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DE LA MÊME AUTEURE

Le Pays d’Ange, Toulon, Les Presses du Midi, 2009.

D’une vie à l’autre : des scientifiques explorent le phénomène des expériences de mort imminente, Paris,
Dervy, 1999.

Ouvrage publié sous la direction de Stéphane Allix.

Tous les témoignages en anglais et en allemand cités dans cet ouvrage ont été traduits par
l’auteure.
© Éditions Exergue, 2017
ISBN : 978-2-70291-805-0
Tous droits de reproduction, traduction ou adaptation réservés pour tous pays.
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Pour mon père qui, tout en étant parti, n’est jamais très loin.
Préface
de Stéphane Allix

Evelyn Elsaesser compte parmi les meilleurs experts au monde des


expériences autour de la mort, et plus spécifiquement de celles qui sont
abondamment décrites dans cet ouvrage.
Alors que je commençais mon travail d’investigation sur ces sujets
extraordinaires à l’été 2003, l’éminent psychologue américain Kenneth
Ring avec qui je venais d’entrer en contact m’avait recommandé de
joindre Evelyn Elsaesser, en Suisse. En effet, tous les deux venaient de
publier un ouvrage consacré aux expériences de mort imminente, et
Kenneth Ring ne tarissait pas d’éloges sur Evelyn. Je l’appelai et je fus
instantanément séduit par cette chercheuse dans l’âme qui savait allier
une grande prévenance et une formidable écoute à une rigueur
minutieuse.
Immédiatement s’établit entre Evelyn et moi une relation de respect et
d’amitié. Aussi, lorsque quelques années plus tard je fondai l’INREES,
Evelyn devint naturellement l’un de ses piliers et l’un des membres actifs
de notre comité scientifique. Elle prit notamment une part essentielle
dans les recherches que nous entreprîmes pour centraliser les
connaissances cliniques disponibles sur les expériences de mort
imminente ainsi que tous les types de récits de contacts entre vivants et
« personnes défuntes ». Evelyn se consacra ensuite avec une énergie rare à
la rédaction de trois chapitres centraux du Manuel clinique des expériences
extraordinaires, dont celui traitant des expériences de « vécu subjectif de
contact avec un défunt » (VSCD), dénomination qui fut forgée par nous
à cette occasion.
Ces expériences de contacts supposés avec des défunts ne sont pas
anecdotiques. Elles se produisent par dizaines de milliers autour de nous.
Les personnes en deuil qui ont le sentiment d’établir, sous des formes
diverses, un contact ou même une communication avec leur proche
disparu en sont bouleversées et réconfortées, mais également
déstabilisées, car cette expérience ne cadre pas avec la conception
prédominante de la réalité. Quand les défunts viennent à nous offre des clés
pour mieux comprendre ces expériences et pour les intégrer dans le
processus de deuil – grâce aux nombreux témoignages de VSCD, aux avis
éclairés des scientifiques interrogés et aux réflexions de l’auteure.
Evelyn consacre un chapitre à un type particulier de VSCD – ces
visions au moment du décès lors desquelles des personnes au seuil de la
mort perçoivent des proches décédés qui sont venus « pour les
accompagner dans l’autre monde », les libérant instantanément de la
peur de la mort. Ces visions sont rapportées à des infirmières, des
médecins, des professionnels de santé qui les distinguent très nettement
des phénomènes hallucinatoires connus.
L’originalité et le grand mérite de cet ouvrage consistent à mettre
les VSCD dans un contexte plus large, celui d’autres expériences autour
de la mort – y compris les expériences de mort imminente et les
communications des défunts rapportées par des médiums – et d’en
comparer le mode d’expression et le message.
D’innombrables personnes ont vécu ce type d’expériences et n’osent
pourtant pas en parler, même à leur entourage. C’est sans aucun doute le
premier bénéfice de cet ouvrage indispensable : sortir ces expériences
répandues et importantes de l’ombre et du déni. C’est la richesse
incroyable du travail de synthèse d’Evelyn Elsaesser.
Quand les défunts viennent à nous est le fruit d’un travail de longue
haleine, sans doute le plus documenté existant à ce jour. Ce livre, à la fois
rigoureux et très agréable à lire, permet de reconnaître que la vie après la
mort est une hypothèse rationnelle.
Quelques mots en guise d’introduction

Vous est-il déjà arrivé de sentir la présence d’un proche décédé ?


D’avoir la certitude qu’il se tient près de vous, vous enveloppe de sa
bienveillance, de sa préoccupation, de son amour ? Vous ne pouvez le
voir, mais vous savez qu’il est là pour un temps très court, une seconde
ou deux, quelques minutes peut-être. Avez-vous entendu un être aimé
décédé vous transmettre un message ou même engager une conversation
avec vous ? Avez-vous senti son bras autour de votre taille dans un geste
familier vécu mille fois de son vivant ? Vous est-il arrivé de le voir
s’approcher de vous dans votre chambre à coucher, la nuit ou au
crépuscule, sur fond d’une lumière éclatante ? De communiquer avec lui
pendant le sommeil ? Non pas dans un rêve ordinaire, mais dans un tête-
à-tête net et cohérent qui paraissait parfaitement réel ?
Si tel est le cas, il est fort probable que vous ayez expérimenté un « vécu
subjectif de contact avec un défunt », ou VSCD – une expérience à la fois
très courante et paradoxalement peu connue. Vivre un contact
supposément initié par un proche décédé est une expérience positive,
bouleversante et transformatrice qui va bien au-delà d’un réconfort
immédiat. Grâce aux nombreux témoignages exclusifs constituant la
première partie de cet ouvrage, nous allons examiner en détail la
typologie, les caractéristiques et les conséquences de ces expériences.
Expérimenter un VSCD soulève de nombreuses interrogations, et le
partage de ce vécu avec l’entourage peut provoquer de
l’incompréhension, voire des réactions négatives, par manque
d’informations tout simplement. Une bonne connaissance de ce
phénomène que tout le monde peut expérimenter suite au décès d’un
proche est importante puisqu’elle donne un langage commun, tout en
laissant à chacun la latitude de l’appréhender selon sa propre sensibilité.
Le décès d’un être aimé bouleverse notre vie et ouvre une douloureuse
et parfois longue période de deuil. Vivre un VSCD est une source de
grand réconfort et offre de nouvelles perspectives sur la survie de la
conscience après la mort physique et sur notre propre finitude.
Cependant, ces contacts ne suppriment pas la tristesse et ne permettent
pas de faire l’économie du travail de deuil qui doit de toute façon se faire.
J’ai eu le plaisir de débattre des implications des VSCD avec des
spécialistes du deuil de renommée internationale. Nous abordons le sujet
depuis des angles différents et proposons de nombreuses pistes pour
intégrer les VSCD dans le processus de deuil de telle manière à en tirer le
plus grand bénéfice.
Les VSCD sont-ils authentiques ? Au-delà de la consolation qu’ils
apportent, quel est leur statut ontologique ? S’agit-il vraiment
d’expériences « extraordinaires » ou serait-il plus juste de parler
d’expériences humaines courantes et normales, même si l’origine et le
« mode opératoire » de ces contacts restent pour l’instant un mystère ?
Cette question cruciale est abordée dans le dernier chapitre avec le
concours de scientifiques de grande réputation. Une approche globale est
nécessaire pour examiner ces expériences. Les vécus subjectifs de contact
avec un défunt ne sont pas un phénomène isolé, ils se produisent dans le
contexte d’autres phénomènes autour de la mort, comme les expériences
de mort imminente, les visions au moment du décès et les contacts
établis par le biais de médiums. Une mise en parallèle de ces différents
vécus permet une meilleure compréhension de ces phénomènes qui
semblent être essentiellement de même nature.
CHAPITRE 1

Présentation des VSCD

Le témoignage de Claudie

Claudie V. a 63 ans et vit au centre de l’Alsace, dans le département du


Haut-Rhin. De formation scientifique (elle enseigne les mathématiques),
elle est rompue au raisonnement et habituée au caractère reproductible
des phénomènes analysés, si nécessaire à la preuve scientifique.

« La vie est facétieuse, dit-elle, et ma formation ne m’a pas évité


d’être confrontée à des expériences, des phénomènes, je ne sais trop
comment dire, qui ne cadraient pas vraiment avec la rationalité
qu’on avait bien voulu m’enseigner. »

Le 27 novembre 1992, son beau-père Camille apprit qu’il était atteint


d’un cancer généralisé, auquel il succomba le 24 février 1993.
« C’était un homme profondément croyant, mais très déçu de
l’Église catholique. Sa foi, il la pratiquait surtout dans la nature,
c’est là qu’il ressentait le “Créateur”. Pendant sa très courte maladie,
nous avons eu, malgré tout, le temps de quelques échanges. Comme
il se savait condamné à très court terme, il est évident que la mort fit
partie de nos conversations. C’est ainsi qu’un jour, il me promit que
s’il pouvait me faire signe quand il serait de l’autre côté, il le ferait. Je
lui répondis que j’étais d’accord, et que je lui promettais de ne pas
avoir peur.
Peut-être une quinzaine de jours après son décès, je me trouvais à
côté de mon mari, sur le balcon de notre cuisine. Je sentis alors très
nettement une main envelopper mon coude et me pousser le bras. À
l’instant même, je reconnus le geste si spécial de mon beau-père. Il
faisait ce geste parfois lorsqu’il vous parlait, ou voulait dire quelque
chose. Je n’ai jamais connu d’autres personnes faisant ce geste.
Instantanément, je pensai à lui et fis part de cette perception à mon
mari. Je “savais” qu’il était là, que c’était lui qui venait de me toucher
le bras, et je l’en remerciais. Comme promis, je n’avais pas peur. »

Le vécu de Claudie est subtil, c’est un ressenti plutôt qu’une


expérience, une perception délicate et tendre qui l’a fait immédiatement
penser à son beau-père. Le décès de Camille est récent, et elle est dans
l’expectative d’un contact, puisque c’est l’accord qu’ils avaient passé tous
les deux. Son beau-père s’est manifesté par un geste qui lui est propre et
que Claudie ne pouvait attribuer qu’à lui puisqu’elle n’avait « jamais
connu d’autres personnes faisant ce geste ». L’origine de cette perception
ne fait aucun doute pour elle. Ce premier contact sera suivi par d’autres.
Claudie et son mari avaient fait construire une maison que Camille
n’avait jamais visitée, car il était déjà décédé au moment de la remise des
clés.

« Nous emménageâmes en juillet 1993, et très souvent, je sentais


sa présence derrière moi pendant que j’installais cette nouvelle
maison. Alors, je lui parlais dans ma tête, lui disant combien je
regrettais son départ, surtout au moment où son fils avait enfin sa
maison à lui, ce qu’il avait souhaité depuis toujours. Pour moi, sa
présence était familière. Il savait qu’il ne verrait jamais cette maison
et avait tenu à nous faire cadeau d’une cheminée. Il avait dit : “Le
feu, c’est la vie, et lorsque vous verrez le feu dans votre cheminée,
vous penserez à moi.” Nous avons donc une très jolie cheminée
carrelée comme cela se fait dans l’est. Un jour d’automne ou d’hiver,
le bois brûlait joyeusement dans la cheminée, et j’étais assise à notre
table à corriger des copies. Les mathématiques exigent plutôt une
attention soutenue, et j’étais donc toute à mon travail. Soudain,
malgré la chaleur du feu, j’ai ressenti un grand froid me parcourir et
je me suis mise à trembler. En même temps, j’ai ressenti sa présence
très près derrière moi, et il me “disait” (comment dire les choses
autrement ?) : La musique ! La musique ! Effectivement, j’avais mis un
CD pendant que je travaillais. J’ai senti l’impérieuse nécessité de me
lever et d’aller voir ce CD mis assez machinalement. Le titre du
morceau était La Danse des âmes saintes (C. W. Gluck). En voyant ce
titre, j’ai fondu en larmes et suis allée trouver mon mari pour lui
faire part de cet événement. J’ai aussi remercié “Papy” pour ce très
beau moment qu’il venait de me faire vivre. Aujourd’hui encore, j’ai
beaucoup d’émotion à me souvenir de ces précieux instants. Il avait
choisi de venir lorsque la cheminée était allumée et que l’atmosphère
était imprégnée de ce superbe morceau de musique. »

Coïncidence ou intention ? Dans la cheminée offerte par Camille, le


feu dispense une chaleur agréable, et pourtant, Claudie est saisie d’un
froid intense qui la fait trembler au moment où elle sent la présence de
son beau-père. L’ambiance est studieuse et calme, l’attention de Claudie
focalisée sur son travail. Elle ne pense pas à Camille à cet instant, et
pourtant, la présence de celui-ci s’impose à elle avec une évidence
fulgurante – il est là ! Le morceau de musique contenu dans le CD qu’elle
avait introduit dans l’appareil sans réfléchir prend une signification qui
dépasse la beauté de la musique quand Camille attire son attention sur
son titre : La Danse des âmes saintes. Claudie vit cet instant comme un
cadeau, et l’émotion la submerge. Elle avait promis à son beau-père de ne
pas avoir peur au cas où il réussirait à la contacter après son décès et elle
tient parole. Elle accueille ces moments particuliers et tendres avec
bonheur et reconnaissance.
Quelque temps plus tard, Claudie expérimente un nouveau contact.
« Mes beaux-parents habitaient un superbe appartement à Nice.
Nous adorions tous nous retrouver là-bas, sur la terrasse, au sixième
étage, avec une vue incroyable à 360° qui nous laissait voir les
montagnes et cette baie splendide. Ma belle-mère était restée y vivre
après le décès de son mari. J’ai toujours aimé faire des photos et mon
beau-père avait pris goût à ces beaux souvenirs familiaux. J’avais pris
des photos de lui, même très malade, et il m’avait dit : “Lorsque ces
photos seront développées, je serai mort.” (C’était encore l’époque
des développements papier, pas l’ère du numérique.) Il ne s’était pas
trompé, et j’eus ces photos après son décès. Par une fin d’une très
belle journée, je faisais des photos de famille sur la terrasse et j’étais
adossée à la rambarde bordant la terrasse, ce qui veut dire qu’il y
avait le vide de six étages derrière moi. C’est alors que je sentis sa
main se poser sur mon épaule. Instantanément, je sus que c’était lui
et qu’il était content. Je ne peux pas dire que j’entendais quelque
mot que ce soit dans ma tête, non, il n’avait pas besoin de parler, je
savais, c’est tout. Je n’oubliais pas une nouvelle fois de le remercier
de ce bonheur et de partager ce moment avec son fils. »

Une nouvelle fois, Claudie prend conscience de la présence de son


beau-père. Elle sent physiquement sa main se poser sur son épaule et elle
ressent son état d’esprit – il est content, elle le sait, nul besoin de paroles.
Envahie par un sentiment de reconnaissance, elle partage son vécu avec
son époux.
Puis arriva ce qui semble être la toute dernière prise de contact de la
part de son beau-père :

« Enfin, quelques années après sa mort, alors que je conduisais et


donc ne pensais vraisemblablement à rien de précis, j’ai soudain
senti qu’il me parlait dans ma tête. Il me dit qu’il partait, qu’il allait
bien plus loin et qu’il ne me contacterait plus. Je fus un peu triste,
mais je lui répondis que c’était sûrement ainsi que devaient être les
choses. Ainsi fut fait, je ne ressentis plus jamais sa présence. Il reste à
jamais dans mon cœur. »
Ce dernier contact, annoncé comme tel, est intéressant. Le défunt
semble être dans une évolution dynamique située dans une dimension
que nous ne pouvons appréhender. Que de mystères, que de questions
soulevées par les expériences vécues par Claudie, et qui, pour
extravagantes qu’elles paraissent, sont courantes et communes. Ouverts à
la possibilité d’une communication post-mortem, Camille et Claudie en
avaient parlé ensemble et passé un accord : « Si je peux te faire signe
quand je serai de l’autre côté, je le ferai. » Claudie était certes ouverte à un
contact potentiel, attentive à capter un signe quelconque, mais les
expériences se sont toutes produites quand elle ne pensait pas à son
beau-père et était occupée par ses activités quotidiennes.
Elle a reçu ces contacts – apparemment initiés par son beau-père – avec
simplicité, bonheur et gratitude, heureuse de pouvoir en faire bénéficier
son mari, le fils de Camille.

« J’ai trouvé ça beau, apaisant, jamais effrayant. Tout cela est peut-
être le fruit de mon imagination ou l’expression d’un au-delà
véritable, d’une réelle communication, est-ce si important de le
savoir ? »

Claudie a résumé l’essentiel des questions que pose ce phénomène :


est-ce que ces expériences sont réelles, authentiques, effectivement
initiées par les défunts ou s’agit-il de vécus produits par l’inconscient du
récepteur en réponse au chagrin du deuil ? Ces perceptions proviennent-
elles d’une source extérieure ou sont-elles autogénérées ? Est-ce que la
douleur de la perte d’un proche et le besoin intrinsèque d’un lien qui se
poursuit, ou tout au moins d’un dernier contact avec cette personne
essentielle, peuvent expliquer ces ressentis ? Le départ d’un être aimé est
souvent ressenti comme prématuré par les proches. Même si, dans le
meilleur des cas, tout a été dit, même si les derniers jours et heures ont
été vécus dans la sérénité et l’acceptation de la mort proche, nous aurions
toujours souhaité un supplément de temps, un surplus d’échange et de
partage, c’est la nature même de l’amour qui le veut. Pour autant, est-ce
que l’explication psychologique est suffisante ? Pour essayer de répondre
à ces questions, examinons ces expériences de plus près.

Que sont les VSCD ?

Claudie V. a vécu plusieurs contacts avec son beau-père défunt qu’elle


a perçus par différents organes sensoriels. Or, elle a expérimenté des
« vécus subjectifs de contact avec un défunt », ou VSCD.
Lors de la rédaction du Manuel clinique des expériences extraordinaires1,
première publication de l’Institut de recherche sur les expériences
extraordinaires (INREES)2 fondé en 2007 par Stéphane Allix, la question
de la dénomination de ces expériences s’est posée pour la rédaction du
chapitre que nous leur avons consacré3. À l’époque, les VSCD étaient si
peu connus dans les pays francophones – et le sont encore aujourd’hui –
qu’il nous incombait de baptiser ce phénomène. Nous aurions pu
nommer ce phénomène une « communication » ou un « contact » avec
un défunt par analogie avec l’expression anglo-saxonne after-death
communication, mais nous nous sommes décidés pour une appellation
plus subtile, puisque nous avons choisi de souligner l’aspect subjectif de
ce vécu.
Un vécu subjectif de contact avec un défunt se produit spontanément,
sans intention de la part de la personne qui vit l’expérience (le récepteur),
ni cause externe apparente. J’ai décidé d’utiliser le terme « récepteur »
pour désigner les personnes qui expérimentent des VSCD, sans pour
autant vouloir préjuger de la source de ces expériences.
Les VSCD s’imposent aux récepteurs « depuis l’extérieur », nous
disent-ils. Pour eux, il ne s’agit pas d’un phénomène intrapsychique.
Les VSCD sont des contacts directs, apparemment initiés par le défunt,
sans intervention d’un médium – ou channel – et sans utilisation de
l’écriture automatique, de la transcommunication instrumentale (TCI)4
ou autres procédés. Les contacts établis sur initiative de l’endeuillé par le
biais d’un médium, qui eux sont beaucoup mieux connus du grand
public, ne seront abordés que marginalement dans cet ouvrage.

Un VSCD est un contact ou une communication qui se produit


spontanément, sans intention de la part de la personne qui vit l’expérience
(le récepteur), ni cause externe apparente. Il s’agit d’un contact direct,
apparemment initié par le défunt, sans intervention d’une tierce personne
(médium), ni utilisation de la TCI, de l’écriture automatique, etc. Lors
du VSCD, un transfert d’informations semble se produire, à sens unique ou
bilatéral.

Comment se manifestent les VSCD ?

Différents types de contacts avec les défunts ont été identifiés qui
peuvent être perçus par quatre organes sensoriels : l’ouïe, le toucher,
l’odorat et la vision (le sens du goût n’est pas concerné). Les endeuillés
peuvent expérimenter, peu après le décès ou sur une période plus longue,
différents types d’expériences perçues comme étant initiées par le même
défunt, ou un même type de contact peut se répéter. Très souvent,
plusieurs organes sensoriels sont impliqués simultanément, par exemple,
nous pouvons entendre un proche décédé nous dire qu’il va bien et que
nous ne devons pas nous inquiéter pour lui, tout en sentant son eau de
toilette préférée. Certains types de VSCD sont rapportés plus souvent que
d’autres. Les contacts pendant le sommeil ou l’impression de ressentir la
présence du proche décédé sont très courants, tandis que la perception
du défunt muni d’un corps qui paraît solide est un phénomène
beaucoup plus rare et marquant, d’autant plus quand un dialogue
télépathique accompagne l’apparition. Selon le type de contact
expérimenté, l’intensité de l’expérience ainsi que son impact sur le
récepteur varient.
Un VSCD est toujours lié à un décès, récent ou plus ancien. La
majorité des expériences surviennent dans l’année qui suit le décès, avec
une forte concentration dans les premières 24 heures et jusqu’à 7 jours
après le trépas. D’autres contacts se produisent à une fréquence
décroissante de deux à cinq ans après le décès. Les contacts qui ont lieu
entre cinq et plus de trente, voire quarante ans après le décès sont
beaucoup plus rares et se produisent souvent en situation de crise.
Ces VSCD « de protection » servent à avertir les récepteurs d’un danger
imminent, potentiellement fatal, et leur permettent d’éviter un accident,
une noyade, une agression, de secourir un jeune enfant en péril, etc.
Dans les pages à venir, je présenterai les différents types de VSCD,
illustrés par des témoignages de première main. En effet, lorsque j’ai
publié un article intitulé « VSCD : hallucination ou dernière
communication5 ? » dans Inexploré – le magazine de l’INREES – en 2013,
nous avons lancé un appel à témoignages qui sont arrivés nombreux et
dans lesquels je puiserai tout au long de ce livre. Dans la majorité des cas,
j’ai choisi de retranscrire les témoignages dans leur intégralité afin de
permettre au lecteur d’entrer dans l’univers du témoin, le temps d’une
expérience qui était importante pour lui.
Vous allez découvrir des témoignages pluriels, chacun avec sa tonalité
et sa couleur propres, mais tous avec le même message sous-jacent : le
lien avec nos proches décédés semble perdurer au-delà de la mort.
Que toutes les personnes qui nous ont fait confiance en nous envoyant
leurs témoignages soient ici chaleureusement remerciées !
Une enquête menée par les Américains Bill et Judy Guggenheim6 a
permis de classifier les VSCD. Dans les années 1980, ils ont conduit des
entretiens avec 2 000 Américains et Canadiens et analysé les 3 300 récits
de VSCD récoltés. 353 témoignages ont été sélectionnés et publiés dans
leur best-seller Hello from Heaven7, paru en français en 2011 sous le titre
Des Nouvelles de l’Au-delà8.
La présentation à suivre des différents types de VSCD est basée sur la
classification Guggenheim, légèrement adaptée par mes soins.
Les VSCD de « ressenti d’une présence », décrits par Claudie dans le
chapitre précédent, sont très courants. Le récepteur sent la présence
familière du proche décédé, mais il ne peut ni le voir, ni le sentir, ni
l’entendre. La présence semble avoir une certaine densité, presque
physique bien qu’invisible, et le récepteur sait exactement à quel endroit
le défunt se tient dans l’espace. L’identité et la personnalité du défunt
émanent nettement de cette présence et permettent une identification
immédiate. Ce ressenti est très différent de l’expérience bien connue des
endeuillés de « sentir le défunt toujours à ses côtés » ou de « le porter
constamment dans son cœur ». C’est une perception inattendue et brève
(quelques secondes, quelques minutes au plus) qui a nettement un début
et une fin. Un sentiment d’amour et de sollicitude semble émaner de
cette présence, et l’expérience est ressentie comme réconfortante, voire
joyeuse. Une baisse de la température ambiante ou un courant d’air
accompagnent parfois ces perceptions. Ce type de VSCD est souvent
combiné avec un VSCD auditif.
Laissons la parole à nos témoins…
Brigitte F. est infirmière et cadre de santé en oncologie. Elle dit avoir
déjà vécu sur son lieu de travail des sensations étranges après le décès
d’un patient, mais le VSCD qu’elle décrit concerne sa belle-mère.
« Ma belle-mère est décédée il y a plus de trois ans. Avant d’être en
maison de retraite et d’être prostrée, voire dépressive et dépendante,
c’était une femme de tête, autoritaire et qui avait des dons de
voyance. Son fils, mon conjoint, me disait qu’enfant il avait vu
passer à leur domicile beaucoup de personnes qui venaient la
consulter.
J’avais malgré tout de bonnes relations avec elle, et elle me parlait
parfois discrètement de ce don avant d’être en maison de retraite. Je
m’entendais bien avec ma belle-mère, mais je n’étais pas sa
confidente, et il y avait parfois un peu de distance entre nous […].
Je l’ai accompagnée jusqu’au bout en lui disant qu’il fallait qu’elle
parte. Sa vie était devenue un enfer en soins palliatifs […].
Et puis, sans que je me l’explique, j’ai ressenti fortement sa
présence l’année qui a suivi son décès. Et cela, régulièrement. Je ne la
voyais pas, mais je savais que c’était elle. Je me suis surprise à lui
demander de l’aide et parfois aussi à lui demander de me laisser
tranquille, tant sa présence était forte et me perturbait. Elle était
bienveillante, mais je me suis parfois sentie effrayée tellement elle
était là au quotidien. Elle a pu guider certains choix et m’aider à
prendre des décisions.
Son fils, lui, ne ressentait rien et quand il souhaitait se rendre sur
sa tombe, pour moi, c’était sans importance, car je lui disais qu’elle
n’était pas là-bas !
Je n’ai pas trop parlé de cette situation, si ce n’est à mon conjoint
qui respecte et croit ce que je lui dis.
J’ignore pourquoi cette chose est arrivée et si elle se reproduira,
mais j’ai l’intime conviction que la conscience ne meurt pas avec le
corps.
Par ailleurs, depuis des années, je perçois et recense beaucoup de
synchronicités dans ma vie de tous les jours. Celui ou celle qui veut
être attentif à ce qui l’entoure peut régulièrement avoir des messages
qui le guident dans ses choix. »

Brigitte a très souvent perçu la présence de sa belle-mère décédée. Si


souvent qu’elle a fini par ressentir ces contacts comme oppressants. C’est
inhabituel. Certaines personnes ont perçu un contact ou deux, d’autres
rapportent des expériences plus nombreuses, mais des contacts quasi
quotidiens sont exceptionnels.
Découvrons le témoignage de Michèle H.
« Mon ex-mari est décédé en janvier 1994. Un matin d’avril 1994,
alors que j’étais dans mon lit (chambre au premier étage) – et je
précise que j’étais éveillée –, j’ai entendu l’escalier qui va vers le
premier étage craquer comme si quelqu’un montait, mais il n’y avait
que moi dans la maison.
J’ai senti comme une présence (sur le côté gauche), et c’était
comme si cette présence s’était assise au bord du lit à côté de moi.
J’ai même eu l’impression de son empreinte sur la couette, car celle-
ci était un peu écrasée. Et là, il m’a dit (je n’entendais pas sa voix) : Je
ne savais pas que je t’avais autant fait souffrir. Il voulait dire par là qu’il
m’avait quittée et que nous avions divorcé. Et là, j’ai senti sa
vibration. J’ai du mal à mettre des mots sur ce que j’ai ressenti, tant
c’est difficilement descriptible. J’ai serré la vibration de mon ex-mari
dans mes bras, et puis sa présence est partie.
J’ai vécu un merveilleux moment. C’était comme un bain
d’amour, un apaisement, un grand bien-être qui a duré plusieurs
jours, et j’aime encore me le remémorer. J’ai l’impression que par ce
qui s’est passé, j’ai accordé le pardon à mon ex-mari. Je n’oublierai
jamais ce moment. »

« Je ne savais pas que je t’avais autant fait souffrir »… que s’est-il passé ?
Comment et à quel moment cette prise de conscience s’est-elle produite ?
Tout laisse à croire que cet homme n’a pas pu – ou n’a pas voulu – se
rendre compte de son vivant de la peine qu’il avait infligée à son ex-
épouse. Est-ce que son nouvel état d’être désincarné lui donnerait la
connaissance nécessaire à cette prise de conscience et au regret qu’on
perçoit en filigrane ?
Une souffrance restée en suspens, une blessure jamais vraiment
cicatrisée… et voilà qu’une furtive impression de contact balaye tout cela
et laisse le pardon s’installer. Quelle que soit l’origine des VSCD, ce sont,
à l’évidence, des expériences puissantes.
Les VSCD de « ressenti d’une présence » peuvent contenir des
informations qui font penser à une « vision par l’esprit » :
« J’étais à la maison de mon beau-père, assis à côté de lui. Nous
avons parlé de toute sorte de choses, et il a dit à peu près ceci :
— Il y a beaucoup de choses dans ce monde que nous ne pouvons
voir.
Tout à coup, j’ai eu l’impression qu’un homme était à côté de lui
et j’ai répondu :
— Oui, tout comme cet homme qui se tient à côté de toi.
Je sentais que c’était un homme portant un chapeau et une veste
grise. Je ne pouvais pas le voir, je le sentais simplement, c’est difficile
à expliquer. Je savais tout simplement exactement à quoi ressemblait
cet homme […]9. »

Ce témoignage est particulièrement intéressant puisque l’impression


de percevoir la présence du défunt – inconnu au récepteur dans ce cas –
est complétée par une indication sur son apparence. Un transfert
d’informations semble avoir eu lieu, sans qu’il s’agisse pour autant d’une
vision.
L’expérience de Suzanne F. est atypique dans son « mode opératoire »
et ne rentre pas vraiment dans l’une des catégories de la classification
Guggenheim. Toutefois, elle s’apparente le plus à un VSCD de « ressenti
d’une présence » – d’une présence-lumière, comme vous allez le découvrir
dans le témoignage suivant.
« En 1991, j’ai perdu mon père. Cela m’a beaucoup affectée, à
mon grand étonnement d’ailleurs, car j’avais eu avec lui une relation
assez distante. J’avais toujours cru que j’aurais plus de mal à
supporter la mort de ma mère dont je me sens plus proche.
Or, j’étais comme terrassée, je ne pouvais émerger de l’état de
détresse où je me trouvais, ayant l’impression d’être amputée d’une
partie de moi-même.
Quelques jours après les funérailles, me trouvant un soir dans
mon lit, je me suis sentie comme enveloppée d’une “lumière
bienveillante”, une sorte d’aura qui venait apaiser ou adoucir mon
chagrin. J’avais l’impression que c’était mon père qui venait me
communiquer une force qui me permettrait de vivre. »

Les VSCD auditifs se présentent sous deux formes : soit les récepteurs
entendent une voix qui semble provenir d’une source extérieure, de la
même manière qu’ils entendraient une personne vivante, soit ils
perçoivent une voix « dans leur tête ». Dans ce deuxième cas, ils parlent
d’un message « déposé dans leur conscience », tout en spécifiant que
l’origine de la communication se situe à l’extérieur d’eux-mêmes et qu’il
ne s’agit pas d’une pensée. Il s’agirait donc d’une communication
télépathique10. Pour les deux types de contacts, les défunts sont reconnus
sans hésitation par l’intonation de la voix et par une certaine manière de
s’exprimer caractéristique de lui ou d’elle. La communication peut être à
sens unique ou bilatérale.
Voici un témoignage se référant à une voix intérieure communiquant
un message de manière télépathique :
« Je me présente rapidement : je suis une femme de 37 ans,
professeure des écoles, et je vis avec ma fille.
J’ai perdu, il y a un an, mon petit frère, ma belle-sœur, ma nièce
(de presque 4 ans) et mon neveu (2 ans) dans un accident de voiture.
Une nuit, durant le mois de septembre, soit cinq ou six semaines
après leur décès, j’ai eu la chance d’“entendre” ma nièce par
télépathie. Il n’était pas loin de minuit et j’ai regardé la chambre
sans savoir pourquoi je m’étais réveillée et sans rien remarquer de
spécial. Au moment où j’ai refermé les yeux en faisant le vide dans
ma tête (surtout ne pas penser pour éviter une insomnie !), je l’ai
entendue à l’intérieur de ma tête, dans mon cerveau. C’était une
“voix” étrangère à ma conscience, celle d’une petite fille de 4 ans : ma
nièce !
Le “son” semblait venir de loin, comme si elle parlait à travers un
tuyau (c’est comme ça que je l’ai ressenti). Cela a duré seulement
quelques secondes, le temps d’une phrase… Ma nièce semblait
s’amuser, le ton de sa voix était joyeux.
J’ai ressenti alors une joie immense, puis une grande peur (j’ai
dormi pendant des mois avec une lampe allumée !).
Par contre, je dois avouer que pour moi, il n’y a aucun doute, ils
sont toujours là, même s’ils sont maintenant invisibles… »
(Sandra G.)

