type de celles représentées figure 2.35. Ils doivent
indiquer si la relation entre C et D est ou non la même que la relation entre A et
B. Les sujets ont appris que les figurines pouvaient être décrites par quatre attributs
à deux modalités : taille (grand-petit), corpulence (gros-mince), couleur (noir-
blanc), genre (masculin-féminin). La première analogie est exacte, la seconde ne
l’est pas.
A B C D
A B C D
Figure 2.35
Exemples des analogies utilisées pour l’étude du raisonnement inductif (Sternberg, 1977)
temps de réponse étant fluctuants ces mesures doivent être faites sur de nombreux
items.
Dans ce type de problèmes, et plus généralement dans les analogies, qu’elles
portent sur un matériel verbal ou sur un matériel géométrique, les sujets consacrent
une part importante du temps de résolution à l’encodage. Environ 1,5 seconde
est nécessaire, en moyenne, à la résolution des analogies du type de celles de la
figure 2.35, 39 % de cette durée est consacré à l’encodage. Pour les analogies
géométriques, ce pourcentage dépasse 50 % pour une durée moyenne de résolu-
tion de 2,5 secondes. (Pour évaluer les durées nécessaires à la mise en œuvre des
opérations, on utilise la « méthode soustractive ».
158
Psychologie différentielle
Encodage A
Encodage B
Encodage C
Application de la relation A → B à C et D
(application)
Répondre :
l'analogie est vraie
Figure 2.36
Mode de résolution des analogies (d’après Sternberg, 1977)
L’approche qui vient d’être présentée est souvent dite composantielle (ou
componentielle) car elle découpe l’activité mentale en composantes (components,
en anglais) qui sont réalisées plus ou moins rapidement ou plus ou moins précisé-
ment selon les individus. Elle est généralement complétée par une approche moins
analytique où l’activité mentale est analysée en termes de stratégies (ou méta-
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sujet fractionne le problème posé en petits problèmes plus simples : il se fixe des
sous-buts, par exemple découvrir les attributs pertinents, comparer d’abord deux
lignes (ou deux colonnes), etc. Il doit donc maintenir en mémoire les premiers
résultats obtenus alors que son travail d’exploration et de découverte des règles de
transformation continue. La capacité de la mémoire de travail joue donc un rôle
tout à fait central dans la performance. Notons que Carpenter et al. ont construit
un programme informatique qui permet de simuler la conduite de résolution des
sujets performants.
B C
D E
Figure 2.37
Exemple d’un item du test de visualisation spatiale
Coder
l’élément i
2.
Trouver
l’élément
correspondant
3. 4.
Même Non Tourner
orientation l’élément
?
Oui
Comparer
les éléments
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5. 8. 9.
Oui
6.
Eléments
pas encore
vérifiés ?
Non
7.
Répondre
“pareil”
Figure 2.38
Modèle de traitement de l’information dans une tâche de visualisation spatiale
(d’après Mumaw et Pellegrino, 1984)
162
Psychologie différentielle
Dans ce modèle, comme dans celui qui rendait compte du raisonnement induc-
tif, les opérations élémentaires sont effectuées successivement (il y a des modèles
où des opérations sont effectuées simultanément, en parallèle), le temps de réso-
lution total est donc la somme des temps nécessaires à l’application de chaque
opération. Pour estimer la durée de chaque opération, on construit des items parti-
culiers où certaines opérations sont sollicitées tandis que d’autres ne le sont pas et
on procède par soustraction comme dans l’exemple sur le raisonnement inductif.
Les sujets qui sont le plus efficients en facteur spatial sont ceux qui consacrent
le moins de temps à l’opération recherche. Il semble, d’après l’analyse des erreurs,
que ce sont aussi des sujets qui procèdent à un codage précis. C’est la précision de
ce codage qui explique leur plus grande efficience dans la recherche.
L’approche composantielle permet manifestement une meilleure connaissance
des processus de résolution à l’œuvre dans les tests d’intelligence. Elle met notam-
ment en évidence l’importance cruciale de la phase initiale de codage dans le
succès aux épreuves. Elle permet aussi de mettre en évidence la diversité des stra-
tégies utilisées. Elle présente cependant des limites. Le choix de modèles séquen-
tiels, et plus généralement de la métaphore informatique, est discutable et paraît
dans bien des cas peu réaliste. Par ailleurs, la méthode chronométrique retenue
conduit à privilégier les tâches relativement simples car l’estimation des compo-
santes devient difficiles lorsqu’il y a beaucoup d’erreurs et à multiplier les mesures si
bien que là encore, comme dans les travaux sur la vitesse de traitement et le temps
de réaction, on risque d’évaluer davantage une capacité d’attention générale que
l’efficience d’opérations élémentaires.
10.4. La lecture
La lecture est certainement une des acquisitions les plus importantes réalisées
au cours du développement dans la mesure où elle permet l’accès à un ensemble
étendu de connaissances, aussi a-t-elle été abondamment étudiée. Or, on observe
d’importantes différences individuelles tant dans la capacité à apprendre à lire que
dans la capacité à lire. Ces différences proviennent à la fois de facteurs motiva-
tionnels (pour lire, il faut avoir envie de lire) et de facteurs cognitifs (la lecture
suppose des prises d’information et des attributions de signification). Pour mettre
en évidence ces facteurs cognitifs, on recherche des caractéristiques des sujets rela-
tives au traitement de l’information susceptibles d’être à l’origine des différences
d’efficience en lecture et permettant de prédire ou de distinguer bons et mauvais
lecteurs.
➤➤ 10.4.1. Style et performance
Il existe deux voies de traitement de l’information dans la lecture (Dehenne, 2007).
Avec la voie directe ou phonologique, le mot écrit est analysé en unités orthogra-
163
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
lexique
semantique
lexique lexique
orthographique phonologique
analyse analyse
conversion
orthographique phonologique
(lettres graphèmes) graphèmes - phonèmes (syllabes, phonèmes)
Figure 2.39
Les deux voies de la lecture
Chez le lecteur expert, les deux voies de la lecture sont étroitement coordon-
nées. Mais il n’en va pas ainsi chez l’enfant même lorsque l’apprentissage de la
lecture est bien avancé.
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g lobalement. On applique alors plusieurs épreuves dont on somme les scores. Inizan
(1983), par exemple, ajoute les scores à une épreuve d’orthographe, une épreuve
de compréhension (lecture silencieuse) et une épreuve de lecture orale (les corré-
lations entre ces trois épreuves sont fortes : de .60 à .78). Le niveau de lecture
peut être évalué de manière plus analytique. On distingue fréquemment vitesse de
lecture et compréhension de lecture. Les corrélations entre vitesse et compréhen-
sion sont faibles, souvent négatives. Aubret et Blanchard (1985) demandent à des
élèves de sixième de lire deux petits textes. Ils mesurent la vitesse de la lecture de
ces textes et évaluent, à partir d’un questionnaire, leur compréhension. La corré-
lation entre les scores de vitesse à chacun des textes est nettement plus élevée que
la corrélation entre les scores de compréhension (.79 et .30). La corrélation entre
vitesse et compréhension est .14 pour un texte et –.20 pour l’autre.
portant pas sur la langue parlée. Ces épreuves sont des prédicteurs nettement moins
bons de l’efficience de lecture (corrélations de l’ordre de .20 –.30).
Tableau 2.10
Corrélations entre l’efficience dans les facteurs raisonnement et vitesse de perception
et la rapidité d’exécution des opérations élémentaires dans les analogies
verbales (d’après Mann, 1989)
Automne Printemps
Conscience phonologique : .50 55
dénombrement de syllabes
Réussite .47 .59
6
Score moyen par tâche (max = 6)
5
A
4 B
C
3 D
E
2 has
0
c
ca
R
R
T7
R
T1
T2
T3
T4
T5
T6
Figure 2.40
Profils d’habiletés phonologiques en grande section de maternelle
(d’après Ecalle et Magnan, 2010)
Ces cinq profils ne se distinguent pas seulement par leur forme mais par leur
altitude moyenne. Le classement des groupes selon leur score global d’habileté
phonologiques en grande section correspond à leur classement à un test de lecture
en cours préparatoire (taux de réussite au test : 85 % pour le groupe A, 77 %,
71 %, 54 % et 49 % pour les groupes suivants). Certaines trajectoires sont
chaotiques : quelques enfants atteignent un bon niveau de lecture avec un score
médiocre en habiletés phonologiques.
167
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
➤➤ 11.1.1. Vitesse du développement
L’observation courante révèle de grosses différences entre les individus pour
l’apparition du langage. Des observations systématiques permettent de préciser
la nature de ces différences et leur ampleur. Certaines portent sur des groupes
d’enfants de même âge (observations transversales), d’autres sur des enfants que
l’on observe à plusieurs moments au cours de leur développement (observations
longitudinales).
Les études longitudinales permettent d’établir des courbes de développement
et de montrer qu’il existe une stabilité relative des différences entre les indivi-
dus. Brown (1973) observe trois enfants, Ève, Adam et Sarah entre 18 et 44
mois. Plusieurs fois par mois il enregistre à domicile les conversations des enfants
avec leur mère et il mesure la longueur moyenne des énoncés linguistiques émis
(nombre de mots). Les résultats sont présentés figure 2.41. Tous les enfants passent
par les mêmes stades définis à partir de la longueur des énoncés. Mais on note une
plus grande précocité pour Ève. (Brown explique ce résultat en évoquant à la fois
un milieu familial stimulant et une compétence particulière d’Ève à abstraire des
formes linguistiques du langage entendu.)
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Des résultats de ce type ont fréquemment été rapportés pour divers aspects
du langage : nombre de mots appartenant à une même catégorie conceptuelle
(Rescola, 1980), usage du complément d’objet ou mention d’une circonstance
(Malrieu, 1973).
5.20
5.10
5.00
4.90
4.80
4.70
4.60
4.50
4.40
4.30
4.20
4.10
4.00
Longueur moyenne des énoncés en morphèmes
3.90
3.80
3.70
3.60
3.50
3.40
3.30
3.20
3.10
3.00
2.90
2.80
2.70
2.60
2.50
2.40
2.30
2.20
2.10
2.00
1.90
1.80
1.70
1.60
1.50
16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50
Âge en mois
Figure 2.41
Évolution de la longueur moyenne des énoncés chez trois enfants (d’après Brown, 1973)
K. Nelson (1973) analyse les cinquante premiers mots acquis par les enfants et
classe ces mots en plusieurs catégories. Il apparaît que certains enfants apprennent
principalement des mots se rapportant à des choses (noms d’objets, adjectifs)
tandis que d’autres apprennent principalement des mots se rapportant à des
personnes, eux-mêmes ou d’autres personnes (pronoms, formules fonctionnelles
169
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
Tableau 2.11
Niveau de développement opératoire en fonction de l’âge (N = 30 par groupe d’âge)
(d’après Longeot, 1967)
Stade atteint
9 ans 26 4 0
10 ans 17 12 1
11 ans 13 11 6
12 ans 11 15 4
13 ans 8 14 8
14 ans 8 10 12
15-16 ans 4 15 11
qu’il a atteint tel ou tel stade. Si l’on se propose par exemple de déterminer si
un sujet a atteint le stade des opérations concrètes, on pourra appliquer une ou
plusieurs épreuves de sériation afin de contrôler sa maîtrise de la transitivité, une
ou plusieurs épreuves de classification afin de vérifier s’il met en œuvre des rela-
tions d’inclusion, une ou plusieurs épreuves de conservation. Si dans toutes ces
situations, le sujet manifeste les conduites qui définissent le stade des opérations
concrètes (acquisition de la transitivité des relations, de l’inclusion des classes, des
conservations), on peut dire sans ambiguïté qu’il a atteint le stade des opérations
concrètes. En d’autres termes, on pourra dire qu’il se développe à la même vitesse
dans les secteurs de la conduite considérés, ou encore que la variabilité intra-indi-
viduelle de son développement est nulle.
Mais on se trouve rarement dans une telle situation. Le plus souvent le sujet
ne se situe pas exactement au même stade dans les divers secteurs de la conduite
considérée (il y a hétérochronie du développement, ou variabilité intra-indivi-
duelle non nulle). Observons par exemple les résultats de Longeot (1967) pour
les enfants de 10 ans et pour deux épreuves, une épreuve dite « quantification
de probabilités » où le sujet doit comparer des rapports et une épreuve dite
« courbes mécaniques » où il doit coordonner mentalement plusieurs mouve-
ments (des translations et des rotations). Seuls quatorze élèves sur les trente
examinés se situent au même stade dans les deux épreuves (onze sont au stade
concret, un au stade intermédiaire et deux au stade formel). Treize élèves se
situent à un stade dans une épreuve et au stade supérieur dans l’autre ; trois
élèves se situent au stade formel dans une épreuve et au stade concret dans
l’autre. En considérant plus de deux épreuves, ces cas de désaccord deviennent
bien sûr plus nombreux. Lorsque la variabilité intra-individuelle est faible, on
peut considérer que le niveau du sujet est le niveau le plus fréquemment observé.
Lorsqu’elle est forte on peut toujours, certes, calculer une moyenne, et attribuer
au sujet un stade de développement général. Mais il paraît alors plus opportun
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80
Transformation
Longueur
a) 40
20
0
Pré 1 2 3 4
Séances
Adam (38, 50, 92, 83, 92) Liza (42, 50, 67, 75, 75)
100 100
Pourcentage d’emploi
Pourcentage d’emploi
75 75
b) 50 c) 50
25 25
0 0
Prétest 1 2 3 4 Prétest 1 2 3 4
Séances Séances
Eric (46, 50, 42, 42, 25 ) David (75, 92, 92, 100, 75 )
100 100
Pourcentage d’emploi
Pourcentage d’emploi
75 75
d) 50 e) 50
25 25
0 0
Prétest 1 2 3 4 Prétest 1 2 3 4
Séances Séances
Figure 2.42
Modifications au cours des séances des explications données pour justifier les réponses dans les
problèmes de conservation du nombre (en pourcentages). a) résultats moyens pour le groupe ;
b, c, d, e) résultats individuels (à côté du nom de l’enfant on a indiqué entre parenthèses le
pourcentage de bonnes réponses au prétest et à chacune des séances) (d’après Siegler, 2000)
175
Les différences individuelles dans le domaine de l’intelligence
☞
Il fut découpé et observé à plusieurs reprises. Dans la dernière observation,
la plus complète, due à une équipe canadienne dirigée par Sandra Witelson
(1999), le cerveau d’Einstein fut systématiquement comparé à un groupe de
cerveaux d’individus normaux sur le plan intellectuel et de l’âge d’Einstein au
moment de leur mort.
Sur la plupart des paramètres retenus le cerveau d’Einstein, qui a vraiment été
examiné sous toutes les coutures, ne se distingue pas des cerveaux témoins. Son
volume n’a rien d’exceptionnel, il est même inférieur à la moyenne.
Il présente cependant deux particularités. Une anomalie anatomique dans la
région temporale : la forme de la scissure de Sylvius ne se retrouve chez aucun
des cerveaux-témoins (la scissure de Sylvius ou sillon latéral délimite dans sa
partie antérieure le lobe frontal et le lobe temporal). On ne sait pas à quoi
correspond cette anomalie. Cette région jouant un rôle dans le langage, il y
aurait peut-être là la cause des sévères difficultés langagières d’Einstein dans
son enfance.
La seconde anomalie est ainsi décrite par Sandra Witelson : « Le lobule pariétal
inférieur est bien développé dans le cerveau humain ; c’est son aire associative
secondaire qui assure les intégrations inter-modales entre stimuli visuels, somes-
thésiques et auditifs. Les processus cognitifs visuo-spatiaux, la pensée mathé-
matique et les représentations motrices font beaucoup appel à cette région.
L’intelligence exceptionnelle d’Einstein dans ces domaines cognitifs et son mode
de pensée scientifique, tel qu’il l’a lui-même décrit, pourrait être liés à l’anatomie
atypique de ses lobules pariétaux inférieurs (d’un volume de 15 % supérieur aux
témoins). Une région pariétale inférieure plus étendue que la normale a déjà été
observée chez d’autres physiciens et mathématiciens… »
« Il est probable que des différences microscopiques sous-tendent les diffé-
rences anatomiques macroscopiques. Les données limitées dont on dispose sur
le cerveau d’Einstein ne révèlent pas de différences portant sur le nombre des
neurones dans toute l’épaisseur du cortex des lobes frontaux et temporaux mais
il en existe peut-être une portant sur le rapport entre effectifs des neurones et des
cellules gliales dans le cortex pariétal gauche… » (Les cellules gliales protègent
les neurones et régulent la composition du milieu extracellulaire.)
« À l’évidence, notre étude n’apporte aucune réponse à la vielle question du
substrat neuro-anatomique de l’intelligence. Néanmoins, les résultats donnent
à penser que des différences dans certaines fonctions cognitives bien précises
pourraient être associées à la structure des régions cérébrales impliquées dans
ces fonctions. »
Le cortex des sujets les plus intelligents est plus mince à 8-9 ans et il devient plus
épais à 14-15 ans. Ceci est surtout vrai dans les régions frontales.
Certains travaux de neuropsychologie conduisent à des interrogations sur les
tests. Bien que l’on trouve dans le cortex préfrontal les centres qui dirigent les
mémoires de travail visuelle et verbale, certaines lésions des lobes frontaux n’ont
pas de conséquences sur la performance aux tests de QI. Par contre, ils handi-
capent gravement le sujet qui éprouve alors de grandes difficultés à se fixer des
objectifs et à planifier son activité. Ces fonctions, qui manifestement relèvent de
l’intelligence, ne sont pas prises en compte, ou seulement prises en compte indi-
rectement, par les tests habituels.
généralement auditif. L’onde peut être caractérisée par son amplitude et sa latence.
On peut aussi isoler ses composantes et s’attacher à la stabilité des réactions du
sujet. Le potentiel évoqué est un indice de la réactivité du cerveau. Il semble que
les sujets les plus intelligents réagissent plus rapidement, ont une onde électrique
de forme particulière et ont des réponses moins variables.
Au cours de la passation des tests d’intelligence on a relevé les indicateurs
physiologiques de l’activité du système nerveux autonome des sujets. Les sujets
ayant des scores élevés aux tests ont un système sympathique (avec l’adrénaline
comme neurotransmetteur) qui réagit plus fortement, avec notamment une accé-
lération des rythmes cardiaque et respiratoire. On a considéré que ces réactions
facilitaient l’activité intellectuelle.
180
Psychologie différentielle
Lectures conseillées
Huteau M., (éd.),
2001, Les figures de l’ intelligence, Paris, EAP.
Huteau M., Lautrey J.,
2003, Évaluer l’ intelligence. Psychométrie cognitive, Paris, PUF.
Huteau M., Lautrey J.,
2006, Les tests d’ intelligence, Paris, La Découverte.
Lautrey J. (éd.),
1995, Universel et différentiel en psychologie, Paris, PUF.
Lautrey J., Richard J.-F., (éds.),
2005, Intelligence, Paris, Lavoisier.
Mackintosh N. J.,
2004, QI et intelligence humaine, Bruxelles, De Boeck.
Reuchlin M., Bacher F.,
1989, Les différences individuelles dans le développement cognitif de l’enfant, Paris,
PUF.
Reuchlin M.,
1991, Les différences individuelles à l’école, Paris, PUF.
Reuchlin M., Lautrey J., Marandaz C., Ohlmann T., (éds.),
1990, Cognition, l’individuel et l’universel, Paris, PUF.
Chapitre
3
Les différences
individuelles
dans le domaine
de la personnalité
Sommaire
9. Le soi................................................
VV page 268
10. Personnalité et intelligence.......
VV page 272
sont plus efficaces lorsqu’ils travaillent en groupe. Dans une situation, par exemple,
ils distribuent des crayons de couleur à quelques élèves seulement et distinguent
ceux qui partagent ces crayons avec leurs camarades et ceux qui les gardent pour
eux. De telles situations ressemblent beaucoup à des tests et on les désigne parfois
comme tels bien qu’il soit préférable de réserver le terme test pour des situations
plus faciles à mettre en œuvre.
Deux types de tests sont utilisés dans l’étude de la personnalité : les tests
objectifs et les tests projectifs. Si l’on convient de définir l’objectivité par l’ac-
cord entre les observateurs, tous les tests sont objectifs par construction ! En
parlant de test « objectif » de personnalité, on désigne en fait des épreuves dont
la finalité n’est pas évidente pour celui qui les passe. Le plus souvent il s’agit
d’épreuves d’efficience, motrice ou cognitive, dont on tire des indications quant
à la manière de se comporter. Citons, par exemple, des tests permettant d’évaluer
le contrôle de l’impulsivité (à partir de la réussite ou de l’échec dans des laby-
rinthes), ou encore certains tests dits de rigidité mentale (rapidité d’énonciation
de la couleur de l’encre avec laquelle on a écrit certains noms de couleurs…,
degré de déformation nécessaire pour que l’on s’aperçoive qu’un objet est devenu
un autre objet).
Dans les tests projectifs, le sujet est mis en présence d’une situation ambiguë
qu’il doit interpréter (donner une signification à des taches d’encre dans le test
de Rorschach, interpréter des scènes ambiguës dans le Thematic Apperception Test
de Murray). La théorie postule que les interprétations proposées témoignent de la
personnalité du sujet : en interprétant il projetterait les tendances profondes de sa
personnalité. L’exploitation d’un test projectif se fait généralement en deux temps.
On procède d’abord à une cotation objective des réponses (dans le Rorschach on
comptera par exemple le nombre de fois où le sujet a fondé son interprétation
sur la couleur, ou sur un détail de la tache d’encre). Les indices objectifs ainsi
élaborés peuvent recevoir une signification psychologique. Si l’on en restait là, le
test projectif serait un test objectif. Mais on procède ensuite à des interprétations
plus globales de l’ensemble des réponses, généralement à partir d’une symbolique
inspirée de la psychanalyse. C’est à ce second niveau d’analyse que le test est véri-
tablement projectif.
On peut rapprocher de l’observation du comportement les méthodes où l’on
demande à des personnes connaissant bien les sujets de les décrire. Cette descrip-
tion est faite le plus souvent au moyen d’échelles d’estimation. On demandera par
exemple à des enseignants de situer chacun de leurs élèves sur des échelles en cinq
points selon qu’ils sont plus ou moins timides, plus ou moins polis, plus ou moins
anxieux… Ces méthodes ne sont pas à proprement parler des méthodes d’obser-
vation. L’« observateur » ne rend pas compte d’un comportement qui viendrait
de se dérouler sous ses yeux. On lui demande en fait d’intégrer, sans lui indiquer
comment, de très nombreuses observations qu’il a pu réaliser sur le sujet, et, sur
187
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
cette base, d’énoncer un jugement. Les jugements ainsi recueillis sont fréquem-
ment biaisés par l’antipathie ou la sympathie que peut éprouver à l’égard du sujet
celui qui les énonce (effet de halo).
1.3. Les questionnaires
➤➤ 1.3.1. Généralités
140
120
100
80
Fréquence
60
40
20
Figure 3.1
Distribution des estimations de la désirabilité sociale de 2 824 descripteurs
de la personnalité (Edwards, 1957)
les sujets jugeant qu’ils sont bien décrits par cet item (axe des ordonnées). Le
diagramme de la figure 3.2 correspond à une corrélation de .87. On observe aussi
que des corrélations entre ensembles d’items peuvent s’expliquer uniquement
par la désirabilité sociale sans que le contenu des items y soit nécessairement
pour quelque chose. Prenons l’exemple de l’anxiété qui, dans notre culture, est
peu valorisée. On peut se demander dans quelle mesure le sujet qui témoigne
d’une faible anxiété n’est pas un sujet qui cherche à donner de lui-même une
image positive. Si l’on étudie la corrélation entre les réponses à un question-
naire d’anxiété et les réponses à un questionnaire constitué d’items hétéroclites,
n’ayant rien à voir avec l’anxiété, mais ayant la même désirabilité sociale que les
items du questionnaire d’anxiété, on observe entre les deux questionnaires une
corrélation substantielle.
190
Psychologie différentielle
1.00
comme descripteur de sa personnalité
Fréquence d’acceptation de l’item
.80
.60
.40
.20
Figure 3.2
Corrélation entre la fréquence de choix d’un item comme descripteur de la personnalité
et sa désirabilité sociale (Edwards, 1953)
➤➤ 1.3.3. Le Q-sort
Nous présenterons dans les prochains paragraphes plusieurs questionnaires couram-
ment utilisés dans la pratique psychologique. D’autres questionnaires sont plutôt, à
l’heure actuelle, des outils de recherche. C’est le cas des Q-sorts, du différenciateur
sémantique et du REP-test.
Un Q-sort est constitué d’une série de descripteurs de la personnalité (souvent
une centaine) dont le contenu est fonction des objectifs de la recherche. Le sujet
doit indiquer si ces descripteurs le décrivent plus ou moins bien. On impose un
nombre d’échelons. Le nombre de descripteurs devant être présents à chaque
échelon est également imposé. Prenons par exemple un Q-sort de cent items
avec neuf échelons (1. cette proposition ne me décrit absolument pas… 9. cette
proposition me décrit très exactement) où l’on impose une forme gaussienne à
la description, le sujet devra choisir quatre descripteurs pour l’échelon 1, sept
descripteurs pour l’échelon 2, etc. (tableau 3.1). Ces contraintes ont pour fonc-
tion essentielle l’élimination des tendances de réponses. Elles permettent aussi
de formaliser la comparaison de descriptions de la personnalité. La ressemblance
entre deux descriptions ainsi recueillies peut être mesurée par un coefficient de
corrélation. Reprenons notre exemple. Chaque descripteur se voit attribuer un
score de 1 à 9 dans la première description et un score de 1 à 9 dans la seconde.
Nous sommes donc en présence de cent couples de mesures. Dans le cas d’une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
ressemblance parfaite, chaque descripteur aura le même score dans les deux
descriptions et la corrélation entre les deux descriptions sera 1.00. Plus on s’éloi-
gnera de cette situation idéale, plus la corrélation s’atténuera. À titre d’exemple
d’utilisation des Q-sorts, on peut citer certains travaux portant sur l’efficacité des
psychothérapies. Afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle la psychothérapie
réduit l’écart entre le moi perçu et le moi idéal, Rogers (1972) applique à un
patient, avant la thérapie, le même Q-sort avec deux consignes différentes : se
décrire tel qu’on se perçoit, se décrire tel que l’on voudrait être. La corrélation
entre les deux Q-sorts est .21. Rogers réitère cette procédure à l’issue de la théra-
pie et sept mois après, il observe des corrélations de .69 et .71. Chez le patient
examiné, la thérapie a donc effectivement réduit l’écart entre le moi perçu et le
moi idéal et cet effet est stable.
192
Psychologie différentielle
Tableau 3.1
Exemple de répartition des descripteurs dans un Q-sort
Échelon 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Nombre
4 7 12 17 20 17 12 7 4
de descripteurs
Amour
Père
Travail
Mère
Paix Paix
Médecin Moi
Haine
Enfant
Fraude
Sexe Médecin
Contrôle
Père
Moi Contrôle
Épouse Épouse
Maladie
Confusion Mère Travail
Confusion
Maladie Amour
Haine Fraude
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
Personnalité 1 Personnalité 2
Figure 3.3
Résultats de l’application du différenciateur sémantique à un patient ayant des personnalités multiples (d’après Osgood et Luria, 1954)
193
194
Psychologie différentielle
➤➤ 1.3.5. Le REP-test
Georges Kelly est le premier à avoir proposé, en 1955, une théorie cognitive de
la personnalité, c’est-à-dire une théorie qui explique la cohérence de la conduite
à partir des représentations des sujets et des processus cognitifs qu’ils mettent
en œuvre. Pour Kelly, la conduite d’un individu est déterminée par la manière
dont il prévoit les événements. Le sujet se comporte comme un scientifique : il
dégage des similarités et des différences dans les phénomènes qu’il appréhende,
il élabore des concepts pour ordonner ces phénomènes, il les utilise pour prédire
et les modifie afin d’améliorer ses prédictions. La conduite, et plus généralement
les pensées et les sentiments visant à une bonne adaptation, sont orientés par
ces prédictions qui sont progressivement stabilisées. Kelly était un clinicien
soucieux de rénover les psychothérapies, les événements qui l’intéressent sont
ceux qui sont générés par l’environnement social immédiat. Le sujet catégorise
l’information en provenance de cet environnement sous forme de constructs
(ou de construits). Un construct est une dimension bipolaire qui permet d’abs-
traire et de discriminer : les personnes peuvent être plus ou moins sympathiques,
plus ou moins agressives… Trois éléments sont nécessaires à la mise en place
d’un construct : deux doivent être jugés similaires, et le troisième différent. Le
construct peut être défini comme une dimension de la représentation. Chaque
construct peut s’appliquer à un nombre plus ou moins grand d’objets et chaque
objet peut être décrit à l’aide d’un nombre plus ou moins grand de constructs. Les
constructs sont hiérarchisés et organisés selon leur degré de généralité : certains
constructs en incluent d’autres, certains n’ont de signification que relativement à
un pôle d’un autre construct. Chaque individu peut donc être caractérisé par un
système d’attentes : le système hiérarchisé des constructs qu’il met en œuvre dans
les interactions sociales. Ce système est sa personnalité.
À partir de cette conception générale de la personnalité, Kelly a proposé un
mode d’évaluation des constructs : le Role Construct Repertory Test, ou REP-test,
dont il existe plusieurs versions. Dans la version la plus répandue, on propose au
sujet une liste de rôles (de 15 à 30), par exemple : vous-même, votre mère, votre
père, votre époux, votre meilleur ami, un voisin que vous aimez, un professeur
que vous n’aimez pas… Le sujet est invité à personnaliser ces rôles en nommant
des personnes ; on s’assure ainsi que la représentation étudiée est bien celle de
son environnement social réel. Les rôles sont ensuite présentés en triades et le
sujet doit indiquer les deux rôles qui, selon lui, se ressemblent le plus et justifier
sa réponse, tant pour la ressemblance que pour la dissemblance. On présente une
vingtaine de triades. On obtient ainsi un échantillon des constructs utilisés par le
sujet. Prenons un exemple. Face à la triade « moi-mon père-mon frère », le sujet
peut répondre qu’il ressemble à son père et que son frère est différent et justifier
sa réponse en déclarant que lui et son père sont travailleurs tandis que son frère
est paresseux. On a alors un construct défini par les deux pôles « travailleur » et
195
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
dégage les grands axes autour desquels se structurent les observations recueillies. Si
certains chercheurs ont bien procédé ainsi, d’autres ont préféré l’«approche lexi-
cale ». Celle-ci consiste à considérer que le meilleur échantillon des descriptions
de la conduite est contenu dans la langue et que c’est donc de la langue qu’il faut
extraire les traits de base dont on va étudier l’organisation. Un tel point de vue est
certes discutable car on pourrait sans doute imaginer ou découvrir des conduites
qui ne seraient pas codées par des termes du langage. Il s’est cependant révélé
heuristique.
En 1936, Allport et Odbert relèvent dans la langue anglaise 18 000 termes
décrivant la conduite. Parmi ceux-ci 4 500 environ concernent des traits relati-
vement stables. En 1943, R.B. Cattell, qui est le pionnier de l’approche lexicale,
reprend cette liste de traits et après condensations successives fondées sur des
estimations de synonymie la réduit à 171 items. Des sujets sont ensuite estimés
196
Psychologie différentielle
sur ces 171 traits par des personnes les connaissant. L’analyse des corrélations
permet de dégager 12 traits non indépendants, traits que Cattell retrouvera, avec
quelques autres, en utilisant des questionnaires (cf. ci-dessous paragraphe 2.2.1.).
Ces travaux furent repris et poursuivis par divers auteurs. Aujourd’hui il existe un
large consensus pour considérer qu’il est pertinent de décrire la personnalité par
cinq grands facteurs bipolaires (John, 1990). Ce modèle d’organisation fut appelé
par Goldberg (1981) « the Big Five ».
Ces dimensions sont habituellement définies par leurs pôles :
–– extraversion ;
–– agréabilité-amabilité (agreeableness) ;
–– conscience (conscientiousness) ;
–– stabilité émotionnelle ;
–– ouverture d’esprit (openness).
Chaque dimension représentant un ensemble de traits, elle est le mieux décrite
par les traits les plus typiques qui la constituent. On trouvera au tableau 3.2 les
descriptions de la personnalité, généralement des adjectifs, qui, d’après les juge-
ments convergents de dix psychologues, caractérisent le plus clairement les pôles
de chaque dimension (le pôle indiqué comme positif est neutre ou socialement
désirable, le pôle indiqué comme négatif est neutre ou socialement indésirable).
Tableau 3.2
Descriptions de la personnalité caractérisant les pôles des traits du modèle d’organisation
en cinq facteurs (d’après John, 1990)
• tranquille • bavard
Extraversion • réservé • assuré
• calme • actif
• suspicieux • sympathique
Agréabilité • froid • gentil
• inamical • apprécié
• insouciant • organisé
Conscience • désordonné • minutieux
• irresponsable • efficace
• tendu • stable
Stabilité émotionnelle • anxieux • calme
• nerveux • contrôlé
• banal • intérêts larges
Ouverture • intérêts étroits • imaginatif
• simple • original
197
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
Ces cinq grands traits sont quasi indépendants. Leurs intercorrélations, esti-
mées sur un grand nombre de sujets sont indiquées au tableau 3.3.
Tableau 3.3
Intercorrélations des traits du modèle d’organisation en cinq facteurs
(d’après Rolland, 1994)
1 2 3 4 5
1. Introversion
2. Agréabilité .17
ciées à la réussite professionnelle. Les troubles mentaux sont moins fréquents chez
les sujets stables émotionnellement, extravertis, agréables et consciencieux.
Pour Costa et McCrae, les cinq dimensions des big five ont une base biologique.
Elles sont des tendances de base qui contribuent à l’orientation de la conduite
en interagissant avec les processus dynamiques qui conduisent à la formation du
concept de soi, des attitudes et de diverses motivations. Directement ou indirec-
tement, des influences extérieures, comme les normes sociales ou les événements
de la vie, contribuent également à la formation du concept de soi, des attitudes et
des motivations.
198
Psychologie différentielle
Tableau 3.4
Facettes des traits du modèle d’organisation en cinq facteurs
(d’après Costa et McCrae, 1992)
• cordialité
• grégarité
• assurance
Extraversion
• activité
• recherche de sensations
• émotions positives
• confiance
• loyauté
• altruisme
Agréabilité
• acquiescement
• modestie
• attention
• compétence
• ordre
• sens du devoir
Conscience
• aspiration à la réussite
• autodiscipline
• réflexion
• anxiété
• agressivité
• dépression
Instabilité émotionnelle
• centration sur soi
• impulsivité
• vulnérabilité
• fantaisie
• ouverture dans le domaine esthétique
• ouverture dans le domaine des sentiments
Ouverture
• ouverture dans le domaine de l’action
• ouverture dans le domaine des idées
• ouverture dans le domaine des valeurs
199
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
➤➤ 2.2.1. Le 16 PF
Le 16 PF (questionnaire de personnalité en seize facteurs) est dû à Cattell. Nous
avons vu que Cattell, à partir d’estimations du comportement, (Cattell et Eber,
1974 ; Cattell et al., 1980) avait mis en évidence douze facteurs. Par la suite
Cattell a cherché à retrouver ces facteurs en demandant aux sujets de se décrire en
répondant à des questions. Il a montré qu’effectivement ces douze facteurs étaient
retrouvés (ce sont les facteurs A à O du tableau 3.5) et que quatre nouveaux
facteurs apparaissaient (facteur Q1 à Q4 du tableau 3.5). La signification de ces
seize facteurs bipolaires est indiquée sur le tableau 3.5 (on a aussi noté, entre
parenthèses, les termes parfois quelque peu ésotériques par lesquels Cattell les
désigne). Chaque facteur est représenté par une douzaine d’items (de dix à treize).
Pour chaque item, le sujet a trois possibilités de réponses, le plus souvent l’une
correspond à l’accord avec une proposition, une autre au désaccord et la troisième
est intermédiaire. Les réponses manifestant l’accord ou le désaccord contribuent
au score du sujet. Examinons par exemple un item de l’échelle A (réservé-ouvert,
ouvert étant le pôle positif) : « Pour certaines fêtes et anniversaires importants :
a) j’aime faire des cadeaux personnels, b) je ne sais pas, c) je trouve un peu ennuyeux
d’acheter des cadeaux. » Ceux qui répondent a) se voient attribuer 2 points sur
l’échelle réservé-ouvert, et ceux qui répondent b) ou c) 0 point. Le facteur B a un
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
statut particulier et il est constitué d’items que l’on rencontre habituellement dans
les tests d’intelligence. (Rien n’interdit de considérer l’intelligence générale ou les
diverses dimensions de l’intelligence comme des traits de personnalité.)
Les seize facteurs sont pour Cattell des « traits de source » de la personna-
lité. Il veut dire par là qu’ils sont des unités de base qui permettent d’expliquer
de nombreux autres traits, dits « traits de surface », qui sont de simples résumés
de caractères qui vont assez souvent ensemble. C’est ainsi que le trait de source
« intelligence » (B) expliquerait le trait de surface constitué des trois variables
associées suivantes : réussite en mathématiques, étendue du vocabulaire et tact
dans les relations sociales. Cattell a proposé pour plusieurs de ses facteurs primaires
des interprétations inspirées de la psychanalyse : c’est ainsi que G est assimilé au
surmoi et C au contrôle des pulsions exercé par le moi.
200
Psychologie différentielle
Tableau 3.5
Les traits du 16 PF (d’après Cattell et Eber, 1974)
Facteurs Notes basses sur l’échelle (–) Notes élevées sur l’échelle (+)
Réservé, détaché, critique, distant, rigide Ouvert, chaleureux, facile à vivre, coopérant
A
(sizothymie) (Affectothymie)
Lenteur d’esprit Esprit brillant
B
Niveau intellectuel bas Niveau intellectuel élevé
Émotif, tourmenté, versatile Stable, émotionnellement
C (Faiblesse du moi) mûr, calme fait face à la réalité
(Force du moi)
Modeste, doux, cède facilement, docile, Autoritaire, agressif, esprit de rivalité, entêté
E accommodant (Domination)
(Soumission)
Posé, silencieux, sérieux Insouciant, enthousiaste.
F
(Désurgence) (Surgence)
Opportuniste, qui esquive les lois Consciencieux, tenace, moraliste, posé
G
(Faiblesse du surmoi) (Force du surmoi)
Timide, méfiant Audacieux, spontané, sociable
H
(Threctia) (Parmia)
Dur, satisfait de soi, réaliste Tendre, sensible, dépendant
I
(Harria) (Premsia)
Confiant, accommodant Soupçonneux, difficilement dupe
L
(Alaxia) (Protension)
Pratique, soumis aux contingences Imaginatif, bohème, distrait
M
(Praxernia) (Autia)
Direct, sans prétention, sincère, Rusé, policé, socialement averti
N mais maladroit en société (Clairvoyance)
(Naïveté)
Confiant, placide, sans anxiété, Anxieux, sentiment de culpabilité,
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Plusieurs facteurs de Cattell sont corrélés. Les sujets ayant des scores élevés
en A (ouvert) ont tendance à avoir également des scores élevés en F (insouciant)
et H (audacieux) et des scores faibles en Q2 (dépendant du groupe). Les analyses
factorielles réalisées sur les facteurs primaires ont mis en évidence quatre princi-
paux facteurs de second ordre : introversion-extraversion (A+, F+, H+, Q2– :
les sujets introvertis sont ceux qui ont des scores élevés en A, F et H et faibles
en Q2), adaptation-anxiété (C–, L+, O+, Q4+), émotivité-dynamisme (A–, I–,
M–), soumission-indépendance (E+, M+, Q1+). On peut noter que ces quatre
facteurs secondaires correspondent à quatre dimensions du modèle d’organisation
de la personnalité en cinq facteurs (extraversion, stabilité émotionnelle, agréabi-
lité, ouverture). Un cinquième facteur secondaire de Cattell, force du surmoi (G+,
Q3+) correspond à conscience.
De nombreux groupes de sujets peuvent être caractérisés par leur profil au 16
PF. On a représenté figure 3.4 les profils moyens d’un groupe de 89 écrivains et
d’un groupe de 360 pilotes de lignes. On peut constater par exemple que les pilotes
apparaissent plus consciencieux (G), moins imaginatifs (M) et moins tendus (Q4).
Pour ce qui est des facteurs de second ordre, les pilotes sont plus extravertis, moins
anxieux et moins indépendants.
➤➤ 2.2.2. Le MMPI
La première version de l’Inventaire multiphasique de personnalité du Minnesota
(Minnesota Multiphasic Personality Inventory ou MMPI) a été élaborée dans
les années 1940 à l’université du Minnesota (Hathaway et McKinlay, 1940 ;
1966). La dernière version américaine (MMPI-2) est de 1989. Elle a été adap-
tée en langue française en 1996. Il existe aussi depuis 1992 une version pour
adolescents (MMPI-A). Le questionnaire vise à situer la personnalité des sujets
par rapport à des personnalités pathologiques. Il est constitué de cinq cent
cinquante items couvrant des domaines très divers (état de santé, habitudes,
vie familiale, affectivité, comportement social, etc.). Les items sont générale-
ment présentés sous une forme individuelle : chaque item est inscrit sur une
carte que le sujet doit classer différemment selon qu’il estime que la proposition
imprimée est vraie, fausse, ou qu’il ne sait pas. Il existe aussi des formes collec-
tives papier-crayon.
Le MMPI permet de situer les sujets sur quatre échelles de validité et sur neuf
échelles cliniques. Les échelles de validité visent à évaluer les tendances de réponses
et à fournir des éléments permettant de juger de la signification des scores obtenus
sur les échelles cliniques. Ces échelles de validité sont particulièrement utiles dans
le cas du MMPI puisque le sujet est caractérisé par sa distance à des syndromes
pathologiques, donc peu désirables. Voici les quatre échelles de validité :
–– échelle « ? » : c’est le nombre d’items placés dans la catégorie « je ne sais pas ».
Si ce nombre est trop élevé, les scores sur les échelles cliniques sont invalides ;
203
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Q1
Q2
Q3
Q4
Extraversion
Anxiété
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Dynamisme
Indépendance
Les moyennes des sujets sont situées sur un étalonnage en dix catégories normalisées (d’après Cattell
et al., 1980).
Figure 3.4
Profils moyens au 16 PF d’écrivains (en pointillés) et de pilotes de ligne (en traits continus)
sur les échelles n’étaient pas d’aussi bons prédicteurs des symptômes psychiatriques
correspondants qu’on aurait pu l’imaginer. Par contre l’examen de la forme du
profil, c’est-à-dire la prise en compte de l’ensemble des échelles, s’est révélé utile
pour le diagnostic psychiatrique.
