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Titre original : Accessing the Healing Power of the Vagus Nerve

Publié pour la première fois par North Atlantic Books – Berkeley, California
© 2017, Stanley Rosenberg

© 2020, Guy Trédaniel éditeur pour la traduction française


Traduit de l’anglais par Catherine Vaudrey

ISBN : 978-2-81322-395-1

Note de l’éditeur : L’auteur et l’éditeur déclinent toute responsabilité provenant directement ou


indirectement de l’utilisation de ce livre. Les déclarations faites par l’auteur concernant les produits,
les processus, méthodes de traitements ne sauraient se soustraire à un avis médical.

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À Linda Thorborg
SOMMAIRE
Avant-propos de Stephen Porges
Avant-propos de Benjamin Shield
Préface
Introduction

Première partie
Anciennes et nouvelles données anatomiques
Combattre les têtes de l’Hydre
La dysfonction des nerfs crâniens
Chapitre 1. Le système nerveux autonome
Les douze nerfs crâniens
Dysfonction des nerfs crâniens et interaction sociale
Traiter les nerfs crâniens
Les nerfs spinaux
Le système nerveux entérique

Chapitre 2. La théorie polyvagale


Les trois circuits du système nerveux autonome
Boucle d’or et les trois états du système nerveux autonome
Deux états hybrides
Le nerf vague
Deux branches du nerf qu’on appelle vague
Stress et système nerveux sympathique
Chapitre 3. Neuroception et neuroception défaillante
Neuroception défaillante et survie
Autres causes de neuroception défaillante
Hercule et Antée
Chapitre 4. Tester la branche ventrale du nerf vague
Observation faciale
Variabilité de la fréquence cardiaque
Premières expériences
Découverte de la théorie polyvagale
Cottingham, Porges et Lyon
La branche pharyngienne
Test de la branche pharyngienne
Tester sans toucher
Chapitre 5. Un nouveau paradigme de soin ?
Approche des affections physiques et psychologiques
Le pouvoir de guérison de la théorie polyvagale
Soulager la bronchopneumopathie chronique obstructive
Traiter la hernie hiatale
La respiration diaphragmatique
NC XI, muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens
Le muscle élévateur de la scapula
Le test du pincement du trapèze
La posture de la tête avancée
Soulager les migraines
Chapitre 6. Problèmes somatopsychologiques
Anxiété et crises de panique
Phobies
Comportement antisocial et violences conjugales
Syndrome de stress post-traumatique
Dépression et système nerveux autonome
Troubles bipolaires
Trouble du déficit de l’attention et hyperactivité
Chapitre 7. Troubles du spectre autistique
Un espoir pour l’autisme
Le rôle de l’audition dans les troubles autistiques
Traiter l’autisme
La technique pour arrondir le crâne
Remarques de conclusion

Deuxième partie
Restaurer l’état d’interaction sociale
L’exercice de base
La technique de relâchement neurofascial
Les exercices de la salamandre
Le massage pour les migraines
L’exercice pour les raideurs de cou
L’exercice de torsion et rotation
Le lifting naturel de 4 minutes (1)
Le lifting naturel de 4 minutes (2)
Trancher les têtes de l’Hydre
Remerciements
Index
À propos de l’auteur
AVANT-PROPOS DE STEPHEN PORGES
J’ai rencontré Stanley Rosenberg au mois de juin 2002, à la conférence de
l’United States Association for Body Psychotherapy, à Baltimore. La veille
de mon intervention, j’avais reçu un message de Jim Oschman, demandant
si Stanley et lui pouvaient y assister. Il m’affirmait que j’aurais plaisir à
rencontrer Stanley et à découvrir son travail. Après la conférence, Stanley
m’a en effet expliqué son désir d’identifier des mesures objectives pour
valider son travail clinique. Cela a excité ma curiosité, et j’ai voulu en
savoir davantage sur son approche et les raisons pour lesquelles il
s’intéressait aux mesures de la fonction vagale. J’ai mentionné que je
souffrais de spondylolisthésis, un trouble squelettique caractérisé par le
basculement d’une vertèbre. Il m’a dit avec désinvolture : « Je peux guérir
ça. » Je lui ai demandé combien de temps cela lui prendrait. « Dix ou
quinze secondes ! », m’a-t-il répondu. Cela m’a stupéfié, car j’imaginais
que son traitement requerrait au moins quelques séances. Comme j’avais
consulté un spécialiste en orthopédie, j’étais curieux de savoir si une
thérapie somatique serait efficace, mais l’idée qu’on pourrait la réaliser en
quelques secondes me paraissait surréaliste.
Ma spondylolisthésis était située à la jonction entre les vertèbres
lombaires et sacrées. Très douloureuse, elle était susceptible de se détériorer
au point de nécessiter une opération chirurgicale. Le chirurgien
orthopédique qui l’avait diagnostiquée alimentait ma peur de l’opération
pour me pousser à faire des progrès en kinésithérapie. J’étais alors allé voir
un médecin du sport, qui m’avait prescrit un corset orthopédique pour
limiter la mobilité de mon dos. Tous ces spécialistes me donnaient des avis
contradictoires : les médecins m’encourageaient à immobiliser le bas de
mon dos, tandis que les kinésithérapeutes me recommandaient de bouger et
de travailler ma souplesse. Je ne savais plus comment me traiter.
J’ai donc accueilli avec enthousiasme la généreuse proposition de Stanley.
Il m’a demandé de me mettre à quatre pattes et de détendre ma colonne,
tout en la maintenant à peu près horizontale. Puis, avec les doigts des deux
mains, il a manipulé les tissus au-dessus des vertèbres problématiques. La
vertèbre du dessus s’est remise immédiatement en place. Depuis quinze ans,
je me sers de cette procédure pour m’éviter les douleurs.
J’ai tout de suite compris ce qu’il faisait. La manipulation des couches
musculaires supérieures signalait à mon corps de se détendre. La relaxation
était suffisante pour réorganiser le faisceau neuromusculaire et permettre à
la vertèbre de reprendre doucement sa place. Stanley avait transmis un
signal de sécurité à mon système neuromusculaire, le faisant passer de l’état
de crispation avec lequel il essayait de protéger le bas de ma colonne à un
état de sécurité naturel.
La méthode de Stanley m’a confirmé que la sécurité concerne tout le
corps, pas seulement les interactions sociales via les muscles de la tête et du
visage, ou les viscères via les voies vagales ventrales. En anatomie
humaine, le besoin de sécurité s’exprime par la régulation négative et la
contrainte de défense. Quand la sécurité est établie, les structures peuvent se
reconnecter et favoriser le rétablissement. Sur le plan fonctionnel, Stanley
comprend implicitement que le toucher est bien accueilli quand le système
nerveux est dans un état de sécurité, et qu’on peut alors l’utiliser pour
aligner les structures corporelles et optimiser la fonction autonome.
Cette première rencontre a été le témoin de l’intelligence brillante de
Stanley, de son approche compatissante et de sa compréhension intuitive
des systèmes physiologiques.
Stanley et moi sommes amis maintenant depuis quinze ans. Nos multiples
rencontres nous ont permis de discuter à loisir de sa manière de manipuler
l’état du système nerveux autonome pour favoriser la santé, la croissance et
le rétablissement. Comme le montre ce livre, il a brillamment combiné des
aspects de la théorie polyvagale et les thérapies manuelles, crânio-sacrées
ou autres. Et il a extrait avec art le principe majeur de la théorie vagale :
quand elles sont dans un état de sécurité, les structures corporelles
accueillent bien le toucher et la manipulation. C’est parce que dans cet état,
les voies vagales ventrales coordonnent le système nerveux autonome. Ses
traits défensifs sont restreints et il accueille aussi bien les comportements
sociaux que les contacts physiques. À l’origine des succès cliniques de
Stanley, il y a sa capacité à entrer en contact avec les patients et à leur
donner des indices de confiance et de sollicitude qui éveillent les
caractéristiques positives du circuit vagal ventral.
Stanley n’est pas un thérapeute traditionnel formé au sein d’une
discipline. Son parcours transcende les disciplines et son approche
s’apparente à celle d’un guérisseur. Il co-régule le corps de ses patients et
lui permet de guérir grâce à ses propres mécanismes. Encore une fois,
lorsque la sécurité est manifeste, le corps joue le rôle de plate-forme de la
guérison. La théorie vagale ne dit pas autre chose.
Stimuler le nerf vague pour favoriser la guérison découle de l’intuition de
Stanley quant au rôle des voies vagales dans la guérison. Il y présente ses
techniques pour promouvoir la sécurité et rebrancher le système nerveux, et
optimiser ainsi l’homéostasie, le comportement et la santé mentale.
En tant que scientifique, je n’ai pas d’expérience du monde de la thérapie.
En tant que thérapeute, Stanley ne voit pas le monde comme un
scientifique. Mais ses dons reposent sur sa capacité à organiser
implicitement les informations de la science et à les appliquer de manière
thérapeutique, intuitive et utile. Les apports créatifs de Stanley sont uniques
au sein de l’environnement complexe du soin. Heureusement, ses puissantes
idées, ses métaphores et ses modèles de traitement sont magnifiquement
consignés dans ce livre.

Dr Stephen W. Porges
Chercheur émérite de l’Institut Kinsey,
Université d’Indiana, et professeur de psychiatrie
à l’Université de Caroline du Nord
AVANT-PROPOS DE BENJAMIN SHIELD
Il y a des moments dans l’histoire où le besoin de nouvelles connaissances
est satisfait avec brio. Nous assistons à l’un de ces rares moments. Stimuler
le nerf vague pour favoriser la guérison offre aux lecteurs les outils pour
comprendre et traiter les maladies les plus complexes.
En puisant dans sa formation, sa pratique clinique et son enseignement,
Stanley Rosenberg expose brillamment ces nouvelles connaissances. Ce
dernier livre fournit un aperçu de la genèse des troubles physiques et
émotionnels, des raisons pour lesquelles les méthodes conventionnelles ne
suffisent pas à les guérir et des outils efficaces pour les traiter.
Notre bien-être dépend d’un système nerveux fonctionnel et adapté. Le
nerf vague est au cœur de cette adaptabilité, surtout au stress, car il contrôle
toute la matrice physique et neurologique. Il est au centre de tous les
aspects de la vie. Il peut procurer une détente profonde comme fournir une
réaction immédiate à des situations de vie ou de mort. Il est à la fois la
cause et la solution d’innombrables troubles. En outre, il permet d’entrer en
contact avec autrui et avec l’environnement.
J’ai le privilège de connaître Stanley depuis plus de trente-cinq ans. J’ai
étudié avec lui, appris avec lui et enseigné à l’Institut Rosenberg. Je ne
connais aucun praticien plus qualifié que lui pour mettre en forme les
éléments essentiels présentés dans ce livre.
Stimuler le nerf vague pour favoriser la guérison dévoile les mystères des
maladies chroniques. Nombre de livres expliquent ces états, mais aucun ne
plonge avec autant de succès dans leurs causes sous-jacentes.
Que ce soit pour les thérapeutes, les malades ou de simples lecteurs qui
souhaitent en apprendre davantage sur eux-mêmes, Stimuler le nerf vague
pour favoriser la guérison est un livre indispensable. Nous devons à
Stanley Rosenberg beaucoup de gratitude pour avoir façonné le savoir de
toute une vie en une œuvre passionnante et inoubliable.

Dr Benjamin Shield
Auteur de Healers on Healing, For the Love of God,
Handbook for the Soul et Handbook for the Heart
PRÉFACE
Né aux États-Unis, j’exerce depuis longtemps au Danemark comme
thérapeute manuel. Ce livre propose une approche du soin fondée sur mon
expérience clinique et sur la théorie polyvagale du Dr Stephen Porges, une
toute nouvelle compréhension du système nerveux autonome.
Le système nerveux autonome ne régule pas seulement le fonctionnement
des organes internes (estomac, poumons, cœur, foie, etc.), il est étroitement
lié à l’état émotionnel et donc au comportement. Par conséquent, il est
crucial pour la santé et le bien-être physique et émotionnel qu’il fonctionne
correctement. La théorie polyvagale du Dr Porges m’a permis d’obtenir des
résultats positifs pour des problèmes de santé aussi divers que la
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), les migraines ou
l’autisme, pour n’en citer que quelques-uns.
Je pratique la thérapie manuelle sous diverses formes depuis plus de
quarante-cinq ans. Cette carrière était bien éloignée de Swarthmore College,
dont je suis sorti diplômé en littérature anglaise, philosophie et histoire en
1962. En allant aux réunions d’anciens élèves, j’ai découvert que la plupart
de mes anciens amis étaient devenus professeurs d’université, médecins,
psychologues ou autres. Je suis le seul thérapeute manuel sur les deux cent
cinquante étudiants de ma promotion.

En coulisse : la philosophie du jeu d’acteur


Durant mes études à Swarthmore, je me suis intéressé au théâtre, en
particulier au théâtre japonais. Cela m’a poussé à intégrer une filière de
théâtre à l’université d’Hawaï, dans laquelle nous mettions en scène des
pièces japonaises, chinoises, indiennes et thaïes. Au bout de deux ans, j’ai
quitté les plages d’Honolulu et je me suis installé dans les bruyantes petites
rues du Lower East Side de Manhattan, avec d’autres jeunes espoirs du
théâtre.
De temps en temps, je secondais Ellen Stewart, la productrice de La
MaMa, un petit théâtre off-off-Broadway, où des metteurs en scène et des
acteurs en herbe montaient des pièces écrites par des dramaturges encore
inconnus. J’ignore si c’était ma destinée, ma bonne étoile ou mon flair, mais
j’ai eu la chance qu’Ellen me prenne sous son aile. Après une tournée en
Europe avec une petite troupe, elle a insisté pour que je me rende à l’Odin
Theater, une petite salle expérimentale au Danemark.
Sur la recommandation d’Ellen, j’ai fini par être engagé comme assistant
par Eugenio Barba, le directeur de l’Odin Theater. Barba exigeait que
chaque détail du jeu des comédiens soit original. J’ai assisté une fois à deux
jours de répétition pour une scène de quatre-vingt-dix secondes : variations
des jeux de scène, expressivité des mouvements, vocalisations inhabituelles,
tout y est passé.
Barba avait été formé au théâtre polonais dirigé par Jerzy Grotowski, qui
avait à l’époque la réputation d’être l’auteur des meilleures performances
théâtrales du monde. C’était à la fois un directeur de théâtre innovant et un
théoricien des liens entre processus mentaux, physiques et émotionnels. Ses
comédiens exploraient tous les aspects physiques et émotionnels de la vie
de leurs personnages, allant jusqu’à provoquer des états oniriques par des
traumatismes.
Après trois ans passés comme assistant de Grotowski, Barba avait
séjourné un an en Inde pour étudier le théâtre dansé classique Kathakali, qui
use d’extraordinaires formes d’expression stylisées. Pour parvenir à la
souplesse et la maîtrise musculaire requises pour cet art, les danseurs
Kathakali subissent une formation épuisante. Et on les masse pour les aider
à être à la hauteur de ce défi.
Toutes ces expériences ont influencé Barba et l’Odin Theater. La
formation au jeu d’acteur comprenait des acrobaties, du yoga et des
improvisations gestuelles libres. Je suis resté une année entière à l’Odin
Theater, prenant part à la formation quotidienne de la voix, du mouvement
et de l’expression émotionnelle.
Dans son manifeste, Grotowski écrivait : « Le principal est qu’un acteur
ne tente pas d’acquérir une recette ou un “sac à malices”. Il est inutilement
encombrant de collectionner les moyens d’expression1. » La philosophie de
l’Odin Theater a façonné tout ce que j’ai fait le reste de ma vie, y compris
l’apprentissage et l’étude de la thérapie manuelle.
Pour les exercices vocaux, il n’était pas question, par exemple, de chanter
l’œuvre de quelqu’un d’autre. Nous devions explorer notre propre monde
imaginatif sonore. Cela pouvait prendre des heures, des jours, parfois des
semaines pour reproduire un son imaginé, et personne d’autre que nous ne
pouvait juger si nous avions émis ou pas le « bon » son. Une fois reproduit,
il n’était plus jamais répété. Il fallait passer au son suivant et travailler à
l’exprimer.
C’est cette approche que j’ai adoptée dans mon apprentissage de la
thérapie manuelle. Alain Gehin, mon premier professeur et mentor de
thérapie crânio-sacrée, massage viscéral et techniques ostéopathiques, a dit
une fois quelque chose de très similaire : « On apprend des techniques pour
comprendre des principes. Une fois qu’on a compris les principes, on
élabore ses propres techniques. » Il soulignait continuellement cette règle :
« Testez, traitez, puis testez encore. »

Taï chi
La thérapie manuelle est arrivée naturellement dans une vie consacrée au
théâtre. En tant qu’enseignant et metteur en scène, je tentais de pousser les
acteurs au-delà de leurs limites habituelles, avec des exercices de mime et
d’acrobatie par exemple. À un moment donné, j’ai découvert un petit livre
sur le massage shiatsu et je l’ai inclus dans la formation pour aider les
acteurs à mieux bouger.
Tout en explorant le monde du théâtre expérimental de New York, j’ai
aussi appris le taï chi auprès d’Ed Young, étudiant et traducteur du
professeur Cheng Man-Ch’ing, l’un des plus grands enseignants de taï chi
du XXe siècle. Cette discipline est sans parallèle en tant que source de savoir
sur les mouvements naturels du corps. La pratique du taï chi au quotidien
est le kung-fu de la connaissance de soi, similaire aux formes de méditation
dans d’autres traditions.
Les mouvements du taï chi sont continus, en spirale et « doux » comparés
aux styles « durs » d’auto-défense comme le karaté, qui use de mouvements
en ligne droite, avec des points de départ et de fin clairement définis. Le taï
chi est aussi un art martial, mais le but n’est pas de devenir plus fort ou plus
rapide que son adversaire. Il s’agit au contraire de mobiliser la souplesse et
le sens kinesthésique pour trouver les points de tensions de l’adversaire – et
de « l’aider » à utiliser sa propre force contre lui-même.
L’idéal du taï chi est d’utiliser « une force de cent grammes pour
détourner une force de cinq cents kilos ». Ce concept est devenu le principe
directeur de mon travail en thérapie manuelle. Les masseurs et les
kinésithérapeutes appliquent beaucoup de force pour parvenir à leur but. Par
contraste, j’essaie de trouver l’angle exact qui permet d’accroître la tension,
puis d’appliquer la quantité de force minimum nécessaire pour détendre le
muscle. Je ne me sers souvent que de quelques grammes de pression.

Rolfing® et autres perspectives


Après cinq ans passés à New York, je suis retourné au Danemark et j’ai
enseigné le métier d’acteur à la National Theater School pendant un an.
Néanmoins, percer dans le monde théâtral danois sans relations et sans être
danois était plus dur que je ne l’avais pensé. J’ai donc décidé de quitter le
théâtre et de gagner ma vie en enseignant le taï chi et en offrant des séances
de thérapie manuelle.
À l’époque, je ne cessais d’entendre parler du Rolfing®, créé par Ida
Rolf2, qui avait la réputation d’être l’étalon d’or de la thérapie manuelle (le
Rolfing® est une forme d’« intégration structurale », un massage des tissus
conjonctifs pour favoriser une meilleure posture, une meilleure respiration
et de meilleurs mouvements).
L’idée de travailler avec intention, comme nous l’avions fait dans notre
formation vocale à l’Odin Theater, s’est invitée dans mes discussions avec
Siegfried Libich, un praticien allemand du Rolfing®. Quand il l’a
mentionnée comme un élément important de l’enseignement d’Ida Rolf, j’ai
décidé de suivre une série de dix séances de Rolfing® avec lui. L’effet de
ces séances a été si profond que j’ai résolu d’apprendre moi-même la
méthode. Je suis devenu l’un des trois premiers rolfers du Danemark et je
travaille depuis plus de trente ans avec cette méthode.
Au théâtre, les acteurs adoptent en général les tensions physiques de leurs
personnages, mais dans le Rolfing®, on travaille à éliminer les
caractéristiques physiques et les schémas émotionnels qui limitent les
mouvements et causent douleurs et gênes. Le but est d’équilibrer les
tensions des tissus conjonctifs plutôt que de « détendre » les muscles,
l’approche habituelle de la thérapie manuelle. Le résultat recherché est que
la personne puisse bouger autrement et disposer d’une plus grande
souplesse émotionnelle. Elle se libère des stéréotypes qui limitent sa liberté
d’expression et se tourne vers une version plus authentique et créative
d’elle-même.
Les rolfers ne travaillent pas seulement avec leurs mains ; ils apprennent
aussi à déchiffrer les corps. L’analyse posturale et gestuelle constitue une
part importante de la formation, alors que d’autres branches de la thérapie
manuelle n’ont pas encore commencé à l’enseigner. Les rolfers se
demandent : « Où le mouvement est-il brisé ? Où le corps est-il
déséquilibré ? Que doit-on faire pour le ramener à sa forme naturelle ? »
Après avoir pratiqué le Rolfing® pendant quelques années, j’ai entendu
des rolfers parler de la thérapie crânio-sacrée comme de la nouvelle
frontière de la thérapie manuelle. Je l’ai donc étudiée aussi, de même que
d’autres formes de techniques ostéopathiques, dont le massage des viscères
et la manipulation des articulations. Durant les vingt-cinq années suivantes,
j’ai continué à apprendre des meilleurs professeurs que je pouvais trouver et
j’ai suivi des cours de perfectionnement au moins trente jours par an.
Au Danemark, j’ai pu développer mes compétences sur quarante-cinq ans.
J’ai aujourd’hui plus de soixante-dix ans, et je crois que ma vie s’est
déroulée plus lentement ici, au Danemark, que si j’avais suivi un parcours
similaire aux États-Unis, où les opportunités financières sont plus tentantes.
Je crois aussi que la mode des thérapies change plus rapidement en
Amérique qu’au Danemark. J’ai eu la chance de suivre mon propre chemin
à mon rythme. Alain Gehin, mon professeur de crânio-sacrée, disait que
pour devenir un bon thérapeute manuel, il ne s’agit pas tant de savoir
quelque chose sur le plan intellectuel que d’apprendre à le faire avec ses
mains. Il prétendait qu’un thérapeute ne commence à acquérir ce que les
Français appellent le savoir-faire qu’à partir de dix mille séances. Malgré
mes racines américaines, je me vois comme un artisan du Vieux Monde.
J’ai eu le temps d’étudier, de m’exercer et de développer mes compétences
et j’ai pu m’offrir le luxe de rechercher le plus haut degré de finesse, de
sensibilité et de créativité.
Tous ces ingrédients étaient dans le saladier quand j’ai rencontré Stephen
Porges et qu’il m’a stupéfié avec sa nouvelle interprétation du
fonctionnement du système nerveux autonome – ce dont je vais maintenant
vous parler.
INTRODUCTION
Une découverte est un accident croisant
le chemin d’un esprit préparé.
Albert Szent-Györgyi, biochimiste hongrois (1893-1986),
prix Nobel 1937 pour sa découverte de la vitamine C1.

Peu importe combien de temps vous conduisez,


vous n’arriverez jamais à destination
si vous n’avez pas la bonne carte.
Stanley Rosenberg

Pendant plus de trente ans, j’ai pratiqué différentes formes de thérapies


manuelles, mais j’ai compris à un moment donné que j’utilisais la mauvaise
carte. Lorsque j’en ai pris connaissance, la théorie polyvagale du
Dr Stephen Porges a développé ma compréhension des fonctions du
système nerveux autonome et j’ai immédiatement eu une meilleure carte.
Le système nerveux autonome fait partie intégrante du système nerveux
humain. Il surveille et régule l’activité des viscères – le cœur, les poumons,
le foie, la vésicule biliaire, l’estomac, les intestins, les reins et les organes
sexuels. Le dysfonctionnement de n’importe lequel de ces organes peut
provenir d’un dysfonctionnement du système nerveux autonome.
Avant la théorie polyvagale, la croyance communément admise était que
le système nerveux autonome fonctionnait dans deux états : le stress et la
détente. La réaction de stress est un mécanisme de survie activé en présence
d’une menace ; elle mobilise le corps pour le préparer à la lutte ou la fuite2.
Dans l’état de stress, les muscles sont tendus, ce qui permet de bouger plus
vite et/ou d’exercer plus de force. Les viscères soutiennent l’effort du
système musculaire.
Une fois la lutte gagnée, la menace neutralisée ou le danger éloigné, la
réaction de détente s’installe. Cet état perdure jusqu’à la menace suivante.
Dans l’ancienne conception du système nerveux autonome, la détente est
caractérisée par un état de « repos et digestion », ou de « nourriture et
reproduction ». Cet état est attribué à l’activité du nerf vague, que l’on
appelle aussi le dixième nerf crânien, lequel, comme tous les nerfs crâniens,
émerge du cerveau ou du tronc cérébral. L’interprétation universellement
acceptée était donc que le système nerveux autonome oscille entre les états
de stress et de détente.
Les problèmes émergent quand on reste coincé dans l’état de stress, même
quand la menace ou le danger sont passés. En effet, le travail et le mode de
vie modernes engendrent un stress continuel et on considère aujourd’hui le
stress chronique comme un problème de santé majeur. Quantité de
recherches scientifiques ont été consacrées à la compréhension des effets du
stress à long terme. L’industrie pharmaceutique a commencé à fournir un
vaste éventail de médicaments antistress, qui ont rapporté de belles sommes
aux laboratoires, l’usage de ces médicaments ne cessant d’augmenter. En
dépit de toutes ces ressources, beaucoup de gens ont l’impression de n’avoir
pas reçu une aide adéquate : ils se sentent toujours stressés. La société
apparaît plus stressante d’année en année.
Le problème vient peut-être du fait que nous nous servons de la mauvaise
carte. Dans l’ancienne conception du système nerveux autonome, personne
n’a encore trouvé de méthode vraiment efficace pour gérer le stress.
Comme presque tous ceux qui travaillent dans le domaine médical et sur
la scène des thérapies alternatives, je partageais l’opinion en vigueur sur le
fonctionnement du système nerveux autonome. Je me servais tous les jours,
dans ma pratique clinique, de ce que j’avais appris sur le modèle
stress/détente. Le succès de mes traitements confirmait pour moi
l’exactitude de cette conception.
J’aimais transmettre mes connaissances à des étudiants désireux
d’acquérir mes compétences. Mes cours se multipliant, j’ai fondé l’Institut
Stanley Rosenberg à Silkeborg, au Danemark. En 1993, j’ai proposé à
quelques-uns des thérapeutes que j’avais formés de donner les cours
d’introduction, afin de pouvoir me concentrer sur les cours de
perfectionnement. Enfin, d’autres professeurs ont également pris ces
derniers en charge.
La spécialité de notre école était la thérapie crânio-sacrée, telle
qu’enseignée par William Garner Sutherland (1873-1954), un ostéopathe
américain. En étudiant des os crâniens dans un laboratoire de dissection,
Sutherland avait découvert qu’il existait une légère possibilité de
mouvement entre les os adjacents. La nature ne laissant rien au hasard,
Sutherland émit le postulat que le mouvement des os crâniens facilite la
circulation du liquide cérébrospinal et rassembla des techniques dans ce qui
devint par la suite la « thérapie crânio-sacrée ».

Mouvement des os crâniens


Les os crâniens tiennent ensemble grâce à des membranes élastiques qui
autorisent de légers mouvements entre eux. En palpant soigneusement les
crânes de ses patients, Sutherland remarqua que chez nombre d’entre eux,
les os crâniens avaient des mouvements restreints. Le mouvement subtil des
os s’accroissait quand il traitait les tensions correspondantes. Cette
approche lui permit d’aider plusieurs de ses patients pour lesquels les
traitements médicamenteux ou chirurgicaux avaient échoué.
Là où les médecins ont tendance à prescrire des médicaments pour traiter
le stress ou d’autres affections, l’approche crânio-sacrée a prouvé son
efficacité dans l’amélioration de la fonction du système nerveux. Elle réduit
le stress chronique, libère les tensions du système musculaire et rééquilibre
le système hormonal (endocrinien). Sutherland développa des techniques
thérapeutiques dans trois domaines : 1) soulager la tension des membranes
méningées, 2) remobiliser les os crâniens et 3) améliorer la circulation du
liquide cérébrospinal.

La barrière hémato-encéphalique
Un filtre physiologique fait de cellules épithéliales enveloppe le cerveau et
la moelle épinière. C’est ce qu’on appelle la barrière hémato-encéphalique.
Car le sang ne circule pas directement dans le cerveau et la moelle épinière.
Ces derniers sont entourés d’un liquide incolore, appelé le liquide
cérébrospinal, qui nourrit les cellules et emporte les déchets métaboliques
dans le sang.
Le liquide cérébrospinal existe en petites quantités dans tout le corps,
mais il est plus fin que le sang. Il ne contient ni globules rouges ni globules
blancs et moins d’impuretés que le sang lui-même.
Dans le crâne, le liquide cérébrospinal filtré par le sang circule dans les
espaces entourant le cerveau et la moelle épinière. Après ce circuit, il
retourne dans les veines jugulaires où il est résorbé.
L’apport de sang au tronc cérébral est crucial pour le bon fonctionnement
des cinq nerfs crâniens qui en émergent (parmi lesquels la branche ventrale
du nerf vague) et dont la mobilisation est nécessaire aux rapports sociaux.
L’élimination des contraintes de l’apport sanguin à ce niveau est donc au
cœur de l’amélioration de la fonction de la branche abdominale du nerf
vague et des autres nerfs crâniens. C’est dans le domaine de l’ostéopathie
crânio-sacrée que l’on trouve les meilleurs moyens pour le faire.
Durant des décennies, les études crânio-sacrées ont été la chasse gardée
des médecins ostéopathes. Par tradition, ils réservaient l’accès des cours
aux ostéopathes agréés et aux étudiants des écoles de médecine
ostéopathique. Toutefois, certaines disciplines de terrain furent finalement
enseignées à des médecins et des étudiants non ostéopathes. Parce que ces
techniques étaient très efficaces, le marché se développa rapidement au sein
des praticiens de thérapies complémentaires et alternatives.
Rompant avec la tradition, un autre ostéopathe américain, John Upledger,
commença à enseigner les techniques crânio-sacrées à des non-ostéopathes.
L’objectif principal de son travail était de relâcher la tension des
membranes. Il fonda l’Institut Upledger, où je reçus mon premier cours de
thérapie crânio-sacrée en 1983. La thérapie crânio-sacrée est aujourd’hui
devenue populaire, et on trouve des praticiens dans le monde entier.
En 1995, après avoir mis en pratique avec succès ce que j’avais appris à
l’Institut Upledger, j’ai commencé à étudier avec Alain Gehin, un
ostéopathe français spécialisé dans la thérapie crânio-sacrée biomécanique.
Son but était de soulager les tensions dans les tissus conjonctifs entourant
les os crâniens, et par conséquent de leur permettre de bouger plus
librement3.
Quelques années après cela, j’ai suivi des cours d’initiation à la thérapie
crânio-sacrée biomécanique, qui visait à favoriser la circulation du liquide
cérébrospinal. Ces trois approches avaient le même objectif, améliorer la
fonction du système crânio-sacré.

Ma pratique clinique
Dans ma pratique, je préférais la thérapie crânio-sacrée biomécanique, qui
me rappelait le travail avec le Rolfing®. La TCB est spécifique ; grâce à
elle, j’ai pu trouver avec précision des points de tension dans les sutures
crâniennes et disposer de plus de cent cinquante techniques pour les
soulager. Cette puissante approche restaure avec beaucoup d’efficacité et en
peu de temps la fonction des nerfs crâniens.
Outre le traitement des patients avec la thérapie crânio-sacrée, je donnais
des séances individuelles de Rolfing®, qui équilibre les myofascias (myo
veut dire « muscle » et fascia se réfère au tissu conjonctif). J’offrais aussi
des séances de massage viscéral pour optimiser le fonctionnement des
systèmes digestif et respiratoire. En utilisant ces diverses méthodes, j’ai
observé des changements en termes de stress et de détente dans le système
nerveux de mes patients.
C’était un travail extrêmement fructueux. À mesure que le temps passait,
de plus en plus de gens voulaient apprendre mes techniques, et l’Institut
Rosenberg s’est développé au point d’employer douze professeurs à temps
partiel. Nous avons formé plusieurs centaines d’étudiants au fil des ans qui,
une fois devenus thérapeutes, ont traité à leur tour des milliers de patients.
Ma réputation s’est étendue au-delà des frontières du Danemark et j’ai été
invité à enseigner dans plusieurs autres pays.
L’idée de la fonction à deux états (stress et détente) du système nerveux
autonome jouait un rôle proéminent dans notre curriculum. Je l’enseignais
dans mes cours de thérapie crânio-sacrée, de massage viscéral et de
relâchement des tissus conjonctifs. J’avais même écrit un livre traitant du
soulagement de la douleur et de la thérapie manuelle avec le neurologue
américain Ronald Lawrence, Pain Relief with Osteomassage4, basé sur cette
interprétation du système nerveux autonome.
Quand j’ai entendu pour la première fois Stephen Porges parler de sa
théorie polyvagale à Baltimore, je pratiquais depuis presque trente-cinq ans
les thérapies manuelles. La théorie de Porges était faite pour moi et, grâce à
elle, ma compréhension du système nerveux autonome a fait un énorme
bond en avant.
Comme l’explique Porges, cinq nerfs crâniens doivent fonctionner
adéquatement pour permettre l’état d’interaction sociale. Ces cinq nerfs
sont les NC V, VII, IX, X et XI et ont leur origine dans le tronc cérébral.
Avant de rencontrer Porges, j’avais étudié l’anatomie avec le Pr Patrick
Coughlin, qui nous avait parlé des douze nerfs crâniens, dont le nerf vague
(NC X). J’avais aussi appris des techniques biomécaniques spécifiques avec
mon professeur de crânio-sacrée, Alain Gehin, pour améliorer la fonction
de ces douze nerfs crâniens. J’étais donc bien préparé à la perspective de la
théorie polyvagale. Grâce à ce nouveau paradigme, j’ai adapté des
techniques pour traiter avec succès un large éventail de maladies.
Je suis persuadé que les informations et les exercices de ce livre peuvent
profiter à n’importe qui, des débutants aux thérapeutes confirmés, et
soulager beaucoup de symptômes, d’états et de problèmes de santé difficiles
à diagnostiquer et à traiter.

La neurologie des interactions sociales


Les nerfs spinaux émergent de la moelle épinière entre deux vertèbres puis
se dispersent dans différentes parties du corps. Un nerf spinal est un nerf
mixte, qui transporte des signaux moteurs, sensitifs et autonomes entre la
moelle épinière et les régions correspondantes du corps.
Certaines des fibres des nerfs spinaux s’entremêlent pour former la chaîne
sympathique, qui court le long de la colonne vertébrale, de T1 à L2 (T1 est
la première vertèbre thoracique et L2 la seconde vertèbre lombaire). Cette
chaîne favorise l’activité des viscères et des muscles quand la fuite ou le
combat sont nécessaires.
Les nerfs crâniens, à l’exception des nerfs crâniens I (olfactif) et II
(optique) émergent du tronc cérébral, à la base du cerveau (voir les schémas
« Cerveau » et « Nerfs crâniens » dans l’appendice). Ils se frayent ensuite
un passage dans diverses parties du crâne et du reste du corps. Certains
nerfs crâniens innervent les muscles du visage, tandis que d’autres vont vers
le cœur, les poumons, l’estomac et les autres organes de la digestion.
D’autres encore innervent les muscles qui actionnent les yeux ou se
connectent aux cellules du nez pour assurer le sens de l’odorat.
Selon la théorie polyvagale, lorsqu’on est en sécurité et que le corps
fonctionne bien, on jouit d’un état physiologique qui favorise les
comportements sociaux spontanés. Du point de vue neurologique, les
interactions sociales sont un état fondé sur l’activité de cinq nerfs crâniens :
la branche abdominale du nerf vague (NC X) et certaines voies des NC V,
VII, IX et XI.
Les interactions sociales comprennent l’amour et l’amitié, ainsi que la
coopération, qui accroît les chances de survie. Mais elles interviennent aussi
quand on communique, qu’on s’occupe des autres, qu’on collabore à une
tâche, qu’on élève une famille, qu’on a des rapports sexuels, qu’on raconte
des histoires, qu’on fait du sport, qu’on chante en chœur, qu’on danse et
qu’on se distrait mutuellement. Partager un repas ou une boisson avec des
proches en fait partie, de même que lire une histoire à un enfant le soir ou
partager un moment d’intimité avec un·e amant·e. Ce sont toutes ces
expériences qui font de nous des êtres humains.
Pourtant, ces interactions sociales ne sont pas réservées aux relations
interhumaines. Nous en avons aussi avec nos animaux domestiques, que
nous aimons, nourrissons et promenons, et dont nous sommes sûrs qu’ils
comprennent ce que nous leur disons. Presque tout le monde connaît et
pratique ces activités. Mais elles ne sont ni décrites ni expliquées par
l’ancienne conception du système nerveux autonome.
Ce système est à double sens : le circuit de socialisation du système
nerveux autonome ne facilite pas seulement le ressenti positif d’autrui, il est
aussi régulé par les expériences positives sur ce plan. On se sent mieux
lorsqu’on fréquente des gens. Et si l’on n’a pas assez d’interactions
sociales, on peut facilement devenir stressé, dépressif, asocial ou même
antisocial.
Cette nouvelle compréhension du rôle des nerfs crâniens m’a permis de
mieux aider des gens souffrant d’un large éventail de problèmes de santé.
Tout ce que j’avais à faire était de déterminer si ces nerfs crâniens
fonctionnaient bien et, si non, d’employer une technique pour les faire
mieux fonctionner.
Il m’a été ainsi possible de traiter des états récalcitrants comme les
migraines, la dépression, la fibromyalgie, la bronchopneumopathie
chronique obstructive, le stress post-traumatique, la posture de la tête
avancée et les problèmes de cou et d’épaule, parmi d’autres.
Cet ouvrage est une introduction à la théorie et la pratique de la cure
polyvagale. Après avoir décrit les structures neurologiques de base, je
listerai certains des problèmes physiologiques, psychologiques et sociaux
causés par le dysfonctionnement de ces cinq nerfs crâniens.
Selon la théorie polyvagale, outre l’activité de la branche ventrale du nerf
vague, le système nerveux autonome a deux autres fonctions : l’activité de
la branche vagale dorsale et l’activité de la chaîne sympathique. Cette
nature multiple du nerf vague donne son nom à la théorie.
La différence entre les fonctions des branches ventrale et dorsale du nerf
vague a des implications profondes pour la santé physiologique et
comportementale. Au fil de ces pages, je propose une nouvelle approche de
la guérison qui comprend des exercices à faire soi-même et des techniques
manuelles simples d’usage. J’espère que ce savoir continuera ainsi à se
répandre et permettra aux lecteurs de s’aider eux-mêmes et autrui.

Restaurer les interactions sociales


J’ai écrit ce livre pour rendre accessibles les avantages de la restauration de
la fonction vagale, y compris à ceux qui n’ont aucune expérience de la
thérapie crânio-sacrée ou d’autres formes de thérapie manuelle. J’ai
emprunté les principes du travail d’Alain Gehin pour développer ces
techniques.
Il s’agit de redonner de la souplesse au fonctionnement du système
nerveux autonome, d’éliminer le stress chronique dérivant d’une sur-
stimulation du tronc sympathique et les comportements de dépression et de
repli résultant de l’activité du circuit vagal dorsal. Ces exercices sont non
invasifs et ne comprennent ni médecine ni chirurgie. L’amélioration de la
fonction du nerf vague ventral qu’ils visent permet de réguler les organes de
la respiration, de la digestion, de l’élimination et de la reproduction.
Je les ai testés avec plus d’une centaine de patients avant de les introduire
auprès de groupes d’étudiants et de thérapeutes étroitement dirigés. Ma
conclusion est que cette nouvelle approche améliore la capacité aux
interactions sociales de la plupart des gens et donc leur santé. Ses effets
peuvent perdurer pendant un temps étonnamment long. Toutefois la vie est
difficile et rien n’est permanent. Le but est de rendre le système nerveux
autonome résilient, car les interactions sociales ne sont pas un état
immuable et on ne peut empêcher personne de côtoyer la menace ou le
danger.
Le corps, le système nerveux et les émotions s’adaptent continuellement
pour nous permettre de réagir à ces conditions changeantes. Lorsqu’on est
menacé ou qu’on se trouve en danger, le système nerveux autonome réagit
de manière appropriée en installant un état temporaire d’activité de la
chaîne sympathique ou de la branche vagale dorsale. Cette modification
permet de survivre, mais une fois la menace ou le danger passé, il vaut
mieux revenir à l’état d’interaction sociale.
Néanmoins, parce que rien ne dure toujours, le système nerveux autonome
peut basculer à nouveau dans l’état d’activité de la chaîne sympathique ou
de la branche vagale dorsale. Dans ce cas, la répétition des exercices permet
de restaurer rapidement la fonction vagale ventrale et de revenir à un état
d’interaction sociale. Il peut donc être nécessaire de répéter ces exercices
occasionnellement ou régulièrement.
Les effets positifs sont cependant cumulatifs. Le système nerveux
autonome devient plus résilient chaque fois que l’on restaure un état
d’interaction sociale à la suite de l’activation de la chaîne sympathique ou
de la branche vagale dorsale. L’exercice de base, que je décris en deuxième
partie, est fait pour cela. C’est une technique très simple d’utilisation, dont
le but à long terme est d’encourager le système nerveux autonome à revenir
de lui-même à un état d’interaction sociale, dès lors que les conditions sont
adéquates et que la sécurité physique et émotionnelle est avérée.
Les techniques et les exercices de la deuxième partie permettent
d’améliorer le mouvement de la tête, du cou et des épaules, et de corriger
quelques-uns des problèmes posturaux ou fonctionnels que l’on attribue à
l’âge : la posture de la tête avancée, la cyphose, la voussure, les douleurs
lombaires, la réduction de la capacité respiratoire, etc. Vous noterez une
amélioration sensible chaque fois que vous utiliserez les techniques
présentées.
PREMIÈRE PARTIE
ANCIENNES ET NOUVELLES
DONNÉES ANATOMIQUES

Combattre les têtes de l’Hydre


Beaucoup de gens luttent avec des problèmes de santé. Leur histoire
médicale rappelle le combat d’Hercule et de l’Hydre dans la mythologie
grecque. Fils de Zeus, Hercule était mi-homme, mi-dieu. Héros parmi les
héros, il fut chargé de tuer l’Hydre, un monstre aquatique doté d’un corps
de serpent et d’innombrables têtes.
Hercule possédait une épée d’or que lui avait donnée Athéna. Dans la
mythologie grecque, Athéna est la déesse de la sagesse, de la justice et de
l’habileté à la bataille.
L’Hydre était une dangereuse adversaire – même son souffle était
empoisonné. Pour chacune des têtes qu’Hercule tranchait avec son épée,
l’Hydre en faisait repousser deux autres. Comprenant qu’il ne pourrait la
défaire en coupant ses têtes une par une, Hercule appela à l’aide son neveu
Iolas. Celui-ci eut l’idée de cautériser les cous de l’Hydre avec un charbon
ardent pour qu’elle ne puisse pas faire repousser de nouvelle tête.
Heureusement pour Hercule, l’Hydre avait une faiblesse : l’une de ses
têtes était mortelle. Hercule la trouva et la coupa et l’Hydre finit par mourir.
Cette Hydre est une métaphore de la frustration qu’il y a à traiter un
symptôme pour en voir un ou plusieurs autres prendre sa place. Comme les
têtes de l’Hydre, les problèmes de santé multiples ne sont pas rares, et les
médicaments ou les opérations destinés à les soulager ne visent pas
nécessairement la racine commune à tous ces maux.
La médecine conventionnelle repose sur la biochimie et la chirurgie. Ces
outils sont certes précieux et ont aidé beaucoup de gens, moi y compris.
Certaines opérations chirurgicales sauvent des vies. Mais même la meilleure
des opérations laisse du tissu cicatriciel, qui peut restreindre les
mouvements en nuisant au glissement des couches de muscle ou de tissu
conjonctif les unes sur les autres.
Par ailleurs, beaucoup de symptômes, d’états et de problèmes de santé
n’engagent pas le pronostic vital ; faute d’alternative, on s’en remet à la
prescription de médicaments. Dans bien des cas, ils ne fonctionnent pas
aussi bien qu’on le voudrait et produisent des effets indésirables. Comme
dans le combat contre l’Hydre, l’élimination des symptômes aboutit
souvent à leur multiplication. Par contraste, la nouvelle conception du
système nerveux recèle un potentiel inexploité. Pour le dire en termes
simples : si la branche ventrale du nerf vague ne fonctionne pas, il faut la
rendre fonctionnelle. Comme le système nerveux autonome régule la
circulation, la respiration, la digestion et la reproduction, un large éventail
de conséquences s’ensuit si le nerf vague et les autres nerfs crâniens ne
fonctionnent pas comme il le faudrait.
Voici ci-dessous une liste partielle des problèmes qui peuvent venir du
système nerveux autonome. Ce sont des symptômes qu’éprouvent beaucoup
de gens. En avez-vous fait l’expérience ou connaissez-vous des personnes
qui en souffrent ? Si oui, continuez à lire, parce que travailler sur les nerfs
crâniens peut vous ou les soulager.

La dysfonction des nerfs crâniens


Tensions physiques chroniques
• Muscles durs/tendus
• Muscles du cou et des épaules douloureux
• Migraines
• Maux de dos
• Grincements de dents
• Tensions de l’œil ou du visage
• Mains et pieds froids
• Transpiration excessive
• Tension après l’exercice
• Arthrite
• Nervosité
• Vertiges
• Nœud dans la gorge
Problèmes émotionnels
• Irritabilité, colère
• Abattement
• Sentiment de désespoir
• Manque d’énergie
• Tendance à pleurer facilement
• Anxiété générale
• Sensation de lourdeur
• Périodes prolongées de dépression
• Peur, timidité
• Cauchemars
• Agitation
• Difficultés d’endormissement
• Inquiétudes excessives
• Difficultés de concentration
• Étourderies
• Frustration
• Rêveries excessives
Problèmes cardiaques et pulmonaires
• Douleur de poitrine
• Asthme
• Hyperventilation
• Souffle court
• Arythmie cardiaque
• Hypertension
Dysfonctionnement des viscères
• Mauvaise digestion
• Constipation
• Irritation du côlon
• Diarrhée
• Hyperacidité, ulcère, brûlures d’estomac
• Perte d’appétit
• Suralimentation
Problèmes immunitaires
• Grippes fréquentes
• Infections mineures
• Allergies
Problèmes comportementaux
• Accidents ou blessures fréquents
• Consommation excessive d’alcool ou de tabac
• Usage excessif de médicaments avec ou sans ordonnance
• Autisme, trouble du déficit de l’attention, syndrome d’Asperger
Problèmes mentaux
• Inquiétudes excessives
• Difficultés à se concentrer
• Difficultés à se souvenir
• Difficultés à prendre des décisions
Autres problèmes
• Règles excessivement douloureuses
• Problèmes dermatologiques
Étant donné les difficultés et le stress que tout un chacun affronte dans sa
vie, il est courant de souffrir d’un ou plusieurs de ces symptômes. À
première vue, ces problèmes paraissent sans lien entre eux – on peut les
classer en « physiques », « mentaux », « émotionnels » ou
« comportementaux ». Mais cette distinction est inutile dans ce contexte et
masque le fait que la cause physiologique est essentiellement la même.
En général les gens ont plus d’un symptôme en même temps. Le terme
scientifique pour cela est comorbidité. Les symptômes peuvent disparaître
puis revenir à intervalles réguliers. S’ils se produisent rarement et ne sont
pas débilitants, ils ne constituent pas un vrai problème. Mais s’ils se
produisent souvent ou la plupart du temps, il vaut mieux les soigner.
Plutôt que de les traiter comme des problèmes séparés, avec une pilule à
prendre pour chacun d’eux, il est préférable de trouver le fil qui les relie.
On peut peut-être découvrir un traitement efficace à même de les atténuer
ou de les éliminer – en d’autres termes trouver la tête mortelle de l’Hydre.
Ce fil commun peut être très simple : tous ces problèmes découlent au
moins en partie de l’activation du nerf vague dorsal ou du système nerveux
sympathique et peuvent être traités en restaurant la fonction normale de la
branche ventrale du nerf vague et des autres nerfs impliqués dans les
interactions sociales.
La majeure partie de la médecine contemporaine néglige l’idée que les
nerfs crâniens jouent un rôle dans ces problèmes de santé. Et la plupart des
gens ne savent pas grand-chose du tronc cérébral ni des nerfs crâniens eux-
mêmes.
Je suis convaincu, et je l’ai répété souvent, que si l’on peut faire
fonctionner les cinq nerfs responsables des interactions sociales, il y a de
bonnes chances de soulager ou d’éliminer la plupart des symptômes de cette
liste. Cette conviction se base sur une pratique clinique longue de plusieurs
décennies et l’expérience de centaines de thérapeutes que j’ai formés à
l’Institut Rosenberg.
CHAPITRE 1
Le système nerveux autonome
Le système nerveux a une fonction principale : assurer la survie du corps
physique. Il se compose du cerveau, du tronc cérébral, des nerfs crâniens,
de la moelle épinière, des nerfs spinaux et du système nerveux entérique.
Nous nous intéressons ici au système nerveux autonome, formé de certains
éléments du tronc cérébral, quelques-uns des nerfs crâniens et certains
rameaux des nerfs spinaux.

Les douze nerfs crâniens


C’est un défi que de parler de la fonction des douze nerfs crâniens à des
lecteurs dont les connaissances sur ce sujet varient de zéro à un savoir
étendu. Comment puis-je le présenter à ceux qui en entendent parler pour la
première fois, tout en aidant ceux qui en savent davantage à comprendre la
fonction des nerfs crâniens d’une manière utile ?
Pour les débutants, je vais donc présenter une description simple de la
fonction des douze nerfs crâniens. Et si ce sujet vous est familier, j’espère
vous offrir une nouvelle perspective.
Les nerfs crâniens diffèrent des nerfs spinaux. Certains nerfs crâniens
relient le tronc cérébral aux organes et aux muscles de la tête, comme le
nez, les yeux, les oreilles et la langue. Le tronc cérébral s’étend à partir du
cerveau ; il est situé sous le cerveau et constitue le début de la moelle
épinière (voir « Cerveau », « Nerfs crâniens » et « Moelle épinière » dans
l’appendice). D’autres nerfs crâniens passent par de petites ouvertures dans
le crâne pour atteindre la gorge, le visage, le cou, le thorax et l’abdomen.
Chacun d’eux se fraye un chemin à la fois du côté gauche et du côté droit
de la tête.
L’un des nerfs crâniens « erre » à travers le corps, allant du tronc cérébral
à la poitrine et à l’abdomen pour réguler les viscères. Il innerve les muscles
de la gorge (pharynx et larynx), les organes de la respiration (poumons), de
la circulation (cœur), de la digestion (estomac, foie, pancréas, duodénum,
intestin grêle et segments ascendants et transverses du gros intestin) et de
l’élimination (reins). Sa longueur et ses nombreuses branches ont fait qu’on
l’a nommé nerf « vague », du latin vagus qui signifie « vagabond, errant ».
Le nerf vague contribue à la régulation d’un grand éventail de fonctions
physiologiques nécessaires au maintien de l’homéostasie. Alors que la
chaîne sympathique s’étend à partir des nerfs spinaux et favorise l’état de
stress et de mobilisation pour la survie, plusieurs des nerfs crâniens
favorisent les états de non-stress. De fait, l’une de leurs premières fonctions
est de faciliter le repos et le rétablissement. Ils contrôlent aussi le sens de la
vue, de l’odorat, du goût et de l’ouïe, de même que le sens du toucher sur le
visage. Chez les mammifères, certains nerfs crâniens collaborent pour
faciliter et promouvoir le comportement social.
Chaque nerf crânien est désigné par un chiffre romain ; le nerf olfactif est
appelé NC I, ce qui veut dire « premier nerf crânien ». Bien que les nerfs
aillent par paires, on utilise le singulier pour les désigner : NC I se réfère en
fait à une paire de nerfs.
Les nerfs crâniens sont numérotés en fonction de leur emplacement. Ils
s’étendent en demi-cercle de chaque côté de la tête ; un anatomiste de la
première heure a assigné le numéro I au nerf le plus haut dans ce demi-
cercle, le numéro II au suivant et ainsi de suite.