Les messages reçus lors des VSCD


Que « disent » les défunts ? Que communiquent-ils à leurs proches ?
Chaque message est évidemment unique, car adressé à une personne
en particulier et façonné par un passé commun et une histoire commune,
unique elle aussi. Cependant, on peut schématiser les contenus, car dans
leur essence ils sont relativement homogènes. Le fait même qu’ils
semblent pouvoir communiquer avec les vivants implique que les défunts
continuent une existence – ailleurs – dont la nature dépasse notre
entendement. L’impact le plus fort provient sans doute de cette
apparente capacité de prise de contact, une révélation pour les uns, la
confirmation d’une conviction préexistante pour d’autres (une forme de
conscience survit à la mort physique). Les messages sont le plus souvent
empreints d’amour (Je t’aime, je serai toujours à tes côtés, je veille sur toi) et
rassurants (Je vais bien, ne t’inquiète pas pour moi). Ils encouragent les
endeuillés à sortir de leur deuil (Ne sois pas triste, continue ton chemin de vie),
mais également à ne pas les retenir (Laisse-moi partir, je suis heureux),
parfois, ils laissent entrevoir une réunion future (Nous nous reverrons un
jour). Quand les relations entre le récepteur et le défunt étaient
conflictuelles ou douloureuses, les contacts servent de demandes de
pardon, parfois de justification (Je t’ai fait du mal, je te demande pardon, voilà
ce qui m’a amené à agir de la sorte…).
Il faut souligner que les messages ne contiennent aucune information
sur la nouvelle forme d’existence des défunts et ne révèlent rien sur leur
« nouvelle demeure ». Seul l’état d’esprit du proche décédé est décrit
sommairement (Je vais bien, je suis heureux, je suis rentré chez moi).

Lors d’un VSCD tactile, les récepteurs sentent un contact sur une
partie de leur corps, par exemple un frôlement, une pression, une caresse,
un baiser, une main posée sur l’épaule ou encore un véritable enlacement.
Cependant, quand ils essayent de toucher le défunt, ils ne rencontrent
aucune résistance physique, leur main passant par exemple à travers de ce
qu’ils perçoivent comme le bras du défunt. Le contact est ressenti comme
consolant, et les récepteurs reconnaissent immédiatement leur proche
décédé par la familiarité de son geste, caractéristique de lui ou d’elle. Ce
type de VSCD, relativement rare, est très intime et se produit le plus
souvent entre conjoints/partenaires et membres d’une famille. Certains
rapportent que le contact était accompagné d’un « flux électrique » ou
d’une « vague d’énergie ». Les VSCD tactiles se produisent souvent en
combinaison avec d’autres types de contacts comme la sensation de
présence ou un VSCD auditif.
Voici le témoignage d’Elisabeth L. :
« Mon père est décédé alors que j’étais jeune fille, et j’étais auprès
de lui à ce moment-là. Il aimait Teilhard de Chardin et nous avait
toujours dit vouloir que soit gravée sur sa tombe cette phrase : “La
mort n’existe pas.” Son désir fut bien sûr exaucé.
De longues années plus tard, alors que je lisais un livre sur ce
sujet, j’ai eu tout à coup l’impression de comprendre réellement du
plus profond de moi-même, de toute mon âme, ce que mon père
voulait nous signifier à travers ces mots, comme si jusqu’à ce jour, je
n’avais eu qu’une compréhension voilée et diffuse de cette phrase.
Je n’ai pas pu m’attarder plus longtemps, car il était l’heure de
partir travailler et je me suis préparée dans ce sens. Mes pensées sont
redevenues très prosaïques et tournées vers la journée de travail qui
m’attendait.
Soudain, j’ai senti physiquement comme une présence
chaleureuse et bienveillante, accolée tout le long de moi, et mon
cœur s’est emballé et s’est mis à battre très fort. Je ne ressentais
cependant ni malaise ni angoisse, et une “voix” dans ma tête m’a
dit : Oui, ma chérie, tu as raison. En tout cas, c’est le sens de ce que j’ai
perçu. Je savais qu’il s’agissait de mon père. Puis, cette présence s’est
comme doucement décollée de moi et m’a laissée dans une sorte
d’euphorie apaisée.
Je n’ai jamais oublié ce moment que je porte en moi avec douceur
et bonheur. »

Sandra G. qui a perdu une partie de sa famille dans un accident de


voiture a vécu plusieurs VSCD.
« Je n’ai rien entendu depuis [le VSCD auditif cité plus haut], par
contre, il m’arrive souvent de ressentir des sortes de “frôlements” au
niveau de la tête ainsi que des déplacements d’air froid. Parfois, ces
frôlements sont tellement “appuyés” que je sursaute ou que j’arrête
ce que j’étais en train de faire… »

Dans l’expérience de Monique O. à suivre, la joie de la rencontre a été


gâchée par la peur.
« Mon mari est mort le 6 mai 1991. J’étais inconsolable. Je
cherchais un signe de lui, tout le temps.
Une nuit, j’entends sa voix qui me dit :
— Je suis là.
— Je ne te vois pas.
— Tu ne peux pas, mais tu peux me sentir.
Je me lève.
— Enlace-moi !
Je fais le geste et je le sens.
Cela m’a fait un tel choc qu’il est parti. Depuis, je regrette et je
m’en veux d’avoir eu si peur ! »

Fréquence des VSCD – Peut-on quantifier ce phénomène ?

Les vécus subjectifs de contact avec un défunt spontané et direct sont


très courants, mais quasiment inexistants dans le discours médiatique.
Les contacts avec les défunts établis à l’initiative du proche par le biais
d’un médium sont relativement bien connus du grand public et ont fait
l’objet de publications, de documentaires et d’émissions de radio et de
télévision, mais tel n’est pas le cas pour les VSCD. Il est probable que des
millions de francophones aient expérimenté des vécus subjectifs de
contact avec un défunt, et pourtant, ce phénomène n’a pratiquement pas
été documenté dans les pays francophones. Il existe très clairement une
discordance entre le vécu de très nombreuses personnes et sa prise en
compte médiatique, voire sociologique, car à cette fréquence, il s’agit
d’un fait de société.
Dans d’autres parties du globe, en revanche, et particulièrement dans
les pays anglophones, les VSCD commencent à être connus, notamment
grâce au best-seller des Guggenheim – Des Nouvelles de l’au-delà –, cité
précédemment. Il est largement temps de thématiser ce genre de contacts
post-mortem également dans nos latitudes.
Les VSCD ont fait l’objet de peu de recherches scientifiques à ce jour,
et nous manquons de statistiques récentes. Des chiffres intéressants
ressortent cependant d’une large enquête européenne11 portant sur des
valeurs humaines, effectuée dans sa première version entre 1980 et 1983
dans treize pays. Dans ce sondage, les expériences psychiques ont été
analysées dans les domaines de la télépathie, de la clairvoyance et du
contact avec les défunts. Pour ce dernier, la question « Avez-vous déjà eu
l’impression d’être réellement en contact avec une personne décédée ? » a
été posée aux individus sondés. De grandes différences nationales ont été
relevées allant de 9 % à 41 %. L’Islande prenait la tête avec 41 % de
personnes qui ont répondu positivement à la question posée, suivaient
l’Italie avec 34 %, l’Allemagne de l’Ouest avec 28 %, la Grande-Bretagne
avec 26 %, la France avec 24 %, la Belgique avec 18 %, l’Irlande et
l’Espagne avec 16 %, la Finlande et la Suède avec 14 %, la Hollande avec
12 %, le Danemark avec 10 % et la Norvège avec 9 %. En résumé, il ressort
de l’enquête qu’un quart des Européens signale un contact direct avec un
proche décédé1213.
Ainsi, 24 % des Français auraient vécu un VSCD, quasiment un quart
de la population, ce chiffre est impressionnant. La formulation du
sondage « Avez-vous déjà eu l’impression d’être réellement en contact
avec une personne décédée » est explicite. Il n’est pas question d’un vague
sentiment de présence, mais bien de l’impression d’un réel contact. Il est
intrigant de constater que si peu d’attention est accordée à ce
phénomène majeur.
Pour les États-Unis, des estimations d’occurrences de VSCD plus
élevées encore sont avancées. Bill et Judy Guggenheim estiment qu’entre
60 et 120 millions d’Américains auraient vécu un ou plusieurs contact(s)
avec des défunts, soit 20 % à 40 % de la population globale des États-
Unis14, et Louis LaGrand estime que 70 millions ou 44 % d’Américains
auraient vécu un VSCD15.
Les personnes ayant perdu leur conjoint ou leur partenaire semblent
vivre des VSCD dans une proportion particulièrement importante. Dans
les années 1970, le chercheur et médecin britannique W. D. Rees a
contacté 81 % de tous les veufs et veuves d’une province du pays de Galles
à une période donnée, un total de 293 individus, et a découvert que 50 %
des veufs et 46 % des veuves avaient expérimenté en état de veille un
contact avec leur conjoint décédé, dont 39 % ont senti leur présence, 14 %
les ont vus, 13 % les ont entendus et 12 % ont communiqué avec eux. 3 %
avaient été touchés physiquement par leur conjoint décédé16. D’autres
chercheurs ont trouvé des valeurs à peu près identiques. Les chercheurs
américains Jeffrey et Jody Long estiment les contacts expérimentés par
des veufs et veuves entre 47 % et 51 %17.
Que signifient ces statistiques ? Elles indiquent que les VSCD, quels
qu’en soient le type et l’intensité, ne sont clairement pas un phénomène
marginal. Un grand nombre de personnes vivent ces expériences au
quotidien à travers le monde et ne savent ni les nommer, ni les situer
dans leur conception de la réalité. Il est important, et même urgent, de
leur donner un statut ontologique.

On appelle VSCD olfactif un contact pendant lequel apparaissent des


fragrances associées à un proche décédé. Les odeurs typiques sont celles
d’un parfum, d’une lotion après-rasage, d’un savon ou encore d’une
odeur corporelle caractéristique, mais la gamme des odeurs significatives
rapportées est large. Il peut s’agir de fleurs, mais également de nourriture,
de boissons, de tabac, etc. Les fragrances se manifestent tout à coup, sans
raison apparente et hors contexte, à l’intérieur ou à l’air libre, sans
qu’aucune source ne puisse être détectée. Après quelques secondes ou
quelques minutes au plus, les odeurs se dissolvent. C’est le type de VSCD
qui est le plus souvent partagé par un groupe de personnes.
En voici une illustration :

« 15 novembre 2007, un an après le départ dans l’au-delà de mon


époux. En état de détente dans son fauteuil, je suis alertée par la
présence de mon époux. Se penchant à ma gauche entre la
bibliothèque et le fauteuil, il m’embrasse avec douceur sur la joue
gauche. Il n’y a pas beaucoup de place, et il a dû passer sur moi, car
je sens l’odeur bien reconnaissable de son eau de toilette sur ma
droite. Je tourne légèrement la tête, très émue, en me disant qu’il va
s’asseoir sur le canapé, mais je ne vois personne. »

(Denise R.)

Les VSCD visuels se présentent sous des formes variées. Les défunts
peuvent être perçus soit partiellement (la tête et le buste), soit dans leur
intégralité, avec une gradation de netteté. Les descriptions vont de la
vision d’une silhouette vaporeuse et semi-transparente, qui laisse
apparaître les objets se trouvant derrière, à la perception d’un corps
parfaitement solide, en passant par tous les stades intermédiaires.
Parfois, il se produit une évolution dynamique dans la perception : une
forme brumeuse est perçue en premier, qui se solidifie au fur et à mesure
en passant par le stade de silhouette, pour finalement prendre la forme
d’une personne solide qui paraît vivante. Quelquefois, l’apparition n’est
vue que du coin de l’œil, mais néanmoins identifiée. Les apparitions, qui
sont souvent entourées d’une lumière, sont quelquefois décrites comme
se déplaçant en flottant à quelques centimètres du sol, les pieds
invisibles. Ces apparitions peuvent se produire à l’intérieur, souvent de
nuit dans la chambre à coucher, ou à l’extérieur, voire dans une voiture,
un bateau, etc. Les cas où une personne voit l’apparition d’un parent
qu’il ne connaît pas et qu’il identifie par la suite sur une photo, par
exemple un ancêtre ou un parent éloigné décédé, ne sont pas rares.
Parfois, les apparitions sont accompagnées d’une baisse de la
température ambiante, quelquefois combinée avec des courants d’air.
Les défunts sont habituellement perçus dans la fleur de l’âge et en
éclatante santé, indépendamment de l’âge qu’ils avaient le jour de leur
mort et de la maladie qui avait peut-être marqué leur visage. Bien
souvent, l’être aimé a été vu la dernière fois lors de son décès, si les
proches étaient présents, dans la chapelle ardente ou lors de son
enterrement. C’est une triste image à garder dans son cœur. Les VSCD
visuels permettent de remplacer ce dernier souvenir accablant par une
nouvelle image, belle et apaisante.
Voici un témoignage d’une apparition, combinée avec des VSCD tactile
et auditif. Il s’agit d’une expérience partiellement partagée entre une
mère et sa fille.
« Ces faits se sont passés le 15 décembre 1990, deux semaines
après le décès de mon époux, âgé de 46 ans. Ce départ fut la suite
d’un examen médical mal conduit qui lui occasionna une
pancréatite aiguë qui l’emporta en quarante-huit heures.
Il était environ 6 h 45, ce matin-là, ma fille se préparait dans la
salle de bains attenante pour partir prendre son bus qui devait la
conduire au lycée.
J’étais éveillée depuis à peu près une heure et je passais dans ma
tête tous les événements à venir dans la journée, et notamment
l’organisation de la messe que j’avais commandée pour lui dans
l’église de notre petite commune.
Au pied de mon lit, debout dans la pénombre de la chambre qui
était à peine éclairée par la lumière électrique du couloir, je vis tout à
coup apparaître la silhouette d’un être. Il s’approcha et se pencha
pour s’allonger à mes côtés sur le lit. Ma première pensée fut que
cela lui serait impossible, car j’étais tout au bord, et il n’y avait pas
de place près de moi !
L’être s’allongea tout près de moi, comme si le lit était plus large
qu’il ne l’était en réalité. Il me serra très fort, je ressentis une joie
ineffable, une véritable extase dans cette étreinte que je qualifie
d’“union d’âmes”, alors même que je ne savais qui était ce visiteur !
Puis, je vis ses traits dans les moindres détails, sa tête était contre
la mienne, nos cheveux se mêlaient, et je reconnus mon mari.
Son regard n’était pas dirigé vers moi, mais vers le plafond. Il ne
parla pas, mais par une sorte de télépathie, j’entendis clairement sa
voix dans ma tête :
Je suis revenu pour te rassurer !
J’ai été obligé de partir, je n’avais pas le choix.
Mon amour, ne t’inquiète pas, où que tu sois, je serai toujours près de toi, je
ne t’abandonnerai jamais !
Prends ma force, je te la donne, c’est la force vitale que j’avais ici-bas, elle
passe en toi, je t’en fais don.

À ce moment, je ressentis une chaleur intense passer dans mon


bras droit et se répandre dans mon corps. Puis, peu à peu, la chaleur
s’atténua et disparut. La présence se gomma et s’effaça
complètement avec une grande douceur !
Depuis le début de cet événement, je tentais d’appeler ma fille. Je
n’avais qu’une idée : lui crier de venir voir son père qui était revenu…
Mais, malgré mes efforts, aucun son ne sortait de ma gorge, j’étais
absolument paralysée comme s’il m’était interdit d’appeler.
Quelques secondes après l’effacement de cette apparition, ma gorge
se dénoua et je pus enfin l’appeler.
Aussitôt, des larmes inondèrent mon visage, la force de l’émotion
et celle du bonheur se mêlaient ! Ma fille entra à cet instant dans la
chambre, car, m’a-t-elle dit par la suite, une voix intérieure lui avait
dit : Va voir Maman, elle a besoin de toi !
Cet événement merveilleux a changé ma vision de la mort et m’a
permis de faire face avec plus de courage à toutes ces années qui ont
suivi ! D’autant plus que j’eus souvent la chance de bénéficier de
signes, de synchronicités, et de rêves messagers qui jalonnèrent mon
existence jusqu’à ce jour ! »
(Marie-Josée M.)

Survenue et disparition des VSCD visuels


La survenue des apparitions peut revêtir des formes diverses :
1. Le récepteur se réveille ou est réveillé la nuit par l’apparition qui se
tient devant lui, par exemple au pied de son lit.
2. L’apparition est déjà présente quand le récepteur, qui est réveillé, en
prend subitement conscience.
3. L’apparition est en mouvement et entre dans le champ de vision du
récepteur (par exemple, une porte est ouverte, et l’apparition entre et se
déplace dans la pièce).
4. L’apparition se matérialise sous les yeux du récepteur, soudainement
ou graduellement. Parfois, elle est perçue comme du brouillard qui
prend subitement forme et devient reconnaissable.
La disparition de l’apparition est plus abrupte que sa survenue. Les
témoins utilisent des verbes comme « s’évaporer », « disparaître d’un
coup », « se dissoudre », « se dématérialiser », « s’effacer », « se
volatiliser ». Il suffit de cligner des yeux ou de détourner le regard une
fraction de seconde pour que l’apparition disparaisse. Dans les cas de
vision de défunts inconnus, les récepteurs les prenaient pour des
personnes en chair et en os jusqu’à ce que leur disparition fulgurante leur
fasse comprendre qu’il s’agissait en fait d’une apparition.

Les VSCD peuvent être perçus par quatre sens : l’ouïe, le toucher, l’odorat et
la vision (le sens du goût n’est pas concerné) :
– VSCD auditif
– VSCD tactile
– VSCD olfactif
– VSCD visuel
Les VSCD de « ressenti d’une présence », très fréquents, ne sont pas attribués
à un organe sensoriel spécifique.
La majorité des VSCD se produisent dans l’année qui suit le décès, avec une
forte concentration dans les premières 24 heures et jusqu’à 7 jours après le
décès. D’autres contacts se produisent à une fréquence décroissante de deux à
cinq ans après le décès. Les expériences qui ont lieu entre
cinq ans et plusieurs dizaines d’années après le décès sont plus rares et entrent
souvent dans la catégorie des VSCD de protection.
Les VSCD sont fréquents. Selon une large enquête européenne, 24 % des
Français auraient vécu un VSCD. En moyenne, un quart des Européens
aurait expérimenté ces contacts, avec de grandes différences nationales.

Le témoignage de Marie-Claire

Marie-Claire B. nous a envoyé une longue lettre depuis le département


d’Ille-et-Vilaine, en Bretagne, décrivant des contacts répétés et divers
apparemment initiés par son mari décédé. Voici un VSCD tactile qu’elle a
expérimenté.
« Mon mari, Guy, est décédé le jeudi 22 septembre 2011 des suites
d’une tumeur au cerveau, à l’âge de 41 ans. Son combat a duré
trois ans et demi […].
Dans la nuit du 14 au 15 octobre, j’ai ressenti quelque chose se
glisser tout contre moi, dans mon dos. C’était suffisamment dense
pour sentir le contact. Je me sentais si bien, je n’ai pas bougé de peur
de perdre le contact. J’ai tout de suite pensé à Guy. J’ai dit tout haut :
“C’est toi, Guy ?” Moi qui avais veillé sur lui pendant si longtemps,
avec si peu de sommeil, j’écoutais, j’attendais la suite, et… je me suis
bêtement endormie, mais avec un tel sentiment de bonheur,
d’apaisement, d’amour. J’étais si bien. J’ai cru entendre sa
respiration, cette respiration tant surveillée auparavant. Je dis encore
aujourd’hui “j’ai cru”, car cela semble si irréel. Je me suis réveillée
avec la sensation que quelque chose quittait les draps. Puis, plus
rien, j’ai attendu et écouté. Je n’ai absolument aucune notion du
temps que cela a duré, entre le ressenti et le départ. Peu importe le
temps, seule l’intensité compte. Je n’osais plus bouger, je voulais
rester imprégnée de cet état le plus longtemps possible. »

Ce contact est inhabituel par sa durée, suffisamment longue pour que


Marie-Claire ait pu savourer l’expérience avant de s’abandonner au
sommeil. Il est intéressant de souligner la perception de la respiration du
défunt qui était visiblement liée à la maladie qui l’avait emporté et qui
revêtait donc une signification toute particulière. Telle une réminiscence
de moments difficiles, sans doute angoissés, partagés avec son mari lors
de sa maladie, cette respiration perçue n’avait alors plus rien de
menaçant, mais symbolisait une épreuve partagée.

« Mais il fallait se lever pour aller au travail et emmener les


enfants à l’école. Lorsque je suis arrivée dans la chambre de ma fille
de 9 ans, elle m’a dit d’emblée qu’elle m’attendait depuis 5 heures du
matin, cachée sous sa couette, car elle avait senti quelque chose
toucher sa tête et qu’elle avait eu très peur. Elle a eu des difficultés à
s’endormir, les semaines suivantes. Je lui ai dit que cela devait être sa
couette qui avait dû toucher son visage pendant un rêve, l’idée que
ce soit son père lui faisait trop peur. »

Quel est l’impact d’un vécu d’une grande force émotionnelle tel que
celui relaté par Marie-Claire ? Comment l’intègre-t-on dans sa vie ? Qu’en
fait-on ? Comment réussit-on à situer ce vécu en totale discordance avec
la réalité telle que nous la comprenons habituellement ? Fragilisé par le
deuil, fait-on confiance à ses propres perceptions dans cette période de
vie particulière et délicate ? Les conséquences sont-elles durables ou se
dissipent-elles aussi vite que les perceptions discernées ? Et quel effet ces
expériences ont-elles sur le système de croyances de la personne qui a
vécu le contact ? J’ai posé ces questions à Marie-Claire.
« Ces expériences ont effectivement été très importantes pour
moi, très précieuses. Elles m’ont aidée à me reconstruire dans le
temps, à surmonter le deuil en rendant un peu plus “acceptable”
l’inacceptable, à lâcher prise et à faire jaillir la vie qui était tapie au
fond de moi et dont je ne soupçonnais même pas l’existence. La
douleur, la souffrance, la colère du deuil n’ont pas disparu
subitement, mais elles ont été largement atténuées au fil du temps.
À l’âge de 13 ans, je n’avais déjà plus aucun de mes grands-
parents, ni mon père non plus, emporté lui aussi par la maladie dans
sa 41e année. Ma mère est partie également pour l’au-delà alors que
j’étais une jeune maman de 34 ans. Tous ces événements tragiques
m’ont amenée très jeune (à environ 11 ans) à me demander
pourquoi nous venions sur Terre si c’était pour souffrir autant ?
Cela choquait les adultes du fait de mon jeune âge ! Je n’ai pas eu de
réponse. À l’époque, on ne parlait pas de ces sujets tabous (deuil,
mort, au-delà). J’ai donc construit ma vie, plutôt ma survie, grâce à
l’amour de mes proches. Cet amour était le seul vecteur de ma vie.
Mais comme si cela ne suffisait pas, on m’a également retiré
l’Amour de ma vie, ma “moitié”. J’ai alors éprouvé un sentiment
d’abandon et d’injustice terrible, même si la maladie nous permet de
nous préparer, en quelque sorte, contrairement à une mort subite. Je
devais à mon tour vivre le deuil que ma maman avait dû faire
quasiment au même âge. Il me fallait encore trouver l’énergie pour
survivre pour mes enfants (on n’a pas le choix), mais le passé et les
années de maladie de mon mari m’avaient dirigée vers l’épuisement.
Et comment fait-on passer un message de vie à nos enfants lorsqu’il
n’y a que de la noirceur en nous ? Mais contre toute attente, je peux
dire aujourd’hui que le décès de mon mari m’a fait grandir, évoluer.
Ce sont bien évidemment tous ces contacts qui m’ont accrochée à la
vie, à l’amour si fort qui nous unissait l’un à l’autre. Aujourd’hui, je
commence à vivre tout simplement en essayant de regarder ce que la
vie m’offre, plutôt que ce qu’elle me retire. Ce changement est
parfois difficile à comprendre tellement c’est un bouleversement en
profondeur de tout mon être. La chute semblait si évidente ! Cela ne
veut pas dire que je ne souffre pas de l’absence de mon mari, il n’y a
pas un jour où je ne pense pas à lui, mais ces expériences ont
renforcé ce lien d’amour malgré la distance entre nos deux mondes
et permis le détachement afin de garder le positif, d’emprunter un
chemin inaccessible jusqu’alors. Elles réveillent la vie qui est en
nous. Les émotions et les sentiments peuvent être ambigus et nous
troubler, mais le résultat final est si beau !…
Je ne croyais pas en la beauté de la vie, mais en la dureté de la vie,
et tout cela dans quel but ? Ces contacts m’ont permis d’avancer
dans le deuil et de croire à nouveau à l’amour inconditionnel,
d’accéder à une nouvelle dimension de l’homme. Les contacts ont
donné du sens à ma vie, du sens aux épreuves que la vie nous
impose, une ouverture d’esprit. C’est une chance, un privilège, un
merveilleux cadeau que la vie m’a fait en me permettant de vivre ces
expériences, et j’en ai conscience. Mais c’est aussi quelque chose de
perturbant parfois, difficile à intégrer dans notre cadre de vie
professionnel et personnel. Il ne faut pas se perdre en chemin. Il faut
trouver le juste équilibre pour ne pas perdre pied et faire les belles
rencontres, les bonnes lectures qui vous aident à emprunter le
chemin qui vous correspond le mieux. Et cela prend du temps pour
infuser en nous de nouvelles valeurs afin qu’un jour le papillon
puisse déployer ses ailes pour aller butiner la vie avec plaisir et plus
de légèreté (et pourquoi ne pas voler avec un ange à ses côtés ?).
Il n’y a pas d’explication raisonnable, scientifique pour expliquer
ce que j’ai ressenti, mais pour moi cela ne fait aucun doute, c’était
mon mari. Il n’est pas mort, il est juste de l’autre côté. Il vit autre
chose sans moi, et je dois vivre autre chose sans lui, et un jour (je ne
suis plus pressée), nous nous retrouverons. Mon regard sur la mort a
obligatoirement changé, cela ne peut pas en être autrement. Il n’y a
pas le néant, il y a une vie après la vie, une renaissance. C’est un
message d’espoir, d’amour et de paix intérieure qui nous vient de
l’au-delà. Pour ma part, je suis convaincue que la conscience survit
après la mort. Cela me donne envie d’enlever les verrous les uns
après les autres pour être juste moi-même dans la vie. Il fallait cette
terrible épreuve afin de me permettre d’avancer sur mon chemin de
vie, de réveiller en moi une partie inaccessible de mon être. Le décès
de mon mari était probablement le prix à payer pour évoluer, pour
renaître ! La spiritualité entre dans nos vies… Pour conclure, je dirais
que la vie s’ouvre à moi et que je m’ouvre à la vie ! »
1. ALLIX Stéphane et BERNSTEIN Paul, Manuel clinique des expériences extraordinaires, Paris,
InterEditions - INREES, « Nouvelles évidences », 2013.
2. www.inrees.com.
3. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, « Vécu subjectif de contact avec un défunt », Manuel clinique des
expériences extraordinaires, Paris, InterEditions/INREES, « Nouvelles évidences », 2013, p. 131-159.
4. La transcommunication instrumentale, ou TCI, est utilisée dans le but d’essayer d’établir un
contact avec les défunts en créant des interférences avec un poste de radio ou un téléviseur pour
obtenir une image ou un son brouillé, puis de patienter plus ou moins longtemps en observant
les phénomènes qui se produisent.
5. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, « VSCD : hallucination ou dernière communication ? », Inexploré –
le magazine de l’INREES –, no 19, 2013, p. 84-88.
6. www.after-death.com.
7. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Hello from Heaven: A new field of research – After-Death
Communication – confirms that life and love are eternal, New York, Bantam Books, 1997.
8. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM, Judy, Des Nouvelles de l’au-delà : de nouveaux champs de recherche
sur l’après-vie confirment que la vie et l’amour sont éternels, introd. et trad. par Evelyn Elsaesser-
Valarino, Paris, Éd. Exergue, 2011.
9. HARALDSSON Erlendur, The Departed among the Living: An Investigative Study of Afterlife Encounters,
Guildford UK, White Crow Books, 2012, p. 38.
10. Définition du Larousse : Transmission de pensées ou d’impressions quelconques d’une
personne à une autre en dehors de toute communication par les voies sensorielles connues.
11. www.europeanvaluesstudy.eu.
12. Moyenne pondérée par rapport à la taille des populations.
13. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, « Vécu subjectif de contact avec un défunt », art. cit., p. 137-138.
14. www.after-death.com.
15. LAGRAND Louis E., Gifts from the Unknown: Using Extraordinary Experiences to Cope with Loss and
Change, San José, New York, Authors Choice Press, 2001, p. 27.
16. REES W. D., “The Hallucinations of Widowhood”, British Medical Journal, 1971, 4(5778), p. 37-
41.
17. www.adcrf.org.
CHAPITRE 2

Plus d’informations sur les VSCD

Approfondir la connaissance des VSCD

Après avoir passé en revue dans le chapitre 1 les VSCD perçus par les
quatre organes sensoriels (l’ouïe, le toucher, l’odorat et la vision), ainsi
que les VSCD « de ressenti d’une présence », nous allons maintenant
poursuivre la présentation d’autres types de VSCD selon la classification
Guggenheim en nous intéressant aux circonstances de leur survenue.

