Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ISBN : 9782100799817
© Dunod, 2019
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
https://www.dunod.com
All rights reserved. This work may not be translated or copied in whole or in
part without the written permission of the publisher.
Introduction 13
Cyril TARQUINIO
Professeur de psychologie clinique à l’Université de Lorraine (Metz),
APEMAC/EPSAM EA 4360, directeur du Master de psychologie clinique,
fondateur et directeur du centre Pierre Janet, éditeur en chef de l’European
Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier), psychothérapeute,
superviseur EMDR, Institut français d’EMDR (France).
Marie-Jo BRENNSTUHL
Maître de Conférences à l’Université de Lorraine (Metz), APEMAC/EPSAM
EA 4360, Centre Pierre Janet, psychothérapeute, superviseur, facilitateur
EMDR, Institut français d’EMDR (France).
Hélène DELLUCCI
Docteur en psychologie, chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz),
psychothérapeute, formatrice et superviseur EMDR, Institut français
d’EMDR (France).
Martine IRACANE
Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz), psychothérapeute,
formatrice et superviseur EMDR, Institut français d’EMDR (France).
Jenny Ann RYDBERG
Enseignante associée à l’Université de Lorraine (Metz), Centre Pierre Janet,
éditrice associée de l’European Journal of Trauma and Dissociation
(Elsevier), psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (France).
Michel SILVESTRE
Docteur en psychologie, chargé de cours à l’Université de Lorraine,
psychothérapeute, formateur EMDR Enfants et superviseur, facilitateur
EMDR, Institut français d’EMDR (France).
Pascale TARQUINIO
Chargée de cours à l’Université de Lorraine, Centre Pierre Janet,
psychologue, psychothérapeute, superviseur, facilitateur, Institut français
d’EMDR (France).
Eva ZIMMERMANN
Psychothérapeute FSP, formatrice, superviseur, facilitateur EMDR, Institut
romand de psychotraumatologie (Suisse), Institut français d’EMDR.
Avec la participation de :
Pascale AMARA
Psychologue, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (France).
Emmanuel AUGERAUD
Psychiatre des hôpitaux, psychothérapeute, psychothérapeute EMDR,
enseignant en TCC, addictologue (France).
Fanny BASSAN
Chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz), Centre Pierre Janet,
psychologue, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (France).
Gabrielle BOUVIER
Psychiatre FMH, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR (Suisse).
Ludwig CORNIL
Psychologue, responsable pédagogique de l’Institut Français d’EMDR,
formateur EMDR, superviseur, facilitateur EMDR (Belgique).
Olivier PIEDFORT-MARIN
Psychologue, superviseur, facilitateur EMDR, vice-président EMDR Europe,
Institut Romand de Psychotraumatologie, chargé de cours à l’Université de
Lorraine (Metz), éditeur associé de l’European Journal of Trauma and
Dissociation (Elsevier) (Suisse).
Annie DELPLANCQ
Psychologue clinicienne pour enfants, superviseur, facilitateur EMDR,
(Belgique).
Nathalie MALARDIER
Psychologue clinicienne, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR,
(France).
Joanic MASSON
Psychologue, psychothérapeute EMDR, Maître de Conférences (HDR) en
Psychologie clinique et pathologique, Centre de Recherche Psychologie,
Université de Picardie Jules Verne, (France).
Monika MIRAVET
Psychologue clinicienne, psychothérapeute, superviseur, facilitateur EMDR
(France).
Andrew MOSKOWITZ
Professeur de psychologie clinique, Touro College de Berlin, éditeur associé
de l’European Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier) (Allemagne).
Ingrid PETITJEAN
Coach, formatrice MT. Cosynergie, fondatrice et experte de la méthode
Target (France).
Martine REGOURD-LAIZEAU
Docteur en psychologie, chargée de cours Université de Lorraine (Metz),
psychologue, psychothérapeute EMDR, (France).
Laura VISMARA
Chargée de cours Université de Lorraine (Metz), Centre Pierre Janet,
professeur de psychologie clinique à l’Université de Cagliari, éditrice
associée de l’European Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier)
(Italie).
Introduction
Cyril Tarquinio
Chapitre 1
Le modèle TAI
(ou Traitement Adaptatif
de l’Information)
En 25 ans, Francine Shapiro a transformé le champ de la psychothérapie. En soi, la stimulation bilatérale n’est pas
l’élément le plus novateur : on pourrait attribuer cette découverte à la chance, au contexte de vie de Shapiro. Mais Shapiro
a su, à partir de cette observation, élaborer dès 1995, une méthode de thérapie dont l’efficacité a été observée cliniquement.
Un mécanisme inné qui cherche la santé physique et mentale est l'un des
principes de base du modèle TAI. L'hypothèse de base est que les procédures
utilisées en EMDR sont déclencheurs d’un état physiologique qui autorise le
traitement de l'information et qui rend possible le contact de l'information
dans le réseau dysfonctionnel avec les informations nécessaires pour arriver à
une solution adaptative.
Il s’agit d’un traitement adaptatif de l'information qui se déroule sur un
niveau neurophysiologique, au niveau de la liaison des réseaux de mémoire.
Une femme peut savoir qu'elle n’est pas coupable de son viol quand elle était
adolescente, mais se sentir coupable néanmoins. Ceci est un bon exemple de
l'existence de réseaux de mémoire qui coexistent. Dans le réseau de
l'information adaptative se trouve l’information correcte : la femme adulte
sait qu’elle avait seulement 14 ans, était amoureuse du garçon de 24 ans, mais
encore ignorante en termes de sexualité. Elle voulait l'amour, il voulait du
sexe. Elle sait qu'il aurait dû la respecter quand elle ne voulait pas aller plus
loin, mais elle se le reproche quand même quand elle pense à ce qui est
arrivé. Dans le réseau traumatique se retrouvent toujours les mots du garçon :
« le fait que tu m'aies embrassé et que tu n’aies pas résisté, signifie que tu
voulais autant du sexe que moi. » La culpabilité qui lui a été imposée fait
partie du réseau de mémoire dysfonctionnel. Ce réseau associatif peut
contenir encore d’autres expériences – expériences pas nécessairement
d’ordre sexuel ou relationnel – mais des moments de culpabilité par le fait
d’avoir soi-même créé des expériences négatives. Elle pourrait être une de
ces patientes qui disent se sentir généralement rapidement coupable.
Plutôt que de partir d'une position d'autorité pour tenter de convaincre la
femme de son innocence, le thérapeute EMDR invitera la patiente à prendre
contact avec le souvenir du viol. En évoquant le souvenir et en retournant au
moment le plus difficile de cette expérience, la patiente est aidée à prendre
conscience de ses réactions. Le réseau de mémoire dysfonctionnel est activé
et les informations contenues dans le souvenir sont revécues. La patiente a
une représentation de l'événement, sent la réaction émotionnelle et physique
actuelle et verbalise la pensée négative « c’est de ma faute. »
Grâce à la stimulation bilatérale et les instructions à la patiente, (« laisser
venir ce qui vient »), on crée une situation dans laquelle l’information
congelée peut se remettre en mouvement. Après chaque série de stimulations
bilatérales ce mouvement de l’information peut être suivi. On voit souvent un
mouvement de vague, la conscience du patient est d'abord plus investie dans
le réseau dysfonctionnel, avant d'établir progressivement – série après série –
des connexions avec des informations plus adaptatives.
La patiente mentionnée ci-dessus, a initialement éprouvé encore plus de
culpabilité lorsque les détails du viol lui sont revenus au cours du traitement.
Son corps pouvait de nouveau sentir la douleur. À un certain moment
apparaissait un lien avec le réseau de l'information positive : l'image de sa
nièce qui a le même âge qu'elle avait alors. Un peu plus tard, elle a décrit les
rêves irréalistes dont parle sa nièce. Après une autre série de stimulations
bilatérales elle a réalisé qu'à l’âge de 14 ans elle aussi se croyait adulte. Peu
de temps après, la prise de conscience est apparue que son ex-petit ami était
un adulte et elle encore une enfant ; elle a pu arriver à une expérience
profonde de « Je suis OK, ce n’est pas de ma faute ».
En EMDR ces moments de perspicacité sont des moments où le réseau
dysfonctionnel contacte des informations adaptatives. Bien sûr, la patiente
savait bien avant la séance EMDR, que c’était lui l’adulte et elle l’enfant – et
donc pas la responsable – mais cette information n'était pas reliée au réseau
traumatique, et donc inaccessible lorsque le réseau traumatique était
déclenché.
À la fin d'une séance réussie, le patient est capable de se rappeler du
souvenir, qui se présente d'une manière plus positive, avec une perspective
différente, un sentiment de calme et des pensées sur soi plus positives.
La réponse normale d'un patient est de s’éloigner des mémoires difficiles. Un
patient se permettra de penser à un souvenir et d’activer le réseau traumatique
seulement s’il se sent suffisamment en sécurité et soutenu dans le contact
avec son thérapeute. Au lieu d'éviter les informations du réseau traumatique,
le mécanisme inné de traitement de l'information peut être stimulé par la
stimulation bilatérale et faire en sorte que de nouvelles associations puissent
se produire avec les réseaux d'information plus positifs. Avec chaque série de
stimulations bilatérales l'information nouvelle et adaptative est assimilée dans
le réseau neuronal, et l'information dysfonctionnelle subit une transformation
jusqu’au moment où il a atteint un état sain, fonctionnel (Shapiro, 2001).
Enfin, l’intérêt du Modèle TAI est de s’inscrire dans une approche en trois
temps : passé-présent-futur. En effet, l’un des principes centraux de ce
modèle est de considérer que les déficits ou les troubles psychologiques du
présent sont le fait d’expériences passées stockées en mémoire et
physiologiquement stockés. Le traitement des situations du passé conduit à
des réponses plus adaptées dans le présent et le futur.
Ainsi pour atteindre sa pleine efficience intégrative, la thérapie EMDR basée
sur le modèle du TAI posera les bases d’une orientation vers les trois temps
du traitement : le passé, le présent et le futur.
Pour une bonne application du protocole EMDR il est indispensable de comprendre le modèle théorique qui le sous-tend.
Tout ce qui se passe en EMDR est basé sur l’idée que la pathologie est issue des expériences de vie difficiles non intégrées
et que la santé mentale est la conséquence d’une bonne intégration de ce que l’on vit. Malgré le fait qu’il s’agisse
seulement d’une hypothèse de travail, le modèle TAI nous donne des lunettes qui aident à comprendre les plaintes de nos
patients et qui nous guident dans l’approche thérapeutique EMDR.
BIBLIOGRAPHIE
Olivier Piedfort-Marin
L’EMDR est une méthode puissante. Sa puissance se présente dans les résultats positifs et parfois même exceptionnels de
nombreux traitements. Cette puissance s’exprime aussi dans des émotions et sensations physiques perturbantes qui peuvent
apparaître pendant le retraitement et par des symptômes transitoires parfois intenses en cours de traitement. Par ailleurs
certains patients viennent en thérapie dans un état psychique fragile. Il convient donc de s’assurer que le patient puisse faire
face au retraitement des souvenirs de traumatismes ou autres expériences adverses et perturbantes. Ce chapitre clarifie le
concept de stabilisation en psychotraumatologie et en EMDR et propose des mesures concrètes pour stabiliser les patients
qui en ont besoin.
Alors qu’un certain consensus s’est développé parmi les spécialistes des
troubles dissociatifs et du TSPT-C sur le besoin d’une phase de stabilisation
parfois importante, certains auteurs ont commencé à remettre cela en question
(de Jongh et al., 2016). Les arguments principaux de ces auteurs sont :
La remise en question de la validité du diagnostic de TSPT-C et de trouble
dissociatif,
L’absence d’un nombre suffisant d’études scientifiques de haute qualité sur
l’efficacité des traitements mettant l’accent sur la stabilisation,
Le principe selon lequel, en l’absence de preuve de l’efficacité des
traitements basés sur la stabilisation, ce sont les études montrant l’efficacité
du travail de confrontation au trauma qui devraient guider la pratique
clinique.
Ces principes ont eu une certaine influence sur la dernière prise de position
de l’ISTSS à propos du TSPT-C (ISTSS, 2018). Il y est rappelé que la
« médecine personnalisée » permet les meilleurs effets de traitement et
implique une diversité de traitements pour mieux satisfaire une large majorité
de patients. Par ailleurs les auteurs de cette prise de position proposent de
futures pistes de recherches sur les traitements du TSPT-C, y compris des
traitements multi-modaux flexibles, en cohérence avec le principe de
traitement centré sur le patient.
Cette controverse est très présente aussi dans le champ de l’EMDR, quand
bien même Shapiro (2018) est on ne peut plus claire quant à la nécessité
d’une stabilité minimale avant de pouvoir entamer le travail de retraitement
des souvenirs traumatiques par stimulation bilatérale alternée (SBA). Il
convient de considérer la stabilisation comme un concept médical devant
réguler la pratique de la psychothérapie. L’expérience issue de la pratique
permet ainsi de combler les lacunes des lignes directrices issues de la
recherche et générales par définition. Ainsi être psychothérapeute ne devrait
pas se limiter à l’application de lignes directrices générales mais devrait
porter sur la rencontre avec une personne en souffrance et l’accompagnement
de cette personne vers la guérison, en se centrant sur ces ressources, et selon
les principes d’une prise en charge individualisée centrée sur le patient.
LA STABILISATION EN EMDR
▶ Développer une bonne alliance thérapeutique
Dans ces cas je recommande un travail de thérapie verbale en vue de développer une alliance suffisante avant de passer à
l’utilisation de l’EMDR en tant que telle. Un tel travail devrait avoir pour but de verbaliser les problématiques
relationnelles de manière générale et en particulier lorsqu’elles émergent en séance ; cela comprend aussi le respect du
cadre thérapeutique, comme le respect des horaires et de la charge financière.
Il faut aider le patient à différencier les réactivations dans le setting thérapeutique sur la personne du thérapeute de
problématiques relationnelles en lien avec des expériences adverses ou traumatiques du passé (transfert). Cela peut se faire
par une analyse des interactions qui ont lieu dans le cadre thérapeutique et dont le thérapeute est un témoin privilégié. Cette
analyse doit être respectueuse et compassionnelle. L’analyse du transfert et du contre-transfert est une source riche pour la
compréhension de cette phase de la thérapie (Piedfort-Marin, 2018). Alors que la thérapie EMDR tend à promouvoir les
actions thérapeutiques – le savoir-faire – il convient dans ces cas de valoriser le savoir être du thérapeute.
Informer le patient que l’EMDR nécessite une baisse ou un arrêt de la consommation d’alcool, de substance ou de
médicament, puis observer sa compliance. Selon la sévérité de ces excès, un travail de modification comportementale
associée à une bonne motivation vont amener à un état satisfaisant, alors que dans les cas graves une approche
addictologique s’avérera nécessaire.
Dans les cas de comportements auto-dommageables et en l’absence de trouble dissociatif (sévère), on pourra opter pour
une phase de thérapie comportementale dialectique selon Linehan ou de thérapie cognitivo-comportementale dans le but de
diminuer les symptômes et de donner au patient plus de contrôle sur ceux-ci.
L’utilisation de la technique EMDR de l’éponge (ou technique d’absorption) peut s’avérer très intéressante pour activer des
ressources qui aideront le patient à faire face à des comportements problématiques en vue de les surmonter.
L’exercice du lieu sûr peut être un bon test pour s’assurer que le patient a
bien internalisé un sentiment de sécurité intérieur. En demandant à un patient
s’il peut visualiser un lieu connu synonyme de sécurité, on va découvrir s’il a
à disposition (dans ses réseaux mnésiques) le concept de sécurité dans la
réalité. On va aussi découvrir si le lieu sûr est attaqué par des monstres et des
animaux menaçants ou encore des êtres humains agressifs, signes que le
patient n’a pas de sentiment interne de sécurité. Ou encore si le patient a
besoin d’un accompagnant dans son lieu sûr, comme un animal ou un être
humain connu ou imaginaire ; cela peut signifier que cette personne a
internalisé le sentiment de sécurité, mais pas seul. Selon la problématique
traitée cela impliquera des choix cliniques différents. Certains patients,
malgré un passé traumatique sévère, arrivent à s’imaginer un lieu sécure dans
lequel ils peuvent être seuls et le thérapeute peut observer une bonne détente
physiologique ; on peut alors en conclure à une meilleure résilience chez ces
patients, et pronostiquer un processus thérapeutique plus aisé.
Selon les différents cas de figure, on recommandera une pratique régulière
entre les séances de l’exercice du lieu sûr, ne serait-ce que pour contrôler que
la notion de sécurité interne soit stable.
D’autres exercices hypno-imaginatifs peuvent aider le patient à développer
ses capacités de régulation émotionnelle. L’exercice du contenant (ou coffre-
fort) est un classique : on demande au patient de mettre les éléments
perturbants comme des images dans un contenant, par exemple un coffre-fort,
puis de fermer celui-ci à clé et de décider où on veut le mettre. Cet exercice
pourra être utilisé pendant le retraitement EMDR si le patient est submergé
par des éléments du trauma.
L’exercice du faisceau lumineux peut aussi aider le patient à apaiser des
sensations physiques, des douleurs ou des émotions perturbantes. On
demande au patient de se concentrer sur la sensation désagréable. On lui
demande de donner une forme à cette sensation, de décrire cette forme, sa
couleur, sa taille. Ensuite on lui demande quelle couleur est associée à la
guérison. On lui demande d’imaginer qu’un faisceau lumineux de cette
couleur, venant d’une source inépuisable dans le cosmos, se dirige vers la
forme, entre en elle et/ou vibre autour d’elle ou en elle. Il arrive souvent que
la forme change alors de taille ou de couleur et que la sensation perd en
intensité. Il existe différentes versions de cet exercice et le thérapeute pourra
l’adapter à chaque patient.
« Déposer les bagages » est un récit métaphorique qui peut être très aidant
(Piedfort-Marin & Reddemann, 2016). On invite le patient à s’imaginer
marcher dans un paysage vallonné puis arriver sur un plateau. On invite alors
le patient à arrêter sa marche et à déposer ses bagages, puis à prendre un
chemin qui l’amène vers un lieu ressourçant. Lorsqu’il a repris assez de force,
il retourne vers l’endroit où il avait laissé ses bagages. Un être bienveillant
apparaît et lui donne un cadeau. Le thérapeute encourage sans excès le patient
à garder le cadeau et à remercier l’être bienveillant. Puis il doit décider quels
bagages il reprend avec lui pour la suite de sa marche. Le thérapeute adaptera
cet exercice en fonction de ce qu’il connaît du patient.
Il existe de très nombreux exercices hypno-imaginatif et la créativité des
thérapeutes et des patients offre des possibilités illimitées. Le développement
de l’auto-compassion me semble une ressource indispensable pour la phase
de confrontation aux souvenirs traumatisants. Cela peut être acquis par des
exercices d’apaisement de l’enfant intérieur blessé (cf. chapitre 18 « EMDR
et thérapie des états du moi »).
Des techniques comme la cohérence cardiaque, la pleine conscience, le yoga,
la méditation ou encore le neurofeedback peuvent aussi aider les patients à
augmenter leur capacité de régulation émotionnelle. On sera néanmoins
prudent avec la méditation et la pleine conscience. En guidant le patient à se
concentrer sur ses sensations physiques, on peut rendre la personne plus en
contact avec des symptômes dont elle n’avait pas conscience jusqu’alors et
cela peut en déstabiliser certaines.
▶ Développer l’accès aux ressources
Comme on l’a vu l’accès aux ressources est essentiel pour une thérapie
EMDR. Certains patients – par exemple des personnes dépressives – ont
l’impression qu’ils n’ont pas de ressources. Les personnes émotionnellement
labiles ou à traits histrioniques peinent à garder leur attention sur les choses
positives de leur vie. Par ailleurs certaines personnes, de part un vécu carencé
et/ou traumatique sévère, ont effectivement peu de ressources. Le thérapeute
doit alors aider le patient à reconnaître les ressources qu’il a déjà, puis à
l’aider à développer de nouvelles ressources. Il convient de faciliter
l’internalisation des ressources, ce qui facilite alors un renforcement du moi.
Il faut parfois commencer par aider le patient découvrir ses ressources, par
exemple en lui faisant observer son quotidien pour y découvrir les petits
moments de bonheur. Des exercices hypno-imaginatifs peuvent aider à créer
au développement de ressources et au renforcement du moi. Avec l’EMDR,
en particulier par des SBA lents, on peut renforcer ses moments de ressources
afin qu’ils s’ancrent davantage, c’est-à-dire qu’on renforce les réseaux
mnésiques qui portent ces expériences et ces ressentis. Il en ressort souvent
des états émotionnels adaptatifs et des cognitions positives. En l’absence de
ressources on aidera le patient à s’identifier à des personnes qui possèdent les
ressources qu’il souhaite voir se développer en lui.
Enfin de nombreuses procédures ont été proposées qui intègrent l’EMDR
avec la thérapie des états du moi ou d’autres approches (par exemple Phillips,
2008/2017 ; Knipe, 2008/2017).
SOLUTIONS POSSIBLES
Pour renforcer l’accès aux ressources, on peut demander au patient de tenir un journal des joies ou un journal des
expériences positives du quotidien. Puis en séance le thérapeute demande au patient de choisir un des événements positifs
de la semaine et le renforcera avec des stimulations lentes. Dès que le patient passe à un élément négatif, le thérapeute le
recentre sur l’événement positif. Peu à peu le thérapeute aidera le patient à mettre à jour les émotions agréables et par la
suite des cognitions positives. L’objectif de cette procédure est d’entraîner le patient à se concentrer sur du positif et à
stopper tout passage à un élément négatif. Ce procédé est particulièrement utile pour les patients émotionnellement labiles.
Développement et installation des ressources (RDI ou DIR en anglais), de Korn et Leeds (2002).
Exercices hypno-imaginatifs pour le renforcement du moi : exercice de l’arbre, exercice des cinq éléments, exercice du
jardin intérieur (Piedfort-Marin & Reddemann, 2016).
L’évaluation de l’état de stabilité du patient traumatisé est un défi pour nombre de psychothérapeutes EMDR. Comme
chaque cas est différent, il convient de se baser sur des principes de base pour guider une pratique EMDR à la fois efficace
et précautionneuse. En thérapie – en donc aussi en thérapie EMDR – les blocages et impasses ont souvent comme origine
l’oubli de principes de base. Ce chapitre permettra aux thérapeutes EMDR de se situer par rapport à ces principes et leur
donnera des outils pour penser un traitement respectueux et favoriser un retraitement efficace par l’EMDR.
BIBLIOGRAPHIE
Le travail en thérapie EMDR nécessite au préalable un temps de stabilisation et de régulation, comme nous l’avons vu dans
le chapitre précédent.
Des outils viennent compléter ces pré-requis. En effet, la thérapie EMDR ne se réduit pas aux mouvements oculaires, mais
propose une prise en charge globale et intégrative, ainsi qu’un temps de préparation avant de pouvoir entamer le travail de
désensibilisation et de retraitement de l’information.
L’installation d’un lieu sûr est en soi une étape nécessaire, faisant partie intégrante de la thérapie EMDR.
Ce protocole peut tout à fait être complété par des protocoles d’installation de ressources qui seront utiles à différents
temps du traitement.
La recherche et l’installation d’un lieu sûr n’ont pas été inventées en même
temps que la thérapie EMDR. L’hypnose et les TCC, par exemple, utilisent
également cette méthode.
L’objectif principal est de créer un lieu de sécurité, un ancrage, un refuge ou
même un signe-signal qui permettra au patient, à chaque fois que cela est
nécessaire, avant, pendant ou après la séance, de pouvoir s’apaiser en
réactivant une ressource, lorsqu’il est submergé par ses émotions.
Il paraît alors fondamental que ce « lieu sûr ou lieu calme » soit bien installé
au préalable du traitement, afin que cette sécurité fasse partie des bases
fondamentales de la thérapie.
L’objectif est de créer un conditionnement qui va permettre au patient, s’il a
été suffisamment été exercé, de réactiver la réponse de sécurité et de
relaxation ressentie dans le lieu sûr, à chaque fois qu’il en aura besoin.
Un lieu sûr bien installé va permettre de rassurer le patient et de le mettre en
confiance pour la suite de la thérapie. Il y aura toujours un endroit vers lequel
il pourra se tourner si l’exposition aux symptômes traumatiques est trop
intense.
L’installation du lieu sûr permet également d’introduire les Stimulations
Bilatérales Alternées dans la relation thérapeutique, sans aborder d’affects
perturbants.
▶ Protocole
Image : « Je voudrais que vous pensiez à une expérience que vous avez eue, ou à un endroit où vous avez été, ou à un
lieu imaginaire où vous vous sentez calme et en sécurité. Peut-être sur une plage ou à la montagne, ou en faisant une
activité que vous aimez.
« Quelle image représente cet endroit ? Décrivez ce que vous voyez. »
Émotions et sensations : « Quand vous pensez à cet endroit sécurisant, à cette expérience, notez ce que vous voyez,
entendez et ressentez. Quelles émotions ressentez-vous ? Où ressentez-vous cela dans votre corps ? »
Accentuation : « Concentrez-vous sur ce lieu sécurisant et calme, ses vues, bruits, odeurs, et les sensations dans votre
corps. Dites-moi ce que vous notez. »
SBA : « Laissez venir l’image de cet endroit sécurisant et calme.
Concentrez-vous sur la sensation agréable dans votre corps et permettez-vous d’en profiter.
Maintenant, concentrez-vous sur ces sensations et suivez mes doigts des yeux (4-8 SBA lentes).
Comment vous sentez vous maintenant ? »
Si positif : « Concentrez-vous sur cela. (SBA). Comment vous sentez vous maintenant ? »
Si négatif : Diriger l’attention du patient loin de l’image, mettre de côté les parties négatives et retourner au positif. Si
cela est possible, dire « Concentrez-vous sur cela. (SBA). Qu’est-ce que vous remarquez maintenant ? »
Si cela n’est pas possible, alors identifier avec le patient un autre lieu sûr / calme en vous assurant qu’il n’y a pas
d’associations avec des personnes.
Utiliser d’autres exercices comme la pleine conscience ou un exercice de respiration.
Mot-clé : « Y a-t-il un mot ou une expression qui représente cet endroit sécurisant et calme ?
Pensez à _____ et notez les émotions et sensations agréables que vous ressentez quand vous pensez à ce mot. »
« Maintenant, concentrez-vous sur ces sensations et le mot-clé et suivez mes doigts. » (4-8 SBA lentes).
« Comment vous sentez-vous maintenant ? »
Répétez et augmentez les sentiments positifs avec des séries de SBA tant que l’expérience continue à se renforcer.
Auto-réplique : « Maintenant, répétez ce mot _____ et notez comment vous vous sentez. »
Réplique avec dérangement : « Et maintenant, laissez venir une situation légèrement perturbante (SUD 1-2) et les
sensations qui l’accompagnent. Notez les changements qui interviennent dans votre corps lorsque vous laissez venir ce
mot _____. Que remarquez-vous maintenant ? »
Auto-réplique avec dérangement : « Maintenant je voudrais que vous pensiez à une autre situation légèrement
perturbante (SUD 2-3). Notez à nouveau les changements qui interviennent dans votre corps lorsque vous pensez à ce
mot. »
Exercer de manière autonome : « Je voudrais que vous effectuiez cet exercice à plusieurs reprises d’ici notre
prochaine séance, et surtout, à chaque fois que vous vous sentiez gêné(e). »
« Notez dans votre journal les déclencheurs, les images, les croyances, les émotions et les sensations que vous avez
eues et nous en parlerons lors de notre prochaine rencontre. »
INSTALLATION DE RESSOURCES
▶ Introduction
▶ Technique de l’éponge
La technique de l’éponge s’utilise généralement pour faire face à des
situations stressantes. Il s’agit d’aider à la stabilisation du patient, mais aussi
de le maintenir dans sa fenêtre de tolérance.
Cette technique d’absorption des affects négatifs et de la perturbation peut
s’utiliser dans de nombreuses situations afin d’aider le patient à développer
ses ressources pour faire face.
Cette technique peut également être utile en début de séance afin de diminuer
du stress ou des perturbations autres qui pourraient venir entraver ou retarder
le retraitement qui doit se poursuivre sur une cible en cours.
TECHNIQUE DE L’ÉPONGE
La thérapie EMDR est une psychothérapie intégrative qui permet une désensibilisation et un retraitement de l’information
traumatique.
Pour réaliser ce retraitement, il est nécessaire de venir stabiliser le patient, mais aussi de le préparer à se confronter au
matériel traumatique et d’augmenter ses capacités de faire face.
Pour cela, l’installation d’un lieu sûr / calme ainsi que le renforcement et le développement des ressources à travers le DIR
ou la technique de l’éponge viennent accompagner et compléter le travail en EMDR.
BIBLIOGRAPHIE
Indications et contre-indications de
l’EMDR
Emmanuel Augeraud
L’EMDR est reconnu et validé par la médecine basée sur les preuves (INSERM, 2004 ; HAS, 2007 ; OMS, 2013) comme
étant le traitement psychologique de choix du Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) au même titre que le « gold
standard » que sont les thérapies cognitivo-comportementales (Seidler & Wagner, 2006 ; Chen et al., 2015 chez l’adulte ;
Gillies et al., 2013 chez l’enfant).
INDICATIONS
CONTRE-INDICATIONS
Quelques études contrôlées, des études de cas et l’expérience des praticiens EMDR montrent que toutes les
psychopathologies pourraient bénéficier de l’EMDR. La thérapie EMDR s’est ainsi développée dans le traitement des
événements de vie négatifs, au-delà du traumatisme (Logie, 2014), responsables ou associés aux grands syndromes de la
nosographie psychiatrique. L’EMDR est aussi indiquée pour le développement de ressources.
Il n’y a pas de contre-indication formelle à la thérapie EMDR mais des précautions à prendre qui relèvent de la qualité et
l’efficacité du thérapeute. Ce dernier doit, en résumé, être bien formé, évalué, supervisé et conscient de ses limites.
BIBLIOGRAPHIE
De la conceptualisation de cas
au plan de traitement
Martine Iracane
Si l’étude de Maxfield et Hyer (2002) démontre que l’efficacité clinique de la thérapie EMDR est potentialisée par
l’application d’une méthodologie rigoureuse mettant en route le Traitement Adaptatif de l’Information (TAI) selon un
protocole standard respectant 8 phases et prenant en considération 3 temps du traitement (passé-présent-futur), nous
pouvons également ajouter que le succès d’une thérapie EMDR dépend beaucoup de la qualité de la phase 1, nommée
histoire du patient. C’est au cours de cette phase que s’effectue ce que Francine Shapiro nomme la conceptualisation du cas
clinique.
Véritable élaboration clinique, dans le respect une psychothérapie intégrative selon le modèle neuro-émotionnel de la
thérapie EMDR (Shapiro & Forrest, 2005 ; Shapiro, 2007), la conceptualisation prend en compte la qualité de l’alliance
thérapeutique (Dworkin, 2005), le type de présentation clinique, l’équilibre entre les symptômes actuels et des ressources
internes et externes du patient, pour planifier les options et les étapes thérapeutiques à travers la mise en place d’un plan de
traitement.
Pour répondre à ces objectifs, nous pouvons nous interroger sur la manière de
recueillir les informations nécessaires à la conceptualisation de cas et à la
construction du plan de traitement qui en découle.
▶ L’entretien clinique
Histoire d’attachements
▶ La relation thérapeutique
▶ La capacité au changement
DE LA CONCEPTUALISATION DE CAS
AU PLAN DE TRAITEMENT
À l’aide de tous ces éléments précités et des objectifs définis avec le patient,
la conceptualisation de cas permet de construire un plan de traitement
contenant et organisateur de la thérapie EMDR. La demande du patient vise-
t-elle une réduction ou disparition des symptômes actuels ? Ou souhaite-t-il
cheminer vers une psychothérapie intégrale de toutes les problématiques
actuelles ?
Quelle que soit la direction retenue, une étape de stabilisation par
renforcement voire création de ressources peut s’avérer nécessaire. Les
objectifs seront l’amélioration du fonctionnement psycho-social et de la
gestion des émotions, ainsi que le développement des capacités relationnelles.
En cours de traitement, la demande de réduction de symptômes du patient
peut évoluer vers une demande de traitement intégral.
▶ La réduction symptomatique
▶ La psychothérapie intégrale
La conceptualisation favorise l’élaboration d’un plan de traitement adapté à la présentation clinique en posant des repères
stables, transparents et structurants ; Que la présentation soit simple ou complexe, le plan de traitement intégrera si
nécessaire, la stabilisation, pour éviter des impasses et des complications cliniques (Leeds, 2009) et s’acheminera, en toute
sécurité, vers la construction de plans de ciblage adaptés à chaque problématique.
Dans ce contexte, l’activation du traitement adaptatif de l’information lors du retraitement des cibles favorisera l’efficience
et la stabilité des résultats cliniques de la thérapie EMDR augurant des prises de conscience et des changements salutaires
dans la réalité, tout en consolidant les aménagements intrapsychiques et interrelationnels qui alimentent la résilience
psychologique du sujet.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Si le trauma de Type 1 est le plus souvent d’une événement traumatique unique est situé dans le
temps, avec le trauma de Type 2, l'événement ou les événements sont prolongés ou répétés.
Chapitre 6
La psychothérapie EMDR se déroule en huit phases et s’appuie sur un protocole standard en trois volets temporels. Ces
phases et ces volets temporels constituent les procédures EMDR standard. Ils guident la conceptualisation de cas pour
identifier les cibles que sont les informations stockées en mémoire de manière dysfonctionnelle qui selon la métaphore
fondatrice du traitement adaptatif de l’information (TAI) sont à l’origine de la symptomatologie actuelle.
Dans le langage usuel des praticiens EMDR, le terme « protocole standard » est employé pour désigner autant les huit
phases et les trois volets que la procédure appliquée aux cibles des plans de ciblage.
▶ Phase 2 : préparation
▶ Phase 3 : évaluation
Image. Le patient est invité à décrire l’image (ou la représentation sensorielle, à défaut d’informations visuelles) qui
correspond le mieux à la cible ou qui représente le pire aspect de l’expérience ciblée.
Cognition négative. Le praticien demande au patient quels sont les mots qui vont le mieux avec cette image (ou avec
la représentation sensorielle s’il n’y a pas d’image) et qui expriment sa croyance négative sur lui maintenant. Cette
cognition doit être négative, irrationnelle, autoréférencée et généralisable ; cet affect verbalisé exprime ce que la cible
évoque ou confirme comme appréciation sur soi, « résonnant comme vrai maintenant ». Généralement, une cognition
négative appartient à l’un des trois registres suivants : a) la responsabilité/défaillance (« j’ai mal fait » ou « je suis
mauvais(e) »), b) le manque de sécurité et c) le manque de contrôle.
Quelques exemples : je ne vaux rien, quelque chose ne va pas chez moi, je ne suis pas quelqu’un de bien, je suis sale,
je suis détestable, je suis en danger, je serai abandonné(e), je suis impuissant(e), je suis hors de contrôle, je ne peux
pas réussir.
Cognition positive. Le praticien demande au patient, quand il pense à l’image, ce qu’il aimerait croire de lui-même
maintenant. Cette cognition doit être autoréférencée, refléter le sens du changement désiré, être au moins un petit peu
crédible en tant que but espéré, généralisable, et concerner la même thématique que la cognition négative. La
formulation est positive (par exemple, « je suis fort » ou « je suis bien comme je suis ») plutôt qu’une négation de la
cognition négative (par exemple, « je ne suis pas faible » ou « je ne suis pas nul »).
Validité de la croyance (VOC : validity of cognition). Le praticien demande au patient d’évaluer, au niveau de son
ressenti (de ses « tripes »), la validité de la cognition positive (le praticien répète les mots de la cognition positive)
lorsqu’il pense à la cible. Cette échelle en sept points va de 1, « complètement faux », à 7, « complètement vrai ».
Émotion. Le praticien demande au patient, lorsqu’il se centre sur l’image (le praticien précise quelle est l’image) et
sur les mots de la cognition négative (le praticien répète les mots de la cognition négative), quelles émotions il
éprouve maintenant.
Unités subjectives de perturbation (SUD : subjective units of disturbance). Le patient est invité à évaluer le niveau
de perturbation qu’il éprouve maintenant, sur une échelle entre 0, « pas de perturbation », et 10, « le plus haut niveau
de perturbation imaginable ».
Siège des sensations corporelles. Juste après avoir estimé le niveau de perturbation ressentie (SUD), le patient est
invité à localiser cette perturbation en termes de sensations corporelles.
▶ Phase 4 : désensibilisation
▶ Phase 5 : installation
▶ Phase 7 : clôture
La phase 7 permet au patient de faire le point sur la séance et sur ce qu’il
souhaite en retenir. Le praticien s’assure que le patient est stabilisé et en
mesure de gérer toute perturbation pouvant émerger entre les séances (par les
techniques d’autorégulation et par la tenue d’un journal de bord).
▶ Phase 8 : réévaluation
BIBLIOGRAPHIE
Martine Iracane
Le plan de traitement est défini à partir de l’évaluation de la stabilité du patient et sa prise en charge, son type de
présentation clinique (simple ou complexe) et du repérage des différentes problématiques. Cette feuille de route établie, le
thérapeute va orienter l’application du traitement EMDR vers la problématique choisie par le patient, en général celle qui
est la plus perturbante pour lui actuellement, de laquelle il va faire émerger un plan de ciblage.
Le plan de ciblage est le recueil de cibles recensées, selon le modèle TAI (Traitement Adaptatif de l’Information), sur trois
temps à savoir le présent, le passé et le futur. À partir de la plainte du patient le thérapeute recherche les différentes
situations actuelles qui déclenchent sa problématique, ce sont les déclencheurs (cibles du présent). Puis à partir du
déclencheur le plus perturbant il va rechercher les souvenirs anciens, en lien avec cette problématique du présent, stockés
dans des réseaux de mémoire dysfonctionnels (cibles du passé), jusqu’au souvenir le plus ancien, « le souvenir source. ».
Ces cibles du passé sont à l’origine des symptômes actuels du patient. Le thérapeute va enfin orienter le traitement vers le
futur en invitant le patient pour chaque déclencheur à envisager les réponses souhaitées.
S’il existe plusieurs plans de ciblage, selon qu’ils s’appliquent à des problématiques spécifiques et/ou complexes, leur
armature commune repose sur les bases du plan de ciblage standard proposé par Francine Shapiro qui pose les repères
nécessaires à une avancée sécure et exhaustive de la problématique alléguée par le patient et que nous allons présenter dans
ce chapitre.
Le plan de ciblage standard que nous allons ici présenter est celui le plus
souvent utilisé dans les problématiques liées à un trauma simple ou à des
tableaux cliniques de présentation non complexes. Dans ces cas spécifiques le
patient relie spontanément ses symptômes aux traumatismes vécus dont le
plus ancien sera considéré comme le souvenir source et la cause directe des
symptômes.
Antoine, éboueur, a subi un accident de travail
Sa problématique consiste dans des manifestations d’angoisse.
Dans le passé récent : il a été mordu par un chien au début de sa tournée lors de l’enlèvement des ordures ménagères.
Les déclencheurs de ses crises d’angoisse sont apparus trois mois après l’accident. Ce sont les moments où il croise un
chien dans la rue, quand il entend les aboiements du chien du voisin, quand il voit l’image de chiens à la télévision,
etc…
Le scénario du futur : dominer l’anxiété et faire face aux chiens tout en restant prudent, mais confiant, de manière ainsi à
envisager sa reprise de travail.
▶ La problématique du présent
▶ Synthèse
LE PLAN DE CIBLAGE STANDARD : SYNTHÈSE DE L’EXEMPLE DE SYLVIE
REMARQUES IMPORTANTES
Les modalités de recueil des cibles et les phases du traitement varient selon la
complexité et la spécificité des problématiques alléguées par les patients.
Ainsi, le plan de ciblage pourra être assoupli dans sa procédure d’application
par un maillage avec des techniques de stabilisation pour les patients
narcissiquement plus fragiles. (Korn et Leeds, 2002) (pour plus d’éléments
voir les chapitres consacrés à la stabilisation et aux traumas complexes).
Cependant la structure en trois temps restera toujours une constante. Nous
renvoyons le lecteur aux chapitres correspondants aux problématiques
particulières qui donnent lieu à la construction de plans de ciblages
spécifiques (traumas récents, troubles somatiques et psychosomatiques,
phobies et protocoles de groupe, prise en charge des enfants et famille).
En respectant les trois temps du traitement (passé, présent et futur) le plan de ciblage garantit une approche thérapeutique
rigoureuse, séquentielle et exhaustive de la problématique.