? L K F Hs D Hy Pd Mf Pa Pt Sc Ma
120
110 Normal
100 Psychotique
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
? L K F 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Figure 3.5
Profils d’un adulte normal et d’un psychotique au MMPI
(d’après Weider, 1953, in Anastasi, 1966)
➤➤ 2.2.3. Le MBTI
Comme le MMPI, l’Inventaire Typologique de Myers-Briggs (Myers-Briggs Type
Indicator ou MBTI) a été élaboré dans les années 1940, mais ce n’est que beaucoup
plus tardivement, dans les années 1970, que son usage s’est répandu (Briggs-Myers
et Mc Caulley, 1987 ; Huteau, 1989). Ce questionnaire est issu de la typologie du
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psychanalyste C.G. Jung (1950). Pour Jung la personnalité est structurée selon
deux grandes attitudes qui caractérisent « la direction de l’intérêt, le mouvement
de la libido », et incitent à agir dans une direction particulière. Avec l’attitude
extravertie (E), l’intérêt va vers le dehors, le monde objectif ; avec l’attitude intro-
vertie (I), il va vers le dedans, le monde subjectif. Ces deux attitudes sont présentes
chez chaque individu, mais l’une est dominante. Ces attitudes se manifestent dans
le mode d’exercice d’une fonction cognitive.
On distingue des fonctions relatives à la perception (activités inconscientes) et
des fonctions relatives au jugement (activités conscientes). Il y a dominance d’un
groupe de fonctions sur l’autre.
La perception (P) peut se manifester sous la forme de sensation (S, sensing) ou
d’intuition (N, intuition). La sensation est un mode de perception élémentaire,
l’intuition un mode d’appréhension subjectif et immédiat de la réalité.
206
Psychologie différentielle
Le jugement (J) peut se manifester par la pensée (T, thinking) ou par le senti-
ment (F, feeling). La pensée désigne des procédures logiques, le sentiment des
procédures d’évaluation.
Il y a également des relations de dominance au sein de chaque groupe de fonc-
tions. Selon Jung (1964), les quatre fonctions correspondent « aux quatre moyens
grâce auxquels notre conscience parvient à s’orienter par rapport à l’expérience.
La sensation (c’est-à-dire la perception sensorielle) vous révèle que quelque chose
existe. La pensée vous révèle ce que c’est. Le sentiment vous dit si elle est agréable
ou non. Et l’intuition vous révèle d’où vient la chose et vers quoi elle tend ».
Le croisement des dichotomies qui viennent d’être présentées conduit à seize
types (tableau 3.6). Le sujet est d’abord caractérisé par son attitude (E ou I), puis
par sa préférence pour le jugement ou la perception (P ou J). Il sera ensuite carac-
térisé par une fonction de perception (S ou N) qui sera la fonction dominante s’il
a préféré la perception ou la fonction auxiliaire s’il a préféré le jugement, puis par
une fonction de jugement (T ou F), qui sera dominante s’il a préféré le jugement à
la perception et auxiliaire dans le cas inverse.
On nomme les types au moyen d’un sigle de quatre lettres qui indiquent, dans
l’ordre, l’attitude (E ou I), la préférence quant à la perception (S ou N), la préfé-
rence quant au jugement (T ou F), la dominance jugement-perception (J ou P).
Les sujets appartenant par exemple au type ESTP sont des sujets extravertis qui
préfèrent la perception au jugement, la fonction dominante est donc S et la fonc-
tion auxiliaire T. On considère également que la fonction dominante se manifeste
dans l’orientation privilégiée par l’attitude et la fonction auxiliaire dans l’autre
orientation. Avec le type ESTP, la fonction dominante S se manifeste dans la
modalité extravertie et la fonction auxiliaire T, dans la modalité introvertie.
Le MBTI opérationnalise ces notions au moyen d’un questionnaire constitué
de quatre échelles qui indiquent la préférence entre extraversion et introversion,
entre jugement ou perception, entre sensation ou intuition et entre pensée ou
sentiment. Chaque échelle est constituée d’une vingtaine d’items. La plupart des
items présentent deux propositions et le sujet doit indiquer celle qui correspond le
mieux à sa manière habituelle de sentir ou d’agir. (Pour certains items on présente
simplement deux mots et le sujet doit indiquer celui qui l’attire le plus – choix
forcé.) Dans l’échelle extraversion-introversion, par exemple, une proposition
correspond à une manifestation d’extraversion et l’autre à une manifestation d’in-
troversion. Les autres échelles sont construites sur le même principe.
Le sujet est classé introverti si son score d’introversion (nombre de réponses
témoignant de l’introversion) est supérieur à son score d’extraversion (nombre
de réponses témoignant de l’extraversion). On procède de la même manière pour
caractériser le sujet sur les autres échelles.
Les quatre échelles ne sont pas totalement indépendantes. On observe générale-
ment une association entre JP et SN : ceux qui préfèrent le jugement à la perception
207
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
préfèrent aussi la sensation à l’intuition, et une association entre JP et TF : ceux qui
préfèrent le jugement à la perception préfèrent aussi la pensée au sentiment.
Le MBTI permet généralement de bien distinguer des groupes de sujets.
À titre d’exemple, on a représenté au tableau 3.6 la distribution des types chez
les étudiants français en psychologie (à l’université) et en gestion (en école de
commerce). On peut constater entre ces distributions des différences sensibles. Les
types INTJ et INTP sont nettement plus fréquents chez les étudiants en psycholo-
gie et les types ESTP, ESTJ et ENTJ nettement plus fréquents chez les étudiants
en gestion. Ces trois derniers types sont présents chez 10,8 % des étudiants en
psychologie et chez 62,7 % des étudiants en gestion. Relativement aux étudiants
en gestion les étudiants en psychologie sont plus fréquemment introvertis (78,6 %
contre 18,7 %), préfèrent la perception au jugement (64,3 % contre 36,3 %) et
l’intuition à la sensation (70,3 % contre 42,6 %).
Tableau 3.6
Distributions des types MBTI dans un groupe d’étudiants en psychologie (N = 84)
et dans un groupe d’étudiants en gestion (N = 204)
Sensation Intuition
Sensation Intuition
Pensée Sentiment Sentiment Pensée
0.70
0.60
0.50
0.40
0 18 36 54 72 90 108 126 144 162 180 198
Intervalles entre le test et le retest (en mois)
Figure 3.6
Stabilité des traits de personnalité évalués par des questionnaires de personnalité
(Shuerger et al., 1989)
Nombre moyen de condamnations
0.8
0.7 Garçons Filles
entre 20 et 30 ans
0.6
0.5
0.4
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0.3
0.2
0.1
Figure 3.7
Moyenne du nombre de condamnations pour actes violents entre 20 et 30 ans pour trois
groupes de sujets définis par leur niveau d’agressivité à 8 ans (garçons et filles)
(d’après Huesman et al., 1984)
210
Psychologie différentielle
a) Extraversion
30-49 50+
60
55
Scores T
50
45
40
35
b) Agréabilité
65
60
55
Scores T
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
50
45
40
35
Allemagne Royame-Uni Espagne République tchèque Turquie
Figures 3.8 a et b
Moyenne des scores (scores T: moyenne = 50 et écart-type = 10) pour le trait extraversion
(a) et agréabilité (b) dans cinq pays et pour cinq groupes d’âge. Pour la Turquie les données pour
le groupe 22-29 ans sont manquantes (McCrae et al., 1999).
212
Psychologie différentielle
➤➤ 3.2.1. L’impulsivité
Pour évaluer le degré d’impulsivité chez les enfants, Walter Mischel et al. (1988)
présentent deux objets inégalement désirables. Les enfants peuvent prendre
quand ils veulent l’objet le moins désirable mais ils doivent attendre pour pouvoir
disposer de l’objet le plus désirable (15 minutes au maximum). La plupart des
enfants « craquent » après un temps plus ou moins long (le délai de gratification)
et prennent l’objet le moins désirable. Dix ans plus tard, les enfants ont alors
14-15 ans, ceux qui manifestaient un délai de gratification long réussissent mieux
en classe, ont de plus grandes capacités de concentration, sont plus à l’aise socia-
lement et plus à même de faire face aux difficultés. Notons encore que le délai de
gratification observé à l’école maternelle est un prédicteur de la réussite à l’entrée
à l’université. Il corrèle à .42 avec la partie verbale du SAT et à .57 avec la partie
mathématique (c’est en grande partie à partir du score au Scholastic Aptitude Test
que les universités américaines recrutent leurs étudiants) (voir exercice 2.3).
diverses études longitudinales réalisées dans divers pays (Tremblay, 2008). Dans
une étude américaine où les enfants sont observés par les mères de 2 à 9 ans, on
a distingué cinq types de trajectoires d’évolution (figure 3.9). Ces trajectoires se
caractérisent par des différences du niveau d’agression de départ et par une décrois-
sance plus ou moins marquée. Le groupe qui est sur une trajectoire d’agression
élevée représente environ 3 % de l’échantillon.
7,0
6,0
Nombre d’agressions
5,0
4,0
3,0
2,0
,0
0,0
2 3 4 5 6 7 8 9
Âge (années)
Figure 3.9
Trajectoires d’agression physique entre 2 et 9 ans (in Tremblay, 2008)
Que deviennent les enfants dont le niveau d’agressivité reste élevé ? Selon
l’étude qui vient d’être citée ils ont plus fréquemment des problèmes d’adaptation
sociale et scolaire à 12 ans. Outre leur niveau d’agression qui se maintient, ils sont
insatisfaits de leurs relations avec les autres, ont des tendances dépressives et sont
décrits par les enseignants comme peu sociables et perturbateurs. (Les pronostics à
partir d’une trajectoire sont réalisés à partir d’une série d’observations échelonnées
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
dans le temps, ils sont donc bien plus fiables que ceux réalisés à partir d’une seule
observation).
Divers travaux ont montré qu’il était possible de prédire les actes de délinquance
à l’âge adulte dès l’école maternelle. Un seul exemple parmi ceux qui sont présen-
tés dans l’ouvrage de Richard Tremblay. Dans une étude réalisée en Nouvelle-
Zélande (Caspi et al., 1996), on évalue (pendant un examen psychologique, en
une seule séance) le niveau de contrôle de soi à 3 ans et on le met en relation avec
les conduites délinquantes avant 21 ans (figure 3.10). Les enfants ayant un faible
contrôle de soi ont 4,5 fois plus de chances d’être condamnés pour un acte violent,
2,2 fois plus de chances de récidiver et 2,9 fois plus de chances de se voir attribuer
le diagnostic « personnalité antisociale ». Pour Richard Tremblay, la liaison entre
la conduite à l’école maternelle et la délinquance juvénile est du même ordre de
grandeur que celle que l’on constate entre le tabagisme et les problèmes de santé.
214
Psychologie différentielle
12 %
10 %
8%
6%
4%
2%
0%
Violence Récidive criminelle Personnalité antisociale
Figure 3.10
Contrôle de soi à 3 ans et actes délinquants avant 21 ans (d’après Caspi et al., 1996)
➤➤ 3.2.4. L’attachement
On a longtemps cru que l’attachement de l’enfant pour sa mère était un besoin
secondaire dérivé du besoin alimentaire qui, dans les conditions de vie habi-
tuelles, est satisfait grâce à la mère. John Bowlby (à partir d’observations d’enfants
placés dans des institutions et d’une réflexion sur les travaux des éthologistes,
sur l’empreinte notamment) a développé à partir des années 1950 la théorie de
l’attachement. Il a montré que le besoin d’attachement à une figure privilégiée,
généralement la mère, est un besoin primaire, tout comme les besoins biologiques.
Sa satisfaction apporte à l’enfant un sentiment de sécurité. Dans sa théorie, l’at-
tachement est lié à des représentations qui jouent un rôle déterminant dans les
comportements sociaux ultérieurs.
215
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
Mais la plupart des changements ne sont pas des bouleversements totaux. Qu’ils
se fassent brutalement ou dans la continuité, ils peuvent ne porter que sur un
secteur de la personnalité. Ils sont souvent plus marqués pour les attitudes face à la
vie et pour la représentation du monde que pour les traits de personnalité. Parfois,
il ne s’agit pas de véritables changements mais plutôt d’une nouvelle manière de
manifester des dispositions qui, elles, ont peu changé. Les mêmes dispositions
personnelles ne se manifestent plus de la même manière lorsque l’individu change
de statut ou adopte de nouveaux rôles.
L’étude de Block citée ci-dessus, où l’on compare les descriptions de la
personnalité au début de l’adolescence et celles obtenues sur les mêmes sujets
lorsqu’ils atteignent la trentaine, montre bien que certains sujets changent
beaucoup. McCrae et al. (1993) ont cherché à savoir si ces sujets avaient un
216
Psychologie différentielle
profil de personnalité particulier. Les sujets les plus susceptibles de changer sont
ceux qui ont des scores élevés sur la dimension « ouverture » du modèle des
Big Five.
Extra-version Extra-version
1 2 3 4 1 2 3 4
situation situation
point de vue point de vue
« personnologiste » « situationniste »
Figure 3.11
Deux points de vue sur le rôle des dispositions et des situations
Les comportements censés relever d’un même trait et se manifestant dans des
situations différentes sont-ils fortement associés ? Si tel n’est pas le cas, la notion
de trait devient équivoque. Si ceux qui sont agressifs sur un terrain de football
n’ont pas également tendance à être agressif dans les relations familiales, peut-on
encore parler du trait «agressivité » ? Si ceux qui sont ponctuels lorsqu’ils vont au
cinéma ne le sont pas nécessairement lorsqu’ils vont assister à des cours de psycho-
logie, peut-on encore parler du trait « ponctualité » ? En fait, on observe bien
une cohérence entre les conduites dans ces situations diverses, mais, généralement
de l’ordre de .30 en termes corrélationnels, elle est plus faible que celle à laquelle
on pouvait s’attendre à partir de l’hypothèse de l’existence de traits généraux.
Cette cohérence relative de la conduite peut aussi être mise en évidence expé-
rimentalement. Magnusson et al. (1968) étudient les traits « capacité à coopé-
rer, confiance en soi et leadership » en observant les sujets au cours d’une série
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
nalité, dans lesquelles on attribue un grand pouvoir explicatif à des traits géné-
raux. Lorsque les conditions de l’observation ne sont pas strictement définies, et
c’est assez souvent le cas avec les échelles d’estimation utilisées pour le recueil des
jugements d’autrui et avec certains questionnaires, les sujets, en toute bonne foi,
privilégient, en les sélectionnant en priorité, les observations qui correspondent
aux théories spontanées et interprètent dans le sens de ces théories spontanées les
observations ambiguës. En d’autres termes, ils n’observent pas, mais interprètent,
ou encore procèdent à des attributions biaisées (cf. dans ce chapitre paragraphe 8).
Ces mécanismes cognitifs de traitement de l’information conduisent à une suresti-
mation de la cohérence de la conduite.
À l’issue de cette controverse qui a duré plus de deux décennies (Mischel,
1990), certains auteurs ont abandonné la notion de trait. Ils pensent (Cantor et
Kihlstrom, 1987, par exemple) qu’il existe bien des différences stables entre les
individus, mais celles-ci étant de leur point de vue étroitement associées à des
situations spécifiques, ils considèrent qu’il n’y a guère de sens à les conceptualiser
sous forme de traits inférés à partir de comportements qui covarient. Dans cette
perspective, l’unité d’analyse de la personnalité n’est plus le trait mais le bloc formé
par les cognitions, affects et activités de la personne qui se manifestent dans une
situation particulière. Cette manière de concevoir la personnalité doit beaucoup
aux théories socio-cognitives de l’ apprentissage (Bandura, 1977).
L’intérêt de dépasser la notion de trait est bien mis en évidence dans une
recherche conduite sous la direction de Mischel qui montre à la fois la spécificité de la
conduite relativement aux situations et sa stabilité. Des observations très nombreuses
(167 heures d’observation par sujet, 77 observateurs adultes) ont été réalisées sur le
comportement social d’enfants de 6 à 13 ans pendant les six semaines de leur séjour
dans une colonie de vacances. Les enfants sont issus d’un milieu socio-économique
défavorisé et ont des problèmes de comportement social. Les observations ont porté
sur l’agression verbale, l’agression physique, les manifestations de confiance (acquies-
cement), les plaintes, les réactions verbales prosociales. Après discussion avec les
enfants cinq situations ont été retenues pour l’agression verbale :
–– un pair entre en contact avec l’enfant sans manifester d’agressivité ;
–– un pair entre en contact avec l’enfant pour le taquiner, le provoquer ou le
menacer ;
–– un adulte félicite l’enfant ;
–– un adulte rappelle l’enfant à l’ordre ;
–– un adulte punit l’enfant.
Deux situations sont positives (1 et 3) et trois sont négatives. Examinons
les résultats de quatre enfants (figure 3.12) pour l’agressivité verbale. (Le degré
d’agressivité verbale est évalué sur une échelle.)
On peut constater qu’il y a une variabilité interindividuelle pour chaque situa-
tion et que les sujets ne se comportent pas de la même manière d’une situation à
219
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
l’autre (les profils individuels ne sont pas plats). Le patron de variabilité intra-indivi-
duelle est très stable pour les sujets A et B (r = .90 entre les scores à chaque moment
pour A et .89 pour B), modérément stable pour C (.49) et peu stable pour D (.11).
Si l’on considère l’ensemble des situations et l’ensemble des sujets on observe une
stabilité moyenne de .47 pour l’agression verbale, .41 pour la confiance, .28 pour les
plaintes et .19 pour les réactions verbales prosociales. Les profils individuels obtenus
sont des manifestations de la personnalité, ils en sont « la signature comportemen-
tale » (Shoda et al., 1994). Cette approche est très différente de celle des traits et
elle conduit à caractériser les individus non plus par un score unique (celui que l’on
obtiendrait par exemple en faisant la moyenne des scores dans les cinq situations)
sur une dimension hypothétique mais par un profil.
Cependant la grande majorité des psychologues travaillant dans le champ de
la personnalité n’ont pas abandonné les traits. Considérant que la cohérence de
la conduite, bien que faible, était une réalité, réalité dont témoignent des travaux
comme ceux de Mischel lui-même (1988), cités dans le précédent paragraphe, ils
ont conservé cette notion mais en la relativisant et en insistant fortement sur les
interactions entre dispositions internes et facteurs situationnels.
enfant A enfant B
3
3
agression verbale
agression verbale
2
2
1
1
–3 –2 –1 0
–3 –2 –1 0
1 2 3 4 5 1 2 3 4 5
enfant C enfant D
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
3
agression verbale
agression verbale
2
2
1
1
–3 –2 –1 0
–3 –2 –1 0
1 2 3 4 5 1 2 3 4 5
Les situations sont indiquées en abscisse (voir le texte pour leur definition). Les scores s’agressivité verbale
sont en ordonnée (les scores d’échelle sont exprimés en fractions d’écart-type au-dessus ou au-dessous de la
moyenne du groupe pour la situation considérée). En ligne continue: observation réalisée à un moment;
en ligne pointillée: observation réalisée à un autre moment.
Figure 3.12
Agressivité verbale de quatre sujets (A, B, C et D) dans cinq situations et à deux reprises
(Shoda et al, 1994).
220
Psychologie différentielle
1 2 3 4
Si les traits sont relatifs à des classes de situations, ils sont aussi relatifs à des
classes de personnes. Constater que certaines personnes sont plus « prévisibles »
que d’autres, c’est relever qu’il y a davantage de cohérence dans leurs conduites. Il
est donc plus pertinent de caractériser au moyen de traits ces personnes prévisibles
que celles que ne le sont pas, ou beaucoup moins. Bem et Allen (1974) étudient
le trait bienveillance-gentillesse chez des étudiants. Ils utilisent six indicateurs :
–– auto-estimation : le sujet remplit un questionnaire où il indique ses réactions
dans vingt-quatre situations ;
221
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
1 2 3 4 5
.61
2
.52
.48 .75
3
.24 .28
Les corrélations de la ligne supérieure de chaque case de la matrice concernent le groupe des sujets qui se
déclarent « stables », celles de la ligne inférieure le groupe des sujets qui se déclarent « variables ».
Critères
Prédicteurs Modérateurs
d'ajustement/
non-ajustement
Déclencheurs
C
Antécédents
O
Caractéristiques – Somatiques
sociales et biologiques P – Comportementaux
– Âge, sexe, ethnie – Émotionnels
– Situation familiale, Soutien social I – Cognitifs
professionnelle
– Constitution N
Caractéristiques
psychologiques
– Style de vie Anxiété-état
(Types A, C, …)
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– Traits pathogènes
(dépression, anxiété-
trait, névrosisme…)
– Traits immunogènes
(optimisme, vitalité,
contrôle interne,…)
Figure 3.13
Un modèle interactionniste en psychologie de la santé (Bruchon-Schweitzer, 1994)
Comportement
e
Figure 3.14
Représentation simplifiée du système cognitif-affectif de la personnalité et de ses relations avec
les situations et avec la conduite.Une unité peut en activer un autre (flèche continue) ou l’inhiber
(flèche en pointillé) (d’après Mischel et Shoda, 1995)
Lorsqu’on dit qu’un trait explique la conduite, il faut se méfier des pseudo-explica-
tions qui consistent à s’imaginer que l’on a expliqué un phénomène lorsqu’on en
parle d’une autre manière. Expliquer les comportements observés par la timidité…
alors que l’on a défini la timidité par les comportements observés, n’explique
évidemment rien. Les théories implicites de la personnalité des non-psycholo-
gues fournissent généralement des pseudo-explications de ce genre. En fait, elles
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
proposent seulement des cadres descriptifs. Pour être vraiment explicatif, le trait
ne doit pas être seulement défini par la covariation des comportements, il doit
l’être aussi par les processus psychologiques qui, précisément, sont responsables
de cette covariation (un autre type d’explication, qui consiste à s’interroger sur
les déterminants, héréditaires ou environnementaux, des traits sera présenté dans
le prochain chapitre). Nous montrerons, à propos de l’anxiété qu’un même trait
peut être analysé en termes de processus motivationnels ou de processus cognitifs.
Nous montrerons aussi, dans le paragraphe suivant, qu’il est possible de proposer
des interprétations physiologiques des traits.
(ils parlent plus fréquemment d’angoisse) résulte d’un conflit inconscient entre les
pulsions sexuelles et agressives (pulsions du ça) d’une part, et les pulsions d’auto-
conservation (pulsions du moi) et les exigences morales (surmoi) d’autre part. Le
conflit risque de conduire à la désorganisation de la personne (le moi) et l’anxiété
qui l’accompagne est le signal d’un danger d’origine interne. L’anxiété sera réduite,
et les effets négatifs du conflit limités, par la mise en œuvre de divers mécanismes
de défense (contre l’anxiété, et plus généralement contre les affects) : intellec-
tualisation (établissement d’une nette séparation entre les idées et les émotions
qui habituellement les accompagnent), rationalisation (production d’explications
plausibles ne faisant pas intervenir les forces pulsionnelles), déni (refus de prendre
en compte ce qui est source d’anxiété), refoulement (rejet dans l’inconscient
des sentiments ou des idées associées aux pulsions, celles-ci ne se manifesteront
qu’indirectement, à l’insu du sujet), projection (attribution à autrui de nos propres
tendances que l’on refuse). Dans les typologies de la personnalité d’inspiration
psychanalytique, qui parfois utilisent tout à fait explicitement la notion de trait,
les sujets sont souvent distingués à partir de la nature de leur anxiété et des méca-
nismes de défense qu’ils privilégient (Blum, 1955).
☞
1) anxiété et soucis excessifs (attente avec appréhension) se manifestant pendant
au moins six mois et concernant un certain nombre d’événements ou d’activités
(tel le travail ou les performances scolaires) ;
2) la personne éprouve de la difficulté à contrôler cette préoccupation ;
3) l’anxiété ou les soucis sont associés à au moins trois des six symptômes
suivants :
– agitation ou sensation d’être survolté ou à bout ;
– fatigabilité ;
– difficultés de concentration ou de mémoire ;
– irritabilité ;
– tension musculaire ;
– perturbations du sommeil.
4) Le manuel précise des distinctions avec les autres troubles mentaux que sont
le trouble panique, la phobie sociale, le trouble obsessionnel compulsif, l’an-
xiété de séparation, l’anorexie, la somatisation et l’hypocondrie.
5) L’anxiété, les soucis ou les symptômes physiques entraînent une souffrance
cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, profes-
sionnel ou d’autres domaines importants.
La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une substance
et ne survient pas exclusivement au cours d’un trouble de l’humeur, d’un trouble
psychotique ou d’un trouble envahissant du développement.
Le DSM est largement utilisé à travers le monde tant dans la recherche que dans
la pratique psychiatrique. Il est cependant l’objet de très vives critiques. On
lui reproche d’être athéorique, d’ignorer l’étiologie des troubles et le rôle des
facteurs sociaux. Pour beaucoup la précision de la classification est illusoire et
ne permet pas des diagnostics fiables. Enfin, le DSM aurait inventé de nouvelles
maladies, pudiquement appelées troubles, au grand bonheur de l’industrie
pharmaceutique.
considère qu’elle doit être un facteur favorable à la performance (en relation multi-
plicative avec le facteur entraînement) lorsque les apprentissages sont simples et
consistent à établir des liaisons entre stimuli et réponses ou entre items d’infor-
mation (apprentissages non compétitifs). Lorsque les apprentissages sont plus
complexes, et notamment lorsqu’ils impliquent l’inhibition de réponses spontanées
(apprentissages compétitifs), on s’attend à un effet moins favorable, plutôt négatif,
de l’anxiété. Dans ce cas l’anxiété contribue à l’activation de mauvaises réponses.
De nombreux résultats expérimentaux sont compatibles avec cette interpréta-
tion de l’anxiété. Spence (1958) a montré que les sujets anxieux acquéraient plus
rapidement que les non-anxieux la réaction conditionnelle palpébrale. Les sujets
sont distingués à partir de leurs réponses à un questionnaire d’anxiété constitué
d’items extraits du MMPI (échelle d’anxiété manifeste de Taylor). La procédure de
228
Psychologie différentielle
A+, SI fort
Pourcentage de réponses conditionnées
70
60
A–, SI fort
50 A+, SI faible
40
30 A–, SI faible
20
10
0
1 2 3 4 5 6 7 8
Bloc de dix essais
Figure 3.15
Conditionnement de la réaction palpébrale chez des sujets anxieux (A+) et non anxieux (A–)
et en fonction de l’intensité du stimulus inconditionnel (SI) (d’après Spence, 1958)
229
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
A+
100
Pourcentage moyen de réponses correctes
90 A–
80
70
60
50
40
2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Essais
Figure 3.16
Apprentissage de couples associés en situation d’apprentissage non compétitif chez des sujets
anxieux (A+) et non anxieux (A–) (d’après Spence et al., 1956)
100 A–
A+
90
80
Pourcentage moyen de réponses correctes
70
60
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50
40
30
20
10
2-3 4-5 6-7 8-9 10-11 12-13 14-15 16-17 18-19 20-21 22-23 24-25
Paires d’essais consécutifs
Figure 3.17
Apprentissage de couples associés en situation d’apprentissage compétitif chez des sujets anxieux
(A+) et non anxieux (A–) (d’après Spence et al., 1956)
230
Psychologie différentielle
séances). Elles ne visent pas à modifier les schémas qui s’avèrent très résistants mais
s’attaquent plutôt à leurs manifestations périphériques, et notamment aux pensées
négatives. Dans un premier temps le thérapeute cherche à identifier ces pensées
négatives. Pour cela il incite le sujet à analyser ses expériences émotionnelles et le
contexte de leur déroulement, à les revivre, à les simuler au cours de jeux de rôles,
voire même à s’engager dans de nouvelles expériences. Dans un second temps le
thérapeute se fixera pour objectif la modification des pensées négatives. À cette
fin il donnera des informations sur les relations entre les pensées et les sentiments,
fournira des techniques permettant d’éviter les stimulations anxiogènes, il appren-
dra au sujet à mieux contrôler sa vie émotionnelle (il lui fera par exemple procéder
à des bilans analytiques quotidiens des émotions éprouvées) et l’invitera à entrer
dans des situations où il pourra prendre conscience du caractère non fondé de ses
croyances négatives.
L’approche de Beck donne une grande place aux représentations et elle
concerne principalement l’anxiété pathologique. D’autres approches théoriques,
plus récentes, mettent davantage l’accent sur l’analyse fine des processus cognitifs,
processus à l’œuvre dans la construction des représentations et plus généralement
processus de traitement de toute information nouvelle, et s’intéressent davantage
aux sujets présumés normaux. Chez ces sujets l’anxiété n’est pas toujours source
de désadaptation, dans la mesure où elle est le signal d’un danger, elle a aussi une
valeur adaptative. Parmi ces nouvelles approches théoriques nous présenterons
celle de Michael W. Eysenck (M.W. Eysenck est le fils du psychologue anglais
Hans J. Eysenck, encadré 3.4).
Pour M.W. Eysenck (1992), sujets anxieux et sujets non anxieux se distinguent
à la fois par le contenu de l’information stockée en mémoire à long terme et par
certaines propriétés de leur fonctionnement cognitif. Pour Beck, nous venons de
le voir, les sujets anxieux se caractérisent notamment par des cognitions néga-
tives. Afin d’expliquer ce fait, M.W. Eysenck fait appel à un phénomène décou-
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vert par Bower (1981) dans l’étude de la mémoire : la relation entre l’efficacité
du rappel et l’humeur au moment de l’apprentissage (mood state dependant retrie-
val). Si, au moment de l’apprentissage on éprouve une émotion congruente avec
certains contenus de l’apprentissage, celui-ci sera plus efficace, très vraisembla-
blement parce que, dans ce cas, l’émotion contribue à l’organisation de l’informa-
tion à mémoriser. En d’autres termes, on mémorise mieux des choses désagréables
lorsqu’on est triste, des choses agréables lorsqu’on est gai. Ce phénomène n’est
observé systématiquement que lorsque le sujet perçoit un rapport de cause à effet
entre le contenu de ce qu’il doit mémoriser et son état affectif. Il en va générale-
ment ainsi dans la vie quotidienne où, plus souvent à tort qu’à raison, les sujets
voient dans le contexte immédiat la cause de leur humeur. Les sujets anxieux
éprouvent souvent des émotions négatives comme la tristesse et cela les conduit à
mémoriser préférentiellement des informations négatives sur eux-mêmes ou sur le
232
Psychologie différentielle
monde. Chez les sujets anxieux, l’information négative sur soi est plus disponible.
Richards et Wittaker (1990) ont demandé à des sujets anxieux et non anxieux,
d’après leurs réponses à un questionnaire, d’évoquer des souvenirs à partir de mots
inducteurs positifs (heureux, joyeux…) ou négatifs (difficile, douloureux…). Les
sujets anxieux répondent beaucoup plus rapidement lorsque les mots inducteurs
sont négatifs. Un tel effet n’est pas observé chez les sujets non anxieux (figure 3.18).
On voit comment l’anxiété s’auto-entretient : la tristesse facilite l’acquisition
d’informations qui vont la justifier
20
Durée nécessaire
A+
à l’évocation
de souvenirs 15
personnels
A–
10
positifs négatifs
Mots inducteurs
Figure 3.18
Rapidité d’évocation de souvenirs personnels chez les sujets anxieux (A+) et non anxieux (A–)
à partir de mots inducteurs positifs et négatifs (d’après Richards et Wittaker, 1990)
figure 3.19 que cet effet de la distraction est plus marqué chez les sujets anxieux.
On observe des résultats allant dans le même sens lorsque l’on compare, dans une
tâche identique, des sujets normaux ayant des scores plus ou moins élevés sur des
échelles d’anxiété (Eysenck, 1992).
200 Anxieux
Différences des latences avec et sans
150
distracteurs (en ms)
Normaux
125
100
75
50
Figure 3.19
Effet de la distraction en fonction de l’anxiété (Mathews et al., 1990)
☞
[…] Quand les informations sensorielles sur un stimulus menaçant sont détec-
tées par l’amygdale, les connexions au système de réponse du tronc cérébral
déclenchent l’expression des réponses de défense (immobilisation) et les chan-
gements physiologiques qui les sous-tendent (augmentation du rythme cardiaque
et de la pression sanguine, libération d’hormones de stress, etc.), dont certaines
émettront des signaux qui rejoindront ensuite le cerveau et influenceront le proces-
sus en cours… L’une de voies essentielles est via des connexions directes reliant
l’amygdale aux neurones à monoamines. Ainsi, lors de menaces, sérotonine et
noradrénaline (et dopamine) sont libérées dans de larges aires du cerveau anté-
rieur (incluant le cortex préfrontal, l’hippocampe et l’amygdale). Des connexions
directes de l’amygdale aux aires préfrontales… permettront la détection de
menaces par l’amygdale qui influenceront directement les opérations en mémoire
de travail. Mais le cortex préfrontal et ses fonctions de mémoire de travail sont
aussi influencés par d’autres voies, incluant la libération de monoamines provo-
quées par l’amygdale et la rétroaction hormonale ou d’autres réponses corpo-
relles. Quand l’amygdale détecte une menace, elle déclenche des événements
qui placent finalement la mémoire de travail dans un état vigilant d’opération, la
poussant à rester attentive à ce qui l’occupe à ce moment-là, biaisant les pensées,
les décisions et les actions.
Pour résumer, l’anxiété, généralisée est un état d’éveil de l’esprit déclenché et
maintenu par des processus émotionnels. Elle exige donc au minimum des
réseaux impliqués dans les fonctions d’éveil (les systèmes à monoamines), de
l’émotion (amygdale, incluant peut-être ses extensions) et de la cognition (cortex
préfrontal, hippocampe). Et si des régions et des réseaux cérébraux individuels
peuvent apporter des contributions distinctes au processus constituant l’anxiété,
il vaut mieux la considérer comme une propriété de l’ensemble des circuits que
de régions spécifiques du cerveau. »
Hans Jürgen Eysenck est né à Berlin en 1916. Ses parents, artistes (sa mère fut
une star du cinéma muet) se séparent lorsqu’il a deux ans et il est élevé par sa
grand-mère. Juif et antinazi, il quitte l’Allemagne pour l’Angleterre à 18 ans. À
Londres, il souhaite entreprendre des études de physique mais ne possédant pas
les prérequis nécessaires son inscription est refusée et c’est un peu par hasard
qu’il devient psychologue. Après son doctorat soutenu en 1940 (et préparé
sous la direction de Cyril Burt) il est recruté comme chercheur en psychologie
dans un hôpital militaire, puis, à la fin de la guerre, à l’Institut psychiatrique du
Maudsley Hospital de Londres. Il fut professeur de psychologie à l’université de
Londres de 1955 à 1983.
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Instabilité émotionnelle
(sec)
mélancolique colérique
Introversion Extraversion
(froid) (chaud)
flegmatique sanguin
Stabilité émotionnelle
(froid)
Figure 3.20
Les tempéraments d’Hippocrate et les dimensions introversion-extraversion
et stabilité-instabilité émotionnelle
Extraversion
❷
❶Niveau des réponses habituelles ; ❷Niveau des réponses spécifiques
Figure 3.21
Organisation hiérarchiquedu trait extraversion (d’après Eysenck, 1970)
Psychologie différentielle
239
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
Tableau 3.10
Organisation hiérarchique des traits névrosisme et psychotisme
(d’après Eysenck, 1970)
Angoissé
Déprimé
Sentiments de culpabilité
Faible estime de soi
Névrosisme Tendu
Irrationnel
Timide
Triste
Émotif
Agressif
Froid
Égocentrique
Impersonnel
Psychotisme Impulsif
Asocial
Incapable d’empathie
Créatif
Dur
5.5
Introvertis
5.0
Scores
Extravertis
4.5
4.0
4 8 12 16 20
Essais
Figure 3.22
Performance à une tâche de vigilance de sujets introvertis et de sujets extravertis
(d’après Hogan, 1966)
12.0 Extravertis
Introvertis
11.0
10.0
Extravertis
9.0
8.0
7.0
0 1 5 30 (24 heures)
Intervalle de rappel (en minutes)
Figure 3.23
Scores de rappel des sujets introvertis et extravertis après des délais variables
(d’après Howarth et Eysenck, 1968)
1.45
Extravertis
1.35
Amplitude de la RED
1.25
Introvertis
1.15
1.05
0.95
0.85
80 100
Intensité (dB)
Figure 3.24
Amplitude de la réaction électrodermale chez les introvertis et les extravertis en fonction
du niveau de stimulation (d’après Wigglesworth et Smith, 1976)
System – BAS) qui sollicite les réponses suite à une récompense, et un système
d’inhibition du comportement (Behavioral Inhibition System – BIS) qui sollicite les
réponses consécutives à une sanction. Gray décrit les structures nerveuses et les
circuits responsables de ces deux systèmes. Chez certains individus, le BAS est plus
sensible, ce sont les extravertis ; chez d’autres c’est le BIS qui est plus sensible, ce
sont les introvertis. Ce schéma est compatible avec de nombreuses données expéri-
mentales (dans le conditionnement, par exemple, les extravertis sont plus sensibles
à la récompense, les introvertis à la punition). Les niveaux élevés d’anxiété ou de
névrosisme correspondent à une forte sensibilité des deux systèmes.
Des travaux plus récents utilisant des méthodes d’imagerie montrent que
certaines zones cérébrales à forte concentration en dopamine – le noyau caudé
et le putamen – sont plus actives chez les sujets introvertis. Ces structures sous-
corticales sont impliquées dans la régulation motrice et dans la vigilance (Fischer
et al., 1997).
Tableau 3.11
Corrélations entre les dimensions du modèle de Cloninger (d’après De Fruyt et al., 2000)
IE E O A C
Recherche de la nouveauté –.01 .43 .27 –.12 –.36
Évitement du danger .54 –.57 –.33 .05 –.24
Dépendance à la récompense .10 .45 .32 .17 .07
Persistance –.03 .08 .03 .04 .46
Autodétermination –.63 . 29 .06 .14 .45
Coopération –.18 .20 .22 .51 .12
Transcendance .06 .25 .41 –.01 .16
IE : instabilité émotionnelle ou anxiété, E : extraversion, 0 : ouverture, A : agréabilité, C : conscience
Les sujets qui recherchent la nouveauté sont plutôt extravertis, ceux qui
évitent le danger sont plutôt anxieux et introvertis, ceux qui dépendent de la
récompense sont plutôt extravertis. Les scores élevés en autodétermination sont
associés à des scores faibles en anxiété et élevés en conscience, les scores élevés
en coopération sont associés à des scores élevés en agréabilité et les scores élevés
en transcendance et en ouverture. Ce pattern de corrélation est cohérent avec la
définition des dimensions.
La théorie de Cloninger a été largement utilisée en psychiatrie pour caractéri-
ser les grandes catégories de troubles mentaux et l’on a cherché par ailleurs à véri-
fier si le rôle des neurotransmetteurs était bien celui que postule la théorie. Voici
quelques résultats des travaux cliniques. Les sujets déprimés ont des scores élevés
sur la dimension « évitement du danger » et d’autant plus élevés que la dépression
est sévère. On retrouve ces scores élevés en évitement du danger dans d’autres
troubles mentaux à forte composante anxieuse (anxiété généralisée, trouble obses-
sionnel compulsif, stress post-traumatique) et dans la schizophrénie. Cloninger a
distingué deux types d’alcooliques. Les alcooliques de type I ont des scores faibles
en recherche de la nouveauté et élevés en évitement du danger et en dépendance
à la récompense. Ce sont souvent des femmes et l’alcoolisme s’installe avec une
pression du milieu. Les alcooliques de type II ont un profil inverse : scores élevés
247
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
tion ou une idée lorsqu’il marque une préférence (est « attiré ») pour cet objet,
cette activité, cette situation ou cette idée. On retrouve dans la notion d’intérêt
les deux aspects de la motivation : l’aspect directionnel (notre activité est orientée
vers certains buts plutôt que vers d’autres) et l’aspect intensif (l’orientation vers
un but est plus ou moins forte). On peut s’intéresser à des choses très diverses : des
sports, des productions culturelles, des activités manuelles, des voyages… Mais,
pour des raisons pratiques, la très grande majorité des recherches sur les intérêts a
porté sur les intérêts pour les professions (Dupont et al., 1979). Il a paru central
d’étudier les intérêts professionnels afin de donner aux jeunes et aux adultes
des conseils d’orientation pertinents et de les aider à choisir un métier ou à se
reconvertir.
Pour caractériser un sujet selon ses intérêts, on peut lui demander de se décrire
ou l’observer. Si on lui demande de se décrire, on peut choisir des procédures
248
Psychologie différentielle
systématiques comme les questionnaires (on dira que les intérêts sont invento-
riés) ou le laisser s’exprimer librement au cours d’entretiens semi-directifs (intérêts
exprimés). Si on observe le sujet, là encore l’observation peut être systématique ou
libre. Dans le premier cas, on inférera les intérêts de l’efficience dans des catégories
de tâches bien définies ou du temps passé sur ces tâches (intérêts testés). Dans le
second cas, on les inférera des activités spontanées du sujet, par exemple au cours
de ses loisirs (intérêts manifestés). L’approche de loin la plus fréquente consiste à
évaluer les intérêts aux moyens de questionnaires. On rencontre deux grands types
de questionnaires : les questionnaires de type Strong et les questionnaires de type
Kuder.
Strong, dès la fin des années 1920, pose environ quatre cents questions
(items) à des adultes exerçant des professions diverses. Les sujets doivent
indiquer leurs préférences pour des activités pouvant être considérées comme
professionnelles, des activités scolaires, des activités de loisirs, des conditions
de travail, des personnalités célèbres. Il considère que les items pour lesquels
les réponses des individus appartenant à un groupe professionnel particulier
diffèrent nettement de celles de l’ensemble de la population sont représentatifs
des intérêts de ce groupe professionnel. Ils deviennent les items de l’échelle d’in-
térêt pour la profession considérée. Si, par exemple, le groupe des comptables
marque une préférence marquée, relativement à l’ensemble de la population,
pour l’activité « tenir le fichier d’une bibliothèque », cet item sera sélectionné
pour l’échelle « intérêt pour le métier de comptable ». Les scores de préférences
pour chaque item sont sommés afin d’obtenir un score d’échelle. Ce mode de
construction des échelles est totalement empirique (a-théorique) et il est iden-
tique à celui qui a été utilisé pour les échelles cliniques du MMPI (cf. dans ce
chapitre paragraphe 2.2.2.). Lorsqu’on applique à des jeunes des questionnaires
ainsi construits, on dira par exemple qu’ils ont des intérêts pour le métier de
comptable si leurs intérêts ressemblent à ceux des comptables. Ceci n’aura un
sens, bien sûr, que si les intérêts des comptables se manifestaient déjà avant leur
entrée dans la comptabilité !
Les questionnaires de type Strong comportent de nombreuses échelles puisque
l’évaluation de l’intérêt pour une profession particulière nécessite une échelle
spécifique. Afin de remédier à cet inconvénient, Kuder, vers la fin des années 1930,
construit des questionnaires d’intérêts selon un tout autre principe. Il considère
qu’il existe des dimensions des intérêts, de la même manière qu’il existe des dimen-
sions de l’intelligence ou de la personnalité, et pour les mettre en évidence, il
utilise les méthodes classiques fondées sur l’analyse des corrélations (cf. chapitre 1
paragraphes 2.3. et 2.4.) : proposition d’items (constitués généralement d’activités
non professionnelles), relevé du degré de préférence pour chaque item, calcul des
corrélations entre items et, à partir de ces corrélations, inférence de dimensions.
