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Introduction............................................................................................................................................. 8
Chapitre 1 – Les phobies : mieux les comprendre pour mieux les traiter........... 10
1 QU’EST-CE QU’UNE PHOBIE ?............................................................................................................ 12
Une souffrance très fréquente............................................................................................................. 12
L’âge d’apparition des phobies......................................................................................................... 13
Une définition internationalement partagée.................................................................................... 13
L’attaque de panique.......................................................................................................................... 13
L’évitement............................................................................................................................................ 14
L’anticipation anxieuse........................................................................................................................ 14
Grandes familles de phobies............................................................................................................... 15
Tout peut être source de phobies....................................................................................................... 16
2 DEPUIS QUAND PARLE-T-ON DE PHOBIES ?...................................................................................... 16
3 COMMENT ÉVOLUE UNE PHOBIE ?..................................................................................................... 17
La phobie extensive.............................................................................................................................. 17
La guérison spontanée de la phobie................................................................................................. 18
La phobie chronique............................................................................................................................ 19
4 POURQUOI L’ENFERMEMENT DU SUJET PHOBIQUE ?.......................................................................... 21
5 DES TERMES À NE PAS CONFONDRE................................................................................................... 23
Bibliographie........................................................................................................................................... 263
Liste des auteurs
L
ES PHOBIES FONT partie des troubles anxieux et sont aujourd’hui bien
connues. Elles se traduisent par une peur aiguë. Cette peur naît systé-
matiquement lorsque l’on se retrouve face à une situation, un animal ou
un objet redouté. Elle n’a rien de commun avec la réalité et se révèle tout à fait
impossible à contrôler.
Ces peurs irrésistibles sont fréquentes et tout le monde peut en souffrir. Une
association internationale de sujets phobiques en dénombre même plus de six
mille cinq cents formes, c’est dire si elles sont multiples !
Cet ouvrage vous fera voyager dans l’univers des phobies en définissant dans le
chapitre 1 ce qu’est réellement une phobie. Comment une phobie apparaît-elle
soudainement ? Le plus souvent pour des raisons multiples. Au moins une
dizaine de causes sont détaillées dans le troisième chapitre. La phobie apparue
peut disparaître spontanément, mais dans la moitié des cas elle persiste, s’ins-
talle et entraîne des évitements, des appréhensions, des réactions émotionnelles
telles que la honte, la peur d’avoir peur, le découragement, etc., avec un
ensemble de stratégies spontanées pour faire face et de conséquences (décrites
dans le chapitre 4). Afin de vous familiariser avec les prescriptions médicamen-
teuses et les aides psychologiques efficaces proposées aux patients phobiques,
nous faisons un bref survol de ces différents traitements dans le chapitre 5. Le
chapitre 6 décrit les premières étapes de la prise en charge comportementale et
cognitive et les outils classiques appris aux patients phobiques (relaxation,
contrôle respiratoire, techniques d’expositions progressives, outils informati-
sés, etc.). Le chapitre 7 détaille les particularités de la prise en charge des pho-
bies sociales. Le chapitre 8 explore les dernières innovations dans la prise en
charge des phobies. Les chapitres 9 et 10 présentent les principales phobies à
travers des exemples cliniques avec leurs déroulés thérapeutiques. Le cha-
pitre 11 dresse l’état de l’évaluation des thérapies des phobies et leurs perspec-
tives.
Introduction
Chapitre 1
Les phobies : mieux
les comprendre
pour mieux les traiter
1 Qu’est-ce qu’une phobie ? 12
2 Depuis quand parle-t-on de phobies ? 16
3 Comment évolue une phobie ? 17
4 Pourquoi l’enfermement du sujet phobique ? 21
5 Des termes à ne pas confondre 23
L
’ANXIÉTÉ EST UNE ÉMOTION courante et banale, éprouvée en de multiples cir-
constances. Dès qu’elle est trop importante, les sensations physiques
sont désagréables, marquées par un sentiment de fébrilité, de tension,
ou d’inconfort avec une appréhension diffuse. Cette réaction intense modifie le
comportement et entraîne une conduite d’évitement, conçue pour échapper à la
source de la peur. La plupart des phobies sont l’amplification d’un sentiment
normal. Par exemple, la phobie des araignées représente une maximalisation
des sensations que la majorité des personnes ressentent à leur contact.
fiques est de 4,7 % sur les douze derniers mois et de 11,6 % sur la vie entière
(HAS, 2014), ce qui en fait le plus fréquent des troubles anxieux (Van Houtem et
al., 2013). La fréquence est globalement deux fois supérieure chez la femme. De
fait, ce trouble anxieux intéresse 20 % des sujets en population générale, 30 à
40 % en consultation de psychiatrie, 5 à 10 % en milieu hospitalier.
Extrêmement fréquente, elle est souvent peu remarquée par l’entourage du fait
de l’évitement de la situation anxieuse par le phobique ou encore par l’utilisa-
tion de stratégies d’adaptation (objet contra-phobique, fétiche, personne rassu-
rante…).
L’âge d’apparition des phobies
L’âge de début des troubles diffère selon le type de phobie spécifique, avec un
début des troubles dans l’enfance (entre 8 et 13 ans) pour la phobie des animaux,
l’agoraphobie, la phobie du sang et des maladies et les autres phobies. Concer-
nant les phobies situationnelles, l’apparition des troubles est plus tardive, à
l’adolescence ou chez le jeune adulte (Van Houtem et al., 2013 ; Park et al. 2013).
L’attaque de panique
La phobie provoque quasi systématiquement une réaction anxieuse immédiate
qui peut prendre la forme d’une crise d’angoisse aiguë (attaque de panique ou
ADP).
L’évitement
Le sujet phobique reconnaît le caractère excessif de sa peur. Dès qu’il le peut, il
évite la situation phobogène.
L’anticipation anxieuse
L’anticipation anxieuse rassemble des réactions physiologiques, comportemen-
tales et mentales qui précèdent les situations ou événements que le sujet doit
affronter ou bien qu’il imagine comme susceptibles de se produire. L’anticipa-
tion anxieuse est jugée à tort comme une activité mentale qui renforcerait la
Comment soigner une phobie
1. . Dr. Mirabel-Sarron, La phobie, une maladie à prendre au sérieux, Interview par le Dr. Bruet Ferreol,
2012.
s’attendre à ce que cela se produise. L’anticipation anxieuse est donc souvent
confortée par l’expérience. Le caractère morbide de l’anxiété est souvent
méconnu et son importance et sa gravité potentielle sous-estimées.
Un catalogue exhaustif des phobies n’est donc pas envisageable, mais il existe
parmi la somme inépuisable des phobies plus de phobies que de jour de l’année.
L’annexe 4 rassemble des exemples de phobies les plus courantes.
constitue une alarme utile face à une situation dangereuse, de la peur patholo-
gique (phobie) qui correspond à une alarme mal réglée, dans son activation
comme dans sa régulation (André, 2004). Dans la Grèce antique, Phobos était
une divinité honorée avant le combat. Il est le fils du dieu Arès, dieu de la guerre,
et d’Aphrodite, déesse de la beauté. Il accompagne son père à la guerre avec son
frère Déimos. Il incarne la peur panique.
L’Iliade le décrit ainsi :
Tout d’abord les phobies sont rangées au chapitre des délires émotifs selon la
classification de Morel, aux côtés de l’hystérie, des obsessions et des états
dépressifs multiformes. Il faut attendre 1875 pour que les phobies soient traitées
en tant que telles. Wesfall introduit le terme « agoraphobie » en 1878. En France,
Legrand de Saule décrit la peur des espaces qui terrorise le phobique, effrayé de
se sentir isolé du monde entier devant le vide qui l’entoure, tout en sachant que
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sa frayeur n’est pas fondée. En 1879, Ball décrit la claustrophobie. Puis viendront
successivement les descriptions de l’érotophobie en 1899, puis la thanatophobie
(peur de la mort), la cynéphobie (peur des chiens), l’acrophobie (peur des hau-
Martiale, 30 ans, est claustrophobe depuis une dizaine d’années. Elle n’a tou-
tefois jamais renoncé à prendre le métro quotidiennement même si c’est diffi-
cile. À chaque fois, elle est mal, elle a chaud, elle ne se sent pas très à l’aise.
Elle évite aussi le regard des autres, pensant qu’ils ne peuvent pas manquer
de remarquer son mal-être. Il n’est pas rare qu’elle effectue un voyage en
métro en trois fois, reprenant un peu de calme en s’arrêtant quelques instants
dans une station. Cela a été un vrai combat, « pénible », dit-elle. Ensuite, c’est
devenu de moins en moins difficile. « Parfois, j’arrive même à oublier que je
suis dans un endroit clos et que je peux manquer d’air », précise-t-elle.
La phobie chronique
▶ Attention aux phobies qui durent !
Ce trouble anxieux peut empoisonner la vie car il est difficile à expliquer aux
autres.
Le cas d’Anne n’est pas exceptionnel. D’autres font de longs détours pour éviter
un pont, un tunnel, ou passer à distance d’un hôpital. Ces aménagements pour
éviter l’affrontement à l’objet ou à la situation phobogènes prennent du temps,
entraînent de la fatigue, et finissent par gâcher la vie sociale, professionnelle et
personnelle.
Par conséquent, mal comprises et mal perçues, les phobies constituent souvent
un sujet « tabou », une honte pour les personnes atteintes, qui ont le sentiment
que « quelque chose cloche ». De surcroît, elles entraînent une souffrance qui reten-
tit sur leur vie.
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Conduites contra-phobiques
• Prendre sur soi un objet porte-bonheur ou un fétiche.
• Se réciter des prières pendant le parcours.
• Absorber un tranquillisant, des plantes médicinales ou de l’alcool fort, pour
diminuer l’angoisse, avaler une boisson alcoolisée ou « tonique » pour se
donner du courage.
• Faire un détour pour ne pas risquer de tomber sur l’objet en question.
• Se rendre à sa destination par un autre moyen de transport, voire à pied,
quitte à perdre un temps considérable et cumuler beaucoup de fatigue, etc.
22 Automédication, attention !
Chez certains phobiques, il arrive d’observer des conduites qui,
loin de chercher à éviter l’objet ou les situations phobogènes,
l’affrontent volontairement, consciemment, dans une attitude
de défi. En adoptant ce comportement « contra-phobique »,
soudain et surprenant pour l’entourage, le sujet cherche à nier sa peur ou bien
à atténuer son angoisse. Il se prend pour un matamore, prêt à en découdre. Il
ne s’agit donc pas d’une tentative planifiée de contrôle de la peur, mais d’un
acte désespéré pour en finir avec le sentiment de soumission à l’angoisse. Ces
conduites s’avèrent inefficaces et dangereuses ; elles ont un caractère éphé-
mère et laissent un goût amer.
Si, de surcroît, les petits trucs mis en place par le sujet fonctionnent peu ou mal
pour contrôler la phobie, le blocage est total.
Aline raconte à ses amis qu’il lui est impossible d’approcher une poule. Terri-
fiée, elle est obligée de faire demi-tour.
Elle explique aussi que, tout bien considéré, ce qu’elle redoute par-dessus
tout, c’est le contact des plumes. Il suffit à Aline d’un peu de réflexion pour
savoir qu’il n’y a aucun danger à toucher une plume, voire plusieurs plumes de
poulet. Elle n’imagine pas une seconde que ce soit une menace pour elle.
Pourtant, elle ne peut pas s’empêcher d’avoir peur, c’est irraisonné, elle
n’arrive pas à se contrôler quand elle aperçoit une poule et elle doit faire un
large détour pour l’éviter.
Aline constate de fait l’irréalité de sa peur et voit bien que les autres autour
d’elle, famille et amis, n’ont pas cette réaction à la vue d’une poule. D’ailleurs,
Aline ne se confie pas et cache sa phobie autant qu’elle le peut, plutôt que de
déclencher l’étonnement, voire le rire : « Cela paraît tellement stupide. » En
effet, plus les objets ou les situations sources de phobies sont ordinaires et
familiers, moins l’entourage comprend l’attitude du phobique, sa peur incon-
trôlable. Au lieu de lui témoigner indulgence et réconfort, les autres s’évertuent
à persuader le phobique de l’irrationalité de la situation. C’est ainsi qu’on
répétait à Aline régulièrement : « Allons, ne sois pas stupide, il ne peut rien
t’arriver » ; « Toi qui es si perspicace habituellement… »
Aline, honteuse de sa phobie, voudrait bien la dissimuler. Elle cherche à antici-
per et à prévoir les situations où elle pourrait se trouver nez à nez avec une
poule ou un quelconque volatile de poulailler. Justement, elle est invitée chez
son cousin qui vient d’aménager sa nouvelle ferme. Elle se dit que, si cette
première stratégie échoue, elle pourra toujours prétexter de violents maux de
tête pour rester à l’intérieur de la maison, au calme. Aline perçoit bien le ridi-
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cule de la situation, elle n’en parle plus et souffre en silence. Elle viendra finale-
ment solliciter notre aide un peu plus tard pour ne pas devoir renoncer à un
stage de qualification professionnelle susceptible de la mettre en situation diffi-
cile.
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Quels sont les symptômes, leur fréquence, leur durée, leur date d’apparition ?
Identifier les contextes qui l’aggravent, ou au contraire diminuent son intensité.
L’évitement
L’évitement est la stratégie la plus naturelle face à une situation
redoutée. Le sujet évite de s’y confronter par des moyens plus
ou moins complexes.
Le problème est que l’évitement est renforcé par la diminution de l’anxiété. Il
peut alors en résulter un évitement de plus en plus extensif au point, par
Comment soigner une phobie
exemple, de rester cloîtré chez soi, impasse finale d’une agoraphobie initiale-
ment peu intense ou occasionnelle.
Il existe des évitements subtils, notamment des évitements dits actifs. Par
crainte de devoir affronter son courrier, de faire ses devoirs, il est fréquent de
s’engager activement dans des tâches fort utiles (rangement, vérification de ses
comptes), alors qu’il s’agit d’un évitement de la tâche redoutée.
L ‘échappement désigne très naturellement le fait de se soustraire brutalement
à la situation lorsqu’on s’y trouve exposé. C’est fréquemment le cas de sujets
volontaires qui entreprennent de s’exposer à la situation mais éprouvent alors
une forte anxiété qui les conduit à renoncer et à fuir la situation. La consé-
quence peut être une aggravation de la phobie.
Cet échappement peut se produire dans le cadre d’une thérapie de désensibili-
sation si un item de la hiérarchie se révèle trop anxiogène dans l’état actuel du
patient, d’où l’intérêt d’établir avec lui une hiérarchie des peurs précise et cir-
constanciée. Affronter un escalier le matin ou le soir, par beau temps ou temps
gris : est-ce bien pareil pour vous ?
Si des crises d’angoisse aiguë (attaques de panique ou ADP) sont décrites, préci-
ser leurs fréquences par semaine, leur durée, leurs conséquences, leur intensité.
Identifier l’évolution des symptômes, repérer les traitements reçus, et préciser
leur efficacité, etc.
Il faut préciser les différentes attitudes par rapport à la situation source de pho-
bie. Y a-t-il un comportement d’évitement ? Des attitudes de lutte contre
l’angoisse ? Observe-t-on une consommation excessive d’alcool ? De médica-
ments ? Quelles sont les répercussions de la phobie sur la situation familiale, la 29
situation professionnelle, la situation personnelle ?
Tout peut être sujet de phobie, des sauterelles au feu, en passant par le sang, les
maladies, les hauteurs, les araignées, le confinement dans un espace restreint.
Il faut cependant distinguer les phobies simples des phobies complexes, qui dif-
fèrent par leur gravité et leur traitement.
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– Parmi les phobies simples, on retrouve la phobie des animaux (chats,
chiens, araignées, rats, insectes…), la phobie du sang, la phobie du feu…
– En revanche, l’agoraphobie (peur du vide et de l’espace) et la phobie
sociale (peur irrationnelle ressentie en présence d’autrui) sont deux pho-
bies complexes. Elles sont source de souffrances quotidiennes ; elles
déclenchent en effet d’emblée des manifestations de grande ampleur.
Ainsi, la gravité d’une phobie tient avant tout à la fréquence à laquelle on est
exposé à la source de la peur. La phobie des serpents tropicaux est très pénible,
mais ces bestioles se promènent rarement en France ! À l’inverse, l’agoraphobe
est confronté tous les jours à l’espace. Il lui est impossible d’éviter rues, places,
boulevards ou champs. À terme, il risque de s’isoler, de se replier sur lui, voire de
se cloîtrer simplement par peur d’avoir peur, de développer des comportements
Comment soigner une phobie
Les enfants ont souvent peur des animaux. Les phobies concernent un enfant
sur six, mais elles disparaissent généralement entre 9 et 11 ans. Cette phobie des
animaux entraîne, comme pour Marie, non seulement l’évitement de l’objet
physique, le chat en l’occurrence, mais aussi de tout ce qui peut représenter
l’objet phobogène. Dans les films – publicitaires en particulier – ou les maga-
zines, par exemple, elle a toujours l’appréhension de se retrouver face à une
représentation plus ou moins stylisée ou réaliste de l’objet de sa phobie, le chat !
Claustrophobie
La claustrophobie est la peur irrationnelle des espaces confinés, de l’enferme-
ment. Le sujet claustrophobe éprouve une sensation de peur pouvant aller
jusqu’à la peur de mourir ou de devenir fou dans le cas d’attaques de paniques
associées.
Comment soigner une phobie
Rachman, en 1990, montre que cette phobie incorpore deux composantes par-
tiellement indépendantes : la peur de l’enfermement (traditionnellement consi-
dérée comme l’unique composante de la claustrophobie) et la peur de
l’étouffement. En conséquence, il faut évaluer pour chaque sujet la part prise
par chacune de ces composantes.
L’acrophobie vient du grec akros, extrémité, et phobos, crainte qui peut frapper
tout à coup, sans crier gare. Elle n’épargne pas les adeptes de la montagne. Cette
peur atteint un cinquième de la population, mais elle a tendance à s’atténuer
avec l’âge.
Elle a été confrontée à une situation vécue comme dangereuse liée à la hauteur.
Cette expérience pénible laissera une empreinte. Le mécanisme est enclenché :
la personne acrophobe sera attentive à tout signe avant-coureur de malaise.
Phobie situationnelle
▶ Phobie des voyages aériens, des espaces clos
Céline ne peut plus monter dans un avion depuis un dernier voyage, il y a six
ans, au cours duquel elle a vécu une alerte à la bombe en plein vol : fouille de
tous les bagages à main, montée de la tension dans l’avion, angoisse de
l’explosion et, pour finir, rien, pas de bombe, tout le monde quitte pour la peur,
mais impossible d’oublier…
À notre époque, c’est une phobie très handicapante, qui peut avoir de graves
conséquences dans la vie professionnelle et familiale. Ainsi, certaines personnes
souffrant d’aérophobie ne peuvent se déplacer et sont irrémédiablement cou-
pées de leur noyau familial. Pour beaucoup d’auteurs, il s’agit d’une phobie des
transports particulière, entièrement placée sous le signe de la mort. Ces phobies
de l’avion déclenche quasi systématiquement des angoisses liées aux espaces
clos. L’aérophobie serait donc associée à la claustrophobie. L’angoisse de la mort
et l’angoisse des espaces clos seraient donc directement liées dans la phobie de
l’avion.
Jacqueline et la voiture 35
Jacqueline est grand-mère. Depuis quelque temps, elle n’arrive plus à
conduire sa voiture que sur de très petits parcours. Jusqu’à présent, elle ren-
dait service à l’une de ses filles en allant garder une fois par semaine ses deux
petits-enfants. Sa fille n’habite pas très loin, mais il n’y a aucune possibilité de
s’y rendre avec les transports en commun. Jacqueline ne sait pas ce qui lui
arrive, elle qui était si indépendante, qui adorait conduire aussi bien pour partir
en vacances, que pour aller faire les courses et même celles de ses voisines !
Il y a quelques semaines, au volant de sa voiture sur un trajet habituel, elle a
tout à coup du mal à respirer, avec une impression d’étouffement dans la poi-
▶ Aspects thérapeutiques
Plusieurs méthodes thérapeutiques sont utilisées dans le traitement de ce type
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de patient.
Autres phobies
▶ Agoraphobie
L’agoraphobie est soit la peur de se retrouver dans des situations ou des endroits
dans lesquels on ne pourrait pas trouver de secours, soit celle de se retrouver
seul à l’extérieur du domicile, par exemple dans une foule. C’est la phobie de
loin la plus handicapante. Elle restreint les déplacements ou exige un accompa-
gnement par une personne de confiance, inspirant la sécurité.
Marc et le trajet jusqu’à la faculté
Marc est étudiant. Un soir, en rentrant de cours, sur le trajet du retour chez
ses parents, il se sent pris d’une faiblesse soudaine. Il marche dans la rue et il
a l’impression qu’il va s’évanouir. Il s’arrête, obligé de prendre appui contre le
mur d’une maison. Il ne tombe pas, ne perd pas connaissance, finit par repar-
tir et rentre chez lui.
Dès le lendemain, il remarque que la rue le met mal à l’aise. Petit à petit, il fait
attention à ne plus s’écarter du parcours stéréotypé qui le conduit de chez lui
à la faculté. Il ne va plus se promener pendant l’heure du déjeuner seul ou
avec des amis. Le week-end, il invente tous les prétextes pour rester à son
domicile, enfermé dans sa chambre. Puis, le trajet de la faculté devient lui-
même difficile et il se met à prendre tous les jours, en cachette de ses parents,
des médicaments afin de finir quand même son année universitaire.
Marc a réussi à passer ses examens. Dès le début des vacances, il a décidé
de consulter et de demander de l’aide dont un sevrage aux tranquillisants.
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▶ Agoraphobie avec attaques de panique (ADP)
Elle concernerait 4 % de la population française. L’agoraphobie est souvent diag-
nostiquée associée à des crises d’anxiété aiguë appelées attaques de panique.