Les VSCD se produisant pendant le sommeil ou en état de


somnolence sont très courants. Ils surviennent quand les personnes sont
sur le point de s’endormir ou de se réveiller. Cet état de somnolence est
connu sous le terme d’« état hypnagogique ».
Les expériences qui se produisent pendant le sommeil sont très
différentes d’un rêve ordinaire et ressemblent en tous points à des VSCD
en état d’éveil. Ces contacts sont nets, cohérents, mémorables et ressentis
comme réels et ne revêtent pas le caractère complexe, symbolique et
fragmenté des rêves qui sont d’ailleurs vite oubliés au réveil. Bien que les
récepteurs ne puissent souvent pas dire s’ils étaient réveillés ou non
pendant l’expérience, ils précisent systématiquement : « C’était
complètement différent d’un rêve, c’était bien plus réel. » Ceux qui ont à
la fois fait des rêves impliquant des proches disparus et vécu un VSCD
pendant le sommeil font très nettement la distinction entre les deux
types d’expérience.
Voici un témoignage de ce type de VSCD :
« En juin 1991, mon frère décède des suites d’un cancer aux
poumons. Quelques jours après son décès, je dors dans la chambre
qu’il avait occupée quelques années auparavant. Il est entre 4 heures
et 5 heures du matin, je ne suis ni endormie ni réveillée, mais dans
l’entre-deux, c’est-à-dire consciente avec une sensation de pesanteur,
comme si je faisais corps avec le matelas. Puis, le visage de mon frère
m’est apparu de façon très nette. Ensuite, j’entends très clairement
sa voix dans mon esprit, et il me demande s’il doit partir. Je le
ressentais perdu, ne sachant pas quoi faire ni où aller. Alors, je lui
réponds de façon très nette que “oui, il doit partir”. Son visage
disparaît, et mon corps reste néanmoins toujours aussi lourd. Je suis
consciente de tout ce qui se passe, mais je ne peux absolument pas
me mouvoir, comme si une chape de plomb m’en empêchait. C’est
alors que j’ai ressenti sa présence physiquement, il m’effleurait au
niveau du bras puis du dos. J’étais réellement effrayée par cette
sensation, d’autant que je n’avais pas la possibilité de faire le
moindre mouvement. Alors, un son s’est échappé du fond de ma
gorge, et le contact s’est rompu. Mais je ne pouvais toujours pas
bouger. Tous mes sens en éveil, j’attendais… Puis, un bruit de
papiers que l’on brasse me parvient aux oreilles. Attentive, j’essaye de
localiser d’où vient ce bruit de papiers et je me rends compte que
cela provient du placard qui se trouve dans la chambre, là où les
papiers de mon frère sont rangés. Cela dure quelques instants, puis
le bruit cesse. Je commence à ressentir mon corps s’alléger comme
s’il était revenu à sa place et j’ai pu bouger mes bras, mes jambes
puis mon corps tout entier. Puis, j’ai attendu sans vraiment me
rendormir que mon réveil sonne. Le lendemain, j’ai ouvert le placard
de la chambre, j’ai sorti les papiers de mon frère et j’ai découvert
qu’il avait pris une assurance vie pour son fils. »
(Dominique Marie C.)

Il est intéressant de noter cette impossibilité de bouger, cette quasi-


paralysie passagère qui a tant effrayé Dominique Marie C. Vous aurez
remarqué que Marie-Josée M., dont le récit figure sous « VSCD visuel »,
décrit une expérience très similaire :

« […] Mais, malgré mes efforts, aucun son ne sortait de ma gorge,


j’étais absolument paralysée, comme s’il m’était interdit d’appeler.
Quelques secondes après l’effacement de cette apparition, ma gorge
se dénoua et je pus enfin l’appeler. »

Le deuxième aspect remarquable de ce récit concerne l’assurance vie


que Dominique Marie C. a découvert le lendemain grâce au « bruit de
papiers que l’on brasse » entendu la nuit. Nul doute que cette découverte
était importante pour son neveu. Il semble s’agir ici d’un véritable
transfert d’informations, d’un élément tangible et pratique qui était
inconnu du récepteur avant le VSCD. Ce type de contact sera présenté
plus loin sous «VSCD pratiques».
Un autre type de VSCD pendant le sommeil peut se produire quand
un défunt « fait irruption » dans un rêve ordinaire. Les Guggenheim
rapportent un tel cas :
Robin dirige une garderie d’enfants en Floride. Cette vision opportune
de son grand-père se produisit quelques années après sa mort.
« Une nuit de ma première année d’études, j’étais en train de
dormir dans la résidence universitaire. Je rêvais quand Grand-papa
s’introduisit dans mon rêve ! Il était vraiment là, je pouvais sentir
son eau de Cologne, son tabac et sa chaleur.
Il semblait préoccupé et protecteur. Il dit : Ferme la fenêtre ! Tu
devrais faire plus attention à toi ! Ferme la fenêtre ! C’était une mise en
garde explicite.
Effrayée, je me suis réveillée et j’ai regardé autour de moi. Ma
chambre avait deux fenêtres donnant sur une cour et deux autres
situées au-dessus de l’escalier de secours. Je me suis donc levée pour
fermer les fenêtres.
Environ une demi-heure plus tard, j’entendis crier une fille logée
dans une chambre de mon étage. Un homme était monté par
l’escalier de secours et avait apparemment d’abord essayé d’entrer
par ma fenêtre avant de réussir à s’introduire par la sienne. Il fut
arrêté peu après.
Grand-papa m’était apparu quand j’avais visiblement besoin de
son aide ! Il a ainsi prouvé qu’il sera toujours à mes côtés18. »

Les VSCD au moment du décès sont particulièrement marquants


puisque le récepteur est informé du trépas d’un proche par le proche lui-
même. En état de veille ou en se réveillant la nuit, la personne entend ou
voit son proche qui lui annonce sa mort avec sérénité, parfois avec joie (Je
suis venu prendre congé de toi, je pars maintenant). Notons en passant qu’ils
semblent utiliser souvent le verbe partir, comme s’ils s’apprêtaient à
entreprendre un voyage. Parfois, l’apparition ne transmet pas de message,
mais le récepteur comprend immédiatement qu’il s’agit d’un dernier
adieu. Ces expériences, qui se produisent à l’heure précise du décès qui a
lieu à distance, précèdent l’annonce du trépas (par l’hôpital, la
famille, etc.). Dans certains cas, ces décès n’étaient pas prévisibles, car la
personne n’était pas malade et trépassait par exemple lors d’un accident.
L’expectative de la mort imminente d’un proche très malade ou âgé ne
pourrait donc agir comme élément déclencheur du VSCD que dans
certains cas.
Les VSCD au moment du décès amortissent considérablement le choc
provoqué par l’annonce du décès d’un être cher. Le fait d’avoir été
informé du décès par le proche lui-même console le récepteur, puisque cette
expérience semble impliquer une continuité d’une certaine forme
d’existence. Lorsque l’annonce officielle du décès lui parvient, par
l’hôpital, la famille ou la police en cas d’accident, le récepteur est déjà
informé. Le choc aura été adouci par le VSCD, mais la tristesse de la perte
ne lui sera bien sûr pas épargnée pour autant.
L’une des hypothèses d’explication des VSCD fréquemment avancées
stipule que ces contacts seraient des hallucinations autogénérées dues au
chagrin du deuil. Ce postulat n’est pas défendable pour le cas des VSCD
au moment du décès, puisque le récepteur n’est évidemment pas encore
en deuil lorsque le proche vient lui annoncer son départ.
Voici une illustration de ce type de contact :
« Mon grand-père était en maison de repos, en convalescence,
mais pas mourant. Un matin vers 5 heures, j’ai senti sa présence au
pied de mon lit, il me regardait. Ce fut si fort que je m’éveillai
complètement. Dans la matinée, on nous annonça son décès qui
avait eu lieu à cette heure-là. »
(Eliette S.)

Christine et Jan H. ont perdu leur cinquième enfant quelques mois


après sa naissance. Ils n’ont pas vu d’apparition, mais ont néanmoins
immédiatement associé les manifestations perçues au départ de leur
bébé.
« Notre Nina nous a quittés l’année dernière dans la nuit du lundi
de Pentecôte. Quand, à 23 h 18, nous avons été avertis par l’hôpital
que Nina était en train de mourir, seul Jan est allé à l’hôpital. Je suis
restée à la maison avec nos autres enfants. Je ne voulais ni ne
pouvais croire que, cette fois-ci, elle allait vraiment nous quitter, car
nous avions reçu plusieurs appels du même type la veille. Et à
chaque fois, notre fille avait réussi à se reprendre en main et à
continuer à lutter. Toutefois, nous lui avions dit pour la première
fois cet après-midi même qu’elle avait le droit de lâcher prise et de
partir. C’était nouveau, car jusqu’à ce jour, toutes nos prières et
notre espoir étaient focalisés sur sa survie. Cependant, suite à une
discussion assez brutale avec ses médecins traitants qui a fait voler
en éclats nos dernières illusions, nous avions compris que nos
prières allaient dans la mauvaise direction… Nina n’aurait jamais pu
revenir à la maison, même si elle avait survécu. Tôt ou tard, elle
serait décédée, lourdement handicapée, et ses souffrances n’auraient
été que prolongées inutilement.
En sortant de notre chambre à coucher suite à l’appel
téléphonique de l’hôpital, Jan a tiré la porte, sans la fermer
complètement. J’ai hésité à me lever pour ouvrir la porte afin
d’entendre les autres enfants, en cas de besoin, mais je suis restée
allongée en me disant que je ne pourrais de toute façon pas
m’endormir jusqu’au retour de Jan et qu’ainsi j’entendrais mes
enfants s’ils m’appelaient.
J’étais dans mon lit, désemparée, seule avec ma douleur et mes
angoisses, quand tout à coup j’entendis un sifflement très fort,
comme un coup de vent violent, et un souffle glacial me frôla.
Comme dans un train fantôme de foire. La porte de la chambre à
coucher qui avait été tirée presque complètement auparavant se
ferma en claquant.
À cet instant, je suis devenue très calme, je savais que Nina venait
de mourir. J’ai regardé la montre, il était 23 h 38. Je n’ai pas pleuré.
J’étais calme et lucide. Je savais que les souffrances de Nina avaient
pris fin, qu’elle allait mieux, qu’elle avait finalement pu lâcher prise
et partir, qu’elle ne souffrait plus.
Quand Jan est revenu de l’hôpital, il a tout confirmé, y compris
l’heure du décès que j’avais pressentie. »

Un élément de ce récit poignant est particulièrement à souligner : les


parents avaient dit à leur bébé âgé de quelques mois seulement qu’il avait
« le droit de lâcher prise et de partir », et il est décédé à peine quelques
heures plus tard. Nous savons grâce à Françoise Dolto que les jeunes
enfants, et même les nouveau-nés, entendent tout, comprennent tout.
Quand le plus infime espoir de guérison s’est éteint, alors le moment de
la plus grande et de la plus déchirante preuve d’amour est arrivé :
prononcer les paroles libératrices en disant à l’enfant mourant qu’il a le
droit de s’envoler.
Christine poursuit son récit :

« Quelques jours ou semaines après la mort de Nina, j’ai vécu un


événement similaire. J’étais au lit, Jan était encore dans le salon, en
bas, quand j’ai à nouveau entendu un fort sifflement de vent et senti
un souffle extrêmement froid me balayer. Je savais que Nina était
encore venue me voir, probablement pour me dire adieu pour de
bon […]. Ce fut une expérience très belle, mais également très triste,
car je savais que Nina était partie pour toujours, vraiment partie. Et,
effectivement, elle n’est plus jamais revenue me voir. »

Jan, le mari, a vécu l’expérience suivante au moment même où


Christine percevait la deuxième visite de son bébé décédé.

« Quelque temps plus tard, un soir, je me trouvais dans le salon,


Christine était déjà allée se coucher. Depuis le décès de notre petite,
je ne trouvais plus le sommeil et je me changeais les idées en
regardant la télé pendant de longues heures, le soir. Tout à coup, la
porte fermée du salon se ferma en claquant, et un courant d’air
traversa la pièce. Toutes les fenêtres étaient closes, et il n’y avait pas
un soupçon de vent à l’extérieur. J’ai décidé de ne pas réveiller
Christine puisqu’elle aussi dormait très mal depuis le décès de notre
fille. Le lendemain, je lui ai raconté mon expérience, et elle m’a fait
part de son vécu similaire, la veille au soir. »

Pour ce même type de VSCD, il peut arriver qu’un message soit


transmis pour une tierce personne, comme le cas suivant l’illustre :

« En partant, j’ai dit à mon beau-père : “On se verra bientôt”. Il a


secoué la tête et a dit avec fermeté : “Non.” Deux jours plus tard, vers
1 h 30 du matin, je me suis réveillée en sueur – mon beau-père se
tenait au pied de mon lit. Il m’a demandé de réveiller John, car il
voulait lui dire adieu. Je n’ai pas été à la hauteur de la demande de
mon beau-père, car j’étais bien trop effrayée pour faire ce qu’il me
demandait. Je me suis détournée de ce qui semblait être une
personne tout à fait réelle se tenant dans notre chambre à coucher !
Je lui ai dit que j’avais beaucoup trop peur pour faire ce qu’il me
demandait. Gentiment, il semblait accepter ma réaction décevante.
J’ai senti qu’il comprenait ma peur et qu’il me transmettait un Ce
n’est pas grave. Ensuite, mon beau-père s’est effacé. Quelques minutes
plus tard, en raison de mon agitation, John s’est réveillé et m’a
demandé ce qui n’allait pas. Quand je lui ai dit que je venais de voir
son père, il a répondu : “D’accord”, comme si je l’avais rêvé et il s’est
rendormi. Mais je n’avais assurément pas rêvé cet événement ! Le
lendemain vers 8 heures, le téléphone a sonné. C’était la mère de
John qui nous annonçait que son père était décédé pendant la nuit –
à 1 h 30 précisément19. »

Certaines expériences subtiles, proches d’une intuition, peuvent se


produire à l’heure précise du décès d’un proche. Les personnes peuvent
soit ressentir un malaise, une impatience, un énervement, soit sentir
qu’une catastrophe vient de se produire, sans pour autant pouvoir mettre
des mots sur leur état d’agitation. L’annonce de la mort du proche
confirme subséquemment leur intuition.
Peter et Elizabeth Fenwick rapportent le cas suivant :

« Malheureusement, mon frère a perdu la vie dans un accident de


voiture, il y a maintenant une vingtaine d’années. J’étais au travail
avec l’intention d’y rester jusqu’à 17 heures. À 16 h 20, je me suis
sentie mal à l’aise et j’ai commencé à m’énerver contre moi-même.
J’ai ramassé mes affaires et je suis rentrée chez moi, même si j’aurais
vraiment dû rester au travail pour une raison dont je ne me souviens
plus. La nuit suivante, à 2 h 30 du matin, j’ai appris que mon frère
avait été tué à 16 h 20, la veille, par un automobiliste ivre20. »

Parfois, les signes sont plus précis, et les récepteurs ressentent des
sensations physiques relatives à la maladie ou à l’accident qui causent le
décès (douleur dans la poitrine en cas d’infarctus, impression
d’étouffer, etc.) ou ils subissent une perte d’énergie soudaine et
inexplicable. Ces cas se produisent plus fréquemment si le lien
émotionnel entre le récepteur et le défunt était particulièrement fort.
Voici le témoignage d’une femme nommée Wynn Bainbridge au sujet
du décès de sa cousine dont elle était très proche :

« Le 1er janvier 2002, à environ 12 h 45, j’étais en train de travailler


sur mon ordinateur quand je me suis sentie tout à coup très mal. Je
n’aurais su dire ce qui n’allait pas – je n’avais ni douleur ni maladie,
juste cette impression horrible que ma force me quittait. Je n’étais
pas sur le point de m’évanouir, j’ai seulement ressenti une terrible
faiblesse. Ce sentiment perdura environ vingt minutes. Plus tard
dans la journée, j’ai reçu un appel du fils de ma cousine
m’annonçant son décès. Bien qu’elle ait décidé d’interrompre son
traitement, les médecins prévoyaient qu’elle allait vivre encore
quelques mois ; ainsi, cette nouvelle était tout à fait inattendue. Je
lui ai demandé l’heure du décès et il m’a informée qu’elle était morte
à 12 h 55. J’ai toujours trouvé cela extraordinaire, puisque c’est à ce
moment-là que je me suis sentie si mal21. »

Imaginez que le téléphone sonne la journée ou qu’un appel


téléphonique vous réveille la nuit ; vous décrochez, et au bout du fil l’être
aimé défunt vous transmet un message ou entame même une
conversation avec vous. Ces événements, très rares, se produisent lors de
VSCD par le biais d’appels téléphoniques. Parfois, la communication
s’établit directement, et quelquefois elle passe par un opérateur, comme
les témoignages à suivre l’illustrent. Les voix des défunts sont décrites
comme « parfaitement audibles », avec leur timbre de voix habituel, ou
au contraire comme « arrivant de très loin », à l’instar des appels longue
distance d’antan. À la fin du message entendu ou de la conversation
bilatérale menée, aucune tonalité ni « clic » de raccrochement du
combiné ne sont audibles, seul le silence subsiste. L’aspect matériel de ce
type de contact – la sonnerie du téléphone qui retentit – est un aspect
intéressant à souligner.
L’expérience de Chantal D. concerne son père avec qui elle avait eu une
relation difficile :
« En préambule, il faut comprendre le type de rapport entre mon
père et moi. Cet homme a été complètement déficient dans sa
fonction paternelle, dans l’incapacité de jouer son rôle de père du
fait d’une maladie mentale. Il souffrait de troubles bipolaires.
L’attachement, le lien affectif père-fille ne s’est jamais mis en place.
En famille, nous vivions ensemble, mais séparés, sans relation ni
communication. Cette situation dramatique m’a conduite à faire le
deuil de mon père bien avant sa mort réelle – au cours d’une analyse
–, le deuil non pas de sa perte mais de son absence. Car s’il a compté
dans ma vie, c’est par le manque, le vide qu’il a laissé. Autant dire
que lorsqu’il est mort, je ne me sentais pas concernée, sa mort était
derrière moi, pas devant. Et pourtant… […]
Mon père est mort d’un infarctus foudroyant, la veille au soir de
la fête des Pères, le 19 juin 2004. […] Neuf jours plus tard, le lundi
matin, alors que je venais de rentrer chez moi après une série de
nuits de garde à domicile, j’ai reçu un coup de fil bizarre. Le
téléphone sonne. Je vais répondre, et personne au bout du fil, rien,
grand silence, puis au bout d’un moment, j’entends une voix
d’homme, anonyme, monocorde : “Ne quittez pas, un
correspondant cherche à vous joindre.” Puis plus rien, encore un
grand silence, puis encore cette voix, toujours pareille, sur le même
ton : “Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous joindre.”
Trois fois, comme ça. Et toujours pas de correspondant. J’ai
raccroché. Je me suis demandé ce que c’était que ça. C’était vraiment
bizarre, ça détonnait complètement par rapport aux coups de fil
anonymes ou de démarchage que l’on peut recevoir parfois. C’était
la première fois que j’avais ce genre d’appel. Bon, je me suis dit, c’est
nouveau, il faudra que je demande à d’autres s’ils ont aussi eu ce
genre d’appels. Ensuite, j’ai reçu un deuxième, puis un troisième
appel comme ça, identiques, dans la journée […]. »

Ces coups de fil mystérieux et répétés ont continué à se produire


pendant les trois jours suivants, donnant l’impression à Chantal que son
père essayait de communiquer avec elle sans y parvenir (comme de son
vivant ?).
Quelques jours plus tard, elle a eu un contact avec lui pendant son
sommeil. Pourtant, l’expérience n’était ni belle ni réconfortante, mais
lourde et libératrice à la fois, puisque porteuse d’une révélation que
Chantal « savait depuis [son] analyse » :
« Pendant mon sommeil, je me suis retrouvée en un lieu très
paisible baigné de lumière douce avec l’impression d’être en hauteur
dans l’espace. De là, j’attendais mon père. C’était un lieu de
transition, un espace très clair et très ouvert, mais délimité par deux
grandes et larges ouvertures se faisant face. Je savais que j’étais
entrée par celle qui se trouvait derrière moi et que mon père
viendrait par celle d’en face.
Tout à coup, je l’ai vu arriver, se déplaçant très vite sans avoir
pied, comme flottant. Il paraissait très léger et mobile. Moi-même, je
n’avais pas la sensation de mon corps ni d’être posée sur quelque
chose de solide. J’étais comme sans pesanteur.
Mon père n’avait pas l’aspect qu’il avait au moment de sa mort à
70 ans, mais comme il était dans sa jeunesse. Quand il a été devant
moi, je lui ai demandé :
— Alors, qu’est-ce que tu as à me dire ?
— J’ai arrêté quand vous aviez 4 ans et demi et 9 ans.
— Mais Maman, elle est au courant ?
— Oh, je ne pense pas.
L’échange s’est arrêté là, il a été court, mais dense. Nous
communiquions par la pensée, sans la parole. C’était bien lui, fidèle
à lui-même, l’air insouciant, inconscient de la portée de sa
révélation. »

Cette expérience a permis à Chantal d’apporter un nouvel éclairage à


une interrogation qui l’avait poursuivie pendant des années.

« Il y avait un point concernant mon père qui n’a jamais été


totalement élucidé. Durant mon analyse et même avant, j’étais
remontée très loin dans ma petite enfance jusqu’à environ l’âge de
2 ans. Par le biais de rêves et de cauchemars très symboliques, j’ai
retrouvé un traumatisme datant de cette période, lié à mon père et
dont je n’ai gardé aucun souvenir. Dans ma famille, personne n’avait
pu confirmer ce qui s’est vraiment passé. »
« J’ai arrêté quand vous aviez 4 ans et demi et 9 ans »…, s’agirait-il d’inceste ?
Oui, m’a confirmé Chantal lors d’une conversation téléphonique. Elle
pressentait ces abus sexuels depuis des années, mais, malgré son analyse,
elle n’avait pas pu en retrouver le souvenir. La confirmation lui a été
donnée lors de cette expérience – son père avait bien abusé d’elle22.
Mais l’histoire ne se termine pas là.
« Le vendredi soir suivant, alors que je reprenais une série de
gardes de nuit à domicile et que je me trouvais avec la personne âgée
dans son salon, le téléphone sonna. Je vais répondre, et là, personne
au bout du fil, rien, silence, puis cette voix que j’ai immédiatement
reconnue : “Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous
joindre.” En tous points semblable aux appels que j’avais eus chez
moi avant la communication [pendant le sommeil] avec mon père.
Alors là, je dois dire que j’étais stupéfaite. “Ça ne va pas recommencer,
pas ici ! Qu’est-ce que je n’ai pas compris ?”, me suis-je demandé. Le
temps que la personne âgée se lève de son fauteuil, traverse le salon
pour arriver devant moi, il s’est passé du temps. — Qui est-ce ? m’a-t-
elle demandé. — Je ne sais pas, il faut attendre…, ai-je répondu. Au
moment où elle arrivait à côté de moi et où j’allais lui tendre le
combiné, j’ai entendu très distinctement un bruit à l’autre bout du
fil, comme quelque chose qui tombe, un décrochage (décrochage,
c’est vraiment ce à quoi j’ai pensé sur le moment), et puis, j’ai passé
le téléphone à la personne. Elle a écouté, puis m’a dit : “Mais il n’y a
personne !” On s’est regardées un moment, puis soudain elle a eu la
voix d’un démarcheur. J’ai compris le message. Ça voulait dire que la
communication avec mon père était terminée pour de bon. Le
contact était coupé. Définitivement. Je ne me suis pas trompée. Je
n’ai plus jamais été inquiétée par mon père défunt. »
(Chantal D.)

Ces contacts post-mortem sont aussi déstructurés et irritants pour


Chantal que la relation qu’elle avait entretenue avec son père de son
vivant. La communication passe difficilement, malgré la nature
répétitive, voire oppressante, des contacts. À première vue, Chantal ne
retire aucun bien-être de ce vécu, simplement de l’agacement, à l’instar de
ce qui s’est passé dans cette relation père-fille qui n’a jamais pu se mettre
en place proprement.
Et pourtant, Chantal a fait l’effort d’analyser ces manifestations, et
notamment grâce à l’expérience qui s’est produite pendant son sommeil,
elle est arrivée à en comprendre le sens. Le réconfort qu’elle a finalement
réussi à retirer de ce vécu est une libération finale et définitive de ce père
qui l’avait tant déçue de son vivant. C’est probablement le bénéfice
maximal qu’il était possible d’obtenir dans ces circonstances.
Dans le livre des Guggenheim – Des Nouvelles de l’au-delà – figure un
témoignage étonnamment similaire dans le mode opératoire, mais dans
ce cas, avec une communication qui a pu s’installer immédiatement et de
manière réjouissante :
Monica fut contactée par son père, disparu trois mois auparavant
d’une crise cardiaque.
« Mon père est décédé en juin, et cet événement s’est produit en
septembre. J’étais à la maison, en train d’appeler une entreprise pour
régler un détail. L’opératrice me pria de patienter un instant et mit
la musique d’attente.
Soudainement, la musique s’est interrompue, et j’ai entendu mon
père me dire : Bonjour Dolly ! Il m’appelait toujours par ce nom. Il
demanda : Tu sais qui est au bout du fil ? Je reconnus sa voix, mais j’étais
tellement abasourdie que je fus incapable d’articuler un mot !
Quelques secondes s’écoulèrent, puis il dit : C’est Papa ! La voix était
très douce et sonnait comme d’habitude. On aurait dit une
communication de longue distance, mais sans le grésillement
caractéristique sur la ligne.
Ensuite, l’opératrice a repris la ligne en m’informant que le
correspondant que je cherchais n’était pas disponible. Alors, j’ai
raccroché. Bien évidemment, j’ai recomposé le numéro pour voir si
quelque chose allait se produire à nouveau, mais tel ne fut pas le cas.
Cette expérience unique était si réelle que je ne peux pas la remettre
en question. Mon scepticisme concernant de telles communications
a volé en éclats. Peut-être que mon père a choisi cette méthode afin
que je ne puisse pas mettre en doute la réalité de ce contact23. »
Les VSCD se manifestant par des phénomènes physiques
inexpliqués sont très courants. Les récepteurs interprètent ces
événements comme étant des messages de leurs proches décédés. Sont
fréquemment citées des lumières qui s’allument, s’éteignent ou
clignotent sans raison apparente ainsi que la mise en marche spontanée
de téléviseurs, d’objets mécaniques ou d’appareils de musique qui se
mettent à jouer des morceaux significatifs pour le récepteur. Nombreux
sont les récits de montres et d’horloges qui se sont arrêtées à l’heure du
décès. Des objets tels que des photos ou des images sont retournés,
trouvés par terre ou déplacés. Des bruits nocturnes non identifiés et
récurrents sont souvent relatés.
En voici une illustration :
« Depuis un certain nombre d’années, j’ai vécu comme tout le
monde des histoires de deuils plus ou moins douloureux. L’an
dernier, ce fut celle de mon frère. Pendant ses cinq semaines
d’hospitalisation, je discutais avec lui ouvertement de sa mort
prochaine. Il était en paix et nous a servi une belle leçon de vie. […] À
son chevet, nous avons eu envie de musique, vu qu’il aimait tant
jouer du piano. Après son décès, je n’arrivais plus à me souvenir du
morceau qui était diffusé précisément au moment de sa mort. Et
personne ne réussissait à se mettre d’accord, c’était du Chopin, du
Liszt…, nous étions trop bouleversés pour nous en souvenir. J’ai fait
des recherches sur Internet et j’ai écouté une pianiste jouer du
Chopin, puis j’ai arrêté la vidéo. Plus d’une heure après, alors que
j’étais dans une autre pièce et dans un tout autre état d’esprit,
j’entendis doucement jouer du piano dans mon bureau, où il n’y a
pas de piano, à vrai dire. Je m’approchai et vis la pianiste sur l’écran,
jouant du Chopin – la vidéo avait redémarré toute seule… J’ai pris
cela comme un petit coucou de la part de mon frère, et cela m’a
beaucoup consolée de sa perte. Le morceau que l’on entendait
réellement au moment de sa mort était finalement du Chopin,
opus 10, étude no 3, qui porte aussi le nom de “Tristesse”, et en 1930,
Tino Rossi en a fait une chanson dont les premiers mots étaient :
“Partir, c’est mourir un peu.” »
(Francine L.)