Les activités proposées ne sont pas professionnelles, mais elles suggèrent des activi-
249
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
tés professionnelles ou des professions. Aussi, les dimensions des intérêts mises en
évidence correspondent-elles à des grands groupes de professions. Kuder a dégagé
dix dimensions des intérêts (figure 3.25). Par la suite certaines de ces dimensions
ont été regroupées. On a très fréquemment mis en évidence des intérêts plutôt
pratiques et concrets, des intérêts intellectuels généralement scientifiques, des
intérêts littéraires, des intérêts artistiques, des intérêts pour le plein air et les acti-
vités physiques, des intérêts pour les travaux administratifs, des intérêts sociaux-
commerciaux et des intérêts sociaux-altruistes. Le questionnaire d’intérêt le plus
utilisé aujourd’hui à travers le monde, le Strong-Campbell (Loos et Porot, 1989)
combine à la fois l’approche de Strong et celle de Kuder (à l’heure de l’informa-
tique, le nombre important d’échelles qu’implique l’approche de Strong n’est plus
un inconvénient).
Les intérêts ne se stabilisent que vers la fin de l’adolescence. Entre 15-16 ans
et 21-22 ans, on observe, tant pour les échelles de Strong que pour les échelles de
Kuder, des coefficients de stabilité d’environ .50.
Les profils d’intérêts permettent de bien distinguer les groupes professionnels.
À titre d’exemple on a représenté figure 3.25 les profils d’intérêts moyens d’un
groupe de dactylos et d’un groupe de psychologues (sujets masculins) au question-
naire de Kuder.
>75 Dactylos
Scores en percentiles
65-75
35-65
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25-35 Psychologues
<25
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Catégories d’intérêts
Catégories d’intérêt : 0 : plein air ; 1 : mécaniques ; 2 : numériques ; 3 : scientifiques ;
4 : persuasifs (commerciaux) ; 5 : artistiques ; 6 : littéraires ; 7 : musicaux ; 8 : service social ;
9 : travail de bureau.
Figure 3.25
Profils moyens d’un groupe de dactylos-hommes (N = 24) et d’un groupe de psychologues-hommes
(N = 12) (d’après Descombes, 1965)
250
Psychologie différentielle
Les corrélations entre les intérêts et les aptitudes sont faibles (tableau 3.13).
Les corrélations entre les scores d’intérêts et l’efficience scolaire ou professionnelle
sont faibles également. Certes, ceux qui ont des intérêts littéraires réussissent en
moyenne mieux en français, mais peu, beaucoup moins qu’on aurait pu l’imaginer.
Par contre, les intérêts sont d’assez bons prédicteurs des projets professionnels et
de la position des individus dans les filières de formation et les professions (ceci ne
signifie pas nécessairement que les intérêts sont toujours la cause des orientations ;
ils peuvent aussi en être la conséquence). Pour résumer rapidement : les intérêts
déterminent le choix des activités alors que se sont les aptitudes (ou les capacités
ou compétences) qui fixent le niveau de réussite dans les activités.
Tableau 3.13
Corrélations entre les échelles d’intérêts de Kuder et 4 aptitudes chez des filles (1er ligne)
et des garçons (2e ligne) de 17-18 ans (d’après Dupont et al., 1965)
Aptitudes
Verbal Numérique Raisonnement Spatial
Intérêts
Mécaniques .04 .03 .11 .11
.08 .17 .18 .24
Scientifiques .26 .14 .25 . 22
–.01 .11 .00 –.13
Littéraires .24 .12 –.05 –.03
.04 –.08 –.02 –.06
Artistiques –.17 –.27 –.11 .12
.24 .12 .27 .33
Musicaux –.01 .08 . 02 .08
–.11 –.14 –.17 –.09
Sociaux –.15 –.11 –.12 –.06
–.07 –.05 –.08 –.20
Persuasifs –.07 .03 –.05 –.12
–.06 –.14 –.06 –.14
Numériques .19 .34 .30 .21
–.24 –.03 –.14 –.15
De bureau –.05 .14 –.02 –.03
–.38 –.29 –.25 –.21
des intérêts. Enfin, elle considère que les individus recherchent les environne-
ments qui correspondent à leurs intérêts et qu’ils s’y adaptent d’autant mieux que
cette correspondance est forte (Holland, 1985).
Voici une brève description des six orientations d’intérêt (Dupont et al.,
1987) :
–– « l’orientation réaliste (R) est caractérisée par l’attrait des activités physiques,
l’action directe, la vie en plein air, les tâches concrètes, les professions tech-
niques-pratiques ainsi que par le rejet de situations impliquant des relations
interpersonnelles complexes ;
–– l’orientation « investigative » (I) est caractérisée par l’attrait de la pensée, le
besoin de découvrir et de comprendre (plutôt que le besoin de dominer ou de
persuader), la tendance à l’introversion (ou du moins à une certaine réserve
sociale) et l’intérêt pour les professions scientifiques (mathématiques, physique,
chimie, etc.) ;
–– l’orientation artistique (A) vise avant tout à l’expression de soi et aux relations
avec autrui par le truchement de l’expression artistique ; elle correspond aussi au
rejet de l’ordre établi, aux tendances individualistes, à une certaine spontanéité,
etc. ; elle implique un net intérêt pour les professions artistiques et littéraires ;
–– l’orientation sociale (S) correspond aux besoins d’enseigner et de soigner, à la
recherche de situations où les relations interpersonnelles jouent un rôle impor-
tant, à l’évitement de l’approche scientifique et abstraite et, évidemment, à
l’intérêt pour les professions sociales, voire pour l’enseignement ;
–– l’orientation « entrepreneuriale » (E) correspond aux besoins de dominer et de
manipuler ses semblables ; elle implique l’intérêt pour le pouvoir, la politique,
l’aspiration à détenir les leviers de commande – et l’esprit d’entreprise tant dans
le secteur privé que dans le secteur public ;
–– l’orientation « conventionnelle » (C) correspond au goût des règles, de l’ordre,
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corrélations entre les dimensions (calculées sur un groupe de jeunes adultes à partir
des scores à un questionnaire élaboré par Holland) sont indiquées sur les lignes
joignant les pôles de l’hexagone. On peut constater que les corrélations observées
ne correspondent pas exactement aux prédictions du modèle. La corrélation R-S,
par exemple, devrait être plus faible que les corrélations R-E et R-A ; ce n’est pas
le cas sur l’échantillon étudié. D’après l’ensemble des travaux réalisés, la proximité
entre les dimensions Entreprenant et Conventionnel est beaucoup plus grande
que ce que postule le modèle (Vrignaud et Bernaud, 1994). Malgré ces quelques
inadéquations, on considère que le modèle de Holland a une assez bonne validité.
R .46 I
.16
.16
.16
C .11 A
.35
.21
.68 .30
.42
.38
E .54 S
Figure 3.26
Modèle hexagonal définissant les ressemblances entre les dimensions des intérêts
(d’après Holland, 1985)
Les sujets sont généralement caractérisés par leur intérêt dominant. On peut
aussi les caractériser par le patron de leurs deux ou trois intérêts dominants, ou,
plus complètement, par le patron de l’ensemble de leurs intérêts. (La forme hexa-
gonale du modèle permet de construire aisément des profils en étoile : le sujet
ayant un score faible sur une dimension est situé près du centre de l’hexagone sur
le segment joignant ce centre et le sommet correspondant au pôle de la dimension,
celui qui a un score élevé est situé près du sommet.) Deux indices permettent de
caractériser le profil d’intérêts : la cohérence et la différenciation. Les sujets sont
dits être d’autant plus cohérents qu’ils se comportent comme la théorie le prévoit !
Un sujet parfaitement cohérent est, par exemple, celui qui a un score élevé sur la
dimension R, des scores plus faibles sur les dimensions C et I, plus faibles encore sur
les dimensions E et A et un score encore plus faible sur la dimension S. Les sujets
253
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
sont d’autant plus différenciés que leur profil s’éloigne du profil plat qui correspond
à des scores d’intérêts très proches sur les six dimensions.
Si la description des sujets au moyen des six dimensions d’intérêts ne pose pas
trop de problèmes, il n’en va pas de même pour la description des environnements.
Pour Holland, les environnements professionnels ne sont pas seulement définis par
les tâches à accomplir, mais aussi par leur ambiance psychosociale. Les environ-
nements sont largement créés par les individus et leur réalité subjective est plus
importante que leur réalité objective. Réduire la très grande diversité des envi-
ronnements professionnels à six types paraît excessivement réducteur. Cependant,
Holland, et d’autres à sa suite, n’ont pas hésité à classer les métiers en fonction des
six grandes catégories d’intérêts. Bien qu’a priori discutable, cette démarche s’est
révélée heuristique.
D’après Holland, le degré de congruence entre la personnalité de l’individu (ses
intérêts) et son environnement permet de rendre compte d’une série de conduites.
Sa théorie est donc un bon exemple de théorie interactionniste de la personna-
lité. Lorsqu’il y a congruence entre la personnalité individuelle et les caractéris-
tiques de l’environnement (présent ou anticipé), c’est-à-dire lorsque le type de
personnalité correspond au type d’environnement, l’individu doit en principe
rechercher cet environnement, souhaiter y demeurer, y éprouver des satisfactions
et bien y réussir. L’examen des profils d’intérêts en fonction des environnements
fournit des données compatibles avec la théorie : en général les sujets occupant
un certain environnement ont des intérêts en accord avec cet environnement. Sur
la figure 3.27, qui représente les profils d’intérêts de quatre groupes d’étudiants de
l’université de Lausanne, on peut constater que les étudiants en technologie ont
principalement des intérêts réalistes et intellectuels, les étudiants en sciences des
intérêts intellectuels, les étudiants en commerce-gestion des intérêts « entrepre-
neriaux » et conventionnels et les étudiants en théologie des intérêts sociaux. Les
profils des groupes d’étudiantes sont moins typés (Dupont et al., 1987).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
montrent aussi que si la congruence permet d’expliquer assez bien la satisfaction elle
explique plutôt mal la réussite. Là encore les intérêts permettent de comprendre
l’orientation de la conduite bien plus que son efficience (Assouline et Meir, 1987).
62
60
58
56
54
52
50
48
46
44
42
R I A S E C
Technologie
Sciences
Commerce-Gestion
Théologie
En abscisse : les six dimensions d’intérêts de Holland. En ordonnée : les scores T (scores normalisés,
moyenne = 50, écart type = 10) moyens de chaque groupe sur ces dimensions.
Figure 3.27
Profils d’intérêts de quatre groupes d’étudiants (d’après Dupont et al., 1987)
7.3. Les valeurs
Valeurs et intérêts sont des notions proches. Dans le secteur de la psychologie des
professions, on rencontre des auteurs qui n’établissent aucune distinction entre
elles. On considère cependant généralement que les valeurs sont plus abstraites,
plus générales et plus fondamentales que les intérêts. Si l’on admet qu’une valeur
est une croyance stable en la supériorité d’un type de conduite ou d’un style de vie,
c’est-à-dire une finalité de l’existence, les intérêts, préférences pour les objets ou
des activités, sont alors des moyens permettant d’atteindre certaines valeurs. En
d’autres termes, les valeurs se manifestent par des intérêts. Les intérêts sociaux-
altruistes, par exemple, permettent de satisfaire la valeur « égalité » ; l’intérêt
pour des situations de travail peu contraignantes peut éventuellement conduire à
la satisfaction de la valeur « autonomie » dans le travail.
Les valeurs peuvent être définies pour des domaines particuliers comme le
travail ou l’éducation, ou en général. Les valeurs sont le plus souvent évaluées
255
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
Univers
ce
llan
vei
lismea
n
Tradition
Bie
Conservation
Changement
Autonomie Conformité
n Sé
cur
ulatio ité
t
Stim
men
e
m
Pouv
is
lisse
on
éd
oir
omp
H
Acc
Affirmation de soi
Vérité non
rationnelle
Figure 3.28
Structure théorique des valeurs de Schwartz augmentée des valeurs relatives au besoin
de connaissance (Wach et Hammer, 2003)
0.40
0.30
0.20
Score sur les échelles de valeurs
0.10
RI
0.00
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
– 0.10
RE
– 0.20
– 0.30
– 0.40
– 0.50
– 0.60
R I A S E C
Catégorie d’intérêt
Les valeurs sont également associées à des activités de loisirs : aux valeurs
expressives correspondent des préférences plus marquées pour les activités de
plein air et les activités socioculturelles (la pratique des activités sportives, indi-
viduelles ou collectives, n’est pas associée aux valeurs). On observe aussi des
associations entre les valeurs et les choix d’études effectuées : valeurs impressives
plus marquées pour les spécialités sciences et techniques physiques et sciences et
techniques humaines, valeurs expressives plus marquées pour les spécialités arts et
lettres (figure 3.30).
0.40
RE
0.30
Score sur les échelles de valeurs
0.20
0.10
0.00
– 0.10
– 0.20
– 0.30
RI
– 0.40
S P H AD AL
Filière de formation suivie
rés en psychologie politique (celui de H.J. Eysenck au début des années 1950, par
exemple) et dans le champ des sciences politiques. Deux types de recherches ont
été produits pour valider le modèle de Rokeach. Dans les recherches du premier
type, on analyse le contenu de textes exposant les idéologies considérées, et l’on
s’intéresse plus particulièrement à la fréquence des références à la liberté et à l’éga-
lité. Dans les recherches du second type, on applique des questionnaires de valeurs
à des groupes de sujets caractérisés par leur préférence ou leur engagement idéo-
logique et on vérifie s’ils adhèrent aux valeurs liberté et égalité conformément
à la théorie. Ces recherches ont fourni des résultats compatibles avec le modèle
proposé par Rokeach. Ce modèle a été néanmoins critiqué. On lui a reproché
une définition un peu floue des idéologies politiques (pas de distinction entre les
idéologies politiques proprement dites et les systèmes économiques) et un peu trop
générale des valeurs.
Égalité +
Communisme ocialisme
Liberté – Liberté +
Fascisme Ca italisme
Égalité –
+ indique que la valeur est jugée importante, – indique qu’elle est jugée peu importante.
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Figure 3.31
Valeurs et idéologies politiques
Tableau 3.15
Les valeurs professionnelles dans huit pays (Elizur et al., 1991)
Pour chaque pays, les valeurs sont ordonnées de la plus importante (1) à la moins importante (24).
261
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
Tableau 3.16
Écarts d’un pays à l’autre dans l’importance accordée aux valeurs
(d’après Schwartz et Bardi, 2001).
République
France Allemagne Royaume-Uni Espagne Suède
tchèque
Bienveillance + + ––– +++ –
Universalisme +++ –– –
Autonomie ++ + – – + ––
Stimulation
et hédonisme – + +++ ––
Accomplissement
+++ ––– +
social
Pouvoir ––– + – +
Sécurité ++ ––– +
Conformité – +++ –
Tradition – + +++ –––
Un signe « + » signifie que la valeur est jugée plus importante dans ce pays que dans les autres, un signe
« – » qu’elle est jugée moins importante. Le nombre de signes « + » ou « – » indique l’importance de
l’écart entre un pays et les autres.
La plupart des théories psychologiques s’intéressant à des processus généraux ont des
implications pour la psychologie de la personnalité et fournissent un cadre permet-
tant la définition de dimensions des différences individuelles. Il en va ainsi pour les
diverses théories de l’attribution développées dans le champ de la psychologie sociale
à partir des travaux de Fritz Heider dans les années 1940 (Weiner, 1990).
social est stable et organisé. Ils sont doublement motivés pour rechercher la struc-
ture causale de cet environnement. D’une part, cette structure causale conduit à
des représentations cohérentes du monde dans lequel ils vivent, ce qui est source
de confort. D’autre part, la connaissance, réelle ou fictive, des causes des événe-
ments permet des prédictions, et donc l’anticipation qui s’accompagne du senti-
ment que les événements à venir sont contrôlables, sentiment qui est également
source de confort. Le processus d’attribution a été décrit, par Kelley notamment,
dans les années 1960, comme analogue au processus de découverte des causes dans
la recherche scientifique. Le sujet est alors considéré comme un scientifique intui-
tif. Il remonte des effets à leurs causes supposées et retient les causes qui, cova-
riant avec les effets et les précédant, sont censées les produire. Pour reprendre un
exemple de Kelley, je peux m’interroger sur les raisons pour lesquelles j’ai éprouvé
du plaisir en regardant un film. Ce plaisir peut trouver son origine dans le film lui-
même, dans l’état mental où je me trouvais au moment de la projection ou encore
dans le comportement des co-spectateurs.
Les travaux conduits dans le cadre de l’attribution ont mis en évidence deux
phénomènes ayant des implications, de nature différente, pour les théories de la
personnalité. Les attributions sont biaisées et elles ne sont pas de même nature
selon que le sujet est acteur ou observateur. Ces phénomènes montrent également
que le sujet naïf est un pseudo-scientifique qui manque particulièrement d’objecti-
vité… (Beauvois, 1984).
Les attributions produites par les sujets sont biaisées dans la mesure où elles
tendent à souligner ce qui est positif pour soi et à estomper ce qui est négatif (biais
d’égo-centration positive). Nous nous sentons davantage responsables de nos succès
que de nos échecs ! Lorsqu’on invite les sujets à expliquer leurs performances, ce
biais est fréquemment observé, qu’il s’agisse de performances dans des situations assez
artificielles du laboratoire ou de performances scolaires, sportives, politiques. La force
de ce biais d’égo-centration est modulée par divers facteurs dont l’implication du
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La nature des attributions varie selon que le sujet est acteur ou observa-
teur. L’acteur tend à expliquer ses conduites par les exigences de la situation.
L’observateur tend à expliquer les conduites d’autrui en lui attribuant des caracté-
ristiques personnelles stables. Lorsque nous avons un comportement agressif, c’est
que nous sommes provoqués ; si les autres sont agressifs, c’est leur nature ! Ce
phénomène est moins général que celui qui concerne les biais d’auto-centration.
Dans le cas où il se manifeste, on peut en rendre compte à partir de l’informa-
tion dont disposent acteur et observateur. Deux lignes explicatives, non exclu-
sives, suggérées par Heider, peuvent être développées. La première fait appel aux
conséquences des différences de statut (acteur ou observateur) sur la mémoire :
ayant une mémoire de ses actions l’acteur aura appris que ses conduites varient
avec les contextes situationnels, tandis que l’observateur, ne disposant pas de cette
mémoire, tendra à sous-estimer l’effet des contextes situationnels. La seconde
explication fait appel à l’attention : il est clair que l’attention de l’acteur est bien
davantage focalisée sur la situation, en fonction, précisément, des urgences de l’ac-
tion que celle de l’observateur. Il n’est donc pas surprenant que les attributions de
l’acteur donnent une place importante aux caractéristiques des situations. On aura
remarqué que l’acteur et l’observateur adhèrent en fait à des théories implicites de
la personnalité différentes : l’acteur se comporte comme un « situationniste » et
l’observateur comme un « personnologiste » (cf. ci-dessus, paragraphe 4). Si l’on
accepte les points de vue interactionnistes présentés ci-dessus, il est vraisemblable
que les attributions de l’acteur et de l’observateur sont les unes et les autres biaisées
et il n’y a pas de raisons particulières de privilégier systématiquement le point de
vue de l’un ou de l’autre (dans cette perspective, dire, comme cela est fréquent, que
les biais de l’observateur constituent une « erreur fondamentale » est discutable).
On voit que les théories de l’attribution sont associées à la psychologie de la
personnalité : les attributions témoignent de caractéristiques personnelles et elles
permettent d’aborder, au niveau des théories implicites de la personnalité, la ques-
tion de l’interaction entre les dispositions et les situations. Les théories de l’attri-
bution ont également permis de définir plusieurs traits de personnalité. Nous en
présenterons deux : le locus of control, ou contrôle externe-contrôle interne, et les
styles d’attribution défensif et dépressif.
externe. (Ce n’est pas toujours le cas : on peut très bien être persuadé que la
réussite dépend de soi et en même temps se percevoir comme incapable) ;
–– dans un certain nombre de cas, sujets internes et externes n’ont pas les mêmes atti-
tudes vis-à-vis de l’information et semblent ne pas la traiter de la même manière.
Les sujets internes recherchent plus activement l’information, la traitent plus
exhaustivement et en font un usage plus pertinent. Chez les malades, les sujets
internes se renseignent beaucoup plus sur leur maladie et sont plus attentifs à tout
ce qui la concerne, ce qui est un facteur favorable à la guérison ;
–– le niveau d’aspiration des sujets internes est modulé par la réussite et l’échec : il
s’élève en cas de réussite, s’abaisse en cas d’échec. Une telle relation, comme on
pouvait s’y attendre, ne s’observe pas chez les sujets externes. Si l’on considère
que la réussite dépend du hasard, il n’y a en effet aucune raison pour que les
attentes soient modulées par la qualité de la performance ;
–– sujets internes et externes ne s’engagent pas dans les mêmes situations. Au
niveau de leurs projets professionnels, les adolescents internes marquent une
préférence pour les situations où des possibilités de contrôle et d’initiative sont
offertes. Les sujets internes manifestent plus fréquemment le désir de s’engager
dans des situations qui exigeront des efforts sérieux d’adaptation et de maîtrise
de l’environnement. C’est ainsi que les étudiantes qui déclarent vouloir s’enga-
ger dans des professions traditionnellement masculines sont plus internes ;
–– sujets internes et externes se distinguent aussi par leurs conduites sociales. Les
internes, vraisemblablement parce que les attributions auxquelles ils procèdent
conduisent à une plus grande confiance en soi, sont moins sensibles à l’influence
sociale. Si l’on demande, par exemple, aux sujets de décider très rapidement
lequel de deux ensembles de points en comporte le plus, après que des compères
aient donné des réponses unanimement fausses, on observe que les sujets externes
s’alignent plus facilement sur le jugement d’autrui. Cette plus grande sensibilité
à l’influence sociale des sujets externes apparaît aussi en l’absence de la pres-
sion d’un groupe lorsque l’influence est plus subtile et se manifeste par exemple
uniquement par des sourires ou par l’intonation de la voix. L’engagement dans
les mouvements sociaux et politiques devrait en principe être plus fréquent chez
les internes puisque ceux-ci croient davantage que les externes à l’efficacité de
leurs actions. Or, ceci n’a généralement pas été confirmé par les recherches
empiriques. Ce résultat surprenant peut être interprété de plusieurs manières.
L’engagement socio-politique obéit souvent à des valeurs et il n’est sans doute
pas aussi fortement déterminé qu’il le semble par l’attente du résultat. On a aussi
parfois évoqué le plus grand individualisme des sujets internes ;
–– les sujets internes contrôlent mieux leur vie émotionnelle. Face à des situations
stressantes (des catastrophes naturelles ou des événements de la vie personnelle
comme la perte d’emploi ou le décès d’un proche), ils ont des réactions plus
adaptées. On observe généralement que les sujets externes sont plus anxieux
267
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
que les internes. Dans le cadre des théories de l’apprentissage social, on consi-
dère que l’anxiété est la conséquence de l’externalité.
Si les sujets internes témoignent fréquemment de meilleures capacités de réus-
site et d’adaptation, cette supériorité est loin d’être générale. On peut relever par
exemple que chez les enfants et les adolescents, les internes n’ont pas un dévelop-
pement intellectuel plus précoce et que chez les adultes ils ne sont pas plus efficaces
dans les tests cognitifs. Il n’en demeure pas moins que l’internalité est socialement
plus désirable que l’externalité. Aussi, a-t-on pu considérer que les différences
individuelles en matière d’internalité ou d’externalité du contrôle pouvaient s’ex-
pliquer par des différences dans le degré d’apprentissage d’une norme : la norme
d’internalité.
ses conduites sont ou ne sont pas suivies de l’effet recherché, plusieurs réponses
sont possibles. Il peut avoir tendance à considérer que ses succès ne dépendent
pas de lui, ne se répéteront pas et sont limités à une situation particulière, et qu’il
est responsable de ses échecs, qu’ils se reproduiront et qu’ils sont généraux. Dans
ce cas on dira qu’il y a un style d’attribution dépressif. Ces attributions le condui-
ront, via les attentes qu’elles déterminent, à l’impuissance acquise. À l’opposé,
le sujet peut penser qu’il est responsable de ses réussites, qu’elles se reproduiront
et qu’elles ne dépendent pas du caractère particulier de la situation, et qu’il n’est
pas responsable de ses échecs, qu’ils ne se reproduiront pas et qu’ils dépendent
du caractère particulier des situations. Ces attributions définissent le style défen-
sif et elles permettent des conduites plus efficaces que les précédentes et un état
émotionnel plus satisfaisant. Les caractéristiques de chaque style sont résumées
dans le tableau 3.17.
268
Psychologie différentielle
Tableau 3.17
Attributions caractérisant les styles dépressif et défensif (d’après Seligman et al., 1979)
9. Le soi
Le soi (ou l’image de soi) est la représentation que l’individu se fait de lui-même
(en psychologie clinique on parle plutôt de moi ou d’ego). On distingue dans le
soi une facette descriptive à forte composante cognitive : le concept de soi, et une
facette auto-évaluative à forte composante affective : l’estime de soi. On ajoute
parfois une troisième facette, plutôt « comportementale », la présentation de soi,
qui concerne un soi public obéissant à des normes sociales, ce qui est moins le cas
du soi privé (Martinot, 1995).
269
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
seulement quelques-uns de ses attributs sont activés, les plus pertinents par rapport
à la situation. L’expression du concept de soi est donc fonction des circonstances
(conscience de soi situationnelle). Par ailleurs, le développement du concept de
soi est un aspect du développement cognitif et social et ce ne sont pas les mêmes
attributs que l’on rencontre aux diverses étapes de la vie. Mais ces changements
dans le concept de soi n’empêchent pas le sujet d’avoir sur lui-même, du moins
après l’adolescence, quelques idées générales stables (conscience de soi disposi-
tionnelle). Cette stabilité est renforcée par une série de mécanismes permettant la
mise en continuité du passé et du présent et assurant la permanence de l’identité.
En tant que structure cognitive, le soi joue un rôle dans le traitement de l’in-
formation. Toutes les informations en relation avec le soi sont privilégiées. Elles
retiennent davantage l’attention, sont plus rapidement et mieux encodées, trai-
tées plus rapidement et plus efficacement, mieux mémorisées et plus facilement
270
Psychologie différentielle
évocables (effet de référence à soi). Le soi joue également un rôle dans la prise de
décision, donc dans l’orientation de la conduite (Kilhstrom et al., 1988). Lorsque
l’individu est en situation de choix (choix d’une voiture, choix d’un mode d’habita-
tion par exemple), sa décision est déterminée, certes, par le coût des options, mais
elle l’est aussi par l’idée qu’il se fait de lui-même (suis-je le genre d’individu qui roule
dans telle voiture ? qui a tel type d’habitation ?). Le concept de soi est particuliè-
rement à l’œuvre dans des choix plus fondamentaux comme les choix d’études, de
carrière ou d’emploi. Dans le cas du choix professionnel par exemple, le sujet a une
représentation prototypique, et généralement stéréotypée, d’un représentant d’une
profession. Il compare les attributs saillants de cette représentation aux attributs
correspondants de son concept de soi. Si la concordance est jugée suffisante cette
profession sera provisoirement retenue comme un choix possible. Le sujet sera alors
incité à s’informer pour mieux la connaître (Guichard et Huteau, 2006).
Voir dans l’exercice 3.5 une typologie de la personnalité fondée sur les étapes
du développement du concept de soi.
soi est alors le résultat de cette confrontation et il sera d’autant plus élevé que
la distance entre les deux représentations sera faible. Le mécanisme est le même
lorsque le sujet compare ses aspirations avec les résultats effectifs de ses entreprises :
le succès induit une estime de soi positive et l’échec une estime de soi négative. Le
second mécanisme est interpersonnel. Au cours des interactions sociales le sujet se
compare aux autres. Si, par exemple, ses performances scolaires sont régulièrement
plus faibles que celles de ses camarades de classe son estime de soi aura tendance à
baisser (nous avons abordé cette question au chapitre 2 paragraphe 7). Le sujet peut
aussi intérioriser les jugements plus ou moins fondés dont il est l’objet et se voir alors
à travers les yeux des autres. Dans ce cadre le rôle des évaluations et des jugements
sociaux, des parents et des enseignants notamment, est capital. (Nous examinerons
au chapitre 5 les conséquences de ce phénomène dans la comparaison des groupes.)
Les individus ont besoin d’un niveau minimal d’estime de soi. Aussi mettent-ils
en œuvre des stratégies diverses afin d’augmenter le niveau de leur estime de soi
et d’éviter qu’il ne s’abaisse. La comparaison sociale ciblée est l’une de ces straté-
gies : en me comparant à des sujets moins compétents, mon niveau d’estime de
soi augmentera. Le sujet peut aussi opérer une sélection dans l’information qu’il
recueille sur lui-même : être particulièrement attentif aux informations positives
et bien les mémoriser, être peu attentif aux informations négatives et les oublier
rapidement. Une autre stratégie défensive est relative à l’interprétation des événe-
ments qui nous concernent : on s’attribue plus facilement, nous l’avons vu au
paragraphe précédent, la responsabilité de nos succès que celle de nos échecs (biais
d’auto-complaisance ou d’egocentration positive). Ces stratégies, tout comme la
permanence des facteurs qui la déterminent, permettent une relative stabilité de
l’estime de soi. Mais si ses déterminants changent significativement (par exemple
une nouvelle orientation scolaire ou l’entrée dans la vie active), celle-ci sera aussi
susceptible de changer significativement.
Estime de soi et concept de soi entretiennent des relations. Les sujets ayant un
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
niveau élevé d’estime de soi ont généralement un concept de soi plus clair, plus
cohérent et plus stable. Les individus à faible estime de soi manquent de confiance
en eux, sont peu persévérants et anxieux. Sensibles aux échecs ils cherchent à
éviter les difficultés plutôt qu’à les affronter. La consommation de stupéfiants,
d’alcool, les conduites à risque et la délinquance sont plus fréquentes chez eux.
Une bonne estime de soi est associée à un sentiment de bien-être, il arrive qu’on
en fasse une condition du bonheur. Bien que certains niveaux élevés d’estime de
soi soient peu valorisés (sujets considérés comme vaniteux ou narcissiques) il est
quand même préférable d’avoir une bonne estime de soi ! Il existe de nombreux
programmes dont l’objectif est l’augmentation de l’estime de soi. Un des dangers
de ces programmes, du moins de certains d’entre eux, est que l’augmentation de
l’estime de soi soit obtenue par des distorsions de la perception de la réalité, ce
qui ne peut que conduire à des déconvenues. Aussi, plutôt qu’à une élévation
272
Psychologie différentielle
10. Personnalité et intelligence
Y a-t-il des liens entre les variables qui définissent la personnalité et celles qui
définissent l’intelligence ? Les liaisons observées sont en général assez faibles et on
ne les observe pas systématiquement. On note cependant, tant pour l’intelligence
générale que pour l’intelligence fluide et l’ intelligence cristallisée, que les sujets
anxieux ont tendance à être moins efficients que ceux qui le sont moins et les sujets
extravertis tendent à être un peu plus efficients que les introvertis (figure 3.32)
(Ackerman et Heggestad, 1997). Parmi les variables des big five, l’ouverture est
en corrélation notable avec l’intelligence, ce qui n’est guère surprenant dans la
mesure où ce trait peut être considéré comme un aspect de l’intelligence.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Anxiété
10 10 10
Une étude =
8 8 8
N 6 6 6
4 4 4
2 2 2
0 0 0
– 0,6 – 0,4 – 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6 – 0,6 – 0,4 – 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6 – 0,6 – 0,4 – 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6
Extraversion
24 24 24
20 deux études = 20 20
16 16 16
N 12 12 12
8 8 8
4 4 4
0 0 0
– 0,6 – 0,4 – 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6 – 0,6 – 0,4 – 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6 – 0,6 – 0,4 – 0,2 0,0 0,2 0,4 0,6
Figure 3.32
Distribution des corrélations entre l’intelligence générale, l’intelligence cristallisée, l’intelligence fluide et l’anxiété et l’extraversion
(d’après Ackerman et Heggestad, 1997).
273
274
Psychologie différentielle
Introversion Extraversion
Figure 3.33
Relation hypothétique entre l’intelligence et l’introversion-extraversion
Tous les travaux que nous avons examinés jusqu’à maintenant relèvent d’une
approche scientifique des phénomènes psychologiques. On se propose de décrire
objectivement ces phénomènes, de rechercher les relations qu’ils entretiennent
(des lois) et de tenter de les expliquer en élaborant des théories susceptibles d’être
vérifiées ou réfutées, toute cette démarche étant publique et explicite. Il existe des
courants de pensée qui se situent hors de ce cadre, c’est pourquoi on peut les quali-
fier d’irrationnels. Nous en examinerons deux : l’astrologie (Astrologie, 2009) et
la graphologie (Huteau, 2004).
11.1. L’astrologie
Diverses enquêtes d’opinion montrent qu’environ un Français sur trois pense que
l’astrologie permet d’expliquer la personnalité. Ils sont un peu plus nombreux à
penser que l’astrologie est une science et un peu moins nombreux à penser qu’elle
permet de prédire l’avenir (point qui ne sera pas abordé ici). Depuis qu’on les
observe, il y a une trentaine d’années, ces fréquences sont stables.
Dans la culture occidentale le diagnostic de la personnalité se fait le plus
souvent à partir des signes du zodiaque (horoscope). La voûte céleste est divisée
en douze parties égales qui portent les noms des constellations qui les occupent
approximativement. L’astrologie nous dit que la personnalité d’un individu est
déterminée par la position du Soleil au moment de sa naissance. Si le sujet est né
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
au moment où le Soleil était dans la constellation de la Vierge, son signe sera celui
de la vierge et on lui attribuera une série de caractéristiques. À l’équinoxe de prin-
temps (21 mars), le Soleil commence son parcours apparent dans la constellation
du bélier, il passe ensuite dans la constellation du Taureau (21 avril), puis dans
celle des Gémeaux (21 mai), etc. À cette première détermination (l’ascendant),
on peut ajouter une carte plus complète du ciel au lieu et au moment exact de la
naissance (thème astral). À partir de l’examen de cette carte, et notamment de la
position des planètes et des angles qu’elles forment, on précisera le portait de la
personnalité du sujet fourni par l’horoscope.
Les astronomes soulignent fréquemment l’arbitraire de la pratique astrologique.
À l’heure actuelle les constellations ne sont plus dans la zone correspondant au signe
(précession des équinoxes). On distingue treize constellations et non pas douze. La
durée de passage du Soleil dans chaque constellation est variable. Les constellations
276
Psychologie différentielle
regroupent des étoiles qui peuvent être très éloignées les unes des autres. D’une
année à l’autre la distance entre la terre et les autres planètes est très variable… De
toute évidence le ciel des astronomes n’est plus celui des astrologues.
On imagine mal les mécanismes par lesquels la position des astres à la naissance
déterminerait la personnalité à l’âge adulte. Aussi les astrologues ne se fondent sur
aucune théorie. Ils ne se fondent pas non plus sur la régularité d’observations qui
pourrait conduire à la mise en évidence de corrélations entre le moment de la nais-
sance et la personnalité. Bien qu’il prenne fréquemment des formes ésotériques,
leur mode de pensée est essentiellement symbolique. Les noms des constellations
évoquent des propriétés psychologiques qui sont attribuées aux individus du signe
correspondant. Bélier évoque la volonté, l’élan, l’ardeur…, vierge évoque dévoue-
ment, pudeur… Il en va de même pour les planètes. Mars, par exemple, évoque
la force, la témérité, l’énergie, la puissance sexuelle, l’initiative, l’enthousiasme…
Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour tester la validité des descrip-
tions astrologiques de la personnalité. Les études sont suffisamment nombreuses
et variées pour que l’on puisse conclure sans ambiguïté (Dean et Kelly, 2003). La
méthode la plus simple consiste à comparer des personnes nées au même moment
(jumeaux astrologiques) afin de vérifier si elles ont des personnalités similaires. On
peut aussi regrouper des personnes identiques sur certains traits (pertinents pour
les astrologues) et vérifier si elles ont des thèmes astraux voisins. Ces deux types
d’études ont donné des résultats complètement négatifs pour l’astrologie quels que
soient les aspects de la personnalité retenus. On a beaucoup parlé il y a quelques
années d’un effet Mars chez les sportifs de haut niveau. Il y aurait le jour de la nais-
sance de ces sportifs une fréquence un peu plus grande d’une certaine position de la
planète Mars, mais ce résultat n’a jamais été répliqué. Une autre méthode consiste
à présenter à des astrologues des descriptions de la personnalité de plusieurs
personnes et le thème astral de l’une de ces personnes, l’astrologue devant réaliser
le bon appariement. En 1987, près de sept cents astrologues avaient déjà été mobi-
lisés pour ce type d’études. Les appariements réalisés ont toujours été équivalents
à ceux que l’on obtiendrait en procédant au hasard. Dans une recherche réalisée
par Eysenck, on a observé une légère corrélation entre extraversion et névrosisme
et les signes astrologiques censés déterminer ces deux traits de personnalité. Mais
les sujets étaient des élèves d’une école d’astrologie. Ces corrélations modestes
n’ont pas été retrouvées avec des sujets sans connaissances astrologiques ou en
contrôlant ce niveau de connaissance. Les élèves astrologues ont eu tendance à
se décrire comme l’astrologie disait qu’ils devaient être ! Ceci ne plaide donc pas
pour la validité de l’astrologie, ni pour celle des questionnaires de personnalité !
11.2. La graphologie
La graphologie se propose décrire la personnalité à partir de l’écriture. Cette
démarche paraît légitime et semble mieux fondée que celle de l’astrologie.
277
Les différences individuelles dans le domaine de la personnalité
vous écrivez petit vous êtes introverti ; votre écriture est « souple », vous avez des
capacités d’adaptation ; votre écriture est floue, votre personnalité est incertaine ; les
angles évoquent l’agressivité, si votre écriture est anguleuse vous êtes agressif ; etc.
Le symbolisme de l’espace relève aussi d’un mode de pensée analogique : en haut la
spiritualité et en bas les instincts, à droite l’avenir et les autres, à gauche le passé et
le repli sur soi. Si les hampes de vos lettres sont longues, vous êtes idéaliste ; si ce
sont les jambages qui sont longs, vous êtes matérialiste... Pour l’immense majorité des
graphologues ces jugements sont tellement évidents qu’ils n’éprouvent pas le besoin
de demander une confirmation empirique rigoureuse (l’analyse littéraire de l’écriture
de personnalités connues leur paraît une vérification suffisante).
La prégnance du mode de pensée analogique permet de comprendre pourquoi
l’on ne rencontre jamais dans les écrits des graphologues des discussions méthodolo-
giques sur les problèmes que posent les descriptions de l’écriture et de la personnalité
278
Psychologie différentielle
et leur mise en relation. Il permet aussi de comprendre pourquoi il n’y a pas de théorie
graphologique (on dit bien qu’il y a un rapport entre la personnalité et la motricité,
donc l’écriture, mais on ne dit jamais lequel), pas de controverses, pas de dépasse-
ments des problématiques. À l’évidence la graphologie n’a rien de scientifique, mais
cela, bien sûr, ne prouve pas que ce que disent les graphologues est erroné. Il faut donc,
comme pour l’astrologie, confronter le discours des graphologues à l’épreuve des faits.
On peut chercher à valider le jugement des graphologues ou les propositions
de la graphologie. Dans le premier cas, on confronte le jugement du graphologue
à un critère externe sans se préoccuper de la nature des indices graphiques qui
le fondent. Cette confrontation peut prendre plusieurs formes. Fréquemment, on
constitue des groupes contrastés (sujets dynamiques versus sujets non dynamiques
par exemple) et on demande au graphologue d’attribuer à chaque sujet son groupe
à partir de l’examen de son écriture. (Il faut bien sûr s’assurer que le graphologue
fonde bien son jugement sur l’examen de l’écriture et non sur le contenu du texte
manuscrit qui lui est présenté.) Les résultats de ces recherches montrent une vali-
dité quasiment nulle. Mais on peut toujours penser que les graphologues sollicités
n’étaient pas compétents. Il faut donc voir s’il existe des liaisons entre des proprié-
tés de l’écriture et des traits de personnalité. Là encore les résultats des recherches
ne sont pas favorables à la graphologie : il n’y a pas de corrélations, ou des corréla-
tions négligeables, entre les traits de personnalité et les signes graphiques qui sont
censés leur correspondre. Par ailleurs, les pronostics de réussite professionnelle faits
au moyen de l’examen de l’écriture sont proches de ceux que l’on ferait en procé-
dant par hasard. Malgré ce résultat bien établi de nombreuses entreprises françaises
continuent à utiliser la graphologie pour le recrutement de leur personnel… On
trouvera dans l’exercice 6 deux études portant sur la validation du jugement des
graphologues et une étude portant sur la validation des signes graphologiques.
Lectures conseillées
Hansenne M.,
2007, Psychologie de la personnalité, Bruxelles, De Boeck.
Huteau M.,
1985a, Les conceptions cognitives de la personnalité, Paris, PUF.
Pervin L.A., John O.P.,
2005, La personnalité. De la théorie à la recherche, Bruxelles, De Boeck.
Reuchlin M.,
1990b, Les différences individuelles dans le développement conatif de l’enfant, Paris, PUF.
Vrignaud P., Bernaud J.-L.,
2005, L’évaluation des intérêts professionnels, Sprimont (Belgique), Mardaga.
Chapitre
4
Il sélectionne les rats les plus performants et les fait se reproduire entre eux et
il fait la même chose pour les rats peu performants (sélection bidirectionnelle). Il
mesure ensuite l’efficience des descendants de ces deux groupes (première génération
ou F1) dans le labyrinthe. On n’observe pas de différences dans leurs performances. Il
sélectionne alors les plus performants du groupe issus des plus performants et les fait
se reproduire entre eux. Il procède de la même manière pour les sujets issus du groupe
peu performant. On voit alors apparaître chez les descendants (seconde génération
ou F2) une différence dans les moyennes des deux groupes : ceux qui sont issus des
plus performants sont plus performants. Tryon continue ainsi jusqu’à dix-huit géné-
rations. Dès la septième génération (figure 4.1), on voit apparaître deux groupes de
rats bien distincts et il n’y a quasiment plus de recouvrement entre les distributions
des performances de chaque groupe : les moins efficaces du groupe « performant »
sont meilleurs (à quelques exceptions près) que les plus efficaces du groupe « non
performant ». Les rats ont été sélectionnés sur la base de leur capacité spontanée
d’apprentissage. En l’absence d’une base génétique à la conduite, la sélection aurait
été inefficace. Lorsque la sélection est faite sur la base de l’apprentissage (croisement
de sujets ayant bénéficié d’un apprentissage et croisement de sujets n’en ayant pas
bénéficié), elle n’est pas efficace : les caractères acquis ne sont pas héréditaires. Dans
l’expérience de Tryon, la sélection a permis un tri génétique. Le résultat de ce tri
est annulé si l’on croise les rats performants et les rats non performants (F7), leurs
descendants se distribuent comme dans la population initiale. Des expériences de
ce type ont été conduites sur divers traits dans plusieurs espèces animales : activité,
émotionnalité, agressivité, préférence pour l’alcool chez les rats, comportements vis-
à-vis des larves mortes chez les abeilles, géotaxie, phototaxie chez la drosophile…
Les rats issus de la lignée performante ne réussissent pas mieux que les autres
dans de nombreuses tâches d’apprentissage (notamment dans les labyrinthes aqua-
tiques). La sélection n’a donc pas porté sur une aptitude à apprendre générale qui
pourrait évoquer l’intelligence. Elle a porté en fait sur des caractéristiques motiva-
tionnelles qui déterminent un patron de conduites : les rats performants sont des
animaux particulièrement intéressés par la nourriture et par les trajets courts, mais
ils sont inhibés par les grands espaces et n’aiment pas l’eau !