Pour le patient, il fournit un espace d’élaboration et d’introspection en stimulant le contrôle positif. Les mises en
perspective présent/passé vont faciliter la projection vers une représentation d’un futur adapté.
Pour le thérapeute, il représente une feuille de route et un guide de progression vers une résolution complète de la
problématique, en minorant le risque de déstabilisation du patient.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Réduction de l’anxiété.
Chapitre 8
L’utilisation des cognitions en thérapie EMDR est fondamentale pour un retraitement efficace. Elle participe grandement
au remaniement des souvenirs traumatiques stockés de façon dysfonctionnelle. Les cognitions utilisées sont de deux sortes,
négatives et positives. La cognition négative est indispensable pour le démarrage du processus de retraitement et la
cognition positive nécessaire pour définir un but à atteindre. La cognition positive permet, par son aspect généralisable, de
restaurer des capacités d’apprentissage et agir comme un facteur de protection face à de nouveaux événements négatifs.
En EMDR, les cognitions sont fondamentales. Les trouver, dans leur juste
formulation, est souvent un défi tant pour les patients que pour les
thérapeutes. Sont-elles vraiment nécessaires ? Répondent-elles à des
contraintes ? Devons-nous parfois les aménager (enfants, adolescents,
personnes âgées ou déficitaires) ? Y a-t-il des façons de nous aider à les
trouver ?
DÉFINITION
Une cognition est une croyance que nous avons à propos de nous-mêmes et
qui organise notre perception, notre pensée et la planification de nos actions.
Nous savons qu’un souvenir traumatique est constitué de matériel stocké de
façon dysfonctionnelle et bloqué dans le temps. Une partie de cet
apprentissage (par exemple « je suis en danger », « je ne peux faire confiance
à personne », « je ne peux rien faire »), bloquée dans le système de survie,
qui a été très utile au moment de son installation, devient dysfonctionnelle
avec le temps qui passe, surtout si celle-ci sous-tend toute nouvelle
expérience.
Une cognition est une conviction sur soi qui nous définit en tant que
personne. Ce n’est ni une action, (par exemple « je gère »), ni une émotion,
(par exeple « j’ai peur »), ni une affirmation sur autrui (par exemple
« il/elle/c’est dégoûtant »). Sa formulation doit donc être autoréférencée : « je
suis … », « je peux ».
Les cognitions restent souvent implicites, tout en agissant sur un plan sous-
cortical. Elles sont attachées à des émotions et à des sensations corporelles
(Damasio, 1995). C’est au thérapeute EMDR de permettre au patient de les
rendre explicites en lien avec la situation ciblée. Les critères de la cognition
négative sont les suivants : cette croyance doit être autoréférencée, c’est-à-
dire formulée à la 1re personne, irrationnelle, actuelle et en lien avec la
problématique du patient, généralisable, et avoir une résonance affective.
La définition d’une cognition négative va permettre de définir ensuite une
cognition positive, c’est-à-dire un objectif à atteindre. Il s’agit d’une
conviction positive à propos de soi, dont le lieu de contrôle est interne, qui est
en lien avec le désir de changement du patient et qui peut être généralisable à
d’autres situations. Dans le protocole EMDR, il sera important que cognition
négative et positive autour d’une situation donnée fassent partie du même
thème.
Le plan de ciblage peut déjà contenir des cognitions, surtout s’il s’agit de
cognitions fondamentales. Elles permettent ainsi de mettre à jour un
ensemble de réseaux dysfonctionnels. Étant donné sa fonction organisatrice,
le thérapeute EMDR peut se servir de la cognition négative comme d’une tête
chercheuse pour mettre à jour les événements du passé en lien avec la
problématique. Apparaissent alors des cibles dont le patient n’avait souvent
pas fait état lors de l’anamnèse, ce qui permet des prises de conscience, mais
ce qui peut aussi déstabiliser.
Même si le plan de ciblage se fait en phase 1 de la thérapie EMDR, nous
encourageons les thérapeutes EMDR à installer un lieu sûr et un contenant
(phase 2) au préalable de façon à pouvoir confiner ces souvenirs en attendant
de pouvoir les aborder et stabiliser le patient. La recherche de la cognition
positive et l’installation du scénario du futur agissent aussi comme des
éléments stabilisateurs.
David Servan Schreiber nous enseignait que les cognitions font partie du
trépied indispensable pour correctement activer un réseau neuronal dans le
but d’un retraitement efficace : l’image, la cognition négative et le siège de la
sensation corporelle. Si nous voulons donc efficacement et durablement
retraiter un événement du passé, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur les
cognitions.
La bonne définition des cognitions non seulement facilite le retraitement,
mais entraîne le processus associatif vers d’autres ramifications.
Parfois, lors de la phase 3, une vague émotionnelle peut émerger. De manière
cohérente avec les recherches de Sack et ses collègues (2007, 2008a, 2008b),
nous commençons dès lors les stimulations bilatérales alternées (SBA), en
vue d’activer le système parasympathique ventral et de ce fait produire un
apaisement corporel, ce qui est rapidement obtenu dans la plupart des cas.
Étant donné qu’un des buts de la phase 3 est d’activer le réseau mnésique, il
nous paraît important, lorsqu’une abréaction émerge, de l’accompagner à ce
moment, de sorte que le patient se sente soutenu et en sécurité. Ensuite, nous
retournons là où nous en étions de la phase 3 et continuons le protocole.
Chez les enfants, le protocole standard est réduit pour s’adapter à leur stade
développemental. Chez les enfants uniquement, une cognition peut aussi être
une émotion, (par exemple « j’ai peur »).
Avant 4 ou 5 ans, les questions sur les cognitions ne font pas partie du
protocole. Dès 4/5 ans, le thérapeute peut poser la question de la cognition
négative, mais avec d’autres mots que chez les adultes : « Quels sont les mots
méchants qui te viennent dans la tête quand tu penses à… (répéter
l’image) ? »
À partir de 7/8 ans, il est utile de rechercher également la cognition positive
et la VOC, sans qu’elles ne soient forcément obtenues. Cette logique
s’applique jusqu’au travail avec les adolescents (Morris-Smith & Silvestre,
2015). Le plus important pour le thérapeute EMDR sera de suivre les
capacités cognitives de l’enfant.
Certaines formulations ou protocoles, utiles pour les enfants, peuvent l’être
également pour les personnes déficitaires. Cependant, nous invitons le
thérapeute à ne pas sous-estimer les capacités du patient et à ne jamais faire
l’économie de poser la question des cognitions. Plus d’une fois, nous avons
été surpris par une réponse tout à fait adéquate que nous supposions difficile
a priori.
Pour les adolescents en général, comme pour toute personne appartenant à
une culture collectiviste, où le regard de l’autre est particulièrement
important, il peut être utile de reformuler la recherche de la cognition
négative sous une forme indirecte, (par exemple « que craignez-vous que les
autres puissent dire de vous de pire ? »), qui peut nous permettre d’obtenir
une cognition négative correspondant à nos critères.
Les personnes âgées, lorsqu’elles présentent des déficits cognitifs, nous
amènent à faire l’impasse sur les cognitions dans un premier temps. Ici aussi,
il est utile de commencer par poser les questions sur les cognitions comme à
toute personne, sans supposer que la personne âgée ne puisse y répondre.
Les cognitions en thérapie EMDR sont fondamentales pour un travail psychothérapeutique efficace et en profondeur,
permettant une réorganisation de la perception et de l’expérience sur le plan cognitif et affectif. Outre le stockage
fonctionnel de l’expérience, le travail à l’aide des cognitions favorise un apprentissage au-delà du souvenir abordé. Le
processus EMDR permet, par la généralisation des cognitions positives, aux personnes d’être mieux armées pour le futur.
Si les événements négatifs ne peuvent se prévenir, le blocage de ceux-ci en réseaux traumatiques semble moindre chez des
personnes plus solides, plus stables et plus à même d’apprendre de leurs expériences.
BIBLIOGRAPHIE
Eva Zimmermann
La thérapie EMDR est une thérapie en huit phases et en trois temps. Les huit phases permettant d’identifier les cibles du
passé à traiter pour en définir un plan de ciblage, et à les retraiter ensuite l’une après l’autre. Les trois temps représentent le
guide chronologique « passé-présent-avenir » pour le suivi des cibles dans l’avancement de la thérapie. En élaborant un
plan de ciblage, il importe d’identifier les cibles du passé liées à la problématique du patient ainsi que tous les déclencheurs
de réactions inadaptées ou d’autres symptômes présents. Chaque déclencheur présent a son scénario futur correspondant ;
autrement dit, un scénario futur est une situation où le même déclencheur se représente dans un avenir plus ou moins
proche. Ces scénarios futurs constitueront des cibles et représentent donc le troisième temps du traitement. L’application du
protocole des scénarios du futur permet de contrôler les effets du retraitement des cibles du passé (étant à la base de la
pathologie, comme stipulé par le modèle TAI ; Shapiro, 2001, 2018) ainsi que des déclencheurs actuels et de bien préparer
les réactions futures souhaitées de même que de diminuer l’anxiété anticipatoire pour tout comportement ou situation futurs
inconnus ou nouveaux. Le traitement en thérapie EMDR ne sera complet que lorsque l’application du protocole des
scénarios futurs ne révélera plus aucune cible supplémentaire à retraiter et que les effets seront sans exception neutres,
voire positifs.
La thérapie EMDR est une thérapie en huit phases et en trois temps. Les
scénarios futurs représentent le troisième temps ou la troisième étape dans
l’approche en trois temps. En cas de traitement de souvenirs cibles avec un
plan de traitement standard, les scénarios futurs sont considérés comme la fin
du traitement, assurant ainsi un traitement complet. Pour des cas plus
complexes, le traitement de cibles futures peut s’avérer une étape
intermédiaire, voire initiale de la thérapie EMDR. Les objectifs quant au
traitement des scénarios futurs sont d’une part, de préparer le patient de
manière optimale à des situations futures représentant un défi pour lui et d’en
supprimer la dernière charge affective (exemple : l’anxiété anticipatoire) qui
pourrait bloquer ou empêcher le patient d’aborder des actions futures. D’autre
part, il s’agit également de le préparer avec une nouvelle vision ou de
nouvelles attitudes par rapport à un avenir encore inconnu ou inhabituel, car
jadis toujours évité, et d’en repérer des blocages possibles jusque-là non
identifiés.
Lors de l’élaboration du plan de ciblage, les scénarios futurs sont plutôt peu
élaborés. Il est notamment demandé à la patiente durant l’élaboration du plan
de ciblage d’identifier le comportement souhaité à l’avenir, en partant du
problème actuel qui a amené la personne à consulter.
La question suivante devrait permettre à identifier le ou les scénarios futurs :
« Comment aimeriez-vous pouvoir gérer à l’avenir les situations actuelles qui
déclenchent la problématique (déclencheurs actuels) ? » Cette question
devrait être posée pour chaque déclencheur, après qu’il ait été traité comme
cible, alors que lorsque le plan de ciblage est élaboré (en phase 1),
l’identification d’un seul comportement souhaité peut encore suffire.
Les scénarios futurs lors du traitement des cibles du passé
et des déclencheurs
Plus tard dans la phase de retraitement des cibles et tout au long de la
thérapie, de nouvelles cibles déclencheurs peuvent être identifiées. Ces
nouvelles cibles peuvent être notamment des conditions actuelles (nouvelles
ou apparaissant durant le traitement), des situations ou des personnes qui
continuent à déclencher des comportements d’évitement ou des
comportements inadaptés, ou encore des perturbations émotionnelles ainsi
que des sensations physiques et des impulsions qui peuvent être sources
résiduelles de comportements dérangeants. Selon Shapiro (2018), il est
important de rechercher activement de nouveau déclencheurs et situations
déclenchantes tout au long du retraitement des cibles pour garantir un
traitement aussi complet que possible. Notamment de nouvelles cibles avec
des personnes significatives doivent être recherchées. Par exemple, si les
cibles du passé sont en lien avec une personne ayant blessé ou nui à la
patiente, une rencontre possible avec cette personne devrait être une cible
future, que la rencontre ait réellement lieu un jour ou non. Il en va de même
pour des situations significatives : si la patiente a subi des situations de
violence sexuelle, des cibles dans l’avenir de relations sexuelles satisfaisantes
devraient faire partie des scénarios futurs. Cela permet au patient de
s’orienter vers un avenir avec de nouveaux choix possibles, avec des
changements de comportements ou des réactions émotionnelles et
sensorielles différentes. Chaque scénario futur est directement abordé suite au
traitement de son déclencheur. Concrètement, dans la chronologie du
traitement en trois temps (les trois temps passé-présent-avenir), lorsque les
cibles du passé ont été retraitées complètement avec les phases 3 à 7 et leur
phase 8 permettant de passer à la prochaine cible, on commencera à retraiter
les déclencheurs. Lorsque le premier déclencheur est abordé en tant que cible
avec les phases 3 à 7, dans la même séance si le temps le permet, la cible
« scénario futur » avec ce même déclencheur doit être abordée. Pour cela, le
protocole spécifique est suivi comme décrit ci-dessous.
Une fois les déclencheurs et leurs scénarios futurs traités avec succès, le plan
de ciblage est terminé. Ceci ne veut par contre pas forcément dire que le
traitement EMDR est terminé. Un plan de traitement comporte souvent
plusieurs plans de ciblage et d’autres interventions nécessaires, comme un
entrainement à l’affirmation de soi, ou apprendre à mieux parler en public,
etc., surtout chez les personnes avec des troubles de trauma complexe et des
troubles dissociatifs. Un nouveau plan de ciblage peut donc suivre après avoir
terminé les scénarios futurs. Ce chapitre ne peut toutefois pas aborder toutes
les éventualités dans ce sens.
▶ La technique de l’éponge
Cette technique vise le renforcement des ressources déjà présentes chez nos
patients, mais souvent oubliées par ceux-ci, étant submergés par leurs
angoisses et peurs du présent. La technique de l’éponge peut faire une
différence importante dans le ressenti pour la situation à venir.
Les étapes de la technique de l’éponge sont utilisées comme suit :
1. Chercher une situation stressante dans la vie quotidienne (ou la situation
future imminente) et demander le SUD et chercher ensuite
2. Trois qualités ou compétences intérieures en demandant : « De quelles
qualités ou compétences intérieures auriez-vous besoin pour mieux faire
face à ce stress ? » Rassembler trois qualités spécifiques intérieures (par
exemple courage, force intérieure, sérénité).
3. Ensuite le patient choisit une première qualité, ceci en lui demandant
« Avec quelle qualité aimeriez-vous commencer ? » Avec la qualité
choisie, on cherchera avec le patient une
4. Situation représentant sa capacité à utiliser cette qualité (au moins un
peu). On demandera donc : « Y-a-t-il eu une situation dans laquelle vous
avez remarqué que vous disposiez déjà un peu de cette qualité ? » Laisser
le patient décrire la situation en détail.
5. Chercher l’image associée : « Quelle est l’image qui décrit le mieux cette
situation et cette compétence ? » (Chercher l’image qui évoque le plus
d’affect positif !)
6. Émotions et sensations : « Lorsque vous pensez à cette ressource
positive, remarquez les images, les sons, les odeurs, les goûts. Que
remarquez-vous ? »
« Concentrez-vous sur cette expérience positive, les images, les sons, les
odeurs, les goûts et remarquez où dans votre corps vous ressentez cette
qualité. » « Prenez le temps d’intensifier cette expérience. »
7. Renforcer ensuite en disant : « Entrez en contact avec l’image ..................
et la sensation corporelle. Êtes-vous en contact ? »
Si oui : « Restez en contact avec cela et suivez mes doigts. » Faites une
série de 4 à 6 SBA lents et demandez ensuite : « Comment est-ce
maintenant ? »
Demandez de manière ciblée s’il y a un changement dans la sensation
corporelle. Lorsque celle-ci est devenue plus forte, faites encore une série
de SBA lents.
S’il y a un pont d’affect vers du matériel négatif, cherchez une autre
situation dans laquelle le patient disposait de cette qualité.
8. Faire les étapes 3 et 7 pour les trois qualités (donc les deux autres
restantes).
9. Renforcer le contact avec les trois qualités : « Entrez en contact avec les
sensations corporelles de la première qualité, gardez cette sensation dans
le corps. Ajoutez les sensations corporelles qui vont avec la seconde
qualité. Maintenant, ajoutez les sensations corporelles qui vont avec la
troisième qualité. Êtes-vous en contact avec tout ça ?». Si oui : SBA.
10. Réévaluer le SUD : « Laissez revenir à nouveau la situation stressante
......................... et remarquez à combien elle vous paraît perturbante
maintenant de 0 à 10. »
Pour pratiquement toutes les situations, le SUD final est clairement plus
bas que le SUD initial. On ne s’attendra par contre pas à un SUD à 0 avec la
technique de l’éponge. L’essentiel de cette procédure est de montrer au
patient qu’il peut lui-même avoir un impact positif sur ses appréhensions en
se connectant à ses ressources.
▶ La procédure du flashforward
Généralités
La technique principale abordée dans ce chapitre, le protocole des scénarios futurs, se base sur les préconisations de leur
auteur Francine Shapiro. Les autres correspondent à des développements de cliniciens suite à des observations cliniques et
des développements créatifs, comme la technique du flashforward, la technique de l’éponge ou encore les scénarios A-B-C.
La caractéristique principale de toutes ces interventions est de permettre un traitement aussi complet que possible en
cherchant activement toute problématique non encore résolue lors du traitement en trois phases passé-présent-avenir des
cibles du plan de ciblage.
Tous les protocoles et techniques proposés visent à préparer le patient au mieux à un avenir qui comporte parfois une issue
incertaine, parfois avec de grands défis à relever qui demandent affirmation de soi, ou encore un avenir lui demandant
courage, motivation et force.
Pour l’application de toutes ces techniques, il est important de garder une certaine ouverture et une flexibilité permettant de
s’adapter à la personne et à ses besoins et problématiques spécifiques. La décision clinique du moment prévaut toujours sur
un protocole rigide.
BIBLIOGRAPHIE
American Psychiatric Association (APA) (2013). Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders. Fifht Edition. DSM 5. Washington DC.
American Psychiatric Press.
Engelhard, I., van Uijnen, S., & van den Hout, M. (2010). The impact of
taxing working memory on negative and positive memories. European
Journal of Psychotraumatology, 1.
http://dx.doi.org/10.3402/ejpt.v1i0.5623
Engelhard, I., van den Hout, M., Dek, E., Giele, C., van der Wielen, J.,
Reijnen, M., & van Roij, B. (2011). Reducing vividness and emotional
intensity of recurrent “flashforwards” by taxing working memory : An
analogue study. Journal of Anxiety Disorders, 25, 599–603.
HOFMANN, A. (2009). The Inverted EMDR Standard Protocol for Unstable
Complex Post-Traumatic Stress Disorder In : Luber, M. (2009) Eye
Movement Desensitization and Recprocessing. EMDR Scripted Protocols.
Special Populations. New York. Springer.
LOGIE, R.D.J. & De JONGH, A. (2014). The “Flashforward Procedure”.
Confronting the Catastrophe. Journal of EMDR Practice and Research,
8(1),25-32., Paris, Seuil.
SHAPIRO F. (2018). Manuel d'EMDR, Paris, InterEditions.
Shapiro, F. (2001/2018) Eye Movement Desensitization and Reprocessing
(EMDR) Therapy. Basic Principles, Protocols, and Procedures. Third
Edition. New York. Guilford Press.
SOLOMON R. & SHAPIRO F. (2008). EMDR and the Adaptive Information
Processing Model. Potential Mechanisms of Change. Journal EMDR
Practice and Research, vol. 2, Number 4.
ZIMMERMAN, E. (2017). Les protocoles des scenarios du futur de la thérapie
EMDR. In Tarquinio, C. et al. (Ed.). Pratique de la psychothérapie
EMDR. Paris. Dunod.
Notes
1. Il est commun d’utiliser les termes de « scénarios du futur » ce qui est incorrect. Il convient plutôt de
parler de « scénarios futurs » expression que nous avons retenus. Nous aurions aussi pu privilégier les
termes de « scenarii futurs ».
Chapitre 10
Si l’efficacité de la psychothérapie EMDR dans la prise en charge de l’état de stress post-traumatique est largement établie
par de nombreux essais randomisés contrôlés, son indication dans d’autres troubles cliniques ne bénéficie pas encore d’un
soutien aussi solide par la recherche.
Certaines études illustrent l’application du protocole et des procédures EMDR standard dans la prise en charge de
problématiques diverses, notamment de la dépression (Gauhar, 2016), du trouble panique (Faretta, 2013), de la douleur
chronique (De Roos et al., 2010), de difficultés conjugales (Reicherzer, 2011) et de l’anxiété liée aux examens (Maxfield &
Melnyk, 2000). De nombreux autres auteurs décrivent des protocoles spécialisés. Chaque nouveau protocole annonce
l’introduction de spécificités en comparaison du protocole et des procédures EMDR standard, mais son efficacité est testée
globalement, sans qu’on ne puisse évaluer la pertinence de telle ou telle modification particulière. Ceci s’applique
d’ailleurs aussi aux études sur les procédures EMDR standard : à l’exception des stimulations bilatérales d’attention
double, la recherche n’a pas encore examiné le rôle ou l’impact précis de chaque composant du protocole.
BIBLIOGRAPHIE
ADLER-TAPIA R. (2014), « Early Mental Health Intervention for First
Responders/Protective Service Workers Including Firefighters and
Emergency Medical Services Professionals », in Implementing EMDR
Early Mental Health Interventions for Man-Made and Natural Disasters:
Models, Scripted Protocols, and Summary Sheets, Luber M., New York,
Springer.
BLORE D., HOLMSHAW E., SWIFT A., STANDART S. & FISH D. (2013), « The
Development and Uses of the “Blind to Therapist” EMDR Protocol »,
Journal of EMDR Practice and Research, 7, 2, 95-105. {Pour une
traduction française : Blore D., Holmshaw E., Swift A., Standart S. & Fish
D. (2014), « Origines et usages du protocole EMDR "opaque pour le
thérapeute" », Journal of EMDR Practice and Research, 8, 2, E41.}
CARVALHO E. (2009), « The EMDR Drawing Protocol for Adults », in Eye
Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) Scripted Protocols:
Basics and Special Situations, Luber, M., New York, Springer.
DE JONGH A., TEN BROEKE E. & MEIJER S. (2010), « Two Method Approach:
A Case Conceptualization Model in the Context of EMDR », Journal of
EMDR Practice and Research, 4, 1, 12-21. {Pour une traduction
française : De Jongh A., Ten Broeke E. & MEIJER S. (2011), « Approche
des deux méthodes : un modèle de conceptualisation de cas dans le
contexte de l'EMDR », Journal of EMDR Practice and Research, 5, 1,
12E-22E.}
DE ROOS C., VEENSTRA A., DE JONGH A., DEN HOLLANDER-GIJSMAN M., VAN
DER WEE N., ZITMAN F., VAN ROOD Y. (2010), « Treatment of Chronic
Phantom Limb Pain Using a Trauma-Focused Psychological Approach »,
Pain Research & Management, 15, 2, 65-71.
FARETTA E. (2013), « EMDR and cognitive behavioral therapy in the
treatment of panic disorder: A comparison », Journal of EMDR Practice
and Research, 7, 3, 121-133. {Pour une traduction française : Faretta E.
(2014), « L'EMDR et la thérapie cognitive comportementale dans le
traitement du trouble panique : une comparaison », Journal of EMDR
Practice and Research, 8, 2, 52E-66E.}
GAUHAR Y. (2016), « The Efficacy of EMDR in the Treatment of
Depression », Journal of EMDR Practice and Research, 10, 2, 59-69.
GRANT M. & THRELFO C. (2002), « EMDR in the Treatment of Chronic
Pain », Journal of Clinical Psychology, 58, 12, 1505-1520.
HASE M., SCHALLMAYER S. & SACK M. (2008), « EMDR Reprocessing of the
Addiction Memory: Pretreatment, Posttreatment, and 1-Month Follow-
Up », Journal of EMDR Practice and Research, 2, 3, 170-179.
HOFMANN A. (2010), « The Inverted EMDR Standard Protocol for Unstable
Complex Post-Traumatic Stress Disorder », in Eye Movement
Desensitization and Reprocessing (EMDR) Scripted Protocols: Special
Populations, Luber, M., New York, Springer.
KNIPE J. (2005), « Targeting Positive Affect to Clear the Pain of Unrequited
Love, Codependence, Avoidance, and Procrastination », in EMDR
Solutions: Pathways to Healing, Shapiro, R., New York, Norton.
LEEDS A. (2007), « Learning to Feel Good About Positive Emotions with the
Positive Affect Tolerance and Integration Protocol », in EMDRIA Annual
Conference, Dallas, Texas.
LUBER M. (2009), Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR)
Scripted Protocols: Basics and Special Situations, New York, Springer.
LUBER M. (2010), Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR)
Scripted Protocols: Special Populations, New York, Springer.
LUBER M. (2013), Implementing EMDR Early Mental Health Interventions
for Man-Made and Natural Disasters: Models, Scripted Protocols, and
Summary Sheets, New York, Springer.
LUBER M. (2015a), EMDR with First Responders: Models, Scripted
Protocols, and Summary Sheets for Mental Health Interventions, New
York, Springer.
LUBER M. (2015b), Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR)
Therapy Scripted Protocols and Summary Sheets: Treating Anxiety,
Obsessive-compulsive, and Mood-related Conditions, New York,
Springer.
MARR J. (2012), « EMDR Treatment of Obsessive-Compulsive Disorder:
Preliminary Research », Journal of EMDR Practice and Research, 5, 1, 2-
15. {Pour une traduction française : Marr J. (2013), « Traitement EMDR
du trouble obsessionnel compulsif : étude préliminaire », Journal of
EMDR Practice and Research, 7, 2, 29E-43E.}
MAXFIELD L. & MELNYK W. (2000), « Single session treatment of test anxiety
with eye movement desensitization and reprocessing (EMDR) »,
International Journal of Stress Management, 7, 87-101.
MILLER R. (2010), « The Feeling-State Theory of Impulse-Control Disorders
and the Impulse-Control Disorder Protocol », Traumatology, 16, 3, 2–10.
POPKY A. J. (2005), « DeTUR, an urge reduction protocol for addictions and
dysfunctional behaviors », in EMDR Solutions: Pathways to Healing,
Shapiro, R., New York, Norton.
REICHERZER S. (2011), « Eye movement desensitization and reprocessing in
counseling a male couple », Journal of EMDR Practice and Research, 5,
3, 111-120.
SHAPIRO E. & LAUB B. (2008b), « Early EMDR Intervention (EEI). A
Summary, a Theoretical Model, and the Recent Traumatic Episode
Protocol », Journal of EMDR Practice and Research, 2, 2, 79-96.
SHAPIRO F. (1995), Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic
Principles, Protocols, and Procedures, New York, Guilford Press.
SHAPIRO F. (2001), Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic
Principles, Protocols, and Procedures (2nd ed.), New York, Guilford
Press. {Pour une traduction française : Manuel d’EMDR. Principes,
protocoles, procédures, Paris, InterEditions. 2007.}
SHAPIRO F. (2014), « The Role of Eye Movement Desensitization and
Reprocessing (EMDR) Therapy in Medicine: Addressing the
Psychological and Physical Symptoms Stemming from Adverse Life
Experiences », Permanente Journal, 18, 1, 71-77.
SHAPIRO F. (2018), Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic
Principles, Protocols, and Procedures (3rd ed.), New York, Guilford
Press.
Chapitre 11
Martine Iracane
La thérapie EMDR basée sur une bonne alliance thérapeutique et sur une conceptualisation clinique approfondie, conduite
selon l’approche en trois temps, s’applique à traiter les souvenirs et situations pertinentes pathogènes alimentant la
problématique du patient, à travers la mise en œuvre d’un protocole rigoureux en huit phases. La réactivation du traitement
adaptatif ainsi engagée « remet en route le processus de digestion, au cours duquel des prises de conscience se font, les
associations nécessaires s’établissent, la personne apprend ce qui lui est utile et les émotions appropriées s’installent »
(Shapiro et Silk-Forrest, 1997). Le modèle de traitement adaptatif de l’information (modèle TAI) apparait comme le
processus neuro émotionnel activateur de la digestion et de l’intégration des informations dysfonctionnelles perturbantes
restées encodées dans leur forme initiale dans les réseaux de mémoire. Il arrive cependant que ce système favorable à la
résolution post-traumatique rencontre quelques aléas qui peuvent se manifester par des blocages ; ceux-ci risquent de
compromettre son efficience. Nous présenterons dans cette fiche la définition des blocages, leur manifestation, les
contextes qui les génèrent et les principales propositions de traitement des blocages afin de remettre en route un processus
d’auto guérison spontané activé par le traitement adaptatif de l’information
Pour que le TAI soit opérant nous savons que les informations négatives
(perceptives, émotionnelles, cognitives, somatiques) doivent se relier à une
ou des informations adaptives positives contenues dans d’autres réseaux de
mémoire déjà métabolisés ou inscrites dans les ressources psychologiques
intérieures. Ce constat suppose leur disponibilité et leur accessibilité– la
survenue de la liaison facilitatrice du TAI permettant l’intégration du matériel
dysfonctionnel.
Si cette information positive venait à manquer (cas des enfants par exemple
ou autres patients aux profils psychopathologiques complexes) il appartient
alors au thérapeute EMDR d’aider son patient à en disposer ; la psycho
éducation véritable mine de données informatives positives, les ressources-
supports au travail d’appropriation et d’élaboration-pourront pallier ce déficit
et permettre l’évolution favorable du TAI
Les informations positives nécessaires au maillage salutaire du TAI peuvent
être présentes sans être pour autant accessibles ; elles peuvent être situées
« trop loin » dans la chaîne associative ou être ensevelies sous la masse des
réseaux dysfonctionnels. Le flux associatif du TAI est sous-activé : de ce fait,
le matériel neuro émotionnel associatif émerge de manière très lente et la
capacité du retraitement et de mise en lien des contenus en est affectée ; dans
cette perspective, les pensées négatives persistent, les émotions restent aussi
perturbantes ou le contenu sensoriel reste inchangé (images, sons, etc.)
caractérisant le blocage du traitement.
Paradoxalement un TAI suractivé entraînant une augmentation du flux
associatif pourrait entraîner sa perte d’efficience surtout si de fortes charges
émotionnelles (abréactions) conduisent le patient hors de la fenêtre de
tolérance de ses affects (Siegel, 1999 ; Odgen et Minton, 2006). En effet, si
l’abréaction peut provoquer une catharsis salutaire et faciliter la
métabolisation du souvenir, il arrive a contrario qu’elle conduise le patient
hors limite de sa tolérance émotionnelle ; par sa complexité et son intensité,
l’abréaction peut empêcher le traitement, entraîner le patient dans une
contamination supplémentaire et obérer l’efficacité transformatrice et
intégrative du TAI.
L’hypo activation du TAI risque également de suspendre les associations : ce
cas se présente lorsque le patient « débranche » déconnecte de ses affects
dans un processus dissociatif défensif ; ces manifestations entravent
également l’intégration du matériel traumatique ou dysfonctionnel.
Une autre stratégie consiste à aller revisiter la cible dans le détail de ses
constituants perceptifs, cognitifs, émotionnels, sensoriels… pour aller y
repérer d’éventuels nouveaux composants ou croyances bloquantes. Ces
nouvelles résurgences associatives une fois stimulées, peuvent favoriser la
traversée du point de blocage
Dans les blocages, les bouclages ou les fortes abréactions, les associations
restent corrélées au passé, inscrites et rivées à la perspective de l’épisode
traumatique malgré les tentatives de stimulation du TAI. Le thérapeute peut
alors constater le point de fixation autour d’un registre cognitif référé à un
thème spécifique tel que celui de la sécurité, du contrôle, de la responsabilité
(estime de soi ou culpabilité).
Le blocage enferme le sujet dans une posture cognitive passée, irrationnelle
sans accès possible à des informations positives et adaptées inhérentes au
contexte actuel. Pris « les 2 pieds dans le passé » le patient ne dispose pas de
la distance suffisante pour connecter l’information réaliste adaptée orientée
vers le changement souhaité.
Repérer le thème dans lequel l’information est figée constitue le préalable
nécessaire pour que le tissage cognitif « ouvre de nouvelles voies pour relier
les réseaux neuronaux correspondants » (Shapiro, 2007, p. 308). Le tissage
cognitif – technique que nous allons illustrer à travers quelques exemples –
consiste à susciter, par le biais d’une intervention brève du clinicien, un
recadrage cognitif qui désamorce immédiatement la détresse incluse et
renforcée par le blocage. Elle conduit le patient à créer de nouveaux liens
adaptés jusque-là hors de portée consciente, ceux qui vont l’aider à
s’acheminer vers une perception différente de la situation, à se démarquer de
la posture psychique passée pour envisager un changement.
« Le traitement adaptatif peut être considéré comme une reliaison spontanée des réseaux
neuronaux appropriés (...) Cependant quand le processus thérapeutique est bloqué, le clinicien
peut utiliser le tissage cognitif comme un moyen d’ouvrir de nouvelles voies pour lier les
réseaux neuronaux correspondants » (Shapiro, 2007).
L’ensemble des techniques abordées dans ce chapitre, reprenant les préconisations didactiques de leur auteur Francine
Shapiro, permettent la remise en route du principe actif du traitement. Ces interventions situées sur des registres différents
réorientent le travail thérapeutique vers l’activation du processus autonomisant de l’autoguérison, postulat de la thérapie
EMDR cher à son auteur.
Allant de simples variations mécaniques, à la puissante stratégie du tissage cognitif, ces interventions, toujours attentives à
la « règle d’or philosophique » de l’attention double (Shapiro, 2007) participent à la levée des blocages, à la gestion des
abréactions et donnent un tempo au travail thérapeutique en évitant les risques d’enlisement du processus.
Ces propositions ne sont ni exhaustives ni applicables à la lettre ; le principe de la flexibilité et l’adaptabilité prévaut à
l’application systématique dans ces interventions qui doivent toujours s’exercer dans le sens du respect du patient, de « ses
croyances écologiquement valides » (Shapiro, 2007).
Ces stratégies ne peuvent en aucun cas se substituer aux compétences cliniques qui régissent l’efficience thérapeutique ;
bien au contraire elles viennent en révéler toute la créativité et la subtilité clinique.
BIBLIOGRAPHIE
DE ROOS C., VEENSTRA S. (2009). EMDR pain protocol for current pain.
In M. Luber (Ed.),
GRANT M., THRELFO C. (2002) « EMDR in the treatment of chronic pain »,
Journal of clinical Psychology, 58.
KNIPE J. (2007). Loving eyes : Procedures to therapeutically reverse
dissociative processes while preserving emotional
SHAPIRO F. SILK-FORREST M. (1997). Des yeux pour guérir, Paris, Seuil.
SHAPIRO F. (2002). EMDR as an integrative psychotherapy approach : experts
of diverse orientations explore the paradigm prise, Washington DC,
American Psychiatric Association.
SHAPIRO F. (2007). Manuel d'EMDR, Paris, InterEditions.
RIZZOLATTI G., SINIGAGLIA C. (2007). « Les neurones miroirs », Paris, Odile
Jacob.
ROQUES J. (2015). « Psychoneurobiologie fondement et prolongement de
l'EMDR » Tome 1 « Essai d’anatomie psychique basé sur les
neurosciences », Paris, BoD.
VAN DER KOLK B.A (2014). « The Body Keeps the Score » : Brain, Mind, and
Body in the Healing of Trauma, New York, Penguin Books.
Chapitre 12
Nous voulons souligner dans cet article qu’une thérapie EMDR des violences domestiques va s’inscrire dans une clinique
complexe des dynamiques individuelles et familiales où s’entremêlent les troubles de l’attachement et les processus
dissociatifs parmi les blessures présentes et passées chez l’auteur et les victimes.
▶ Prévalence
Parmi les victimes des violences domestiques, les enfants méritent une
attention particulière. Ces enfants présentent deux fois plus de risque d’avoir
des problèmes psychiatriques que les autres enfants. Plus ils sont jeunes lors
de l’occurrence des violences, plus les blessures entraînent des vulnérabilités
d’attachement. Ces enfants ont trois fois plus de risque d’être déscolarisés
(atteinte cognitive) et quinze fois plus de risque d’être agressées que les
autres (Morris-Smith & Silvestre, 2013).
Les violences subies dans l’enfance augmentent le risque de comportements
de violence dans la relation conjugale future, soit comme auteur de violences,
soit comme victime. Être témoin de violences entre les parents est un facteur
de risque pour développer des relations adultes empreintes de violence
(Brewin et al., 2000).
Notre pratique clinique nous enseigne cependant, que malgré ces chiffres
alarmants, tous les enfants qui ont vécu ou été témoin de violences
domestiques ne sont pas forcément à risque, et ce grâce à leurs capacités de
résilience.
Impact neuro-psychologique
Les violences domestiques génèrent chez l’enfant des ruptures dans les
attentes développementales de protection envers la figure d’attachement et
dans les stratégies de régulation de l’affect. Le protecteur devient une source
de danger, l’enfant développe des sentiments contradictoires envers la figure
d’attachement et il a à faire face à des peurs insurmontables avec nulle part
où aller pour se faire aider.
Même si l’enfant n’a pas directement vu les situations de violence, il aura
subi une exposition sensorielle à ces situations comme le confirment les
travaux de Fusco & Fantuzzo (2009). Le lien désorganisé qui en découle et
une communication parentale perturbée sont d’importants prédicteurs pour
les symptômes dissociatifs à l’âge adulte (Lyons-Ruth et al., 2003, 2006 ;
Ogawa et al., 1997), de même que les états d’âme faits d’hostilité et
d’impuissance chez les parents (Lyons-Ruth et al., 2005), ou l’indisponibilité,
voire l’absence de réponse émotionnelle parentale (Dutra et al., 2009).
Une étude américaine (Fusco & Fantuzzo, 2009) montre que 73 % des
auteurs de violences domestiques sont des hommes, 13 % sont des femmes.
Hommes et femmes sont auteurs ensemble pour 14 %. 67 % des victimes et
des auteurs étaient mariés ou cohabitaient au moment des violences et 43 %
avaient des enfants à la maison au moment des violences. Un élément
souvent cité dans les situations de violences domestiques est le rôle de
l’alcool. Finney (2003) souligne que 32 % des actes de violence domestique
ont lieu lorsque l’agresseur était sous influence de l’alcool. Il s’agit d’un
élément contributeur aux violences et non pas la cause des violences.
L’alcool a un effet désinhibiteur en exacerbant les problèmes, lorsque les
conflits sont déjà présents. La prise d’alcool est souvent mentionnée comme
une excuse après les violences.
LES EFFETS DES VIOLENCES DOMESTIQUES
SUR LA DYNAMIQUE FAMILIALE
▶ L’attachement désorganisé
Le cadre de pensée qui nous est le plus utile à l’heure actuelle pour
conceptualiser les troubles dissociatifs est la théorie de la dissociation
structurelle de la personnalité (Van der Hart, Nijenhuis et Steele, 2006/2010).
Cette théorie conceptualise la dissociation post-traumatique, en distinguant
d’après Myers (1940) entre un fonctionnement apparemment normal et un
fonctionnement de type émotionnel. Les réseaux qui assurent le
fonctionnement apparemment normal sont orientés vers la survie de l’espèce,
le fonctionnement de la vie quotidienne et restent dans un évitement
phobique de tout contenu traumatique et de l’émergence émotionnelle. Cet
évitement phobique peut aller jusqu’à une amnésie complète de l’existence
même du trauma.
Les réseaux traumatiques, par contre, portent les contenus traumatiques, et
sont véhiculés par des systèmes d’action de défense contre les menaces. Ce
type de fonctionnement est avant tout orienté pour la survie individuelle.
Pour plus de facilité, la littérature utilise communément le terme de « parties
de la personnalité », en distinguant partie de la personnalité apparemment
normale et partie de la personnalité émotionnelle, une carte de lecture qui ne
doit pas conduire le thérapeute à réifier à outrance la métaphore utilisée.
La théorie de la dissociation structurelle de la personnalité (TDSP) prévoit
trois degrés de dissociation.
La dissociation structurelle primaire
Le traitement est complexe car il peut s’adresser aux victimes, à l’auteur des
violences, à la famille et doit intégrer les différents déterminants singuliers et
relationnels. Trois points clés doivent guider l’intervention thérapeutique :
Le premier est la sécurité concernant les membres de la famille. Le
thérapeute doit évaluer si et quand les comportements de violences
domestiques doivent être signalés : s’agit-il d’une affaire privée ou publique ?