Marie-Claire B., dont vous avez découvert le témoignage dans le


chapitre 1, a vécu un événement troublant :

« Il y a quelques semaines, lors d’une dispute au moment du dîner


avec mon fils adolescent, j’ai fini par dire qu’il aurait été préférable
que ce soit moi qui sois décédée et que ce soit son papa qui soit là à
ses côtés, pour partager plus de choses avec lui. Je n’en suis pas fière,
j’ai conscience du mal que de telles paroles peuvent faire, mais j’étais
excédée par son comportement agressif et fermé. En allant me
coucher, j’ai pris des vêtements sur une étagère et je les ai posés sur
le lit, puis je suis sortie de ma chambre pour aller dans la salle de
bains. C’est à ce moment-là que j’ai entendu un gros bruit. Je suis
retournée dans ma chambre voir ce qui avait pu faire cela. J’ai
retrouvé par terre, intact, le cadre des photos de mon mari qui était en
haut d’une étagère. Était-ce une marque de sa présence, un
message ? Ou tout simplement un déplacement d’air du fait de mon
énervement qui l’avait fait tomber (même s’il ne s’agit pas de
l’étagère où j’avais pris les vêtements) ? Qui sait ? Ce cadre était déjà
tombé sans se casser, il y a plusieurs mois en pleine nuit, me
réveillant en sursaut. »

Le témoignage suivant, de B. D., est très « classique » puisqu’il est


question d’une lumière qui clignote…
« Un de mes oncles est décédé début février 2013. Trois ou quatre
jours après les funérailles, je lisais un peu le soir avant de
m’endormir. Soudain, la lumière, ou plutôt l’ampoule du lustre de
la chambre s’est mise à clignoter pendant environ 5 à 10 secondes.
Jamais auparavant, ni jamais après, cela s’est produit ou reproduit.
Lorsque cet événement s’est passé, j’ai ressenti en moi que c’était
mon oncle qui faisait ainsi un signe pour dire qu’il était bien arrivé

À
de l’autre côté et que tout se passait bien. À travers ce vécu, j’ai senti
comme de la joie de sa part. »

Il s’agit d’un événement banal, bien sûr, une ampoule qui clignote ; qui
accorderait la moindre attention à un incident si insignifiant ? Et
pourtant…, il y a quelque chose dans cet épisode qui fait immédiatement
penser notre témoin B. D. à son oncle décédé il y a peu et qui lui permet
de partager avec lui ce qu’elle interprète comme un dernier échange
joyeux.
Les VSCD symboliques sont des expériences subtiles qui sont
accueillies par les récepteurs comme un signe ou un clin d’œil du défunt
et ne prennent sens que par l’interprétation qu’ils leur donnent. Bien qu’il
s’agisse d’événements qui sont communément considérés par l’entourage
comme de simples coïncidences et ne sont pas pris au sérieux, ils sont
néanmoins très importants pour les récepteurs, car ils sont basés sur un
vécu commun ou sur une préférence du défunt. Il peut s’agir d’animaux,
souvent d’oiseaux ou de papillons, qui semblent se comporter de manière
inhabituelle.
Marie-Claire B. – déjà citée dans les pages précédentes – a été étonnée
par le comportement inhabituel d’un papillon, épisode partagé
partiellement par ses amis :
« Le samedi suivant, notre fils avait un match de foot, et nous
devions terminer la soirée chez des amis. Le match s’est mal passé :
dès les premières cinq minutes, mon fils a été blessé, et nous avons
fini aux urgences. Nous sommes arrivés tardivement chez nos amis.
Le plâtre n’était rien comparé à tout ce que nous avions vécu
dernièrement, mais j’étais déjà tellement épuisée. Alors que je
racontais cet incident à nos amis, installés sur la terrasse, un papillon
est venu se poser sur mon bras. Je l’ai chassé, étonnée par le contact. Il
est revenu se poser à nouveau sur mon bras, et je l’ai à nouveau
repoussé. Il est alors allé se poser sur la chaise vide à côté de moi.
Devant cette insistance, j’ai dit à mes amis que ce papillon devait
être domestiqué. Ils m’ont dit qu’il avait passé la journée à se balader
dans leur maison. Ils y avaient prêté attention, car lors des obsèques
[de son mari Guy], un papillon s’était promené dans l’église,
notamment dans le chœur où se trouvaient ses collègues pompiers.
Je suppose alors que la douleur de la perte de leur ami était
responsable de cette attention.
Mais le jour suivant, j’ouvre les volets du salon et je vois à
nouveau un papillon posé sur la fenêtre. Intriguée, cette fois-ci, je le
regarde à travers la vitre et me surprends à lui parler. Le papillon n’a
pas bougé, seulement ses antennes par moments. Un ami est arrivé.
Il me faisait un signe de la main, croyant que je le voyais, mais en
fait, je ne voyais que ce papillon à qui je parlais, pensant que c’était
un signe de Guy. Il a beaucoup souri en découvrant ce que je faisais.
C’est idiot, je le sais, mais cela me faisait certainement du bien d’y
croire. »

Des événements naturels sont parfois investis par les récepteurs d’une
signification symbolique, tel un arc-en-ciel se formant à un moment
significatif, qu’ils estiment destiné à eux seuls. Les roses ou autres fleurs
préférées du proche décédé sont souvent citées comme support d’un clin
d’œil de l’être aimé défunt, ainsi que des animaux domestiques, chats ou
chiens, qui semblent agir comme messagers secrets et efficaces. Les
récepteurs sont immédiatement convaincus qu’il s’agit d’un signe qui
leur est adressé personnellement, et le scepticisme ambiant ne peut les en
dissuader.
Nous retrouvons Francine L. qui vit à Montréal et nous a envoyé
plusieurs témoignages, dont quatre « histoires de roses ». Je vous laisse
découvrir l’un de ces récits :
« Trois ans plus tard, mon voisin, un ami de 44 ans, se meurt d’un
cancer. Il me téléphone un jour de l’hôpital : le docteur ne lui donne
que quelques jours de sursis. Il tenait à me l’annoncer lui-même
pour partager ce moment d’amitié avec moi. Je pleure avec lui et
pense alors à lui raconter l’histoire de la rose de mon père et je lui
dis : “Envoie-moi une rose, toi aussi, si tu le peux.” Blaguant du fait
qu’il est propriétaire d’un magasin d’articles de sport, je me permets
d’ajouter : “Assure-toi que je la reconnaisse, mais je la vois mal à côté
d’un ski ou d’un bâton de hockey.” Et on a terminé la conversation
en riant, plutôt qu’en pleurant, en se disant que nous avions une
sorte de rendez-vous, lui et moi.
Sa femme me téléphone la semaine suivante pour annoncer son
décès, mais je dois aller voir ma fille jouer au théâtre et je quitte la
maison, le cœur en charpie. Je reste jusqu’à l’entracte et rentre chez
moi à pied. Je croise, au coin de la rue Saint-Denis et Mont-Royal, un
jeune homme ayant l’accent français et tenant à la main, plutôt
gauchement, un bâton de hockey. Je le croise au milieu de la rue et je
me dis : “Est-ce le bâton que m’offre Réjean ?” Me voilà cherchant
frénétiquement s’il y a l’ombre d’une rose autour. Pour les gens qui
connaissent Montréal, en septembre, les roses sont plutôt rares sur
Saint-Denis, encore plus les bâtons de hockey !
Le lendemain, au salon funéraire, je raconte cette histoire à sa
femme et à sa sœur et je me dis que j’apprécie l’effort de Réjean pour
avoir tenté de me faire signe de l’au-delà… À la sortie de l’église, nous
accompagnons sa dépouille vers le corbillard qui l’emmène au
crématorium. Et là, dès que la voiture s’avance et décolle du trottoir
d’un mètre à peine apparaît une superbe rose rouge, toute seule, sur
l’asphalte gris. Me voilà tout émue de reconnaître ma rose, mais je
me tais, prévoyant de garder ce cadeau discrètement pour moi seule,
mais sa femme et sa sœur s’empressent de dire : “Voilà ta rose !”
Tombée de son corbillard pour que je sois sûre qu’elle était bien de
lui… »

Ce qui commence comme un VSCD symbolique peut prendre une


tournure beaucoup plus explicite comme illustré par l’expérience de cet
homme dont la fiancée, Shirley, est décédée d’un cancer à l’âge de 38 ans :

« Environ un mois après le décès de Shirley, je suis allé me


recueillir sur sa tombe. J’étais absorbé par les souvenirs des
merveilleux moments que nous avions partagés, quand tout à coup,
un énorme corbeau fondit sur moi et m’assena un coup sur l’épaule
avec son aile. Après avoir subi plusieurs de ces coups agaçants, je me
suis écarté de la tombe, et le corbeau ne me molesta plus. Toutefois,
dès que je m’approchai à nouveau de la tombe, le corbeau
m’attaquait une nouvelle fois à coups d’aile (les oiseaux agissent
parfois ainsi pour protéger leurs œufs ou leurs oisillons, mais les
attaques se produisirent en août, bien après la période de
nidification). Après avoir encaissé une demi-douzaine de coups sur
la tête et les épaules, j’entendis la voix de Shirley me murmurer à
l’oreille : Tu ne comprends vraiment pas, n’est-ce pas ? Je ne suis pas ici.
Rentre à la maison. Une fois rentré chez moi, j’ai vécu mon premier
VSCD olfactif – la cuisine était imprégnée d’une odeur d’ail, l’un des
ingrédients de cuisine préférés de Shirley24. »

Les VSCD effrayants peuvent appartenir à n’importe laquelle des


catégories ou à une combinaison de catégories. La grande majorité des
VSCD sont ressentis comme une expérience positive et rassurante, même
si une légère peur passagère est parfois présente. En revanche, on
considère comme VSCD effrayant une expérience qui est entièrement
dominée par la frayeur, voire par la terreur, même si les récepteurs
regrettent souvent par la suite leur réaction paniquée qui a
instantanément mis fin au contact. Les messages perçus sont rassurants
et aimants, mais effraient néanmoins les récepteurs. L’inconcevabilité de
l’épisode, l’impression de vivre quelque chose qui n’est tout simplement
pas possible semble provoquer chez certains confusion et frayeur. Les
films d’horreur mettant en scène des fantômes abominables ne sont
peut-être pas étrangers non plus à ces réactions irrationnelles et
immédiatement regrettées.
Les VSCD effrayants sont soit réellement rares, soit rarement
rapportés, puisque les récepteurs ne souhaitent peut-être pas témoigner
et préfèrent garder pour eux cette expérience traumatisante.
Le premier récit est extrait du livre Des Nouvelles de l’au-delà.
Suzanne avait 18 ans et se préparait pour son mariage quand sa grand-
mère décédée dix mois auparavant lui apparut :
« J’étais sur le point de me marier, et tout le monde préparait la
maison pour la réception. Comme j’étais très fatiguée, on me
conseilla de monter à l’étage pour me reposer un peu.
Allongée sur le lit, les yeux dans le vague, je me disais à quel point
ma grand-mère allait me manquer lors de ma noce. J’avais compté
sur sa présence, et elle m’avait promis d’être à mes côtés.
Tout à coup, je vis apparaître la tête et les épaules de ma grand-
mère sur ma gauche. Elle avait l’air tout à fait solide et réelle, comme
un être vivant. Elle souriait, ses yeux pétillaient et elle disait pleine
d’entrain : Ne t’en fais pas, ma chérie. Je serai présente !
C’est arrivé comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu !
Malheureusement, cette apparition m’a fait sursauter et j’ai été
terrifiée. J’étais si effrayée que j’ai commencé à hurler, j’ai quitté la
chambre en pleurs et j’ai couru en bas ! J’étais paniquée ! Ma mère a
entendu tout ce vacarme et m’attendait en bas de l’escalier, mais
j’étais incapable de prononcer un mot.
Plus tard, quand je lui ai raconté ce qui m’était arrivé, elle m’a
tapoté le bras, m’a attirée vers elle et a dit : “Mais c’est magnifique, ma
chérie25 !” »

Le témoignage suivant d’Anne-Marie L. concerne un VSCD impliquant


une personne qu’elle ne connaissait pas et qu’elle n’avait vue que
brièvement sur le lieu de l’accident :
« Un soir de printemps 1980, nous avons été témoins avec une
amie d’un accident de la circulation entre Arcachon et Bordeaux. Il
était 23 heures. À la suite d’une manœuvre de dépassement risquée
de sa part, et alors que je venais de la croiser, j’ai vu dans mon
rétroviseur les feux arrière d’une voiture disparaître en contrebas de
la route.
Je me suis arrêtée, et nous avons fini par trouver le conducteur qui
avait été éjecté (il faisait très noir) dans un pré. Mon amie est
remontée sur la route pour tenter d’arrêter un véhicule et de
contacter les secours.
Je suis restée auprès du blessé, un jeune homme, il était
inconscient et gémissait. Je lui ai tenu la main en lui parlant
doucement, puis je me suis mise à prier pour lui. Les pompiers sont
arrivés une demi-heure après, et une fois le témoignage aux
gendarmes fini, nous avons pu rentrer.
Je me suis couchée aux environs d’une heure du matin. À peine
avais-je éteint ma lampe de chevet que j’ai senti le drap dans mon
dos se soulever, comme si quelqu’un se glissait à son tour derrière
moi, avec une sensation de froid glacial, des pieds à la tête.
En même temps, j’étais paralysée, enserrée de façon violente et
absolument incapable de bouger un petit doigt. C’était vraiment
terrifiant, je pensais qu’il fallait que j’allume, mais mon cerveau
tournait à vide, bien que de façon aiguisée, et j’étais affolée de ne pas
parvenir à me libérer. En dernier recours, j’ai pensé à mon ange
gardien en lui demandant de l’aide. Instantanément, j’ai pu libérer
un bras et allumer. Le phénomène a cessé immédiatement, et inutile
de dire que j’ai passé le reste de la nuit assise au salon.
Le lendemain, j’ai appris que le blessé était décédé dès son
transfert dans l’ambulance. Une amie médium m’a expliqué que le
jeune homme, désorienté, m’avait suivie, étant la dernière personne
restée près de lui.
Après une autre expérience, des petits coups répétés sous mon lit
(rez-de-chaussée), j’ai demandé à ne plus jamais entendre ou
ressentir une manifestation, tant j’avais été terrorisée. J’ai été
exaucée à ce jour. »

Vous l’aurez noté, nous retrouvons ici, tout comme dans les récits de
Dominique Marie C. et de Marie-Josée M., cités plus haut, cette
impossibilité de bouger, cette quasi-paralysie passagère qu’Anne-Marie L.
décrit ainsi : « En même temps, j’étais paralysée, enserrée de façon
violente et absolument incapable de bouger un petit doigt. »
Eliette S. nous a envoyé un récit d’une expérience effrayante avec une
défunte inconnue. Ce vécu pourrait également être considéré comme une
apparition de maison hantée, soit un lieu réputé pour être occupé par des
esprits où se produisent des phénomènes surnaturels ou paranormaux
inexpliqués.
« Voici mon expérience de VSCD, qui ne concerne d’ailleurs pas
un de mes proches disparus. Ma sœur m’avait demandé de fermer
les volets de sa maison de campagne qui se trouve près de chez moi.
Il s’agit d’une vieille maison retapée et qui est occupée
occasionnellement aux vacances. Je monte donc à l’étage, suivie de
mon bouledogue habituellement toujours sur mes talons. Le chien
s’arrête à mi-escalier et se met à gémir doucement. Intriguée par son
comportement inhabituel, je me retourne vers lui et lui dis : “Qu’est-
ce qui te prend ?” Je finis de monter et je ferme les volets. Au
moment de quitter les chambres, je “vois” sur le palier une forme
humaine avec une longue jupe noire flottant dans l’air, à environ un
mètre du sol, je ne distingue pas la tête. Je sens juste que “c’est”
féminin et hostile. “On” me barre le chemin, “on” n’est pas content
de ma présence. Pétrifiée, je regarde le chien, toujours immobile à
mi-hauteur dans l’escalier. Alors, je me pousse à raisonner : soit je
cède à la panique et je reste bloquée à l’étage, soit je passe outre, car
si c’est un fantôme, il ne peut rien me faire dans ce monde. Je choisis
cette solution, je respire un grand coup et je descends l’escalier en
essayant de garder mon calme.
J’ai évité, depuis, de retourner seule dans cette maison. Ce dont je
suis absolument sûre, c’est la sensation tout à fait concrète de cette
présence, féminine, c’était évident, et hostile, et l’attitude du chien.
Dans cette maison vécut autrefois une femme seule, qui mourut
folle, dit-on. Suite à cette expérience, j’ai cherché ce que je pouvais
faire pour elle. J’ai pensé à elle et prié, d’une certaine façon. Personne
ne s’est plaint d’une présence dans cette maison, mais moi-même, je
n’en parle pas. Seuls trois ou quatre intimes sont au courant. »

Ce témoignage est tout à fait intéressant à plusieurs titres. Il


semblerait que les rencontres avec des défunts inconnus soient plus
souvent ressenties comme effrayantes que les VSCD apparemment initiés
par des proches défunts qui sont accueillis comme un cadeau par les
récepteurs et les remplissent de joie et de gratitude. Quel peut être le sens
de ce type de contact ? Quel en est le bénéfice ? Et pour qui ?
La réaction inhabituelle du chien est également tout à fait
remarquable. Il avait détecté la présence de la défunte en premier et
semblait paralysé par la peur. La sensibilité des animaux domestiques
aux phénomènes paranormaux a fait l’objet de nombreuses études dont
celles de Rupert Sheldrake, le célèbre biologiste anglais, auteur du
concept de « la résonance morphique26 ». Dans l’un de ses ouvrages
intitulé Les Pouvoirs inexpliqués des animaux 27, il explore l’existence d’un
lien invisible unissant les humains, les animaux et l’environnement, et
commente les capacités psychiques des animaux.
Un témoignage étonnamment semblable à l’expérience d’Eliette S. est
publié dans Des Nouvelles de l’au-delà.
Tina, qui vit à Washington, a vécu cette expérience un an après la mort
de son frère Rudy de 47 ans :
« J’étais en train de nettoyer ma cuisine. Tout à coup, notre chat
est sorti comme une flèche du salon et est entré dans la cuisine. Ses
poils étaient dressés et il feulait. Puisqu’il courait si vite, ses pattes
dérapaient sur le sol en linoléum et il atterrit pour ainsi dire en
glissade.
En même temps, notre petit chien sortit à reculons du salon,
aboyant et grognant, poils dressés ! Je suis allée voir ce qui se passait
et j’ai vu mon frère assis dans le fauteuil à bascule ! Il me souriait.
J’étais ravie de le voir ! Il était assis là, vêtu d’un jean et d’une
chemise rouge à carreaux, tout comme il l’avait fait d’innombrables
fois dans le passé. J’étais parfaitement calme, certaine que Rudy
allait bien. Ensuite, il s’est dissipé dans l’air devant mes yeux.
J’ai toujours été une sceptique invétérée, jusqu’au jour où j’ai vécu
cette expérience. Jamais je n’aurais cru qu’une telle chose pouvait se
produire. Sans la réaction des animaux, j’aurais sans doute pensé
avoir été victime d’une hallucination28. »

Les VSCD de protection surviennent en situation de crise ou de


danger imminent et ont pour conséquence d’éviter un drame tel un
accident, un incendie, une agression, une noyade, etc. Ces expériences ne
se produisent pas quand un danger est déjà identifié par la personne
concernée. Par exemple, un individu qui a compris que sa maison est en
feu et qui court chercher un extincteur ou est en train d’appeler les
pompiers ne vivra pas ce type d’expérience. Ces VSCD ne servent pas à
gérer une situation de crise, mais bien à en prendre conscience. Des cas de
jeunes enfants en péril sont relatés qui ont pu être sauvés in extremis grâce
à un avertissement transmis par différents types de VSCD. Parfois, des
problèmes de santé non diagnostiqués sont à l’origine de l’expérience. Je
pense notamment à cette femme qui a entendu dans son sommeil la voix
de sa mère décédée lui dire avec insistance que sa sœur devait aller voir
un médecin pour ce mal de gorge persistant – un cancer de la gorge a
ainsi pu être détecté à temps29. Le sujet douloureux du suicide est
également concerné par ce type de VSCD. Certains individus rapportent
qu’ils s’apprêtaient à mettre fin à leurs jours quand un proche décédé
s’est manifesté pour les en dissuader. En situant le problème à l’origine
des souffrances insupportables qui les avaient amenés à ce geste extrême
dans un contexte plus large, le proche décédé leur avait donné la distance
nécessaire pour relativiser leur problème et poursuivre leur chemin de
vie.
Les VSCD de protection sont des expériences extrêmement
impressionnantes, car l’enjeu est potentiellement vital.
Contrairement aux autres vécus subjectifs de contact avec un défunt,
ces expériences se produisent souvent des années, voire dix, vingt ou
même quarante ans après le décès. Ces VSCD peuvent cependant
également survenir peu de temps après le décès, comme ce fut le cas pour
les deux témoignages à suivre.
La question de l’authenticité des VSCD sera abordée dans le chapitre 7.
Soulignons à ce stade simplement les deux hypothèses opposées
communément avancées : ces contacts seraient soit des illusions – voire
des hallucinations autogénérées par le stress du deuil –, soit
d’authentiques expériences transpersonnelles. Tout comme pour les
VSCD au moment du décès lors desquels un proche vient annoncer lui-
même son décès à une personne qui n’est évidemment pas (encore) en
deuil à cet instant, l’argument intrapsychique ne tient pas non plus pour
les VSCD de protection. Compte tenu du grand nombre d’années qui se
sont souvent écoulées entre le décès et le VSCD, le récepteur n’est soit
plus en deuil depuis longtemps, soit ne l’a jamais été (le cas du récepteur
qui était un jeune enfant à l’époque du décès, etc.).
C’est l’une des deux catégories pour lesquelles nous n’avons pas reçu
de témoignages lors de notre appel à témoins. Je vous présente donc des
récits inclus dans les livres des Guggenheim et de LaGrand.
Une semaine à peine après la mort de sa mère due à un cancer, Debbie
reçut un avertissement vital.

« Je suis allée rendre visite à ma meilleure amie Donna, en Floride,


dont la fille Chelsea avait tout juste 6 mois. Donna venait de
coucher sa fille pour la sieste, et je voulais aller au supermarché pour
faire quelques achats. J’étais sur le point de quitter la maison quand
j’entendis la voix de ma mère de façon télépathique avec beaucoup
de netteté : Il faut que tu ailles voir le bébé ! Je me suis dit que c’était
sans doute une hallucination due au deuil et j’ai chassé la pensée.
Alors que je sortais par la porte d’entrée, j’entendis la voix de ma
mère pour la deuxième fois : Tu dois aller voir le bébé ! Sa voix était
claire et vive. Je suis donc revenue sur mes pas et me suis dirigée vers
la chambre d’enfant. Quand j’ai ouvert la porte, j’ai failli
m’évanouir ! Le bébé était déjà tout bleu ! Chelsea s’était
complètement entortillée dans le drap et avait tiré sur elle un autre
drap posé à côté du lit qui la recouvrait à moitié. Je l’ai attrapée tout
en craignant être arrivée trop tard, mais elle prit une profonde
inspiration puis poussa un cri déchirant. En pleurs, je me suis assise
par terre avec le bébé dans mes bras et dis : “Mon Dieu ! Merci,
Maman, merci30 !” »

Une femme a vécu l’expérience suivante quelques mois après le décès


de son mari :

« Ce soir-là, j’étais sortie pour rendre visite à quelqu’un. Au retour


(on m’avait raccompagnée en voiture), je suis rentrée dans la maison
par la porte du garage en utilisant la télécommande pour l’ouvrir.
En temps normal, en entrant dans le garage, je me serais arrêtée à la
voiture pour y remettre la télécommande. Mais cette fois-ci, au
moment où j’étais sur le point de m’arrêter pour ouvrir la porte de la
voiture, quelque chose m’a poussée par l’arrière et m’a fait dépasser
la voiture et entrer directement à l’intérieur de la maison. Dès que
j’ai fermé la porte de la cuisine, j’ai entendu un grand bruit. J’étais
pétrifiée. J’ai immédiatement appelé mon voisin, car je pensais que
quelqu’un était entré par effraction dans la maison. Il est venu tout
de suite et a commencé à fouiller la maison. En allant au garage, il
comprit aussitôt ce qui s’était passé : l’un des gros ressorts de la
porte du garage s’était cassé et avait atterri précisément à l’endroit
où je me serais trouvée si je m’étais arrêtée pour remettre la
télécommande dans la voiture31. »

Et voici le témoignage de Pattie qui entendit une injonction salvatrice


de son père, décédé cinq mois auparavant :
« Un soir, je rentrais chez moi après le travail. Je roulais à
70 km/heure sur une autoroute bondée, pare-chocs contre pare-
chocs. J’étais affalée sur mon siège, guidant le volant d’un doigt,
absorbée dans mes pensées.
Soudain, j’ai entendu la voix de mon père dans mon esprit. Il dit
sévèrement : Assieds-toi droite ! Mets les deux mains sur le volant ! Mets ta
ceinture de sécurité, car un de tes pneus va éclater ! Je l’ai entendu net et
clair.
Je me suis immédiatement redressée, j’ai rapidement bouclé la
ceinture de sécurité et j’ai posé les deux mains sur le volant. Après à
peine un kilomètre, j’ai entendu Bouuuuuum ! et le pneu a éclaté.
Comme j’y étais préparée, j’ai pu immobiliser la voiture au bord de
la route.
Je ne veux même pas imaginer ce qui se serait passé si je n’y avais
pas été préparée32 ! »

Sous l’appellation VSCD pratiques sont regroupées les expériences


lors desquelles les défunts donnent une information matérielle à leurs
proches dont ils n’avaient pas connaissance auparavant. Il peut s’agir
d’un livret de famille, d’économies gardées secrètes, d’une police
d’assurance, d’un carnet d’épargne, de titres de placements en Bourse ou
d’autres documents dont les proches ont un urgent besoin. Les
contraintes administratives liées au décès, et plus encore les problèmes
financiers, génèrent du stress et ajoutent un poids supplémentaire sur les
épaules de l’endeuillé qui est déjà déstabilisé et fragilisé par la douleur
d’avoir perdu l’être aimé. Ces contacts peuvent survenir quand le
récepteur cherche frénétiquement un document et se sent désemparé ou
alors au contraire quand les endeuillés ne se doutent de rien, telle cette
mère décédée qui a communiqué le message à ses enfants qu’une grosse
somme d’argent était cachée dans le double fond de son secrétaire au
moment où ils étaient sur le point de vendre le meuble à un antiquaire.
Je vous invite à découvrir une expérience de ce type :
« Le décès de ma chère petite maman, huit mois avant de fêter ses
100 ans, m’a anéantie. […] Depuis que Maman est morte, je suis
persuadée que l’âme des morts continue de hanter la maison
endeuillée où la famille les pleure. Voici pourquoi.
Je cherchais une rédaction parlant de la beauté des mains de
Maman en train de jouer du piano, écrite en CM2 par Virginie, une
de ses petites élèves de piano quinze ans plus tôt lorsqu’elle habitait
encore Belfort. Maman avait toujours précieusement gardé cette
rédaction, qui l’avait émue, parmi ses papiers personnels. Je désirais
la lire au funérarium, mais j’ignorais totalement où Maman l’avait
rangée. Était-ce dans un livre ? Dans une boîte ? Je me suis
approchée de l’armoire de Maman dans sa chambre et j’ouvris en
grand les deux portes en murmurant : “Oh ! ma petite maman, mais
où as-tu mis cette rédaction de Virginie ?”
Et tout d’un coup, j’ai vu tomber à mes pieds une grosse
enveloppe contenant des feuillets qui se sont éparpillés par terre et
au milieu desquels se trouvait la rédaction de Virginie… que j’ai pu
lire pendant la cérémonie de la crémation.
La preuve que Maman était près de moi continua.
Une heure plus tard, les pompes funèbres me demandent de leur
donner le livret de famille de Maman. Je prends sa lourde boîte de
papiers classés par rubriques, mais impossible de trouver ce livret
dans son dossier “État civil”. Je sortais et j’ouvrais un par un tous les
dossiers de la boîte de fer. Rien !
Catastrophée, je m’écroule dans son fauteuil Voltaire à côté de
son lit et je me mets à parler à Maman à haute voix : “Je t’en supplie,
Maman, dis-moi où il est.”
Et j’ai eu soudain un “flash” qui me montrait le livret couché dans
le fond de la boîte, sous tous les dossiers que je venais de fouiller. Le
livret était là ! »
(Jacqueline T.)