Les situations classiquement à risque pour un agoraphobe sont les rues, les
places, les jardins, les parcs, etc. Par réaction (et crainte de subir une attaque de
panique), les sujets agoraphobes évitent les lieux qui déclenchent chez eux une
angoisse, et peuvent finir à terme par vivre reclus, incapables de quitter leur
domicile, totalement isolés socialement.
inquiétants.
– Stade des phobies multiples et de l’évitement du contact social,
avec la peur de présenter une ADP en public. L’anticipation des
situations menaçantes s’installe peu à peu à la recherche de dan-
gers environnementaux prédisposant à la panique (foule, endroit
clos, etc.). Les sujets malades comprennent à leurs dépens que les
signaux aversifs s’avèrent être internes, incontrôlables, justifiant
la nécessité d’une protection de plus en plus stricte.
– L’évitement des menaces potentielles s’organise alors, soulageant
en partie l’angoisse, mais renforçant l’anticipation péjorative des
circonstances (conditionnement opérant).
Les symptômes anxieux sont des sources supplémentaires d’un danger perçu,
produisant une série de cercles vicieux qui contribuent ultérieurement au main-
tien du trouble phobique. 41
Cette surinterprétation des dangers physiques et psychologiques concerne soi-
même et le monde environnant.
La phobie sociale se caractérise donc comme une peur intense des situations
sociales ou de performance. Quand les sujets redoutent plus d’une situation de
relation sociale, on parle de phobie sociale généralisée s’opposant à la phobie
sociale spécifique concernant une situation précise telle que la peur de parler en
public.
La phobie sociale spécifique apparaît plus tardivement dans la vie, les comorbi-
dités et les handicaps sociaux sont moins fréquents. Cependant, il existe un
risque d’évolution vers la forme généralisée (Berghändler et al., 2007). Les formes
généralisées touchent la majorité des situations sociales, aux conséquences
socioprofessionnelles importantes. La phobie sociale généralisée est d’appari-
tion plus précoce et tend à s’aggraver : augmentation du nombre de situations
phobiques, des troubles associés et du handicap social.
Symptômes
Les symptômes ressentis par le phobique social sont très nombreux, citons pour
exemple :
• une anxiété, accompagnée par des attaques de panique ;
• une anxiété anticipée, avant même la situation redoutée ;
• des manifestations physiques intenses de l’angoisse : tremblements,
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dans les mains, les jambes ou la voix ;
• une érubescence ;
• une sueur profuse ;
• la crainte d’être observé et jugé négativement par les autres ;
• la peur de bafouiller et de rougir ;
• la crainte d’être vu comme fou, faible ou stupide ;
• la crainte de ne pas intéresser les autres ;
• tendance à éviter les situations sociales dans lesquelles la personne se
sent gênée (isolement).
▶ Évitement ou fuite
Les symptômes comportementaux des phobiques sociaux sont essentiellement
des conduites d’évitement ou de fuite.
Ainsi l’autre devient générateur d’anxiété. Le sujet anticipe alors les situations
sociales et craint de se comporter d’une façon humiliante ou embarrassante.
Son état de conscience de soi anxieux favorise un ensemble d’idées de dévalori-
sation de soi : peur de ne pas parler en public comme les autres ou peur de ne
pas pouvoir être capable de soutenir une conversation. Le sujet qui anticipe de
cette manière peut difficilement mobiliser ses capacités de verbalisation, d’exé-
44 cution, d’agilité, de réflexion, d’association, d’observation et, pour finir, de déci-
sion.
Ces jeunes sont inhibés, évitent les regards. À la cantine de l’école, certains ont
des nausées ou ressentent comme un nœud dans la gorge qui les empêche
d’avaler s’ils se croient observés. Ils craignent de renverser un verre, ils ont peur
que leur main tremble en tenant une fourchette ou une tasse. À l’école, ils se
placent au fond de la classe par crainte d’être interrogés tant ils redoutent
d’aller au tableau, de « dire une bêtise » et de provoquer des moqueries. Ils ont
peu d’amis et se sentent toujours abandonnés s’ils se retrouvent seuls dans une
Les relations sociales et leur cadre (soirées, réunions de travail, stage de forma-
tion, club de loisirs, transports en commun…) sont les deux principales sources
des stimuli anxiogènes. Ils anticipent, avec une anxiété somatique intense, la
récitation d’une poésie, un exposé. Leur sommeil est perturbé la veille des
« situations à risque ».
▶ De nombreuses comorbidités
La phobie sociale est souvent comorbide à d’autres troubles psychiatriques
(selon l’étude de Tyrer et al. 1999).
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Trouble de la personnalité évitante
1) Le sujet évite les activités sociales professionnelles qui impliquent des
contacts importants avec autrui par crainte d'être critiqué, désapprouvé ou
rejeté.
2) Réticence à s'impliquer avec autrui à moins d'être certain d'être aimé.
3) Est réservé dans les relations intimes par crainte d'être exposé à la honte et
au ridicule.
4) Craint d'être critiqué ou rejeté dans les situations sociales.
5) Est inhibé dans les situations interpersonnelles nouvelles à cause d'un senti-
ment de ne pas être à la hauteur.
6) Se perçoit comme socialement incompétent, sans attrait ou inférieur aux
autres.
7) Est particulièrement réticent à prendre des risques personnels ou à s'enga-
ger dans de nouvelles activités par crainte d'éprouver de l'embarras.
Comment soigner une phobie
Lorsque le phobique social est confronté à une situation redoutée, les symp-
tômes somatiques sont au premier plan (tremblements, impression de secousse,
douleur ou endolorissement musculaire, fébrilité, fatigabilité, sensations
d’étouffement, tachycardie, sécheresse de la bouche, transpiration, gêne gastro-
intestinale, rougissement, confusion…).
Ces phobiques luttent pour que ces signes anxieux ne soient pas observés par
les autres. Leurs craintes excessives d’être ridicule gênent leurs performances.
Ceci entraîne un cercle vicieux où l’évitement de la situation phobogène est jus-
tifié par la mauvaise qualité de la performance (Vera in Samuel-Lajeunesse,
Mirabel-Sarron, Vera et Mehran, 2004).
▶ Un handicap à vie
Le retentissement sur le fonctionnement du sujet est un domaine encore peu
étudié. L’entretien clinique avec ces patients montre que l’anxiété sociale gêne
considérablement le fonctionnement social et intellectuel, perturbation allant
jusqu’à la stupeur associative, c’est-à-dire l’incapacité à mobiliser les méca-
nismes intellectuels (mémoire d’évocation, imagination, association d’idées)
pour faire face à une situation sociale. La phobie sociale persiste et s’intensifie
c’est la crainte des regards des autres croisés dans la rue, dans les transports ou
des automobilistes arrêtés au feu rouge.
Les idées morbides et suicidaires s’intègrent dans ce cercle vicieux, elles sont
rarement exprimées par le patient et pourtant elles existent dans presque 70 %
50 des cas.
DSM-IV) dont nous ne discuterons pas ici les avantages et limites peuvent aider
les thérapeutes dans leurs démarches diagnostiques.
Lésions traumatiques
Les traumatismes crâniens, par exemple, peuvent engendrer des séquelles
Sylvianne et l’agoraphobie
Sylvianne fait un voyage à l’étranger en autocar avec des amies. L’autocar
prend un virage un peu serré, et c’est la collision avec le véhicule de la voie
opposée. Sylvianne s’en sort avec une entorse de la cheville et c’est tout, hor-
mis l’apparition d’une agoraphobie sévère dès son retour.
L’entretien révèle une impression de « moins bien voir » les détails du paysage.
Un examen de champ visuel pratiqué en milieu hospitalier a identifié pour cette
patiente une altération importante de son champ visuel. Sylvianne ne voit plus
rien dans la moitié inférieure de son champ visuel, séquelle d’un trouble hémor-
ragique traumatique probable. En conséquence, toutes les aspérités sur le sol,
tous les trottoirs, les marches d’escaliers ne sont pas perçues. Les sources de
chutes et de trébuchement innombrables constituent peu à peu la phobie de
l’extérieur, de l’éloignement de son domicile.
Christophe et l’acrophobie
Christophe souffre d’acrophobie après plusieurs chutes dans des escaliers. Il
en vient à vendre son pavillon à trois niveaux pour emménager dans un appar-
tement. Il est peu après hospitalisé pour un accident vasculaire cérébral grave.
Les médecins détectent des séquelles de multiples AVC qui ont précédé le
plus grave et qui n’avaient jamais été diagnostiqués.
Ainsi, des plaintes phobiques peuvent s’inscrire dans un processus délirant plus
continu. L’entretien clinique permet de retrouver l’ensemble des symptômes
Comment soigner une phobie
Les deux phobies les plus fréquentes apparaissant en même temps que la
dépression sont la peur des espaces ouverts (agoraphobie) et la peur des autres
(phobie sociale).
• La phobie des espaces vides se traduit par une peur de sortir dans la rue,
d’appréhender les espaces, les carrefours, les moyens de transport, et
confine la personne à son domicile. Si, en revanche, vous êtes accompa-
gné d’une personne connue et rassurante, vous pouvez alors affronter
avec plus de quiétude tous ces lieux difficiles ; cette peur des espaces
vides vous amène rapidement à ne plus pouvoir vous rendre à votre tra-
vail, ni même à pouvoir faire vos courses pour vous alimenter.
53
• Quant à la peur des autres, elle vous amène à éviter toute relation inter-
personnelle. Déjà la fatigue, le « plus envie de rien » et la vision d’un monde
entièrement négatif ne faisaient pas de vous un être très communicant,
mais cette peur contribue à vous isoler davantage. Trois études succes-
sives, menées durant les vingt dernières années à Sainte-Anne auprès de
très nombreux patients déprimés, hospitalisés pour leur dépression, ont
montré qu’environ 75 % d’entre eux présentaient cette peur des autres et
que, après rémission de l’état dépressif, seuls moins de 20 % environ
conservaient cette phobie. Cette dernière constatation est conforme aux
Le traitement de ces phobies d’impulsion est le même que celui de toutes les
manifestations obsessionnelles, à la fois médicamenteux et psychologique.
▶ Troubles post-traumatiques
Ils sont malheureusement de plus en plus souvent à la une du fait des attentats,
des accidents, des violences… Ces circonstances traumatiques peuvent engen-
drer de véritables conduites phobiques. Elles peuvent également provoquer le
développement d’autres symptômes assez proches appelés « état de stress post-
traumatique ». Ce trouble anxieux particulier se développe après plusieurs mois.
54 Que l’accident ou l’attentat ait entraîné des blessures physiques ou non. Des
troubles du sommeil apparaissent, ainsi qu’un état anxieux accompagné d’un
syndrome dit de répétition : le sujet se met à revivre mentalement toutes les
nuits l’agression subie. Vécue sous la forme de cauchemars, la réactualisation
permanente du traumatisme s’avère très perturbante et peut amener rapide-
ment à la dépression.
Personnellement, nous avons peu de reculs sur notre échantillon (une moyenne
Comment soigner une phobie
de 6 ans sur une centaine de cas hospitalisés). Néanmoins, nos résultats prélimi-
naires du suivi montrent un système relationnel très fragile, marqué par la diffi-
culté à établir des relations approfondies. En général, la scolarité est poursuivie
mais sans grand investissement. Nos observations des enfants ayant été suivis
en ambulatoire montrent une évolution très variable. En fait, pour la moitié de
ces enfants, une hospitalisation a été proposée mais refusée par les parents ;
leur évolution est alors très médiocre. L’autre moitié constitue un groupe
d’enfants ayant consulté quelques jours après le début du refus et leur évolution
est très favorable.
Origines microbiennes
Certaines phobies n’ont aucune composante psychologique, mais sont des
symptômes médicaux.
Des phobies, nous en avons tous. Devons-nous pour autant tous envisager une
thérapie ou un traitement médicamenteux ? Bien sûr que non. La prise en
charge devient nécessaire quand la phobie a un impact trop négatif sur la vie au
quotidien et sur le comportement familial, social ou professionnel.
Dans le cas des phobies d’intensité légère ou modérée, le patient est habitué à
leurs conséquences, ou celui-ci a mis en place des stratégies d’évitement satis-
faisantes dans la mesure où l’exposition à l’objet phobique est le plus souvent
rare.
Dans tous les cas le professionnel de santé doit pouvoir faire le diagnostic de
phobie, éliminer les diagnostiques différentiels (somatiques et psychiatriques),
savoir rechercher une comorbidité dépressive ou addictive en s’aidant au besoin
56
des examens complémentaires existants. A l’issue de ce travail d’évaluation il
doit aider le patient à mieux repérer et comprendre sa phobie puis lui fournir les
moyens médicamenteux ou psychologiques pour surmonter son trouble.
Points forts
• Le diagnostic de phobie est médical.
• L’intensité de la phobie, de ses conséquences au quotidien, doit
être évaluée, en particulier, la consommation abusive de
toxiques.
• Le médecin éliminera les faux amis, les diagnostics différentiels.
• Les troubles associés, les comorbidités doivent être explorées, notam-
ment d’autres phobies que celles qui motivent la consultation, l’anxiété
généralisée, les attaques de panique, etc.
• Des questionnaires, des échelles numériques ou analogiques per-
Comment soigner une phobie
Dix raisons
à l’origine des phobies
1 Une protection de l’espèce humaine 60
2 Le champ des pulsions inconscientes 62
3 Une transmission génétique 64
4 Quand la neurophysiologie s’en mêle 64
5 Les facteurs neurobiologiques 65
6 Les phobies, de l’enfant à la vie adulte 68
7 Et si on imitait les autres ? 71
8 Un facteur traumatique 73
9 La part de l’acquis 75
10 Les règles mentales 79
N
OUS ALLONS MAINTENANT aborder les différentes explications causales
des phobies. Aujourd’hui, une diversité de mécanismes psycholo-
giques, biologiques, génétiques, affectifs est incriminée dans le déve-
loppement des phobies. Aucun facteur ne semble prépondérant pour la
constitution de toutes les phobies, un ensemble d’acteurs est suspecté :
• une protection de l’espèce ;
• le champ des pulsions inconscientes ;
• une vulnérabilité génétique ;
• la neurophysiologie, le stress ;
• la neurobiologie des peurs et des phobies ;
• les facteurs développementaux de l’enfant : des phobies dès l’enfance ;
• l’imitation des autres : apprendre une phobie ;
• un événement traumatique ;
• l’inné ou l’acquis ;
60 • le poids des pensées.
L’inné ou l’acquis ?
Seligman pense que l’apparition des phobies est influencée par des facteurs 61
innés : les phobies simples concernent pour la plupart des stimuli en rapport
avec la survie de l’espèce humaine (obscurité, lieux élevés, animaux). Ces sti-
muli associés à certaines expériences provoqueraient un état pré-phobique, ne
demandant qu’à se développer.
Toutes les cultures, toutes les civilisations ont connu la peur et l’Homme lui doit
sa survie. Ces peurs irrationnelles, créées de toutes pièces, ont été à l’origine de
rituels tribaux, de superstition protectrice. De même, des phobies collectives
sont toujours apparues aux époques où le groupe se sentait en état d’insécurité
et de vulnérabilité. Aujourd’hui, les phénomènes naturels et cosmiques sont
mieux connus et l’Homme a donc moins recours à la fonction utilitaire de la
phobie pour protéger son groupe. Nous observons donc davantage de phobies
individuelles plus ou moins partagées dans l’ensemble de la population. Ce sont
les phobies naturelles le plus anciennement représentées, l’agoraphobie et la
62
phobie sociale venant largement en tête.
Freud intègre les phobies dans la névrose d’angoisse en 1895 avec ses accès
aigus (attaque de panique, crise d’angoisse aiguë), qui se surajoute à l’anxiété
chronique (TAG). Puis, en 1909, il reconnaît la spécificité de la phobie dans Inhibi-
tion, symptôme et angoisse. La phobie est alors le produit d’un compromis agissant
par un déplacement de représentations, d’un objet significatif aimé et haï, à un
objet moins significatif mais chargé de peurs.
Le cas particulièrement célèbre est sans doute celui du petit Hans, relaté par
Freud dans son Analyse d’une phobie chez un petit garçon de cinq ans (1909). En fait,
Freud a rencontré l’enfant une seule fois et celui-ci a été plutôt analysé par un
disciple de Freud, convaincu par sa théorie.
Cette théorie suppose, de plus, qu’il existe une composante organique (présente
dans toutes les cultures) avec une prédisposition biologique pour expliquer la
grande sensibilité à certains stimuli particuliers. Ainsi, une personne atteinte de
phobie naîtrait avec un patrimoine phobique qui serait transmis de génération
en génération.
En effet, il existe des phobies communes à l’Homme, quelle que soit la latitude
sous laquelle il vit ; ainsi tous les enfants dans le monde craignent le noir, la
séparation d’avec leur mère. Certaines phobies comme celles des serpents, du
64
vide, de l’obscurité, de l’eau… existeraient en nous à l’état latent, comme si
notre patrimoine génétique transmis phylogénétiquement portait cette informa-
tion. Nous partageons ces peurs intenses ou leurs manifestations avec de nom-
breuses espèces dont bien sûr notre plus proche parent, le chimpanzé (98 % du
génome en commun).
Chez tous les hommes vivant une situation d’angoisse, des modifications psy-
chophysiologiques sont communes et présentes en intensité variable. Des per-
turbations dites « neurovégétatives » se manifestent par une augmentation de la
fréquence cardiaque et de la fréquence respiratoire, une diminution du débit
sanguin cutané, tandis que le débit sanguin musculaire est parallèlement aug-
menté. Il est constaté dans plusieurs recherches que, parmi les sujets pho-
biques, ce sont les agoraphobes qui présentent les altérations
psychophysiologiques les plus intenses comparativement à d’autres sujets souf-
frant de phobies simples. Il est aussi constaté que les patients qui souffrent de
moments d’anxiété paroxystique ont des symptômes communs, à savoir une
hypersensibilité, une adaptation difficile aux stimuli provenant de l’environne-
ment. Cette hyperactivité physiologique disparaît, très progressivement sous
traitement ; elle est notamment bien améliorée aussi par les techniques de 65
relaxation.
Les phobiques du sang sont des cas particuliers. Eux seuls répondent à la source
anxiogène par une syncope vagale. En 1985, Marks a étudié certaines prédisposi-
tions physiologiques. Il a pu notamment observer que la phobie du sang ou des
blessures corporelles provoque un ralentissement du rythme cardiaque, alors que
les autres phobies déclenchent, au contraire, une tachycardie ; la bradycardie
consécutive à la vue du sang ou des blessures met cependant plusieurs minutes
avant de se développer. La diminution de l’activité cardiaque s’accompagne d’une
baisse de la température centrale, d’un accroissement suivi d’un ralentissement du
En ce qui concerne la peur et donc les phobies, Ledoux (1996) fait deux
remarques.
– La première est la rapidité et la constance de l’association entre stimulus pho-
bique et la réponse de fuite. Une seule expérience d’une situation négative
peut activer une connexion directe et immédiate entre amygdale latérale 67
et substance grise périaqueducale, ce qui explique d’une part l’exclusion
du cortex et donc de la conscience réflexive, et d’autre part la généralisa-
tion du comportement phobique. En revanche, une voie plus lente engage
le cortex de l’hippocampe, site clef de la mémoire épisodique. En tout cas,
les conséquences d’une expérience phobique sont indélébiles.
– La deuxième remarque porte sur le fait que, si ces conséquences indélébiles
deviennent un obstacle à l’adaptation, on peut, par l’apprentissage, maîtriser le
comportement inadapté. C’est la base de la thérapie comportementale. On
peut apprendre à inhiber le comportement non souhaité, le corrélat neu-
rologique étant une activation du cortex frontal ventromédial et orbital.
contes pour enfants). On sait que, vers l’âge de huit mois, la plupart des enfants
réagissent négativement et bruyamment au contact d’un inconnu. Ce comporte-
ment d’évitement apparaît après une période de rapprochement : l’enfant com-
mence d’abord par sourire en présence des étrangers pour ensuite les craindre.
Nous supposons que l’enfant intériorise par la pensée les figures d’attache-
ment ; il reconnaît et commence à se représenter les personnes familières sans
qu’elles soient présentes.
C’est dans ce sens que certaines peurs sont considérées comme ayant une
valeur adaptative ; ainsi, la peur permet la connaissance de certains aspects de
la réalité. Détester, appréhender, craindre, pousse l’enfant à prendre position
dans sa relation à l’environnement. Cependant, certaines peurs persistent,
s’intensifient, évoluent au cours du développement et structurent des comporte-
ments phobiques qui entravent l’épanouissement de l’enfant.
Les phobies chez l’enfant peuvent prendre des formes plus exceptionnelles.
Ainsi, certains auteurs rapportent une phobie du sommeil chez six enfants
Des psychologues américains décrivent dès la fin du XIXe siècle la phobie de l’eau
chaude chez un enfant âgé de 6 ans, en montrant comment est née la réaction
de peur après une brûlure ; ou le cas d’un adolescent de 14 ans, hospitalisé pour
une phobie des poupées : il présentait des réactions anxieuses intenses à la
seule vue d’une poupée, même à la télévision.
La phobie chez l’enfant : l’évolution du phénomène
et les réactions diverses
• On constate pour commencer une prédominance des phobies chez les filles
par rapport aux garçons.
• Le contexte culturel détermine également le type de phobie.
Par exemple, l’ogre des contes pour enfants, synthèse mythique de
l’étranger et de l’être dévorant, partage de plus en plus son rôle anxio-
gène avec les « poupées tueuses » des films et autres bandes dessinées.
La phobie des requins (et le refus de se baigner dans la mer qui s’ensuit) a
été clairement favorisée par une série de films où le requin dévore « avec
plaisir ».
• L’attitude de l’entourage joue un rôle important dans la persistance ou
l’estompage des phobies chez l’enfant. La compréhension excessive et
l’attitude provocatrice des parents entretiennent, semble-t-il, les réac-
70
tions phobiques. Souvent, l’un des parents présente déjà un trouble
anxieux de type phobique, qui renvoie à son propre passé phobique.