LES DIVERSES FONCTIONS DES NERFS CRÂNIENS


Tout comme les fibres dans un conduit ont souvent des fonctions
différentes, un nerf crânien peut avoir de multiples fonctions. Quand on
examine les nerfs crâniens, il semble que leurs fonctions n’aient aucun
rapport. L’un d’eux sert par exemple à déglutir, un autre à manœuvrer le
muscle oculaire, un troisième à réguler la tension sanguine.
Bien que les études d’anatomie n’en parlent généralement pas, les douze
nerfs crâniens ont néanmoins une chose en commun : ils concourent tous à
la découverte de nourriture, à sa mastication, sa déglutition, sa digestion et
son élimination.
Les nerfs crâniens contrôlent la sécrétion des enzymes et des acides dans
la bouche et l’estomac, la production de bile dans le foie, le stockage de
celle-ci dans la vésicule biliaire, la production et le stockage des enzymes
digestifs dans le pancréas. Ils surveillent et régulent le mouvement des
aliments non digérés depuis l’estomac jusqu’au côlon transverse. Ils
contrôlent la sécrétion, en quantité appropriée et au moment approprié,
d’enzymes vésiculaires et pancréatiques dans le duodénum, pour digérer la
nourriture et la réduire à des nutriments. Après que les protéines, les
hydrates de carbone et les graisses ont été suffisamment réduits, ces
nutriments sont absorbés par les parois de l’intestin grêle.
Nous commencerons la discussion sur les nerfs crâniens en notant
comment chacun d’eux contribue au processus de l’alimentation. Puis nous
verrons quelques fonctions supplémentaires des nerfs crâniens non liées à la
nourriture, comme la régulation des reins et de la vessie, du cœur et de la
respiration, du sexe et de la reproduction.
Si vous n’avez jamais entendu parler de nerfs crâniens auparavant, ne
vous préoccupez pas de mémoriser leurs fonctions ; vous pourrez toujours y
revenir et rafraîchir votre mémoire avec le tableau de la page 46. Le plus
important est d’avoir une idée générale du genre de fonctions que régulent
ces nerfs, notamment de l’état d’interaction sociale. Si vous avez étudié les
douze nerfs crâniens auparavant, les paragraphes suivants présentent une
approche quelque peu différente qui peut élargir votre compréhension.
Le nerf olfactif, ou NC I, est à la source du sens de l’odorat. En termes
d’évolution, cela a été le premier nerf crânien à se développer. Le sens de
l’odorat est vital pour les êtres humains et les autres mammifères quand il
s’agit de trouver de la nourriture et de décider si elle est comestible. Les
odeurs provoquent une réaction immédiate d’attraction ou de répulsion :
salivé-je quand j’approche tel ou tel aliment de ma bouche ou tourné-je la
tête de dégoût ?
Notre réaction aux odeurs est puissante et instinctive et différentes odeurs
ont un fort impact émotionnel sur nous. Il est important pour un bébé de
reconnaître l’odeur de sa mère, et pour des partenaires sexuels de se flairer
l’un l’autre pour amplifier leur excitation.
Les fibres nerveuses de NC I émergent d’organes sensitifs dans le nez et
se frayent un chemin directement vers le cerveau antérieur. NC I est le seul
nerf crânien qui possède une transmission directe des organes sensoriels au
cerveau sans synapse intermédiaire (une synapse est une structure qui
permet à un neurone ou une cellule nerveuse de transmettre un signal
électrique ou chimique à une autre cellule, nerveuse ou autre).
Le nerf olfactif est par conséquent le seul nerf crânien qui transmet des
informations (des odeurs) directement au cortex cérébral sans les relayer à
travers une autre partie du système nerveux central. Il est intéressant de
constater que cette partie du « vieux » cerveau est essentielle à la formation
de la mémoire, ce qui est logique du point de vue de la survie. C’est
pourquoi les odeurs constituent certains de nos souvenirs les plus vivaces et
les plus évocateurs.
D’autres nerfs crâniens sont responsables de la vision, et la vue joue bien
sûr un rôle critique quand il s’agit de trouver de la nourriture. Le NC II, le
nerf optique, prend aussi sa source dans le cortex. Il transmet des signaux
depuis les cônes et les bâtonnets de la rétine à une synapse et, à travers elle,
aux centres visuels situés dans le lobe occipital du cortex cérébral. Le
cerveau interprète ces impulsions nerveuses en images.
On cherche à manger et l’on voit quelque chose d’intéressant. Le
reconnaît-on d’après des expériences passées ? Cela ressemble-t-il à de la
nourriture ? Cela a-t-il l’air frais ? Est-ce dépourvu de moisissure ou de
décoloration ? Si cela a l’air bon, on décide de l’approcher de son visage
pour le sentir, puis on le porte éventuellement à la bouche pour le goûter.
Bouger les globes oculaires dans différentes directions étend le champ de
vision. Les petits muscles qui manœuvrent les globes oculaires sont
contrôlés par trois autres nerfs crâniens : NC III (oculomoteur), IV
(trochléaire) et VI (abducens). Ils permettent de faire rouler les yeux en
haut, en bas, à gauche et à droite.
On peut encore étendre son champ de vision en mobilisant les muscles du
cou pour tourner la tête. NC XI, le nerf accessoire, contrôle les muscles
trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens. C’est grâce à eux que l’on peut
regarder en haut, en bas et sur les côtés. Cela permet notamment de
rapprocher un aliment pour le flairer et s’il ne sent pas bon, de détourner la
tête.
Toutefois, la vue et l’odorat ne permettent pas seuls de décider avec
certitude si quelque chose est comestible. Il faut faire le pas suivant et le
mettre dans la bouche : cela a-t-il bon goût ? Afin de le goûter tout à fait, il
faut le mélanger avec de la salive. La sécrétion de salive est contrôlée par le
NC V (trijumeau), le NC VII (facial) et le NC IX (glossopharyngien), qui
innervent les glandes salivaires. La salive n’augmente pas seulement la
capacité à goûter les choses, elle initie aussi le processus digestif en
commençant à humidifier et à décomposer l’amidon de l’aliment, ce qui le
rend plus facile à avaler.
Pour mélanger un aliment avec de la salive, il faut faire appel au NC V
(trijumeau), qui innerve les muscles de la mastication et permet d’ouvrir et
de refermer la mâchoire et de mastiquer dans un mouvement latéral. Puis
c’est le NC XII (hypoglosse) qui permet de bouger la langue et déplacer
l’aliment dans la bouche. On se sert du NC VII (facial) pour contracter et
détendre les muscles des joues, créer une poche et la vider pour déplacer la
nourriture sous les surfaces de broyage des dents. On déplace aussi la
nourriture avec les muscles des lèvres, qui sont également innervés par NC
VII.
En ce qui concerne le goût, ce sont les papilles de la langue qui entrent en
jeu, lesquelles sont reliées aux branches de trois nerfs crâniens : NC VII
(nerf facial), NC IX (nerf glossopharyngien) et NC X (nerf vague). La
nourriture a-t-elle bon goût ou a-t-elle une saveur bizarre qui signale un
aliment dangereux ? Si l’aliment n’a pas bon goût, on peut facilement le
recracher pour éviter d’être malade ou de mourir empoisonné.
Mais si l’on décide d’avaler, la langue envoie la nourriture mastiquée
mélangée à de la salive au fond de la bouche, au sommet de l’œsophage.
L’œsophage est le conduit musculaire qui déplace la nourriture depuis la
gorge jusqu’à l’estomac en se contractant de manière rythmique, comme les
intestins. On avale la nourriture avec les muscles de la gorge qui sont
innervés par NC IX, le nerf glossopharyngien et les muscles de la langue,
innervés par NC XII, le nerf hypoglosse, ainsi que d’autres muscles
innervés par NC V et NC VII.
Le tiers supérieur de l’œsophage est innervé par la branche ventrale du
nerf vague, tandis que les deux tiers inférieurs sont innervés par la branche
dorsale du nerf vague.
Si l’on sent que quelque chose ne va pas avec l’aliment une fois qu’il a
atteint l’estomac, la vieille branche (dorsale) du nerf vague offre encore la
possibilité de le régurgiter avant qu’il poursuive son chemin dans l’intestin
grêle. Le réflexe de régurgitation est contrôlé aux deux extrémités de
l’œsophage par le nerf glossopharyngien (NC IX), en haut, et le nerf vague
(NC X), en bas. Il est facile de voir que l’acte de déglutir est compliqué, car
il requiert l’action coordonnée de plusieurs nerfs crâniens !
Les nerfs crâniens facilitent la recherche de nourriture d’autres manières.
De nombreux animaux localisent leur proie en utilisant une ouïe très
affûtée. La plupart des sources anatomiques considèrent le NC VIII, le nerf
acoustique1, comme le seul nerf crânien qui permette l’audition. Pourtant,
chez les mammifères, le nerf trijumeau (NC V) et le nerf facial (NC VII)
ont aussi un rôle important à jouer dans l’écoute et la compréhension du
discours humain en régulant les muscles de l’oreille moyenne. Le degré de
contraction ou de détente du tympan modifie le niveau des fréquences
acoustiques spécifiques qui y pénètrent. Quand le niveau du son est trop fort
pour le mécanisme fin de l’oreille interne, le muscle stapédien amortit les
vibrations (voir chapitre 7 pour en savoir davantage sur l’ouïe).
Fonctions majeures des nerfs crâniens
NC nerf olfactif odorat ; aide à localiser la nourriture
I
NC nerf optique vision ; rend la vue possible
II
NC nerf oculomoteur vue ; contrôle certains muscles oculaires
III
NC nerf trochléaire vue ; contrôle certains muscles oculaires
IV
NC nerf trijumeau mastication et déglutition
V
ouïe ; muscle tenseur du tympan
NC nerf abducens vue ; contrôle certains muscles oculaires
VI
NC nerf facial mastication ; certains muscles faciaux et sécrétion salivaire
VII
ouïe ; muscle stapédien
NC nerf acoustique ouïe ; traduit les ondes sonores en impulsions nerveuses
VIII
NC nerf déglutition
IX glossopharyngien
NC nouveau nerf la nouvelle branche du nerf vague (ventrale) innerve et contrôle le
X vague tiers supérieur de l’œsophage et la plupart des muscles
pharyngiens, et régule le cœur et les bronches.
La vieille branche du nerf vague (dorsale) innerve les deux tiers
inférieurs de l’œsophage et régule la fonction stomacale, les
glandes digestives et les organes tels que le foie et la vésicule
biliaire, ainsi que le mouvement des aliments au travers des
intestins (excepté le côlon descendant).
NC nerf accessoire innerve les muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens, qui
XI font pivoter la tête et élargissent le champ visuel.
NC nerf hypoglosse actionne la langue.
XII

En dehors de l’alimentation, plusieurs autres fonctions dépendent des


nerfs crâniens. Les branches afférentes viscérales (sensitives) des nerfs
crâniens V, VII, IX, X et XI collectent des informations à partir des organes
viscéraux : est-on en sécurité, menacé ou en danger mortel ? Le corps est-il
en bonne santé, déséquilibré, douloureux ou malade ? Quand on est sain et
en sécurité, ces nerfs facilitent l’état d’interaction sociale.

Dysfonction des nerfs crâniens et interaction sociale


On considère le comportement humain « normal » comme l’expression de
valeurs sociales positives. Les actes ne doivent pas seulement être
bénéfiques à la survie et au bien-être individuel, mais aussi au bien-être
d’autrui.
La plupart des gens sont socialement actifs une grande partie du temps.
Mais certains tombent parfois dans un état d’activation chronique de la
chaîne sympathique (combat ou fuite) ou de la branche vagale dorsale
(repli, dissociation). Quand leur système nerveux autonome est résilient, ils
rebondissent rapidement dans un état d’interaction sociale, mais ce n’est pas
toujours le cas. Faute de résilience, ils restent coincés dans des états de
chaîne sympathique ou de branche vagale dorsale. Il est alors beaucoup plus
difficile pour les autres de comprendre leurs valeurs, leurs motivations ou
leurs comportements. Leurs actes semblent irrationnels, allant à l’encontre
de leur intérêt, et ils peuvent se montrer destructeurs envers eux ou envers
autrui. En l’absence d’interactions sociales, la vie devient difficile pour soi,
mais aussi pour l’entourage.
Jetons un coup d’œil aux cinq nerfs crâniens nécessaires à l’interaction
sociale et aux problèmes qui se posent quand ils ne fonctionnent pas de
manière adéquate.

LES CINQUIÈME ET SEPTIÈME NERFS CRÂNIENS


Le NC V, le nerf trijumeau, a plusieurs fonctions motrices, dont le contrôle
des muscles de la mastication. Il a aussi des fonctions sensitives et reçoit
des impulsions des terminaisons nerveuses de la peau du visage.
Le NC VII, le nerf facial, a également plusieurs fonctions motrices. Il
contrôle la tension et la détente des muscles du visage. Ce sont les
variations de tension des muscles de la face qui créent les expressions,
lesquelles communiquent diverses émotions et reflètent aussi l’état interne
en termes de santé ou de maladie. Idéalement, les changements
d’expression sont spontanés et reflètent le flux changeant des émotions et
des pensées.
Le visage de quelqu’un est-il inexpressif et figé ? C’est généralement le
signe d’un dysfonctionnement du NC VII. Il est possible de plaquer un
sourire sur les lèvres ou d’ouvrir grand les yeux. Mais ce ne sont pas des
expressions faciales spontanées.
Qu’elles soient relevées consciemment ou non par l’interlocuteur, ces
petites variations spontanées dans la bande transversale qui va des coins des
yeux aux coins de la bouche révèlent le degré d’interaction sociale.
Outre ces fonctions séparées, les NC V et VII ont des fonctions corrélées.
Le NC VII innerve les muscles du visage et le NC V est un nerf sensitif de
la peau du visage. Quand on change d’expression, on « sent » son visage.
Les deux nerfs jouent un rôle dans l’écoute et la compréhension des
échanges verbaux.
Par ailleurs, le NC VII innerve le muscle stapédien, le plus petit muscle
du corps. Celui-ci protège l’oreille interne des bruits trop forts, en
particulier du bruit de sa propre voix. Les rugissements du lion peuvent être
assourdissants, ils frappent les autres animaux de terreur. Le lion lui-même
s’en protège en contractant le muscle stapédien une fraction de seconde
avant de rugir.
En réduisant le volume des sons au-dessus et en dessous de la fréquence
de la voix humaine féminine, le muscle stapédien permet aussi au bébé
d’entendre plus nettement la voix de sa mère. Si vous êtes facilement
dérangé par les bruits de fond, il est possible que votre muscle stapédien ne
joue pas son rôle de réducteur des sons à basse fréquence.
L’hyperacousie, un autre problème auditif, peut venir d’un
dysfonctionnement du muscle stapédien ou d’un autre muscle de l’oreille
moyenne, le tenseur du tympan, innervé par le NC V. Quand ce dernier se
contracte, cela augmente la tension et fait décroître le son. C’est très utile
lorsque l’on mange, pour réduire les bruits de mastication (voir chapitre 7
pour en savoir davantage sur l’hyperacousie et le dysfonctionnement du
muscle stapédien).
Les dysfonctionnements des NC V et VII sont très courants chez les
adultes, souvent à la suite d’une extraction dentaire ou du port d’un appareil
dentaire. J’ai observé chez plusieurs de mes patients qui s’étaient fait
soigner les dents que les processus ptérygoïdes de leur os sphénoïde et leur
os palatin (petits os de la face) étaient désarticulés. Au cours de ma
formation en thérapie crânio-sacrée biomécanique, j’ai appris à examiner la
forme du palais osseux pour repérer un déplacement de l’os palatin et
appliquer une technique qui le ramène à sa position originelle.
Certaines des branches des NC V et VII se rejoignent dans cette zone. Un
très léger désalignement des os sphénoïde et palatin peut accroître la
pression sur ces deux nerfs. Quand j’interroge les dentistes à ce sujet, la
plupart savent exactement de quoi je parle. Ils me répondent qu’ils prennent
garde à ne pas extraire une dent simplement parce qu’elle fait mal.
Toutefois, j’ai rencontré des personnes dont les dentistes soit l’ignoraient,
soit l’avaient oublié. Une femme, en particulier, souffrait d’une dent après
l’extraction d’une première dent. Son dentiste lui a aussi retiré cette
deuxième dent, mais cela n’a pas soulagé la douleur. Il semblait ignorer que
les nerfs de cette articulation peuvent être compressés par le désalignement
des os. Il voulait à toute force éliminer cette douleur, et il lui a donc ôté une
autre dent, puis encore une autre. Quand elle est venue me voir, elle n’avait
presque plus de dents et elle avait toujours mal.
Un autre de mes patients s’est mis à grincer des dents la nuit après une
extraction dentaire. De nombreux dentistes ne reconnaissent pas le
problème ou n’ont pas les compétences pour le traiter.
L’os sphénoïde est l’os situé le plus au centre du crâne. Ses ailes
extérieures forment ce qu’on appelle communément les tempes. Si un
boxeur prend un coup sur la tempe, il risque le K.O. Les boxeurs
professionnels le savent et visent les tempes de leurs adversaires. C’est
aussi la raison pour laquelle, au base-ball, les batteurs portent une casquette
avec des rabats, pour protéger leurs tempes des balles. La partie intérieure
de l’os sphénoïde a une dépression en forme de selle dans laquelle se niche
la glande pituitaire.
Quand la branche d’un nerf crânien subit une pression physique directe,
non seulement elle se met à dysfonctionner, mais les autres branches de ce
nerf répercutent ce dysfonctionnement. Un déboîtement des os sphénoïde et
palatin peut provoquer un dysfonctionnement des nerfs de la face et de
l’oreille interne ; c’est suffisant pour bloquer tout le système nerveux de
l’interaction sociale.
Le NC V innerve deux autres muscles, les ptérygoïdes médial et latéral,
qui émergent de l’os sphénoïde et permettent d’ouvrir et de fermer
la mâchoire. Un léger déplacement de cet os peut causer des irrégularités
telles que la sur-occlusion, la sous-occlusion ou l’occlusion croisée.

NEUVIÈME, DIXIÈME ET ONZIÈME NERFS CRÂNIENS


De même que les neuvième et onzième nerfs crâniens, l’une des deux
branches du dixième nerf crânien (le nerf vagal ventral) émerge d’une
structure appelée le noyau ambigu, dans le tronc cérébral.
La branche dorsale du nerf vague prend son origine au quatrième
ventricule, à l’arrière du tronc cérébral (un ventricule n’est pas une structure
physique, mais un espace entre les lobes du cerveau, rempli de liquide
cérébrospinal. Il existe quatre ventricules, reliés entre eux par de petits
canaux).
Les deux branches du nerf vague, de même que les neuvième et onzième
nerfs crâniens et la veine jugulaire passent à travers le foramen jugulaire,
une petite ouverture à la base du crâne, entre les os temporaux et occipitaux.
Les fibres des neuvième et onzième nerfs crâniens s’entremêlent à celles
du dixième nerf crânien. Mon professeur d’anatomie, Pat Coughlin, nous
disait que dans l’interprétation moderne de l’anatomie, un nombre croissant
de professeurs considèrent le NC IX et le NC X comme les parties d’un
même nerf. Leurs fibres sont entremêlées et leurs fonctionnalités semblent
être corrélées en tant que composantes du système nerveux de l’interaction
sociale.
Dans l’objectif clinique d’amener le système nerveux dans un état
d’interaction sociale, je trouve plus simple d’approcher les neuvième,
dixième et onzième nerfs crâniens comme s’il s’agissait d’un seul nerf.
Quand un patient présente des symptômes indiquant un dysfonctionnement
de l’un, il y a presque toujours un dysfonctionnement des deux autres. Si,
après le traitement, le patient montre une amélioration de la fonction vagale,
les symptômes attribués au dysfonctionnement des neuvième et onzième
nerfs crâniens disparaissent aussi en général.

AUTRES CONSIDÉRATIONS SUR LE NEUVIÈME NERF


CRÂNIEN
On appelle le neuvième nerf crânien glosso-pharyngien (glosso pour langue
et pharyngien pour pharynx). Ce nerf possède à la fois des fibres afférentes
(sensitives) et efférentes (motrices). La branche efférente innerve un seul
muscle, le stylo-pharyngien, qui sert à la déglutition.
Le neuvième nerf crânien reçoit des informations sensitives des
amygdales, du pharynx, de l’oreille moyenne et du tiers postérieur de la
langue. Il fait aussi partie du mécanisme de régulation de la pression
sanguine : il a des branches afférentes dans le sinus de la carotide, situé à la
base du cou, et ses fibres sensitives surveillent la pression sanguine afin
d’influer sur le cœur et le tonus des cellules musculaires des artères.
Ce nerf contrôle aussi les niveaux d’oxygène et de dioxyde de carbone
dans le sang pour ajuster le rythme de la respiration. Il est également chargé
de stimuler la sécrétion de la glande parotide, la glande salivaire située
devant l’oreille.

DIXIÈME NERF CRÂNIEN


Le dixième nerf crânien constitue une part importante du système nerveux
autonome. Avant que Stephen Porges ne présente la théorie polyvagale, on
supposait que le nerf vague fonctionnait comme une simple voie neurale.
Nous savons aujourd’hui que les deux branches du nerf vague – ventrale et
dorsale – émergent à deux endroits différents et ont des fonctions très
différentes. Ce livre se propose d’élucider ces différences et leurs
implications.
La compréhension des voies du nerf vague fournit des options de
traitement pour un grand éventail d’affections, dont nous discuterons plus
tard.

BRANCHE VAGALE SOUS-DIAPHRAGMATIQUE


La branche dorsale du nerf vague possède des fibres motrices qui innervent
les organes sous le diaphragme : l’estomac, le foie, la rate, les reins, la
vésicule biliaire, l’intestin grêle, le pancréas et les segments ascendants et
transverses du côlon. On l’appelle donc parfois la « branche sous-
diaphragmatique ».
Cette appellation n’est que partiellement exacte, toutefois, car certaines
fibres qui prennent leur origine dans le noyau moteur dorsal du tronc
cérébral sont aussi connectées au cœur et aux poumons situés, eux, au-
dessus du diaphragme. De même, si le nerf vague ventral fournit
essentiellement des voies motrices aux organes situés au-dessus du
diaphragme, certaines fibres influencent les organes qui sont en dessous.
Les trois parties du système nerveux autonome – les branches ventrale et
dorsale du nerf vague et la chaîne sympathique – contrôlent les fonctions
vitales de la respiration et de la circulation sanguine et chacune d’elles
influence le cœur et les poumons de manière différente.
Vous trouverez dans l’appendice deux planches (« Nerf vague ventral » et
« Nerf vague dorsal »), montrant les organes innervés par chacun d’eux.

AUTRES FONCTIONS DE LA BRANCHE VENTRALE


La branche ventrale du nerf vague émerge du tronc cérébral, au sommet de
la moelle épinière, sous le cerveau (voir « Cerveau » dans l’appendice). En
stimulant la contraction rythmique des bronchioles, elle favorise
l’extraction de l’oxygène. A contrario, la zone du tronc cérébral contrôlant
l’activation du nerf vagal dorsal peut obstruer chroniquement les voies
aériennes, rendant la respiration difficile (cela fait partie du mécanisme
activé dans l’état de choc. Les bronchioles rétrécissent aussi dans la
bronchite chronique et l’asthme).
En état de sécurité, la branche ventrale du nerf vague favorise le repos ou
le calme. L’ouverture des voies aériennes oscille en rythme – modérément
ouvertes pour l’inspiration et modérément fermées pour l’expiration.
Cette branche ventrale innerve plusieurs petits muscles de la gorge, dont
les cordes vocales, le larynx, le pharynx et certains muscles comme
l’élévateur du voile du palais et les muscles de la luette.

ONZIÈME NERF CRÂNIEN


Le onzième nerf crânien, ou « nerf accessoire », est l’une des clés du bien-
être musculo-squelettique, car il innerve les muscles trapèzes et sterno-
cléido-mastoïdiens (SCM), qui permettent de tourner la tête et le cou. Une
tension dans n’importe lequel de ces muscles désaligne l’épaule, la colonne
et, par la suite, tout le corps.
Les muscles trapèzes comme les muscles sterno-cléido-mastoïdiens
émergent du crâne (le trapèze est attaché au processus mastoïdien de l’os
temporal, et le sterno-cléido-mastoïdien à l’os occipital). Ensemble, ils
forment l’anneau musculaire extérieur du cou, des épaules et du haut du
dos.
Quand le onzième nerf crânien dysfonctionne, il en résulte un manque de
tonus dans ces muscles. Cela cause des problèmes d’épaule aigus ou
chroniques, des raideurs du cou, des migraines et des difficultés à tourner la
tête (voir le chapitre 5 pour en savoir davantage sur ces muscles. La
deuxième partie comprend aussi un traitement pour soulager les migraines
en réduisant les tensions excessives de ces muscles).
Plutôt que de masser simplement un trapèze ou un sterno-cléido-
mastoïdien chroniquement tendu ou flasque, il vaut mieux améliorer
d’abord la fonction du onzième nerf crânien à l’aide de l’exercice de base
(voir deuxième partie), puis masser les muscles après que le nerf fonctionne
à nouveau.
Traiter les nerfs crâniens
Le traitement des nerfs crâniens requiert des techniques différentes du
traitement des nerfs spinaux. Pour ces derniers, certains thérapeutes utilisent
la chiropraxie ou des mobilisations à base de chiropraxie (de brèves
poussées rapides). Le kinésithérapeute, lui, étire et renforce les muscles du
cou et du dos afin de repositionner les vertèbres et réduire par là la pression
sur les nerfs spinaux. Quand ces modalités échouent, on s’en remet parfois
à la chirurgie orthopédique.
Pour restaurer ou améliorer manuellement la fonction des nerfs crâniens,
il faut une approche différente. Depuis 1920, il existe une forme de
traitement pour les dysfonctionnements des nerfs crâniens appelée
« ostéopathie crânienne », « thérapie crânio-sacrée » ou « ostéopathie du
domaine crânien ».
Aux États-Unis, les médecins ostéopathes ont la même formation que les
médecins généralistes. Comme leurs confrères, ils sont habilités à opérer, à
prescrire des traitements et à intervenir dans un hôpital psychiatrique. La
différence entre les ostéopathes et les médecins est que les premiers suivent
une formation supplémentaire aux techniques de traitement manuel.
C’est William Garner Sutherland, médecin ostéopathe (1873-1954), qui a
fondé l’ostéopathie crânienne. Son élève et collègue Harold Magoun (1927-
2011), a publié en 1951 un ouvrage précurseur, Ostéopathie dans le champ
crânien2, encore utilisé par les ostéopathes pour apprendre les techniques
crâniennes. Le livre de Magoun décrit trois approches du travail crânien.
L’une est biomécanique : le thérapeute manipule les os crâniens adjacents
afin de les mobiliser aux sutures. Cela peut réduire la pression mécanique
sur les nerfs crâniens qui sortent du crâne par différentes ouvertures.
L’approche biomécanique exige une étude approfondie de l’anatomie
crânienne ainsi qu’une grande expérience. L’ostéopathe français Alain
Gehin a développé les techniques biomécaniques décrites par Sutherland et
Magoun et a enseigné son approche à des étudiants de nombreux pays.
Une autre approche du traitement crânien consiste à étirer les membranes
molles du crâne et de la colonne. La dure-mère (dura mater) est un tube de
tissu conjonctif qui s’étend du crâne au coccyx et qui contient le cerveau, la
moelle épinière et le liquide cérébrospinal. La faux du cerveau (falx cerebri)
et la tente du cervelet (tentorium cerebelli) sont des membranes de tissu
conjonctif qui enveloppent les os du crâne et qu’on qualifie toutes deux de
« durales ».
Toutes ces membranes deviennent moins flexibles avec l’âge, la maladie,
certains antibiotiques et les traumatismes physiques. Harold Magoun les
décrit et explique comment les débarrasser de leurs tensions. Plus tard, ce
travail a été développé par John Upledger, médecin ostéopathe, et il est
aujourd’hui enseigné dans le monde entier par l’Institut Upledger, dont le
siège est en Floride. Son approche comprend l’étirement et le
« déroulement » des membranes durales.
La troisième approche s’appelle la thérapie crânio-sacrée biodynamique.
Son but est d’optimiser la circulation du liquide cérébrospinal autour du
cerveau et de la moelle épinière, afin de nourrir les tissus et d’éliminer les
déchets métaboliques.
Les techniques biodynamiques favorisent la détente des membranes
durales du crâne et de la colonne en faisant appel à la circulation du liquide
cérébrospinal. Le thérapeute tient la tête de son patient de manière
extrêmement légère, tout en surveillant les micromouvements des os
crâniens3.

Les nerfs spinaux


La plupart des gens ont entendu parler de dysfonctionnement des nerfs
spinaux. Les patients sont en effet nombreux à souffrir d’une hernie discale
qui presse sur la moelle épinière, ou d’une croissance osseuse (sténose
spinale) qui presse sur le nerf spinal et cause de la douleur, une perte de
sensation ou une perte fonctionnelle (par exemple le contrôle de la vessie).
Le dysfonctionnement d’un nerf spinal peut aussi provoquer une paralysie
locale (l’incapacité à utiliser un muscle squelettique).
Certains font usage de chiropraxie ou de traitements ostéopathiques pour
soulager la compression du nerf spinal. Plus prudents, d’autres traitements
font appel au yoga et aux étirements, au renforcement des muscles du dos
avec la callisthénie, à la musculation, à la kinésithérapie et au massage pour
équilibrer le tonus des muscles du dos. Si ces méthodes échouent à
entretenir la colonne et qu’on est handicapé ou dépendant, on peut être
enclin à choisir un traitement radical comme la chirurgie.
La chirurgie du dos est un business en plein essor. Environ
500 000 Américains subissent une opération chaque année pour des
problèmes de dos. Selon l’US Agency for Health Care Research and
Quality, on a dépensé plus de 30,7 milliards de dollars en 2008 pour des
procédures chirurgicales destinées à traiter les maux de dos4.
Malheureusement, la chirurgie ne garantit pas toujours le soulagement. Et
des études montrent que la plupart des maux de dos disparaissent d’eux-
mêmes avec le temps. L’hôpital de la ville où je vis, au Danemark, a cessé
de prescrire la chirurgie pour ce type de problèmes.
Pendant des décennies, des chirurgiens orthopédiques ont traité les
problèmes de dos en coupant une partie du disque intervertébral, en
éliminant un bec de perroquet ou même en insérant une plaque de métal et
des vis pour immobiliser la vertèbre adjacente. Malgré l’usage répandu de
cette opération, son efficacité n’est pas prouvée scientifiquement. Au
contraire, une somme croissante de travaux montre qu’elle n’est pas
efficace à long terme5,6,7.
En contractant et en détendant divers muscles, les nerfs spinaux
permettent d’utiliser les bras, les jambes et le tronc. Ils innervent aussi
certains viscères. Les signaux qu’ils reçoivent prennent leur origine dans le
cerveau, puis parcourent la moelle épinière, un nerf en forme de tube qui
émerge du crâne à travers une large ouverture appelé le foramen magnum
(le « grand trou » en latin).
Après être sorties du crâne, les paires de nerfs spinaux se détachent de la
moelle épinière, passant dans les espaces intervertébraux pour servir les
muscles, les articulations, les ligaments, les tendons, les organes internes et
la peau. Les êtres humains disposent de trente et une paires de nerfs
spinaux, réparties à droite et à gauche.
Chaque paire de nerfs spinaux correspond à un segment de la colonne
vertébrale, laquelle comprend trente-trois vertèbres : sept au niveau du cou,
douze au niveau du thorax, cinq dans la région lombaire, cinq au niveau du
sacrum et quatre au niveau du coccyx. Les nerfs spinaux, qui comprennent
à la fois des fibres motrices et sensitives, transportent des signaux entre le
cerveau et le reste du corps et vice versa. Les deux exceptions importantes
sont les muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens dans le cou et les
épaules, qui sont innervés par le onzième nerf crânien. Les implications de
cette exception sont discutées plus loin, notamment au chapitre 5.
Il y a toujours plus d’une branche spinale innervant un muscle donné.
Ainsi, quand l’un des nerfs spinaux est abîmé, le muscle peut toujours
fonctionner (bien qu’avec moins d’efficacité) grâce aux signaux des autres
nerfs.
Chaque nerf spinal affecte plusieurs muscles. Ceux-ci font souvent partie
d’une chaîne de mouvement – par exemple, les muscles de l’épaule, du
bras, de l’avant-bras, du poignet et des doigts fonctionnent ensemble pour
contrôler les mouvements du bras ou de la main.
La voie motrice d’un nerf signale à un muscle de se contracter. Les nerfs
spinaux sensitifs collectent différentes informations dans le corps et les
envoient au cerveau : ils transmettent les sensations, les positions des
parties du corps entre elles, les mouvements, la tension des muscles ou des
fascias et le sens du toucher pour tout le corps, en dehors du visage (qui est
innervé par les nerfs crâniens).
Les branches des nerfs crâniens et spinaux sont traditionnellement
réparties en fonctions motrices et sensitives, mais il s’agit d’une
simplification abusive. Si l’on observe de près les « nerfs moteurs » d’un
individu, on s’aperçoit que certaines de leurs fibres sont des fibres
motrices – mais qu’ils comprennent aussi des fibres sensitives qui rendent
compte de la tension musculaire au cerveau. L’on sait aujourd’hui que la
majorité des fibres des nerfs « moteurs » sont en fait sensitives.
Cette combinaison de fibres motrices et sensitives fournit une boucle de
feedback permettant de contracter un muscle et d’envoyer simultanément
l’information concernant les variations de tension au cerveau. Il est ainsi
possible de calibrer la tension du muscle, un mécanisme beaucoup plus
efficace que si le muscle se contractait à fond ou pas du tout.
Dans des conditions normales, les nerfs spinaux favorisent des
mouvements gracieux et bien coordonnés, et les muscles utilisent la
quantité d’énergie minimum pour exécuter le mouvement désiré. Toutefois,
quand le corps est en état de stress et que les muscles sont plus tendus que
nécessaire, cette coordination naturelle se perd et les mouvements
deviennent mal coordonnés, maladroits ou faibles.

CHAÎNE SYMPATHIQUE
Les branches des nerfs spinaux innervent des structures corporelles
spécifiques : la peau (les dermatomes), les muscles (les myotomes), les
organes viscéraux (les viscérotomes), les ligaments, les fascias et le tissu
conjonctif (les fasciatomes).
Certains nerfs spinaux étendent leur territoire d’influence sur les organes
internes. Les nerfs des vertèbres thoraciques T1 et T4 vont par exemple au
cœur, les nerfs des vertèbres T5 et T8 aux poumons, les nerfs de T9 à
l’estomac et de T10 aux reins. D’autres nerfs servent d’autres organes,
notamment la vessie, les organes génitaux et les intestins.
En émergeant de la moelle épinière, certaines fibres nerveuses spinales
thoraciques et lombaires (T1 à L2) s’étendent latéralement sur une courte
distance. Quelques-unes restent dans cette région, tandis que d’autres
rejoignent les fibres des vertèbres au-dessus et au-dessous pour former une
partie de la chaîne sympathique. La chaîne sympathique s’étend le long de
la colonne vertébrale entre T1 et L2. Par ailleurs, la plupart des nerfs
sympathiques projetés vers les viscères et la tête s’accompagnent d’artères.
Quand la survie est menacée, la chaîne sympathique active une réaction
de combat ou de fuite pour mobiliser les ressources du corps. Cette réaction
est immédiate et totale, c’est-à-dire appropriée quand il existe une menace
ou un danger. Les muscles se contractent pour se préparer aux mouvements
nécessaires, un peu comme les haltérophiles avant de soulever des haltères.
Les organes innervés par ces fibres sympathiques accroissent leur niveau
d’activité pour favoriser cette mobilisation. Le cœur bat plus vite pour
fournir plus de sang au système musculaire. La pression sanguine augmente
pour pomper plus de sang dans les muscles tendus. Le foie libère des sucres
dans le sang pour fournir plus d’énergie aux muscles. Les voies aériennes
s’ouvrent au maximum, accroissant la capacité respiratoire et l’absorption
d’oxygène pour favoriser la lutte ou la fuite.
En même temps, d’autres organes (essentiellement ceux de la digestion)
ralentissent ou s’arrêtent. L’appétit cesse, le mouvement des aliments dans
l’intestin stoppe, et on peut avoir la sensation d’avoir des « papillons » dans
l’estomac.
En cas de difficulté ou de menace, l’état de stress créé par la réaction
sympathique affecte tout le corps et peut impliquer simultanément tous les
muscles. L’activation de la chaîne sympathique est l’un des trois états
possibles du système nerveux autonome, que nous évoquerons plus en
détail plus loin.

Le système nerveux entérique


Le système nerveux entérique est un réseau de nerfs qui relient entre eux les
viscères. Nous ne savons presque rien de ces nerfs. Ils sont tellement
emmêlés entre eux, avec les viscères et avec le tissu conjonctif, qu’il a été
impossible jusqu’ici aux anatomistes de tracer leurs voies. Par conséquent,
on ne les trouve pas bien représentés dans les livres d’anatomie.
En outre, on ne sait presque rien de leur fonction. Au mieux, on suppose
qu’ils aident les viscères à communiquer entre eux afin de coordonner le
processus très complexe de la digestion.
On appelle parfois le système nerveux entérique le « deuxième cerveau ».
Il possède une intelligence qui opère au-delà de notre conscience8. On ne
peut ni prendre conscience de ce qui se passe durant la digestion, ni la
réguler volontairement.
CHAPITRE 2
La théorie polyvagale
C’est la théorie qui décide de ce qui peut être observé.
Albert Einstein

Les trois circuits du système nerveux autonome


Par tradition, on reconnaît au système nerveux autonome la régulation des
différentes fonctions viscérales « automatiques », comme la digestion, la
respiration, la libido, la reproduction, etc. Le vieux modèle de stress-ou-
détente est fondé sur la prise en compte de deux circuits seulement : le
sympathique et le parasympathique.
Dans ce modèle, le système nerveux sympathique réagit à la menace et au
danger. Le système nerveux parasympathique, lui, s’exprime dans la
réaction de détente et il est associé au nerf vague. Ce modèle presque
universellement accepté suppose qu’il n’y a qu’un seul nerf vague, sans
prendre en compte le fait qu’il existe en fait deux voies neurales tout à fait
distinctes, que l’on qualifie toutes deux de « vagues ».
La théorie polyvagale commence par établir que le nerf vague possède
deux branches séparées, qui émergent d’endroits différents. On peut mieux
se représenter le fonctionnement du système nerveux autonome si l’on
considère qu’il est formé de trois circuits nerveux : la branche ventrale du
nerf vague (détente et interaction sociale), la chaîne spinale sympathique
(combat ou fuite), et la branche dorsale du nerf vague (ralentissement, repli
et comportement dépressif). Ces trois circuits régulent les fonctions
physiologiques afin de maintenir l’homéostasie.
La théorie polyvagale donne également une dimension supplémentaire au
système nerveux autonome. Il ne régule pas seulement les organes internes ;
ses trois circuits sont aussi liés aux états émotionnels, lesquels motivent les
comportements.
Les masseurs savent d’expérience que certains corps sont trop tendus,
d’autres trop « mous » et d’autres encore juste comme il faut. En général,
les thérapeutes manuels apprennent à soulager les tensions musculaires en
se formant au massage. Mais cette approche ne fonctionne pas avec un
corps qui manque de tonus.

Boucle d’or et les trois états du système nerveux


autonome
Le conte Boucle d’or et les trois ours fournit une bonne métaphore des trois
états du système nerveux autonome.
Boucle d’or se promène seule dans les bois quand elle tombe sur une
cabane. Elle frappe à la porte, mais personne ne répond. Fatiguée et
affamée, elle décide d’entrer et d’attendre le retour de ses occupants.
À l’intérieur, elle avise trois bols de gruau sur la table. En goûtant, elle
découvre que le premier est trop chaud, le deuxième trop froid et que le
dernier est juste comme il faut.
Après avoir mangé le troisième bol de gruau, elle avise trois lits et décide
de faire un somme. Le premier lit est trop dur, le second trop mou, mais le
troisième est juste comme il faut. Elle s’allonge donc sur celui-là et,
satisfaite, s’endort.
La qualité du tonus musculaire dans les trois états autonomes peut être
décrite ainsi : trop dur ou chaud (dans l’état de combat ou fuite de l’activité
sympathique), trop doux ou froid (dans l’état de repli de l’activité vagale
dorsale), et juste comme il faut (dans l’état d’interaction sociale de la
branche ventrale du nerf vague et des autres nerfs crâniens associés).
L’activité favorisée par la chaîne sympathique permet d’affronter la
menace ou de fuir pour l’éviter. Des muscles durs et tendus permettent de
bouger plus vite. Une pression sanguine élevée est également nécessaire
pour introduire du sang dans des muscles durs et tendus.
Le tonus musculaire est moindre lorsque le circuit vagal dorsal est activé,
c’est-à-dire quand il est inutile de crisper les muscles pour combattre ou
fuir, ou, dans les cas d’extrême danger, se couper de l’extérieur. Une tension
basse est suffisante pour faire circuler le sang dans des muscles mous et
souples. Mais quand elle chute brusquement, on perd conscience et on
s’évanouit. Le terme médical pour cela est « syncope ».
Une tension normale est appropriée quand les muscles ne sont ni tendus ni
flasques – des muscles juste comme il faut. Dans les états d’interaction
sociale, il n’y a généralement pas de danger dans l’environnement. Le
système nerveux enregistre simplement cet état de choses ; il suffit de se
détendre et de profiter de la compagnie des autres. Dans la théorie
polyvagale, cet état est qualifié d’immobilisation sans peur – sans colère ou
sans dépression. La tension, la glycémie et la température sont normales.
On est à la fois calme et alerte.
Une poignée de main donne une bonne indication de l’état du système
nerveux autonome. Un corps trop tendu résulte en général d’un état
d’activité chronique de la chaîne sympathique, qui prépare continuellement
le système musculaire à combattre ou fuir. Une personne tendue a donc une
poignée de main excessivement énergique. Le contraire est également vrai
du manque de tonus musculaire, généralement le signe d’une suractivité du
circuit vagal dorsal. Une personne hypotonique a plutôt une poignée de
main molle, humide et parfois froide.
Si la poignée de main est « juste comme il faut », c’est que la branche
ventrale du nerf vague prédomine. Il y a peut-être des tensions dans des
muscles individuels, mais ils se détendent très rapidement, et un masseur
remarque une fermeté « juste comme il faut ».
Le tonus musculaire n’est qu’une des nombreuses façons de surveiller
l’état du système nerveux.

HOMÉOSTASIE ET SYSTÈME NERVEUX AUTONOME


Les circuits neuraux régulant les viscères peuvent se comparer au
thermostat d’une pompe à chaleur. Quand le thermostat enregistre une chute
de température, il allume le chauffage et quand il fait trop chaud, il
déclenche l’air conditionné. De même, les mammifères ont besoin de
maintenir leur température corporelle entre une limite inférieure et
supérieure, et leurs nerfs sensitifs fournissent un feedback sur la
température du corps au « thermostat ».
Ce sont les fonctions physiologiques et les modèles comportementaux qui
aident le corps à réguler sa température. Lorsqu’on a froid, on bouge pour
produire de la chaleur grâce à l’activité des muscles ou on met plus de
vêtements pour s’isoler et réduire la perte de chaleur corporelle. Les
vaisseaux sanguins de la peau se contractent pour conserver la chaleur.
Quand on a très froid, on commence à trembler de manière incontrôlable,
produisant ainsi de la chaleur à partir de l’action des muscles.
Lorsqu’on a chaud, on s’assoit ou on s’allonge pour réduire l’activité
musculaire et par là éviter la surchauffe. Les vaisseaux sanguins se dilatent,
laissant la chaleur atteindre la surface de la peau où elle se dissipe. On
enlève des couches de vêtements et on transpire ; en s’évaporant, la sueur
rafraîchit le corps.
Quand les gens sont en colère, on dit parfois qu’ils « s’échauffent ». On
leur conseille de reprendre leur « sang-froid ». On parle d’un moment de
gêne en disant que cela « a jeté un froid ». Il faut alors penser à quelque
chose pour « briser la glace ». La chaleur et le froid sont ressentis comme
des états émotionnels.
Les trois parties du système nerveux autonome fonctionnent ensemble
pour contrôler l’activité des organes, maintenir l’homéostasie, faire face de
manière adéquate aux situations et équilibrer les conditions au sein du
corps.
On peut aussi appliquer le modèle de la théorie polyvagale à des troubles
physiologiques comme ceux de la digestion ou de la reproduction, que l’on
considérerait autrement comme des problèmes situés au-delà de notre
contrôle.
Il existe un nombre croissant de recherches scientifiques qui prennent en
compte la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) pour mesurer
l’activité vagale ventrale. Il s’agit de quantifier le rythme spontané de
battements cardiaques, que l’on nomme arythmie sinusale respiratoire. Ces
études montrent que les niveaux les plus élevés d’activité vagale dorsale
sont liés à un large éventail de problèmes de santé, comme l’obésité,
l’hypertension, les fluctuations cardiaques, etc.1 On spécule également sur
le fait que la VFC pourrait être une mesure utile pour prédire la survenue
d’un cancer, des métastases cancéreuses ou la mortalité probable des
cancéreux2 (voir le chapitre 4 pour en savoir davantage sur la VFC).

Deux états hybrides


COMPORTEMENT ET PROCESSUS BIOLOGIQUES
Contrairement à l’ancien modèle du système nerveux autonome, qui
s’intéressait exclusivement à la régulation des viscères, le nouveau modèle
comprend trois voies neurales distinctes comme décrites ci-dessus et relie
chacune d’elles à un état émotionnel moteur du comportement. Outre les
trois états précédemment évoqués, il existe aussi deux états hybrides, qui
combinent deux circuits individuels, ce qui fait cinq conditions possibles du
système nerveux autonome.
Un de ces états hybrides favorise l’expérience de l’intimité : le nerf vague
dorsal est activé pour ralentir l’activité physique, en même temps que le
nerf vague ventral autorise un sentiment de sécurité avec l’autre personne.
Nous discuterons de cela plus loin.
Le second état hybride s’exprime dans une compétition amicale. On peut
se battre de toutes ses forces pour gagner un match, mais cela se passe au
sein d’un cadre sécurisant sur lequel les adversaires se sont mis d’accord.
Dans cet état hybride, la réaction de combat ou de fuite de la chaîne
sympathique se combine avec le sentiment de sécurité associé à l’activité de
la branche ventrale du nerf vague.

LES TROIS VOIES NEURALES DU SYSTÈME NERVEUX


AUTONOME
La première des voies neurales du système nerveux autonome est le
système de l’interaction sociale. Elle comprend l’activité de la branche
ventrale du nerf vague (NC X) et de quatre autres nerfs crâniens (NC V,
VII, IX et XI). L’activation de ce circuit a un effet calmant et apaisant, il
promeut le repos et le rétablissement.
La branche ventrale du nerf vague est liée aux émotions positives de la
joie, de la satisfaction et de l’amour. En termes de comportement, elle
s’exprime dans des activités sociales positives avec des amis ou des
proches. L’état d’interaction sociale encourage le soutien et le partage. La
coopération avec autrui améliore en général les chances de survie – on
parle, on chante, on danse, on partage un repas, on coopère pour réaliser un
projet, on enseigne, on élève des enfants, etc.
La seconde voie neurale du système nerveux autonome est la chaîne
spinale sympathique, activée lorsque la survie est menacée. Le corps fait
alors un gros effort pour affronter la menace. Cet état de « mobilisation
avec peur » survient lorsqu’on n’est pas ou l’on ne se sent pas en sécurité.
La chaîne sympathique est liée aux émotions de colère ou de peur, qui
peuvent s’exprimer dans des comportements comme le combat ou la fuite.
La troisième voie neurale est la branche dorsale du nerf vague. Cette voie
est activée lorsqu’une force supérieure est présente ou qu’une destruction
imminente s’annonce. Comme le combat ou la fuite sont devenus inutiles,
on conserve ses ressources restantes en s’immobilisant. L’activation de cette
voie engendre un sentiment d’impuissance, de détresse et d’apathie, qui se
manifeste par le repli ou la sidération. On peut décrire cet état comme une
« immobilisation avec peur ».
Un pic soudain ou extrême de l’activité du nerf vague dorsal peut donner
lieu à un état de choc ou d’effondrement. Parmi d’autres réactions, le
système musculaire perd son tonus et la pression sanguine chute. On
s’évanouit (syncope) ou on entre en état de choc.
La scène suivante provient d’un documentaire sur la faune sauvage des
plaines africaines. Un lion capture un bébé antilope, qu’il saisit entre ses
puissantes mâchoires. Tant qu’il était pourchassé, le bébé antilope était dans
un état d’activité de la chaîne sympathique. À présent que la mort est
imminente, il entre en état de choc : il s’évanouit et son corps devient
flasque.
Les lions ne sont pas des charognards. Si l’animal sent que sa proie n’est
plus en vie, il lâche sa proie et s’en va. Juste au moment où il s’apprêtait à
briser le cou du bébé antilope en le secouant, il ne rencontre pas la
résistance musculaire attendue. La réaction de sidération de l’antilope est
suffisante pour annuler l’instinct meurtrier du lion. Il ouvre les mâchoires et
le bébé antilope tombe à terre.
Quelques secondes après le départ du lion, le bébé antilope se relève,
s’ébroue et retourne auprès de sa mère. Il recommence alors à brouter
paisiblement. Il est prêt à affronter la prochaine épreuve, grâce à
l’évanouissement qui lui a sauvé la vie. Cela illustre la valeur adaptative de
la réaction d’immobilisation dans des situations de danger extrême.
Face à un prédateur, le porc-épic se roule en boule et dresse ses piquants,
c’est un autre exemple de la manière dont la branche dorsale du nerf vague
favorise la défense.

Le nerf vague
Le bien-être physique et le bien-être émotionnel sont intimement liés.
Lorsque l’on a mal à la tête, il est difficile de se sentir joyeux et de
s’intéresser aux autres. D’un autre côté, lorsqu’on a bénéficié d’une bonne
nuit de sommeil, d’un peu d’exercice et d’un bon repas, on se sent bien et
on a naturellement envie de se montrer sociable. Ce lien est bien connu.
Toutefois, peu de gens savent qu’un nerf appelé vague régule la plupart
des fonctions physiologiques nécessaires à la santé et au bien-être
émotionnel. Sans lui, on ne peut pas être en bonne santé, se sentir bien et
interagir positivement avec son entourage.

HISTORIQUE DU NERF VAGUE


L’anatomie du système nerveux décrit l’emplacement des nerfs par rapport
aux muscles, aux os, à la peau et aux organes. La physiologie du système
nerveux décrit la fonction de ces nerfs – la surveillance de ce qui se passe
dans le corps et l’envoi de ces informations par signaux électriques au
cerveau.
Une étude anatomique et physiologique minutieuse du système nerveux
est une entreprise de grande envergure. L’anatomie et la physiologie sont
les deux piliers des études médicales. Au XXe siècle, ces deux disciplines ont
été introduites dans la formation de presque tous les professionnels de santé
du monde occidental.
La première mention du nerf vague date du médecin grec Claude Galien
(129-216). À Pergame, où il soignait des gladiateurs et disséquait des singes
et des cochons pour en apprendre davantage sur le corps humain, il nota que
le sectionnement du nerf vague produisait des dysfonctionnements chez ses
patients.
Les écrits de Galien sur le nerf vague ne constituent qu’une petite partie
de son legs. La moitié des écrits qui nous sont parvenus de la Grèce antique
sont de sa main. Son œuvre était si étendue et respectée qu’elle a servi de
fondement à la médecine occidentale pendant plus de mille cinq cents ans.
Depuis les premières explorations de Galien, le nerf vague est repris dans
tous les manuels de médecine ainsi que dans les articles et les ouvrages de
nombreux psychologues.
En développant les observations de Galien au fil des siècles, les médecins
en sont venus à croire que le système nerveux autonome comportait deux
branches, le système sympathique et le système parasympathique, tous deux
innervant les viscères et contribuant à mobiliser le corps pour le combat ou
la fuite (branche sympathique) ou à favoriser la détente, le repos et le
rétablissement à travers le nerf vague (branche parasympathique).
L’idée universellement acceptée était que le sympathique et le
parasympathique s’équilibraient et s’ajustaient aux va-et-vient de l’individu
entre les états de stress et de détente. On peut rapprocher cette conception
du jeu de la balançoire à bascule : lorsqu’un des enfants monte, le deuxième
descend et vice versa.
Au XXe siècle, on a identifié le stress chronique comme un facteur
important dans les affections cardiaques, l’asthme, le diabète et une légion
d’autres maux. La détente procurée par un nerf vague en bon état était par
conséquent considérée comme essentielle. On pensait en effet que le nerf
vague régulait le fonctionnement des viscères responsables de la circulation
(cœur et rate), de la respiration (bronches et poumons), de la digestion
(estomac, pancréas, foie, vésicule biliaire et intestin grêle), et de
l’élimination (segments ascendant et transverse du gros intestin, reins et
urètre).
Outre le nerf vague, l’état de « détente » implique aussi les voies sacrées
parasympathiques qui suivent le côlon descendant, le rectum, la vessie et les
parties basses de l’urètre. Certaines d’entre elles innervent les organes
génitaux, permettant diverses réactions sexuelles. Les nerfs sacrés, qui
émergent du sacrum, font aussi partie de ces voies parasympathiques.
Ensemble (avec le nerf vague), on les considérait comme le système « repos
et digestion » ou « nourriture et reproduction » du corps.
En 1994, lors d’une conférence à la Society for Psychophysiological
Research dont il était le président, Stephen Porges introduisit sa théorie
polyvagale, centrée autour d’une nouvelle compréhension de la fonction du
nerf vague. Un an plus tard, il publia cette théorie dans le journal
Psychophysiology3, dans un article intitulé « Orienting in a Defensive
World: Mammalian Modifications of our Evolutionary Heritage – A
Polyvagal Theory ».
Il s’agissait d’un modèle radicalement différent du système nerveux
autonome. Bien que sa conception du stress reste similaire à celle de
l’ancien modèle, Porges mettait en avant trois branches du système nerveux
autonome et non plus deux : le système nerveux sympathique, la branche
ventrale du nerf vague et la branche dorsale du nerf vague.