Lors d’un VSCD partagé, les expériences visuelles, auditives, tactiles,


olfactives, ainsi que les ressentis d’une présence peuvent
occasionnellement être perçues simultanément par plusieurs personnes
réunies dans un même lieu.
La grande majorité des vécus subjectifs de contact avec un défunt se
produisent cependant sans qu’une tierce personne puisse en témoigner.
Soit le récepteur est seul au moment de l’expérience, soit d’autres
personnes sont présentes, mais ne perçoivent pas le défunt. Les VSCD
partagés sont rares, mais particulièrement marquants puisque le vécu
commun d’un contact renforce l’impression de réalité de l’expérience.
Par ailleurs, les récepteurs voient ou sentent généralement la présence
d’un seul proche décédé, bien que plusieurs personnes défuntes puissent
exceptionnellement être perçues simultanément. C’est notamment le cas
quand plusieurs membres d’une même famille périssent dans un
accident et apparaissent conjointement à leur proche par la suite.
Un récit publié dans Des Nouvelles de l’au-delà illustre un VSCD partagé :
Lauren travaille comme thérapeute comportementaliste en Floride.
Son frère Donald s’est suicidé à l’âge de 53 ans.
« Donald souffrait d’une blessure au bas du dos et boitait
fortement, marchant avec difficulté. Il avait subi deux opérations et
souffrait de douleurs pratiquement insupportables les trois
dernières années de sa vie.
Lors de la cérémonie mortuaire, j’ai regardé par hasard par la
fenêtre et j’ai vu Donald marcher vers l’église ! Son corps était à
moitié transparent, je voyais les arbres derrière lui. Il était un peu
plus jeune et avait l’air intact, il ne boitait plus !
Il portait l’une de ses chemises à tissu écossais qu’il affectionnait
et un pantalon. Il semblait parfaitement content et heureux, comme
s’il faisait une petite promenade. Il s’approcha de la fenêtre, comme
s’il voulait me faire signe de le rejoindre. Puis, il disparut tout
simplement.
Après la cérémonie, ma belle-sœur Joyce m’a demandé :
— As-tu vu Donald ?
Surprise, j’ai dit :
— Oui !
— Moi aussi je l’ai vu ! a-t-elle répondu.
Je suppose que c’était la manière choisie par mon frère pour
prendre congé de nous. Pour moi, c’était une expérience riche de
conséquences qui a abouti à une clôture naturelle de mon
chagrin33. »

Nous venons de passer en revue les différents types de VSCD, des plus
subtils – les VSCD symboliques – aux plus frappants – les VSCD visuels
accompagnés de communications télépathiques bilatérales. Nous l’avons
vu, l’expérience est souvent complexe et combinée : plusieurs types de
VSCD peuvent se produire simultanément, un récepteur peut par
exemple sentir la présence du défunt qui lui met une main sur l’épaule et
lui parle tout en dégageant une fragrance familière. Ainsi, certains
témoignages cités auraient pu figurer simultanément dans plusieurs
catégories, m’obligeant à faire un choix arbitraire pour leur classement.

– Les VSCD se produisant pendant le sommeil ou en état de


somnolence sont nets, cohérents, mémorables et ressentis comme
réels et complètement différents d’un rêve. Ce type de contact est très
courant.
– Lors d’un VSCD au moment du décès, le récepteur est informé du
trépas d’un proche par le proche lui-même qui « vient lui dire
adieu ». Ces contacts, qui se produisent à l’heure exacte du décès qui
a lieu à distance, précèdent l’annonce du décès (par la famille,
l’hôpital, etc.).
– Lors d’un VSCD par le biais d’un appel téléphonique, la sonnerie du
téléphone retentit, puis, en décrochant, le récepteur entend un bref
message de la personne décédée, ou une communication bilatérale
s’installe. Ce type de contact est très rare.
– Les VSCD se manifestant par des phénomènes physiques inexpliqués
se réfèrent à des mises en marche spontanées d’appareils divers et de
luminaires, à l’arrêt de montres à l’heure du décès, au déplacement
ou retournement de photos ou d’images, aux bruits nocturnes
inexpliqués, etc. Ces VSCD sont courants.
– Les VSCD symboliques sont des expériences subtiles, souvent basées
sur un vécu commun, qui sont accueillies par les récepteurs comme
un signe ou un clin d’œil du défunt et ne prennent sens que par
l’interprétation qu’ils leur donnent.
– Les VSCD effrayants sont des expériences entièrement dominées par
la frayeur, contrairement à la grande majorité des VSCD qui sont
ressentis comme positifs et rassurants, même si une légère peur
passagère est parfois présente. La réaction paniquée du récepteur met
instantanément fin au contact. Ce type de VSCD est rare.
– Les VSCD de protection surviennent en situation de crise ou de
danger imminent et ont pour conséquence d’éviter un drame tel
qu’un accident, un incendie, une noyade, une agression, un suicide,
un problème de santé non diagnostiqué, etc. Ils se produisent souvent
des dizaines d’années après le décès.

Lors d’un VSCD pratique, les récepteurs reçoivent une information
matérielle dont ils ont grand besoin (documents administratifs,
économies gardées secrètes, police d’assurance introuvable, etc.). Un
transfert d’une information inconnue au récepteur semble avoir
lieu.
– Lors d’un VSCD partagé, les expériences visuelles, auditives, tactiles,
olfactives, ainsi que les ressentis d’une présence peuvent
occasionnellement être perçues simultanément par plusieurs
personnes réunies dans un même lieu.

Analyse des témoignages de VSCD reçus dans le cadre de


l’INREES

Suite à l’appel à témoignages lancé lors de la publication de mon


article intitulé « VSCD : hallucination ou dernière communication34 ? »
dans Inexploré en 2013, nous avons reçu près de 40 réponses, dont la
majorité comprenait plusieurs témoignages. Une trentaine de récits
décrivaient des vécus subjectifs de contact avec un défunt, le restant
concernait d’autres types d’expériences. J’ai utilisé les témoignages,
uniques ou multiples, de 20 personnes, certaines sont citées sous
plusieurs rubriques. En ajoutant les témoignages du couple qui a perdu
son bébé, rencontré dans d’autres circonstances, je disposais ainsi de
récits de VSCD de 22 personnes. Avant de lire les témoignages, j’étais
certaine que les types de VSCD reçus allaient correspondre plus ou moins
aux résultats de recherche indiquant que les VSCD les plus fréquents
sont ceux qui impliquent le ressenti d’une présence et ceux se produisant
pendant le sommeil ou dans un état de somnolence.
J’étais convaincue que dans notre modeste échantillonnage il
manquerait des témoignages pour plusieurs, voire pour beaucoup, des
catégories établies par les Guggenheim. Tel n’a pas été le cas, l’éventail de
types de VSCD qui nous ont été envoyés est très large. J’ai même pu
opérer une sélection des récits que j’allais présenter. Les deux seules
catégories pour lesquelles nous n’avions pas reçu de témoignages sont les
« VSCD de protection » et les « VSCD partagés ». L’expérience décrite par
Marie-Josée M. sous « VSCD visuel » n’entre pas dans la catégorie des
VSCD partagés puisque le contact qu’elle avait perçu de la part de son
mari disparu était différent du vécu de sa fille qui avait entendu une voix
lui dire : Va voir Maman, elle a besoin de toi. Bien que les contacts aient eu
lieu la même nuit, elles n’avaient pas vécu simultanément la même
expérience.
Autre surprise de taille : tous les témoignages – sauf celui du couple
Christine et Jan H. – provenaient de femmes ! Aucun homme n’avait
envoyé un récit de VSCD à l’INREES. Comment est-ce possible ? Les
hommes aussi expérimentent ces contacts. Est-ce que tous les lecteurs
d’Inexploré seraient des femmes ? Évidemment, non. Est-ce que les
femmes parleraient plus facilement de leurs vécus intimes – et un VSCD
est une expérience intime ? Oui, je suis prête à le croire. La clé de ce
mystère réside peut-être dans leur plus grande disponibilité à partager ce
vécu très personnel.

Quasi-paralysie passagère

En ce qui concerne le déroulement des VSCD, un élément a attiré mon


attention qui mérite qu’on s’y attarde un instant. Il ressort des
témoignages cités dans les pages précédentes que les VSCD peuvent
parfois produire un malaise, voire une frayeur. Ces sensations peuvent
même prendre des formes plus radicales. Trois de nos témoins, Marie-
Josée M., Anne-Marie L. et Dominique Marie C., ont décrit une
impossibilité de bouger et de parler, que l’on pourrait décrire comme une
quasi-paralysie passagère. Ce phénomène n’a jamais été décrit par les
chercheurs comme étant une caractéristique identifiée des VSCD. On
pourrait supposer qu’il s’agit d’un élément rare puisqu’absent de la
littérature, mais 3 de nos 22 témoins l’ont expérimenté. Ce n’est pas un
chiffre négligeable et ce vécu ne peut donc être considéré comme
marginal dans le cadre de notre très modeste échantillonnage.
Je reproduis les passages concernés extraits des témoignages présentés
plus haut :
« Depuis le début de cet événement, je tentais d’appeler ma fille. Je
n’avais qu’une idée : lui crier de venir voir son père qui était revenu…
Mais, malgré mes efforts, aucun son ne sortait de ma gorge, j’étais
absolument paralysée comme s’il m’était interdit d’appeler. »
(Marie-Josée M.)

Nous retrouvons Anne-Marie L. qui avait assisté un jeune homme


blessé dans un accident de voiture, décédé lors du transport à l’hôpital.
En rentrant à la maison et en se mettant au lit, elle avait senti quelqu’un
se glisser derrière elle, avec une sensation de froid glacial des pieds à la
tête :

« En même temps, j’étais paralysée, enserrée de façon violente et


absolument incapable de bouger un petit doigt. C’était vraiment
terrifiant, je pensais qu’il fallait que j’allume, mais mon cerveau
tournait à vide, bien que de façon aiguisée, et j’étais affolée de ne pas
parvenir à me libérer. »

Je cite un extrait du témoignage de Dominique Marie C. :

« Je suis consciente de tout ce qui se passe, mais je ne peux


absolument pas me mouvoir, comme si une chape de plomb m’en
empêchait. C’est alors que j’ai ressenti sa présence physiquement, il
m’effleurait au niveau du bras puis du dos. J’étais réellement effrayée
par cette sensation d’autant que je n’avais pas la possibilité de faire
le moindre mouvement. Alors, un son s’est échappé du fond de ma
gorge, et le contact s’est rompu. Mais je ne pouvais toujours pas
bouger. »
Haraldsson cite un témoignage qui contient également cet aspect de
quasi-paralysie passagère :
« Jacob était l’un des patients du sanatorium où je travaillais.
Parfois, il était déprimé, et j’essayais d’alléger son séjour au
sanatorium par un brin d’humour. Un jour, je l’ai invité à nous
rendre visite puisqu’il était originaire du même village que mon
mari et je pensais qu’ils auraient plaisir à échanger des nouvelles des
gens de là-bas. Il a accepté mon invitation avec joie et je lui ai dit :
— Vous promettez de venir demain ?
— Oui, oui, je promets, m’avait-il répondu.
Cette nuit-là, je me suis réveillée, et c’était comme si toute ma
force m’avait été enlevée. J’étais incapable de bouger. Soudain, j’ai vu
la porte de la chambre à coucher s’ouvrir, et sur le seuil se tenait
Jacob, le visage en sang. Je l’ai regardé un long moment, dans
l’incapacité de parler ou de bouger. Puis, il disparut et j’ai eu
l’impression qu’il fermait la porte derrière lui. Je suis revenue à mon
état normal, j’ai réveillé mon mari et je lui racontai l’incident :
— Je peux jurer que quelque chose s’est passé au sanatorium.
J’ai téléphoné le matin et j’ai demandé si Jacob allait bien.
— Non, m’a répondu l’infirmière, il s’est suicidé la nuit
dernière35. »

Jacob s’était suicidé par noyade, les blessures faciales provenaient de


cailloux de lave qui se trouvaient au fond de la rivière dans laquelle il
s’était jeté. Soulignons que la femme qui a vécu ce VSCD n’était informée
ni du suicide de son patient ni des blessures relatives quand elle a vu
l’apparition, le visage en sang.
Qu’est-ce qui induit cette quasi-paralysie passagère ? Une chute
drastique du niveau énergétique du récepteur se manifestant par une
extrême faiblesse momentanée semble aller de pair avec l’incapacité de se
mouvoir et de parler : « Cette nuit-là, je me suis réveillée, et c’était comme
si toute ma force m’avait été enlevée. J’étais incapable de bouger »,
rapporte la soignante du sanatorium. Nous retrouvons cette notion de
perte d’énergie dans le témoignage de Wynn Bainbridge présenté sous
« VSCD au moment du décès » qui ne fait cependant pas mention d’une
quasi-paralysie passagère. Au moment même où sa cousine était en train
de mourir, elle s’était sentie mal : « Je n’aurais su dire ce qui n’allait pas –
je n’avais ni douleur ni maladie, juste cette impression horrible que ma
force me quittait. Je n’étais pas sur le point de m’évanouir, j’ai juste
ressenti une terrible faiblesse. »
Quoi qu’il en soit, on imagine facilement la frayeur qu’une telle
incapacité passagère de bouger provoque chez les récepteurs. Cette
caractéristique dorénavant identifiée s’ajoute à la longue liste des
énigmes posées par les vécus subjectifs de contact avec un défunt, sujet
passionnant pour des recherches à mener.

Certains récepteurs témoignent d’une quasi-paralysie passagère pendant le


VSCD qui se manifeste par l’incapacité de bouger et de parler. Ce phénomène
n’a jamais été décrit dans la littérature comme étant l’une des
caractéristiques identifiées des VSCD.

Le témoignage de Béatrice

Le témoignage de Béatrice M. nous est parvenu de la région Île-de-


France. Béatrice est depuis toujours pourvue d’une sensibilité
médiumnique qu’elle décrit comme ceci :

« Depuis ma plus jeune enfance, je parle à ma grand-mère


paternelle que je n’ai jamais connue, car elle est décédée avant ma
naissance. C’est très tard, dans ma vie adulte, que j’ai appris que tout
le monde ne parlait pas aux morts. Quelle ne fut pas ma surprise !
Pour moi, c’était normal, et au contraire, je ne comprenais pas
pourquoi on ne le faisait pas. »
Son père est décédé d’un accident alors qu’elle était encore assez jeune.
« Bien sûr, j’ai communiqué avec lui pendant un temps. J’avais été
prévenue de son départ, mais je n’ai pas voulu voir ou entendre.
En effet, j’ai eu de nombreux contacts avec des personnes
décédées. Je ne me suis jamais posé la question de la survie de la
conscience après la mort physique, cela a toujours été une évidence
pour moi. Quand j’étais enfant, je disais que mon corps était mon
véhicule.
Il y a des personnes qui veulent communiquer avec moi, parfois
j’accepte, parfois je refuse. Une personne a insisté, alors j’ai fini par
l’écouter. C’était rigolo, à chaque fois, elle venait lorsque j’étais dans
la douche ! Malheureusement, je n’ai pas pu l’aider.
Pour moi, communiquer avec un défunt fait partie de ma vie ! Là-
haut (ou ailleurs), ils ont une autre vue sur notre situation, sur notre
vie, et je pense qu’on peut leur demander de l’aide et des messages. »

Malgré ses dons médiumniques, elle n’en a pas fait son gagne-pain,
mais a suivi des études de gestion financière et commerciale dans une
école de commerce. Puis, pendant vingt ans, elle a été chargée de la
gestion administrative, financière, sociale, fiscale et comptable d’une
PME.

« J’ai une expérience très matérialiste de la vie. Je pense que cette


activité professionnelle m’a permis de rester ancrée sur Terre et de
ne pas partir constamment communiquer avec “l’autre monde”. Je
vous raconte cela pour vous dire que j’ai bien les pieds sur terre ! »

Toutefois, depuis quelques années, Béatrice a commencé à développer


une activité de guérisseuse, ayant découvert il y a une vingtaine d’années
que « ses mains soignaient ».
Béatrice nous a fait part de l’une des expériences les plus frappantes
qu’elle ait vécue parmi beaucoup d’autres, impliquant une jeune fille
qu’elle ne connaissait pas :
« En janvier ou février 2012, un petit avion de tourisme a eu un
accident à Moisselles. À l’intérieur, il y avait deux personnes, un
jeune homme et une jeune fille de 13 ans. Dans les deux ou trois
jours qui ont suivi l’accident, j’ai emprunté la route proche du lieu
où l’avion est tombé. À ce moment, j’ai senti que la fillette était avec
moi dans la voiture. Elle était très très agitée. Je lui ai demandé de
patienter, car j’avais un rendez-vous. Elle ne m’a pas quittée. Je suis
revenue à mon domicile, je me suis isolée dans un lieu calme et j’ai
commencé la communication avec elle. Elle n’arrêtait pas de me
dire : C’est ma faute, je suis sûre que c’est ma faute. J’ai touché à quelque
chose qu’il ne fallait pas. Elle m’a parlé de sa vie, de sa maman. Elle était
inquiète de savoir qui allait nourrir son animal et lui faire des câlins.
Je me suis renseignée, elle avait un chat. J’ai communiqué avec elle
quelque temps, j’ai essayé de la rassurer. À cette époque, je faisais du
reiki, je lui ai envoyé des soins afin de la calmer. Tout doucement, les
communications ont stoppé.
Courant juillet 2013, un article est paru dans La Gazette. Cet
article parlait de cet accident, car l’enquête pour en établir les causes
était terminée. Et là, les résultats de l’enquête ont été un choc pour
moi. En effet, l’avion a eu un accident, car la fillette avait touché à
quelque chose qu’il ne fallait surtout pas toucher !
À ce moment, j’ai ressenti de la culpabilité, car je n’avais pas bien
interprété les messages, je pensais qu’elle disait cela parce qu’elle
était paniquée, qu’elle avait peur de cette nouvelle vie qui
l’attendait. »

Béatrice nous a fait parvenir une copie du Parisien qui décrit les causes
probables de l’accident d’avion :

« […] Le passager peut activer des commandes par mégarde. Les


enquêteurs se sont alors penchés sur le modèle de l’avion et ont
décelé dans la conception de l’appareil l’explication probable du
crash. En procédant à une mise en situation au sol dans un engin
identique, avec le concours d’une personne de corpulence
approchant celle de la jeune passagère, ils ont découvert qu’il était
possible de poser le pied sur le renvoi de la commande de
profondeur, “tout en gardant une posture naturelle et confortable”.
Résultat : “Sans exercer une pression élevée avec son pied gauche, le
passager peut facilement mettre le renvoi de commande de
profondeur en position de plein piqué.” Sans qu’il soit possible de
corriger : “Dans les conditions des essais, il n’a pas été possible de
contrer cette action en agissant sur le volant36.” »

Ce témoignage a une force probante très convaincante. La jeune fille


est paniquée en s’adressant à Béatrice, elle dit avoir provoqué l’accident
d’avion par inadvertance, d’avoir « touché à quelque chose qu’il ne fallait
pas ». Et en effet, l’enquête officielle le confirme, c’était bien elle qui, en
posant son pied à un endroit précis, avait mis l’avion « en position de
plein piqué », provoquant ainsi le crash de l’appareil. Quelle tragédie, et
quel défaut de construction inadmissible ! La jeune fille s’est adressée à
Béatrice, une inconnue, comme s’il était impératif pour elle d’établir un
contact là où c’était possible, là où elle pouvait être perçue et comprise,
de toute urgence.

Le profil du récepteur

Qui peut potentiellement vivre un VSCD ? Existe-t-il un profil des


récepteurs ? Quelles circonstances doivent être réunies pour avoir la
probabilité de vivre cette expérience ? De quelles caractéristiques doit-on
être pourvu ? Dans l’état actuel de la recherche la réponse est simple :
tout le monde peut vivre un VSCD !
Examinons la question plus en détail. Le récepteur est généralement
une personne en deuil (sauf pour les VSCD au moment du décès et les
VSCD de protection). Le décès du proche perçu se situe dans la majorité
des cas dans l’année qui vient de s’écouler, mais peut remonter beaucoup
plus loin dans le temps, notamment pour les VSCD de protection.
Aucun profil spécifique des récepteurs n’a été identifié. Le sexe, l’âge, le
statut socio-économique, l’instruction, la religion et la nationalité ne
semblent déterminants ni pour l’occurrence de l’expérience ni pour son
contenu.
Le fait d’être croyant, agnostique ou athée n’influence en rien la nature
de l’expérience ni la probabilité de la vivre. L’interprétation de l’expérience
est cependant individuelle, liée au système de croyances et au vécu
spécifique du récepteur.
Les enfants peuvent vivre des VSCD au même titre que les adultes.
Malheureusement, ils ne sont souvent pas pris au sérieux par les parents
et sont laissés à eux-mêmes pour donner un sens à ce vécu.
Quelques-uns de nos témoins avaient clairement une sensibilité
médiumnique préexistante, d’autres vivaient leur première expérience
transpersonnelle suite au décès de leur proche. Je ne pense pas qu’il faille
en conclure qu’une sensibilité particulière soit nécessaire pour vivre un
VSCD. Je crois plutôt que tous les êtres humains possèdent cette capacité
à l’état latent et qu’elle peut être activée à tout moment chez tout le
monde.
Nos témoins ne me contrediraient pas. Pour eux, il s’agit d’une
expérience naturelle, et ils ne veulent certainement pas être considérés
comme des êtres à part. Ils sont tout simplement heureux d’avoir pu
vivre cet ultime contact.
Je cite deux témoins dont vous avez découvert les expériences plus
haut :
« Je vous remercie de l’intérêt que vous manifestez pour ce qui
m’est arrivé. Il semble que, même si je ne suis pas une “illuminée” (je
travaille dans le monde agricole et j’ai les pieds sur terre), je suis
assez sensible aux ambiances et aux faits survenus dans certains
lieux. »
(Eliette S.)

« Je suis scientifique de formation (mathématicienne) donc a


priori rationnelle… et adepte de “la démonstration scientifique”, mais
le bon Dieu – ou appelez-le comme vous voulez – est très facétieux,
et c’est ainsi que j’ai vécu des “expériences extraordinaires” qui
m’ont fait penser que tout n’est pas aussi simple… Pour certains, ces
expériences ne sont sans doute que des troubles de l’esprit, mais je
pense être équilibrée et n’ai aucun doute sur la “réalité” de ces
phénomènes. »
(Claudie V.)

Et le « profil du défunt qui initie le contact » ?

Avons-nous une quelconque idée du « profil » des défunts


supposément à l’origine des contacts ? La grande majorité des
expériences se produit entre conjoints/partenaires, parents proches et
amis. Parfois, des connaissances ou des collègues de travail sont perçus,
et beaucoup plus rarement des inconnus. Pour la majorité des VSCD, les
récepteurs reconnaissent immédiatement le défunt, mais parfois ils ne le
connaissent pas et en découvrent l’identité par la suite, par exemple en
consultant des photos sur lesquelles ils l’identifient comme étant un
ancêtre, un ami de la famille depuis longtemps décédé, etc. Dans certains
cas, les récepteurs ne connaissent réellement pas l’objet de l’apparition,
mais le perçoivent dans un lieu avec lequel le défunt avait des liens
significatifs (un matelot nouvellement embauché sur un navire voit
l’apparition d’un autre matelot qui s’est noyé peu avant, etc.). La
littérature mentionne principalement des apparitions de défunts connus
des récepteurs.
Erlendur Haraldsson, professeur émérite de psychologie de l’université
de Reykjavik en Islande, est une sommité mondialement reconnue
notamment dans le domaine de la réincarnation, des visions au moment
du décès et des vécus subjectifs de contact avec un défunt. Il est le seul
chercheur qui a recensé dans son large corpus de témoignages collectés
sur plusieurs dizaines d’années un grand nombre d’apparitions
inconnues des récepteurs, comme l’illustre l’une de ses enquêtes : 49 %
des récepteurs avaient eu un VSCD avec un membre de leur famille, 8 %
avec un ami ou une amie, 3 % avec un collègue ou une collègue de travail,
11 % avec une connaissance et un étonnant 29 % avec une personne
inconnue37. Comment peut-on s’imaginer une rencontre avec un défunt
inconnu ? En voici une illustration :

« J’ai souvent entendu des bruits de pas, et à certaines occasions,


j’ai vu ce même homme que je ne connaissais pas. Cela s’est produit
aussi bien chez moi qu’à l’hôpital où je suivais un traitement. Une
fois, au milieu de la nuit, je suis allée à la cuisine pour réchauffer un
en-cas quand j’ai soudainement entendu des pas qui se dirigeaient
vers moi. Un homme habillé en habits gris apparut dans l’embrasure
de la porte. C’était un homme grand et fort, portant un chapeau gris
ordinaire. Il avait l’air gentil et me donnait l’impression qu’il voulait
me communiquer un message. Je me suis sentie mal à l’aise. Ce
n’était pas une expérience agréable, et j’avais un peu peur38. »

La cause du décès serait-elle un élément déterminant ?

Haraldsson a porté une attention particulière aux causes des décès en


relation avec les VSCD. Dans une de ses enquêtes, il relève que 23 % des
défunts qui semblent avoir initié les contacts étaient décédés de mort
violente (accident, suicide, meurtre)39. Ce chiffre est bien plus élevé que le
nombre de morts violentes moyennes dans la population islandaise au
moment de l’enquête. Selon lui, la probabilité d’apparaître aux vivants
est plus grande pour les personnes décédées de mort violente. Ce chiffre
est corroboré par les résultats d’une étude plus ancienne entreprise par
des chercheurs britanniques et publiée en 1918 qui indique que 27,5 %
des défunts initiant les contacts avaient été victimes de mort violente40.
Ces résultats rejoignent la croyance populaire présente dans de
nombreux pays stipulant que les individus assassinés ou morts par
suicide apparaissent plus souvent aux vivants que les personnes décédées
dans d’autres circonstances. Comment expliquer cela ? Est-ce que les
individus qui ont été arrachés brutalement à la vie par un accident ou un
meurtre auraient davantage besoin de se manifester auprès des vivants
puisqu’ils n’ont pas eu le temps de prendre congé des personnes qu’ils
aimaient ? Pour les individus s’éteignant suite à une maladie, ce temps
d’un dernier adieu existe. Est-ce que, en raison de l’imprévisibilité, de la
soudaineté et de la violence de leur décès, ils ne seraient pas conscients
d’être morts ? Et pour le cas douloureux des suicides, est-ce que le
sentiment de culpabilité lié à ce geste désespéré aurait quelque chose à
voir avec l’occurrence importante de ces contacts post-mortem ?
Pour Haraldsson, la question se pose davantage encore pour les
personnes décédées de mort violente qui sont apparues non pas à leurs
proches, mais à des inconnus dans une proportion bien plus élevée que ce
n’était le cas pour les individus décédés de mort naturelle – comme s’ils
étaient dans un état de confusion et avaient besoin de contacts avec les
vivants. Comme s’il y avait urgence pour eux de se matérialiser là où c’est
possible.
Et sous quelle forme les défunts – décédés de mort naturelle ou
violente – se manifestent-ils ? Selon de nombreux témoignages, les
défunts n’étaient pas perçus tels qu’ils étaient à l’heure de leur mort,
mais bien plus jeunes et en éclatante santé. Les visages qui avaient été
marqués par la maladie au moment du décès ont été perçus lisses et
juvéniles. Les apparitions sont le plus souvent rayonnantes de bonheur,
de sérénité et d’amour. Généralement, un grand calme se dégage d’eux.
Cependant, certaines apparitions sont décrites comme étant tristes et
préoccupées.
Comment expliquer cela ? On pourrait imaginer que les défunts se
matérialisent de telle manière que leurs proches puissent les reconnaître,
mais ils choisissent peut-être de se montrer tels qu’ils étaient à une
époque heureuse et insouciante de leur vie passée, loin encore de la
vieillesse et de la maladie qui allaient surgir plus tard dans leur existence.
Ils auraient cette liberté si on postulait qu’ils entrent dans la conscience
des vivants en créant une image de leur choix.

– Les récepteurs connaissaient généralement le défunt perçu. Dans la


grande majorité des cas, il s’agit d’un membre de la famille
(conjoint/partenaire, parent) ou d’amis que les récepteurs identifient
instantanément et sans hésitation. Un attachement émotionnel fort
les avait généralement liés. Parfois, un défunt inconnu est perçu.
– Aucun profil spécifique des récepteurs n’a été identifié. Le sexe, l’âge,
le statut socio-économique, l’instruction, la religion et la nationalité
ne semblent déterminants ni pour l’occurrence de l’expérience ni
pour son contenu.
– En ce qui concerne le « profil » des défunts qui semblent initier le
VSCD, certaines études indiquent qu’une mort violente pourrait
augmenter la probabilité que le défunt se manifeste aux vivants,
notamment à des inconnus.