• La comorbidité (les troubles associés) concernant les phobies simples chez
l’enfant et l’adolescent comporte essentiellement d’autres catégories de
troubles anxieux : angoisse de séparation (phobie de l’obscurité), hyper-
anxiété (phobie des accidents) et trouble obsessionnel compulsif (phobie
du contact, des microbes…).
La phobie de passer des examens ou d’être blessé par ses camarades dans
la cour de récréation s’associe souvent au syndrome complexe du refus
anxieux de l’école.
• L’enfant peut accepter avec résignation et dans un comportement dépendant le
caractère absurde de la phobie. Il peut aussi, à l’inverse, refuser sa phobie en
adoptant des comportements de prestance, d’arrogance ou de négation
Comment soigner une phobie
pure et simple : « Moi ! Je n’ai peur de rien » ; « Les requins ? Il n’y a pas de
requins dans la Manche ! »
• Lorsque l’enfant se trouve confronté à l’objet phobogène, il présente des réactions
d’anxiété avec une composante neurovégétative intense : accélération ou ralen-
tissement du rythme cardiaque, sueurs, blocage ou accélération respira-
toires. Il tente d’éviter ou de fuir. S’il choisit l’affrontement, il lui faut le
secours d’un objet contraphobique. Sur le plan cognitif, il anticipe et
organise les situations qui peuvent se présenter, en fonction de ses
craintes et de ses évitements. Ainsi, un enfant ayant la phobie du noir
manifestera une hyperactivité vespérale pour éviter d’aller se coucher. Un
autre, présentant une phobie du Diable, peut s’arranger pour récompen-
ser son petit frère afin que celui-ci accepte toujours de l’accompagner
dans ses déplacements au sein de la maison.
• Lorsque l’enfant lutte pour cacher sa phobie, il s’ensuit un certain nombre de syn-
dromes : comportement d’échec ou d’inhibition scolaire, état dépressif.
Les sentiments de faiblesse et d’anxiété épuisent et mobilisent l’énergie
de l’enfant. Malgré les difficultés de jugement sur son propre comporte-
ment, l’enfant est conscient de la disproportion de sa peur ; elle génère
un sentiment de honte et renforce le manque de confiance en lui.
• Les phobies de l’enfant disparaissent spontanément sans que d’autres phobies
prennent le relais, à l’exception de la phobie du sang et des blessures corporelles
qui persiste souvent jusqu’à l’âge adulte. Chez l’enfant, les phobies
simples sont instables ; elles apparaissent sans raison évidente et dispa-
raissent tout aussi mystérieusement.
Par exemple, l’enfant peut régresser lorsqu’il est malade, et des phobies
71
oubliées peuvent réapparaître, mais disparaître avec la guérison. Chez
l’adulte, les phobies sont plus constantes.
Si les deux parents ont une phobie sociale, c’est-à-dire une forme de peur des
autres, l’enfant apprendra lui aussi cet évitement d’autrui. Du fait d’avoir vu ses
parents vivre repliés sur eux-mêmes, n’invitant personne ou presque, ne sortant
pratiquement pas dans les lieux publics, l’enfant ainsi élevé dans ce confine-
ment social n’aura pas l’occasion d’apprendre les attitudes ni les stratégies de
communication pour échanger avec les autres ses idées, ses émotions et ses
sentiments. La phobie sociale peut s’apprendre ainsi, l’air de rien, au cours des
Comment soigner une phobie
années.
Plus globalement, les parents transmettent par leurs seules attitudes, leurs com-
mentaires ou l’exposé de faits divers terribles, non seulement la peur des autres,
mais celle des animaux, des moyens de transport ou une peur de l’eau, par
exemple.
Ou bien : « Ne t’éloigne pas, une vague peut t’emporter et te faire perdre pied. »
Par exemple, si votre patient pense que le fait de rencontrer un oiseau de type
rapace sera responsable d’une détresse psychologique, cet événement – la ren-
contre avec un rapace – suscitera en lui des pensées qui activeront la peur ; à
son tour, la peur déclenchera des réponses émotionnelles. Inversement, pour ce
même patient en cours et après la thérapie l’extinction de la peur s’expliquera
8 UN FACTEUR TRAUMATIQUE
Les événements de vie pénibles et répétés, comme subir de mini-traumatismes
de manière régulière, sans possibilité de les contrôler, sont des facteurs majeurs.
Dans les années 1920, des psychologues expérimentaux, s’inspirant des lois de
conditionnement classique décrites par Pavlov vers 1890, montrent que cette
Par exemple, un enfant qui regarde un film dans lequel un homme blesse
une femme à la tête peut avoir peur des têtes de poupées car elles ont été
associées à la peur éprouvée lorsqu’il regardait le film. Ainsi, la ressem-
blance et la contiguïté spatiale entre deux stimuli peuvent favoriser le déve-
76
loppement d’un trouble phobique.
Ce sont les comportements d’évitement et de fuite qui font que les attitudes
phobiques persistent avec le temps : l’enfant n’a pas la possibilité de constater
qu’après quelques minutes ou quelques heures, sa peur diminue. Il ne peut donc
Comment soigner une phobie
Skinner (1971) a mis en évidence le rôle des conduites d’évitement dans le déve-
loppement des phobies. L’évitement ayant pour conséquence une diminution de
la peur, l’évitement est renforcé. C’est l’apprentissage par les conséquences.
Cet exemple illustre pour les phobies que les deux premiers mécanismes
peuvent s’associer dans le temps et maintenir ainsi la souffrance phobique pen-
dant des années.
Le modèle de Beck et al. (1985) est intéressant car il prend en compte les trois
composantes cognitives de la phobie : les schémas, les biais cognitifs et les évé-
nements cognitifs (pensées de catastrophe, images mentales, etc.).
Comme l’ont montré Beck et Emmery (1985), il existe des schémas spécifiques
aux sujets qui souffrent d’attaques de panique. Le thème central tourne autour
de la peur d’un désastre physique (infarctus), social (honte) ou psychologique
(folie, perte de contrôle) survenant lors d’une ADP.
Les distorsions cognitives conduisent à une interprétation erronée des événements
(extérieurs. surestimation du danger et minimisation de la sécurité).
Les événements cognitifs sont des discours intérieurs conscients (suite de pensées
intérieures) ou des images mentales qui traduisent l’anticipation du danger
(peur de mourir, de devenir fou, etc.).
urgence, mais elle n’ose pas et le trajet jusqu’au prochain arrêt lui semble
interminable. Les fois suivantes, elle s’arrange pour rester tout près de la porte,
quitte à se faire bousculer et critiquer pour « gêner la sortie ». Mais le trajet en
autobus, lui aussi, est devenu impossible ; l’oppression et la sensation
d’étouffement sont désormais permanentes.
Le week-end arrive et elle décide de se rendre dans sa famille à quelques kilo-
mètres de la région parisienne. À peine arrivée à la gare, elle sent qu’il lui sera
impossible de monter dans le train. Effectivement, elle ne peut rester dans le
wagon que quelques minutes ; elle se met à étouffer, les fenêtres lui semblent
trop petites, elle manque d’air et finit par se résoudre à rentrer chez elle. Un
flot de pensées l’envahit, elle se sent en danger, a l’impression qu’il lui
manque de l’air, qu’elle va étouffer.
Isabelle décrit bien un flot de pensées conscientes de peur, de menace, pro-
duit de l’activation d’un schéma cognitif de danger. Son vécu traduit une
généralisation classique de la source de phobie : tout d’abord une rame de
métropolitain, suivie rapidement de l’autobus, puis du train, pour englober
tous les transports en commun.
Les réactions de peurs des sujets phobiques mettraient donc en jeu plusieurs
81
mécanismes psychologiques.
L’influence de la personnalité
Il a été démontré que les stratégies d’adaptation développées par l’individu sont
largement influencées également par sa personnalité. Selon une étude menée
82
Penser, c’est anticiper la peur
Le système de pensée peut intervenir par anticipation à l’événement en formu-
lant des prédictions. Les pensées qui expriment la crainte ne sont pas toujours
sans fondement : les chiens mordent effectivement, certains avions tombent…
Par conséquent, si une conséquence malheureuse survient irrégulièrement, cer-
tains sujets continuent à se conduire selon leurs attentes plutôt que de subir des
conséquences douloureuses, même si leur probabilité est faible. L’évitement est
lié directement aux pensées anticipatoires, aux prédictions catastrophiques.
Points forts
• Aucun facteur ne semble prépondérant pour la constitution de
toutes les phobies, un ensemble d’acteurs est suspecté, au
moins une dizaine.
• Le contexte culturel détermine également le type de phobie.
• L’attitude de l’entourage joue un rôle important dans la persistance ou
l’estompage des phobies chez l’enfant.
• Un professionnel de santé guide le patient dans la compréhension de sa
phobie, sur les mécanismes d’acquisition et explique le choix thérapeu-
tique qui en découle.
Chapitre 4
La peur d’avoir
peur, l’anticipation
anxieuse
1 L’emprise de la phobie 86
2 La peur d’avoir peur 86
3 Les stratégies pour « faire face » ou stratégies de « coping » 91
4 Une estime de soi abîmée 93
5 Ce que nous apprennent les phobies 95
1 L’EMPRISE DE LA PHOBIE
La persistance d’une phobie gênante pendant des mois, voire des années,
s’accompagne d’un ensemble de complications qui entraînent une véritable
invalidité socioprofessionnelle.
Cette constatation est valable pour toutes les phobies, non seulement pour les
sujets agoraphobes (appréhension des espaces ouverts), mais aussi pour toutes
les phobies simples (animaux, éléments, claustrophobie, acrophobie) et pour les
phobiques sociaux, etc.
Un enchaînement de réactions
Chair de poule, claquement de dents, accélération cardiaque, la peur résulte
d’un conditionnement physiologique. En présence d’un danger – ou ce que le
patient interprète comme tel –, les sens communiquent un signal au système
nerveux autonome. Il prépare alors le corps en libérant rapidement un neuro-
transmetteur, la noradrénaline, dans de nombreux organes effecteurs (cœur,
vaisseaux, tube digestif, etc.).
Vaincre sa peur
Avoir peur n’est pas manquer de courage. La personne courageuse connaît sa
peur, l’accepte et s’y confronte. Pour vivre pleinement, il ne faut pas se couper
de ses peurs. Les risques peuvent être réels ou imaginaires, la peur nous informe
toujours sur nous-mêmes.
Comment soigner une phobie
Choisir d’éliminer les sources de stress peut aider à prévenir les angoisses, mais
aussi, pour certains, c’est le choix de la pratique du sport, du chant ou des arts
plastiques qui est bénéfique. C’est sans compter sur l’humour : rire de ses peurs
s’avère souvent un formidable antidote.
Pour accentuer cette conviction, le niveau d’anxiété ressenti peut même croître à
chaque nouvelle exposition du fait de la forte tendance à éviter la situation.
L’expérience de confrontation est de plus en plus pénible. Peu à peu, le sujet se
sent mal avant même de rencontrer la source phobique redoutée, c’est-à-dire
qu’il apprend à avoir peur de la peur. S’il ne peut éviter cette rencontre ou s’il se
maîtrise suffisamment pour ne pas l’éviter, il commence à ressentir un malaise
Des faux amis qui sèment la confusion avec les attaques de panique
• L’hypoglycémie.
• L’hypotension orthostatique.
• La pratique immédiate d’un exercice physique (monter rapidement un étage).
• Une affection pseudo-grippale.
• Le surmenage professionnel.
Il se convainc ainsi que ce qui lui arrive est la juste punition de ses fautes, de ses
pensées coupables ; il sait qu’il est inutile d’insister car il ne sera jamais à la
hauteur, rien ne marchera jamais. Autant de pensées qui renforcent les évite-
ments et diminuent la volonté d’affronter les stimulations pénibles et donc la
possibilité d’éteindre l’anxiété.
92 Si le jeune enfant ne distingue pas le réel de l’irréel, le rationnel de l’irrationnel,
et ne peut pas se donner les moyens de lutter contre l’emprise de l’anxiété. En
revanche, le développement cognitif relatif à l’âge apporte un accroissement de
possibilités de traiter l’information, de gérer la réalité, mais aussi à l’inverse de
renforcer certaines idées dramatiques.
Ainsi les anxieux adoptent des actions « efficaces » à court terme mais préjudi-
ciables à long terme ; d’autres actions sont choisies pour leur effet immédiat,
comme des tentatives de suicide liées à un excès de stress, ou chez l’adolescent
à l’abus de substances toxiques – alcool ou tranquillisants – pour diminuer la
tension.
Un défaut d’apprentissage
Certains sujets anxieux n’acquièrent pas, au cours de leur développement, les
compétences sociales nécessaires à l’établissement de relations équilibrées avec
autrui. Dans d’autres cas, ces compétences, bien qu’ayant été apprises, ne sont
pas mobilisées en situation de stress.
93
C’est l’inhibition face à un stimulus anxiogène. Ainsi confrontés à une situation
sociale, même très banale, comme ils sont dépourvus d’un registre de comporte-
ments suffisant et adéquat, ils ressentent des affects pénibles. Ils ont naturelle-
ment tendance à éviter ce genre d’expérience, et entraînent de moins en moins
leurs compétences sociales. À la différence de leurs pairs, celles-ci ne s’enri-
chissent pas avec l’âge et ne se modifient pas en fonction des contextes dévelop-
pementaux. Un certain nombre d’entre eux adoptent des stratégies non
Ces sujets ont souvent moins d’expériences que leurs pairs, moins d’opportuni-
tés et, globalement, moins de réussites. Peu à peu, ils ne parviennent plus à tirer
parti de leurs succès, qu’ils ne peuvent même pas identifier et valoriser comme
tels. Ils développent une autocritique excessive et une idéalisation pathologique
des modèles qu’ils ont sous les yeux et qui leur paraissent d’autant plus inacces-
sibles.
La faiblesse de l’estime de soi, souvent résumée par les enfants et les adoles-
cents dans des expressions comme « je suis nul », « j’y arriverai jamais », « ce n’est
pas pour moi », est responsable d’un retrait social d’autant plus fort que la com-
pétition est une notion de plus en plus inhérente à la culture occidentale. Ils
développent des attitudes défaitistes, une passivité et le sentiment que leurs
actions ne seront pas, quoi qu’ils fassent, couronnées de succès. D’échecs en
échecs, la réalité leur renvoie souvent une image négative d’eux-mêmes, une
auto-efficacité faible qui les conforte dans leur estime de soi bien fragilisée.
Le conditionnement à l’échec
Au cours de l’évolution d’une souffrance phobique, les troubles tendent à s’auto-
renforcer et à s’étendre, avec un véritable effet « boule de neige ». Le niveau de
94
base d’anxiété croît et le malaise persiste en dehors de la confrontation aux sti-
muli phobogènes. Les pensées s’enrichissent de plus en plus d’erreurs et d’a
priori. Le sujet fonctionne avec une distorsion croissante à partir des données
qu’il puise dans son environnement. Les anticipations anxieuses progressent,
les motifs d’inquiétude se multiplient et handicapent le sujet même en dehors
de la confrontation.
De la phobie à la pathologie
Enfin, la greffe secondaire de complications sur les troubles anxieux aggrave le
handicap. C’est le cas de la dépression qui, par son ralentissement psychomoteur,
Comment soigner une phobie
accentue les troubles cognitifs du sujet, son adynamie et son manque d’emprise
sur l’environnement. C’est aussi le cas du refus scolaire anxieux qui marginalise
l’enfant ou l’adolescent, l’isole de ses pairs et le détourne d’une formation péda-
gogique puis professionnelle convenable.
Points forts
• De la peur jusqu’à la phobie, le grand facteur responsable de la
persistance de la réaction de peur est l’interprétation que le
sujet donne à sa peur.
• Cet aspect cognitif favorise l’estompage ou l’aggravation de la
peur selon le type d’interprétation et le degré de croyance du sujet. Si
l’interprétation est négative (« je ne suis pas quelqu’un de solide pour faire
face à la critique, je ne peux supporter un regard négatif sur moi »), la peur
s’installe, elle baisse le niveau d’estime de soi.
• Les trois séquences de l’anxiété concernent la phobie : l’anticipation
anxieuse, l’anxiété vécue pendant la situation et enfin les ruminations
négatives à propos de ce qui a été vécu.
• Pour éviter l’installation d’une phobie, le sujet mobilise ses stratégies de
96 coping, de « faire face » : elles s’avèrent efficaces la plupart du temps.
Comment soigner une phobie
Chapitre 5
Comment venir à bout
d’une phobie :
les stratégies
thérapeutiques efficaces
1 Faut-il envisager un traitement médicamenteux ? 100
2 Les prescriptions en pratique courante 103
3 Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) 104
4 Les autres aides psychologiques 121
L
ES SUJETS PHOBIQUES consultent peu alors qu’il existe à l’heure actuelle des
traitements médicamenteux et psychologiques efficaces. La fréquence et
la gravité des symptômes anxieux, et la mesure du comportement d’évi-
tement, sont des critères d’évaluation pertinents pour ajuster le traitement de la
phobie.
On ne soigne pas mieux certaines phobies que d’autres ! Ce qui fait la différence,
ce sont les troubles associés : la coexistence de plusieurs phobies, d’une maladie
organique, une souffrance dépressive concomitante... influencent le choix de la
stratégie thérapeutique.
Si une souffrance dépressive est déjà apparue, elle devient la priorité thérapeu-
tique absolue, la phobie étant réévaluée dans un second temps après améliora-
tion de l’humeur dépressive. Seul un professionnel de la santé psychologique
sera en mesure d’effectuer cette évaluation préliminaire avant d’orienter le sujet
vers un programme de soin ou un autre (cf. chapitre 1).
100
Débutons par la question du traitement pharmacologique, avant d’aborder les
approches psychologiques.
Les anxiolytiques
Ils sont aussi appelés tranquillisants mineurs. Cette famille comprend essentiel-
Comment soigner une phobie
Compte tenu du fait que la plupart des tranquillisants sont susceptibles d’entraî-
ner une dépendance physique ou psychologique, il est fondamental de les sur-
veiller, de limiter leur prescription en durée, et de faire la part des choses entre
les bénéfices apportés et les effets secondaires à court, moyen et long terme. Il
s’agit d’un traitement temporaire.
Ainsi les tranquillisants sont prescrits dans l’urgence, en phase aiguë et pendant
la période où le traitement de fond débute son effet. Ce traitement de fond uti-
lise des molécules différentes qui régulent le taux d’une substance chimique
appelée « sérotonine » dans notre cerveau ; nous le détaillerons plus loin dans ce
chapitre. Si le traitement anxiolytique a duré plusieurs semaines, l’arrêt doit
être progressif et se faire sous contrôle médical, voire pendant une hospitalisa-
tion spécifique car des phénomènes de sevrage sont susceptibles d’apparaître
avec des manifestations physiques (sueurs, tremblements, nausées, etc.). De ce
fait, le clinicien recherche au cours de l’entretien les automédications très fré-
quentes, du fait de l’effet rapide et relaxant des benzodiazépines.
Les bêta-bloquants
Les bêta-bloquants ont une place limitée dans la prescription. Leurs indications
se limitent à des prises ponctuelles, limitées à des situations de stress aigu que
le sujet souhaite prévenir (prise de parole en public, etc.) Ils désamorcent la spi-
rale cognitivo-somatique de l’anxiété.
Une échelle spécifique pour les troubles paniques est la Panic Disorder Severity
Scale (PDSS), qui se compose de sept items à compléter par le clinicien (plus le
score est élevé, plus le trouble est sévère).
103
Dans le trouble panique, les thérapies comportementales et cognitives sont effi-
caces. Elles utilisent un ensemble de stratégies détaillé au chapitre 6.
La Liebowitz Social Anxiety Scale est une échelle spécifique pour l’évaluation du
traitement de la phobie sociale. Elle se compose de 24 items à compléter par le
clinicien ou le patient lui-même. Les items sont chaque fois évalués par rapport
au degré d’anxiété du patient et la fréquence de survenue du comportement
d’évitement. (Plus le score est élevé, plus le trouble est sévère.)
L’efficacité d’une TCC a été évaluée dans une vingtaine d’études randomisées.
Dans la plupart des études, les patients étaient traités par sessions de groupe.
Différentes méta-analyses et revues systématiques indiquent que les TCC sont
efficaces.
La paroxétine et la sertraline sont les antidépresseurs ISRS les plus étudiés. Dans
des études randomisées, l’efficacité dans la phobie sociale a également été
démontrée avec d’autres antidépresseurs, mirtazapine et venlafaxine.
Dans une méta-analyse portant sur huit études, la plupart avec une durée de
traitement de douze semaines (maximum 24 semaines), le pourcentage de
répondeurs est de 53 % sous ISRS contre 26 % sous placebo.
Onze études (n = 2 031 patients) ont été reprises dans une revue systématique de
la Cochrane Collaboration. Les antidépresseurs ISRS étudiés étaient les suivants :
escitalopram, paroxétine, fluoxétine, fluvoxamine et sertraline. Selon le score
obtenu au questionnaire, la Clinical Global Impression Scale, la différence absolue
de réponse entre ISRS et placebo était de 26 % en faveur des inhibiteurs sélectifs
de la sérotonine (ISRS).
C’est ainsi que ces thérapies se sont tout d’abord appelées comportementales
puis, dès les années 1970, thérapies comportementales et cognitives ou TCC. La
composante émotionnelle, tant sous l’angle du corps physiologique, du compor-
tement que de la pensée est nouvellement intégrée. Le terme « cognitif » est
compris ici comme toutes les activités mentales conscientes impliquées dans
l’expérience émotionnelle qui se déploie (les pensées appelées cognitions, les
processus cognitifs ou biais interprétatifs, et les règles de pensées ou « schémas
cognitifs »).
Ce sont des psychothérapies verbales, leur but est d’apprendre au patient cer-
taines compétences psychologiques pour l’aider à mieux faire face à ses pro-
blèmes.