Chez la drosophile on a identifié les gènes permettant de différencier les sujets
selon leur sensibilité à la gravité (géotaxie). Après avoir, au moyen de croisements
sélectifs, créé des variétés de drosophiles ayant des comportements géotaxiques
plus ou moins marqués, Hirsch (1962), dans des recherches conduites en partie
avec Tryon, a montré que ceux-ci étaient déterminés par des gènes situés sur trois
chromosomes (deux pour le géotropisme positif et un pour le géotropisme négatif).
Ces travaux illustrent la complexité de la transmission génétique même lorsqu’elle
porte sur des comportements élémentaires et dans des espèces peu évoluées.
Les expériences de sélection chez l’animal sont conçues pour montrer le rôle
des facteurs héréditaires et uniquement pour cela. Elles ne nous apprennent donc
283
L’origine des différences individuelles
rien sur le rôle des facteurs de milieu susceptibles de moduler les effets de la sélec-
tion. Nous verrons ci-dessous (paragraphe 2.4.3.) comment ces facteurs de milieu
agissent en interaction avec les facteurs génétiques.
20
10
0
10
0
20
10
0
20
10
Pourcentage de cas
0
20
10
0
20
10
0
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10
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0
30
20
10
0
9
14
19
24
29
34
39
44
49
54
64
74
84
94
114
134
154
174
194
214
Nombre d’erreurs
Figure 4.1
Effet de la sélection sur l’efficacité dans le parcours d’un labyrinthe. Distribution des erreurs
dans le groupe initial et pour les sept premières générations (d’après Tryon, 1942)
284
Psychologie différentielle
➤➤ 1.2.1. La trisomie 21
La trisomie 21, ou syndrome de Down (appelé autrefois mongolisme), est la plus
fréquente des anomalies génétiques : elle concerne environ une fécondation sur
700 (Lambert et Rondal, 1979). Elle a son origine dans la présence d’un chromo-
some surnuméraire. À la suite d’un accident lors de la disjonction des chromo-
somes, ou encore lors de la première division cellulaire (cas largement les plus
fréquents), certains sujets possèdent trois chromosomes 21 au lieu de deux.
Cette anomalie est liée à l’âge de la mère ou à des facteurs associés à l’âge de la mère.
Le risque d’une naissance trisomique est de 0,5/1 000 avant 30 ans, 4/1 000 de 35 à
39 ans et 20/1 000 à 45 ans. Les radiations (rayons X), des agents viraux et chimiques
augmentent le risque d’une naissance trisomique. Les mécanismes déterminés par le
chromosome surnuméraire et conduisant au déficit intellectuel commencent à être
élucidés. Une région du chromosome 21 composée d’une vingtaine de gènes est
responsable du syndrome. Cette région a pu être identifiée à partir de l’examen des
cas où le syndrome se manifestait alors qu’une partie seulement du chromosome 21
était surnuméraire. En implantant ces gènes chez la souris on a mis en évidence le rôle
d’un gène particulier impliqué dans la régulation du système cholinergique.
Les sujets trisomiques ont une tête d’une taille inférieure à la moyenne,
la face aplatie, les yeux bridés, une bouche petite et un cou court. Leurs mains
et leurs doigts sont petits. Ils sont de petite taille et d’allure trapue. Leur crois-
sance physique est en retard. Environ un trisomique sur trois souffre de troubles
de santé : susceptibilité aux infections, troubles cardiaques, troubles intestinaux,
insuffisances sensorielles (myopie, perte auditive).
Les sujets trisomiques ont un handicap mental important : le QI moyen des triso-
miques est de l’ordre de 45. Le QI de quelques-uns d’entre eux atteint 70, ce qui les
situe à la limite inférieure de la marge d’efficience considérée comme normale. Leur
croissance mentale est très lente mais se prolonge jusque vers 30-35 ans. On a relevé
chez eux toute une série de déficits spécifiques. Au niveau perceptif, ces déficits sont
notamment relatifs à la discrimination sensorielle, à la vitesse de perception, à l’at-
tention. Le développement de la parole et du langage est retardé et incomplet mais
il ne semble pas revêtir une forme spécifique. On relève une moindre interactivité
avec la mère, une certaine stéréotypie dans l’usage des structures syntaxiques, des
déficits sérieux pour la production et la compréhension du langage.
Au plan du comportement, les enfants trisomiques sont peu actifs, plutôt
sociaux et amicaux. Ils sont plus faciles à conduire que les enfants ayant un retard
mental équivalent mais d’une autre origine.
285
L’origine des différences individuelles
➤➤ 1.2.3. La phénylcétonurie
Il existe plusieurs dizaines de maladies du métabolisme d’origine héréditaire s’ac-
compagnant de déficiences mentales. La phénylcétonurie (ou idiotie phénylpy-
ruvique) est la plus connue d’entre elles. Cette affection concerne environ 8
naissances sur 100 000. Elle est détectée systématiquement à la naissance (tests
des urines ou tests sanguins).
On connaît bien le mode de transmission de la maladie et les mécanismes
biochimiques conduisant à l’infériorité intellectuelle. Le trouble est contrôlé par
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
un gène unique récessif. Il apparaît donc chez les personnes qui possèdent ce gène
en deux exemplaires (homozygotes). La probabilité d’apparition de la maladie chez
les descendants de ceux qui, père et mère, possèdent le gène en un seul exemplaire
(hétérozygote) est .25. Environ une personne sur cinquante est hétérozygote. Ce
gène contrôle la production d’un enzyme présent dans le foie (la phénylalanine
hydroxylase) qui, dans le métabolisme normal, permet la transformation d’un acide
aminé, la phénylalanine, en un autre acide aminé, la tyrosine (les acides aminés
sont les constituants des protéines). En l’absence de cet enzyme, la phénylala-
nine se dégrade en acide phénylpyruvique et a une action toxique sur le système
nerveux, sur la myéline notamment qui joue un rôle dans la conduction de l’influx
nerveux dans les neurones. D’où un déficit intellectuel précoce et sévère. Lorsqu’ils
ne sont pas traités, les sujets phénylcétonuriques ont un QI de 15-20, les deux tiers
d’entre eux ne parlent pas. Ils sont par ailleurs irritables et instables.
286
Psychologie différentielle
QI moyen
Frères et sœurs non atteints (N = 34) 109 (écart type = 11)
Phénylcétonuriques traités avant 2 mois (N = 11) 85 (écart type = 12)
Phénylcétonuriques traités après 2 mois (N = 23) 56 (écart type = 26)
Phénylcétonuriques non traités (N = 96) 17 (écart type = 15)
2. Hérédité et milieu
Les études de sélection chez l’animal et les anomalies génétiques chez l’homme
montrent le poids considérable des facteurs héréditaires dans des conditions très
particulières. Qu’en est-il chez l’homme normal ? Si l’expérimentation, tant pour
contrôler les facteurs héréditaires que les facteurs de milieu, est impossible on peut
néanmoins y trouver quelques substituts : l’existence des jumeaux et le phéno-
mène de l’adoption permettent un certain contrôle des facteurs héréditaires et des
facteurs de milieux.
5 Paire 1
3 Paire 2
2
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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Prenons une série de paires de jumeaux, chaque jumeau étant caractérisé par un score sur une échelle en
dix points :
– paire 1 : 5 et 7 ;
– paire 2 : 4 et 3.
On peut représenter chaque paire sur un diagramme de corrélation par deux points. Chaque point
représente la paire : pour obtenir l’un des points, on situe un jumeau sur l’axe des abscisses et l’autre sur
l’axe des ordonnées et l’on fait l’inverse pour obtenir l’autre point. Plus la ressemblance entre deux jumeaux
est forte, plus la distance qui sépare les points est réduite. Si pour une série de paires les distances intra-
paires sont faibles, c’est-à-dire si le diagramme de corrélation correspond à un coefficient de corrélation
élevé, la ressemblance intra-paire sera forte.
Figure 4.2
Calcul du coefficient de corrélation intra-classe
288
Psychologie différentielle
0 .1 .2 .3 .4 .5 .6 .7 .8 .9
Corrélation médiane
Chaque corrélation indiquée est une corrélation médiane résumant selon les cas de 2 (frères et sœurs élevés
séparément) à 35 (frères et sœurs élevés ensemble) observations.
Figure 4.3
Coefficients de ressemblance pour l’intelligence (QI entre sujets vivant ensemble et séparément,
et en fonction de leur degré de parenté (d’après Erlenmeyer-Kimling et Jarvik, 1963, in
Willersman, 1979)
MZ DZ
Extraversion .51 .18
Anxiété .48 .20
Ouverture .51 .14
Conscience .41 .23
Agréabilité .47 .11
Pour l’extraversion et le névrosisme, les résultats portent sur plusieurs milliers de paires.
MZ DZ
G F G F
Émotionnalité :
– l’enfant crie facilement .56 .47 .10 .23
– l’enfant est facilement effrayé .58 .70 .11 .00
Activité :
– l’enfant ne peut rester tranquille .76 .65 .25 .27
longtemps
– l’enfant préfère les jeux tranquilles aux .77 .21 .00 .03
jeux actifs
Sociabilité :
– l’enfant se fait facilement des amis .74 .47 .26 .00
– l’enfant préfère jouer seul plutôt qu’avec
d’autres .55 .73 .10 .46
Impulsivité :
– l’enfant apprend facilement à résister à .72 .70 .35 .52
la tentation
– l’enfant va rapidement vers ses jouets .82 .83 .44 .62
entre parents et enfants (.49 et .52) est du même ordre de grandeur que la ressem-
blance entre DZ (.53), tandis que la ressemblance entre sujets sans parenté vivant
ensemble, ou la ressemblance entre enfants et parents adoptifs (.16 et .19), est
nettement plus faible.
Si tous les résultats des comparaisons familiales plaident pour une influence
de l’hérédité, il faut cependant noter qu’ils sont ambigus car la proximité géné-
tique varie avec la proximité environnementale. Tous les travaux sur les jumeaux
reposent sur un postulat que nous avons relevé : l’équivalence des influences diffé-
renciatrices de l’environnement chez les MZ et les DZ. Or, il est clair que celles-ci
sont moins fortes chez les MZ : on tend à les traiter de manière plus homogène,
surtout quand on ne les distingue pas, ils sont plus souvent ensemble… Si les MZ
se ressemblent davantage, cela peut donc provenir également de facteurs de milieu
qu’il s’agisse du milieu réel ou du milieu perçu. On a demandé à chaque membre de
la paire d’estimer le comportement négatif des parents (froideur, manque d’encou-
ragements…) et l’on a mis en relation ces différences intra-paires d’estimation et
les différences intra-paires relatives à l’état dépressif et au comportement antiso-
cial. Les corrélations observées sont de l’ordre de .30-.40. Plus les jumeaux sont
d’accord pour estimer le comportement des parents, plus ils se ressemblent (Pike et
al., 1996). Pour répondre à cette critique, quelques rares chercheurs ont comparé
MZ et DZ en contrôlant le milieu afin que ses influences différenciatrices soient
identiques dans les paires de MZ et dans les paires de DZ. L’écart entre les coef-
ficients de ressemblance est diminué mais il se manifeste toujours dans le même
sens. Ces travaux ne répondent que partiellement à la critique dans la mesure où
l’on peut toujours considérer que le contrôle des effets du milieu a été insuffisant
ou n’a pas porté sur les variables les plus pertinentes.
☞
Dans le cadre de ses recherches sur l’héritabilité, il a publié en 1943 une étude
où l’on mesure la ressemblance entre des jumeaux monozygotes élevés séparé-
ment. Celle-ci portait sur quinze paires de jumeaux et le coefficient de ressem-
blance était .771. Par la suite Burt a présenté des données portant sur un plus
grand nombre de jumeaux monozygotes (53 paires en 1966). Après la mort de
Burt, un psychologue américain, Leon J. Kamin, a observé une chose bizarre :
malgré les modifications de l’échantillon de jumeaux, le coefficient de ressem-
blance, avec ses trois décimales, restait identique (ainsi que plusieurs autres
coefficients). Une telle constance étant fort improbable et on a tout de suite pensé
à une fraude. Les enquêtes ultérieures, notamment celle sa biographe, Leslie S.
Hernschaw, ont montré que les données postérieures à 1943 avaient été inven-
tées. On a également accusé Burt de s’être inventé des collaboratrices, ce qui
s’est révélé être inexact. Burt a-t-il délibérément fraudé pour donner des résultats
allant dans le sens de ses croyances (rôle majeur de l’hérédité) ? C’est possible.
Mais le caractère maladroit de la fraude (il lui aurait suffi de modifier légèrement
la valeur des coefficients de ressemblance) tendrait à montrer que Burt n’avait
plus toutes ses capacités. Notons que les « faux résultats » de Burt sont du même
ordre de grandeur que les « vrais résultats » obtenus avant et après lui.
couples de MZ élevés séparément l’un avait été accueilli dès sa naissance dans une
tribu indienne de l’Amazonie tandis que l’autre serait resté dans une ville d’un
pays occidental ! (dans l’étude de Newman et al., de 1937, on observe d’ailleurs
que la différence entre les deux membres de la paire est d’autant plus grande que
les conditions de vie de chaque jumeau sont différentes).
Tableau 4.4
Coefficients de ressemblance entre MZ élevés ensemble et MZ élevés séparément
(d’après Roubertoux et Capron, 1990)
Les effets du milieu peuvent également être mis en évidence, avec les mêmes
réserves, en comparant des frères ou sœurs élevés ensemble ou séparément, ou
encore des individus sans parenté élevés eux aussi ensemble ou séparément
(figure 4.3).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Issu d’un milieu populaire, René Zazzo, après des études de philosophie se
spécialise dans l’étude de l’enfant auprès d’Arnold Gesell à l’université de Yale.
Gesell est un pionnier de l’étude du développement de l’enfant connu notam-
ment pour ses méthodes d’observation rigoureuses (enregistrements cinémato-
graphiques) et pour ses recherches visant à distinguer les effets de la maturation
de ceux de l’apprentissage (il soumet un jumeau à un apprentissage tandis
que l’autre sert de témoin). Collaborateur d’Henri Wallon dès 1937, Zazzo lui
succédera à la direction du Laboratoire de psychobiologie de l’enfant en 1950.
À partir de 1940, il dirige le Laboratoire de psychopathologie de l’hôpital
Henri-Rousselle (Sainte-Anne) où se déroulera son activité clinique.
René Zazzo est un psychologue du développement qui pratique la psychologie
à la manière de Binet. Il préfère l’analyse de cas individuels au traitement statis-
tique de données nombreuses. On lui doit notamment des travaux sur la prime
enfance, sur les jumeaux (mise en évidence de l’effet de couple notamment), sur
la débilité mentale, sur les dyslexies, sur la conscience de soi et sur l’identité.
Nous avons vu (chapitre 2 paragraphe 6.1) qu’il a procédé à une adaptation
du test de Binet et Simon. Il a aussi construit de nombreuses épreuves utilisables
dans le cadre de l’examen psychologique de l’enfant. Dès 1945, il a été le prin-
cipal acteur de la mise en place des services de psychologie scolaire.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, René Zazzo a eu des responsabilités
dans les mouvements de résistance universitaires. Il a été longtemps un membre
(peu discipliné) du Parti communiste français.
Voir l’autobiographie de Zazzo dans Psychologues de langue française (Parot
et Richelle, 1992)
Tableau 4.5
Coefficients de ressemblance entre MZ élevés ensemble et MZ élevés séparément pour divers traits
de personnalité. Le nombre de paires est indiqué entre parenthèses
Les résultats observés cessent d’être paradoxaux si on les situe dans le proces-
sus de formation de la personnalité. Les jumeaux MZ sont identiques au départ.
Lorsqu’ils vivent en couple, chacun, pour devenir une personne, doit se différencier
de l’autre, voire même parfois s’y opposer. C’est ce que Zazzo appelle « l’effet de
couple ». Ce processus de différenciation porte seulement sur une série de traits de
personnalité (ses conditions n’ont pas été identifiées avec précision, d’où certaines
incohérences dans les résultats). Il n’est pas nécessaire lorsque les jumeaux vivent
séparément. On a là une forme d’interaction particulièrement subtile entre facteurs
héréditaires et facteurs de milieu : tout se passe comme si la situation gémellaire
était un obstacle à l’expression du patrimoine héréditaire. Dans cette perspective il
devient intéressant d’observer le développement des jumeaux indépendamment de
toute préoccupation relative à l’hérédité ou au milieu. Les jumeaux MZ permettent
l’étude de la formation de la personnalité dans une situation privilégiée. L’identité
initiale permet en effet une meilleure appréhension du processus de différenciation
(ou de personnalisation, ou encore d’individuation), processus que l’on observe
dans tous les groupes d’enfants, qu’ils soient familiaux ou non.
Tableau 4.6
Coefficients de ressemblance entre MZ élevés ensemble et MZ séparés pendant au moins cinq ans.
Le nombre de paires est indiqué entre parenthèses (d’après Willerman, 1979)
MZ (séparés 5 ans
Études Traits MZ (ensemble)
au moins)
Wilde, 1964 Anxiété .55 (50) .52 (38)
Hypocondrie .46 .75
Extraversion .58 .19
Canter, 1969 Anxiété .53 (25) .18 (15)
Extraversion .10 .67
Sociabilité .51 .91
Price, 1969 Anxiété .45 .69 (57)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
0.40
0.35
0.30
Coefficient de corrélation
0.25
0.20
0.15
0.10
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
0.05
-0.05
2 4 6 8 10 12 14 16
Âge (en années)
Figure 4.4
Ressemblance entre le QI des enfants adoptés et le niveau d’éducation
de leur mère adoptive et de leur mère biologique (d’après Honzik, 1957)
298
Psychologie différentielle
On s’est également intéressé aux enfants adoptés afin de mettre en évidence une
éventuelle composante héréditaire dans la détermination des troubles mentaux.
Illustrons ce courant de recherche par une étude sur la schizophrénie conduite
par Rosenthal (1970) au Danemark, pays où les registres relatifs à l’adoption et
aux traitements psychiatriques sont particulièrement bien tenus. Rosenthal et ses
collègues détectent trente-neuf sujets possédant la double propriété d’avoir été
soignés pour schizophrénie et d’avoir remis un enfant à un organisme d’adoption.
Ils observent par ailleurs un groupe de quarante-sept parents ayant aussi aban-
donné un enfant mais n’ayant jamais eu à recevoir de soins psychiatriques. Que
vont devenir les enfants adoptés dans chacun des groupes ? On peut constater
dans le tableau 4.7 que la probabilité de devenir schizophrène est plus forte dans le
groupe où un parent biologique a été schizophrène.
Tableau 4.7
Situation par rapport à la schizophrénie des enfants adoptés selon qu’un de leurs
parents biologiques est ou n’est pas schizophrène (d’après Rosenthal, 1970)
Des résultats de forme voisine ont été obtenus pour divers troubles mentaux et
ils vont dans le même sens que les taux de concordance relevés dans les couples
de jumeaux MZ et DZ vivant ensemble. Dans la mesure où ils ne sont pas obtenus
dans des conditions strictement contrôlées, ils appellent les mêmes réserves.
Hute Part 2 Page 190 Vendredi, 3. févrierL’héritabilité au sens large est la fraction de la variance phénotypique (obser-
Hute Part 2 Page 190 Vendredi, 3. février 2006 10:00 10
2006 10:00 10
vable) qui peut être attribuée à l’hérédité. Imaginons que le score d’un individu sur
un trait phénotypique (un test d’intelligence ou un questionnaire de personnalité
par exemple) soit la somme de deux scores partiels, l’un correspondant à l’influence
du génotype, l’autre à l’influence du milieu : P = G + M. Si les scores partiels G
190
190 et M sont indépendants (en corrélation nulle),Psychologie la variance du
Psychologie score total, calculée
différentielle
différentielle
sur un groupe de sujets, est égale à la somme des variances des scores partiels :
VP = VG + VM. Le coefficient d’héritabilité (H2), ou fraction de variance attri-
buable à l’hérédité, sera donc :
VG VG VP –– VM VM
HH22 = = VG--------- =
------- VG
----------------------
= ------------------------ = VP
= ----------------------
----------------------
-
VP
VP VG
VG + VM + VM VG
VG + VM + VM-
Reste àà estimer
Reste estimer VGVG et et VM. Plusieurs méthodes
VM. Plusieurs méthodes ont ont été
été proposées.
proposées. Nous Nous cite-
cite-
rons Reste àl’une
seulement estimerde VG
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utilisent les données ontrecueillies
été proposées. sur Nous
les cite-
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qui, l’une de celles
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jumeaux et qui, historiquement, est le premier mode de calcul de l’héritabilité.
On peut
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la variance
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des MZ et
+ VM.
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intra-classe
DZci-est mesu-
(cf. ci-
rée par
dessus paragraphele coefficient
paragraphe 2.1.).
2.1.). Ce de corrélation
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une mesure ci-dessus
mesure de paragraphe 2.1.).
de variance.
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valeur du coefficient augmente
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coefficient intra-classe. le complément
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donc: coefficient intra-classe. On a donc :
donc:
VM
VM = = 11 –−
= 1 – rr MZMZ
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et: VG + VMVG VG
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r DZ= = 11 –– rr DZ DZ
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Le coefficient
Le coefficient d’héritabilité
Le coefficient devientdevient
d’héritabilité
d’héritabilité devient alors: alors :
alors:
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H = rMZ------------------------
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11 –– rDZrDZ -
Si l’on
Si l’on seseSiréfère
réfère aux
l’on seaux valeurs
valeurs
réfère médianes
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DZ obtenues
obtenues àà propos
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d’esti-
mationmation
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de l’intelligence indiquées
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de l’intelligence figure 4.3
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indiquées 4.3 (r MZ
(r
figure 4.3 MZ(r= = MZ.87 =.87
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et r= .53),
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on obtient
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coefficientd’héritabilité
d’héritabilitéde de 0,72
de 0,72 et et l’on
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peutdéclarer
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«l’hérédité»
«l’hérédité» joue
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dité » joue 72%.
72 %.
L’héritabilité
L’héritabilité au sens
au sens au
L’héritabilité restreint
restreint (h22)) correspond
(h
sens restreint correspond
(h2) correspond àà une
une fraction
fraction seulement
seulement
à une fraction de la
de
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variancevariance
génotypique. La variance
La variance
génotypique. génotypique
génotypique
La variance génotypique d’un
d’un trait trait sous
d’unsous la dépendance
la sous
trait dépendance de
de
la dépendance de
plusieurs
plusieurs gènes
gènes peut
peut être
être décomposée
décomposée en
en trois
trois
plusieurs gènes peut être décomposée en trois parts : parts:
parts:
–– une
une part
part
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provient de la
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part provientla somme
somme des effets
de la des
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sans des interactions
des interactions
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entre(variance additive);
additive);
gènes (variance additive) ;
–– une
une autre
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d’interaction entreentre
gènes situés
gènes situés sur
sur un
un même
même locus
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génotype estest
hétérozygote, l’effet d’un gène ne sera pas nécessairement
hétérozygote, l’effet d’un gène ne sera pas nécessairement le même selon que le le même selon que le
gène qui
gène qui lui
lui est
est associé
associé (son
(son allèle)
allèle) est
est plus
plus ou ou moins
moins dominant;
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troisième part,part, enfin,
enfin, provient
provient des
des effets
effets d’interaction
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gènes situés
situés àà des
des
300
Psychologie différentielle
–– une autre part provient des effets de dominance, ou des effets d’interaction entre
gènes situés sur un même locus (variance de dominance). Lorsque le génotype
est hétérozygote, l’effet d’un gène ne sera pas nécessairement le même selon que
le gène qui lui est associé (son allèle) est plus ou moins dominant ;
–– une troisième part, enfin, provient des effets d’interaction entre gènes situés à
des loci différents (variance épistatique).
L’héritabilité au sens restreint est la fraction de la variance phénotypique
attribuable à la variance génétique additive. Ce type d’héritabilité est estimé chez
l’homme à partir de corrélations parents-enfants.
Les mesures d’héritabilité (et notamment d’héritabilité au sens restreint)
peuvent être réalisées avec précision chez l’animal et elles présentent un inté-
rêt pratique dans la mesure où elles permettent d’anticiper les effets des opéra-
tions de sélection. Par contre, chez l’homme, elles sont imprécises et ambiguës et
présentent un intérêt très limité.
Rats « efficients »
200
169.5
175 169.7
164.0
150
75
50
25
0
Milieu Milieu Milieu
enrichi habituel appauvri
Figure 4.5
Interaction entre facteurs héréditaires et facteurs de milieu dans la capacité
des rats à parcourir un labyrinthe (d’après Cooper et Zubek, 1958)
303
L’origine des différences individuelles
70
60
Probabilité d’épisode dépressif
50
40
30
20
10
0
faible modéré élevé
Degré de maltraitance
Figure 4.6
Interaction entre facteurs héréditaires (trois niveaux de risque) et facteurs de milieu dans la dépression
(d’après Caspi et al., 2003)
encore, ce qui est aussi hautement vraisemblable que ces deux tempéraments aient
une composante héréditaire notable. Les parents n’auront pas la même attitude
vis-à-vis de chacun : ils pourront chercher à limiter l’impulsivité de l’un et inciter
l’autre à être plus expansif. Leurs pratiques éducatives seront donc sous la dépen-
dance de facteurs héréditaires.
Enfin, dernier cas, les individus ne subissent pas seulement leur environne-
ment, ils le modifient et il leur arrive aussi de le choisir et parfois même de le créer.
Ces modifications du milieu peuvent être en partie sous la dépendance de facteurs
héréditaires. Les introvertis et les extravertis, par exemple, n’ayant pas les mêmes
besoins de stimulation et les mêmes intérêts sociaux, se construiront des milieux
différents au cours de leurs activités de loisirs et de leur vie scolaire. Là encore
l’influence du milieu dépendra de facteurs génétiques. Dans ces différents cas on
parle d’« hérédité de l’acquis ».
Il existe diverses méthodes pour évaluer cette corrélation génotype-environ-
nement (voir Plomin et al., 1999). L’une de ces méthodes, qui s’applique à notre
exemple concernant les aptitudes musicales, utilise des enfants adoptés. Dans les
familles biologiques, l’influence des parents se manifeste à la fois par des facteurs
génétiques et par des facteurs environnementaux. Dans les familles adoptives,
elle se manifeste uniquement par des facteurs environnementaux. La corrélation
entre les caractéristiques du milieu et des conduites doit donc être plus forte dans
les familles biologiques. C’est effectivement ce que l’on observe : la corrélation
entre des caractéristiques de l’environnement familial (responsabilité des parents,
encouragement au développement, nombre de jouets…) et le niveau de langage
à 7 ans est .50 dans les familles biologiques et .32 dans les familles adoptives ; si
l’on considère l’intelligence générale à 7 ans, la corrélation est .31 dans les familles
biologiques et .06 dans les familles adoptives (Plomin, 1994).
les gènes (il y en a environ 30 000) et de les localiser. Pour élucider leur fonc-
tion il faut mettre en correspondance le génotype (ensemble des allèles portés par
un individu) et le phénotype (des caractéristiques individuelles observables). La
description du mode de transmission génétique des traits, qui relève bien plus de la
biologie que de la psychologie, suppose :
–– la localisation du ou des gènes associés à la caractéristique considérée ;
–– la détermination des mécanismes génétiques de la transmission (dominance,
récessivité) ;
–– la spécification de la chaîne causale qui relie génotype et phénotype (Roubertoux
et Capron, 1990).
Nous avons vu que ces trois conditions étaient remplies pour la phénylcétonu-
rie. Elles le sont également pour d’autres maladies génétiques qui ont pour consé-
quence un déficit intellectuel sévère. Mais qu’en est-il dans la zone de variabilité
normale des conduites ?
Afin de repérer le ou les gènes associés à un trait, on utilise les connaissances
dont on dispose sur des gènes qui déterminent certaines caractéristiques du sujet, ces
caractéristiques deviennent des marqueurs génétiques. Les groupes sanguins ou le
daltonisme sont des marqueurs génétiques. Dans les travaux récents, les marqueurs
sont mesurés sur les gènes eux-mêmes et non à partir de leurs produits. Les marqueurs
sont alors de courtes séquences d’ADN, dites polymorphiques, constituées de deux,
trois ou quatre bases qui se répètent plusieurs fois et sont distribuées à travers tout
le génome. S’il se trouve que des sujets non apparentés de groupe sanguin x ont des
caractéristiques comportementales différentes de celles de sujets non apparentés de
groupe sanguin y, il est possible que les gènes qui déterminent (partiellement bien
sûr) ces caractéristiques soient proches de ceux qui déterminent les groupes sanguins.
Pour en être sûr, il faudra procéder à des études complémentaires portant cette fois
sur des individus apparentés. Si les gènes considérés sont effectivement proches sur
un chromosome, ils auront une forte probabilité de rester associés lors de la ségréga-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
tion du chromosome. Assez simples dans leur principe, ces études sont très délicates
à conduire et supposent généralement la mise en œuvre de techniques sophistiquées.
Pour l’ intelligence on a recherché des associations avec les marqueurs-groupes
sanguins. Le sexe étant un marqueur génétique, on s’est également demandé si les
aptitudes spatiales, légèrement supérieures chez l’homme, pouvaient être déter-
minées par des gènes situés sur les chromosomes sexuels (cf. chapitre 5, para-
graphe 1.4.1.). Les résultats de ces travaux anciens sont peu convaincants. Dans
un travail récent, Plomin et al. (2001) comparent au moyen de 1842 marqueurs
les génotypes de sujets ayant un QI élevé (supérieur à 130) et ceux de sujets ayant
un QI moyen (criblage du génome). 108 marqueurs permettent de distinguer les
deux groupes. Ils vérifient ensuite la présence de ces marqueurs associés au QI
sur deux autres groupes (contre-validation) encore plus contrastés selon le niveau
intellectuel : des sujets de niveau moyen et des sujets ayant un QI supérieur à
306
Psychologie différentielle
160 (environ 3/10 000 dans la population). Sur les 108 marqueurs précédents, il
en reste 8 seulement qui différencient les deux groupes. Finalement, les auteurs
se demandent si ces 8 marqueurs associés au QI se retrouvent à la fois chez les
parents et chez les enfants dont le QI est supérieur à 160. À l’issue de ce processus
d’élimination, il ne reste plus aucun marqueur associé au QI… Ces résultats ne
signifient pas qu’il n’y aurait pas de déterminations génétiques de l’intelligence.
Il paraît probable qu’un caractère aussi composite que le QI est associé à de très
nombreux gènes qui s’expriment dans le cerveau et que l’effet propre à chacun se
trouve en quelque sorte dilué. Une autre étude du même type a mis en évidence
une liaison entre le QI performance et une région du chromosome 2. Pour des
processus psychologiques moins globaux (par exemple ceux qui sont à l’œuvre dans
l’apprentissage de la lecture ou dans la mémorisation) on a également trouvé des
gènes associés (voir Roubertoux, 2004).
La situation est un petit peu différente dans d’autres secteurs de la conduite.
Prenons l’exemple de l’alcoolisme. Les études familiales suggèrent que l’alcoolisme,
dont les causes et les manifestations sont diverses, a une composante génétique,
surtout chez les hommes où l’on constate une concordance plus élevée dans les
paires de jumeaux monozygotes que dans les paires de jumeaux dizygotes, et un
risque de devenir alcoolique plus élevé lorsque le père l’est. Duyme et Dumont-
Damien (1993), après un bilan détaillé des recherches sur les éventuels marqueurs
génétiques de l’alcoolisme, considèrent, avec une très grande prudence, qu’il est
possible que huit marqueurs (parmi la cinquantaine étudiée) puissent aider à
l’identification des facteurs génétiques de l’alcoolisme. Il s’agit notamment d’un
récepteur de la dopamine et de marqueurs liés au métabolisme de l’alcool. (La
dopamine est un neuromédiateur chimique du système nerveux central de la même
famille que l’adrénaline. Elle intervient dans les circuits neuronaux qui contrôlent
la motricité volontaire et les comportements émotionnels. Elle est impliquée
dans la genèse de nombreux troubles mentaux. Selon certaines hypothèses, la
schizophrénie s’expliquerait par des taux élevés de dopamine. Les neuroleptiques
bloquent son activité tandis que des substances comme l’alcool la stimulent. Les
récepteurs de la dopamine, qui sont des structures protéïniques, permettent sa
reconnaissance au niveau des synapses.) Les travaux conduits sur la souris où il
existe des différences spontanées en matière de consommation d’alcool ont permis
de constituer par sélection des « lignées sobres » et des lignées « alcooliques »
(cf. paragraphe 1.1.). L’analyse du génotype de ces souris a permis de repérer une
dizaine de régions chromosomiques comportant des gènes associés à la prise d’al-
cool, notamment le gène du récepteur de la dopamine. Chez les souris où l’on
empêche le gène de s’exprimer, la consommation d’alcool baisse (voir Roubertoux,
2004).
Dans les recherches qui viennent d’être évoquées, on n’a pas d’hypothèse parti-
culière. Dans d’autres recherches, on vérifie l’hypothèse d’un lien entre gène et
307
L’origine des différences individuelles
conduite cognitive, l’hypothèse étant formulée à partir des connaissances que l’on
peut avoir sur l’effet du gène. On sait, par exemple, qu’un certain gène est actif dans
la dégradation de la dopamine. Connaissant par ailleurs le rôle de la dopamine dans
la régulation des émotions, on peut se demander si ce gène n’est pas un déterminant
de l’hyperactivité chez les enfants. On a trouvé des corrélats génétiques à quelques-
unes des grandes dimensions de la personnalité. Les scores élevés en recherche de la
nouveauté seraient associés à un gène impliqué dans la production de dopamine et
les scores élevés sur la dimension anxiété à un gène impliqué dans la production de
sérotonine (ce que prédit la théorie de Cloninger ; cf. paragraphe 6.2, chap. 3). Mais
les liaisons observées sont faibles et on ne les a pas systématiquement observées.
La relation entre gène et comportement n’est pas linéaire : il n’existe pas de
gènes de l’intelligence, du crime ou de l’altruisme. Le même gène intervient sur
des phénotypes indépendants et, à quelques exceptions près, un même phénotype
subit l’influence de nombreux gènes. Connaissant le génotype, on ne peut faire
que des inférences plus ou moins probables sur le phénotype, et ceci d’autant plus
que l’expression des gènes peut être facilitée ou empêchée par des facteurs envi-
ronnementaux. Réciproquement, la connaissance du phénotype ne permet pas des
inférences précises sur le génotype.
Si les connaissances sur la base génétique des conduites sont encore souvent
assez limitées, les avancées de la génétique font qu’elles se développent et s’enri-
chissent très vite.
est le produit de la nature. Les différences entre individus sont pour l’essentiel la
conséquence de la distribution des gènes. Elles sont peu modifiables et les objectifs
éducatifs doivent être déterminés en fonction du potentiel génétique, c’est-à-dire
être modestes pour ceux que la loterie ou l’histoire génétique n’a pas favorisés. Pour
certains héréditaristes, les différences entre groupes sociaux et groupes ethniques
s’expliquent aussi par l’hérédité et les hiérarchies sociales deviennent alors des
hiérarchies naturelles (voir le prochain chapitre paragraphe 2.5). Ceci peut conduire
à des revendications méritocratiques : faire en sorte que les individus doués des
groupes défavorisés ne soient pas pénalisés par leur origine sociale ou ethnique.
Ceci peut aussi conduire au racisme. Pour l’environnementaliste type, l’homme est
le produit de la société. Les différences individuelles s’expliquent uniquement par
la diversité des influences subies. Les contraintes génétiques n’existent pas et il n’y
a pas de limites aux actions éducatives. La société est en principe réformable. Ceci
peut conduire à des programmes de transformation des individus coercitifs. Pour
être apparemment plus sympathiques (aux yeux de l’auteur) que les positions radi-
calement héréditaristes, les positions radicalement environnementalistes n’en sont
pas moins, comme elles, des positions idéologiques.
Les protagonistes du débat hérédité-milieu affirment que les points de vue qu’ils
défendent sont la conséquence des données scientifiques disponibles. Mais force
est de constater que l’argumentation des uns et des autres est sélective et biaisée
en fonction d’a priori quasiment jamais explicités. La vigilance méthodologique est
toujours beaucoup plus grande lorsqu’elle porte sur des recherches dont les résul-
tats ne vont pas dans le sens souhaité. Un héréditariste type repérera toutes les
faiblesses d’une recherche semblant montrer les effets bénéfiques d’un programme
éducatif, alors qu’il minimisera ou ignorera, par exemple, les critiques que l’on peut
faire à la méthode des jumeaux lorsqu’elle propose de comparer MZ et DZ élevés
ensemble. Un environnementaliste type aura des attitudes exactement inverses.
Les faits que l’on invoque dans l’argumentation sont fréquemment sélectionnés
en fonction de la thèse à démontrer. Le plus bel exemple est certainement fourni
par les travaux sur les enfants adoptés. Le fait que les enfants adoptés dans des
familles aisées acquièrent le niveau intellectuel du milieu d’adoption n’est souvent
pas pris en compte par les héréditaristes. Inversement, le fait que les enfants adop-
tés ressemblent davantage aux parents biologiques qu’aux parents adoptifs, est très
souvent ignoré par les environnementalistes.
Étant donné l’enjeu du débat (il concerne notamment les conséquences éduca-
tives et sociales de l’explication des différences individuelles cognitives) et la
faiblesse des connaissances scientifiques disponibles, il était sans doute fatal qu’il
prenne cette allure idéologique. Aussi, les remarques qui précèdent n’ont pas pour
but de dissuader le lecteur de prendre parti, ce qui serait vraisemblablement assez
vain (et qui est pourtant la position la mieux fondée !). Elles visent simplement
à lui suggérer de ne pas le faire trop vite et, si possible, en connaissance de cause.
309
L’origine des différences individuelles
passifs, ils ont peu d’échanges et d’interactions avec leur environnement physique et
social, et de ce fait, leur développement cognitif est retardé.
On peut aussi noter que des carences alimentaires spécifiques, par leurs inci-
dences sur la production des enzymes ou des hormones, peuvent conduire à des
déficits cognitifs. Dans certaines régions de l’Oubangui, par exemple, la consomma-
tion exclusive de manioc conduit à l’accumulation dans l’organisme d’un produit
qui inhibe la captation de l’iode, ceci conduit à des insuffisances thyroïdiennes qui
se manifestent notamment par une arriération mentale (Larmat, 1979).
Bien qu’ils soient évidemment moins marqués et moins dramatiques, les
effets de l’alimentation sur l’activité cognitive, et plus particulièrement sur l’effi-
cience scolaire, peuvent être également observés dans les pays développés. À la fin
des années 1970, on a modifié le régime alimentaire de 803 lycées de New York.
Progressivement ont été éliminés les colorants et les arômes synthétiques, les conser-
vateurs, les aliments riches en graisses et en sucres. L’application annuelle d’un test
de connaissances national permet de voir si le niveau des lycéens new-yorkais a
été affecté. Les trois années précédant la mise en place du nouveau régime alimen-
taire (1976-1977, 1977-1978, 1978-1979) l’élève moyen des lycées concernés était
au-dessous de la moyenne nationale (59e sur 100). Les quatre années suivantes (le
régime a été appliqué seulement en 1979-1980, 1980-1981 et 1982-1983) il se situait
dans la moyenne nationale (49e sur 100) avec une progression d’année en année (53e
en 1979-1980, 49e en 1980-1981 et 1981-1982 et 45e en 1982-1983) (figure 4.7). Les
gains ont été plus marqués chez les élèves faibles, d’où une diminution du nombre
de redoublements. Ces effets de l’alimentation, dont il reste bien sûr à élucider les
mécanismes, semblent donc tout à fait sensibles (Eysenck et Schoenthaler, 1996)
(dans ce genre d’étude il est bien sûr nécessaire de s’assurer que des facteurs associés
au facteur considéré – ici l’alimentation – ne contribuent pas aux effets observés).
À l’issue d’une synthèse des recherches portant sur les effets de l’alimentation sur
l’intelligence, Eysenck et Schoenthaler (1996) dressent les constats suivants. Lorsque
chez les enfants le niveau de vitamines et de sels minéraux est insuffisant (dosages
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
48 %
47
Avant 46 %
44 %
42 % 43
40 % 41
Après 38 % 39
76 - 77 77 - 78 78 - 79 79 - 80 80 - 81 81 - 82 82 - 83
1er 2d pas de 3em
changement changement changement changement
Figure 4.7
Classement moyen des élèves des lycées new-yorkais avant et après la modification
du régime alimentaire (d’après Eysenck et Schoenthaler, 1996)
Aux faibles performances intellectuelles des enfants vivant dans la pauvreté est asso-
cié un moindre développement du cortex cérébral. On a montré que chez les enfants
vivant dans des familles précaires, la surface et l’épaisseur du cortex étaient moindres
que chez ceux qui vivent dans des conditions normales, notamment dans les zones
associées au langage, à la lecture, à la mémorisation et aux capacités de contrôle.
f avorisaient guère les échanges sociaux de Marie, Allen et ses collègues mettent en
place une procédure de renforcement : les adultes se désintéressent systématique-
ment de Marie lorsqu’elle les sollicite et s’intéressent systématiquement à elle dès
qu’elle entre en contact avec d’autres enfants. On observe alors que les contacts
de Marie avec les autres enfants deviennent de plus en plus fréquents. Marie est
devenue sociable. On pourrait multiplier les exemples de ce type et en trouver des
équivalents dans le domaine de l’intelligence. Peut-on les généraliser et considérer
que c’est ainsi que s’établissent les différences individuelles dans la vie courante ?
Si ces exemples suggèrent un mécanisme de production des différences indi-
viduelles, ils ne l’établissent pas pour au moins trois raisons. La première est
relative au caractère relativement artificiel des situations retenues pour étudier
l’apprentissage. Le milieu de vie de l’enfant n’est pas le milieu expérimental…
même lorsque l’expérience se déroule dans le milieu de vie (cas de Marie). Dès
lors, il n’est pas évident que les facteurs à l’œuvre dans l’expérience sont rigou-
reusement les mêmes que les facteurs à l’œuvre dans la vie courante. La seconde
raison concerne la nature des apprentissages. Albert est-il vraiment devenu plus
anxieux ou n’a-t-il appris des réponses anxieuses que pour une gamme restreinte
de stimuli ? Marie est-elle devenue plus sociable ou n’a-t-elle pas seulement appris
que dans le contexte de l’école (ou peut-être même seulement dans le contexte
de l’expérience), le contact avec autrui était tactiquement nécessaire pour capter
l’attention de l’adulte ? On retrouve ici le problème dispositions-situations abordé
dans le chapitre précédent (cf. paragraphe 4.1.). Les dimensions des différences
individuelles qui nous concernent étant assez générales et les acquisitions réalisées
au cours des expériences d’apprentissages étant assez spécifiques, on doit nécessai-
rement s’interroger sur la généralisation des apprentissages. Ce n’est que dans la
mesure où ces acquisitions seront généralisées ou généralisables, ce qu’indiquent
très rarement les expériences sur l’apprentissage, qu’elles expliqueront la varia-
bilité interindividuelle. La troisième raison est relative à la stabilité des appren-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
tissages. Les apprentissages, du moins ceux que nous avons illustrés par les cas de
Marie et Albert, sont relativement rapides et il est aussi relativement facile de les
effacer. Or ce n’est pas le cas des dimensions des différences individuelles qui se
mettent en place progressivement et qui sont plutôt stables. Pour rendre compte
des différences individuelles par les apprentissages, il est alors nécessaire de faire
appel à des processus d’enracinement, de stabilisation des différences acquises.