Le témoignage de Chantal

Chantal D. vit dans le sud-ouest de la France. Lectrice assidue


d’Inexploré, elle écrit ceci :
« C’est important que des personnes sérieuses à l’esprit
scientifique s’intéressent enfin à ces sujets marginalisés, voire
tabous, parce que nous n’avons pas les outils et/ou les connaissances
pour les appréhender à leur juste valeur et les expliquer. Notre
société occidentale hypermatérialiste et rationnelle préfère les
reléguer dans le champ de l’inconnu et du surnaturel et entretenir
ainsi tout le mystère et la peur qui tournent autour, plutôt que de se
donner les moyens de vraiment les comprendre et de les accepter
comme des faits existant bel et bien.
Tant que l’on n’est pas confronté soi-même à ce genre
d’expérience, on peut toujours les ignorer ou les dénier, mais quand
cela vous arrive, on cherche à comprendre ce qui se passe et quel en
est le sens. On cherche la confirmation ou la réponse à ce que l’on a
vécu. Cela vient, mais avec du temps, des rencontres, en recoupant
les informations et avec l’expérience. En tout cas, c’est mon cas. »

Chantal a vécu deux VSCD dont je retranscris le premier dans son


intégralité. Sans avoir eu de vision, Chantal pense néanmoins avoir reçu
la visite de son grand-père à l’heure précise du décès de celui-ci et a
ressenti des sensations physiques inhabituelles.
« [Ce] VSCD s’est donc passé en 1992, dans la nuit du 25 février
au petit matin exactement. La veille au soir, je me suis rendue au
chevet de mon grand-père maternel qui venait d’être hospitalisé. Je
le savais malade, déclinant lentement mais sûrement pas au point
d’être hospitalisé subitement. Je l’ai trouvé en compagnie de ma
tante qui l’avait accompagné et restait avec lui. Mon grand-père était
devenu complètement sourd avec l’âge et la communication était
difficile. Il m’a reconnue, il était parfaitement conscient.
Il avait un regard particulièrement lumineux que je ne lui avais
jamais vu, comme si toute la force de vie, l’énergie vitale qui lui
restait était concentrée dedans. Au moment de lui dire au revoir, j’ai
plongé mon regard dans le sien, et là, il y a eu un échange très fort,
j’ai compris qu’il me disait que c’était fini, qu’il allait partir, que je
ne le verrai pas vivant.
Au moment de partir, j’ai hésité, j’ai demandé à ma tante si elle
voulait que je reste avec elle. Elle savait que j’avais prévu de passer la
soirée avec des amis et m’a dit que ce n’était pas la peine. J’étais
partagée. J’avais alors une partie de moi-même qui me disait que
j’allais revoir mon grand-père le lendemain et l’autre me disait le
contraire, que sa mort était proche.

À
À partir du moment où j’ai passé le seuil de la chambre en
partant, mon cœur s’est emballé, et ça ne s’est plus arrêté.
Tachycardie, palpitations, je ne sais quoi exactement, en tout cas, ça
ne m’a plus lâché, sans discontinuer. J’ai passé toute la soirée et la
majeure partie de la nuit dans cet état, sans être présente à ce que je
faisais et dans l’impossibilité de m’endormir.
La pensée de mon grand-père ne me quittait pas. C’était comme si
une partie de moi-même était restée là-bas avec lui, un lien invisible
à distance. Le temps défilait très vite, les heures s’enchaînaient les
unes aux autres incroyablement vite. Puis, très tard dans la nuit,
toujours éveillée dans mon lit, brusquement tachycardie et
palpitations se sont arrêtées net, le calme est revenu, et tout de suite
après, j’ai senti un souffle frais passer en trombe juste à côté de moi
longeant le lit des pieds à la tête. J’ai compris que mon grand-père
venait de mourir et qu’en partant, il était venu me dire adieu. J’ai
allumé la lumière, j’ai regardé l’heure, il était 5 h 15 du matin.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je me suis sentie apaisée et
j’ai pu m’endormir. J’avais le sentiment de l’avoir accompagné.
Quand je me suis réveillée, peut-être une heure et demie après, je me
souviens avoir mis le Requiem de Mozart pour mon grand-père,
c’était de circonstance. J’ai pensé que cette musique aux intonations
spirituelles qu’il ne connaissait pas pouvait l’aider là où il était
maintenant. Quand on m’a annoncé son décès j’ai demandé l’heure
de sa mort. Il était bien mort à 5 h 15 du matin.
J’ai vécu cette expérience sans crainte, même si elle a été
relativement éprouvante, car mon corps physique y a participé. Mais
une partie de moi savait et comprenait. »

Le grand-père de Chantal savait qu’il allait mourir. Il n’avait pas besoin


de paroles pour communiquer avec sa petite-fille et l’informer de sa mort
imminente – un intense échange de regards était amplement suffisant.
Fraîchement hospitalisé et sans doute souffrant, il donnait une
impression de force de vie et d’énergie vitale inhabituelles. Que s’est-il
passé ? Cet homme savait (et comment le savait-il ?) qu’il allait mourir
très bientôt, et son regard s’est illuminé. Ce qui semble être un paradoxe
n’en est en réalité pas un. Ce type de réaction au seuil de la mort est
connu sous l’expression « conscience accrue à l’approche de la mort » qui
permet aux personnes en fin de vie, entre bien d’autres choses, de savoir
instinctivement et avec certitude que leur mort est proche. Je
commenterai ce phénomène en détail dans le chapitre 4.
Chantal s’est étonnée qu’elle se soit sentie apaisée au moment où elle a
compris que son grand-père venait de décéder. Pourtant, à cet instant,
elle semble avoir été dans le même état d’esprit de sérénité et de
tranquille acceptation que celui détecté dans le regard de son grand-père,
la veille au soir. Pour elle, le temps des larmes est sans doute venu plus
tard.
Chantal a vécu une expérience bouleversante et réconfortante à la fois.
Je lui ai demandé quelle importance elle lui accordait :
« Au niveau de mon témoignage, la réponse est contenue dedans.
C’est l’explication et le sens que je lui donne qui sont importants.
Plus généralement, si on intègre dans sa vie la mort comme un
passage et le fait que la conscience ou l’esprit continue sur un autre
plan plus subtil qui n’est pas totalement étanche à notre réalité
physique, ces expériences s’inscrivent naturellement dans une forme
de continuité. L’interaction entre défunts et vivants reste possible,
au moins un certain temps, pour peu que les vivants soient
suffisamment ouverts, réceptifs et sensibles à leurs manifestations.
Mais le plus important, c’est le message qui est délivré, et non sa
manifestation, aussi surprenante soit-elle. Il ne faut pas s’attacher à
ça, ce n’est pas l’essentiel. Il faut distinguer le fond de la forme. Si
ces contacts se produisent, c’est qu’ils ont leur utilité et finalité tant
du côté des vivants que de celui des défunts, pour permettre, je
pense, à chacun de continuer à évoluer, de poursuivre son chemin et
non pas de stagner ou pire, de régresser. Si un défunt se manifeste et
que l’on peut capter soi-même le message, c’est tant mieux et c’est
un privilège, sinon il ne faut pas hésiter à rechercher un vrai
médium digne de confiance qui servira d’intermédiaire. Il ne faut
pas abandonner ses morts. Lorsqu’ils se manifestent, c’est qu’ils ont
vraiment quelque chose d’important à nous transmettre et/ou ont
besoin d’aide. L’entraide ne doit pas s’exercer qu’entre vivants.
De ce côté-là, je considère que les médiums dignes de ce nom font
un travail énorme, considérable, pour soulager la souffrance des
consciences. Le but, c’est d’avancer, pas de rester bloqué. Et pour
avancer ou s’élever, il faut se délester du poids qui plombe. Et ce type
d’expérience nous montre que c’est encore possible une fois passé de
l’autre côté.
Les mondes visibles et invisibles cohabitent. Pour accéder à ce qui
vient de l’invisible, c’est une question d’élargissement de son champ
de conscience, voire de changement d’état de conscience, qui permet
de passer sur un niveau vibratoire supérieur et de percevoir des
énergies subtiles avec sa conscience et non ses sens ordinaires. Que
l’on soit sur pilotage automatique ou pas, en tout cas, il faut être
dans une grande réceptivité. C’est mon explication. À mon avis, ce
qui est à l’origine des VSCD, c’est l’intention pure, le mouvement du
cœur qui vous détermine à entrer en relation, que ce soit conscient
ou inconscient. Écoute profonde, empathie, compassion, amour
inconditionnel, c’est toujours la même énergie qui relie. »

J’ai demandé à Chantal si son expérience avait modifié son système de


croyances :
« Elle n’a fait que le confirmer. Déjà toute petite, je me posais des
questions existentielles que le titre d’un tableau de Paul Gauguin
résume à lui seul : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-
nous ? Avec un sentiment très fort de venir d’un ailleurs, que ma vie
présente était dans la continuité de quelque chose de bien plus
grand. J’ai en moi ce que j’appelle “ma connaissance du fond des
âges” qui me fait dire devant ce type de phénomène “je sais” et non
“je crois”. Une croyance, d’ailleurs, c’est quelque chose qui vient de
l’extérieur et auquel on adhère. Là, c’est de l’ordre d’une certitude
qui m’appartient et m’habite depuis toujours. Alors, quand ce genre
d’expériences se présente dans ma vie quotidienne, cela peut me
surprendre au premier abord, mais au fond de moi, une autre
dimension bien plus vaste que ma conscience ordinaire – une
dimension intérieure, intuitive et spirituelle – reconnaît ce qui
apparaît.
Sur le plan humain, ce que me rapportent ces expériences va aussi
dans le sens que j’ai toujours donné à l’existence. À savoir qu’on est
ici pour évoluer, grandir humainement et spirituellement. Comme
le dit si justement Pierre Rhabi : “pour sortir de l’hominisation et
participer à l’humanisation de ce monde”. Et pour passer de
l’homme à l’être humain authentique, ce n’est pas donné, il y a du
travail et du chemin à faire. Il va de soi que lorsqu’on meurt, on
n’emporte avec soi que sa conscience, et dans l’état dans lequel elle
est. Et la mort peut survenir n’importe quand. Tout laisse à penser
que la conscience du défunt est bien plus large et lucide que celle du
vivant, c’est pourquoi ce qui n’a pu être conscientisé et exprimé de
notre vivant le devient après notre mort. Il est donc important d’être
au clair avec soi-même, de ne pas faire n’importe quoi de sa vie et
encore moins de celles des autres pour, lorsque le moment viendra
de partir, être en paix avec soi-même et avec le monde qu’on laisse
derrière soi. Pour moi, il est essentiel d’avoir dans sa vie une éthique
personnelle basée sur les valeurs humaines. »

Finalement, j’ai demandé à Chantal si, à son avis, les VSCD


constituaient une preuve de la survie de la conscience après la mort
physique :

« Bien sûr. Nous ne faisons aujourd’hui en Occident, avec la


multiplication des expériences de mort imminente et autres, que
redécouvrir ce qu’en Orient ils ont déjà découvert depuis plus de
2 500 ans en explorant directement leur esprit de l’intérieur. Il s’agit
d’être assez humble pour le reconnaître. Sur ce plan-là, l’échelle de
référence n’est manifestement pas la même que celle de notre
conscience ordinaire et de sa réalité physique. Et notre mental n’est
pas équipé pour appréhender et exprimer ce qui est de l’ordre des
énergies subtiles. Donc, il le traduit avec ses outils à lui en référence
avec notre réalité. C’est comme ça que je me l’explique. Je pense que
la multiplication des EMI, VSCD et “sortie du corps” où l’on
expérimente une ouverture et expansion de conscience participe à
l’éveil des consciences de ce monde, tout comme d’ailleurs
l’implantation du bouddhisme en Occident, qui n’est pas là par
hasard. »

18. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 142-143.
19. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 72.
20. Ibid., p. 49.
21. Ibid., p. 50.
22. Conversation téléphonique du 17 janvier 2016.
23. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 187-188.
24. LAGRAND Louis E., Gifts from the Unknown: Using Extraordinary Experiences to Cope with Loss and
Change, op. cit., p. 63-64.
25. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 50.
26. www.sheldrake.org.
27. SHELDRAKE Rupert, Les Pouvoirs inexpliqués des animaux : pressentiment et télépathie chez les animaux
sauvages et domestiques, Paris, J’ai lu, 2005.
28. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM, Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 338-339.
29. Communication personnelle, 2013.
30. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 50.
31. LAGRAND Louis E., Gifts from the Unknown, op. cit., p. 234-235.
32. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 295.
33. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 330.
34. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, « VSCD : hallucination ou dernière communication ? », art. cit.,
p. 84-88.
35. HARALDSSON Erlendur, The Departed among the Living: An Investigative Study of Afterlife Encounters,
op. cit., p. 91-92.
36. Le Parisien.fr, 28 juin 2013.
37. HARALDSSON Erlendur, The Departed among the Living, op. cit., p. 246.
38. Ibid., p. 6.
39. HARALDSSON Erlendur, « Halluzinationen: Plötzlich hörte ich eine Stimme », Therapiewoche,
1996, 44, 32, p. 1866.
40. GURNEY E., MYERS F. W. H. et PODMORE F., Phantasms of the Living, London, 1918, Kegan Paul,
Trench, Trubner, New York, E.P. Dutton.
CHAPITRE 3

Impact des VSCD

Quelle serait votre réaction si vous viviez un VSCD ? Seriez-vous


effrayé ? Sidéré ? Incrédule ? Ébranlé par le fait de vivre un événement qui
paraît complètement inconcevable ?
Pour surprenant que cela puisse paraître à première vue, il s’avère que
dans leur très grande majorité, les personnes vivent cette expérience
comme un événement naturel et heureux, sans effroi et avec
reconnaissance. Nous l’avons vu, dans certains cas, les VSCD – surtout
les apparitions – peuvent effrayer certains récepteurs. Tout en étant
conscients que le défunt ne leur veut que du bien, l’étrangeté de
l’événement peut les amener par exemple à quitter la pièce en courant
pour échapper à l’apparition. Par la suite, ils regrettent souvent leur
réaction irréfléchie et souhaitent ardemment un nouveau contact.
Les effets du vécu subjectif de contact avec un défunt peuvent être
analysés sous trois angles :

– l’intime conviction que l’expérience est réelle ;


– l’importance accordée aux VSCD et le réconfort ressenti par les
récepteurs ;

la conviction que le proche décédé continue à exister et l’implication
pour le système de croyances.

Intime conviction que l’expérience est réelle

Contrairement à beaucoup de peuples du monde, les défunts ne font


pas partie du quotidien des citoyens des pays occidentaux matérialistes.
Les individus meurent à l’hôpital, si possible derrière des portes
hermétiquement closes et le plus rapidement possible. Une fois décédés,
on fleurit leur tombe une fois l’an si tout va bien, la Toussaint étant un
jour de prédilection pour cette activité. On ne peut pas dire que la
majorité des Occidentaux font coexister leurs proches décédés dans leur
vie de tous les jours, s’en remettent à eux en cas de décision importante à
prendre ou quémandent leur aide en situation de détresse, comme c’est le
cas dans d’autres civilisations (voir dans le chapitre 6, « Entretien avec
Natalie Tobert – Accueil des VSCD dans d’autres civilisations »). La
rupture avec nos chers disparus semble irrévocablement définitive, et
c’est peut-être pour cette raison que les deuils se prolongent parfois de
manière déraisonnable et que la peur de la mort soit si fortement
présente dans nos sociétés.
Dans ce contexte, comment est-il possible qu’un VSCD soit
immédiatement perçu par les récepteurs comme une expérience
bouleversante, mais heureuse et qu’ils ne doutent pas un instant de son
authenticité ? D’où vient cette conviction fulgurante si intrinsèquement
en contradiction avec le paradigme ambiant ?
S’agirait-il d’un savoir ancestral enfoui au plus profond de nous-
mêmes et qui résonnerait instantanément avec cette expérience, lui
conférant d’emblée un statut d’authenticité ? Le fait est que vivre un
VSCD est un événement marquant. Que ces contacts soient la réponse à
un désir intime ou qu’ils se produisent de manière complètement
inattendue, leur impact est tel que les récepteurs ne pensent pas un
instant avoir été victimes d’une illusion, voire d’une hallucination. Dans
l’ensemble, ces expériences, souvent considérées comme spirituelles, sont
reçues comme un cadeau. Elles constituent des souvenirs qui sont chéris
toute une vie et intégrés dans l’histoire familiale. Dans un deuxième
temps et après réflexion, ils peuvent se demander comment un tel
événement est possible, tant il est en contradiction avec la pensée
dominante et peut-être avec leurs propres convictions antérieures, et
s’étonner d’avoir accueilli l’expérience avec tant de naturel et de bonheur.
Certains stipulent que les communications avec les défunts se
produisent, ou sont ressenties comme se produisant, en réponse au
désespoir de la personne en deuil. La supposition que les endeuillés
vivent un tel contact quand ils sont submergés par le chagrin et ne
supportent plus la souffrance de devoir continuer à vivre sans l’être aimé
n’est pas du tout confirmée par la recherche. On ne vit pas cette
expérience quand on le désire, elle ne se commande pas. Les témoignages
indiquent au contraire que les VSCD ont lieu quand le récepteur est
calme, ne pense pas à la personne décédée et vaque à ses activités
quotidiennes. Le contact se produit tout à coup, sans raison apparente. Il
ne répond pas à une attente, mais constitue un élément de surprise.
Laissons la parole à nos témoins :
Brigitte F. a partagé son vécu avec sa belle-mère décédée sous « VSCD
de ressenti d’une présence » :
« Oui, cette expérience a été importante pour moi, car je me suis
rendu compte que cette présence n’était pas le fruit de mon
imagination, ni d’un trouble mental quelconque. Ma belle-mère qui
avait des dons de médiumnité avait promis de me faire partager son
expérience. La maladie ne lui en a pas laissé le temps. Elle savait que
j’étais ouverte sur le sujet et que j’avais une perception affinée de ce
qui m’entoure.
Cette expérience m’a donné encore plus envie de me documenter
sur le sujet et de me rendre compte que beaucoup de personnes
vivaient des situations similaires. Cette expérience m’a aussi prouvé
que tous ceux qui la vivent ne sont pas des illuminés en mal de
sensations ou des originaux. Nous sommes tous des gens ordinaires
qui vivons des choses extraordinaires. »

Nous retrouvons Jacqueline T. qui nous avait fait part de plusieurs


expériences, dont celle citée sous « VSCD pratiques » :
« Tous ces témoignages et tous les faits relatés dans ces
confidences sur ma vie sont vrais ! Hélas, ils ne sont pas
renouvelables en laboratoire ! Ils sont peut-être la preuve que nous,
pauvres humains aux sens limités, pouvons tous un jour baigner
sans le savoir dans l’étrange, l’insolite, l’inexplicable au moment où
nous nous y attendons le moins.
C’est un peu comme si des forces supérieures nous prenaient par
la main pour nous obliger à ouvrir les yeux et les oreilles sur des
évidences inexplicables, mais qui n’en restent pas moins
troublantes… même pour ceux qui les ont vécues. »

Christine H., la femme qui a perdu son bébé de quelques mois,


témoigne en quelques mots :

« Jan et moi sommes tous les deux des personnes très rationnelles
et nous ne sommes absolument pas portés sur l’ésotérisme ou
d’autres choses de ce genre. Il n’empêche que nous n’avons pas
douté une seconde de la véracité des visites de Nina. J’en suis
absolument convaincue. »

Pour terminer, voici quelques paroles de Michèle H. qui a ressenti la


présence de son ex-mari décédé :

« J’ai l’intime conviction que ce qui s’est passé était réel parce que
le bonheur et le bien-être ressentis après cette expérience, je ne les ai
pas inventés, mais bien ressentis de tout mon être. Je croyais déjà
avant cette expérience qu’une autre vie sur un tout autre plan
existait. »
Difficulté de relater le VSCD

Le premier élan d’exaltation et la certitude que le VSCD est réel


peuvent être douloureusement ébranlés si l’entourage réagit
négativement à l’évocation de l’expérience. Certains récepteurs ont peur
de se ridiculiser et préfèrent se taire. D’autres se mettent à douter de leur
perception et même de leur santé mentale. La peur d’être « pris pour une
personne dérangée » est très forte et peut les plonger dans une grande
confusion. La dichotomie entre leur certitude subjective et la
représentation courante de la « réalité » leur fait penser qu’ils ont vécu
quelque chose « qui n’est pas possible », « qui ne peut pas se produire ».
C’est la pensée dominante des sociétés occidentales matérialistes,
hermétiquement fermées aux expériences transpersonnelles, qui plonge
ces personnes dans le désarroi. Informer le public du phénomène des
VSCD, quel qu’en soit le statut ontologique, est primordial.
Nous avons découvert l’expérience de Marie-Claire B. dans le
chapitre 1. Elle décrit sa joie, ainsi que la difficulté de partager ce genre
de vécu :
« Pour ma part, j’étais comblée. Le lien était toujours là. C’était un
sentiment merveilleux qui m’a accompagnée tout au long de ma
journée ; j’avais l’impression d’être sur un nuage. Je ne pouvais le
partager avec personne, pourtant, j’aurais tellement aimé le dire. Je
ne l’attendais plus et pas de cette façon, mais quel beau cadeau
d’amour de la vie. Ne sachant que faire de cela, je suis allée à Notre-
Dame de la Peinière (chapelle près de chez nous) y faire brûler un
cierge pour remercier de ce merveilleux cadeau. Je me sentais
privilégiée. Je ne pouvais pas avoir imaginé une telle chose, ressenti
une telle chose. C’était merveilleux, j’aurais aimé m’endormir
chaque soir avec cette sensation. […]
Par la suite, j’ai essayé d’en parler autour de moi, car c’était
difficile de contenir en soi une telle joie, de l’intégrer dans sa vie. Ce
fut catastrophique. J’ai dû y renoncer, car on réussissait à me faire
douter de moi, à me faire croire que la dépression s’installait. Je ne
voulais pas qu’on m’enlève ça. Je me sentais perdue entre la réalité et
mon ressenti, le raisonnable et le besoin, entre ces deux mondes. »

Vous avez découvert l’expérience de Jacqueline T. dans « VSCD


pratiques ». Partager ses différents vécus a été une impossibilité pour elle
pendant longtemps :

« Ce que je n’ai jamais osé dire… Pour mon fils et mes petits-
enfants, j’ai envie de raconter des faits troublants qui ont jalonné ma
vie et que j’ai gardés secrètement en moi pendant des années. J’avais
peur en les dévoilant que mes amis me traitent de “folle” après avoir
écouté le récit de mes expériences paranormales. Pourtant, toutes
sont véridiques, même si parfois elles semblent difficilement
croyables. Ce n’est pas à mon âge, bientôt 79 ans, que je vais
commencer à mentir ou affabuler ! »

Parler d’un vécu subjectif de contact avec un défunt à son entourage


signifie prendre le risque de ne pas être cru, de devoir se justifier, voire
d’être considéré comme confus ou dépressif. Nous l’avons vu, la peur de
se ridiculiser peut également empêcher les récepteurs de partager leur
vécu. La joie peut vite se transformer en détresse si on cherche une
validation de son vécu et si on veut à tout prix convaincre son
interlocuteur de l’authenticité de l’expérience. À l’instar d’autres
expériences transpersonnelles – par exemple les expériences de mort
imminente –, le partage de ces vécus subtils, intimes, et si importants
pour les personnes qui les ont vécus, est souvent très problématique.
Ainsi, après une tentative ou deux de partager leur expérience, les
récepteurs s’abstiennent d’en parler, comme en témoigne l’une des
personnes citées plus haut :

« Je suis heureuse de pouvoir [vous] confier ces choses-là que je


n’ose confier à personne ou presque. »

(Eliette S.)
Deux personnes interrogées par Peter et Elizabeth Fenwick se sont
également heurtées à de l’incompréhension, mais elles en ont pris leur
parti :
« À moins d’en faire vous-même l’expérience, je peux comprendre
que les gens ne puissent ni y croire ni en saisir la signification. Tout
ce que je sais, c’est que je n’ai aucun doute41. »
« Je ne sais pas comment expliquer [le VSCD], peut-être vaut-il
mieux le laisser inexpliqué et juste être heureux que quelqu’un que
vous avez beaucoup aimé se préoccupe toujours de vous42. »

Pour terminer, quelques mots de sagesse du professeur de sociologie


australien Allan Kellehear : « On peut attribuer une signification à
n’importe quel événement. La ligne entre l’auto-illusion et une
signification personnelle est étroite, bien sûr, mais ne laissez jamais les
autres en décider pour vous. Seul vous savez qui vous aime. Et certaines
lettres d’amour sont, et seront toujours, un code secret. Certains
messages ne sont destinés qu’à vous. Même dans la mort43. »

Importance accordée aux VSCD et réconfort ressenti par


les récepteurs

Les VSCD apportent réconfort, bonheur, aide et force pour continuer


son chemin de vie sans l’être cher. Ils sont considérés comme un
événement important et marquant.
Sur un plan plus personnel, les récepteurs ont l’impression de
continuer à être aimés, l’être cher paraît veiller sur eux depuis une autre
dimension, l’amour semble survivre à la mort. Ces éléments constituent
une puissante source de consolation. Les conséquences des VSCD sur le
processus de deuil seront analysées plus loin dans cet ouvrage. Dans
d’autres cas, des problèmes relationnels douloureux ou conflictuels restés
en suspens lors du décès semblent trouver leur résolution pendant ces
contacts.
Le message essentiel et homogène des VSCD est clair : une certaine
forme de conscience et l’amour survivent à la mort du corps. Les défunts
rassurent leurs proches : ils se portent bien et sont sereins et heureux
dans leur nouvelle forme d’existence dont ils ne révèlent rien. Ils les
invitent à poursuivre leur vie sans trop s’attarder dans un deuil qui n’a
pas lieu d’être puisqu’une réunion future est certaine. L’impact
réconfortant de tels messages est évident. La tristesse due à l’absence de
l’être aimé persiste, bien sûr, mais le message d’espoir est puissant.
Christiane T.-H. nous fait part du réconfort que la « visite » de son
père décédé a suscité en elle quelques jours après le décès de celui-ci :
« Mon père est venu me rendre visite la nuit. Il s’est assis sur mon
lit et il m’a regardée avec beaucoup d’amour et de tendresse en
disant : Christiane, ne pleure plus, tout va bien. Tout va bien.
Le lendemain matin, je me suis réveillée avec une joie immense et
le cœur léger. Mon père était vraiment venu me rendre visite et il
allait bien. Je me suis enfin arrêtée de pleurer, au grand soulagement
de mes enfants et de mon mari avec lesquels j’ai partagé cette visite
extraordinaire. »

Nous retrouvons Monique O. qui a décrit, dans la rubrique « VSCD


tactiles », la visite nocturne de son mari défunt qui l’avait comblée de
joie, mais lui avait également provoqué un « choc » :

« Je suis depuis toujours convaincue d’une vie après la mort. Bien


que j’aie gâché l’expérience qui m’était offerte en ayant peur, cela
m’a confortée ! D’ailleurs, je me sens très protégée par la présence de
mon mari. »

Nous l’avons vu, le défunt semble initier le contact pour assister son
proche dans la période douloureuse du deuil. Il ne se réfère à lui-même
que pour communiquer qu’il continue à exister et qu’il va bien, mais sans
rien révéler de sa nouvelle condition. Il y a cependant des exceptions
comme ce VSCD décrit par un homme dont l’épouse venait de décéder à
l’hôpital.

« Un jour de janvier, vers 3 heures de l’après-midi, j’étais assis sur


un banc dans ma chambre. Soudain, j’ai vu la porte de la chambre
s’ouvrir, et ma femme [décédée] est entrée par la porte. Elle souriait
et marchait tout droit vers moi, là où j’étais assis. Comme hypnotisé,
je l’ai fixée du regard, incapable de prononcer un mot. En
s’approchant de moi, elle a tendu la main et elle a dit : N’aie pas peur,
je suis en vie. J’ai pris sa main et j’ai senti qu’elle n’était pas froide, elle
était normale au toucher. Ensuite, j’ai osé demander : “Où étais-tu ?
Que s’est-il passé ?” Elle a répondu : Peu après être morte à l’hôpital, ils
m’ont permis d’y rester pour prendre soin d’une femme qui était très malade.
Depuis lors, j’ai visité de nombreux lieux. Ce temps est désormais révolu, je
pars. Je suis venue te dire adieu44. »

Ce témoignage est particulièrement intéressant et rare puisqu’il donne


des informations impliquant une certaine évolution dynamique de
l’existence des défunts.
Dominique Marie C. a vécu plusieurs VSCD dont celui présenté sous
« VSCD se produisant pendant le sommeil ou en état de somnolence ».
Elle a ressenti le besoin d’écrire un livre et de donner des conférences
pour partager ces expériences si importantes pour elle :

« Aujourd’hui, je sens qu’il est temps d’apporter mon témoignage


de mon vécu d’expériences extrasensorielles – que ce soit les
prémonitions, les VSCD ou les savoirs intuitifs – par l’écriture d’un
livre et par des conférences-témoignages, si cela peut permettre à
certaines personnes en rupture de sens ou dans l’incapacité
d’accepter l’impermanence des êtres qu’ils chérissent de retrouver le
lien avec la vie, avec la joie de vivre, en levant le voile de la culpabilité
et de la peur de l’oubli. »
Conviction que le proche décédé continue à exister et
implication pour le système de croyances

Les endeuillés ont vu leur proche disparu, ils l’ont entendu, ont senti
sa présence ou sa main sur leur bras, pour eux c’est sûr, il est en vie. Où et
comment, ils ne le savent pas, bien sûr, le mystère reste entier, mais la
conviction est forte : il ne s’est pas dissous dans le néant, il poursuit son
existence… ailleurs.
Nous venons de voir l’importance que les VSCD revêtent pour les
récepteurs au niveau du lien qui semble perdurer avec le proche décédé
ressenti comme poursuivant une existence dans un ailleurs inconcevable.
On peut supposer que cette expérience forte impacte leur système de
croyances et la conception de leur propre mort, et tel est effectivement le
cas. Le fait que le proche décédé puisse se manifester et entrer en contact
avec eux peut soit consolider une croyance préexistante en la survie de la
conscience, soit l’inspirer. Bien que le degré de l’impact des vécus
subjectifs de contact avec un défunt soit individuel et puisse varier,
notamment selon le type de contact expérimenté, l’élément commun et
décisif consiste en la confirmation subjective ou la découverte qu’un lien
semble subsister au-delà de la mort. L’espoir d’une réunion future est
sous-jacent et peut être un facteur primordial dans la phase de
reconstruction après la perte de l’être aimé. Les vécus subjectifs de
contact avec un défunt sont souvent le point de départ d’une remise en
question des certitudes antérieures des récepteurs et peuvent les amener à
adopter une nouvelle vision du monde. Ils peuvent voir leur peur de la
mort diminuer, certains deviennent plus spirituels.
Les contacts post-mortem offrent des réponses subjectives à des
questionnements fondamentaux tels que le sens de la vie et la difficulté
de l’existence humaine qui est semée de pertes et, finalement, confrontée
à sa propre finitude. Les VSCD ouvrent une nouvelle perspective de la
condition humaine.
Un décès, surtout s’il est accidentel ou si la personne est décédée à un
jeune âge, peut être considéré par les proches comme une cruelle
injustice, un manque de chance, voire une absurdité (« Si seulement il
n’avait pas pris la voiture ce matin-là… ») Les VSCD peuvent aider le
récepteur à dépasser ce sentiment d’injustice ou d’absurdité par le lien
qui semble subsister au-delà de la mort. La tristesse est immense et le
restera longtemps, mais le départ de l’être aimé paraît faire partie d’un
plan qui dépasse le récepteur et qu’il ne comprend pas, mais qui semble
néanmoins donner un sens au drame qu’il vit. L’être cher n’est plus de ce
monde, mais il a l’air d’être à ses côtés, ou tout au moins en mesure de se
manifester ponctuellement, le temps d’un contact court, mais puissant.
Grâce à cette expérience, la personne en deuil se sent moins seule avec sa
peine.
Nous retrouvons Brigitte F., citée dans la rubrique des VSCD de
« ressenti d’une présence » :
« Mon expérience n’a pas changé mon système de croyances, il l’a
enrichi. Je suis intimement convaincue que notre conscience
continue d’exister après la mort. Le passage de la vie à la mort est
effrayant, car c’est l’inconnu et la rupture avec nos proches, mais
celui qui part est encore relié pour un temps variable avec certains
humains et doit vivre autrement, différemment, dans un monde que
nous ne pouvons comprendre, car limités par nos cinq sens. Je pense
que ce qui fait défaut à la plupart des hommes, c’est la capacité à
déceler ce qui existe pourtant bel et bien ; ce n’est pas parce que l’on ne
voit pas que cela n’existe pas.
J’essaie souvent de dire à mes proches, pour comparer, que nous
arrivons à nous téléphoner en étant parfois les uns et les autres à
l’autre bout du monde, apparemment il n’existe rien de visible et
pourtant, nous communiquons.
Finalement, je dirais qu’au quotidien je cultive cette attention
particulière au monde et aux signes et j’essaie de donner du sens à ce
que je perçois. Parfois, il s’écoule des mois où je suis juste absorbée
par mon quotidien, et à d’autres moments je suis plus “en alerte”.
Je ne dirais pas que je n’ai plus peur de la mort, mais en tout cas,
je me dis qu’il y a autre chose après que l’on ne peut ni imaginer ni
décrire, tellement nous sommes limités dans nos perceptions et
dans notre niveau de compréhension. »

L’effet d’un VSCD perdure et se renforce au fil des années.