Deux branches du nerf qu’on appelle vague


Les branches ventrale et dorsale du nerf vague (NC X) émergent à
différents endroits du cerveau et du tronc cérébral. Elles ont aussi des voies
et des fonctions indépendantes. De fait, il n’y a pas de lien anatomique ou
fonctionnel entre elles ; ce sont des entités distinctes.
Avant la théorie polyvagale, on ne différenciait pas les deux branches du
nerf vague. La branche ventrale et la branche dorsale étaient regroupées
sous le titre « nerf vague » ou « dixième nerf crânien ». Cela a causé une
confusion durable dans les tentatives pour comprendre la fonction du
système nerveux autonome.
La théorie polyvagale permet d’apprécier les différences entre les deux
branches. Le nom de la branche ventrale vient de ce qu’elle émerge du
noyau ambigu sur la face antérieure du tronc cérébral. Quant à la branche
dorsale, comme mentionné précédemment, elle émerge du fond du
quatrième ventricule du cerveau. Les deux branches suscitent des états
physiologiques très différents, affectent différemment les viscères et
favorisent des réactions émotionnelles et des comportements distincts. La
branche ventrale fonctionne en conjonction avec quatre autres nerfs
crâniens (V, VII, IX et XI) qui émergent aussi du tronc cérébral. Le nerf
vague ventral est « myéliné », c’est-à-dire isolé par une couche de cellules
de Schwann (de tissu conjonctif), ce qui lui permet de transmettre
l’information plus rapidement que des nerfs non myélinés. Le nerf vague
dorsal, le plus vieux des deux, n’est pas myéliné.
Contrairement au système nerveux sympathique, qui mobilise de façon
extrême pour faciliter le combat ou la fuite, les deux branches du nerf vague
favorisent toutes deux l’immobilisation. Toutefois, ce sont des états
d’immobilisation distincts, fondés sur deux types d’activité physiologique.
Les deux branches sont donc associées à deux types de comportement, deux
types de réactions émotionnelles et deux types d’effet sur les viscères.

ACTIVITÉ DU CIRCUIT VAGAL VENTRAL


Quand la branche ventrale du nerf vague et les quatre nerfs crâniens
associés fonctionnent bien, les êtres humains et les autres mammifères
jouissent de l’état désirable d’interaction sociale. Pour interagir
socialement, il faut être en bonne santé physique et se sentir en sécurité.
Une fois engagé dans l’interaction sociale, il est inutile de faire ou de
modifier quoi que ce soit. On se laisse aller à une immobilité sans peur,
détendue. On conserve un tonus dynamique, sans s’effondrer ni s’exciter
outre mesure.
La branche ventrale du nerf vague, de même que les nerfs crâniens
associés, favorise le repos et le rétablissement, en assurant le bon
fonctionnement physiologique nécessaire à la santé physique et
émotionnelle, à l’amitié, à la coopération, au soutien mutuel, au lien parent-
enfant et aux relations affectueuses. Interagir socialement, c’est être créatif,
positif, productif et heureux.
On appelle parfois la branche ventrale « le nouveau nerf vague », parce
qu’elle est plus récente dans l’histoire phylogénétique de notre espèce que
la branche dorsale. On ne la trouve que chez les mammifères, à l’exception
des autres vertébrés, bien qu’il soit possible que les oiseaux aient
l’équivalent d’une voie ventrale vague. Selon Porges, les deux branches du
nerf vague ont émergé à différents stades du développement évolutionnaire
des vertébrés.
Quand les êtres humains (et les autres mammifères) sont en sécurité dans
leur environnement – libres de menaces, de dangers et d’inquiétudes – et
qu’ils sont en bonne santé physique, ils font normalement preuve d’un
comportement sociable.
Mais quand la menace ou le danger se profile, le système nerveux
autonome stoppe l’activité de la branche ventrale du nerf vague et régresse
à un état plus primitif du point de vue évolutif, commandé soit par la chaîne
sympathique (combat/fuite), soit par la branche dorsale (dépression/repli).
Avec un système nerveux en bon état, on accueille naturellement une
nouvelle situation avec ouverture et confiance. On se sent en sécurité et on
essaie d’abord de communiquer, de coopérer et de partager. Même face à la
menace, on se montre d’abord ouvert et amical. Ce comportement positif et
pro-social sécurise l’autre personne et peut être suffisant pour désamorcer
une situation potentiellement menaçante.
Toutefois, si le comportement pro-social n’est pas suffisant pour
neutraliser la menace ou le danger, le mécanisme neural le plus récent – le
circuit de l’interaction sociale – est le premier à être abandonné. On quitte
le domaine de la pensée rationnelle et du choix conscient pour concentrer
son énergie sur des réactions de défense instinctive.
Lorsque la situation n’est pas sûre, le système nerveux autonome passe
d’un phylum à l’autre, de l’interaction sociale des mammifères à la forte
réaction de la chaîne sympathique des reptiles. Il faut combattre pour
vaincre la menace ou fuir pour l’esquiver. Si le danger est extrême, au point
que le combat ou la fuite ne sont pas suffisants, on rétrograde encore et on
se replie ou on s’effondre dans l’état vagal dorsal de dissociation et de
sidération.

ACTIVITÉ DU CIRCUIT VAGAL DORSAL


La branche dorsale est présente chez toutes les classes d’invertébrés et de
vertébrés, depuis les poissons dépourvus d’arêtes jusqu’aux mammifères et
aux êtres humains.
Deux états du système nerveux autonome usent du circuit vagal dorsal.
Lorsqu’il agit de son propre chef, le vague dorsal déclenche un état de
coupure métabolique. Cela permet aux animaux de réduire le niveau
d’activité de leurs fonctions vitales et, par conséquent, de conserver de
l’énergie. On peut qualifier cela d’« immobilisation avec peur » : on a peur
mais on ne fait rien pour affronter le danger ou le fuir – on renonce tout
simplement.
L’autre état qui implique le circuit vague dorsal est « l’immobilisation
sans peur », qui combine l’activité du circuit vagal dorsal et du circuit de
l’interaction sociale. C’est un état approprié lorsqu’on se sent en sécurité et
qu’on choisit une immobilité relative afin de favoriser l’intimité avec une
autre personne.
L’hibernation des mammifères exige un certain degré d’activation de la
branche dorsale, mais il ne s’agit pas d’une coupure métabolique au sens
strict. Quand les ours hibernent en hiver, ils se mettent en état de
ralentissement, non de coupure complète. Comme les autres mammifères,
les ours ont le sang chaud. Ils ont besoin d’un apport minimum d’oxygène
et d’une température corporelle suffisante pour protéger leur cerveau de
l’hypothermie.
Les reptiles, eux, peuvent se couper presque totalement de l’extérieur en
réduisant drastiquement leur rythme cardiaque, leur respiration et leur
digestion. La tortue stoppe son métabolisme et ses processus vitaux
lorsqu’elle dort dans les eaux glaciales d’un lac ou d’un étang. Sa
température corporelle chute alors au niveau de celle de l’eau. La tortue a le
sang froid et ne produit pas d’énergie par elle-même pour se réchauffer.
C’est la chaleur du soleil et de l’air qui la réchauffe quand elle stationne sur
un rocher. L’hibernation de l’ours dans sa grotte implique un moindre degré
d’activité de la branche dorsale, très différent de la coupure presque totale
d’un reptile à sang froid comme la tortue. La température corporelle de
l’ours ne descend que de quelques degrés.
Quand le mammifère ou l’être humain affronte un danger mortel, un pic
soudain de l’activité vagale dorsale peut déboucher sur un état de choc ou
d’immobilisation avec peur. Bien que je qualifie parfois cet état
physiologique de « coupure » chez les mammifères, il est plus exact de le
considérer comme un ralentissement drastique. Cette immobilisation avec
peur peut constituer une stratégie de défense puisqu’elle simule la mort.
Quand il flaire la présence d’un prédateur, le rongeur se fige et ne fait « pas
plus de bruit qu’une souris » pour éviter d’être repéré.
Le faucon, qui bénéficie d’une remarquable acuité visuelle, peut détecter
le plus léger mouvement. Il repère immédiatement le mulot qui tente de
fuir, fond sur lui et l’enlève dans ses griffes acérées. C’est pourquoi le
mulot s’immobilise au lieu de fuir. Il ralentit ses fonctions vitales et retient
son souffle jusqu’à ce que le faucon s’éloigne. Mais si ce ralentissement est
trop soudain ou trop extrême, il peut en mourir. Environ 10 % des mulots
meurent littéralement de peur.
Le pic d’activité de la branche dorsale du nerf vague est donc une
stratégie de défense. Il induit un état de choc physiologique, une
interruption qui permet de faire face à des événements traumatiques, des
dangers extrêmes ou une destruction imminente, réelle ou imaginaire.
Renoncer ou feindre la mort peut sauver la vie : en ne faisant aucun
mouvement, on détourne l’attention de l’ennemi ou du prédateur. Sur le
plan physiologique, l’immobilisation conserve aussi l’énergie.
Mais demeurer trop longtemps dans un état vagal dorsal, alors que le
danger est passé, nuit à la clarté, à la productivité et à la joie de vivre. Les
problèmes causés par le stress sont depuis longtemps un sujet de
préoccupation dans nos sociétés. Mais nous restons malheureusement
inconscients du danger qu’il y a à vivre dans un état d’activation chronique
du circuit vagal dorsal.
Le corrélat émotionnel de cette activation chronique est caractérisé par
des sentiments dépressifs. Il est devenu courant de se déclarer « dépressif »
ou d’affirmer « faire une dépression » sans avoir été diagnostiqué dans ce
sens par un médecin. Pour les besoins de ce livre, je préfère utiliser les
termes « sentiments dépressifs », « comportement dépressif » ou « activité
de la branche dorsale du nerf vague », et éviter le terme « dépression », qui
est un diagnostic médical.
Les personnes dans un état dépressif ou à qui l’on a diagnostiqué une
dépression perdent en général tout intérêt pour leurs activités habituelles.
Elles n’ont plus d’appétit ou, au contraire, mangent trop et ont des
problèmes digestifs. Elles ont peu d’énergie et tendent au désœuvrement, à
la léthargie, à l’introversion, à l’apathie, à l’impuissance et à la
désocialisation. Sur le plan des émotions, elles se sentent tristes, agitées,
irritables, anxieuses, vides, voire coupables, honteuses, inutiles et
désespérées.
Elles ont des problèmes de concentration, de mémorisation et de décision
et souffrent souvent de fibromyalgie. Elles ont des idées de suicide et
parfois passent à l’acte.
Tous ces symptômes relèvent de l’activité de la branche dorsale du nerf
vague.
La littérature médicale abonde sur la physiologie du stress chronique mais
est peu diserte sur celle de la dépression chronique. Pourtant, lorsque je
reçois un patient à qui l’on a diagnostiqué une dépression ou qui affiche un
comportement dépressif, je constate que son problème s’accompagne
généralement d’une activation durable de la branche dorsale du nerf vague.
Un choc ou un traumatisme déclenche un pic soudain de l’état dorsal.
L’effet est celui d’une sidération. Face à un danger extrême et/ou la
possibilité d’une mort imminente, il est naturel de se dissocier de son corps
et de l’environnement. La personne se coupe de l’extérieur ou s’évanouit.
Mais une fois le danger passé, elle doit normalement « reprendre ses
esprits » et revenir à un état d’interaction sociale. Malheureusement, il
arrive souvent qu’elle reste coincée dans un état d’immobilisation avec
peur. Dans ce cas, il est normal de suspecter une activation chronique du
circuit vagal dorsal.
Avant la théorie polyvagale, nous n’avions pas de modèle physiologique
apte à décrire le système nerveux autonome dans les cas de dépression ou
de comportement dépressif. Ces états ne rentraient ni dans la catégorie du
stress ni dans celle de la détente. C’est peut-être la raison pour laquelle il est
si difficile de trouver des traitements efficaces et sans dépendance pour les
affections comme la dépression.
La théorie polyvagale de Stephen Porges s’intéresse à la relation entre le
système nerveux autonome, les émotions et le comportement et suscite un
intérêt croissant chez les psychologues, les psychiatres et les spécialistes du
traumatisme. Ce que le Dr Porges appelle le « frein vagal », est l’activation
du circuit de l’interaction sociale, qui « freine » les autres circuits.
Dans des conditions de survie, la chaîne sympathique ou la branche
dorsale du nerf vague produisent des états de défense active. Mais quand le
circuit de l’interaction sociale intervient, l’éventail des comportements
s’élargit. Et avec les exercices de ce livre, il ne devrait vous falloir qu’une
ou deux minutes pour revenir à un état d’interaction sociale.

SYMPTÔMES DE L’ÉTAT VAGAL DORSAL


Face à l’adversité, on peut éprouver de nombreux symptômes physiques et
émotionnels. L’une de ces réactions est l’état de mobilisation de la chaîne
sympathique, caractérisée par le combat ou la fuite.
L’autre réaction est l’activation du circuit vagal dorsal : les muscles et les
tissus conjonctifs perdent leur tonus normal, se ramollissent et deviennent
flasques, et le corps donne une sensation de lourdeur. Il faut faire des efforts
monumentaux pour effectuer ne serait-ce qu’un petit mouvement.
Dans cet état, ce sont des sentiments d’impuissance, d’apathie et de
désespoir qui dominent. Le cœur ralentit et la tension chute ; le sang quitte
la périphérie du corps et se concentre dans le thorax et l’abdomen pour
maintenir a minima les fonctions viscérales basiques. Privés d’une bonne
partie de l’oxygène et des nutriments qui les alimentaient, les mains et les
pieds deviennent froids et humides.
En outre, des douleurs apparaissent, qui se déplacent dans le corps. Les
patients et les thérapeutes pensent pour la plupart que cela vient de muscles
tendus, mais les massages n’y font rien. Le soulagement de la douleur à un
endroit est suivi de sa réémergence à un autre endroit. On qualifie cet état
apparemment incompréhensible de fibromyalgie. Le meilleur moyen de le
traiter, plutôt que de masser simplement les parties douloureuses, est d’aider
la personne à sortir de l’état vagal dorsal en activant le circuit vagal
ventral – par exemple avec l’exercice de base (voir deuxième partie).
Il existe d’autres signes de l’état de choc ou de sidération : le visage est
dépourvu de couleurs et de vie ; l’expression ne change pas et les muscles
du visage sont affaissés. La voix manque de prosodie : elle est plate et sans
mélodie. Les yeux semblent ternes et sans vie. La tension chute, ce qui
cause vertiges ou évanouissement (syncope vaso-vagale). C’est dû au fait
que la tension n’a pas besoin de monter pour introduire du sang dans des
muscles sous-tendus.
L’état vagal dorsal peut aussi intervenir dans le syndrome de tachycardie
posturale orthostatique (POTS en anglais). Ceux qui souffrent de ce
syndrome s’évanouissent quand ils se lèvent, parce que leur tension chute
brutalement. On relève chez eux de nombreux symptômes de dérégulation
du système nerveux autonome, en particulier en ce qui concerne la
circulation et la pression sanguines. En effet, c’est le système nerveux
autonome qui opère les ajustements nécessaires en termes de tonus
vasculaire, de battements cardiaques et de tension. Dans le POTS, le
système semble déséquilibré et le sang ne se déplace pas au bon endroit4.
Après une frayeur intense et soudaine, l’activation du circuit vagal dorsal
peut donner des sueurs et des nausées ou faire perdre le contrôle de la
vessie et du sphincter anal. La respiration ralentit et le volume d’air absorbé
est moindre. La conscience se tourne vers l’intérieur ou disparaît
complètement, et on est en état de dissociation, de sidération par rapport à
la conscience du corps. Cela peut aller jusqu’à l’impression d’être
« décorporé », de se voir depuis une grande distance.
L’activation vagale dorsale réduit également la circulation du sang dans
les lobes frontaux du cerveau, où résident les fonctions supérieures du
langage et de la volonté. Par « volonté », j’entends le fait de concevoir
l’idée de faire quelque chose et de le mettre en œuvre.
Après un événement traumatisant, beaucoup de gens disent qu’ils ne se
souviennent pas de ce qui s’est passé. Ils ne peuvent pas verbaliser ou
visualiser ce qui est arrivé, parce qu’ils ont réagi avec des parties plus
primitives du cerveau et du système nerveux, différentes des aires de
verbalisation et de visualisation.
La dissociation est un problème assez répandu. On peut la caractériser
comme une activité continue du nerf vague dorsal, qui maintient dans un
état physiologique de peur. On est présent dans un groupe mais on ne
participe pas à la conversation ; on est léthargique et on manque
d’empathie. On parle beaucoup, mais on ne dit rien de significatif. On est
incapable de se fixer des buts ou d’entamer des actions. Cet état dépressif
est entretenu par l’activité chronique de la branche dorsale du nerf vague.
En l’absence de peur, l’activité vagale dorsale a un effet tout à fait
différent. L’immobilisation sans peur, qui combine l’activité vagale dorsale
et celle des nerfs crâniens de l’interaction sociale, fournit une base
physiologique au repos, au rétablissement et à l’intimité.

ACTIVITÉ VAGALE VENTRALE


Au sommet de l’échelle évolutionnaire, au-dessus des reptiles, la classe des
mammifères s’est dotée d’un système nerveux plus sophistiqué, qui
comprend un circuit dorsal et un circuit ventral du nerf vague (notez que les
reptiles modernes ne sont pas les ancêtres évolutionnaires des mammifères ;
ce sont des reptiles primitifs, aujourd’hui éteints qui sont nos précurseurs).
Dans le royaume animal, seuls les mammifères ont un circuit ventral, qui
est la branche ventrale du nerf vague. Pour activer ce circuit, l’individu doit
à la fois être et se sentir en sécurité en termes d’environnement et de
feedback des nerfs proprioceptifs.
L’activité du circuit vagal ventral n’est pas liée à l’immobilité ou au
mouvement. Avec quatre autres nerfs crâniens (NC V, VII, IX et XI), la
branche ventrale du nerf vague génère l’état d’interaction sociale. Cet état
va bien au-delà de la simple notion de « détente » dans l’ancien modèle du
système nerveux autonome. L’état vagal ventral permet de se reposer et de
se restaurer. La peur étant absente, on peut choisir d’être immobile : on
s’assoit en bonne compagnie dans le jardin pour regarder le soleil se
coucher par une chaude soirée d’été, ou bien on écoute de la musique, on
rêvasse et on médite.
C’est impossible en revanche lorsque le système nerveux de l’interaction
sociale est hors-jeu et que le système nerveux sympathique est mobilisé
(combat ou fuite), ou que la branche dorsale du nerf vague immobilise
(comportement dépressif et/ou figé).
Malgré ces fonctions très différentes, il n’est pas surprenant que Galien et
les anatomistes qui l’ont suivi n’aient pas compris que les branches ventrale
et dorsale du nerf vague étaient des entités distinctes. Galien ne disposait
pas du luxe des salles de dissection universitaires pour examiner des
gladiateurs ou des animaux ; il ne pouvait pas refroidir les cadavres, les
conserver dans du formol ou les observer sous le microscope.
Étant donné toutes ces difficultés, il est remarquable qu’il ait pu découvrir
tant de détails sur l’anatomie du nerf vague. Néanmoins, son échec à faire la
distinction entre les deux branches a induit en erreur les étudiants et les
praticiens de l’anatomie, de la physiologie, de la psychologie et de la
médecine pendant presque deux millénaires.

Stress et système nerveux sympathique


Tout comme le terme « dépression » est utilisé aujourd’hui à tort et à
travers, le terme « stress » a été si largement utilisé que son sens est devenu
imprécis. Il est plus exact de décrire le stress comme un état physiologique
provoqué par l’activation du système nerveux sympathique et résultant
d’une réaction de combat ou de fuite.
L’ancien modèle stress/détente considérait le premier comme le contraire
de la seconde. Il n’expliquait pas ce qui arrive aux viscères dans l’état
physiologique de choc ou l’état de dépression corrélé – lesquels expriment
une immobilisation avec peur. Il ne faisait pas non plus la différence entre
les structures physiques du système nerveux responsables des sentiments de
choc et de dépression d’une part et les interactions sociales d’autre part.
Dans le modèle polyvagal, le nerf vague, dont on a longtemps pensé qu’il
était responsable d’un unique état de détente, comprend maintenant deux
voies distinctes, activant deux états distincts de non-stress, aucun d’eux ne
correspondant exactement à la détente de l’ancien modèle.
Pour éviter les confusions autour du mot « stress », je préfère décrire l’état
de combat ou de fuite comme une « mobilisation avec peur » et j’essaie de
m’en tenir au modèle biologique du stress : la réaction du système nerveux
sympathique à un événement externe ou un état interne qui maximise le
potentiel de combat ou de fuite. Les données neurologiques sous-jacentes à
cet état sont l’activation majeure de la chaîne sympathique. En tant que
stratégie de défense, elle produit une puissante réaction musculaire, à même
de fournir un effort extraordinaire pour sauver la vie dans une situation de
danger.
Une fois la menace passée, l’activation de la chaîne sympathique doit se
dissiper. Si le système nerveux est résilient et souple, il revient
naturellement à un état d’interaction sociale. Si ce n’est pas le cas, et que
l’activation de la chaîne sympathique devient chronique, ce n’est bon ni
pour la santé physique et émotionnelle ni pour les relations sociales.
L’activation de la chaîne sympathique ne se limite pas à une stratégie de
défense. Lorsqu’on est en sécurité et que le système nerveux autonome
fonctionne bien, il existe une légère activation du système nerveux
sympathique lors de l’inspiration, qui fait monter la tension et battre le cœur
un peu plus vite. Le pouls paraît un peu plus fort au toucher. Lors de
l’expiration, cette légère activation cesse et le rythme cardiaque ainsi que la
tension décroissent. Les battements du cœur ralentissent pendant
l’expiration, et le pouls paraît plus doux.
Les thérapeutes peuvent s’exercer à repérer ce passage de l’activation de
la chaîne sympathique à l’activation du circuit vagal ventral. S’il n’y a pas
de changement entre l’inspiration et l’expiration, c’est le signe que le
système nerveux autonome ne fonctionne pas bien.

LA RÉACTION DE COMBAT OU DE FUITE


Les poissons osseux sont la première classe de vertébrés dotés d’un système
nerveux sympathique « spinal », qui génère ce que les biologistes appellent
le « stress ». Les amphibiens ont aussi un système nerveux sympathique,
qui les rend capables de fuir rapidement le danger. Les reptiles usent de
même d’un état sympathique pour fournir d’extraordinaires efforts
physiques. Un crocodile en état de stress peut se déplacer à grande vitesse ;
sur une courte distance, il court moitié aussi vite qu’un sprinter olympique.
Ce système nerveux sympathique permet aux êtres humains et aux autres
mammifères d’utiliser l’état de stress comme une stratégie défensive en
luttant contre la menace ou en la fuyant (mobilisation avec peur). Tout
comme ceux des reptiles et des amphibiens, nos états de stress et de
fermeture nous fournissent une grande souplesse de réaction à diverses
situations.
Utilisé comme stratégie de défense, le système nerveux sympathique
décuple la capacité de combat ou de fuite. Dans les échanges sociaux, le
système nerveux sympathique peut aussi être temporairement activé, en
même temps que les circuits d’interaction sociale, afin de faciliter le jeu, la
compétition sportive ou les préliminaires sexuels.
La réaction de combat ne se limite pas au fait de s’engager dans la
violence ; elle comprend tout un éventail d’autres comportements destinés à
changer les choses par la force : agression verbale, agression passive
(opposition par immobilisme), agression aléatoire envers des inconnus ou
destruction gratuite de biens.
De même, la fuite ne consiste pas seulement à courir en sens inverse ; elle
comprend l’évitement volontaire de personnes, de situations ou de lieux,
possiblement motivé par l’anxiété ou la panique. Elle consiste parfois à
s’extraire des interactions sociales en regardant la télévision ou en
s’adonnant à des activités solitaires.
Les jeux vidéo violents, par exemple, peuvent mettre le système nerveux
en état d’excitation et de combat. L’addiction à ces jeux favorise cet état en
permanence. Sachant cela, les parents ont intérêt à réduire le temps que
leurs enfants passent devant l’ordinateur.
Cela signifie aussi que les parents eux-mêmes devraient passer moins de
temps devant l’ordinateur. Plutôt que de laisser les enfants seuls avec la
télévision ou un appareil électronique, ils devraient se rendre disponibles
pour des interactions sociales et des conversations. Ce sont aux parents de
prendre l’initiative des jeux et des autres activités sociales avec les enfants
et d’autres membres de la famille. Avant l’avènement de l’électronique,
c’était ce qu’on faisait naturellement dans les familles.

UNE NOUVELLE COMPRÉHENSION DU STRESS


Même si beaucoup de gens se disent stressés, un grand pourcentage d’entre
eux ne l’est pas en termes d’activité de la chaîne sympathique. Sur le plan
physiologique, ils sont en état d’activité vagale dorsale (repli ou sidération)
et sur le plan émotionnel dans un état dépressif.
Cet état peut être le résultat d’un incident traumatique passé. Même s’ils
ne sont pas physiologiquement en état de stress, ils ont pu recevoir un
diagnostic de stress post-traumatique. Dans la perspective de la théorie
vagale, leur état dépend de l’activation de la branche dorsale du nerf vague,
et ils souffrent de léthargie et d’immobilisation.
Pour les sortir de ces deux états – stress avec combat ou fuite
(mobilisation avec peur) et comportements dépressifs avec repli
(immobilisation avec peur) –, il faut activer la branche ventrale de leur nerf
vague.
Comme nous l’avons vu, les trois circuits du système nerveux autonome
sont hiérarchisés en fonction du développement évolutionnaire des
vertébrés. Au sommet de l’échelle, l’état d’interaction sociale fondé sur le
circuit le plus récent favorise une immobilisation paisible et un sentiment de
bien-être. Au bas de l’échelle, le circuit vagal dorsal, la structure la plus
ancienne, déclenche une réaction défensive d’immobilisation avec peur.
L’activité de la branche ventrale du nerf vague inhibe les deux niveaux
inférieurs. En favorisant des activités productives en termes de survie
personnelle et de relations sociales, elle neutralise l’activation chronique du
système sympathique et dégage des états de repli dorsaux.
Il est inutile de grimper l’échelle barreau après barreau et de passer du
repli au stress, puis du stress à l’interaction sociale. L’activité du circuit
ventral fait directement passer du repli et de la dépression à l’interaction
sociale.
Sur cette échelle, l’activité de la chaîne sympathique suit et inhibe le
circuit vagal dorsal. La course, la natation et tous les exercices qui stimulent
la réaction de combat ou de fuite contribuent par exemple à sortir les
patients de la dépression5.
De nombreux antidépresseurs fonctionnent de la même manière. En
stressant chimiquement le corps, ils activent temporairement la chaîne
sympathique. Mais ils ne hissent pas la personne jusqu’au niveau de
l’interaction sociale et peuvent avoir des effets indésirables. Lorsqu’ils ont
le choix, je suis persuadé que la plupart des gens préfèrent s’en remettre à
des exercices simples, tels que ceux que je propose en deuxième partie.
Lorsque je les traite, mon objectif est d’extraire mes patients de leur état
de stress ou de dépression et de les ramener au niveau de l’interaction
sociale. Et j’espère que les exercices et les traitements décrits dans ce livre
en aideront beaucoup à regagner un état de bien-être et d’interaction
sociale.
On ne pourra jamais assez souligner l’importance du bon fonctionnement
de la branche ventrale du nerf vague pour la santé physique et
psychologique. L’état du système nerveux autonome donne une indication
de l’état de santé général et du bien-être émotionnel. Quand il est en état de
stress ou de repli, les problèmes médicaux, relationnels et émotionnels se
multiplient. Si les tests montrent que la branche ventrale du nerf vague ne
fonctionne pas bien (voir chapitre 4), mon premier objectif est donc de
restaurer son bon fonctionnement.
Au fil des ans, j’ai usé de différentes techniques. Mais j’ai découvert ces
dernières années que l’exercice de base suffit à mes patients pour s’aider
eux-mêmes.
Avec certains patients – les bébés, les petits enfants, les individus relevant
du spectre autistique –, il est difficile, voire impossible de communiquer
assez bien pour leur faire faire cet exercice. J’use alors de techniques
manuelles issues de la thérapie crânio-sacrée biomécanique. On en trouve
une description dans la « technique de relâchement neurofascial » (en
deuxième partie).
Une fois l’exercice de base effectué ou la technique manuelle appliquée,
je teste à nouveau la fonction vagale pour m’assurer que le changement
voulu s’est produit. Si la branche ventrale du nerf vague est revenue à un
fonctionnement adéquat, j’applique des techniques supplémentaires de
thérapie crânio-sacrée biomécanique. Dans de nombreux cas, lorsque le
vague ventral est restauré, les problèmes de santé diminuent ou
disparaissent6.
« Mais vous n’êtes pas médecin ! », me diront certains. Non, je ne suis pas
médecin. Je n’émets pas de diagnostic et je ne traite pas de maladie. Je me
contente de m’occuper du fonctionnement/dysfonctionnement de la branche
ventrale du nerf vague et des autres nerfs crâniens nécessaires à
l’interaction sociale.
Durant l’entretien initial, je prends note des éventuels problèmes de santé
de mon patient. Est-il possible de les mettre en relation avec un
dysfonctionnement de l’un des cinq nerfs crâniens impliqués dans
l’interaction sociale ? Je teste le fonctionnement d’une des branches du nerf
vague. Dans certains cas, je teste aussi les autres nerfs crâniens.
Je lui demande ensuite d’effectuer l’exercice de base ou je lui administre
une des techniques manuelles décrites en deuxième partie, ou d’autres
techniques issues de la thérapie crânio-sacrée biomécanique. Puis je teste à
nouveau la branche ventrale du nerf vague. Si un changement positif s’est
produit, il y a de bonnes chances pour que le corps du patient s’autorégule
et que ses problèmes de santé s’atténuent ou disparaissent.
Cette approche s’est montrée très efficace pour un grand éventail de
problèmes, parmi lesquels le stress, la dépression psychologique, les
migraines, la fibromyalgie, les difficultés de concentration ou de
mémorisation, les troubles du sommeil, les problèmes digestifs, les raideurs
de cou, les problèmes d’épaule et les maux de dos.
Nous vivons dans un monde où tout change constamment, à l’extérieur
comme à l’intérieur. Notre survie, notre bien-être et notre bonheur
dépendent d’un système nerveux autonome souple, capable de réagir de
manière appropriée aux changements de l’environnement et de notre propre
organisme.
CHAPITRE 3
Neuroception et neuroception défaillante
Le terme « neuroception » a été forgé par Stephen Porges pour décrire la
manière dont les circuits neuraux décident si une situation est sûre,
menaçante ou dangereuse. C’est un processus continu, dans lequel le
système nerveux autonome évalue les informations fournies par les sens sur
l’environnement et l’état du corps.
La neuroception prend place dans des parties primitives du cerveau, au-
delà de la conscience. On peut l’imaginer comme un bon chien de garde
qui, toujours en alerte, permet à son maître de penser à autre chose qu’à sa
survie et de dormir tranquillement. À partir des signaux de la neuroception,
des circuits neuraux bien définis s’activent pour favoriser des interactions
sociales et une communication amicale quand la situation est sûre, des
stratégies de combat ou de fuite quand une menace est présente et un état de
repli ou de sidération face à un danger de mort imminente1.
La plupart des gens éprouvent cette neuroception quand ils sont avertis du
danger par un « sixième sens ». Dans l’un de mes cours, une jeune femme a
un jour déclaré : « Même le dos tourné, je sais quand un inconnu me
regarde. Je sens ses yeux sur moi avant qu’il ne s’approche. » Bien que
nous n’ayons pas d’explication logique à cela et que nous ne connaissions
pas ses voies neurales, la neuroception est loin d’être rare.

Neuroception défaillante et survie


La neuroception donne accès à des informations impossibles à relever avec
la part consciente de l’esprit. Quand elle fonctionne, c’est une véritable
chance, car elle opère plus vite que les perceptions conscientes.
« J’ai compris que quelque chose n’allait pas avant même d’entrer dans la
pièce » – comment sentons-nous ce genre d’informations ? Parfois, il y a
conflit entre la neuroception et d’autres pensées : « Je savais que quelque
chose n’allait pas, mais je me suis quand même laissé convaincre. »
A contrario, quand la neuroception est défaillante, on peut se retrouver
dans de gros ennuis. Au lieu de percevoir clairement ce qui se passe, on
déforme les choses. Les circuits neuraux de la perception ne fonctionnent
pas bien. On réagit à une situation sûre comme si elle était menaçante et à
une situation dangereuse comme si elle était sûre.
Il existe d’innombrables raisons qui expliquent les défaillances de la
neuroception. On peut être aveuglé par la colère, la peur ou la jalousie,
coincé dans un souvenir traumatique ou figé dans un état de choc. On peut
avoir faim, être en hypoglycémie, être fatigué, avoir mal ou souffrir d’une
maladie.
On se sent tout à fait bien et, tout à coup, on est assailli par un souvenir
traumatique. On y réagit comme s’il se produisait au présent. Ou bien on est
sous l’empire d’un système nerveux figé dans le passé, prêt à combattre ou
fuir au moindre signe. Le sketch d’Abbott et Costello « Slowly I Turned » –
dans lequel un homme raconte comment il s’est vengé de son ennemi et
s’absorbe tellement dans son récit qu’il en vient à agresser son innocent
auditeur – est un merveilleux exemple de ce type de comportement.
La défaillance neuroceptive peut même être provoquée par des
expériences positives comme tomber amoureux ou se rapprocher d’un
partenaire. C’est bien connu, certaines personnes sont « aveuglées par
l’amour » au point d’échouer à prendre conscience de ce qui menace.
Le système nerveux doit être souple pour permettre à l’organisme de
s’adapter en toutes circonstances. Lorsqu’une substance chimique interfère
(alcool, drogue, médicaments), les sens continuent d’extraire l’information
de l’environnement, mais les circuits neuraux ne traitent plus cette
information convenablement et la physiologie ne réagit plus comme il faut.
L’alcool, notamment, altère les perceptions et donc le comportement.
Nombre de médicaments et de drogues ont aussi des effets physiologiques
anormaux. L’histoire suivante illustre une défaillance neuroceptive due à
une interférence biochimique.
Trois jeunes hommes d’une vingtaine d’années partent pour une
randonnée au mont Saint Helens, un strato-volcan situé dans l’État de
Washington. Bien qu’exigeante, cette escalade est tout à fait réalisable
lorsqu’on est en bonne forme physique – la plupart des grimpeurs
l’exécutent en sept à douze heures.
Les trois amis se préparent bien. Ils emportent une carte, une boussole, un
kit de premiers secours et un couteau suisse. Ils sont bien chaussés, portent
un casque pour se protéger des chutes de pierres et emportent également un
pull léger, de l’écran solaire et des masques à poussière dans l’éventualité
d’une éruption de cendres. Ils se munissent aussi de lunettes de soleil avec
des coques de protection pour se protéger de la réverbération du soleil sur la
neige. Ils prennent de la nourriture et deux litres d’eau chacun.
Ils partent le matin de bonne heure. La météo prévoit une journée tiède et
ensoleillée, et ils se vêtent en conséquence. Ils ont très vite chaud, alors
qu’ils ne portent que des T-shirts. Ils s’aspergent d’eau et enlèvent leurs T-
shirts trempés.
La température du corps est régulée par un mécanisme de feedback neural
qui opère principalement à travers l’hypothalamus. Quand le corps
commence à surchauffer, plusieurs changements physiologiques
interviennent. Si la température monte au-dessus de 37°, les vaisseaux
sanguins situés sous la surface de la peau se dilatent, augmentant l’afflux de
sang. C’est ce qu’on appelle la vasodilatation. Environ un tiers du volume
global de sang peut circuler sous la peau pour être rafraîchi par l’air
environnant. La transpiration contribue aussi à rafraîchir le corps par
évaporation de l’humidité.
Quelques heures après le début de la randonnée, le temps change
soudainement. Des nuages se forment, l’air refroidit et il commence à
neiger. Les trois randonneurs ont froid et ils mettent leurs pulls (ils ne
remettent pas leurs T-shirts trempés). Malheureusement, cette couche de
vêtement ne suffit pas à leur procurer une chaleur suffisante, et ils n’ont pas
d’équipement contre la pluie. En quelques minutes, leurs pulls sont trempés
par les flocons de neige.
L’hypothalamus travaille à maintenir la température corporelle quand
celle-ci chute – des réactions autonomes de conservation de la chaleur sont
enclenchées en même temps que des mécanismes de production de chaleur
supplémentaire. La réaction normale au froid est la sécrétion d’hormones de
stress, adrénaline, noradrénaline et thyroxine. Les muscles se contractent et
frissonnent, ce qui produit de la chaleur corporelle.
Durant une réaction de stress, les nerfs contractent aussi la paroi des
vaisseaux sanguins. C’est la vasoconstriction. Cela réduit la perte de
chaleur en diminuant le volume du sang circulant depuis le centre du corps
vers la peau, en particulier des mains et des pieds.
L’un des jeunes randonneurs, qui souffre de stress chronique, a pris son
traitement habituel plus tôt dans la matinée. L’un des effets de ce
médicament est de réduire le taux d’hormones de stress dans le sang. Il en
résulte que son corps ne peut pas produire une réaction normale de stress au
froid. Il ne frissonne pas, ses vaisseaux sanguins ne se contractent pas, ses
artères et ses capillaires restent dilatés, et la circulation du sang sous sa
peau n’est pas réduite pour empêcher une perte de chaleur supplémentaire.
À cause de ce médicament, il ne peut pas s’adapter au changement de
température et il a de plus en plus froid. Dans les cas d’hypothermie
extrême, un arrêt cardiaque peut se produire. C’est ce qui lui arrive : son
cœur finit par lâcher. Ce jeune randonneur meurt parce que son corps ne
pouvait pas s’adapter de manière normale au changement de temps.
Cette histoire est une mise en garde : certaines substances chimiques
peuvent interférer avec les réactions de l’organisme, l’empêchant de se
protéger face à une situation dangereuse.

Autres causes de neuroception défaillante


Un peu plus haut, j’évoquais la valeur de survie de la sidération. Quand un
lion plante ses crocs dans la gorge d’une antilope, le système nerveux
autonome de celle-ci, incapable de combattre ou de fuir, se met en état de
sidération. Et, parfois, cela lui sauve la vie, parce que le prédateur se
désintéresse d’elle.
Par contraste, les problèmes de la vie moderne ne semblent pas si
dramatiques mais sont plus durables. On n’est pas menacé physiquement
mais on affronte des difficultés émotionnelles ou mentales. Il faut finir un
projet à temps, traiter un difficile problème relationnel, résoudre un souci
financier ou s’occuper d’un membre de la famille. Il faut agir – dire ou faire
quelque chose – pour redonner un équilibre temporaire au monde. On ne
peut pas toujours s’asseoir sur la plage pour profiter de la vie.
Contrairement aux animaux sauvages, les êtres humains ne se
débarrassent pas de leur traumatisme dès le danger passé. Dans l’idéal, ils
devraient être capables de remettre leur système nerveux « à zéro » et de
repartir du bon pied. Mais les effets d’un événement traumatique perdurent
longtemps après le choc initial. Son souvenir conscient et inconscient reste
imprimé dans le système nerveux pendant des mois, des années, voire le
restant de la vie. Si l’on ne s’en débarrasse pas, on peut souffrir de
comportements répétitifs inappropriés et de symptômes continus de stress et
de repli.
Il suffit parfois que l’expérience traumatisante comprenne certains stimuli
pour qu’on réagisse anormalement à eux dans toutes les situations. Le
déclencheur psychologique à l’origine du stress ou du repli peut être très
spécifique. Le souvenir traumatique est une espèce de mine antipersonnel,
qui peut être déclenchée à tout moment par un acteur innocent.

Hercule et Antée
La lutte d’Hercule et d’Antée a inspiré de nombreuses sculptures de
l’Antiquité à la Renaissance.
Fils de Poséidon, dieu de la Mer, et de Déméter, déesse de la Terre, Antée
vivait à l’orée du désert de Lybie et défiait les passants de se battre avec lui.
Avec les crânes de ses adversaires, il bâtissait un temple à la gloire de son
père. Il n’avait jamais été vaincu quand Hercule se présenta devant lui. Ce
dernier comprit vite pourquoi : chaque fois qu’il l’envoyait au tapis, Antée
se relevait et reprenait la lutte avec plus de vigueur. Son secret était simple :
chaque fois qu’il entrait en contact avec la Terre, sa mère, il en était fortifié.
Hercule souleva donc Antée dans les airs en le saisissant par la taille et
l’écrasa contre lui grâce à sa force colossale.
L’histoire d’Antée symbolise le danger de ne pas être enraciné. Hercule,
quant à lui, incarne la force psychologique et spirituelle qui s’accroît quand,
après avoir été « ébranlé », on se ré-enracine.

SENTIR SON PROPRE CORPS


En 1957, j’ai appris à jouer au golf. Pour m’améliorer, j’ai acheté le livre de
Ben Hogan, l’un des plus grands joueurs de golf professionnels américains.
Cet ouvrage s’intitulait : Ben Hogan’s Five Lessons: The Modern
Fundamentals of Golf2. Hogan y écrivait : « Si vous voulez jouer un bon
drive et que vous êtes droitier, pensez au petit doigt de votre main gauche
en balançant le club. »
Avant de lire cela, je m’efforçais de frapper la balle aussi fort et aussi vite
que possible. Je n’ai pas compris de quoi parlait Ben Hogan, mais j’ai suivi
son conseil. En pensant à mon petit doigt, j’avais plus d’élan pour frapper la
balle et, presque chaque fois, elle filait tout droit vers le green. Pour la
première fois, j’ai compris l’importance de sentir son corps.
Aujourd’hui, le Pilates, le yoga, les arts martiaux et la pleine conscience
aident les gens à sentir leur corps. Quand mes patients y sont accoutumés, je
leur demande d’y faire appel, sinon je leur enseigne une approche pour y
arriver.
La peau et les muscles du visage sont respectivement innervés par le
NC V et le NC VII. De légères caresses sur le visage suffisent souvent à
calmer le stress. Beaucoup de gens le font inconsciemment.
Lors d’un massage, je demande à mon patient de fixer son attention à
l’endroit où mes mains touchent son corps. C’est très important quand il est
dans un état de repli ou de dissociation – le ramener à son corps est ma
priorité. Dans ce cas, je n’essaie pas de réparer quelque chose ou de
modifier la structure musculo-squelettique. Je laisse simplement mes mains
au même endroit et je demande à mon patient d’y poser son attention. Cela
peut prendre un peu de temps avant que ses idées s’éclaircissent et qu’il
sente simplement où est son corps et ce qui s’y passe. Je répète donc le
processus plusieurs fois. C’est une manière simple de l’aider à se
rebrancher sur son corps.
J’en profite pour sentir aussi le mien : j’aime m’enraciner en moi et ouvrir
ma conscience à la sensation de mes pieds et de mes mains.
La conscience du corps aide à demeurer dans un état vagal ventral et évite
de se laisser emporter par des émotions qui peuvent déboucher sur une
neuroception défaillante.
CHAPITRE 4
Tester la branche ventrale du nerf vague
Observation faciale
Selon Stephen Porges, l’interaction sociale requiert la double capacité de
regarder et d’écouter. Lorsqu’on parle à quelqu’un, on sent s’il est présent à
la qualité de son regard, de son écoute, de sa compréhension. Les muscles
de son visage donnent des indices. Regarde-t-il le visage de son
interlocuteur ? Croise-t-il son regard de temps à autre ? Ses yeux sont-ils
ouverts ? Son expression indique-t-elle qu’il écoute et comprend ?
Les muscles du visage sont organisés autour des ouvertures (voir
« Muscles du visage » dans l’appendice). En se contractant, ces muscles
plats et ronds tirent la peau autour des yeux, de la bouche et des narines.
D’autres muscles, plats, rectangulaires et attachés aux muscles ronds, les
ouvrent, permettant à la lumière de pénétrer dans les yeux, aux odeurs de
s’introduire dans le nez, et à l’air d’entrer dans la bouche. Les réactions
émotionnelles déclenchent l’ouverture et la fermeture et le changement
subséquent des expressions faciales.
Votre interlocuteur a-t-il les sourcils légèrement haussés ? Ses yeux sont-
ils détendus et ouverts ? Le muscle plat et circulaire entourant l’œil est
appelé orbicularis oculi en latin (orbicularis désigne un muscle autour
d’une ouverture et oculi fait référence aux yeux). En le contractant, on
referme l’ouverture et on réduit la quantité de lumière qui pénètre dans
l’œil, de la même façon que l’obturateur d’un appareil photo réduit le
volume de lumière pénétrant dans l’objectif.
L’orbicularis oculi se contracte quand on est exposé à une lumière vive,
quand on veut limiter l’impression visuelle, ne pas « voir » quelque chose
sur le plan émotionnel ou s’abstraire de stimuli sensoriels externes pour se
rappeler les événements passés, visualiser des possibilités futures ou entrer
en état de méditation.
En se contractant, les muscles situés au-dessus et au-dessous de
l’orbicularis oculi ouvrent celui-ci et permettent à plus de lumière de
pénétrer dans l’œil. Ils entrent en action quand on est face à quelque chose
qui « ouvre les yeux ». Cette tension fait partie de l’expression émotionnelle
de la surprise. Elle favorise la perception sensorielle et accroît la présence à
ce qui se passe.
Assez curieusement, on entend mieux quand les yeux sont plus ouverts –
il existe une connexion neurologique entre les nerfs impliqués dans la vue
et l’ouïe. Lors d’une conférence, par exemple, les spectateurs ouvrent les
yeux un peu plus grand pour mieux entendre ce qui se dit.
Lorsque vous croisez le regard d’une autre personne, observez
l’expression du tiers moyen de son visage (entre la limite inférieure des
yeux et le sommet de la bouche). Les petits mouvements spontanés qui s’y
produisent sont le signe de son interaction (ou son absence) et de la
souplesse de ses réactions émotionnelles.
Il existe deux catégories d’expressions faciales : celles qu’on adopte pour
montrer ce que l’on ressent et celles qui se forment sans qu’on en ait
conscience. On peut catégoriser ces dernières en trois types, selon leur
durée.
Le premier type d’expression faciale est une tension chronique
inconsciente, gravée en rides profondes et indicatives d’un état émotionnel
caractéristique.
Le second modèle de tension est moins permanent et exprime l’humeur en
cours. Il perdure cependant assez longtemps pour que l’entourage puisse
relever l’émotion correspondante.
Dans le troisième type d’expression, la tension des muscles situés entre
les yeux et la bouche change rapidement, jusqu’à plusieurs fois par seconde.
On voit habituellement ces micro-expressions spontanées chez un bébé ou
un enfant, mais il est plus rare de les remarquer chez les adultes, qui sont
plus « enfermés » dans leur humeur ou leur identité. Elles sont de toute
façon trop rapides pour qu’on puisse les déchiffrer avec précision, mais leur
présence indique l’ouverture et l’absence de peur.
Chez deux personnes qui se sentent en sécurité l’une avec l’autre et
laissent s’exprimer leurs sentiments, on peut constater ces rapides
changements d’expression. Ils sont le reflet d’un état d’ouverture variant au
même rythme que les pensées. C’est très différent d’un sourire pour une
photo, par exemple, tellement plaqué qu’on en grimace.
Y a-t-il un flux d’émotions sur le visage de votre interlocuteur – de légers
mouvements rapides qui montrent qu’il/elle est heureux·se, satisfait·e, en
colère, irrité·e, effrayé·e, anxieux·se, triste ou déprimé·e – ou son visage
est-il impassible, figé dans une expression unique ? Sa voix a-t-elle des
intonations mélodiques quand il/elle parle ? Ou est-elle plate et monotone ?
On s’imagine que les gens qu’on connaît ont des personnalités
immuables. Mais leurs échanges avec autrui sont affectés par leur humeur,
laquelle est elle-même affectée par l’état de leur système nerveux
autonome.
En état de stress, ils peuvent paraître menaçants ou même agressifs. Ils
n’écoutent pas forcément ce qu’on leur dit. Ils réagissent au quart de tour,
s’emportent et coupent la parole. Il faut les corriger : « Mais ce n’est pas ce
que j’ai dit ! »
Sous l’emprise de la peur, ils évitent le regard et détournent les yeux. Leur
respiration est rapide et superficielle, et ils retiennent leur souffle après
l’inspiration.
Enfin, dans une phase dépressive, ils baissent la tête ou la laissent pendre.
Leur visage est inexpressif et ils se déplacent lentement. Ils n’ont ni énergie
ni enthousiasme et n’ont pas envie d’engager la conversation. Avant de
parler ou d’agir, ils soupirent comme s’ils étaient à court de souffle.

AUTRES TESTS DE LA FONCTION VAGALE


Dans ma pratique clinique, outre l’observation d’aspects comme ceux-ci,
j’entame mes traitements en testant la fonction de la branche vagale
ventrale. Si le patient souffre de certains des symptômes décrits dans les
« têtes de l’Hydre » et si les tests indiquent un dysfonctionnement du nerf
vague ventral, il est possible d’améliorer son état en usant des exercices et
des techniques décrits dans la deuxième partie.
Après qu’il a effectué l’exercice de base ou que je l’ai traité
manuellement, je teste à nouveau la fonction vagale ventrale pour m’assurer
des résultats obtenus. La procédure décrite plus loin dans ce chapitre, qui
permet d’évaluer la fonction vagale ventrale, est également utile pour
l’autodiagnostic et l’auto-traitement.
Outre cette procédure, j’utilise un test différent pour les jeunes enfants et
les personnes autistes. Il arrive que tous les enfants se mettent à rire, dans
une classe de CE1, quand ils me voient examiner la gorge d’un de leurs
camarades avec une petite lampe et m’entendent lui demander de faire « ah-
ah-ah ».
Ce test alternatif est basé sur une étude de Mayer, Traube et Hering qui, à
la fin du XIXe siècle, ont montré que le pouls est plus rapide et la tension
plus élevée durant l’inspiration que durant l’expiration (à supposer que la
fonction du nerf vague ventral soit bonne). Il y a une plus grande différence
chez certains individus que chez d’autres dans la mesure de ces constantes.
Et l’expérience me permet d’affirmer d’une part que cette différence
s’accroît quand la personne a effectué d’abord l’exercice de base et d’autre
part que les personnes dont le pouls montre une nette différence entre
l’inspiration et l’expiration sont généralement plus robustes sur les plans
physique et psychologique.
Toutefois, les tests que j’utilise dans ma pratique ont leurs limites sur le
plan scientifique. Ils sont fondés sur des observations personnelles, qui
m’indiquent si la branche ventrale du nerf vague est fonctionnelle ou non.
Ils ne peuvent pas quantifier le niveau de la fonction vagale, qui peut être
plus élevé chez une personne. Je suggère ci-dessous d’autres options pour
tester la fonction vagale.

Variabilité de la fréquence cardiaque


Dans les recherches sur le système nerveux autonome, on prend de plus en
plus en compte la variabilité de la fréquence cardiaque, qui permet de
jauger la fonction du nerf vague.
Quand le système nerveux fonctionne au mieux, la durée entre deux
battements cardiaques consécutifs varie en fonction des fluctuations de la
respiration, de la tension, des hormones et des émotions. La variabilité de la
fréquence cardiaque (VFC) est la mesure de ces différences. Une variation
plus importante des intervalles temporels est désignée par une VFC élevée.
La VFC peut s’utiliser comme un indicateur de santé générale1. Elle
représente l’un des outils d’évaluation les plus prometteurs pour mesurer
l’activité du système nerveux autonome2. Quand la branche ventrale du nerf
vague fonctionne bien, la variabilité de la fréquence cardiaque est élevée.
Un nombre croissant de recherches établissent une corrélation entre
une VFC élevée et la santé et la longévité3.
De l’autre côté, quand la fonction du nerf vague est réduite, le système
nerveux autonome retourne soit à un état de stress, soit à un état d’activité
vagale dorsale, comme nous l’avons vu au chapitre précédent. Dans ce cas,
les différences d’intervalle temporel entre les battements cardiaques sont
moindres ou inexistantes, et on parle d’une VFC faible.
Une série d’études scientifiques montrent une corrélation entre une VFC
faible et divers problèmes psychologiques/psychiatriques.
La VFC est notamment liée aux états émotionnels, et on a découvert
qu’elle baisse dans des conditions de pression psychologique aiguë, de
stress post-traumatique, de tension émotionnelle ou d’anxiété élevée4. Les
sujets dont les inquiétudes sont très fréquentes et très durables ont un VFC
plus faible5,6.
Une VFC faible est apparemment liée à une faible capacité de
concentration et un manque d’inhibition motrice, des symptômes courants
chez les enfants souffrant de TDAH7. Il existe aussi un lien entre le
syndrome de stress post-traumatique et une variabilité de la fréquence
cardiaque faible8.
En termes de santé physique, on fait l’hypothèse qu’une VFC faible est un
indicateur de moins bonne santé9. Une série d’affections peuvent être
associées à une VFC faible : l’obésité, la neuropathie diabétique, l’activité
de la branche dorsale du nerf vague, le syndrome de mort subite du
nourrisson (MSN), et de piètres taux de survie chez les bébés prématurés.
Les personnes souffrant d’obésité ont en général une VFC plus faible10.
Bien qu’on suppose généralement que les gens trop gros mangent trop, font
peu d’exercice et manquent de motivation pour changer de comportement,
certaines personnes en surpoids s’affament presque sans parvenir à maigrir.
D’autres travaillent avec un psychologue ou un hypnothérapeute pour
modifier leur image d’eux-mêmes. Je ne peux pas m’empêcher de spéculer :
et si les programmes pour perdre du poids comprenaient une évaluation de
la VFC et l’amélioration du système nerveux de l’interaction sociale grâce à
l’exercice de base ?
Une récente étude a jeté quelque lumière sur la dysfonction sexuelle des
femmes, en indiquant qu’elle est étroitement liée à leur variabilité de
fréquence cardiaque11. Il existe par ailleurs des études qui tirent les mêmes
conclusions concernant les dysfonctionnements érectiles chez les hommes,
et notent que « le déséquilibre général du système nerveux autonome est
l’une des causes des troubles érectiles12 ».
D’autres études ont montré que les personnes souffrant de maladies
cardiaques ont une VFC faible13, et que celle-ci est associée à un risque
accru d’insuffisance coronarienne14. Une VFC réduite semble être
prédictive de la mortalité après un infarctus du myocarde15.
En dehors des problèmes cardiaques, une VFC faible est également
corrélée aux décès prématurés dus à la bronchopneumopathie chronique
obstructive et à d’autres causes. En 2014, la BPCO était la troisième cause
de mortalité après les maladies cardiaques et le cancer aux États-Unis16. Les
schémas de respiration autres que la respiration diaphragmatique indiquent
des degrés inférieurs de santé physique et psychologique, et il existe une
relation entre la respiration diaphragmatique et une variabilité élevée de la
fréquence cardiaque17. J’ai pu constater dans ma pratique clinique que les
patients à qui on avait diagnostiqué une BPCO avaient très peu de
mouvement dans le diaphragme respiratoire et que les tests ne montraient
pas d’activité vagale ventrale.
L’évaluation de la VFC, semble-t-il, peut déboucher sur des informations
diagnostiques précieuses et servir d’outil de dépistage d’une activité altérée
du système nerveux autonome.
Si les recherches scientifiques confirment que l’état du système nerveux
autonome est un facteur de problèmes psychologiques, il serait intéressant
d’explorer la possibilité d’améliorer la variabilité de la fréquence cardiaque
et la fonction de la branche ventrale du nerf vague avant de faire appel aux
ordonnances et aux thérapies traditionnelles (voir le chapitre 6 pour en
savoir davantage à ce sujet).