Au total, il s’agit par conséquent d’une thérapie structurée, centrée par des
objectifs comportementaux évaluables, orientés vers le présent et le futur, pour
« aller mieux » demain.
Reprenons l’histoire clinique de Jeanne qui consulte pour une phobie des
transports en commun qui a débuté au printemps et qui l’empêche, arrivée à
l’été, de prendre toutes sortes de transport : RER, métro, autobus, train… et
l’amène à se rendre sur son lieu de travail à pied, soit 90 minutes environ
matin et soir. Les troubles ont débuté brutalement il y a trois mois. En repre-
nant l’histoire de la maladie, Jeanne nous décrit qu’elle est sur le quai du
métro, a très mal à la tête. Elle sent tout tourner, a peur d’avoir soudainement
un malaise quand la rame du métro arrive. Elle monte dans le wagon. Les sen-
sations de malaises s’accentuent. Elle est obligée de descendre à la station
suivante tellement son inconfort est inquiétant et appelle son mari qui vient la
chercher. Dès cet épisode, Jeanne ne pourra plus reprendre le métro.
Par ressemblance des stimuli et par contiguïté, tous les moyens de transport en
107
commun ne pourront plus être pris par cette jeune femme. La généralisation de
la réaction conditionnelle anxieuse se réalise en trois semaines. Même si l’ori-
gine du malaise physique est identifiée, même si le diagnostic d’infection virale
Les expositions sont considérées comme des techniques de réduction des peurs
et des phobies par déconditionnement d’une réponse apprise antérieurement.
Le plus souvent, le thérapeute apprend au patient une réponse inhibitrice des
processus de la peur par l’intermédiaire de la relaxation. En effet, la réponse
physiologique de relaxation est antagoniste de la réponse de stress. Ce proces-
sus de changement est intitulé « principe d’inhibition réciproque ».
Le deuxième paradigme expérimental majeur des TCC est représenté par le
conditionnement opérant décrit par Skinner qui montre que le comportement
d’un individu est modifié par ses propres conséquences. Il existe donc une rela-
tion fonctionnelle entre le comportement et les conséquences qui le suivent,
appelées « renforcement » par l’auteur. Si les conséquences du comportement
sont positives, par exemple je fais un régime alimentaire pour perdre du pois, et
en me pesant au bout d’une semaine je constate que j’ai perdu déjà un kilo,
cette conséquence positive, de l’effort alimentaire que je fais, sera un renforce-
ment positif, et m’encouragera à continuer mon effort, à poursuivre mon régime
alimentaire structuré, et donc augmentera ce comportement de diète.
Dans la vie courante, ce mécanisme est très utilisé dans toutes les techniques
pédagogiques comme dans les apprentissages des langues étrangères, du sport,
de la musique, de la communication avec les autres, etc. Ce mécanisme infiltre
toute notre vie courante.
108
Le renforcement positif
Le renforcement positif augmente le comportement par introduction d’une consé-
quence favorable. L’enfant s’exprime, sa mère sourit.
Le renforcement négatif augmente le comportement par suppression (négatif) d’une
conséquence défavorable. L’enfant s’exprime, la mère s’abstient de toute manifes-
tation d’agacement.
Ce dernier type de renforcement est largement confondu avec l’aversion, c’est tout
le contraire puisqu’on supprime une conséquence aversive.
Dans notre exemple, l’aversion serait de manifester de l’agacement, de l’impatience,
de la réprobation lorsque l’enfant s’exprime !
Notre bienveillance est sans borne, mais qui ne s’est jamais agacé, l’esprit encom-
Comment soigner une phobie
bré par des soucis, d’une conduite louable d’un enfant, de ses questions répé-
tées ? Doit-on exprimer sa désapprobation pour la glace qui barbouille le visage de
l’enfant, ou encourager les essais réussis ? La réponse est évidente, même si nous
ne ferions sans doute pas naître une phobie de la crème glacée.
Jean ne peut pas prendre la parole en public
Jean, 40 ans, ne peut pas prendre la parole en réunion professionnelle telle-
ment il se sent mal. Il tremble, son cœur bat très vite… Par anxiété, il apprend
à éviter les situations sociales. Il trouve plein de stratagèmes, il se fait rempla-
cer en mettant en valeur ses jeunes collaborateurs, il ne fait que des proposi-
tions de groupe jamais personnelles, mais son avancement hiérarchique ne lui
permet plus de feinter et il vient demander de l’aide.
Son comportement d’évitement des situations sociales est renforcé positive-
ment car il réduit sa réponse anxieuse.
Cet exemple illustre pour les phobies que les deux premiers mécanismes
peuvent s’associer dans le temps et maintenir ainsi la souffrance phobique
(mécanisme Pavlovien de type I, et Skinnerien de type II).
Revenons à notre comportement alimentaire, par exemple pour l’usage des cou-
verts par l’enfant. Nous l’avons appris par imitation de nos proches, en les
observant. Les premiers essais sont d’ailleurs assez approximatifs, en regardant
leurs gestes, leurs émotions exprimées par leurs visages en mangeant, mais
aussi par instruction en écoutant leurs conseils, par modelage des gestes, toutes
sortes d’informations non verbales et verbales qui proviennent d’un modèle que
nous imitons. Les parents étant souvent le premier modèle, suivi des pairs, des
amis…
Albert Bandura
Né en 1925, il décède à l’âge de 92 ans.
C’est un psychologue canadien connu pour sa théorie de l’apprentissage social,
appelée également la théorie sociale cognitive (1986). Il introduit la notion d’auto-
efficacité.
Le noyau épistémologique de ses travaux place l’individu au cœur d’une triade
d’interactions entre facteurs cognitifs, comportementaux et contextuels.
En désignant les croyances qu’un individu a dans ses propres capacités d’action,
quelles que soient ses aptitudes objectives, elle pose le sentiment d’efficacité per-
sonnelle comme base de la motivation, de la persévérance et d’une grande partie
des accomplissements humains.
Professeur des universités à Stanford, Il est estimé comme le précurseur de la
psychologie sociale. Membre de l’Académie américaine des arts et des sciences,
et de l’association américaine de psychologie. Il reçoit de très nombreuses distinc-
110
tions pour ses travaux scientifiques.
Deux de ses ouvrages connaissent une traduction française : L’apprentissage social,
Ed. Mardaga, 1980 ;
Le sentiment d’efficacité personnelle, Ed. De Boek, 2007.
Bandura admet bien sûr les facteurs de renforcement intrinsèques par la satisfac-
tion du geste accompli, l’importance du renforcement par les autres, mais l’imitation
suffit chez l’Homme et quelques espèces à initier le comportement.
Bandura a aussi observé des groupes d’enfants en situation naturelle ou contrôlée.
L’enfant ne se contente pas d’imiter, il observe aussi les conséquences du compor-
tement des autres enfants et en particulier les renforcements qu’ils reçoivent. C’est
l’apprentissage vicariant, l’apprentissage par observation des renforcements consé-
cutifs à un comportement.
Comment soigner une phobie
Dans le cadre des questions toujours d’actualité sur l’agressivité, il a aménagé des
situations dans lesquelles une poupée était malmenée et montré que l’observation
de l’encouragement ou au contraire de la désapprobation favorisait le choix l’imita-
tion du comportement agressif ou non (the bobo doll experiment).
Des résultats spectaculaires ont été obtenus avec des enfants affectés de handi-
caps plus ou moins lourds, autrefois aidés dans une relative résignation en les
conduisant progressivement à s’habiller, développer leurs habiletés sociales par
modeling et à augmenter ainsi leur autonomie. Les progrès sont renforçant par
eux-mêmes et bien sûr encouragés. Il faut toujours commencer par des actions
réussies et attendre que le sujet puisse affronter des difficultés graduées. Par
exemple pour s’habiller, il commence par fermer un vêtement présenté presque
fermé avant de parvenir à boutonner enfin l’ensemble des boutons. Dans toute
thérapie comportementale et cognitive, les situations sont abordées progressive-
ment et se concluent par un succès au rythme possible du patient.
Jean
Jean est très tendu, il a tout essayé pour éviter de faire lui-même l’exposé
vendredi soir devant quarante personnes, mais rien à faire, il doit y aller. Déjà
une heure avant il est tendu, agité, il se sent raide, et se dit intérieurement « je
ne trouverai pas mes mots », « ils ne me rateront pas à la moindre erreur »,
« je vais bafouiller », autant de pensées qui ne font que contribuer à augmen-
ter ses tensions, ses doutes, son mal-être.
Ces scénarios catastrophes, ces pensées dramatiques, focalisées, se régulent
avec la rémission des troubles. Si ces altérations du traitement de l’information
persistent, elles prédisent un haut risque de rechutes.
Ces schémas émotionnels de danger sont acquis dans les interactions précoces.
Certains de ces schémas émotionnels sont inadaptés à la vie adulte. La thérapie
vous amène à identifier ses schémas de vulnérabilité pour mieux les gérer par la
suite.
L’exemple de Jean illustre bien que l’acquisition de son trouble anxieux pho-
bique provient de différents mécanismes d’apprentissage qui, conjugués, ont
maintenu les troubles jusqu’à aujourd’hui. La proposition thérapeutique TCC
intégrera tous ces éléments de compréhension. Cette hypothèse fonctionnelle
permet au thérapeute TCC de choisir en conséquence les stratégies thérapeu-
Comment soigner une phobie
Qu’est-ce qu’une analyse diachronique des troubles ? Elle explore les troubles pho-
biques suivant un raisonnement longitudinal en reprenant différentes dimen- 113
sions du trouble (émergence, aggravation, amélioration, facteurs d’entretien...)
au cours de la vie du patient.
Nous avons découvert l’analyse fonctionnelle grâce à Jean, profitons d’un second
exemple pour illustrer ce chemin.
Nous proposons une prise en charge des ADP avec apprentissage en séance
d’une technique de contrôle ventilatoire.
Les moyens d’observation sont variés : observation directe par quelqu’un d’autre
ou auto-observation. Le moyen d’investigation le plus précis des réactions pho-
biques serait de les observer directement, dans toutes les situations de la vie
quotidienne (école, travail, famille, loisirs, etc.).
▶ Auto-observation
117
On demande aux patients de noter sur des fiches d’auto-enregistrement les
comportements d’évitement, les pensées anxiogènes, les situations source
Ces mesures répétées des comportements sont particulièrement utiles lors des
protocoles thérapeutiques (médicaments, thérapie) : elles permettent de dégager
un profil de fluctuations comportementales et éventuellement d’isoler les fac-
teurs qui font varier les comportements sociaux et l’anxiété associée.
▶ Entretiens d’évaluation
Une autre façon d’évaluer l’impact de l’anxiété phobique dans les activités quo-
tidiennes consiste à demander au patient de noter les comportements d’évite-
ment et le pourcentage de gêne qu’il aurait éprouvé s’il avait adopté le
comportement. Cette liste permet de mieux préciser les sources anxiogènes, la
fluctuation des comportements d’évitement au cours de la journée. Elle permet,
enfin, de recueillir le vécu du patient lorsqu’il est dans les situations anxiogènes.
Il est reconnu que le type et l’intensité du lien qui se développe entre vous et le
thérapeute dépend de l’alchimie personnelle des individus concernés (caracté-
ristiques physiques, psychologiques et socioculturelles). Il comprend un inves-
tissement des rôles réciproques. Cette qualité du lien relationnel influence la
stratégie thérapeutique choisie par le psychothérapeute et détermine la coopé-
ration attendue de votre part. Ainsi, si vous vous présentez dans votre compor-
tement et dans votre histoire comme instable, à fort taux d’absentéisme, il vous
sera proposer un contrat où les séances peuvent se trouver espacées. Par consé-
quent, des stratégies de thérapie cognitive ou d’affirmation de soi dont la régula-
rité des premières séances s’avère indispensable, seront exclues pour vous dans
ce contexte.
Le mode relationnel peut être d’emblée difficile à mettre en place pour diverses
raisons : 119
Dès lors, se concentrer exclusivement sur le dernier facteur des techniques thé-
rapeutiques comportementales revient à fausser les réalités relationnelles et de
changement.
Au total, la TCC est une thérapie structurée, centrée par des objectifs comporte- 121
mentaux évaluables, orientés vers le présent et le futur. On aime dire que c’est
une thérapie du « comment » : comment aller mieux demain avec ce que j’ai « en
122
Comment soigner une phobie
Chapitre 6
Les premiers pas
en thérapies
comportementales
et cognitives des phobies
1 Comment construire le contrat thérapeutique ? 126
2 Qu’est-ce que l’éducation du patient, la psycho-éducation ? 127
3 Pourquoi faire de la relaxation une étape importante, souvent
la première ? 127
4 Des techniques d’exposition en douceur ? 132
5 Pourquoi acquérir un meilleur contrôle respiratoire ? 133
6 La mise à distance des pensées de catastrophes, ou la
restructuration cognitive 136
7 La pleine conscience ou vivre le moment présent 138
C
HAQUE PATIENT est une personne différente, chaque phobie a ses particu-
larités. En raison du fait que les TCC sont des thérapies brèves, l’éta-
blissement d’un contrat thérapeutique défini avec le patient est
essentiel. Il fait suite à l’analyse fonctionnelle (voir chapitre précédent). Votre
praticien a posé une indication de TCC, vient le temps du contrat thérapeutique.
Anne, dès la première séance de thérapie mise en œuvre pour ses attaques
de panique, a été conviée à :
• établir une hiérarchie des situations anxiogènes afin de fixer les objectifs de
la thérapie ;
• noter quotidiennement les attaques de panique avec les situations déclen-
chantes, les émotions, pensées immédiates, les sensations corporelles et
les comportements adoptés, les hypothèses, pourquoi une attaque de
panique maintenant ?
Exemples d’objectifs qu’Anne souhaite atteindre
(accompagnés d’une note entre 0 et 100. Plus la note est élevée, plus la situation
est chargée d’angoisse)
• Faire des efforts physiques (20/100).
• Aller seule dans un supermarché et y rester au moins une demi-heure
(30/100).
• Aller seule dans un quartier inconnu avec l’autobus (40/100).
• Manger chez des amis et rester à table le temps du repas (50/100).
• Manger au restaurant avec des amis et rester à table le temps du repas
(60/100).
Contenu des séances
• Apprentissage en séance d’une technique de contrôle ventilatoire.
• Apprentissage de la relaxation selon la méthode de Jacobson et remise
d’un enregistrement afin qu’elle puisse s’entraîner très régulièrement.
• Apprentissage du contrôle des sensations physiques de l’ADP.
• Reprise de la hiérarchie et exposition à la première situation en imagination 127
avec relaxation.
Ici, le thérapeute estime qu’une quinzaine de séances espacées chacune d’une
Des techniques spécifiques pour sujets anxieux ont été développées. En ce qui
concerne la relaxation musculaire générale, la plupart des auteurs conseillent
pour les sujets anxieux ou phobiques la méthode de relaxation progressive de
Jacobson qui comprend une série d’exercices musculaires simples, faciles à
reproduire seul et très efficaces.
Au cours des six à dix séances, le thérapeute sélectionne des exercices contri-
buant à relâcher les membres supérieurs, les membres inférieurs, le visage et le
dos, etc. Il s’agit d’un apprentissage pour acquérir un auto-contrôle de soi-même
vis-à-vis de l’anxiété. L’action physiologique et biologique de cette méthode a
été mesurée. Elle traduit une réponse du corps s’opposant point par point aux
modifications physiologiques et biologiques engendrées par le stress.
128
Un apprentissage du bien-être
Il est très important d’expliquer en détail ce que peut apporter cette relaxation
spécifique, car bon nombre de préjugés et de croyances circulent sur la relaxa-
tion : « Je connais, j’en fais à la fin de chaque cours de gymnastique », « On m’a fait faire
quelques séances, il y a dix ans, cela n’a servi à rien » ; « Je n’y crois pas du tout, ce n’est
pas pour moi, j’ai besoin d’agir », etc. La relaxation de Jacobson n’agit pas par
miracle et sa pratique nécessite le respect de quelques règles de base exposée ci-
dessous.
Sur le plan théorique, on a découvert qu’il existait une relation étroite entre la
relaxation musculaire et l’obtention de réactions émotionnelles opposées à
l’anxiété. En répétant les séances, il est possible de faire apparaître à volonté des
réactions émotionnelles ayant un réel effet anti-anxieux.
Au fur et à mesure des séances, le sujet prend conscience des premières sen-
sations de relâchement qui ressemblent à de l’engourdissement, comme une
pesanteur, voire de la chaleur. Mais les résultats des premières séances sont
toujours médiocres et très partiels. Il faut une pratique régulière et assidue
(une à deux fois par jour) avant d’obtenir l’effet escompté, à savoir une
réponse de relaxation profonde en une à deux minutes.
130 Ces mesures des effets de la relaxation ont donné lieu à suffisamment d’études
et de publications, notamment dans les années 1970, pour ne plus exiger de
preuves supplémentaires. Tous les résultats convergent pour confirmer l’action
en profondeur de la relaxation ainsi que les modifications physiologiques qu’elle
entraîne.
Elle n’avait pas le souvenir d’un événement déclencheur particulier. Cela avait
commencé douze ans auparavant. Elle était mariée, mère de trois enfants et
employée dans un bureau. Son travail lui plaisait ; elle n’avait pas de problème
particulier sinon qu’elle ne se sentait pas à l’aise dans les locaux de sa société.
Chaque jour lui apportait son lot d’angoisses : prendre l’ascenseur, s’engager
dans certains couloirs jugés trop étroits et pas assez éclairés, descendre au
parking souterrain pour prendre la voiture de fonction, ne pas trouver de place
près de la sortie dans la salle de réunion, monter dans la voiture d’un col-
lègue… Chaque fois, il lui fallait inventer des prétextes, et Catherine avait trop
honte pour en parler à qui que ce soit. Quand elle quittait le bureau, l’enfer se
poursuivait dehors. Plus possible d’aller au spectacle, de faire la queue, de se
retrouver dans une salle fermée. Les deux endroits où elle aimait déjeuner
avec ses enfants le samedi sont devenus eux aussi des lieux d’horreur. En
effet, la cafétéria la plus proche a posé un dispositif pour canaliser la file
d’attente avec des poteaux et des barres d’acier, et Catherine se sent prison-
nière. Quant au petit restaurant avec ses grands buffets variés tellement prisés
des enfants, il a fait mettre un sas d’entrée devenu du coup infranchissable.
Catherine se retrouve enfermée, coincée dans sa vie familiale, professionnelle,
sans issue possible.
La thérapie durera quatre mois après l’évaluation initiale. Elle combinera deux
techniques principales : la relaxation « comportementale » (Jacobson, 1982)
pour diminuer la charge globale d’angoisse, puis une technique d’exposition
lente et progressive aux situations d’enfermement redoutées.
Catherine a appris une méthode de relaxation spécifiquement développée
pour les patients phobiques, elle a pris conscience de ses tensions multiples
et commence à pouvoir les réduire. Catherine s’entraîne tous les jours avec un
enregistrement audio réalisé par le thérapeute, afin d’utiliser de mieux en
mieux cette relaxation par rapport à ses angoisses. Elle peut la pratiquer allon- 131
gée, assise ou debout, seule ou en présence des autres, selon les circons-
tances (transports, bureau, brasserie, domicile…).
Insistons sur le fait que l’exposition doit être très graduée, selon les évaluations
faites par le patient pour sa hiérarchie des peurs, mais aussi d’une durée suffi-
sante pour qu’il y ait extinction à chaque exposition. La durée est au moins de
trente minutes. Dans le même temps, le praticien apprend au sujet une réponse
inhibitrice du processus de peur. La réponse a plus communément substituée à
la peur est la réponse de relaxation qui est antagoniste de la réponse de stress.
La phobie de l’avion
L’exposition, même pratiquée en imagination, confronte le patient
– à un environnement visualisé,
Comment soigner une phobie
Modèle de l’hyperventilation
Des stimuli internes (pensées, images) et/ou des stimuli externes (situations
stressantes) provoquent une hyperventilation. C’est une réaction normale de
stress, tout comme l’augmentation de la fréquence cardiaque, il s’agit d’une
adaptation à un effort à venir (fuite, combat), exacerbée. L’hyperventilation
entraîne ensuite une alcalose et des phénomènes périphériques d’anxiété
(tachycardie, sudation). Ces phénomènes sont alors interprétés par le sujet
comme les signes d’une maladie physique grave, d’une entrée dans la folie, ce
qui provoque une remontée de l’anxiété. Une spirale ascendante d’anxiété se
met en place et provoque l’ADP, dont le retour sera ensuite anticipé avec
angoisse (« la peur d’avoir peur »).
Ces techniques ont été codifiées récemment. On connaît depuis toujours cer-
tains petits trucs, comme mettre un sac en plastique devant le nez et la bouche
et respirer dedans, ou joindre les deux mains en bol devant le nez et la bouche à
la place du sac plastique qu’on n’a pas toujours dans la poche, ou encore
134 s’asseoir puis poser sa tête sur ses genoux en position recroquevillée et rester
ainsi plusieurs minutes.
que celui qui ressent des vertiges intenses pensera davantage « je vais devenir
fou ». Agir sur l’hyperventilation aiguë, c’est donc faire disparaître les sensations
physiques surajoutées ainsi que les interprétations catastrophiques des signaux
internes.
En résumé, les respirations rapides déclenchent des sensations inoffensives mais
très perturbantes pour le sujet, qui devient encore plus anxieux et augmente son
hyperventilation. Une réaction en boucle se met en place : hyperventilation – sensa-
tions – pensées angoissantes – hyperventilation. Le sujet est pris dans une spirale
où les symptômes s’accroissent en même temps que les pensées deviennent
obsédantes, déclenchant l’attaque de panique.
L’exercice permet une exposition in vivo aux sensations, encadrée par le théra-
peute qui en même temps effectue la même épreuve respiratoire. Le clinicien
doit s’entraîner jusqu’à éprouver des sensations de type panique qu’il tolérera
plus facilement que le patient. Ces sensations se déclenchent en effet chez tous
les individus plus ou moins rapidement. Quelquefois l’ADP arrive plus vite chez
le thérapeute !