Dans le cas d’un travail avec un enfant, il faudra se rappeler que la sécurité de
l’enfant est essentielle. Le travail avec l’auteur des violences doit s’effectuer
en premier, avant tout autre travail relationnel familial ou avec un enfant de la
famille. En effet il est illusoire de penser un travail thérapeutique avec un
enfant s’il est toujours confronté aux comportements de violence domestique
dans sa vie quotidienne (Morris-Smith & Silvestre, 2013).
Le deuxième point est l’organisation du plan de traitement. Qui a besoin de
traitement, qui doit venir en séance, et quand ?
Finalement le troisième point est une réflexion du contexte pour savoir
quelles sont les institutions publiques qui doivent être impliquées dans cette
prise en charge.
Nous avons constaté dans notre pratique clinique que les auteurs ne viennent
que très rarement eux-mêmes demander de l’aide. Ils montrent par leurs
comportements qu’ils vont mal mais ils ne le verbalisent pas. Leur
participation en traitement nécessite souvent une décision de justice (Smith &
Silvestre, 2011) ou une forte contrainte de la part du partenaire (Christen et
al., 2004).
Explications de l’exercice du rituel pour rendre : « Je vous propose un exercice qui a pour but de rendre à votre
partenaire/parent, tout ce que vous avez porté et qui ne vous appartient pas. Il ne s’agit pas de lui faire du mal, au
contraire, il s’agit de remettre à leur juste place les affaires de chacun, pour qu’elles puissent être traitées
adéquatement. »
S’assurer de l’accord du patient.
Pour le travail hors trauma, mettre tout contenant traumatique dans le contenant : « Je vous demande de laisser
aller tous les souvenirs difficiles du passé dans le contenant »
N.B. Pas de stimulations bilatérales (SBA)
Créer une représentation de la personne-cible : « Je vous demande d’imaginer votre partenaire/parent. Comment
réagit-il ? Comment réagissez-vous ? »
Accompagnez toute émergence émotionnelle avec des SBA, jusqu’à ce qu’un contact mental apaisé soit possible entre la
patiente et son partenaire/parent et que son corps soit calme.
Imaginer ce qui a été porté indûment : « Je vous invite à penser à tout ce que vous avez porté et qui n’est pas à
vous, en lui donnant la forme qui convient. »
Si la personne n’a pas d’idée, le thérapeute peut suggérer des contenants appropriés : un paquet, une valise…
Accompagnez la patiente avec des SBA, en l’invitant à laisser aller dans ce contenant destiné à l’autre, tout ce qu’elle a
porté indûment.
Rituel pour rendre en plusieurs étapes :
1. « Veuillez répéter après moi : En travaillant sur moi, je me suis rendu compte, que je portais des choses qui ne
m’appartiennent pas. »
SBA jusqu’à ce que la patiente a pu dire cette phrase mentalement.
3. « Et comme ça ne m’appartient pas, je te le rends, et tu peux le rendre à qui de droit. »
Accompagnez les émergences émotionnelles avec des SBA jusqu’à ce que le corps soit calme.
Le but est que le patient puisse lâcher son fardeau et laisser le destinataire le gérer. Si cela est trop difficile,
notamment à l’égard de parents, d’aïeux, les tissages suivants peuvent aider :
a)« Parfois des petits, aussi courageux que des héros, prennent sur leurs épaules des choses qui ne sont pas à
eux… »
SBA jusqu’à ce que le corps du patient se calme
b)« … surtout s’ils se rendent compte que leurs parents ne vont pas bien. »
SBA
c)« Mais cela ne soulage personne, ni les parents, ni eux. »
SBA
d)« Le travail des grands est de s’occuper eux-mêmes de leurs soucis… »
SBA
e)« … et celui des enfants est de faire confiance que leurs parents vont y arriver. »
SBA jusqu’à apaisement du corps. Souvent la patiente émet des craintes que le parent ne soit pas en capacité de
gérer son fardeau. Les SBA continuent jusqu’à ce que la patiente puisse renoncer à prendre sur elle ce qui ne lui
appartient pas.
7. « Je te souhaite d’aller bien. Je m’occuperai de ma vie de mon côté. »
Ce rituel est terminé si la patiente a pu lâcher et rendre son fardeau au destinataire choisi, que son corps est calme, et
qu’elle est bien orientée dans le présent.
La thérapie EMDR a toute sa place dans le traitement des pathologies liées aux violences domestiques et de ses
conséquences, qu’il s’agisse des auteurs de violences, des victimes ou des témoins. La finalité du travail thérapeutique est
triple : agir sur l’arrêt de la transmission des violences des blessures traumatiques à la génération suivante, permettre à tous
les protagonistes de s’affranchir des blessures traumatiques, et dépasser les apprentissages implicites de comportements de
violences comme seule réponse, en amenant un apprentissage explicite et une mentalisation suffisante des émotions.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Dans la terminologie internationale, ce trouble est appelé Dissociative Identitity Disorder (DID).
Chapitre 13
Traumatismes transgénérationnels
et EMDR
Hélène Dellucci
La réalité d’une dimension traumatique transgénérationnelle est aujourd’hui clairement établie (Ancelin Schützenberger,
1993, 1996 ; Yehuda et al., 2014). Une thérapie psychotraumatologique comme l’EMDR a ici toute sa place dans le
traitement de ces blessures particulières. Comment reconnaître et conceptualiser ce type de traumatisation transmise ?
Quelles sont les pistes en EMDR pour traiter ces traumatismes que nos patients n’ont eux-mêmes pas vécus ? Peut-on
prévenir la transmission de ce type de blessures ?
Les principaux symptômes décrits par Hummel et Hase (2013), qui doivent
amener le clinicien à explorer la présence d’une souffrance
transgénérationnelle, sont le meurtre et le suicide.
Nous proposons d’affiner cette lecture en ajoutant les tentatives de meurtre et
les tentatives de suicide, les passages à l’acte répétés dans le cadre de
violences domestiques, qu’elles aient lieu uniquement dans le couple ou
s’étendent à d’autres membres de la famille.
Lorsque dans une famille, il y a des pathologies psychiatriques lourdes
comme la psychose, il est important d’inclure la dimension
transgénérationnelle dans la conceptualisation du cas clinique. Nous mettons
sur le même plan les problématiques d’inceste.
Selon Boszormenyi et Sparck (1984), ces tableaux cliniques ne prennent sens
qu’à partir du moment où la lecture s’étend sur trois générations. L’auteur
postule l’existence de loyautés invisibles, c’est-à-dire non explicites, mais
bien présentes sur le plan implicite.
Lorsque de jeunes enfants sont ressentis comme dangereux par les parents,
nous avons l’assurance que ce qui est perçu chez l’enfant relève de réseaux
déclenchés chez le parent, des réseaux traumatiques qui proviennent de son
propre passé ou de celui de ses aïeux.
Nous ajoutons à la symptomatologie transgénérationnelle les secrets de
famille, des défauts ou les ruptures d’attachement entre parents et enfants,
alors que grands-parents et petits-enfants se sentent proches. Un signe plus
discret, mais pas moins parlant concerne d’importantes différences de
traitement parmi les membres d’une même fratrie.
Les phobies d’impulsion, se montrant la plupart du temps sous la forme d’une
peur de faire du mal à autrui, alors qu’il n’y a aucun fait avéré, nous invitent
aussi à explorer la dimension transgénérationnelle.
Des déclencheurs apparaissant soudainement, des somatisations apparaissant
lors de phénomènes anniversaires ou à des âges correspondant à une
traumatisation survenue dans la famille, des flashback ou intrusions
perceptuelles ressentis comme délirants chez des personnes qui par ailleurs
n’ont pas de mal à discerner la réalité, doivent mener le clinicien à rechercher
des cibles transgénérationnelles.
Les symptômes provenant de traumatisations transgénérationnelles où le
contenu est absent n’ont par définition pas de sens. Celui-ci doit être trouvé
dans une conceptualisation incluant la dimension phylogénétique, c’est-à-dire
l’histoire de la famille, avant la dimension ontogénétique du patient, c’est-à-
dire ce qui s’est passé au cours de sa vie.
Ces blessures sont par essence des blessures relationnelles : les personnes
portent des séquelles post-traumatiques parce qu’elles sont en lien. Il s’agit
de symptômes provenant de la souffrance de quelqu’un d’autre, de
traumatismes non intégrés, gelés au temps du trauma et transmis comme tels.
Dans la traumatisation transgénérationnelle, la loyauté constitue une
composante essentielle.
Pour conclure, nous pouvons dire que la souffrance transgénérationnelle est réelle et qu’elle est guérissable, pourvu que la
personne portant les séquelles post-traumatiques soit motivée à les aborder et que les conditions de travail soient
suffisamment bonnes. Dans la mesure où la dimension explicite concernant ces événements reste cachée et que ces
symptômes apparaissent sans aucun sens, il est utile que le clinicien élargisse sa conceptualisation à cette dimension
transgénérationnelle qui dépasse l’expérience ontogénétique du patient.
Une fois mises à jour, ces cibles peuvent être abordées grâce à la thérapie EMDR et en principe elles sont rapidement
retraitées. La rapidité du retraitement provient du fait qu’il s’agit essentiellement d’une blessure du lien, ne remettant pas
en cause ce dernier.
Finalement, nous pouvons dire que non seulement tout traumatisme est guérissable, mais nous pouvons ajouter la mention :
« quel que soit l’endroit d’où il provient », permettant ainsi une transmission saine et étayante envers les générations
futures.
BIBLIOGRAPHIE
EMDR et vicariance du
psychotraumatisme
Le travail en psychotraumatologie a des effets sur les soignants. Outre le sentiment d’efficacité, la satisfaction dans une
relation d’aide « soutenante », ces effets peuvent aussi être moins agréables. Les psychotraumatologues entendent des
contenus qui peuvent surprendre, provoquer des visions d’horreur, et contaminer le professionnel. Prendre soin de
personnes dans un état de stress aigu, ayant un ESPT simple ou complexe peut avoir des répercussions délétères sur les
soignants, jusqu’à la création d’une blessure traumatique ? L’épuisement d’un soignant peut-il être compris dans le cadre
d’une traumatisation vicariante ? Il est important que la réalité de ces effets et des risques soit prise en compte pour le bien-
être des soignants, souvent dévoués et volontaires, de façon à ce que leurs interventions restent efficaces.
DE L’EMPATHIE À LA BLESSURE
▶ Définition et mécanismes à l’œuvre
Nous pouvons dire que les traumatismes transmis dits vicariants existent, qu’ils se manifestent comme n’importe quel
traumatisme sur le plan clinique et qu’ils se désensibilisent aussi facilement que les blessures d’événements que l’on a soi-
même subies. Comme pour toute blessure traumatique transmise, dont les traumatismes vicariants font partie, celle-ci
signale l’importance et l’intensité du lien qui peut exister entre deux ou plusieurs personnes. En termes d’attachement, cette
dimension nous paraît non-négligeable.
Même si les professionnels restent centrés sur les ressources et les compétences de leurs patients et usagers, ce qui à notre
sens les protège en grande partie d’une traumatisation vicariante, il n’empêche qu’ils peuvent être touchés par ce que vivent
leurs patients. Rappelons-nous que la notion de fenêtre de tolérance n'est pas réservée à l'exclusivité de nos patients. Nous
invitons dès lors nos collègues à s’exercer à prendre soin d’eux-mêmes. Cela aura deux conséquences : Ils seront mieux en
mesure de prendre soin des personnes dont ils s’occupent et leur capacité à prendre soin d’eux agira comme un modèle.
BIBLIOGRAPHIE
Les problématiques de fond que nous rencontrons en consultation reflètent régulièrement un malaise lié à la question de la
place et de la relation aux autres. Ces difficultés semblent prépondérantes chez les enfants qui ont vécu des ruptures de
liens. Dans les situations d’adoption ou d’accueil, les histoires ont tendance à se rejouer si elles ne sont pas mises en
lumière pour enfin être comprises, acceptées et intégrées.
Nous proposons dans un premier temps une analyse du vécu de l’enfant adopté avec comme fil conducteur, la notion de
place. Nous examinons les empreintes précoces, les blessures du premier lien mais aussi leurs résonances chez les parents
adoptifs et l’impact sur la relation actuelle dans une approche systémique. Ensuite, nous abordons l’histoire narrative en
tant qu’outil thérapeutique.
On sait aujourd’hui que le lien entre le bébé et sa mère se met en place déjà
avant la naissance. Le fœtus, en situation d’extrême dépendance est en
interaction continue avec sa mère. La qualité du temps de gestation va
impacter l’avenir psychologique et émotionnel de l’enfant (Cyrulnick, 2004).
Le bébé sera marqué dans sa mémoire in utero par ce qu’il a ressenti au plus
profond de lui-même de la place qui lui était réservée.
Le bébé arrive à la vie avec plusieurs systèmes d’action dont les fonctions
sont d’assurer sa survie (Ogden, Minton, Pain, 2006). Il émet des messages et
active le système motivationnel de sa mère qui lui répond de manière à le
protéger en tant qu’être plus fragile, plus faible.
À travers ces premières interactions, les fondations de base de l’enfant se
mettent en place. Au fil du temps, elles se consolident s’il reçoit des soins
adéquats et deviennent des socles qui déterminent sa confiance en lui, aux
autres et dans le monde. Lorsque l’adulte lui répond avec bienveillance,
cohérence, prévisibilité et rapidité l’enfant sent qu’il est un être important,
qu’il peut faire confiance en celui qui gère et contrôle sa vie, qu’il peut
montrer ses fragilités sans crainte car il les écoutera, les soignera et les
fortifiera (Ainsworth, 1978). L’enfant se perçoit en sécurité dans le monde
qu’il aura progressivement envie de découvrir (Lemieux, 2013). À travers ce
regard, ces gestes et cette enveloppe d’attentions rassurantes, il ressent être à
sa place, dans la relation et dans l’univers.
Avant 2 ans, les sensations et émotions de l'enfant seront déterminantes quant
à sa manière d’être au monde et son style d’attachement (Bowlby, 1969).
Katie O'Shea (2009a) souligne toute l'importance des empreintes précoces
dans la construction de soi.
Plus l’enfant est jeune lorsqu’il est confronté à des événements difficiles, plus
ceux-ci impacteront sa perception du monde. Ainsi, un enfant peut ressentir
qu’il n’est pas important, qu’il n’a pas de place, qu’il ne peut pas faire
confiance aux adultes qui s’occupent de lui, qu’il est en danger et que dès lors
il ne peut pas montrer ses fragilités.
Le bébé a besoin de se connecter à sa mère, de la rejoindre. Si la mère est
absente, indisponible ou anxieuse, le bébé ne parvient pas à entrer en
communion avec elle. Progressivement il va s’en détourner. La mère souffre
aussi et ne se sent pas reconnue par son enfant. L’un et l’autre peuvent
ressentir un profond sentiment d’impuissance et de honte.
Lorsque l’enfant est abandonné, il est placé « à côté », au ban et n’a pas
l’occasion de s’épanouir dans le cocon formé par les bras de sa mère (Dufour,
2007). Il est alors directement confronté à l’ailleurs, au tiers. Ce manque aura
un impact fondamental sur son sentiment de confiance.
▶ La notion de place
Il arrive régulièrement que l’enfant adopté se sente peu à sa place alors que
rien dans son présent ne justifie ce malaise. La notion de place est une notion
archaïque, s’inscrivant dans la mémoire implicite.
La place réservée à l’enfant à venir se construit dès le désir d’enfant. Qu’il
soit conçu ou attendu dans le cadre d’un projet d’adoption, cette place évolue
au fil du temps et de l’attente, en lien avec l’histoire autour de la gestation, de
celle de chacun des futurs parents et de leur vécu familial. L’enfant, porteur
de son patrimoine génétique viendra s’inscrire dans l’arbre familial et
inaugurera une place spécifique en lien avec les histoires de chacun. L’enfant
adopté, chargé de sa première histoire, va prendre sa place dans l’intimité de
la relation de ses nouveaux parents. Les histoires de chacun vont se croiser et
continuer à modeler celle de l’enfant.
Le sentiment de soi passe par la sensation d’exister, la relation aux autres et
la possibilité d’appartenir à un groupe socialisant. Avoir une place en arrivant
au monde permet d’expérimenter la fiabilité d’un espace où pourra grandir le
sentiment de l’intimité, la conviction d’exister. La place renvoie au sentiment
d’appartenance : j’ai ma place dans ma famille, dans l’univers.
La place est toujours donnée par un autre ou ressentie par rapport aux autres.
Tout enfant éprouve le besoin d’être regardé, accepté et approuvé par ses
parents. Le pire est de se sentir exclu.
Fondamentalement, l’enfant ressent à travers ses expériences, c’est-à-dire ses
perceptions sensorielles et émotionnelles, s’il était attendu et si sa place est
reconnue. Le regard de son parent empreint de plaisir, bienveillant et
inconditionnel lui confirme sa place, qui n’est pas à gagner. Ensuite, l’enfant
perçoit s’il y a ou pas cohérence dans la continuité des actes posés par son
parent, s’il y a congruence entre ce qu’il ressent et ce qu’il entend au sein de
son univers ambiant.
L’enfant adopté peut ressentir qu’il est différent, que seule une partie de lui
répond aux attentes de sa famille. Il commence à avoir l’impression de ne pas
y appartenir, percevant qu’il n’est pas accepté dans son intégralité. Certains
enfants développent ce sentiment de ne pas être à leur place, amplifié par la
blessure primitive d’avoir été abandonné, « mis au ban ». La question de la
place sera testée continuellement, l’enfant y développera une sensibilité toute
particulière. Parfois, il cherche à prendre une place excessive, désireux d’être
regardé à tout prix pour se sentir exister. D’autres enfants évitent de prendre
leur place, de réussir, de développer leur potentiel, comme s’ils n’y avaient
pas droit.
La question de la place est cruciale. Il est impossible de construire à partir du
vide. Les parents adoptifs auront pour mission de réinjecter de la sécurité
dans les fondations de leur enfant pour qu’ensuite, il lui soit possible de se
construire sur une base consolidée.
L'HISTOIRE NARRATIVE
La technique de l’histoire narrative a été mise au point par Joan Lovett
(1999). Elle permet de nommer les événements traumatisants, de les replacer
dans leur contexte et de leur donner un sens. Travaillée en EMDR, l’histoire
narrative ouvre à de nouvelles voies de résolution. Elle s’adresse aux jeunes
enfants, qui n’ont pas la capacité de comprendre ce qu’ils ont vécu mais aussi
aux plus âgés, lorsque les événements se sont produits au stade préverbal.
Elle est habituellement rédigée par les parents aidés du thérapeute.
▶ Pour qui ?
▶ Pourquoi ?
Au niveau de l’enfant
▶ Quand ?
▶ Comment ?
Partie 1 : L’histoire commence de manière positive, emballante, de manière à éveiller l’attention et la curiosité de
l’enfant. Dans cette première partie, les activités, habitudes préférées de l’enfant sont décrites pour qu’il se rapproche
du personnage.
Partie 2 : Le nœud de l’histoire est ensuite abordé avec douceur, le parent explique que la vie de l’enfant n’a pas
commencé là mais dans un autre pays ou dans un autre lieu en cas d’adoption nationale. Les difficultés traversées, les
différents traumas sont nommés. La trame de l’histoire est tissée à partir de ces trois fils conducteurs : les sensations,
les émotions de l’enfant et les croyances négatives qui en découlent, de la grossesse jusqu’à l’adoption, l’arrivée et
l’adaptation dans la nouvelle famille.
Le bébé s’est-il senti important et à sa place dans le regard des adultes qui se sont occupés de lui ? A-t-il appris à leur
faire confiance ? Pouvait-il leur montrer ses faiblesses ? Se sentait-il en sécurité ?
Partie 3 : La fin du récit souligne qu’il a survécu aux épreuves, qu’il est précieux et peut maintenant confier sa vie
aux personnes qui prennent soin de lui. Dans la conclusion, les croyances négatives sont transformées en croyances
positives.
Étape 4 :
Nous constatons régulièrement qu’il est plus aisé aux parents d’écrire que
de dire. Si les parents sont trop activés pendant la lecture, l’enfant ne se
connecte pas avec ses propres émotions. Avant de raconter l’histoire à
l’enfant, nous proposons aux parents de la lire l’un à l’autre. Le protocole
des lettres est de nouveau utilisé si nécessaire.
Étape 5 :
Rencontre de l’enfant en présence de ses parents. Il est utile de mettre
l’enfant en confiance, de vérifier s’il sait pourquoi il est là, de lui expliquer
ce qui va suivre et d’être le plus prévisible possible. Mise en place du lieu
sûr. Pendant la lecture de l’histoire à l’enfant par un des parents en
présence de l’autre, le thérapeute va pratiquer des Stimulations Bilatérales
Alternées habituellement tactiles (vibreurs) et continues. Si l’enfant est
plus jeune ou s’il refuse les vibreurs, le parent qui ne lit pas l’histoire
pourra tapoter les épaules ou les mains de son enfant au rythme donné par
le thérapeute. Celui-ci réalise les tapotements en miroir sur ses genoux, un
coussin ou une peluche placée devant lui. Les SBA sont lentes dans la
première partie de l’histoire afin de renforcer les ressources de l’enfant.
Ensuite, jusqu’à la fin, elles sont rapides. En cas d’activation de l’enfant,
on demande au parent d’arrêter la lecture, à l’enfant de nous dire ce qui
vient et on continue les SBA jusqu'à l’apaisement. On reprend ensuite la
lecture selon le même procédé jusqu’à la fin du récit.
Étape 6 :
Par la suite, l’enfant est invité à se réapproprier l’histoire, c’est-à-dire à
raconter ce qu’il en a compris. S’il ne le souhaite pas, on demande au
parent de reprendre le récit de manière informelle et on relance l’enfant
par des questions, afin de stimuler son intérêt. Le thérapeute peut aussi
proposer de jouer l’histoire avec des peluches ou des marionnettes.
L’enfant est invité à participer : « Et que s’est-il passé à ce moment ? Et
comment le petit s’est-il senti ? ». Un enfant plus âgé peut reprendre les
éléments positifs et négatifs de l’histoire à travers un matériel mis à
disposition (des fleurs en feutrine et des pierres de tailles différentes).
Étape 7 :
Le thérapeute demande enfin à l’enfant ce qui se passe en lui lorsqu’il
pense à l’histoire entière. Les SBA sont continuées jusqu’à l’obtention
d’un Sud 0. Si possible, en fonction de l’âge de l’enfant, le thérapeute
l’invite à formuler une cognition positive tout en pensant à l’histoire. On
lui demande alors le Voc et on procède selon un protocole standard. Pour
un enfant plus jeune, la Cognition Positive est fournie par les parents.
Sarah, 15 ans
Sarah est âgée de 15 ans. Elle exprime peu ses émotions et est particulièrement jalouse de sa sœur cadette.
D’origine vietnamienne, elle est déposée le lendemain de sa naissance à l’orphelinat. Elle est adoptée à l’âge de 2 mois.
La maman adoptive a eu un cancer qui l’a rendue stérile à l’âge de 22 ans. Ce cancer est détecté suite à une IVG.
Madame rencontre ensuite son futur mari. Rapidement, le couple se tourne vers l’adoption. La période d’attente est
éprouvante. Ils reçoivent une première attribution qu’ils refusent car l’enfant est atteint d’une pathologie lourde qu’ils ne
se sentent pas capables d’accompagner.
Un peu plus tard, Sarah leur est désignée. Madame décrit leur relation comme étant très fusionnelle.
Un an et demi plus tard, la famille s’agrandit et accueille une petite fille d’origine chinoise. Elle est âgée de 17 mois et
vient bousculer la dynamique familiale. Les deux fillettes ont 18 mois de différence ; la deuxième présente un
tempérament et un physique bien affirmés mais aussi d’importantes carences. Les parents se mobilisent pour l’aider à
récupérer et s’apaiser.
On peut imaginer que l’arrivée de la sœur a perturbé le lien fusionnel entre Sarah et sa maman et a réactivé le sentiment
d’abandon lié aux empreintes précoces. Cette difficulté est amplifiée chez la maman par des blessures en lien avec sa
propre histoire.
Nous travaillons avec cette famille selon les différentes étapes décrites. Voici leur déroulement :
Séance 1 : Rencontre des parents sans Sarah (étape 1). Il apparaît que les difficultés actuelles de la jeune fille inquiètent
particulièrement la maman. Elle craint que Sarah ne trouve pas sa place dans la vie. La maman est très émue à cette
perspective. Il lui est proposé de rédiger une lettre à l’intention de sa fille (étape 2).
Séance 2 : Rencontre de Sarah. Les parents expliquent leur démarche. Ensuite, au cours de l’entretien individuel mis en
place vu son âge, la jeune fille signale souffrir de cette jalousie, principalement focalisée sur sa sœur. Il est convenu de
travailler avec elle et ses parents sur la base de son histoire. Mise en place du lieu sûr.
Séance 3 : Rencontre des parents, en l’absence de Sarah. La maman lit la lettre dans laquelle elle explique son parcours
pour devenir maman et la relation fusionnelle dont elle l’a entourée dès son arrivée. Le papa écoute et soutient son
épouse. Désensibilisation selon le protocole des lettres (étape 2.) Proposition de rédiger l’histoire de Sarah selon le
protocole décrit (étape 3).
Les parents écrivent l’histoire et me l’envoient. Vérification de l’adéquation et du fait qu’ils peuvent se la lire
sereinement (étape 4).
Séance 4 : Rencontre de Sarah en présence de ses parents. Lecture de l’histoire par un des parents et désensibilation de
Sarah (SBA avec vibreurs) (étape 5).
Séance 5 : Rencontre de Sarah seule. Elle explique ce qu’elle a retenu de l’histoire, les aspects positifs mais aussi les
moments difficiles (étape 6.) Nous ciblons la relation à sa sœur (étape 7) selon un protocole standard. Diminution rapide
du Sud. Cognition Positive : J’ai ma place, je suis importante.
Séance 6 : Rencontre de la famille. Les relations au quotidien se sont beaucoup améliorées. Les sœurs expriment ce
qu’elles apprécient l’une de l’autre. Sarah est apaisée. Elle ne sent plus sa place menacée.
Au cours de ce travail, la maman a pu élaborer les deuils liés à son histoire et différencier ses blessures de celles de sa
fille. Cela lui a permis de s’apaiser quant aux difficultés réelles de Sarah. D’autre part, le travail sur l’histoire narrative et
sur la notion de place a aidé la jeune fille à mieux comprendre l’origine de ses ressentis et réaliser combien elle avait été
désirée et attendue, que sa place au sein de sa famille était la sienne. Ce fut aussi l’occasion pour Sarah de mieux
discerner le parcours de ses parents et de développer un autre regard à l’égard de sa sœur.
CONCLUSION
La question de la juste place à prendre est souvent une question cruciale pour
les enfants adoptés. Elle soulève, éveille ou cache régulièrement de multiples
souffrances, chez l’enfant, l’adolescent et sa famille.
Les parents ont aussi leur histoire, leur chemin qui les a menés à l’adoption.
L’enfant vient souvent réactiver ou déclencher des blessures des parents. Une
partie importante du travail de préparation consiste à soigner la relation en
aidant les parents à prendre conscience de leurs forces et fragilités, à
renforcer leurs ressources, élaborer leurs deuils principalement autour de la
notion de place à prendre ou à donner.
À travers la rédaction de l’histoire narrative, les parents accompagnés par le
thérapeute rejoignent davantage leur enfant. Le travail en EMDR, en présence
des parents, permet à l’enfant d’intégrer son histoire et se l’approprier.
Les protocoles de l’histoire narrative et des lettres sont intégrés dans une
approche systémique. Les différentes étapes permettent un travail global,
respectueux du rythme de chacun.
Il ne sera sans doute pas suffisant pour toutes les situations mais offrira un
socle sur la base duquel le travail clinique pourra être poursuivi, selon les
problématiques de chacun.
BIBLIOGRAPHIE
Michel Silvestre
Seront présentés dans cette fiche les points clés de la thérapie EMDR avec les
enfants en illustrant particulièrement les trois premières phases du protocole
EMDR standard adapté au niveau de développement des enfants.
INTRODUCTION
LE PROTOCOLE DÉVELOPPEMENTAL
Nous retrouvons dans le protocole EMDR enfants les 8 phases de traitement
du protocole générique : l’histoire du patient, la préparation, l’évaluation, la
désensibilisation, l’installation, le scanner du corps, la clôture et la
réévaluation. Le protocole générique doit bien évidemment être adapté à
l’âge de l’enfant afin de respecter son niveau de développement.
Enfants de 9 à 18 ans
Le protocole utilisé est similaire à celui employé avec les adultes. Pour les
adolescents nous porterons un intérêt particulier à la notion de cycle de vie et
à l’évaluation des patterns de fonctionnement familiaux où se croisent parfois
la souffrance de l’adolescent et des difficultés familiales à laisser grandir ce
jeune adulte. La participation ou non des parents aux séances de thérapie
EMDR de l’adolescent est une décision clinique qui appartient au thérapeute.
Enfants de 6 à 8 ans
Les cibles seront définies par l’enfant et/ou par le(s) parent(s), le niveau de
SUD sera montré par des gestes (écartement des mains du thérapeute, plus
c’est écarté plus le SUD est grand). L’émotion sera plus difficile à définir
mais la localisation de la sensation physique sera toujours possible. La
présence des parents est ici indispensable comme source d’information sur
l’enfant et son développement, et comme aide à l’observation et la
compréhension de la dynamique familiale.
L’utilisation des stimulations bilatérales alternées doit suivre le niveau de
développement de l’enfant. Les mouvements oculaires sont difficiles pour les
enfants jusqu’à l’âge de 5 ans et peuvent être remplacés par des stimulations
tactiles ou auditives : claquements des doigts, marionnettes.
CONCLUSION
La thérapie EMDR avec l’enfant s’appuie sur une alliance thérapeutique forte
du thérapeute avec l’enfant et le(s) parent(s) en donnant une place essentielle
à la notion d’accordage dans un contexte de sécurité pour l’enfant. La
créativité du thérapeute, une bonne connaissance du protocole EMDR
développemental et sa capacité de pouvoir associer à la thérapie EMDR
d’autres modalités thérapeutiques comme le travail familial, le dessin ou le
jeu sont au centre de ce processus (Silvestre, 2010).
BIBLIOGRAPHIE
Michel Silvestre
Après un trauma commun, nous pouvons observer une blessure voire une
rupture de la communication, un isolement et une chute de l’intimité
émotionnelle et sexuelle. La vulnérabilité de chacun est activée et les
difficultés relationnelles se manifestent par des comportements d’évitement
où d’hyperactivité.
Face à un trauma les réactions du couple peuvent être asynchrones. Nous
pouvons les résumer ainsi, les réactions émotionnelles des femmes sont plus
intenses, durent plus longtemps et elles parlent beaucoup du trauma. Les
hommes quant à eux utilisent des comportements de distraction et
d’évitement et ils préfèrent se débrouiller seuls. Les conséquences de telles
différences sont cruciales pour le fonctionnement présent et futur de la
relation conjugale (Silvestre, 2010)
L’intégration de la thérapie EMDR dans la thérapie de couple prendra la
forme suivante où nous distinguerons deux phases.
Une phase de thérapie EMDR alternativement avec chaque membre du
couple, sur une cible en relation avec la situation traumatique, pendant que
l’autre est en position d’observateur.
Une phase d’échange en couple sur les résonances individuelles et
relationnelles chez l’observateur du matériel traité dans la séance EMDR.
Cette phase d’échanges permet d’activer un processus de mentalisation qui
aide à la régulation émotionnelle.
Lors de la séance suivante il y a un changement de place, celui qui était
observateur devient patient et le patient devient observateur impliqué dans
la discussion post-séance. Nous suggérons de faire des séances de deux
heures pour avoir le temps de mettre en place ces deux phases.
Pour garder l’observateur actif dans sa fenêtre de tolérance et stimuler la
résilience du lien, le thérapeute peut l’inviter à être co-facilitateur dans
l’activation du lieu sûr de son partenaire en fin de séance EMDR, en lui
proposant de faire des stimulations bilatérales lentes sur les épaules de celui-
ci pendant qu’il se connecte avec son lieu sur (Roques, 2017).
Ce processus thérapeutique favorise le traitement de la blessure individuelle
en s’appuyant sur la dimension sécurisante du lien comme élément régulateur
et permet à l’autre de développer un insight sur le comportement de son
partenaire et sur les liens possibles avec sa propre histoire, tout en observant
ses réactions émotionnelles.
▶ Couple ou l’un des membres a vécu un traumatisme individuel dans un passé plus ou moins
récent1
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Traumatisme non vécu par l’autre partenaire et qui n’est pas la cause initiale de la consultation de
couple.
Chapitre 18
Olivier Piedfort-Marin
Si l’efficacité de l’EMDR avec le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) et d’autres séquelles non complexes de
traumatismes ou d’événements invalidants est clairement avérée, il n’en est pas de même pour les séquelles complexes de
traumatismes, en particulier lorsque ceux-ci ont eu lieu dans l’enfance et l’adolescence. Dans ces cas, l’EMDR peut
montrer des limites dans son application standard. Des modifications du protocole, des adjonctions d’autres techniques ou
méthodes, ou encore l’intégration de l’EMDR dans une psychothérapie intégrative sont alors souvent nécessaires. La
thérapie des états du moi (Watkins et Watkins, 1997) peut être une approche intéressante pour optimiser l’efficacité du
traitement EMDR dans les cas de traumatisations complexes. Différentes pistes sont proposées ici pour optimiser le
traitement EMDR en utilisant la théorie des états du moi et certaines techniques thérapeutiques propres à cette approche.
La thérapie des états du moi (ego state therapy) est fortement développée aux
USA et en Allemagne, en particulier dans le champ de la
psychotraumatologie où elle est souvent proposée en combinaison avec
l’EMDR (Forgash et Copeley, 2008/2017). La communauté EMDR
allemande est fortement influencée par le travail de Luise Reddemann (2010,
2011 ; en français : 2013 ; Piedfort-Marin et Reddemann, 2016 ; Piedfort-
Marin, 2017) qui propose un traitement intégratif des séquelles complexes de
traumatismes, basé sur la théorie des états du moi et des exercices hypno-
imaginatifs sans utiliser de transe profonde.
Le concept d’état du moi a été proposé par Federn (1952) puis développé au
niveau théorique et clinique par Watkins et Watkins (1997) qui définissent un
état du moi « comme un système organisé de comportements et d’expériences
dont les éléments sont reliés entre eux par des principes communs, et qui est
séparé des autres états par une limite plus ou moins perméable. » Cette
définition est un concept tellement général qu’il peut porter à confusion mais
qui a l’avantage d’être souple.
Ce concept est souvent comparé à celui de partie dissociative au sens de la
théorie de la dissociation structurelle de la personnalité (TSDP, Van der Hart,
Nijenhuis & Steele, 2010), mais la comparaison s’avère difficile. Si elles ont
des origines théoriques différentes, ces théories reposent néanmoins toutes les
deux sur l’idée d’une séparation/division/dissociation entre plusieurs entités
contenues au sein du moi/de la personnalité – séparation qui a lieu dans les
suites d’une expérience traumatisante. Tout comme la TDSP, les Watkins
(1997) se basent sur le concept de dissociation de Janet pour expliquer les
états du moi les plus inadaptés, comme dans les cas du trouble dissociatif de
l’identité (Watkins, 2008/2017) (pour une étude plus approfondie du concept
des états du moi : Piedfort-Marin, 2017). Ainsi John Watkins (2008/2017)
précise :
« Le terme “états du moi” se réfère à des segments de la personnalité qui fonctionnent avec plus
ou moins d’autonomie les uns des autres. […] Les états du moi semblent se situer sur un
continuum et se manifestent à une extrémité sous la forme d’états émotionnels et à l’autre
extrémité comme des “alters” isolés d’un trouble dissociatif de l’identité, d’authentiques
personnalités multiples. Entre ces deux extrêmes, nous préférons le terme d’entités
“différenciées” plutôt que celui d’ “états dissociés”. La dissociation fait référence à une
pathologie sévère dans laquelle les limites entre états du moi sont rigides et inflexibles. »
Il s’agit d’une présentation clinique raccourcie mais cela donne une idée du
procédé. Il convient de laisser suffisamment de temps à chaque étape pour
que le patient puisse correctement être en contact avec les sensations adaptées
qui émergent, y compris la tristesse qui est alors pour l’adulte un début de
processus de deuil et un signe que l’intégration est en cours. L’important est
que l’adulte ne se laisse pas submerger par les émotions, sensations et
pensées propres à l’état du moi jeune blessé. On remarquera que les éléments
centraux de cette procédure sont présents dans les techniques EMDR
proposées par Knipe (2008) également pour le trauma complexe.
Lorsqu’on apaise et sécurise progressivement les états du moi jeunes blessés,
le patient développe de meilleures capacités de régulation des affects, en
particulier de meilleures capacités d’auto-apaisement et d’auto-consolation. Il
est important de mettre l’état du moi adulte au centre de ce processus
thérapeutique, c’est-à-dire que le travail avec les états du moi jeunes blessés
devrait passer autant que possible par l’adulte pour le renforcer. Une question
se pose régulièrement : faut-il réaliser des SBA (lents) pendant l’apaisement
des états du moi jeunes blessés ? S’il n’y a pas de contre-indication à cela, il
n’est pas prouvé que cela apporte un avantage au niveau clinique. Cela peut
par contre satisfaire un patient qui n’abandonne pas son souhait de « faire de
l’EMDR. » Cela peut aussi répondre à des besoins du thérapeute qui n’aurait
pas clarifié certains aspects contre-transférentiels (Piedfort-Marin, 2018).
On notera qu’il ne s’agit pas de changer le scénario traumatique ni de faire
comprendre à l’enfant blessée qu’elle a grandi. Pour Reddemann un point
central est qu’on ne peut pas changer le passé et que guérir un traumatisme
implique d’accepter ce qui s’est passé et de faire le deuil par exemple d’une
enfance heureuse. Cela rejoint le concept d’intégration développé dans la
TDSP (Van der Hart et al., 2010 ; Piedfort-Marin, 2019 sous presse).
Stabilisation rapide des états du moi jeunes blessés
pour traiter un trauma récent
Une variante plus rapide de l’apaisement des états du moi jeunes blessés peut
être utile dans les cas d’un trauma récent sur des antécédents de trauma
complexe, lorsque la situation nécessite un traitement rapide du traumatisme
récent mais doit prendre en considération les réactivations possibles de
traumatismes anciens lors du retraitement. Par exemple lorsqu’une personne
avec un trauma complexe des suites de violences sexuelles de l’enfance, a
vécu récemment un accident de voiture. Être bloquée dans une voiture par
une ceinture de sécurité peut rappeler un sentiment similaire vécu lors d’une
situation de violence sexuelle, par exemple l’impuissance.
La technique hypno-imaginative suivante peut alors être aidante. Il s’agit de
demander à la patiente de s’imaginer le panorama de sa vie, puis d’imaginer
un personnage bienveillant qui sort des situations difficiles toutes les petites
filles ou les adolescentes ou les jeunes adultes qui en ont besoin. Elles sont
ensuite mises dans un lieu sûr imaginaire avec des personnages bienveillants
qui les consolent. Dans ce cas, il n’est ni nécessaire ni souhaitable de faire
préciser les situations traumatiques en question. On peut ainsi stabiliser
suffisamment la patiente pour ensuite retraiter en EMDR la situation
traumatique récente, sans (trop) réactiver les traumatismes anciens. Cette
technique peut être plus puissante que la technique du contenant (ou coffre-
fort) car elle implique une sécurisation mais en plus un apaisement et une
consolation internes, ce que ne propose pas l’exercice du contenant.
Nous avons vu différentes utilisations possibles de la thérapie des états du moi en combinaison avec l’EMDR. Les deux
théories sont proches et complémentaires. La théorie des états du moi peut renforcer l’EMDR dans les cas où le traitement
adaptatif de l’information ne se fait pas de manière optimale. La théorie des états du moi est intégrative donc ouverte à son
adjonction ou sa combinaison à l’EMDR. Elle a ceci de puissant qu’elle utilise la force de l’imagination comme source
inépuisable de ressource et de résilience. Comme le dit Watkins (2008), « les techniques basées sur la théorie des états du
moi peuvent permettre les conditions qui rendront de nombreux patients plus accessibles et le traitement plus sûr pour les
thérapeutes EMDR. » Il convient d’utiliser et de développer des pratiques cliniques intégratives suffisamment structurées,
reposant sur une compréhension claire et une pratique appropriée de la thérapie des états du moi associée au modèle TAI.