Premières expériences
Laissez-moi souligner l’importance du dépistage en rappelant ma pratique
des premiers jours. Quand j’ai entamé ma formation en thérapie crânio-
sacrée, notre professeur nous a dit que si nous utilisions la séquence de
techniques qu’il nous avait apprise, nous pourrions soulager les gens de leur
stress. Mais il ne nous a pas appris à tester les états physiologiques, si bien
que je me demandais comment il savait que ces techniques fonctionnaient.
Peut-être l’avait-il tout simplement entendu de la bouche de son
professeur et le croyait-il.
C’était il y a presque trente ans, avant que j’étudie avec Alain Gehin, et
longtemps avant que j’entende parler de la théorie polyvagale. Le seul
modèle que nous avions à l’époque était la binarité du système nerveux
autonome avec ses états de stress et de détente.
Tout le monde savait que le stress était mauvais pour la santé, et il existait
tout un tas de livres et de cours promettant monts et merveilles. Mais aucun
d’eux n’expliquait le moyen de tester le stress sur le plan physiologique.
Aujourd’hui, je teste les patients avant et après les séances ; je ne place pas
une foi aveugle dans ce que quelqu’un, un jour, m’a dit d’attendre en termes
de résultats.
Lors de mes premières séances, j’ai appliqué mes cours et supposé que
j’avais fait mon travail. Les patients ne pouvaient plus être stressés, ils
étaient détendus et prêts à rentrer chez eux. Mais ils avaient souvent du mal
à se reprendre après le traitement et me demandaient s’ils pouvaient rester
allongés quelques minutes de plus. Au bout de dix ou quinze minutes, ils
n’avaient toujours pas envie de se lever, et je devais leur expliquer que
j’avais besoin de la table de massage pour mon patient suivant. Prenant mes
besoins en considération, ils se levaient à contrecœur. Certains me
demandaient s’ils pouvaient conduire ; je leur assurais que cela ne posait
pas de problème.
Au rendez-vous suivant, ils me disaient qu’ils étaient tellement détendus
après la séance qu’ils avaient dû s’arrêter au bord de la route pour faire un
petit somme. Parfois, ils s’arrêtaient même deux ou trois fois de suite. Ils
me disaient avec enthousiasme que c’était génial d’être aussi détendu. Le
jour suivant, ils n’avaient pas eu envie de se lever et d’aller au travail.
Rétrospectivement, je comprends que mes séances les mettaient dans un
état vagal dorsal. Ils n’étaient pas détendus, mais dissociés et dépressifs.
Aujourd’hui, je prends soin de traiter la fonction vagale ventrale pendant la
séance et de la tester à nouveau à la fin pour m’assurer que mes patients
peuvent avoir des échanges sociaux avant leur départ. Je fais en sorte qu’ils
quittent mon cabinet calmes, mais alertes et capables de fonctionner, c’est-
à-dire sans stress et sans activité vagale dorsale. Tester l’état du système
nerveux autonome avant et après la séance donne une formidable
perspective quand vous êtes ostéopathe, psychologue ou autre professionnel
du soin.

Découverte de la théorie polyvagale


Au début des années 1980, j’ai commencé à remarquer que beaucoup de
mes patients asthmatiques avaient aussi des troubles vagaux. Quand je les
aidais à améliorer leur fonction vagale, leurs symptômes d’asthme
s’atténuaient ou disparaissaient.
J’ai trouvé cela intéressant – peut-être les asthmatiques pouvaient-ils être
aidés par un traitement manuel destiné à améliorer leur fonction vagale
ventrale au lieu de s’en remettre uniquement à des médicaments lourds en
effets secondaires. J’espère avoir l’occasion d’effectuer un jour une étude
scientifique sur cette question.
À l’époque, j’usais d’une méthode d’évaluation fondée sur les premiers
concepts de la variabilité de la fréquence cardiaque ; je mesurais le pouls et
la tension de mes patients et je les mettais en corrélation avec leur
respiration. J’avais appris cette méthode de mes professeurs de Rolfing®,
Michael Salveson et Gael Ohlgren, en 1982-1983. Eux-mêmes l’avaient
apprise de Peter Levine18, professeur et auteur de pointe dans le domaine de
la thérapie du traumatisme. Peter s’était inspiré de Stephen Porges, car ils
étaient amis depuis des décennies. Michael et Peter faisaient aussi partie
d’un petit groupe de rolfers et d’autres thérapeutes manuels, qui, à
Berkeley, en Californie, étudiaient la fonction du système nerveux
autonome au début des années 1980.
J’observais donc le pouls et la respiration. Quand le pouls est plus rapide
durant l’inspiration et plus lent durant l’expiration, cela indique une bonne
fonction vagale ventrale. Plus la différence est importance, plus la fonction
vagale ventrale est bonne. Je le mesurais en posant un doigt sur une artère
du poignet, tout en observant en même temps la respiration du patient. À
l’origine de cette méthode, il y a la découverte, faite autour des
années 1860, de la variabilité de la tension sanguine, que l’on appelle
oscillation de Traube-Hering-Mayer.
Bien que cette méthode m’ait été utile dans ma pratique, elle laissait
beaucoup à désirer en termes scientifiques. Je n’avais aucune mesure
objective de la fonction vagale – seulement une impression subjective
fondée sur ce que je sentais sous mes doigts et voyais de mes propres yeux.
À des fins scientifiques, bien sûr, il est préférable d’avoir des mesures plus
précises. Aujourd’hui, il existe de nombreux instruments pour mesurer la
fonction vagale19.
En 2002, je voulais demander à Stephen Porges (que je n’avais pas encore
rencontré) de m’aider à développer un projet de recherche autour de mon
traitement de l’asthme.
J’ai demandé à Jim Oschman20, un chercheur de mes amis, s’il le
connaissait et pouvait me présenter à lui. Par bonheur, lorsque je me suis
rendu aux États-Unis pour aller voir ma famille à Philadelphie, Stephen
Porges donnait une conférence à Baltimore, pour l’American Association of
Body Psychotherapists. Jim était à Washington, et nous avons pu tous trois
nous rencontrer à la conférence de Baltimore et dîner ensemble.
J’ai parlé à Stephen de mon projet, et je lui ai demandé s’il pouvait
m’aider à mesurer la fonction du système nerveux autonome avant et après
mes traitements. Plutôt que de me renseigner sur les ordinateurs et les
logiciels dont j’aurais besoin, comme je l’avais espéré, il a changé de sujet
et nous a parlé de sa théorie polyvagale. Pour moi, c’était nouveau mais
intéressant. Le lendemain matin, Jim et moi avons pris le petit déjeuner
avec Stephen, et il nous en a dit davantage sur sa théorie.
Plus tard, il a prononcé le discours inaugural de la conférence. Son thème
était à nouveau la théorie polyvagale, cette fois illustrée de diapositives.
Après avoir entendu Stephen expliquer cette théorie trois fois en moins de
vingt-quatre heures, je commençais à bien la saisir.
Il a présenté des documents montrant des améliorations de la
communication et du comportement chez des enfants autistes qui avaient
pris part à son projet de recherche, intitulé « The Listening Project
Protocol »21 (décrit plus en détail au chapitre 7). Les enfants avaient reçu
cinq traitements de quarante-cinq minutes sur cinq jours, consistant à
écouter une musique modifiée par ordinateur à l’aide de casques spéciaux.
Le résultat était que plus de la moitié des sujets ne souffraient plus
d’hyperacousie auditive, et que beaucoup s’étaient engagés spontanément
dans une communication verbale à double sens et étaient devenus plus
sociables.
La vidéo montrait les interactions des enfants avec un adulte qui les
encourageait à pratiquer une activité correspondant à leur groupe d’âge –
faire des bulles de savon. Avant les séances d’écoute, l’un des enfants
montrait un comportement hyperactif et courait en tous sens, sans
témoigner aucun intérêt à l’adulte ou aux bulles. Une autre enfant était
assise passivement, le menton collé sur la poitrine. Par contraste, elle
semblait effondrée, seule dans son monde, et ne paraissait pas remarquer
l’adulte ou les bulles.
Après cinq séances d’écoute, les deux enfants avaient l’air plus animés et
se comportaient avec plus de naturel. L’enfant précédemment hyperactif se
tenait devant l’adulte, croisait son regard et jouait avec les bulles de savon.
La petite fille paraissait être sortie de sa stupeur, réagissait à l’adulte et
commençait à jouer elle aussi avec les bulles de savon. Les enfants
souriaient, riaient, avaient de la lumière dans les yeux et étaient dans un état
détendu, ouvert et joueur.
C’est un résultat incroyable, étant donné que jusque-là, personne n’avait
développé de procédure scientifiquement validée pour aider les autistes à
améliorer leurs compétences de communication. Le Listening Projet
Protocol possède un potentiel énorme pour traiter efficacement ces
symptômes de l’autisme.
Je n’étais pas le seul à être stupéfait. Cent cinquante thérapeutes étaient
présents dans la salle. Après avoir été témoin de l’impact de cette
intervention sur les deux enfants, plus d’un avait les larmes aux yeux.
À l’époque, je n’avais aucune expérience du traitement des enfants
autistes. J’ai pensé aux patients que j’avais traités au fil des ans. Beaucoup
étaient venus me voir dans un état de stress ou de repli vagal dorsal et
étaient repartis en souriant, avec des yeux brillants, apparemment en paix
avec eux-mêmes. Cela me disait que nos séances avaient été efficaces.
Je pensais avoir les moyens d’apporter un changement similaire chez des
sujets autistes avec un protocole de techniques tirées de la thérapie crânio-
sacrée biomécanique. Mais avant d’entendre la conférence de Stephen
Porges, je n’avais aucun modèle psycho-physiologique pour expliquer ces
changements. J’ai compris aussi que mon modèle du système nerveux
autonome était limité aux états de stress et de détente. Il ne comprenait pas
l’idée de repli ou d’état caractérisé par l’activité de la branche vagale
dorsale ; il ne faisait même pas la distinction entre les branches ventrale et
dorsale du nerf vague.
Je suis ressorti de la conférence de Stephen inspiré. Mettant en suspens
mon intérêt pour le traitement de l’asthme avec la thérapie crânio-sacrée,
j’ai songé à la possibilité de traiter des enfants autistes.
Je disposais désormais d’une nouvelle compréhension du fonctionnement
du système nerveux autonome. Il ne s’agissait plus seulement d’améliorer la
fonction vagale, mais d’améliorer également celle des quatre autres nerfs
crâniens essentiels à l’interaction sociale. Depuis, j’ai passé de nombreuses
années à étudier et à appliquer la théorie polyvagale dans ma pratique
clinique et mon enseignement.
Quand je suis rentré au Danemark, je n’étais pas en mesure de monter un
labo pour effectuer le même genre d’évaluation que Porges, et je n’avais pas
accès à son processus d’évaluation et de stimulation acoustique. Mais j’ai
décidé de travailler avec certains patients sur le spectre autistique en
combinant cette nouvelle théorie et mes compétences tirées de la thérapie
crânio-sacrée biomécanique.
Mon espoir était qu’en restaurant la fonction de ces cinq nerfs crâniens, je
pourrais aider certaines personnes à améliorer leurs capacités de
communication et leur faciliter des échanges sociaux plus complets.
Mes traitements ont produit des résultats chez la plupart des mes patients
autistes. Ils sont effectivement devenus plus communicatifs et sont passés
de l’isolement à des comportements plus sociables. Mon approche
thérapeutique était différente de celle de Stephen Porges, mais sur le plan
théorique je me fondais sur ses résultats.
Cependant, même après cette prise de conscience, il m’a fallu plusieurs
années pour comprendre l’importance de tester tout le monde. Au début, je
ne mesurais la fonction vagale que lorsque j’avais un patient difficile et que
j’étais frustré par le manque de résultats ; je l’ai incorporée lentement pour
mes autres patients.
Quand j’effectuais un traitement de relâchement myofascial et que je
n’obtenais pas le résultat voulu, j’étais face à un mur. Ces techniques
marchaient d’habitude, alors pourquoi pas cette fois ? Je travaillais plus dur
et je répétais encore et encore la même technique, gardant mes patients plus
longtemps sur la table de massage. Même ainsi, mes efforts ne donnaient
pas les résultats attendus, et j’étais de plus en plus insatisfait à la fin de la
séance.
Le test de la fonction vagale m’a permis de comprendre que mes échecs
n’étaient pas dus à un manque de discernement dans le choix de la
technique ou à un manque de compétence dans l’exécution, mais d’un
manque de réceptivité du système nerveux du patient. C’était parce que son
système nerveux autonome n’était pas en bon état que je n’obtenais pas les
mêmes résultats qu’avec un autre patient.
À partir de là, j’ai cessé de questionner mes capacités de thérapeute.
Grâce à un surcroît d’information sur le système nerveux autonome de mon
patient, je pouvais m’en occuper efficacement.
En me fondant sur mes succès cliniques ultérieurs, je crois qu’on ne peut
pas surestimer l’importance d’évaluer la fonction de la branche ventrale du
nerf vague. Que mon patient vienne pour une séance de Rolfing®, pour
soulager ses maux de dos ou tout autre problème de santé relevant des
« têtes de l’Hydre », la première chose que je fais est d’effectuer le test
fonctionnel décrit ci-dessous. Mon premier objectif est d’améliorer sa
fonction vagale.
Quand je constate un trouble vagal ventral, indiquant un état de stress ou
de repli, je fais faire à mon patient l’exercice de base (voir deuxième
partie). Puis je le teste à nouveau. En général, le nerf vague réagit comme il
faut après une exécution ou deux de cet exercice. Par la suite, je complète le
traitement avec des techniques spécifiques.
L’expérience m’a appris que s’il n’y a pas de fonction vagale ventrale
appropriée, les interventions thérapeutiques ne tiennent pas. En revanche,
quand leur fonction vagale est restaurée, mes patients éprouvent souvent
une amélioration dans d’autres domaines de leur vie – non seulement en ce
qui concerne le problème de santé pour lequel ils sont venus, mais aussi au
travail, en famille et dans les relations sociales.
La possibilité d’évaluer les interactions sociales d’une personne est
précieuse lorsqu’on est professeur, thérapeute corporel, psychologue,
psychiatre ou coach. Et si l’un de vos enfants s’apprête à entrer à
l’université, cela peut être une bonne idée de vous assurer que son système
nerveux autonome fonctionne bien – et dans le cas contraire de le faire
traiter afin de lui assurer les meilleures chances. S’il est dans un état de
stress ou de repli, vous pouvez vous en occuper avec les exercices et les
traitements de ce livre.

Cottingham, Porges et Lyon


Si vous êtes thérapeute manuel ou autre professionnel de santé, vous
découvrirez que l’état du système nerveux autonome des gens que vous
traitez prédit souvent la réussite de vos efforts.
Stephen Porges, John Cottingham et Todd Lyon ont publié en 1988 les
résultats d’un projet de recherche dans le journal Physical Therapy22. Ils y
démontrent que l’évaluation du système nerveux autonome prédit avec
précision le succès d’une séance de thérapie manuelle. Au fil des ans, j’ai
trouvé pour ma part que les implications de cette étude vont bien au-delà de
la thérapie manuelle et s’appliquent à toutes les interactions.
Tous trois ont rassemblé un groupe d’hommes pour évaluer l’état de leur
système nerveux autonome en lien avec l’application d’une technique de
relâchement myofascial utilisée dans le Rolfing®.
John Cottingham a administré cette technique, appelée le « soulèvement
pelvien », à chacun des participants à l’étude. Il s’agit d’équilibrer le
sacrum, afin d’incorporer les changements intervenus dans le tissu
conjonctif à la suite des divers relâchements obtenus durant la séance.
Pour la technique du soulèvement pelvien, le patient est allongé sur la
table. Le rolfer glisse une main sous son sacrum et entre en contact avec
l’os. Le poids du patient reposant sur la paume de sa main, le rolfer
imprime une légère traction continue en direction de ses pieds. Quand le
soulèvement pelvien fonctionne comme prévu, les muscles du dos se
relâchent, la colonne s’allonge et se réaligne. Le soulèvement pelvien doit
laisser le patient avec une meilleure posture, une plus grande souplesse de
la colonne lombaire et une sensation accrue de bien-être.
Pour les besoins de l’étude et afin de maintenir autant que possible
l’uniformité du traitement pour tous les sujets, John Cottingham a été le
seul thérapeute à intervenir.
Il a mesuré les effets de sa technique en testant la souplesse de la colonne
avant et après le soulèvement pelvien. Les sujets se plaçaient dans une
posture debout détendue, puis se penchaient en avant. John mesurait
jusqu’où ils parvenaient à approcher le bout des doigts du sol, avant et
après, pour déterminer s’ils étaient plus souples, moins souples ou d’une
souplesse égale après le soulèvement pelvien. Il leur demandait ensuite
comment ils se sentaient et ce qu’ils éprouvaient à la suite de cette
technique. Alors même que la technique et le thérapeute étaient les mêmes,
les réponses différaient grandement.
À première vue, l’étude montrait que les hommes jeunes avaient eu un
gain plus positif que les hommes plus âgés, car leur mouvement était plus
ample quand ils se pliaient en deux pour la seconde fois. Ils rapportaient
que le soulèvement pelvien avait été une expérience agréable, et ils étaient
de meilleure humeur après l’intervention.
Le groupe plus âgé avait des résultats très différents. Malgré la formation,
les compétences et les bonnes intentions de John, ses efforts avec une
grande partie des hommes plus âgés n’avaient pas été spécialement
couronnés de succès. Nombreux étaient ceux qui se sentaient plus raides et
avaient perdu en amplitude de mouvement ; quand ils essayaient de toucher
leurs orteils, leurs doigts restaient plus loin du sol qu’avant le traitement.
Beaucoup rapportaient qu’ils ne se sentaient pas aussi bien après, et leur
humeur avait empiré. Quelques-uns étaient même visiblement grincheux.
Il serait aisé d’en conclure que le Rolfing® fonctionne mieux pour les
hommes jeunes que pour les hommes âgés. Mais les chercheurs voulaient
corréler les résultats de la technique à d’autres facteurs que l’âge. Ils ont
découvert que l’état du système nerveux autonome était un indicateur
pertinent quant au succès de l’expérience.
Avant de les traiter, John avait mesuré la variabilité de leur fréquence
cardiaque (VFC). Il avait fixé des capteurs sur leur peau et les avait
branchés à un moniteur du tonus vagal situé dans une autre pièce. Avec
cette installation, il avait pu enregistrer précisément la modification des
battements cardiaques et les corréler aux respirations individuelles.
John ne pouvait pas voir les mesures de la VFC en effectuant la technique.
Il ignorait si les sujets avaient une VFC élevée ou faible, et cela ne pouvait
donc influer sur la manière dont il exécutait le traitement. La plupart des
sujets jeunes, ainsi que quelques sujets plus âgés, avaient une VFC
raisonnablement élevée. Par contraste, un grand pourcentage des hommes
plus âgés et quelques-uns des plus jeunes avaient une VFC plus faible.
Quand Cottingham, Porges et Lyon ont examiné les données, ils ont
constaté un lien plus étroit entre la variabilité de la fréquence cardiaque et le
résultat qu’entre l’âge et le résultat. En d’autres termes, le succès du
traitement semblait davantage lié à l’état du système nerveux autonome
qu’à l’âge. C’est un point crucial, dont je reparle plus loin.
Mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque avec un moniteur du
tonus vagal est utile pour une recherche scientifique. Mais il existe d’autres
moyens d’évaluer la fonction vagale dans un cadre clinique, qui ne
requièrent pas autant de temps ou d’équipements. Pendant de nombreuses
années, j’ai utilisé quelques-unes de ces méthodes et je les ai trouvées
suffisantes pour mes objectifs.

La branche pharyngienne
Le nerf vague ventral possède plusieurs branches. L’une d’elles, que l’on
appelle la branche pharyngienne, innerve la partie de la gorge
immédiatement derrière la cavité nasale, au-dessus de l’œsophage et du
larynx. Les fibres nerveuses de la branche pharyngienne du nerf vague
rejoignent le palais mou et le pharynx. Ce nerf est impliqué dans la
déglutition et la production de sons vocaux.
Claude Galien a été le premier à décrire extensivement la branche
pharyngienne du nerf vague, en notant qu’elle fournissait une force
nerveuse motrice aux muscles du larynx, pour produire la voix. Il avait
appris cela en examinant un gladiateur blessé à la gorge, qui avait perdu la
voix. Galien a découvert que la branche pharyngienne du nerf vague avait
été sectionnée au niveau du cou. Pour tester la validité de ses observations,
il a effectué une expérience sur des cochons, dont l’anatomie est très
similaire à celle des êtres humains. Il a constaté qu’en coupant le nerf
pharyngien des cochons, il supprimait leurs couinements.
Après avoir essayé plusieurs méthodes pour évaluer la branche ventrale
du nerf vague, j’ai fini par choisir celle qui s’intéresse à la branche
pharyngienne. Elle est décrite dans de vieux manuels d’anatomie et de
physiologie et elle est toujours enseignée dans les écoles de médecine du
Danemark. Alain Gehin enseignait aussi cette méthode et cela a été un
grand atout dans ma pratique de la thérapie crânio-sacrée.
Ce test évalue le mouvement de l’un des muscles innervés par la branche
pharyngienne, à savoir le muscle élévateur du voile du palais (levator veli
palatini). L’expérience m’a appris que l’état de cette branche est un bon
indicateur de la fonction des autres branches du nerf vague.
L’amélioration de la fonction de la branche pharyngienne se répercute sur
la fonction du diaphragme respiratoire. Quand le test montre un
dysfonctionnement du muscle élévateur du voile du palais, j’observe aussi
que la respiration du patient est irrégulière, un peu trop rapide et
superficielle. Une fois la branche redevenue fonctionnelle après l’exercice
de base, je constate que la respiration s’est améliorée, devenant plus
profonde et plus lente.
J’explique à mes patients l’importance du bon fonctionnement de la
branche ventrale du nerf vague. Je leur montre des schémas et je leur
précise ce que je recherche en termes de mouvements du palais mou. La
plupart d’entre eux apprécient que je teste leur fonction vagale avant et
après la séance. Ils aiment le fait qu’on puisse évaluer leur système nerveux
autonome et que si la branche ventrale dysfonctionne, on puisse la faire
revenir à un fonctionnement adéquat.

Test de la branche pharyngienne


Demandez à la personne de s’asseoir confortablement. Placez-vous devant
elle et demandez-lui d’ouvrir la bouche afin de voir le fond de sa gorge.
Vous devez apercevoir la luette (la petite excroissance qui pend au fond de
la gorge) et les tissus mous de chaque côté, appelés arcs palatoglosses. On
peut parfois les voir avec une lumière normale ; si ce n’est pas le cas,
utilisez une petite torche (celle d’un smartphone est parfaite).
Si la langue bloque la vue de la luette et des arcs palatoglosses, demandez
à la personne de poser un doigt à l’arrière de sa langue et de la presser vers
le bas. Il vous sera alors possible de voir plus facilement le palais mou (les
médecins utilisent un abaisseur de langue, mais cela donne des haut-le-cœur
à certaines personnes. Aucun de mes patients n’a jamais eu de haut-le-cœur
avec son propre doigt).
Reportez-vous à l’appendice pour examiner les schémas de la luette. Dans
« Luette 2 », les arcs palatoglosses se soulèvent de chaque côté grâce aux
muscles élévateurs du voile du palais. Dans « Luette 3 », un des côtés se
soulève, tandis que l’autre non. Cela indique un dysfonctionnement de la
branche ventrale du nerf vague de ce côté, car les muscles élévateurs du
palais sont innervés par les fibres motrices de la branche pharyngienne. Ils
sont aussi rattachés au conduit auditif (trompe d’Eustache) entre les oreilles
et la gorge et tirent dessus quand on déglutit. C’est pour cette raison que les
oreilles « craquent » parfois quand on avale ; l’air se déplace dans la cavité
de l’oreille moyenne et la pression est égalisée.
Les muscles élévateurs du palais se contractent pour permettre à la
nourriture de descendre dans l’œsophage et l’empêcher d’entrer dans le
larynx et les poumons. Ils se contractent aussi quand on fait le son « ah ».
Un chanteur bien formé utilise ces muscles pour soulever le fond de sa
gorge avant de chanter la première note d’un air.
Pour tester la fonction vagale, je demande à la personne de dire « ah-ah-
ah-ah-ah » et j’observe les arcs de chaque côté de la luette. Ces sons doivent
être percussifs et staccato – brefs, distincts et en rapide succession, au lieu
d’un long « aaaaaahhhhh » traînant qui ne produit pas l’effet désiré. Si la
fonction de la branche pharyngienne est bonne, ces muscles se contractent
symétriquement avec une impulsion visible des deux côtés.
Ce test a des implications importantes. Nous avons vu que l’état de peur
révèle une activité de l’un des deux autres circuits du système nerveux
autonome. À long terme, il peut s’accompagner des affections que j’appelle
les « têtes de l’Hydre ».
Et si l’on parvenait à redonner un sentiment de sécurité grâce au « frein
vagal » de Stephen Porges ? Si l’on restaurait l’activité du circuit vagal
ventral au lieu de l’activité de la chaîne sympathique et de la branche vagale
dorsale ?
Les exercices et les traitements que je propose font passer d’un état de
stress ou de repli à un état vagal ventral. Après les avoir effectués, vous
devriez observer une amélioration du test – le palais mou et la luette se
soulèvent symétriquement.
Le « test du pincement du trapèze » est une autre méthode que j’utilise
pour évaluer la branche ventrale du nerf vague. Ce test et ses implications
sont décrits au chapitre 5. Il est parfait pour les enfants et les personnes
souffrant de troubles du spectre autistique, qui peuvent avoir du mal à
suivre des instructions.

Tester sans toucher


En janvier 2008, j’ai dirigé un séminaire avec Stephen Porges, à Santa Fé,
pour un grand groupe de psychologues et de thérapeutes manuels. C’est
Stephen qui a entamé le séminaire, et tout le monde a été impressionné par
sa présentation de la théorie polyvagale comme modèle de compréhension
des comportements normaux et anormaux.
Aux États-Unis, les psychologues comme les psychiatres ont l’interdiction
formelle de toucher leurs patients : cela les exposerait à perdre leur droit
d’exercer. Mon travail, en revanche, consiste principalement à poser mes
mains sur mes patients et à enseigner ces traitements manuels.
La veille de mon intervention, je me suis demandé ce que je pouvais
apporter à des psychologues qui ne pouvaient toucher leurs patients. Au
matin, j’avais la réponse : ils pouvaient diagnostiquer l’état de leur système
nerveux autonome en regardant au fond de leur gorge.
J’ai fourni à tous les participants une petite lampe pour leur permettre de
s’examiner mutuellement. Le but était bien sûr de déterminer si leurs
patients étaient en état d’interaction sociale avant et après la séance. Ils ont
paru intéressés par cette possibilité.
J’ai ensuite expliqué que leurs patients pouvaient s’administrer eux-
mêmes une technique simple pour passer d’un état chronique sympathique
ou dorsal vagal à un état d’interaction sociale. Si le frein vagal de Stephen
Porges pouvait être mis en œuvre à l’invitation du psychologue, quels effets
cela aurait-il sur le comportement, les émotions et les pensées du patient, et
notamment sur ses états anxieux et dépressifs ? Une telle approche
donnerait aux patients la possibilité de réguler eux-mêmes leur système
nerveux autonome à l’avenir.
C’était la première fois que j’enseignais l’exercice de base à un groupe et
j’étais naturellement curieux de savoir s’il marcherait ou non. Il y avait
environ soixante psychologues dans le groupe, dont la moitié avait montré
un dysfonctionnement vagal lors du test préalable (leurs partenaires ne les
avaient pas touchés). Après s’être traités, ils ont tous montré une fonction
vagale restaurée. Modifier leur système nerveux autonome ne leur avait pris
que quelques minutes.
Après le séminaire, j’ai reçu un email de l’une des psychologues, me
disant qu’elle testait désormais chacun de ses patients au début d’une
séance. S’il ou elle avait un dysfonctionnement vagal, elle lui demandait de
faire l’exercice. Le test ultérieur montrait une fonction vagale restaurée.
Elle procédait alors à ses interventions verbales habituelles. Elle m’écrivait
qu’elle était ravie des améliorations qu’elle obtenait ainsi.
En revenant à ma propre clinique, j’ai commencé à prendre en compte
non seulement les problèmes physiques de mes patients, mais aussi leurs
problèmes psychologiques. J’ai commencé à leur enseigner l’exercice de
base après avoir vérifié leur fonction vagale ventrale.
J’aurais été heureux d’avoir aidé 50 % d’entre eux, mais j’ai constaté, à
l’aide du deuxième test, que c’était le cas pour 100 % d’entre eux. C’était
un résultat suffisant pour que je commence à prescrire systématiquement cet
exercice. Mes patients me faisaient un retour positif non seulement en fin de
séance, mais aussi lors du rendez-vous suivant, plusieurs semaines après.
CHAPITRE 5
Un nouveau paradigme de soin ?
Dans nos sociétés occidentales, l’approche des soins est généralement
biochimique ou chirurgicale. Le médecin écoute la description des maux,
examine et/ou fait faire des analyses, émet un diagnostic, rédige une
ordonnance et parfois suggère une procédure chirurgicale.
On a ainsi un remède pour l’asthme, un remède pour la migraine, un
remède pour l’appareil digestif. Il existe des médicaments pour toutes les
maladies imaginables ; une pharmacie bien approvisionnée offre des
milliers de produits.
Mais le médecin néglige quelque chose dans cette approche
conventionnelle. Les troubles du système nerveux autonome peuvent être
un facteur déclencheur de l’autisme, des migraines, de la BPCO et d’autres
affections.
Certains praticiens, au lieu de se focaliser sur un diagnostic unique,
prennent en compte la comorbidité, c’est-à-dire la présence d’un ou
plusieurs troubles associés à une maladie primaire, d’ordre psychologique
ou comportemental. Mais la plupart des médecins ne testent pas la fonction
du système nerveux autonome, qui régule pourtant le bon fonctionnement
des viscères et influe énormément sur l’état émotionnel. Ils ne considèrent
pas le système nerveux autonome comme un facteur possible et ne sont de
toute façon pas formés à modifier son état sans médicament.
A contrario, je constate régulièrement dans ma pratique que permettre à la
branche ventrale du nerf vague de bien fonctionner élimine ou réduit la
gravité de nombreux problèmes de santé et par conséquent la nécessité
d’une prise de médicaments.
Je suis convaincu que le dysfonctionnement du système nerveux
autonome est la cause sous-jacente de nombreux états physiologiques et
comportementaux qui nuisent à la qualité de vie. Je vous invite à explorer
cette approche en profondeur après avoir lu ce livre. Que vous soyez
profane ou thérapeute, je suis persuadé que vous trouverez ces concepts et
ces techniques aussi efficaces que moi.

Approche des affections physiques et psychologiques


Nombreux sont ceux qui se focalisent sur les conséquences négatives du
stress sans prêter attention aux problèmes résultant de l’activation
chronique de la branche dorsale du nerf vague. L’activité du vague dorsal
est caractérisée par un manque d’énergie physique, une hypotension, des
évanouissements, des difficultés respiratoires et des douleurs articulaires et
musculaires chroniques souvent diagnostiquées comme une fibromyalgie1,2.
Comme expliqué au chapitre 2, l’activité vagale dorsale chronique est
aussi un facteur de comportement dépressif, d’isolement social, de
sentiments de désespoir et d’impuissance, de manque d’empathie, de
tristesse et de chagrin, de même que d’anxiété et dans certains cas de stress
post-traumatique.
Avant la théorie polyvagale, nous n’avions pas de modèle physiologique
adéquat pour bien comprendre la nature de ces problèmes. Elle en fournit
aujourd’hui un pour appréhender les facteurs neurologiques sous-jacents à
ces troubles. L’amélioration de la fonction de la branche ventrale du nerf
vague permet de traiter une myriade de problèmes de santé issus de
l’activation du système sympathique ou des troubles vagaux dorsaux.
En élucidant les effets mentaux, physiques et émotionnels du système
nerveux autonome, Stephen Porges a fait le postulat que les facteurs
physiologiques comme le système nerveux autonome et les taux
d’hormones jouent un rôle majeur dans la détermination de l’état
psychologique et par conséquent du comportement. Si l’on veut changer
d’état psychologique et de modèle comportemental, ou si l’on veut aider
d’autres à le faire, la solution est peut-être d’initier un changement de l’état
du système nerveux autonome.
La théorie de Stephen Porges est potentiellement porteuse de
développement et de mise en œuvre de nouveaux traitements. Nous
pourrions peut-être cesser de compter autant sur les antidépresseurs et
autres régulateurs d’humeur, qui sont chers, relativement peu efficaces et
ont d’importants effets secondaires3.

DÉVELOPPER L’ŒUVRE DE STEPHEN PORGES


Durant les quinze années précédant ma rencontre avec Stephen Porges,
j’avais travaillé avec la thérapie crânio-sacrée biomécanique, une forme de
manipulation destinée à améliorer la fonction des nerfs crâniens4.
L’approche biomécanique de la thérapie crânio-sacrée comprend
l’évaluation de la fonction des nerfs crâniens ainsi que des techniques
d’élimination des contraintes des sutures crâniennes.
Après ma rencontre avec Stephen en 2002, j’ai développé un protocole de
thérapie crânio-sacrée en sélectionnant certaines des techniques d’Alain
Gehin. Appliquées ensemble, elles visent à restaurer le bon fonctionnement
de la branche ventrale du nerf vague et des quatre autres nerfs crâniens
nécessaires à l’interaction sociale. J’ai enseigné ce protocole à plus de cinq
cents thérapeutes crânio-sacrés au Danemark et en Norvège, et il s’est avéré
efficace dans la plupart des cas pour réguler le système nerveux autonome
de leurs patients, avec parfois des résultats stupéfiants.
Je n’aimerais rien tant que transmettre ce savoir à tous les thérapeutes
intéressés. Mais ces techniques sont habituellement enseignées directement
de maître à élèves. Il faut beaucoup de temps pour les apprendre et les
maîtriser.
Ma première pensée quand j’ai commencé à écrire ce livre était
d’introduire la théorie polyvagale, puis de présenter une description de ces
techniques. Cependant, les enseigner dans un livre présente des difficultés
majeures, en particulier pour des gens qui n’ont aucune expérience ou
connaissance préalable du système crânio-sacré.
J’ai donc élaboré de nouveaux exercices et des techniques manuelles qui
peuvent donner les mêmes résultats. Mes critères de choix ont été leur
efficacité dans l’amélioration des interactions sociales des patients et leur
facilité d’apprentissage et d’usage.

TOUT LE MONDE PEUT TIRER PARTI DE CES EXERCICES


Ce livre s’adresse principalement aux lecteurs moyens et à tous ceux qui
n’ont pas trouvé de solution satisfaisante à leurs problèmes de santé parmi
les modalités de traitement existantes. Mais il peut aussi offrir une méthode
complémentaire ou alternative pour les psychologues, les psychiatres, les
thérapeutes, les médecins et autres professionnels de santé qui cherchent à
soigner autrement leurs patients.
Il est patent que beaucoup de gens ont du mal à se soigner en raison du
coût croissant des traitements et préfèrent éviter les effets secondaires des
médicaments. Les techniques et les exercices de ce livre sont une forme
d’auto-traitement sûre et bon marché. Une fois que vous avez le livre, le
traitement est gratuit !
Avertissement : si vous voulez cesser de prendre un traitement ou en
réduire le dosage, faites-le en concertation avec votre médecin. Ces
exercices ne doivent en aucun cas remplacer des soins administrés par un
médecin, mais ils peuvent, je l’espère, vous aider à récupérer la santé.

Le pouvoir de guérison de la théorie polyvagale


La dysfonction du nerf vague peut causer des problèmes de santé très
différents. Je décris ci-après des cas concrets de traitements réussis pour des
problèmes tels que les difficultés respiratoires, les migraines et les troubles
du spectre autistique.
Ils donnent un aperçu des possibilités de soin offertes par la théorie
polyvagale. Au chapitre suivant, je présente d’autres cas, issus d’un large
éventail de troubles psychologiques et physiques. Faisant appel à la théorie
polyvagale, ils comprennent aussi l’application de techniques manuelles
pour restaurer l’activité de la branche vagale ventrale.
Plutôt que d’inviter les lecteurs à s’en remettre à un thérapeute manuel,
j’ai développé des exercices d’auto-traitement très simples, qui donnent les
mêmes résultats. En se reportant soigneusement aux instructions, le lecteur
non formé peut apprendre la majeure partie de ces méthodes et ces
exercices, qui sont à la fois efficaces et sans danger.
Si vous êtes thérapeute, vous pouvez tester le système nerveux autonome
de votre patient, puis lui enseigner des exercices d’auto-traitement, lui en
faire la démonstration et lui suggérer d’y faire appel à l’avenir en cas de
besoin. Par la suite, vous devrez le tester à nouveau pour vous assurer que
vous avez obtenu les résultats souhaités.

Soulager la bronchopneumopathie chronique


obstructive
Bien qu’on n’entende parler que depuis peu de la bronchopneumopathie
chronique obstructive, c’est l’un des problèmes de santé les plus courants
au monde. La BPCO est un état maladif caractérisé par une piètre
circulation de l’air, un souffle court et de la toux. Les personnes qui en
souffrent ne peuvent faire de sport et ont des difficultés croissantes à
respirer.
Selon l’opinion communément admise, la BPCO a de nombreuses causes,
parmi lesquelles le tabagisme et l’exposition à des polluants. En réaction à
ces pollutions, le corps fabrique un surplus de fibres qui bloquent lentement
les voies aériennes et les poumons. On suppose que ce blocage est la cause
des difficultés respiratoires.
Il est souvent difficile pour les personnes qui souffrent de BPCO de
garder leur emploi et de maintenir leur niveau de vie, si bien qu’elles ont du
mal à planifier l’avenir en termes financiers. Leurs activités de loisir en
souffrent aussi, et elles ont par conséquent une qualité de vie réduite5.
Bien que les bronchodilatateurs et les corticothérapies améliorent
temporairement la respiration, le problème resurgit dès que l’effet des
médicaments se dissipe. En outre, il est recommandé de n’utiliser ceux-ci
que sur une courte période, au risque d’effets secondaires. Mais, par-dessus
tout, ils sont chers et la plupart des malades dans le monde ne peuvent se
permettre de les acheter. Le fin mot de l’histoire est qu’il n’existe pas de
cure pour leur état, qui s’aggrave régulièrement jusqu’à une mort précoce.
La BPCO empire en effet avec le temps, jusqu’au moment où
l’insuffisance respiratoire est telle qu’elle provoque la mort. Les malades
ont donc une espérance de vie réduite. Au niveau mondial, ils représentent
329 millions de personnes, soit près de 5 % de la population, bien que la
véritable prévalence soit probablement plus élevée. En 2016, la BPCO était
classée comme la troisième cause de mortalité au niveau mondial (après les
cardiopathies ischémiques et les accidents vasculaires cérébraux) et a tué
trois millions de personnes6.
Comment se fait-il qu’en dépit de milliards de dollars dépensés en
recherches médicales, nous soyons toujours incapables de traiter
efficacement cette maladie si répandue ? Cherchons-nous les réponses au
mauvais endroit ? Autant que je sache, aucun traitement efficace de la
BPCO n’a été mis au point jusqu’ici.
Il existe peut-être des solutions hors des médicaments et de la chirurgie.
En me basant sur un grand nombre de cas, je me suis convaincu qu’une
bonne partie des problèmes sous-jacents à la BPCO viennent d’une
dysfonction du système nerveux autonome, et qu’il s’agit là d’une affection
qu’on peut traiter avec succès dans la perspective de la théorie polyvagale.
Restaurer la fonction du nerf vague est un élément-clé de mon traitement
de la BPCO. Malgré l’opinion, en vigueur dans le monde médical, qu’aucun
traitement ne peut améliorer la ventilation mécanique des patients atteints
de BPCO, j’ai réussi à améliorer la capacité respiratoire des miens. J’ai
traité de nombreuses personnes souffrant de problèmes chroniques, mais
j’ai été particulièrement heureux de ce succès, fondé sur une combinaison
de traitements manuels et d’exercices effectués par les patients eux-mêmes.
BPCO ET HERNIE HIATALE : UNE ÉTUDE DE CAS
Je ne dispose pas de l’équipement nécessaire pour mesurer la capacité
respiratoire dans ma clinique, mais mon patient avait passé une épreuve
fonctionnelle respiratoire avant de venir me voir et en a subi une autre après
sept de nos séances. Sa capacité vitale avait augmenté de 70 % à 102 % (il
est possible d’avoir une CV plus élevée que 100 %, car celle-ci est calculée
en fonction d’une classe d’âge et d’un poids moyen).
Les scanners pulmonaires et bronchiaux de ce patient montraient des
zones blanches dont les médecins supposaient qu’il s’agissait d’une
concentration de fibres, raison pour laquelle il n’absorbait pas assez
d’oxygène. Ma conviction était que si nous restaurions le mouvement de ses
poumons quand il respirait, les fibres se résorberaient avec le temps. De
fait, quand je l’ai revu récemment, son absorption d’oxygène avait encore
augmenté de 15 %.
Ma clinique est installée dans un bâtiment d’un vieux quartier de
Copenhague. Il n’y a pas d’ascenseur et mon cabinet est au premier étage.
J’attendais donc ce nouveau patient, un homme de 44 ans affligé de
difficultés respiratoires. Il m’avait dit au téléphone qu’on lui avait
diagnostiqué une BPCO.
En entendant un coup à la porte, je suis allé ouvrir et je l’ai vu au sommet
de l’escalier, agrippant la rampe d’une main et cherchant son souffle. Il m’a
dit qu’il avait dû s’arrêter deux fois en montant.
Avant de développer ce problème, il était en grande forme physique, m’a-
t-il raconté plus tard. Il pratiquait plusieurs sports, notamment le ski de
fond, qu’il adorait. Il revenait juste d’un séjour dans les Alpes avec ses deux
enfants, mais cette fois, il n’avait pas chaussé les skis ; il avait dû rester sur
la terrasse d’un restaurant, enveloppé d’une couverture, à les regarder
descendre les pentes sans lui.
Il m’a parlé des taches blanches sur son scanner des poumons. Les
médecins lui avaient dit que ces fibres étaient la cause de ses difficultés
respiratoires. Je ne pouvais nier leur présence, mais je ne croyais pas à
l’explication selon laquelle elles étaient la seule cause de ses difficultés
respiratoires. Je considérais son problème comme une question musculo-
squelettique ; si je pouvais entraîner sa cage thoracique et son diaphragme
respiratoire à bouger plus normalement, j’étais certain que sa respiration
s’améliorerait, même si les scanners et les radios montraient toujours la
présence de fibres.
En me fondant sur mes nombreuses années d’expérience clinique, j’en
étais venu à soupçonner que le dysfonctionnement d’un organe peut venir
en partie d’un dysfonctionnement des nerfs qui l’innervent. Dans le cas du
cœur et des poumons, ce sont les branches dorsale et ventrale du nerf vague,
ainsi que le système sympathique. Le vague dorsal fournit aussi les
principales voies nerveuses au nerf vague sous-diaphragmatique qui s’étend
jusqu’aux viscères.
La branche dorsale du nerf vague contracte les petites bronches, réduisant
le débit de l’air. Le système nerveux sympathique, lui (associé au stress), les
dilate, autorisant un débit maximum. Quand la branche ventrale du nerf
vague fonctionne bien, les bronches se détendent et laissent entrer la
quantité adéquate d’air dans les poumons.
Avant de commencer à traiter ce skieur de fond essoufflé, je lui ai
demandé à quel endroit il sentait un mouvement quand il respirait. Il m’a
répondu que le haut de sa poitrine se soulevait quand il inspirait et
s’abaissait quand il expirait. Je voyais ce qu’il décrivait – il haletait presque
et sa respiration était rapide, superficielle et située haut dans la poitrine.
Ce n’était pas le diaphragme respiratoire qui actionnait ce mouvement,
mais les muscles de son cou et de ses épaules, qui se contractaient pour
soulever les côtes supérieures. Au fil du temps, cette tension continuelle
avait tiré sa tête en avant (nous verrons cela plus tard), restreignant encore
plus sa respiration.
Me plaçant derrière lui, j’ai posé légèrement mes mains sur la partie
inférieure de sa poitrine, pour sentir s’il y avait un mouvement au niveau de
ses deux dernières côtes. Quand le diaphragme respiratoire fonctionne bien,
il se contracte à l’inspir et pousse vers le bas et de côté, contre les deux
dernières côtes. Il n’y avait chez lui qu’une quantité minimale de
mouvement latéral du côté droit et aucun mouvement détectable du côté
gauche.
J’aime que mes patients participent à l’examen de leur respiration. Je lui
ai montré comment détecter le mouvement des différentes parties de la
poitrine quand il respirait et lui ai demandé s’il pouvait sentir un
mouvement de ses côtes des deux côtés. Il m’a répondu qu’il n’en sentait
aucun.
J’ai testé la fonction de la branche ventrale de son nerf vague. Il m’a fallu
moins de trente secondes pour déterminer qu’elle était dysfonctionnelle.
Que se passerait-il s’il effectuait l’exercice de base ? Je lui ai demandé de
s’allonger sur la table et je lui ai expliqué comment le faire. Mon skieur de
fond a senti une amélioration immédiate. Il respirait plus lentement, plus
profondément et sans contrainte. Ses côtes s’élargissaient quand il inhalait,
il le sentait lui-même. Cela représentait une amélioration majeure pour
quelqu’un qui souffrait de BPCO et avait des difficultés à respirer. J’ai testé
à nouveau la fonction de la branche vagale ventrale, et j’ai constaté qu’elle
fonctionnait désormais comme elle le devait.
Les médecins usent souvent d’un spiromètre pour évaluer la capacité
pulmonaire. Mais quand on les examine, les gens ont tendance à être
nerveux ; ils sont plus tendus et cela restreint leur respiration. Je préfère
évaluer la respiration sur le plan fonctionnel. J’avais commencé par
observer que mon patient avait beaucoup de mal à gravir une volée de
marches, ce qui indiquait une respiration dégradée dans une situation
normale quotidienne. Après le traitement, il avait l’air beaucoup plus
détendu. Quand il s’est levé, j’ai vu qu’il respirait plus lentement et plus
profondément, et que son visage avait de meilleures couleurs. Il m’a dit
qu’il se sentait beaucoup mieux. Pas mal pour moins de six minutes – un
examen, un exercice et un autre examen.
Mon objectif suivant était d’améliorer encore le mouvement de son
diaphragme respiratoire. Le mouvement latéral du côté droit avait
augmenté, mais il n’y avait toujours presque aucun mouvement palpable du
côté gauche. En comparant son côté droit et son côté gauche, j’ai clairement
senti que quelque chose interférait avec le mouvement de son diaphragme à
gauche. Mon expérience m’a soufflé qu’il pouvait s’agir d’une hernie
hiatale.
Qu’est-ce qu’une hernie hiatale ? L’estomac est situé du côté gauche de
l’abdomen, normalement sous le diaphragme. L’œsophage – le tube
musculeux élastique qui relie l’arrière de la bouche au sommet de
l’estomac – passe à travers une ouverture ronde (le hiatus) dans le
diaphragme. La branche ventrale du nerf vague innerve le tiers supérieur de
l’œsophage, permettant à ses fibres musculaires de se contracter ou
s’allonger et ainsi de soulever ou abaisser l’estomac. Notons que la
conception médicale classique de la hernie hiatale ne prend pas en compte
le rôle du nerf vague.
Quand la fonction vagale est bonne, l’œsophage peut se détendre et
s’allonger, laissant l’estomac descendre légèrement dans l’abdomen lorsque
le diaphragme se contracte à l’inspiration. Dans l’idéal, lorsque le
diaphragme monte et descend le long de l’œsophage, le contenu du thorax
reste dans le thorax et le contenu de l’abdomen reste dans l’abdomen. Mais
dans le cas d’un dysfonctionnement vagal, le tiers supérieur de l’œsophage
se contracte et rétrécit, ce qui tire l’estomac vers le haut contre la surface
inférieure du diaphragme (voir « Estomac 2 » dans l’appendice).
Dans les cas extrêmes, l’œsophage est si contracté et si court qu’il force
l’ouverture à s’élargir et tire une partie de l’estomac dans le thorax. C’est ce
qu’on appelle une hernie hiatale (le mot hiatus signifie « intervalle ou
interruption », et une hernie est une protrusion à travers une ouverture dans
un tissu).
Outre des grosses difficultés à respirer, les gens qui souffrent d’une hernie
hiatale ont souvent des remontées acides. L’acide de l’estomac remonte et
brûle l’œsophage ou le fond de la bouche. On appelle cela le reflux gastro-
œsophagien ou RGO. D’autres symptômes accompagnent la hernie hiatale,
notamment une sensation de ballonnement après les repas et une tendance à
grignoter toute la journée.
Une respiration normale suppose que le diaphragme monte et descende
(voir « Respiration diaphragmatique », page 128). Dans les cas d’asthme et
de BPCO, j’ai constaté qu’un œsophage rétréci était un facteur de difficultés
respiratoires. En fait, je crois que c’est au cœur de nombreux troubles
respiratoires. Quand l’estomac est placé trop haut, le diaphragme ne
descend pas suffisamment durant l’inspiration.
Après avoir traité le nerf vague avec l’exercice de base, j’use d’une
technique tirée de l’ostéopathie viscérale pour allonger et détendre
l’estomac. Les difficultés respiratoires disparaissent immédiatement et le
patient respire profondément et sans effort. Bien souvent, il suffit de cela !

Traiter la hernie hiatale


Voici une technique de massage viscéral ostéopathique pour traiter la hernie
hiatale. On peut facilement se l’appliquer soi-même.
L’estomac est du côté gauche de l’abdomen, juste sous la cage thoracique.
Placez le bout des doigts là où vous pensez qu’il se situe. Il est mou, mais
reconnaissable au toucher. Vous devriez le sentir en enfonçant doucement le
bout des doigts dans les muscles abdominaux. Il s’agit de trouver la surface
supérieure de l’estomac. Cela ne doit pas être douloureux. Si vous avez mal,
cessez immédiatement. Tirez-le doucement vers le bas jusqu’à ce que vous
sentiez le premier signe de résistance – en général après un ou deux
centimètres (Figure 1, page suivante). Restez sur ce point de légère
résistance jusqu’à ce que l’œsophage se détende. Bien qu’il soit tentant de
tirer l’estomac vers le bas pour étirer l’œsophage, il n’est pas nécessaire
d’exercer de la force. Les doigts positionnés au sommet de l’estomac, vous
signalez simplement aux nerfs d’allonger l’œsophage et l’estomac descend
dans l’abdomen, redonnant de la place au diaphragme pour descendre
durant l’inspiration.
Un soupir ou une déglutition accompagne généralement ce moment de
détente. À ce stade, il semble que la résistance musculaire de l’estomac
fonde. Et on est tout de suite capable de mieux respirer, plus profondément.
Figure 1. Traitement de la hernie hiatale

J’ai donc expliqué pas à pas cette technique à mon patient. Avec un
œsophage étiré, son estomac pouvait se placer plus bas dans l’abdomen, à
quelques centimètres du diaphragme qui, lui, pouvait monter et descendre
sans contrainte, en glissant normalement à la surface de l’œsophage. Ses
côtes inférieures ont aussi pu s’étaler des deux côtés. Sa respiration était
beaucoup plus ample.
Nous sommes passés au test fonctionnel. Comme je l’ai dit, mon cabinet
est situé au premier étage. J’ai demandé à mon patient de monter tout en
haut des escaliers – quatre volées de marches – puis de redescendre. Quand
il est revenu, il respirait fort mais avec aisance. Il m’a dit en souriant : « J’ai
presque couru à l’aller et au retour. Je n’ai pas eu besoin de m’arrêter une
seule fois. » C’était un homme qui, avant notre séance, ne pouvait gravir
une seule volée de marches sans s’arrêter pour reprendre son souffle.
Il a continué à venir me voir pour des séances occasionnelles. Outre le
traitement de sa hernie hiatale, nous nous sommes occupés de tensions dans
d’autres viscères, qui pouvaient entraver sa respiration. Il a continué à
effectuer l’exercice de base pour sa hernie hiatale et d’autres techniques de
massage des viscères. Je lui ai aussi donné des exercices de mouvement. Au
bout de douze semaines, il était capable de faire du vélo plusieurs heures
avec son frère, ex-champion de triathlon au Danemark. La dernière fois que
je lui ai parlé, sa respiration continuait à s’améliorer et il projetait une
randonnée à vélo dans les montagnes suisses avec son frère. C’était
seulement six mois après le début de ses séances avec moi.
Quand on lui a fait passer à nouveau un scanner, les taches blanches dans
ses poumons n’avaient pas disparu, mais elles ne semblaient plus
restreindre sa respiration. Les fibres empêchent effectivement le tissu des
poumons d’absorber efficacement l’oxygène. Mais avec une capacité
pulmonaire grandement améliorée, il était capable de faire du sport de haut
niveau.
Je crois que la plupart des tentatives pour traiter la BPCO utilisent la
mauvaise carte, car elles ne prennent pas en compte le dysfonctionnement
du nerf vague. Selon moi, une cause fréquente de la BPCO est le manque
d’activité de la branche ventrale du nerf vague, qui laisse libre cours à
l’activité de la branche dorsale.
La branche dorsale contracte les bronches et empêche l’air de passer dans
les poumons. Cette contrainte est appropriée dans un état d’immobilité et de
repli, par exemple lorsqu’un crocodile digère un gros repas. Mais si elle
n’est pas contrebalancée, elle devient problématique pour les êtres humains
qui essaient de fonctionner au quotidien.
En activant la fonction de la branche ventrale, l’exercice de base sort de
l’état de repli et détend les bronches. Combiné à l’étirement de l’œsophage,
il ne prend que quelques minutes. Il ne requiert aucune prise de médicament
et il est immédiatement efficace, sans aucun effet secondaire. Pour moi,
c’est la preuve que les causes de la BPCO sont méconnues dans bien des
cas. On avait dit à mon patient que c’étaient les fibres dans ses poumons qui
restreignaient sa respiration. Si après dix minutes de traitement il pouvait
respirer plus normalement, cette idée ne tient plus. Ou, du moins, on peut
dire que ce n’était pas la seule explication.
L’amélioration de la fonction du nerf vague ventral, le redressement de la
tête et le relâchement du diaphragme respiratoire ont contribué à
l’amélioration de la capacité vitale de mon patient. Cela a été confirmé par
des tests et des analyses.