Retrouvons Anne
Contrat thérapeutique proposé à Anne pour ses attaques de panique avec
agoraphobie :
L’objectif principal de la thérapie est le traitement des attaques de panique
avec agoraphobie afin de pouvoir envisager une reprise du travail et de la vie
sociale.
Modalités proposées aux vues de l’analyse fonctionnelle :
On propose tout d’abord une prise en charge des ADP avec information sur
les liens entre les symptômes de panique et l’anxiété.
Dans un second temps, on suggère une prise en charge de l’agoraphobie,
par exposition graduée aux situations anxiogènes (en imagination puis in
vivo) en ayant recours au contrôle respiratoire ou à la relaxation appris aupara-
vant.
Les situations anxiogènes seront nommées, hiérarchisées par Anne, de la plus
facile à appréhender à la plus difficile.
136
Au total, ces techniques de contrôle respiratoire couplées à la relaxation
ont permis de faire disparaître les attaques de panique en six semaines envi-
ron (soit trois séances). Les expositions graduées pratiquées progressivement
et tout d’abord en imagination ont permis à Anne de se confronter à ces situa-
tions aussitôt qu’en séance elle ne ressentait plus d’anxiété par l’exposition en
imagerie mentale. Sa progression a suivi son rythme. Anne se rend de nou-
veau à son travail et est revenue très progressivement chez elle.
Pour aider le patient à prendre du recul avec ses pensées anticipatoires chargées
d’inquiétude, le thérapeute va expliquer et apprendre à celui-ci des stratégies
dites de « décentration ». Il y en a plusieurs sortes, et l’une des plus faciles est de
poser certaines questions qui font prendre du recul (pour exemple : si j’étais un
observateur de cette situation, qu’est-ce que j’en penserais ?). De jour en jour, l’utilisa-
tion de ces outils va permettre au patient de ne plus être embarqué dans la
vague émotionnelle anxieuse. Plus apaisé, il pourra de nouveau examiner la réa-
lité avec toutes ses capacités et prendre des décisions sans être guidé par ses
émotions généralement désagréables (anxiété, panique). Le patient doit tenir un
carnet de thérapie dans lequel il consigne les situations dans lesquelles il a
connu des pensées anxieuses et où il a appliqué les techniques de décentration
pour aboutir à une pensée alternative. Ce carnet permettra au patient (et au thé-
rapeute) après six ou huit séances d’identifier certaines habitudes de pensées.
Par exemple : une tendance à observer toujours ce qui ne va pas, plutôt que ce
qui fonctionne ; une tendance à « faire une montagne de tout », une tendance à
tout percevoir en « tout ou rien », etc. L’identification de ces habitudes de pen-
sées dites dysfonctionnelles (car elles aboutissent systématiquement à un vécu
émotionnel négatif) est une aide complémentaire à l’apprentissage de la décen-
tration. L’identification des schémas cognitifs se réalisera vers la dixième séance
en se basant sur le travail d’auto-enregistrement des pensées anxieuses, mais
également à l’aide de questionnaires spécialisés.
Il s’agit d’une méthode qui, ajoutée aux méthodes cognitives classiques, aug-
mente les capacités du patient à se décentrer et à se mettre à distance de ses
pensées anticipatoires. La pratique régulière favorise le développement de la
conscience au présent, de l’auto-compassion, de la bienveillance, et permet
140
l’acceptation de l’expérience sans jugement.
D’autres études doivent être encore menées pour spécifier davantage les résul-
tats pour les troubles anxieux et en particulier les troubles phobiques (Mohlman,
2004).
Points forts
• Des entretiens préliminaires ont lieu, une analyse fonctionnelle
précède toujours l’indication de la TCC.
• Un contrat thérapeutique comprend les objectifs et les moyens
thérapeutiques choisis.
• Les techniques d’exposition in vivo et en imagination sont utilisées pour
toutes les phobies.
Comment soigner une phobie
Bien souvent, le sujet souffrant de phobie sociale généralisée doit améliorer ses
compétences sociales (capacité à exprimer ses émotions, à formuler une
demande efficace, à verbaliser un refus, à répondre à une critique justifiée ou
injustifiée, etc.). Il s’agit d’un travail spécifique et d’une complexité bien plus
grande que les apprentissages physiologiques et cognitifs communs à toute thé-
rapie du sujet phobique, décrits dans le chapitre 6 précédent. Toutes les straté-
gies TCC décrites aux chapitres 5 et 6 restent valables mais ne sont pas
suffisantes pour bon nombre de phobiques sociaux et doivent être complétées.
Une baisse de l’estime de soi est couramment engendrée par ce trouble ; après
des années, elle peut entraîner une dépression. Si le trouble n’est pas résolu,
cette boucle peut se reproduire. Le risque de dépression majeure chez un pho-
bique social est multiplié par trois.
par l’évitement des situations sociales, et ceux qui traduisent leur phobie par
des manifestations physiologiques ou par des préoccupations.
Situations d’interaction
146 • Performances sociales : prises de parole en public, entretiens impor-
tants…
• Interactions brèves ou superficielles : banalités, silence, saluer, raconter
une histoire…
• Interactions approfondies (révélation de soi) : ses opinions, sa vie, ses
symptômes d’émotivité et d’anxiété sociale…
• Entre les deux : répondre à la question « Quoi de neuf ? », ou « Que deviens-
tu ? »
Louis exprime clairement le passage du trac normal vers les réactions pho-
biques. Ceci n’est pas fréquent. En général, le trac est vécu comme un moment
de défi et d’excitation. Lorsque les évitements apparaissent, la phobie sociale
guette.
honte et au ridicule.
4) Il craint d’être critiqué ou rejeté dans les situations sociales.
5) Il est inhibé dans les situations interpersonnelles nouvelles à cause d’un
sentiment de ne pas être à la hauteur.
6) Il se perçoit comme socialement incompétent, sans attrait ou inférieur
aux autres.
7) Il est particulièrement réticent à prendre des risques personnels ou à
s’engager dans de nouvelles activités par crainte d’éprouver de l’embar-
ras.
3 LES TECHNIQUES ASSERTIVES
Les thérapies d’affirmation de soi : une aide concrète
▶ Définition
L’affirmation de soi est l’expression efficace, sincère et directe de ce que l’on
pense, de ce que l’on veut, de ce que l’on ressent sans anxiété excessive, tout en
respectant ce que pensent, veulent et ressentent les autres et sans redouter la
confrontation.
Selon ces auteurs, la survenue d’un comportement affirmé dépend de trois fac-
teurs :
▶ Cadre théorique
Le cadre de référence des techniques assertives ou d’affirmation de soi est la
théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1980), c’est-à-dire l’apprentissage par
l’action, par la performance du patient. On suppose que l’activité est une source
150 riche d’informations favorisant le développement des capacités de communica-
tion, aussi bien de réception (écouter, poser des questions, reformuler des pro-
pos…) que d’émission (exprimer un avis, affirmer un refus…).
Les objectifs thérapeutiques les plus fréquemment évoqués par les patients
sont :
• apprendre à écouter ce que dit l’autre ;
• apprendre à exprimer clairement ses sentiments, sans avoir peur de bles-
ser l’autre ;
• apprendre à exprimer un avis sans craindre de décevoir l’autre ;
• gérer la critique, pouvoir critiquer et faire face à une critique juste, injuste
ou floue ;
• atténuer la tendance à imaginer ce que l’autre pense et à adopter des
comportements en conséquence ;
• diminuer la fréquence des évitements sociaux.
Les moyens sont également consignés dans le contrat. Ils concernent la partici-
pation aux activités thérapeutiques du groupe, dont le travail au domicile dans
la vie réelle. Chaque nouvel outil appris, travaillé en jeu de rôle en séance à plu-
sieurs reprises, est utilisé dans le quotidien. Chaque succès augmente le senti-
ment d'efficacité personnelle et la reprise de confiance en soi.
▶ Le jeu de rôle
Le jeu de rôles permet un apprentissage et une immersion émotionnelle dans
une situation. Il est répété jusqu’à l’amélioration perçue. La préparation est
indispensable pour que le patient s’expose dans sa vie quotidienne entre les
séances. Cette exposition est la clé de l’efficacité thérapeutique.
Dans l’exemple qui suit le travail d’affirmation de soi porte sur l’expression de la 151
demande.
L’aptitude du patient à s’intégrer dans la technique du jeu de rôles est l’un des
critères d’inclusion dans une thérapie d’affirmation de soi.
Le thérapeute joue la situation, il adopte un comportement craintif, hésitant, tel
qu’il a été décrit et joué par le patient. Ensuite, cette situation est analysée par le
thérapeute et par le patient. Afin de le diriger vers l’objectif à atteindre, les ques-
tions suivantes sont posées par le praticien :
• Pourquoi est-il tendu ?
• Quel est le but de sa conduite en regardant l’heure toutes les
30 secondes ?
• Que penseraient d’éventuels témoins de la scène ?
• Est-il anxieux ?
• Imagine-t-il que son comportement n’est pas adapté et provoque donc
des moqueries ?
• Anticipe-t-il le risque de prendre la parole dans le groupe ?
Le patient est encouragé à donner son avis. Il rejoue ensuite son propre rôle en
tenant compte de tout ce qui a été évoqué. Il poursuivra ce même travail en
152 dehors du groupe dans sa vie réelle.
Points forts
• La phobie sociale constitue un handicap d’intensité plus ou
moins important qui se manifeste dans un nombre de
contextes variés.
• La gravité ne doit pas être sous-estimée, l’anxiété est majeure
et l’estime de soi souvent très faible.
• La phobie sociale est complexe et singulière, une analyse fonctionnelle
détaillée doit être établie.
• L’abord cognitif permet des progrès importants par une restructuration
des pensées dysfonctionnelles propres au sujet.
• Cette restructuration permet aussi de diminuer les ruminations sur les
interactions passées, actuelles et futures.
Comment soigner une phobie
Nous développerons dans cette partie deux approches novatrices distinctes (et
possiblement complémentaires) :
• les thérapies d’exposition par réalité virtuelle (exposition in virtuo) ; nou-
velle modalité d’exposition à part entière, distincte des techniques « en
imagination » et in vivo.
• la potentialisation médicamenteuse des thérapies d’exposition ;
approche pharmacologique visant à améliorer l’efficacité et les résultats
Comment soigner une phobie
Indications
Développées initialement pour la prise en charge des phobies spécifiques, les
indications de la TERV se sont étendues à l’agoraphobie, à la phobie sociale, aux
états de stress post-traumatique. En dehors des troubles anxieux, la réalité vir-
tuelle est désormais employée dans la prise en charge de la douleur, des addic-
tions, des troubles des conduites alimentaires et pour la réhabilitation
psychosociale (Mishkind et al., 2017).
Études de validation
Les premiers essais cliniques sont publiés en 1994 (North et North, 1994) et
montrent que la TERV pour le traitement de la phobie de l’avion (8 séances de 30
minutes) apporte une réduction significative du niveau d’anxiété pouvant se
maintenir plusieurs mois après la thérapie.
Nous faisons la synthèse des résultats de ces différentes études dans les points
158 suivants :
• Efficacité de la TERV démontrée pour la réduction de l’anxiété et des
symptômes phobiques dans : les phobies spécifiques (peur de l’avion,
acrophobie, peur des araignées) ; l’agoraphobie avec ou sans trouble
panique associé et la phobie sociale.
• La TERV semble montrer une efficacité supérieure au traitement usuel
des troubles phobiques (c’est-à-dire un suivi classique sans abord psycho-
thérapeutique), TCC ou autre.
• La TERV montre une efficacité similaire aux prises en charge psycho-
thérapeutiques TCC classiques (désensibilisation systématique, exposi-
tion in vivo).
• Mise en évidence d’un « effet dose » avec corrélation entre le nombre de
séances d’exposition en VR et le taux de réduction de l’anxiété.
Comment soigner une phobie
Avantages de la TERV
Le recours à la RV dans la prise en charge des phobies semble donc prometteur
et permettrait de dépasser les difficultés et les limites inhérentes aux tech-
niques d’exposition traditionnelles (Lambrey et al., 2010). Ainsi la TERV permet-
trait une exposition plus réaliste que l’exposition en imagination tout en
mettant sur un pied d’égalité les patients « bons » et « mauvais » imageurs (la
situation redoutée n’étant plus imaginée mais simulée et vécue en RV). Par
ailleurs, la TERV est plus flexible et contrôlée (en termes de fréquence et d’inten-
sité), ce qui permettrait au patient de se sentir plus en sécurité que lors d’expo-
sition « in vivo ».
Avantages
• Plus acceptable, moins pénible pour le patient que l’exposition « in vivo » (et
donc meilleures adhérence et observance à la thérapie).
• Environnement interactif, plus contrôlé et « sécure » que la réalité.
• Interactivité et réalisme supérieur à l’exposition en imagination.
• Exposition possible à des situations coûteuses, rares, ou difficiles.
• Haut niveau de confidentialité de par la possibilité de réaliser l’exposition
dans le bureau du clinicien plutôt que dans l’environnement extérieur.
• Possibilité d’interruption instantanée de l’exposition, limitation du risque
d’attaque de panique en comparaison à l’exposition « in vivo ».
• Possible limitation de l’évitement cognitif.
159
Notons toutefois que la TERV repose sur une technologie coûteuse et difficile
d’accès qui était il y a encore quelques années essentiellement proposées dans
des centres hospitaliers ou centres de recherche équipée. La miniaturisation et
la diminution des coûts des casques de réalité virtuelle ont néanmoins permis la
diffusion de cette technologie et l’augmentation des soins utilisant la RV au
Études de validation
Comment soigner une phobie
Bien que de très nombreuses molécules aient montré des résultats prometteurs,
des études complémentaires restent nécessaires afin de déterminer les modali-
tés d’administration de ces traitements (à quelle dose, à quel moment de la thé-
rapie, sur quelle durée ?…). Ainsi le recours à des agents de potentialisation
dans les thérapies d’exposition reste à ce jour limité à la recherche clinique.
Parmi les différentes molécules étudiées, nous évoquons brièvement les résul-
tats pour la D-cyclosérine et l’hydrocortisone, principaux agents de potentialisa-
tion étudiés dans le traitement des phobies.
▶ D-cyclosérine
La D-cyclosérine est un antibiotique antituberculeux, actuellement retiré du
marché en France en raison de ses effets secondaires (effet central, céphalées,
convulsion, dépression…). De par son action sur les récepteurs NMDA, elle aurait
une action sur les phénomènes d’apprentissage (de la peur et de l’extinction).
▶ Hydrocortisone
L’hydrocortisone est un glucocorticoïde de synthèse mimant l’action du cortisol
(hormone stéroïdienne dérivée du cholestérol et synthétisée physiologiquement 161
par les corticosurrénales). Schématiquement, l’hydrocortisone a un effet positif
sur la phase de consolidation de la mémoire d’extinction, tout en diminuant la
récupération de la « mémoire émotionnelle » (rappel non désiré de souvenirs
négatifs, anxiogènes notamment) (Yang et al., 2006 ; de Quervain et al., 2009 ;
Dorey, 2013).
En 2006, sont publiées les premières études d’évaluation de leur efficacité à par-
tir de quelques produits. Depuis de nouveaux logiciels plus spécifiques orientés
vers les phobies sociales ou d’autres troubles anxieux sont disponibles dans le
monde anglophone. Dès les années 2000, ces outils sont proposés aux patients
en combinaison avec une prise en charge par leur médecin généraliste de réfé-
rence (Australie, Royaume-Uni, Pays-Bas).
Comment soigner une phobie
Au côté de ces programmes très structurés qui font la source d’études d’évalua-
tion malgré leur diversité, leur disparité, un très large spectre d’approches est
disponible pour les sujets anxieux, intitulé « siber therapy ».
163
Internet est utilisé comme un support de communication (chat, courriels,
vidéos) ; dans d’autres cas, des contenus spécifiques sont partagés par l’intermé-
diaire de pages web (blogs de discussion, guides d’auto-aide, etc.). Plus récem-
ment, des programmes combinent ces deux ressources. Dans ces derniers cas,
un thérapeute soutient le patient par courriels ; très régulièrement, il fournit un
feed-back sur le travail fourni, le motive à poursuivre son chemin, et répond aux
Illustrations
cliniques
1 Phobies des animaux 168
2 Peur des environnements naturels 169
3 Phobie situationnelle 173
4 Phobie du sang et des maladies 180
5 Autres phobies 191
6 Agoraphobie 203
7 Phobies sociales 203
8 Phobies multiples associées 212
1 PHOBIES DES ANIMAUX
Isabelle et les chats de la campagne
Isabelle, 32 ans, veut à tout prix quitter son immeuble de banlieue urbaine et
demande sa mutation en province. Elle apprend courant juillet avec grand
bonheur qu’elle est affectée dans le Loiret. Elle met tout son cœur à la
recherche d’un logement et finit par louer une petite maison avec jardin. Elle
qui avait tant envie de verdure après toutes ces années dans le béton !
Mais le rêve bucolique tourne vite au cauchemar. À la campagne, il y a des
chats… Après dix ans de vie citadine, elle avait oublié jusqu’à leur existence.
Maintenant, elle se souvient. À 8 ans, dans sa campagne natale, elle fuyait
tous les chats, ne rentrait pas dans une pièce où il y en avait et envoyait ses
frères et sœurs en éclaireurs pour ouvrir le passage. Elle avait oublié tout cela.
Aujourd’hui, plus de frères et sœurs, et la voilà toute seule face aux chats. De
168 sa fenêtre, elle dit en voir des milliers traverser son jardin. Elle les devine dans
les ombres des feuillages et il lui faut faire tout un tapage pour les chasser dès
qu’elle met le nez dehors. Sur la route, elle les devine à cinq cents mètres.
Tout la dégoûte chez les chats : leur apparence, leur démarche sournoise de
félins, leur couleur qui se fond dans la nature, leurs regards perçants qui vous
dévisagent. À seulement en parler, Marie se contracte et s’arc-boute sur sa
chaise. Elle sait bien que ce sont des animaux domestiques, qu’ils ne vont pas
forcément l’agresser, d’ailleurs elle n’a jamais été agressée, ni l’un de ses
proches, mais elle ne veut pas croiser leur regard : « Ils sentent que j’ai peur,
et après, que va-t-il se passer ? »
Donc, elle reste enfermée chez elle, ne profite pas de son jardin, ne reste
jamais dehors, même en compagnie. Elle finit par en parler à deux amies qui la
poussent à consulter.
Comment soigner une phobie
« Ils volent dans tous les sens, je sais qu’ils volent pour tout le monde pareil, mais leurs
tournoiements m’étourdissent et me font peur », dit Marianne, phobique des pigeons.
« Ils ont un instinct sauvage, ce sont des animaux, ils peuvent soudainement échapper à
leurs maîtres », dit Claire, phobique des gros chiens.
▶ Aspects thérapeutiques
L’exposition in vivo graduée associée à la relaxation est incontestablement la
méthode la plus efficace dans l’estompage des réactions phobiques liées à l’eau.
Méthodes alternatives
Les maîtres-nageurs, qui rencontrent souvent des personnes présentant des
comportements phobiques intenses malgré leur désir d’apprendre à nager, sont
bien placés pour aider ces sujets et pratiquer un véritable apprentissage contra-
phobique. Leur rôle consiste à favoriser deux attitudes indispensables dans
l’eau : l’équilibre et la propulsion. 9 Illustrations cliniques
Dans son livre Vaincre la peur de l’eau, la journaliste Françoise Simpère décrit avec
finesse différentes méthodes pour aider les patients présentant ces craintes
liées à l’eau. Elle nous confirme ainsi dans l’idée qu’il existe une différence fon-
damentale entre la peur de l’eau et la phobie de l’eau.
172
La phobie du vide : l’acrophobie
Michel et le trekking
Michel s’est découvert une passion pour les trekkings depuis une dizaine
d’années. Un jour alors qu’il fait une randonnée en moyenne altitude avec son
groupe habituel d’amis, il reste soudainement bloqué, oppressé, son cœur bat
à toute vitesse, c’est la panique. « Je m’en voulais d’autant plus que la ran-
donnée était facile, sans difficulté aucune. »
L’acrophobie vient du grec akros, extrémité, et phobos, crainte qui peut frapper
tout à coup, sans crier gare. Elle n’épargne pas les adeptes de la montagne. Cette
peur atteint un cinquième de la population, mais elle a tendance à s’atténuer
avec l’âge. Ce qui ressort des travaux scientifiques, c’est que la plupart des vic-
Comment soigner une phobie
L’avis des spécialistes diverge quant à savoir ce qui cause l’apparition de ce type
de phobie. Problèmes relationnels, ambivalence conflictuelle ou facteurs stres-
sants, tels sont les hypothèses très générales.
3 PHOBIE SITUATIONNELLE
La phobie des transports
Elle revêt des formes très différentes, selon la nature du moyen de transport,
mais aussi en fonction du système idéatif et imaginaire du sujet. On est couram-
ment phobique de l’automobile ou de l’avion, mais pas pour les mêmes raisons.
Les mécanismes sont en général de type cognitif (raison 10 du chapitre 2) –
besoin impératif de contrôler la situation, crainte de perdre le contrôle de soi-
même, sensation de manquer d’air, de suffoquer…
Pour certains, la phobie est entretenue par l’idée d’avoir une crise d’angoisse.
Pour un conducteur automobile, la phobie déclenche la peur d’une perte de
contrôle et la certitude de ne plus être en mesure de conduire.
La phobie de l’avion
tine la mère de famille ont en commun le même problème : ils sont incapables
de prendre un avion pour effectuer un déplacement. Ils éprouvent tous la
même peur irrésistible à monter dans cet engin ; d’ailleurs, aucun n’a encore
fait son baptême de l’air.