BIBLIOGRAPHIE
L’utilisation de l’EMDR
avec les troubles dissociatifs
Si l’efficacité de l’EMDR avec le Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) et d’autres séquelles traumatiques a fait ses
preuves, il n’en est pas de même pour les troubles dissociatifs qui présentent des présentations cliniques et des degrés de
sévérité très divers. Dans certains cas l’EMDR pourra être utile et bénéfique alors que dans d’autres cas cela pourrait
amener à une déstabilisation marquée du patient. Enfin dans certains cas complexes l’EMDR pourra être utilisé de manière
occasionnelle avec intérêt. La théorie de la dissociation structurelle de la personnalité est particulièrement utile pour
conceptualiser les troubles dissociatifs de toutes sortes, et aussi pour évaluer la sévérité des cas et donc la possibilité
d’utiliser l’EMDR.
Appliquer la thérapie EMDR avec les personnes souffrant de troubles dissociatifs nécessite une formation continue dans le
domaine du diagnostic et du traitement des troubles dissociatifs en dehors de la formation de base en thérapie EMDR.
▶ Détection et diagnostic
Comme la thérapie EMDR s’est montrée efficace avec les patients souffrant
de TSPT et d’autres pathologies, certains thérapeutes ont montré un intérêt à
utiliser l’EMDR avec les patients ayant un TD puisque leurs troubles sont
d’origine traumatique. Néanmoins les TD sont des troubles bien différents
que le TSPT de par la quantité et la gravité des événements vécus par ces
personnes ainsi que par leur fragilité qui en résulte. La TDSP est reconnue
pour être un atout conceptuel notable si l’on veut utiliser l’EMDR avec les
TD.
La thérapie EMDR, avec le modèle TAI, et la TDSP sont compatibles et se
complètent (Van der Hart, Nijenhuis & Solomon, 2010). Selon la thérapie
EMDR, le but final de la prise en charge est de promouvoir les connexions
entre les souvenirs stockés de manière dysfonctionnelle et isolée, avec les
réseaux mnésiques adaptatifs. Selon la TDSP le but ultime du traitement des
personnes traumatisées est l’intégration des souvenirs dans un moi unifié et
fusionné (à travers la synthèse et la réalisation). Ce processus d’intégration
des souvenirs d’événements traumatisants peut se faire dans certains cas de
TD par la thérapie EMDR.
La thérapie EMDR se réfère aux 8 phases et aux trois temps (voir chapitres 6,
7 et 8), alors que la TDSP préconise le traitement des traumatismes en trois
phases selon Pierre Janet, qui sont :
1. La première phase cible la stabilisation, la réduction des symptômes et
l’activation des ressources, ce qui correspond assez bien aux phases 1 et 2
de la thérapie EMDR.
2. La deuxième phase cible le traitement des souvenirs traumatiques, but des
phases 3 à 7 de la thérapie EMDR et premier temps du traitement EMDR.
3. La troisième phase cible l’intégration du sujet dans une vie nouvelle, ce
qui correspond à la phase 8 de la thérapie EMDR, ainsi qu’aux buts du
traitement des déclencheurs et de l’application des scénarios du futur (les
deuxième et troisième des trois temps de la thérapie EMDR).
Ces trois phases ne sont pas chronologiquement linéaires mais s’enchevêtrent
dans des suites de va-et-vient. Ainsi une phase de stabilisation est souvent
nécessaire après une phase d’intégration d’un ou plusieurs souvenirs
traumatiques. Parfois des éléments propres à la phase 3, comme des
adaptations des schémas cognitifs et comportementaux, se font en plein
milieu de la phase 1.
La phase 1 de la thérapie EMDR cible l’anamnèse et le diagnostic ainsi que la
planification du traitement et l’élaboration d’un plan de ciblage. Néanmoins
pour les patientes avec un TD ces premières tâches thérapeutiques sont
beaucoup plus complexes que pour un TSPT. Il faut souvent du temps pour
s’assurer du diagnostic correct. Une anamnèse complète est souvent
impossible à cause des amnésies, de la déconnection émotionnelle ou des
réactivations perturbantes lorsqu’on interroge la patiente sur son passé. Quant
à élaborer un plan de ciblage et s’y tenir, c’est le plus souvent impossible de
par un quotidien agité et souvent chaotique. Le clinicien doit pouvoir
répondre aux besoins changeants de ces patients.
Les lignes directrices de l’ISSTD (International Society for the Study of
Trauma and Dissociation, 2011) rappellent qu’une thérapie avec des
personnes souffrant de TD sévère peut durer entre 5 et 15 ans, voire plus,
selon les cas et la sévérité de la structure dissociative, et que la phase 1 de
stabilisation peut être particulièrement longue. Cela peut donc durer des
années jusqu’à ce qu’un tel patient puisse être suffisamment stabilisé et
préparé pour que lui soient proposées des séances de désensibilisation avec la
thérapie EMDR (phases 3-7). Ceci étant dit, des séances de désensibilisation
isolées (par exemple des séances d’EMD : Shapiro, 2019) peuvent s’avérer
utiles durant la phase de stabilisation. Ce peut être le cas par exemple si la
cliente est fortement perturbée par des intrusions traumatiques de PE, sous
forme de cauchemars, de flashbacks, de souvenirs intrusifs, d’émotions
intrusives ou d’autres formes d’activation. On peut alors choisir non pas le
retraitement d’un traumatisme en tant que tel (protocole standard, phases 3-7)
mais la désensibilisation d’un symptôme pris isolément (phase 1 – réduction
des symptômes – selon la TDSP). Il serait dommage de faire patienter une
cliente durant des années alors que des séances d’EMD ou d’EMDR
pourraient apporter une aide considérable et la diminution d’une perturbation
déjà dans la phase de stabilisation. Mais il convient aussi d’être prudent parce
que certains patients pourraient ne pas supporter l’EMDR à ce stade ou même
plus tard.
CAS CLINIQUES
▶ Phase 2 : stabilisation
▶ Phase 5 : installation
Arriver à ce stade avec les personnes ayant un TD, donc probablement après
de nombreuses séances de retraitement, représente un travail laborieux pour
la patiente. Il est possible d’accepter un scanner corporel incomplet, c’est-à-
dire où il n’y a pas que du positif. Après de nombreuses années de souffrance
et en tenant compte de la dissociation somatoforme, il est difficile d’obtenir
des scanners corporels positifs en début de prise en charge. Comme pour les
phases précédentes, on peut accepter des valeurs « imparfaites » et tout de
même clôturer la cible en question et avancer dans le plan de ciblage (si bien
sûr cela s’avère possible et adéquat). On peut faire l’exercice du faisceau
lumineux ou d’autres techniques pour favoriser et développer le bien-être
somatique.
▶ Phase 7 : clôture
Pour les séances inachevées comme pour les séances achevées il est conseillé
de veiller à un temps de stabilisation suffisant en fin de séance. Comme décrit
par Shapiro (2018), le processus continue entre les séances, ce qui demande
une phase de stabilisation post-séance importante ainsi que des exercices
d’auto-apaisement et de stabilisation entre les séances. Il est important de
réaliser l’exercice du contenant ou d’autres stratégies (voir aussi chapitres 2,
3 et 22) en fin de séance avant de laisser partir le patient. Pour les personnes
avec une dissociation structurelle secondaire ou tertiaire il est important
qu’elles puissent contacter le thérapeute en cas de besoin, spécifiquement si
elles devaient être surchargées par l’émergence de matériel traumatique
hautement perturbant entre les séances. La disposition du thérapeute entre les
séances doit être discutée préalablement (limite du nombre de prises de
contact, définition d’une urgence, mise en place de mesures autonomes de
régulation émotionnelle, mise en place d’un réseau de soin en cas d’absence
du thérapeute ou en cas d’urgence).
▶ Phase 8 : Réévaluation
Que la séance ait été achevée ou inachevée, chez les patients avec un TD, il
faut s’attendre à une activation importante entre les séances. On procédera
donc à une évaluation fine et différenciée lorsqu’on retrouve la patiente la
séance suivante, après une semaine ou moins. Pour un certain nombre de
patientes, il faudra davantage s’orienter vers la stabilisation avant de
reprendre un retraitement. Pour d’autres, beaucoup de matériel nouveau,
voire des levées d’amnésies se sont produites. Se pose alors la question de
continuer dans la foulée le travail EMDR sur la même cible ou de le différer.
Cela va dépendre de la stabilité de la patiente, de la montée (potentiellement
déstabilisante) d’un nouveau souvenir ou de l’apparition d’une PE encore
inconnue, ou encore de la demande de la patiente en fonction d’événements
de vie apparus les jours précédents.
On réalise donc qu’avancer chronologiquement dans le plan de ciblage est
une chose difficile, voire souvent impossible. Notre travail est comme celui
d’un joueur d’échecs jouant plusieurs parties en parallèle. Il ne faudra jamais
oublier la « constellation » sur un échiquier (un plan de ciblage), par contre il
faudra peut-être reprendre temporairement un plan de ciblage plus ancien, ou
en créer un nouveau tout en gardant en mémoire (en tout cas dans les notes)
les autres plans de ciblage.
La TDSP est aidante pour le traitement par EMDR des troubles dissociatifs et ces deux approches peuvent se compléter. La
thérapie énactive selon Nijenhuis (2017) est aidante pour l’ensemble du traitement. L’EMDR peut être utilisée comme
thérapie principale dans certains cas, et comme méthode d’appoint dans d’autres cas plus sévères de troubles dissociatifs.
Le protocole standard de base en thérapie EMDR (phases 1-8) et les traitements en trois temps (passé-présent-futur)
peuvent être intégrés dans le modèle de la TDSP. Pour pratiquer la thérapie EMDR avec ces patients, il est essentiel de
connaître leurs différentes parties dissociatives et la dynamique entre elles. Il est en effet primordial de savoir avec
quelle(s) partie(s) il convient de faire un retraitement ou une désensibilisation. L’EMD ou l’EMDR bien circonscrit
peuvent aussi permettre dans certains cas une réduction des symptômes dissociatifs en phase de stabilisation. La
connaissance de la TDSP et des concepts de synthèse et réalisation (personnification et présentification) est indispensable
pour un traitement sécurisé des personnes présentant un trouble dissociatif, en particulier complexe.
BIBLIOGRAPHIE
Les traumatismes n’attendent pas l’âge de raison pour survenir. Des ruptures d’attachement précoces (Liotti, 1999), un
environnement avec interactions teintées d’hostilité et d’indifférence (Dutra, 2009) amènent le tout-petit à sortir de sa
fenêtre de tolérance, et c’est ainsi que des réseaux traumatiques implicites se forment, provoquant des symptômes que l’on
peut retrouver à l’âge adulte.
La thérapie EMDR permet, parmi d’autres, de s’adresser à ce type de traumatisation particulière, même si ces souvenirs
sont sous amnésie. Katie O’Shea a été la première (2001) à proposer, puis conceptualiser un protocole EMDR permettant le
retraiter les empreintes traumatiques précoces (O’Shea, 2009a). En partant de ce protocole, nous avons développé une
démarche plus proche du protocole standard, permettant ainsi de bénéficier de la rigueur de l’EMDR au service du
retraitement des traumatisations préverbales.
Avant de proposer le travail sur les empreintes précoces, il est nécessaire que
soit établie une bonne relation thérapeutique, car la qualité d’un contact
bienveillant et soutenant de la part du thérapeute, la confiance et la
motivation de s’engager dans ce travail de la part du patient, sont nécessaires.
Pour cela il faut que le patient soit suffisamment stabilisé, c’est-à-dire qu’il
soit capable de s’apaiser lui-même, qu’il ait une bonne tolérance à l’affect, et
qu’il vive dans un environnement pas trop hostile.
Katie O’Shea propose d’apprendre au patient de se sentir en sécurité dans un
endroit sécure, par exemple le cabinet du thérapeute. À ce titre, effectuer des
exercices d’ancrage corporels et des exercices d’orientation avec l’aide du
thérapeute peuvent être utiles, de façon à arriver à un apaisement du corps
dans l’ici et maintenant.
Ensuite, l’auteur propose la mise en place d’un contenant (Kluft, 1998),
permettant de mettre de côté tout trauma sur lequel ne porte pas directement
le travail. Fractionner ainsi l’exposition nous permet d’éviter de toucher trop
de réseaux traumatiques à la fois.
Un autre exercice de stabilisation que propose Katie O’Shea (2009b) est la
« remise à zéro1 » des émotions, avec le but de restaurer la fonctionnalité des
ressources émotionnelles. Les émotions sont abordées l’une après l’autre,
avec un retraitement hors trauma. La tolérance à l’affect ainsi restaurée
permettra un travail sur les traumatismes de manière plus sécurisée.
Ajoutons que pour une stabilisation soit réussie, il sera important d’installer
un lieu sûr, même si cette démarche peut se faire par étapes. Plus les patients
souffrent de traumas complexes, plus un lieu sûr imaginaire peut s’avérer
utile, car ce dernier n’est pas en lien avec l’expérience négative du patient. Il
peut être nécessaire de combiner l’installation du lieu sûr avec des exercices
d’apaisement corporels ou de pleine conscience.
Finalement, cette étape de préparation nécessite d’obtenir le consentement
éclairé du patient, de lui expliquer la démarche, de répondre à ses questions et
de désensibiliser au préalable toute crainte ou appréhension que cela suscite
(voir chapitres sur le Protocole Inversé et la Boîte de Vitesses).
Lorsqu’il y a présence d’un attachement désorganisé, nous pouvons partir du
principe que, outre la traumatisation dont il a fait l’objet, le tout-petit n’a pas
encore reçu de réponse adéquate. Nous ajoutons alors l’installation d’une
ressource d’accordage fondamental, que ce soit par l’EMDR (Dellucci, 2018)
ou l’ICV2 (Smith, 2018), et qui consiste en une installation de ressource,
permettant à au patient adulte de prendre soin adéquatement de sa dimension
bébé. Ce travail facilitera grandement le retraitement des traumatismes
préverbaux.
Veuillez poser un cadre prédictible : « Nous allons aborder trois périodes
distinctes : d’abord la période fœtale, avant votre naissance, puis le moment
autour de votre naissance, et ensuite la période de 0 à 3 ans. Il est normal
que nous n’ayons aucun souvenir conscient de ces périodes. L’auteur du
protocole, Katie O’Shea dit que s’il y a des empreintes traumatiques, notre
corps et notre cerveau les trouvent immédiatement.
Je vous demanderai de laisser venir simplement, en ne jugeant pas ce qui
émerge. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. Ce qui vient peuvent être
des pensées, des images, des impressions, des sensations corporelles ou des
émotions. Celles-ci peuvent être impressionnantes, et tout ce que vous aurez
à faire est de regarder défiler les choses qui vous viendront en tête, tout en
faisant attention et en suivant ce qui se passe dans le corps. De mon côté, s’il
y a une émotion, j’aurai tendance à continuer les stimulations jusqu’à ce
qu’elle s’apaise, puis nous ferons une pause et après une respiration je vous
demanderai ce qui vous vient.
Nous n’allons jamais rechercher de vérité, ni de souvenirs. Ce qui peut
émerger peuvent être des choses que vous pouvez avoir vécues, ou perçues,
voire captées, ou alors qui ont pu être transmises. Nous ne le savons pas. Si
quelque chose émerge, j’aurai tendance à juste vous accompagner, et votre
cerveau et votre corps le traiteront.
Vous pouvez dire STOP à tout moment si vous en avez besoin. Comment
allez-vous dire stop ? (Attendre le signal de la personne)
Les stimulations bilatérales se font par tapotements. Est-ce que vous préférez
les tapotements sur les genoux, ou bien préférez-vous les mains ? » (Veuillez
montrer les différents types de tapotements de façon que le patient puisse
choisir ceux qui lui conviennent)
Il sera important que le thérapeute prenne du temps pour ces explications, et
s’assure que la personne ait bien tout compris.
Nous proposons de cibler l’une après l’autre, les trois périodes-clé du plan de
ciblage. Katie O’Shea proposait à l’origine un protocole sans cognitions.
Tout en restant fidèles à l’auteur, en ne demandant pas de cognitions en phase
3, nous avons cependant constaté que rapprocher ce travail du protocole
EMDR standard, en établissant un SUD en fin de phase 4, et en ajoutant une
phase d’installation et un scanner du corps pouvait être bénéfique.
▶ La phase fœtale
Phase 3 : évaluation
▶ La phase néonatale
Phase 3 : évaluation
Phase 4 : désensibilisation
Phase 5 : installation
Phase 3 : évaluation
Phase 4 : désensibilisation
Les SBA se font ici à un rythme habituel en EMDR, soit par tapotements, soit
par mouvements oculaires. Les contenus abordés concernent surtout les
événements qui se sont déroulés dans cette période de vie, comme des
hospitalisations, des séparations, des événements survenus dans la famille,
comme des deuils, des accidents, etc.
La fin de la période de zéro à trois ans se montre avec un tout-petit capable
d’insouciance, avec un corps détendu et un Sud = 0.
Phase 5 : installation
▶ Tissages utiles
La possibilité d’étendre la thérapie EMDR au retraitement des empreintes précoces constitue une démarche puissante, au
service de changements fondamentaux chez la personne.
Notre expérience avec ce travail sur les mémoires préverbales nous amène à pousser tout psychotraumatologue à
considérer et à aborder cette période cruciale du début de la vie. Les patients qui s’engagent dans un tel travail, montrent
des changements fondamentaux de l’ordre d’une sécurisation de leurs attachements, une plus grande prise en compte de
leurs besoins, une meilleure capacité à négocier leurs limites et une estime de Soi améliorée et ce de manière totalement
intégrée entre la pensée, le ressenti et l’action comportementale.
Classiquement en EMDR, il fallait connaître le souvenir, pour pouvoir le traiter. Aujourd’hui, nous savons que ce n’est
plus nécessaire. Le protocole des empreintes précoces permet aux thérapeutes bien formés d’accéder aux blessures
provenant d’une période où il n’y avait pas de mots pour les nommer et d’aider les patients à s’en affranchir.
Cependant, même si les observations cliniques sont encourageantes, la recherche clinique paraît indispensable pour
objectiver celles-ci.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. En anglais, l’auteur appelle cette pratique : resetting emotions.
2. L’Intégration du Cycle de la Vie, une approche thérapeutique mise au point par Peggy Pace.
Chapitre 21
En psychotraumatologie des cas complexes et chroniques, nous savons que les traumatismes relationnels sont
particulièrement importants et envahissants. Les patients se sont construits avec ces apprentissages qui continuent de teinter
leurs relations actuelles. Étant donné le nombre important d’occurrences traumatiques, et leur caractère le plus souvent
implicite, la question se pose de disposer d’une méthodologie spécifique pour traiter ce type de traumatisation. Cette
réflexion est d’autant plus importante, lorsque le retraitement sur les situations traumatiques, auxquelles ces blessures
relationnelles s’invitent, bloque ou devient laborieux. Notre proposition va dans le sens d’un fractionnement de la cible,
pour nous adresser d’abord et avant tout à la blessure relationnelle. À travers le protocole des lettres, proposons un
protocole spécifique, qui par sa douceur permet d’avancer de manière intégrative.
▶ L’écriture de la lettre
C’est le patient qui écrit une lettre à la personne avec laquelle il y a un lien à
assainir. Le thérapeute invite le patient à écrire :
comme si le destinataire (cible) pourrait tout comprendre, tout entendre,
même si dans la réalité cela n’est pas vrai ;
sans se censurer : avec les mots qui viennent droit du cœur, jusqu’au
sentiment d’avoir écrit tout ce qu’il avait à dire.
L’écriture de la lettre peut se faire comme une tâche entre deux séances, ou
juste avant la séance, voire en séance pendant un temps restreint (10 min).
Cette lettre ne sera bien sûr pas envoyée, elle servira come une base de travail
pour le retraitement.
Certains patients, rien que l’idée d’écrire une lettre à une personne
importante, suscite une peur bloquante, même s’ils ne remettent pas en
question l’utilité de cette démarche. Cette peur pourra être abordée avec un
protocole EMDR standard, hors trauma, c’est à dire en confinant tous les
événements traumatiques du passé dans le contenant. Cette peur, même si elle
a pu être intense, constitue une petite cible, qui sera rapidement retraitée, ce
qui ouvrira la voie au travail sur la cible relationnelle.
▶ La réévaluation
Une fois le travail de retraitement terminé, c’est le patient qui choisit de faire
avec sa lettre ce qui a le plus de sens pour lui.
Certains patients déchirent la lettre et souhaitent la jeter, d’autres la laissent
dans leur dossier, ou la rangent dans un endroit précis choisi avec soin. Il
arrive que le patient décide d’envoyer sa lettre au destinataire. Parfois des
patients ont ajouté un rituel particulier à la fin de la lettre : la brûler, l’enterrer
dans un coin du jardin, l’emmener sur la tombe d’un être cher, en faire un
masque en papier mâché. Dans notre approche thérapeutique, nous
n’intervenons ni dans le choix, ni dans la mise en œuvre de ce qui est fait
avec la lettre. Il s’agit d’une démarche autonome du patient, qui constitue
parfois la première action d’une relation assainie.
Le protocole des lettres, en permettant d’aborder la dimension de l’attachement, constitue une possibilité non négligeable
pour retraiter les blessures relationnelles si fréquentes. Sans se substituer au protocole EMDR standard, nécessaire pour
aborder les événements traumatiques, le protocole des lettres par sa méthodologie progressive permet de cheminer avec les
capacités intégratives du patient. Des liens qui s’assainissent contribuent à la stabilisation du patient, qui peut alors plus
facilement aborder les situations traumatiques dans de bonnes conditions. Même si des recherches sont nécessaires pour
étayer ces propos, nous pouvons affirmer que l’absence de déstabilisation observée cliniquement permet de considérer le
protocole des lettres comme une méthode douce, qui ne perd rien de son efficacité.
BIBLIOGRAPHIE
La Boîte de Vitesses
Les personnes souffrant de traumatismes complexes et chroniques nécessitent un aménagement du traitement dans la
thérapie EMDR. Les nombreuses amnésies, une faible tolérance à l’affect, les difficultés à verbaliser, les ruptures
dissociatives mènent à des anamnèses incomplètes qui perturbent la création du plan de traitement.
La stabilisation, déjà primordiale dans le cadre de TSPT simple, est ici incontournable et nécessite une attention continue.
Pourtant, l’utilisation de la thérapie EMDR est d’une pertinence et qu’une qualité remarquable dans ce type de
problématique, dont il serait dommage de se priver.
Il s’agit alors de structurer le traitement EMDR en proposant une hiérarchie d’intervention en fonction des phénomènes
émergeants afin de s’adapter aux besoins du patient, tout en continuant de travailler de manière rigoureuse, structurée et
sécurisée. En partant de la métaphore d’un voyage en pays inconnu, miné, incertain, dans lequel il s’agit d’avancer de
manière sécurisée, cette structure de traitement que nous avons appelé « Boîte de Vitesses » permet cette adaptation
constante du thérapeute et de la thérapie EMDR en fonction des conditions climatiques et de la topographie rencontrée
pendant la psychothérapie.
▶ Techniques d’oscillation1
▶ Protocole inversé2
Il peut parfois être compliqué pour les patients de passer du traitement des
peurs et scénarios du futur, aux déclencheurs du présent, de par leur lien plus
direct avec les souvenirs du passé.
Certains patients, qui ont une faible tolérance à l’affect, ont développé une
difficulté d’accéder et de ressentir certaines émotions tout en restant dans la
fenêtre de tolérance, comme si les réseaux émotionnels innés, qui étaient à
l’origine des ressources selon Allan Schore (1994), se retrouvaient pollués
par des expériences de vie négatives, pas forcément que traumatiques.
Pour les patients dont il faut reconstruire la tolérance à l’affect, Katie O’Shea
(2009a) a mis au point un ciblage directement sur l’émotion, avec un travail
de retraitement hors trauma. Ces derniers sont placés dans un contenant, pour
ainsi dépolluer les circuits émotionnels et restaurer leur dimension ressource.
Ce protocole, appelé « remise à zéro des émotions » (O’Shea, 2009a), est une
méthode de préparation efficace au traitement de cibles spécifiques et
traumatiques.
▶ Protocole des empreintes précoces3
« Lorsque vous pensez à (par exemple) la colère, qu’est-ce qui vous vient ? »
« Lorsque vous ressentez (par exemple) ce sentiment de vide, qu’est-ce qui
vous vient ? »
Seule l’émotion ou la sensation corporelle problématique est ciblée.
Pour cette remise à zéro des émotions, si le praticien craint d’activer un
nombre trop important de réseaux dysfonctionnels, il est conseillé de
commencer le travail EMDR sans cognitions en phase 3. Cependant, il est
néanmoins souhaitable, lorsque l’émotion retraitée arrive à un SUD = 0, de
continuer par une phase 5 (installation de la cognition positive) jusqu’à VOC
= 7 : « Lorsque vous pensez à la colère, qu’aimeriez-vous dire de vous-même
maintenant ? », et de compléter par un scanner corporel (phase 6).
Si du matériel traumatique émerge, celui-ci est à nouveau confiné dans le
contenant
Permet de restaurer une tolérance à l’affect.
L’émotion devient une ressource et non plus une entrave.
Vitesse 3 : retraiter les empreintes précoces
Il est possible d’aider les patients souffrant de traumatismes complexes et chroniques en amenant des adaptations de
l’EMDR, pour que cette approche psychotraumatologique puisse être efficace sans effets délétères.
Disposer d’une structure de traitement comme la Boîte de Vitesses permet de hiérarchiser et d’adapter le ciblage en
fonction du matériel émergeant et ainsi de suivre le cheminement des patients, sans se perdre, avec la devise « aussi
rapidement que possible, aussi lentement que nécessaire ».
Le résultat est un processus dynamique qui ni ne dérape, ni ne stagne, sans blocages, avec des ajustements dans lequel
patient et thérapeute coopèrent pour adapter le degré d’exposition à ce qui est possible. Cela produit de la motivation et une
participation active chez le patient, une multitude de possibilités d’articuler le Traitement Adaptatif de l’Information pour
le thérapeute.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 26 « Techniques d’oscillation, construire une
attention double ».
2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 27 « Le protocole inversé ».
Initialement, les techniques d’oscillation ont fait leur apparition dans le cadre de la prise en charge EMDR avec des
patients souffrant de traumatismes complexes. Ce processus fractionné permet une approche graduelle du réseau
traumatique afin de construire l’attention double nécessaire au retraitement de l’information suffisamment intégré.
ATTENTION DOUBLE
TECHNIQUES D’OSCILLATION
Différentes techniques d’oscillation existent et s’intègrent très aisément à la
thérapie EMDR.
▶ « Somatic Experiencing »
▶ « Wreathing Protocol »
Le protocole des Lettres3 (Dellucci, 2009, 2017) est avant tout préconisé pour
retraiter des cibles d’ordre relationnelles. Il ne s’agit pas à proprement parler
d’une méthode d’oscillation, même s’il reste toujours possible de stopper le
processus de retraitement centré sur le matériel perturbant et de revenir vers
une ressource.
À partir d’un texte écrit par le patient, que celui-ci lit à voix haute, toute
émergence émotionnelle et/ou sensorielle est accompagnée par des SBA
jusqu’à ce que le corps soit tout à fait apaisé, ce qui en termes de contenu
correspond en général à des fins de canal. Le travail avec les lettres amène
dans la majorité des cas à des canaux courts.
Ne pas cibler le réseau traumatique au cœur de la douleur, mais suivre le
cheminement d’un écrit décidé par le patient en fait une méthode de
confrontation douce. Cette logique de désensibilisation par petits bouts est la
même que celle que proposent les techniques d’oscillation.
▶ Technique de l’éponge
1. Obtenez la pleine permission du patient pour travailler en toute sécurité sur un contenu hautement perturbant.
2. Évaluez le degré de sécurité ressentie par le patient dans le bureau du thérapeute
3. Renforcez l’orientation dans le présent par des exercices d’ancrage et d’orientation en utilisant des SBA
4. Évaluez l’orientation présente à travers la « back of the head scale » (échelle du fond du crâne). Lorsque la personne
est suffisamment présente, le travail sur le traumatisme peut commencer
5. 2 à 10 secondes de confrontation au trauma (pas de SBA à ce stade)
6. Répétez les étapes 3 à 5, quatre fois
7. 2 à 20 secondes de confrontation au trauma (pas de SBA à ce stade)
8. Répétez les étapes 3, 4 et 7 autant de fois que nécessaire
9. Lorsque l’attention double peut être complètement maintenue pendant plus de 20 secondes, la confrontation
traumatique peut aussi être faite avec des SBA
10. Ensuite, il est possible de continuer la désensibilisation par le protocole EMDR standard
QUE RETENIR ?
Quelle que soit la méthode d’oscillation choisie, nous aimerions centrer notre
propos sur la nécessité de construire, pour le patient, un processus sur
mesure, en fonction de ses ressources, de l’accès qu’il peut y avoir, de ses
capacités d’attention double, et de la charge traumatique du réseau choisi.
Étape 1 : le thérapeute explique le processus d’oscillation au patient et
négocie avec lui un temps de confrontation. Il s’assure de sa capacité à
utiliser le signal STOP.
Étape 2 : la ressource (lieu sûr, ancrage dans le corps, orientation dans l’ici
et maintenant sécurisé du lieu de thérapie, souvenir positif, ressource
préalablement installée, figure de soutien…) est rappelée et renforcée avec
des SBA, jusqu’à ce que le corps soit tout à fait apaisé.
Étape 3 : la cible (traumatisme du passé, déclencheur, peur…) est abordée
de manière succincte. Ici, pas de questionnement en phase 3 car celle-ci
est trop longue. Le patient est invité à penser au contenu négatif pendant le
temps négocié. Le thérapeute peut compter à rebours. Il est primordial de
respecter le temps défini. Des SBA peuvent être ajoutées si le patient les
supporte. Si le temps négocié comporte plusieurs minutes, plusieurs sets
peuvent être effectués. La longueur de cette étape dépend de la cible
abordée et de l’état de fonctionnalité du patient. Plus ce dernier est fragile,
plus cette période de confrontation doit être courte dans un premier temps.
Étape 4 : retour à la ressource jusqu’à ce que le corps soit à nouveau
complètement apaisé.
Étape 5 : évaluation du processus des étapes 2, 3 et 4 par le patient et le
thérapeute. En fonction de celle-ci, un autre round est alors mis en œuvre.
Étape 6 : rounds successifs : Refaire les étapes 3 à 5.
Ce processus d’oscillation est mis en œuvre pendant le temps de
confrontation prévu au cours de la séance. À la fin de ce processus, il est utile
de prévoir le temps nécessaire à une clôture de séance incomplète. La
réévaluation (phase 8) aura lieu en début de séance suivante.
L’attention double est un préalable incontournable au retraitement réussi de toute cible, qu’il s’agisse d’un trauma du passé,
d’un déclencheur, d’une crainte actuelle ou dans le futur. C’est ainsi que le patient peut se maintenir dans sa fenêtre de
tolérance et avoir accès à ses ressources, lui permettant d’atteindre des « fin de canal » et l’ouverture vers une résolution.
Lorsque l’attention double fait défaut, celle-ci peut être construite ou renforcée grâce aux techniques d’oscillation. Les « fin
de canal » ainsi provoqués de manière artificielle permettent alors au patient et à son système neurovégétatif de faire de
bonnes expériences, contrôlées et sécures.
Les techniques d’oscillation permettent un processus de retraitement fractionné et un cheminement progressif vers la
reconsolidation d’un réseau mnésique plus fonctionnel. La douceur ainsi mise en œuvre ne ralentit en rien le processus
thérapeutique, bien au contraire. C’est en allant doucement que le tandem patient thérapeute avance le plus vite.
BIBLIOGRAPHIE
ARTIGAS, L., JARERO, I., ALCALÁ, N., LOPEZ-CANO, T., (2009). The EMDR
Integrative Group Treatment Protocol (IGTP). In: Luber, M. (Ed.), Eye
Movement desensitization and reprocessing (EMDR) scripted protocols:
basic and special situations. Springer, New York, pp. 279–288.
DELLUCCI, H. (2009). EMDR Letters. Papier présenté à la Conférence EMDR
Europe, Amsterdam, Pays Bas.
DELLUCCI, H. (2017). Les techniques d’oscillation – Construire une attention
double. In : Tarquinio, C. Brennstuhl, M.J., Dellucci, H., Iracane, M.,
Rydberg, J.A., Silvestre, M. & Zimmerman, E. (Eds). Pratique de la
Psychothérapie EMDR : introduction et approfondissements pratiques et
psychopathologiques. Paris: Dunod.
FINE, C. G., & BERKOWITZ, A. S. (2001). The wreathing protocol: the
imbrication of hypnosis and EMDR in the treatment of dissociative
identity disorder and other dissociative responses. Eye Movement
Desensitization Reprocessing. American Journal of Clinical Hypnosis,
43(3-4), 275-290.
HOFMANN A. (2009). « The Absorption Technique » in EMDR Scripted
Protocols - Special Population, Luber M (Ed), New-York, Springer
Publishing Company.
JARERO, I., ARTIGAS, L., HARTUNG, J., (2006). EMDR Integrative Group
Treatment Protocol: a post-disaster trauma intervention for children and
adults. Traumatology 12, pp 121–129.
KIESSLING R. (2009). « The wedging Technique » in EMDR Scripted
Protocols - Basiscs & Special Situations, Luber M 5ed), New-York,
Springer Publishing Company.
KNIPE, J. (2009) The Method in Constant Installation of Present Orientation
and Safety, in: Luber, M. (2009). Eye Movement Desensitization and
Reprocessing (EMDR) Scripted Protocols - Special Populations.
Springer : New York.
KNIPE, J. (2014). EMDR Toolbox. Theory and Treatment of Complex PTSD
and Dissociation. Springer, New York.
LEVINE, P. (1997). Waking the tiger. Healing Trauma. North Atlantic Books,
Ca. Pour la traduction française : (2008) Réveiller le tigre. Guérir le
traumatisme. Editions Socrate.
LEVINE, P. (2010). In an unspoken voice – How the body releases trauma and
restores goodness. North Atlantic Books : Berkeley. Pour la traduction
française (2014) : Guérir par delà les mots – Comment le corps dissipe le
trauma et restaure le bien-être. Inter Editions.
TWOMBLY, J. H. (2000). Incorporating EMDR and EMDR Adaptations into
the treatment of clients with dissociative identity disorder. Journal of
Trauma and Dissociation, 1, 61-81.
Notes
1. « Wreathing Protocol » : Protocole « entrelacé / enchevêtré ».
2. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 36 sur la technique des quatre champs.
4. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 3 « Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources ».
Chapitre 24
Le protocole inversé
L’utilisation et l’intérêt de la thérapie EMDR dans le cadre du traitement du Trouble de Stress Post-Traumatique sont bien
établis. L’application du protocole standard EMDR permet des résultats toujours plus étonnants.
Le caractère intégratif et procédural de ce protocole ne le rend pas pour autant rigide. L’adaptation du protocole standard
EMDR permet de répondre aux difficultés cliniques que les thérapeutes peuvent rencontrer face à des personnes instables,
souffrant de TSPT complexe.
En complément d’une stabilisation et d’une alliance thérapeutique renforcée, l’utilisation du protocole inversé est tout à fait
adaptée afin de maintenir la rigueur de l’utilisation d’un protocole en trois temps, tout en étant moins confrontant et en
prenant moins de risques de déstabilisation ou de sortie de la fenêtre de tolérance.
Dans les cas où les événements traumatiques ont débuté dès le plus jeune âge
et ont particulièrement touché les figures d’attachement, des symptômes de
dissociation viennent complexifier un tableau déjà bien complexe. Des
phénomènes de déréalisation, de dépersonnalisation, d’amnésie et de
mauvaise tolérance à l’affect, perturbent fortement la prise en charge
psychothérapeutique et l’application d’un protocole EMDR standard
classique en trois temps, où sont retraités d’abord le souvenir source, les
souvenirs du passé, puis les déclencheurs et ensuite les scénarios du futur.
TEST DE L’ANAMNESE :
« Est-ce que la personne est en mesure de parler de son histoire sans basculer malgré elle dans le trauma ? »
L’inversion de l’approche EMDR standard en trois temps passé présent futur en une approche futur présent passé, tout en
conservant la rigueur de la pensée TAI s’avère être une stratégie de traitement précieuse pour prendre en charge les
traumatismes complexes en EMDR.
Ce ciblage s’avère protecteur et soutenant, tout autant qu’efficace.
L’utilisation du Protocole Inversé nécessite l’utilisation et l’intégration de techniques d’absorption, de stabilisation,
d’oscillation dans le protocole standard EMDR pour favoriser un retraitement efficace qui rime avec sécurité.
Il s’agit d’un protocole très complet, structuré mais souple dans son utilisation, qui permet de prendre en compte les peurs
émergeantes, la diminution des symptômes à travers les déclencheurs de la vie quotidienne, et l’abord en douceur et en
sécurité des cibles traumatiques du passé.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 3 « Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources ».
Un défi en psychothérapie
Emmanuel Augeraud
L’accompagnement des sujets présentant des troubles de la personnalité (TP) est un défi pour le psychothérapeute. En effet,
celui-ci est considéré comme difficile, long et complexe. Pourtant la psychothérapie en est le traitement central.
Dans la littérature médico-psychologique c’est surtout le trouble de la personnalité borderline ou état limite qui fait l’objet
de plus d’études avec des thérapies validées cognitivo-comportementales et psychodynamiques (Cristea et al., 2017)
comme :
la thérapie comportementale dialectique de Linehan
la thérapie cognitive de Beck
la thérapie des schémas de Young
la psychothérapie centrée sur le transfert de Kenberg
la thérapie basée sur la mentalisation de Fonagy
À notre connaissance, en dehors de la thérapie des schémas et de la thérapie cognitive il n’y a pas de recherche validée
pour les autres TP.
Quant à la thérapie EMDR, elle est indiquée pour les TP mais n’a pas fait l’objet d’étude contrôlée.
Après un bref rappel sur ce que sont les TP en psychiatrie et leurs origines, ce chapitre abordera comment l’EMDR peut
contribuer à traiter ces troubles en s’appuyant sur le modèle de Traitement Adaptatif de l’Information (TAI) ainsi que sur
d’autres modèles. Nous y adjoindrons des vignettes cliniques pour illustrer notre propos.
▶ Définition
▶ Origine
Les facteurs génétiques sous-jacent à ces troubles n’ont pas encore été
identifiés par la recherche.
Il n’en reste pas moins que ce sont les premières relations du nouveau-né
avec ses parents, sa mère le plus souvent, qui vont poser les bases de sa
personnalité modifiée au cours de son développement par son environnement
relationnel (Sutter-Dallay, 2009). Bien entendu, toutes perturbations
d’attachement dans le développement de cet enfant en devenir le rendront
vulnérable à des troubles de la personnalité et autres psychopathologies
(Schore, 1994).
Il n’y a pas que les troubles de l’attachement qui peuvent modifier la
personnalité d’un individu. Il y a aussi les traumatismes, les négligences, les
carences et autres abus dans l’enfance (Felitti, 1994) ainsi que les
dysfonctions familiales dans son développement (Cohen, 2001).
Ainsi, il semble actuellement que l’origine « traumatique », entre autres, des
troubles de la personnalité fasse consensus. La psychothérapie EMDR a donc
sa place dans l’accompagnement des TP.
Certains auteurs EMDR (Mosquera et al., 2011) représentent l’origine des
troubles de la personnalité selon un graphique à trois cercles (cf. figure 25.1).
Chaque cercle correspond à l’importance des facteurs étiologiques du sujet
atteint d’une personnalité pathologique. Il nous semble important de
reproduire ce type graphique car, issu de l’histoire singulière de chaque
patient, il peut servir de base psychoéducative et il guide le psychothérapeute
dans son programme de soin.
Figure 1. Origines des troubles de la personnalité selon Mosquera et al., (2011)
La thérapie des schémas (Young, 2003) est centrée sur les notions de
schémas précoces inadaptés et de stratégies précoces qui sont à la base de la
construction de la personnalité et donc des troubles de la personnalité.
À partir de l’interaction entre tempérament, besoins affectifs fondamentaux
relationnels (excès ou déficits), dont le besoin d’attachement, et des
expériences de vie précoces (traumatisations, victimisations et introjections
de personnes significatives (parentales ou non) s’engramment des
représentations mentales appelées schémas précoces concernant soi-même et
le monde.
Young a fait évoluer la thérapie des schémas pour traiter notamment les
troubles de la personnalité vers la notion de modes de schémas ou modes.
Ceux-ci sont des états du moi ou facettes de la personnalité séparées par une
dissociation au sens de Janet et repris par Van der Hart dans la dissociation
structurelle de la personnalité (Van der Hart et al., 2006).