La respiration diaphragmatique
Une bonne respiration diaphragmatique est un élément important des
interactions sociales. Toutes les personnes que j’ai examinées dans ma
clinique et qui étaient dans un état de stress ou d’activité vagale dorsale
avaient un schéma respiratoire perturbé.
Une respiration normale doit comprendre la montée et la descente du
diaphragme. Afin de l’évaluer, je pose mes mains légèrement de chaque
côté de la cage thoracique, au niveau des deux dernières côtes. S’il y a une
respiration diaphragmatique, je sens les côtes se soulever latéralement.
Dans le cas d’une hernie hiatale, je les sens se soulever du côté droit, mais
pas du côté gauche.
Si le diaphragme ne s’abaisse pas naturellement à l’inspiration, il faut
faire de la place aux poumons autrement. On hausse alors les épaules et les
côtes supérieures. C’est ce qu’on appelle la respiration costale. Ce schéma
respiratoire est associé aux émotions de peur, d’anxiété et de panique.
Un autre schéma respiratoire courant est la contraction des muscles de
l’abdomen. Lorsqu’on est à court de souffle, le ventre est distendu et
flasque. Les muscles du ventre sont trop mous et les intestins descendent,
tirant les poumons vers le bas. Certaines personnes considèrent comme un
bon signe que la respiration descende dans l’abdomen. Mais le diaphragme
n’est pas mobilisé, si bien que ce sont les muscles de l’estomac qui se
contractent pour inspirer. Ce schéma respiratoire est associé à la colère.
Dans l’idéal, l’abdomen et la poitrine se soulèvent et se contractent en
même temps. Les deux dernières côtes (C11 et C12) s’abaissent à
l’inspiration. Les cinq côtes supérieures (C6-C10) se déplacent
latéralement ; on compare ce mouvement à celui de l’anse d’un seau. Le
groupe suivant de côtes (C5 à C1) se soulève vers le haut, le long du
sternum, dans un mouvement décrit comme la « poignée de la pompe ».
Lorsque le diaphragme a perdu son tonus optimal, c’est tout le tonus du
système musculo-squelettique qui en est affecté. On tend à se
recroqueviller, on respire et on se comporte comme quelqu’un de déprimé.
Si, au contraire, on contracte le diaphragme pour le faire descendre dans
l’abdomen, on a la posture et le comportement de quelqu’un qui est en
colère.
Les fibres sensitives et motrices du nerf vague affectent et sont en même
temps affectées par la respiration. Les premières (afférentes) sont quatre
fois plus nombreuses que les secondes (efférentes) et elles surveillent
constamment le comportement du diaphragme.
Le bon fonctionnement des fibres motrices du nerf vague est nécessaire
pour une respiration détendue et efficace. Quand le diaphragme ne descend
pas durant l’inspiration, ce sont les muscles activés soit par la chaîne
sympathique soit par le circuit vagal dorsal qui entrent en jeu. Un schéma
respiratoire dans lequel le diaphragme ne joue pas son rôle indique donc au
corps par l’intermédiaire des fibres nerveuses sensitives qu’il est menacé ou
en danger. Cet exemple montre que le feedback des branches sensitives des
nerfs crâniens influence l’état du système nerveux autonome.

NC XI, muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens


Le nerf spinal accessoire (NC XI), qui fait partie des cinq nerfs nécessaires
aux interactions sociales a aussi une fonction musculaire particulière. Il
innerve en effet le trapèze et le sterno-cléido-mastoïdien (SCM), deux
grands muscles du cou et de l’épaule (voir « Trapèze » et « Sterno-cléido-
mastoïdien » dans l’appendice). Ce sont les seuls muscles situés sous la tête
qui ne sont pas innervés par des nerfs spinaux. Lorsque l’un d’eux est
chroniquement tendu ou flasque, il ne réagit pas aux massages et aux
exercices comme les autres muscles.
Les problèmes d’épaule sont parmi les formes les plus courantes de
troubles musculo-squelettiques. Une dysfonction du NC XI débouche
notamment sur des douleurs ou des raideurs de cou et d’épaule.
L’amélioration de la fonction des NC X et XI avec l’exercice de base suffit
parfois à éliminer les douleurs et les restrictions de mouvement dans cette
zone. Il peut néanmoins être nécessaire de traiter d’autres problèmes. Voyez
par exemple le traitement des migraines en deuxième partie. L’exercice de
base semble aussi améliorer instantanément la fonction des cinq nerfs de
l’interaction sociale.
Pour en revenir aux muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens, leur
manque de tonus et/ou la dysfonction de NC XI peuvent être en cause dans
de nombreux maux, parmi lesquels les migraines, la posture de la tête
avancée, les difficultés respiratoires, l’activation chronique de la chaîne
sympathique, l’état chronique vagal dorsal et une faible espérance de vie.
Le trapèze et le SCM sont également des facteurs déterminants dans la
forme et la santé de la colonne vertébrale. Enfin, la tension chronique du
muscle SCM d’un côté peut modifier la forme de l’arrière de la tête, par
suite d’un tiraillement constant sur les os temporaux (situés derrière les
oreilles). J’ai noté cette déformation du crâne chez tous les enfants autistes
que j’ai traités7.
Dans des conditions normales, tourner la tête à droite et à gauche est un
mouvement lisse et bien coordonné, sans à-coup ni déviation. La tête doit
pouvoir tourner de quatre-vingt-dix degrés, voire légèrement plus.
Mais nombreux sont ceux qui se plaignent d’une amplitude de
mouvement réduite ou de douleur dans le cou et les épaules. Quand la
douleur ou la raideur est située à gauche en tournant la tête à droite, le
problème vient du muscle trapèze ou du sterno-cléido-mastoïdien du côté
droit. Quand la douleur est située du même côté, le problème n’est pas dû
au NC XI, au trapèze ou au SCM, mais sans doute au muscle élévateur de la
scapula. J’ai inclus dans la deuxième partie une série d’exercices, intitulés
les exercices de la salamandre, qui améliorent la mobilité du cou. Ces
exercices sont un peu douloureux au début, mais en persistant, on peut
accroître l’amplitude de mouvement, favoriser la circulation du sang dans le
NC XI et restaurer la fonction des muscles trapèzes et sterno-cléido-
mastoïdiens.

Le muscle élévateur de la scapula


Il est possible de restaurer la fonction des nerfs crâniens avec l’exercice de
base et les exercices de la salamandre. Néanmoins, ils ne suffisent pas
toujours à autoriser une totale liberté de mouvement, car beaucoup d’autres
muscles concourent aux mouvements de la tête.
Dans leur livre Myofascial Pain and Dysfunction: The Trigger Point
Manual, Janet Travell, David Simons et Lois Simons ont surnommé le
levator scapulae le « muscle du cou raide8 ». Cette paire de muscles s’étend
de chaque côté du cou, depuis la première vertèbre jusqu’aux omoplates.
J’ai constaté qu’un massage de ce muscle ne procure qu’un soulagement
temporaire ; la dysfonction musculaire revient très vite. C’est parce que le
levator scapulae est souvent hypotonique. Tom Myers suggère donc de
masser le muscle sus-épineux (le long de l’omoplate) afin d’accroître le
tonus du levator scapulae (voir « Muscle sus-épineux » dans l’appendice).
Benjamin Shield, quant à lui, conseille une autre approche. Il a observé
qu’en inclinant le cou sur le côté, on ouvre l’espace intervertébral entre C1
et C3 et on ôte la pression sur les nerfs spinaux innervant le levator
scapulae. Essayez le premier des exercices de la salamandre pour parvenir à
ce résultat.

LES MUSCLES TRAPÈZES ET STERNO-CLÉIDO-MASTOÏDIENS


Les problèmes causés par les muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens
vont au-delà de la douleur, de la raideur ou des migraines. En effet, le
dysfonctionnement de l’un d’eux va généralement de pair avec une
mauvaise intégration sociale et une myriade de problèmes de santé qu’on
n’associe pas d’ordinaire à une défaillance musculaire. En corrigeant ces
deux muscles, on améliore habituellement la fonction du NC XI et on
restaure l’état d’interaction sociale.
Parce que ces deux muscles sont innervés par un nerf crânien, ils diffèrent
des six cent soixante autres muscles squelettiques, tous innervés par des
nerfs spinaux. Les trapèzes sont une paire de muscles fins et plats, et,
comme leur nom l’indique, en forme de trapèze, qui recouvrent la nuque
ainsi qu’une partie des épaules et du dos. Ils sont attachés aux os occipitaux,
aux processus épineux des omoplates et au processus épineux de chaque
vertèbre de la colonne cervicale et dorsale. Les muscles sterno-cléido-
mastoïdiens, quant à eux, sont attachés à la pointe du processus mastoïdien
des os temporaux, des deux côtés du crâne, derrière les oreilles. Ils se
divisent ensuite en deux « chefs », qui obliquent en avant et en dedans pour
s’attacher l’un, au sommet du sternum, et l’autre, à la section médiane de la
clavicule. C’est parce que ces deux chefs émergent à des endroits
légèrement différents du crâne qu’ils peuvent faire pencher la tête sous
plusieurs angles. Et en s’attachant à des endroits différents du torse, ils
contribuent à sa rotation.
On peut comparer les muscles SCM aux rênes qui permettent de diriger
un cheval. Quand le cavalier tire les rênes d’un côté, il les laisse pendre de
l’autre. Quand les muscles SCM ne sont pas chroniquement tendus d’un
côté ou de l’autre, la tête est parfaitement équilibrée et tourne à gauche et à
droite sans restriction ni douleur.
Mais une contraction de l’un des chefs du SCM occasionne une raideur
d’un côté. Comme le SCM est innervé par le NC XI, la raideur vient
souvent d’une dysfonction de ce nerf, presque toujours concomitante avec
une dysfonction du nerf vague.
Quand les chefs sternaux des SCM se contractent des deux côtés, ils
raccourcissent le cou et tirent la tête en avant. On a alors « un cou de
taureau » – parce qu’il s’épaissit. Et quand ce sont les chefs claviculaires
des SCM qui se contractent symétriquement, ils tirent la tête en arrière et
rallongent et amincissent le cou : un « cou de cygne ».
Dans son livre Rolfing,9 Ida Rolf attire l’attention sur le fait que les
muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens forment l’anneau extérieur
des muscles du cou. À l’intérieur de cet anneau, il y a tout un tas de petits
muscles qui contribuent aux mouvements fins de la tête, au soulèvement
des côtes supérieures et à la déglutition.
La tension et la détente des muscles qui tournent la tête requièrent une
coordination musculaire précise. Elle est programmée dans notre système
nerveux de sorte que l’on n’a pas besoin d’y penser en termes mécaniques.
On tourne immédiatement le regard dans la direction d’un bruit ou d’un
mouvement. Grâce au onzième nerf crânien et aux fibres des muscles
trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens, la tête suit les yeux. Enfin, le corps
suit la tête.
La capacité à coordonner les mouvements des yeux, de la tête et du corps
est innée. Lorsqu’un bébé allongé sur le ventre voit un objet bouger devant
lui, il le suit d’abord des yeux, puis de la tête. C’est la même chose avec les
sons. En présence d’un bruit, on tourne automatiquement la tête pour
centrer le son entre les deux oreilles. Tout cela requiert une coordination
complexe des muscles trapèzes, sterno-cléido-mastoïdiens et autres.

TRAPÈZES ET SCM EN ACTION SUR LA PLAINE DU


SERENGETI
Le guépard est le mammifère le plus rapide du monde avec une vitesse
maximale de 112 km/heure. Lorsqu’il chasse, il parvient à garder sa proie
en ligne de mire tout en courant à une allure incroyable. C’est le onzième
nerf crânien qui lui permet de tourner la tête et le corps pour suivre sa proie.
L’antilope pourchassée cherche des yeux un espace dégagé qui lui
permettra d’échapper au guépard. Lorsqu’elle en repère un, sa tête suit ses
yeux et son corps suit sa tête.
Bien qu’elle ne soit pas aussi rapide que le guépard, elle a un avantage sur
lui : avec un corps léger et des pattes fines, elle peut tourner plus vite et
courir en zigzags. Le guépard en est incapable. L’agilité et l’endurance de
l’antilope lui donnent donc de bonnes chances d’échapper à son prédateur.
Guépards, lions, tigres et autres s’épuisent rapidement lorsqu’ils ne
réussissent pas à capturer leur proie. Il leur faut plusieurs heures pour
récupérer. Le guépard choisit donc une antilope vieille ou blessée, ou
encore un faon nouveau-né. La moitié des faons finissent dévorés par un
prédateur avant l’âge adulte.
Pour le chasseur et le chassé, la survie dépend en partie de la possibilité
de tourner la tête sans effort. Ce sont les muscles trapèzes et sterno-cléido-
mastoïdiens – tous innervés par le nerf crânien XI – qui le leur permettent.
Cette capacité étant une question de vie ou de mort, il n’est pas surprenant
que la structure du NC XI soit très complexe ; chacune des fibres
individuelles de ces muscles est innervée avec précision.

LES TRAPÈZES POUR RAMPER


Le premier mouvement d’un bébé allongé sur le ventre est d’arquer le dos
et de redresser la tête en utilisant ses trapèzes. Une fois sa tête redressée, il
peut la tourner et regarder autour de lui en utilisant les sterno-cléido-
mastoïdiens (voir « Bébé sur le ventre » dans l’appendice).
Au stade suivant de son développement, le bébé redresse assez la tête
pour ramener ses bras sous ses épaules et soutenir la partie supérieure de
son corps. Avec cela, il sera bientôt capable de se mettre à quatre pattes.
Dans cette position, la contraction des trapèzes supérieurs allonge et arque
le cou et redresse la tête, amenant le visage vers l’avant (voir « Bébé à
quatre pattes » dans l’appendice). Pour ce faire, le bébé contracte les trois
parties du trapèze plus ou moins également. Il arque le bas du dos avec le
trapèze inférieur, rapproche les épaules avec le trapèze moyen et redresse la
tête avec le trapèze supérieur. Outre les trapèzes, la tête est en partie
équilibrée sur les vertèbres du cou grâce au semispinalis capitis, le plus gros
muscle de la nuque. Les sterno-cléido-mastoïdiens peuvent alors entrer en
action pour tourner la tête.
À cet âge, le bébé se redresse comme les autres mammifères, à quatre
pattes. Après quelque temps, il commence à ramper en avançant un bras
puis l’autre. Ce schéma de déplacement requiert d’utiliser asymétriquement
les muscles trapèzes.
Pour soutenir les corps, les bras et les cuisses sont positionnés à angle
droit par rapport au tronc. Quand le bébé pousse sur ses bras, une force
égale repousse ses bras dans les cavités articulaires des épaules, et les nerfs
proprioceptifs de ces articulations signalent au cerveau qu’ils sont bien
placés et équilibrés.

À QUATRE PATTES ET DEBOUT


Les êtres humains ont la même structure que les animaux à quatre pattes en
termes de muscles, d’os et de nerfs impliqués dans le mouvement. La
position à quatre pattes permet de distribuer également le poids sur quatre
membres. C’est une structure stable, compte tenu de la gravité.
Mais lorsque l’être humain s’est redressé sur ses pattes arrière, tout a
changé. L’équilibre des tensions au sein du système musculaire et
squelettique s’est modifié. Certains muscles sont devenus chroniquement
tendus, tandis que d’autres sont devenus chroniquement flasques. La partie
supérieure du corps s’est entièrement équilibrée sur les articulations des
jambes et des hanches. C’est très instable par rapport à la position
antérieure (voir « Bébé debout » dans l’appendice).
C’est pourquoi cette position engendre au fil des décennies des problèmes
que ne connaissent pas les animaux à quatre pattes. L’un des plus courants
est la posture de la tête avancée (cyphose ou FHP – Forward Head Posture
en anglais).
Nous avons vu que quand le bébé se redresse pour ramper, il mobilise ses
muscles trapèzes plus ou moins également. Mais lorsqu’il se met debout,
certaines parties du trapèze perdent leur intégrité ; elles ne sont plus
nécessaires pour rapprocher les épaules et renverser la tête. Au lieu de rester
synchronisées, elles s’organisent alors en unités fonctionnelles – que l’on
dénomme trapèze supérieur, moyen et inférieur. L’une de ces unités peut
être excessivement tendue et une autre sous-tendue. Cela se répercute sur la
position des os de l’épaule, mais aussi de la colonne (voir « Trapèze » dans
l’appendice).
La colonne vertébrale de l’être humain a une forme très différente de celle
du cheval, de la chèvre ou de la girafe. Contrairement à nous, ces animaux
soutiennent une partie de leur poids avec leurs pattes de devant. Nos bras
pendent librement des épaules et ne poussent donc plus sur les articulations.
Quand on a mal à l’épaule, on se demande souvent si l’on a soulevé
quelque chose de lourd ou lancé un ballon trop fort. Mais le simple fait de
se tenir sur deux jambes constitue un facteur de douleur à ce niveau, par
suite des changements de l’équilibre du corps. Ne parlons même pas de ce
que la position assise fait à la structure musculo-squelettique. En tout état
de cause, il n’est pas surprenant que les douleurs d’épaule soient le premier
motif de consultation chez les kinés.
La colonne vertébrale humaine souffre donc d’une faiblesse qui entraîne
des raideurs de cou, des maux de dos et des problèmes d’épaule. La position
des trois faisceaux du trapèze se modifie pour permettre la station debout.
Le premier, le faisceau supérieur, ne retient plus la tête en arrière et celle-ci
a donc tendance à tomber en avant. Le faisceau moyen ne rapproche plus
les omoplates comme il le faisait dans la position à quatre pattes. Chez la
plupart des gens, les omoplates s’écartent l’une de l’autre et descendent
vers le bas. Par opposition au fort poitrail des animaux à quatre pattes, la
partie supérieure de la poitrine se creuse et le ventre ressort. Si un acteur
prenait cette position, cela ferait le portrait de quelqu’un qui a perdu sa
fierté. Quant au faisceau inférieur, il cesse d’allonger la colonne et de
retenir la tête en arrière. Ces changements ne sont pas dus à une tension
musculaire accrue, mais au contraire à une perte générale de tonus dans les
trois parties du trapèze qui cessent d’équilibrer les effets de la gravité au
niveau de la tête.
Pour corriger cette posture, il faut par conséquent stimuler les nerfs du
trapèze et redonner du tonus à ses fibres. C’est possible grâce à un
mouvement que j’appelle « l’exercice de torsion et rotation pour le
trapèze » (voir deuxième partie). Il n’est pas destiné à étirer ou à renforcer
le muscle, mais à réveiller simplement les nerfs qui l’innervent. Ainsi, les
fibres tendues se détendent et le tonus augmente là où c’est nécessaire.

ASYMÉTRIE DANS LA TENSION DES TRAPÈZES


Il existe toujours des différences de tension dans les groupes de fibres
formant les trapèzes supérieur, inférieur et moyen. Il y a aussi une
différence entre les côtés gauche et droit. Cette asymétrie peut perturber
l’équilibre des épaules.
Parce que les trapèzes sont rattachés à la colonne cervicale et thoracique,
un déséquilibre entre le gauche et le droit s’ajoute aux rotations, extensions
et flexions des vertèbres thoraciques. L’espace interne de la poitrine s’en
trouve modifié, ce qui à son tour affecte le cœur et les poumons.
Dans certains cas, cette asymétrie comprime aussi les nerfs spinaux,
affectant les organes qu’ils desservent. Certains nerfs spinaux (T1-T4) vont
au cœur et d’autres (T5-T8) aux poumons. D’autres encore (T9 et en
dessous) relient plusieurs viscères.

ASYMÉTRIE DANS LA TENSION DES STERNO-CLÉIDO-


MASTOÏDIENS
Les muscles sterno-cléido-mastoïdiens sont les principaux muscles qui font
tourner la tête à droite et à gauche. Une tension aiguë ou chronique chez
eux débouche sur un cou raide. On voit parfois les bébés tourner toujours la
tête du même côté quand ils sont allongés sur le dos. En grandissant, cette
tendance peut tourner au torticolis chronique.
Lorsqu’on examine l’arrière de la tête de quelqu’un qui a le cou raide, on
constate parfois qu’elle est plate d’un côté. Si c’est le cas, la technique pour
arrondir le crâne (page 194) peut non seulement détendre le muscle sterno-
cléido-mastoïdien, mais aussi arrondir l’arrière de la tête dans une certaine
mesure, même chez un adulte.
Le cou raide s’accompagne en général d’une rotation de la première
vertèbre cervicale, appelée l’atlas (voir « Atlas » dans l’appendice). Il en
résulte une réduction de l’apport de sang dans le tronc cérébral. Chez les
adultes, un cou raide peut indiquer un dysfonctionnement du onzième nerf
crânien, lequel, comme noté précédemment, est l’un des cinq nerfs crâniens
nécessaires à l’interaction sociale. Le relâchement des tensions du SCM
facilite donc souvent l’interaction sociale.
Cette observation n’est pas nouvelle ; on en trouve des mentions depuis
des milliers d’années. Il existe de nombreuses références à des gens « raides
du cou » dans la Bible. Néhémie (9 : 17) dit par exemple : « Ils refusèrent
d’obéir, et ils mirent en oubli les merveilles que tu avais faites en leur
faveur. Ils raidirent leur cou ; et, dans leur rébellion, ils se donnèrent un
chef pour retourner à leur servitude. »

UNE NOUVELLE IMAGE DU NC XI


Tourner la tête est l’un des mouvements les plus importants et les plus
complexes. Le contrôle des muscles trapèzes et SCM requiert de contracter
ou de détendre de nombreuses fibres musculaires et cette action dépend du
bon fonctionnement du NC XI.
La plupart des planches anatomiques du NC XI tentent de montrer
l’ensemble de ses branches, mais je trouve personnellement qu’elles prêtent
à confusion. Pour mettre en lumière la complexité structurelle du NC XI,
j’ai demandé à mon illustrateur de réaliser des dessins en couleur de ses
trois parties (voir la série « NC XI » dans l’appendice). L’une des branches,
que l’on appelait autrefois « nerf spinal » émerge du tronc cérébral. On
considère aujourd’hui qu’il fait partie du nerf vague – de la branche
pharyngienne mentionnée au chapitre 4. Une autre branche, appelée « nerf
accessoire spinal », émerge de la moelle épinière, juste sous le crâne, avant
de rejoindre les fibres musculaires du trapèze et du sterno-cléido-
mastoïdien. Il existe encore une branche du nerf accessoire spinal, qui
pénètre dans la cavité crânienne à travers le foramen magnum, la traverse
puis en ressort par le foramen jugulaire.
Malgré la diversité de leurs voies, toutes les branches du NC XI
fonctionnent de manière coordonnée pour innerver les différentes parties
des muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens.
Le nerf crânien XI et le nerf vague (NC X) sont étroitement liés sur le
plan fonctionnel, mais aussi sur le plan structurel. On voit clairement, sur
les illustrations de l’appendice un lien entre les branches du NC XI et la
branche ventrale du nerf vague après leur sortie de la cavité crânienne : les
fibres du NC XI s’entremêlent avec les fibres du nerf vague sur quelques
millimètres à l’extérieur du crâne. Outre cet entremêlement, le NC XI et la
branche ventrale du nerf vague émergent tous deux du noyau ambigu, une
bande de fibres nerveuses située dans le tronc cérébral.
Par conséquent, il n’est pas surprenant que la fonction/dysfonction du nerf
vague reflète directement la fonction/dysfonction du NC XI. Le test du NC
XI donne les mêmes résultats en termes de fonction/dysfonction que les
tests de la branche ventrale du NC X.

NC XI ET BRANCHE VAGALE VENTRALE


Le test du pincement du trapèze donne une indication du
fonctionnement/dysfonctionnement non seulement du NC XI, mais aussi
des quatre autres nerfs nécessaires à l’interaction sociale. Ces cinq nerfs
fonctionnent ensemble ; si l’un est dysfonctionnel, les autres le sont aussi.
Si l’on améliore la fonction de l’un d’eux, on améliore la fonction des
autres.
Quand j’ai commencé à utiliser le test du pincement du trapèze, j’ai
remarqué que chaque fois qu’il y avait une différence de tension entre les
muscles trapèzes des deux côtés, il y avait aussi une dysfonction du nerf
vague ventral tel qu’indiquée par le test du soulèvement de la luette. J’ai
décidé de procéder à une étude informelle dans ma clinique.
Chez les quatre-vingts personnes suivantes, j’ai testé le nerf vague ventral
(avec le soulèvement de la luette), puis le NC XI (avec le pincement du
trapèze). J’ai trouvé 100 % de corrélation entre les résultats de ces deux
tests. Sur cette base, j’ai considéré comme raisonnable de conclure que le
test du trapèze est un indicateur valide de la fonction/dysfonction vagale.
Après avoir demandé à mes patients d’effectuer l’exercice de base, je les
ai encore testés des deux manières. J’ai alors constaté une amélioration à la
fois du NC XI et de la branche ventrale du nerf vague. Eux-mêmes étaient
d’accord avec moi : « Maintenant, quand vous pincez, les deux côtés me
donnent la même sensation. » Quand je leur demandais de tourner la tête et
de noter les sensations de leur tête, leur cou et leurs épaules, ils étaient
unanimes à reconnaître qu’ils pouvaient mieux tourner la tête, plus loin,
avec moins ou pas du tout de douleur.

Le test du pincement du trapèze


Les plaintes les plus courantes que notent les kinésithérapeutes ou les
ostéopathes concernent les raideurs du cou et les douleurs dans les épaules.
Comme nous l’avons vu plus haut, ces problèmes viennent généralement
d’un manque de tonus des trapèzes et/ou des muscles sterno-cléido-
mastoïdiens, qui sont chroniquement tendus ou flasques.
Mais la plupart des kinés, masseurs et physiothérapeutes entament le
traitement en massant les muscles tendus, sans prendre en considération
l’état du système nerveux autonome. A contrario, je fonde mon approche
sur les résultats de Cottingham, Porges et Lyon10.
Leurs recherches montrent en effet que pour obtenir des résultats positifs
dans le relâchement fascial et myofascial, il est important de restaurer le
bon fonctionnement du nerf vague ventral avant toute manipulation. Je teste
donc d’abord la branche ventrale du nerf vague ou j’use du test suivant pour
la fonction du NC XI. Il est moins long et moins intrusif que le test de la
fonction vagale, car il suffit de pincer les muscles au sommet de l’épaule.
Pour cette raison, il est approprié aux enfants et aux personnes sur le spectre
autistique, dont il est parfois difficile d’obtenir la coopération.
Vous devrez vous exercer afin de développer les compétences
kinesthésiques nécessaires. L’incertitude est normale au début, mais après
quelques tentatives, vous sentirez ce que vous cherchez.
Il s’agit de faire glisser et rouler le sommet des muscles trapèzes (à mi-
chemin du cou) et de comparer les côtés gauche et droit. Bien que le muscle
du trapèze recouvre une large zone, il est très mince.
1. Saisissez le muscle trapèze de chaque côté en le pinçant légèrement
entre le pouce et l’index (Figure 2).
2. Soulevez doucement le muscle et écartez-le des muscles sous-jacents.
3. Comparez le tonus musculaire d’un côté et de l’autre. Les deux côtés
vous semblent-ils pareils ou l’un est-il plus dur que l’autre ? Dans
l’idéal, les deux côtés doivent être mous et élastiques, mais c’est
rarement le cas. En pinçant doucement, vous pouvez sentir que le
muscle reste mou et souple d’un côté tandis que l’autre réagit en
devenant plus dur, alors même que vous n’appliquez qu’une pression
légère.
Figure 2. Test du pincement du trapèze

4. Je demande : « Quand je pince, les deux côtés vous donnent-ils la


même sensation ou sont-ils différents ? » Si mon patient répond que
c’est différent, je demande quel est le côté le plus tendu. Et voici
quelque chose que je ne comprends pas : plus de la moitié du temps, je
ne suis pas d’accord avec lui ou elle quant au côté qui est le plus dur.
J’ignore pourquoi c’est ainsi, mais je suis arrivé à la conclusion que cela
n’a pas d’importance par rapport au succès du traitement ; le principal
est que le patient et moi soyons d’accord pour dire qu’il y a une
différence.
5. Cette différence indique pour moi une dysfonction du NC XI. J’en
conclus que le système nerveux autonome de la personne ne fonctionne
pas bien et qu’elle est soit en état de stress, soit en état de repli vagal
dorsal. Je prends alors les mesures appropriées pour restaurer la fonction
vagale ventrale avant d’employer d’autres techniques thérapeutiques.

La posture de la tête avancée


La cyphose ou posture de la tête avancée peut causer de graves problèmes
de santé. Cette posture est liée à un dysfonctionnement des muscles
trapèzes et/ou sterno-cléido-mastoïdiens (Figure 3). Elle résulte aussi d’une
mauvaise posture générale.
En vieillissant, la plupart des gens perdent la bonne posture dont ils
jouissaient enfants ; ils ont des vertiges occasionnels et des difficultés
croissantes à respirer. Ces problèmes ne sont malheureusement pas
considérés comme étant d’ordre médical. Les médecins partent du principe
qu’ils font partie du processus de vieillissement et qu’on ne peut rien y
faire. Il n’existe par conséquent aucun médicament ou opération pour
remédier à ces états en tant que tels.
Figure 3. Posture de la tête avancée

Dans cette posture, le cou a tendance à s’affaisser, ce qui fait pointer la


tête en avant. Le haut de la poitrine se creuse, réduisant l’espace dont
disposent le cœur et les poumons. L’avancée de la tête bloque aussi l’action
des muscles responsables du soulèvement des premières côtes durant
l’inhalation, entraînant des difficultés respiratoires.
À mesure que le temps passe et que la posture s’aggrave, la capacité
respiratoire diminue de plus en plus. On la note souvent chez les
asthmatiques et ceux qui souffrent de BPCO11. Il n’est pas étonnant qu’ils
manquent d’énergie et éprouvent une fatigue générale. Des recherches
publiées par le Journal of the American Geriatric Society montrent aussi
qu’ils ont une espérance de vie diminuée – plus courte encore que ceux qui
fument un paquet de cigarettes par jour – et que les patients les plus âgés
ont un taux de mortalité significativement plus élevé12.
Les restrictions fonctionnelles de ces nerfs pourraient-elles constituer
aussi des facteurs aggravants dans la maladie d’Alzheimer, la démence et la
sénilité ?
Outre la réduction de la capacité respiratoire, la perte d’espace interne
appuie sur le cœur et les vaisseaux sanguins qui entrent et sortent du cœur.
L’avancement de la tête comprime aussi les espaces intervertébraux du cou
et du haut du thorax, en appuyant sur les nerfs spinaux à ce niveau.
Les artères vertébrales sont également comprimées, ce qui diminue
l’apport du sang dans le visage, certaines parties du cerveau et le tronc
cérébral, d’où émergent les nerfs crâniens de l’interaction sociale. Comme
on peut s’y attendre, les personnes dans ce cas sont pâles, manquent
d’expression faciale et ont peu d’échanges sociaux. Quand les cinq nerfs
crâniens ne sont pas suffisamment irrigués, ils ne fonctionnent pas bien, et
on constate un état de stress ou d’activité vagale dorsale chroniques.
De nombreuses douleurs et raideurs se développent avec le temps. Selon
la newsletter de la clinique Mayo, « la posture de la tête avancée entraîne à
long terme des douleurs musculaires, des hernies discales, de l’arthrite et
des nerfs pincés13 ».
Le neurochirurgien Alf Breig, prix Nobel de médecine, a affirmé : « La
perte de la lordose cervicale étire la moelle épinière de 5 à 7 centimètres et
provoque des maladies14 ».
La raideur caractéristique du cou dans cette posture rigidifie aussi toute la
colonne. Le Dr Roger Sperry, qui a également reçu le prix Nobel pour ses
recherches sur le cerveau, note : « 90 % de la stimulation et de la nutrition
du cerveau sont assurées par les mouvements de la colonne15. »
Les personnes souffrant de cyphose ont souvent des difficultés
respiratoires, des maux de dos, une raideur et une sensibilité accrue de la
colonne. Sur le plan émotionnel, ils peuvent souffrir d’apathie et
d’indifférence – un état également symptomatique du repli vagal dorsal.
Lorsqu’on observe une personne de profil, l’oreille est normalement
située juste au-dessus de la ligne médiane de l’épaule. Mais avec la posture
de la tête avancée, l’oreille est située en avant de l’épaule. La personne est
en général courbée, sa poitrine est creuse et sa tête n’est plus en équilibre
sur son cou. Les muscles de ce dernier doivent constamment faire des
efforts pour empêcher la tête de plonger encore plus en avant.
« Chaque centimètre d’avancement de la tête… peut augmenter son poids
de 2 kg », affirme A. I. Kapandji, auteur de La Physiologie articulaire16.
Faites le compte, la tête pèse environ 5 kg et chez beaucoup de personnes
âgées, la tête avance de cinq à huit centimètres.
L’homme que vous voyez sur la photo est venu me voir en se plaignant de
difficultés respiratoires et de fatigue générale. Ses muscles trapèzes
n’étaient pas tendus mais flasques : c’était la cause de sa posture.
Comme je l’ai dit plus haut, la posture de la tête avancée résulte souvent
d’une dysfonction des muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens. Les
trapèzes manquent de tonus, tandis que certaines parties des SCM sont
chroniquement tendues. Rétablir le tonus de ces muscles permet donc de
remettre en partie la tête dans l’alignement.
Il existe de nombreuses formes de massage et de mouvements efficaces
pour les muscles du corps. Mais parce que ces deux muscles sont innervés
par des nerfs crâniens, j’adopte une approche différente. La première étape
pour normaliser leur tonus est l’exercice de base. Lorsqu’un patient fait cet
exercice pour la première fois, je constate souvent que sa tête a un peu
reculé.
Pour la faire reculer encore, je fais appel à deux autres exercices :
l’exercice de torsion et rotation et l’exercice de la salamandre. Vous les
trouverez expliqués en deuxième partie.
LE TISSU CICATRICIEL CONTRE FACTEUR AGGRAVANT
Après une opération chirurgicale, du tissu cicatriciel se forme pour protéger
le corps d’une autre blessure au même endroit. Le patient sait très bien que
ce renforcement est inutile parce qu’il est improbable qu’il subisse une
autre incision sur le même emplacement, mais le tissu conjonctif, lui,
l’ignore.
À mesure que l’incision guérit, les couches de muscle et de fascia se
contractent et épaississent, et ce resserrement du réseau fascial s’étend au-
delà de la zone d’origine pour affecter tout le corps. Toute opération
chirurgicale a ses effets négatifs, qui ne sont presque jamais traités.
Même quand le tissu cicatriciel est restreint en surface, il peut
s’accumuler dans les muscles et le tissu conjonctif sous la peau, ainsi que
dans les couches profondes des fascias. Et même si l’opération a été réalisée
en endoscopie, des cicatrices se forment dans les couches profondes.
Un petit volume de liquide circule entre les couches de tissu musculaire et
conjonctif, qui permet à ces dernières de glisser les unes sur les autres. Lors
d’une opération, il arrive que ce liquide s’assèche du fait de son exposition
à l’air. Les couches de tissu commencent alors à adhérer les unes aux autres.
De plus, le tissu conjonctif produit des fibres de collagène supplémentaires,
qui « soudent » les couches de muscle et de fascia. Certains chirurgiens
prennent le temps de recoudre ces couches une par une après une opération,
mais d’autres, par négligence ou par ignorance, ne s’en préoccupent pas. Il
en résulte un tissu cicatriciel plus épais et rugueux, qui se propage dans les
profondeurs. Dans le cas d’une césarienne, par exemple, le tissu cicatriciel
peut aller de la peau jusqu’à l’utérus. Et quand l’opération a eu lieu dans le
thorax ou l’abdomen, le tissu cicatriciel restreint l’espace disponible pour la
respiration. En raccourcissant le devant du corps, il tire la tête vers l’avant
et vers le bas. Je conseille donc à tous ceux qui ont subi une opération de la
poitrine ou de l’abdomen de rechercher un masseur compétent dans le
relâchement des tensions dues au tissu cicatriciel.
L’objectif est de libérer les couches de tissu musculaire et conjonctif une
par une afin qu’elles puissent glisser les unes sur les autres. Je suis toujours
stupéfié par l’ampleur de l’amélioration de la posture générale, des
mouvements de la tête et du cou et de la souplesse de la colonne après ce
relâchement du tissu cicatriciel.

TÊTE AVANCÉE ET TENSION MUSCULAIRE SOUS-OCCIPITALE


La tête et le cou peuvent pivoter grâce aux muscles trapèzes et sterno-
cléido-mastoïdiens, mais ce sont les petits muscles sous-occipitaux (entre
l’occiput et les deux premières vertèbres) qui permettent d’affiner ces
mouvements. Trois d’entre eux forment une zone que l’on appelle le
triangle sous-occipital (voir « Muscles sous-occipitaux » dans l’appendice).
Lorsqu’ils sont tendus, ils font pression sur le nerf sous-occipital (voir
« Nerf sous-occipital » dans l’appendice) et les artères vertébrales à
proximité. Cela réduit l’apport de sang dans le tronc cérébral, ainsi que dans
les cinq nerfs crâniens nécessaires à l’interaction sociale.
Lorsque la tête est avancée, les muscles du triangle sous-occipital se
contractent afin d’empêcher le menton de tomber sur la poitrine. Si cette
posture se prolonge, ils se tendent de plus en plus, ce qui accentue encore la
posture et réduit d’autant la circulation sanguine.
Il n’est donc pas surprenant que ceux qui souffrent d’une posture de la tête
avancée se plaignent souvent de maux de tête au niveau de la nuque et de ne
pas avoir assez « d’énergie » (de circulation sanguine) dans la tête.
Comme je l’ai observé précédemment, les asthmatiques ont souvent une
piètre fonction vagale ventrale et une posture de la tête avancée. Leur
colonne thoracique est raide, et leur poitrine se soulève peu quand ils
inspirent. La réduction de la posture de la tête avancée améliore
sensiblement leur respiration.
L’exercice de base permet aussi de soulager la tension des muscles sous-
occipitaux. La vertèbre C1 reprend sa place, la pression sur les artères
vertébrales diminue, la circulation du sang augmente dans le tronc cérébral,
et tout cela améliore la capacité aux interactions sociales.
Soulager les migraines
Contrairement à la BPCO, les migraines n’ôtent pas des années à
l’espérance de vie, mais elles impactent certainement la qualité de vie. Il
existe de nombreux remèdes contre les migraines, mais ils ne marchent pas
tout le temps ni pour tout le monde. Certains sont chers et la plupart ont des
effets secondaires. Beaucoup de gens préféreraient ne pas en prendre du
tout.
Sur les 45 millions d’Américains qui souffrent de maux de tête chaque
année, 28 souffrent de migraines17. En plus d’affecter la qualité de la vie, les
migraines sont l’un des problèmes de santé les plus importants en termes de
perte de productivité. Ce coût a été estimé à 17 milliards de dollars aux
États-Unis en 200518.
Le mot migraine vient d’un mot grec. Celui-ci a donné en latin
hemicrania et veut dire « d’un seul côté de la tête ». Pour ma part, si la
douleur n’est pas localisée d’un seul côté de la tête, je considère qu’il ne
s’agit pas d’une migraine. Les migraines vont de modérées à sévères, sont
intenses, parfois lancinantes, et peuvent durer de deux heures à trois jours.
Elles s’accompagnent souvent d’un dysfonctionnement autonome. Elles
apparaissent et disparaissent subitement ; cela les distingue des autres
céphalées (situées des deux côtés de la tête et ressemblant à un « étau ») qui
apparaissent et se terminent graduellement.
Les migraines peuvent s’accompagner de vision floue, de nausées, de
vomissements, de fatigue et d’une hypersensibilité à la lumière, aux bruits,
aux odeurs et au toucher. Les migraineux parlent de déformations visuelles
(d’auras) et de vertiges. Les femmes signalent parfois qu’elles se produisent
à un point particulier de leur cycle menstruel.
Les médecins classent les migraines en différents types selon les
symptômes, et les patients veulent en général me donner des informations
détaillées sur ces symptômes, y compris leur étalement dans le temps. Bien
que ces détails soient importants pour eux, cela ne m’aide pas, en tant que
thérapeute, à les traiter. Je sais que si j’arrive à guérir leurs migraines, les
symptômes secondaires disparaîtront aussi. Pour les traiter efficacement,
j’ai seulement besoin de savoir de quel côté de la tête se situe la douleur, et
quelles parties des deux principaux muscles du cou sont concernées.
Pour le déterminer, je leur montre des dessins des « zones gâchettes »
(trigger points) des muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens (ces
illustrations présentées dans l’appendice, voir « Céphalées », reprennent le
travail des Drs Janet Travell et David Simons, décrit ci-dessous). Les zones
rouges sont les schémas de douleur induits par les tensions dans ces
muscles. Je leur demande de me montrer l’illustration qui correspond le
mieux à leur mal de tête et de m’indiquer exactement là où ils ressentent la
douleur.
Tous désignent un dessin sans hésiter. Je sais ainsi quel est le muscle
impliqué. C’est le schéma de douleur qui m’intéresse, car il me dit où je
dois intervenir pour apporter un soulagement durable. Ce traitement
alternatif des migraines ne m’est pas venu d’un seul coup, mais
intuitivement, au fil des ans. Que ce soit pour le Rolfing® ou d’autres
formes de thérapie manuelle, la plupart de mes patients sont venus me voir
parce qu’ils avaient mal quelque part.
C’est grâce au livre de Janet Graeme Travell (1901-1997) que j’ai appris à
soulager la douleur des migraines en utilisant les zones gâchettes. Médecin
à la Maison-Blanche sous John F. Kennedy, puis sous Lyndon Johnson, le
Dr Travell a coécrit avec le Dr David G. Simons et Lois Simons19 l’ouvrage
en deux volumes Douleurs et troubles fonctionnels myofaciaux.
Le président Kennedy avait de graves maux de dos suite à des blessures
reçues durant la Seconde Guerre mondiale. Sa cinquième et dernière
opération, en septembre 1957, l’avait laissé désabusé quant aux solutions
chirurgicales. Un traitement ultérieur, prévoyant des injections d’eau salée
dans les zones douloureuses, ne lui avait procuré qu’un modeste
soulagement. Il portait un corset, prenait des bains chauds plusieurs fois par
jour et marchait avec des béquilles, sauf quand il était en public.
Les recherches de Janet Travell ont montré que les tensions musculaires
individuelles génèrent des schémas de douleur spécifiques. Un masseur
inexpérimenté masse là où ça fait mal, alors que la tension musculaire
produit souvent de la douleur à distance, une douleur « projetée ». Grâce au
travail du Dr Travell, nous savons que le traitement de certains points
musculaires spécifiques réduit les douleurs projetées. Elle a donc nommé
les premiers « zones gâchettes ».
Tous les muscles ont des zones gâchettes, souvent un peu plus dures que
le reste de la surface du muscle. En pressant les zones gâchettes des
muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens, on peut donc soulager les
migraines.
Mes patients migraineux ont été stupéfaits de voir avec quelle efficacité et
quelle vitesse je pouvais les soulager, alors qu’ils souffraient parfois depuis
plus de vingt ans. En cas de récidive de la douleur, ils pouvaient aussi se
traiter eux-mêmes ou montrer à un autre thérapeute l’illustration de « leur »
schéma de douleur dont je leur faisais une photocopie. Environ un tiers des
migraineux sentent arriver la migraine. Cela leur donne le temps de
s’allonger, de prendre un cachet ou, mieux encore, de faire les exercices
décrits plus loin.
C’est grâce à la thérapie crânio-sacrée biomécanique que j’ai fait le pas
suivant dans l’élaboration d’un protocole pour traiter les migraines. Comme
vous vous en souvenez, c’est le NC XI, ou nerf accessoire, qui module la
tension des muscles trapèzes et sterno-cléido-mastoïdiens à l’origine des
douleurs de la migraine.
La thérapie crânio-sacrée biomécanique offre des techniques pour
débloquer spécifiquement le onzième nerf crânien. C’est en améliorant la
fonction du NC XI, puis en soulageant les tensions musculaires avec une
légère pression sur les zones gâchettes que j’obtiens les meilleurs résultats.
Quand le onzième nerf crânien ne fonctionne pas bien, la branche ventrale
du nerf vague et le neuvième nerf crânien dysfonctionnent aussi. Le
traitement de l’un de ces trois nerfs améliore immédiatement la fonction des
deux autres, si bien qu’il est inutile de traiter les trois à la fois. L’exercice
de base est exemplaire de ce point de vue.
Certains auteurs n’hésitent pas à écrire que les « causes sous-jacentes de
la migraine sont inconnues20 » et qu’il est donc difficile de les traiter.
D’autres études montrent par ailleurs qu’un certain nombre d’états
psychologiques peuvent être associés aux migraines, parmi lesquels
l’activité de la branche dorsale du nerf vague, l’anxiété et les troubles
bipolaires21. Je trouve cela intéressant du point de vue de la théorie
polyvagale. Au chapitre 6, nous étudierons ces troubles psychologiques et
nous verrons qu’ils sont aussi l’expression physiologique d’états vagaux
non ventraux.
Les migraines ont-elles une composante musculo-squelettique ? Bien que
certains thérapeutes l’admettent, elle n’est généralement pas reconnue par
les médecins et les chercheurs en médecine. L’ouvrage Douleurs et troubles
fonctionnels myofaciaux montre pourtant des schémas de douleur localisés
d’un seul côté de la tête et causés par des tensions dans les muscles trapèzes
et sterno-cléido-mastoïdiens.
J’aime apprendre à mes patients à se traiter eux-mêmes quand ils souffrent
de migraine. En effectuant l’exercice de base, ils rétablissent d’abord le bon
fonctionnement de leurs nerfs crâniens X et XI. Puis ils cherchent et
massent les zones gâchettes adéquates. Ce traitement ne requiert aucun
médicament, n’a pas d’effets secondaires et ne coûte rien. Je suis convaincu
qu’il est à même de soigner les migraines en épargnant les analgésiques, les
antidépresseurs, les bêtabloquants ou les antiépileptiques utilisés
d’ordinaire. Tous ces médicaments causent des dégâts au foie et favorisent
parfois une accumulation de liquide autour du cerveau.
Je me souviens d’un charpentier de 42 ans qui prenait quotidiennement de
quinze à vingt antidouleurs sans ordonnance. Il s’inquiétait des effets
secondaires, car la notice indiquait de ne pas en prendre plus de huit par
jour. Il avalait le premier au saut du lit, en guise de mesure préventive. Mais
il se plaignait aussi qu’ils ne lui faisaient pas d’effet.
Je lui ai d’abord expliqué comment effectuer l’exercice de base. Puis je lui
ai montré les quatre schémas de douleur migraineuse. J’ai ainsi compris
quels muscles détendre et quelles zones gâchettes utiliser. Sa première
séance avec moi a réduit substantiellement le nombre de ses céphalées et
diminué l’intensité de celles qui restaient. Je lui ai suggéré, si la douleur
revenait, de se traiter avec ce qui suit.

MIGRAINES : UNE ÉTUDE DE CAS


Une femme souffrant de migraines depuis une dizaine d’années est venue
me voir. Elle avait une migraine au moment où elle est entrée dans mon
cabinet.
En moyenne, elle avait une crise sévère chaque mois, qui durait trois ou
quatre jours. Elle prenait des analgésiques, mais cela ne faisait pas effet.
Elle essayait d’éviter les déclencheurs comme le vin rouge, les odeurs
fortes, le soleil, etc., sans grand succès. Si elle pouvait rester au lit, la crise
n’était pas aussi grave.
Cette femme était journaliste et avait longtemps rédigé des rubriques
beauté dans des magazines. En travaillant chez elle, elle pouvait s’arrêter un
jour ou deux en cas de migraine. Mais ses maux de tête l’empêchaient
d’assister à de nombreux événements et de profiter de ses week-ends libres.
Environ un an avant de venir me voir, elle avait entamé une nouvelle
carrière comme journaliste télé et avait désormais plus de mal à s’organiser
en fonction de ses migraines. Elle devait coûte que coûte se rendre à son
travail et assister aux tournages. Elle avait besoin d’un traitement plus
efficace.
J’ai d’abord testé son nerf vague ventral et j’ai remarqué qu’il ne
fonctionnait pas bien. Puis je lui ai demandé d’effectuer l’exercice de base,
qu’elle a fait sans même que j’aie à la toucher. Je l’ai à nouveau testée et
j’ai constaté que son nerf vague ventral était désormais satisfaisant.
Je lui ai montré les quatre schémas de douleur, et elle a désigné celui qui
lui correspondait. Puis je lui ai appris à traiter les zones gâchettes avec ses
propres mains.
Il est toujours préférable que le patient apprenne à le faire lui-même, pour
pouvoir y revenir plus tard, s’il a d’autres migraines. Bien qu’il soit
agréable de revoir d’anciens patients, je préfère qu’ils soient autonomes au
lieu de dépendre de moi ou d’un autre thérapeute.
Elle a exploré son cou pour trouver les zones correspondant aux
emplacements des croix sur le schéma et repérer celles qui étaient dures ou
douloureuses. Puis, selon mes indications, elle les a massées doucement
jusqu’à ce qu’elles se détendent ou que la douleur diminue. À la fin de la
séance, sa migraine avait disparu.
Elle a vécu sans migraine pendant quatre mois et demi. Quand une
migraine est revenue, elle a refait l’exercice de base et a massé ses zones
gâchettes. Cela l’a stoppée net.
CHAPITRE 6
Problèmes somatopsychologiques
Le terme « psychosomatique » désigne tout ce qui concerne les effets de
l’esprit sur le corps. Issue de la psychanalyse, la médecine psychosomatique
a par la suite intégré d’autres théories, au carrefour des dimensions
psychologiques, comportementales et sociales de l’individu et de la
physiologie de l’organisme. Mais, à ma connaissance, peu de psychiatres,
de psychologues et de psychanalystes ont étudié la proposition inverse.
Pourrait-on qualifier une maladie de « somatopsychologique », en ce sens
que les effets de la physiologie influenceraient l’esprit ?
Le mot psychologie vient du grec ancien psyché, et signifie « étude de
l’esprit ». Il n’est pas question du corps dans cette approche. Lorsque Freud
élabora la psychanalyse, les modalités de son traitement étaient 100 %
verbales. Il laissait parler ses patients sans les interrompre, ne dialoguait pas
avec eux et ne croisait même pas leur regard. Ses patients restaient en
analyse pendant des années.
Pour se spécialiser en psychiatrie, il faut d’abord faire des études de
médecine. Autrefois, les étudiants en psychiatrie devaient aussi entamer une
psychanalyse, qui pouvait durer plusieurs années. Le nombre de psychiatres
formés était donc restreint et, aux États-Unis, la plupart des gens n’avaient
pas les moyens de s’offrir un traitement.
Par la suite, la psychologie clinique a offert un cadre différent. Titulaires
d’un master de psychologie, les psychologues cliniciens font appel à
différents modèles de la psyché et dialoguent avec leurs patients pour les
aider à améliorer des états émotionnels et/ou des comportements.
Comparées à la psychanalyse, les thérapies sont courtes mais restent
onéreuses car non remboursées par la Sécurité sociale.
Aux États-Unis, de nombreux thérapeutes proposent des thérapies de
groupe, moins chères puisque de nombreux patients se partagent le coût de
la séance. Mais c’est un processus aléatoire, qui ne garantit pas une prise en
charge individuelle.
La psychiatrie actuelle fait de plus en plus appel à la pharmacologie pour
traiter les comportements et les états émotionnels. Après une période
initiale de consultation, les patients prennent des traitements au long cours
et ne revoient leur médecin que de loin en loin. Comparée à une démarche
thérapeutique en face-à-face, c’est une solution rentable pour eux, mais ces
traitements pèsent de plus en plus lourd sur les assurances et les économies
nationales.
La psychiatrie et la psychologie ayant exclusivement mis l’accent sur
l’esprit et les médicaments sur ordonnance étant désormais largement
utilisés, il est possible qu’on néglige ce qui pourrait solutionner ces
problèmes de santé à moindre coût et sans effet secondaire.
Dans ce chapitre, nous allons donc étudier des solutions alternatives aux
problèmes de santé mentale et psychique, notamment la possibilité de
réguler le système nerveux avec des exercices et des techniques manuelles.
En me fondant sur mon expérience clinique des douze dernières années, je
suis convaincu qu’avec une compréhension élémentaire de la théorie
polyvagale, on peut traiter facilement son système nerveux autonome. Il se
pourrait même qu’on puisse surmonter ce qu’on considérait jusqu’ici
comme des états psychiatriques insolubles.