Dans la plupart des théories psychologiques, le développement n’est pas seule-
ment l’enrichissement du répertoire comportemental, c’est-à-dire l’accumulation
des résultats des apprentissages. Il correspond aussi à des changements structuraux
de l’organisme. Le développement peut être décrit comme un processus continu
ou discontinu (on évoque alors des stades), comme un processus très général ou
comme un processus relatif à un secteur particulier de la conduite. Pour expliquer
le développement, on fait appel à des facteurs. Dans la théorie piagétienne, par
314
Psychologie différentielle
âge chronologique donné est cet âge chronologique). On observe que la dispersion
des âges mentaux autour de leur moyenne augmente avec l’âge. On peut encore défi-
nir une mesure « absolue » de l’intelligence qui permet de comparer directement
les performances de sujets d’âges différents (les mesures précédentes sont des mesures
« relatives », à la moyenne d’un groupe ou aux performances moyennes d’enfants
d’âges différents). Il est alors possible, dans le cadre des conventions permettant
cette mesure absolue, conventions souvent contestables et contestées, de conclure
sur la forme de la courbe de développement et sur les changements de variabilité
avec l’âge. On a représenté figure 4.8 une courbe du développement de l’intelligence
ainsi établie. On peut constater que la vitesse de développement se réduit à partir de
12-14 ans et que la variabilité interindividuelle augmente d’un âge à l’autre.
On peut noter aussi que certaines différenciations interindividuelles n’ap-
paraissent qu’à certains moments du développement. Après l’adolescence,
316
Psychologie différentielle
150
Mesure « absolue » d’intelligence
130
110
90
70
50
30
10
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Âge (en années)
La variabilité autour du développement moyen (plus ou moins un écart type) est indiquée par la zone hachurée.
Figure 4.8
Évolution des scores absolus d’intelligence de 1 mois à 21 ans, d’après les données
longitudinales de Bayley (1955) (Anastasi, 1969)
317
L’origine des différences individuelles
sa carrière…
Les effets de ces fortes privations sociales sont-ils réversibles ? Lorsqu’ils béné-
ficient d’une assistance éducative adéquate et prolongée, comme ce fut le cas pour
Victor, les «enfants sauvages » réalisent des progrès significatifs, mais ces progrès
les laissent encore loin du niveau de développement normal des enfants de leur
âge. Les difficultés de la remédiation sont généralement expliquées en faisant
appel à la notion de « périodes sensibles ». Les premières années seraient une
période particulièrement favorable aux acquisitions de base. Cette période passée,
il deviendrait très difficile, voire même pour certains impossible, de procéder aux
acquisitions manquées. On dispose cependant de quelques cas où les progrès réalisés
ont ramené les enfants dans la « zone de normalité ». Le cas le plus spectaculaire
318
Psychologie différentielle
est certainement celui de deux jumeaux identiques, suivis par Jarmila Koluchovà
(1976). Ces jumeaux ont été découverts, en Tchécoslovaquie, lorsqu’ils avaient 7
ans. Ayant passé les cinq années précédentes en état d’isolement, ils avaient alors
un âge mental d’environ 3 ans (QI de 40). Placés d’abord dans une institution de
bonne qualité, puis dans un milieu familial, ces jumeaux ont rapidement progressé.
Leurs QI sont passés à 80 et 72 à 8 ans, à 95 et 93 à 11 ans, et à 100 et 101 à 14 ans.
(Cette récupération a vraisemblablement été facilitée par les interactions sociales
entre jumeaux au cours de leur isolement et par le fait que cet isolement n’a pas
été précoce.)
Le plus célèbre des enfants-placards est Kaspar Hauser. En 1828, alors qu’il
avait environ 17 ans, il est apparu sur une place de Nuremberg sachant
à peine parler et en possession de deux billets énigmatiques. Il aurait été
séquestré dès son plus jeune âge (quelques mois) et aurait toujours vécu
isolé dans un cachot étroit et obscur. Il a été observé par le juriste Anselm
Feuerbach dont les observations ont été préfacées dans leur édition française
par Françoise Dolto (2002). Kaspar Hauser aurait vite appris à s’exprimer :
alors qu’il savait à peine écrire son nom, deux mois plus tard il décrit par
écrit et en détail un de ses rêves. Il a un odorat développé, une forte acuité
visuelle et est très sensible aux métaux et au magnétisme, il a la capacité de
voir dans le noir, sa mémoire est étonnante, il a le sens de l’humour et des
sentiments délicats, il montera à cheval sans jamais avoir appris… Certains
ont fait remarquer que si Kaspar Hauser avait toujours vécu dans l’isolement
il serait vraisemblablement mort précocement et en tout cas il n’aurait pas eu
les capacités cognitives qu’on lui a prêtées. En fait, il a eu quelques contacts
avec son geôlier, « l’homme qui a toujours été avec moi », et il est possible
qu’il ait établi avec lui un lien affectif fort. Kaspar Hauser est mort assassiné
en 1833.
Il y a de nombreuses incohérences et quelques invraisemblances dans le récit
de l’histoire de Kaspar Hauser ainsi que dans l’exposé de ses compétences.
Manifestement, les données dont nous disposons sur Kaspar Hauser ne sont
pas fiables. Le mystère de ses origines (des analyses ADN ont confirmé son
origine princière) et son destin tragique ont inspiré de nombreux auteurs.
Werner Herzog lui a consacré un film : L’Énigme de Kaspar Hauser, 1974.
Si le cas de Kaspar Hauser est douteux, un cas plus récent, tragique lui aussi,
est particulièrement bien documenté. Il s’agit de Genie (un pseudonyme),
une fillette découverte en 1970 par les services sociaux de Los Angeles après
que sa mère eut quitté avec elle le domicile conjugal. Elle était alors âgée de
13 ans et vivait dans un isolement quasi total, séquestrée dans une pièce
obscure et brutalisée par son père, depuis l’âge de 2 ans. Sa mère avait inter-
diction de lui parler et elle était frappée dès qu’elle ouvrait la bouche. Son état
physique était pitoyable et, ne disposant que d’une vingtaine de mots, elle
☞
319
L’origine des différences individuelles
☞
ne parlait pas. D’abord considérée comme une autiste de 6-7 ans, elle fut prise
en charge par une équipe de psychologues et de linguistes lorsque son âge
fut connu. La préoccupation scientifique principale de ces chercheurs était de
vérifier s’il y avait bien une période critique pour l’apprentissage du langage (le
débat sur l’innéité du langage et les thèses de Chomsky battait alors son plein).
Genie a rapidement progressé en adoptant un comportement moins stéréo-
typé, en ne fuyant plus les contacts sociaux, en devenant moins agressive et
en acquérant une certaine autonomie (s’habiller seule par exemple). Mais le
vocabulaire qu’elle a acquis est resté limité ; elle ne réussira jamais à utiliser
convenablement les pronoms et à construire une phrase correctement (il y a
bien une période sensible pour l’apprentissage du langage).
Placée chez un des psychologues chargés de l’étudier, puis, après un séjour à
l’hôpital, auprès d’un autre de ces psychologues chez qui elle restera plusieurs
années, elle cesse assez vite de progresser. En 1975, après avoir vécu un temps
avec sa mère, Genie est placée dans divers foyers où, maltraitée, elle régresse
et est à nouveau sujet à des troubles phobiques. En 2005, elle vivait dans une
institution spécialisée. Plusieurs livres et un documentaire (Secret of a Wild
Child) lui ont été consacrés.
Toute une série de travaux, assez anciens pour la plupart (réalisés dans les années 1930
et 1940), ont porté sur l’effet du placement des enfants dans des institutions, le plus
souvent des orphelinats. L’un des plus connus de ces travaux a été publié par Skeels
et Dye en 1939. Ces auteurs comparent deux groupes de jeunes enfants placés dans
un orphelinat (figure 4.9). Un groupe, constitué de treize enfants quitte l’orphelinat
à un âge compris entre 10 et 30 mois pour rejoindre une institution spécialisée dans
l’éducation des débiles mentaux. Ces treize enfants ont été sélectionnés sur la base de
leurs faibles performances cognitives (QI moyen : 64 au moment du transfert). Cette
institution spécialisée offre de bien meilleures opportunités que l’orphelinat pour le
développement cognitif (installations mieux équipées, personnel mieux formé et
plus disponible…). Aussi, les enfants vont-ils tous progresser : après un intervalle
compris entre 3 et 6 ans, le QI moyen est passé à 90, soit un gain moyen de 26 points.
320
Psychologie différentielle
120
110
100
90
Quotient intellectuel
80
70
60
50
Garçons
Filles
40
Changement dans les scores de QI des treize enfants ayant quitté l’orphelinat.
110
Garçons
100 Filles
90
Quotient intellectuel
80
70
60
50
40
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Âge en mois
Changement dans les scores de QI des douze enfants n’ayant pas quitté l’orphelinat.
Figure 4.9
Effets du placement en institution (d’après Skeels, 1966)
321
L’origine des différences individuelles
rise par un gros retard mental, un état dépressif, une fragilité physique et une forte
sensibilité aux maladies qui conduit à des taux de mortalité élevés. Pour Spitz, la
cause essentielle de l’hospitalisme est une carence affective : l’absence de mater-
nage (Bowlby s’inspirera des travaux de Spitz pour élaborer sa théorie de l’attache-
ment, voir chapitre 3, paragraphe 3.2).
Les premières recherches ne permettaient pas de distinguer l’effet de l’absence
de stimulation et celui de la carence des relations affectives. Des travaux plus
récents conduits dans des institutions où l’enfant ne souffre pas d’absence de
stimulation permettent d’éclairer cette question. Tizard et Rees (1975, 1978)
s’intéressent à des enfants placés dès la naissance dans de telles institutions (il y a
beaucoup de livres et de jouets, les sorties sont fréquentes, les adultes nombreux)
mais dans lesquelles il n’y a pas de relations affectives fortes entre enfants et
adultes. Ces enfants, d’origine ouvrière, sont comparés à des enfants également
322
Psychologie différentielle
d’origine ouvrière qui vivent avec leur famille à Londres (groupe témoin). Lorsque
les enfants ont 4 ans et demi on procède à des observations de leur comportement
pour voir comment ils réagissent face à des étrangers et dans quelle mesure ils
sont coopératifs, calmes, concentrés, loquaces et bienveillants. On a aussi des
entretiens avec les mères et, pour ceux qui sont placés, avec des adultes qui les
connaissent bien. Ces entretiens portent sur une série de problèmes que peuvent
rencontrer les enfants (relatifs notamment à la nourriture et au sommeil, à la
propreté, à l’attention, l’anxiété, la jalousie, la dépendance) et sur les relations
affectives avec les adultes.
–– Concernant le comportement, il n’y a pratiquement pas de différences entre les
groupes. Les enfants de chaque groupe se montrent timides, en retrait face aux
étrangers, facilement distraits et peu coopératifs.
–– Les problèmes sont aussi fréquents dans les deux groupes mais ce ne sont pas les
mêmes : on a surtout des problèmes de relation avec les pairs, de concentration,
de colère et de dépendance chez les enfants placés, et des problèmes d’alimenta-
tion, d’agitation et de désobéissance dans le groupe témoin.
–– Les enfants placés marquent une préférence pour un adulte et leurs conduites
d’attachement sont plus immatures (par exemple, ils crient plus fréquemment
quand l’adulte qui s’en occupe quitte la pièce).
Quelques années plus tard, lorsque les enfants ont eu 8 ans, on a rencontré
leur mère ou des adultes les connaissant bien et on a adressé un questionnaire
à leurs enseignants. Bon nombre de ceux qui étaient en institution à 4 ans et
demi avaient alors été adoptés ou rendus à leur famille. D’après les mères et
les éducateurs, il y a peu de différences entre le groupe placé en institution et
le groupe témoin pour ce qui relève du comportement social et émotionnel, et
plus généralement des problèmes rencontrés. On note cependant un plus grand
besoin d’affection chez les enfants placés. L’avis des enseignants est discor-
dant. Ils signalent davantage de problèmes chez les enfants placés que dans le
groupe témoin (ils cherchent notamment beaucoup plus à attirer l’attention de
l’enseignant ou des étrangers) et c’est surtout à leur demande que ceux-ci ont
été adressés plus fréquemment à des consultations psychologiques. Toutefois, ils
considèrent que les enfants adoptés ou remis à leur famille posent encore plus
de problèmes. Des tests d’intelligence ont été appliqués à 4 ans et demi et à
8 ans : le QI des enfants placés était proche de 100 et il le demeure. Ceux-ci ne
se distinguent pas de leurs camarades de classe pour l’acquisition de la lecture.
En conclusion, le placement dans des institutions de qualité a un effet sur les
conduites d’attachement, mais celui-ci n’est pas dramatique, et il ne semble pas
avoir d’effet sur le développement cognitif.
Ces travaux ont eu des conséquences pratiques. On est beaucoup plus hésitant
aujourd’hui que par le passé pour recommander un placement, bien que l’envi-
ronnement éducatif offert par les institutions d’accueil ait été très sensiblement
323
L’origine des différences individuelles
amélioré et que parfois les conséquences du maintien dans le milieu familial soient
plus négatives que celles du placement. Sur un plan plus théorique, les recherches
sur le placement en institution ont eu deux grandes conséquences. Elles ont attiré
l’attention sur le rôle des influences environnementales précoces. Elles ont aussi
permis de préciser les caractéristiques d’un milieu stimulant pour le développe-
ment de l’enfant.
Études françaises
Plusieurs études réalisées en France permettent de préciser cet effet du milieu.
Schiff et al. (1981) comparent des enfants dont la mère est d’origine modeste
et sans qualification professionnelle, adoptés avant 6 mois par des cadres
(N = 32), à leurs frères ou sœurs qui sont restés avec leur mère (N = 20). Les
enfants ont été observés lorsqu’ils étaient à l’école primaire. Les enfants adop-
tés réussissent en classe et dans les tests d’intelligence à peu près aussi bien, en
moyenne, que les enfants de cadres. Leurs performances sont nettement supé-
rieures à celles de leurs frères et sœurs restés avec leur mère. En termes de QI,
les écarts entre moyennes sont d’environ douze points pour la WISC (107 et
95), et seize points, pour une épreuve d’intelligence appliquée collectivement
(111 et 95). L’échec scolaire est quatre fois plus fréquent chez les enfants restés
avec leur mère.
Capron et Duyme (1991) contrastent deux catégories socio-économiques à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Tableau 4.8
QI des enfants adoptés selon l’appartenance socio-économique des parents biologiques (B) et des
parents adoptifs (A) (d’après Capron et Duyme, 1991)
A+ A–
pement physique et mental des enfants à l’âge de 4 ans. L’échantillon des sujets
était stratifié de telle sorte que l’âge de l’adoption s’échelonnait de 6 mois à 42
mois. Les données recueillies au moment de l’adoption et à 4 ans étaient anthro-
pométriques (poids, taille et périmètre de la tête) et psychologiques (une mesure
du développement psychomoteur fondée sur les observations des parents adoptifs
et les échelles de McCarthy qui fournissent un indice de développement cognitif
équivalent au QI de Wechsler). Les deux mesures psychologiques sont faiblement
associées au moment de l’adoption et plus fortement à 4 ans (.34 et .52). La corré-
lation entre mesures psychologiques et mesures anthropométriques est plus élevée
au moment de l’adoption qu’à 4 ans (par exemple la corrélation entre le périmètre
de la tête et l’indice cognitif est. 32 au moment de l’adoption et .18 à 4 ans).
Plus l’adoption est tardive, plus les enfants sont en retard. Au moment de
l’adoption l’indice cognitif est de 76,5 pour les adoptés avant 6 mois et de 48,1
pour les adoptés après 6 mois. À 4 ans les adoptés avant 6 mois ont rattrapé leur
retard (indice cognitif de 115,7, équivalent à celui d’un groupe d’enfants anglais
adopté également avant 6 mois mais ayant vécu auparavant dans des conditions
bien plus favorables que les enfants roumains) tandis que les adoptés après 6 mois,
qui ont certes beaucoup progressé, ne l’ont pas rattrapé (indice cognitif de 96,7).
Le meilleur prédicteur de l’indice cognitif à 4 ans n’est pas, comme on aurait pu le
penser l’indice cognitif au moment de l’adoption mais l’âge de l’adoption (– .41).
Mais cette liaison n’est pas linéaire (figure 4.10). Elle est nulle pendant les six
premiers mois et ne devient négative que par la suite.
160
140
120
Indice cognitif à 4 ans
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
100
80
60
40
0 5 10 15 20 25 30
Âge au moment de l’adoption (en mois)
Figure 4.10
Diagramme de corrélation entre l’indice cognitif à 4 ans et le moment de l’adoption
(de la naissance à 24 mois) (d’après Rutter et al., 1996)
326
Psychologie différentielle
les enfants uniques qui sont les plus performants ; on observe aussi une chute de
performance qui paraît excessive pour le dernier-né.
j=2
100 j=3
j=4
Score au test des matrices progressives
99
j=5
j=6
98
j=7
j=8
97
j=9
1 2 3 4 5 6 7 8 9
Ordre de naissance
Figure 4.11
Efficience cognitive en fonction de la taille de la fratrie (j) et du rang de naissance
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
(Zajonc et Markus, 1975, à partir de données recueillies par Belmont et Marolla, 1973).
0.50
Corrélations entre les comportements
0.30
0.10
Filles
-0.10
-0.30
Garçons
-0.50
Évaluation positive
Encouragement à la dépendance
Contact excessif
Exigence de réussite
Préoccupation pour la santé
Intrusion
Anxiété
Irritabilité
Comportement punitif
Contrôle par la menace
Sévère
Punition
Indifférence
Encouragement à l'autonomie
Égalitarisme
Expression de l'affection
Investissement affectif
Figure 4.12
Corrélations entre les attitudes et comportements des mères (enfants âgés de moins de 3 ans) et le
QI de l’enfant (à 14-18 ans) (d’après Bayley et Schaeffer, 1964)
En sommant les scores sur les 8 échelles, on obtient un score global de qualité
éducative de l’environnement familial. Les corrélations entre ce score, obtenu à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Intelligence
approche plutôt globale des situations et des problèmes, ils tendent par ailleurs à
avoir une bonne sensibilité sociale. Quels sont les comportements éducatifs qui
induisent plutôt la dépendance du champ, ou plutôt l’indépendance du champ ?
On a montré que les modalités éducatives visant à faciliter l’activité autonome
du sujet, ou en d’autres termes, à l’aider à se différencier de son environnement,
conduisaient plutôt à l’indépendance du champ, tandis que celles encourageant
plutôt le respect des normes et la cohésion du groupe conduisaient plutôt à la
dépendance du champ. Dans une étude publiée en 1962, Witkin et al. se sont
intéressés à la personnalité et aux méthodes éducatives de mères d’enfants de
10 ans (des garçons). Au cours d’entretiens semi-directifs six grands thèmes sont
abordés :
–– les soins physiques, l’hygiène et la santé ;
–– la scolarité ;
–– les relations sociales et les activités extra-familiales de l’enfant ;
–– la discipline ;
–– les valeurs de la mère ;
–– les relations intra-familiales.
L’analyse de contenu des entretiens conduit à la mise en évidence de 10 dimen-
sions. Voici quelques-unes de ces dimensions (on indique d’abord le pôle censé
induire l’indépendance) :
–– la mère facilite-t-elle l’autonomie de l’enfant ou considère-t-elle plutôt, sans
raisons évidentes, qu’il a besoin d’attentions et de protections particulières ?
–– accepte-t-elle facilement ou non que son fils adopte des rôles masculins ?
–– laisse-t-elle beaucoup de liberté à l’enfant dans le choix de ses fréquentations et
de ses activités ou cherche-t-elle plutôt à restreindre cette liberté ?
–– pour tout ce qui relève de l’hygiène et des soins physiques, traite-t-elle l’enfant
plutôt comme un adulte, ou plutôt comme un enfant plus jeune ?
–– cherche-t-elle ou non à faciliter l’acquisition par l’enfant d’une plus grande
autonomie et d’une plus grande maturité ?
–– facilite-t-elle la curiosité de l’enfant et son originalité ou au contraire cherche-
t-elle à limiter sa curiosité et à lui faire adopter des attitudes conformistes ?
Chaque mère est d’abord située sur chacune des dimensions, puis sur une
échelle unique dont les deux pôles sont « mère facilitant la différenciation de
l’enfant de son environnement » et « mère ne facilitant pas la différenciation de
l’enfant de son environnement ».
On observe des corrélations notables entre les pratiques éducatives maternelles
ainsi définies et plusieurs manifestations du style cognitif de l’enfant : corréla-
tion de .65 avec un indice combinant le score à des épreuves perceptives comme
l’épreuve du bâton et du cadre et le test des figures intriquées (cf. chapitre 2, para-
graphe 5.1.), de .41 avec les sous-tests de la WISC témoignant de capacités de
333
L’origine des différences individuelles
☞
L’hypothèse familiale ne prétend nullement tout expliquer et surtout pas pour
l’éternité. Elle suggère que des valeurs héritées du passé paysan se réin-
carnent temporairement dans l’idéologie qui naît du désarroi engendré par
l’alphabétisation, l’urbanisation et l’industrialisation. La stabilisation sociale et
mentale conduit ensuite au dépassement de l’idéologie dans sa forme violente »
(p. 14-15).
naires). À 5 ans les enfants les plus agressifs sont ceux qui sont le plus punis (effet
plus marqué chez les filles). On peut penser que la punition entraîne des frustra-
tions qui sont source d’agressivité (mais il se peut aussi que l’on punisse davantage
les enfants qui sont les plus agressifs). A 12 ans on observe une liaison de sens
inverse : cette fois ce sont les enfants qui ont été le plus punis qui sont les moins
agressifs (effet plus marqué chez les garçons). La punition semble avoir eu pour
effet une inhibition des comportements agressifs (figure 4.13).
7.0
6.0
Agressivité
5.0
Figure 4.13
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
la distinction classique entre le coping centré sur le problème (le sujet cherche
à modifier la situation) et le coping centré sur les émotions (le sujet cherche à
contenir ses émotions). La conduite du père et de la mère est estimée, toujours
avec un questionnaire, selon plusieurs dimensions, notamment la tonalité des
relations affectives (les sujets peuvent avoir le sentiment d’être plus ou moins
aimés par leurs parents) et le rejet (ils peuvent avoir plus ou moins le sentiment
que leurs parents les voudraient autres). Le coping est d’autant plus passif que les
attitudes du père et de la mère manifestent du rejet. Le coping est d’autant plus
actif que les attitudes parentales sont chaleureuses, mais cette liaison n’est obser-
vée nettement qu’à propos de la mère. Les corrélations observées sont modérées,
de l’ordre de .30.
En général on caractérise les pratiques éducatives familiales en interrogeant
les mères. Il arrive que l’on s’intéresse au rôle du père… notamment lorsqu’il est
absent. On observe alors une tendance à ce que les garçons développent plutôt
des compétences que l’on attribue généralement aux filles (Willerman, 1979).
On peut aussi s’intéresser simultanément au père et à la mère et comparer leur
manière de procéder. Avec de jeunes enfants, les pères sont moins sensibles aux
demandes de l’enfant, ils s’ajustent moins bien à ses activités spontanées, lui
fournissent un attachement moins sécurisant. Par contre, très vite, ils sollicitent
davantage l’autonomie et sont plus exigeants, pour les productions linguistiques
notamment. Il semble qu’une différenciation des rôles soit favorable au déve-
loppement de l’enfant (Le Camus et al., 1997). On peut encore évaluer le degré
d’accord entre les parents sur leurs attitudes et valeurs éducatives et sur les buts
qu’ils incitent leurs enfants à atteindre, indépendamment de la nature de ces
attitudes, valeurs et buts. On évalue ainsi un des aspects de l’harmonie familiale.
Vaughn et Block (Vaughn et al., 1988) ont montré que l’accord parental observé
lorsque les enfants avaient 3 ans et demi permettait de prédire certains aspects
de la personnalité à 18 ans. Plus l’accord parental est élevé, plus les garçons sont
socialement indépendants (r =.37), plus ils se sentent bien en classe (r =.45),
plus ils manifestent des intérêts artistiques (r =.38) et investigatifs (r =.38), et
moins ils sont traditionalistes (r = –.54) ou inhibés (r = –.56). Les corrélations
observées chez les filles sont nettement plus faibles. On note cependant que chez
celles-ci l’accord parental est associé à une plus grande spontanéité (r =.47) et
à une plus grande flexibilité (r =.47). L’accord parental est aussi associé chez les
garçons à l’efficience cognitive à 18 ans mesurée par le test de Wechsler pour
adultes : r =.47 pour les garçons et r =.09 pour les filles. Le patron des liaisons
entre les pratiques éducatives parentales et les caractéristiques individuelles des
enfants n’est jamais le même chez les garçons et les filles. Ce résultat massif est
interprété à partir des différences dans le processus de socialisation des garçons
et des filles (différences dans les attentes et dans les modalités de renforcement
de certaines conduites).
337
L’origine des différences individuelles
passagers, si une disposition durable à la violence a été créée. Enfin, pour conclure
dans cette affaire éminemment sociale il faut s’assurer que les données du labora-
toire correspondent aux observations de la vie réelle.
Les observations de la vie réelle nous sont fournies par des enquêtes qui
montrent une liaison positive entre la durée d’exposition à la télévision et la
fréquence des comportements agressifs. Cependant, l’interprétation de cette corré-
lation (comme celle de toutes les corrélations) ne va pas de soi. Il se peut effective-
ment que l’exposition à la violence télévisuelle entraîne plus de violence chez les
téléspectateurs. Mais il se peut aussi que la causalité soit de sens inverse : ce serait
les gens agressifs qui regarderaient plus fréquemment les programmes violents.
Enfin, fréquence d’exposition à la télévision et fréquence des comportements
agressifs peuvent être déterminées par une même variable (ou plusieurs) comme,
par exemple, le laxisme des parents.
338
Psychologie différentielle
Pour y voir plus clair, il est bon de procéder à des études épidémiologiques –
forcément longues et coûteuses – où l’on suit pendant plusieurs années un échan-
tillon de sujets tiré au hasard. Dans l’une de ces études (Johnson et al., 2002), sept
cent sept familles ayant un enfant entre 1 et 10 ans furent choisies au hasard dans
la région de New York en 1975. On dispose notamment d’informations sur leur
consommation télévisuelle à 14 ans et à 22 ans. On dispose également d’infor-
mation sur leurs comportements agressifs à 16 ans, 22 ans et 30 ans (entretiens,
questionnaires et données policières).
Homme
60 agressivité
Fréquence des actes agressifs à 16 et 22 ans
anterieure
50
40 Homme
pas d’agressivité
anterieure
30
Femmes
agressivité
anterieure
20
Femmes
10 pas d’agressivité
anterieure
0
< 1 heure 1 - 3 heures ≥ 3 heures
Heures de télévision par jour à 14 ans
Figure 4.14
Durée passée à regarder la télévision à 14 ans et fréquence des actes agressifs envers autrui
à 16 et 22 ans (selon le sexe et selon que les sujets ont déjà commis ou non des actes agressifs
avant 14 ans) (d’après Johnson et al., 2002)
en Angleterre et publiée en 1923 (in Ceci, 1991), note chez les enfants dont la
scolarité est intermittente, un QI moyen de 90 à 4-6 ans, et de 60 à 12-22 ans.
Ces observations montrent bien les effets négatifs et cumulatifs d’un milieu peu
stimulant, mais elles ne permettent pas de faire la part de ce qui revient à l’école
et de ce qui revient au milieu familial. Il en va de même dans les travaux où l’on
met en évidence une baisse de l’efficience intellectuelle à la suite d’événements
politiques graves. En Hollande, par exemple, à Eindhoven, la scolarisation a été
très irrégulière à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dans les premières années
de l’immédiat après-guerre. Le QI moyen des élèves qui était approximativement
de 100 dans les années d’avant-guerre, chute de près de cinq points de 1945 à
1947, pour revenir aux environs de 100 à partir de 1949 (de Groot, 1951). Dans
ce cas, les perturbations scolaires ne sont qu’un aspect des stress et restrictions
accompagnant la guerre. Il est également difficile de faire la part de l’école et la
part des autres facteurs dans les recherches conduites sur les effets de l’éducation
préscolaire lorsque celle-ci n’est pas généralisée (…et lorsqu’elle l’est, on n’a plus
de termes de comparaison !).
D’autres travaux sont plus convaincants dans la mesure où l’on s’assure de
l’équivalence des groupes que l’on compare sur plusieurs variables. En 1961, en
Suède, Härnqvist (1968) teste un échantillon au 1/10e des enfants âgés de 13 ans.
Il réexamine cinq ans plus tard les sujets masculins de cet échantillon. Ces données
lui permettent d’apprécier les écarts de QI en fonction de la scolarité en main-
tenant constant le QI et le niveau scolaire à 13 ans et la catégorie socioprofes-
sionnelle des parents. Il conclut qu’une année de scolarité rapporte en moyenne
1,8 point de QI. Deux enfants de même niveau scolaire et de même origine sociale
ayant le même QI à 13 ans auront donc un écart de QI moyen de l’ordre de
7-8 points à 18 ans si l’un interrompt ses études à 13 ans alors que l’autre les
prolonge jusqu’à 18 ans. Au début des années 1960, dans un comté des États-Unis,
des enfants noirs n’ont pas été scolarisés pendant plusieurs années car les commu-
nautés locales refusaient d’appliquer les nouvelles lois sur l’intégration scolaire.
Comparés à des enfants d’origine sociale équivalente mais ayant bénéficié d’une
scolarité normale, on a relevé une baisse d’environ 6 points de QI par an (Green et
al., 1964, in Ceci, 1991).
Les recherches les plus satisfaisantes sur les effets de la scolarisation ont été
conduites par Baltes et Reinert (1969) en Allemagne. Ces auteurs comparent
des enfants de même âge et de même catégorie socioprofessionnelle mais entrés
à l’école primaire à une année d’intervalle. En Allemagne étaient admis à l’école
primaire les enfants ayant 6 ans révolus au 1er avril. Les enfants nés en avril n’ont
qu’un mois de moins que ceux qui sont nés en mars mais ils sont scolarisés un an
plus tard. Baltes et Reinert procèdent à des comparaisons du type suivant : enfants
de 8 ans nés en mars et observés en mai (ils ont 8 ans et deux mois) et enfants
de 8 ans nés en avril et observés en juin (ils ont 8 ans et 2 mois également).
341
L’origine des différences individuelles
Ces deux groupes d’enfants ont le même âge mais les premiers ont bénéficié d’une
année de scolarité supplémentaire. Leurs résultats aux tests d’aptitudes primaires
de Thurstone sont sensiblement supérieurs : ils sont aussi proches des enfants de
10 ans entrés tardivement à l’école que de leurs camarades de même âge entrés
également tardivement à l’école.
Cet effet de la durée de la scolarisation sur les tests d’intelligence n’est pas
massif dans la mesure où la variabilité de l’efficience cognitive à nombre d’années
de scolarité constant demeure considérable (les travaux sur le rôle des pratiques
éducatives familiales visent à rendre compte de cette variabilité). Il n’en est pas
moins systématique. (L’effet de la qualité de la scolarisation sur l’intelligence est
beaucoup plus difficile à établir, du moins dans les pays occidentaux où les varia-
tions de cette qualité, évaluée par des critères comme les dépenses d’éducation, le
taux d’encadrement des élèves ou le niveau de formation des maîtres, sont relative-
ment faibles, comparées à celles que l’on peut observer entre les pays occidentaux
et les pays en voie de développement). Il n’est pas très surprenant que les appren-
tissages scolaires conduisent à une amélioration des scores aux tests d’intelligence.
Trois séries de facteurs permettent d’en rendre compte. L’école est d’abord un lieu
d’acquisition de connaissances. Or, l’intelligence cristallisée est en partie évaluée
à l’aide de connaissances scolaires : culture générale, mécanismes logico-arith-
métiques de base, vocabulaire. L’école permet aussi des apprentissages cognitifs,
elle développe l’efficience de processus à l’œuvre dans les tests et constitutifs de
certaines formes d’intelligence : classification logique, abstraction, verbalisation.
Enfin, l’école favorise la mise en place d’attitudes qui facilitent la réussite dans
les tests : entraînement à la concentration de l’attention, développement d’une
motivation intrinsèque aux tâches (la réalisation même de la tâche est source de
motivation et il n’est pas nécessaire de faire appel à des récompenses).
Voir exercice 4 pour les effets particuliers d’un type de pédagogie.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
3.6. L’éducation cognitive
En étudiant les effets de l’adoption et les effets de certains comportements paren-
taux, nous avons vu que l’éducation avait des effets sur le développement cognitif.
L’intelligence est donc éducable. Mais, dans les travaux que nous avons rapportés,
l’éducation de l’intelligence résulte d’une multitude d’influences qui s’exercent en
permanence tout au long du développement. Peut-on obtenir des résultats sinon
équivalents, du moins allant dans le même sens et significatifs, par des interven-
tions pédagogiques adaptées ?
L’éducation compensatoire
L’expérience conduite à Milwaukee, une ville industrielle de l’état américain du
Wisconsin, par Garber et Hodge, est certainement la tentative d’éducation cogni-
tive qui a mobilisé les moyens les plus importants. (Le coût total de l’opération, de
son lancement, en 1966, à la publication du rapport final, a été estimé à 14 millions
de dollars !) L’objectif était de prévenir le déclin de l’intelligence et l’inadapta-
tion scolaire régulièrement observés dans les milieux peu stimulants. Les sujets de
l’expérience, « sujets à risque », ont été choisis sur la base du niveau intellectuel
des mères : QI < 75 (les auteurs de la recherche considéraient que les mères de
344
Psychologie différentielle
L’entraînement cérébral
Utilisant le succès des jeux vidéo et les ressources offertes par les technologies
modernes, le neuropsychologue japonais Ryuta Kawashima a proposé une méthode
d’« entraînement cérébral » destiné à rendre le cerveau plus efficient… c’est-à-
dire, nous dit-on, à le rajeunir. Dans le prolongement de ses travaux de neuro-
psychologie, Kawashima a sélectionné une série de tâches pendant la résolution
desquelles le cortex préfrontal est activé. Cette partie du cortex, on le sait, est
impliquée dans les activités cognitives, mnésiques et créatives. Certaines des
tâches retenues sont tout à fait classiques (lecture, calcul), d’autres sont inspirées
de tests psychologiques ou de paradigmes expérimentaux de la psychologie cogni-
tive et portent sur la perception, l’attention, les diverses formes de mémoire…
Le programme d’entraînement cérébral a été commercialisé (en France depuis
2006) à grands renforts de publicité avec la collaboration de stars du cinéma sur la
console de jeu Nitendo DS.
Sonia Lorant-Royer et al. (2008) ont évalué l’effet de ce programme sur des
élèves de cours moyen 1. Lors d’un prétest et à la fin de l’application du programme,
on a évalué :
–– la motivation des élèves pour l’école (motivation intrinsèque) ;
–– trois aspects de l’efficience cognitive repérés par trois sous-tests de la WISC :
le raisonnement (sous-test Matrices), l’attention (Symboles) et la mémoire à
court terme (Mémoire des chiffres) ;
–– trois aspects des performances scolaires : l’apprentissage d’un texte en SVT, la
mémorisation d’une carte géographique et la capacité à effectuer des multipli-
cations de difficulté croissante en mathématiques.
Outre le groupe bénéficiant du programme d’entraînement cérébral et un
groupe témoin deux autres groupes ont été utilisés. Dans l’un les sujets étaient
occupés avec des jeux papier-crayon du type de ceux que l’on rencontre dans
les magazines pour enfants. Dans l’autre les sujets étaient soumis au programme
« Cérébrale académie ». Ce programme, disponible également sur la console
Nitendo DS, poursuit les mêmes objectifs que l’entraînement cérébral mais il est
beaucoup moins structuré et se présente sous une forme ludique.
Globalement les résultats sont très décevants pour l’entraînement cérébral
(ils le sont tout autant pour « Cérébrale académie »). Si le groupe expérimen-
tal progresse plus que le groupe témoin pour la mémoire des chiffres (mais il ne
progresse pas plus que le groupe qui a fait les exercices papier-crayon), ce n’est
pas le cas pour les deux autres tests. Le programme n’a pas d’effet non plus sur les
performances scolaires. Enfin la motivation intrinsèque n’évolue pas. La conclu-
sion des auteurs est sans appel : « Bref, le Dr Kawashima rejoint la longue liste des
marchands de rêve, son programme est un jeu et rien de plus. »
347
L’origine des différences individuelles
Lectures conseillées
Les différences
entre groupes
Sommaire
1. Les différences
VV
entre hommes et femmes.............. page 351
2. Les différences
VV
entre groupes sociaux.................... page 396
Plutôt que de s’intéresser à la variabilité entre les individus dans des groupes
relativement homogènes, on peut s’intéresser aux différences moyennes entre
individus appartenant à des groupes différents. Quels groupes comparer ? Selon
les moments et les lieux certaines comparaisons semblent plus pertinentes que
d’autres. Il y a quelques décennies, on procédait fréquemment à la comparaison
d’enfants selon qu’ils étaient élevés en ville ou à la campagne. L’urbanisation
croissante et l’uniformatisation des modes de vie entre les zones urbaines et les
zones rurales ont retiré tout intérêt à cette comparaison. Aux États-Unis, pour
des raisons historiques évidentes, on compare souvent les Blancs et les Noirs
(voir encadré 5.7). Ces comparaisons selon la « race » sont beaucoup moins
fréquentes ailleurs. Elles sont mêmes parfois interdites. La notion de race étant
dépourvue de signification, on peut procéder à des comparaissons selon la culture.
Les comparaisons de groupes culturels ou ethniques sont l’objet d’une sous-
discipline de la psychologie, la psychologie interculturelle (voir encadré 5.6).
Nous examinerons deux types de comparaisons qui, elles, ne sont pas affaire de
circonstances, la comparaison en fonction du sexe et la comparaison en fonction
du statut dans la hiérarchie sociale. Étant au cœur du fonctionnement de toutes
les sociétés et de la division du travail, les différences sexuelles et les différences
de position sociale sont l’objet de débats politico-idéologiques passionnés.
Les différences entre les hommes et les femmes sont l’objet d’approches multiples :
philosophiques, anthropologiques, sociologiques, historiques, biologiques…
L’approche classique de la psychologie différentielle consiste à inventorier ces
différences, à les observer et les mesurer au moyen d’instruments d’observation
standardisés, puis à tenter de les expliquer. Elle est apparue avec la psychologie
moderne à la fin du xixe siècle.
La différence entre hommes et femmes n’est pas seulement biologique, elle est
aussi, nous le verrons, une construction sociale. Aussi, lorsque nous parlons de
différences entre sexes, nous désignons plutôt des différences entre le genre mascu-
lin et le genre féminin (encadré 5.1).
352
Psychologie différentielle
La distinction entre sexe et genre est devenue commune dans les années 1970.
Le sexe est une donnée biologique : on naît et on est mâle ou femelle. Les
critères du sexe peuvent être chromosomiques (XX pour les femmes, XY pour les
hommes), gonadiques (ovaires pour les femmes, testicules pour les hommes) ou
phénotypiques (vagin et clitoris pour les femmes, pénis pour les hommes). Pour
la grande majorité des individus ces trois critères sont concordants et l’attribu-
tion d’un sexe ne pose pas de problèmes. Mais il n’en va pas ainsi pour certains
individus qui sont dits intersexués (par exemple ceux qui possèdent à la fois
des organes génitaux mâles et femelles). On estime souvent qu’ils représentent
environ 2 % de la population (mais il n’y a pas consensus car la discordance
peut être définie de manière plus ou moins stricte).
Le genre est le résultat d’une construction sociale. En fonction de son sexe biolo-
gique, l’individu est l’objet d’une socialisation particulière. Il n’est pas éduqué
identiquement, ne se voit pas proposer les mêmes modèles, ne doit pas respec-
ter les mêmes normes… La célèbre formule de Simone de Beauvoir : « On
ne naît pas femme, on le devient », s’applique également aux hommes. Pour
certains, cette attribution de rôle est indépendante du sexe biologique (le genre
précède le sexe), pour d’autres elle amplifie des petites différences biologiques
selon le sexe (on retrouve le problème de l’interaction entre l’hérédité et le
milieu). L’identité sexuelle est l’identification à un genre (il serait donc préfé-
rable de parler d’identité de genre, mais ce n’est pas l’usage), le plus souvent
celui qui correspond au sexe. Mais il peut y avoir discordance entre l’identité
sexuelle et le sexe biologique. Les individus sont alors dits transgenres (cas des
transsexuels).
En résumé, le sexe est biologique et détermine les caractères physiques tandis
que le genre est social et détermine les caractères psychologiques.
le programme génétique et qui suit la formation des organes sexuels. Ces hormones
sont projetées dans le cerveau via la circulation sanguine et conduisent à sa sexua-
lisation, c’est-à-dire à une sorte de formatage de circuits propres à chaque sexe, par
exemple ceux qui commandent l’ovulation périodique chez les femmes. Mais cela ne
signifie pas que seraient mis en place des circuits correspondant aux comportements
masculin et féminin (les filles qui ont un frère jumeau, donc dont le cerveau a été
soumis à une imprégnation de testostérone, ne sont pas spécialement masculines).
À la naissance, l’examen des réflexes moteurs montre une plus grande asymé-
trie chez les garçons. Les garçons se montrent aussi plus instables, plus irritables,
plus facilement perturbés et plus difficiles à apaiser que les filles. Il y a là vraisem-
blablement les signes d’une moindre maturité du système nerveux autonome et du
système reliant l’hypothalamus et les hormones.
On a noté également quelques différences dans le domaine sensoriel. Les filles
seraient un peu plus sensibles aux signaux tactiles et olfactifs. On n’observe pas de
différences pour les sensibilités visuelle et auditive bien qu’au tout début de la vie
il y ait une certaine préférence des filles pour le canal visuel et des garçons pour
le canal auditif. Mais ces différences, comme les autres, sont minimes et n’ont pas
d’incidence sur les capacités d’apprentissage et de mémorisation.
Enfin, on a cru voir chez les bébés des prémisses de la plus grande sociabilité des
femmes. Dans les expériences d’habituation les bébés filles seraient plus intéressés
par les visages que les bébés garçons, et cela dès les premiers jours. Les pleurs d’un
bébé entraînent des pleurs chez les bébés proches, celles-ci dureraient plus long-
temps chez les filles, ce qui a été interprété (hardiment) comme un signe d’empa-
thie. On aurait observé également que les filles étaient un peu plus aptes que les
garçons à différencier les expressions du visage, avantage qu’elles perdent d’ailleurs
rapidement. Ces faits sont contestés par de nombreux chercheurs, ce qui n’est pas
surprenant car, si différences il y a, elles sont minimes.