Young définit le mode comme un ensemble de schémas (vulnérabilité) et ou
de stratégies d’adaptation (défenses) à un moment donné, c’est-à-dire un état
émotionnel associé à un comportement et une pensée (cognition négative en
EMDR) latent, inconscient et déclenché par un événement de la vie
quotidienne du sujet ressemblant à un événement du passé. On peut donc dire
en terme TAI que le mode est un souvenir, ou mieux une information, intéro-
et extéroceptive (fait d’émotion, de sensation, de cognition négative et de
perception sensorielle (image) dysfonctionnellement stockée dans un réseau
neurobiologique.
Young distingue plusieurs modes :
infantile caractérisé par une émotion (honte, colère, tristesse ou peur),
expression des systèmes émotionnels innés de Panksepp (1998). Ces
modes enfants correspondent à la vulnérabilité de la personnalité ;
stratégique de défense ou d’adaptation (actions) que sont la fuite, la
sidération ou l’attaque (Porges, 2011) respectivement stratégies précoces
d’évitement, de soumission ou de compensation ;
malveillant correspondant à des introjects de figures significatives (parents
le plus souvent). En raison des mécanismes de l’attachement (Bowlby,
1969/1982), l’enfant « copie » le fonctionnement du donneur de soins pour
l’intégrer dans sa personnalité ;
sain qui est le sujet normal dans son fonctionnement au travail, dans ses
relations interpersonnelles etc. C’est ce mode que le thérapeute cherche à
développer chez son patient.
Modèle TAI et modes de schéma se superposent.
▶ Étape 1 : stabilisation
▶ Étape 3 : réintégration/réhabilitation
Nous avons tous des modes et nous les contrôlons à travers le mode adulte
sain. À l’étape 1 l’adulte sain apprend à s’autoréguler par « modeling »
notamment du thérapeute. À l’étape 2 il objective des « actes de triomphe »
(expression de Janet) et à l’étape 3 nous l’aidons à travailler l’intégration des
différents modes et la réhabilitation. C’est-à-dire vivre une nouvelle vie. Une
vie sans défense rigide (ce qui était utile dans le passé ne l’est plus), une vie
pleine de sens orientée vers ce qui est important, ses propres valeurs et
aspirations.
Le thérapeute doit bien comprendre que cette étape ne vise plus une
rémission symptomatique mais bien une rémission fonctionnelle dans les
domaines relationnels interpersonnels, familiaux et de l’intimité. Ceci est
possible parce qu’il existe un continuum entre dissociation et intégration et
entre attachement désorganisé et attachement sécure.
La vignette clinique suivante décrit brièvement cette phase de réhabilitation
psycho sociale.
Christophe
Christophe âgé de 26 ans présente un trouble schizotypique de la personnalité, associé à un trouble obsessionnel
compulsif (TOC) invalidant comorbide d’addiction à l’alcool, aux benzodiazépines et de dépendance au tabac. Violenté
et séquestré par son père qu’il appelle son géniteur il vit actuellement dans la région paloise avec sa mère et sa petite
sœur de 15 ans sa cadette (ont fui la région de Nice).
Après un long travail d’un an et demi de « modeling » de son adulte sain (étape 1) émaillé d’hospitalisation de sevrage
de son trouble de l’usage à l’égard de l’alcool et de benzodiazépines (protecteur détaché selon la théorie de Young), de
travail EMDR (étape 2) avec son mode enfant vulnérable, Christophe obtient une vie qui lui convient. En effet, il ne
consomme plus aucune substance psycho active, il est sevré de benzodiazépine et ne prend plus d’antipsychotique.
Aussi, grâce au travail de l’étape 3, il a une relation (sa première) stable avec une compagne, il travaille comme
manutentionnaire dans une jardinerie et suis une formation par correspondance dans le domaine de la sociologie, il
s’occupe de sa sœur comme un grand frère (il n’agit plus comme le protecteur contre « le géniteur »)… Il garde
néanmoins quelques symptômes de trouble obsessionnel compulsif devenu egodystonique avec obsession de malheur et
compulsions de vérification qui ne lui prennent seulement que quelques minutes par jour et ne le handicape plus…
Nous avons essayé de montrer qu’avec l’EMDR et son modèle (TAI) associé à d’autres théories et modèles, il était
possible de traiter les troubles de la personnalité.
L’accompagnement psychothérapeutique des troubles de la personnalité n’obéit donc pas à un protocole. Il laisse au
thérapeute EMDR beaucoup de créativité en respectant certaines règles issues de l’expérience clinique et exposées dans ce
chapitre.
Enfin, notre pratique psychothérapeutique et nos lectures nous amènent à penser que grâce à l’EMDR il serait possible de
prévenir les troubles de la personnalité. Comment ? En intervenant tôt, dès l’enfance, pour réduire les conséquences
traumatiques ou vécues comme telles par l’enfant et en aidant les donneurs de soins, notamment les parents.
BIBLIOGRAPHIE
La psychose était encore considérée comme une contre-indication à la psychothérapie EMDR il y a une dizaine d’années.
Sont apparues ensuite les premières études indiquant que les patients atteints de troubles psychotiques peuvent être pris en
charge en EMDR sans nécessiter d’adaptation aux procédures standard. Aujourd’hui, plusieurs conceptions du traitement
EMDR des troubles psychotiques sont préconisées, certaines favorisant une approche standard doublée d’une expérience
auprès de cette population, d’autres s’appuyant davantage sur la compréhension des relations entre la psychose, la
dissociation et le psychotraumatisme.
PSYCHOSE ET DISSOCIATION
▶ Dissociation
C’est au XIXe siècle qu’un sens psychologique a d’abord été attribué au terme
dissociation, notamment par Janet (qui employait également désagrégation),
afin de désigner une division de la personnalité. Pour Janet, cet état de
désagrégation se produit lorsque :
« […] la puissance de synthèse psychique est affaiblie et laisse échapper, en dehors de la
perception personnelle, un nombre plus ou moins considérable de phénomènes psychologiques »
(Janet, 1889).
▶ Psychose
PSYCHOSE ET TRAUMA
▶ Le trauma de la psychose
La plupart des études publiées portent sur l’utilisation des procédures EMDR
standard dans la prise en charge d’individus atteints de troubles psychotiques.
Ainsi, en 2012, Van den Berg et Van der Gaag (2012) ont montré que l’état
de stress post-traumatique pouvait être traité en EMDR chez des patients
psychotiques sans apporter de modification aux procédures standard. Cette
prise en charge a produit des effets positifs sur les hallucinations auditives
verbales (voix), les idées délirantes, les symptômes anxieux et dépressifs, et
l’estime de soi.
L'année suivante, un essai de faisabilité a évalué l’efficacité et l’innocuité de
deux formes de prise en charge psychothérapeutiques centrées sur le trauma,
l’exposition prolongée et l’EMDR, chez des patients atteints d’un ESPT et
d’un trouble psychotique comorbide. Les résultats ont montré l’efficacité
dans les deux types de prise en charge, avec une diminution importante des
symptômes de stress post-traumatique, sans aucune aggravation des
hallucinations, des idées délirantes, de la psychopathologie générale ou du
fonctionnement social (De Bont, Van Minnen et De Jongh, 2013). L’absence
d’exacerbation des symptômes et d’événements indésirables a été confirmée
dans une autre étude par Van den Berg et al. (2015).
Croes et Staring (2014) ont plutôt ciblé l’imagerie psychotique qui est
devenue moins vive et moins chargée émotionnellement. De plus, ces
patients pris en charge par l’EMDR ont rapporté une diminution de leurs
symptômes anxieux, dépressifs et psychotiques, une réduction de leurs
comportements d’évitement, ainsi qu’une plus grande clarté cognitive.
Dans leur étude de cas portant sur quatre patients psychotiques, Laugharne,
Marshall, Laugharne et Hassard (2014) ont décrit un maintien de
l’amélioration des symptômes d’ESPT lors du suivi après trois et six ans.
Van Minnen et ses collègues (2016) ont confirmé que les patients
psychotiques présentant un ESPT peuvent tirer bénéfice d’une prise en
charge standard en EMDR de leurs expériences traumatiques. De plus, ils ont
observé que les effets étaient particulièrement marqués chez les individus
correspondant à la sous-catégorie dissociative de l’ESPT (introduite dans le
DSM-V).
Une méta-analyse récente (Sin et Spain, 2017), portant sur cinq essais
randomisés contrôlés, a conclu que les prises en charge psychothérapeutiques
centrées sur le trauma, y compris la thérapie EMDR, sont efficaces dans la
réduction des pensées et images intrusives, des croyances négatives associées
aux souvenirs traumatiques, de l’hypervigilance et de l’évitement.
Tant la recherche que les témoignages cliniques montrent que la psychothérapie EMDR est tout à fait possible et même
indiquée dans la prise en charge des troubles psychotiques, dont la schizophrénie. Sur le plan scientifique, les liens entre
psychose, trauma et dissociation doivent encore être clarifiés, notamment en ce qui concerne l’existence d’une sous-
catégorie dissociative de la schizophrénie. Pour le clinicien expérimenté dans la prise en charge des troubles psychotiques,
il est à retenir que l’EMDR ne présente pas plus de risque dans cette population que dans les autres. Seule la spécificité de
chaque tableau clinique individuel et des antécédents associés pourra guider le thérapeute dans la formulation de son plan
de prise en charge et du choix des adaptations qu’il appliquera ou non aux procédures standards.
BIBLIOGRAPHIE
Dépression et EMDR
La dépression, ou État Dépressif Majeur, est une maladie qui peut impacter tous les âges, toutes les catégories socio-
professionnelles, toutes les personnes à travers le monde.
D’intensité légère, modérée à grave, elle peut se présenter seule, mais s’accompagne souvent d’autres pathologies, et peut
intervenir de manière récurrente et chronique.
Les symptômes dépressifs chez nos patients sont courants et nécessitent une prise en charge particulière qui prend en
compte les spécificités de ces troubles, les traitements médicamenteux et des risques suicidaires qui peuvent être associés.
La thérapie EMDR, par ses exercices de stabilisation et de restructuration cognitive, apparaît comme une forme de prise en
charge tout à fait adaptée à cette pathologie complexe.
LA DÉPRESSION
▶ Qu’est-ce que la dépression ?
▶ Anamnèse rigoureuse
Protocole standard
Toutefois, si le présent est trop stressant ou que le patient n’est pas assez
stable, alors l’utilisation du protocole inversé (Hofmann, 2009) est
recommandée. Il s’agira activer en premier lieu des réseaux de ressources
(sentiment positif que le patient peut ressentir dans son corps) puis se centrer
sur les problèmes potentiels des jours à venir (futur) et le présent, avant de
travailler sur le passé récent puis lointain.
Modèle développemental stratégique
Les cibles doivent être négociées entre le thérapeute et le patient puis traitées
avec le protocole EMDR standard. Si des cognitions négatives ou des
perturbations persistent alors il faut faire du tissage cognitif. Ce tissage doit
permettre de développer une interaction imaginaire entre le soi enfant et le soi
adulte du patient (pour aider le patient à reconnaitre qu’il n’est plus un enfant
fragile et vulnérable mais un adulte et restaurer la relation entre ses 2
perspectives de soi).
Protocole DeprEnd
La dépression est un trouble mental fréquent qui affecte une grande partie de la population mondiale. Aussi il est important
d’ouvrir sur de nouvelles prises en charge comme l’EMDR. En effet, la recherche tend à montrer que l’EMDR est un outil
additionnel efficace à la prise en charge classique de la dépression. Le traitement d’événements déclencheurs de la
dépression comme des pertes, des rejets, des humiliations semble améliorer le taux de rémission complète et réduire le taux
de rechute.
En fonction du degré de stabilité du patient et de son histoire de vie, l’EMDR peut être mis en œuvre via le protocole
standard, le protocole inversé ou le protocole DeprEnd.
BIBLIOGRAPHIE
BECK, F. & GUIGNARD, R. (2012), « Enquête de l’INPES : La dépression en
France (2005-2010) : prévalence, recours au soin et sentiment
d’information de la population », La santé de l’homme - n° 421,
septembre-octobre.
BAE, H., KIM, D., & PARK, Y.C. (2008), « Eye movement desensitization and
reprocessing for adolescent depression », Psychiatry Investigation., 5, 60-
65.
DE JONGH, A., HOLMSHAW, M., CARSWELL, W. & VAN WIJK, A. (2010).
« Usefulness of a Trauma-Focused Treatment Approach for Travel
Phobia », Clinical Psychology and Psychotherapy, Published online in
Wiley InterScience (www.interscience.wiley.com). DOI : 10.1002/cpp.680
GREY, E. & MORROW, R. (2011, September), « Human neuro-ecology :
Attachement, survival, and reflexes in couples », Présentation au congrès
annuel de l’American Association of marriage and family therapists, Fort
Worth, Texas, Etats-Unis.
HASE, M., BALMACEDA, U.M., HASE, A., LEHNUNG, M., TUMANI, V.,
HUCHZERMEIER & HOFMANN, A. (2015), « Eye movement desensitization
and reprocessing (EMDR) therapy in the treatment of depression : a
matched pairs study in an impatient setting », Brain and Behavior.
HYDE, C.L, NAGLE, M.W., TIAN, C., CHEN, X., PACIGA, S.A., WENDLAND,
J.R., TUNG, J.Y., HINDS, D.A., PERLIS, R.H., & WINSLOW, A.R. (2016).
« Identification of 15 genetic loci associated with risk of major depression
in individuals of European descent. » Nature Genetics, 48, 9.
doi:10.1038/ng.3623.
HOFMANN, A. (2009). « The inverted EMDR standard protocol for unstable
complex posttraumatic stress disorder », In M. Luber (ED.), EMDR
scripted protocols. Special populations, New York, NY : Springer, pp.
313-328.
HOFMANN, A., HASE, M., LIEBERMANN, P., OSTACOLI, L., LEHNUNG, M., EBNER,
F., ROST, C., LUBER, M., & TUMANI, V. (2016). « DeprEnd – EMDR therapy
protocol for the treatment of depressive disorders ». In M. Luber
(Ed.), Eye movement desensitization and reprocessing (EMDR) therapy
scripted protocols and summary sheets: Treating anxiety, obsessive-
compulsive, and mood-related conditions (pp. 290-311). New York, NY:
Springer Publishing Co
HOFMANN, A., HILGERS, A., LEHNUNG, M., LIEBERMANN, P., OSTACOLI, L.,
SCHNEIDER, W., & HASE, M. (2014), « Eye movement desensitization and
reprocessing as an Adjunctive treatement of Unipolar Depression : A
controlled study », Journal of EMDR Practice and Research, 8, 3, 103-
111.
KENDLER, K.S., HETTEMA, J.M., BUTERA, F., GARDNER, C.O., & PRESCOTT, C.A.
(2003), « Life event dimensions of loss, humiliation, Entrapment, and
danger in prediction of onsets of major depression and generalized
anxiety », Arch Gen Psychiatry (American Medical Association), 60, 789-
796.
KITCHUR, M. (2005), «The strategic developmental model for EMDR », In R.
Shapiro (Ed.), EMDR solutions : Pathways to healing, New York, NY :
Norton, pp. 8-56.
KNIPE, J. (2009), « “Shame is my safe place” : Adaptative information
processing methods of resolvins chronic shame-based depression», In R.
Shapiro (Ed.), EMDR solutions II : Depression, eating disorders,
performance, and more, New York, NY : Norton pp. 49-89.
KORN DL & LEEDS AM (2002, december). « Preliminary evidence of efficacy
for EMDR resource development and installation in the stabilization phase
of treatment of complex posttraumatic stress disorder », Journal of
Clinical Psychology, 58(12), 1465-87.
NANNI, V., UHER, R., & DANESE, A. (2012), « Childhood maltreatment predicts
unfavorable cause of illness and treatment outcome in depression : A
meta-analysis », American Journal of Psychiatry, 169, 141 - 151.
OSTACOLI, L., CARLETTO S., CAVALLO, M., BALDOMIR-GAGO, P., DI LORENZO, G.,
FERNANDEZ, I., HASE, M., JUSTO-ALONSO, A., LEHNUNG, M., MIGLIARETTI, G.,
OLIVA, F., PAGANI, M., RECAREY-EIRIS, S., TORTA, R., TUMANI, V., GONZALEZ-
VAZQUEZ, A. I. & HOFMANN, A. (2018), « Comparison of eye movement
desensitization reprocessing (EMDR) and Cognitive-Behavioural therapy
(CBT) as adjunctive treatments for Recurrent depression : The European
depression EMDR Network (EDEN) Randomized Controlled Trial »,
Journal Frontiers en Psychology, 9, 3, 74.
SHAPIRO, R., HOFMANN, A., & GREY, E. (2013), « Case consultation :
Unremitting depression », Journal of EMDR practice and research, 7, 1,
39-44.
STEELE, A. (2007). Developing a secure self : An attachment-based approach
to adult psychotherapy (2e ed.) Téléchargé depuis http://www.april-
steele.ca/
TEICHER, M.H., SAMSON, J.A., POLCARI, A. & ANDERSEN, S.L. (2009), « Length
of time between onset of childhood sexual abuse and emergence of
depression in a young adult sample : a retrospective clinical report »,
Journal of Clinical Psychiatry, 7, e1-e8.
WHO (2017). Depression and Other Common Mental Disorders: Global
Health Estimates. Geneva: World Health Organization.
WOOD, E. & RICKETTS, T. (2013), « Is EMDR an evidenced-based treatment
for depression ? A review of the literature », Journal of EMDR practice
and research, 7, 4, 225-235.
Chapitre 28
Depuis sa création en 1987, l’EMDR bénéficie de nombreux développements, et s’est enrichie d’autres pratiques qui
permettent d’envisager le traitement d’autres problématiques ou pathologies avec succès (Regourd-Laizeau, 2013). Parmi
celles-ci, le courant de la psychologie positive englobe les théories et les recherches sur ce qui rend la vie plus digne d'être
vécue (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000) et constitue une perspective d'enrichissement de la thérapie EMDR.
LA PSYCHOLOGIE POSITIVE
Les travaux de Korn & Leeds (2002), Popky (2005), McKelvey, (2009),
Regourd-Laizeau, Martin-Krumm & Tarquinio (2012) présentés ci-dessous
représentent les premières contributions publiées. Certains autres protocoles
de ce courant figurent dans le chapitre 29 « EMDR et coaching ». Une
perspective intéressante d’intégration de l’EMDR à la psychothérapie
positive sera abordée en dernier lieu avec le protocole EMDR du Tournesol.
1) État-ressource intérieur
« Rappelez-vous un moment où vous vous sentiez plein de ressources, fort, maître de vous-même et centrez-vous sur ces
expériences et ces émotions. »
Renvoyez au client ce qu’il dit : ce qu’il voit, ce qu’il entend, les odeurs, les goûts éventuels, tout en faisant des
stimulations bilatérales pour le maintenir dans ces sentiments positifs
S'appuyant sur les dernières études des psychologues et sur des recherches
exhaustives en philosophie, théologie ou en anthropologie, Emmons (2010)
montre que la pratique de la reconnaissance est une composante essentielle
du bonheur et propose une série d'outils, des plus simples aux plus insolites,
comme tenir un « journal de gratitude », initier un cycle « donner et
recevoir », et même associer rythme cardiaque et « rythme de la gratitude »
pour tester ses manifestations bénéfiques dans notre corps. Wood, Maltby,
Gillett, Linley & Joseph (2007) montrent d'ailleurs que la gratitude diminue
le stress et la dépression et augmente le bien-être. Alexandre Jollien qui
préface l'ouvrage d'Emmons 2010 précise que « le bonheur est un état d'esprit
et la gratitude est l'un de ses joyeux exercices. » Parmi ces joyeux exercices,
McKelvey (2009) en décrit quatre qui seront intégrés à l'EMDR ou non.
La liste de gratitude : Le client doit consacrer 3 à 5 mn de son temps, au
minimum 4 fois par semaine, pour inscrire sur une feuille de papier 10
aspects de sa vie pour lesquelles il éprouve de la gratitude. La liste
rédigée, il est invité à effectuer sur lui-même pendant 4 à 5 mn la
stimulation bilatérale alternée dite « technique du papillon » en savourant
chaque élément de la liste.
La lettre de gratitude : Le client est chargé de rédiger une lettre de
gratitude envers une personne, pour une action qu'elle a eue au cours de sa
vie, même lointaine. On installe avec les stimulations bilatérales alternées
lentes la gratitude qui émerge de cette lettre.
Les trois bénédictions nocturnes : Chaque soir au coucher, le client est
invité à repenser aux événements de la journée puis à répondre par écrit à
la question : « Qu’est ce qui est arrivé de bien aujourd’hui ? ». Il lui est
demandé de relire régulièrement ce qu’il a écrit pour prendre conscience
des événements positifs de sa vie.
La pratique de la reconnaissance : L’alliance de la gratitude et des
stimulations bilatérales alternées favorisent une conscience plus intense de
l’environnement naturel et humain du client. Cette conscience se traduit
chez ce dernier par une appréciation positive exprimée en termes de
reconnaissance ancrée par le thérapeute au moyen des stimulations
bilatérales alternées.
▶ Psychothérapie positive
Les travaux proposés apportent une grande richesse d’action pour les
praticiens EMDR. D’autres travaux viendront encore élargir la
potentialisation que produit l’EMDR dans son aspect « reprocessing », même
si le processus d’action ne semble pas le même que celui de la
désensibilisation. Nul doute que ces deux aspects soient nécessaires sur le
continuum du bien-être de la psychologie intégrant à la fois la psychologie
telle qu’on la connaît et la psychologie positive. La croissance post-
traumatique pourrait être un angle d’étude particulièrement précieux pour le
praticien EMDR dynamisant la désensibilisation et optimisant le
« reprocessing ».
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. L'Objectif Positif (OP) ne signifie pas nécessairement l'abstinence pour un toxicomane ou un
alcoolique. Il a pour objectif d’aider le client à se créer une image claire de lui-même quand il aura
réussi, s'il fonctionne à plein, ayant atteint son but. On exprime l'OP en termes positifs, en le liant à des
éléments de temps (dans un avenir assez proche), comme un objectif raisonnable, réalisable, et qui
décrit dans les mots du client son succès et son fonctionnement complet. On l'exprimera de façon à le
rendre attrayant, attirant, irrésistible.
2. La technique du papillon issue de l’EMDR est une stimulation bilatérale alternée que le patient peut
effectuer seul. Il suffit de croiser les bras sur la poitrine, de sorte qu’avec les doigts de chaque main, il
soit possible de toucher la zone qui se trouve entre la clavicule et l'épaule opposées et d’effectuer des
tapotements de façon lente et régulière.
Chapitre 29
EMDR et coaching
La première publication sur le coaching date de 1937, et depuis, les publications augmentent de façon exponentielle (Grant,
2011). Afin d’être précis, il convient de définir l’articulation entre psychologie et coaching. Le praticien EMDR pourrait
utiliser de nombreux outils et protocoles EMDR présentés ci-après afin de renforcer sa pratique en coaching et/ou en
psychologie. Les différents protocoles EMDR pourront s’intégrer et s’articuler dans une démarche de coaching tout en
tenant compte des précautions nécessaires au niveau de la posture et de l’éthique.
DÉFINITION
Bien que les définitions de coaching varient, la plupart suppose une relation
de collaboration entre le coach et le coaché dans le but d'atteindre les résultats
de développement professionnel ou personnel qui sont évalués par le coaché
(Spence et Grant, 2007). En règle générale, les objectifs de coaching sont
fixés afin de développer les capacités d’un individu ou sa performance
actuelle. En substance, le processus de coaching facilite l'atteinte des
objectifs en aidant les individus à :
1. identifier les résultats souhaités ;
2. établir des objectifs spécifiques ;
3. renforcer la motivation en identifiant les forces et le renforcement d’auto-
efficacité ;
4. identifier les ressources et à formuler des plans d'action spécifiques ;
5. surveiller et évaluer les progrès vers les objectifs ;
6. et modifier les plans d'action en fonction des feedback (Grant, Passmore,
Cavananagh et Parker, 2010). En comparaison avec la psychothérapie, on
note plusieurs différences importantes que nous allons évoquer
partiellement.
Le lien entre le thérapeute et le patient est une relation asymétrique. En effet,
le plus souvent, le thérapeute est censé avoir les réponses alors que dans le
coaching, le coach aide le client à découvrir ses propres réponses dans une
relation d’égalité et un partenariat créatif. Le thérapeute s’intéresse
généralement au passé qui a conduit à la situation dysfonctionnelle alors que
le coach s’intéresse au présent et cherche comment aller vers un futur plus
agréable. D’autre part, en coaching, la croissance et les progrès sont rapides
et la démarche généralement agréable alors qu’en thérapie les progrès sont
lents et la démarche délicate. Ces différences peuvent conduire l’individu à
choisir un coaching ou une thérapie en fonction de ses attentes et craintes. Le
schéma ci-dessous reprend les différences entre consulting, coaching et
thérapie (Kauffman & Coutu, 2009). On observe un chevauchement sur
certaines compétences communes au coaching et à la thérapie.
Le triangle d’appui est composé de la gestion des Émotions qui concerne la capacité de l’individu à se mettre dans la bonne
émotion et à gérer l’anxiété ou le stress, l’Énergie qui concerne la capacité à gérer le relâchement, et développer cette
aptitude pour mieux récupérer et l’Estime de soi qui permet de développer une vision positive de soi. Les 2e et 3e niveaux
s’intéressent à la motivation et la confiance. La concentration représente l’étage de l’action performante, avec ses trois
temps : explorer le passé, réussir l’action au présent, et programmer le futur. Vient ensuite la communication qui dépend de
la performance mentale individuelle.
Histoire du client
Image de l’autorité ? Contrôle perçu au travail ou dans le couple. Fonctionnement scolaire par rapport aux parents, aux
professeurs. Personne qui réussissait dans la famille ? Expérience de l’échec
Sélection de la cible de travail
Le problème présenté peut être un sujet courant, une situation professionnelle ou une situation dans la recherche de
performance du client :
« Qu’est-ce qui vous préoccupe maintenant dans votre travail/dans votre musique/art/sport ? »
« Quelle image représente le défi que vous avez actuellement au travail (ou la perspective du début) pour fonctionner
mieux ? »
« Quels mots vont le mieux avec cette image et expriment la croyance négative que vous avez maintenant ? »
« Quand vous amenez cette image (liée au travail, l'art, le spectacle ou le sport), que voudriez-vous penser de vous
maintenant ?
Élaboration d'un lieu sûr
« Imaginez un endroit réel ou virtuel, dans lequel vous vous sentez protégé, tranquille et paisible. Notez l'émotion et les
sensations physiques quand vous vous imaginez dans ce lieu. Pensez maintenant à comment vous pourriez prendre une ou
deux minutes d'un jour de travail intense pour recréer ce lieu sûr et ressentir ce sentiment de bien-être. Imaginez-vous
pensant à ce lieu sûr alors que vous êtes sur votre lieu de travail. »
Création du coach Intérieur
« Imaginez une personne réelle ou virtuelle qui peut être une ressource intérieure pour vous, comme un coach intérieur. Il
peut être une partie de vous, comme votre Soi ou votre sagesse intérieure. Imaginez la voix de cette personne réelle ou
virtuelle, vous calmant quand vous vous sentez mal ou frustré, qui vous rappelle vos forces, talents et vos qualités
positives. »
Création d'une équipe Intérieure de support
« Imaginez ce coach intérieur et d'autres personnes qui vous soutiennent et vous encouragent, comme une équipe
intérieure, comme une partie de vous qui vous acclame. Entendez et voyez-les maintenant comme s’ils étaient réellement
autour de vous, avec des encouragements, vous souriant et vous donnant des conseils quand vous en avez besoin. »
Liste des succès
« Pensez à un moment dans le passé où vous vous êtes senti plus puissant, ou vous aviez plus de contrôle. Ou bien, lorsque
vous avez été heureux des résultats que vous avez obtenus. Notez les émotions et les sensations physiques qui viennent
quand vous pensez à ces expériences réussies. Imaginez que vous apportez délibérément ces expériences réussies dans
votre esprit quand vous vous sentez découragé, de façon à changer votre état d'esprit pour qu’il soit encore plus puissant et
positif. »
Lieu mental
« Dans votre esprit, imaginez un espace interne comme une pièce confortable ou un bel espace en plein air, dans lequel
vous pouvez être assis sur votre chaise préférée ou sur l'herbe sous les arbres. Imaginez un grand écran de projection devant
vous sur lesquels vous pouvez vous voir réussissant à faire les choses aussi bien que vous voulez les faire dans l'avenir. »
Désensibilisation
Désensibilisez le malaise actuel jusqu'à ce que le SUD soit égal à 0.
Le but de cette phase est d’avoir accès au lien entre les performances actuelles et le passé ou les déceptions. Ces
connexions apparaissent spontanément, et les mémoires des événements passés deviennent des cibles ultérieures.
Installation
« Imaginez maintenant la position, la qualité de voix, des gestes et le sentiment positif dans votre corps comme lorsque
vous pensez à la situation cible souhaitée. »
Quand le client arrive à imaginer la situation clairement, le praticien l'installe avec les jeux courts de SBA. Pour un effet
maximal, le praticien peut demander au client de se lever et de s’imaginer faisant face à la situation avec les ressources
nécessaires. Le praticien peut alors installer l'expérience réussie imaginée tandis que le praticien et le client sont debout.
Scanner du corps
(idem protocole standard)
Clôture
(idem protocole standard)
Évaluation de la force des associations positives
1. Définir la ressource nécessaire pour atteindre l'objectif : identifier avec le client un problème douloureux, un
sentiment ou un défi dans sa vie actuelle ou ce qui est le plus pénible actuellement.
« Quel est le problème qui est le plus pénible dans votre vie au quotidien ? Quelle partie de ce problème est le plus
difficile pour vous ? À quel moment vous sentez-vous découragé par ce problème ? »
2. Rechercher une ressource potentiellement aidante : demander au client d'imaginer le type de ressources dont il
aurait besoin, comment il aimerait se sentir ? : « Quelle force intérieure, ressource ou aptitude pourrait vous aider à ne
pas vous sentir si mal ? démoralisé ? impuissant ? »
Si c'est trop abstrait, demander : « De quel sentiment ou conviction auriez-vous besoin pour être en mesure de
(objectif de la ressource) ?
3. Développer la ressource : demander au client d'imaginer comment il se sentirait ou à quoi cela ressemblerait d'avoir
cette ressource à l'intérieur du corps et de l'esprit ?
Utiliser des images et des phrases pour stimuler la créativité et l'imagination du client : « Si vous vous réveillez chaque
matin avec cette ressource, qu'est ce qui serait différent ? Comment commenceriez-vous la journée ? » Ou « Si vous
aviez cette ressource dans chaque cellule de votre corps, comment ça serait ? »
4. Élaboration de la ressource : travailler ensemble les images proposées par le client : « si vous vous sentez plus
(ressources)qu'est-ce qui se passerait ? Quelle serait la prochaine étape ? »
Lier les images avec les sensations physiques, les cognitions, et les sentiments : « quand vous vous imaginez capable
de ressentir cela et de faire (image), qu'est ce qui se passe dans votre corps ? Comment le ressentez-vous ? Remarquez
comme vos pensées évoluent lorsque vous avez cette ressource disponible en vous ? »
Créer des mini-objectifs : « Imaginez-vous aller au travail avec cette ressource disponible en vous. Imaginez comme
vous affrontez (la situation de défi) avec cette ressource intégrée dans chacune de vos cellules. » Lorsque le client a
élaboré la ressource et a des sensations positives et des émotions connectées, la ressource peut être installée.
5. Installation de la ressource : revenir sur les images significatives et les phrases associées, les évoquer en y associant
la ressource. « Encore une fois, imaginez que vous possédez vraiment cette ressource, autorisez-vous à sentir encore
plus de (ressource). Notez les sensations dans votre corps qui vont avec cette ressource. »
Relier l'image du motet les sensations corporelles. Séquences courtes de SBA.
Relier le mot et les images : « avec la ressource à l'intérieur, vous vous sentez de plus en plus calme, et tranquille,
continuez avec ça. » SBA
Continuer le processus d'installation jusqu’à ce qu'un état positif soit atteint de façon consistante.
Quand l'état positif est installé, il peut être testé en utilisant des situations de défi d'un niveau moyen.
6. Gérer les intrusions négatives : lorsque le client rapporte des manifestations négatives ou intrusives (sentiments,
pensées, sensations), ces dernières peuvent être réinterprétées comme un défi et pourront permettre de tester le lien
avec la ressource.
Cibler les pensées intrusives en utilisant les mots du client et en lui demandant de les localiser dans son corps.
Si après plusieurs essais, les pensées intrusives se maintiennent, arrêter les stimulations bilatérales alternées et utiliser
des ressources de psychoéducation : besoin de prendre du temps, difficulté à faire confiance à des sentiments positifs,
besoin de plusieurs ressources pour gérer la situation de défi ou le matériel post-traumatique. Lors de séances
ultérieures, faire des séances plus courtes sinon les manifestations négatives peuvent s'aggraver.
7. Résumé et renforcement : revenir sur l'expérience émotionnelle et somatique quand on imagine avoir la ressource.
Demander au client d'imaginer un symbole, une image, un mot, ou un mantra qui pourrait l'aider à contacter la
ressource chaque fois qu'il en a besoin au cours de la journée.
Relier les images de la ressource avec le symbole ou le mantra et installer à l'aide de courtes séries de stimulations
bilatérales.
Encourager le client à penser à l'image ou au mantra fréquemment et à utiliser des indices de rappel visuels ou écrits
dans son environnement pour lui rappeler de le faire.
8. Renforcement de la ressource dans le temps : lors des sessions ultérieures : « Comment ça se passe lorsque vous
utilisez l'image [ou le mantra] pour vous connecter à la ressource ? » ; « Lors de situations délicates, avez-vous
essayé d'accéder à vos ressources pour vous sentir moins dépassé ? »
Rappel : si le client possède peu de ressources ou a des affects négatifs, lui demander de pratiquer régulièrement
l'utilisation des ressources. Si le client présente des difficultés, diminuer la quantité de défi ou augmenter la ressource :
ajouter des ressources supplémentaires nouvelles ou déjà installées à la situation future. Évaluer régulièrement la part
des ressources intégrées à chaque séance de thérapie : les imaginer comme des « alliées » thérapeutiques pour le client
et le thérapeute.
9. Aider le client à généraliser l'utilisation des ressources : pour les clients qui ont eu peu d'expériences de maîtrise ou
de sécurité ou un sentiment de ressources, apprendre à généraliser les ressources nouvellement développées est une
partie essentielle du traitement.
Utiliser la psychoéducation pour apprendre au client comment, quand utiliser les ressources dans la vie quotidienne :
pour anticiper les événements stressants et les défis quotidiens, lorsqu'il est stimulé par un déclencheur, lorsqu'il est
anxieux ou dépassé, etc.
Les pensées intrusives doivent être anticipées et gérées (section 6).
Pour les patients très instables, l'utilisation de la stimulation bilatérale continue est utile afin d’augmenter leur fenêtre
de tolérance. La stimulation continue fournit un moyen d'installer la parole, la résolution de problèmes, et les éléments
de psychoéducation utiles pour la thérapie.
CONCLUSION
Comme nous l’avons vu, les principes de coaching peuvent être intégrés à la
pratique du psychologue qui pourra utiliser l’EMDR pour traiter les
« blocages » liés à des traumatismes psychiques non assimilés, et renforcer
les ressources, développer des potentiels afin de permettre au client d’aller
vers l’univers des possibles. Il reste à définir si le coach non-psychologue
pourrait avoir accès aux formations EMDR et sous quelles conditions afin
d’offrir des garanties au coaché. Ce chapitre risque de susciter des vocations
de coaches chez les psychologues et cela implique la prise de posture
différente du coach mais aussi de susciter des envies de devenir praticiens
EMDR chez les coaches qui vont avoir à remplir les critères nécessaires.
BIBLIOGRAPHIE
EMDR et culture
Pascale Amara
La thérapie EMDR représente une avancée majeure dans la prise en charge du trouble psychotraumatique. Il fut important
pour Francine Shapiro, portée par un humanisme unanimement reconnu, de diffuser cette thérapie par-delà les frontières
occidentales, afin qu'elle puisse être accessible au plus grand nombre, et notamment auprès de populations vulnérables
exposées à des vécus catastrophiques. Ce fut un défi que l'EMDR a relevé avec succès. Des cliniciens EMDR sont présents
sur tous les continents, en tant qu’humanitaires ou en tant que cliniciens locaux. Dans les pays occidentaux, la
psychothérapie transculturelle a connu ces dernières années un bouleversement du fait de l’afflux de réfugiés, notamment
mineurs, porteurs de faits traumatiques d’une extrême gravité. C’est un défi important pour les cliniciens EMDR
intervenant en structures médico-sociales.
Les cliniciens, chercheurs, et décideurs trouveront dans ce chapitre des clefs pour mieux comprendre et appréhender les
différents enjeux posés par l'utilisation de l’EMDR dans des contextes cliniques interculturels. Après avoir exposé la
philosophie d’intervention des programmes d'assistance humanitaires EMDR, ainsi que les points forts de la thérapie
EMDR qui la rendent adaptables à différents contextes culturels, nous poserons les jalons des fondamentaux à respecter
dans la rencontre interculturelle en santé mentale et spécifiquement dans la prise en charge du psychotrauma. Enfin nous
passerons en revue les spécificités de la thérapie EMDR en contexte interculturel qui seront développées à travers les 8
phases du protocole.
ADAPTABILITÉ DE L’EMDR
Du point de vue du patient, la culture est une médaille à deux faces. Elle peut
agir comme un protecteur intériorisé qui aide le migrant à construire de
nouvelles stratégies d'adaptation. Mais elle peut être tellement enracinée que
sa perte est vécue comme traumatisante, ou qu'elle peut devenir un tyran
intérieur qui empêche de faire les bons choix pour sa survie dans le pays
d'accueil (de Vries et al., 2007).
Dans cette dynamique d'ajustement à la complexité transculturelle,
« l'itinéraire thérapeutique » peut se construire à travers diverses logiques
complémentaires, rituelles et modernes, et vise tout autant la guérison qu’une
attribution satisfaisante de sens, pour le malade, au trouble mental (Baubet et
Moro, 2003).
Ainsi, la dimension transculturelle affecte la prise en charge médico-
psychologique dans toutes ses dimensions, de l’établissement du diagnostic
aux possibilités d’alliance thérapeutique, de l’évaluation des facteurs de stress
et des ressources, à la stratégie thérapeutique (Baubet et al., 2005). La prise
en compte de cette dimension nécessite de la part des soignants « curiosité et
souplesse, capacité de pouvoir mettre en place des dispositifs originaux et
métissés, adaptés au contexte et la capacité à penser à la fois l’universalité du
psychisme et la spécificité culturelle. Un apprentissage de la rencontre. »
(Baubet et Moro, 2003).
Joany Spierings, superviseur EMDR néerlandaise, développe le concept de
« Compétence interculturelle » (Spierings, 1999) : « Une manière structurée
de construire une relation thérapeutique avec des patients de culture
différente, d’installer la confiance et de compenser les différences dans la
façon de gérer l’information et d’exprimer ses émotions. »
Mark Nickerson (2017) propose le modèle ASK pour structurer l’effort des
cliniciens EMDR à développer des compétences de base dans l’interculturel :
A pour attitude (positionnement), S pour skills (compétences) et K pour
knowledge (connaissance), et il note également que cet acronyme simple à
retenir – qui signifie « demander, solliciter » –, invite à la curiosité et
l’humilité qui sont les piliers de l’efficience interculturelle.
Ainsi, la compétence interculturelle s’appuie avant tout sur des qualités
humaines manifestées explicitement : ouverture d’esprit et réel intérêt pour la
culture de l’autre, considération et respect pour les différences culturelles.
Dans la clinique spécifique du psychotrauma, le sujet se représente les
expériences traumatiques en fonction de sa culture et ces représentations
influencent en retour la perception qu'il a du traitement proposé (de Vries et
al., 2007).
En particulier la question du sens du symptôme, étroitement reliée à la
question du sens du trauma, taraude toute victime : « Pourquoi cela
m’arrive ? » Cette question trouve une déclinaison spécifique selon la culture
et la religion de chacun (Spierings, 1999 ; de Vries, 2007), qui va orienter le
vécu de la souffrance psychique ainsi que le positionnement face aux soins.
Pour l’homme occidental athée, l’individu est responsable de son destin,
piégé dans l'illusion qu'il contrôle sa vie. L’événement traumatique vient
briser cette illusion, et la souffrance post-traumatique est une source de
dévalorisation intense. Poussé par cette excessive culpabilité, le patient, de ce
fait, s'engage activement dans son traitement.