ÉMOTIONS ET SYSTÈME NERVEUX AUTONOME


Êtes-vous communicatif·ve, amical·e et coopératif·ve ? Ou bien
renfermé·e, dépressif·ve et apathique ? Êtes-vous coléreux.se, agressif·ve,
anxieux·se, peureux·se ou introverti·e ? Comment réagissez-vous à votre
entourage ou aux inconnus ?
La réaction aux autres est fondée en partie sur l’état dans lequel on est et
en partie sur l’état dans lequel se trouvent ces autres. Les émotions se
manifestent dans les interactions entre les systèmes nerveux autonomes. En
tant que mammifères, nous sommes des animaux sociaux. La survie, autant
que l’épanouissement, dépend des interactions avec autrui. Et le ressenti à
l’égard d’une situation ou d’une personne est un facteur du comportement.
Cette personne a-t-elle besoin de mon aide ? Est-ce que j’aime passer du
temps avec elle ? Prend-elle le temps de m’écouter ? Suis-je prêt à faire de
même pour elle ? Suis-je en sécurité avec elle ? Pouvons-nous collaborer,
coopérer, nouer des liens ? Y a-t-il une possibilité d’intimité et
d’attachement à long terme ? Et si c’est le cas, ai-je assez de temps à passer
avec elle ? L’accumulation de moments de plaisir et de partage donne la
force d’affronter les difficultés.
Le bon fonctionnement des nerfs crâniens de l’interaction sociale est vital
pour la communication et l’attachement. Ces cinq nerfs facilitent l’écoute,
façonnent le discours et favorisent la compréhension du discours. Suis-je
capable de regarder mon interlocuteur dans les yeux ou l’exclué-je de mon
champ visuel ? La sécurité et la sérénité permettent normalement de tenir
une conversation à double sens, d’écouter et d’échanger des indices visuels
significatifs.
Je considère le système nerveux autonome et les états émotionnels comme
les deux faces d’une même pièce. Pour modifier son état émotionnel ou
celui d’autrui, il suffit selon moi de manipuler l’état du système nerveux
autonome pour le faire passer d’un état vagal dorsal ou de stress à un état
vagal ventral d’interaction sociale.

L’AUTORÉGULATION DU SYSTÈME NERVEUX AUTONOME


Les interactions avec des gens équilibrés et ouverts sont peut-être la
manière la plus naturelle de parvenir à l’autorégulation. Lorsqu’on a un
problème, on en parle avec un ou une ami·e. On partage un repas ou un
café. On chante, on danse ou on se promène ensemble.
Une autre manière de réguler le système nerveux autonome est d’effectuer
les exercices que je préconise. Une kyrielle d’autres pratiques, de cultures et
de traditions diverses ont été utilisées au fil des siècles avec profit : la
méditation, le taï chi, la respiration yogique (pranayama), pour n’en citer
que quelques-unes. Pour méditer, il faut s’asseoir en silence et résister à
l’envie de lutter ou de fuir. On apprend à rester éveillé et à écarter le repli
ou la dissociation. Dans la pratique du taï chi, on bouge lentement et de
façon détendue pour suivre les mouvements de l’énergie.
Lorsqu’on arrive à conserver un état vagal ventral, ou du moins à y
revenir rapidement, on jouit d’une santé optimale. On réalise son potentiel
humain, on apprécie la compagnie d’autrui et on fait ce que l’on veut de sa
vie.

UN REGARD NEUF SUR LES DIAGNOSTICS PSYCHIATRIQUES


Je ne suis ni psychiatre ni psychologue, mais j’ai rencontré beaucoup de
gens à qui on avait diagnostiqué des troubles psychologiques ou
psychiatriques. Bien que j’aie suivi de nombreux cours dans ce domaine,
c’est en les écoutant me raconter leur histoire que j’en ai appris le plus. Je
vais présenter quelques-uns de ces cas. Même s’ils sont anecdotiques, ils
me permettront d’exposer ma compréhension personnelle de la théorie
polyvagale et de ses implications. Que vous soyez praticien, consommateur
de soins ou simple lecteur, j’espère ainsi vous encourager à jeter un regard
neuf sur certains de ces problèmes.
Les corrélations entre esprit, corps et émotions ne font pas de doute pour
moi. Des troubles aussi divers que le stress post-traumatique, l’anxiété, les
phobies et les troubles du spectre autistique ont tous une composante
somatique, et presque toutes les souffrances prétendument psychologiques
relèvent d’un manque de souplesse et de résilience du système nerveux
autonome.
Je trouve donc fructueux de prendre en compte la composante somatique
de ce que l’on appelle généralement les « problèmes psychologiques ».
L’identification et le traitement des manifestations du système nerveux
autonome recèlent un grand potentiel de guérison, avant même le traitement
psychiatrique ou psychologique desdits problèmes.
Si l’esprit, le corps et les émotions constituent une unité, il s’ensuit qu’on
peut aider ceux qui souffrent avec des thérapies manuelles, surtout si elles
leur permettent de sortir du stress ou de l’activité vagale dorsale et de
regagner une plus grande souplesse de la réaction autonome.

Anxiété et crises de panique


Dès les débuts de la psychiatrie, au XIXe siècle, on s’est beaucoup occupé
des troubles anxieux.
L’anxiété occasionnelle fait partie de la vie. Il est normal d’être anxieux
quand on est préoccupé par un problème, qu’on va passer un examen ou
qu’on doit prendre une décision importante. Mais les troubles anxieux
impliquent davantage qu’une peur ou une inquiétude passagère.
Chez certains, l’anxiété est chronique et affecte tous les aspects de la vie,
quels que soient les efforts pour s’en débarrasser.
Les études contemporaines montrent que 18 % des Américains souffrent
de troubles anxieux sous une forme quelconque au cours d’une période de
douze mois. À l’échelle d’une vie, c’est 30 % qui en souffrent1.
La peur est un processus psychologique qui met en jeu l’activation du
système nerveux. Elle peut immobiliser (par l’activation vagale dorsale) ou
pousser à combattre ou à fuir (par l’activation de la chaîne sympathique).
Ses symptômes physiques comprennent entre autres la tachycardie,
l’accélération du souffle, la sécrétion d’hormones de stress, le rougissement,
les difficultés d’élocution, la transpiration des mains, des pieds et des
aisselles.
L’anxiété est similaire à la peur dans ses manifestations physiques, mais
ne se produit pas nécessairement en réaction à une situation concrète. Elle
peut être déclenchée par le rappel d’un événement passé ou l’imagination
d’un événement futur. Dans les deux cas, la menace n’intervient pas au
présent, mais l’état émotionnel est réel et a des conséquences
physiologiques.
Les crises de panique, quant à elles, sont de brèves expériences de terreur
ou d’appréhension intense. Elles surgissent brusquement et culminent en
moins de dix minutes, bien que le malaise puisse perdurer plusieurs heures.
La cause spécifique d’une crise de panique n’est pas toujours apparente,
mais elle est souvent déclenchée par des facteurs généraux tels que le stress,
la peur ou un excès d’exercice.
Les signes de peur sont reconnaissables dans une crise de panique :
tremblements, confusion, vertiges, nausées et difficultés à respirer. La
personne est tendue, pâle et elle transpire. L’odeur de sa sueur est
caractéristique.
Les chiens et autres mammifères réagissent immédiatement aux odeurs
sécrétées par divers états émotionnels. Les êtres humains réagissent aussi à
l’odeur de la peur, même s’ils n’en sont pas conscients. Le parfum, le
déodorant et le talc servent souvent à masquer les signes olfactifs de la peur
et de l’anxiété, mais il est difficile de cacher une paume moite ou une
poignée de main molle.
Comme l’anxiété, les crises de panique peuvent être efficacement traitées
avec les exercices et les techniques manuelles que je propose.
Il s’agit de contrer le principe de « la goutte d’eau qui fait déborder le
vase ». En effectuant régulièrement l’exercice de base, on réduit la quantité
« d’eau » dans le vase, si bien que la goutte proverbiale ne le fait plus
déborder. On prévient les crises ou on réduit leur fréquence et leur intensité.
Il est important de noter que certains médicaments et certaines drogues
ont des effets anxiogènes, car ils altèrent l’état du système nerveux
autonome.

ÉTUDE DE CAS : ANXIÉTÉ ET CRISES DE PANIQUE


Une femme est venue me voir, perturbée par des crises d’anxiété et de
panique qui l’empêchaient de mettre en œuvre son désir d’avoir un bébé.
Par ailleurs, elle avait mal du côté droit de l’abdomen. L’anxiété avait
débuté quinze ans plus tôt, quand elle avait été opérée de la valvule iléo-
cæcale à l’âge de 18 ans.
La valvule iléo-cæcale régule le passage du chyme dans le gros intestin.
Le chyme est la masse semi-liquide qui s’est formée dans l’estomac et
l’intestin grêle durant la digestion. La valvule iléo-cæcale est normalement
fermée et s’ouvre brièvement pour laisser passer le chyme. Une fois le
chyme dans le gros intestin, l’excès d’eau est absorbé et les fibres et les
déchets restants sont agglutinés en fèces puis éliminés.
Les problèmes surgissent quand la valvule iléo-cæcale ne s’ouvre pas bien
ou reste trop longtemps ouverte. Dans ce dernier cas, le chyme passe en
trop grande quantité dans le gros intestin ou, au contraire, reflue dans
l’intestin grêle.
Très gênant, le dysfonctionnement de la valvule iléo-cæcale
s’accompagne souvent de colites, de douleurs abdominales et inguinales, de
ballonnements, de mauvaises odeurs, de gaz et de difficultés respiratoires de
type asthmatique ou chronique obstructif.
Outre ses symptômes d’anxiété, cette patiente avait des élancements de
douleur du côté droit de l’abdomen (où est située la valvule iléo-cæcale).
Prenant très au sérieux ces douleurs, son médecin lui avait prescrit
plusieurs IRM et deux laparoscopies, mais n’avait rien découvert
d’anormal.
J’ai demandé à ma patiente pourquoi elle avait été opérée et elle m’a
répondu que c’était à cause de la douleur. Mais elle avait toujours mal au
même endroit, des années après l’intervention. Son chirurgien n’avait prêté
aucune attention à ses symptômes d’anxiété, bien qu’ils soient apparus peu
après l’opération. Personne n’avait évalué non plus le fonctionnement de
son système nerveux autonome.
La branche dorsale du nerf vague innerve la plupart des organes de la
digestion, dont l’intestin grêle, la valvule iléo-cæcale, le côlon ascendant et
le côlon transverse. Il exerce un contrôle moteur sur ces organes et en reçoit
en retour des informations sensitives.
La première chose que j’ai faite a été d’évaluer l’état du système nerveux
de cette dame en examinant sa gorge tandis qu’elle disait « ah-ah-ah ». La
luette penchait d’un côté (indiquant une dysfonction de la branche
pharyngienne du nerf vague, comme décrit au chapitre 4). J’ai aussi
effectué le test du pincement du trapèze (voir chapitre 5), pour vérifier le
niveau de tension des deux muscles trapèzes. Il y avait une nette différence
entre le côté droit et gauche.
Mon premier objectif était de rétablir son système nerveux autonome dans
un état vagal ventral. Je lui ai expliqué comment effectuer l’exercice de
base. Il n’a fallu que deux minutes pour lui montrer et deux minutes pour
qu’elle l’effectue. Après cela, elle s’est sentie beaucoup mieux et elle m’a
dit qu’elle n’était plus aussi anxieuse.
La tension musculaire d’un des trapèzes avait aussi disparu, comme je l’ai
constaté en les pinçant. Pour m’assurer que le changement attendu était bien
réel, j’ai regardé au fond de sa gorge et j’ai vu que sa luette était
parfaitement symétrique.
Puis j’ai employé une technique de massage viscéral pour éliminer la
douleur au niveau de la valvule iléo-cæcale.
Le chirurgien de cette dame supposait que l’opération avait été un succès
puisqu’il lui avait ôté la valvule iléo-cæcale. Jusqu’à ce qu’elle vienne me
voir, personne n’avait envisagé la possibilité que cette opération ait
constitué un traumatisme pour elle, laissant son système nerveux autonome
dans un état d’activité vagale dorsale.
Grâce à ce traitement, la patiente est passée d’un état d’anxiété débilitant
à un état d’interaction sociale. J’ai souligné avec force le fait qu’elle avait
opéré ce changement toute seule, et je lui ai recommandé de refaire cet
exercice si elle se sentait à nouveau anxieuse.
Puis je l’ai interrogée sur les difficultés que lui avait causées son anxiété
par le passé. Le simple fait de réfléchir à ma question a suffi à l’y ramener.
Elle a perdu le sourire et son visage est devenu tout pâle. Je lui ai refait faire
l’exercice de base, et elle m’a à nouveau dit qu’elle se sentait mieux. Elle
avait l’air plus détendue, les couleurs lui étaient revenues et sa respiration
était plus profonde. Elle avait senti son esprit passer de l’anxiété au calme.
Quand je lui ai redemandé de penser aux ennuis que lui avait causés
l’anxiété, elle est restée calme et m’a dit qu’elle croyait pouvoir gérer son
anxiété toute seule à l’avenir. J’ai à nouveau testé son système nerveux
autonome et j’ai constaté qu’elle était toujours en état d’activité vagale
ventrale. Elle n’avait plus de douleur.
Toutes ces améliorations se sont produites en une seule séance. Pour elle,
c’était un miracle, après toutes les souffrances qu’elle avait endurées. Quant
à moi, bien qu’heureux d’entendre cela, j’étais scandalisé que le chirurgien
n’ait jamais pris la peine d’examiner son système nerveux autonome et ne
connaisse pas le massage viscéral.
Un an et demi plus tard, j’ai reçu un email de cette femme. Elle me
remerciait pour mon traitement et m’écrivait qu’elle ne souffrait plus
d’anxiété. Je lui ai suggéré de revenir pour une séance, afin de soulager les
tensions restantes dans le tissu cicatriciel, car cette amélioration à long
terme ne venait pas seulement de la restauration de la fonction ventrale,
mais aussi du soulagement du traumatisme local.
La douleur peut causer de l’anxiété. Une opération chirurgicale, même
acceptée de bon gré, constitue une agression pour le corps et, comme tout
traumatisme, laisse des marques.

LA RÉGULATION SOCIALE DES ÉTATS ANXIEUX


Des interactions quotidiennes avec une famille unie, des amis et des
collègues peuvent grandement aider à réguler l’état psychologique. On ne
doit pas sous-estimer l’importance des propos anodins et des rituels comme
les repas, les cafés ou les promenades. Les relations sociales positives
aident le système nerveux à s’autoréguler.
De même qu’on élimine les mauvaises herbes dans le jardin, il vaut mieux
minimiser les contacts avec les personnes problématiques et maximiser le
temps passé avec celles qui donnent un sentiment de bien-être.
Par ailleurs, il est possible de se sentir à nouveau menacé lorsqu’on a été
traumatisé, soigné, puis rendu à la vie normale. L’aide d’un thérapeute est
parfois nécessaire pour revenir à un état d’interaction sociale, mais l’idéal
est de disposer des outils nécessaires pour y revenir soi-même. L’emprise
du modèle traumatique diminue chaque fois qu’on agit dessus. On se
repose, on se restaure, on accumule l’énergie pour affronter les prochains
défis de l’existence.
Même lorsque le réseau social personnel n’est pas bon, on peut avoir des
interactions positives avec des professionnels de santé tels que les masseurs,
les conseillers, les coachs, les psychologues ou les psychiatres. Il est
également possible de s’adresser à un enseignant ou à un leader spirituel et
de trouver du réconfort dans la prière ou les textes religieux.

TRAITER L’ANXIÉTÉ CHEZ LES ENFANTS


On dit souvent aux enfants qu’ils n’ont pas de raison d’avoir peur. Cette
réassurance suffit dans bien des cas à leur redonner un sentiment de
sécurité. Mais il serait plus productif de leur dire d’abord que leur peur est
compréhensible. Ils se sentiraient alors entendus et comprendraient que la
peur (comme les autres émotions) est une expérience normale. La meilleure
façon de faire est donc de dire « Il n’y a pas de quoi avoir peur », puis de
serrer l’enfant dans ses bras pour lui faire éprouver le contact d’un corps
détendu.

Phobies
Les phobies tiennent une large part dans les troubles anxieux et peuvent être
invalidantes. Une phobie se caractérise par une peur extrême et un
déclencheur spécifique.
On estime qu’entre 5 et 12 % de la population mondiale souffrent de
troubles phobiques2. Les phobiques anticipent des conséquences terrifiantes
à l’idée d’être face à l’objet de leur peur. Ils voudraient fuir, mais sont
paralysés. Même s’ils comprennent mentalement la dimension irrationnelle
de leur réaction, ils sont tout de même submergés par la peur3.
Les phobies sont catégorisées en fonction de leur objet : acrophobie (peur
des hauteurs), claustrophobie (peur des espaces clos), arachnophobie (peur
des araignées) par exemple. Le déclencheur peut être lié à un événement
biographique particulier, mais aussi venir d’une expérience virtuelle, écoute
de récit ou visionnage de film.
La liste de phobies sur Wikipedia (non exhaustive) comprend déjà vingt-
trois entrées commençant par la lettre A. Cela donne un aperçu de l’ampleur
du problème. Tout et n’importe quoi peut être à l’origine d’une réaction
phobique.
Les êtres humains ont tendance à classer les choses et à les nommer pour
tenter de mieux les comprendre. Mais plutôt que de s’attacher aux
différences entre l’ablutophobie (la peur de l’eau) et l’acousticophobie (la
peur du bruit), il serait préférable de s’intéresser à l’activité physiologique
du système nerveux autonome dans tous les cas de phobies.
Comme les parents rassurent leurs enfants en les serrant contre eux, vous
pouvez aider les personnes qui souffrent de phobies en les faisant passer
d’un état de frayeur à un état d’interaction sociale grâce à l’exercice de
base.
C’est la solution idéale pour redonner un sentiment de sécurité sans avoir
à toucher la personne.

Comportement antisocial et violences conjugales


La plupart des gens considèrent le comportement humain normal comme
l’expression de valeurs sociales positives. Mais en l’absence d’interactions
sociales, il est parfois difficile de comprendre les motivations d’autrui.
Nombreux sont les agresseurs qui ne se doutent absolument pas que
quelque chose ne va pas chez eux. Dans leur idée, c’est la victime qui a
causé ou justifié leur comportement. En d’autres termes, ils considèrent
leurs actes comme une réaction naturelle, voire une mesure d’éducation. « Il
a eu ce qu’il méritait » ; « c’est la seule manière dont elle apprend. »
Il semble difficile de comprendre comment des gens apparemment
normaux peuvent commettre des crimes violents. On peut supputer qu’ils
manquent d’empathie, mais cela ne dit rien sur leurs motivations. Est-ce la
défense du territoire, le goût du pouvoir, de l’argent, du sexe, la jalousie ou
l’aliénation qui les motive ? Ou est-ce seulement une colère qui s’intensifie
et explose brutalement ? Il faut rappeler que la plupart des crimes violents
ne sont pas prémédités.
J’ai écouté un jour un ex-prisonnier s’exprimer à la radio nationale
danoise. Il avait passé la plupart de sa vie d’adulte en prison pour différents
méfaits, dont plusieurs hold-up. Après sa sortie de prison, il avait rejoint un
programme de réinsertion comprenant du yoga, de la méditation et des
exercices de respiration. Cela l’avait aidé à reprendre le contrôle de ses
émotions et de ses actes, disait-il.
Quand le journaliste lui a demandé s’il avait des remords à l’égard de ses
victimes, il a répondu qu’il n’en avait pas ressenti à l’époque. « À la guerre,
a-t-il déclaré, les ennemis n’ont pas de visage. » Mais après avoir cessé ses
activités criminelles et intégré le programme de réinsertion, il avait
commencé à penser aux conséquences de ses actes.
Il peut y avoir ou non un motif rationnel derrière les actes d’un criminel,
mais celui-ci est de toute façon dans un état sympathique de combat ou de
fuite quand il les commet.

UN « TYPE BIEN » COMMET DES CRIMES DE GUERRE


Un jeune homme s’engage dans l’armée pour servir son pays. On le forme
au combat et on lui enseigne les règles de conduite d’un soldat en zone de
guerre : la Convention de Genève interdit la torture, le viol, le vol et
l’assassinat de civils.
La majorité des soldats obéissent à ces règles, mais il arrive qu’il y ait des
dérapages. Durant une patrouille de routine, le meilleur ami de ce jeune
homme est tué par un sniper ennemi. Puis d’autres amis sont tués ou blessés
dans un attentat à la bombe. Soudain, le jeune soldat craque. Pris de folie
furieuse, il rassemble quelques civils, les attache, viole l’une des femmes
devant sa famille et les massacre tous. Il est jugé par l’armée, reconnu
coupable et condamné à une longue peine de prison.
Ses parents et ses amis sont en état de choc. Ils n’arrivent pas à croire
qu’il ait pu faire une chose pareille. « C’est un garçon si gentil », « il vient
d’une bonne famille », « ça ne lui ressemble pas du tout », « petit, il était
toujours serviable et amical. »
Le terme « trouble explosif intermittent » désigne l’occurrence de brefs
épisodes d’agressivité contre les gens ou les biens. La personne qui en est
atteinte explique parfois que ce comportement explosif a été précédé d’une
sensation de tension ou d’excitation. Dans la perspective du système
nerveux autonome, c’est un exemple de mobilisation extrême avec peur.
Comme l’anxiété, elle résulte d’une réaction incontrôlable de combat ou de
fuite.
Ces actes font régulièrement la une des journaux télévisés : fusillade dans
une école primaire, bombe dans une église ou attentat suicide. Fascinés, les
spectateurs suivent le reportage en se disant que des actes pareils sont
incompréhensibles.
En effet, le comportement de l’individu semble injustifiable ; sa violence
est hors de proportion avec ce qui a pu la provoquer. Quand on lui demande
pourquoi il a fait cela, il est incapable de l’expliquer ou donne des raisons
dénuées de sens pour les autres. Il a peut-être éprouvé un soulagement après
l’acte mais il est de courte durée, et d’autres épisodes sont à craindre quand
la tension remontera.

ÉTUDE DE CAS : VIOLENCES CONJUGALES RÉPÉTÉES


La violence conjugale n’a rien à voir avec la violence de la guerre ou la
violence aléatoire de la rue. Elle se déclenche parfois simplement parce que
la relation amoureuse a viré à l’aigre.
Intéressons-nous maintenant à la victime.
Attirés l’un par l’autre, un homme et une femme passent beaucoup de
temps ensemble. Ils finissent par se marier et fonder une famille. Elle se
sent en sécurité avec lui et a même l’impression qu’il la protège. Un jour, il
perd brusquement son calme et la frappe. Choquée, elle se met à pleurer.
Une fois calmé, il la serre dans ses bras et lui dit qu’il est désolé. Elle lui
demande de promettre qu’il ne refera plus jamais cela. Il promet et au bout
d’un moment ils tournent la page. Elle reste méfiante pendant quelque
temps, mais il semble s’être calmé. La vie reprend comme avant, en
apparence.
Un jour, il se remet en colère et la frappe sans crier gare. Elle n’a pas
seulement mal physiquement, elle a peur. Quand sa colère s’estompe, il lui
dit qu’il regrette. Une fois encore, ils s’embrassent et font la paix. Mais le
cycle se répète, et elle commence à vivre avec la peur au ventre. Il est plus
fort qu’elle, et elle ne peut pas se défendre. Elle rêve parfois de l’assommer
avec une poêle à frire pendant son sommeil.
Elle envisage de fuir avec ses enfants. Mais où irait-elle ? Et comment
pourrait-elle subvenir à ses besoins et ceux de ses enfants ? Que diraient les
gens ? Elle se sent piégée et n’arrive pas à voir d’issue. À contrecœur, elle
reste. Mais la joie qu’elle éprouvait à l’origine est morte. Il remarque
qu’elle est plus froide envers lui et cela l’irrite : « Qu’est-ce qui ne va pas
chez toi ? »
Après quelques autres scènes, elle perd toute envie de riposter ou de fuir.
Elle se contente d’endurer et se dissocie de son corps quand il la bat. C’est
comme s’il lui était désormais indifférent qu’il soit violent avec elle. Elle se
voit même de loin lors de ces épisodes. Elle espère seulement qu’il va
s’arrêter. Mais pour finir, elle cesse même d’espérer.
Cette femme a parcouru un long chemin de l’amour (interaction sociale) à
la mobilisation avec peur (riposter et/ou fuir), puis à l’immobilisation avec
peur. Elle a succombé à un état que l’on peut qualifier de « figé », fait
d’apathie, de détachement et de désespoir. Sa passivité et son renoncement
ont peut-être contribué à sa survie. Si elle s’était défendue ou avait tenté de
fuir, la violence de son mari aurait sans doute redoublé.
Elle a trop honte pour en parler, alors elle souffre seule. Elle craint
d’entendre des réactions qui sonneraient comme des condamnations :
« Pourquoi n’es-tu pas partie ? », « pourquoi ne m’as-tu pas appelé ? »,
« comment as-tu pu le laisser te faire ça ? », « si tu n’as rien fait, c’est de ta
faute. » Ce dont elle a besoin, c’est d’être comprise, rassurée et soutenue.
Qui pourrait comprendre que son système nerveux a été mis hors service
par le passage de l’interaction sociale au stress, puis au repli et à l’apathie ?
C’est le traumatisme qui explique son comportement. Autour d’elle, on
suppose qu’elle est toujours la même – rationnelle, équilibrée et sociable –
et on est prompt à la juger sans comprendre les mécanismes émotionnels et
instinctifs à l’origine de cet état de choses.
Une femme battue a besoin d’un environnement sûr, où elle sera protégée
des coups. Les événements ont déjà eu lieu, et on ne peut pas les changer,
mais elle peut changer la manière dont elle y réagit émotionnellement.
Est-il possible de guérir des violences et de reprendre une vie normale ?
Quand la femme dont je parle est venue me voir, elle avait déjà rompu avec
son mari. La première chose que j’ai faite a été de tester la fonction de son
nerf vague ventral. J’ai constaté sans surprise qu’elle était dans un état
d’activité vagale dorsale. Je l’ai testée à nouveau avant la fin de la première
séance et j’ai pu voir qu’elle était passée dans un état d’interaction sociale.
J’ai encore traité son cou et son dos, et elle m’a dit qu’elle se sentait
beaucoup mieux.
Mais lorsqu’elle est revenue pour la séance suivante, deux semaines plus
tard, elle était à nouveau en souffrance, désorientée, repliée et apathique.
Elle a bien réagi à la séance et elle est revenue à un état d’interaction
sociale. La même chose s’est passée lors des séances suivantes. Elle quittait
mon cabinet dans un état d’interaction sociale, et les effets positifs duraient
de plus en plus longtemps. Avec le temps, mes traitements ont fini par la
sortir de la peur, de la tristesse et du désespoir. Elle était de moins en moins
affectée par des émotions pénibles. Des interactions avec autrui, même
ponctuelles, peuvent suffire à réguler un système nerveux très affecté.
À l’époque, je n’avais pas encore élaboré et testé l’exercice de base. J’ai
enseigné à cette patiente la technique de relâchement neurofascial qui lui
permettait de soulager la tension dans sa nuque chaque fois qu’elle
éprouvait de la peur, de la colère ou de l’impuissance.

VIOLENCES DOMESTIQUES : PAS SEULEMENT LES HOMMES


Les hommes sont parfois battus par leurs femmes, les enfants battus par
leurs parents et les parents battus par leurs enfants. Bien que peu de
victimes en parlent, les violences domestiques sont un problème plus grave
qu’on ne pense.
Quand j’en parle en cours, je constate de fortes réactions émotionnelles
chez les femmes. Peut-être ont-elles été frappées par un père ou un
amoureux, peut-être ont-elles une fille, une mère, une amie qui a été victime
de violence conjugale ou d’agression sexuelle. Quelle est l’ampleur de ce
phénomène, exactement ?
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) du gouvernement
américain ont mené une enquête nationale sur les violences physiques ou
sexuelles entre partenaires intimes4. Cette enquête montre qu’elles sont
omniprésentes aux États-Unis. Le champ d’étude couvre les relations entre
amoureux, époux et ex-époux, et les violences telles que les coups de poing,
les coups de pied ou tout usage de la force physique. Quant à la fréquence,
elle peut aller d’un seul épisode à des coups répétés et constants.
Les CDC rapportent les faits suivants dans une étude intitulée Intimate
Partner Violence in the United States – 20105.
• Près d’une femme sur cinq (18 %) et d’un homme sur soixante et onze
(1,4 %) ont été violés au cours de leur vie.
• Une femme sur quatre (25 %) et un homme sur sept (14 %) ont été
victimes de « graves » violences physiques de la part d’un partenaire.
• Une femme sur six (17 %) et un homme sur dix-neuf (5 %) ont été
harcelés durant leur vie.
• Les femmes qui ont subi des violences physiques, ont été violées ou
harcelées au cours de leur vie sont plus susceptibles que celles qui n’ont
pas subi ces expériences de souffrir d’asthme, de diabète et de
colopathie fonctionnelle.
• Les hommes et les femmes qui ont subi ces formes de violence sont plus
susceptibles de souffrir de céphalées, de douleurs chroniques, de
troubles du sommeil, de handicaps et de mauvaise santé physique et
mentale que ceux qui n’en ont pas subies.
Il faut noter que des statistiques telles que celles-ci sous-estiment toujours
le problème, car les victimes de violence sont nombreuses à ne pas en parler
à âme qui vive, par peur ou par honte.
Ces maltraitances commencent souvent dès l’enfance. Plus tard, la
violence débute par des abus émotionnels puis progresse vers des
agressions physiques ou sexuelles ou un mélange des deux. Plus les
violences durent, plus les effets psychologiques sont graves.
Les expériences traumatiques ont des conséquences à la fois à court et
long terme. Les symptômes peuvent comprendre des flash-back, des crises
de panique et des troubles du sommeil. Les victimes ont souvent une piètre
estime d’elles-mêmes et ont du mal à faire confiance aux autres et à nouer
des liens. La colère, la peur et le désespoir qu’elles ressentent peuvent
déboucher sur des troubles alimentaires, des symptômes d’activité du
circuit dorsal du nerf vague et des pensées suicidaires. Les violences entre
partenaires sont également liées à des conduites à risque, car les victimes
tentent de gérer leurs traumatismes avec de l’alcool, de la drogue ou des
partenaires sexuels multiples.
Après un viol, le système nerveux est en état de choc ou de sidération. Les
menaces de l’agresseur ont donc encore plus d’impact dans cet état de
vulnérabilité hypnotique. La victime peut être dans l’impossibilité de parler
de ce qui s’est passé. Afin de déverrouiller la situation, le thérapeute peut
demander : « Répondez-moi par oui ou non : quelqu’un a-t-il menacé de
vous faire du mal si vous parliez de cela ? »

VIOLENCES ET MODIFICATIONS CÉRÉBRALES


La structure et la fonction du cerveau des victimes comme des auteurs de
violences subissent des modifications, en particulier dans l’amygdale.
L’amygdale est située dans le lobe temporal. Elle est impliquée dans la
reconnaissance des stimuli émotionnels et dans les réponses
comportementales en situation de risque. Grâce au scanner, on sait que son
activité augmente durant les expériences émotionnelles négatives.
L’exposition répétée ou prolongée au stress la fait grossir, et une amygdale
plus grosse favorise à son tour un état de stress ou de sidération6.
L’hippocampe est situé dans le lobe temporal, près de l’amygdale. C’est là
que sont emmagasinés les souvenirs non traumatiques. L’exposition
prolongée à des expériences menaçantes ou dangereuses fait aussi rétrécir
l’hippocampe7.

SORTIR DU PASSÉ POUR SE REBRANCHER SUR LE FUTUR


On guérit plus vite d’un traumatisme lorsqu’on peut se rappeler ses rêves et
ses objectifs, tout ce qui donne sens à la vie.
J’ai demandé à ma patiente battue : « Quels étaient vos rêves autrefois ?
Qu’aviez-vous envie de faire ? » Elle voulait rebâtir une vie heureuse pour
son fils et elle. Peu à peu, elle a commencé à regarder vers l’avenir au lieu
de rester fixée sur le passé.
Selon mon expérience, un traumatisme unique permet en général de
rebondir rapidement. En revanche, une longue série d’agressions physiques
et psychologiques est beaucoup plus difficile à surmonter.
Pour traiter avec succès un patient ou une patiente dans un tel cas, il faut
pouvoir le ramener systématiquement à un état d’interaction sociale,
jusqu’à ce qu’il ou elle regagne une stabilité suffisante pour s’autoréguler et
fonctionner normalement. La réappropriation de ses rêves et objectifs est
une étape importante dans ce processus.

Syndrome de stress post-traumatique


Le syndrome de stress post-traumatique est un diagnostic courant. Avec les
guerres en Irak et en Afghanistan, les Américains ont pris conscience que
les soldats souffrant de stress post-traumatique sont légion. Il est triste de
penser que tant d’hommes et de femmes qui ont servi leur pays se
retrouvent socialement isolés et qu’un nombre alarmant d’entre eux se
suicident.

TRAUMATISME ET SYSTÈME NERVEUX AUTONOME


La résilience du système nerveux permet normalement de rebondir après un
traumatisme. Ce n’est malheureusement pas le cas pour tout le monde.
Les événements intenses ou choquants sont courants, mais les réactions
diffèrent grandement. Certains arrivent à se reprendre et à continuer leur
vie, tandis que d’autres souffrent de conséquences durables, épuisantes ou
mêmes invalidantes à long terme. Le terme « stress post-traumatique » est
une description exacte de l’état d’activité sympathique dans lequel ces
personnes sont enfermées.
Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Il arrive qu’il s’agisse en réalité
d’un état d’activité vagale dorsale, avec un comportement dépressif. Dans
ce cas, le diagnostic de « stress post-traumatique » est inexact. Cela peut
prêter à confusion et conduire à des traitements inefficaces. Il serait plus
correct de parler de deux possibilités après un traumatisme : un état
d’activation chronique de la chaîne sympathique (réaction de combat ou de
fuite) ou un état d’activation chronique dorsal vagal (repli ou sidération). Il
arrive néanmoins que les victimes de traumatisme fassent des allers-retours
entre ces deux états.
L’étiquette « stress post-traumatique » reconnaît seulement que ces
personnes ont été traumatisées et qu’elles souffrent de répercussions
psychologiques et émotionnelles, mais n’indique pas la nature de ces
problèmes. Je ne la trouve donc pas assez spécifique.
De nombreux patients qui viennent à la clinique avec un diagnostic de
stress post-traumatique ne sont pas stressés nerveusement (via l’activation
de la chaîne sympathique). Ils sont en fait dans un état vagal dorsal
chronique. Ils ne sont pas mobilisés pour le combat ou la fuite, mais
immobilisés par la peur, l’apathie et le désespoir. Les traiter comme s’ils
étaient stressés est par conséquent erroné et contre-productif.
En distinguant le stress post-traumatique de la sidération post-
traumatique, on dispose d’une image plus claire. Les comportements et les
symptômes du patient sont-ils un signe d’activité sympathique ou d’activité
de la branche dorsale ?
Les thérapeutes du traumatisme ont tendance à se focaliser sur le
traumatisme lui-même, plutôt que sur la fixation psychophysiologique qui a
suivi l’événement. Si le récit du premier peut soulager le stress, il est
susceptible d’avoir aussi un effet contre-productif, lorsque la personne se
re-traumatise en racontant ce qui lui est arrivé. Dans bien des cas, il est plus
facile et plus effectif de contourner le récit de l’événement et de restaurer
l’état d’interaction sociale avec des exercices ou des traitements manuels.
Un projet danois a réuni un groupe de thérapeutes traitant des victimes de
traumatisme en Afghanistan et en Irak. Il y avait parmi eux des
psychologues cliniciens, des thérapeutes manuels utilisant diverses
modalités et un thérapeute crânio-sacré. Tous les sujets de l’expérience ont
bénéficié du même nombre de séances, qu’il s’agisse de thérapies verbales
ou non verbales.
En examinant les résultats, les thérapeutes ont remarqué que les sujets qui
avaient commencé par la thérapie crânio-sacrée avaient de meilleurs
résultats que ceux qui avaient commencé par une séance de thérapie
verbale. Marc Levin, un des psychologues, a émis l’hypothèse que
lorsqu’ils avaient été détendus et rassurés par une thérapie manuelle, ils se
sentaient plus solides et étaient par conséquent plus disposés à parler de ce
qu’ils avaient vécu. A contrario, il avait été plus difficile de lâcher prise
pour les sujets qui avaient dû d’emblée parler de leur expérience. Certains
avaient même remobilisé leur traumatisme8.
Le rappel d’un événement traumatique peut en effet remobiliser l’état
émotionnel correspondant et faire entrer dans une sorte de transe
hypnotique. Ce phénomène peut être renforcé par le thérapeute lui-même
qui, en commentant l’événement, légitime en quelque sorte la plainte. C’est
ainsi qu’il est possible de sortir d’une séance de thérapie dans un état pire
que celui dans lequel on était arrivé.

STRESS POST-TRAUMATIQUE ET ACTIVITÉ DE LA BRANCHE


DORSALE
Mon objectif avec les personnes souffrant de stress post-traumatique est de
les sortir d’un état d’activité du circuit sympathique ou vagal dorsal et de
les ramener à un état d’interaction sociale. L’étape suivante est de les aider
à rester socialement actives en répétant cela autant de fois que nécessaire.
Il est inexact de supposer que l’activité de la branche dorsale est un
problème psychologique à traiter verbalement. Il s’agit en réalité d’un état
psychophysiologique. On traite souvent les manifestations d’activité de la
branche dorsale avec des antidépresseurs, qui fonctionnent comme des
stimulants. Cela excite et mobilise le système nerveux, mais n’induit pas les
comportements et les états voulus (interaction sociale et bonheur).
Une nouvelle conception du stress et du rôle des différentes branches du
nerf vague serait d’une grande utilité pour traiter les troubles
psychiatriques. Les états physiologiques résultant de l’activation des
viscères par la branche dorsale vagale équivalent à un épuisement
formidable des ressources énergétiques et une perte de qualité de vie pour
les individus concernés, leur famille et leur entourage, mais aussi une perte
économique étant donné les coûts astronomiques des traitements
psychiatriques. Je crois possible de ramener les personnes dépressives au
degré le plus élevé de la fonction autonome grâce aux techniques manuelles
et aux exercices, simples et bon marché, décrits dans ce livre.

RESTAURER LA FONCTION VAGALE APRÈS UN


TRAUMATISME
Dans des conditions normales, le système nerveux autonome s’autorégule
naturellement. À l’inverse, lorsque des réactions de survie telles que le
combat, la fuite ou l’immobilisation ont été excitées mais pas complètement
déchargées, le stress post-traumatique s’installe. La dérégulation du système
nerveux aboutit à la dissociation. On perd le contact avec soi, avec autrui,
avec le moment présent. Les expressions ne manquent pas pour décrire cet
état : on est « déconnecté », « plus en phase », « on marche à côté de ses
pompes », « on n’a pas les yeux en face des trous ».
En termes de système nerveux autonome, il s’agit de la perte de fonction
de la branche vagale ventrale. Le test de la fonction vagale décrit au
chapitre 4 permet de le confirmer.
Pour restaurer l’autorégulation de la fonction vagale, il faut s’enraciner,
revenir à ses sens, à son corps, à l’ici et maintenant. Certains usent pour
cela de la méditation, de la prière, de la pêche ou de la solitude.
Dans la deuxième partie de ce livre, je présente des exercices pour
restaurer la fonction vagale ventrale en quelques minutes, parmi lesquels
une technique de relâchement neurofascial.
Certains préfèrent faire appel à un thérapeute, un coach ou un enseignant.
L’important n’est pas la méthode ou les résultats que ces praticiens
prétendent obtenir, mais la question est de savoir si elle marche. Si un test
montre que le nerf vague ventral est dysfonctionnel avant l’intervention,
alors le même test doit prouver qu’il est redevenu fonctionnel après.
Si l’on veut restaurer la régulation du système nerveux avec ces
interactions sociales, il faut s’assurer que ceux avec lesquels on interagit
sont eux-mêmes en état de bien fonctionner. Il est facile de l’évaluer en se
demandant si on se sent mieux ou pire après les avoir rencontrés. Une fois
rééquilibré, on doit aussi disposer d’une meilleure résilience envers les
situations ou les personnes qui accablaient précédemment. Idéalement, on
est moins affecté par elles ou, du moins, on récupère plus rapidement.
Il est également important d’être patient. Les progrès, même minimes,
facilitent les choses. Vivre, c’est affronter une succession de défis, de
menaces et de dangers. La régulation, quant à elle, est un processus continu,
qui traite les difficultés à mesure qu’elles surgissent. Il est plus facile
d’affronter une épreuve lorsqu’on est enraciné et qu’on conserve un bon
fonctionnement de la branche ventrale du nerf vague.

Dépression et système nerveux autonome


La dépression continue d’être la principale cause d’invalidité aux États-
Unis et au Canada (10 %)9. Les prescriptions d’antidépresseurs ne cessent
d’augmenter ces dernières années10. Au Danemark, environ 8,3 % de la
population prend des antidépresseurs11. Ces médicaments sont au troisième
rang des ordonnances aux États-Unis, avec des ventes globales de plus de
9,8 milliards de dollars en 201312.
Le premier signe de dépression est bien souvent une perte d’intérêt pour
les activités ordinaires telles que le travail et les loisirs. Il y a ensuite la
perte d’appétit ou, au contraire, une boulimie accompagnée de troubles
digestifs. L’énergie est réduite, et l’inactivité, l’introversion, l’apathie,
l’impuissance et l’asociabilité s’installent. Les personnes dépressives se
sentent tristes, anxieuses, vides, sans espoir, sans valeur, coupables,
honteuses, irritables ou agitées. Elles sont léthargiques et n’arrivent pas à se
mobiliser pour atteindre un but. Elles ont souvent des problèmes de
concentration, de mémorisation et de prise de décision. Elles souffrent
parfois de douleurs fibromyalgiques. Certaines envisagent, tentent ou
commettent le suicide. Tous ces symptômes relèvent de l’activité de la
branche dorsale du nerf vague.
Le médecin auquel on s’adresse lorsqu’on se sent déprimé tente de
déterminer s’il s’agit de stress ou de dépression. Au lieu de supposer qu’ils
puissent être semi-permanents, il prescrit un traitement à prendre sur des
mois, voire des années.
Beaucoup de mes patients dépressifs souhaiteraient cesser leur traitement.
Bien que je les soutienne en cela, je leur recommande de ne le faire qu’en
accord avec leur médecin et de s’informer des effets secondaires et des
paliers de désaccoutumance des médicaments en question.
Une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association a
montré que la prescription d’antidépresseurs ne marche pas mieux qu’un
placebo dans les cas de dépression légère13. Par ailleurs, il est bien connu
que ces médicaments ont des effets secondaires. Pourtant, les
antidépresseurs sont la classe de médicaments la plus consommée aux
États-Unis, avec 270 millions d’ordonnances rédigées chaque année14.
Cela soulève des questions évidentes : pourquoi les médecins prescrivent-
ils autant d’antidépresseurs ? Une nouvelle approche ne serait-elle pas
bénéfique ? Pour moi, le problème sous-jacent est que l’on ne comprend pas
la nature du système nerveux autonome, qui doit être souple, résilient et
affecté temporairement seulement par les facteurs de stress. À cet égard, la
théorie polyvagale pointe une nouvelle direction.
La littérature médicale s’est intéressée davantage à la physiologie du
stress chronique qu’à celle qui sous-tend la dépression. Quand les gens
viennent me voir avec un diagnostic de dépression ou quand ils affichent un
comportement dépressif, je constate que leur problème s’accompagne
généralement d’une activation de la branche vagale dorsale.
Avant la théorie polyvagale, on ne disposait pas d’un modèle nerveux
pour les problèmes vagaux dorsaux. C’est peut-être pourquoi il a été si
difficile de trouver des traitements sûrs, efficaces et non chimiques pour les
états dépressifs. La théorie de Stephen Porges s’intéresse à la relation entre
le système nerveux autonome, les émotions et le comportement et suscite
un intérêt croissant chez les psychologues, les psychiatres et un aréopage de
thérapeutes du traumatisme.

Troubles bipolaires
Le terme « troubles bipolaires » recouvre un schéma comportemental
marqué par des périodes d’activité frénétique alternant avec des périodes de
dépression.
Les premières que l’on qualifie de « maniaques » sont caractérisées par
des niveaux d’énergie anormalement élevés et une humeur exaltée et
euphorique. Elles sont suivies de périodes d’activité de la branche vagale
dorsale, ressenties comme un manque d’énergie. Chez certains, des périodes
de sentiments « normaux » s’intercalent entre les changements d’humeur ;
chez d’autres, les épisodes de manie et de dépression alternent sans répit.
Quelques-uns souffrent d’hallucinations et d’illusions de type psychotique
et la plupart sont dissociés à des degrés divers. Les troubles bipolaires
affectent environ 4 % de la population américaine15.
Dans la perspective de la théorie polyvagale, on peut considérer la phase
maniaque comme une activation de la chaîne sympathique.
Je ne suis pas formé pour faire des diagnostics psychiatriques. Mes
observations sont empiriques, fondées sur le traitement de patients qui me
déclarent avoir été diagnostiqués comme bipolaires. Mais il me semble
remarquable que la même approche – des techniques manuelles pour
rétablir les interactions sociales – aide tant de gens avec des diagnostics
différents, dont les troubles bipolaires.

ÉTUDE DE CAS : TROUBLES BIPOLAIRES


Il y a quelques années, une femme d’une cinquantaine d’années est venue
me voir. Je lui ai demandé ce qu’elle attendait en termes de changement.
Elle m’a répondu qu’elle avait entendu parler en bien de la thérapie crânio-
sacrée et qu’elle voulait « se détendre davantage ».
Elle a poursuivi en me disant qu’on l’avait diagnostiquée comme bipolaire
et qu’elle avait fait de nombreux séjours en hôpital psychiatrique au cours
des vingt dernières années. Elle m’a expliqué qu’elle avait des périodes de
léthargie, suivies de périodes d’activité frénétique.
Au Danemark, les hôpitaux psychiatriques ont un système de soins assez
flexible. Les patients peuvent demander une décharge au psychiatre s’ils se
sentent assez bien et revenir plus tard s’ils en éprouvent le besoin. En phase
maniaque, cette dame vaquait à sa vie avec une sorte de frénésie. Quand
elle commençait à s’effondrer dans la phase dépressive, elle se faisait ré-
hospitaliser.
Pendant qu’elle me parlait d’elle, je voyais à son langage corporel qu’elle
était dissociée. Ses propres paroles me l’ont confirmé : au lieu d’être
enracinée et à l’aise dans son corps, elle avait l’impression de voir sa vie
passer devant elle, comme si elle n’était pas là.
La dépression post-partum est fréquente, et les troubles bipolaires de cette
femme avaient commencé peu après la naissance de son fils. Il n’est pas
inhabituel qu’une dépression post-partum provoque une crise dans le
couple, le mari sentant que sa femme n’est plus celle dont il est tombé
amoureux. Pour ces gens en particulier, la naissance de leur enfant, loin de
leur apporter la joie attendue, avait donné un tour malheureux à leur vie.
La dépression post-partum est parfois exacerbée si l’accouchement a été
difficile ou a nécessité une césarienne. Une césarienne représente toujours
un choc pour le corps de la mère et laisse du tissu cicatriciel non seulement
dans les muscles, mais aussi dans l’utérus. Il faut des années pour
surmonter une dépression post-partum et, malheureusement, certaines
femmes n’y arrivent jamais.
J’ai déclaré à cette dame que je n’étais pas qualifié pour traiter ses
troubles psychiatriques, mais que je pouvais l’aider en redonnant de la
souplesse à son système nerveux. En tant que thérapeute manuel, je fais
bien attention à ne pas laisser entendre à mes patients que je peux traiter
leurs problèmes psychiques. Et parfois, je décide de ne pas les traiter du
tout. Si vous êtes thérapeute et que vous avez des doutes en pareil cas,
demandez au patient de solliciter l’avis de son psychiatre par rapport au
traitement que vous proposez.
En examinant cette dame, j’ai constaté que ses deux premières vertèbres
cervicales avaient pivoté. Cela lui ferait du bien si nous pouvions corriger la
fonction de la branche ventrale de son nerf vague. Je lui ai montré comment
effectuer l’exercice de base. Après-coup, j’ai pu constater que ses deux
premières vertèbres cervicales étaient moins déviées et que son nerf vague
ventral était fonctionnel.
Une semaine plus tard, elle avait l’air d’une autre personne, calme et
centrée. J’ai vérifié sa fonction vagale et la position des deux premières
vertèbres. Les effets du premier traitement avaient tenus et tout allait bien.
Elle m’a dit qu’elle avait maintenant une bonne énergie et s’occupait de ses
tâches avec calme. Elle avait repris confiance en elle et voulait reconstruire
sa vie.
J’ai eu le sentiment que nous avions résolu son problème. Elle avait été
bipolaire, alternant les états d’agitation et les états effondrés sans parvenir à
retrouver le chemin de l’interaction sociale. Désormais, elle se sentait plus
robuste et son système nerveux était souple. Elle était assez solide pour
repasser par une période temporaire de stress ou de sidération et revenir à
un état d’interaction sociale une fois les difficultés surmontées.
Je l’ai invitée à revenir me voir si elle pensait avoir encore besoin d’aide.
Je lui ai également suggéré de consulter un bon psychologue pour
apprendre à gérer autrement ses relations et structurer ses projets d’avenir.
Son fils avait grandi et il allait à l’université. Ma patiente regrettait d’avoir
manqué tant de son enfance en raison de ses séjours répétés en hôpital
psychiatrique. Elle avait aussi raté des occasions académiques et
professionnelles durant ces vingt années. Et elle vivait avec un homme qui
convenait à son ancien moi maniaco-dépressif et qui, pour cette raison, ne
lui correspondait plus.
Elle n’était pourtant pas triste, mais d’un optimisme tranquille.
L’évaluation qu’elle faisait de sa situation n’était ni maniaque ni dépressive.
D’une voix claire, elle exprimait la volonté de vivre désormais une vie
pleine de sens.

Trouble du déficit de l’attention et hyperactivité


Outre la stimulation chronique du système nerveux sympathique, je crois
qu’il existe une autre cause au trouble du déficit de l’attention avec
hyperactivité (TDAH).
Durant une même période, j’ai reçu cinq patients, tous des garçons, qui
souffraient de TDAH, et j’ai constaté qu’ils avaient tous une hernie
hiatale16. Cela m’a poussé à émettre l’hypothèse que la raison pour laquelle
ils s’agitaient tout le temps était la pression appliquée par la hernie sur le
diaphragme respiratoire. Quelques secondes dans une position suffisaient à
la rendre inconfortable et ils devaient à nouveau bouger.
Une combinaison de deux techniques m’a permis de soulager leurs
symptômes. Tout d’abord, l’exercice de base, en traitant la dysfonction du
nerf vague, a détendu le tiers supérieur de l’œsophage. La technique de la
hernie hiatale a ensuite étiré doucement l’œsophage, de sorte que l’estomac
a pu se dégager du diaphragme et revenir à sa position naturelle.
De nombreux diagnostics psychiatriques sont posés sans qu’on ne
s’inquiète jamais de la possibilité que le problème vienne d’une dysfonction
du système nerveux autonome. Mais mon expérience clinique m’a prouvé
que restaurer l’activité de la branche vagale ventrale suffit souvent à
atténuer ou à faire disparaître les symptômes considérés.
CHAPITRE 7
Troubles du spectre autistique
Les troubles du spectre autistique (TSA) comprennent l’autisme, le
syndrome d’Asperger et d’autres états. Ils englobent un large éventail de
symptômes, de déficiences et de handicaps pouvant causer d’importantes
difficultés sociales, comportementales et communicationnelles chez les
enfants ou les adultes. On suppose qu’il s’agit de troubles du
développement cérébral, mais il n’existe pas d’examens neurologiques pour
les dépister.
Les troubles autistiques affectent différemment les personnes et vont de
très modérés à graves. Certains symptômes sont néanmoins communs. Le
traitement de l’information, en particulier, semble différer de celui des
autres gens. On ignore les causes exactes des troubles du spectre autistique,
mais les recherches suggèrent que la génétique et l’environnement jouent
un rôle important.
Lors de travaux menés sur des jumeaux monozygotes, on avait estimé que
la part génétique de l’autisme pouvait monter jusqu’à 90 %. Mais malgré
des centaines de millions de dollars dépensés en recherches, on n’a jamais
trouvé le ou les gènes responsables de ces troubles. Cette estimation est
aujourd’hui revue à la baisse en faveur de facteurs environnementaux.
Toujours est-il qu’il n’existe pas de cure prometteuse pour les troubles du
spectre autistique.
Le diagnostic est fondé sur l’observation neuropsychologique du sujet.
Cependant, les neuropsychologues ne prennent pas plus en compte que les
psychiatres les signes physiologiques de l’interaction sociale du système
nerveux autonome. Le système nerveux autonome détermine pourtant en
partie l’état émotionnel, et l’état émotionnel contribue à déterminer le
comportement. Pour ma part, je crois que si l’on peut changer l’état
émotionnel d’une personne, on peut changer son comportement.
Certains troubles du spectre autistique peuvent-ils être compris comme les
manifestations d’un trouble du système nerveux autonome ? Le
comportement des autistes est fréquemment imprévisible et inapproprié à la
situation. Sans raison apparente, ils passent brusquement d’un état à un
autre, prenant leurs soignants au dépourvu. Ils sont bien dans un état
chronique sympathique de combat ou de fuite ou de repli vagal dorsal.
Je suggère par conséquent que les évaluations diagnostiques incluent un
examen de la fonction du nerf vagal ventral. S’il existe une dysfonction, des
recherches supplémentaires pourraient indiquer si, en ramenant le patient
dans un état d’interaction sociale ventrale, on peut opérer des changements
positifs dans son comportement. Ma conviction est que ce serait bien le cas.