Leur peur s’exprime diversement : « Si je me sens mal en plein vol, comment
faire, je ne pourrai pas arrêter l’avion et descendre » ; « Moi je ne me sens bien
que les deux pieds sur le plancher des vaches ; je ne supporte pas l’idée de
ne plus être en contact avec la terre » ; « Je ferai quoi assise pendant tout ce
temps, je suis incapable de rester immobile » ; « Si les autres s’aperçoivent
que je vais mal, ce sera encore pire » ; « Si le pilote a une défaillance, qui
pourra faire atterrir l’avion ? »…
Quelles que soient les raisons de l’appréhension, cette peur est devenue un
handicap dans la vie professionnelle d’Henry et d’Émilie, et c’est leur
employeur qui les pousse à consulter : « Si cette fois-ci ils refusent de prendre
l’avion, c’est le licenciement assuré. » Pour Jacques et Martine, la situation est
moins urgente. Ils font semblant de se persuader qu’ils préfèrent les plaisirs du
train ou de l’automobile. En aparté, ils avouent être terriblement gênés par
cette phobie qu’ils considèrent comme un handicap à notre époque. L’un et
l’autre ont eu notamment des problèmes familiaux, car des parents éloignés
ne comprennent pas pourquoi ils refusent si opiniâtrement leur invitation.
Dans la plupart des cas, cette peur du voyage en avion ne connaît aucun antécé-
dent, mais les incidents relatés par les médias, les films catastrophes, les anec-
dotes rapportées par des tiers sont autant d’éléments qui renforcent ces sujets
dans leur conviction que les voyages en avion sont dangereux. Dans d’autres cas,
plus rares, cette phobie de l’avion survient après un épisode traumatisant.
175
▶ Traitement de l’aérophobie
Des traitements précurseurs de la méthode de désensibilisation systématique
sont communiqués pendant la première guerre mondiale. Certains pilotes de
chasse montrent alors, en effet, des signes d’angoisse avant leurs missions. La
thérapie consiste uniquement en un réapprentissage des techniques de routine
et d’entraînement au vol.
Depuis, les méthodes ont évolué, mais le travail clinique repose sur deux tech-
niques que l’on utilise séquentiellement : d’abord la désensibilisation systéma-
tique, puis l’exposition in vivo.
Selon chaque personne, et selon le type de vol à effectuer (longueur du vol, cor-
respondances, etc.), une prescription médicamenteuse temporaire est discutée.
176
Exposition en réalité
L’exposition en réalité pour la phobie de l’avion est fort complexe. À notre
connaissance, seuls deux pays européens la proposent. En France, l’exposition
en réalité se fait en stage par l’intermédiaire d’enregistrements audios, de
films, etc.
Air France a aussi mis sur pied un stage spécifique. Il s’agit à la fois d’expliquer
ce qu’est un avion, comment ça marche, les plans de vol, les contrôles aériens,
les diverses manœuvres. Ces stages sont proposés en situation de groupe. Les
stratégies sont largement inspirées des TCC : explications techniques, principes
de l’aérodynamisme, règles de sécurité, statistiques sur les risques de voyage
aérien, etc. Le programme éducatif est toujours mené en présence d’un profes-
sionnel de l’aviation. Attention, ces stages ont essentiellement une visée éduca-
Comment soigner une phobie
tive.
La peur de conduire
La peur de conduire concerne aussi bien les hommes que les femmes, mais elle
peut avoir des origines fort différentes. Dans la plupart des cas, il est souvent
très difficile d’identifier les circonstances à l’origine de la peur. Or leur distinc-
tion est essentielle pour orienter efficacement l’action thérapeutique.
Elle peut être déclenchée par une situation anxiogène, et une seule fois suffit.
On peut aussi l’attribuer à une anxiété globale. La personne vit dans un état de
tension permanente depuis des années, au point qu’elle ne se souvient pas elle-
même avoir jamais vécu autrement. Ce sont des sujets constamment vigilants,
toujours aux aguets, qui s’attendent à une catastrophe dès que les choses
prennent un tour inhabituel : « Si je prends la voiture, je vais peut-être crever et je
serai incapable de changer la roue. » Ou encore : « Si je monte dans un autocar, c’est sûr
qu’il aura un accident. » On comprend dès lors leur réticence globale à monter
dans un véhicule automobile, quel qu’il soit, comme conducteurs aussi bien que
comme passagers.
▶ Identification : le comportement
Suzanne n’a pas conduit depuis l’âge de 39 ans, suite à un accident. Il y a donc
évitement total de la conduite. Comme passagère, elle ne supprime pas totale-
ment ses déplacements, mais elle limite habilement ses sorties en voiture à une
par mois environ. Elle compte beaucoup sur ses enfants, qui font preuve d’une
compréhension active : ils acceptent patiemment de faire un détour pour éviter
le centre-ville, par exemple, et se chargent même de certaines courses à la place
de Suzanne pour lui éviter de sortir.
stratégies visant à limiter les sorties. Elle dit marcher à l’économie et, quand elle
décide d’affronter sa phobie de l’automobile, c’est qu’elle a pensé depuis long-
temps à regrouper plusieurs courses. Suzanne applique des stratégies éprouvées
d’évitement. Par exemple, elle commande beaucoup par correspondance, elle
règle ses problèmes administratifs et maintient le contact avec des amies éloi-
gnées par téléphone, elle utilise le bus et le train chaque fois que cela est pos-
sible, elle regroupe le maximum d’activités sur un seul déplacement, elle fait ses
courses au supermarché pour le mois. Toutefois, Suzanne se dit frustrée car,
ancienne citadine, elle doit parcourir quelque 25 km pour profiter des plaisirs
d’une grande ville. C’est donc toujours avec une joie mêlée d’anxiété qu’elle
anticipe ses sorties en ville.
Elle se sent vulnérable, susceptible à tout moment d’avoir cette douleur dans la
poitrine, de faire peut-être un infarctus, même si son cardiologue lui a affirmé
qu’elle n’avait rien à craindre de ce côté. Elle renonce à garder ses petits-enfants
tant qu’elle n’aura pas fait tous les examens. Elle ne prend plus sa voiture que
sur de petites distantes utilitaires et se prive de la plupart de ses activités
d’autrefois.
La phobie des espaces clos ou claustrophobie est souvent associée aux moyens
de transport : peur panique de prendre le métro, le bus, le taxi… Le dénomina-
teur anxiogène commun à ces peurs est le sentiment d’être privé de liberté et la
conviction que l’angoisse va entraîner la perte de contrôle de soi-même. C’est
l’image de soi en train de hurler, de se frapper la tête contre les murs dans un
ascenseur par exemple. Il s’agit d’une phobie totalement irrationnelle (être
convaincu que l’on peut suffoquer parce que la robe est ajustée ou que la che-
mise serre un peu le cou).
La claustrophobie
L’incidence sur la vie entière de ce trouble dans la population générale a été éva-
luée à 4,2 %.
Elle peut s’exprimer comme les autres phobies par un évitement, qu’il s’agisse
de soins infirmiers, dentaires ou médicaux.
La phobie du sang
Elle se distingue toutefois des autres phobies par le fait que le sujet phobique, à
la vue du sang, perd connaissance, son cœur ralentit, il se met en « bradycardie »
contrairement à tous les autres phobiques qui augmentent leur fréquence car-
diaque, et deviennent « tachycardes ».
▶ Provoquer des sentiments de colère
On a appris au malade à empêcher l’évanouissement en suscitant lui-même des
sentiments de colère par une imagination appropriée. Plus tard, le rythme car-
diaque, par induction de la colère, est demeuré normal pendant le visionnage de
diapositives stimulant la peur. Au cours de ces études scientifiques le théra-
peute provoquait la colère du malade en critiquant sa manière de vivre. Cette
stratégie évite la syncope durant les 20 minutes d’exposition au stimulus du
« sang ». Par la suite, on lui recommande de penser à des situations suscitant la
colère avant de regarder les images d’un livre de médecine légale, un film
d’épouvante ou de lire les passages d’un ouvrage qui, auparavant, le faisaient
s’évanouir. Le patient a fait ses exercices consciencieusement : une demi-heure
chacun d’eux, trois fois par semaine pendant quatre semaines. Peu à peu, il a
constaté qu’il s’endurcissait dès qu’il arrivait à provoquer chez lui des senti-
ments de colère. Après six mois de postcure, le problème avait disparu complè-
tement. 181
On sait, enfin, que les phobies des maladies ont tendance à se développer
davantage chez des personnes surmenées.
La cancérophobie
Michèle et le cancer
Michèle a 52 ans. Elle est toujours préoccupée par son corps et vit dans la
hantise de développer un cancer.
Pour Michèle, comme pour les autres patients présentant une phobie des mala-
Comment soigner une phobie
dies, notre conseil est de suivre le chemin de sa peur. Après une conférence, un
film ou une discussion avec une amie sur un thème médical, vous devenez plus
attentif à votre corps. Une sensation peu connue jusqu’alors apparaît et aussitôt
vous lui donnez un nom. Votre sensation énigmatique s’appelle désormais
« cancer du côlon » et vous ne pouvez plus maîtriser votre anxiété. Elle va conti-
nuer à s’amplifier en s’accompagnant d’autres symptômes qui vous amèneront
à questionner votre entourage, à consulter Internet, à prendre rendez-vous en
urgence chez votre médecin, voire déjà à pratiquer des examens complémen-
taires. En somme, une réaction en chaîne : attention sélective, étiquetage dra-
matique des sensations et état d’alerte avec anticipation d’un diagnostic
morbide qui structurent le déroulement d’une phobie des maladies intérocep-
tives.
Par exemple, une douleur dans la gorge pourra déclencher un véritable cata-
clysme destructif : la personne arrête tout projet, toute activité et sa vision du 183
monde tout entière change, convaincu que ce qu’il est et ce qu’il fait est déri-
soire et inutile.
Jacques, 47 ans, a une forte tendance à somatiser dès qu’il a des ennuis. Il
situe toutefois sa crainte d’avoir un cancer dans un contexte émotionnel diffé-
rent des problèmes qu’il peut avoir avec ses enfants par exemple. Il nous dit :
« Depuis quatre jours, j’ai vraiment mal à la gorge ; ce qui m’embête, c’est de
constater que je n’arrive pas à me décider et aller consulter. Je voulais juste-
ment vous parler de cette tendance à être rassuré quand j’ai mal quelque part,
car cela me rassure en m’obligeant à être attentif à mon corps. Mais mon
attention est maladive car je suis angoissé à l’idée d’avoir quelque chose de
grave. En même temps, je constate que je suis tranquille après être allé
consulter car le danger du cancer est éloigné pour l’instant. C’est comme si
j’avais besoin de m’angoisser. »
▶ Aspects thérapeutiques
La littérature aborde peu le traitement des nosophobes. Les thérapies comporte-
mentales et cognitives (TCC) ne montrent pas d’efficacité supérieure à d’autres
psychothérapies. Paradoxalement, la relaxation angoisse le plus souvent les
patients car cette méthode fait centrer l’attention sur la perception des sensa-
tions corporelles : ils seraient plus réceptifs aux sensations somatiques.
L’émétophobie
184
Le terme émétophobie vient du grec emein (vomir). Il s’agit d’une phobie liée au
dégoût maladif, incontrôlable et irraisonné du vomissement. Les personnes vic-
times de ce mal ne veulent pas en parler, considérant ce sujet comme « tabou »,
elles se sentent envahies par une « émotion extrêmement puissante ». Le dic-
tionnaire le définit comme une « crainte morbide de vomir ».
La peur de vomir est un trouble dont on entend très peu parler. Cependant c’est
une phobie qui touche un nombre important de personnes de tous les âges,
principalement les adolescents et les adultes. Les personnes malades d’éméto-
phobie se replient sur elles-mêmes, s’interdisant la socialisation et évitant cer-
tains actes essentiels à la vie (évitement des repas en présence d’autrui,
évitement d’un grand nombre d’aliments de peur de…, évitement de tout mou-
vement du corps après une prise alimentaire). En fait les personnes redoutent
Comment soigner une phobie
tous les événements qui peuvent entraîner l’action de vomir : ils évitent les
transports, les aliments à risque (fruits de mers notamment), les « réunions
arrosées », la foule, les sports de combat ; ils ne sont pas à l’aise quand une per-
sonne lit dans une voiture à côté d’eux ; ils ne se sentent pas bien quand ils
voient quelqu’un vomir, que ce soit en face d’eux ou à l’écran (télévision ou
cinéma), etc.
« Cette terreur nous accompagne pas à pas dans notre quotidien, quoi que nous fassions,
où que nous allions, avec qui que nous soyons. Ce calvaire, nous le vivons contre notre
volonté. Il est plus fort que tout, plus fort que nous… »
Les personnes ainsi atteintes ont besoin d’être soutenues et traitées pour guérir.
Cette phobie touche aussi bien les hommes que les femmes, et la détresse psy-
chologique et l’isolement qu’elle crée sont souvent sous-estimés, puisque per-
sonne n’aime « véritablement vomir » ; mais dans le cas de l’émétophobie, ce
n’est pas seulement une question de dégoût passager, mais bien une véritable
obsession quotidienne.
▶ Aspects thérapeutiques
La thérapie se compose essentiellement d’un programme progressif de confron-
tations à la situation redoutée, d’abord dans un contexte rassurant, puis progres-
sivement avec un entraînement à la gestion de l’anxiété. Cette exposition
progressive entraîne une diminution des réactions de peur et permet la dispari-
tion de la peur par désensibilisation. Un autre aspect important de ce traitement
est la restructuration cognitive qui permet d’aider les patients à identifier leurs
prédictions catastrophiques, leurs erreurs d’interprétation, puis à les surmonter 185
et les revoir par rapport à la réalité.
On cite ainsi le cas d’une jeune femme qui s’évanouissait avant même le début
des soins, à la seule vue de la blouse blanche du dentiste. Celui-ci changea de
tenue spécialement pour elle, et elle révéla alors que, depuis l’amygdalectomie
qu’elle avait subie étant enfant, les blouses blanches que portaient alors méde-
cins et infirmières revenaient régulièrement dans ses cauchemars. De même,
certains auteurs rapportent avoir vu dans l’armée des soldats passer en conseil
de guerre ou se faire réformer uniquement pour échapper aux soins dentaires.
Or l’évitement du dentiste ne peut pas être une solution à long terme à notre
époque où les soins dentaires font partie, au-delà de l’hygiène, de l’esthétique et
du simple confort.
186
▶ Soigner la phobie en même temps que les dents…
Les peurs dentaires présentent des difficultés particulières de traitement en rai-
son des problèmes pratiques de l’exposition progressive in vivo, bien qu’il soit
toujours possible de prendre des dispositions avec un dentiste coopératif. On
recommande aux dentistes de considérer ces peurs comme faisant partie des
problèmes qu’ils ont à traiter plutôt que comme un obstacle à l’exercice de leur
profession.
Il s’avère utile, par exemple, de laisser au malade un certain contrôle sur les ins-
truments, afin de permettre au sujet d’arrêter le fonctionnement de l’appareil.
Ainsi, un dentiste a fait installer un bouton-poussoir sur l’accoudoir du fauteuil.
Pendant les premières minutes du fraisage, presque tous les malades appuient
sur le bouton ; c’est suffisant pour qu’ils « oublient » de le faire par la suite. Le
Comment soigner une phobie
dentiste peut aussi arrêter de fraiser sur un signe de main du malade convenu à
l’avance.
En tout état de cause, il faut que le patient comprenne bien le déroulement des
soins pour pouvoir améliorer par sélection les exercices d’exposition. De son
côté, le dentiste devra prendre le temps de s’intéresser et d’apprendre les théra-
pies cognitives et comportementales pour, sans se substituer pour autant au
thérapeute, traiter des patients difficiles ou tout simplement mener à bien une
relation thérapeutique perturbée par une psychopathologie.
Le docteur Marie-Claire Théry-Hugly, présidente de la SPOM qui a beaucoup tra-
vaillé sur la relation praticien-patient et posé les principes d’une bonne commu-
nication au cabinet dentaire, relate pour nous trois cas de phobies dentaires
particulièrement éloquents parmi celles qu’elle rencontre couramment dans sa
pratique quotidienne
dents définitives bien qu’elles aient, d’après la mère, « des racines très
longues, ça va très loin les racines de dents définitives… » – applique à Michel
une thérapie cognitivo-comportementale.
Les techniques utilisées en pré- et per-opératoire sont la pré-exposition gra-
duelle, la désensibilisation par exposition sous relaxation et in vivo, la restruc-
turation cognitive et le renforcement positif. Michel fréquente à présent le
cabinet souriant, calme, seul. Il dessine en attendant son tour. Il rapporte sa
dent, « son trophée », tout fier, à sa mère. Le traitement d’orthodontie suit son
cours.
Michel est un exemple caractéristique de phobie dentaire. Le symptôme pho-
bique semble être ici une réponse apprise et inadaptée sur le mode du condi-
tionnement classique : un premier soin, qui a représenté pour l’enfant un choc
traumatique réel et cognitif, a été suivi par une répétition d’événements trauma-
tiques de plus en plus éprouvants. La famille a vécu pendant trois ans autour
des dents de Michel.
l’envoyer.
La première fois que nous voyons Nathalie, elle est calme, prostrée, figée,
bouche serrée, regard dévié, visage contracté, tête baissée, corps recroque-
villé, mains croisées, doigts tordus. Pendant ce temps, l’imaginaire déborde.
Durant l’analyse fonctionnelle, Nathalie dessine ainsi son cauchemar :
– Le chirurgien brun est le « diable Fracata le plus méchant » : Tu ne
peux rien faire, tu es attachée, Ha, Ha, Ha… ;
– La dentiste blonde est la « sorcière Mizrabel la plus laide » : Nous
sommes ici pour t’empoisonner la vie Hi, Hi, Hi…
– et la pauvre Nathalie, la langue ensanglantée, dans un sarcophage sur-
monté d’un dentiste « fantôme ».
La prise en charge se fera sur deux séances pré-opératoires et une séquence per-
opératoire. Les techniques utilisées seront cognitives et comportementales, à
travers les dessins de Nathalie, en se servant de la relaxation pour agir sur
l’anxiété situationnelle avant et pendant l’intervention, mais aussi par désensi-
bilisation pour vivre en imagination et en simulation cette intervention.
L’apprentissage d’une nouvelle proprioception de la langue se fera à l’issue de
l’intervention. Et l’on arrive ainsi au dessin final :
• le chirurgien diable est transformé en « prêtre Gaston » ;
• la dentiste sorcière est devenue « la fée Crystal » tenant une baguette
magique ;
• Nathalie est un « ange » souriant qui domine sereinement la situation.
Contrairement au cas précédent, Nathalie manifeste son anxiété par des réac-
tions de figement, ce qui est fréquent chez les enfants. Là aussi, la phobie a une
origine traumatique, mais s’y ajoute l’imitation des parents, passifs et évitants,
exactement à l’inverse des parents de Michel mais pour le même résultat. 189
Cependant, le problème a pu être résolu très rapidement, grâce à l’utilisation des
expressions cognitives révélées à travers les dessins de l’enfant.
Laurence est étudiante aux Beaux-Arts et termine une thèse extrêmement spé-
cialisée sur l’art africain. Elle vit en ménage depuis dix ans avec un homme très
simple, beaucoup moins cultivé qu’elle, mais qui lui voue une admiration et une
attention sans bornes.
En retrouvant ce qu’elle a peint six ans auparavant, nous découvrons sans peine
l’élément central de ses troubles :
• un premier tableau montre une bouche entrouverte sur des yeux obser-
vant « la foule étrangère aux traits déjà connus » ;
• sur le deuxième, une énorme bouche rouge éclate au centre de scènes
montrant des couples en évolution ; d’abord intitulé Ma bouche et moi, il a
changé de nom pour s’appeler Mon mariage ;
Comment soigner une phobie
Les phobies dentaires disparaissent dès les premiers mois de TCC. L’extraction
chirurgicale est réalisée trois mois plus tard et les autres soins dentaires sont
tous effectués dans l’année. On utilise les mêmes méthodes : désensibilisation
systématique avec apprentissage de la relaxation et exposition aux situations
anxiogènes hiérarchisées, exposition graduée in vivo, restructuration cognitive.
5 AUTRES PHOBIES
La phobie de la déglutition
La phobie de la déglutition est caractérisée par la peur et l’évitement d’avaler
des aliments solides et parfois des liquides. Ces sujets perdent progressivement
du poids et, lorsqu’ils mangent, ils sélectionnent des aliments « non dangereux »
et se nourrissent dans des conditions de sécurité, de préférence en compagnie 191
des autres, au cas où ils s’étoufferaient par exemple.
La plupart des patients ont acquis cette phobie après un épisode où ils se sont
vraiment étouffés mais sans suites graves. Certains peuvent développer cette
phobie après avoir entendu à la radio ou à la télévision que quelqu’un a eu de
sérieux problèmes au moment d’avaler. Ceci concerne surtout les adultes.
Par expérience, nous pouvons dire qu’il s’agit d’une phobie plus fréquente qu’on
ne pourrait le croire.
Émilie évite les aliments solides
Émilie, 5 ans, refuse certains aliments solides depuis cinq mois.
À l’époque, elle s’est étouffée avec un morceau de fromage, mais sans la
moindre conséquence ni même une consultation médicale. C’est seulement le
lendemain qu’elle a manifesté des comportements d’angoisse face à la nourri-
ture : les aliments solides provoquaient chez elle un évitement total par peur
de s’étouffer à nouveau.
Avec beaucoup de patience et de persévérance, ses parents l’ont alors
encouragée à manger quelques morceaux, sans la forcer à les avaler tout de
suite et en la laissant cracher si l’angoisse était trop forte. Sa mère nous
disait : « J’ai compris ce que ma fille pouvait ressentir. Pour ma part, j’ai hor-
reur de me baigner dans la mer : j’imagine que je vais être emportée par les
vagues, que je vais paniquer, perdre la tête, faire n’importe quoi et me mettre
en danger à cause de ma panique. Je peux me baigner uniquement à condi-
tion qu’on me laisse le temps d’apprivoiser ma peur ; je ne supporte pas
192 qu’on me brusque. »
▶ Aspect thérapeutiques
Le traitement proposé habituellement dans la phobie de la déglutition est très
structuré. Tout d’abord, la phobie est considérée comme un comportement han-
dicapant et donc à dépasser le plus rapidement possible : toute la symbolique de
ce comportement de panique face à la nourriture est volontairement mise de
côté. Sur le plan médical, il y a urgence à nourrir à nouveau le corps, à redonner
confiance au patient et à réinstaller des réflexes normaux : quand on mange, on
ne pense pas au moment où on avale, c’est un automatisme. On considère donc
que le patient fait une fixation et qu’il faut le décentrer de cette observation
obsédante du moment d’avaler.