Le patient de religion monothéiste s'en remet aux puissances divines : Dieu
ou Allah est responsable de son destin, le fait traumatique est inévitable
puisqu’il était écrit. Par-delà l’atténuation de la culpabilité, la souffrance qui
en découle peut même porter un sens libérateur – je gagne mon paradis à
travers cette souffrance – et susciter soutien et sympathie de la part de la
communauté. Toutefois, la victime résignée endosse une forme de
vulnérabilité face au malheur, et mobilise moins d'énergie pour se battre.
Pour les patients de cultures plus traditionnelles, le destin est influencé voire
déterminé par les forces de la nature, les ancêtres, d’autres influences
(mauvais œil, sorcellerie, envoûtement…), qui cherchent à nuire ou se venger
des transgressions en provoquant l’événement traumatique. Le patient trouve
ainsi un sens à la souffrance, et recherche des rituels de guérison. Toutefois,
il a tendance à vivre dans la crainte continuelle de ces forces toutes
puissantes.
Il apparait donc fondamental que le clinicien se penche, par-delà la culture,
sur le système religieux du patient traumatisé, afin de mieux comprendre ses
limitations, et appréhender et mobiliser ses capacités de résilience.
Cas cliniques – Psychotrauma et croyances religieuses
Par exemple le « Mektoub » des cultures orientales, qui signifie « C’est écrit », représente la fatalité divine qui amène à
supporter stoïquement et solidairement les conséquences psychologiques d’événements traumatiques naturels, comme
les tremblements de terre. A contrario, dans les cultures musulmanes, l’agression sexuelle est une offense indélébile
interprétée comme une faute de la victime voire de la famille toute entière « Allah nous punit pour des fautes à expier »;
les conséquences narcissiques délétères – une honte massive – rejaillissent sur tous les membres de la famille, aggravant
la culpabilité post-traumatique de la victime. Cet aspect est indispensable à prendre en compte par le clinicien qui devra
penser un dispositif systémique dans l’accompagnement du sujet agressé.
Autre exemple de culture plus traditionnelle : Marthe, une jeune gabonaise de 31 ans, pensera que le décès de ses tantes
à quelques semaines d’intervalle, lorsqu’elle avait 15 ans, provient d’un sort jeté par des personnes malfaisantes de la
famille que leurs belles qualités dérangeaient. Envisager de traiter les séquelles traumatiques de ces décès l’amènera à
confronter ses représentations du pouvoir actuel de ces personnes « malfaisantes »; elle peut craindre de contrecarrer ces
pouvoirs occultes, comme elle peut au contraire souhaiter les braver pour s’en affranchir. Le clinicien devra comprendre
le positionnement intime de la patiente pour mieux accompagner le processus de soin.
Comme pour toute thérapie EMDR, mais là plus encore eu égard à la fragilité
du public concerné, il est essentiel avant de démarrer la thérapie EMDR qu’il
y ait un bon niveau de confiance, de compréhension et d’adaptation
réciproques (Spierings, 1999).
▶ Alliance thérapeutique
Exemples de questions basiques permettant à la fois de construire la relation thérapeutique, d’obtenir les repères culturels
du patient, et de relever des éléments cliniques pertinents pour vos hypothèses cliniques (Spierings, 1999) :
Comment explique-t-on votre maladie dans votre pays ?
Comment serait soignée votre maladie dans votre pays ?
S’il y avait un(e) sage de votre famille avec nous, que dirait-il/elle sur votre maladie et sa guérison ?
Comment les hommes/femmes de votre culture expriment-ils/elles : la colère, la honte, la culpabilité, la tristesse, la
peur, le dégoût, la joie ?
Comment pourrais-je reconnaître ces affects dans votre expression ?
▶ Préparation du patient
Cette métaphore peut être utilisée dès la phase 1 pour expliquer le modèle TAI de la thérapie EMDR, mais également en
cours de traitement pour aider le patient à se repérer dans l'avancée de la thérapie.
Voici un exemple d’énonciation de cette métaphore, que l’on accompagne de gestes évocateurs (l’indication des phases
correspondantes du protocole en 8 phases de la thérapie EMDR est uniquement pour la compréhension du lecteur clinicien)
: « Les souvenirs traumatiques ne sont pas rangés comme les autres souvenirs, chacun dans un tiroir de la mémoire ; ces
souvenirs-là sont partout à l’intérieur de vous et vous y repensez tout le temps. La thérapie EMDR ne vous fera pas oublier
les souvenirs – cela n’existe pas -, mais ils pourront être rangés comme les autres dans les tiroirs de la mémoire et on n’y
pense jamais, sauf quand quelque chose nous le rappelle. Voici comment on va faire avec l'EMDR : on ouvre d’abord un
grand tiroir de la mémoire (Phase 2), puis on attrape le souvenir (Phase 3). Ensuite bouger les yeux ou les tapotements
permet de réduire ce souvenir pour le faire rentrer dans le tiroir de la mémoire, et on ferme le tiroir (Phase 4) ; cette étape
est au cœur de la thérapie et peut prendre plus d’1 séance. Ensuite on prépare une belle étiquette où on inscrit quelque
chose de positif sur vous, une pensée choisie par vous qui vous libère de ce mauvais souvenir, et on colle bien fermement
cette étiquette sur le tiroir (Phase 5). Et enfin on vérifie qu’il n’y a plus rien qui dépasse du tiroir (Phase 6). Ce qui fait que
quand quelque chose vous fera penser à ce souvenir, et que vous irez vers ce tiroir, la première chose que vous verrez, c’est
la pensée positive sur vous. »
Histoire du patient
▶ Phase 2 : préparation
Sécurité
Contrôle
Les mouvements oculaires peuvent être écartés au profit des autres modalités
sensorielles (auditives, tactiles) lorsqu'ils sont perçus par le patient comme
des tentatives d’ensorcellement, ou des choses interdites par la
religion (Zimmerman, 2014). On peut tenter d’expliquer l’aspect biologique
universel du processus stimulé par les stimulations bilatérales alternées en
faisant des liens avec des éléments similaires de la culture du sujet – comme
par exemple les danses rituelles ou chamaniques contenant une rythmique bi-
alternée à potentiel de guérison.
▶ Phase 3 : évaluation
▶ Phase 4 : désensibilisation
On sait combien il est difficile sur un plan psychique et émotionnel pour les
patients ayant vécu de terribles souvenirs de les raconter. De plus cela peut
être une difficulté voire un interdit dans la religion ou la culture du patient.
Le fait de pouvoir s’affranchir de cette étape dans la thérapie EMDR facilite
grandement le travail thérapeutique (Carriere, 2014). Le patient revoit en lui-
même le souvenir en détails jusqu’à ce que les parties les plus cruciales
émergent et soient drainées, amenant soulagement et apaisement, le
thérapeute ayant pour fonction de soutenir le patient lors de la traversée de ce
moment difficile de remémoration (Zaghrout-Hodali, 2014)
Face à des abréactions et signes de détresse importants : normaliser les
expériences et émotions du patient en l’incluant dans la communauté des
humains « nous, les êtres humains » ou « nous, les femmes », ou en
mentionnant que d’autres patients ont ressenti les mêmes choses (Spierings,
1999) ; rester très présent psychiquement, avec des réassurances verbales et
non-verbales (ne pas hésiter à tenir la main du patient tout en poursuivant les
SBA de l’autre main). Si l’abréaction crée trop d’anxiété, fragmenter le
travail (une pause toutes les 15 mn par exemple) ou discuter avec le patient
stabilisé de la possibilité qu’il contrôle l’exposition en fixant lui-même la
durée de la phase 4.
En cas de blocage du retraitement, le clinicien EMDR peut faire du tissage
cognitif en puisant dans des métaphores empruntées à la culture du patient
pour matérialiser le conflit intérieur bloquant, s’appuyer sur le rapport au
corps et à la sensorialité, sur les ressources ayant émergé dans les canaux
associatifs ainsi que des ressources spirituelles et religieuses. Par exemple
« qu’en penserait votre protecteur/Dieu, que vous dirait-il dans cette
situation ? », « si vous aviez la force divine/de votre protecteur avec vous,
que feriez-vous dans cette situation ? ». Il peut également utiliser si
nécessaire son autorité et son expertise pour normaliser les vécus ressentis
comme anormaux en donnant des explications psychologiques généralisables
(Spierings, 1999).
▶ Phase 5 : installation
▶ Phase 6 : scanner
Phase sensible qui risque de faire sortir du nouveau matériel quand le corps a
été durement touché. Dans les cultures où les émotions sont peu nommées et
élaborées, au profit de sensations physiques très présentes, cette phase est très
investie par le processus de soin (Dendane et al., 2013). N’hésitez pas à la
reporter à la séance suivante si vous manquez de temps.
▶ Phase 7 : clôture
▶ Phase 8 : réévaluation
POINTS D’ÉVOLUTION
La thérapie EMDR représente une opportunité historique pour endiguer l'épidémie du psychotraumatisme qui accompagne
la confrontation des humains aux « 4 violences » (Carriere, 2014). Sur 20 ans de recul en contexte transculturel, à
l'intérieur ou l'extérieur de nos frontières, la thérapie EMDR a montré sa capacité à maintenir l'efficacité de son processus
universel de soin, par le traitement adaptatif de l'information traumatique, tout en s'ajustant aux spécificités culturelles des
populations impactées.
Pour consolider cette avancée, il conviendra de valider par la recherche des adaptations empiriques du protocole, et de
construire des cursus de formation à l'EMDR plus adaptés aux spécificités locales.
BIBLIOGRAPHIE
ALFRED C. (2015, 16/12), Cette thérapie post-traumatique peut aider les
rescapés des massacres de Daech, Huffpost.fr. Repéré à
https://www.huffingtonpost.fr/2015/12/
16/victimes-massacres-daech_n_88052 56.html?xtor=AL-32280680
AMARA P. (2015), La Lettre d'Information de l'Association EMDR-France, 23.
AMARA P. (2017), « La thérapie EMDR en contexte interculturel », European
Journal of Trauma & Dissociation, 1, 3, 183–195.
BAUBET T, MORO M.R. (2003), « Cultures et soins du trauma psychique en
situation humanitaire », in Soigner malgré tout, 1, MSF, Éditions La
Pensée Sauvage.
BAUBET T., TAÏEB O., HEIDENREICH F., MORO M.R. (2005), « Culture et
diagnostic psychiatrique : l’utilisation du « guide de formulation
culturelle » du DSM-IV en clinique », Annales Médico Psychologiques,
163, 38-44. Elsevier, 2004.
CARRIERE R. C. (2014), « Scaling up what works : using EMDR to help
confront the world’s burden of traumatic stress », Journal of EMDR
Practice and Resarch, 8, 4, 187-195.
DENDANE T., MALIM S., BENSAAD S., HAMICI F. (2013), EMDR et
Ethnoculturalité, présenté lors de la Journée de Formation continue
d’EMDR-France du 28 Sept 2013 à Marseille.
FARRELL D. (2014), « Developing EMDR Therapy in Pakistan as Part of a
Humanitarian Endeavor », Journal of EMDR Practice and Research, 8, 4,
233-239. http://dx.doi.org/10.1891/1933-3196.8.4.233
JARERO, I. ET ARTIGAS, L. (2012), The EMDR Integrative Group Treatment
Protocol : EMDR group treatment for early intervention following critical
incidents. European Review of Applied Psychology, 62 (4), 219-222.
KORN, D. L. ET LEEDS, A. M. (2002), Preliminary evidence of efficacy for
EMDR resource development and installation in the stabilization phase of
treatment of complex posttraumatic stress disorder. Journal of Clinical
Psychology, 58(12), 1465-1487. http://dx.doi.org/10.1002/jclp.10099
NICKERSON M. (2017), Cultural competence and healing culturally based
trauma with EMDR therapy : innovative strategies and protocols. New
York : Springer publishing company.
SHAPIRO F. (2007), « EMDR, Adaptive Information Processing, and Case
Conceptualization », Journal of EMDR Practice and Research, 1, 2, 68-87
SHAPIRO F. (2012), « EMDR humanitarian assistance programs: Building
sustainable mental health resources worldwide » Stress Points, 12, p. 2–3.
SHAPIRO F. (2014), « EMDR Therapy Humanitarian Assistance Programs :
Treating the Psychological, Physical, and Societal Effects of Adverse
Experiences Worldwide », Journal of EMDR Practice and Research, 8, 4,
181-186.
SPIERINGS J. (1999), EMDR Multi-Culturel, traduction HAP-France.
DE VRIES M., CAES C., GANZEVOORT R. (2007), « Culture en trauma » in
Trauma. Diagnostiek en behandeling, Aarts P., Visser W., Houten, Bohn
Stafleu Van Loghum, p. 49-66
ZAGHROUT-HODALI M. (2014), « Humanitarian work using EMDR in Palestine
and the Arab world », Journal of EMDR Practice and Research, 8, 4, 248–
251.
ZIMMERMANN E. (2014), « EMDR humanitarian work: Providing trainings in
EMDR therapy to African clinicians », Journal of EMDR Practice and
Research, 8, 4, 240–247.
WORLD HEALTH ORGANIZATION (2013). Guidelines for the management of
conditions specifically related to stress, Geneva.
Chapitre 31
Les protocoles d'intervention rapide basés sur l'EMDR (EMDR-EI : EMDR Early Intervention) comprennent des
procédures qui permettent d’offrir, dans les 72 heures suivant un incident critique, une aide psychologique à un grand
nombre de personnes. Ces protocoles d’urgence destinés à une intervention EMDR immédiate ont pour but la stabilisation
des individus et la prévention de troubles psychologiques ultérieurs.
PROTOCOLES D’URGENCE
▶ Procédure EMD
BIBLIOGRAPHIE
Les protocoles d'intervention rapide basés sur l’EMDR (EMDR-EI : EMDR-based Early Intervention) permettent de
prendre en charge psychologiquement des personnes venant de vivre des événements tels que des attentats, des violences,
la guerre, des catastrophes naturelles, des épidémies, des accidents. Ils sont utilisés tant par des psychothérapeutes dans le
cadre de leur pratique clinique habituelle que par les équipes de santé mentale de projets humanitaires.
▶ Protocole R-TEP
Ce protocole de E. Shapiro & Laub (2008, 2009, 2014, 2015) intègre des
éléments du protocole des événements traumatiques récents et de l’EMD tout
en introduisant des concepts originaux. Il s’administre généralement en deux
à quatre séances.
Cette approche se fonde sur plusieurs concepts originaux :
Épisode traumatique : l’ensemble des événements depuis l’incident
critique (ou même un peu avant) jusqu’à aujourd’hui. La notion de
l’épisode traumatique inclut les déclencheurs présents et les peurs
concernant l’avenir ;
Récit de l’épisode avec des stimulations bilatérales d’attention double
(SBAD) continues : le thérapeute apporte des SBAD de manière continue
pendant que le patient raconte le déroulement de l’épisode traumatique ;
Recherche Google ou scanner : le patient parcourt mentalement l’épisode
traumatique de manière non séquentielle pour identifier les « points de
perturbation » (PoD : point of disturbance) (fragments-cibles) ;
Traitement focalisé (auparavant appelé traitement télescopique) : deux
stratégies sont employées pour contrôler et restreindre le processus
associatif, la stratégie EMD (limitant les associations au point de
perturbation ou fragment-cible) et la stratégie EMDr (terme de Roy
Kiessling), limitant les associations à l’épisode traumatique. Les
associations libres caractérisant l’approche EMDR standard ne sont
poursuivies qu’en cas de blocage du traitement et avec l’accord du patient.
Ces différents points sont davantage développés dans le chapitre dédié aux
protocoles R-TEP et G‑TEP.
▶ Protocole EMDR-PRECI
▶ Protocole EMDR-PROPARA
▶ EMDR-IGTP
Il est intéressant de noter que les deux modèles les plus répandus pour l’intervention EMDR rapide ont connu des
évolutions opposées : Jarero et ses collègues ont commencé par un protocole EMDR de groupe pour les événements
récents, l’EMDR-IGTP, qui inspire la plupart des projets humanitaires EMDR intervenant auprès de groupes, pour ensuite
développer leur EMDR-PRECI, à mi-chemin entre le REP et le R-TEP, puis l’EMDR-PROPARA, tandis que E. Shapiro a
commencé par créer le R-TEP avec sa collègue Laub, et devant le constat de sa popularité auprès des intervenants HAP
post-catastrophe, il l’a ensuite adapté sous format simplifié à l’intervention de groupe. Une certaine concurrence entre ces
auteurs ne peut être que saine et les études du terrain ainsi que les premiers essais randomisés contrôlés sont favorables à
ces protocoles. Il appartiendra aux chercheurs de déterminer les avantages de certaines de ces adaptations par rapport à
d’autres.
BIBLIOGRAPHIE
JARERO I., AMAYA C., GIVAUDAN M., MIRANDA A. (2013), « EMDR individual
protocol for paraprofessional use: A randomized controlled trial with first
responders », Journal of EMDR Practice and Research, 7, 2, 55–64. {Pour
une traduction française : « Protocole EMDR individuel pour une
utilisation paraprofessionnelle : un essai randomisé contrôlé auprès de
premiers intervenants », 2015, Journal of EMDR Practice and Research,
9, 1, 1E–11E.}
JARERO I., ARTIGAS L., HARTUNG J. (2006), « EMDR Integrative Group
Treatment Protocol: a post-disaster trauma intervention for children and
adults », Traumatology, 12, 2, 121–29.
JARERO I., ARTIGAS L., LUBER M. (2011), « The EMDR Protocol for Recent
Critical Incidents: application in a disaster mental health continuum of
care context », Journal of EMDR Practice and Research, 5, 3, 82–94.
{Pour une traduction française : « Le protocole EMDR pour les incidents
critiques récents : application à un contexte de continuum de soins en
santé mentale après une catastrophe », 2012, Journal of EMDR Practice
and Research, 6, 2, 12E–25E.}
JARERO I., ARTIGAS L., MONTERO Y LOPEZ L. (2008), « The EMDR Integrative
Group Treatment Protocol: application with child victims of a mass
disaster », Journal of EMDR Practice and Research, 2, 2, 97–105.
JARERO I., RAKE G., GIVAUDAN M. (2017), « EMDR therapy program for
advanced psychosocial interventions provided by paraprofessionals »,
Journal of EMDR Practice and Research, 11, 3, 122–128.
JARERO I., URIBE S., ARTIGAS L., GIVAUDAN M. (2015). « EMDR Protocol for
Recent Critical Incidents: a randomized controlled trial in a technological
disaster context », Journal of EMDR Practice and Research, 9, 4, 166–
173. {Pour une traduction française : « Protocole EMDR pour le
traitement d’incidents critiques récents : un essai contrôlé randomisé dans
un contexte de catastrophe technologique », 2018, Journal of EMDR
Practice and Research, 12, 1, 1E–9E.}
LEHNUNG M., SHAPIRO E., SCHREIBER M., HOFMANN A. (2017), « Evaluating the
EMDR Group Traumatic Episode Protocol with refugees: a field study »,
Journal of EMDR Practice and Research, 11, 3, 129–138.
SHAPIRO E. (2014), « Recent simplified individual and group applications of
the EMDR R-TEP for emergency situations », présentation lors du 15e
congrès EMDR Europe, 27–29 juin 2014, Edimbourg [en ligne].
http://emdr2014.com/speaker/elan-shapiro [Consulté le 2 avril 2018]
SHAPIRO E., LAUB, B. (2008), « Early EMDR Intervention (EEI): a summary,
a theoretical model, and the Recent Traumatic Episode Protocol (R-
TEP) », Journal of EMDR Practice and Research, 2, 2, 79–96.
SHAPIRO E., LAUB, B. (2009), « The Recent-Traumatic Episode Protocol (R-
TEP): an integrative protocol for Early EMDR Intervention (EEI) », in
Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) Scripted
Protocols: Basics and Special Situations, Luber, M., New York, Springer.
SHAPIRO E., LAUB B. (2014), « The EMDR Recent Traumatic Episode
Protocol (EMDR RTEP) for Early EMDR Intervention (EEI): overview &
protocol instructions » (version de septembre 2014) [en ligne].
http://emdrresearchfoundation.org/toolkit/
rtep-manual.pdf [Consulté le 2 avril 2018]
SHAPIRO E., LAUB B. (2015), « Early EMDR intervention following a
community critical incident: A randomized clinical trial », Journal of
EMDR Practice and Research, 9, 1, 17–27. {Pour une traduction
française : « L'intervention EMDR rapide après un incident critique dans
une collectivité : un essai clinique randomisé », 2016, Journal of EMDR
Practice and Research, 10, 1, 1E–10E.}
SHAPIRO F. (1995), Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic
Principles, Protocols, and Procedures, New York, Guilford Press.
SHAPIRO F. (2001), Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic
Principles, Protocols, and Procedures (2nd ed.), New York, Guilford
Press. {Pour une traduction française : « Manuel d’EMDR. Principes,
protocoles, procédures », 2007, Paris, InterEditions.}
SHAPIRO F. (2004), Military and post-disaster field manual, Hamden, EMDR
Humanitarian Assistance Programs.
SHAPIRO F. (2018), « Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic
Principles, Protocols, and Procedures » (3rd ed.), New York, Guilford
Press.
YURTSEVER A., KONUK E., AKYUZ T., TUKEL, F. (2014), « G-TEP with Syrian
Refugees », presentation lors du 15e congrès EMDR Europe, 27–29 juin
2014, Edimbourg [en ligne]. http://emdr2014.com/speaker/asena-yurtsever
[Consulté le 2 avril 2018]
Chapitre 33
Le protocole EMDR R-TEP permet la prise en charge rapide et complète des individus ayant récemment vécu un
événement traumatisant. Le protocole EMDR G-TEP retient les éléments essentiels du R-TEP et les transpose dans un
format adapté aux groupes.
Elan Shapiro et Brurit Laub ont présenté leur protocole EMDR individuel
pour les épisodes traumatiques récents pour la première fois au congrès
EMDR Europe à Londres, en juin 2008 (2008a), lors du séminaire dédié aux
superviseurs. Le protocole est alors annoncé avec le titre U-TEP pour
Unfinished-Traumatic Episode Protocol ou protocole de l’épisode
traumatique inachevé. Le même mois paraît leur premier article qui évoque le
R-TEP, Recent-Traumatic Episode Protocol (2008b). C’est cette appellation
de l’épisode traumatique récent qui sera retenu par la suite pour correspondre
au concept de l’intervention EMDR rapide, même si la notion de l’inachevé
demeure intéressante.
La version adaptée aux groupes, l’EMDR G-TEP, fait l’objet d’une première
communication au congrès EMDR Europe à Edinbourg en 2014 (Yurtsever,
Konuk, Akyuz & Tekel, 2014).
Plusieurs auteurs ont décrit des résultats positifs après avoir utilisé l’EMDR
R-TEP sur le terrain (Alter-Reid, 2014 ; Fernandez, Callerame, Maslovaric
Wheeler, 2014 ; Kaya, 2010 ; Rochietta Tofani & Wheeler, 2011).
Récemment, E. Shapiro et Laub ont publié un essai randomisé contrôlé sur la
prise en charge avec l’EMDR R-TEP de dix-sept rescapés d’un attentat
(Shapiro & Laub, 2015) et Lehnung et ses collègues ont décrit le traitement
de 18 réfugiés au moyen de l’EMDR G-TEP (Lehnung, Shapiro, Schreiber &
Hofmann, 2017).
CONCEPTS CLÉS
▶ Épisode traumatique
▶ Traitement focalisé
EMDR R-TEP
Quatre éléments
Le protocole EMDR R-TEP (Shapiro & Laub, 2008b, 2014) comprend toutes
les phases EMDR standard, avec quelques modifications, ainsi qu’une étape
supplémentaire.
Tableau 33.1. Comparaison des phases dans le protocole EMDR standard et le
protocole EMDR R-TEP
EMDR G-TEP
BIBLIOGRAPHIE
ALTER-REID K., COLELLI G., SIMONS N. (2014), « When Disaster Strikes Our
Local Communities: U.S. EMDR Trauma Recovery Network Coordinators
Reflect on Lessons Learned », Journal of EMDR Practice and Research,
8, 4, 205-214.
FERNANDEZ I., CALLERAME C., MASLOVARIC G., WHEELER, K. (2014), « EMDR
Europe Humanitarian Programs: Development, Current Status, and Future
Challenges », Journal of EMDR Practice and Research, 8, 4, 215-224.
KAYA F. (2010), « The effects of early EMDR interventions (EMD and R-
TEP) on the victims of a terrorist bombing in Istanbul », in 11th EMDR
Europe Conference, Hambourg, Allemagne.
LAUB B. (2006), « Resource Connection Envelope (RCE) in the EMDR
Standard Protocol », Innovative Interventions in Psychotherapy, 97.
LAUB B. (2009), « Resource Connection Envelope (RCE) in the EMDR
Standard Protocol », in Eye Movement Desensitization and Reprocessing
(EMDR) Scripted Protocols: Basics and Special Situations, Luber, M.,
New York, Springer.
LEHNUNG M., SHAPIRO E., SCHREIBER M., HOFMANN A. (2017), « Evaluating the
EMDR Group Traumatic Episode Protocol with refugees: a field study »,
Journal of EMDR Practice and Research, 11, 3, 129–138.
LOBENSTINE F., SHAPIRO E. (2007), « What Is an Effective Self-Soothing
Technique That I Can Teach My Client to Use at Home When Stressed? »,
Journal of EMDR Practice and Research, 2, 2, 122-124.
ROCCHIETTA TOFANI L., WHEELER K. (2011), « The Recent-Traumatic Episode
Protocol: Outcome Evaluation and Analysis of Three Case Studies »,
Journal of EMDR Practice and Research, 5, 3, 95-110.
SHAPIRO E., LAUB B. (2008a), « Unfinished-Traumatic Episode Protocol (U-
TEP): A New Protocol for Early EMDR Interventions », in 9th EMDR
Europe Conference, Londres, Royaume-Uni.
SHAPIRO E., LAUB B. (2008b), « Early EMDR Intervention (EEI). A
Summary, a Theoretical Model, and the Recent Traumatic Episode
Protocol », Journal of EMDR Practice and Research, 2, 2, 79-96.
SHAPIRO E., LAUB B. (2014), « The EMDR Recent Traumatic Episode
Protocol (EMDR RTEP) for Early EMDR Intervention (EEI): Overview &
Protocol Instructions (revised September 2014) », [en ligne].
http://emdrresearchfoundation.org/toolkit
/rtep-manual.pdf [Consulté le 2 avril 2018]
SHAPIRO E., LAUB B. (2015), « Early EMDR Intervention Following a
Community Critical Incident: A Randomized Clinical Trial », Journal of
EMDR Practice and Research, 9, 1.
YURTSEVER A., KONUK E., AKYUZ T., TUKEL, F. (2014), « G-TEP with Syrian
Refugees », in 15th EMDR Europe Conference, Edimbourg, Royaume-Uni
[en ligne]. http://emdr2014.com/speaker/asena-yurtsever [Consulté le 2
avril 2018]
Chapitre 34
Les phobies dites spécifiques sont très fréquentes dans la population générale, de 40 % à 82 % en fonction de la littérature,
et touchent aussi bien les enfants et les adultes que les personnes âgées (André, 2004 ; Mirabel-Sarron & Vera, 2012).
Des protocoles EMDR spécifiques existent dans le traitement des phobies spécifiques. Des aménagements du protocole
standard EMDR devront être effectués en complétant les cibles du passé, en incluant les réactions physiologiques dans les
déclencheurs actuels, et les scénarios du futur seront conceptualisés de manière à soutenir les mises en actions.
« Vous souffrez certainement d’une phobie spécifique. La phobie est une forme d’anxiété. Il s’agit d’une dérégulation de la
peur face à un objet ou à une situation. La peur se déclenche alors qu’elle n’a pas lieu de se déclencher, ou bien elle se
déclenche trop fort, et ce, même simplement en pensant à l’objet ou à la situation : il s’agit d’une anxiété dite anticipatoire.
Cette peur est irrationnelle et incontrôlable.
Vous allez alors faire ce qu’il est normal de faire lorsque l’on ressent de la peur : fuir ou éviter la situation. Mais ces
mécanismes de défense psychique vont se révéler inefficaces à moyen et à long terme, augmenter la peur, et affaiblir vos
capacités à faire face à la situation.
Notre travail va consister à retraiter ce qui a pu engendrer cette phobie et ce qui la maintient.
Aussi, petit à petit, et à votre rythme, nous allons désensibiliser les souvenirs liés à cette peur et programmer des mises en
action préparées grâce à la thérapie EMDR et aux techniques de contrôle de l’anxiété.
Il est important d’y aller pas à pas et de travailler avec la conscience de ces mécanismes d’évitement et de fuite, de les
utiliser comme une aide pour la thérapie.
Les mises en situations seront nécessaires, lorsque vous serez prêt, et la peur diminuera au fur et à mesure. »
TECHNIQUES D’AUTO-APAISEMENT
▶ Passé
▶ Présent
▶ Futur
▶ La désensibilisation
Les tissages cognitifs ramènent le patient à la situation actuelle et l’aident à revenir dans le présent.
Lors du retraitement des cibles, il ne faut pas hésiter à utiliser la mise en action imaginaire.
Si le traitement est bloqué, il peut être interrompu afin d’installer une ressource à l’aide du DIR.
Ne jamais oublier de prendre du temps en fin de séance pour la stabilisation.
Le travail sur les scénarios du futur est une étape fondamentale de la thérapie
EMDR, particulièrement dans le cadre des peurs et phobies spécifiques où
l’anticipation est au cœur de la problématique.
▶ Plusieurs étapes
▶ Le « flashfoward »
Afin d’aller plus loin encore sur les scénarios du futur et la confrontation à
l’objet phobique, Logie et Ad de Jongh (2014) ont développé une entité
spécifique : le flashfoward ou « projection future ».
Lorsque le travail sur le passé et sur les déclencheurs du présent est terminé,
il s’agit dans la définition des scénarios du futur d’aller chercher la pire
image en développant un scénario catastrophe : « Quelle est la pire chose qui
pourrait vous arriver si... ? » Ce scénario catastrophe, très irrationnel est
différent d’un patient à l’autre à propos d’un même objet ou d’une même
situation. Il va au-delà des scénarios du futur habituels liés aux déclencheurs
du présent.
Les phases 3 à 7 du protocole standard seront utilisées afin de retraiter ce
scénario avec une Cognition Négative et Cognition Positive imposées au
patient :
CN : « Je suis impuissant(e) »
CP : « Je peux faire face »
Le flashforward sera complet lorsqu’aucune perturbation ne subsiste (Sud à
0) et que la CP « Je peux faire face » est totalement installée (VOC à 7).
La thérapie EMDR s’applique parfaitement bien au traitement des peurs et phobies spécifiques, fréquemment liées à du
matériel traumatique.
Le recueil de l’histoire phobique ainsi qu’un temps de psychoéducation et de stabilisation seront nécessaires.
Ici, un focus particulier sera mis sur l’anticipation en insistant sur les scénarios du futur et la mise en action. L’utilisation
du flashfoward est recommandée afin d’amener le patient au bout de sa peur.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 3 « Lieu sûr/lieu calme et installation de ressources ».
Chapitre 35
EMDR et anxiété
Marie-Jo Brennstuhl
Les troubles anxieux font partie des troubles mentaux les plus courants, avec une prévalence au cours de la vie qui peut
osciller de 16 à 29 % en fonction de la littérature.
Souvent associés à une comorbidité élevée, ils viennent fortement perturber la vie quotidienne et peuvent s’avérer
extrêmement invalidants.
Parmi les troubles anxieux, les peurs et phobies spécifiques sont les plus courantes et font l’objet d’un chapitre particulier
dans cet ouvrage.
Il s’agira ici de s’intéresser à la symptomatologie anxieuse et plus spécifiquement au trouble d’anxiété généralisé (TAG) et
de définir ainsi des pistes de traitement à l’aide de la thérapie EMDR.
▶ Critères du DSM-V
Des changements importants ont été apportés dans la catégorie des troubles
anxieux dans la dernière version du DSM.
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et le trouble obsessionnel-
compulsif (TOC) ont été répartis dans des chapitres séparés afin de pouvoir y
associer stress aigu et trouble d’ajustement pour l’un, et l’accumulation
compulsive pour l’autre.
Parmi les troubles anxieux, le trouble panique et l’agoraphobie ont été
dissociés et un spécificateur de l’attaque de panique a été ajouté.
Le critère de l’âge minimum n’est plus exigé pour le trouble d’anxiété
sociale, l’agoraphobie ou la peur spécifique, qui reconnaissent désormais une
anxiété excessive et déraisonnable même avant 18 ans.
Inversement, le trouble d’anxiété de séparation n’est plus réservé à l’enfance
ou l’adolescence, mais fait désormais partie intégrante des troubles anxieux.
En termes de comorbidité, un spécificateur de « détresse anxieuse » a été
ajouté aux catégories des troubles dépressifs et troubles bipolaires connexes,
permettant de mettre en avant au moins deux symptômes anxieux sans établir
pour autant un diagnostic de trouble anxieux séparé.
UN PROTOCOLE AMÉNAGÉ
▶ Préparation au traitement
▶ Retraitement
L’utilisation de la thérapie EMDR dans le traitement des troubles anxieux correspond aux recommandations des thérapies
cognitivo-comportementales à travers la désensibilisation de la peur et le retraitement des fausses croyances et idées
réitératives.
Il est néanmoins important de compléter l’utilisation du protocole standard par un temps spécifique de psychoéducation
aux spécificités des troubles anxieux, ainsi que de ne pas lésiner sur tous les outils de stabilisation et de développement des
ressources afin d’augmenter les capacités de coping du patient ainsi que son sentiment d’efficacité personnelle.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Pour plus d’informations, consultez le chapitre 34 sur les peurs et phobies spécifiques.
Chapitre 36
Michel Silvestre
DÉFINITION
Les groupes doivent être composés autant que possible d’enfants du même
âge, d’une même classe scolaire ou d’une fratrie ayant vécu le même trauma.
Il faut être attentif à ne pas mélanger dans le même groupe agresseur et
victime et suivant la taille du groupe, un deuxième intervenant sera
nécessaire. L’un des intervenants anime le groupe et l’autre peut intervenir au
cas où un des enfants aurait besoin d’une aide particulière. En effet, il peut
arriver qu’un enfant soit trop activé émotionnellement pendant ce travail,
n’arrive pas à se réguler et ait besoin d’un soutien individuel. Ce deuxième
intervenant peut être un thérapeute ou dans des certaines situations une
personne qui connaît les enfants comme par exemple l’infirmière scolaire.
Quelques caractéristiques essentielles de ce travail de groupe. Il permet aux
enfants l’expression de leurs résiliences individuelles dans un climat groupal
de contenance émotionnelle, il n’y a pas ou très rarement d’abréactions
émotionnelles pendant le travail thérapeutique. Les enfants n’ont pas besoin
de raconter ce qu’ils ont vécu, ils vont le dessiner à leur rythme. Ils pratiquent
eux-mêmes les auto-stimulations bilatérales alternées et ainsi restent plus
dans leurs fenêtres de tolérance.
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Considérée comme une thérapie adaptée dans le cadre de la rencontre avec des patients endeuillés, la thérapie EMDR peut
libérer le processus naturel du travail de deuil, en ciblant les éléments à l’origine de blocages, en activant le traitement
adaptatif de l’information sur les éléments passés, les déclencheurs de la douleur du présent et en orientant le patient vers
une meilleure adaptation future.
A – Exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles d’une (ou de
plusieurs) des façons suivantes :
A3 – En apprenant qu’un ou plusieurs événements traumatiques sont arrivés à un membre de la famille proche ou à un ami
proche. Dans les cas de mort effective ou de menace de mort d’un membre de la famille ou d’un ami, le ou les événements
doivent avoir été violents ou accidentels.
CONCEPTUALISATION DE CAS
Le style d’attachement
L’anamnèse
Synthèse
▶ La psychoéducation et la stabilisation
La psychoéducation revêt une place centrale avec les sujets endeuillés. Elle
va contribuer, d’une part à une meilleure gestion et stabilisation d’un
quotidien où les repères ont été pulvérisés, et d’autre part, à l’accessibilité des
informations adaptatives nécessaires à l’activation du traitement adaptatif de
l’information lors du traitement des cibles ultérieures.
Différentes stratégies de stabilisation psychologique spécifiques, activant des
réseaux de mémoire adaptatifs positifs, participent à renforcer les ressources
du patient endeuillé. Elles peuvent être proposées en amont du traitement des
cibles névralgiques ou en complément de celles-ci, lors des phases 3 à 8 du
protocole standard. Nous en donnons ici quelques exemples.
La dimension spirituelle
Partant du postulat que « L’EMDR n’élimine pas, et même ne dilue pas les
émotions saines et appropriées, y compris le chagrin » (Shapiro, 2007),
différents axes de travail peuvent soutenir l’évolution du TAI et la sédation
de la symptomatologie envahissante des deuils traumatiques, post-
traumatiques et compliqués concernés par l’échec des processus adaptatifs
spontanés.
Le protocole standard est en général bien adapté pour ces situations de deuils
plus anciens.
Ainsi, face à ces problématiques, le plan de ciblage recueillera en première
intention les cibles liées à la perte et aux circonstances ayant conduit à
l’éclosion d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT), sans négliger le
traitement des effets de traumatisation et pertes secondaires telles que la
séparation d’un lieu de vie, les périodes anniversaires, avant d’aborder le
traitement des cibles du présent et du futur.
Certains aspects psychologiques et ressentis génèrent des blocages en dehors
de toute effraction traumatique. C’est le cas de certains remords, regrets,
culpabilités, de sentiment d’indignité ou d’incurabilité suite au décès,
angoisse d’abandon et de nouvelles pertes, de peurs irrationnelles, de
croyances, qui peuvent favoriser l’éclosion de deuils compliqués et empêcher
l’accès aux informations adaptatives tournées vers la phase d’intégration et
d’acceptation de la perte.
Il convient, lors de la construction du plan de ciblage standard qui demeure
très adapté, de les repérer, et les traiter (phase 3 à 8) au rythme des
possibilités d’exposition et d’investissement du patient.
La dépotentialisation des situations du passé et des déclencheurs du présent
particulièrement génératrices de douleur morale permettent d’acheminer le
travail thérapeutique vers la direction future espérée, « écologique », adaptée
aux systèmes de valeurs et au contexte actuel psychosocial du patient.
Par ailleurs, au cours du retraitement, la nécessité de garder quelque chose du
lien à l’objet perdu, va se manifester par le maintien d’un niveau de
perturbation « écologique » : l’atteinte d’un SUD à 0, irréaliste, permet la
traduction et le repérage d’une partie du vécu subjectif du patient.
SYNTHÈSE : LES CIBLES DU PLAN DE CIBLAGE
Ci-dessous figure une série de situations pertinentes inscrites dans le plan de ciblage.
Ces cibles peuvent participer au ralentissement – voire au blocage – du travail de deuil.
Passé
annonce d’un décès ou de la maladie ;
les scènes des obsèques : moment hautement symbolique de la séparation définitive ;
le moment de la prise de conscience des conséquences de l’absence ;
les éventuelles pertes antérieures ;
les pertes secondaires au deuil ou deuils secondaires :
« Devoir vendre notre maison, lieu de tous nos souvenirs heureux… C’est comme si je perdais mon mari une
deuxième fois », nous confie Christine.
Présent
les cauchemars et les images intrusives ;
les déclencheurs du présent :
« Le vendredi soir, c’était un rituel, on avait l’habitude de tous se retrouver pour décider du programme du
week-end… les enfants les petits enfants... je ne supporte plus le vendredi soir… je fuis la maison. »
les ressentis et problèmes de culpabilité, de contrôle ;
les colères excessives, empêchant le fonctionnement et l’adaptation au quotidien ;
les sentiments d’autodépréciation ;
la croyance fondamentale dans l’impossibilité de survivre à la perte :
« Je suis dévastée de l’intérieur… J’ai compris… On ne s’en remet jamais », nous dit Olga qui a perdu son mari
3 mois auparavant.
les regrets de ne pas avoir dit ou fait quelque chose :
« Nous n’avons jamais parlé de sa mort imminente… je lui ai menti … nous aurions dû nous dire adieu »,
regrette Olga.
les remords pour avoir exprimé des sentiments hostiles, des attitudes agressives et de rejet, générant de la culpabilité :
« La veille de sa mort, on s’était disputé… c’est comme si je l’avais tué... », nous dit Ludovic, évoquant son père.
l’absence de soutien social (Solomon et Rando, 2007).
Futur
Recherche de cibles illustrant :
l’acceptation ;
la capacité à s’adapter ;
la capacité à donner du sens à d’autres projets, et à d’autres manières de vivre ou d’investir la vie en restant relié à la
perte avec tristesse et nostalgie adaptées.