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d = 0.50
–3 –2 –1 0 1 2 3
d = 0.25
–3 –2 –1 0 1 2 3
d = 0.10
–3 –2 –1 0 1 2 3
Figure 5.1
Recouvrement des distributions des filles et des garçons dans trois cas de différences
inter-sexes : d = 0,50, 0,25 et 0,10
expliquée par la variable sexe. Si toutes les filles avaient un même score, et tous les
garçons également, mais un score différent de celui des filles, le sexe expliquerait
100 % de la variance totale. Si la moyenne des filles et la moyenne des garçons
étaient identiques et les variances des filles et des garçons également identiques,
la variable sexe expliquerait alors 0 % de la variance totale. Avec d = 0,50, la
variable sexe explique environ 5 % de la variance totale, ce qui est très peu.
figure 5.2. Les hommes réussissent en moyenne 9,1 items et les femmes 6,1
seulement (d = 0,78). Des différences inter-sexes d’ampleur voisine sont
observées lorsque l’on mesure, toujours dans l’espace, la vitesse de la rotation
mentale. Les différences sont nettement plus faibles, d de l’ordre de 0,25,
lorsque la rotation mentale doit être effectuée dans le plan (cf. chapitre 2,
figure 2.5). Il semble bien que les moindres performances des femmes
proviennent des stratégies qu’elles utilisent préférentiellement. Les hommes
utiliseraient plus fréquemment des stratégies analytiques consistant à imagi-
ner la rotation d’une partie seulement de la figure, tandis que les femmes
privilégieraient des stratégies globales consistant à imaginer la rotation de
toute la figure. On peut constater sur l’item de la figure 5.2 que la stratégie
analytique est plus efficace ;
–– les différences inter-sexes sont plus faibles dans les épreuves relatives à la
maîtrise des coordonnées de l’espace comme le test de la baguette et du cadre
(RFT) qui a été présenté à propos des styles cognitifs dépendant et indépendant
du champ (cf. chapitre 2, paragraphe 5.1.), ou encore des épreuves où l’on doit
juger de l’horizontalité de liquides dans des récipients inclinés. Les indices d
sont alors de l’ordre de 0,30-0,60 ;
–– les différences observées sont encore plus faibles dans les épreuves, dites
parfois de visualisation spatiale, où il faut déstructurer des figures complexes
(cf. chapitre 2, figure 2.25), développer des volumes, ou encore reconstituer
une forme à partir d’éléments simples ; d est alors fréquemment de 0,20.
Modèle
standard
Réponses
1 2 3 4
Pour réussir l’item, il faut trouver parmi les quatre réponses proposées les deux qui sont identiques au
modèle.
Figure 5.2
Item de rotation mentale du type de ceux constituant le test de Vandenberg et Kuse
357
Les différences entre groupes
Voir l’exercice 1 pour d’autres données sur les différences inter-sexes dans le
domaine cognitif.
ne sont pas tout à fait les mêmes selon que les acquisitions sont évaluées objecti-
vement au moyen d’épreuves standardisées de connaissances, par les enseignants
selon les procédures de la notation traditionnelle, ou estimées par les élèves eux-
mêmes (Huteau, 1995).
filles. (Les difficultés de lecture étaient moins fréquentes en 1997 : 14,9 % des
élèves ; entre 1997 et 2007 on observe une augmentation des difficultés pour
l’étendue du vocabulaire, l’orthographe et la compréhension d’énoncés écrits.)
mants. En élevant le niveau de tous on élève donc aussi le niveau des meilleurs.
Les enquêtes PISA (voir encadré 5.2) permettent une évaluation des compé-
tences des élèves de 15 ans. La compréhension de l’écrit est ainsi définie :
« Comprendre l’écrit, c’est non seulement comprendre et utiliser des textes écrits,
mais aussi réfléchir à leur propos et s’y engager. Cette capacité devrait permettre
à chacun de réaliser ses objectifs, de développer ses connaissances et son poten-
tiel, et de prendre une part active dans la société. » En langue anglaise, cette
conception élargie de la lecture est nommée literacy ; en français, elle est en passe
de devenir « littératie ». (Voir dans l’encadré 5.3 un exemple d’item du test de
compréhension de l’écrit choisi parmi les plus faciles.)
360
Psychologie différentielle
Figure 5.3
L’article « se brosser les dents » ci-dessus est extrait d’un magazine norvégien.
Servez-vous de cet article pour répondre aux questions suivantes.
Question 1
Quel est le sujet de cet article ?
– La meilleure façon de se brosser les dents.
– La meilleure sorte de brosse à dents à utiliser.
– L’importance d’avoir de bonnes dents.
– La façon dont différentes personnes se brossent les dents.
Question 2
Que recommandent les chercheurs britanniques ?
– De se brosser les dents aussi souvent que possible.
– De ne pas essayer de se brosser la langue.
– De ne pas se brosser les dents trop fort.
– De se brosser la langue plus souvent que les dents.
Question 3
Selon Bente Hansen, pourquoi faut-il se brosser la langue ?
(réponse libre)
Question 4
Pourquoi mentionne-t-on un stylo dans le texte ?
– Pour aider à comprendre comment tenir une brosse à dents.
– Car avec un stylo et une brosse à dents on commence dans un coin.
– Pour montrer qu’on peut se brosser les dents de nombreuses façons.
– Car se brosser les dents est aussi sérieux que d’écrire
361
Les différences entre groupes
Les résultats montrent une supériorité des filles dans tous les pays de l’OCDE
(voir figure 5.4 où les niveaux de compétences sont définis à partir de critères
statistiques) : d varie entre 0,05 et 0, 60 et il est de l’ordre de 0, 40 pour la France.
30 %
Cette supériorité générale des filles se manifeste pour toutes les sous-échelles
— filles
du test : localiser et extraire des informations, intégrer et interpréter, — réfléchir
garçons
et évaluer (Dans l’exemple du brossage de dents la question 1 relève de la sous-
France
20 %
< 1b 1b 1a 2 3 4 5 6
10 %
< 1b 1b 1a 2 3 4 5 6
30 % — filles
— garçons
OCDE
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20 %
30 % — filles
— garçons
OCDE
10 %
20 %
< 1b 1b 1a 2 3 4 5 6
10 %
Figure 5.4
Pourcentages de garçons et de filles à chaque niveau de compétence de l’échelle
de compréhension de l’écrit en France et dans l’ensemble des pays de l’OCDE (2009)
< 1b 1b 1a 2 3 4 5 6
362
Psychologie différentielle
Mathématiques
Le test de 30 %
mathématiques de l’évaluation nationale en CE2 (2006) porte sur la
connaissance des nombres entiers naturels, le calcul, des notions de géométrie,
— filles
— garçons
les grandeurs et les mesures. On note une légère supériorité des performances des
France
garçons, d est de l’ordre de 0,15-0,20.
20 %
30 %
— filles
— garçons
France
10 %
20 %
<1 1 2 3 4 5 6
10 %
<1 1 2 3 4 5 6
30 %
— filles
— garçons
OCDE
20 %
30 %
— filles
— garçons
OCDE
10 %
20 %
<1 1 2 3 4 5 6
10 %
Figure 5.5
Pourcentages de garçons et de filles à chaque niveau de compétence de l’échelle
mathématiques en France et dans l’ensemble des pays de l’OCDE (2009)
<1 1 2 3 4 5 6
363
Les différences entre groupes
En 6e, avec un test qui porte sur l’espace et la géométrie, l’exploitation des
données numériques, les grandeurs et mesures, la connaissance des nombres et le
calcul, on observe toujours une légère supériorité des garçons, du même ordre de
grandeur que celle relevée au CE2 la même année.
En classe de 3e, dans des évaluations réalisées dans les années 1980, la supé-
riorité des garçons était plus marquée (d de l’ordre de 0,30). Celle-ci provenait de
leurs meilleurs scores en géométrie (où bien sûr les aptitudes spatiales sont sollici-
tées) et en raisonnement ; pour le calcul arithmétique et l’algèbre les filles réussis-
saient plutôt un peu mieux.
Dans les enquêtes PISA, la supériorité des garçons est quasi générale, il n’y
a qu’en Suède où les filles réussissent un petit peu mieux. Cette supériorité des
garçons en mathématiques est moins marquée que celle des filles en compréhen-
sion de l’écrit : d de l’ordre de 0,15 tant pour la moyenne des pays de l’OCDE
que pour la France. On notera que la dispersion des scores est plus forte chez les
garçons, et davantage en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE.
En matière de comparaisons internationales, les enquêtes PISA font autorité.
Notons cependant que les résultats dépendent du choix des épreuves et qu’il n’est
pas très aisé de construire une épreuve qui soit également pertinente dans des
pays ayant des systèmes éducatifs différents, d’où des discordances entre enquêtes,
discordances d’autant plus probables que les différences filles-garçons ne sont pas
massives, Une enquête internationale sur les connaissances en mathématiques des
élèves de 13-14 ans réalisée dans douze pays entre 1960 et 1964 montrait bien aussi
une supériorité des garçons dans onze pays (d = 0,16). Mais une enquête de même
type, conduite par le même organisme de 1980 à 1982, dans vingt pays, toujours
sur des enfants de 13-14 ans, montrait un résultat différent : dans six pays (dont
la France) les garçons réussissaient mieux que les filles dans tous les domaines des
mathématiques considérés, dans cinq pays c’étaient les filles qui réussissaient systé-
matiquement mieux, dans les neuf pays restants les garçons réussissaient mieux
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que les filles pour certains domaines et les filles mieux que les garçons pour d’autres
domaines.
Les différences filles-garçons en mathématiques sont en voie de réduction.
Aux États-Unis les applications successives d’un même test de connaissances
en mathématiques ont donné les résultats suivants : 1960 : d = 0,34 ; 1966 :
d = 0,24 ; 1974 : d = 0,17 ; 1983 : d = 0,12. Une synthèse récente de deux
cent quarante-deux études ayant mobilisé près de 1 300 000 sujets entre 1990
et 2007 nous annonce qu’il n’y a pratiquement plus de différences entre la
moyenne des filles et celle des garçons (d = 0,05) et que les dispersions sont
de même ampleur pour chaque sexe (Lindberg et al., 2010). Une synthèse
équivalente publiée en 1990 indiquait encore un écart significatif (d = 0,15).
Il y a manifestement une réduction de la différence entre les sexes mais on ne
364
Psychologie différentielle
peut dire pour autant qu’elle a disparu. Dans ces grandes synthèses, on mêle
des échantillons de sujets très hétérogènes et on propose des problèmes de
difficulté très variable.
Si l’on tient compte de l’âge des sujets, on observe une différence à l’avantage
des filles au niveau de la maternelle et des différences négligeables au niveau de
l’école élémentaire, de l’école moyenne et chez les adultes. Par contre, une diffé-
rence non négligeable apparaît en faveur des garçons au niveau du lycée (d = 0,23)
et au début des études supérieures (d = 0,18). Si l’on tient compte du niveau de
difficulté des tâches c’est avec un niveau de difficulté moyen et au lycée que les
écarts intersexes sont les plus marqués (d = 0,37).
Les écarts inter-sexes sont faibles. Notons cependant qu’ils sont beaucoup plus
marqués pour les sujets performants. Les universités américaines utilisent pour le
recrutement de leurs étudiants un test d’aptitude aux mathématiques (le Scholastic
Aptitude Test – SAT-M). Les moyennes des filles et des garçons sont proches. Mais
si on s’intéresse aux sujets ayant d’excellents scores (scores supérieurs à 700 sur
un score maximum possible de 800), on constate que les garçons sont treize fois
plus nombreux que les filles. Un tel résultat n’est cependant pas généralisable. Si
l’on considère uniquement la population d’origine asiatique, on observe alors dans
ce groupe particulièrement performant quatre fois plus de filles que de garçons
(Lubinski et Benbow, 1992).
Sciences
Les enquêtes PISA donnent des résultats différents des mathématiques. Dans
certains pays, les garçons réussissent mieux, c’est particulièrement net pour les
États-Unis, le Danemark, le Royaume-Uni et le Chili. Dans d’autres pays ce
sont les filles qui, réussissent mieux, c’est particulièrement vrai en Finlande, en
Slovénie, en Turquie et au Japon. Si on fait la moyenne des pays de l’OCDE on
obtient des résultats quasiment identiques pour les filles et les garçons (d est proche
de 0). Il en va de même en France. On notera là encore une plus grande dispersion
des scores des garçons, plus marquée en France que dans la moyenne des pays de
l’OCDE (figure 5.6).
En résumé les filles réussissent nettement mieux que les garçons en fran-
çais et en compréhension de l’écrit, les garçons réussissent un peu mieux que
les filles en mathématiques, il n’y a pas de différences entre les sexes pour les
sciences.
365
Les différences entre groupes
30 %
— filles
— garçons
France
20%%
30
— filles
— garçons
France
10%%
20
10 %
<1 1 2 3 4 5 6
Niveaux de compétences
<1 1 2 3 4 5 6
Niveaux de compétences
30 % — filles
— garçons
OCDE
20%%
30 — filles
— garçons
OCDE
10%%
20
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
10 %
<1 1 2 3 4 5 6
Niveaux de compétences
Figure 5.6
Pourcentages de garçons et de filles à chaque niveau de compétence de l’échelle sciences
en France
<1 et dans
1 l’ensemble
2 des
3 pays 4de l’OCDE
5 (2009)6
Niveaux de compétences
366
Psychologie différentielle
Garçons Filles
Mathématiques 8,8 7,6
Physique 7,9 6,4
Français 9,7 11,0
Anglais (écrit) 7,0 8,0
Sciences naturelles 9,6 9,4
367
Les différences entre groupes
se distinguent pas seulement par leur agressivité, mais aussi, sous certaines condi-
tions, par leurs intérêts et valeurs, leur orientation vers la réussite et leur sociabilité
(Hoyenga et Hoyenga, 1979 ; Minton et Schneider, 1980). Ils développent aussi
des pathologies mentales différentes.
On peut voir au tableau 5.2 que les garçons préfèrent étudier, rechercher, inventer,
fabriquer, réaliser, produire, tandis que les filles préfèrent informer, communiquer,
aider, soigner, s’occuper des autres, enseigner (Wach et al., 1992). L’application de
questionnaires d’intérêts professionnels du type de ceux que nous avons présentés
au chapitre 3 (cf. paragraphe 7) permet de construire des profils qui différencient
filles et garçons. Tétreau et al. (1987), par exemple, appliquent à trois groupes de
sujets d’âges différents (10-11 ans, 12-13 ans et 12-19 ans) un questionnaire où
l’on indique ses préférences à partir de photographies. Ce questionnaire permet de
situer les sujets sur les dimensions de Holland (cf. chapitre 3 paragraphe 7). Dans
les trois groupes de filles, l’ordre des intérêts est : social, artistique, conventionnel,
investigateur, entreprenant, réaliste (SACIER) et dans les deux groupes de garçons
les plus âgés : réaliste, investigateur, artistique, social, entreprenant, conventionnel
(RIASEC). On note une petite variante pour le groupe des plus jeunes : RIAECS.
Ce patron se retrouve avec tous les questionnaires : intérêts sociaux-altruistes, artis-
tiques et pour le travail de bureau chez les filles, intérêts scientifiques et techniques
chez les garçons. Il correspond bien aux choix provisoires de métiers des enfants et
des adolescents. En 1992 on trouvait, et cela ne surprendra pas, une grande majorité
de garçons parmi les élèves de troisième disant vouloir devenir ingénieur (86 %)
ou mécanicien (97 %) et une grande majorité de filles parmi ceux disant vouloir
devenir instituteur (78 %) ou secrétaire (89 %) (Huteau, 1995). L’examen des
valeurs conduit à des différenciations voisines : valeurs théoriques et économiques
dominent chez les garçons, valeurs sociales et esthétiques chez les filles.
Tableau 5.2
Classement de huit activités professionnelles par des élèves de troisième
en fonction du sexe (Wach et al., 1992)
Garçons Filles
Organiser, encadrer, diriger 4,9 4,7
Étudier, rechercher, inventer 5,0 4,5
Informer, communiquer 4,0 5,0
Aider, soigner, s’occuper des autres 3,7 5,2
Fabriquer, réaliser, produire 4,6 3,5
Vendre, faire du commerce 4,0 4,0
Enseigner 3,4 4,4
Administrer, gérer 3,7 3,7
Les élèves devaient indiquer sur une échelle en sept points l’intensité de leur souhait
d’exercer les diverses activités et l’on a calculé une moyenne de ces estimations pour
chaque groupe d’activités.
noté, sont moins nombreuses que les garçons dans les filières de formation condui-
sant le plus facilement à des positions sociales prestigieuses. Malgré de réels progrès
vers une orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons plus égali-
taire, cette différenciation sexuelle est toujours très marquée. Pour l’essentiel elle ne
provient pas d’un processus de sélection qui prendrait en compte les aptitudes ou
les compétences scolaires mais d’un processus d’auto-sélection : les filles sont moins
attirées par les filières prestigieuses que les garçons et elles ne mettent pas autant
d’acharnement qu’eux à y accéder (il faut dire aussi que les parents attachent plus
d’importance à la réussite des garçons qu’à celle des filles). La moindre ambition des
filles ne trouve pas seulement son origine dans des valeurs relatives à la réussite. Elle
s’explique aussi par la sous-estimation de leurs capacités que nous avons déjà rele-
vée, par une présence, beaucoup plus grande chez elles, des projets familiaux, par un
« calcul » qui les conduit à penser qu’il n’est peut-être pas très rentable de s’investir
dans la réussite professionnelle compte tenu des difficultés d’insertion des femmes et
des contraintes de leurs rôles domestiques (Vouillot et al., 2011).
La motivation à l’accomplissement (need for achievement) est l’aspiration à
atteindre dans une compétition un but conforme à des normes d’excellence. Elle a
été étudiée systématiquement par McClelland (1961). Ainsi définie, cette motiva-
tion semble inclure l’ambition professionnelle qui vient d’être évoquée. Elle s’en
distingue surtout par son mode d’opérationnalisation qui s’inspire directement du
test projectif TAT : on présente au sujet des dessins ambigus dans lesquels figurent
des personnages auxquels il est susceptible de s’identifier et on lui demande de les
interpréter. Il obtient un score de besoin d’accomplissement d’autant plus élevé
que les évocations de la réussite sont nombreuses dans son discours. Chez les
garçons, les scores de besoin d’accomplissement corrèlent avec la réussite scolaire
ou encore avec l’effort consenti pour réussir dans une tâche, ce n’est pas le cas
chez les filles. Chez les garçons les scores d’accomplissement augmentent lorsque
la consigne oriente vers la réussite (en suggérant par exemple que les réponses
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
témoignent de l’intelligence), ce n’est pas le cas chez les filles. À partir de résultats
de ce genre, certains ont considéré que l’accomplissement concernait assez peu les
filles et les femmes. On doit cependant noter que ces résultats sont très dépendants
du mode d’observation et qu’on ne les retrouve pas lorsque le besoin d’accomplis-
sement est opérationnalisé au moyen de questionnaires.
On a souvent noté que les sujets féminins avaient moins confiance en eux que
les sujets masculins (la sous-estimation de leurs capacités scolaires témoigne de
ce manque de confiance). Mais il ne s’agit pas d’un manque de confiance en soi
généralisé. Lenney (1977) a montré que ce manque de confiance n’apparaissait que
lorsqu’une au moins des conditions suivantes était remplie :
–– la tâche doit être perçue comme une tâche plutôt masculine, c’est-à-dire
évoquer des rôles masculins ou des compétences que l’on attribue plus fréquem-
ment aux garçons. Deaux et Emswiller (1974) proposent à des enfants de décou-
370
Psychologie différentielle
vrir des éléments cachés dans des dessins. Ils utilisent deux types de dessins de
complexité équivalente : les éléments cachés peuvent être « masculins » (par
exemple une veste ou une clef à molette…) ou « féminins » (par exemple un
balai ou une casserole…). On demande à des filles et à des garçons, non pas
d’effectuer la tâche, mais d’indiquer sur une échelle bipolaire en onze points si,
pour réussir, il est préférable d’avoir de la chance ou des aptitudes. On consi-
dère que ceux qui optent pour la chance n’ont pas beaucoup confiance en leurs
capacités pour réussir cette tâche. Lorsque la tâche est « féminine », filles et
garçons procèdent aux mêmes attributions ; lorsqu’elle est « masculine » les
attributions internes sont plus fréquentes chez les garçons (figure 5.7) ;
–– le sujet doit éprouver certaines difficultés à évaluer les résultats de son action
(l’information en retour est inexistante ou ambiguë), sinon le sentiment de
confiance en soi est le même chez les filles et les garçons ;
–– les conditions d’exécution de la tâche doivent permettre une évaluation sociale
ou des comparaisons sociales, sinon, là encore, il n’y a pas de différences en
fonction du sexe.
11
Aptitude
10
Garçons
7 Filles
Chance
Masculine Féminine
Tâche
Figure 5.7
Attributions internes ou externes, en fonction du sexe, selon que la tâche est « masculine »
ou « féminine » (d’après Deaux et Emswiller, 1974)
➤➤ 1.4.3. La sociabilité
La sociabilité, tout comme l’orientation vers la réussite, n’est pas un trait simple
mais un ensemble de caractéristiques indiquant une attitude positive vis-à-vis d’au-
trui. Nous avons déjà relevé à propos des intérêts professionnels que les intérêts
371
Les différences entre groupes
sociaux des filles étaient plus marqués que ceux des garçons. En répondant à des
questionnaires de personnalité, les filles manifestent régulièrement un plus grand
besoin de contact avec autrui, elles éprouvent davantage de sympathie pour les
autres et en retour en attendent aussi davantage. L’analyse de leurs propos face à
des épreuves projectives comme le TAT va dans le même sens. Les observations
systématiques des conduites dans les conditions de la vie courante confirment ces
données : les femmes, en moyenne, ont davantage de relations avec leurs connais-
sances, s’engagent plus facilement dans des activités communes avec leurs amis et
se confient plus facilement à leurs proches.
Cette plus grande sociabilité apparaît tôt. Certes, on n’en a pas encore claire-
ment mis en évidence ses prémices chez le bébé, en utilisant des indices comme
la durée de fixation des visages ou l’intensité de la réaction à la voix humaine.
Mais on l’a nettement mise en évidence en observant les comportements des
élèves de l’école maternelle. Zazzo (1962) observe intensivement quatre filles et
quatre garçons scolarisés en grande section d’école maternelle. Chaque enfant
est observé en situation d’activité libre pendant cinq minutes, dix jours de classe
successifs, toujours à la même heure. L’observation consiste à relever la durée de
neuf comportements prédéfinis. Ces comportements sont indiqués figure 5.8. On
constate que les comportements sociaux (activité à deux ou plusieurs, langage de
communication), compte tenu de leur chevauchement (qui n’est pas représenté
figure 5.8), occupent environ 45 % du temps des filles tandis qu’ils n’occupent
qu’environ 11 % de celui des garçons. On doit cependant noter que ce type de
résultat n’est pas observé systématiquement.
On rapporte généralement une plus grande sensibilité sociale chez les filles.
Celle-ci se manifeste à la fois par une plus grande capacité à inférer les émotions
des autres à partir de leurs comportements et par une plus grande capacité à éprou-
ver ces émotions (empathie). Les filles et les femmes recherchent plus activement
l’information en provenance d’autrui : dans les échanges interpersonnels, elles se
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
placent plus fréquemment bien en face de leur interlocuteur et près de lui, elles le
regardent plus souvent et plus longuement. Elles ont une plus grande intelligence
émotionnelle.
On considère souvent que les femmes sont plus sensibles que les hommes aux
difficultés rencontrées par autrui et manifestent plus fréquemment des conduites
d’aide, et ceci d’autant plus que ceux à qui cette aide s’adresse sont jeunes. Les
réponses données aux questionnaires de personnalité semblent confirmer ce plus
grand altruisme féminin, mais il s’agit très vraisemblablement d’un biais de désirabi-
lité sociale (dans l’état actuel des mœurs les conduites d’aide sont plutôt attendues
chez les femmes) car l’observation des conduites effectives ne le fait pas apparaître.
Les résultats sont alors inconsistants et varient de façon peu prévisible en fonction
des paramètres physiques ou sociaux des situations (Eagly et Crowley, 1986). On
note cependant, ce qui n’est guère surprenant mais que l’on a tendance à oublier
372
Psychologie différentielle
lorsque l’on raisonne en termes trop généraux, que l’aide est plus fréquente de
la part des hommes lorsqu’elle suppose des conduites « masculines » (dépanner
une voiture par exemple) et de la part des femmes lorsque les conduites sollicitées
sont « féminines » (par exemple calmer un enfant). Lorsqu’il y a comportement
d’aide, les manifestations affectives qui l’accompagnent sont plus marquées chez
les femmes ce qui est vraisemblablement une conséquence de leurs plus grandes
capacités empathiques.
FILLES GARÇONS
20'
10'
10'
20'
30'
40'
0'
Agitation
31" 5' 5"
sur place
Aucune activité
17" 1' 9"
apparente
Activité
20' 5" 33' 35"
solitaire
Activité à deux
21' 25" 1' 34"
ou plusieurs
Langage de
15' 20" 4' 25"
communication
Contacts
40" 40"
physiques
Recours à
5" 10"
l'institutrice
La somme des durées n’est pas égale à 50 minutes car certains comportements se chevauchent ; chez les
filles, par exemple, sur les 15 minutes 20 de langage de communication, 13 minutes 35 se superposent à
l’activité à deux ou plusieurs, d’où un temps total de coopération de 23 minutes 10.
Figure 5.8
Durée moyenne de divers types de comportements en situation d’activité libre chez
des enfants d’école maternelle (Zazzo, 1962)
➤➤ 1.4.4. L’agressivité
De tous les traits de personnalité, l’agressivité est celui qui distingue le plus systé-
matiquement les filles et les garçons, les hommes et les femmes. Les sujets mascu-
lins sont plus agressifs que les sujets féminins (Maccoby et Jacklin, 1974 ; Frodi
373
Les différences entre groupes
40 Garçons
Pourcentage d’enfants
Filles
30
20
10
–5 0 5 10 15
Scores d’agressions physiques
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Figure 5.9
Distribution des scores d’agression physique chez les enfants et les adolescents
en fonction du sexe (d’après Crick et al., 1998)
60
50
40
30
20
10
0
M M Ob Ob
Sur le premier histogramme sont indiquées les fréquences des actes agressifs initiés par les filles et les
garçons (total = 100). Sur les histogrammes suivants sont indiquées les fréquences des actes agressifs initiés
par des garçons vers des garçons, par des filles vers des filles, par des garçons vers des filles, par des filles vers
des garçons, des garçons contre le maître, des filles contre le maître, des garçons contre des objets et des
filles contre des objets.
Figure 5.10
Fréquences des comportements agressifs chez les filles et les garçons
(Brindley et al., 1973, in Hoyenga et Hoyenga, 1979)
de la séduction. On observe néanmoins que les hommes, plus agressifs, sont aussi
plus dominants. Il en va de même avec le leadership qui est aussi plus fréquent
chez les hommes. Mais dans ces domaines, plutôt que de s’intéresser aux différences
quantitatives entre les hommes et les femmes, il est préférable de s’interroger sur
d’éventuelles différences qualitatives. Prenons l’exemple du leadership. Existe-t-il
des styles différents de leadership qui seraient plus fréquents chez les hommes ou
chez les femmes ? Le leadership consiste à mobiliser les efforts d’un groupe afin
d’accomplir une tâche. Compte tenu de ce que l’on sait de l’orientation vers la réus-
site des hommes et de l’orientation vers les personnes des femmes on a pensé que
les leaders hommes devaient plutôt être orientés vers la tâche et les leaders femmes
plutôt orientées vers les relations interpersonnelles. On observe effectivement cela
lorsque le rôle de leader est simulé (situations expérimentales) ou lorsque les sujets
sont caractérisés comme leaders sans avoir eu de pratiques de leadership (situations
d’évaluation). Mais ceci ne se retrouve pas lorsque l’on compare de vrais leaders
au travail dans des organisations. Par contre, dans les trois types de situations, on
observe une différence sensible entre les hommes et les femmes (d de l’ordre de
0,20-0,25) : le leadership des hommes est plutôt autocratique et directif, celui des
femmes est plutôt démocratique et participatif (Eagly et Johnson, 1990).
➤➤ 1.4.5. Psychopathologie
Les hommes et les femmes ne développent pas les mêmes pathologies mentales.
Dans une enquête épidémiologique réalisée aux États-Unis, on a demandé à vingt
mille personnes âgées de plus de 18 ans d’indiquer les troubles dont ils avaient
souffert lors des douze derniers mois. Leurs réponses ont été analysées à partir d’une
définition assez large du trouble mental puisqu’un sujet sur cinq a été considéré
affecté. Cette enquête nous apprend deux choses :
–– le taux de morbidité psychiatrique est le même pour les hommes et pour les
femmes ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
–– les hommes et les femmes ne souffrent pas des mêmes troubles dans les mêmes
proportions (tableau 5.3).
Tableau 5.3
Prévalence des troubles psychiatriques spécifiques chez l’adulte (douze derniers mois)
par sexe (Fombonne, 1995)
L’équipement génétique
Lorsqu’on envisage une origine génétique aux différences intersexes, on pense
tout de suite à des gènes qui seraient localisés sur les chromosomes sexuels, XX
chez la femme et XY chez l’homme. On connaît l’origine génétique de certaines
différences entre les hommes et les femmes. Le daltonisme, par exemple, est plus
fréquent chez les hommes car il est déterminé par un gène récessif porté par le
chromosome X. Pour que le daltonisme se manifeste chez les hommes, il suffit
que leur chromosome X porte le gène récessif en question. Chez les femmes, par
contre, le daltonisme suppose la présence du gène récessif sur chaque chromo-
some. La fréquence du daltonisme est donc égale chez les hommes à la fréquence
du gène dans la population tandis que chez les femmes elle est égale au carré de
cette fréquence. On a pensé qu’il pourrait en aller de l’aptitude spatiale comme
du daltonisme (à cette différence près que l’aptitude spatiale est un caractère
continu). Si une telle hypothèse est exacte, les ressemblances intra-familiales, pour
l’aptitude spatiale, ne devraient pas se distribuer au hasard : les sœurs devraient
se ressembler davantage que les frères, les garçons devraient ressembler plus à leur
377
Les différences entre groupes
mère qu’à leur père et les filles ressembler plus à leur père qu’à leur mère. En effet,
toutes les filles recevant nécessairement le même chromosome X du père doivent
se ressembler davantage entre elles que les garçons qui, eux, peuvent recevoir l’un
ou l’autre des chromosomes X de la mère. Les garçons ne peuvent recevoir leur
chromosome X que de leur mère. Les filles ont nécessairement un chromosome
X en provenance de leur père. Or, on n’observe généralement pas un tel patron
de corrélations intra-familiales (Vandenberg et Kuse, 1979). L’hypothèse d’une
détermination de l’aptitude spatiale par un gène récessif situé sur le chromosome
X doit donc être rejetée.
Le fonctionnement cérébral
On a également pensé que certaines différences cognitives entre hommes et
femmes pouvaient peut-être s’expliquer par des différences d’organisation céré-
brale, et notamment des différences quant à la spécialisation hémisphérique. On
sait que l’hémisphère gauche est le plus sollicité pour le traitement de l’infor-
mation symbolique (lettres, chiffres…) et l’hémisphère droit pour le traitement
des formes (mélodies, visages…). On a donc pensé que la supériorité des femmes
pour les activités langagières pouvait s’expliquer par un hémisphère gauche plus
performant et celle des hommes dans le domaine spatial par un hémisphère droit
plus performant. Quelques données sur l’effet des lésions cérébrales et les premiers
travaux d’écoute dichotique (les mots présentés à l’oreille droite, donc prioritaire-
ment traités par l’hémisphère gauche, étaient mieux mémorisés chez les femmes)
semblaient valider cette hypothèse.
Mais cette spécialisation hémisphérique peut être plus ou moins marquée et
elle a semblé l’être davantage chez les hommes que chez les femmes. Trois types
d’arguments plaidaient en faveur de cette différence de spécialisation hémisphé-
rique. Lorsque l’on compare, pour un même type d’information, l’efficacité des
traitements opérés par chaque hémisphère, l’écart entre les hémisphères est plus
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
marqué chez les hommes. Dans le paradigme de l’écoute dichotique, par exemple,
les chiffres sont mieux mémorisés lorsqu’ils sont présentés à l’oreille droite (car
traités par l’hémisphère gauche, comme les mots). La différence de mémorisa-
tion entre les deux oreilles peut être considérée comme un indice de spécialisa-
tion hémisphérique. Elle paraît être plus forte chez les hommes. En accord avec
cette hypothèse il semblait que le corps calleux (faisceau de fibres reliant les deux
hémisphères) était plus développé chez les femmes, ce qui s’est avéré inexact. Le
second argument provient de l’observation directe du fonctionnement cérébral.
Pour certaines tâches, on observerait une activation dans un seul hémisphère chez
les hommes et dans les deux hémisphères chez les femmes. Le troisième argument
est d’ordre neuropsychologique : les déficits du langage articulé occasionnés par
des lésions de l’hémisphère gauche et les déficits spatiaux occasionnés par les
lésions de l’hémisphère droit sont plus marqués chez les hommes. Ces différences
378
Psychologie différentielle
Les hormones
Les ovaires produisent des hormones œstrogènes (œstradiol notamment) qui
contribuent au développement des organes sexuels féminins et à la régulation du
métabolisme (ils produisent aussi des hormones progestagènes qui jouent un rôle
à certains moments du cycle menstruel et aux diverses étapes de la gestation).
Les testicules et les glandes surrénales produisent des hormones androgènes
(testostérone notamment) qui contribuent à la différenciation des caractères
sexuels primaires et secondaires et, également, à la régulation du métabolisme.
La différenciation sexuelle en matière hormonale se manifeste à deux moments
du développement. Dès le début de la gestation, les taux de testostérone sont
plus élevés chez les garçons et les taux d’œstradiol plus élevés chez les filles.
Ces différences s’estompent après la naissance pour réapparaître, plus fortes à la
puberté (avec une mini-puberté chez le nourrisson). Avant la puberté, le rapport
hormones œstrogènes/testostérone est environ 5 % chez les filles et les garçons,
après la puberté il passe à 30 % environ chez les filles et à 1 % environ chez les
garçons.
On a tenté d’expliquer les différences d’aptitudes spatiales et verbales des
hommes et des femmes à partir de ces différences hormonales, soit pendant la
période prénatale, soit après la puberté.
Mais c’est surtout à propos des différences d’agressivité que le rôle des hormones
est évoqué. Quatre séries de faits, dont Maccoby et Jacklin (1974) ont donné une
présentation systématique, plaident en faveur d’une prédisposition biologique à
l’agressivité :
–– les différences individuelles apparaissent précocement, avant semble-t-il que
des pratiques éducatives différenciées aient pu avoir un effet ;
–– la plus grande agressivité des hommes se manifeste dans toutes les cultures ;
–– on observe également une plus grande agressivité des mâles chez les primates
non humains ;
–– il y aurait un lien direct entre la testostérone et l’agressivité. Ceci est suggéré
à la fois par des données pathologiques et par des données expérimentales.
379
Les différences entre groupes
Les garçons dont les mères ont été traitées pendant leur grossesse par de
la progestérone ou par une association œstrogène-progestérone sont peu
agressifs (mais ce traitement a aussi des effets somatiques qui induisent des
comportements parentaux particuliers). Bien que les résultats observés soient
loin d’être concordants, il semble que les injections de testostérone augmen-
tent l’agressivité (mais il ne semble pas y avoir de corrélation entre les taux
« naturels » de testostérone et les tendances agressives). Ces arguments en
faveur d’une prédisposition biologique des garçons et des hommes à l’agres-
sivité ne sont pas admis par tout le monde (cf. par exemple, Tieger, 1980).
On a aussi avancé l’idée que ce ne serait pas l’agressivité en elle-même qui
serait partiellement déterminée par la testostérone, mais plutôt la sensibilité
à la frustration ou à la menace ou des attitudes soupçonneuses ou anxieuses
(Karli, 1987).
Hommes Femmes
• agressif • ne parle pas grossièrement
• indépendant • parle facilement
• froid • a du tact
• dissimule ses émotions • agréable
• objectif • comprend les sentiments éprouvés par
• dominant autrui
• aime les mathématiques et les sciences • religieuse
• actif • tranquille
• compétitif • a besoin de sécurité
• apprécie les arts et la littérature
Dans ces stéréotypes, les femmes apparaissent orientées vers les personnes
et les hommes orientés vers les choses et la réussite ; les femmes s’expriment
tandis que les hommes agissent. Il y a une certaine parenté entre ces représen-
tations stéréotypées des sexes et les différences effectivement observées. Notons
cependant que les différences de stéréotypes sont beaucoup plus grandes que les
différences réelles qui sont faibles et surtout beaucoup plus globales et beaucoup
plus générales que ces différences réelles qui ne se manifestent que sous certaines
conditions.
On voit bien comment ces stéréotypes peuvent induire des conduites diffé-
rentes chez les filles et les garçons. Si les parents pensent que les garçons sont plus
intéressés par les mathématiques et davantage prédisposés à y réussir, ils encoura-
geront plus fréquemment chez eux les activités en rapport avec les mathématiques
(les jeux logiques par exemple), ils seront plus attentifs et sensibles à leur réussite,
l’encourageront davantage. Ces différences de comportement parental auront pour
conséquences un plus grand intérêt pour les mathématiques chez les garçons et, à
terme et en moyenne, une meilleure réussite. Ce phénomène sera renforcé si les
professeurs de mathématiques sont des hommes et si l’on insiste sur le fait que les
grands mathématiciens ont été des hommes.
Le processus de différenciation selon le sexe est à l’œuvre précocement. Dès
que les parents connaissent le sexe de l’enfant, ils imaginent ce qu’il sera et ce
qu’ils feront quand il sera là. Au moment de la naissance le même bébé n’est pas
perçu de la même manière s’il est présenté comme une fille ou comme un garçon :
les désignés comme garçons sont plus fréquemment décrits comme forts avec des
traits marqués et les désignés comme filles comme douces avec des traits très fins.
Plus tard l’enfant sera encouragé à des activités sexuellement typées, plutôt des
jeux calmes chez les filles, plutôt des activités physiques chez les garçons et on
ne lui offrira pas les mêmes jouets (encadré 5.4). Au fur et fur et à mesure qu’il
prend conscience du monde environnant, l’enfant s’aperçoit que les rôles sont
sexués. Dès 2-3 ans, il sait qu’il y a des activités masculines et féminines : quand
on lui demande de classer des images représentant des activités dans les catégories
381
Les différences entre groupes
Les jouets
C’est à partir de l’âge de 2-3 ans que la majorité des parents tiennent compte
du sexe de leur enfant quand ils lui offrent un jouet. Certes, il existe des jouets
« sexuellement neutres » (peluches, jeux de construction, jeux éducatifs, jeux
de société…), mais beaucoup de jouets sont sexués et correspondent aux
stéréotypes du masculin et du féminin (armes, soldats, jeux de combat pour
les garçons…, poupées, dînette, maquillage, bijoux… pour les filles). C’est par
l’intermédiaire des jouets et des jeux que se développent les intérêts et que
certains rôles sont appris. Si on tolère assez bien que les petites filles jouent
avec des jouets de garçons, l’inverse n’est pas vrai. Pratiquement les garçons
n’ont pas le droit de jouer avec des poupées ou des ustensiles ménagers.
Les conduites des parents sont renforcées, quand ce n’est pas suscitées, par
l’offre qui leur est faite. Une analyse des catalogues de jouets des grandes
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
enseignes a montré que plus du tiers des jouets étaient présentés dans des
catégories explicitement sexuées : jouets pour filles, jouets pour garçons. Dans
les photographies illustrant les catalogues on voit une fille ou un garçon seul
dans plus de 80 % des cas et des groupes mixtes dans seulement 15 % des cas
environ.
(www.enfanceetcultures.culture.gouv.fr/actes/zegai.pdf Paris, 2010.)
Les manuels scolaires
La HALDE (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité),
dans un de ses rapports de 2008, concluait : « Les manuels toutes disciplines
et tous niveaux confondus sont très majoritairement ségrégationnistes dans
la mesure où ils proposent une vision extrêmement sexuée des rôles et des
espaces affectés à chacun des sexes. Les femmes sont très rarement représen-
tées dans des contextes qui ne tiennent pas compte de leur appartenance au
☞
382
Psychologie différentielle
☞
“groupe des femmes”. Femmes et hommes apparaissent dans des contextes
stéréotypés traditionnels, qu’il s’agisse de la sphère domestique, profession-
nelle ou publique. Rares sont les documents qui tendent vers une vision intégra-
tionniste de la femme, autrement dit où les femmes seraient montrées comme
évoluant de la même manière au sein de toutes les sphères sociales. Les contre-
stéréotypes de type “Papa coud et maman lit”, autrement dit les représentations
de la diversité des modes de vie “négociés” aujourd’hui au sein des couples,
sont absents de ces manuels. »
Une illustration : dans les manuels de CP les petites filles jouent à la corde, font
du vélo, se déguisent en reine, cuisinent, poussent un landau et effectuent des
tâches domestiques. Les garçons bricolent, font de la course à ski, de la moto,
jouent au football… et ne sont pas sages à l’école. Les pères, rarement présents,
apparaissent parfois en situation héroïque ou sportive. Les mères prennent
charge en l’essentiel des travaux domestiques et leur vie professionnelle est
rarement évoquée.
(www.adequations.org/spip.php?article1247.)
Les différences entre les pratiques de socialisation des filles et des garçons
ne doivent cependant pas être surestimées (sinon on ne comprendrait plus très
bien pourquoi filles et garçons diffèrent si peu !). Dans une synthèse portant
sur…172 études, Lytton et Romney (1991) distinguent huit types de pratiques
éducatives (tableau 5.4) et évaluent au moyen de l’indice d (présenté ci-dessus
paragraphe 1.2.1) la différence de fréquence de ces pratiques selon que l’enfant
est un garçon ou une fille. Ces auteurs ont jugé utiles de distinguer les études réali-
sées en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) et celles réalisées dans d’autres
pays occidentaux. Convenons de considérer comme négligeables les différences
pour lesquelles d est inférieur à 0,10. En Amérique deux pratiques seulement sont
différentes pour les filles et les garçons : les parents encouragent davantage la
dépendance chez les filles et surtout ils encouragent bien plus chez les garçons les
activités correspondant à leur sexe (ils incitent par exemple plus fortement les
garçons à jouer avec des jouets de garçons qu’ils n’incitent les filles à jouer avec
des jouets de filles). Dans les autres pays occidentaux les parents encouragent
également davantage la dépendance chez les filles, ils interagissent plus avec elles
et leur manifestent davantage d’affection. Lorsque l’on procède à des descriptions
plus fines des pratiques éducatives, d’autres différences apparaissent (d > 0,10).