« Je confirme que, malgré l’ancienneté de l’expérience, dont le


souvenir s’est un peu estompé, mon ouverture à la spiritualité n’a
fait que croître. »

(Suzanne F.)

Les VSCD déclenchent souvent une interrogation personnelle intense.


Francine L., dont j’ai cité les témoignages sous « VSCD se manifestant
par des phénomènes physiques » et sous « VSCD symboliques », nous
confie son cheminement :

« Ces expériences, et plusieurs autres, enrichissent ma vie sous


tous ses aspects. D’abord, elles me libèrent de l’oppression de mon
éducation catholique sévère qui entretenait la peur de la mort, de
l’enfer, du jugement dernier. Au contraire, ces brefs contacts avec les
gens décédés me rassurent ; ils me font “coucou” de l’au-delà et
m’enlèvent ainsi un lourd fardeau de chagrin que je traînerais sur
mon cœur pour rien. Je ne les vois plus, mais je les pressens près de
moi, et leurs petits signes viennent confirmer leur présence. C’est
avec une plus grande “espérance” que moi aussi, un jour, je passerai
dans cette dimension différente de la vie. »

Un contact perçu comme émanant de son père décédé quelques jours


auparavant a marqué Suzanne F. :
« Cette expérience m’a interpellée. J’en ai parlé à quelques
personnes comme d’un événement étrange qui n’était peut-être
qu’une hallucination, consciente de ne pas posséder les mots qui me
permettaient de décrire exactement cet état.
Depuis, la sensation s’est estompée, mais cela a été le point de
départ pour moi d’une ouverture à la spiritualité, avec l’idée que
j’avais un chemin à parcourir dans cette vie, que celle-ci avait peut-
être une orientation, un sens, que jusque-là je ne soupçonnais pas.
J’ai souvent eu conscience, depuis, d’être comme “protégée”, de
passer à côté de périls que je n’aurais pu éviter par moi-même, et que
ce qui m’arrive de bon n’est pas seulement dû à la chance ou à mes
mérites personnels. J’ai découvert aussi qu’il était bon d’éprouver de
la gratitude et de remercier (mais qui ?). »

Nathalie G. a expérimenté trois VSCD :

« … se rapportant à des personnes auxquelles j’étais très attachée


et qui ont été importantes pour moi. […] Que m’ont appris ces
expériences ? Peut-être que la mort n’est pas exactement ce que
pensent la plupart des gens. Je pense que quelque chose survit, que
les défunts restent un moment près de nous, mais qu’après, il ne
faut pas essayer de les retenir, qu’ils ont aussi leur chemin à faire,
bien loin de la planète Terre. Je n’ai pas du tout peur de la mort, je
me dis souvent que c’est ici que les choses sont lourdes ! »

Dominique Marie C. a expérimenté plusieurs VSCD, dont un qui est


cité sous « VSCD se produisant pendant le sommeil ou en état de
somnolence ». Pour elle, ces vécus ont été la confirmation d’une
conviction préexistante :

« Toute jeune, je pressentais qu’il y avait une existence impalpable


qui se manifestait autour de nous, et ces expériences n’ont été pour
moi que la confirmation de l’existence de l’esprit après la mort.
N’étant pas adepte de croyances, qui ne sont que fabrications
mentales, les VSCD qui ont jalonné ma vie ont surtout développé
ma connaissance. Toutes ces manifestations ont été et sont toujours
importantes dans le cheminement de ma vie, car elles sont un pont
qui ouvre à une plus grande liberté où les jeux émotionnels n’ont
plus cette emprise dévastatrice à laquelle nous sommes, nous les
êtres “vivants”, continuellement confrontés. »
Le témoignage d’Agnès Delevingne (INREES)

Psychologue clinicienne de formation, psychothérapeute pendant dix


ans, Agnès Delevingne mène depuis trente ans une carrière de
consultante en ressources humaines pour les entreprises. Parallèlement à
son métier, elle est impliquée depuis sa création dans les activités de
l’INREES. Elle dirige aujourd’hui le réseau des psychologues,
psychanalystes et médecins qui répondent aux demandes des personnes
vivant des expériences hors-norme. Le témoignage d’Agnès Delevingne
est précieux, car son parcours professionnel et son engagement auprès de
l’INREES la mettent dans une position privilégiée pour analyser ses
propres expériences. En tant que psychologue clinicienne, elle dispose des
outils théoriques et de l’expérience nécessaire pour distinguer des vécus
intrapsychiques d’autres types d’expériences. Sa collaboration avec
l’INREES lui a donné l’occasion de parler avec un grand nombre de
personnes qui ont vécu différents types d’« expériences extraordinaires ».
Cette expérience est précieuse à l’heure d’analyser ce type de vécu
complexe. Le fait d’avoir vécu plusieurs VSCD avec deux proches décédés
lui donne la perspective de l’expérience personnelle qu’aucune
connaissance théorique, aussi approfondie soit-elle, ne peut fournir.
Agnès Delevingne a perdu son frère il y a dix ans. Au fil des ans, elle a
vécu de nombreux contacts, synchronicités, clins d’œil et événements
symboliques qu’elle attribue à son frère :
« Une main sur mon front quelques jours après son décès. J’étais
dans mon lit, comme dans un demi-sommeil, et j’ai eu très peur
lorsque j’ai senti cette main. J’ai eu une espèce de cri intérieur : Est-ce
toi ? Le matin, ma peur s’était dissipée pour laisser place à la joie
qu’il ait pu créer ce contact.
J’entends distinctement une voix qui prononce mon prénom,
mais ce signe n’a pas la force des autres contacts, alors je doute…
Un miroir retrouvé brisé le jour de son anniversaire, trois mois
après son départ. Ce miroir était posé sur une planche dans le
placard de la salle de bains. Le manche et le cadre en plastique du
miroir étaient cassés, et le verre brisé en sept morceaux. Tous les
flacons autour étaient parfaitement intacts. Pour que le miroir se
retrouve dans un tel état, la seule explication rationnelle était que
quelqu’un avait ouvert la porte du placard, fracassé l’objet avec un
marteau et refermé la porte. Ce qui est absurde, d’autant que je
vivais seule dans cet appartement.
Dans un cadre professionnel, un écran électrique qui descend sans
que j’aie actionné le bouton correspondant lors d’une séance de
formation que j’étais en train d’animer. C’était le jour de son
anniversaire, et j’avais bien sûr à l’esprit le souhait qu’il me fasse un
signe. »

Il y a trois ans, le malheur a frappé une deuxième fois quand le


compagnon d’Agnès s’est éteint. À nouveau, elle a expérimenté plusieurs
VSCD dont voici les plus marquants :
« Je suis réveillée en sursaut par un bruit à 4 heures du matin la
veille du jour de sa mort : le verre d’un sous-verre était tombé, ainsi
que la photo, les quatre attaches étaient restées en place, il ne restait
que le fond noir, accroché au mur. Le verre, intact, avait atterri sur
un livre intitulé Ne cours pas après la connaissance, la connaissance est
juste là où tu es.
Un verre incrusté de roses dont toutes les roses se sont effacées
lors d’un programme du lave-vaisselle, quelques minutes après que
j’aie décidé de commander sur Internet un cœur de roses pour ses
obsèques, en pensant que cela ne lui plairait pas, car il n’était pas du
tout romantique.
Une pendule offerte par une amie la veille de ses obsèques qui
reste bloquée sur l’heure à laquelle j’avais l’habitude d’aller le voir à
l’hôpital. Malgré de nombreux essais de piles différentes, elle n’a
jamais fonctionné. »

Des années après :


« Un rêve de visitation, complètement différent d’un rêve
classique, au petit matin le jour de mes 60 ans où sont présents tous
les deux, mon compagnon et mon frère. Lorsque je rêve de mon
frère, ce qui m’arrive parfois, je sais que j’ai simplement rêvé de mon
frère. Ce qui s’est passé ce matin-là était d’une autre tonalité et je me
suis réveillée avec la conviction qu’ils étaient venus. Et quelques
secondes plus tard, je me suis souvenue que nous étions le jour de
mon anniversaire. J’ai ressenti cela comme un très beau cadeau. »

Les VSCD ont eu lieu à des moments hautement significatifs. Pour son
frère : le jour de son anniversaire de naissance et le jour anniversaire de sa
disparition. Pour son compagnon : la veille et les jours suivant son décès
et presque quotidiennement dans les huit jours qui ont suivi. Depuis
trois ans, Agnès n’a plus perçu de manifestations. Néanmoins, les jours
anniversaires du départ de son frère qui remonte maintenant à onze ans,
Agnès a vécu des événements qu’elle qualifie de synchronicités, « un peu
comme un clin d’œil, sans que cela ne rentre dans la catégorie des
VSCD ».
Était-elle déçue, voire triste, quand elle s’est rendu compte que les
contacts avec son frère et son compagnon s’étaient arrêtés ? L’a-t-elle
ressenti comme une deuxième rupture de lien ?

« Non, a-t-elle répondu, je n’ai jamais ressenti de rupture de lien.


Les manifestations ont été un tel cadeau que je suis restée dans une
sensation de gratitude. Je sais que tout le monde ne reçoit pas de
signes, pour des raisons que l’on ne peut expliquer, j’ai eu cette
chance. »

A-t-elle l’espoir et le désir de vivre d’autres VSCD avec ces deux proches
décédés ou estime-t-elle avoir reçu tout le réconfort et l’assistance
nécessaires ?

« Bien sûr, j’aimerais en vivre d’autres, mais je n’en ressens plus le


même besoin impérieux. Ma recherche de “preuves” de la vie après la
mort s’est muée en une quête plus spirituelle, et ma vision de
l’existence s’est transformée. Par ailleurs, mon rôle au sein de
l’INREES m’amène presque quotidiennement à lire ou à entendre
des témoignages d’expériences extraordinaires. Je suis donc en
quelque sorte imprégnée par tout cela, comme si j’avais une sorte de
“rappel” permanent que la mort n’est qu’un passage, une transition
vers un autre plan. »

Je voulus savoir si Agnès était immédiatement convaincue de la réalité


de ces expériences ou si elle avait douté de ses propres perceptions à un
moment donné ?

« Je suis toujours dans le doute, a-t-elle rétorqué, et je suis très


vigilante quant à garder mes facultés de discernement. Simplement,
que ce soit pour le miroir brisé ou le sous-verre, les raisons
physiques de la brisure et de la chute sont objectivement
impossibles à expliquer. Depuis onze ans maintenant que j’ai un
regard particulièrement attentif sur ces phénomènes, je suis arrivée
au stade où même si je n’ai aucune certitude (je n’en aurai jamais,
d’ailleurs), je n’ai simplement quasiment plus de doute. »

Comme toute personne en deuil, Agnès a sans doute beaucoup pensé à


son frère et à son compagnon. Je lui ai demandé quelle était la différence
entre penser à eux, ce qui crée inévitablement une impression de lien, et
les VSCD qu’elle avait expérimentés ? Comment être sûre qu’il s’agissait
bien de manifestations venant des défunts, donc « de l’extérieur », et non
pas d’un vécu intérieur ?
« Le dialogue interne avec un être cher disparu est continu. Notre
psychisme est envahi par son image. Il n’y a que lorsque l’on se
retrouve dans une action quelconque que ce flot de pensées est
interrompu. Ce dialogue intérieur déclenche une détresse profonde.
À certains moments, la douleur est tellement aiguë que l’angoisse
submerge. On suffoque de douleur. À d’autres moments, le
désespoir nous terrasse. On peut alors avoir l’impression que le
proche disparu nous parle ou nous répond.
En revanche, les VSCD sont d’une tout autre nature. Ils
interviennent à un moment où l’on ne pense pas du tout au défunt,
au moment où l’on est occupé à autre chose. Parfois, lorsqu’ils
arrivent peu de temps après avoir pensé à lui, on peut les interpréter
comme une réponse : lorsque je décide de vider mon lave-vaisselle
cinq minutes après avoir regardé sur Internet les bouquets pour les
obsèques, les roses effacées sont comme une réponse, extraordinaire
dans sa pertinence, une indication que je dois faire un autre choix
qu’un cœur de roses. Certes, lorsque je trouve le miroir brisé, c’est
un jour spécial où j’ai demandé intérieurement à mon frère de me
faire un signe. Mais quand le soir j’ouvre le placard de ma salle de
bains, je n’y pense plus du tout. On parle de “VSCD symboliques”
dans ce cas, car ils prennent leur sens à un moment particulier. Je
n’aurais pas prêté attention au fait qu’un écran électrique descende
sans raison lors d’une de mes présentations professionnelles si cela
ne s’était pas produit le jour de l’anniversaire de mon frère. »

Effectivement, le cas du verre, par exemple, dont les roses se sont


effacées à un moment significatif serait considéré par d’autres comme
une simple coïncidence.
« Je suis d’accord avec vous, cette expérience n’est significative que
pour moi, tel un clin d’œil ou un cadeau personnel et intime. C’est
néanmoins une coïncidence tout à fait extraordinaire, car ce verre
avait déjà été lavé des centaines de fois par le lave-vaisselle. Le dessin
des roses n’était pas simplement atténué, mais totalement effacé. Les
autres verres de la même collection continuent à être lavés par le
lave-vaisselle depuis dix ans maintenant et sont toujours intacts.
Ce qui est typique des VSCD est la stupeur que l’on ressent. Telle
une évidence que l’on reçoit de plein fouet, au moment où l’on ne s’y
attend pas. Parmi tous les témoignages que j’ai pu entendre dans le
cadre de l’INREES, cette caractéristique est la plus forte. Certains
ont effectivement obtenu des signes après les avoir demandés,
beaucoup ont supplié d’en recevoir et n’en ont pas (encore) reçu.
Tout cela est très mystérieux et échappe à notre compréhension. La
seule chose qui permette un changement et une réorientation de son
point de vue, et par là même de sa vie, est l’expérience directe. On
peut établir un parallèle avec d’autres expériences extraordinaires.
Ceux qui ont vécu une expérience de mort imminente par exemple,
reviennent avec une conviction inébranlable que la mort n’est qu’un
passage vers une autre forme d’existence. Un VSCD est une
expérience directe, personnelle, qui s’impose comme une évidence :
“Mais bien sûr, c’est lui”, “Ça ne peut être qu’elle”. Ces expériences
sont puissantes et marquent les personnes de manière profonde et
durable. Depuis la création de l’INREES, il y a neuf ans, je lis
régulièrement des témoignages décrivant des vécus subjectifs de
contact avec un défunt et j’organise également des groupes
d’échange autour de ces expériences. Même s’il est essentiel d’être
vigilant quant au fait que tout est interprétable, certains signes sont
si troublants qu’il est impossible de les réduire à des simples
créations de l’imaginaire. De même qu’au sein du réseau des
professionnels de santé de l’INREES notre formation clinique nous
permet de différencier une manifestation pathologique d’une
expérience extraordinaire, je pense aujourd’hui être en mesure de
reconnaître un véritable VSCD. Ce qui m’intéresse en tant que
psychologue, c’est l’effet bénéfique que ces vécus ont sur les
personnes en deuil. Je suis bien placée pour en parler, j’ai pu en
bénéficier moi-même. »

Le partage d’un VSCD avec son entourage est problématique. La peur


du ridicule, la peur de ne pas être cru, la peur de passer pour une
personne un peu confuse ou dérangée peuvent empêcher les récepteurs
de partager leur vécu. Des réactions d’incrédulité, voire de scepticisme, de
la part de leurs proches peinent ces personnes déjà fragilisées par le deuil
et les font douter de leurs propres perceptions. J’ai demandé à Agnès si
elle avait fait cette même expérience et si les commentaires des uns et des
autres l’avaient fait douter à certains moments :

« Lorsque j’étais amenée à échanger avec des personnes très


imprégnées de la pensée matérialiste, convaincues qu’après la mort
rien n’existe, j’étais le plus souvent triste pour elles, notamment
lorsqu’il s’agissait de membres de ma famille vivant la même
souffrance que moi. J’avais beaucoup de peine qu’ils aient cette
impossibilité à accepter au moins un “peut-être”. J’ai néanmoins
toujours considéré que je devais partager mes vécus, sans chercher à
convaincre, et en laissant la liberté à mon interlocuteur de les garder
dans un coin de son esprit pour peut-être les réexaminer un jour. Il
ne sert à rien de vouloir faire changer l’autre de point de vue, surtout
dans un domaine aussi sensible. C’est pour cette raison que le mot
“partage” me semble plus approprié. Ne pas en parler du tout est à
mon sens dommage, car ces expériences peuvent être
extraordinairement réconfortantes pour celui qui les entend pour la
première fois. Si l’on est animé par cette simple intention – en parler
pour aider –, on ne risque pas d’être blessé par des réactions
sceptiques. »

À un certain moment, Agnès avait consulté quelques médiums pour


établir des contacts avec son frère et son compagnon disparus. Elle
commente la différence entre les deux types de contacts :

« L’impact des VSCD a été plus fort et significatif que les contacts
par l’intermédiaire des médiums que j’ai consultés dans les mois qui
ont suivi ces deux décès. Une séance avec un médium, que ce soit
lors d’une séance publique ou à l’occasion d’une consultation privée,
est généralement plus longue et détaillée qu’un VSCD. La force
émotionnelle du VSCD est liée au fait qu’il arrive par surprise, alors
que l’on ne s’y attend pas. Le VSCD est rapide, crée un effet de
sidération, comme si l’on ne pouvait y croire, puis de joie, car le
contact est direct. Il touche directement le cœur. Il n’y a ni
élaboration intellectuelle, ni analyse du phénomène. On le reçoit
comme une évidence. C’est après que peut s’installer le doute, parce
que nous sommes plutôt programmés à douter dans notre culture.
Néanmoins, je l’ai à chaque fois ressenti comme plus parlant et
réconfortant que les paroles d’un médium, même si les rencontres
avec des médiums ont aussi été très bénéfiques pour moi. »

Les VSCD prennent toute leur signification par le réconfort qu’ils


apportent aux endeuillés. Ont-ils aidé Agnès à surmonter la douleur
d’avoir perdu ces deux êtres chers ?

« Ils ne nous ont précédés que de quelque temps. Savoir que je les
retrouverai, ainsi que mon père parti il y a quatre ans et ma mère
décédée il y a peu, change ma vie. Avant le départ de mon frère, j’ai
pensé que je mourrais de douleur s’il devait disparaître. Des années
plus tard, lorsque j’ai perdu mon compagnon, j’ai constaté que
s’était installée en moi une sorte d’évidence qu’il avait simplement
changé de plan. Cela grâce à tout ce que j’avais vécu après la
disparition de mon frère (imbrication de mes recherches, de mes
expériences spirituelles, des rencontres avec des médiums et des
VSCD). »

Le travail de deuil est un processus. J’ai demandé à Agnès si les VSCD


qu’elle avait expérimentés avaient joué un rôle dans son déroulement.

« Oui, absolument. Le processus de deuil nous fait traverser


différentes phases : le déni, la colère, la culpabilité ou le besoin de
chercher un tiers responsable, la détresse, la dépression, une
souffrance infinie, pour arriver finalement à l’acceptation. Ces
phases ont été décrites dans la temporalité, mais on peut aussi
passer d’un état à un autre en quelques heures. “Accepter” est pour
moi différent d’une expression qui m’a toujours déplu : “faire son
deuil”. Je préfère parler de l’acceptation de la réalité. On sait bien
que la souffrance vient du refus de la nouvelle situation, du fait que
la vie que nous avons vécue et aimée ne reviendra jamais plus. On se
révolte contre ce qui s’est passé, “cela n’aurait pas dû arriver…” Les
enseignements spirituels nous apprennent à accepter “ce qui est”.
Cela est d’une autre nature que la résignation. Après la disparition
de mon frère lorsqu’un ami me demandait “Tu vas bien, la vie est
belle, tu es heureuse ?”, je trouvais cette question absolument
saugrenue et je répondais, intérieurement : “Je ne serai plus jamais
heureuse puisque j’ai perdu mon frère.” J’étais absolument convaincue de
cela. Des années plus tard, j’ai vécu des moments de grand bonheur.
Même si les raisons de ces moments de bonheur retrouvé sont sans
doute dues au fait que “la Vie est ainsi, elle est la plus forte”, j’ai
néanmoins la conviction que la profonde transformation qui s’est
opérée en moi, presque insidieusement, grâce aux VSCD, m’amène
aujourd’hui à être davantage dans la conscience que je vais mourir,
ce qui paradoxalement permet de profiter davantage de l’instant
présent. J’ai parfois un dialogue intérieur avec mon frère, mon
compagnon, mon père ou ma mère, de façon très naturelle, comme
une évidence. Ils continuent à vivre sur un autre plan, j’en ai l’intime
conviction. Pour cette raison, je n’ai plus besoin de lire sur ce thème,
je n’ai plus besoin de voir des médiums et je n’ai plus besoin de
signes. Lorsque je reçois des clins d’œil, quand des synchronicités
apparaissent, j’en suis évidemment très heureuse, mais cela ne m’est
plus nécessaire. »

Sans VSCD, est-ce que le processus de deuil aurait été plus long et sa
résolution plus laborieuse ? Qu’en pense Agnès ?
« Lorsque nos croyances nous conduisent à penser que nous ne
reverrons jamais ceux que nous aimons tant, qu’ils
ontdéfinitivement disparu, nous ne pouvons qu’être terrassés de
douleur. Cependant, il me semble essentiel de prendre conscience
que nos schémas de pensées sont des conditionnements que notre
intelligence nous permet de réexaminer. N’oublions pas que les
croyances appelées “cartésiennes” dans notre culture n’ont que
quelques centaines d’années d’existence en Occident et que la
probabilité que seul le néant nous attende après la mort n’est qu’une
hypothèse, et non un fait prouvé scientifiquement.
En parlant spécifiquement du chagrin lié au deuil, a-t-il été
atténué par les VSCD ? Il faut ajouter bien sûr que le chagrin du
deuil n’est jamais complètement clos, mais transformé et rendu
supportable si le processus de deuil a pu être mené à terme dans de
bonnes conditions. Le chagrin est transformé lorsque la réalité est
acceptée : nous ne reverrons plus dans cette vie l’être que nous
aimons plus que tout. J’ai ressenti la souffrance comme un
processus alchimique. La disparition de mon frère qui m’a fracassée
a eu comme conséquence que ma vie est devenue plus heureuse
ensuite, parce que j’ai appris à vivre dans le présent. Au début, le
processus était le suivant : je constatais que ma souffrance était
apaisée, je pensais “je viens de gagner quelque répit, fêtons cela”. Et je
faisais en sorte de profiter pleinement de l’instant présent.
Néanmoins, mon obsession était de “trouver des preuves” de la vie
après la mort. Tout ce que je lisais et écoutais était bénéfique, mais
insuffisant, car je n’en avais pas l’expérience directe. Le jour où j’ai
senti cette main sur mon front (il était évident pour moi que ce
n’était pas une création de mon esprit), le jour où une manifestation
spectaculaire (le miroir brisé) m’a été donnée, mes doutes se sont
réduits jusqu’à devenir quasiment inexistants. Je n’ai pas vécu une
transformation spectaculaire comme d’autres personnes. Cela s’est
fait lentement, presque sans que j’en aie conscience. Lorsque des
années plus tard, j’ai revécu le même traumatisme, la douleur était
identique et pourtant une sorte de tranquille évidence la côtoyait :
celui que j’aime est toujours là, simplement, je n’ai pas accès à ce
monde. »

Ayant vécu ces différentes expériences, est-ce qu’Agnès considère que


les VSCD sont une « preuve » qu’il existe une vie après la mort ?

« Les VSCD, tout comme d’autres expériences extraordinaires, par


exemple les expériences de mort imminente, permettent de renforcer
la conviction de la survie de la conscience. Les recherches dans ce
domaine s’intensifient, de plus en plus de scientifiques publient des
travaux consacrés à ce sujet. Les progrès de la médecine qui
permettent de ramener à la vie des personnes qui ont été en état de
mort clinique contribuent à multiplier les témoignages. L’ensemble
de ces expériences extraordinaires ou spirituelles va dans le sens de
la survie de la conscience. Personnellement, je ne parlerais pas de
“preuves”, en l’état actuel de nos connaissances. Cependant, la
pensée matérialiste qui affirme de façon péremptoire qu’il n’existe
rien après la mort ne s’appuie sur aucune preuve et puise son origine
dans des théories occidentales du XVIIe siècle. »

Pour terminer cette longue conversation, j’ai posé une dernière


question à Agnès : si nos proches survivent à la mort physique, cela
signifierait que nous tous allons connaître une existence au-delà de notre
condition incarnée. Est-ce cet élément entre tous qui donne sa force aux
VSCD, puisqu’il touche à l’essence même de notre condition humaine ?
« Je suis depuis de nombreuses années imprégnée par la phrase de
Teilhard de Chardin : “Nous ne sommes pas des êtres humains
vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels
vivant une expérience humaine.” Si nous envisageons notre vie sur
Terre dans cette optique, les événements prennent du sens, les
épreuves deviennent des leçons qui nous font grandir, les difficultés,
des opportunités. Je crois aujourd’hui que la mort du corps
physique n’est qu’un passage, une transition. On quitte simplement
une enveloppe temporaire que notre âme avait choisie pour une
expérience ponctuelle, après en avoir choisi d’autres dans le passé et
avant d’en choisir d’autres dans le futur. J’envisage de plus en plus
ma vie comme une expérience que ferait mon âme. Un peu comme
choisir un rôle et un scénario tel un acteur qui joue une pièce de
théâtre. Le problème est que nous aurions oublié cela, ce qui peut
nous propulser dans une totale incompréhension de ce que l’on vit,
telle une absurdité, un non-sens. Constater que la pensée
matérialiste n’est qu’une croyance et revenir aux enseignements des
peuples dits “primitifs”, et pourtant tellement plus évolués
spirituellement, fait que les événements sont interprétés
différemment.
Seule l’expérience directe peut nous conforter dans cette
intuition. Elle ne peut être un savoir livresque, théorique. Les VSCD
sont pour nombre d’entre nous, Occidentaux, le seul moyen de nous
faire douter de notre conditionnement matérialiste qui prétend tout
savoir et tout expliquer. Mon regard sur la vie s’est modifié, je vis les
épreuves avec un peu plus de détachement, avec parfois de
minuscules éclairs intuitifs que je suis – que nous sommes tous –
bien plus qu’un corps physique. J’ai aussi changé ma façon de vivre,
je ne suis plus dans l’action en permanence, j’ai de longues journées
contemplatives en communion avec la nature et je joue du piano,
ma manière à moi de méditer. »
41. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 77.
42. Ibid., loc. cit.
43. Communication personnelle, 2009.
44. HARALDSSON Erlendur, The Departed among the Living, op. cit., p. 113.
CHAPITRE 4

Les visions au moment du décès : un


VSCD particulier

« Ma mère souffrait d’un cancer, et ma sœur et moi l’avons


soignée à domicile. Deux jours avant son décès, elle était en train de
s’entretenir tout à fait normalement avec nous quand tout à coup
elle regarda le mur situé au pied de son lit et dit : “Faites un signe à
votre père, les filles, il nous fait un signe de la main en guise d’adieu”
(mon père était décédé six semaines plus tôt). Comme ma sœur et
moi avions déjà entendu parler de ce genre d’observations, nous
avons fait un signe de la main à notre père, bien que nous ne
puissions le voir, en disant “Au revoir, Papa”. Elle n’a rien ajouté,
puis a sombré dans le coma avant de mourir quelque temps plus
tard45. »
(Teresa Whichello)

Quelle est cette expérience ? Qu’est-ce que cette femme a vu si peu de


temps avant de mourir ? Il est probable qu’elle ait eu une « vision au
moment du décès ».
Les visions au moment du décès représentent une catégorie de VSCD
particulière puisque des personnes en fin de vie perçoivent des proches
décédés très peu de temps avant de mourir et communiquent
télépathiquement avec eux, tandis que les VSCD visuels que j’ai présentés
concernent les bien portants qui perçoivent des proches décédés.
L’objectif de ces deux types de VSCD n’est pas le même : les VSCD des
bien portants semblent servir à les réconforter, à les aider à accepter le
départ de l’être aimé et à mieux gérer leur deuil, tandis que les VSCD
visuels des personnes en fin de vie les libèrent de la peur de la mort, les
aident à accepter l’imminence de leur mort, et le rôle des proches décédés
perçus semble être de les accompagner vers « l’autre monde ».
Dans les chapitres précédents, j’ai présenté la typologie et les
conséquences des VSCD des bien portants, examinons maintenant les
visions des mourants.
J’utiliserai l’expression « visions au moment du décès », plutôt que
VSCD visuels, puisque le phénomène est connu sous cette dénomination.
Les visions au moment du décès :

– mettent en scène un proche décédé dont la mission semble consister


à amener la personne en fin de vie vers le monde spirituel ;
– sont immédiatement perçues comme réelles par les mourants ;
– provoquent un réconfort instantané ;
– libèrent aussitôt les mourants de la peur de mourir ;
– apportent sérénité et acceptation de la mort proche.