Lorsque le travail de deuil subit des aléas et ne peut panser et penser la blessure de la perte, il peut être redynamisé par la
thérapie EMDR : agissant sur les composants dysfonctionnels et traumatiques de l’expérience pour en permettre la
métabolisation, la thérapie EMDR adaptée à la singularité du tableau clinique à travers la mise en œuvre d’un plan de
traitement spécifique, remet en route les étapes naturelles du processus de deuil sans dispenser du chagrin normal, de
l’incontournable mouvement introspectif et sans « devancer la croissance personnelle de l’endeuillé » (Shapiro, 2007).
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Trouble du deuil complexe et persistant.
2. Trouble de l’adaptation.
3. Traduction de l’auteur.
Eva Zimmermann
Toute femme aura besoin de consulter des services de gynécologie durant pratiquement toute sa vie. Que ce soit pour la
prescription de la contraception, pour des problèmes de type médical pur (dépistage du cancer, écoulement vaginal,
aménorrhée, règles abondantes, syndrome prémenstruel, règles douloureuses, cystites, endométriose, stérilité ou encore
demande d’avortement, etc.) ou pour des problèmes au niveau psychosomatique (douleurs au bas-ventre, vaginisme,
dyspareunie, manque d’appétit sexuel, infertilité, etc.), les gynécologues voient une large palette de symptomatologies dans
leurs services. Un problème fréquent est la symptomatologie traumatique masquée par des problèmes somatoformes.
Différentes recherches confirment un taux d’abus sexuels pour les femmes autour des 20 % (Salmona, 2013), allant d’un
« simple » dépassement de limites sans pénétration, mais bien traumatogène déjà, aux violences sexuelles les plus infâmes.
Toutes ces femmes victimes doivent consulter les services gynécologiques tôt ou tard dans leur vie, à moins qu’elles les
évitent. Bien que toutes sortes de problèmes somatiques, médicaux et physiologiques subsistent, un grand nombre de
problèmes somatoformes font partie des séquelles post-traumatiques. Toutefois, la motivation de la consultation est
rarement l’événement sous-jacent en tant que tel (viol, abus, violence, négligence, etc.), mais bien les symptômes primaires
et secondaires, parfois apparus après de nombreuses années seulement.
Une prise en charge médicale devrait toujours aussi aborder les aspects psychologiques pour détecter les traumas à
l’origine des symptômes psychosomatiques. En outre, les consultations en gynécologie peuvent d’emblée être sources de
stress ou constituer un événement potentiellement traumatique. Les raisons de consulter en gynécologie peuvent également
provenir de situations difficiles, comme un viol ou d’autres situations chargées affectivement. La thérapie EMDR offre une
prise en charge parfaite pour les femmes qui rencontrent des difficultés dans la consultation gynécologique, victimes ou
non de nombreux événements laissant des blessures somatoformes et psychoformes.
Le protocole EMDR standard, c’est-à-dire les huit phases et les trois temps
(passé-présent-avenir) sont aisément applicables dans le suivi thérapeutique
avec les femmes qui consultent les services de gynécologie. Le point clé
consiste à faire le lien entre symptômes psychosomatiques et vécu
traumatique ; il s’agit également de détecter les possibilités
d’accompagnement et de soutien psychologique pour ces femmes qui
consultent ces services pour des problèmes de nature somatique, comme la
préparation à une intervention chirurgicale ou encore l’accompagnement dans
une maladie (voir chapitre 46 pour l’accompagnement de femmes avec un
cancer du sein). En outre, de nombreuses maladies ou autres complications
gynécologiques peuvent comporter une angoisse et un stress important,
même pour une femme jusque-là non traumatisée. Un défi particulier pour le
traitement de cette population est par conséquent de bien identifier la
problématique fondamentale pour établir un ou plusieurs plans de ciblage
correspondants adéquats.
Comme mentionné ci-dessus, les symptômes observés relèvent fréquemment
d’une cause traumatique, mais parfois aussi non traumatique et néanmoins
perturbante (Zillhardt, 2017), et cette cause peut être plus ou moins identifiée
selon les cas. Ces observations sont en concordance avec le modèle de
traitement adaptatif de l’information, le modèle TAI de Shapiro (voir chapitre
1, et Shapiro, 2001, 2018) qui stipule que les problèmes actuels occasionnant
des problèmes aux personnes sont à considérer comme des symptômes qui
trouvent leur source dans le stockage dysfonctionnel dans le cerveau
d’événements du passé agissant en conséquence comme déclencheurs de
réactions inadaptées dans le présent. En plus de la perturbation dans le
présent, causée par les souvenirs stockés de manière dysfonctionnelle, bien
souvent ces souvenirs agissent aussi sur la personne par rapport à un avenir
anticipé : les personnes évitent des situations futures en raison de leur anxiété
anticipatoire, c’est-à-dire elles évitent des actions, comme consulter un
médecin en ayant une suspicion d’un problème somatique, par exemple un
nodule au sein, un écoulement vaginal, une grossesse (déni de grossesse !)
etc. Certains de ces évitements peuvent avoir des effets fatals. En tant que
psychologue clinicien, il est donc primordial de bien identifier les liens entre
agissements dans le présent, comportements d’évitement vis-à-vis d’actions
futures et la base de la pathologie. Ceci permettra d’élaborer un plan de
ciblage adapté selon le modèle TAI.
Selon le symptôme apparent en consultation gynécologique, il est conseillé
de développer un plan de ciblage autour de la problématique fondamentale.
Différentes pistes sont généralement à investiguer et à évaluer pour en
trouver les causes possibles dans des situations non intégrées dans les réseaux
mnésiques adaptatifs. Ceci permettra à la patiente de traiter les causes et de se
débarrasser des symptômes. Le cadre de ce chapitre ne permet pas de
développer tous les aspects de manière plus complète ou d’aborder les plans
de ciblage en détail, mais toutes ces propositions sont à considérer comme
des pistes de réflexion et d’investigation, et laissent aux cliniciens la
créativité et flexibilité pour les développer davantage.
Le tableau 38.1 regroupe des symptômes apparents en gynécologie en
général, avec la cause sous-jacente éventuelle, les points à développer et à
investiguer, et les plans de ciblage utiles1.
Tableau 38.1. Problématiques gynécologiques
Un nombre important de problématiques des femmes qui consultent sont liées
directement à la sexualité et à l’intimité. L’OMS (2002) dans une recherche
mondiale évoque un pourcentage élevé de femmes victimes de violences et
de violences sexuelles par leurs partenaires intimes actuels. Pour la Suisse,
par exemple, 6 % des 1500 femmes interrogées ont indiqué avoir été victimes
de violences par leur partenaire intime dans les douze derniers mois. Le/la
gynécologue est la personne en première ligne et souvent considérée comme
étant la plus appropriée pour parler de ces difficultés. Les femmes ont de
grands besoins de parler, de poser de questions, de recevoir des réponses, et
un besoin d’aide, que ce soit autour des questions de conception, de
contraception, de sexualité et des problèmes liés à la sexualité comme le
vaginisme, la dyspareunie, un manque d’appétit sexuel, mais aussi les
troubles relationnels, les violences subies, etc. Bien souvent, un contrôle
gynécologique ne prend pas plus de dix minutes, et la femme se retrouve hors
du cabinet avant même d’avoir pu poser ses questions. Tout bon gynécologue
devrait être attentif aux questions, parfois timides, des femmes durant leur
consultation.
Le tableau 38.2 dresse une liste de problématiques sexuelles abordées
régulièrement en contrôle gynécologique, rapporté par les femmes elles-
mêmes ou par les médecins gynécologues.
Tableau 38.2. Difficultés sexuelles rapportées par les patientes
Le contrôle médical représente en soi une difficulté pour bien des jeunes
filles et des femmes. La préparation de ces patientes en cas de problèmes
majeurs est une tâche psychologique importante. Le contrôle gynécologique
n’est pas uniquement un contrôle de maladies gynécologiques, mais devrait
être également un lieu de discussion et d’échange autour des problèmes les
plus intimes, sexuels ou autres. C’est une des raisons pour lesquelles
l’examen gynécologique et le contrôle annuel sont chargés affectivement. En
plus des problèmes énumérés plus haut, des problématiques autour de l’image
corporelle et les troubles du comportement alimentaire se font remarquer en
consultation gynécologique et ont comme effet un évitement ou encore
représentent un blocage pour la femme en question.
Le tableau 38.3 décrit les difficultés liées à un contrôle médical
gynécologique.
Tableau 38.3. Difficultés liées au contrôle médical gynécologique
CONCLUSIONS
L’examen gynécologique représente en soi un événement difficile pour la plupart des femmes. Il est bien plus difficile
encore pour les femmes victimes de violences toutes sortes, mais particulièrement de violences sexuelles. Toute femme
dans un examen gynécologique peut être activée par rapport à son passé, ses déclencheurs présents ou encore par rapport à
des situations futures qu’elle peut avoir tendance à éviter. Les conséquences psychotraumatiques des événements se
manifestent de manière importante dans le corps et dans des troubles psychosomatiques. Des psychologues cliniciens
travaillant directement en milieu hospitalier ou en lien avec des cabinets gynécologiques peuvent bien aider ces femmes
grâce à la thérapie EMDR et à ses procédures et protocoles.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Il serait trop laborieux de décrire tous les plans de ciblage mentionnés dans ce tableau, ce qui
dépasserait le cadre de ce chapitre. La plupart de ces protocoles et plans de ciblage sont développés
dans la formation de base en thérapie EMDR, niveau 1 et niveau 2, et parfois dans les séminaires
spécialisés.
Chapitre 39
Eva Zimmermann
Une femme consulte en général son médecin gynécologue jusqu’au jour où elle est enceinte. À partir de là, ce dernier
deviendra son obstétricien et elle passera dans les services obstétricaux, sauf si elle désire une interruption volontaire de
grossesse (IVG). L’obstétrique est considérée comme la division « la plus heureuse » d’un hôpital, car les « heureux
événements » y sont à l’ordre du jour. On a cependant tendance à oublier toutes les femmes qui ne se retrouvent pas avec
un bébé en bonne santé dans les bras après neuf mois (ou moins) de grossesse. Cet article cherche à démontrer le potentiel
de la thérapie EMDR pour la prise en charge avant, pendant et après la grossesse et l’accouchement, et la prise en charge
de couples qui perdent un embryon ou un fœtus par fausse couche, interruption thérapeutique de grossesse (ITG), voire, des
couples qui perdent un enfant lors de la naissance ou peu après, ou encore des couples dont le fœtus ou le nourrisson
rencontre des problèmes de santé.
En 2010 par exemple, l’OMS a recensé 10,1 mort-nés pour 1000 naissances
en France. L’Allemagne présente un taux de mortalité périnatale de 3,6/1000
et les Pays-Bas 3,5/1000. D’autres pays européens présentent un taux de
mortalité périnatale encore différent, mais les chiffres sont difficilement
comparables ou interprétables, car les pays ont différentes normes quant au
recensement des bébés mort-nés. En France, ils sont recensés à partir de 22
semaines de grossesse ou d’un poids à la naissance d’au moins 500 grammes
si la durée de la grossesse a été inférieure. Ceci représente les normes de
l’OMS que tous les pays ne respectent pas de la même manière. D’autres
pays ont d’autres normes, par exemple, certains pays reconnaissent un fœtus
avec un poids à la naissance de 1 kg seulement, ou encore seulement à partir
de la 28e semaine de grossesse, ou seulement s’il est inscrit dans le livret de
famille. Les critères de mort-né ou né vivant à la naissance sont traités
différemment d’un pays à l’autre, selon leur législature, et n’apparaissent
donc pas forcément dans les mêmes statistiques. Toutes ces différences
rendent des comparaisons difficiles. Indépendamment des critères et des
statistiques, la mort d’un enfant, in utero ou en périnatalité, reste toujours un
drame pour les parents et dans une certaine mesure aussi pour le corps
médical. L’enfant planifié et désiré, parfois non planifié mais quand même
désiré, est un petit être en devenir et les mamans (et papas) se sont attachés
dès les premiers jours ou semaines de son existence. Ils rêvent leur enfant,
calculent la date de sa naissance, souvent commencent à préparer la chambre
ou la place dans la chambre si d’autres enfants sont déjà là … Une mort in
utero est souvent une surprise totale lors d’un contrôle mensuel de routine,
surtout en début de grossesse. Pour les morts in utero tardives, les femmes
commencent souvent à la pressentir : elles ne ressentent plus de mouvements,
l’enfant ne bouge donc plus, ou d’autres symptômes se manifestent comme
des saignements, la perte du liquide amniotique, etc. Dans ces cas-là, elles
vont consulter leur obstétricien pour être rassurées. Et bien souvent,
malheureusement, elles sortent de cet examen totalement effondrées. La
femme devra rentrer à la maison, annoncer la mauvaise nouvelle à son
entourage, elle devra voir la chambre, parfois prête déjà pour l’enfant qui ne
viendra jamais. Un drame supplémentaire provient du fait qu’elles sont
obligées d’accoucher de ce bébé si la grossesse avait dépassé les douze
semaines gestationnelles. Alors la situation est tout particulièrement chargée
affectivement et ressentie comme une folie totale : la femme doit « donner la
vie à un enfant mort » ! Cette expérience, pour beaucoup, est elle-même
traumatique.
Une prise en charge rapide de ces femmes et un traitement par la thérapie
EMDR est très indiquée. Pour la plupart de ces femmes, l’utilisation du
protocole des traumas récents (Shapiro 2018) ou encore le R-TEP (Recent
Traumatic Episode Protocol, Shapiro & Laub, 2008, 2015) est indiquée, du
fait que plusieurs « hotspots » ou moments très difficiles font partie de leur
vécu. Pour simplifier (et pour les personnes non formées en R-TEP), le
protocole des traumas récents de Shapiro (Shapiro 2018) peut être utilisé sans
souci. Dans les protocoles des traumas récents, la différence essentielle avec
le protocole standard est de décomposer l’événement en plusieurs « vues » ou
plusieurs cibles dans un même événement, chacun traité de manière isolée, à
commencer par le plus difficile, et ensuite par la chronologie des événements.
On choisira donc avec la femme les cibles susceptibles de déclencher des
réactions émotionnelles fortes et on en fera des vues, des mini-situations
isolées. Pour les femmes avec un diagnostic de mort in utero, généralement il
y a en tout cas deux vues différentes à traiter : le moment de l’annonce (ou la
réalisation du décès du fœtus) et le moment de l’accouchement du bébé mort.
Pour la plupart des femmes, l’image du pire moment en phase trois pour la
première est le moment où l’obstétricien ou l’échographiste ne dit plus rien et
regarde l’écran silencieusement. Le pire moment est donc le moment où elles
réalisent que quelque chose de terrible est en train de s’annoncer. Une
croyance négative (Cognition Négative) fréquente est « je ne peux pas le
supporter ! » qui reste irrationnelle, les CN concernant l’impuissance comme
« je ne peux rien faire. » ou encore « je suis impuissante » ne sont pas
valables, étant bel et bien une réalité. La première peut aussi nous amener à
une croyance positive (Cognition Positive) du type : « je peux vivre avec » ou
encore « je peux accepter mon sort ». Pour la deuxième vue de l’exemple, le
pire est souvent la sensation du passage vaginal de l’enfant mort. On
focalisera plus sur les sensations comme pire moment, on aura donc une
« image sensorielle ». Encore une fois, la Cognition Négative « je ne peux
pas le supporter » est utile et réellement de l’ordre de l’irrationnel, car la
femme est contrainte de le supporter. Et la Cognition Positive pourra à
nouveau être « je peux vivre avec ». Il est utile de procéder à une prise en
charge rapide. Les phases 1 et 2 peuvent être réalisées rapidement, peut-être
même dans la première séance (si on s’est assuré qu’il n’y ait pas de graves
traumatismes antérieurs), ce qui permettra d’administrer le R-TEP ou le
protocole des traumas récents dans la première ou deuxième séance déjà. Le
retraitement de ces moments difficiles ne marquera pas encore la fin de la
prise en charge. Par la suite, la femme verra de toute façon d’autres femmes
enceintes et des bébés. Elle saura quand elle aurait eu le terme de la
naissance. Voir des mamans avec des nourrissons, des poussettes et recevoir
des faire-parts de naissance de la part de copines, sera douloureux pour ces
femmes, car ce sont des déclencheurs pour ces mamans en deuil. Il est bien
évident que les déclencheurs nécessiteront un retraitement supplémentaire
dans la logique du traitement en trois temps ou trois volets (passé-présent-
avenir). Tout déclencheur aura son scénario futur. Par exemple, voir encore
des femmes enceintes dans les rues, recevoir un faire-part de naissance de la
belle-sœur ou de la copine, aller rendre visite à l’hôpital à la copine qui
accouchera bientôt, etc.
Le deuil de l’enfant est une deuxième chose à retraiter et fera l’objet d’un
deuxième plan de ciblage. On suivra le protocole de deuil (Solomon, 2015 ;
Solomon & Rando, 2007 ; Iracane, 2017) pour permettre une diminution des
mesures du deuil traumatique qui correspond à la perte brutale d’un être
proche. Tarquinio et al. (2009) ont recensé les critères d’un deuil traumatique
qui sont : pensées intrusives, des difficultés d’ajustement face à la perte
(sentiment de vide, difficultés à reconnaître le décès, etc.), anxiété,
dépression et détresse psychologique (Tarquinio et al., 2009) (voir aussi le
chapitre 40). Le protocole des scénarios futurs représente un défi important.
Est-ce qu’on ciblera une nouvelle perte ? Bien souvent, les femmes cherchent
à concevoir rapidement un prochain enfant alors même qu’elles devraient
bien attendre plusieurs mois pour donner du temps à l’utérus de se renforcer.
Elles auront une peur intense d’une répétition de leur drame. Si une femme
présente un risque augmenté de fausse couche, les scénarios futurs A-B-C
(voir chapitre 9) peuvent être utiles. Toutefois, pour une femme sans risque
particulier, il n’est pas indiqué de travailler une future perte de grossesse. On
essayera de la rassurer et de développer des ressources comme la force,
l’espoir, avec la technique de l’éponge (Shapiro, 2018) ou encore le scénario
A (voir chapitre 9).
Un problème particulier pour ces femmes ou couples est le fait que bon
nombre de personnes ne considèrent pas l’enfant décédé comme un être
humain disparu, mais plutôt comme une « chose » remplaçable. Si la fausse
couche a été précoce, l’entourage n’a encore rien vu, parfois ne savait même
pas qu’une grossesse existait. Un fœtus perdu pour beaucoup de personnes
(pas les parents en général) n’est pas vraiment pris en compte. L’inscription
dans le livret de famille se fait, en Suisse, seulement après la naissance
(vivante ou mort-né) après le sixième mois de grossesse. Le faire avant est
possible, mais la demande doit être faite par les parents, et beaucoup de
couples ne le savent pas. L’enfant « n’existe » donc nulle part s’il n’est pas
inscrit quelque part. C’est une douleur supplémentaire pour ces couples et un
effort important est parfois développé par la femme ou le couple pour lui
témoigner amour et souvenirs. Les parents ainsi en deuil entendent souvent la
phrase qui tue : « Mais vous êtes jeunes, vous pouvez recommencer ! » En
thérapie, il est tout particulièrement important de donner une existence à cet
être qui n’aura jamais eu la chance de partager sa vie avec ses parents, et des
parents qui n’auront jamais la chance de connaître ce petit être, leur enfant.
Même si de nombreux couples sont pressés de concevoir à nouveau, il est
important de travailler ce moment traumatique de la perte et le deuil, sans
quoi souvent plus tard, le deuil revient, un deuil non terminé et donc plus
difficile.
LES MARIS/PARTENAIRES
Quand on parle d’obstétrique, c’est vrai que l’on pense d’abord à maman et
bébé. Les pères sont souvent présents, mais parfois absents aussi.
Accompagner sa femme à l’accouchement de son enfant est aujourd’hui
plutôt d’usage. Bon nombre de maris tentent aussi d’enregistrer par vidéo le
moment de l’accouchement. Ça restera toujours un choix personnel, mais il
est plutôt déconseillé par les équipes médicales de laisser les maris trop près
de l’événement, avec un grand « scoop » entre les jambes de sa partenaire
donnant naissance. Bien sûr ils peuvent et même doivent être aux côtés de
leur femme, mais souvent ils sont fortement perturbés par ce qu’ils voient, et
ceci même pour un accouchement dit normal. De voir sa partenaire souffrir
n’est pas chose facile pour bien des hommes. Le fait d’être simplement
présent sans ne rien pouvoir faire d’autre déclenche souvent des sentiments
d’impuissance chez ces maris. Des accouchements peuvent également
entraîner une grande perte de sang et des visions difficiles. De voir la femme
écartée, avec un périnée tout tendu, ensanglanté, parfois avec des excréments,
des déchirures et de forts saignements peut avoir un potentiel traumatique
important et entraîner par la suite des problèmes tels que des intrusions, des
cauchemars ou des difficultés d’ordre sexuel. Il n’est pas conseillé aux
hommes d’avoir une vision trop intrusive du processus de l’accouchement.
Un autre problème est le moment où l’accouchement commence à tourner
mal. Quand il y a urgence médicale, tous les acteurs commencent à s’activer,
à courir, à préparer une péridurale ou une anesthésie générale et la césarienne,
les néonatologues sont appelés, etc. Plus personne n’a le temps de s’occuper
du mari qui reste là comme un figurant qui voit sa femme « enlevée » et qui
ne sait pas ce qui les attend, ni elle, ni le bébé, ni lui. Bon nombre de maris
ont peur que leur femme ou leur bébé décèdent. Ils sont laissés sans
informations, parfois durant des heures. Ces hommes nécessitent également
une prise en charge et la thérapie EMDR est parfaitement indiquée pour eux
aussi.
Les deux exemples de cas présentés plus haut sont représentatifs de situations
fréquentes difficiles, voire traumatiques pour les femmes et/ou les couples.
Néanmoins, une multitude de situations présentent une indication pour la
thérapie EMDR, comme le décrit le prochain chapitre.
Cet article donne une vue d’ensemble non exhaustive des problématiques rencontrées par les femmes et couples qui
deviennent parents. La grossesse, bien que généralement considéré comme un « événement heureux », est pour beaucoup
de ces couples une déception, voire un choc, entremêlés parfois de moments très difficiles. La thérapie EMDR est indiquée
pour la préparation, l’accompagnement et le retraitement post-accouchement de situations difficiles qui sont, pour la
plupart, des situations de type traumatogène. Les situations compliquées non traumatogènes peuvent également être
accompagnées ou retraitées par la thérapie EMDR. Étant donné que la grossesse et l’accouchement sont des situations à
risque par nature, une bonne préparation à la naissance est importante non seulement sur le volet physiologique, sur lequel
les cours de préparation à la naissance mettent généralement l’accent, mais aussi au niveau psychologique. Une préparation
avec les scénarios A et B (voir chapitre 9) ou aussi avec la technique de l’éponge est fortement recommandée.
BIBLIOGRAPHIE
DAVIES, K. (2009). Treating Nirth-Relatd Post-Traumatic Stress. In Shapiro,
R. Ed (2009) EMDR Solutions II. For Depression, Eating Disorders,
Performance and More. New York. Norton.
HOFMANN, A. (2010). Healing Depression by Treating Trauma. Document de
présentation à la Conférence EMDR Asia. Bali.
IRACANE, M. (2017). La prise en charge du deuil et du deuil bloqué. Thérapie
EMDR et deuil. Dans : Tarquinio, C. Ed. Pratique de la psychothérapie
EMDR. Paris. Dunod.
KNIPE, J. (2014). EMDR Toolbox. Theory and Treatment of Complex PTSD
and Dissociation. New York. Springer.
SHAPIRO, E. & LAUB, B. (2008). Early EMDR intervention EEI: A summary a
theoretical model, and the recent traumatic episode protocol (R-TEP).
Journal of EMDR Practice and Research, 2(2), 79-96.
SHAPIRO, E. & LAUB, B. (20015). Early EMDR intervention following a
community critical incident: A randomized clinical trial. Journal of
EMDR Practice and Research 9, 17-27.
SHAPIRO, F. (2018). Manuel de la thérapie EMDR. Manuel de formation.
EMDR Institute. Watsonville.
SHAPIRO, F. (2001/2018) Eye Movement Desensitization and Reprocessing
(EMDR) Therapy. Basic Principles, Protocols, and Procedures. Third
Edition. New York. Guilford Press.
SOLOMON, R. (2015). L’utilisation de l’EMDR avec les deuils traumatiques.
Document de cours.
SOLOMON, R.M. & RANDO, T. A. (2007). Utilization of EMDR in the treatment
of grief and mourning. Journal of EMDR Practice and Research, 1,2. 109-
117.
TARQUINIO C, HOUBRE B, FAYARD A, TARQUINIO P. (2009). Application de
l’EMDR au deuil traumatique après une collision de train. Evolution
psychiatrique, 74, 45-56.
Collège National de Gynécologues et Obstétriciens Français, 2014.
http :www.cngof.asso.fr/data/RCP/GNOF
_2014_pertes_grossess.pdf
Chapitre 40
EMDR et addiction
Les champs des addictions et de la dépendance sont des domaines en pleine mutation. Longtemps limité aux cures de
sevrage dans le domaine hospitalier, le traitement des troubles de la dépendance et des conduites addictives se développe
de plus en plus en dehors du système purement médical. Les psychothérapeutes sont à cet égard de plus en plus sollicités
pour prendre en charge des patients dépendants. Ces prises en charge sont souvent d’une grande complexité et les échecs
thérapeutiques restent malheureusement fréquents. De toute évidence la thérapie EMDR peut apporter sa contribution à la
prise en charge de ces patients. Bien qu’elle ne règle pas tous les problèmes en la matière, cette approche s’inscrit dans le
cadre d’une réflexion globale autour du modèle TAI et du lien qui existe entre addiction et TSPT.
La thérapie EMDR permet de travailler à deux niveaux, en interrogeant d’une part les causes d’apparition de la pathologie,
et d’autre part, en aidant au retraitement du symptôme addictif en travaillant la mémoire de dépendance.
LA CONDUITE ADDICTIVE
▶ Définitions
▶ Critères du DSM-V
▶ Addiction et TSPT
▶ Protocole standard
L’utilisation du protocole standard dans le domaine des addictions est plutôt
fréquente dans la littérature. L’utilisation de l’EMDR permettrait également
d’avoir un effet de désensibilisation « pur » sur le craving (besoin
irrépressible de consommer).
L’étape de stabilisation, nécessaire avant tout travail sur les événements de
vie traumatiques et les souvenirs du passé, pourra également s’effectuer grâce
à la désensibilisation des phénomènes de craving, évitant ainsi la gestion des
émotions post-séance à l’aide de la consommation de substance.
Dans le cadre des addictions et en l’absence d’événements de vie
traumatiques en lien avec la consommation de substances, l’utilisation du
protocole standard peut être remplacée ou complétée par l’utilisation de
protocoles EMDR spécifiques, ayant chacun une visée particulière.
▶ DeTUR
▶ FSAP
▶ CravEx
L’utilisation de la thérapie EMDR dans le cadre des addictions est en plein essor et permet de s’adapter à la pluralité des
profils addictifs.
L’utilisation du protocole standard est privilégiée lorsque les causes du comportement addictif sont connues et que le
patient est suffisamment stabilisé pour qu’elles soient traitées.
L’utilisation de protocoles spécifiques permet de s’adapter et de cibler les différentes composantes des troubles de l’usage
de substance, en ciblant la mémoire de la dépendance, les comportements de craving, l’envie de consommer, que les
ressentis positifs en lien avec la consommation.
La prévention de la rechute est également une étape fondamentale prise en charge par les protocoles spécifiques en EMDR.
BIBLIOGRAPHIE
ABEL NJ & O’BRIEN JM. (2010). « EMDR Treatment of Comorbid PTSD and
Alcohol dependence : a case example », Journal of EMDR Practice and
Research, 4(2), 50-59.
ABEL NJ & O’BRIEN JM. (2012). « Traitement par l’EMDR d’états
comorbides d’ESPT et de dépendance à l’alcool : un exemple de cas »,
Journal of EMDR Practice and Research, 6(2), 1E-11E.
BACK SE, JACKSON JL, SONNE S & BRADY KT. (2005). « Alcohol dependence
and posttraumatic stress disorder : Differences in clinical presentation and
response to cognitive-behavioral therapy by order of onset », Journal of
Substance Abuse Treatment, 29, 29-37.
BARBIERI JL. (2008). « The URGES Approach : Urge Reduction by Growing
Ego Strength (URGES) for trauma/addiction treatment using Alternate
Bilateral Stimulation, hypnotherapy, Ego state therapy and Energy
psychology », Sexual Addiction & Compulsivity, 15(2), 116-138.
BREMNER JD, SOUTHWICK S, DARNELLE A & CHARNEY DS. (1996). « Chronic
PTSD in vietnam combatant veterans : course of illness and substance
abuse », American Journal of Psychiatry, 153, 369-75.
BROWN S, GILMA SG, ELLEN G, ALDER-TAPIA R & FRENG S. (2015).
« Integrated Trauma Treatment in Drug Court : combining EMDR
Therapy and Seeking safety », Journal of EMDR Practice and Research,
9(3), 123-136.
CECERO JJ & CARROLL KM. (2000). « Using EMDR to reduce cocaine
cravings », American Journal of Psychiatry, 157(1), 150-151.
COX RP & HOWARD MD. (2007). « Utilization of EMDR in the Treatment of
sexual addiction : a case study », Sexual Addiction & Compulsivity, 14(1),
1-20.
HASE M. (2009). An EMDR Approach to treat substance abuse and addiction.
In : Luber M. (Ed), « EMDR Scripted protocols : special populations »,
New-York : Springer Publishing.
HASE M, SCHALLMAYER M & SACK M. (2008). « EMDR reprocessing of the
addiction memory : Pretreatment, post treatment and 1-month follow-up »,
Journal of EMDR Practice and Research, 2(3), 170-179.
HWALLIP B & DAEHO K. (2012). « Desensitization of Triggers and Urge
Reprocessing for an adolescent with internet addiction disorder », Journal
of EMDR Practice and Research, 6(2), 73-81.
JACOBSEN LK, SOUTHWICK SM, KOSTEN TR. (2001). « Substance use disorders
in patients with posttraumatic stress disorder », American Journal of
Psychiatry, 158, 1184-90.
KESSLER RC, SONNEGA A, BROMET E, HUGHES M & NELSON CB. (1995).
« Posttraumatic stress disorder in the National Comorbidity Survey »,
Archives of General Psychiatry, 52, 1048-60.
KULLACK C & LAUGHARNE J. (2016). « Standard EMDR protocol for Alcohol
and Substance Dependence comorbid with PTSD : four cases with 12-
month follow-up », Journal of EMDR Practice and Research, 10(1), 33-
46.
KULLACK C & LAUGHARNE J. (2017). « Le protocole EMDR standard pour la
dépendance à l’alcool et à d’autres substances psychoactives en
comorbidité avec un état de stress post-traumatique : quatre cas avec un
suivi après 12 mois », Journal of EMDR Practice and Research, 11(2),
45E-60E.
LITTEL M, VAN DEN HOUT MA & ENGELHARD IM. (2016). « Desentizing
Addiction : Using Eye Movements do Reduce the Intensity of Substance-
Related Mental Imagery and Craving », Front Psychiatry, 7, 14.
MARKUS W, DE WEERT-VAN OENE GH, WOUD ML, BECKER ES & DE JONG CA.
(2015). « A multi-site randomized study to compare the effects of EMDR
added to TAU versus TAU to reduce craving and drinking behavior in
alcohol dependent outpatients : study protocol », BMC Psychiatry, 15, 51.
MARKUS W, DE WEERT-VAN OENE GH, WOUD ML, BECKER ES & DE JONG CA.
(2016). « Are addiction-related memories malleable by working memory
competition ? Transient effects on memoyer vividness and nicotine
craving in a randomized lab experiment », Journal of Behavior Therapy
and Experimental Psychiatry, 52, 83-91.
MARKUS W & HORNSVELD HK. (2017). « EMDR Interventions in Addiction »,
Journal of EMDR Practice and Research, 11(1), 3-29.
MARICH J. (2010). « EMDR in addiction continuing care : a
phenomenological study of women in recovery », Psychology Addiction
Behavior, 24(3), 498-507.
MARICH J. (2009). « Case study of a Cross-Addicted Female’s treatment and
recovery », Journal of EMDR Practice and Research, 3(2), 98-106.
MCGOVERN MP, LAMBERT-HARRIS C, ACQUILANO S, XIE H, ALTERMAN AI &
WEISS RD. (2009). « A cognitive behavioral therapy for co-occuring
substance use and posttraumatic stress disorder », Addictive Behaviors, 34,
892-7.
MILLER R. (2012). « Treatment of behavioral addictions utilizing the feeling-
state addiction protocol : A multiple base-line study », Journal of EMDR
Practice and Research, 6(4), 159-169.
O’BRIEN JM & ABEL NJ. (2011). « EMDR, Addictions and the stages of
change : a road map for intervention », Journal of EMDR Practice and
Research, 5(3), 121-130.
PEREZ-DANDIEU B & TAPIA G. (2014). « Treating trauma in addiction with
EMDR : a pilot study », Journal of Psychoactive Drugs, 46(4), 303-309.
PEREZ-DANDIEU B, LENOIR H, OTHILY E, TAPIA G, CASSEN M & DELILE JM.
(2015). « The impact of EMDR and Schema Therapy on addiction severity
among a sample of French Women suffering from PTSD and SUD »,
Drug and Alcohol Dependence, 146, e68-e69.
POPKY AJ. (2010). The Desensitization of Triggers and Urge Reprocessing
(DeTUR) protocol. In : Luber M. (Ed), « EMDR Scripted protocols :
special populations », New-York : Springer Publishing.
SANTIAGO PN, JOSHUA E, WILK JE, MILIKEN CS, CASTRO CA & ENGAL CC.
(2010). « Screening for alcohol misuse and alcohol-related behaviors
among combat veterans », Psychiatric Services, 61, 575-81.
QURISHI R, MARKUS W, HABRA MMJ, BRESSERS B & DE JONG CA. (2017).
« EMDR Therapy reduces intense treatment-resistant cravings in a case of
Gamma-Hydroxybutyric Acid Addiction », Journal of EMDR Practice
and Research, 11(1), 30-42.
ROUGEMONT-BÜCKING A & ZIMMERMANN EN. (2012). « EMDR-based treatment
of psychotraumatic antecedents in illicit drug abusers : a report of two
cases », Schweizer archive für neurologie and psychiatrie, 163(3), 107-
115.
SCHÄFER I, CHUERY-FERRER L, HOFMANN A, LIEBERMAN P, MAINUSCH G &
LOTZIN A. (2017). « Effectiveness of EMDR in patients with substance use
disorder and comorbid PTSD : study protocol for a randomized controlled
trial », BMC Psychiatry, 17(1), 95.
TSOUTSA A, FOTOPOULOS D, ZAKYNTHINOS S & KATSAOUNOU P. (2014).
« Treatment of tobacco addiction using the Feeling-State Addiction
Protocol (FSAP) of the EMDR treatment », Tobacco Induced Diseases,
12(1), A25.
VOLPICELLI JR, BALARAMAN G, HAHN J, HEATHER WALLACE MA, BUX D.
(1999). « The Role of Uncontrollable Trauma in the Development of
PTSD and Alcohol Addiction », Alcohol Research & Health, 23, 256-62.
VOLPICELLI JR. (1987). « Uncontrollable events and alcohol drinking »,
British Journal of Addiction, 82, 381-92.
WISE A & MARICH J. (2016). « The perceived effects of standard and
addiction-specific EMDR Therapy Protocols », Journal of EMDR Practice
and Research, 10(4), 231-244.
ZWEBEN J & YEARY J. (2008). « EMDR in the treatment of Addiction »,
Journal of Chemical Dependency Treatment, 8(2), 115-126.
Chapitre 41
Marie-Jo Brennstuhl
La douleur chronique représente un problème de santé majeur et touche des milliers de personnes tous les ans, suite à un
accident, une maladie, une intervention chirurgicale, ou parfois sans cause clairement établie.
Les professionnels de santé se trouvent néanmoins bien démunis dans sa prise en charge, malgré les nombreux plans
gouvernementaux mis en place depuis 1998.
Si l’allopathie montre des effets modérés, les prises en charges psychothérapeutiques obtiennent des résultats plus que
satisfaisants et tendent à ouvrir la voie à de nouveaux modes de compréhension de la douleur chronique.
Bien que novatrice, la thérapie EMDR a désormais fait sa place dans le traitement de la douleur chronique et propose
différentes méthodes d’intervention.
LA DOULEUR CHRONIQUE
▶ Définitions
▶ Critères du DSM-V
▶ Phase 3 à 8 : retraitement
L’adaptation du protocole EMDR standard à diverses pathologies dans le champ de la santé et de la maladie est en plein
essor. Les résultats obtenus sont également prometteurs.
Dans le cadre de la douleur chronique, il apparaît qu’une réflexion plus globale sur l’étiologie de la douleur et les facteurs
de maintien et d’installation de la pathologie nous amène à utiliser la thérapie EMDR de manière différente.
En effet, il s’agit de juguler l’utilisation d’un protocole EMDR spécifique douleur, agissant sur les composantes sensitives
et comportementales de la douleur, au protocole EMDR standard agissant sur les composantes cognitives, et émotionnelles,
tout en retraitant ce qui semble se positionner dans la littérature comme un facteur explicatif du symptôme douloureux : les
événements de vie traumatiques.
BIBLIOGRAPHIE
EMDR et fibromyalgie
La fibromyalgie est une affection particulière faisant partie de la douleur chronique. Elle présente néanmoins des
spécificités de compréhension et de traitement qui nécessitent de lui accorder une attention spécifique.
LA FIBROMYALGIE
▶ Définitions
Douleurs bilatérales et étendues : du côté gauche et du côté droit du corps, au-dessus et au-dessous de la taille,
associées à des douleurs du squelette axial (colonne cervicale, dorsale, lombaire et douleurs de la paroi thoracique
antérieure).
Douleurs à la palpation digitale de 11 des 18 points de yunus sensibles suivants (en exerçant une pression voisine de 4
kilos/cm2)
occiput : bilatérales, à l’insertion des muscles sous-occipitaux ;
rachis cervical inférieur : bilatérales, sur les versants antérieurs des espaces intertransversaires C5-C7 ;
trapèze : bilatérales, au milieu du bord supérieur ;
sus-épineux : bilatérales, à l’origine de l’épine de l’omoplate, près de son bord interne ;
deuxième côté : bilatérales, à la deuxième articulation costochondrale, à côté de la face supérieure de l’articulation ;
épicondyle : bilatérales, à 2 cm au-dessous de l’épicondyle ;
fessières : bilatérales, dans le cadran supéro-externe de la fesse ;
grand trochanter : bilatérales, au bord postérieur du grand trochanter ;
genou : bilatérales, près de l’interligne interne.
Le critère de fibromyalgie est retenu si les critères 1 et 2 sont présents et si les douleurs durent depuis au moins trois mois.
▶ Comorbidités
▶ Phase 2 : préparation
« Le patient est invité à s’allonger (mais l’exercice peut être aussi très efficace s’il est réalisé en position assise),
confortablement. Il s’agira de l’inviter à focaliser son attention séquentiellement sur différentes parties de son corps en
commençant généralement par une extrémité du corps (pieds, mains) et en scannant (perception vigilante et orientée) au fur
et à mesure chacune des parties du corps. Le patient est invité à noter les sensations douloureuses présentes avec ouverture
et curiosité ou tout simplement noter l’absence de sensations douloureuses. Ce n’est pas un exercice de relaxation, même si
des effets relaxants peuvent se manifester dans la mesure où on ne demande pas au patient de se relaxer. Si certaines parties
du corps sont tendues ou sous l’emprise des douleurs, dans un premier temps le patient ne doit pas chercher à supprimer
cette tension, mais simplement en prendre conscience sans émettre de jugement et sans entrer dans un mode de pensée par
l’élaboration ou association sur l’origine de ce stimulus. Par la suite, il sera demandé au patient de respirer à l’intérieur de
la zone douloureuse préalablement circonscrite. Il s’agit explicitement d’une consigne de cohérence cardiaque, sauf qu’ici
la respiration ne se fait pas dans ou à travers le coeur, mais séquentiellement dans et à travers chacune des zones
douloureuses. C’est une respiration imaginaire au sein même de la zone douloureuse à laquelle il s’agira d’inviter le
patient. »
« Il convient de comprendre ce qui vous a conduit à cette situation. Vous n’êtes pas née avec ce problème de douleur. Nous
allons tenter, par le biais de plusieurs méthodes, de neutraliser les souvenirs qui sont des explications de cette situation. Ce
sont ces événements ou expériences négatives que nous allons maintenant chercher ensemble dans votre mémoire, afin de
les neutraliser et qu’ils ne vous perturbent plus. »
▶ Phase 3 à 8 : retraitement
Chacun de ces points pourra ensuite faire l’objet d’un retraitement particulier
à l’aide d’un protocole douleur adapté (cf. encadré).