En Amérique, les parents stimulent davantage la motricité des garçons, exigent
d’eux davantage de discipline ; ils découragent plus souvent l’agressivité des filles
et les récompensent plus fréquemment. Dans les autres pays occidentaux, les
parents punissent physiquement plus souvent les garçons (d = 0,37). Les diffé-
rences entre l’Amérique du Nord et les autres pays occidentaux proviennent vrai-
semblablement d’une sur-représentation relative des classes moyennes dans les
échantillons américains. C’est dans les classes moyennes que les différences dans
383
Les différences entre groupes
l’éducation des filles et des garçons sont les plus faibles. Si l’on examine séparé-
ment les pères et les mères, on constate que les pères ont des attitudes nettement
plus différenciées en fonction du sexe de l’enfant que les mères. Certains résultats
attendus n’ont pas été observés : les filles et les garçons ne sont pas traités plus
différemment lorsque l’âge augmente, ce serait plutôt le contraire ; la différen-
ciation des pratiques éducatives est la même que l’on recueille le témoignage des
parents ou que l’on observe leur comportement (alors que, pour des raisons de
désirabilité sociale, on pouvait penser qu’elle serait plus forte avec les observa-
tions de comportement) ; cette différenciation n’est pas plus marquée dans les
études anciennes. Finalement il existe bien des différences dans la socialisation
des filles et des garçons mais elles sont loin d’être systématiques et elles sont assez
faibles. Mais de petites différences dans les comportements éducatifs peuvent très
bien, dans la mesure où ces comportements se répètent tout au long de l’enfance
et de l’adolescence, induire des différences réelles dans les caractéristiques des
filles et des garçons, différences qui, rappelons-le une nouvelle fois, sont faibles
également.
Tableau 5.4
Différences entre les pratiques éducatives parentales (pratiques du père
et de la mère combinées) vis-à-vis des filles et des garçons, en Amérique du Nord
et dans d’autres pays occidentaux (pour ces pays, trois résultats sont manquants
par insuffisance des données) (d’après Lytton et Romney, 1991)
Amérique Autres
du Nord pays occidentaux
Quantité d’interaction – 0,03 (74) – 0,25 (5)
Encouragement à la réussite 0,02 (22) –
Chaleur affective – 0,07 (63) – 0,22 (8)
Encouragement à la dépendance – 0,10 (16) – 0,14 (4)
Contrôle 0,08 (40) – 0,03 (10)
Discipline 0,08 (53) 0,09 (13)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Les différences sont mesurées par l’écart entre les moyennes rapporté à l’écart type (d). Les différences
positives indiquent que les garçons ont des scores plus élevés que les filles pour la pratique considérée. On
a indiqué entre parenthèses le nombre d’études à partir desquelles d a été calculé.
Ils ont appliqué un test de connaissances à des étudiants noirs et à des étudiants
blancs dans deux conditions. Dans une condition (condition diagnostic), le test
était présenté comme permettant de révéler les aptitudes intellectuelles ; dans
l’autre condition (condition non diagnostic), on disait simplement que l’épreuve
était destinée à étudier les mécanismes de la résolution de problèmes. Dans cette
seconde condition, il n’y a pas de différences entre les Noirs et les Blancs. Par
contre, dans la situation diagnostic, il y a une différence significative : les Noirs
réussissent nettement moins bien que dans la condition non diagnostic.
Pour expliquer cet effet on pourrait considérer que les Noirs ont intégré le
stéréotype, ce qui les aurait conduits à développer un sentiment d’infériorité et à
ne pas se mobiliser dans la tâche à laquelle le stéréotype s’applique. Ce n’est pas
l’interprétation que retient Steele (1997), notamment parce qu’elle ne permet pas
de comprendre l’effet du stéréotype sur des étudiants noirs de haut niveau. Il consi-
dère que l’activation du stéréotype renforce la pression évaluative sur les individus
concernés qui seraient inquiets de confirmer le stéréotype et du coup verraient leur
performance diminuer. Ce phénomène est « la menace du stéréotype » (Désert
et al., 2002). Paradoxalement, ce serait les individus les plus impliqués dans la
tâche, donc des individus généralement les plus compétents, qui seraient le plus
sensibles à la menace du stéréotype. C’est pour eux, en effet, que la crainte d’être
jugé en fonction du stéréotype est la plus forte. Cette crainte peut les conduire à
se désinvestir du domaine considéré. En d’autres termes, la compétence dans ce
domaine cessera d’être un attribut de leur concept de soi. La menace du stéréotype
est aussi plus forte lorsque les sujets s’identifient fortement au groupe visé par le
stéréotype. On conçoit que si la tâche ne conduit pas à un jugement (condition
non diagnostic), il n’y a plus de menace du stéréotype. Ayant pour origine le juge-
ment d’autrui la menace du stéréotype persiste même si le sujet pense que le stéréo-
type est erroné ou ne s’applique pas à lui. Pour Steele ce phénomène ne concerne
pas seulement les Afro-Américains mais tout groupe qui est l’objet d’un stéréotype
négatif, c’est-à-dire, généralement, tout groupe qui est dominé.
L’effet de la menace du stéréotype a été étudié dans la comparaison de groupes
divers (nous verrons prochainement qu’elle concerne aussi les groupes définis par
le statut social) et avec des procédures variées. Une attention spéciale a été portée
aux différences selon le sexe quant aux performances en mathématiques. Parmi
les éléments du stéréotype féminin, on rencontre en bonne place « pas bon en
mathématiques ». Bien que ceci mérite d’être nuancé, nous avons vu que les filles
sont un peu moins performantes en mathématiques que les garçons et que cela est
un des facteurs qui a, dans une certaine mesure, des conséquences sur leur orien-
tation scolaire et professionnelle et conduit à une sous-représentation des femmes
dans toute une série de professions. Les travaux réalisés, dont on présentera deux
exemples montrent bien la réalité de cette menace du stéréotype sur l’efficience
des filles.
385
Les différences entre groupes
35
30
25 Hommes
Performance
20 Femmes
15
10
0
Pas de Différences
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Figure 5.11
Performances des hommes et des femmes à une épreuve de mathématiques selon la consigne
(d’après Spencer et al., 1999)
Dans une étude réalisée en France, Huguet et Régner (2007) ont montré
que cet effet du stéréotype ne se manifestait pas seulement en laboratoire mais
aussi dans les conditions quasi habituelles d’une salle de classe. Les sujets sont
des collégiens et des collégiennes âgées de 11 à 13 ans. On constitue des groupes
de même sexe et des groupes mixtes. La tâche est une tâche de mémorisation. On
présente pendant une durée limitée une figure géométrique complexe (la figure
de Rey-Osterrieth, fréquemment utilisée dans le cadre de l’examen psychologique
386
Psychologie différentielle
28
27
26
Performance du rappel
(max = 44 pts)
25
24 Garçons
Filles
23
22
21
20
Géometrie Dessin Géometrie Dessin
Groupes mixtes Groupes de même sexe
Figure 5.12
Scores moyens de rappel en fonction du sexe, de la présentation de la tâche et du caractère
mixte ou non mixte des groupes (d’après Huguet et Régner, 2007)
permettre de comprendre pourquoi les femmes sont plus à l’aise que les hommes
dans la gestion de l’affectivité, on voit alors apparaître une différence d’efficience
en faveur des femmes.
Ces expériences suggèrent que les différences d’efficience cognitive habi-
tuellement observées entre filles et garçons et entre femmes et hommes sont des
différences de performances qui ne reflètent pas nécessairement les différences de
compétence entre les unes et les autres.
Voir l’exercice 2 pour un autre exemple de l’effet des facteurs de situation sur
la différence inter-sexes.
contexte » (1994, p. 20). On peut aussi ajouter que la sélection naturelle a doté
les hommes d’une aptitude à apprendre.
Problèmes et critiques. La psychologie évolutionniste fournit un cadre cohé-
rent qui intègre les apports de plusieurs disciplines : la génétique (ses postulats
supposent en effet que la variabilité interindividuelle sur laquelle opère la sélec-
tion a une base génétique), l’éthologie (les conséquences de la sélection sexuelle
sont plus marquées chez les animaux et il est probable qu’il y a des ressemblances
entre le comportement de nos ancêtres et celui des grands primates non humains),
l’ethnologie (bien qu’ils puissent être très sophistiqués, les comportements dans les
sociétés de chasseurs-cueilleurs sont sans doute plus proches des comportements
primitifs que ceux que l’on peut observer dans les sociétés contemporaines).
Si la théorie évolutionniste est manifestement une source d’hypothèses, elle
risque de fournir des pseudo-explications tant que ces hypothèses n’ont pas été
éprouvées. Il est en effet facile, avec un peu d’imagination, de voir dans nos
conduites actuelles les vestiges d’adaptations antérieures. Aussi, les considérations
de la psychologie évolutionniste ne sont pas toujours très convaincantes. S’il a pu
être utile à la survie de l’espèce, dans le passé, que des mères se privent de nourri-
ture au profit de leurs enfants, faut-il voir là pour autant un des facteurs de l’ano-
rexie, effectivement bien plus fréquente chez les femmes que chez les hommes ?
Ce « raté de l’altruisme alimentaire » n’est d’ailleurs pas le seul facteur qui a été
invoqué dans la perspective évolutionniste.
L’innéisme des modules postulés par la psychologie évolutionniste (on a estimé
qu’il y en aurait jusqu’à 2 000), bien qu’il ne corresponde qu’à de simples prédis-
positions, a été fortement contesté. Il n’est pas en accord avec l’idée d’un cerveau
inachevé, plastique, modelable sous l’effet des apprentissages.
On a également souligné la faiblesse des arguments historiques sur lesquels
s’appuie la psychologie évolutionniste. On ne connaît pas grand-chose sur le mode
de vie de nos ancêtres qui vivaient il y a plus d’un million d’années. Il semble
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
que c’était des charognards qui n’avaient pas les moyens de chasser le gros gibier.
Assimiler leur conduite à celle des descendants de leurs cousins d’alors, les grands
singes d’aujourd’hui est risqué. On connaît mieux le mode de vie des chasseurs –
cueilleurs à partir des observations faites dans quelques sociétés traditionnelles. Il
ne correspond pas toujours à ce qu’en dit la psychologie évolutionniste.
La psychologie évolutionniste, dans ses propositions relatives aux différences
entre les sexes, on le voit, pose de nombreux et sérieux problèmes. Mais les critiques
les plus vives qui lui ont été adressées sont de nature idéologique, Nous avons noté
dans le chapitre consacré à l’origine des différences individuelles (chapitre 4, para-
graphe 2.6) que la question des influences respectives de l’hérédité et du milieu
donnait lieu à d’âpres polémiques idéologiques où l’on voit s’opposer des concep-
tions de l’homme et de la société bien davantage que des théories scientifiques.
On retrouve le même type de débat à propos de l’origine des différences entre
392
Psychologie différentielle
les sexes. Aux partisans du tout culturel pour qui toutes les différences entre les
hommes et les femmes, à l’exception toutefois de la différence des organes géni-
taux, proviennent de conditionnements sociaux s’opposent les partisans du tout
génétique pour qui ces différences sont naturelles. Certes, on rencontre des points
de vue plus nuancés mais il est rare que l’argumentation (malgré quelques clauses
de style) ne penche pas fortement d’un côté ou de l’autre. Dans le contexte de la
psychologie évolutionniste le débat porte sur la continuité de l’évolution. Ceux qui
insistent sur le déterminisme biologique plaident pour la continuité entre l’homme
et l’animal et ceux qui attribuent à la culture un rôle exclusif plaident pour une
discontinuité radicale. À l’appui de la thèse de la continuité les travaux des prima-
tologues ont montré depuis quelques décennies que les caractères que l’on croyait
propre à l’espèce humaine se rencontraient chez les chimpanzés. Sans contester
cela les partisans de la discontinuité soulignent que l’écart entre les hommes et les
singes demeure considérable (certes, il y a une culture chez les chimpanzés, mais
pas de bibliothèques).
Ces prises de position peuvent avoir des conséquences politiques. Les parti-
sans du primat des facteurs héréditaires, par exemple, seront moins enclins que
les partisans du primat des facteurs culturels à soutenir des politiques visant
à établir une stricte parité entre les hommes et les femmes dans les diverses
professions. Dans ces polémiques la psychologie évolutionniste a été accusée
d’être une « science sexiste » véhiculant une idéologie conservatrice contri-
buant indirectement à justifier la domination masculine et les discriminations
dont les femmes sont l’objet.
Si l’on veut rester aussi près que possible des faits observés (ceux qui
concernent la précocité de l’apparition des différences par exemple), il paraît
possible qu’un certain nombre de différences observées aient une base biolo-
gique en rapport avec le passé de l’espèce. Mais cela ne signifie pas que ces diffé-
rences sont importantes (nous avons vu que beaucoup d’entre elles ne l’étaient
pas), ni qu’elles sont des inégalités, ni bien sûr qu’elles sont immuables puisque
l’effet des facteurs culturels est manifeste, et moins encore que les phénomènes
bien réels de discrimination soient justifiés (voir Pinker, 2002).
Dans toutes les cultures il y a une inégalité entre les hommes et les femmes et
partout le masculin est valorisé, jugé supérieur au féminin. Pour l’anthropo-
logue Françoise Héritier (2010) il faut remonter aux origines de l’humanité
pour comprendre cette domination masculine.
« J’explique que la curiosité, l’appétit de la réflexion et le souci de donner du
sens au monde ont conduit les humains à construire un modèle interprétatif
reliant entre eux des aspects du réel sur lesquels ils n’avaient pas de prise
☞
393
Les différences entre groupes
☞
et qu’il leur fallait considérer à la fois séparément et tous en bloc : l’exis-
tence de deux aspects sexués visibles dans le monde du vivant, le fait que
les femelles donnent naissance aux enfants de leur sexe mais aussi aux
enfants de l’autre sexe, reproduisant ainsi le même et le différent, le fait qu’il
faut des rapports sexuels préalables pour qu’il y ait un enfant, le fait que le
sang, support de la vie, est chaud et ne sort normalement du corps que par
effraction, etc. Au vu de tous ces faits, ce modèle interprétatif exclut l’idée
d’une puissance intime des femmes et réduit leur ventre à un lieu d’héber-
gement ou à un terreau pour un produit dont la fabrication hétérosexuée ne
dépend pas d’elles. Perdant leur sang sans pouvoir contrôler cette perte, elles
obéissent ainsi à des forces qui les dépassent et qui relèvent de la nature, là
où le fécondateur témoigne de sa volonté d’intervention sur cette dernière »
(p. 25-26).
« Les femmes ont été tenues pour le bien le plus nécessaires à la survie des
groupes, car, sans reproductrices, il n’y a plus d’avenir. Mais compte tenu
du temps nécessaire à la fabrication in utero, au nourrissage au sein (qui est
encore de deux à trois ans dans les sociétés traditionnelles), du temps néces-
saire à l’apprentissage à l’autonomie physique de l’enfant, deux conclusions se
sont également imposées : il fallait non seulement que les mâles fécondateurs
s’approprient les femmes pour ne pas voir le fruit convoité (un semblable, un
fils) leur échapper au profit d’un autre, mais il fallait, de plus, confiner les
femmes dans cette tâche. Puisqu’elles font des enfants des deux sexes, elles
doivent essentiellement servir à cela, être maintenues dans cette tâche et ses
entours nourriciers » (p. 45-46).
« Aux fondements de la société, les anthropologues, à la suite de Edward B.
Tylor et de Claude Lévi-Strauss, placent un ensemble de traits qui supposent
tous, dès l’origine, la mainmise des hommes sur les femmes de leurs groupes et
sur les épouses qu’ils vont obtenir en les échangeant contre les sœurs et les filles
d’autres hommes appartenant à d’autres groupes. Ce sont : la prohibition de
l’inceste qui est partout présente comme le fait d’hommes qui s’interdisent l’accès
sexuel à leurs filles et à leurs sœurs pour pouvoir les échanger contre les filles
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
soi et de ces comportements. Les garçons peuvent se décrire comme plus ou moins
masculins et les filles comme plus ou moins féminines ; on peut rencontrer des
garçons plutôt féminins et des filles plutôt masculines. Il existe des questionnaires
permettant de situer les individus sur une échelle de masculinité-féminité. Les
principes de construction de ces questionnaires sont empiriques (comme c’était le
cas pour les questionnaires MMPI et Strong, voir chapitre 3 paragraphes 2.2.2 et
7.1). Pour chaque item, le sujet est en présence de deux propositions (par exemple
des descripteurs de sa conduite) et il doit en choisir une. Une des propositions
témoigne plutôt de la masculinité, parce qu’elle est choisie plus fréquemment par
les garçons ou les hommes, l’autre de la féminité. En sommant les scores d’item,
on obtient un score d’échelle qui indique le degré de masculinité (ou de féminité)
des sujets. Ce mode de construction des échelles conduit à des dimensions non
homogènes dont on postule la bipolarité.
(Voir l’exercice 2 où l’on présente une expérience dans laquelle les sujets, des
filles et des garçons, n’ont pas été caractérisés par leur sexe mais par leur degré de
masculinité.)
Une approche voisine, due à Sandra Bem (1986), consiste à caractériser les
sujets, tant les hommes que les femmes, par leur degré d’androgynie, c’est-à-dire
leur degré d’indifférenciation sexuelle. Bem demande à ses sujets de se décrire en
choisissant des attributs dans une liste qui comporte à la fois des attributs masculins
et féminins (d’après les représentations stéréotypées traditionnelles). Exemples de
traits « masculins » : qui a confiance en soi, indépendant, qui a l’esprit d’ana-
lyse, qui sait diriger, qui a l’esprit de compétition, énergique… Exemples de traits
« féminins » : conciliant, joyeux, bienveillant, qui parle avec douceur, compatis-
sant, naïf… (Ces exemples sont tirés d’une adaptation du questionnaire de Bem
par Cendrine Marro, 2002.)
Les sujets qui se décrivent surtout avec les items masculins et peu avec les items
féminins sont dits « masculins ». Symétriquement, on a des sujets « féminins ».
Certains sujets se décrivent à la fois avec des traits masculins et des traits féminins,
ce sont les « androgynes ». Enfin, on a aussi des sujets qui ne se reconnaissent ni
dans les items masculins, ni dans les items féminins, ils sont « indifférenciés ». Les
dimensions « masculin » et « féminin » sont indépendantes.
On a montré que l’androgynie, tant chez les hommes que chez les femmes, était
associée à de meilleures capacités d’adaptation sociale. Les sujets androgynes mani-
festent moins fréquemment des troubles mentaux, ont plus de relations sociales,
sont plus tolérants quant à l’orientation sexuelle.
En résumé, les différences entre les sexes sont faibles. Elles peuvent être annu-
lées par des facteurs culturels ou contextuels. Il est possible qu’elles aient une base
génétique mais la socialisation différentielle des filles et des garçons suffit à en
rendre compte.
395
Les différences entre groupes
Pour les enquêtes PISA, décrites à propos des différences inter-sexes (voir
ci-dessus paragraphe 1.3) et que nous citerons à nouveau prochainement, on a
construit un « indice PISA de statut économique, social et culturel ». Il est dérivé
des trois indices suivants qu’il combine :
–– statut professionnel le plus élevé des parents ;
–– niveau de formation le plus élevé des parents converti en années d’études ;
–– patrimoine familial qui englobe lui-même plusieurs indices. Voici quelques
exemples des items qui les composent : l’élève dispose-t-il d’une chambre
personnelle ? d’un endroit calme pour travailler ? d’un ordinateur ? de logi-
ciels éducatifs ? de livres utiles pour le travail scolaire ? de dictionnaires ? d’une
connexion à internet ? d’un lecteur de DVD ? quelle est l’importance de la
bibliothèque familiale ?…
On peut aussi définir le niveau social en combinant des observations portant
sur plusieurs membres de la famille. Marie-Claude Hurtig et Bianka Zazzo (1969)
caractérisent chaque enfant par une « cote sociale », combinaison des niveaux
professionnel et culturel du père et de la mère, corrigée pour tenir compte des
niveaux professionnel et culturel des grands-parents.
Les divers critères utilisés pour définir le niveau social étant fortement asso-
ciés, on se borne souvent à en prendre en compte un seul, celui qui les résume
le mieux, à savoir la profession du père. Celle-ci renseigne en effet, il est vrai
d’une manière assez globale et avec quelques incertitudes, sur le niveau d’études,
le niveau de qualification, le niveau des revenus et sur le genre et les styles de
vie qui leur sont associés. Dans les études françaises relativement anciennes,
on utilise un système de classification des professions, « les catégories socio-
professionnelles », mis au point par l’Institut national de la statistique et des
études économiques pour le recensement de 1954 et à des fins d’établissement
de statistiques en matière économique et sociale. Cette classification a été
modifiée en 1982 et dénommée alors «professions et catégories socioprofession-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
nelles ». Ces deux systèmes sont présentés au tableau 5.5. Dans les deux cas,
les activités professionnelles ont été regroupées afin de constituer des groupes
d’emplois socialement homogènes, quant à la formation requise notamment, et
constitués d’individus ayant entre eux des relations et ayant tendance à parta-
ger les mêmes opinions et à se comporter de la même manière (Desrosières et
Thévenot, 1988).
398
Psychologie différentielle
Tableau 5.5
Les catégories socioprofessionnelles (CSP) et les professions et catégories socioprofessionnelles
(PCS) de l’INSEE
CSP PCS
0. Agriculteurs exploitants 1. Agriculteurs exploitants
00. Agriculteurs exploitants 11. Agriculteurs sur petite exploitation
12. Agriculteurs sur moyenne exploitation
1. Salariés agricoles
13. Agriculteurs sur grande exploitation
10. Salariés agricoles
2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise
2. Patrons de l’industrie et du
21. Artisans
commerce
22. Commerçants
21. Industriels
23. Chefs d’entreprise de 10 salariés ou plus
22. Artisans
23. Patrons pêcheurs 3. Cadres et professions intellectuelles supérieures
26. Gros commerçants 31. Professions libérales
27. Petits commerçants 33. Cadres de la fonction publique
34. Professeurs, professions scientifiques
3. Professions libérales et cadres
35. Professions de l’information, des arts et des spectacles
supérieurs
37. C adres administratifs et commerciaux d’entreprise
30. Professions libérales
38. I ngénieurs et cadres techniques d’entreprise
32. Professeurs, professions littéraires
et scientifiques 4. Professions intermédiaires
33. Ingénieurs 42. Instituteurs et assimilés
34. Cadres administratifs supérieurs 43. Professions intermédiaires de la santé et du travail social
44. Clergé, religieux
4. Cadres moyens
45. P rofessions intermédiaires administratives de la
41. Instituteurs, professions
fonction publique
intellectuelles diverses
46. P rofessions intermédiaires administratives et
42. Services médicaux et sociaux
commerciales des entreprises
43. Techniciens
47. Techniciens
44. Cadres administratifs moyens
48. Contremaîtres, agents de maîtrise
5. Employés
5. Employés
51. Employés de bureau
52. E mployés civils et agents de service
53. Employés de commerce
de la fonction publique
6. Ouvriers 53. Policiers et militaires
60. Contremaîtres 54. Employés administratifs d’entreprise
61 Ouvriers qualifiés 55. Employés de commerce
63. Ouvriers spécialisés 56. P ersonnels des services directs aux
66. Marins et pêcheurs particuliers
67. Apprentis ouvriers
6. Ouvriers
68. Manœuvres
63. Ouvriers qualifiés de type artisanal
7. Personnes de service 64. Chauffeurs
70. Gens de maison 65. Ouvriers qualifiés de la manutention,
71. Femmes de ménage du magasinage et du transport
72. Autres personnels de service 67. Ouvriers non qualifiés de type industriel
68. Ouvriers non qualifiés de type artisanal
8. Autres catégories
69. Ouvriers agricoles
80. Artistes
81. Clergé 81. Chômeurs n’ayant jamais travaillé
82. Armée et police
399
Les différences entre groupes
➤➤ 2.2.1. Constats globaux
Les groupes sociaux étant définis, on peut se demander s’ils se distinguent sur
diverses variables psychologiques, ou, en d’autres termes, se demander quelle est
la part de la variabilité interindividuelle susceptible d’être expliquée par la varia-
bilité entre les groupes sociaux. A priori les différences en fonction de l’appar-
tenance sociale concernent tout autant les enfants que les adultes et aussi bien
l’intelligence que la personnalité. Cependant, compte tenu de leurs relations avec
la réussite scolaire et avec les phénomènes de production des inégalités, on s’est
principalement intéressé aux différences d’intelligence chez les enfants.
Chez les adultes, nous l’avons déjà noté, on observe une forte corrélation
entre le niveau intellectuel moyen et le niveau d’études. On observe également,
ce qui n’est guère surprenant, une corrélation entre le niveau intellectuel moyen
et le niveau socio-économique. On observe aussi une forte variabilité du niveau
intellectuel à niveau socio-économique constant. On a souvent signalé que cette
variabilité était plus forte pour les niveaux socio-économiques inférieurs que pour
les niveaux supérieurs (pour les enfants ceci apparaît sur le diagramme de la
figure 5.14 mais pas sur les tableaux 5.6 et 5.7).
Chez les enfants, depuis les premières applications du test de Binet et Simon,
on a observé très régulièrement et à de nombreuses reprises une meilleure réus-
site aux tests d’intelligence des sujets issus des milieux favorisés (Reuchlin, 1972 ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
On a représenté figure 5.13 les résultats aux divers âges des élèves appar-
tenant aux deux groupes professionnels extrêmes ayant des effectifs impor-
tants. On observe entre ces groupes un écart constant qui correspond à
environ un an et demi de retard des enfants de cultivateurs sur les enfants de
cadres-industriels-commerçants.
150
140
130
120
110
Nombre de points obtenus
100
90
80
70
60
50
40
30
Enfants de cadres,
20 industriels, commerçants
10 Enfants de cultivateurs
0
6 7 8 9 10 11 12
Figure 5.13
Scores moyens de deux groupes sociaux à un test d’intelligence en fonction
de l’âge(d’après INED, 1950)
Une enquête de même type a été réalisée en 1965 par l’INED auquel s’était
adjoint l’Institut National d’Étude du Travail et d’Orientation Professionnelle
(INED-INETOP, 1973). Elle a porté sur un échantillon de 100 000 élèves
représentatif de la population des élèves âgés de 6 à 14 ans. Le test d’intelli-
gence utilisé était un test collectif, mis au point par Pierre Bénédetto, compor-
tant lui aussi des items verbaux et des items non verbaux (Échelle collective de
niveau intellectuel), et dont les scores s’expriment en QI. On a représenté sur
le tableau 5.6 le QI moyen (tous âges confondus) des élèves appartenant aux
divers groupes socioprofessionnels distingués (catégories s ocioprofessionnelles
401
Les différences entre groupes
On dispose de données plus récentes mais sur des échantillons plus restreints.
Lors de l’étalonnage de la version française de la WISC-IV (chapitre 2, para-
graphe 6.2) Jacques Grégoire (2006) a obtenu la répartition indiquée au tableau 5.7
(échantillon de 1 103 sujets).
Tableau 5.7
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
150
145
140
135
Quotients d’intelligence selon l’échelle de Henmon-Nelson
130
125
120
115
110
105
100
95
90
85
80
75
70
Moyennes par colonne
65 pour N = 100+
pour N = 25-99
pour N = 10-24
60
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
55
Figure 5.14
Diagramme de corrélation entre les notes en QI à un test verbal
et les scores sur une échelle de statut socio-économique
(Eells et al., 1951, in Aubret-Bény et Pelnard-Considère, 1976)
404
Psychologie différentielle
➤➤ 2.2.3. Constats analytiques
La liaison entre l’intelligence et le niveau socio-économique n’est pas également
forte pour tous les aspects de l’intelligence. On observe toujours une liaison plus
forte avec les épreuves verbales. Havighurst et Breese (1947) rapportent les corré-
lations suivantes avec les aptitudes primaires de Thurstone :
–– verbal : .42
–– numérique : .32
–– spatial : .25
–– fluidité : .30
–– raisonnement : .23
–– mémoire : .21
Eells et al. (1951) montrent que les items des tests différencient d’autant plus
les niveaux sociaux que leur contenu est abstrait : sont les plus discriminants les
items verbaux, viennent ensuite les items reposant sur des lettres ou des chiffres,
sur des dessins géométriques, sur des dessins stylisés et enfin sur des dessins réalistes.
Sur les données d’étalonnage de la WISC, on retrouve la même hiérarchie
(cadres – professions intermédiaires – employés – ouvriers) pour tous les indices.
Mais les différences intergroupes sont très atténuées avec l’indice vitesse de trai-
tement (écart entre les enfants de cadres et les enfants d’ouvriers de 4,9 points)
alors qu’elles sont à leur maximum avec l’indice compréhension verbale (écart de
14 points). Cet écart cadres-ouvriers est de 11,5 points pour l’indice raisonnement
et 8,5 points pour l’indice mémoire de travail.
405
Les différences entre groupes
Revenu familial
Estimation globale
Éducation du père
Éducation de la mère
Profession du père
4
2
Filles
0
–2
4
2
Garçons
0
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
–2
10-12 mois
18-24 mois
42-54 mois
17-18 ans
8-10 ans
4-6 mois
Figure 5.15
Corrélations entre cinq indices du niveau socio-économique (revenu familial,
estimation globale, éducation du père, éducation de la mère, profession du père)
et les scores aux tests mentaux de la naissance à 18 ans, pour les filles et les garçons
(d’après Bayley et Schaefer, 1964)
406
Psychologie différentielle
Les différences entre milieux sociaux relative au langage ont été analysées dans
des perspectives sociolinguistique et psycholinguistique (Espéret, 1987). Dans la
perspective sociolinguistique, on prend ses distances avec les points de vue norma-
tifs et le langage est considéré comme un moyen de communication, dont l’usage
varie en fonction des contextes situationnels et de la représentation que s’en font
les interlocuteurs. Les différences de langage sont vues davantage comme des diffé-
rences culturelles que comme des différences d’efficience cognitive. Les recherches
sociolinguistiques ont montré notamment que les différences entre milieux sociaux
étaient maximales dans les situations où le langage est utilisé pour lui-même,
indépendamment de ses usages habituels et où l’on doit manier hors contexte des
éléments verbaux isolés. Dans les situations ne présentant pas ces caractéristiques,
les différences entre milieux sociaux sont faibles ou nulles. Ceci amène à penser
que les individus issus de milieux sociaux différents se distingueraient surtout par la
plus ou moins grande variété du répertoire de leurs conduites langagières.
Les travaux de psycholinguistique ont notamment montré que les différences
entre milieux sociaux étaient repérables dès 18 mois : système phonologique plus
diversifié, énoncés plus précoces et plus longs dans les milieux favorisés. Par la
suite, les enfants de ces milieux ont en moyenne un vocabulaire plus étendu,
maîtrisent mieux les aspects morpho-syntaxiques du langage et se montrent plus
efficaces dans la communication. La fréquentation de l’école n’atténue pas ces
différences sociales.
sont informés soit de leur réussite (« exact »), soit de leur erreur (« faux »). On
procède à quatre blocs d’essais.
70
55
50
45
1 2 3 4
Classes
Figure 5.16
Effets des renforcements positifs (information sur la réussite) et négatifs
(information sur l’erreur) en fonction de la classe sociale (d’après Rosenham, 1966)
On constate (figure 5.16) que dès le premier bloc d’essais les enfants de milieux
favorisés réussissent mieux. Par la suite les enfants de la classe aisée progressent à
peu près au même rythme quel que soit le mode de renforcement. Par contre les
enfants de la classe défavorisée progressent davantage lorsque le renforcement est
positif (information sur la réussite). Tout se passe comme si le renforcement avait
uniquement une valeur informative pour les classes aisées et une valeur à la fois
informative et affective (peut-être en modulant l’anxiété vis-à-vis de la tâche) pour
les classes défavorisées. En situation de renforcement positif ce sont, dans cette
expérience, les enfants de milieux défavorisés qui apprennent le plus rapidement.
(Voir exercice 4 pour un exemple des moyens mis en œuvre pour réduire les
différences de motivation entre classes sociales.)
409
Les différences entre groupes
➤➤ 2.3.2. Les valeurs
Il y a des liens étroits entre l’orientation vers la réussite et les valeurs. La réussite
peut être considérée comme une valeur. On peut aussi considérer que l’orientation
vers la réussite est déterminée par des valeurs : selon les valeurs auxquelles on se
réfère la réussite peut non seulement prendre des formes différentes mais aussi être
plus ou moins intéressante.
Les groupes sociaux se distinguent quant aux valeurs que leurs membres jugent
les plus importantes. Dans les classes moyennes et supérieures, on accorde une
place prépondérante à l’individu, à la maîtrise et à l’expression de soi. Dans les
classes populaires, l’accent est mis sur la conformité au groupe, la respectabi-
lité et la sécurité (Kohn, 1959). Ces différences se manifestent clairement dans
les réponses données aux inventaires de valeurs. Rokeach (1973) a analysé les
réponses à son inventaire des valeurs en fonction de sept niveaux de revenu (l’in-
ventaire de Rokeach a été présenté au chapitre 3, paragraphe 7.3). Des différences
significatives apparaissent pour neuf des dix-huit valeurs terminales et onze des
dix-huit valeurs instrumentales. Voici quelques exemples des résultats pour les
groupes les plus contrastés. Pour les valeurs terminales, le groupe à haut revenu
juge plus important le sentiment d’avoir fait quelque chose (valeur classée 5e sur
18, alors qu’elle est classée 12e dans le groupe à faible revenu), la paix intérieure
(9e et 12e) et l’amour (12e et 17e) ; le groupe à faible revenu juge plus important
une vie aisée (6e et 15e) et le salut (3e et 14e). Pour les valeurs instrumentales,
le groupe à haut revenu privilégie intellectuel (7e et 16e), logique (13e et 17e)
et responsable (2e et 7e) ; le groupe à faible revenu privilégie la propreté (2e et
17e), pour cette valeur les écarts sont particulièrement forts, la gaieté (9e et 14e),
l’indulgence (3e et 12e), le fait d’être serviable (4e et 9e), l’obéissance (15e et 18e)
et la politesse (13e et 16e).
On retrouve des différences de même nature lorsque l’on s’intéresse aux
valeurs dans le domaine de l’éducation : encouragement à l’autonomie dans les
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•• Le père ou la mère, soit exerce une profession de cadre moyen, artisan, employé
ou petit commerçant, soit a fait des études secondaires (NSCII).
•• Le père ou la mère, soit exerce une profession de contremaître, ouvrier ou
personnel de service, soit a fait seulement des études primaires (NSCIII).
–– Qualités :
•• La politesse.
•• La propreté.
•• La bonté.
•• Bien travailler à l’école.
•• Le respect des autres.
•• L’esprit critique.
•• L’honnêteté.
•• L’indépendance.
•• La curiosité d’esprit.
•• La persévérance.
•• L’obéissance.
–– Principes d’éducation :
•• Lui faire confiance.
•• Le récompenser chaque fois qu’il fait bien et le punir chaque fois qu’il fait mal.
•• L’encadrer avec souplesse.
•• Avoir une discipline stricte.
•• Lui laisser beaucoup de liberté.
•• Lui donner l’exemple.
•• Surveiller le plus possible ce qu’il fait.
•• Lui laisser beaucoup de responsabilités.
•• Le préserver des mauvaises fréquentations.
•• Adapter ses principes en fonction de chaque enfant.
Lautrey juge de l’importance de chaque valeur en accordant 3, 2 ou 1 points
selon que la valeur est citée en premier, en second ou en troisième, et en calcu-
lant pour chaque valeur le pourcentage de points quelle représente par rapport
à l’ensemble des points obtenus. Les résultats sont présentés figure 5.17. Pour
les qualités et principes qui n’apparaissent pas sur la figure, il n’y a pas de diffé-
rences en fonction du niveau socioculturel, ce qui ne signifie pas pour autant
que les choix opérés ont toujours la même signification d’un groupe social à
l’autre. On peut constater que plus le milieu social s’élève, plus on valorise
des qualités intellectuelles et le respect d’autrui et moins on accorde d’impor-
tance à la politesse, l’obéissance et la propreté. Lorsque le niveau social s’élève
on constate aussi que le contrôle de l’enfant devient plus individualisé et plus
souple.
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Qualités :
Les différences entre groupes
Principes éducatifs :
Figure 5.17
Importance des valeurs (qualités et principes éducatifs jugés les plus importants) en fonction du niveau socioculturel (d’après Lautrey, 1981)
411
412
Psychologie différentielle
collèges, à la session de 2009, les enfants de cadres étaient admis à 94 %, les
enfants d’ouvriers à 76 %.
CE2 Sixième
La plupart des résultats qui viennent d’être présentés portent sur la comparaison
de deux groupes contrastés (les cadres supérieurs et les ouvriers) qui représentent
environ 50 % de la population. Comme c’était déjà le cas avec l’intelligence, ce
mode de présentation suggère une liaison forte entre réussite scolaire et apparte-
nance sociale. Si l’on considère l’ensemble de la population et si l’on tient compte
de la dispersion des résultats scolaires au sein d’une même classe sociale, on aura
une mesure de la liaison plus exacte et elle sera aussi plus faible. White (1982)
inclut dans une méta-analyse près de deux cents études (américaines) où l’on a
calculé la corrélation entre des indices divers du niveau socio-économique et de la
réussite scolaire sur des groupes d’élèves des différents niveaux du cursus de forma-
tion. Le résultat global est une corrélation faible, beaucoup plus faible que ce que
semblait indiquer la comparaison des moyennes de groupes contrastés : .22. (Pour
les États-Unis les enquêtes PISA, récentes, indiquent une corrélation de l’ordre
.40, mais il n’est pas possible, pour plusieurs raisons, d’en déduire quoi que ce soit
sur l’évolution de la liaison entre le statut social et la réussite scolaire.) Si l’on
415
Les différences entre groupes
prend comme unité d’analyse non plus les individus mais les écoles, chacune étant
caractérisée par le statut socio-économique moyen et la performance moyenne de
ses élèves, on obtient une corrélation beaucoup plus forte : .73.
Compréhension de l’écrit
Si on considère l’ensemble des pays de l’OCDE cet indice de statut explique
14,0 % de la variance des performances en compréhension de l’écrit ce qui corres-
pond à une corrélation de .37 (le pourcentage de variance expliquée est égal au
carré de la corrélation multiplié par 100 : si r = .50, le pourcentage de variance
expliquée est .502 × 100 = 25 %). Les pays les plus égalitaires, sont ceux où cette
corrélation est la plus faible : Islande 6,2 %, Estonie 7,6, Finlande 7,8, Canada,
Japon et Norvège 8,6 ; les plus inégalitaires ceux où elle est la plus forte : Chili
18,7 %, Turquie 19,0, Belgique 19,3, Hongrie 26. En termes de corrélation, les
écarts d’un pays à l’autre vont donc de .25 à .50.
La France, avec un pourcentage de variance expliquée de 16,7 %, se situe dans
la moyenne des pays de l’OCDE (PISA 2009, vol. II, p. 155). Entre 2000 et 2009
cette corrélation a diminué dans l’ensemble des pays de l’OCDE (15,8 % en 2000)
et plus encore en France (19,0 en 2000).
Mathématiques
Pour les mathématiques l’indice de statut socio-économique explique 14,4 % de
la variance des performances des élèves dans les pays de l’OCDE. Les pays les plus
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égalitaires sont le Canada 7,9 %, l’Islande 8,0, la Norvège 8,3. Le pays le plus
inégalitaire est la Hongrie avec 23,4 % de variance expliquée.
La France vient juste après : 21,3 %. Entre 2000 et 2006, la liaison entre
milieu socio-économique et performance en mathématiques s’est accentuée en
France : 15,5 % en 2000, 19,6 % en 2003, 21,3 en 2006, alors qu’elle a eu plutôt
tendance à diminuer dans les pays de l’OCDE : 15,2 % en 2000, 14,4 en 2006
(PISA 2006).
Sciences
En sciences l’indice de statut socio-économique explique à nouveau 14,4 % de la
variance des performances des élèves. Parmi les pays les plus égalitaires on trouve
l’Islande 6,7 %, le Japon 7,4, la Corée 8,1, le Canada 8,2, la Norvège et la Finlande
8,3. Le pays le plus inégalitaire est le Luxembourg 21,7 %.
416
Psychologie différentielle
La France vient en seconde position avec 21,2 %. Comme c’était déjà le cas
avec les mathématiques, la liaison entre milieu socio-économique et performance
s’est accentuée en France entre 2000 et 2006 : 18,5% en 2000, 20,9 en 2003, 21,2
en 2006) alors qu’elle a diminué dans les pays de l’OCDE : 15,1 en 2000, 14,4 en
2006 (PISA 2006).
En résumé
Si partout les élèves issus d’un milieu socio-économique favorisé réussissent
mieux, cet effet du milieu familial sur les résultats scolaires est variable d’un pays
à l’autre. Il est particulièrement marqué en France pour les mathématiques et
les sciences (et il n’est pas en voie d’atténuation). Certains systèmes éducatifs
corrigent mieux que d’autres les inégalités sociales. L’effet du milieu familial est
un peu plus fort sur les mathématiques et les sciences que sur la compréhension
de l’écrit.
On note que les pays où la liaison entre les performances des élèves et leur
origine sociale est la plus faible ont aussi tendance à être ceux qui ont les élèves les
plus performants. Comme le souligne le rapport PISA, « performance et équité ne
sont en rien des objectifs contradictoires, voire impossibles à atteindre ».
La liaison origine sociale-résultats scolaires étant modérée, on rencontre
évidemment des élèves d’origine sociale défavorisée qui réussissent très bien. Pour
l’ensemble des pays de l’OCDE, 30 % des élèves défavorisés sont jugés bien réussir.
Les rapporteurs de PISA les appellent des « résilients ». Ce pourcentage varie
de 20 % (Autriche) à 50 % (Corée). Pour la France, qui là encore se situe dans
la moyenne, il est de 30 %. Deux facteurs différenciant ces élèves de ceux qui
ne réussissent pas ont été identifiés pour ce qui est des compétences scientifiques
(PISA 2006). Le premier est le temps passé à étudier en classe. En France, les
élèves résilients passent 1 h 45 de plus en cours de sciences que les non-résilients.
Le second facteur est la confiance en soi. Nous avons vu au chapitre 3 (para-
graphe 9.2) les effets positifs de l’estime de soi sur le niveau de performance. On ne
sera donc pas étonné de constater que les élèves résilients ont une meilleure estime
de soi. Ils sont par exemple plus nombreux que les non-résilients à considérer qu’ils
sont aptes à acquérir des notions scientifiques.
Une partie des différences de performance entre les pays pourrait s’expliquer
par la structure sociale de ces pays. Si on « corrige » les résultats des élèves afin de
neutraliser cet effet de la structure sociale en faisant comme si dans tous les pays la
structure socio-économique était celle de la moyenne des pays de l’OCDE, on est
conduit à réviser à la hausse les performances dans certains pays (la Turquie par
exemple) et à la baisse dans d’autres pays (l’Islande par exemple). Ces modifica-
tions ne bouleversent pas fortement le classement initial des pays. Les raisons des
différences de performances des élèves sont à rechercher pour l’essentiel dans les
systèmes éducatifs.
417
Les différences entre groupes
➤➤ 2.5.2. L’intelligence
Le constat de la meilleure réussite moyenne des enfants des classes favorisées aux
tests d’intelligence a donné lieu à trois types d’interprétation.