PRÉVALENCE DE L’AUTISME
Le nombre d’individus souffrant de troubles du spectre autistique croît
rapidement, de 10 à 17 % par an aux États-Unis. On détecte un TSA chez
1 enfant sur 68 environ, selon les estimations du CDC’s Autism and
Developmental Disabilities Monitoring Network (ADDM)1. Selon d’autres
estimations, les troubles du spectre autistique affectent 1 enfant sur 902.
Le coût économique de l’autisme est également énorme, non seulement
pour les familles, mais pour la société dans son ensemble, car les demandes
de soins et de services ne cessent d’augmenter. Sur une durée de vie
moyenne, il est de 2,4 millions de dollars par personne aux États-Unis3,
pour un total annuel de 20 milliards de dollars4. D’autres estimations
donnent 61 à 66 milliards de dollars par an pour les enfants et 175 à
196 milliards de dollars pour les adultes5.
Plus important, il s’agit aussi d’un coût humain. Le lourd tribut
émotionnel que supportent les familles ne peut se calculer en dollars. Quels
qu’aient pu être leurs objectifs auparavant, ces familles doivent faire passer
en priorité les besoins de l’enfant autiste, sachant qu’il aura plus tard des
difficultés à occuper un emploi ou à fonder une famille.
AUTISME ET SYSTÈME NERVEUX AUTONOME
Le système nerveux des personnes souffrant de troubles du spectre
autistique peut être caractérisé par une activité de la chaîne sympathique
et/ou de la branche vagale dorsale. Il peut aussi y avoir une insuffisance
d’organe aiguë ou chronique, ajoutant un handicap physique.
Les familles et les soignants notent parfois chez les personnes autistes des
accès de peur ou de panique sans raison apparente. Elles sont en effet
hypersensibles et réagissent à des stimuli qui passent inaperçus aux autres.
Elles sont souvent figées dans des états sympathiques ou vagaux dorsaux
ou bien alternent entre les deux. Repliées et apathiques durant une période,
elles peuvent se montrer soudainement extraverties, effrayées ou agressives.
Ces basculements émotionnels et ces comportements imprévisibles
déstabilisent ceux qui ne les connaissent pas et plongent les familles dans la
perplexité et la confusion.
Comme noté plus haut, les examens neuropsychologiques servent à
diagnostiquer les différents types d’autisme, mais ne prennent pas en
compte les facteurs physiologiques tels que définis par la théorie polyvagale
de Porges. Les solutions proposées portent donc essentiellement sur la
formation des parents, qui doivent adapter leur comportement aux besoins
de leur enfant, plutôt que sur l’amélioration de l’état de l’enfant lui-même.
Le modèle biocomportemental de la théorie polyvagale relie pourtant le
comportement autistique à des états particuliers du système nerveux
autonome et ouvre la porte au développement de stratégies plus efficaces
dans le traitement de l’autisme.
Il est possible de mettre en parallèle la non-acquisition des interactions
sociales de base et l’activité chronique de la chaîne sympathique ou de la
branche vagale dorsale, ou des deux. À partir de là, la restauration de
l’activité de la branche ventrale du nerf vague et des quatre nerfs crâniens
associés devrait permettre d’aider les personnes autistes, en particulier les
enfants, à acquérir des comportements socialement plus adaptés.
Stephen Porges a réussi à traiter des enfants autistes sur le plan
comportemental. Pour lui, cela valide le modèle du système nerveux
présenté par la théorie polyvagale. Inspiré par son exemple, j’ai aussi
entrepris de traiter des personnes autistes avec quelque succès.

Un espoir pour l’autisme


Dans ses travaux, Stephen Porges souligne l’importance de la spécialisation
des nerfs crâniens qui innervent les muscles de l’oreille moyenne et la
manière dont une bonne audition permet les interactions sociales6.
Cette percée dans la conception des mécanismes de l’ouïe est
déterminante pour les enfants autistes, dont environ 60 % souffrent de
problèmes de compréhension de la parole. Durant une intervention à la
Breath of Life Conference à Londres (23 et 24 mai 2009), Stephen a mis en
lumière le lien entre les problèmes d’écoute et de traitement des voix
humaines avec une dysfonction des nerfs crâniens V et VII, et non plus
seulement avec le nerf crânien VIII, comme c’est le cas dans la surdité
typique. Pour lui, les mécanismes de l’audition constituent une part
importante de la symptomatologie autistique.
Quiconque travaille avec des autistes remarque bien vite qu’ils ne
paraissent pas entendre ou comprendre ce qu’on leur dit et qu’ils ne peuvent
soutenir une conversation à double sens. Certains ne parlent pas du tout.
C’est particulièrement difficile pour les psychiatres et les psychologues,
dans la mesure où les thérapies par la parole ont peu de chance d’aboutir.
On teste donc systématiquement l’audition des sujets autistes avec un
examen standard, réalisé en général dans une pièce tranquille, à l’écart des
bruits de fond, ou avec un casque qui élimine les fréquences autres que
celles qui sont testées.
Le problème est que cet examen ne mesure qu’une partie des mécanismes
auditifs, ceux qui relèvent du NC VIII (le nerf auditif) dont les fibres
sensitives s’enfoncent profondément dans l’oreille interne. Pour entendre et
comprendre la parole, comme l’a souligné Stephen Porges, deux autres
nerfs crâniens sont nécessaires : le trijumeau (nerf crânien V) et le nerf
facial (nerf crânien VII).
Ces deux nerfs émergent du tronc cérébral et possèdent plusieurs branches
spécialisées. L’une d’elles (NC VII) innerve le muscle de l’étrier, et une
autre (NC V) le muscle tenseur du tympan, tous deux situés dans l’oreille
moyenne. La découverte de Porges a été de pointer un dysfonctionnement
des nerfs V et VII chez de nombreux sujets autistes, lequel interfère avec
leur capacité à entendre et à comprendre la parole humaine.
Lorsqu’il est fonctionnel, le muscle de l’étrier permet de réduire le
volume des fréquences situées au-dessus et en dessous de la fréquence de la
voix humaine féminine. C’est ainsi que l’enfant parvient à isoler la voix de
sa mère au milieu des bruits ambiants et à la suivre.
Outre le muscle de l’étrier, le NC VII innerve aussi les muscles du visage
(que l’on appelle parfois les « organes de l’expression émotionnelle »). Or,
l’une des caractéristiques des enfants et des adultes autistes est l’absence
d’expressions faciales naturelles. On a du mal à déchiffrer leurs émotions et
on en conclut qu’ils n’ont pas d’empathie.
Par ailleurs, il existe une connexion neurologique entre l’ouïe et les
muscles autour des yeux. Le muscle orbiculaire de l’œil est innervé par le
NC VII. On remarque d’ailleurs que les gens qui n’ont pas une bonne
audition ont les paupières tombantes. D’autre part, hausser les sourcils
semble aider à la compréhension de la parole – on le fait quand on est
surpris. Tous ces éléments soulignent l’importance du bon fonctionnement
du NC VII pour l’audition.
Innervé par le NC V, le muscle tenseur du tympan est impliqué dans la
régulation de la trompe d’Eustache, qui relie les parois de l’oreille moyenne
à l’arrière-nez. Comme le muscle de l’étrier, il amortit les mouvements des
osselets (les petits os de l’oreille moyenne) ou s’y oppose. La tension de la
chaîne ossiculaire accroît la tension du tympan, diminuant le volume des
bruits de fond de basse fréquence.
L’un des rôles des muscles tenseur du tympan et de l’étrier est d’assourdir
les bruits de la mastication. Quand ils ne se contractent pas suffisamment, le
volume perçu des bruits de basse fréquence peut être très élevé, au point de
masquer les sons de la voix humaine. Cet état est appelé hyperacousie. Pour
ceux qui en souffrent, les bruits sont perturbants, voire douloureux. Certains
enfants se mettent les doigts dans les oreilles pour les bloquer.
Avec l’hyperacousie, les sons graves sont amplifiés et la bande de
fréquence de la voix humaine est noyée dans le bruit de fond. Les enfants
souffrant d’hypersensibilité au bruit peuvent réagir fortement au son de la
voix, surtout la voix masculine grave. Quand ils se mettent les doigts dans
les oreilles, on croit qu’ils refusent d’entendre alors qu’ils se protègent
seulement d’une expérience auditive douloureuse.
Les bruits du quotidien qui comprennent des fréquences basses (comme
les aspirateurs, la circulation ou les escalators) leur paraissent
insupportablement forts. Ils ne comprennent pas ce qu’on leur dit, et cela
les perturbe énormément.
L’un de mes patients, un garçon de 11 ans, fourrait ses doigts dans ses
oreilles chaque fois qu’un train passait derrière mon cabinet. Je n’avais
jamais remarqué ce bruit, et mes autres patients n’y avaient pas réagi non
plus.
Le problème inverse existe aussi. Lorsque le tonus des muscles de
l’oreille moyenne est insuffisant, les sons ne sont pas assez amplifiés et
donc pas entendus. L’enfant semble sourd à ce qu’on lui dit, et on
l’interprète à tort comme un refus de communiquer, d’échanger ou d’obéir.
Ces enfants-là développent parfois une aptitude à lire sur les lèvres et à
interpréter les signaux non verbaux. Ils paraissent davantage capables de
converser et de sociabiliser, mais si leur interlocuteur n’est pas face à eux,
ils ne peuvent plus lire sur ses lèvres et sont donc en difficulté.
Certains adultes ont aussi du mal à comprendre les paroles quand ils ne
voient pas le visage de leur interlocuteur. Ils ont le regard fixé sur sa
bouche, alors que ceux dont l’ouïe est normale regardent les autres dans les
yeux ou les détournent en parlant. Les premiers ont tendance à éviter les
réunions et les lieux bruyants comme les restaurants et préfèrent rencontrer
les autres en tête à tête. À moins qu’ils ne parlent tout le temps pour cacher
le fait qu’ils ne comprennent pas ce qu’on leur dit.
Dans une salle de classe, les enfants autistes ont parfois de grosses
difficultés. Le niveau de bruit peut être douloureux pour eux, alors qu’il
paraît tout à fait acceptable à ceux dont l’ouïe fonctionne normalement.
Avec une hyperacousie sévère, les bruits environnants causent des
élancements de douleurs auxquels il est impossible d’échapper. Les
environnements acoustiques de la vie quotidienne donnent l’impression
d’être un rat en cage, auquel on administre des décharges électriques
imprévisibles. Ces enfants ne s’aperçoivent parfois même pas qu’ils ont un
problème. S’ils sont nés avec cette hyperacousie, ils supposent que la vie
est ainsi et n’ont pas conscience que cette expérience traumatique n’est pas
normale.
Imaginez que vous regardiez un film dont la bande-son serait à plein
volume. Les acteurs auraient l’air de hurler et vous auriez hâte de sortir du
cinéma. Vous vous boucheriez les oreilles en partant. Mais que se passerait-
il si vous ne pouviez pas sortir du cinéma, comme certains enfants autistes ?
Stephen Porges a conçu le Listening Project Protocol pour étudier les
conséquences du dysfonctionnement de ces nerfs crâniens et valider
définitivement la théorie vagale7. Comme nous l’avons évoqué ci-dessus, il
est parti de l’hypothèse que c’est une dysfonction de la régulation neurale
des muscles de l’oreille moyenne qui empêche de nombreux enfants
autistes d’utiliser le langage pour interagir.
Il a alors imaginé une intervention thérapeutique ingénieuse pour traiter
un grand groupe d’enfants autistes souffrant également d’hyperacousie.
Dans une publication antérieure, lui et ses collègues avaient démontré que
la musique modifiée par ordinateur améliore les capacités de traitement
auditif et accroît la régulation vagale ventrale du cœur8.
Après des examens auditifs approfondis, les enfants ont suivi des séances
d’écoute de quarante-cinq minutes, pendant cinq jours. Un article publié
dans une revue à comité de lecture décrit les deux essais conduits par
l’équipe de Porges. Dans le premier, un groupe d’enfants portant des
casques est comparé à un autre groupe écoutant de la musique modifiée par
un algorithme en sorte de souligner les traits acoustiques de prosodie. Dans
le second, un groupe d’enfants écoute la musique modifiée par ordinateur,
tandis que l’autre groupe écoute la même musique non modifiée. Dans les
deux essais, seul le groupe ayant écouté la musique modifiée affiche une
réduction de l’hypersensibilité auditive9.
J’ai eu la chance d’écouter moi-même cette musique spéciale. Au bout de
quelques minutes, j’ai senti que les muscles de mon oreille étaient stimulés.
Mes tympans me démangeaient et j’avais l’impression que les osselets
sautillaient et vibraient dans mes oreilles. Mon audition me paraissait
beaucoup plus nette et claire.
Dans des conférences ultérieures, Porges a présenté des vidéos attestant
des changements survenus dans le comportement de certains des enfants.
Dès lors qu’ils pouvaient comprendre ce qu’on leur disait, ils sortaient de
leur isolement et commençaient à nouer des liens avec les autres.
Stephen Porges travaille constamment à améliorer la méthode de
stimulation acoustique qu’il utilise. Au moment où j’écris (2016), il conduit
des essais cliniques enregistrés à Melbourne, Los Angeles et Toronto.

Le rôle de l’audition dans les troubles autistiques


Pour bien communiquer, il faut pouvoir entendre et interpréter le sens des
mots. Sur le spectre de l’autisme, les problèmes d’audition et de
compréhension sont fréquents et graves. Ce phénomène est bien connu ;
Stephen Porges l’a souligné dans sa présentation de la théorie polyvagale et
je l’ai confirmé dans ma pratique. Mais, comme l’a découvert Stephen, ils
sont liés le plus souvent à une dysfonction des NC V et VII et pas
seulement du NC VIII, dont on suppose à tort qu’il est exclusivement
responsable de l’audition.
Quand des parents m’amènent un enfant sur le spectre de l’autisme, je les
interroge sur son audition. Ils me répondent invariablement qu’elle a été
testée par un spécialiste et qu’elle est normale. Pourtant, ces examens ne
vont pas au fond du problème. Ils ne testent que des sons uniques, sans bruit
de fond. La vraie question est : l’enfant peut-il entendre la voix humaine en
présence d’un bruit de fond ? Est-il capable de filtrer les bruits de fond, en
particulier les basses fréquences ?
Une mère m’a amené un jour son fils autiste de 9 ans, car il était agressif à
l’école. En général, je commence par un test simple pour vérifier la capacité
auditive du patient. Je lui demande de se retourner, pour qu’il ne voie pas
mes lèvres, et d’effectuer une tâche simple, comme mettre son manteau.
La mère a protesté, car cela désavantageait l’enfant de ne pas pouvoir voir
mon visage. Je lui ai alors demandé ce qui se passait quand son fils était
dans une autre pièce et qu’il ne pouvait pas voir son visage à elle. Lui
répondait-il ?
« S’il ne répond pas, m’a dit la mère, je répète calmement ma demande.
– Et s’il ne répond toujours pas, que faites-vous ?
– Je le lui demande une troisième fois. S’il n’obéit toujours pas, c’est
parce qu’il refuse de le faire. Parfois, je suis tellement irritée que je le
gifle. »
Son fils est occupé et n’a pas conscience des paroles de sa mère parce que
ses NC V et VII ne fonctionnent pas assez bien pour filtrer les bruits de
fond. Il n’est sans doute même pas conscient que sa mère lui parle. Soudain,
sa mère le gifle en criant. Il ne comprend pas pourquoi. De son point de
vue, il n’y a eu aucun avertissement. Il peut donc interpréter logiquement le
comportement de sa mère comme : « Si tu veux qu’on t’écoute, donne une
gifle d’abord, puis fais passer le message. »
De fait, à l’école, le petit garçon giflait ses petits camarades pour attirer
leur attention s’ils ne réagissaient pas immédiatement à ses demandes. Sa
mère lui avait involontairement enseigné ce modèle antisocial.
Quand l’enfant me tourne le dos et n’obéit pas à une requête simple, je ne
suppose pas qu’il a entendu et compris ma demande. Je soupçonne plutôt
une dysfonction des NC V et VII. Lorsqu’un enfant autiste ne comprend pas
ce qu’on lui dit, il a bien sûr du mal à utiliser le langage pour se faire
comprendre et se faire aider.
L’ÉVOLUTION DE L’OUÏE
Au début de l’évolution animale, d’énormes dinosaures arpentaient la Terre
en se nourrissant de végétaux ou de petits mammifères. Leurs prédateurs,
encore plus gros qu’eux, se déplaçaient en faisant trembler le sol. Il était
vital pour les dinosaures de repérer leur approche, surtout pour protéger
leurs petits. Les paléontologues ont découvert qu’ils pouvaient percevoir
ces sons percussifs de basse fréquence dans leurs os, grâce à leurs
terminaisons nerveuses. Mais les sons aigus restaient inaudibles pour eux.
Les mammifères ont ensuite développé des oreilles permettant d’entendre
les fréquences plus élevées. C’est pourquoi les voix des mammifères sont
situées dans un registre plus aigu que celles des dinosaures. Ils pouvaient
ainsi communiquer entre eux sans être détectés par leurs prédateurs, ce qui
constituait un gros avantage pour la survie.
Mais si tous les bruits pénétraient en même temps et de la même manière
dans l’oreille des mammifères, il en résulterait une affreuse cacophonie. Les
fréquences les plus hautes et les plus basses « noieraient » tous les autres
sons. Nous avons déjà vu que le bébé entend mieux les sons situés sur la
plage de fréquence de la voix féminine. Comment son ouïe sélectionne-t-
elle ces fréquences ? La capacité à filtrer les sons dépend de la tension des
muscles de l’étrier et tenseur du tympan, qui bloquent les fréquences les
plus graves et les plus aiguës. Un muscle de l’étrier en bon état filtre
efficacement les sons au-dessus et en dessous de la gamme de la voix
humaine, y compris les bruits qui seraient autrement assourdissants10.
La biologie évolutionnaire a reconstitué l’évolution de la structure de
l’oreille et du sens de l’ouïe depuis les premiers dinosaures jusqu’à nous.
Chez les mammifères, les osselets se sont découplés du reste de la
mâchoire. Ces trois petits os – le marteau (malleus), l’enclume (incus) et
l’étrier (stapes) – forment une chaîne articulée, la chaîne ossiculaire.
Attachés aux deux bouts de la chaîne, les muscles de l’étrier et tenseur du
tympan manœuvrent les osselets.
Le muscle tenseur du tympan relie la membrane tympanique au marteau.
Ce sont ses variations de tension qui déterminent l’amplitude des vibrations
du tympan. Avec une tension accrue, les sons sont plus forts. Innervé par le
NC V, le muscle tenseur du tympan détermine la quantité de son transmise
aux récepteurs du nerf acoustique situés à l’intérieur du canal auditif.
D’environ un millimètre de longueur, le muscle de l’étrier est le plus petit
muscle du corps. Très fin, il est innervé par la branche motrice du NC VII.
Il émerge d’une petite cavité de l’oreille moyenne et s’attache au dos de
l’étrier. Il ne transmet qu’une certaine gamme de fréquences, correspondant
grosso modo à la voix féminine.
L’audition, la compréhension et la communication dépendent donc d’un
bon fonctionnement du muscle de l’étrier, à même d’isoler la gamme de
sons correspondante. C’est particulièrement important dans l’enfance,
lorsqu’on apprend la prosodie et le vocabulaire.

TRAITER L’AUDITION CHEZ LES ENFANTS AUTISTES


Les personnes sociables ont généralement une voix mélodieuse, modulée en
fonction de leurs sentiments. Cette mélodie, ou prosodie, facilite la
compréhension de ce qu’elles disent. Les personnes autistes, en revanche,
ont souvent une voix plate et monotone, qui peut paraître mécanique.
Cette absence de prosodie tient peut-être à une défaillance du NC VII qui
les empêche de la percevoir dans la voix des autres. Faute d’entendre et
d’apprécier les émotions communiquées par la voix d’autrui, les enfants
autistes ne peuvent pas comprendre l’avantage d’user de prosodie et moins
encore d’apprendre à la reproduire.
Il ne s’agit pas d’un problème de cordes vocales. Dès qu’on restaure l’état
d’interaction sociale, en améliorant la fonction des nerfs crâniens, la qualité
de leur voix change. La prosodie apparaît immédiatement, et il est plus
facile de les comprendre.
L’ouïe peut être améliorée avec l’exercice de base, qui accroît la
circulation du sang dans le tronc cérébral (d’où émergent les NC V et VII).
Le même exercice relâche la tension entre la base du crâne (noyau du NC
V) et les trois premières vertèbres. La technique de relâchement
neurofascial peut aussi suffire à remettre en route la fonction de ces nerfs et
améliorer le comportement social.
Grâce à la perspective fournie par la théorie polyvagale, j’ai élaboré ma
propre approche des troubles du spectre autistique. J’évalue la fonction des
nerfs crâniens V, VII, IX, X et XI, puis j’utilise une série de techniques
crâniennes biomécaniques pour soulager les restrictions de mouvement et
permettre le bon fonctionnement de ces nerfs.
Mon expérience clinique et le feedback de mes étudiants m’ont confirmé
qu’il est possible d’améliorer les capacités de communication de certaines
personnes diagnostiquées comme autistes. Après que je les ai traités,
plusieurs de mes patients se sont vus retirer leur diagnostic d’autisme.
J’ai cependant appris à ne pas dire « guérir l’autisme », mais à affirmer
seulement que j’ai aidé quelques personnes diagnostiquées autistes à
améliorer leur audition et à gagner en empathie et en communication. De
nombreux professionnels qui travaillent dans le domaine sont convaincus
que l’autisme ne peut être guéri. Ils sont par conséquent plus réceptifs
lorsqu’on parle simplement d’améliorer la communication.

Traiter l’autisme
Au fil de ma carrière, j’ai traité beaucoup d’enfants et de jeunes autistes.
J’ai observé très vite que leur neuroception était défaillante et qu’ils
n’interagissaient pas correctement sur le plan social. J’ai pu en aider
certains à revenir à un état d’interaction sociale. En plusieurs occasions, j’ai
restauré la fonction vagale et amélioré la fonction des quatre autres nerfs
crâniens impliqués dans l’interaction sociale. Dans ce cas, mon patient
sortait de son état de stress ou de repli vagal dorsal et gagnait spontanément
en capacités de communication.
Mais l’une de mes découvertes les plus inattendues a été de constater la
présence d’une tension du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) et d’une
déformation du crâne chez chacun de mes patients hyperactifs ou autistes.
Un article de la revue Pediatrics montre en effet que la plagiocéphalie
(syndrome de la tête plate) est bien plus présente chez les enfants autistes
ou hyperactifs que dans la population en général11.
Une tension chronique du muscle sterno-cléido-mastoïdien déforme le
crâne de façon notable, car ce muscle est attaché au bord de l’os temporal.
Même si j’ai constaté cette déformation du crâne surtout chez des enfants et
des adolescents, elle ne leur est pas exclusive ; je l’ai aussi vue chez des
adultes en difficulté de sociabilisation.
Cette déformation peut-elle presser sur des vaisseaux sanguins et des nerfs
à l’intérieur du crâne ?
Le crâne du bébé est formé de plusieurs plaques reliées par du tissu
conjonctif (voir « Crâne de bébé » dans l’appendice). Une tension
chronique du muscle SCM, en exerçant une traction constante sur l’os
temporal, peut donc le déformer durablement.
Certains parents m’amènent leur bébé parce qu’ils ont constaté une
plagiocéphalie chez lui. D’autres n’en sont pas conscients. Je leur montre
alors comment mesurer l’asymétrie à cet endroit avant d’entamer le
traitement. En quelques minutes, le relâchement de la tension du muscle
SCM améliore sensiblement la forme de la tête de l’enfant.

La technique pour arrondir le crâne


Je commence par palper les deux muscles sterno-cléido-mastoïdiens et je
travaille sur celui qui est le plus tendu. Je saisis fermement le sommet du
muscle entre le pouce et l’index. Cela ne doit pas causer de douleur (voir
« Sterno-cléido-mastoïdien » dans l’appendice). Je demande à l’un des
parents de prendre le pied de l’enfant du côté où nous allons détendre le
SCM et de le replier doucement au niveau de la cheville et des orteils. Au
bout d’une minute ou deux, l’enfant se détend et le muscle sterno-cléido-
mastoïdien se relâche. Dès que le SCM n’exerce plus de traction sur un des
côtés du crâne, celui-ci commence à se remplir et s’arrondir. Les
justifications anatomiques de cette technique sont à trouver dans le livre de
Tom Myers Anatomy Trains, Les méridiens myofasciaux en thérapie
manuelle, dans lequel il parle de la « ligne antérieure superficielle12 ».
Après le traitement, j’évalue à nouveau l’arrière du crâne de l’enfant avec
les parents. Il est beaucoup plus symétrique et, lors des séances suivantes,
j’observe que le changement a tenu.

AUTISME : UNE ÉTUDE DE CAS


Aussi enthousiasmants qu’aient été les progrès chez les enfants que je
traitais, je voulais savoir si d’autres gens pouvaient apprendre ces
techniques et obtenir des résultats similaires. Dans mon école de
Copenhague, nous avons proposé un cursus de deux ans fondé sur les
techniques crâniennes biomécaniques d’Alain Gehin. J’ai longtemps
entamé la première journée de ce cursus en enseignant ma technique de
relâchement neurofascial. Le deuxième jour, je demandais aux étudiants
s’ils avaient essayé les techniques apprises et, si oui, ce qu’ils en avaient
retiré.
Une année, un jeune homme nommé Thor a fait part à la classe de son
expérience. Il était rentré chez lui avec l’idée de réviser les techniques
apprises le premier jour et de traiter son petit frère, William, lequel avait été
diagnostiqué comme autiste dans son enfance et avait à présent 17 ans.
Très asocial, William restait assis toute la journée à regarder sa
PlayStation ou à jouer avec des clés. Il ne parlait pas et ne croisait le regard
de personne. Il était aussi susceptible et maussade ; une petite contrariété
suffisait pour qu’il boude pendant des heures ou des jours. Thor se rappelait
un épisode de mutisme de trois mois, parce qu’on avait obligé William à
enfiler un T-shirt qu’il ne voulait pas porter.
Lorsque Thor a essayé la technique de relâchement neurofascial sur lui,
William s’est redressé et l’a regardé dans les yeux, ce qu’il n’avait jamais
fait auparavant. Ensuite il s’est levé et s’est mis en équilibre sur un pied,
puis sur l’autre. Comme beaucoup d’autistes, William avait un très mauvais
sens de l’équilibre. Enfin, il s’est mis à communiquer avec sa famille et
avec les élèves de sa classe. L’application de cette technique avait suffi à le
mettre en état d’interaction sociale.
Thor m’a demandé de traiter William, et j’ai vu son frère quatre ou cinq
fois. Mais la plus grande partie du travail avait été faite avant même qu’il
vienne me voir.
Les mois suivants, William a noué des amitiés et voyagé en Europe. Il
s’est intéressé au théâtre, a pris des cours de yoga et a commencé à sortir
avec des filles. Il a obtenu une licence de média-planneur à l’université de
Copenhague, puis a préparé un master.
La dernière fois que j’ai vu William, il m’a fièrement raconté ses vacances
à Amsterdam avec trois de ses amis, de jeunes adultes avec des diagnostics
également compliqués. Ils avaient organisé le voyage eux-mêmes et
s’étaient bien amusés. Il avait énormément progressé aux échecs et battu
plusieurs joueurs de niveau international. Il venait juste de commencer son
apprentissage comme designer-son dans une société danoise de jeux vidéo.
Vous pouvez regarder Thor raconter l’histoire de William sur YouTube
(en anglais – chercher « autism, William, Stanley »).

CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES
Le traitement des enfants (surtout des enfants autistes) présente certaines
difficultés. Même les enfants neurotypiques ne restent pas longtemps
tranquilles sur une table de massage, alors c’est beaucoup plus difficile pour
les enfants autistes, déjà traumatisés par une longue série de visites et
d’examens, voire d’injections douloureuses. De plus, beaucoup d’enfants
autistes n’aiment pas être touchés.
Comment pourraient-ils se sentir en sécurité dans un cabinet après des
expériences aussi négatives ? Devoir s’allonger dans une posture
d’impuissance et laisser un parfait inconnu vous palper déclenche des
résistances, c’est compréhensible. Il faut de la patience, du doigté et de
l’expérience pour aider ces enfants à se sentir à l’aise.
Mais réussir un traitement avec un enfant autiste est profondément
gratifiant.
S’il vous arrive de traiter des enfants autistes, souvenez-vous qu’il est
naturel qu’ils aient peur en pénétrant pour la première fois dans votre
cabinet. Vous avez les meilleures intentions du monde, mais ils l’ignorent.
Si vous ou les parents les maintenez de force allongés, ils se sentiront
encore plus menacés, voire violentés.
Tous les enfants se méfient des contacts physiques, en particulier de la
part d’inconnus. En outre, beaucoup d’enfants autistes ont mal à la tête ou
au cou, là où il faudrait les manipuler. Il est possible de leur toucher le
coude ou le genou, mais ils repoussent les mains dès qu’on s’approche de la
tête et du cou. Il faut choisir des techniques très efficaces car la fenêtre
d’opportunité est minuscule.
Au préalable, il faut les mettre à l’aise, ce qui n’est pas toujours possible
lors de la première séance. Leur prêter un jouet ou demander au parent de
s’allonger aussi sur la table peut aider. Il faut ensuite garder le contact
visuel avec eux, et si l’on détecte une expression de malaise ou de douleur,
interrompre ce que l’on fait.
La règle cardinale est de traiter les enfants en sorte qu’ils se sentent en
sécurité et respectés à chaque étape. C’est la moindre des choses quand on
prétend traiter le système nerveux.
Avant de recevoir les enfants, j’aime aussi m’entretenir par téléphone avec
l’un des parents. Il est inutile de parler des « problèmes » de l’enfant devant
lui. Je lui recommande de ne pas trop attendre de la première séance et je
l’informe que j’ai pour habitude de respecter les résistances des enfants. Il
ou elle ne doit donc pas essayer de me seconder en forçant l’enfant à rester
allongé.
Si la première ou la deuxième séance se passent bien (quand je parviens
par exemple à arrondir le crâne), l’enfant est davantage prêt à accepter une
autre séance et à rester allongé. Au lieu de réagir par la peur ou la panique,
il me regarde et sourit. C’est important, car les enfants autistes évitent en
général de croiser le regard d’autrui.
Avec les enfants autistes, le premier problème est qu’ils ne maîtrisent pas
assez la communication verbale pour comprendre ce qu’ils font là. Même si
la valeur thérapeutique de la rencontre est évidente pour les parents ou le
praticien, eux-mêmes ignorent ce qu’ils peuvent retirer d’un traitement.
Dans la majorité des cas, ils ne savent pas que quelque chose ne va pas chez
eux et que leur vie pourrait s’améliorer. Mais leur comportement change
dès qu’ils sentent qu’ils sont en sécurité, surtout si le traitement les soulage.

Remarques de conclusion
Si la théorie vagale a éclairé ma compréhension des états émotionnels,
physiques et mentaux, ce sont des traitements eux-mêmes que j’ai retiré les
savoirs les plus profonds.
Les difficultés de communication des personnes autistes limitent leurs
possibilités de vie, de même que les efforts d’autrui pour les soigner. On
comprend donc que c’est une grande source de souffrances pour elles et
pour leurs familles. S’occuper de personnes autistes est un long périple en
territoire inconnu. L’observation de leurs idiosyncrasies comportementales
ne fait souvent qu’ajouter à la confusion.
Mais grâce à la théorie polyvagale, on sait qu’une personne ne peut être
que dans trois états autonomes donnés. Les autistes passent subitement d’un
état de stress à un état de repli et vice versa sans qu’on sache pourquoi.
Pour les aider, il suffit donc d’améliorer la fonction vagale ventrale. Le
rétablissement de l’état d’interaction sociale les aide à se stabiliser et
atténue certaines de leurs difficultés. En outre, la correction des problèmes
auditifs débouche souvent sur une amélioration spectaculaire des capacités
de communication, du comportement social et de l’empathie. Ces
changements positifs tendent à se cumuler, ce qui favorise encore le
développement de la personne.
Quand on communique, on transmet des informations sur son état
émotionnel par de petits mouvements des muscles du visage. Ces
mouvements sont relayés par les NC V et VII, qui fournissent un feedback
continu sur ce qu’on éprouve vis-à-vis de l’autre.
Notre société repose de plus en plus sur des communications
dématérialisées. À la télévision, les présentateurs ont des visages
impassibles ou des expressions convenues. De plus en plus de gens ont
recours au Botox ou à la chirurgie plastique, qui leur font un visage
inexpressif.
En l’absence de prosodie et d’expressions faciales, les échanges sont
impersonnels et dénués d’émotion. De ce point de vue, le téléphone est
meilleur que l’email, puisqu’il capte les variations de la voix. Skype et
FaceTime reproduisent aussi la voix et les expressions faciales – mais rien
ne vaut la communication en face-à-face.
Moins on use d’une voix mélodique et d’un visage expressif pour
communiquer avec eux, plus l’expressivité faciale des enfants reste sous-
développée et sous-utilisée. Est-il vraiment étonnant qu’ils soient de plus en
plus nombreux à souffrir d’autisme, de TDAH ou d’autres troubles de la
communication ?
Au-delà des relations avec les autistes, des difficultés similaires surgissent
de temps en temps dans les relations « normales ». Elles seraient tellement
plus faciles si nous pouvions toujours interagir ! Mais personne n’est
constamment en état vagal ventral, tant s’en faut. Eh bien, nous savons
aujourd’hui quoi faire pour revenir à un état d’interaction sociale ou y
ramener quelqu’un.
Je pressens que l’exploration du potentiel de la théorie polyvagale n’en est
qu’à ses débuts. Il nous est possible d’aider les personnes sur le spectre de
l’autisme, mais aussi de nous aider tous, dans nos relations avec autrui.
DEUXIÈME PARTIE
RESTAURER L’ÉTAT
D’INTERACTION SOCIALE

Cette deuxième partie étudie le pouvoir de guérison du nerf vague. Une


santé optimale n’est possible que lorsque la branche ventrale du nerf vague
fonctionne bien. Les exercices et les techniques présentés ci-après devraient
vous aider à passer d’un état d’activité chronique de la chaîne sympathique
(stress) ou du nerf vague dorsal (repli) à un état d’interaction sociale. Ils
peuvent aussi être utilisés pour prévenir les problèmes du système nerveux
autonome et pour entretenir le bien-être général.
Je vous recommande d’entamer un journal dans lequel vous noterez les
symptômes ou les problèmes qui vous gênent. Sélectionnez ceux qui
paraissent vous correspondre dans les « têtes de l’Hydre » et notez combien
de fois ils apparaissent. Ce peut être tout le temps, tous les matins, une fois
par semaine ou une fois par mois. Si vous avez la migraine tous les jours,
votre objectif est certainement de vous en débarrasser, mais toute
amélioration sera la bienvenue.
Notez aussi la force de vos symptômes. Ils vous dérangent mais vous
arrivez tout de même au bout de votre journée, ils exigent que vous preniez
un cachet, ils sont si forts que vous n’arrivez pas à travailler ou à vous
distraire, ils vous empêchent de dormir ou de vous lever. Vous pouvez les
évaluer sur une échelle de un à dix.
Quand vous aurez fait les exercices, reportez les changements dans votre
journal : les migraines sont moins fréquentes, la douleur est moins intense
ou vous achetez moins d’antidouleurs. Vous pouvez noter d’autres
changements que vous n’aviez pas prévus : vous dormez mieux, vous
respirez mieux, votre appétit est revenu. Tout cela contribue à la résilience
et à une meilleure santé.

L’exercice de base
Le but de cet exercice est de favoriser l’interaction sociale. Il repositionne
l’atlas (C1, la première vertèbre cervicale) et l’axis (C2) et accroît la
mobilité du cou et de la colonne (voir « Axis » et « Atlas » dans
l’appendice). Il favorise la circulation du sang dans le tronc cérébral. Cela
peut avoir un effet positif sur la branche ventrale du nerf vague (NC X)
ainsi que sur les NC V, VII, IX et XI.
L’exercice de base est efficace, facile et rapide d’exécution. Je l’enseigne
en général à mes patients dès la première séance.

AVANT ET APRÈS L’EXERCICE DE BASE


Évaluez la liberté de mouvement de votre tête et votre cou. Tournez la tête à
droite aussi loin que vous le pouvez sans vous faire mal. Puis ramenez-la au
centre, faites une pause et tournez-la vers la gauche. Jusqu’où pouvez-vous
aller de chaque côté ? Éprouvez-vous une raideur ou une douleur ?
Après avoir fait l’exercice, refaites les mêmes mouvements. Y a-t-il une
amélioration dans l’amplitude du mouvement ? Si cela vous faisait mal de
tourner la tête, l’exercice a-t-il réduit cette douleur ?
La plupart des gens que j’ai traités ont été surpris de constater qu’ils
pouvaient mieux tourner la tête à droite et à gauche. Une meilleure mobilité
du cou accompagne souvent une amélioration de la circulation dans le tronc
cérébral, qui à son tour améliore la fonction de la branche ventrale du nerf
vague.
Vous ou votre patient voudrez sans doute refaire cet exercice autant que
de besoin.

INSTRUCTIONS
La première fois que vous effectuez l’exercice, faites-le allongé·e sur le
dos. Quand il vous sera plus familier, vous pourrez vous asseoir sur une
chaise ou vous tenir debout.
1. Confortablement allongé·e sur le dos, nouez les doigts des deux mains
comme sur les figures 4, 5 et 6.

Figure 4. Doigts noués


Figure 5. Mains derrière la tête
Figure 6. Allongé sur le dos

2. Mettez les mains derrière la tête, en laissant son poids reposer


confortablement sur vos doigts noués. Vous devez sentir votre crâne
contre vos doigts, et les os de vos doigts contre l’arrière de votre tête. Si
vous avez une épaule raide et ne pouvez mettre les deux mains à la fois
derrière la tête, il suffit de n’en utiliser qu’une, en la plaçant de façon à
sentir les deux côtés de l’arrière de votre tête.
3. En immobilisant la tête, regardez vers la droite. Ne bougez que les
yeux, aussi loin que vous pouvez aller. Ne tournez pas la tête et
continuez à regarder vers la droite (Figure 7).
4. Après un moment – trente à soixante secondes – vous déglutirez,
bâillerez ou soupirerez. C’est un signe de détente du système nerveux
autonome (l’expiration suit normalement l’inspiration, mais le soupir est
différent : une seconde inspiration suit la première avant l’expiration).
Figure 7. Regard vers la droite

5. Ramenez le regard devant vous.


6. Laissez les mains en place et ne bougez pas la tête. Cette fois, tournez
les yeux vers la gauche (Figure 8).

Figure 8. Regard vers la gauche


7. Maintenez les yeux dans cette direction jusqu’à ce que vous soupiriez,
bâilliez ou déglutissiez.
Maintenant que vous avez achevé l’exercice de base, ôtez les mains et
redressez-vous ou relevez-vous.
Évaluez votre expérience. Y a-t-il une amélioration de la mobilité de votre
cou ? Votre respiration a-t-elle changé ? Remarquez-vous autre chose ?
Note : Si vous avez le vertige en vous levant, c’est probablement parce
que vous vous êtes détendu·e, et que votre tension a chuté. C’est une
réaction normale. Il ne faut en général qu’une minute ou deux pour que la
tension s’ajuste et pompe plus de sang dans le cerveau.

VERTÈBRES CERVICALES ET DYSFONCTION VAGALE


VENTRALE
Chez la plupart de mes patients, lorsque je constate une dysfonction vagale
ventrale, j’observe aussi un désalignement cervical supérieur, c’est-à-dire
une rotation de l’atlas (C1) et un basculement de l’axis (C2). L’exercice de
base permet presque toujours de les replacer dans l’axe, et un nouveau test
confirme la restauration de la fonction vagale ventrale. Le désalignement de
C1 et C2 presse sur l’artère vertébrale qui irrigue les lobes frontaux et le
tronc cérébral. Mon expérience clinique m’a appris qu’il suffit parfois d’une
pensée négative pour provoquer cette luxation qui affecte à la fois la posture
et la physiologie.
J’en fais quelquefois la démonstration dans mes cours de thérapie crânio-
sacrée. Je demande d’abord aux étudiants d’observer la position de ma
vertèbre C1. Je m’allonge sur le dos et ils placent les pouces sur les
processus transverses de ma vertèbre. Si elle n’a pas pivoté, leurs pouces se
rejoignent à l’horizontale. Mais si l’un est plus haut que l’autre, cela
indique une rotation vertébrale.
Au début de l’expérience, l’étudiant observe que ses pouces sont
horizontaux. Je pense alors à quelque chose de très désagréable.
Immédiatement, les processus transverses bougent : l’un monte tandis que
l’autre descend. On a l’impression que la vertèbre bascule de 45° (cette
observation est contraire aux possibilités anatomiques de C1, mais c’est ce
que l’on sent avec les pouces. Je l’explique par le fait que la rotation est due
à un repositionnement complexe de C1, C2 et C3. L’atlas se déboîte d’une
manière ou d’une autre pour pouvoir tourner).
Cette expérience est très désagréable pour moi, car je ne suis plus en état
d’interaction sociale. Les autres étudiants observent d’ailleurs que ma
respiration change et que je perds mes couleurs. Je demande alors à
l’étudiant qui intervient de m’administrer une technique de relâchement
myofascial (voir page 207) pour réaligner les deux premières vertèbres.
Elles ne rentrent pas dans l’alignement aussi facilement qu’elles en sont
sorties. Il faut réitérer la technique plusieurs fois avant que C1 regagne sa
position horizontale. Mais je me sens enfin moi-même.
Du point de vue évolutionnaire, la rotation de C1 et C2 a valeur de survie.
En appliquant une pression sur l’artère vertébrale, elle réduit la circulation
du sang dans le tronc cérébral, ce qui affecte à son tour la fonction des nerfs
crâniens nécessaires à l’interaction sociale. Il s’agit de passer à un état vagal
non ventral, lequel, en cas de danger, aide à survivre en coupant les
fonctions supérieures pour combattre, fuir ou faire le mort.
Quand le système de neuroception enregistre des signaux de danger, la
modification physiologique doit être immédiate. Il est néanmoins
intéressant d’observer que si le système nerveux est prompt à s’ébranler, il
faut beaucoup plus de temps pour l’apaiser.
Le traumatisme n’est pas nécessaire pour que C1 et C2 pivotent, le
souvenir d’un événement est suffisant. Les scanners cérébraux de femmes
souffrant de troubles de stress post-traumatique montrent une réduction de
la circulation sanguine dans les lobes frontaux quand elles réentendent le
récit des événements traumatiques1.
Comment un traumatisme, le souvenir d’un traumatisme, voire une simple
pensée désagréable peuvent-ils engendrer une modification structurelle
comme la rotation de C1 et C2 ? Dix petits muscles relient l’os occipital à
ces deux vertèbres. Huit d’entre eux sont des muscles sous-occipitaux
attachés à la surface postérieure des vertèbres. Les deux derniers, le rectus
capitis lateralis et le rectus capitis anterior, s’attachent à leur surface
antérieure. Ils sont innervés par le nerf occipital, situé dans le cuir chevelu à
l’arrière de la tête (voir « Muscles sous-occipitaux », « Artères
vertébrales », « Muscles sous-occipitaux et vertèbres » et « Nerf sous-
occipital » dans l’appendice). Une tension inappropriée dans n’importe
lequel de ces dix muscles est susceptible de déloger et faire pivoter C1 et
C2.
Les processus transverses des vertèbres sont percés d’une ouverture (le
foramen intervertébral ou trou de conjugaison) pour permettre entre autres
le passage des artères vertébrales. La rotation ou le basculement d’une
vertèbre peut donc réduire la circulation du sang comme dans un tuyau
d’arrosage.
Dans l’exercice de base, le poids de la tête repose sur les doigts. Cette
pression légère est suffisante pour stimuler le nerf occipital, qui détend les
muscles et les rééquilibre les uns par rapport aux autres. Les deux premières
vertèbres se réalignent donc.
Une fois C1 et C2 revenues à leur place, la pression diminue sur les
artères vertébrales, qui irriguent mieux le cerveau, le tronc cérébral et les
nerfs crâniens. Un apport de sang adéquat est nécessaire pour le bon
fonctionnement du système nerveux social et des autres fonctions
corporelles.
On constate donc qu’avec le réalignement de C1 et C2, bon nombre des
symptômes décrits dans les « têtes de l’Hydre » sont soulagés.

POURQUOI BOUGER LES YEUX DANS L’EXERCICE DE BASE ?


Il existe un lien neurologique direct entre les muscles sous-occipitaux et
ceux qui actionnent les globes oculaires.
On peut le vérifier en plaçant un doigt à l’arrière de la tête, parallèlement
au bord inférieur du crâne. Lorsque, sans déplacer la tête, on tourne les
yeux dans n’importe quel sens, on sent les vertèbres cervicales bouger et la
tension des muscles du cou se modifier légèrement.
Selon mon expérience, les gens sociables ont des vertèbres cervicales bien
positionnées et un système nerveux autonome en bon état, souple et réactif
à toutes sortes de situations et d’états internes.
L’interaction sociale n’est pas un état fixe, de même que la position de C1
et C2 ne demeure pas immuable. Dès que l’état psychologique change, dès
que le bonheur et la satisfaction alternent avec la peur, la colère ou le repli,
les os bougent et la physiologie passe de l’interaction sociale à l’activation
sympathique ou vagale dorsale.
Mon traitement du stress et de la dépression vise avant tout à réaligner C1
et C2 avec l’exercice de base ou une technique de relâchement myofascial.
D’autres formes de thérapie manuelle remettent C1 en place à l’aide de
coups brefs et répétés, mais je préfère user d’une technique plus douce.
Quand on transmet la bonne information au corps, il s’équilibre de lui-
même. Mais parce qu’on ne peut s’attendre à ce que C1 et C2 restent en
place, il faut fréquemment réitérer les techniques d’équilibrage. Il n’existe
rien de tel qu’un état d’équilibre figé. L’équilibrage est un processus
continu.

La technique de relâchement neurofascial


Avant même d’entendre parler de la théorie polyvagale ou de traiter un
patient autiste, j’avais élaboré une technique de relâchement neurofascial
qui, plus tard, m’a servi fortuitement à améliorer les capacités sociales et
communicationnelles de mes patients. Je la privilégie parfois en fonction de
la situation.
Elle est tirée à la fois des principes de la thérapie crânio-sacrée
biomécanique, de l’ostéopathie et du Rolfing® (relâchement du tissu
conjonctif) et je l’ai enseignée à plusieurs milliers de thérapeutes, tout en
l’utilisant avec succès pendant au moins vingt-cinq ans.
Elle ne nécessite que cinq minutes et aucun effort physique. Vous pouvez
l’appliquer sur vous ou sur quelqu’un d’autre.

QUAND L’UTILISER ?
L’exercice de base constitue une méthode simple et efficace pour améliorer
la fonction du nerf vague ventral. Mais si vous êtes thérapeute manuel, vous
préférez sans doute intervenir vous-même sur vos patients. Ou alors vous
souhaitez combiner les exercices à faire soi-même et les techniques
manuelles.
La technique de relâchement neurofascial est particulièrement précieuse
pour traiter les bébés, les enfants et les autistes, qui n’ont pas les
compétences verbales nécessaires pour comprendre des instructions. Je
vous suggère de l’employer en début et en fin de séance pour vous assurer
de la souplesse du système nerveux de votre patient (cette recommandation
est en accord avec les recherches de Porges, Cottingham et Lyon – voir
chapitres précédents).

INSTRUCTIONS
Si vous avez l’habitude de masser, il vous faudra employer autrement vos
mains. Exercez-vous à obtenir le relâchement sur vous avant de l’essayer
sur autrui. Il s’agit de stimuler les réflexes nerveux dans le tissu conjonctif à
la base du crâne et, par là, de rééquilibrer la tension des petits muscles sous-
occipitaux.
Il est plus facile d’exercer cette technique quand la personne est allongée
sur le ventre, car vous pouvez ainsi voir vos doigts. Commencez par un
côté.
1. Pressez doucement à la base du crâne pour sentir la dureté de l’os
occipital. Testez l’élasticité de la peau d’un côté de l’occiput. Faites
doucement glisser la peau vers la droite, puis laissez-la revenir.
2. Faites glisser la peau vers la gauche et laissez-la revenir. Dans quelle
direction y a-t-il le plus de résistance ?
3. Faites glisser la peau dans le sens de la plus grande résistance. Allez
très doucement et soyez prêt à stopper au premier signe de résistance. La
peau peut ne glisser que de deux ou trois millimètres. Arrêtez-vous là et
restez dans cette position. Maintenez la pression sur cette légère
résistance. Durant cette pause, la personne soupire ou déglutit, et la
résistance de la peau s’évanouit.
4. Lorsque vous testez à nouveau, la peau doit glisser facilement dans les
deux sens.
5. Répétez de l’autre côté.
Si vous testez à nouveau le nerf vague (voir chapitre 4), il doit bien
fonctionner. Il doit aussi y avoir une plus grande liberté de mouvement
quand la personne tourne la tête à droite et à gauche.

À DEUX MAINS
Une fois que vous vous êtes exercé avec une main, vous pouvez le faire à
deux mains.
1. Placez un doigt d’un côté de l’occiput. Testez l’élasticité de la peau sur
l’os, comme décrit ci-dessus. Elle doit normalement mieux glisser dans
un sens que dans l’autre.
2. Placez le pouce de l’autre main sous le premier, au sommet du cou. En
pressant un peu, vous pouvez sentir les muscles sous-occipitaux. Testez
l’élasticité de la peau sur ces muscles. Elle doit normalement céder dans
le sens opposé à celui dans lequel l’autre pouce fait glisser la peau sur
l’occiput (Figure 9).
3. Après le test, diminuez la pression. Laissez les pouces de vos deux
mains faire glisser la peau en sens opposé jusqu’à ce que vous sentiez
une résistance.
4. Arrêtez-vous là et maintenez cette légère pression. Attendez d’entendre
un soupir ou une déglutition.
5. Relâchez les doigts et laissez la peau reprendre sa position initiale.
Figure 9. Faire glisser la peau sur l’occiput à l’aide des deux mains

6. Faites la même chose de l’autre côté du crâne.


Si vous testez à nouveau le nerf vague, il devrait bien fonctionner. Il
devrait aussi y avoir une plus grande liberté de mouvement quand la
personne tourne la tête à droite et à gauche.

BONNE APPLICATION
La clé de cette technique est d’arriver à faire glisser la peau et de stopper au
premier signe de résistance. Appliquez le toucher le plus léger possible,
avec le bout des pouces. Puis faites glisser la peau sur une courte distance
au-dessus des couches de muscle, d’os et de tendon.
Cette technique diffère du massage qui cherche à détendre les muscles et
presse donc avec force. Prenez le temps de bien lire les instructions afin de
l’exécuter de la bonne manière.
Il s’agit d’étirer le tissu conjonctif juste sous la peau (pour avoir une idée
de la finesse et la délicatesse de ce tissu, regardez « Strolling under the
Skin » sur YouTube). Le tissu conjonctif est riche en terminaisons
nerveuses proprioceptives. En faisant glisser la peau sur les muscles et les
os, on crée une légère traction, suffisante pour stimuler les terminaisons
nerveuses.
Il est inutile d’appliquer de la force parce que vous travaillez directement
sur les nerfs proprioceptifs. Si vous continuez à pousser après le premier
signe de résistance ou si vous faites glisser la peau trop rapidement, les
muscles et les ligaments se contractent. Cela ne cause aucun dommage,
mais le relâchement prend plus de temps. Au pire, vous n’obtiendrez pas le
résultat désiré.
Il est possible que vous tiriez si légèrement que la personne vous signale
qu’elle ne sent rien. C’est le retour que vous attendiez !
Au cours du traitement, vous noterez une nette amélioration de l’élasticité
de la peau.