EMDR – PROTOCOLE DE LA DOULEUR (DE ROOS & VEENSTRA, 2010)
1. Introduction
a. Mise en place des chaises et construire la relation thérapeutique
b. Explication de l'EMDR et de la douleur
c. Évaluer la distance et la vitesse des mouvements oculaires avec le patient
d. Choix de la stimulation bilatérale (visuelle, auditive ou tactile)
e. Signal STOP
5. Émotions
a. « Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur et en même temps sur ces mots (répétez la
CN) quelle(s) émotion(s) éprouvez-vous maintenant ? »
b. SUP (Subjectif Units of Pain)
« Si vous pensez à la douleur ou si vous vous concentrez sur la douleur et en même temps sur ces mots (CN), quelle
est la force de la douleur sur une échelle de 0 à 10, où 0 signifierait pas de douleur du tout, et 10 la pire douleur que
vous puissiez avoir, à combien évaluez-vous la douleur que vous ressentez maintenant ? »
c. Sensation corporelle de la douleur
« Où ressentez-vous le plus cette douleur dans votre corps ? »
8. Installation de « l'image-antidote »
a. Si votre patient dit qu'il / elle sent une différence dans la force de la douleur, posez-lui des questions qui peuvent
créer une ressource :
« Qu'y a-t-il à la place de la douleur ? »
« Qu'est-ce qu'il y a maintenant, là où était la douleur avant ? »
Si la douleur ne change pas, vous pouvez demander :
« Qu'est ce qui peut enlever la douleur ou en tout cas diminuer la douleur ? »
b. « Faites une image / une photo de ça »
Installez cette image. Éventuellement quand cela change : « C'est quoi exactement » ou « À quoi cela vous fait
penser ? »
Continuez avec la stimulation bilatérale jusqu'à ce qu’il n'y ait plus de changement.
c. Associer un mot métaphorique et l'installer, par exemple :
« Mentionnez un mot qui convient à votre sentiment quand vous vous concentrez sur cette image »
Continuer la stimulation bilatérale jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de changement.
La thérapie EMDR démontre toute sa pertinence dans la prise en charge de la fibromyalgie. Il convient bien sûr d’adapter
le traitement et l’utilisation des différents protocoles à cette symptomatologie particulière, en associant un travail sur les
événements de vie négatifs à un retraitement des zones douloureuses.
BIBLIOGRAPHIE
Il est fréquent, suite à des amputations d’un membre ou à une mastectomie que les patients ressentent la présence du
membre à travers des douleurs ou des sensations. Une telle situation est plus que déconcertante pour les patients qui se
retrouvent en souffrance d’une partie de leur corps censée ne plus exister. La recherche dans le domaine explique
précisément le phénomène et la psychothérapie dont l’EMDR peut être d’une grande utilité dans la prise en charge de ces
douleurs.
BIBLIOGRAPHIE
2. Le SUP n’est en rien une invention des praticiens EMDR, car cela correspond en fait à la mesure de
L’EVA ou Echelle Visuelle Analogique, qui est utilisée depuis 1995, pour l’évaluation de la douleur
chez le patient adulte atteint d’un cancer, depuis 1999, pour l’évaluation de la douleur chronique des
adultes en médecine ambulatoire et depuis 2000, pour l’évaluation de la douleur des enfants.
Initialement proposée par Scott et Huskisson (1976) pour évaluer l’intensité de la douleur chronique,
l’EVA correspond à une réglette graduée d’une longueur de 100 mm dont les extrémités figurent pour
l’une, l’absence de douleur, pour l’autre, la douleur maximale imaginable.
Chapitre 44
Prise en charge
des troubles de la sexualité
avec la psychothérapie EMDR
Depuis les années 1970, notamment avec la publication de Human Sexual Inadequacy par Masters et Johnson, les
psychologues et les médecins accordent une attention de plus en plus grande aux problèmes sexuels et aux demandes
formulées dans ce domaine.
Selon Langis et Germain (2009), la difficulté sexuelle peut se définir comme « une situation qui empêche le bon
déroulement de la relation sexuelle. ». L’EMDR peut dans ce domaine apporter des éléments de réponse complémentaire
qui peuvent à la fois aider le thérapeute et surtout les patients.
LE TROUBLE DE L’ÉRECTION
▶ Éléments généraux
Le trouble de l’érection est défini par le DSM 5 par « au moins un des trois
symptômes suivants doit être éprouvés dans presque toutes, ou toutes les
occasions (approximativement 75-100 %) d’activité́ sexuelle avec un
partenaire :
1. difficulté marquée à parvenir à une érection au cours de l’activité
sexuelle ;
2. difficulté marquée à parvenir à maintenir l’érection jusqu’à l’achèvement
de l’acte sexuel ;
3. diminution marquée de la rigidité́ érectile. »
En d'autres termes, il s'agit de l'impossibilité d'obtenir une érection suffisante
pour permettre un rapport sexuel. La dysfonction érectile peut être
« primaire » lorsque l'homme n'a jamais eu d'érection de qualité suffisante
pour pouvoir réaliser une pénétration. Cela concerne un très faible
pourcentage d'hommes souffrant de dysérection. Le plus souvent, la
dysfonction est « secondaire », c'est-à-dire que l'homme avait auparavant une
sexualité qui le satisfaisait. Suite à des problèmes physiologiques ou
psychologiques, il peut ne plus être en mesure d’obtenir une érection
suffisante pour pouvoir avoir des rapports sexuels. Le trouble de l’érection
peut aussi être partiel ou total. Ainsi, certains hommes parviennent à avoir
une érection, mais elle est soit insuffisante, soit pas assez solide.
Les difficultés érectiles se manifestent de différentes manières selon qu’elles
sont d’origine organique ou psychogène. Quand la physiologie de l’érection
est affectée par une pathologie, un traumatisme, la prise d’une substance ou
une intervention chirurgicale, le potentiel érectile se trouve en général réduit
en intensité et en durée, peu importe les circonstances (érections nocturnes et
matinales, masturbation, relations sexuelles). Lorsque la cause est
psychogène, la capacité à atteindre l’érection est très dépendante de l’état
d’esprit dans lequel se trouve l’homme. S’il est déprimé, il peut ne pas avoir
d’érection en toutes circonstances. S’il a peur de l’échec, son érection
apparaît lorsqu’il ne s’en soucie pas et disparaît dès l’instant où l’idée
d’échec apparait, que cela soit durant les préliminaires ou lors de
l’intromission du pénis dans le vagin ou en cours de pénétration.
Le trouble de l’érection est un symptôme très fréquent avec une prévalence
variable selon les populations étudiées et les critères de diagnostic. Il existe,
dans toutes les études, une augmentation de la prévalence de cette difficulté
avec l’âge (Giuliano et Droupy, 2013).
pour les hommes de moins de 40 ans, la prévalence est comprise entre 1 et
9%;
entre 40 et 49 ans, la prévalence demeure généralement inférieure à 10 %
s’élevant dans certaines études à 15 % ;
entre 50 et 60 ans, la prévalence varie beaucoup d’une étude à l’autre ;
entre 60 et 70 ans la prévalence est comprise entre 20 et 40 % ;
au-delà de 70 ou de 80 ans, la prévalence est très élevée entre 50 et 100 %.
Devant une dysfonction sexuelle, il convient d’explorer trois axes
complémentaires et indissociables, les axes organiques, psychiques et
relationnels. Cette approche multidirectionnelle s’avère essentielle lorsque le
motif de consultation est une dysfonction érectile (Corona et al., 2006).
Parmi les objectifs associés à la prise en charge de la dysfonction érectile, il
convient de penser systématiquement aux complications somatiques. Ainsi, le
psychothérapeute découvrant cette difficulté sexuelle devra, outre le
traitement psychologique de celle-ci, rechercher des facteurs de risques
organiques, en particulier urologiques, cardio-vasculaires, métaboliques et
hormonaux. La consommation de produits psychoactifs, en particulier
l’alcool, le tabac, et certaines drogues illicites telles que la cocaïne, peuvent
être des paramètres à prendre en compte.
De nombreuses études indiquent que des facteurs psychiques, tels que les
troubles de l’humeur, ou le stress sont impliqués dans la survenue de
dysfonctions sexuelles et de la dysfonction érectile. Selon une étude récente
(Nobre, 2010), des facteurs psychiques comme les schémas cognitifs négatifs
interviendraient dans la survenue et le maintien de la moitié des dysfonctions
érectiles. Les liens entre dysfonction érectile et anxiété sont largement étudiés
(Corona et al., 2006). Pour chaque homme, la dysfonction érectile peut
induire une anxiété, même en l’absence de pathologie anxieuse. Et le
retentissement psychique sera bien entendu variable d’un patient ou d’un
couple à l’autre. Quelques auteurs ont évalué le retentissement d’événements
de vie potentiellement stressants sur la sexualité (chômage, contraintes de vie,
travail…). Tous ces événements pourvoyeur de stress et d’autodépréciation
fragilisent inexorablement la sexualité et sont à rechercher par le clinicien et à
traiter.
Les problèmes relationnels, les tensions quotidiennes liées au couple (conflits
conjugaux, inquiétudes pour la partenaire), peuvent également être à l’origine
des dysfonctions sexuelles ou en être la conséquence et les entretenir. Hedon
(2003) évoque le cercle vicieux des difficultés, de la distance au sein du
couple, voire la survenue de conflits consécutifs à la survenue d’une
dysfonction sexuelle. Ainsi, la guérison de la dysfonction érectile surviendra
plutôt au sein de couples non conflictuels, ou alors après une approche
conjointe de la problématique conjugale.
C’est souvent dans le passé des patients que l’on trouvera les origines
psychologiques du trouble. Une fois ces souvenirs sources traités, il s’agira
de projeter le patient dans une sexualité à venir pour ensuite le confronter à
des situations réelles dans l’ici et maintenant. Il s’agit donc de passer d’une
démarche de traitement in vitro (passé et futur) à un traitement en situation
(in vivo) ce qui en matière de prise en charge EMDR est en fait nouveau
(Tarquinio & Tarquinio, 2015).
Nous proposons une procédure en 6 étapes :
1. démarche psychopédagogique ;
2. apprentissage de techniques de stabilisation et de relaxation ;
3. utilisation de plan de ciblage pour l’identification des souvenirs sources ;
4. traitement des cibles du passé avec le protocole standard ;
5. application de la technique du flashforward de Logie et De Jongh (2014)
et scénario du futur ;
6. application du Sensate Focus3 de Masters et Johnson (1970).
Étape 1 : Démarche psychopédagogique
Nous proposons à ce stade l’installation d’un « lieu sûr » qui reste un élément
incontournable du protocole standard EMDR. Du fait des implications sur le
corps, l’exercice du « Body Scan » inspiré du mindfulness avec
désensibilisation à partir de SBA, a montré sa pertinence dans ce domaine
d’autant qu’un tel protocole s’appliquera aisément (Tarquinio & Tarquinio,
2015). L’usage des techniques de relaxation classique ou de la cohérence
cardiaque peuvent ici encore être indiquées.
Bien entendu, toutes les techniques de plan de ciblage sont utiles. Cependant,
quel que soit le choix du clinicien, il est impératif d’utiliser la méthode des
Symptômes Aux Cibles (SAC) et la méthode des Croyances Fondamentales
aux Cibles (CFC) De Jongh et al. (2010), en raison de la spécificité et de la
pertinence clinique du symptôme érectile.
▶ Illustration clinique
Quentin a 53 ans. Il est marié depuis plus de 20 ans et père de trois enfants. Il éprouve de grandes difficultés à maintenir
une érection avec sa femme qui se fait très pressante sexuellement. Ces pannes sont des motifs majeurs de conflits et
sont vécues par l’épouse de Quentin sur un mode dramatique. Ainsi, l’idée du rapport sexuel qui pourrait se dérouler le
soir est une préoccupation obsessionnelle pour Quentin. Cela occupe ses pensées du matin au soir. Un travail est engagé
avec un médecin sexologue avec Quentin et le couple qui se concrétise par un certain nombre de mesures très précises
(…) dont l’engagement du patient dans une prise en charge psychothérapeutique, qui convoqua notamment l’approche
EMDR.
Résultat du SAC :
Deux souvenirs antérieurs ont ainsi été identifiés :
Premier souvenir perturbant : expérience de panne sexuelle en couple durant laquelle l’épouse s’est montrée
particulièrement agressive et moqueuse.
Second souvenir perturbant : à 17 ans, surpris en train de se masturber par sa plus jeune sœur. Celle-ci crie dans toute la
maison ce qu’elle venait de voir. Ce qui a impliqué des moqueries et des jugements moralisateurs de la part de tous les
membres de la famille.
Nous avons dans un second temps demandé à Quentin de reporter sur la ligne du temps ses différents souvenirs et
d’indiquer un niveau d’anxiété à chacun d’eux.
On retrouve sur le graphique ci-dessus les deux cibles à traiter avec le protocole standard.
Résultat du CFC (Cf. Tarquinio & Tarquinio (2015) pour un détail de la procédure)
Croyances dysfonctionnelles de départ : je suis un sous-homme, je ne suis pas à la hauteur
Identification des preuves que nous avons demandées à Quentin de classer dans un second temps par ordre décroissant
selon leur niveau de perturbation :
Classement 1 : « La fois où je me suis fait surprendre par ma sœur dans ma chambre et qu’elle s’est mise à crier dans toute
la maison que j’étais en train de me toucher le sexe et que c’était dégoûtant. »
Classement 2 : « Vers 8 ans, c’était un truc de jeune, on devait avec des petites copines se montrer notre sexe respectif. En
fait il n’y a que moi qui ai sorti mon sexe et toutes les filles se sont moquées de moi et là aussi elles l’ont chanté dans toute
la rue. Ça a duré des années ce truc-là. »
Classement 3 : « Avant ma femme j’ai eu une autre amie, très jolie. Je me suis toujours demandé comment j’avais fait pour
sortir avec elle. J’étais impressionné. Et disons que là encore je n’y arrivais pas. J’évitais les situations à risques. Elle m’a
quitté, parce qu’elle me disait que je n’étais pas un homme comme les autres et qu’elle regrettait de ne pas procurer de
désir chez moi. »
Classement 4 : « Ma femme qui me dit que je ne suis pas un homme lorsque je n’arrive pas à bander et qu’elle attend que je
lui donne du plaisir. Je pense notamment à la fois dont je vous ai parlé qui reste vraiment la pire dans ma tête. »
Toutes les cibles issues des deux procédures de plan de ciblage ont été
traitées à partir de l’application du protocole standard.
Le thérapeute : « Quelle pourrait être la pire catastrophe, la pire des choses qui pourrait selon vous arriver quand vous
imaginez avoir un problème d’érection avec votre femme ?
Quentin : « Eh bien… c’est sa colère, qu’elle m’insulte. »
Le psychothérapeute : « Y a-t-il d’autres craintes de ce qui pourrait arriver de pire, si vous envisagez un problème
d’érection avec votre femme ? »
Quentin : « Et bien… c’est sa colère, qu’elle m’insulte parce que je n’arrive pas à bander. »
Le psychothérapeute : « Très bien…, dites ce qui est le pire dans cette situation… qu’est-ce qui pourrait vous arriver de
pire alors ? »
Quentin : « Qu’elle me quitte parce que je ne suis pas un homme. »
Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à cela, quelle est l’image qui vous vient ? »
Juliette : « Elle s’habille et quitte la chambre, la maison. »
Le psychothérapeute : « Regardez cette image de la pire des choses qui pourrait arriver. Sur une échelle de 0 à 10 quel est
le niveau de perturbation ? »
Quentin : « 9. »
Puis application des phases 4 à 7 (SUD=0, VOC = 7, bon scanner corporel)
Mise en place de scénario du futur où Quentin se projette dans des relations sexuelles où tout se passe bien. Nous évitons
d’introduire des défis à ce stade car il nous paraît intéressant d’appliquer d’abord le Sensate Focus de Masters et Johnson
(1970). À l’issue de cette étape 6, nous proposons la mise en place d’un scénario du futur avec défis.
Comme nous avons pu le constater, la psychothérapie EMDR, peut-être d’une grande aide dans la problématique
spécifique des difficultés sexuelles. A priori, cette approche est peu positionnée dans la littérature sexologique. C’est selon
nous un recours de choix dans la prise en charge de difficultés sexuelles, notamment lorsque la problématique est de nature
psycho émotionnelle. Les références à l’EMDR dans ce domaine sont de plus en plus nombreuses (Mignot et al., 2018),
même si la pratique des cliniciens sensibilisés conjointement à l’EMDR et à la sexologie doit encore s’étoffer. Pour ce
faire, il conviendrait que les psychothérapeutes qui, la plupart du temps, ne connaissent que peu de choses à la sexologie
fassent l’effort de s’y intéresser, ce qui malheureusement n’est pas assez le cas. Des recherches sont à mener dans ce
domaine et des formations à construire notamment à l’adresse des praticiens EMDR.
BIBLIOGRAPHIE
COLSON M.H. (2001). Il n’est jamais trop tard pour réaliser sa sexualité.
Paris : Éditions de La Martinière.
CORONA, G., MANNUCCI, E., PETRONE, L., RICCA, V., BALERCIA, G., GIOMMI, R.,
et al. (2006). Psychobiological correlates of free-floating anxiety
symptoms in male patients with sexual dysfunctions. Journal of
Andrology, 27, 86-93.
DE JONGH, A., & TEN BROEKE, E. (2007). Treatment of specific phobias with
EMDR : Conceptualization and strategies for the selection of appropriate
memories. Journal of EMDR Practice and Research, 1, 46–57.
DE JONGH, A., TEN BROEKE, E., & MEIJER, S. (2010). Two Method Approach :
A Case Conceptualization Model in the Context of EMDR. Journal of
EMDR Practice and Research, 4 (1), 12–21.
DE JONGH, A., TEN BROEKE, E., & RENSSEN, M. R. (1999). Treatment of
specific phobias with eye movement Desensitization and reprocessing
(EMDR) : Protocol, empirical status, and conceptual issues. Journal of
Anxiety Disorders, 13 , 69–85.
DSM-V(2015). Manuel diagnotique et statistiques des troubles mentaux. 1ed.
Paris : Masson.
GIULIANO, F. ET DROUPY, S. (2013). Dysfonction érectile. Progrès en urologie.,
23, 623-637.
GREEF A.P., MALHERBE, H.L. (2001). Intimacy and marital satisfaction in
sposes. Journal of sex et Marital Therapy, 27, 3, 247-257.
HEDON F. (2003). Anxiety and erectile dysfunction : a global approach to ED
enhances results and quality of life. International Journal of Impotence
Research : The Journal of Sexual Medicine, 15, 16-19.
LANGIS P., GERMAIN B. (2009). La sexualité humaine. Bruxelles : DeBoeck.
LOGIE R.D.J., DE JONGH A. (2014). The Flash-forward procedure» :
confronting the catastrophe, Journal of EMDR Practice and Research, 8,
1, 25-32.
MASTERS, W. et JOHNSON, V. (1070). Human sexual inadequacy. New York :
Bantam Books.
MASTERS, W., JOHNSON, V. (1970). Human sexual inadequacy. New York :
Bantam Books.
MIGNOT J., BLACHÈRE P., GORIN A., TARQUINIO C. (2018). L’Aide mémoire de
psycho-sexologie en 40 notions. Paris : Dunod.
TARQUINIO, C., TARQUINIO, M (2015). L’EMDR, Préserver la santé et prendre
en charge la maladie. Paris : Elsevier-Masson.
NOBRE P.J. (2010). Psychological determinants of erectile dysfunction :
testing a cognitive-emotional model. Journal of Sexual Medicine, 7, 1429-
37.
Notes
1. Chez l’homme, un déséquilibre hormonal peut être la cause d'une dysfonction érectile. La
testostérone, la prolactine ou les hormones thyroïdiennes influent sur sa libido, l'érection et parfois
même l'éjaculation. Chez la femme, l’œstrogène et la progestérone sont les hormones les plus
fondamentales. Les œstrogènes, en particulier, ont un rôle fondamental sur la libido. Après un
accouchement notamment, l’imprégnation hormonale se modifie et entraîne souvent une baisse de la
libido, passagère la plupart du temps.
2. Le phimosis est une affection du pénis ou du clitoris. Lors de l'érection, le prépuce du pénis ou le
capuchon du clitoris ne peut se rétracter derrière le gland du pénis ou du clitoris (le gland ne peut pas
être décalotté).
3. Le Sensate focus est une technique de sexothérapie introduite par l’équipe Masters and Johnson. Cela
fonctionne en recentrant les participants sur leurs propres perceptions sensorielles et leur sensualité, au
lieu de comportements axés sur des objectifs et centrés sur les organes génitaux et le sexe avec
pénétration.
Chapitre 45
Maladies cardiovasculaires et
EMDR
La perspective sera d’envisager les MCV à travers les conséquences psychologiques qu’elles imposent aux malades. Aussi,
après avoir posé la problématique des MCV dans leur ensemble nous focaliserons plus spécifiquement notre attention sur la
prise en charge des conséquences psychologiques de l’infarctus du myocarde, puis, nous présenterons une proposition de
prise en charge intégrative, où l’EMDR trouve une place pertinente.
Toutes les cibles ont été traitées en respectant la méthodologie du protocole REP. Nous avons résumé dans le tableau 45.1,
l’ensemble des éléments significatifs du traitement, notamment les cibles, les images, les cognitions, les VOC, les SUD et
les émotions relatives à la prise en charge, en débutant par l’aspect le plus important, pour ensuite traiter quatre cibles de
manière chronologique.
Tableau 45.1. Exemple de cibles pouvant être traitées avec le protocole REP
de Shapiro (1995, 2001)
Quatre cibles spécifiques ont ainsi été traitées avec le protocole REP.
Installation de la Cognition Positive pour l’événement entier : je peux gérer
ma nouvelle vie
Voc 7
Bon scanner corporel
Trois séances d’une heure ont été nécessaires pour finaliser l’ensemble du
traitement.
Flashforward
Lorsque toutes les cibles du passé ont été traitées avec le protocole standard il
peut rester des peurs irrationnelles chez le patient, il est alors intéressant
d’appliquer la procédure du flashforward (Logie et de Jongh, 2014). On peut
définir le flashforward comme une sorte de représentation mentale d’un
événement négatif futur redouté et improbable. Précisons que la procédure du
flashforward n’est pas réductible à un scénario du futur, en ceci qu’elle est
plus centrée sur le niveau de perturbation que provoque chez le patient un
scénario catastrophe, alors que le scénario du futur a pour finalité d’installer
dans le futur un comportement ou une cognition adaptée à un futur envisagé
en des termes positifs. En outre, le scénario du futur se met en œuvre une fois
toutes les cibles traitées. L’état anxieux du patient ayant totalement disparu,
on peut avec lui envisager un futur serein et positif.
La procédure du flashforward peut donc être utilisée lorsque les peurs et les
angoisses anticipatrices sont encore présentes, que toutes les cibles du passé
ont été traitées, qu’il n’est plus possible pour le clinicien d’en identifier
d’autres et qu’on observe la mise en échec du scénario du futur qui peut
devenir caduc et peu consistant une fois installé. Ainsi, si la perspective d’un
futur sécure et serein dans la problématique du sujet s’étiole, le praticien
pourra avantageusement utiliser la procédure du flashforward, puis dans un
second temps ré-installer à nouveau un scénario du futur.
LA PROCÉDURE DU FLASHFORWARD APPLIQUÉE AU CAS DE MONSIEUR A.
Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à ce qui est arrivé, quelle serait la pire des choses qui pourrait selon vous
arriver, le pire des cas possibles maintenant pour vous ? Essayez de l’imaginer dans votre tête et d’observer ce qui se passe
alors en vous ? »
Le patient : « Que cela m’arrive encore… que je refasse un infarctus… que mon cœur me lâche, encore une fois et que
j’agonise seul, des heures durant, sans personne pour m’aider. »
Le psychothérapeute : « Qu’est-ce qui est le pire dans cette situation…. qu’est-ce qui pourrait vous arriver de pire alors ? »
Le patient : « De mourir »
Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à cela quelle est l’image qui vous vient ? »
Le patient : « Je m’effondre, je suis foudroyé»
Le psychothérapeute : « Regardez cette image de vous foudroyé, immobile et pensez… je suis impuissant3, ….Sur une
échelle de 0 à 10 quel est le niveau de perturbation ? »
Le patient : « 10 »
Poursuivre en appliquant les phases 4 à 7 (SUD=0, VOC = 7, bon scanner corporel)
Le psychothérapeute : « Y a-t-il autre chose qui vous hante. Autre chose qui pourrait, qui selon vous pourrait être la pire
des choses qui pourrait selon vous arriver, le pire des cas possibles maintenant pour vous ? Essayez de l’imaginer dans
votre tête et d’observer ce qui se passe alors en vous ? »
Le patient : « Faire l’amour avec ma femme et que ça déclenche quelque chose au niveau cardiaque. »
Le psychothérapeute : « Dites ce qui est le pire dans cette situation… qu’est-ce qui pourrait vous arriver de pire alors ? »
Le patient : « D’avoir mal et de mourir en elle… »
Le psychothérapeute : « Quand vous pensez à cela quelle est l’image qui vous vient ? »
Le patient : « Son regard pendant que je meurs. »
Le psychothérapeute : « Regardez cette image, du regard de votre femme. Sur une échelle de 0 à 10 quel est le niveau de
perturbation ? »
Le patient : « 10 »
Poursuivre en appliquant les phases 4 à 7 (SUD=0, VOC = 7, bon scanner corporel)
Scénario du futur
Après le traitement de toutes les cibles, nous avons procédé à la mise en place
de scénarii du futur à partir de l’ensemble des déclencheurs identifiés. Nous
avons pu avec le patient stabiliser sa projection dans le futur du suivi de son
traitement, de sa reprise du travail, de sa vie sexuelle.
Comme nous l’avons évoqué, Monsieur A. a par le passé déjà été confronté à
la problématique de l’infarctus, non pas personnellement, mais via son père
qui d’ailleurs en est mort. C’est là un point assez important qu’il convient de
ne pas négliger car les malades sont très souvent inscrits dans une histoire
sociale ou familiale de la maladie. Il est parfois suffisant de procéder par
questionnement direct, même si les méthodes classiques de l’EMDR restent,
en fonction de la situation clinique des patients, mobilisables.
▶ Étape 5 : auto-application
Les patients touchés par les MCV se retrouvent souvent démunis face à ce que leur impose la maladie sur le plan psychique
et psychologique. Bien que nous ayons fait le choix de l’infarctus du myocarde dans ce chapitre, les apports proposés
pourront sans aucune difficulté s’ajuster à toutes les problématiques cardio-vasculaires (hypertension artérielle, angor,
insuffisance cardiaque…).
Ce chapitre nous permet d’illustrer l’intérêt de l’EMDR dans la prise en charge des MCV grâce à la fois à sa souplesse
d’utilisation, puisqu’il est possible de prendre en charge à la fois l’urgence spécifique de l’incident cardiaque, ainsi que le
patient dans toutes les phases de sa maladie et de son parcours médical.
Quoi qu’il en soit, ici encore la psychothérapie EMDR trouvera toute sa pertinence dès lors qu’elle saura s’adapter au
contexte et à la spécificité de la maladie, ainsi qu’à la réalité du malade. C’est au fond cette souplesse qu’imposent à
chaque psychothérapeute les maladies chroniques de manière générale et les MCV de façon plus spécifique.
BIBLIOGRAPHIE
Notes
1. Au regard de la littérature, la mise en place d’une prise en charge psychothérapeutique se justifie dès
le début de la survenue des MCV. Comme c’est le cas pour les victimes « classiques », il convient
d’envisager l’intervention au plus tôt et au plus près de l’accident cardiaque afin de réduire voire
d’éviter l’installation d’une réponse psychotraumatique réactionnelle trop massive. Rappelons, qu’une
fois la crise ou l’incident inaugural passé, il ne faut pas que les patients et leur entourage se satisfassent
de l’évident soulagement d’être encore en vie. Il faut être conscient que l’accident cardiaque reste
fondamentalement le signe d’une vulnérabilité d’abord physique et par effet induit, psychologique. Il
est évident que l’usage de l’EMDR, du fait de sa pertinence dans la prise en charge des troubles
réactionnels se justifie dans bon nombre de situations cardiovasculaires. À cet égard, cet ouvrage
propose une vaste palette d’outils et de concepts qui pourront aider le praticien dans ce contexte si
particulier des MCV. Si comme nous l’avons évoqué, la prise en charge des malades cardiaques doit
toujours s’envisager au plus près des événements, il n’est pas en revanche forcément nécessaire de
s’atteler prioritairement à un travail sur le passé des malades, sauf si celui-ci s’impose (chaque
psychothérapeute en fonction du cas qu’il a à traiter et de son expérience sera à même de juger). Aussi,
il s’agira le plus souvent d’un travail sur la confrontation inaugurale à la maladie, qui devrait être suivi
d’une projection dans le futur, qui souvent raisonne comme une nouvelle vie pour le malade obligé de
trouver les ajustements nécessaires, y compris identitaires, pour poursuivre son chemin. Le travail
psychothérapeutique revêt ici une dimension particulière, qui passe par l’intégration d’une nouvelle
identité, celle de malade, qui souvent raisonne comme un deuil. Le deuil de celui qu’il ne sera plus et
qu’il ne pourra plus être du fait de la maladie. Certes, selon les situations, ces renoncements peuvent
être plus ou moins conséquents. Pour autant, ils sont nécessaires, pour que le malade accepte sans
restriction l’entrée dans ce nouveau rôle, dans cette nouvelle identité, qui peut par exemple l’obliger à
suivre un traitement, de respecter une meilleure hygiène de vie, voire de ne plus pouvoir avoir les
activités professionnelles et personnelles qui étaient les siennes jusqu’alors. Sans doute que la
spécificité des MCV comme de nombreuses autres maladies chroniques se situe sur cette capacité à
rebondir. Il ne s’agit pas seulement, comme on l’entend souvent dans le champ de la victimologie, de
réduire les symptômes du TSPT et dépasser l’événement traumatique qui objectivement est derrière
soi. Dans le cas des MCV, la pathologie est comme une épée de Damoclès avec laquelle il va falloir
apprendre à vivre. Difficile alors de se projeter dans la vie lorsque à chaque instant tout peut s’arrêter,
sans prévenir et que l’on peut mourir. Certes, c’est là une situation qui nous concerne tous, mais la
différence avec les patients concernés par les MCV, c’est qu’ils en ont en fait l’expérience et qu’ils ont
vu la mort de près.
2. Les protocoles d’urgence concernent les événements arrivés dans les dernières heures, alors que les
protocoles dits d’événements récents concernent des événements ayant eu lieu depuis deux jours
jusqu’à trois mois. Dans le second cas, les événements traités ont fait l’objet d’une consolidation et
d’une intégration en mémoire qui est partielle.
3. A. de Jongh (in Logie & De Jongh, 2014) préconise dans tous les cas le choix de la cognition
négative « je suis impuissant » (et donc « j’ai le contrôle » en cognition positive) dans toute procédure
de flashforward. Selon nous, un tel choix est judicieux dans le cas des traitements des phobies qui est,
rappelons-le à l’origine du flashforward. Nous ne sommes pas convaincus de son adéquation à toutes
les situations. Il reviendra au praticien de choisir ce qui lui semble le plus adapté !
Chapitre 46
INTRODUCTION
Nous avons fait le choix de ne traiter que les aspects les plus importants de
cette détresse psychique, consécutive à la survenue de la pathologie
cancéreuse. Pour ce faire, nous envisagerons la question de la dépression et
des troubles anxieux. Nous n’avons pas souhaité traiter la question du trouble
de stress posttraumatique qui ne nous semble pas suffisamment heuristique
dans le champ de la psychopathologie du cancer1. En revanche, il conviendra
pour nous de proposer une lecture psychopathologique des conséquences du
cancer, susceptibles de prendre en compte la spécificité de cette maladie dans
la confrontation brutale à la question du mourir qu’elle impose aux malades,
ainsi qu’à leurs proches.
Dans une vaste méta-analyse parut dans The Lancet Oncology, Mitchell et al.
(2011) ont montré que les troubles dépressifs étaient particulièrement
importants chez les malades du cancer. Même si les chiffres avancés restent
hétérogènes allant de 9 % à 14 % d’épisodes dépressifs majeurs en phase
curative (Mitchell et al., 2011), voire jusqu’à 38 % dans certaines études
(Roy-Byrne et al., 2008). On estime que la prévalence du trouble (Valente et
Saunders, 1997) se situe dans une fourchette comprise entre 20 % et 25 %, ce
qui reste somme toute, très important surtout lorsque l’on sait que pour la
population générale cette prévalence varie entre 5 % et 15 %.
Fischer (2014), propose à cet égard d’élargir le spectre des conséquences des
événements traumatiques qui, dans une maladie comme le cancer, prennent
une texture très différente. L’auteur préfère parler de situations extrêmes
(plutôt que d’événement potentiellement traumatisant), afin de mieux rendre
compte de la complexité des phénomènes en jeu, qui ne limitent pas leurs
conséquences au seul TSPT. Ces situations extrêmes désignent selon lui, un
ensemble d’événements qui plongent des personnes ordinaires dans des
conditions radicalement différentes de celles de leur vie habituelle. Dans tous
les cas, ce sont des événements qui bouleversent la vie et menacent
directement leur existence. C’est dans ce sens que Bettelheim a utilisé le
terme de situation extrême pour désigner l’expérience des prisonniers dans
les camps nazis.
« Nous nous trouvons dans une situation extrême quand nous sommes soudain catapultés dans
un ensemble de conditions de vie où nos valeurs et nos mécanismes d’adaptation anciens ne
fonctionnent plus et que certains d’entre eux mettent en danger la vie qu’ils étaient censés
protéger. Nous sommes alors pour ainsi dire dépouillés de tout notre système défensif et nous
touchons le fond ; nous devons nous forger un ensemble d’attitudes, de valeurs et de façons de
vivre selon ce qu’exige la nouvelle situation » (Bettelheim, 1979).
▶ Le choc de l’annonce
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
BAKER, F., DENNISTON, M., SMITH, T. & WEST, M.M. (2005) Adult cancer
survivors: how are they faring? Cancer 104(11 Suppl),2565–2576.
BETTELHEIM, B. (1979). Survivre. Paris, Laffont.
DOLBEAULT, S., DAUCHY, S., BRÉDART, A. & CONSOLI, S .M. (2007). La Psycho-
Oncologie. Paris: John Libbey Eurotext.
FISCHER, G.N. (2014). Le ressort invisible. Vivre l’extrême. Paris : Dunod.
LEE-JONES, C., HUMPHRIS, G., DIXON, R. & HATCHER, M.B. (1997) Fear of
cancer recurrence-a literature review and proposed cognitive formulation
to explain exacerbation of recurrence fears. Psychooncology 6(2), 95–105.
LEHTO, U.S., OJANEN, M., DYBA, T., AROMAA, A. & KELLOKUMPU-LEHTINEN, P.
(2012). Impact of life events on survival of patients with localized
melanoma. Psychotherapy and psychosomatics, 81(3), 191-193.
LEVENTHAL, H., DIEFENBACH, M. & LEVENTHAL, E.A. (1992) Ilness cognition:
using common sense to understand treatement adherence and affect
cognition interactions. Cognitive Therapy and Research, 16,143–163.
MAST, M.E. (1998) Survivors of breast cancer: illness uncertainty, positive
reappraisal, and emotional distress. Oncology Nursing Forum, 25(3),555–
562.
MITCHELL, A., CHAN M., BHATTI, H., HALTON M., GRASSI, L., JOHANSEN C. &
MEADER, N. (2011). Prevalence of depression, anxiety and adjustment
disorder in oncological, haematological and palliative-care settings: a
meta-analysis of 94 interview-based studies. Lancet Oncology, 12, 160-74.
NORTHOUSE, L.L. (1981) Mastectomy patients and the fear of cancer
recurrence. Cancer Nursing 4(3), 213–220.
ROY-BYRNE P., DAVIDSON, K., KESSLER, R., ASMUNDSON, G., GOODWIN, R.,
KUBZANSKY L., LYDIARD, B., MASSIE, M., KATON, W., LADEN, S. & STEIN, M.
(2008). Anxiety disorder and comorbid medical illness. General Hospital
Psychiatry, 30, 208-25.
SERVAN-SCHREIBER, D. (2007) Anticancer. Paris. Laffont.
SHAPIRO, F. (2001/2018) Eye Movement Desensitization and Reprocessing
(EMDR) Therapy. Basic Principles, Protocols, and Procedures. Third
Edition. New York. Guilford Press.
VALENTE, S. M., & SAUNDERS, J. M. (1997). Diagnosis and treatment of major
depression among patients with cancer. Cancer Nursing, 10(3), 168-177.
YANG, W., STAPS, T. & HIJMANS, E. (2010). Existential Crisis and the
Awareness of Dying : The role of meaning and spirituality. Omega-
Journal of Death and Dying, 61(1), 53-69.
Notes
1. Bien entendu si l’on propose à des malades de remplir des échelles de mesure du Trouble de Stress
Posttraumatique il sera possible de trouver des résultats. Mais ces résultats rendent-ils compte ou
permettent-ils de vraiment rendre compte de la complexité du processus psychotraumatique mobilisé ?
Nous ne le pensons pas et nous considérons que la problématique du TSPT est même inopérante dans
ce domaine.
2. Le diagnostic trouble anxieux non spécifié est utilisé pour des troubles avec anxiété ou évitement
phobique prononcés qui ne remplissent les critères d'aucun des troubles anxieux spécifiques (ou pour
lesquels l'information est insuffisante pour poser un diagnostic plus précis)
4. La question du futur et de son approche dans la pratique de l’EMDR avec des malades du cancer
reste essentielle. Il reviendra au thérapeute en accord avec le patient et ses propres besoins de
l’envisager plus ou moins tôt dans la prise en charge. Des questions telles que « Vais-je survivre ou
non ? Ma lutte servira-t-elle à quelque chose ? » sont des interrogations majeures susceptibles de
mobiliser ou non les ressources adaptatives des malades selon les réponses qui seront apportées. Ainsi,
il est dans les faits difficiles de découper artificiellement les choses et il reviendra au thérapeute
d’envisager de la manière la plus adéquate et la plus efficience ce qui est le mieux (cf. chapitre 9 sur les
scénarios du futur).
Table des matières
Sommaire 3
Introduction 13
Indications 63
Contre-indications 66
Réactions indésirables possibles 67
Bibliographie 70
Définition 118
Différents thèmes de cognitions 119
Établir de bonnes cognitions négative et positive ? 120
Cognitions et plan de ciblage 121
Les cognitions dans la phase d’évaluation 122
Cognitions et enfants, adolescents, personnes déficitaires et grand âge 123
Cognitions, trauma complexe et chronicité 124
Bibliographie 125
Introduction 233
Le traitement EMDR avec les enfants 234
Le protocole développemental 234
La première phase, l’histoire du patient 235
La deuxième phase ou phase de préparation 236
La troisième phase dite d’évaluation 237
Conclusion 239
Bibliographie 239
La dépression 400
Qu’est-ce que la dépression ? 400
L’EMDR, une prise en charge efficace ? 401
L’EMDR comme traitement de la depression : approche et protocole 402
Anamnèse rigoureuse 402
L’essentielle question de la stabilisation du patient 403
Prise en charge en EMDR 404
Bibliographie 408
Définition 437
Le protocole EMDR et les outils du coaching 438
Protocole « Partir du bon pied » (Kinowski, 2003) 441
Protocole de performance optimale (Foster & Lendl, 1997) 444
Protocole de développement et d'installation de ressources modifié, Fischer (2001) 446
Conclusion 449
Bibliographie 449
Définition 541
Mise en application de ce protocole de groupe 542
Comment ce travail de groupe se déroule-t-il ? 543
Conclusion 545
Bibliographie 546
Introduction 691
Dimensions psychopathologiques du cancer 692
Dépression, symptômes dépressifs et cancer 692
Troubles anxieux et cancer 693
Spécificité psychopathologique dans le domaine du cancer 694
Contribution de la psychothérapie EMDR à la prise en charge des malades atteints par le
cancer 696
Le choc de l’annonce 698
De la rémission à la peur de la récidive et EMDR : éléments problématiques 700
Conclusion 702
Bibliographie 704