Nous avons présenté dans des congrès scientifiques le suivi thérapeutique de
plusieurs patients souffrant de phobie de la déglutition. La question est toujours
la même : quel message véhicule ce comportement ? Prémisse d’anorexie ? Peur
obsédante d’être séparé par la mort des êtres chers ? Le suivi de la plupart de
nos patients (en moyenne neuf ans après l’épisode phobique) nous a convaincus
du caractère direct de cette phobie – moment traumatisant et perte d’automa-
tismes. Notre recherche de symbolisme n’a abouti à rien. Nous n’avons pas
trouvé de messages masqués car ces patients allaient bien et le seul message
conscient qu’ils avaient en tête était la manière d’aborder une phobie : l’appro-
cher progressivement, la détester suffisamment pour organiser un plan
d’attaque et se laisser le temps de se bagarrer contre la peur.
C’est d’ailleurs pourquoi les cliniciens sont très méfiants, d’autant que les
patients eux-mêmes ont beaucoup de mal à décrire leur phobie : « Je vois une
pomme rouge et j’ai immédiatement la gorge serrée, je sens que je ne pourrai jamais la
manger. »
9 Illustrations cliniques
« Je n’arrive pas à manger certains aliments, quand je mange un œuf dur, la texture
m’est insupportable, j’ai l’impression de mastiquer du plastique », disait Marie-Ange.
Elle n’a pas peur de faire une fausse route en mangeant, de s’étouffer ou de ris-
quer un malaise. Elle ressent seulement un profond dégoût de l’aliment, de
même que certains trouveront insupportable la texture des pêches, par exemple,
ou l’idée de manger des tripes, voire du fromage ! Ces réactions d’aversion ne
sont pas des phobies au sens clinique du terme. Les phobies alimentaires
n’existent pas.
Ce n’est pas parce qu’elle a « peur » du gras que Marie-Pascale est pour autant
phobique… C’est un raisonnement réfléchi et délibéré qui conduit à son évite-
ment massif. Pour cette jeune fille, le refus du gras est un choix qui entre dans
un système de valeurs personnel et détermine une hygiène de vie pour garder
« un corps sain » et se sentir un esprit brillant.
les aliments. En revanche, si c’est son entourage qui prépare les repas, elle
peut les prendre sans difficulté.
Un entretien minutieux avec cette jeune femme révélera que, parmi les ali-
ments, tous ceux à consistance juteuse, coulant sur les mains, étaient impos-
sibles à manipuler : éplucher la plupart des fruits, mais aussi des légumes,
toucher des légumes cuits, couper des légumes comme les tomates, etc. En fait,
il s’agissait d’une véritable phobie… du toucher des substances juteuses.
Dégoût ou phobie ? Pierre-Henri et les aliments de couleur verte
Pierre-Henri a 8 ans et son grand-père doit venir d’urgence le chercher en
classe, appelé par l’infirmerie. À peine sorti de l’école, Pierre-Henri est pris de
spasmes et vomit tout son repas de midi, dont les épinards servis ce jour-là à
la cantine. L’enfant décrète que ce sont les épinards qui l’ont rendu malade et
qui l’ont fait vomir. Depuis cet épisode, il n’est plus question de présenter des
épinards à Pierre-Henri et cette peur s’est propagée aussitôt à tous les ali-
ments de couleur verte : choux, courgettes, haricots verts…
Cet exemple très classique, que l’on retrouve dans toutes les familles, illustre la
manière dont s’acquièrent la plupart des dégoûts alimentaires. En France, on
considère que chaque individu a en moyenne quatre à cinq dégoûts rédhibi-
toires. Leur acquisition se fait tôt, entre 6 et 12 ans dans la plupart des cas. Les
psychologues spécialisés s’accordent pour estimer que ces dégoûts s’acquièrent
par conditionnement. Dans ce sens, il y a effectivement une similitude avec les
phobies. Mais l’acquisition se faisant dans le jeune âge, les aliments en question 195
vont être représentés à l’enfant encore de nombreuses fois dans sa vie et, à force
de voir les autres en manger sans en être malades, l’enfant va progressivement
assister à une extinction progressive de son dégoût, qui finira par disparaître.
La phobie de la marche
Les chutes concerneraient 27 % des personnes âgées et auraient des consé-
quences physiques et psychologiques importantes. La peur est généralement
survenue au cours d’une chute, puis la personne a perdu confiance en ses capa-
cités, et la peur a contaminé toutes les situations de mobilisation. Le sujet
devient passif, se cloître à son domicile et peut même sombrer dans la dépres-
sion. Chez des personnes plus âgées, vivant seules, un temps trop long peut
s’écouler avant qu’une aide puisse être apportée. C’est ainsi qu’il arrive souvent
196 que des voisins nous alertent après avoir découvert des personnes âgées dépri-
mées, ne sortant plus, n’ayant plus de goût pour rien, ni pour s’habiller, ni pour
toute autre activité, entraînées dans une spirale infernale, suite à une chute.
Or, l’aide apportée à ces patients fait son effet en quelques semaines. Elle repose
sur une prise en charge de l’anxiété, suivie d’un travail de réapprentissage à la
marche – 35 % des sujets exprimant une peur de tomber à nouveau – encadré
par un thérapeute. Devant cette incapacité à la marche, il faut d’abord faire des
examens médicaux pour écarter toute origine somatique.
Aux États-Unis, en 1981, une étude portant sur 125 chutes à domicile a retrouvé
25 % de décès à un an, soit un taux de mortalité quatre fois plus élevé qu’un
groupe témoin de même âge et de même sexe.
Plus récemment, une étude longitudinale franco-américaine sur deux ans a été
réalisée sur 613 sujets vivant à domicile. Les chutes sont à la fois plus fréquentes
et plus graves chez les femmes, le risque est multiplié par 3,9 chez les femmes
de 80 ans et plus, et chez les sujets les plus actifs. 35 % expriment leur peur de
tomber à nouveau, évoquant un syndrome de l’après-chute. Chez ces sujets, on
constate alors une diminution plus importante de la mobilité. La restriction
d’activité paraît plus liée à la peur de tomber qu’à la chute elle-même.
Chez la personne âgée, il est fréquent qu’après une chute, et d’autant plus après 197
plusieurs chutes, la peur s’installe. Il s’agit donc d’une peur empirique s’étayant
sur un ou plusieurs événements concrets. La personne perd alors confiance en
ses capacités, la peur entraînant une attitude « chutogène » de crispation, sus-
ceptible d’altérer son équilibre postural.
Nous pouvons parler de phobie lorsque cette peur devient excessive au regard
des capacités fonctionnelles, dans la mesure où elle s’est généralisée à toute
mobilisation dans une attitude régressive interdisant la moindre autonomie.
La phobie du sang
Dans la plupart des cas, la phobie existe avant l’âge de dix ans (âge moyen de
début 6-7 ans) et les influences génétiques semblent importantes. Il existe beau-
coup plus d’antécédents familiaux de pathologie phobique chez les sujets souf-
frant de phobie du sang et des piqûres que pour des patients souffrant
d’agoraphobie ou de phobie sociale.
Les bases de cette méthode bien spécifique sont les suivantes : le thérapeute
apprend au préalable au sujet phobique à déceler les tout premiers signes de la
baisse de la tension préalable à la syncope (tachycardie puis bradycardie, sensa-
tion de tête vide), il lui demande à ce moment-là de contracter très fortement les
muscles de ses avant-bras, de ses jambes, de sa poitrine et de son ventre, ce qui
va provoquer une tension qui doit être maintenue une vingtaine de secondes
puis le patient se détend, sans pour autant chercher à se relaxer. Le patient doit
199
répéter cet exercice à cinq reprises.
Quand cette méthode est bien maîtrisée, la technique d’exposition peut com-
mencer.
Elle vient aujourd’hui demander de l’aide ; elle vit en couple depuis deux ans, ils
s’entendent bien, et ont le projet de fonder une famille, mais voilà comment sur-
veiller la grossesse, etc. ?
Analyse fonctionnelle
L’objectif est de pouvoir aller faire une prise de sang sans appréhension particu-
lière avant et pendant l’acte.
III Outils thérapeutiques
• Psycho-éducation sur l’anxiété et la phobie du sang et des blessures.
• Apprentissage à la méthode de la tension musculaire au cours des pre-
mières séances, technique spécifique dans la prise en charge de la phobie
du sang. Lorsque cette technique sera maîtrisée, l’exposition progressive
hiérarchisée pourra commencer.
• Construction de la hiérarchie de situations anxiogènes.
• Exposition graduée in vivo.
• Réévaluation clinique et psychologique
IV Hiérarchie des situations anxiogènes pour la patiente (% d’anxiété)
5. Dessiner elle-même une seringue.
25. Toucher une seringue avec son aiguille, le tout emballé stérilement.
Bernard a subi des fibroscopies œso-gastriques qui ont retrouvé les stigmates
organiques d’une gastrite chronique ; le gastro-entérologue suspecte une colopa-
thie fonctionnelle. Les investigations cardiaques concluent à l’absence de
trouble de conduction ou de souffrance coronarienne ainsi qu’à la normalité
anatomique du cœur ; enfin, les tests pneumologiques et allergologiques sont 203
normaux.
Depuis, il n’a jamais pu reprendre le métro. Il lui a dès lors fallu partir plus tôt
pour se rendre à son travail en voiture. Puis, il a eu du mal à supporter les
embouteillages. De plus en plus fatigué, il a multiplié les arrêts de travail.
L’angoisse a peu à peu envahi toute sa vie, il ne lui est plus possible d’aller au
cinéma, dans les magasins, de « sortir ». La foule, le monde sur les trottoirs près
de chez lui, les passages pour piétons, il ne supporte plus rien. Par chance, il
trouve un emploi à 300 mètres de chez lui… qu’il quitte pour travailler à domi-
cile. Mais les troubles persistent. Il ne sort plus depuis deux semaines. C’est sa
femme qui l’amène à la consultation.
7 PHOBIES SOCIALES
9 Illustrations cliniques
La phobie sociale peut s’associer avec les phobies simples, par exemple la peur
de prendre la voiture tout seul car on n’ose même pas imaginer ce que l’on ferait
si on calait ou bien si la voiture tombait en panne et bloquait la circulation.
Toutes ces données cognitives sont de plus en plus intégrées dans les modèles
théoriques et les pratiques de soin en TCC, comme dans le programme très
« cognitif » de Heimberg (1997).
L’anxiété de performance, désigne les états émotionnels précédant l’exécution
d’une tâche sous le regard d’un ou plusieurs observateurs, peut aussi rentrer
dans le cadre d’une phobie sociale, surtout s’il existe une réelle interférence
avec le fonctionnement socioprofessionnel. Elle se distingue du trac par l’inten-
sité des symptômes anxieux survenant avant et pendant la réalisation de la
tâche (Pelissolo, 1995).
tion les dépasse. L’évitement des relations sociales s’installe et rend difficile
l’accès à l’autonomie.
C’est le clinicien anglais Broadwin qui l’a inventé en 1932, en distinguant au sein
d’un groupe d’enfants faisant des fugues de leur établissement scolaire un sous-
groupe présentant un tableau atypique et bien précis. L’expression « phobie sco-
laire » est confirmée par son homologue, Johnson, pionnière également en la
matière, en 1941. D’autres auteurs préfèrent parler de « refus scolaire », car
l’expression est plus libre de présupposés psychopathologiques : la peur panique
d’aller à l’école peut, en effet, recouvrir des raisons très différentes. Johnson,
elle-même, en 1957, reviendra sur sa position initiale en déclarant :
« La phobie scolaire est mal nommée, il s’agit plutôt d’une angoisse de séparation. »
l’école (le sujet n’éprouve aucun plaisir dans cette situation, mais au
contraire, de la tristesse, de l’angoisse et de la culpabilité). En dehors de la
situation stressante, pendant les périodes de vacances par exemple,
beaucoup d’enfants promettent qu’ils retourneront à l’école et s’y pré-
parent effectivement, mais le jour de la rentrée, « tout recommence ». Des
comportements assez dramatiques peuvent être observés chez ces
enfants afin d’éviter la situation scolaire.
Nous avons ainsi suivi pendant son hospitalisation et quelques mois après sa
sortie de l’hôpital un jeune garçon de 11 ans qui n’avait pas hésité à casser une
bouteille et à marcher pieds nus sur des morceaux de verre pour être dans
l’incapacité de se déplacer.
Pendant une semaine, André est allé à l’école et nous l’avons vu régulièrement
afin de continuer les séances d’affirmation de soi. Il avait pu répondre par le
« disque rayé », mais il était déconcerté par l’énervement qu’il pouvait provoquer
chez les autres avec sa nouvelle assurance et son détachement émotionnel face
aux moqueries.
▶ Le rôle de l’entourage
L’entourage, tant familial que scolaire, s’épuise en essais de réassurance, persua-
sion et même punitions. Mais, le plus souvent, on est confronté à une tolérance
extrême de la famille qui sait, cède et entérine. C’est ainsi que les parents orga-
nisent différents aménagements, qu’il s’agisse de soutien scolaire à domicile ou
d’un enseignement par correspondance, et cherchent à faire cautionner l’absen-
9 Illustrations cliniques
Dans une étude portant sur cinquante enfants souffrant de refus scolaire, on a
pu relever quatre types d’interactions familiales dont les deux premières sont de
loin les plus fréquentes (77 % des cas) :
• enfants autoritaires et exigeants avec leurs parents, mais timides,
anxieux et inhibés à l’extérieur ;
• enfants passifs et soumis dans toutes les relations ;
• enfants tyranniques dans toutes les relations ;
• enfants en général ouverts et amicaux, mais très exigeants avec leurs
parents.
▶ Aspects thérapeutiques
Les objectifs du traitement sont triples : aider au retour à l’école, réduire le han-
dicap, prévenir les complications. La plupart des auteurs conseillent une
approche multidimensionnelle : associant les psychothérapies et la chimiothéra-
pie. Le cadre du traitement est également un facteur important dans la prise en
212 charge :
• Le suivi en ambulatoire est réservé aux refus scolaires de début récent et
d’emblée limité dans le temps (1 mois), avec, en cas d’échec, une hospita-
lisation.
• L’hospitalisation, réalisée après un temps de préparation, s’impose en cas
d’échec des traitements ambulatoires, lorsque les refus scolaires sont
anciens ou compliqués, ou lorsque l’anxiété parentale est massive. De
durée relativement prolongée (3 à 6 mois), elle a une visée de « réappren-
tissage » des habitudes scolaires.
• L’indication psychothérapeutique et/ou chimiothérapique est discutée.
Ces résultats sur l’efficacité des thérapies TCC sont encourageants et montrent
surtout la stabilité des acquis.
Des critères d’évaluation d’efficacité ont été décrits par Foa et Emmelkamp en
1983 :
« Sont considérés comme des échecs les patients s’améliorant de moins de 30 % sur
les échelles d’anxiété ou de phobies ; les patients progressant de 31 à 70 % sur ces
échelles sont considérés comme améliorés ; au-delà de 70 % de progression, ils sont
estimés comme très améliorés. »
▶ Les phobies des animaux
Elles ont été les premières évaluées dans les années 1970. Une dizaine de
séances permet d’obtenir une rémission totale des troubles dans plus de 80 %
des cas.
Les études ont aussi bien concerné les phobies des araignées, que celle des ser-
pents ou autres animaux.
▶ La claustrophobie
Les résultats des TCC dans le traitement des phobies simples sont remar-
quables. Dans les claustrophobies, ils atteignent des proportions exceptionnelles
de 86 % avec une durée moyenne de traitement de seulement trois heures (Öst,
1996). Les résultats sont particulièrement bons chez les patients présentant une
claustrophobie sans comorbidité, c’est-à-dire sans autre phobie associée, ni
dépression, ce qui n’est pas si fréquent.
220
En effet, une étude a montré que les phobies spécifiques ne survenaient de
manière isolée que chez seulement un quart des sujets (Curtis et al., 1998).
Une étude suédoise sur la claustrophobie est réalisée par Öst et al. (2001). Elle
inclut 46 patients. Cette étude randomisée compare la thérapie cognitive
(5 séances), l’exposition in vivo (5 séances) et l’exposition in vivo intensive (une
séance de trois heures), à une liste d’attente (patients en attente d’une prise en
charge TCC). Les résultats montrent qu’environ 80 % des patients sont améliorés
de manière significative par la TCC contre 18 % dans le groupe sur liste d’attente.
Les résultats se maintiennent un an plus tard.
▶ La phobie du sang
L’approche TCC donne également d’excellents résultats dans la prise en charge
Comment soigner une phobie
En 1996, ils réalisent une étude portant sur 30 patients souffrant d’une phobie
du sang qu’ils répartissent de façon randomisée en trois groupes pour lesquels
ils proposent trois modalités de prises en charge thérapeutiques : 5 séances de
Applied Tension avec exposition graduée in vivo entre les séances, une séance de
Applied Tension de deux heures et une séance de tension (T) uniquement (sans
exposition). Les résultats montrent que les trois groupes sont très significative-
ment améliorés par ces approches, ce bénéfice se maintient à l’identique au
cours de la réévaluation à un an.
La disparition d’une souffrance phobique installée depuis des années n’est pas
innocente. Elle entraîne des conséquences non seulement dans la vie de l’indi-
vidu, mais aussi pour tout l’entourage. Notre vigilance doit s’exercer particuliè-
rement avec les patients agoraphobes ou phobiques d’un moyen de transport.
bureau ?
Tout progrès pour le sujet phobique est une diminution de son confinement
intérieur. Après sa rémission totale ou partielle, il vit bien, se sent bien, redé-
couvre des plaisirs auxquels il avait dû renoncer.
Les études sont divergentes pour expliquer quels sont les ingrédients actifs dans
la TCC. L’hétérogénéité des patients recrutés expliquerait la variété des résultats
sur l’efficacité d’une technique sur l’autre, entre les timides évitants, les pho-
biques sociaux. Les « évitants froids ou anxieux » sont améliorés par les exposi-
tions et peu motivés pour l’entraînement aux compétences sociales. Les
« évitants » ou en déficit assertif, semblent bénéficier de l’entraînement aux
compétences sociales. D’une manière générale, il semble que les techniques ont
intérêt à être dispensées en groupe à chaque fois que c’est possible. Le groupe
favoriserait l’apprentissage vicariant en apportant un soutien entre les partici- 223
pants, une pratique de l’exposition et une efficacité accrue sur le changement
cognitif.
a montré des visages porteurs d’une expression négative, on note une réaction
brève et précoce de la région amygdalienne. Il y aurait une augmentation de
l’activité amygdalienne et cingulaire et une diminution de celle des ganglions de
la base du cerveau.
Avant traitement, les sujets témoins sains ont montré une activation du cortex
occipital gauche et du cortex temporal inférieur droit, alors que les patients pho-
biques montrent une activation du cortex préfrontal dorso-latéral droit, du cor-
tex parahippocampique et des aires associatives visuelles. Après traitement,
l’activation du cortex préfrontal dorso-latéral droit s’est estompée, ainsi que
celle du cortex parahippocampique. Par contre, une activation est présente au
niveau du cortex préfrontal ventro-latéral droit.
Dans la deuxième étude (Strauberr et al., 2005), la RMN fonctionnelle est utilisée
chez 28 patients phobiques randomisés entre un groupe TCC et un groupe « liste
d’attente ». Quatorze sujets témoins sains servent de groupe contrôle. Les
patients sont examinés une deuxième fois après traitement. La RMN est effec- 225
tuée pendant l’exposition à des images d’araignées. Avant traitement, les deux
groupes de phobiques ne présentent pas de différences d’activation cérébrale,
226
Points forts
• Les TCC montrent une efficacité dans 80 % des cas environ,
quelles que soient les phobies.
• Aux programmes classiques d’exposition, le thérapeute peut
faire appel à toutes les modalités qui aident le patient phobique
(relaxation, méditation, affirmation de soi, etc.).
• Les modalités thérapeutiques proposées aux phobiques sociaux sont de
plus en plus diversifiées, incluant une composante cognitive de plus en
plus importante.
• Les modalités thérapeutiques sont différentes chez un sujet phobique
avec ou sans comorbidité associée.
• Les techniques d’imagerie mentale permettent de mieux comprendre
encore les mécanismes neurobiologiques des phobies.
• L’imagerie fonctionnelle objective des modifications différentes du fonc-
tionnement cérébral chez les patients phobiques répondeurs à la TCC
de ceux qui n’y répondent pas.
Comment soigner une phobie
Un cas clinique
complet
1 Recueil des données 231
2 Traitement 234
3 Les résultats 246
4 Le suivi de consolidation : retrouver une phonation normale 246
La dysphonie de Pauline
Pauline est âgée de 11 ans et demi quand elle consulte. Elle ne s’exprime
qu’en chuchotant depuis deux ans. Cette dysphonie ne l’a pas handicapée
outre mesure sur le plan scolaire. Elle poursuit un cursus normal moyen dans
des établissements à petits effectifs en province, où elle bénéficie d’un statut
particulier.
Les parents de Pauline, ainsi que l’intéressée, situent l’apparition brusque du
« problème » au moment de la levée d’un secret familial, alors que Pauline se
remettait tout juste d’une pharyngite (le médecin lui avait recommandé de ne
pas forcer la voix pendant la maladie).