Les exercices de la salamandre


Les exercices suivants accroissent progressivement la souplesse de la
colonne thoracique en dégageant les articulations des côtes et du sternum.
Ils augmentent la capacité respiratoire et réduisent la posture de la tête
avancée et la scoliose.
80 % des fibres du nerf vague sont afférentes (sensitives), c’est-à-dire
qu’elles transmettent l’information du corps au cerveau, tandis que 20 %
sont efférentes (motrices) et transmettent les instructions du cerveau au
corps. Certaines des fibres afférentes des NC IX et X surveillent la quantité
d’oxygène et de dioxyde de carbone dans le sang. En améliorant le schéma
respiratoire, on indique au cerveau (via les nerfs afférents) que l’on est en
sécurité et que les viscères fonctionnent bien. Cette information favorise
l’activité vagale ventrale. Mais lequel précède l’autre ? Un schéma
respiratoire contraint est-il le résultat d’une dysfonction vagale ventrale ou
le manque de fonction vagale ventrale est-il causé par un schéma
respiratoire défaillant ? S’il existe des tensions dans le diaphragme
respiratoire et les muscles qui soulèvent les côtes, les nerfs vagaux afférents
signalent une respiration anormale, laquelle peut empêcher un état
d’activité vagale ventrale, tout comme la restauration de l’activité vagale
ventrale peut améliorer l’état physiologique. En pratique, il est donc utile
d’améliorer les deux, peu importe lequel vient en premier.
La posture de tête avancée réduit l’espace disponible pour la respiration.
Les exercices de la salamandre redonnent de l’espace au cœur et aux
poumons. La réduction de la posture de tête avancée ôte aussi la pression
sur les nerfs qui vont de la moelle épinière au cœur, aux poumons et aux
viscères. Enfin, en corrigeant l’alignement des vertèbres cervicales, ils
soulagent aussi la pression sur les artères vertébrales et atténuent les maux
de dos situés entre les épaules.
Pour ces exercices, il faut tenir la tête dans le prolongement de la colonne.
Cette posture est similaire à celle de la salamandre, qui n’a pas de cou. Elle
ne peut pas plier, tendre ou redresser la tête au-dessus de la vertèbre spinale,
comme font les reptiles et les mammifères.
En termes de mouvement de la moelle épinière, cette position place la tête
ni trop haut ni trop bas. La colonne thoracique peut s’incliner, un peu
comme chez une salamandre. Les mouvements latéraux des vertèbres
thoraciques relâchent les tensions musculaires entre les côtes et la colonne.
Cela contribue à la liberté de mouvement des côtes et favorise une
meilleure respiration.
Il y a généralement plus de souplesse dans le cou et la partie lombaire que
dans la partie thoracique de la colonne. Mais la souplesse de cette dernière
s’accroît spectaculairement avec des mouvements latéraux. Les
articulations des facettes costales se déverrouillent et laissent la colonne
bouger avec beaucoup plus de liberté.

1RE PARTIE : EXERCICE DE LA DEMI-SALAMANDRE


Asseyez-vous ou mettez-vous debout dans une position confortable pour
effectuer la première partie de l’exercice de la salamandre.
1. Tournez les yeux vers la droite, sans tourner la tête.
2. Penchez la tête pour la rapprocher de votre épaule droite, sans soulever
l’épaule ni tourner la tête (Figure 10).

Figure 10. Demi-salamandre avec les yeux vers la gauche

3. Maintenez la tête dans cette position durant trente à soixante secondes.


4. Puis ramenez la tête dans la position de départ et regardez devant vous.
5. Faites la même chose de l’autre côté. Regardez vers la gauche, puis
penchez la tête vers l’épaule gauche. Après trente à soixante secondes,
redressez la tête et regardez devant vous.

VARIATION SUR LA DEMI-SALAMANDRE


Dans cette version, suivez les instructions ci-dessus, mais regardez vers la
droite en penchant la tête vers la gauche (Figure 11). Tourner les yeux dans
le sens opposé au mouvement de la tête accroît l’amplitude du mouvement ;
vous devriez être capable d’incliner la tête encore plus bas vers la gauche.
Restez dans cette position trente à soixante secondes, puis faites la même
chose de l’autre côté.
Figure 11. Demi-salamandre avec les yeux vers la droite

2E PARTIE : EXERCICE DE LA SALAMANDRE


Cet exercice comprend la flexion de toute la colonne et pas seulement du
cou. On use donc d’une posture différente.
1. Mettez-vous à quatre pattes et équilibrez le poids de votre corps sur les
mains et les genoux. Votre tête doit être dans le prolongement de la
colonne (Figure 12).
Figure 12. Salamandre à quatre pattes

2. Les oreilles ne doivent pas dépasser le niveau de la colonne. Afin de


bien vous placer, soulevez la tête légèrement au-dessus de ce que vous
pensez être la position correcte. Vous devez sentir votre tête légèrement
redressée. Puis baissez la tête un peu au-dessous de ce que vous pensez
être la position correcte. Vous devez sentir que votre tête est plus basse
que votre colonne. Faites des allers-retours entre ces deux positions.
Levez un peu la tête puis baissez-la un peu. Essayez de trouver une
position intermédiaire, dans laquelle votre tête n’est ni trop haut ni trop
bas. Même si vous ne pourrez jamais la trouver avec exactitude, vous
pouvez vous en approcher.
3. Une fois que vous avez trouvé la bonne posture, regardez vers la droite,
maintenez le regard dans cette direction et inclinez la tête vers la droite
en rapprochant votre oreille droite de votre épaule droite.
4. Continuez le mouvement au-delà du cou en courbant le flanc jusqu’à
l’extrémité de la colonne.
5. Restez dans cette position trente à soixante secondes.
6. Redressez-vous et ramenez la tête au centre.

Figure 13. Salamandre avec la tête à gauche

7. Répétez les étapes ci-dessus du côté gauche (Figure 13).

Le massage pour les migraines


Quatre schémas typiques des migraines sont illustrés dans l’appendice (voir
« Céphalées »). Les croix noires indiquent les zones gâchettes. Ce sont des
endroits qu’il faut masser pour soulager la tension musculaire. Sélectionnez
le schéma qui correspond à vos symptômes. Il vous indique quelles parties
de quels muscles masser. Les zones gâchettes sont des zones musculaires où
se concentrent les terminaisons nerveuses. Elles donnent parfois une
sensation d’épaisseur et de dureté par rapport au reste du muscle. Les
migraineux disent souvent que les zones gâchettes à traiter sont
douloureuses quand on les presse.

DISSIPER LA TENSION DANS LES ZONES GÂCHETTES


Une pression légère suffit en général à soulager la tension musculaire, parce
que l’on travaille sur des nerfs. Plutôt que de masser le muscle en
intégralité, comme dans un massage ordinaire, il suffit de masser les zones
gâchettes, sans pression excessive. Le massage en profondeur ou avec
beaucoup de force est plutôt contre-productif. Une pression excessive met
le système nerveux autonome en état d’activation sympathique ou de repli
dorsal parce qu’il ne se sent pas en sécurité. Ce n’est pas dangereux, mais
c’est inefficace et il lui faut du temps pour se calmer.
Dessinez de petits cercles sur la zone gâchette. Puis arrêtez-vous et
attendez une réaction sous forme de soupir ou de déglutition. En quelques
minutes, la douleur devrait diminuer d’intensité ou disparaître. Répétez le
traitement chaque fois qu’une migraine menace.
Vous n’avez pas besoin de traiter tous les emplacements désignés par une
croix. Si vous ne sentez rien de douloureux à cet endroit, c’est que la zone
gâchette n’est pas active. Ne perdez pas de temps à essayer de la relâcher et
concentrez-vous sur les zones gâchettes qui sont effectivement dures,
épaisses ou douloureuses.

L’exercice pour les raideurs de cou


Cet exercice amplifie la mobilité de la tête, soulage les raideurs de cou et
aide à prévenir les migraines. Il est similaire au premier mouvement que
l’on fait bébé, lorsque allongé sur le ventre, on se relève sur ses coudes et
on redresse la tête pour regarder autour de soi.
1. Allongez-vous sur le ventre (Figure 14). Levez la tête et ramenez les
bras sous la poitrine. Appuyez-vous sur vos coudes (Figure 15).
Figure 14. Allongé sur le ventre

Figure 15. Tête redressée

2. Tournez la tête vers la droite aussi loin que possible. Maintenez cette
position soixante secondes.
3. Ramenez la tête au centre.
Figure 16. Tête tournée vers la gauche

4. Tournez ensuite la tête vers la gauche aussi loin que possible et


maintenez cette position soixante secondes (Figure 16).
Si la mobilité de la tête s’est améliorée avec cet exercice, mais que le
mouvement n’est pas aussi ample que vous le voudriez, cette limitation
vient sans doute du muscle élévateur de la scapula, innervé par les nerfs
spinaux C3 à C5. Ce genre de raideur ne s’élimine pas avec l’amélioration
fonctionnelle du NC XI (voir « Muscle élévateur de la scapula », page 130).
La raideur du cou peut aussi venir d’une hernie hiatale et d’un
raccourcissement de l’œsophage, car le nerf vague s’enroule autour de
l’œsophage (voir « Traiter la hernie hiatale » page 125).

L’exercice de torsion et rotation


L’exercice de torsion et rotation améliore le tonus des trapèzes flasques et
équilibre leurs trois faisceaux. Il permet aussi d’allonger la colonne,
d’améliorer la respiration et de corriger la posture de la tête avancée,
soulageant ainsi les douleurs d’épaule et de dos.
Il nécessite moins d’une minute et le soulagement est immédiat.
Effectuez-le chaque fois que vous êtes resté assis un long moment et
répétez-le de temps à autre. Pour ma part, je le fais chaque fois que je cesse
de travailler à l’ordinateur. Votre posture et votre respiration s’amélioreront,
et vous en sentirez les effets cumulatifs.
L’idée directrice n’est pas de renforcer ou d’étirer les trapèzes. On part du
principe qu’ils sont suffisamment forts, mais qu’il faut stimuler les fibres
flasques grâce aux nerfs. On les réveille pour qu’elles fassent leur part du
travail, comme lorsque le bébé commence à ramper à quatre pattes.
Lorsqu’un bébé est allongé sur le ventre, il utilise les fibres des trois
parties du trapèze pour rapprocher les omoplates, redresser la tête et
regarder autour de lui. De même quand il se met à quatre pattes pour ramper
et regarder autour de lui.
Mais lorsqu’il se lève, l’équilibre est rompu entre les fibres musculaires.
Certaines deviennent plus tendues et d’autres plus flasques. La tête n’est
plus soutenue par les trois parties des trapèzes. Au fil des ans, la tête tend à
avancer, de sorte que le milieu des oreilles dépasse la ligne médiane des
épaules.
Avec cet exercice, vous répartissez mieux le tonus des fibres des trois
faisceaux des trapèzes. Quand vous vous asseyez ou vous mettez debout,
votre tête se redresse naturellement, réduisant la posture de la tête avancée
et la posture en général.

INSTRUCTIONS
Cet exercice comprend trois parties. C’est la position des bras qui diffère
chaque fois.
Asseyez-vous confortablement sur une chaise ou un banc. Regardez
devant vous.
1. Repliez et croisez les bras, les mains légèrement posées sur les coudes
(Figure 17). Vous allez pivoter rapidement les épaules d’un côté puis de
l’autre, sans vous arrêter et sans bouger les hanches.
Figure 17. Mains posées sur les coudes

2. Pour la première partie de l’exercice, laissez les coudes reposer contre


votre corps. Pivotez les épaules en sorte d’entraîner vos coudes, d’abord
d’un côté puis de l’autre. Ce faisant, vos bras se déplacent doucement
sur votre estomac. Cela active les fibres du trapèze supérieur
(Figure 18).
3. Faites-le trois fois. Ne forcez pas et ne stoppez pas le mouvement.
Pivotez les épaules sans les freiner ; vos mouvements sont souples et
détendus.
Figure 18. Torsion du trapèze

4. La deuxième partie est similaire à la première. La seule différence est


que vous levez les coudes et les tenez à hauteur du cœur (Figure 19).
Faites pivoter vos coudes d’un côté puis de l’autre (Figure 20). Répétez
le mouvement trois fois. Cela active les fibres musculaires du trapèze
moyen.
Figure 19. Torsion du trapèze avec les coudes en l’air

Figure 20. Torsion du trapèze vers la droite

5. Pour la troisième partie, levez les coudes aussi haut que possible et
répétez l’exercice ci-dessus (Figure 21). Pivotez les coudes d’un côté et
de l’autre trois fois (Figure 22). Cela active les fibres musculaires du
trapèze inférieur.

Figure 21. Coudes levés en hauteur


Figure 22. Torsion du trapèze avec les bras levés

Après cet exercice, vous remarquerez sans doute que votre tête est plus
légère et a reculé tout en se redressant. Il n’est pas inhabituel de gagner un
ou deux centimètres de recul après cet exercice. Demandez à quelqu’un de
vous regarder de profil, il vous le confirmera.

Le lifting naturel de 4 minutes (1)


Il s’agit d’un traitement doux et agréable qui, en restaurant la fonction des
NC V et VII, détend les muscles de la face et donne un sourire plus naturel.
Vous pouvez l’exécuter sur vous ou sur quelqu’un d’autre. Le lifting
naturel :
• Améliore la circulation de la peau du visage
• Anime les muscles d’expression du tiers moyen du visage, entre les
coins de la bouche et les coins des yeux
• Rajeunit visiblement le visage
• Aide à sourire plus souvent et plus naturellement
• Rend le visage plus réactif aux interactions avec autrui et accroît donc
l’empathie
• Rehausse un peu les pommettes plates et aplatit un peu les pommettes
hautes
Avant de faire cet exercice, regardez-vous dans le miroir. Si vous
effectuez cette technique sur quelqu’un d’autre, donnez-lui un miroir à
main, en sorte qu’il ou elle puisse se regarder et suivre les changements.
Observez particulièrement la peau autour des pommettes.
Occupez-vous d’abord d’un des côtés du visage. Puis vérifiez si vous
constatez une différence entre les deux côtés. Elle est particulièrement
évidente quand vous parlez ou souriez. Faites ensuite l’autre côté. Vous
verrez davantage de symétrie.

OÙ APPLIQUER CETTE TECHNIQUE ?


En acupuncture, le méridien du Gros Intestin se termine au point 20 GI, à
quelques millimètres du nez (voir « Points d’acupuncture » dans
l’appendice). C’est ce qu’on appelle le point de beauté dans les massages
chinois, japonais et thaï. Dans le massage thaï classique, on le nomme
« Bambou doré ». En médecine traditionnelle chinoise, il s’appelle
« Accueil des parfums », car il ouvre les narines et améliore la respiration.
Ce point est intéressant en termes d’anatomie occidentale. Il est situé
directement au-dessus de l’articulation de deux os de la face, le maxillaire
et le prémaxillaire. Longtemps séparés, ces deux os se sont calcifiés en un
seul au cours de notre évolution. En anatomie moderne, on considère qu’ils
ne forment qu’un seul os, le maxillaire.
La terminaison du méridien du Gros Intestin est facile à trouver. Effleurez
la peau à environ trois millimètres du sommet du sillon nasogénien (le pli
entre la joue et la lèvre supérieure), près du bord extérieur de la narine. Si
vous explorez cette zone avec votre doigt, vous sentirez facilement ce point
car il est plus sensible que le reste de la peau (Figure 23).
Figure 23. Massage de 20 GI

COMMENT ET POURQUOI EFFECTUER CETTE TECHNIQUE ?


La peau du visage est innervée par certaines branches du cinquième nerf
crânien. En la caressant légèrement, on stimule ces terminaisons nerveuses.
1. D’un doigt très léger, effleurez la surface de la peau au point 20 GI.
Puis laissez votre doigt adhérer à la peau.
2. Faites glisser la peau de haut en bas pour trouver quel sens présente le
plus de résistance. Poussez doucement dans ce sens. Cessez.
3. Maintenez ce point et attendez qu’il lâche.
4. Faites glisser la peau vers le milieu du visage et vers l’extérieur pour
trouver le sens de plus grande résistance.
5. Arrêtez-vous là et poussez doucement. Maintenez et attendez le
relâchement.
Les muscles du visage sont innervés par certaines branches du septième
nerf crânien. Il y a deux couches de muscle juste sous la peau.
6. Laissez le bout de votre doigt s’enfoncer doucement dans les couches
de muscle à cet endroit. Laissez la première couche de muscle adhérer à
votre doigt comme s’il s’agissait d’un Velcro.
7. Si vous faites attention à ne pas presser trop fort, vous pouvez faire
glisser ces deux couches de muscle l’une sur l’autre en décrivant un
petit cercle.
8. En dessinant ce cercle, vous remarquerez peut-être qu’il y a plus de
résistance dans une direction. Continuez à presser légèrement dans ce
sens et maintenez la pression jusqu’à ce qu’il y ait un relâchement sous
forme de soupir ou de déglutition.
9. Pressez ensuite un peu plus en profondeur. La couche la plus profonde
de muscle colle à celle du dessus et à la peau. Vous pouvez faire glisser
les deux couches ensemble sur l’os.
10. En dessinant des cercles, vous remarquerez peut-être qu’il y a
davantage de résistance dans un sens que dans l’autre. Continuez à
presser légèrement dans ce sens et maintenez jusqu’à ce qu’il y ait un
relâchement sous forme de soupir ou de déglutition.
Tous les os sont recouverts d’un tissu conjonctif appelé périoste. Ce tissu
est très riche en terminaisons de nerfs spinaux ou, dans ce cas, de nerfs
crâniens.
11. Laissez votre doigt s’enfoncer encore plus profondément dans votre
visage jusqu’à ce que vous touchiez légèrement la surface de l’os.
12. Masser la surface du périoste a un profond effet sur le système
nerveux autonome. Pressez légèrement, mais assez fort pour atteindre la
surface de l’os au point 20 GI. Laissez le bout de votre doigt se déplacer
d’un côté à l’autre de la surface de l’os, puis maintenez une légère
pression sur l’os et attendez de sentir un relâchement.
Chez l’embryon, cet os est constitué de deux os, le maxillaire et le
prémaxillaire. Même s’ils sont soudés en un seul, il est encore possible pour
la plupart des gens de sentir leur jonction.
Ce massage des nerfs crâniens V et VII stimule les nerfs de la peau et des
muscles du visage. Il n’efface pas les rides, mais il détend les muscles du
visage, réduit quelques ridules et redonne au visage une part de sa jeunesse
et sa fraîcheur. Et il n’a pas d’effets secondaires : pas de tissu cicatriciel, pas
d’accumulation toxique de Botox.
Plus important encore, il rend le visage plus expressif, plus communicatif
et plus réactif sur le plan social. Le visage doit être souple et capable
d’exprimer différentes émotions pour favoriser les interactions sociales. On
le voit lors des échanges interpersonnels détendus : des micromouvements
se succèdent très rapidement sur le visage des interlocuteurs, reflétant leurs
expressions mutuelles.
Ces mini-variations de la tension de la peau et des muscles du visage se
signalent au cerveau via les voies afférentes des NC V et VII et informent
immédiatement (et inconsciemment) du ressenti émotionnel de ou des
interlocuteurs. Ce mécanisme est à la base de l’empathie.
Un visage lisse et détendu est généralement vu comme beau.
Malheureusement, la plupart des gens ont un schéma émotionnel récurrent,
qui tire sur la peau et les muscles. Au fil des ans, ces tensions finissent par
créer des rides profondes. En caressant légèrement la peau, on stimule le
NC V et on réduit la tension des muscles de la face.

Le lifting naturel de 4 minutes (2)


Cette technique est très similaire à la précédente. Le point d’acupuncture
2 V (pour vessie) est situé au coin intérieur du sourcil. Lorsqu’on est
fatigué, on masse souvent ce point sans y penser (Figure 24).
Posez le pouce ou l’index sur 2 V. Pressez le bout du doigt pour sentir la
couche de peau, les deux couches de muscle et le périoste.
Ce point est aussi une zone gâchette de l’orbicularis oculi, un muscle plat
et mince qui entoure l’œil. Les yeux sont parfois appelés le miroir de l’âme.

Figure 24. Massage de 2 V

Lorsque le muscle orbicularis oculi est trop tendu, il ferme l’œil, et


lorsqu’il manque de tonus, il l’ouvre à l’excès. Le massage rétablit
l’équilibre entre le regard « en dedans » et le regard « en dehors ». La vision
est plus claire, et il est plus facile de croiser le regard d’autrui.
Par ailleurs, ce point d’acupuncture est situé sur le bord d’un tout petit os
facial appelé l’os lacrymal. En maintenant le contact avec l’os lacrymal sur
le point 2 V, on équilibre aussi le degré d’humidité des yeux, ce qui les rend
plus brillants. Le but des deux parties du lifting naturel est donc de laisser
un sourire sur les lèvres et une étincelle dans le regard.
1. Au coin interne du sourcil, cherchez un point de plus grande sensibilité.
2. Effleurez-le plusieurs fois du bout du doigt.
3. Posez légèrement le doigt dessus et maintenez le contact jusqu’à ce que
vous ressentiez un relâchement sous forme de soupir ou de déglutition.
4. Pressez ensuite doucement la couche de muscle. C’est à cet endroit que
l’orbicularis oculi s’attache à l’os. Laissez la peau adhérer à votre doigt
et décrivez un petit cercle, en faisant légèrement glisser la peau et en
cherchant le sens de plus grande résistance.
5. Maintenez le doigt sur cette résistance jusqu’à ce que vous éprouviez
un relâchement sous forme de soupir ou de déglutition.
6. Enfoncez le doigt plus profondément jusqu’à ce que vous sentiez la
surface de l’os. Massez plusieurs fois.
7. Maintenez le contact avec l’os et attendez un relâchement.
Si le muscle orbicularis oculi était trop tendu, cela devrait rouvrir l’œil
normalement. S’il était trop flasque, cela devrait le refermer un peu. C’est le
second des points de beauté du massage classique thaï.

Trancher les têtes de l’Hydre


Le but de ces exercices et techniques manuelles est de sortir de l’état vagal
dorsal ou de l’activation chronique de la chaîne sympathique et de
réintégrer un état vagal ventral. Ce n’est qu’à ce prix qu’on peut trancher
les têtes de l’Hydre et restaurer sa santé physique et émotionnelle.
REMERCIEMENTS
Merci à Stephen Porges, qui a formulé la théorie polyvagale. Son
enseignement et ses écrits m’ont ouvert un monde de compréhension et
m’ont permis d’aider beaucoup de gens ainsi que d’enseigner à d’autres
cliniciens. Je m’honore de son amitié depuis plus de dix ans, et c’est lui qui
m’a inspiré ce livre. Il a revu sa première mouture et m’a aidé à clarifier des
points importants.
Merci à Alain Gehin, mon ami, mentor et principal
professeur d’ostéopathie et de thérapie crânio-sacrée pendant plus de vingt-
cinq ans. J’étends ma gratitude au professeur Pat Coughlin de la Geisinger
Commonwealth School of Medicine (anciennement Commonwealth
Medical College), qui a été mon principal professeur d’anatomie et de
physiologie et a corrigé les références anatomiques de ce texte. Linda
Thorborg m’a inspiré de nombreux développements de mes techniques
corporelles et a codirigé avec moi des cours de rééducation de la
respiration.
Merci à Kathy Glass, ma rédactrice, qui a tiré un livre de mes notes
chaotiques. Je parle danois depuis trente-cinq ans, et mon anglais, surtout à
l’écrit, a souffert. Rétrospectivement, je sais que Kathy s’est chargée de la
tâche presque impossible de reformuler mes pensées et qu’elle s’en est
sortie avec brio. Benjamin Shield et Jacqueline Lapidus m’ont aussi aidé à
corriger les premiers brouillons.
Merci à Mary Buckley, Erin Wiegand et Nina Pick, éditeurs de North
Atlantic Books, qui ont donné sa forme définitive au manuscrit anglais.
Merci à mes professeurs, dont Jim Oschman, auteur de Médecine
énergétique : les bases scientifiques, et Tom Myers, auteur d’Anatomy
Trains – Les méridiens myofasciaux en thérapie manuelle ; à mes quatre
professeurs de taï chi et qi gong : John Chung Li, Ed Young, le
professeur Cheng Man-Ch’ing et Hans Finne ; à mon professeur de pleine
conscience et de méditation Vipassana, Joseph Goldstein ; à mes
professeurs de Rolfing® : Peter Melchior, Peter Schwind, Michael Salveson
et Louis Schultz ; et à Timothy Dunphy, Ann Parks et mes autres
professeurs de soin, massage et thérapie manuelle au fil des ans.
Merci à mes collègues de l’Institut Rosenberg, de même qu’à mes
étudiants, mes patients et mes nombreux amis, surtout Ira Brind, Benjamin
Shield, Anne et Philip Neess, Lise Pack, Charlotte Soe, Mohammed Al
Mallah, Gordon Enevoldson, DeeDee Schmidt Petersen, Trine Rosenberg et
Donna Smith. Merci à Filip Rankenberg et mes autres collègues de
Manuvision.
Merci à Sri Ravi Shankar pour son intérêt pour notre forme de thérapie
crânio-sacrée et son soutien indéfectible.
Merci à mes enfants, Annatrine, Erik et Tau, à mes petits-enfants, à mes
parents et à mes frères, Jack, Allen et Arnold.
INDEX
A
amygdale 169
antidépresseurs 174
anxiété 156
Anxiété
Peur versus 157
Arrière de la tête plat
TDAH, autisme et 193
Technique pour arrondir un 194
Asthme 102

B
Barrière hémato-encéphalique 28
BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) 100
caractéristiques 119
causes de la 119
Étude de cas 121
Traitement de la 121
Branche pharyngienne du nerf vague 110
Branche vagale dorsale
Comportement 33
fonctions de la 32
Branche ventrale du nerf vague
NC XI et 65

C
Céphalées 148
Chaîne sympathique 31, 33
Comorbidité 38
Comportement antisocial 163
Crises de panique 157

D
Dépression 174
Dépression post-partum 177
Dissociation 76
Dure-mère 55
Dysfonctionnement des viscères 37

E
Émotions
Système nerveux autonome 154
Enfants
Anxiété chez les 161
Autistiques 183
TDAH chez les 98
État vagal dorsal
symptômes de l’ 75
Exercice de base 200
Exercice de la demi-salamandre 212
Exercice de torsion et rotation 219
Exercices de la salamandre 211

F
Faux du cerveau 55
Foramen magnum 57
Frein vagal 75, 113, 114

H
Hernie hiatale 124
Étude de cas pour la 121
TDAH 179
Traitement de la 125
Hibernation 72
Hippocampe 169
Homéostasie 63
Hyperacousie 186

I
Interaction sociale
Dysfonctionnement des nerfs crâniens et 48
Neurologie de l’ 51
Restaurer l’ 33, 131

L
Lifting naturel 223
Liquide cérébrospinal 28
Listening Project Protocol 104, 187

M
Maux de dos 57
Maux de tête 146
Métaphore de l’Hydre 35, 95
Migraines 147, 151, 216
Muscle élévateur de la scapula 130
Muscle élévateur du voile du palais 111
Muscles sous-occipitaux 146
Muscles sterno-cléido-mastoïdiens 129, 132, 137
Muscle stapédien 46, 49

N
Nerf abducens (NC VI) 44, 47
Nerf accessoire (NC XI) 47
Nerf acoustique (NC VIII) 46, 47
Nerf facial (NC VII) 47
Nerf glossopharyngien (NC IX) 47
Nerf hypoglosse (NC XII) 47
Nerf oculomoteur (NC III) 46
Nerf olfactif (NC I) 46
Nerf optique (NC II) 46
Nerfs crâniens 26
Fonctions des 36, 42, 46
Interaction sociale et 33
Nerf spinaux et 41
Numérotation des 41
Nerfs spinaux 31, 56
Nerf trijumeau (NC V) 46
Nerf trochléaire (NC IV) 46
Nerf vague
Branche dorsale du 51, 52
Émergence du 53
Fibres afférentes et efférentes du 52, 211
Histoire du 32
NC XI et 137
Nerf vague (NC X) 47
Neuroception
Défaillante 85
Signification de la 85
Survie et 85
Noyau ambigu 51, 138

O
Observation faciale 93
Orbicularis oculi 93
Oscillation de Traube-Hering-Mayer 103
Os crâniens 27
Os sphénoïde 50
Ouïe
Évolution de l’ 190
Trouble du spectre autistique et 184

P
Périoste 226
Peur
Anxiété versus 157
Immobilisation avec 66
Mobilisation avec 66
Odeur de la 157
Processus psychologique 157
phobies 162
Poignée de main 63
Posture de la tête avancée 142, 219
POTS (syndrome de tachycardie orthostatique posturale) 76
Problèmes cardiaques et pulmonaires 37
Problèmes comportementaux 38
Problèmes d’épaule 129
Problèmes émotionnels 37
Problèmes immunitaires 38
Problèmes mentaux 38
Problèmes somatopsychologiques 153
Psychiatrie, histoire de la 153

R
Réaction de combat ou de fuite 79
Respiration 123
Diaphragmatique 128
Respiration costale 128

S
Salamandre, exercices de la 211
Stress
nouvelle conception du 172
réaction de 88
stress chronique 68
syndrome de stress post-traumatique 170
système nerveux sympathique 61
Symptômes
Liste de 36
Multiples 38
syndrome de stress post-traumatique (SSPT) 170
Système nerveux autonome 41
Anatomie du 67
Ancienne conception 26
Dépression et 174
Deux états hybrides du 65
Émotions du 154
Fonctions du 25
Homéostasie et 63
Système nerveux entérique et 60
Traumatisme et 170
Trois circuits du 61
Troubles du spectre autistique et 183
Système nerveux parasympathique 61
Système nerveux sympathique 78
Stress et 61

T
TDAH (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité) 179
Technique de relâchement neurofascial 207
Technique du soulèvement pelvien 108
Tensions physiques chroniques 36
Test du pincement du trapèze 141
Théorie polyvagale 61
Histoire de la 69, 102
Nom de la 69
Pouvoir de guérison de la 119
Thérapie crânio-sacrée
Biodynamique 55
Biomécanique 117
Tissu cicatriciel 145
Traumatisme
Guérir d’un 170
Système nerveux autonome et 170
Trouble bipolaire 176
Troubles du spectre autistique (TSA) 181
Coût des 182
Diagnostic 181
Project Protocol 104, 187
Prévalence des 182
Problème d’audition et 189
Système nerveux autonome et 183
Traitement des 193

V
Variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) 97
Vertèbres cervicales 204
Violences domestiques 167

Z
Zones gâchettes 216
À PROPOS DE L’AUTEUR

Stanley Rosenberg est un écrivain et un thérapeute manuel d’origine


américaine. Praticien du Rolfing® depuis 1983 et de la thérapie crânio-
sacrée depuis 1987, il a étudié la thérapie crânio-sacrée biomécanique de
nombreuses années sous la direction d’Alain Gehin, puis s’est formé à la
thérapie crânio-sacrée à l’Institut Upledger et à la biodynamie crânio-sacrée
avec Giorgia Milne, avant d’étudier le traitement des enfants avec Benjamin
Shield et l’ostéopathie avec Jean-Pierre Barral.
Il a fondé et dirigé une école de thérapie manuelle au Danemark, dans
laquelle il enseigne l’intégration structurale, le relâchement myofascial, le
relâchement du tissu cicatriciel, la thérapie crânio-sacrée biomécanique, le
massage viscéral et la biotenségrité. Il est l’auteur de quatre autres ouvrages
publiés au Danemark : Nevermore Pain in the Back, Nevermore Stiff Neck,
Pain Relief with Osteomassage et Hwa Yu Tai Chi. Outre sa carrière de
thérapeute manuel, Stanley Rosenberg a aussi travaillé pour le théâtre dans
différentes institutions, dont l’université Yale, l’université Brandeis, le
Swarthmore College et les Écoles nationales de théâtre du Danemark et de
l’Islande. On peut trouver plus d’informations sur les techniques présentées
dans ce livre sur son site web : www.stanleyrosenberg.com.
1. Jerzy Grotowski, Vers un théâtre pauvre, La Cité, 1971.
2. Ida P. Rolf, Rolfing: Reestablishing the Natural Alignment and Structural Integration of the
Human Body for Vitality and Well-Being, Rochester, VT : Healing Arts Press, 1989.
1. Prix Nobel de physiologie ou médecine 1937,
https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1937/summary/
2. Il existe une autre définition médicale du stress, concernant l’exercice des muscles et/ou des
organes dans le sport ou dans le jeûne. Un certain degré de ce stress-là semble bénéfique pour
l’organisme.
3. L’ouvrage d’Alain Gehin faisant autorité s’intitule Atlas des techniques manipulatives des os du
crâne et de la face (De Verlaque, 2000). Il y enseigne plus de 150 techniques biomécaniques et
explique lesquelles choisir pour améliorer individuellement la fonction des nerfs crâniens.
4. Ronald Lawrence et Stanley Rosenberg, Pain Relief with Osteomassage, Santa Barbara, CA :
Woodbridge Press, 1982.
1. Le NC VIII est le nerf vestibulocochléaire. Il y a deux organes spécialisés dans le labyrinthe
osseux de l’os temporal. « Cochléaire » se réfère à la composante auditive du NC VIII, qui traduit le
son en impulsions électriques pour le cerveau. « Vestibulaire » se réfère à la partie du NC VIII qui
traduit l’information à partir du mouvement d’un épais liquide dans les trois canaux semi-circulaires
de l’os temporal. Lorsque la tête change de position, ce liquide se déplace et entraîne des cils (des
récepteurs sensoriels) qui donnent la sensation de mouvement et de pesanteur.
2. Harold Magoun, Ostéopathie dans le champ crânien, Sully, 2011.
3. L’idée que les os du crâne sont mobiles est contraire à presque tous les enseignements en anatomie
et en physiologie. L’opinion communément admise est qu’ils se soudent à différents stades de la vie,
le dernier étant l’âge de 38 ans. Mais j’ai pu voir des os crâniens appartenant à une adulte plus âgée
que cela dans un laboratoire d’anatomie. Ils avaient été séparés en remplissant le crâne de riz et en
l’immergeant dans un seau d’eau. En absorbant l’eau, le riz avait écarté les os les uns des autres. Si
les os avaient été soudés, comme on l’enseigne dans les cours d’anatomie, cet écartement n’aurait pas
été possible chez une adulte de cet âge.
4. Lauren M. Wier, MPH (Thomson Reuters) et Roxanne M. Andrews, PhD (AHRQ), Statistical
Brief #107: The National Hospital Bill: The Most Expensive Conditions by Payer, 2008, Healthcare
Cost and Utilization Project Statistical Brief #107, Rockville, MD: Agency for Healthcare Research
and Quality, 2011, www.hcup-us.ahrq.gov/reports/statbriefs/sb107.pdf.
5. M. Widen, “Back Specialists are Discouraging the Use of Surgery”, American Academy of Pain
Medicine, 17e congrès annuel, Miami Beach, Floride, 2001.
6. Markus Melloh, Christoph Röder, Achim Elfering, Jean-Claude Theis, Urs Müller, Lukas P. Staub,
Emin Aghayev, Thomas Zweig, Thomas Barz, Thomas Kohlmann, Simon Wieser, Peter Jüni et
Marcel Zwahlen, “Differences Across Health Care Systems in Outcome and Cost-Utility of Surgical
and Conservative Treatment of Chronic Low Back Pain: A Study Protocol”, BMC Musculoskeletal
Disorders 9, n° 81, 2008.
7. Lumbar Spinal Stenosis, American Academy of Orthopaedic Surgeons, 2010,
www.knowyourback.org/Pages/SpinalConditions/DegenerativeConditions/LumbarSpinalStenosis.asp
x.
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2. Gernot Ernst, Heart Rate Variability, London, Springer-Verlag, 2014, 261.
3. Stephen W. Porges, “Orienting in a Defensive World: Mammalian Modifications of our
Evolutionary Heritage – A Polyvagal Theory”, Psychophysiology 32, 1995, 301-318.
4. Fischer, Philip, MD, “Postural Orthostatic Tachycardia Syndrome (POTS)”, Mayo Clinic podcast,
23 avril 2008, http://newsnetwork.mayoclinic.org/discussion/postural-orthostatic-tachycardia-
syndrome-pots-24cc80/.
5. P. J. Carek, S. E. Laibstain et S. M. Carek, “Exercise for the Treatment of Depression and
Anxiety”, The International Journal of Psychiatry in Medicine 41, n° 1, 2011, 15-28.
6. Pour la liste des problèmes de santé dérivant au moins en partie d’un dysfonctionnement de la
branche ventrale du nerf vague, voir le tableau en début de première partie, « Combattre les têtes de
l’Hydre ».
1. Stephen W. Porges, “Neuroception: A Subconscious System for Detecting Threats and Safety”,
Zero to Three 24, n° 5, mai 2004, 19-24.
2. Ben Hogan, Five Lessons: The Modern Fundamentals of Golf, New York, Simon and Schuster,
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1. Vasilios Papaioannou, Ioannis Pneumatikos et Nikos Maglaveras, “Association of Heart Rate
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2. B. Pomeranz, R. J. Macauley, M. A. Caudill, I. Kutz, D. Adam et D. Gordon, “Assessment of
Autonomic Function in Humans by Heart Rate Spectral Analysis”, American Journal of Physiology
248, 1985, H151-H153.
3. U. I. Zulfiqar, D. A. Jurivich, W. Gao et D. H. Singer, “Relation of High Heart Rate Variability to
Healthy Longevity”, American Journal of Cardiology 105, n° 8, 15 avril 2010, 1181-85, doi :
10.1016/j.amj-card.2009.12.022, 20 février 2010, erratum 106, n° 1, 1er juillet 2010, 142.
4. P. Jönsson, “Respiratory Sinus Arrhythmia as a Function of State Anxiety in Healthy Individuals”,
International Journal of Psychophysiology 63, 2007, 48-54.
5. P. Nickel et F. Nachreiner, “Sensitivity and Diagnosticity of the 0.1-Hz Component of Heart Rate
Variability as an Indicator of Mental Workload”, Human Factors 45, n° 4, 2003, 575-590.
6. J. F. Brosschot, E. Van Dijk et J. F. Thayer, “Daily Worry is Related to Low Heart Rate Variability
During Waking and the Subsequent Nocturnal Sleep Period”, International Journal of
Psychophysiology 63, 2007, 39-47.
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H. L. Kennedy, R. E. Kleiger, F. Lombardi, A. Malliani, A. J. Moss, J. N. Rottman, G. Schmidt,
P. J. Schwartz et D. H. Singer (Task Force of the European Society of Cardiology and the North
American Society of Electrophysiology), “Heart Rate Variability: Standards of Measurement,
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8. Arpi Minassian, PhD, Mark A. Geyer, PhD, Dewleen G. Baker, MD, Caroline M. Nievergelt, PhD,
Daniel T. O’Connor, MD, Victoria B. Risbrough, PhD et the Marine Resiliency Study Team, “Heart
Rate Variability in a Large Group of Active-Duty Marines and Relationship to Posttraumatic Stress”,
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9. Vasilios Papaioannou, Ioannis Pneumatikos et Nikos Maglaveras, “Association of Heart Rate
Variability and Inflammatory Response in Patients with Cardiovascular Diseases: Current Strengths
and Limitations”, Psychosomatic Medicine 67, suppl. 1, 2005, S29-S33.
10. Masari Amano, Tomo Kando, U. E. Hidetoshi et Toshio Moriani, “Exercise Training and
Autonomic Nervous System Activity in Obese Individuals”, Medicine and Science in Sports and
Exercise 33, 2001, 1287-1291.
11. Amelia M. Stanton, Tierney A. Lorenz, Carey S. Pulverman et Cindy M. Meston, “Heart Rate
Variability: A Risk Factor for Female Sexual Dysfunction”, Applied Psychophysiology and
Biofeedback 40, (2015, 229-237).
12. Ji Yong Lee, Kwan-Joong Joo, Jin Tae Kim, Sung Tae Cho, Dae Sung Cho, Yong-Yeun Won et
Jong Bo Choi, “Heart Rate Variability in Men with Erectile Dysfunction”, International
Neurourology Journal 1 5, n° 2, (juin 2011, 87-91).
13. Jacqueline M. Dekker, PhD, Richard S. Crow, MD, Aaron R. Folsom, MD, MPH, Peter
J. Hannan, MStat, Duanping Liao, MD, PhD, Cees A. Swenne, PhD et Evert G. Schouten, MD, PhD,
“Clinical Investigation and Reports: Low Heart Rate Variability in a 2-Minute Rhythm Strip Predicts
Risk of Coronary Heart Disease and Mortality from Several Causes: The ARIC Study”, Circulation
102, 2000, 1239-1244.
14. Robert M. Carney, Kenneth E. Freedland et Richard C. Veith, “Depression, the Autonomic
Nervous System, and Coronary Heart Disease”, Psychosomatic Medicine 67, mai-juin 2005, S29-
S33. Des études sur des patients cliniquement déprimés ont montré des taux élevés de
catécholamines plasmatiques et d’autres marqueurs d’une fonction du système nerveux autonome
altérée, comparé aux groupes témoins. Des études de patients déprimés souffrant d’une
coronaropathie ont aussi dévoilé un dysfonctionnement du SNA, comprenant un rythme cardiaque
élevé, une VFC faible, des réactions exagérées du rythme cardiaque au stress physique, une
variabilité élevée de la repolarisation ventriculaire et une faible sensibilité du barorécepteur. Tous ces
indicateurs d’un dysfonctionnement du SNA ont été associés à des risques accrus de mortalité et de
morbidité cardiaque chez des patients atteints de coronaropathie.
15. M. Malik, P. Barthel, R. Schneider, K. Ulm et G. Schmidt, “Heart-rate Turbulence after
Ventricular Premature Beats as a Predictor of Mortality after Acute Myocardial Infarction”, The
Lancet 353, n° 9162, 24 avril 1999, 1390-1396.
16. U.S. Department of Health and Human Services, National Center for Health Statistics, “Health,
United States 2015: Special Feature on Racial and Ethnic Health Disparities”, accès juin 2016,
www.cdc.gov/nchs/hus/.
17. A. B. Kulur, N. Haleagrahara, P. Adhikard et P. S. Jeganathan, “Effect of Diaphragmatic
Breathing on Heart Rate Variability in Ischemic Heart Disease with Diabetes”, Arquivos Brasilieros
Cardiologia 92, n° 6, juin 2009, 423-429, 440-447, 457-463.
18. Peter Levine est un éminent thérapeute du traumatisme. Il use de techniques verbales combinées
à une observation minutieuse des changements subtils du système nerveux autonome de son patient
pendant que celui-ci régresse dans le temps jusqu’à l’événement traumatique. Il est l’auteur de
Réveiller le tigre – Guérir le traumatisme (InterÉditions, 2013). Son enseignement s’est développé
depuis sous une forme appelée Somatic Experiencing.
19. Stephen Porges a développé, déposé et commercialisé un appareil de mesure du tonus vagal par
la VFC avec une petite société appelée Delta-Biometrics, Inc. Cette société n’existe plus, mais
d’autres appareils de mesure du tonus vagal sont fabriqués par d’autres sociétés.
20. Le Dr James Oschman est chercheur et auteur du best-seller Médecine énergétique : les bases
scientifiques, Sully, 2016.
21. Le Listening Project Protocol est désormais disponible chez Integrated Listening Systems sous le
nom “Safe and Sounds Protocol: A Portal to Social Engagement”, http://integratedlistening.com/ssp-
safe-sound-protocol.
22. John T. Cottingham, Stephen W. Porges et Todd Lyon, “Effects of Soft Tissue Mobilization
(Rolfing Pelvic Lift) on Parasympathetic Tone in Two Age Groups”, Physical Therapy 68, n° 3,
mars 1988, 352-356.
1. D. Buskila et H. Cohen, “Comorbidity of Fibromyalgia and Psychiatric Disorders”, Current Pain
and Headache Reports 11, n° 5, octobre 2007, 333-338.
2. P. Schweinhardt, K. M. Sauro et M. C. Bushnell, “Fibromyalgia: a disorder of the brain?”,
Neuroscientist 14, n° 5, 2008, 415-421.
3. Une revue systématique des antidépresseurs a échoué à démontrer leur efficacité supérieure
comparé à une psychothérapie, une thérapie alternative comme le sport, l’acupuncture et la
relaxation, des placebos comme la « sham » acupuncture ou des thérapies non spécifiques de la
dépression. Arif Khan, Charles Faucett, P. Lichtenberg, I. A. Kirsch et W. A. Brown, “A Systematic
Review of Comparative Efficacy of Treatments and Controls for Depression”, PLOS, 30 juillet 2012,
http://dx.doi.org/10.1371/journal.pone.0041778.
4. Mon premier professeur de thérapie crânio-sacrée biomécanique était Alain Gehin, un ostéopathe
français auteur de l’Atlas des techniques manipulatives des os du crâne et de la face (voir note 1
page 29).
5. Monica J. Fletcher, Jane Upton, Judith Taylor-Fishwick, Sonia A. Buist, Christine Jenkins, John
Hutton, Neil Barnes, Thys Van Der Molen, John W. Walsh, Paul Jones et Samantha Walker, “COPD
Uncovered: An International Survey on the Impact of Chronic Obstructive Pulmonary Disease
[COPD] on a Working-Age Population”, BMC Public Health Journal 11, n° 612, 2011,
www.biomedcentral.com/1471-2458/11/612#B1, doi:10.1186/1471-2458-11-612.
6. The 10 Leading Causes of Death in the World, 2000 and 2012, World Health Organization Fact
Sheet n° 310, Genève, Suisse, Organisation mondiale de la Santé, 2013.
7. Robert I. Miller et Sterling K. Clarren, “Long-Term Developmental Outcomes in Patients with
Deformational Plagiocephaly”, Pediatrics 105, n° 2, février 2000.
8. David G. Simons, Janet G. Travell et Lois Simons, Douleurs et troubles fonctionnels myofaciaux,
Haug International, 1998.
9. Ida P. Rolf, Rolfing: Reestablishing the Natural Alignment and Structural Integration of the
Human Body for Vitality and Well-Being, Édition révisée, Rochester, VT: Healing Arts Press, 1989.
10. John T. Cottingham, Stephen W. Porges et Todd Lyon, “Effects of Soft Tissue Mobilization
(Rolfing Pelvic Lift) on Parasympathetic Tone in Two Age Groups”, Physical Therapy 68, n° 3,
mars 1988, 352-356. Je présente leur expérience en détail au chapitre 4.
11. C. C. Lunardi, F. A. Marques da Silva, Rodrigues Mendes Marques, A. P. Stelmach et Fernandes
Carvalho, “Is there an Association Between Postural Balance and Pulmonary Function in Adults with
Asthma?”, Clinics 68, n° 11, São Paulo, Brésil, Département de physiothérapie, école de Médecine,
Université de São Paulo, novembre 2013.
12. D. M. Kado, M. H. Huang, H. S. Karlamangla, E. Barrett-Connor et G. A. Greendale,
“Hyperkyphotic Posture Predicts Mortality in Older Community-Dwelling Men and Women: A
Prospective Study”, Journal of the American Geriatric Society 52, n° 10, octobre 2004, 1662-1667.
13. Mayo Clinic Newsletter, 3 novembre 2000.
14. Alf Breig, Adverse Mechanical Tension in the Central Nervous System: An Analysis of Cause and
Effect: Relief by Functional Neurosurgery, Stockholm, Almqvist & Wiksell International, 1978.
15. Roger W. Sperry, “Roger Sperry’s Brain Research”, Bulletin of The Theosophy Science Study
Group 26, n° 3-4, 1988, 27-28. Voir aussi Sperry’s review of The Formation of Nerve Connections
by R. M. Gaze in Quarterly Review of Biology 46, juin 1971, 198.
16. A. I. Kapandji, Physiologie articulaire, 5e édition, Maloine, juin 2017.
17. T. A. Smitherman, R. Burch, H. Sheikh et E. Loder, “The Prevalence, Impact, and Treatment of
Migraine and Severe Headaches in the United States: A Review of Statistics from National
Surveillance Studies”, Headache 53, n° 3, 7 mars 2013, 427-436.
18. L. D. Goldberg, “The Cost of Migraine and its Treatment”, American Journal of Managed Care
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19. David G. Simons, Janet G. Travell et Lois S. Simons, Douleurs et troubles fonctionnels
myofaciaux, tome 1. Hémicorps supérieur, tête tronc et membres supérieurs, Haug International,
novembre 1998.
20. M. S. Robbins et R. B. Lipton, “The Epidemiology of Primary Headache Disorders”, Seminal
Neurology 30, avril 2010, 107-119.
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www.cdc.gov/violenceprevention/pdf/cdc_nisvs_ipv_report_2013_v17_single_a.pdf.
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Depression”, Biological Psychiatry 51, n° 9, 1er mai 2002, 708-714.
7. Bruce S. McEwen, “L1 Stress Induced, Hippocampal, Amygdala and Prefrontal Cortex Plasticity
and Mood Disorders”, Behavioral Pharmacology 15, n° 5-6, 2001, A1.
8. Aucune étude n’a été publiée pour ce projet de traitement. Cette synthèse est tirée de conversations
avec le psychologue Marc Levin sur plusieurs années.
9. Thomas Insel, “Antidepressants: A Complicated Picture”, The National Institute of Mental Health
Directors Blog, 6 décembre 2011, www.nimh.nih.gov/about/directors/thomas-
insel/blog/2011/antidepressants-a-complicated-picture.shtml.
10. Peter Wehrwein, “Astounding Increase in Antidepressant Use by Americans”, Harvard Health
Blog, 20 octobre 2011, www.health.harvard.edu/blog/astounding-increase-in-antidepressant-use-by-
americans-201110203624.
11. Andreas Vilhelmsson, “Depression and Antidepressants: A Nordic Perspective”, Frontiers in
Public Health 1, n° 30, 26 août 2013, doi : 10.3389/fpubh.2013.00030.
12. Craig W. Lindsley, ed., “2013 Statistics for Global Prescription Medications”, ACS Chemical
Neuroscience 5, n° 4, 16 avril 2014, 250-251, www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3990946/,
doi: 10.1021/cn500063v.
13. Jay C. Fournier, MA, Robert J. DeRubeis, PhD, Steven D. Hollon, PhD, Sona Dimidjian, PhD,
Jay D. Amsterdam, MD, Richard C. Shelton, MD et Jan Fawcett, MD, “Antidepressant Drug Effects
and Depression Severity: A Patient-Level Meta-analysis”, Journal of the American Medical
Association 303, 2010, 47-53.
14. Mark Olfson, MD et Steven C. Marcus, PhD, “National Patterns in Antidepressant Medication
Treatment”, Archives of General Psychiatry 66, n° 8, 2009, 848-856, doi :
10.1001/archgenpsychiatry.2009.81.
15. R. C. Kessler, P. A. Berglund, O. Demler, R. Jin, K. R. Merikangas et E. E. Walters, “Lifetime
Prevalence and Age-of-Onset Distributions of DSM-IV Disorders in the National Comorbidity
Survey Replication”, Archives of General Psychiatry 62, n° 6, juin 2005, 593-602.
16. Voir chapitre 5, “Traiter la hernie hiatale” pour en savoir plus.
1. Centers for Disease Control and Prevention, “Prevalence of Autism Spectrum Disorder Among
Children Aged 8 Years – Autism and Developmental Disabilities Monitoring Network”, Surveillance
Summaries, 28 mars 2010, 1-21.
2. Centers for Disease Control and Prevention Autism and Developmental Disabilities Monitoring
Network Surveillance Year, 2010, Principal Investigators, Jon Baio, EdS, corresponding author,
“Prevalence of Autism Spectrum Disorder among Children Aged 8 Years – Autism and
Developmental Disabilities Monitoring Network, 11 Sites, United States, 2010”, Morbidity and
Mortality Weekly Report 63, n° SS02, 28 mars 2014, 1-21.
3. Ariane V. Buescher, MSc, Zuleyha Cidav, PhD, Martin Knapp, PhD et David S. Mandell, ScD,
“Costs of Autism Spectrum Disorders in the United Kingdom and the United States”, Journal of the
American Medical Association Pediatrics 168, n° 8, août 2014, 721-28.
4. Tara A. Lavelle, PhD, Milton C. Weinstein, PhD, Joseph P. Newhouse, PhD, Kerim Munir, MD,
MPH, DSc, Karen A. Kuhlthau, PhD et Lisa A. Prosser, PhD, “Economic Burden of Childhood
Autism Spectrum Disorders”, Pediatrics 133, n° 3, 1er mars 2014, e520-529.
5. Nicole Ostrow, “Autism Costs More Than 2 Million Dollars over Patient’s Lifetime”, Bloomberg
Business, 10 juin 2014, www.bloomberg.com/news/articles/2014-06-09/autism-costs-more-than-2-
million-over-patient-s-life.
6. Voir aussi Erik Borg et S. Allen Counter “The Middle-Ear Muscles”, Scientific American 261,
n° 2, août 1989, 74-80.
7. Le listening project protocol est désormais disponible auprès d’Integrated Listening Systems, sous
l’appellation “Safe and Sounds Protocol: A Portal to Social Engagement”,
http://integratedlistening.com/ssp-safe-sound-protocol.
8. Porges S. W., Macellaio M., Stanfill S. D., McCue K., Lewis G. F., Harden E. R. et Heilman K. J.,
“Respiratory Sinus Arrhythmia and Auditory Processing in Autism: Modifiable Deficits of an
Integrated Social Engagement System?”, International Journal of Psychophysiology 88, n° 3, 2013,
261-270.
9. Stephen W. Porges, Olga V. Bazhenova, Elgiz Bal, Nancy Carlson, Yevgeniya Sorokin, Keri
J. Heilman, Edwin H. Cook et Gregory F. Lewis, “Reducing Auditory Hypersensitivities in Autism
Spectrum Disorder: Preliminary Findings Evaluating the Listening Project Protocol”, Frontiers in
Pediatrics 2, n° 80, 1er août 2014, doi : 10.3389/fped.2014.00080.
10. Ce qui précède est basé sur des conversations avec Stephen et son assistant de laboratoire, qui ont
testé la fonction de mon muscle de l’étrier en deux occasions. Voir aussi Erik Borg et S. Allen
Counter, “The Middle-Ear Muscles”, Scientific American 261, n° 2, août 1989, 74-80.
11. R. I. Miller et S. K. Clarren, “Long-Term Developmental Outcomes in Patients with
Deformational Plagiocephaly”, Pediatrics 105, n° 2, février 2000,
http://pediatrics.aappublications.org/content/105/2/e26.short.
12. Thomas Myers, Anatomy Trains : Les méridiens myofasciaux en thérapie manuelle, Elsevier
Masson, 12 septembre 2018.
1. J. Douglas Bremner, MD, “Neuroimaging Studies in Post-Traumatic Stress Disorder”, Current
Psychiatry Reports 4, 2002, 254-263.

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