419
Les différences entre groupes
L’hérédité
Certains ont pensé que les différences d’intelligence entre groupes sociaux avaient
une base génétique (Eysenck, 1977, par exemple). Leur argumentation repose sur
quatre propositions :
–– l’intelligence est une dimension unique ;
–– les mesures d’héritabilité montrent que les différences individuelles en matière
d’intelligence sont massivement déterminées par l’hérédité ;
–– notre société étant méritocratique, ce sont les individus les plus intelligents qui
occupent les positions sociales éminentes ; les « bons gènes » vont donc vers
les classes supérieures et les « mauvais gènes » vers les classes inférieures ;
–– les hommes et les femmes tendent à se marier au sein de leur classe sociale, si
bien que le tri des gènes provenant de la mobilité sociale tend à se stabiliser.
Comme il se trouve que la fécondité est plus élevée dans les classes inférieures
le monde court à la catastrophe… Dans le cadre de cette thèse il n’y a pas lieu de
s’interroger sur l’effet du milieu sur l’intelligence puisque c’est l’intelligence qui
détermine le milieu social d’appartenance.
On remarquera que le mécanisme invoqué est formellement identique à
celui qui est à l’œuvre dans l’expérience de Tryon présentée au chapitre 4 (para-
graphe 1.1.). Cette argumentation est très contestable. Nous avons vu qu’il fallait
accorder un crédit très relatif aux mesures d’héritabilité et que facteurs héréditaires
et facteurs environnementaux agissant en étroite interaction, ils étaient indisso-
ciables (chapitre 4, paragraphe 2). En fait il n’y a aucune preuve d’un effet des
facteurs héréditaires sur les différences entre classes sociales (même s’il était prouvé
que les différences individuelles étaient massivement déterminées par l’hérédité
on ne pourrait rien en conclure pour les différences entre groupes : il n’y aurait
alors rien d’illogique à affirmer que l’hérédité explique 100 % de la variabilité
interindividuelle et 0 % de la variabilité inter-classes sociales). Par contre, il y
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
a des arguments expérimentaux qui plaident en faveur d’un rôle important des
facteurs de milieu (cf. les travaux sur l’adoption d’enfants de milieux défavorisés
par des familles aisées cités au chapitre 4, paragraphe 3.3). Dans l’état actuel des
connaissances, la thèse consistant à expliquer les différences entre classes sociales
par l’hérédité n’a donc pas de fondements et elle nous renseigne davantage sur les
préjugés idéologiques de ses auteurs que sur les phénomènes observés.
Cette thèse a bien sûr des incidences sociales et politiques. Si on est convaincu
que les différences d’efficience cognitive selon l’origine sociale ont une base géné-
tique, donc sont peu modifiables à l’heure actuelle, on sera moins enclin, par exemple,
à mettre en œuvre des politiques actives visant à réduire les écarts de réussite scolaire
et d’orientation entre élèves appartenant à des classes sociales différentes. Plus géné-
ralement, il paraîtra vain de chercher à bousculer les hiérarchies sociales. Il n’est
donc pas surprenant que chaque expression forte de cette thèse donne lieu à de vifs
420
Psychologie différentielle
débats et polémiques. (Voir encadré 5.7 pour le point de vue des psychologues améri-
cains sur l’origine des différences entre Noirs et Blancs dans les tests d’intelligence.)
☞
Tant le groupe Gottfredson que le groupe Neisser affirment que l’on ne connaît
pas la cause de cet écart mais cette incertitude est différemment connotée. Pour
Gottfredson : « La plupart des experts pensent que l’environnement est important
dans l’écart des courbes, mais que la génétique pourrait être aussi impliquée. »
Pour Neisser : « Plusieurs explications de type culturel ont été proposées pour
expliquer la différence de QI entre les Noirs et les Blancs ; certaines sont plau-
sibles, mais aucune n’a été confirmée de manière satisfaisante. Il y a encore
moins de support empirique pour une interprétation génétique. »
(Sur cette question voir dans ce chapitre le paragraphe 1.5.3.)
Les biais
D’autres ont pensé que les tests d’intelligence ne mesuraient pas l’efficacité du
fonctionnement cognitif mais seulement des différences culturelles relatives, et
que, en conséquence il n’y avait rien à expliquer. Si les enfants des classes popu-
laires réussissent moins bien aux tests, c’est que les tests mesurent uniquement la
conformité à la culture des classes favorisées, et si le psychologue ne s’en aperçoit
pas c’est qu’il partage, en raison de sa position sociale, les préjugés de ces classes.
Une telle argumentation pose comme principe l’absence de différences entre les
classes sociales (ou une supériorité des classes défavorisées). Il est extrêmement
difficile d’admettre que les différences entre classes sociales révélées par les tests,
et qui concernent la manipulation de la langue, les raisonnements inductif et
déductif, la représentation spatiale…, ne nous indiquent rien sur l’efficience du
fonctionnement cognitif. Mais cette argumentation, non recevable dans sa forme
la plus radicale, nous incite à nous interroger sur d’éventuels biais dans les tests
qui avantageraient artificiellement les enfants des classes favorisées (cf. Huteau et
Lautrey, 1975).
Eells et al., au début des années 1950, ont examiné sous cet angle le contenu des
tests alors en usage. Certains items paraissent effectivement culturellement biaisés.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Ce sont notamment des items qui font appel à des connaissances lexicales corres-
pondant bien plus aux expériences des sujets des classes favorisées. Les enfants
des classes populaires, par exemple, donnent moins souvent la bonne définition
du terme « sonate » ; les sujets des classes favorisées étant plus familiarisés avec
la musique classique que les sujets des classes défavorisées, il est évident que cette
différence est un artefact. Mais pour beaucoup d’items qui différencient bien les
groupes sociaux le biais culturel est loin d’être aussi évident. Certes, ce biais peut
se manifester de manière subtile (par exemple via la sensibilité à certaines formes
de renforcement, cf. dans ce chapitre paragraphe 2.3.1.), mais il est probable qu’il
n’explique alors qu’une part des différences observées.
422
Psychologie différentielle
Chaque garçon doit rapporter trois paquets à la maison. Lequel s’y prend de la meilleure manière ?
Figure 5.18
Exemple d’un item du test de Davis et Eells. La question posée est lue à voix haute
par le psychologue qui fait passer le test (d’après Davis et Eells, in Cronbach, 1970)
étude porte sur des enfants de CP et de CE2. Dès le CP, les élèves pensent que
ceux qui sont issus d’un milieu socio-économique élevé (« ceux dont les parents
ont beaucoup d’argent ») réussissent mieux à l’école. Le test des Matrices progres-
sives de Raven (voir chapitre 2 paragraphe 1.2.1) est appliqué dans une condition
évaluative (les consignes habituelles) et dans une condition non évaluative (il
est présenté comme un jeu) à deux groupes d’élèves contrastés quant à l’origine
sociale. La consigne n’a pas d’effet sur les performances du groupe dont le niveau
socio-économique est élevé ; par contre, le groupe de niveau socio-économique
peu élevé a des performances supérieures avec la consigne non évaluative. La
situation de test conduit donc à une sous-évaluation des compétences des élèves
dont les parents ont un niveau socio-économique peu élevé (Désert et al., 2009).
Les travaux ultérieurs permettront d’apprécier le degré de généralité et la force de
cette menace du stéréotype.
424
Psychologie différentielle
L’environnement
Le troisième type d’interprétation de la liaison milieu social-intelligence, accepté
par la quasi-totalité des psychologues, consiste à rechercher les caractéristiques du
milieu qui sont responsables des différences d’efficience cognitive en fonction du
niveau socio-économique. On cherche à montrer que ce sont les mêmes facteurs de
milieu qui sont à l’origine des différences à l’intérieur d’un groupe social et entre les
groupes sociaux. On présentera deux exemples de cette approche dans le domaine
de l’intelligence.
Nous avons vu au chapitre 4 (paragraphe 3.4.2.) qu’il y avait une liaison entre
le niveau intellectuel de l’enfant et un ensemble de pratiques éducatives fami-
liales. Or, ces pratiques éducatives ne sont pas également fréquentes d’un milieu
à l’autre. Plus le niveau socio-économique s’élève, plus les conditions éducatives
sont favorables au développement cognitif. Les corrélations entre le niveau socio-
économique et le score global de qualité de l’environnement éducatif de Bradley et
Caldwell (voir paragraphe 3.4.2) sont .16 à 12 mois, .52 à 24 mois et .47 à 26 mois
(Palacio-Quintin, 1995) (voir exercice 5.2). C’est donc, au moins pour une part,
parce qu’ils vivent dans un milieu moins favorable au développement cognitif que
les enfants des classes défavorisées réussissent moins bien aux tests.
Nous avons évoqué également au chapitre 4 (paragraphe 3.4.2.) les travaux
de J. Lautrey. Cet auteur, rappelons-le, distingue trois types de structuration du
milieu familial : rigide, faible ou aléatoire et souple. On se souvient que le milieu
souplement structuré est le plus propice au développement cognitif, à niveau
socioculturel constant, car il fournit à la fois des perturbations et la possibilité
de leur donner une signification. Or, les types de structuration du milieu familial
n’ont pas la même fréquence dans tous les milieux sociaux : la fréquence du milieu
souplement structuré augmente lorsqu’on s’élève dans l’échelle sociale tandis que
celle du milieu rigidement structuré diminue (la structuration aléatoire n’est pas
liée au milieu social). Lautrey explique cette liaison en faisant appel à deux classes
de facteurs : des valeurs et des caractéristiques écologiques du milieu familial. Les
valeurs jugées les plus importantes dans la classe aisée (curiosité d’esprit pour les
qualités appréciées, encadrer avec souplesse et adapter ses principes en fonction de
chaque enfant pour les principes éducatifs) conduisent davantage à un mode de
structuration souple que celles jugées les plus importantes dans la classe défavorisée
425
Les différences entre groupes
a pas d’action de l’enfant sur l’adulte). Dans les familles à orientation personnelle,
le contrôle de l’enfant tient compte de ses caractéristiques psychologiques et des
circonstances, et il est argumenté. Dans les familles positionnelles, ce contrôle est
fondé sur l’autorité et sur des normes de comportement considérées comme univer-
selles. On notera une certaine ressemblance entre cette description des familles et
celle proposée par Lautrey ; il y a en effet de fortes analogies entre familles posi-
tionnelles et milieux rigidement structurés et entre familles à orientation person-
nelle et milieux souplement structurés.
Les différences dans la socialisation des enfants ont pour conséquences des
différences dans le langage qu’ils utilisent, et plus généralement dans la manière
dont ils codent les événements de leur environnement, et dans leur orientation
cognitive. Dans les familles positionnelles, on utilise un langage laissant beaucoup
de choses implicites et véhiculant des significations liées au contexte ; dans les
426
Psychologie différentielle
familles à orientation personnelle, le langage est plus explicite, donc plus élaboré,
et permet des significations plus indépendantes du contexte. Dans les familles posi-
tionnelles, la moindre différenciation de l’expérience conduit à des attitudes plutôt
globales alors que dans les familles à orientation personnelle, l’expérience diffé-
renciée conduit plutôt à des attitudes analytiques. Le patron de comportements
produit par les familles positionnelles est proche du style cognitif dépendant du
champ et celui produit par les familles à orientation personnelle proche du style
indépendant du champ (cf. chapitre 2, paragraphe 5.1).
Les différences de langage entre les deux types de familles ont été analysées
en détail. Les familles positionnelles, donc le plus souvent les sujets des milieux
populaires, utilisent préférentiellement un « langage commun », ou plus géné-
ralement un « code restreint » ; les familles à orientation personnelle, donc les
sujets des classes moyennes, utilisent préférentiellement un « langage formel »,
ou plus généralement un « code élaboré ». Pour Bernstein, ceux qui maîtrisent
le code élaboré peuvent passer au code restreint mais le cheminement inverse est
beaucoup plus difficile. Voici les caractéristiques de ces deux langages (d’après
Espéret, 1987).
–– Pour le langage commun (code restreint) :
•• Phrases courtes, grammaticalement simples et souvent inachevées.
•• Usage fréquent et répétitif de quelques conjonctions (et, alors) et aspect logique
indiqué le plus souvent par des moyens extra-verbaux.
•• Usage fréquent d’ordres et de questions brèves.
•• Usage rigide et limité des adjectifs et des adverbes.
•• Usage rare de pronoms impersonnels comme sujet d’une phrase conditionnelle,
d’où peu d’objectivation de l’expérience.
•• Utilisation d’affirmations utilisées à la fois comme raison et comme conclu-
sion, l’autorité de l’affirmation provient alors de la forme prise par les relations
sociales et non de l’inférence logique.
•• Usage fréquent de formules visant à rechercher l’accord de l’interlocuteur, ceci
rend plus difficile l’analyse du problème discuté.
•• Usage fréquent de phrases stéréotypées appartenant au patrimoine du groupe,
ceci renforce la solidarité au groupe au détriment de la structure logique de la
communication.
•• Faible niveau de généralité du symbolisme utilisé.
•• Qualification personnelle laissée hors de la structure de la phrase, les aspects
individuels sont transmis par les canaux extra-verbaux.
–– Pour le langage formel (code élaboré) :
•• Organisation grammaticale et syntaxe précises.
•• Les articulations logiques sont exprimées par des constructions complexes
(séries de conjonctions).
427
Les différences entre groupes
–– utilisation de concepts : on soumet les mères et les enfants à des épreuves de clas-
sement d’objets. Dans le milieu favorisé, le classement est fondé plus souvent
sur des propriétés visibles communes aux objets (par exemple, s’il s’agit de
photographies, on regroupe les personnages masculins ou ceux qui portent un
chapeau) ou sur des propriétés inférées (ils doivent tous travailler pour vivre),
ce qui témoigne d’une attitude analytique. Dans le milieu défavorisé, il est plus
souvent fondé sur les relations fonctionnelles entre les objets (on regroupe par
exemple le médecin et l’infirmière), ce qui témoigne d’une attitude globale.
Chez les enfants, les critères de classement sont rarement explicités, ils le sont
cependant davantage dans le milieu aisé ;
–– style d’enseignement des mères : pour observer l’interaction mère-enfant, on
demande notamment à la mère d’apprendre à son enfant comment classer des
jouets (ils peuvent l’être selon leur nature ou selon leur couleur). Les mères du
milieu favorisé fournissent des explications plus claires, vont plus vite à l’essen-
tiel et accueillent plus facilement les questions de l’enfant.
Lectures conseillées
Geary D.,
2003, Hommes et femmes : l’évolution des différences sexuelles humaines, Bruxelles,
De Boeck.
Hurtig M.-C., Pichevin M.-F., (éds.),
1986, La différence des sexes, questions de psychologie, Paris, Tierce.
Lautrey J.,
1980, Classe sociale, milieu familial, intelligence, Paris, PUF.
QCM et corrigés
Sommaire
Vrai ou faux
20. Le test de Binet et Simon a été présenté pour la première fois en 1920.
21. Piaget a beaucoup étudié les différences individuelles.
22. Thurstone est un psychologue qui appartient à l’école anglaise de psychométrie.
23. La première opération de sélection au moyen de tests psychologiques a été
réalisée en France pendant la seconde guerre mondiale.
24. Cattell et Binet ont construit à peu près les mêmes tests.
25. Spearman a montré que les mesures de sensations corrélaient fortement avec
la réussite scolaire des enfants.
26. Pour Piéron l’intelligence est une constellation d’aptitudes.
27. Le coefficient de corrélation a été inventé pour étudier la transmission des
caractères héréditaires.
28. La standardisation est la caractéristique essentielle des tests.
29. La standardisation nous assure que l’observation réalisée est pertinente.
30. La standardisation permet l’accord entre des observateurs différents.
31. Les indices de fidélité permettent d’apprécier les erreurs de mesure.
32. Il y a un rapport étroit entre les erreurs de mesure qui proviennent du
moment de l’observation et celles qui proviennent du choix de la situation
d’observation.
33. Pour apprécier la fidélité d’une mesure, il n’est pas nécessaire de la répéter.
34. La stabilité d’une mesure peut être appréciée par un coefficient de corrélation.
35. Un test est empiriquement valide quand il différencie bien les sujets.
36. La fidélité d’un test ne dépend pas de sa longueur.
37. Un test qui a une bonne validité apparente permet de faire des bons pronostics.
38. Le coefficient d’homogénéité d’un test dépend des corrélations entre les items
qui le constituent.
39. Le coefficient de validité d’un test peut être amélioré si on améliore la fidélité
du prédicteur.
40. La faible validité d’un test peut s’expliquer par la faible fidélité du critère.
41. La validité théorique se mesure par un coefficient de corrélation.
42. Un étalonnage permet de savoir si une mesure est fidèle.
43. La distribution des mesures réalisées au niveau ordinal a souvent la forme
d’une distribution de Laplace-Gauss.
44. Il n’est pas possible de calculer des corrélations entre des mesures réalisées au
niveau ordinal.
45. Dans un décilage, les classes sont de même effectif.
46. La forme de la distribution des caractères psychologiques est conventionnelle.
47. L’analyse factorielle a été inventée par Reuchlin.
48. Un facteur est une variable observable.
49. Des variables qui sont en corrélation nulle peuvent contribuer à définir un
QCM – Chapitre 1
433
QCM et Corrigés
même facteur.
50. Le coefficient de saturation d’un test dans un facteur est une mesure de la
proximité du test et du facteur.
51. Il est possible de calculer les corrélations entre tests à partir de leurs coefficients
de saturation dans les facteurs qui leur sont communs.
52. Les notes en facteurs sont toujours voisines des notes observées.
53. Une rotation des axes factoriels conduit à une modification des coefficients
de saturation.
54. Un même test peut être saturé dans plusieurs facteurs.
55. Type et dimension sont des notions synonymes.
434
Psychologie différentielle
Corrigés
Vrai ou faux
QCM – Chapitre 2
dans le domaine de l’intelligence
Vrai ou faux
11. Les modèles hiérarchiques de l’organisation des aptitudes indiquent qu’il n’y
a pas de facteur général.
12. Les modèles hiérarchiques rendent compte de l’organisation de toutes les
conduites dans lesquelles la cognition est impliquée.
13. Les épreuves les plus saturées dans le facteur général de Spearman sont
des épreuves de raisonnement inductif sur du matériel géométrique sans
signification.
14. Les deux facteurs de la théorie bifactorielle de Spearman sont le facteur verbal
et le facteur de raisonnement.
15. L’intelligence fluide est plus proche des apprentissages scolaires que
l’intelligence cristallisée.
16. L’intelligence fluide se détériore avec l’âge.
17. L’intelligence cristallisée se détériore avec l’âge.
438
Psychologie différentielle
44. Les facteurs d’aptitude favorisent également l’apprentissage à toutes ses étapes.
45. Les méthodes d’enseignement structurées sont les plus efficaces.
46. Pour mesurer le potentiel d’apprentissage on fait passer plusieurs fois le même
test.
47. La capacité de la mémoire à court terme est très grande.
QCM – Chapitre 2
48. Mémoire à court terme et mémoire de travail sont des expressions synonymes.
49. On distingue une mémoire de travail visuelle et une mémoire de travail
verbale.
50. La capacité de la mémoire de travail est plus faible que celle de la mémoire à
court terme.
51. La corrélation entre la capacité de la mémoire de travail et l’intelligence
fluide est faible.
52. L’étendue du vocabulaire est un bon prédicteur de la réussite scolaire.
53. On utilise habituellement des tests objectifs de personnalité pour distinguer
les sujets selon leur style cognitif.
54. Les sujets dits « indépendants du champ » ont de meilleures capacités
d’analyse perceptive que les sujets dits « dépendants du champ ».
55. L es sujets dits « indépendants du champ » valorisent les référents visuels
dans la perception de la verticale.
56. Certains sujets ne sont ni « dépendants du champ », ni « indépendants du
champ ».
57. D ans les épreuves d’exploration perceptive destinées à situer les sujets sur un
continuum de réflexion-impulsivité, la corrélation entre le temps de réflexion
et la qualité de la réponse est nulle.
58. B inet cherche à appréhender l’intelligence à travers les processus mentaux
supérieurs.
59. Binet est l’inventeur du QI.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
68. Le K-ABC ne prend pas en compte l’efficience dans les processus simultanés.
69. Le facteur g, comme son nom l’indique, est présent dans toutes les conduites
cognitives.
70. On repère les individus à haut potentiel à partir de leur QI.
71. Les asynchronies sont plus fréquentes chez les sujets à haut potentiel que dans
la population générale.
72. La déficience mentale st plus fréquente chez les filles.
73. On considère qu’il y a déficience mentale lorsque le QI est inférieur à 70.
74. À l’heure actuelle les déficients mentaux légers sont scolarisés dans des classes
spéciales.
75. Les grands calculateurs sont toujours des personnes très intelligentes.
76. Le terme « syndrome savant » désigne des individus très performants dans le
domaine scientifique.
77. On peut considérer que le QI est relativement stable à partir de 4 ans.
78. Les mesures du développement psychomoteur réalisées entre 1 et 2 ans
permettent d’assez bons pronostics des développements de l’intelligence
ultérieurs.
79. Depuis trente ans, le niveau moyen de réussite aux tests est resté le même.
80. La vitesse d’habituation permet de pronostiquer le QI ultérieur.
81. Les sujets ayant des scores élevés en intelligence fluide ont le plus souvent des
temps de réaction longs.
82. Les sujets les plus efficaces dans le raisonnement inductif sont ceux qui sont
les plus rapides pour encoder l’information.
83. Les sujets les plus rapides pour encoder l’information dans le raisonnement
inductif sont aussi ceux qui sont le plus rapides pour établir des relations entre
les éléments encodés.
84. La distinction entre une stratégie globale et une stratégie analytique a été
mise en évidence au cours de l’apprentissage de la lecture.
85. La corrélation entre la vitesse de lecture et la compréhension est forte.
86. Certains enfants apprennent d’abord à parler en utilisant des mots qui se
rapportent à des personnes, d’autres des mots qui se rapportent à des choses.
87. Les différences de styles d’acquisition du langage sont repérables tout au long
de l’enfance.
88. La corrélation entre le niveau de développement opératoire et le QI est faible.
89. Les cheminements permettant l’acquisition des opérations logiques sont les
mêmes pour tous.
90. Ceux qui ont atteint un certain stade de développement logique dans le
domaine des conservations physiques ont nécessairement atteint le même
stade dans le domaine des probabilités.
441
QCM et Corrigés
Corrigés
QCM – Chapitre 2
Vrai ou faux
1. Vrai.
2. Vrai.
3. Faux. Thurstone a mis en évidence sept facteurs primaires d’intelligence.
4. Faux. Les aptitudes primaires de Thurstone sont des facteurs de groupe.
5. Faux. Les aptitudes primaires de Thurstone sont corrélées entre elles.
6. Vrai.
7. Faux.
8. Faux. Thurstone a mis en évidence sept aptitudes primaires.
9. Vrai.
10. Faux. Le cube de Guilford est un mode de classement des aptitudes primaires.
11. Faux. Les modèles hiérarchiques de l’organisation des aptitudes indiquent qu’il
y a un facteur général.
12. Faux. Les modèles hiérarchiques rendent seulement compte de l’organisation
des conduites sollicitées par les tests utilisés.
13. Vrai.
14. Faux. Les deux facteurs de la théorie bifactorielle de Spearman sont le facteur
général g et le facteur spécifique.
15. Faux. L’intelligence cristallisée est plus proche des apprentissages scolaires que
l’intelligence fluide.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
16. Vrai.
17. Faux. C’est l’intelligence fluide qui se détériore avec l’âge.
18. Faux. Le test des matrices progressives de Raven est un test de raisonnement
abstrait.
19. Vrai.
20. Vrai.
21. Faux.
22. Vrai.
23. Vrai.
24. Faux. Les principaux facteurs de second ordre du modèle Cattell-Horn-Carroll
sont l’intelligence fluide, l’intelligence cristallisée et la visualisation spatiale.
On ne rencontre pas l’intelligence sociale parmi les autres facteurs de second
442
Psychologie différentielle
ordre.
25. Vrai.
26. Faux.
27. Vrai.
28. Vrai.
29. Vrai
30. Vrai.
31. Faux. Il n’y a pas de liaison, ou des liaisons très faibles, entre l’intelligence
pratique et l’intelligence verbo-conceptuelle.
32. Faux.
33. Vrai.
34. Faux. La théorie de Sternberg explique le fonctionnement de l’intelligence.
35. Vrai.
36. Faux.
37. Faux selon la théorie de Gardner. En fait on n’en sait rien.
38. Faux. Les corrélations intelligence – pensée divergente sont plus faibles dans
les groupes dont le niveau intellectuel est élevé.
39. Vrai. Mais la fluidité n’est qu’un aspect de la pensée divergente et l’on peut
penser que la pensée divergente n’est qu’une condition de la créativité…
40. Vrai.
41. Faux. Les troubles mentaux sont plus fréquents chez les écrivains.
42. Vrai.
43. Faux. Dans les apprentissages associatifs les courbes d’apprentissage sont
continues. Elles sont discontinues lorsqu’il y a formation d’hypothèses.
44. Faux. Les facteurs d’aptitude jouent un rôle plus ou moins important selon que
l’apprentissage est avancé ou non.
45. Faux. Les méthodes structurées sont plus efficaces uniquement lorsque le
niveau scolaire ou intellectuel des apprenants est faible. Sinon ce sont les
méthodes libérales qui sont les pljus efficaces.
46. Vrai. C’est une possibilité. En général on introduit une phase d’apprentissage
entre les deux passations.
47. Faux. Elle est limitée à 5 + ou – 2 unités d’information.
48. Faux. La mémoire de travail remplit une fonction de stockage des informations,
comme la mémoire à court terme, mais elle remplit aussi une fonction de
traitement de ces informations.
49. Vrai.
50. Vrai.
51. Faux
443
QCM et Corrigés
52. Vrai
53. Vrai.
54. Vrai.
55. Faux. Les sujets dits « indépendants du champ » valorisent les référents
posturaux.
QCM – Chapitre 2
56. Vrai
57. Faux. Les conséquences de l’attitude réfléchie sont un temps de réponse
long et un nombre d’erreurs faible (corrélations de –.60 entre la vitesse et la
précision).
58. Vrai.
59. Faux. La notion de QI a été présentée par Stern en 1913 et popularisée par
Terman dans l’adaptation américaine du Binet-Simon.
60. Vrai.
61. Faux. La première échelle d’intelligence de Wechsler date de 1939.
62. Vrai. La WISC est fondé sur la distinction entre le QI verbal et le QI
performance.
63. Faux. Wechsler a abandonné la notion d’âge mental de Binet et a donné une
nouvelle définition du QI.
64. Faux. Les corrélations entre les échelles de Wechsler et Binet-Simon sont
élevées (de l’ordre de .80).
65. Faux.
66. Faux. Le K-ABC est un test pour les enfants de 2 ans et demi à 12 ans et demi.
67. Vrai. Le K-ABC prend en compte l’efficience dans les processus simultanés
et séquentiels.
68. Faux
69. Faux. g représente une forme d’intelligence particulière, importante, certes,
mais non universelle.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
70. Vrai.
71. Vrai.
72. Faux. La déficience mentale est plus fréquente chez les garçons.
73. Vrai.
74. Faux. On les intègre le plus souvent dans les classes normales.
75. Faux.
76. Faux. Le terme syndrome savant désigne des individus très efficients dans un
domaine particulier, généralement non scientifique, et dont l’intelligence est
par ailleurs moyenne ou médiocre.
77. Vrai.
78. Faux. Les mesures du développement psychomoteur réalisées entre 1 et 2 ans
ne permettent pas de prédire le niveau ultérieur d’intelligence.
444
Psychologie différentielle
79. Faux. Depuis trente ans, le niveau moyen de réussite aux tests est en nette
progression.
80. Vrai. Mais le pronostic du QI à partir de la vitesse d’habituation est fort
imprécis.
81. Faux. Il y a une corrélation positive entre la vitesse de réaction et l’intelligence
fluide.
82. Faux. Les sujets les plus efficaces dans le raisonnement inductif sont ceux qui
sont les plus lents pour encoder l’information.
83. Faux. Les sujets les plus rapides pour encoder l’information dans le
raisonnement inductif ne sont pas les plus rapides pour établir des relations
entre les éléments encodés.
84. Vrai.
85. Faux. La corrélation entre la vitesse de lecture et la compréhension est faible,
souvent négative.
86. Vrai.
87. Faux. Les différences de styles d’acquisition du langage disparaissent vers l’âge
de 2-3 ans.
88. Faux. La corrélation entre le niveau de développement opératoire et le QI est
élevée.
89. Faux. Il existe plusieurs voies de développement.
90. Faux.
91. Vrai.
Chapitre 3
Vrai ou faux
QCM – Chapitre 3
1. Les questionnaires sont des tests objectifs de personnalité.
2. Certains tests projectifs peuvent être considérés comme des tests objectifs.
3. La plupart des items des questionnaires de personnalité ne sont pas neutres
quant à la désirabilité sociale.
4. La tendance à donner des réponses socialement désirables peut être inconsciente.
5. Les échelles de mensonge mesurent les réactions émotionnelles des individus.
6. En cas d’incertitude sur la réponse, la tendance à répondre oui est aussi
fréquente que la tendance à répondre non.
7. Dans la méthode dite à choix forcé, on présente au sujet des propositions de
désirabilité sociale variée
8. Le Q-sort est un test objectif de personnalité.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
43. Dans la théorie psychanalytique, l’anxiété résulte d’un conflit entre pulsions.
44. La fonction principale des mécanismes de défense est de réduire l’anxiété.
45. Le déni est un mécanisme de défense.
46. La projection est un mécanisme de défense.
47. La proprioception est un mécanisme de défense.
48. Dans les théories de l’apprentissage, la motivation et l’entraînement sont
deux facteurs en relation additive.
49. Les sujets anxieux acquièrent plus rapidement que les non anxieux des
réponses conditionnelles.
50. Les réponses conditionnelles sont de moindre intensité chez les sujets anxieux.
51. Les sujets anxieux sont plus efficaces dans les apprentissages compétitifs.
52. Les sujets anxieux sont plus efficaces dans les apprentissages non compétitifs.
53. Le pionnier des théories cognitives de l’anxiété est Allport.
54. Les thérapies cognitives sont plus brèves que les thérapies analytiques.
55. L’information négative sur soi est aussi disponible chez les sujets anxieux que
QCM – Chapitre 3
chez les sujets non anxieux.
56. Le rappel d’informations à tonalité affective marquée peut être favorisé par
l’état de l’humeur au moment de l’apprentissage.
57. Les sujets anxieux se caractérisent par une hyper-vigilance vis-à-vis des
stimuli affectivement négatifs.
58. Les sujets anxieux se caractérisent par une hyper-vigilance vis-à-vis des
stimuli affectivement neutres.
59. Dans la théorie d’Eysenck, la structure nerveuse responsable de l’activation du
cortex cérébral est le bulbe rachidien.
60. Les potentiels d’excitation des introvertis s’établissent plus lentement que
ceux des introvertis.
61. Les potentiels d’inhibition des extravertis sont plus forts que ceux des
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
introvertis.
62. Les sujets extravertis sont plus efficaces que les introvertis dans les tâches de
vigilance perceptive.
63. Les introvertis ont de meilleures capacités de rappel à court terme que les
extravertis.
64. Les introvertis ont de meilleures capacités de rappel à long terme que les
extravertis.
65. L’amplitude de la réaction électrodermale est plus forte chez les introvertis.
66. Les sujets introvertis sont plus sensibles aux stimulations physiques modérées
que les extravertis.
67. L’extraversion est une dimension de la théorie de Cloninger.
68. La théorie de Cloninger tente d’établir une relation entre les grandes
448
Psychologie différentielle
QCM – Chapitre 3
450
Psychologie différentielle
Corrigés
Vrai ou faux
27. Faux. Le MBTI permet de définir la personnalité dans le cadre d’une typologie.
28. Vrai.
29. Vrai.
30. Vrai.
31. Faux. Dans le MBTI, l’introversion est l’une des attitudes qui définit
l’orientation de la personne.
32. Faux. La stabilité test-retest, à deux mois, de l’introversion est environ .80.
33. Vrai.
34. Vrai.
35. Vrai, mais la corrélation est faible.
36. Vrai, au moyen du Q-sort.
37. Faux. Une prédiction, certes incertaine, est possible.
38. Faux. Elle porte sur la relation mère - enfant.
39. Vrai.
40. Vrai.
QCM – Chapitre 3
41. Faux. Le situationnisme est un courant de recherche qui considère que la
conduite s’explique principalement par les propriétés spécifiques des situations.
42. Faux. Les points de vue interactionnistes sont des points de vue où l’on
considère que la conduite résulte à la fois de dispositions et de propriétés des
situations en interaction.
43. Vrai.
44. Vrai.
45. Vrai.
46. Vrai.
47. Faux. La proprioception est une modalité de la perception.
48. Faux. La motivation et l’entraînement sont en relation multiplicative.
49. Vrai.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
50. Faux. Les réponses conditionnelles sont plus intenses chez les sujets anxieux.
51. Faux. Les sujets anxieux sont moins efficaces dans les apprentissages
compétitifs.
52. Vrai.
53. Faux. Le pionnier des théories cognitives de l’anxiété est Beck.
54. Vrai.
55. Faux. L’information négative sur soi est plus disponible chez les sujets anxieux
que chez les sujets non anxieux.
56. Vrai.
57. Vrai.
58. Vrai.
59. Faux. Dans la théorie d’Eysenck, les variations de l’activation du cortex
452
Psychologie différentielle
85. Vrai.
86. Vrai.
87. Vrai.
88. Vrai.
89. Vrai.
90. Faux. Les sujets de style dépressif se distinguent des sujets de style défensif par
leurs attributions.
91. Faux. Le trait ne représente qu’un aspect très limité et pas toujours pertinent
du concept de soi.
92. Vrai.
93. Vrai.
94. Faux.
95. Vrai
96. Faux.
97. Faux. C’est l’inverse.
QCM – Chapitre 3
98. Faux.
99. Faux.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Chapitre 4
Vrai ou faux
QCM – Chapitre 4
conduisant à un retard mental.
7. La phénylcétonurie est une maladie génétique dont les effets peuvent être
corrigés par l’alimentation.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
QCM – Chapitre 4
51. Les comportements parentaux associés au développement intellectuel de
l’enfant sont les mêmes que celui-ci soit une fille ou un garçon.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Corrigés
Vrai ou faux
1. Vrai en apparence car les rats sont sélectionnés après une période d’apprentissage
mais faux car il s’agit d’une capacité d’apprentissage spontanée, qui n’a pas été
acquise. Les caractères acquis ne sont pas héréditaires.
2. Vrai.
3. Faux. Dans l’expérience de Tryon, les animaux ont été sélectionnés sur la base
de leur performance dans un labyrinthe.
4. Faux.
5. Faux. La trisomie 21 est une anomalie génétique : elle a son origine dans la
présence d’un chromosome surnuméraire.
6. Faux, c’est la trisomie 21 qui est la plus répandue.
7. Vrai.
8. Vrai, avec une grande variabilité.
9. Faux. Le QI moyen des phénylcétonuriques non traités est de l’ordre de 15-20.
10. Faux. L’éducation atténue les déficits spécifiques liés aux insuffisances mentales
d’origine génétique.
11. Vrai.
12. Faux. Les jumeaux dizygotes sont aussi proches génétiquement que des frères
ou des sœurs.
13. Faux.
14. Faux. Le coefficient de corrélation intra-classe permet de mesurer la
QCM – Chapitre 4
ressemblance intra-paire.
15. Vrai.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
45. Faux. Les enfants adoptés par des parents de milieu social élevé ont un niveau
intellectuel supérieur à celui de leurs frères et sœurs qui n’ont pas été adoptés
et qui sont restés dans un milieu social peu aisé.
46. Vrai.
47. Vrai.
48. Vrai.
49. Faux. L’évaluation positive est une attitude parentale qui facilite le
développement intellectuel.
50. Vrai.
51. Faux. Les comportements parentaux associés au développement intellectuel
de l’enfant diffèrent selon que celui-ci est une fille ou un garçon.
52. Faux. Des trois milieux suivants : faiblement structuré, fortement structuré,
souplement structuré, le troisième est le plus favorable au développement de
l’enfant.
53. Faux. Les pratiques éducatives mettant l’accent sur le respect des normes sont
favorables à l’apparition du style cognitif « dépendant du champ ».
54. Vrai.
55. Faux.
56. Faux. Il y a une diminution des comportements violents à l’âge adulte quelle
que soit la consommation télévisuelle.
57. Faux. La corrélation entre l’intelligence et le niveau scolaire, à catégorie
socioprofessionnelle constante, est de l’ordre de .60–.80.
58. Faux.
59. Vrai.
60. Faux. L’éducation cognitive est un mouvement pédagogique dont Itard et
QCM – Chapitre 4
Binet ont été les initiateurs.
61. Faux. L’éducation cognitive est fondée sur des exercices destinés à faciliter
l’activité mentale.
62. Vrai.
63. Vrai.
Chapitre 5
Vrai ou faux
QCM – Chapitre 4
8. C’est pour la rotation mentale que les différences filles-garçons sont les plus
grandes.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
9. Les filles réussissent mieux que les garçons dans le domaine verbal.
10. Les différences entre filles et garçons dans le domaine verbal apparaissent au
moment de l’adolescence.
11. Les différences entre hommes et femmes sont plus faibles dans la génération
actuelle que dans la génération précédente.
12. On observe dans tous les pays une meilleure réussite en mathématiques chez
les garçons.
13. Les écarts entre les sexes en mathématiques sont plus marqués pour les sujets
QCM – Chapitre 5
efficients.
14. La notation des enseignants a tendance à surestimer les performances des filles
en mathématiques.
15. Les enquêtes PISA permettent de comparer le développement physique des
enfants d’un pays à l’autre.
464
Psychologie différentielle
42. Les écarts entre classes sociales en matière d’intelligence sont en voie de
réduction depuis une trentaine d’années.
43. Avec les tests piagétiens, on n’observe pas de différence de niveau de
développement entre les classes sociales.
44. La liaison entre l’origine sociale et les résultats aux tests d’intelligence apparaît
au moment de l’adolescence.
45. L’école réduit les différences moyennes d’intelligence entre enfants
appartenant à des groupes sociaux différents.
46. L’orientation vers la réussite est moins marquée dans les milieux populaires.
47. Les enfants de même niveau scolaire ont des projets d’orientation d’ambition
équivalente quelle que soit leur classe sociale.
48. Les effets de la récompense ne sont pas les mêmes selon la classe sociale
d’appartenance des enfants.
49. Les valeurs relatives à la conformité au groupe sont plus fréquentes dans les
milieux populaires.
50. On accorde plus d’importance à la politesse des enfants dans les milieux aisés.
51. La curiosité d’esprit est davantage encouragée dans les classes favorisées.
52. Les troubles névrotiques sont plus fréquents dans les classes populaires.
53. Les troubles psychotiques sont aussi fréquents dans toutes les classes sociales.
54. Dans les enquêtes internationales sur les acquis des élèves la France se situe
dans la moyenne des pays de l’OCDE.
55. La France est l’un des pays où les écarts de réussite scolaire en fonction de
l’origine sociale sont les moins marqués.
56. L’écart des résultats scolaires entre les enfants de cadres et les enfants
d’ouvriers est une bonne mesure de la corrélation entre origine sociale et
réussite à l’école.
57. Ce sont les mêmes facteurs de milieu qui expliquent à la fois la variabilité
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
au sein d’un groupe social et les différences entre groupes sociaux en matière
d’intelligence.
58. Les tests qui différencient peu les groupes sociaux permettent de bons
pronostics de la réussite scolaire.
59. La situation habituelle d’évaluation ne permet pas aux sujets des groupes
favorisés de manifester toutes leurs compétences.
60. On a montré que les différences d’efficience cognitive entre enfants issus de
classes sociales différentes avaient, pour une part, une origine héréditaire.
QCM – Chapitre 5
61. Dans les milieux populaires, les règles relatives à l’éducation des enfants sont
appliquées d’une manière plus systématique que dans les milieux aisés.
62. La théorie de B. Bernstein explique les différences linguistiques entre les
classes sociales.
466
Psychologie différentielle
Corrigés
Vrai ou faux
1. Vrai.
2. C’est un point en discussion.
3. Vrai.
4. Faux. Les filles et les garçons ont des scores à peu près égaux dans les tests
d’intelligence.
5. Vrai.
6. Vrai.
7. Faux. On observe des différences entre filles et garçons dans les épreuves
spatiales à partir de 7-8 ans.
8. Vrai.
9. Vrai.
10. Faux. Les différences entre filles et garçons dans le domaine verbal apparaissent
dès le début de l’apprentissage du langage.
11. Vrai.
12. Sur ce point les résultats des enquêtes internationales ne sont pas parfaitement
cohérents.
13. Vrai.
14. Faux. C’est l’inverse.
15. Faux
16 Faux.
17. Faux
18. Faux. En mathématiques, les différences entre les sexes sont plus fortes dans la
notation scolaire que dans les épreuves objectives.
19. Faux. Dans le domaine scolaire, les filles ont une image d’elles-mêmes moins
positive que celle des garçons.
20. Vrai.
21. Faux. Le besoin de réussite est moins fort chez les filles que chez les garçons.
22. Vrai.
23. Faux. Les conduites d’aide à autrui sont différentes chez les femmes et chez les
hommes.
24. Vrai.
25. Faux. Les différences entre les sexes en matière d’agressivité apparaissent
précocement.
26. Vrai.
27. Faux.
467
QCM et Corrigés
28. Vrai.
29. Vrai.
30. On le pensait mais actuellement cette proposition est discutée.
31. Faux.
32. Certains pensent que c’est vrai, d’autres que c’est faux !
33. Faux.
34. Faux.
35. Faux. Les sujets psychologiquement androgynes ont de meilleures capacités
d’adaptation sociale.
36. Vrai
37. Faux.
38. Vrai.
39. Faux. Ils sont de l’ordre de 15 points (un écart-type).
40. Vrai.
41. Faux. La corrélation entre le niveau socio-économique et les scores aux tests
piagétiens sont de l’ordre de .30 –.45.
42. Faux.
43. Faux.
44. Faux. La liaison entre l’origine sociale et les résultats aux tests d’intelligence
apparaît à l’âge de 18-24 mois.
45. Faux. L’école n’atténue pas les différences moyennes d’intelligence entre
enfants appartenant à des groupes sociaux différents
46. Vrai.
47. Faux. Les enfants de même niveau scolaire ont des projets d’orientation
d’ambition différente en fonction de leur classe sociale.
48. Vrai.
49. Vrai.
50. Faux.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
51. Vrai.
52. Faux.
53. Faux. Ils sont plus fréquents lorsque le niveau socio-économique est bas.
54. Vrai.
55. Faux. Pour les mathématiques et les sciences la France est l’un des pays où la
liaison entre l’origine sociale et les performances des élèves est la plus forte.
56. Faux car on ne prend pas en compte toute la population.
57. Vrai.
QCM – Chapitre 5
58. Faux.
59. Vrai.
60. Faux.
61. Vrai.
62. Vrai.
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Kwashiorkor 310
P
perception 164
L ——de la verticale 120-121
personnalité 84, 120, 124, 181, 183-
192, 194-196, 199, 202, 204-205,
langage 167, 406, 425-426 208-210, 217-220, 222-223, 225-
leadership 217, 375 226, 234, 247-248, 250, 253, 255,
lecture 162-166 262-265, 272, 274, 278, 288, 293,
lexicale (approche) 195 321, 334, 367, 371, 406, 445
PF (16PF) 199
phénylcétonurie 285, 305
potentiels d’apprentissage 114
498
Psychologie différentielle
R T
V W