Les examens médicaux n’ayant rien donné, Pauline, suivant les conseils du
médecin spécialiste ORL, consulte dans un centre psychothérapique, puis voit
un psychologue en libéral. Les traitements s’arrêtent quand « elle n’a plus rien à
230
dire », mais ces approches ont au moins permis à Pauline de retourner rapide-
ment à l’école qu’elle refusait « à cause de la honte ».
pas cru à ce qu’il « essayait » car, dit-il, « c’est un problème psychologique. » Elle n’a
pu prononcer qu’un son – « A » – et n’a pas réussi à se relaxer (elle n’aimait pas
être allongée).
Le milieu familial est modeste, mais d’un bon niveau intellectuel et verbal. Il
apparaît perturbé et compliqué. Les contacts sociaux sont limités du fait de
l’absence de moyens de locomotion personnels et de l’emménagement récent
dans un petit village en pleine campagne. Le père et la mère de Pauline ont
dépassé la cinquantaine. Ils ont trois enfants : Pauline a un frère aîné âgé de
15 ans et une sœur, sa cadette d’un an. D’un premier mariage, le père a deux
filles qu’il n’a pas revues depuis au moins 15 ans. La mère a eu très jeune, de
deux liaisons, un garçon et une fille qui ont vécu avec la famille actuelle. La fille
a quitté le domicile familial il y a sept ans et ne revoit plus personne, le garçon
s’est suicidé il y a quatre ans après un épisode de mutisme électif de trois ans (il
ne parlait pas dans la famille).
Affect (émotions) : elles sont données a minima. Pauline semble peu gênée par son
comportement, elle éprouve de la tristesse quand on ne l’entend pas (quand elle
est en groupe), elle éprouve de l’anxiété à l’idée qu’on lui pose des questions sur
« ce qu’elle a ». Pauline est plus gênée quand on lui demande d’émettre un son à
voix haute, elle éprouve une anxiété anticipatoire (« que va-t-on penser de moi ? ») ;
elle a honte du son produit et se trouve ridicule.
Sensation (sensations physiques) : peu de sensations quand elle parle à voix basse,
sinon l’impression qu’elle rougit (effectivement) quand on lui demande des
explications. Quand elle prononce un son à voix haute, Pauline se sent rougir, sa
Comment soigner une phobie
Imagination (capacité à avoir des images mentales) : Pauline peut rapporter des
rêves, des souvenirs. Elle n’arrive pas à se rappeler parlant à voix haute.
Attentes du patient : Pauline n’est finalement pas trop gênée par son trouble. Du
fait de son handicap, elle a un statut protégé à l’école, les professeurs ne la
mettent pas dans des situations où sa voix pourrait la gêner, les élèves se taisent
quand on l’interroge, ne lui cherchent pas noise sous prétexte qu’elle a un pro-
blème (renforcement positif). Le comportement-problème, en raison de son
caractère particulièrement objectivable, souligne d’autant l’échec des approches
thérapeutiques apportées. Pauline et ses parents ont une idée pseudo-
rationnelle de la guérison : puisqu’un choc émotionnel est à l’origine de la dys-
phonie, un autre choc, inversement, pourrait en avoir raison. Ils essaient de
provoquer ces chocs : ainsi, le père de Pauline a repris contact avec l’une de ses
filles, qui a parlé à Pauline, puis qui est venue la voir. Les parents de Pauline
11 Un cas clinique complet
guettent alors le moindre son à voix haute éventuel de leur fille. Pauline ne sup-
porte pas de s’imaginer adolescente puis adulte avec ce problème. Elle a envie de
s’en débarrasser, mais l’idée de progrès, d’étapes à franchir avec notamment la
formulation de sons « ridicules » lui est difficile et semble gratuite (elle perdrait le
calme émotionnel actuel de ses relations) : elle voudrait se retrouver du jour au
lendemain avec sa voix haute.
2 TRAITEMENT
La stratégie thérapeutique
L’analyse fonctionnelle a permis de recueillir un certain nombre d’informations
sur le comportement et de comprendre comment certains facteurs actuels –
environnementaux, cognitifs et fonctionnels – sont autant de variables indépen-
dantes pour maintenir ce comportement en l’état. L’intervention thérapeutique
234 portera sur ces variables, que sont le dysfonctionnement de la phonation et
l’anxiété générée par les situations où Pauline utilise son nouveau registre pho-
natoire.
Le contrat thérapeutique
La recherche d’une collaboration thérapeutique par l’adhésion au traitement et
l’émergence d’attentes positives passe par l’établissement d’un contrat. Ce
contrat porte sur le but du traitement, évident ici, de récupération d’une phona-
tion normale et sur les moyens du traitement :
• le thérapeute expose les principes généraux de la thérapeutique et les
techniques spécifiques correspondantes, en montrant leur lien avec les
différentes variables indépendantes dont il s’est efforcé de faire prendre
conscience à Pauline ;
• le thérapeute précise que le succès de la thérapie dépend d’une collabora-
tion active ; en particulier, le traitement pour être efficace ne se limite pas
à la séance hebdomadaire mais il nécessite l’accomplissement de tâches
en dehors de celle-ci : relaxation, exercices phonatoires avec tenue d’un
carnet, exposition progressive aux situations anxiogènes… ;
• le thérapeute démontre le caractère nécessairement individuel de ces
tâches : Pauline doit se débrouiller seule sans aide familiale ;
• ce contrat informe sur les assises théoriques et concerne alors plus la
famille qui est également renseignée sur les modalités du traitement, sur
sa progressivité, pour modifier ses croyances concernant la guérison de
Pauline ; l’adhésion de la famille et l’émergence d’attentes positives de sa
part, passe par la compréhension de ce qui est exposé, au besoin la refor-
mulation s’impose.
236
Dans le cas de Pauline, le protocole ne pourra être établi sur le retrait du traite-
ment. On observera d’abord l’effet de la première variable introduite (rééduca-
tion), puis l’action des deux à la fois.
Le déroulement du traitement
Chaque séance de thérapie se déroule dans l’ordre suivant :
• revue des tâches effectuées pendant la semaine à la maison ; 237
• relaxation ;
• enregistrement d’évaluation des mots, phrases, lecture, préparés à la
maison ;
• rééducation de la phonation à partir du matériel enregistré ;
• désensibilisation systématique ;
• travail cognitif ;
• bilan ;
• définition des tâches à faire au domicile pour la semaine à venir.
La rééducation de la phonation
La rééducation commence par un travail cognitif qui vise à la prise de
conscience de l’appareil phonatoire. Le thérapeute s’aide de planches anato-
11 Un cas clinique complet
miques, puis il est demandé à Pauline de compléter ces informations par le tou-
cher corporel correspondant. On insiste sur les « étapes » successives et
coordonnées de la phonation, leur rôle et leur importance :
• la respiration, qui est l’élément moteur, produit à l’expiration le « courant
d’air » qui fait vibrer les cordes vocales ;
• les cordes vocales dont la vibration durant l’expiration produit le son ;
• le pharynx qui amplifie le son.
Le thérapeute démontre ainsi à Pauline (en même temps qu’il lui rappelle le
contrat thérapeutique) que son comportement-problème est le fruit de diverses
perturbations et qu’il convient de les traiter toutes : les séances se partageront
entre le travail de la voix (la technique), la mise au clair des pensées, la gestion
Comment soigner une phobie
de l’anxiété relationnelle.
Le travail technique
Il est demandé à Pauline de produire le son « A » autant de fois qu’il le faut pour
qu’elle puisse décrire les sensations qui accompagnent la phonation. Elle res-
sent une tension des épaules, du cou, une sensation de gorge râpée comme
lorsqu’elle est enrouée. Elle se décrit comme avançant les épaules et tendant
légèrement le menton vers le haut. Afin de soulager la tension physique décrite,
il est proposé l’apprentissage de la relaxation en position assise (échec précé-
dent en position allongée avec l’orthophoniste). En attendant la maîtrise de cette
technique, il paraît important d’arriver à la phonation rapide, même disgra-
cieuse et inconfortable, de mots pour sortir Pauline du travail infantilisant avec
les sons.
La relaxation
La relaxation est utilisée pour la réduction de l’anxiété et pour diminuer la ten-
sion musculaire. Dans le cadre de la rééducation de la voix, l’accent est porté sur
les muscles de la face, du cou, des épaules, et sur la respiration.
11 Un cas clinique complet
Plusieurs techniques de relaxations sont utilisables. Le choix se portera sur la
méthode Jacobson (contraction-décontraction, de groupe musculaire précis, pro-
gressive) en raison de la possibilité de réalisation en position assise et de la pos-
sibilité de relaxation différentielle de groupe musculaire précis.
Six séances sont consacrées à l’apprentissage, à chaque fois Pauline part avec
une cassette enregistrée correspondant à la séquence de relaxation. Pauline
associe le relâchement obtenu par la relaxation à une image mentale privilégiée
(elle se promène avec son chien dans la campagne). Une fois l’apprentissage
acquis, elle retrouve un état de relaxation en bloquant un temps sa respiration à
la fin de l’expiration (compter jusqu’à 3) et en évoquant cette image mentale.
La respiration
Le travail technique de la respiration n’est abordé que lorsque Pauline parvient à
prononcer de manière audible des mots à plusieurs syllabes lors de la septième
séance. L’audition de l’enregistrement effectué en début de séance (enregistre-
ment du travail à la maison) et sa critique montrent une phonation non liée des
syllabes : Pauline explique qu’elle respire entre chacune d’elles. L’observation de
Pauline montre qu’elle parle en fin d’expiration, qu’elle respire avec une faible
amplitude et qu’elle se trouve vite à court d’air un peu comme si elle était
essoufflée. Lors de la phonation à voix haute, Pauline remarque que le ventre
reste contracté, immobile pendant le temps de la respiration (ce qui empêche la
remontée du diaphragme). Seul le haut de la cage thoracique bouge et provoque
une hypertonicité de la musculature pharyngo-laryngée (ce qu’elle traduit
comme tension des épaules et du cou).
Très vite, pendant la séance même, Pauline réussit à lier les syllabes, à doser sa
respiration en fonction de la longueur des mots à dire. Cette respiration est
reprise pendant la relaxation.
La phonation
Comment soigner une phobie
Le thérapeute utilise d’abord la toux sonore suivie du fameux « A » puis des mots
courts trouvés. Mais Pauline est incapable de tenir le rythme et recommence à
chuchoter ou au mieux à parler à voix rauque. Il est décidé d’abandonner cette
technique : la toux sonore est utilisée dès lors comme un diapason et elle essaie
de retrouver la sonorité produite pendant ses exercices. Le but recherché est la
détente des cordes vocales en faisant abaisser la mâchoire inférieure avec sou-
plesse ou en abaissant la tête avec un cou souple. La perception des sensations
de confort ou d’inconfort au niveau des cordes vocales pour façonner la produc-
tion sonore est aussi recherchée. Les enregistrements complètent l’éventail des
perceptions.
Désensibilisation systématique
Cette approche thérapeutique comporte quatre étapes :
• élaboration de la hiérarchie des stimuli anxiogènes, du moins au plus
anxiogène ;
• apprentissage de la relaxation ;
• confrontation sous relaxation aux situations anxiogènes hiérarchisées ;
• généralisation in vivo entre chaque séance.
▶ Les trois items rangés selon l’ordre croissant d’anxiété subjective (cotée
de 0 à 100)
Désensibilisation
Elle débute quand Pauline maîtrise la technique de relaxation.
▶ Première séance
Les quatre premiers items de la première hiérarchie sont désensibilisés. Pauline
est assise dans un fauteuil.
Le discours du thérapeute pour aider Pauline à se relaxer
« Je vais te demander de retrouver l’état de relaxation du début de séance avant de
commencer la séance de désensibilisation. – Ferme les yeux. Porte ton attention
sur ta respiration… Expire… Compte jusqu’à trois avant de respirer à nouveau. Tu
respires calmement… – Maintenant, imagine que tu es partie te promener avec ton
chien dans la campagne. C’est l’été. Tu t’es assise à l’ombre d’un arbre pour te
reposer. Tu regardes le ciel et tu essaies de trouver des formes de personnes ou
d’animaux aux nuages. Ton chien est couché à côté de toi. Tu es bien, une légère
brise caresse ton visage et te rafraîchit. Elle t’apporte des odeurs d’herbe chaude et
fait bruisser les feuilles… »
(Rappel de l’état de relaxation, l’anxiété est évaluée à zéro par Pauline.)
« Je vais te demander maintenant d’imaginer un certain nombre de scènes de la
hiérarchie. Tu vas les imaginer de façon précise et elles gêneront peu ou un peu ton
état de relaxation. Dès que la scène t’apparaîtra clairement, montre-le moi en sou-
levant légèrement ta main gauche. – D’abord je voudrais que tu t’imagines dans 243
mon bureau. C’est le soir, la lampe est allumée, tu es assise dans ton fauteuil habi-
tuel, moi dans le mien, nous parlons du travail que tu avais à faire chez toi, tu as
décidé de prononcer un mot à voix haute pendant que nous parlons, sans que je
m’y attende. Pense à ce mot, tu le prononces… »
(Au bout de quelques secondes, Pauline soulève la main. Pause de 15 secondes.)
« Bien, tu peux cesser d’imaginer cette scène. De combien a augmenté ton anxiété
pendant que tu imaginais la scène ? – Elle n’a pas augmenté, dit Pauline. – Mainte-
nant, relaxe-toi en imaginant la scène de promenade avec ton chien. »
(Pause de 30 secondes.)
« Maintenant, imagine que tu es allée faire une course à la supérette le soir avant le
dîner. Il manquait du sel. Tu t’approches de la caisse, tu attends car il y a quelqu’un
avant toi, tu prépares la monnaie. Tu as décidé de remercier le caissier quand il
aura encaissé. C’est ton tour. Tu lui tends la boîte de sel, il tape le prix, tu lui tends 11 Un cas clinique complet
l’argent, la caisse s’ouvre, il prend de la monnaie, il te la tend en refermant la
caisse, tu prends l’argent et le ticket, tu le remercies à voix haute, il te répond, tu
t’en vas… »
(Au bout de quelques secondes, Pauline soulève la main. À nouveau, on lui laisse
imaginer la scène pendant 15 secondes.)
« Bien, tu peux cesser d’imaginer cette scène. À combien était ton anxiété pendant
que tu imaginais la scène ? – 25 %, dit Pauline. – Relaxe-toi à nouveau avant d’ima-
giner à nouveau cette scène. »
▶ Le déroulement des séances
À la deuxième présentation, le niveau d’anxiété est de 10 %.
Chaque séance reprend l’item abordé en dernier lieu lors de la séance précé-
dente puis y additionne de deux à quatre items de la hiérarchie selon le niveau
l’anxiété provoquée.
▶ Deuxième séance
Elle est à réaliser durant la semaine à venir (quinzième séance de la thérapie). La
tâche est de « parler dans le car à une bonne copine » (item coté 25 % dans la pre-
mière hiérarchie d’items anxiogènes).
Pauline ne sachant trop que répondre, on lui demande d’inverser les rôles.
« Tu sais. Je travaille avec un psychologue pour mon problème de voix. J’arrive à dire des
mots à voix haute dans son bureau ou seule chez moi. Mais avec quelqu’un c’est plus
difficile parce que je suis inquiète de ses réactions. Alors je dois m’habituer petit à petit à
11 Un cas clinique complet
le faire en commençant avec les gens et dans des situations qui ne m’angoissent pas trop,
et puis dans des situations qui m’angoissent un peu plus, etc. Je vais être de moins en
moins angoissée et je finirai par pouvoir parler à voix haute tout le temps et à tout le
monde. »
Ils retrouvent ensuite leurs rôles originels et Pauline prend à son compte avec
succès l’argumentation du jeu de rôle cité. Pour finir, Pauline s’engage à réaliser
cette tâche. Si elle est trop anxieuse, elle devra s’exposer à la tâche minimale
« bus dans la côte ».
Le travail à la maison
L’importance d’un travail qui prolonge les séances et permet de généraliser ses
progrès est bien admise par Pauline lors de l’établissement du contrat thérapeu-
tique. Le travail est donné à la fin de la séance et passé en revue au début de la
séance suivante. Selon le déroulement de la thérapie, il porte sur :
• un exercice de la phonation avec des mots, phrases (consignes dans un
carnet), textes à répéter ;
• une pratique de la relaxation avec des cassettes ;
• un établissement de hiérarchies de situations anxiogènes ;
• des tâches d’exposition.
246
3 LES RÉSULTATS
La thérapie doit s’arrêter du fait des congés scolaires. Cette fillette n’a pas
retrouvé une phonation totalement normale. Sa voix est rauque mais nettement
audible. Sa communication se limite à la phrase. Il est proposé de continuer
après la rentrée des classes.
Aux techniques déjà utilisées, la privation du feed-back auditif est associée trois
mois après l’interruption.
ment très net, surtout au niveau des épaules, de la tension musculaire qui
accompagne la phonation.
Il est demandé à Pauline de lire un texte à voix haute pendant que des écouteurs
lui font parvenir une musique suffisamment forte pour empêcher tout retour et
tout contrôle sur sa phonation. De plus, cette musique a l’avantage de provoquer
un réflexe naturel d’élévation de la voix pour la couvrir, ce qui nous intéresse
particulièrement. Pauline est également privée d’informations visuelles
puisqu’elle lit un texte et que nous sommes hors de sa vue. Pauline reçoit égale-
ment comme consigne de ne cesser sa lecture qu’à un signal convenu qui lui
sera adressé par le thérapeute assis devant elle. Sa phonation normale retrouvée,
on laisse Pauline prolonger la lecture avec le bruit masquant, puis on baisse gra-
duellement le niveau sonore jusqu’à l’arrêt total pour permettre à Pauline de
s’habituer très progressivement à son nouveau feed-back (sa voix normale).
L
ES PHOBIES SONT TRÈS nombreuses et peuvent prendre des formes mul-
tiples : tous les âges, tous les milieux socioculturels sont concernés.
Dans la moitié des cas, elles disparaissent spontanément dans les
semaines ou les mois qui suivent leur apparition. Sinon, elles finissent par se
banaliser. Vous apprenez tant bien que mal à vivre votre vie avec votre phobie.
Il est donc vraisemblable que leur fréquence dans la population générale s’en
trouve sous-estimée. Par ailleurs, un même individu peut présenter plusieurs
phobies au cours de sa vie, voire différentes phobies en même temps.
Cependant, c’est un terme qui fait peur et qui dérange. Il est vrai qu’on parle de
phobies un peu à tort et à travers ; pourtant, les phobiques ont souvent du mal à
situer leurs troubles à leur vrai niveau. Entre le mot et la chose, il y a encore la
distance du tabou. Parallèlement, la vulgarisation du mot ne fait « pas sérieux »
et nombreux sont ceux, parmi les hommes, en particulier, à refuser catégorique-
ment cette appellation. Or il faut bien se rendre à l’évidence : les phobies repré-
sentent bien un trouble psychologique de la famille des troubles anxieux, et il
existe des traitements qui ont fait leurs preuves. La première étape, c’est donc
de faire la différence entre vraies et fausses phobies ; seul un spécialiste pourra
poser le diagnostic et envisager les bons moyens thérapeutiques.
Agoraphobie : Peur des espaces ouverts ou d’être dans des endroits publics ou
bien de s’éloigner des endroits habituels. Sa description en tant que syndrome
clinique revient à C. Wesfal et H. Legrand de Saule, en 1878.
Barophobie : Peur de la gravité ou bien d’être aspiré vers le centre de la Terre. 251
Basophobie : Peur de marcher ou de tomber.
Claustrophobie : Peur des endroits clos. Elle est décrite par Ball en 1879.
254 F-G
H
Comment soigner une phobie
I-K
Lévophobie : Peur des choses situées du côté gauche par rapport au corps.
Annexes
256 N
R-S
U–V-W
X-Z
Annexes
2 ANNEXE 2. ADRESSES UTILES
L’assistance médicale/paramédicale
• Le médecin généraliste. Il est formé pour dépister et traiter différentes mala-
dies chez le patient de tout âge. Il travaille en collaboration avec des spé-
cialistes et possède des adresses de professionnels qu’il peut vous
recommander.
• Le pédiatre. Médecin spécialiste, il est formé à la prévention et au traite-
ment des maladies chez l’enfant et chez l’adolescent. Il a des adresses de
spécialistes avec qui il a l’habitude de travailler et qu’il peut vous
conseiller.
• Le pédopsychiatre. C’est un médecin dont la spécialité est le traitement des
difficultés psychologiques. Il est le mieux à même du choix de conduite à
tenir dans ce cas : médicaments, hospitalisation, suivi psychothérapeu-
260
tique. Certains sont formés plus particulièrement au traitement psycho-
logique ou psychothérapique des enfants. Parfois, ils préfèrent suivre
l’enfant en collaboration avec des psychothérapeutes afin de garder une
vision d’ensemble du traitement. De cette manière, ils peuvent guider les
parents, la fratrie et ajuster les réactions de la famille face à un enfant
qui déprime. Les pédopsychiatres n’ont pas tous la même manière de tra-
vailler. Leur sentiment intime de compétence en fonction des cas est
l’élément primordial qui favorise la mise en confiance de l’enfant et de la
famille.
• Le psychiatre. Sa spécialité est la prise en charge des patients souffrant des
difficultés psychologiques.
• Le psychologue clinicien. Avec cinq ans d’études universitaires au minimum,
il a une formation qui lui permet d’évaluer l’état psychologique de
Comment soigner une phobie
www.aftcc.org
www.aftoc.org
Allo 6/15 ans : Exclusivement par téléphone et uniquement pour les enfants,
qu’ils soient simplement désœuvrés ou très angoissés.
Tél. : 01 42 41 22 11 261
Tél. : 01 48 78 13 73
Tél. : 01 45 65 80 00
Il s’adresse aux patients et à leur famille, mais aussi aux médecins généralistes,
Annexes
Tél. : 01 45 65 85 02
SML : Groupement d’études et de prévention du suicide
Tél. : 04 78 74 24 88
www.spom.fr
Tél. : 01 53 06 30 43
Tél. : 01 42 63 84 33
Tél. : 01 43 29 20 20
Comment soigner une phobie
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