À l’instar des VSCD des bien portants, les visions mettent en scène des
conjoints/partenaires, parents ou amis significatifs des mourants avec qui ils
avaient entretenu des liens émotionnellement forts de leur vivant.
L’apparition peut être perçue comme étant entourée d’un halo de
lumière.
Parfois, seule une lumière est perçue – une lumière de connaissance –,
comme relaté par Pauline qui décrit l’expérience de sa mère la veille du
décès de celle-ci :

« Soudain, elle a levé les yeux vers la fenêtre et semblait la fixer


attentivement du regard… Elle se tourna subitement vers moi et dit :
“Je t’en prie, Pauline, n’aie jamais peur de mourir. J’ai vu une lumière
magnifique et j’étais en train de m’approcher d’elle…, c’était
tellement paisible que j’ai vraiment dû me forcer à revenir.” Le
lendemain, quand l’heure est arrivée de rentrer chez moi, j’ai dit : —
Au revoir, Maman, je te vois demain. Elle m’a regardé droit dans les
yeux et a dit : — Je ne suis pas inquiète pour demain et je ne veux pas
que tu le sois, promets-le moi. Malheureusement, elle est décédée le
lendemain matin… mais je savais qu’elle avait vu quelque chose la
veille qui l’avait réconfortée et l’avait mise en paix au moment où
elle a su qu’il ne lui restait plus que quelques heures à vivre46 ».

Occasionnellement, l’objet des visions représente une entité religieuse ou


mystique, façonnée selon l’appartenance religieuse du mourant.
Plus rarement, des visions d’environnements paradisiaques sont
rapportées, décrits comme des paysages terrestres sublimés, agrémentés
d’une végétation luxuriante aux couleurs inconnues, embellis par de
petits ruisseaux qui se faufilent en gazouillant dans un pré…, le tout
baigné dans une lumière d’une clarté et d’une splendeur indescriptibles.
La nature symbolique de ces visions, calquées sur le monde réel, ressort
du fait qu’elles sont parfois façonnées selon une préférence du mourant –
un alpiniste passionné décrira par exemple la vision d’une région de
montagne d’une beauté indicible.
Les personnes en fin de vie perçoivent toujours des proches décédés,
jamais des personnes vivantes. Cela semble évident. À première vue, on
s’attendrait à ce qu’une personne si proche de la mort voie son
partenaire, sa mère ou son meilleur ami décédés, mais ces visions ne
semblent pas correspondre simplement à un souhait du mourant
puisque dans certains cas, ils voient un proche dont le décès leur avait été
dissimulé pour leur éviter des émotions supplémentaires.
Un témoignage très complet, publié en 1926, illustre ce type
d’expérience.
Mme B., qui souffrait d’une sévère insuffisance cardiaque, était en
train d’accoucher dans un hôpital à Clapton en Angleterre. L’enfant a pu
être mis au monde sain et sauf, mais la mère était en train de mourir. Elle
observa une partie de la salle de l’hôpital qui était fortement éclairée et
dit en s’adressant à la chirurgienne obstétrique (la narratrice) :
« Oh, ne laissez pas l’obscurité s’installer, cela devient tellement
sombre… de plus en plus sombre.” On alla chercher son mari et sa
mère. Tout à coup, elle fixa un endroit de la salle avec attention, et
un sourire radieux illumina son visage. — Oh, c’est magnifique,
magnifique, dit-elle. — Qu’est-ce qui est magnifique ? j’ai demandé.
— Ce que je vois, répondit-elle à voix basse avec intensité. — Que
voyez-vous ? — Une lumière magnifique, des êtres merveilleux. Il
m’est difficile de décrire l’impression de réalité communiquée par
son intense absorption dans la vision.
Ensuite, pendant un instant, elle sembla fixer son attention plus
intensément sur un point précis et s’exclama, presque dans un cri
joyeux : “Tiens, c’est Père ! Il est tellement content que je vienne, il
est si heureux. Tout serait parfait si seulement W. [son mari] pouvait
aussi y aller.” On lui amena son bébé. Elle le regarda avec intérêt et
dit : “Vous pensez que je devrais rester pour le bien du bébé ?” En se
tournant à nouveau vers la vision, elle dit : “Je ne peux pas, je ne
peux pas rester. Si vous pouviez voir ce que je vois, vous
comprendriez que je ne peux pas rester.” Elle se tourna vers son mari
qui venait d’entrer dans la salle et dit : “Tu ne permettras pas que le
bébé soit confié à quelqu’un qui ne l’aime pas, n’est-ce pas ?” Puis,
elle l’écarta gentiment en disant : “Laisse-moi voir cette lumière
magnifique” […] »
L’infirmière-chef qui avait pris la place de la chirurgienne
obstétrique auprès de la mourante compléta le récit :
« J’ai pris la relève peu avant le décès de Mme B. qui était entourée
de son mari et de sa mère. Son mari était penché sur elle en train de
lui parler quand elle l’a poussé de côté en disant : “Ne le cache pas,
c’est si beau.” En lui tournant le dos et en s’adressant à moi – je me
trouvais de l’autre côté de son lit –, elle dit : “Oh, tiens, Vida est là !”
se référant à sa sœur dont le décès datant d’il y a trois semaines lui
avait été dissimulé.
Par la suite, sa mère, qui était présente lors de l’épisode, me dit,
comme déjà mentionné, que Vida était le nom de sa sœur défunte.
Mme B. n’avait pas été informée de la maladie et du décès de Vida.
Cette nouvelle lui avait été soigneusement cachée en raison de la
gravité de son état de santé47. »

Lors des visions, les personnes en fin de vie semblent bénéficier d’une
« double vision ». Ils semblent avoir accès en même temps à la réalité
physique et à une dimension spirituelle qu’ils voient en parallèle et
considèrent aussi réelle l’une que l’autre. Ils savent que les personnes
présentes dans la pièce ne peuvent ni voir ni entendre les apparitions, ce
qui implique qu’ils se trouvent dans un état de conscience différent des
bien portants. Ils savent précisément à qui ils s’adressent et mènent des
conversations parallèles, tout en rapportant les propos des entités aux
personnes présentes.
Ces visions sont habituellement courtes, ne durant que quelques
secondes, quelques minutes au plus. On notera le parallèle avec les VSCD
des bien portants qui sont également de très courte durée.
Les apparitions sont perçues souvent dans les minutes ou les heures
qui précèdent le décès. Fréquemment, leur mention – ou description –
constitue les dernières paroles du mourant (« Elle est venue ! Elle est là !
Elle est venue me chercher… »).
Toutefois, les apparitions sont parfois récurrentes et accompagnent la
personne en fin de vie tout au long du processus de mourir, pendant les
heures ou jours précédant le trépas.
Les infirmières Callanan et Kelley illustrent ce propos en rapportant
une conversation avec une femme en phase terminale qui commentait
l’apparition de proches décédés :
« Sont-ils là maintenant ?
— Non, ils sont partis il y a un petit moment, ils ne restent pas
tout le temps, ils arrivent et repartent48. »
Le neuropsychiatre Peter Fenwick, professeur britannique de
renommée internationale, enseignant au King’s College à Londres et au
Riken Neurosciences Institute au Japon, est un spécialiste des expériences
de mort imminente et des visions au moment du décès49. Dans l’ouvrage
The Art of Dying50 coécrit avec son épouse Elizabeth, il présente de
nombreux cas de visions au moment du décès et les analyse, en
examinant également les observations et ressentis du personnel soignant.
Le témoignage cité par Peter et Elizabeth Fenwick décrit l’expérience
des derniers jours d’une femme de 90 ans, relatée par la fille de la
mourante. L’activité cardiaque et le niveau d’oxygène de la patiente
étaient sous monitoring tout au long du processus de mourir :
« Pendant la durée d’une heure environ où [son petit-fils] était
avec elle, elle mentionnait occasionnellement qu’elle était consciente
que des gens veillaient sur elle, et qu’ils se trouvaient dans le jardin
entourant l’hôpital. Elle ne pouvait pas les décrire, car ils se
trouvaient derrière des buissons, mais elle savait qu’ils étaient là
pour l’aider au cas où “sa tête tomberait en avant”. Elle disait à mon
fils qu’elle voyait aussi “Papa” dans la chambre d’hôpital (c’est ainsi
qu’elle avait l’habitude d’appeler mon père) et que cela ne l’ennuyait
pas du tout. Mon fils regardait l’écran de contrôle et ne voyait
aucune fluctuation des valeurs physiologiques monitorées. Elle
continuait à lui parler tout à fait normalement.
Quand ma fille est arrivée, peu de temps après, elle a passé
également un très bon moment avec sa grand-mère. Les signes
vitaux de la patiente étaient stables, et quand elle mentionnait et
voyait “ces gens”, les niveaux cardiaque et d’oxygène ne variaient
aucunement. À ce moment, “les gens” se trouvaient dans sa
chambre, près de la partie intérieure des fenêtres. Elle était très
calme et expliquait qu’elle savait que ma fille ne pouvait pas les voir
– mais qu’elle comprendra “quand son heure viendra”. Elle saluait
calmement de la main “ces gens”, leur parlait et les présentait à ma
fille – comme s’ils étaient en train de lui parler. Ensuite, elle
poursuivit la conversation qui tournait autour de Noël et d’autres
aspects de la vie quotidienne. Une heure plus tard, j’ai rejoint ma
fille à l’hôpital, et nous nous sommes assises au chevet de ma mère
pour bavarder avec elle. Elle me parlait de ma vie, se souvenait
clairement de nombreuses situations et événements du passé. Elle
me parlait de mon avenir – souvent entrecoupé d’allusions à “ces
gens” qui se trouvaient maintenant au pied de son lit. Elle nous
informa qu’elle ne sera plus là le lendemain puisque “ces gens” la
“relèveront quand elle tombera et l’amèneront en voyage”. Nous
étions un peu effrayées par ses propos, mais elle était parfaitement à
l’aise […].
Vers 5 heures de l’après-midi, “ces gens” étaient assis sur son lit à
côté de sa petite-fille, et la patiente menait une conversation à trois.
Ensuite, elle a congédié sa petite-fille en lui conseillant d’aller
s’amuser puisque c’était le réveillon de Noël. Ma fille a quitté la
chambre d’hôpital, mais en fait elle m’attendait dans la voiture.
Je suis arrivée environ quarante-cinq minutes plus tard, et nous
sommes allées ensemble dans la chambre d’hôpital. Les rideaux
autour du lit étaient tirés. Nous avons consulté l’écran de contrôle
qui indiquait une tension artérielle vraiment très élevée et un niveau
d’oxygène d’environ 80 %. Nous sommes allées voir les infirmières
qui nous informèrent qu’elles étaient en train de nous téléphoner
puisque l’état de ma mère s’était fortement détérioré, probablement
en raison d’un infarctus, et qu’elles attendaient l’arrivée du médecin.
Nous sommes retournées au chevet de ma mère, et une infirmière a
pris sa main dans le but de la réveiller. Elle a ouvert les yeux – mais
elle ne semblait pas nous voir –, et a dit : “J’ai eu une vie
merveilleuse”, et elle a fermé les yeux. […] Elle s’est éteinte
paisiblement à 21 h 55 le soir du réveillon51. »

Ce témoignage est intéressant à plusieurs titres : il donne une


description peu courante du déplacement spatial des apparitions perçues
par la patiente, de la manière dont elle a vu « ces gens » s’approcher d’elle
en plusieurs étapes, jusqu’à finalement l’emporter ; aucune modification
de l’activité cardiaque ni du niveau d’oxygène ne s’est produite pendant
les visions ; elle communiquait tout à fait normalement avec sa famille
tout en menant une conversation avec ses visiteurs invisibles ; elle était
clairement consciente de la présence simultanée de deux réalités, capable
de faire la distinction entre les deux et informée du fait que les bien
portants n’ont pas accès à la dimension spirituelle ; apparemment, elle a
reçu des informations quant au moment de son décès (« Elle nous
informa qu’elle ne serait plus là le lendemain »). Cependant, le plus
important – le vécu intérieur de la patiente – ne ressort pas de ce
témoignage.
Plusieurs entités étaient présentes dans ce récit. Ce n’est pas
inhabituel. Plusieurs proches décédés peuvent être perçus simultanément
ou à tour de rôle. Dans quelques cas tout à fait exceptionnels, et
extraordinairement convaincants, d’autres personnes se trouvant dans la
pièce pouvaient également apercevoir l’apparition.
Quand le processus de mourir est déjà bien avancé, certains malades
n’ont plus l’usage de la parole et doivent utiliser d’autres formes de
communication. Leurs comportements et gestes peuvent laisser à penser
qu’ils ont eu une vision, même s’ils ne peuvent pas la partager. Certains
tendent les bras vers quelque chose ou quelqu’un, ou sourient à un
interlocuteur invisible, d’autres font un signe de la main ou hochent la
tête en signe d’acquiescement à des propos inaudibles pour l’entourage.
D’autres encore s’asseyent dans leur lit pour la première fois depuis des
semaines, leur force retrouvée, ou se lèvent même pour faire quelques pas
à la rencontre de quelqu’un ou de quelque chose avant de s’écrouler et
d’expirer. À l’instar du témoignage cité précédemment et selon les
témoignages du personnel soignant ou des proches qui étaient présents
au moment de la vision, ces apparitions seraient perceptibles dans l’espace
physique, puisque les mourants les suivent des yeux, leur tendent la main
quand elles s’approchent ou les détectent dans un endroit spécifique de
la pièce.
Voici un témoignage qui illustre une telle rencontre secrète :

« Il était sur le point de perdre conscience. Quand je l’ai regardé, il


était en train d’observer fixement quelque chose qui se trouvait
devant lui. Un sourire de reconnaissance s’est lentement répandu
sur son visage, comme s’il saluait quelqu’un. Puis, il s’est détendu,
l’air paisible, et il est mort52. »

Les visions – de proches défunts, d’entités religieuses ou mystiques ou


d’environnements paradisiaques – ne sont pas liées à l’expectative de la
mort. Elles peuvent se produire quand le patient est certes très malade,
mais ne semble pas être au seuil de la mort. Les visions peuvent parfois
également survenir chez des personnes apparemment en bonne santé qui
n’ont aucune raison de s’attendre à une mort proche comme illustré par
le témoignage à suivre :

« En rentrant de l’église, un dimanche soir, mon grand-père a dit


qu’il ne se sentait pas bien et il est allé se coucher. Quand ma grand-
mère lui a apporté une tasse de thé, il lui a dit qu’il venait de voir
“notre Mabel et notre Doris”, deux de leurs enfants morts dans leur
prime enfance. Mon grand-père est décédé cette nuit-là53. »

Dans le cas de cet homme, la vision n’était pas liée à une maladie
identifiée, ni surtout à l’expectative d’une mort imminente. On peut en
conclure que, pour ces cas de figure, les visions ne sont pas la conséquence
d’un état spécifique – une maladie en phase terminale et l’expectative de
la mort proche –, mais qu’elles précèdent et annoncent une mort que rien
ne laisse présager et qui interviendra dans les heures ou les jours à venir,
par exemple suite à un infarctus, un accident vasculaire cérébral, etc.
Certains témoignages suggèrent une interaction entre les mourants et
les êtres invisibles qui communiquent avec eux, notamment pour
négocier le moment du départ, impliquant qu’ils disposeraient d’une
certaine marge de manœuvre quant à l’heure de leur mort. Un homme,
averti de l’état désespéré de son père, s’est mis en route pour le rejoindre,
mais sa voiture est tombée en panne, retardant son arrivée. Sa sœur en a
informé leur père, et voici ce qui se produisit :

« Ma sœur a entendu Papa parler sur un ton très énervé avec


quelqu’un dans sa chambre. Craignant qu’un de ses enfants soit
entré dans sa chambre et l’ait dérangé, elle est allée voir ce qui se
passait. Seul Papa se trouvait dans la chambre, allongé dans son lit.
Ma sœur lui a demandé à qui il parlait. Il répondit “J’étais en train
de dire aux anges que je n’étais pas encore prêt à partir !” Il savait
que j’étais en chemin et il était déterminé à rester en vie jusqu’à mon
arrivée54. »

Les visions d’environnements paradisiaques sont rapportées beaucoup


plus rarement que les visions de proches disparus. Je pense notamment à
un garçon de 7 ou 8 ans qui était hospitalisé en phase terminale d’une
leucémie. Il était très angoissé et agité, d’autant plus que ses parents
devaient également s’occuper de leurs trois autres enfants et ne
pouvaient pas être toujours à ses côtés à l’hôpital. Un jour, il a eu une
vision d’un endroit qu’il appelait « le paradis » et qu’il a décrit à une
infirmière. Suite à cette vision, il est devenu très calme et même souriant
et il s’est éteint paisiblement peu de temps après55. Pourquoi a-t-il vu « le
paradis » plutôt qu’un proche disparu ? On peut supposer que pour un
enfant si jeune, les proches significatifs sont surtout – ou même
exclusivement – les personnes de son entourage proche : ses parents, ses
grands-parents, peut-être un oncle, une tante ou un ami de sa famille et,
bien sûr, ses frères et sœurs. Il est probable que ces personnes
significatives étaient toujours en vie, étant donné le jeune âge du garçon.
Ainsi, on pourrait imaginer que, n’ayant aucun proche décédé pouvant
endosser le rôle de « guide qui pouvait l’accompagner vers l’autre
monde », sa vision du « paradis » avait rempli une fonction analogue.
Quoi qu’il en soit, il y avait quelque chose dans cette vision qui l’a rassuré
et qui lui a permis de s’endormir pour toujours en douceur et en
confiance.
Certains disent avoir vu la conscience/l’esprit/l’âme quitter le corps
au moment du trépas. Comment peut-on imaginer cela ? L’observation
de « quelque chose » quittant le corps au moment du décès est en fait un
phénomène bien connu du personnel soignant, qui est parfois également
mentionné par les proches des défunts. L’élément commun de ces
descriptions par ailleurs variées consiste en la perception d’une forme ou
d’une ombre qui quitterait le corps par la bouche, par la poitrine ou par le
haut de la tête. Cette forme ou ombre – quelquefois également décrite
comme une vapeur, un nuage, une fumée blanche ou une brume –
planerait parfois un instant au-dessus du corps sans vie avant de s’élever
et de disparaître par le plafond. Ce phénomène n’est pas limité à une
simple perception d’une forme ou d’une ombre, mais prend sa
signification par les notions de lumière, d’amour, de paix, de réconfort et de
compassion associées à ce vécu. Une musique céleste est parfois entendue
pendant l’épisode. La vision est éphémère et n’est pas forcément perçue
par toutes les personnes présentes dans la pièce. Le moindre
dérangement – une personne qui parle ou qui entre dans la pièce – met
habituellement fin à la perception.
Peter et Elizabeth Fenwick rapportent un tel cas :

« Soudain, une lumière extrêmement brillante illumina la poitrine


de mon époux, et, au moment où elle s’élevait, j’ai entendu une
musique et des chants merveilleux. Ma propre poitrine semblait
remplie d’une joie infinie, et j’avais l’impression que mon cœur
s’élevait pour rejoindre cette lumière et cette musique. Tout à coup,
j’ai senti la main de l’infirmière sur mon épaule me disant : “Je suis
désolée, ma chère, il vient de décéder”. J’ai perdu le contact avec cette
lumière et cette musique et je me suis sentie infiniment perdue
d’avoir été interrompue56. »

« Ceux qui vivent cette expérience, commentent Peter et Elizabeth


Fenwick, surtout si elle est associée à une impression de lumière et
d’amour, se sentent énormément réconfortés. Ce sentiment perdure
pendant les jours qui suivent le décès et, plus important encore,
l’expérience reste un réconfort pendant de nombreuses d’années57. »

Quelle est l’expérience de cette femme ? Pourquoi a-t-elle eu


« l’impression que [son] cœur s’élevait pour rejoindre cette lumière et
cette musique » au moment d’apercevoir une lumière brillante illuminer
la poitrine de son mari mourant ? Aurait-elle partagé le vécu de son
époux au moment où il quittait son corps ? L’aurait-elle accompagné
dans ses tout premiers pas dans le monde spirituel ?
Quel est l’impact des visions sur les mourants ?

Imaginons un individu, agnostique ou athée, qui a rejeté, sa vie durant,


toute idée de survie de la conscience, convaincu que seuls la dissolution
et le néant seront au bout du chemin. À l’heure de sa mort, son père
décédé lui apparaît et lui parle. Il ne doute pas une seconde de la réalité
de cette apparition et lui répond avec naturel, bonheur et gratitude, tout
en décrivant l’apparition à son entourage. Cette réaction serait typique.
Voici un récit qui illustre ce propos :

« Je soignais une amie qui était convaincue qu’il n’y a pas de vie
après la mort. Dans les dernières heures de sa vie, elle est devenue
très paisible, et, en émergeant de temps en temps d’un état
inconscient, elle disait des phrases telles que “Bientôt, je saurai”,
“Allez, on y va, je suis prête à partir maintenant”, et “C’est si beau”.
Tout de suite après avoir prononcé ces paroles, elle perdit à nouveau
connaissance. Elle était très clairement contente, heureuse et en
paix. C’était une expérience magnifique pour son partenaire et pour
moi58. »

Comme pour les VSCD des bien portants, les mourants ne mettent pas
en doute la réalité de ces apparitions. Malgré leur diversité, leur système
de croyances personnel, leur histoire propre, ils leur accordent un sens
étonnamment homogène. Selon eux, le rôle des apparitions consiste à les
accueillir au seuil de la mort et à les guider vers le monde invisible. Avec
naturel et bonheur, ils accueillent ces apparitions et les décrivent à leur
entourage, conscients qu’eux seuls peuvent les percevoir. Ils ne sont ni
étonnés ni effrayés qu’un proche décédé leur apparaisse et leur parle et ils
expliquent l’intention de l’apparition en toute simplicité (« Tiens,
François est là, il est venu me chercher ! »).
Les visions au moment du décès ont une dimension spirituelle qui va
au-delà de la simple apparition fugace d’un proche décédé. Elles
engendrent un réconfort essentiel et une certitude qui balayent en
quelques secondes des appréhensions qui ont peut-être été présentes tout
au long d’une vie. Un transfert de connaissance semble se produire lors
de ces visions qui libère le mourant immédiatement et entièrement de la
peur de mourir. L’angoisse et l’agitation, souvent présentes dans le
processus de mourir, disparaissent instantanément. Une sérénité, voire
une joie anticipée s’emparent du mourant, qui auraient été impensables
quelques secondes auparavant. L’impact des visions est extrêmement
puissant, immédiat et libérateur. Il s’agit d’une transformation psychique
profonde. Suite aux visions, les personnes sont prêtes à mourir, prêtes à
partir pour un mystérieux voyage peut-être.
Le sociologue australien Allan Kellehear, professeur à l’université de
Bradford en Angleterre, a identifié les bénéfices majeurs des visions chez
les personnes en fin de vie sur la base d’une recherche entreprise en
Moldavie59. Le soutien : les mourants sont rassurés par le fait qu’un proche
significatif décédé les attende et leur apporte assistance. Le réconfort
ressenti par les mourants provient soit du fait qu’ils se rendent compte
que leurs proches décédés se portent bien et sont heureux dans l’au-delà,
soit parce qu’ils reçoivent des informations sur leur situation actuelle qui
les réconfortent. La compagnie continue des défunts est rapportée parfois.
Les mourants entretiennent des conversations fréquentes et prolongées
avec eux et se sentent ainsi moins seuls pendant les longues heures
d’agonie. La réunion : les défunts viennent chercher leurs proches pour les
accompagner vers leur nouvelle existence. Quelques propos rapportés
témoignent d’une certaine impatience de la part des défunts qui veulent
voir leurs proches les rejoindre au plus vite pour commencer une
nouvelle vie commune dans l’autre monde. Le pronostic : la seule vision de
proches décédés indique aux mourants que leur mort est proche et
inévitable. Parfois, un pronostic temporel leur est communiqué et une
négociation quant au moment du décès semble avoir lieu.
Kellehear conclut que les visions au moment du décès apportent une
contribution significative à la santé psychologique et au bien-être social
des mourants. « Les visions au moment du décès apportent effectivement
un réconfort, non pas de la manière générale et stéréotypée souvent
supposée par le passé – comme un phénomène qui fournirait
simplement quelques vagues images d’une après-vie supposée –, mais
bien plus spécifiquement en apportant des messages pratiques d’espoir,
de contrôle et de vie sociale à ceux confrontés à la fin de leur vie. Quelles
que soient nos conclusions quant au statut ontologique de ces visions,
les valeurs psychologique, sociale et pastorale de ces expériences semblent
être d’un bénéfice extraordinairement positif pour les mourants60. »
Très peu de témoignages rapportent une réaction négative à une
vision. Voici un cas présenté par Peter et Elizabeth Fenwick :

« Il y a douze ans, mon mari qui était malade depuis plusieurs


années est tombé et a dû être hospitalisé. Quand je suis allée lui
rendre visite un jour, il était désespéré, car il avait vu sa mère décédée
des années auparavant. Il m’a dit qu’elle lui avait parlé. J’ai demandé
ce qu’elle avait dit et il m’a répondu : “Elle a juste dit bonjour”, mais
d’une manière ou d’une autre, il savait que la venue de sa mère
signifiait qu’il allait mourir bientôt. J’ai essayé de le rassurer en
disant qu’elle était venue pour l’aider à guérir, mais j’avais déjà
entendu parler de ces apparitions et je crois en une vie après la mort.
Il est décédé, une semaine plus tard. Je suis convaincue qu’elle était
venue pour l’aider à “passer de l’autre côté”, mais lui avait accordé
un peu de temps supplémentaire avec sa famille61. »

Étant donné que la peur de la mort est si profondément ancrée dans


l’être humain et que l’envie de vivre est un instinct puissant, on pourrait
s’attendre à de nombreuses réactions négatives aux visions annonçant
une mort imminente, mais, autant que les témoignages disponibles
permettent de conclure, elles sont réellement une exception.
Notons par ailleurs que les visions au moment du décès ont beaucoup
de similitudes avec les expériences de mort imminente : la lumière qui
entoure l’apparition ou qui est perçue en arrière-fond, le sentiment de
paix et de sérénité, l’impression d’avoir pu entrapercevoir une autre
réalité, attirante et bienveillante, l’abolition immédiate de la peur de la
mort ainsi que la certitude absolue que la conscience survit à la mort
physique. Dans les deux types d’expérience, la notion d’une évolution
dynamique – d’un « voyage » – est centrale.
Les visions au moment du décès semblent être un phénomène
fréquent, puisque bien connu des infirmiers et infirmières. Les
statistiques sont cependant difficiles à établir étant donné que les
personnes décèdent peu après l’expérience. Pour connaître la fréquence
globale des visions, des études prospectives devront être menées dans les
services de soins palliatifs et les hôpitaux au moyen d’une interrogation
de routine du personnel soignant.
Dans la recherche précédemment mentionnée, entreprise en Moldavie
par le professeur Kellehear portant sur les observations de 102 décès,
36 % des mourants avaient eu une vision avant le décès62. Dans une
recherche antérieure menée par Kellehear à Kerala en Inde, comprenant
les observations de 104 décès, 30 % des mourants avaient eu une vision
avant de décéder63.
Une recherche menée par Christopher W. Kerr64, dans un
établissement de soins palliatifs situé à Cheektowaga dans l’État de New
York et portant sur des entretiens quotidiens menés avec 59 patients en
fin de vie conclut que 52 patients (88,1 %) expérimentèrent au moins une
vision ou un rêve dans la période examinée. Près de la moitié des
rêves/visions (45,3 %) se produisirent pendant le sommeil, 15,6 % en état
d’éveil et 39,1 % survinrent pendant le sommeil ou en état d’éveil. L’objet
des rêves/visions était des parents ou amis décédés (46 %), des parents ou
amis vivants (17 %) ou d’autres personnes (10 %). Les 27 % restants
concernait des événements significatifs de leur passé, des figures
religieuses, ainsi que des animaux – notamment de compagnie – décédés
ou vivants. 99 % des patients décrivent ces expériences comme étant
« réelles », indépendamment du fait qu’elles se soient passées pendant le
sommeil ou en état de veille65. Avec l’approche de la mort, la fréquence
des rêves/visions augmente. Il ressort de l’enquête que les patients
considérèrent ces expériences comme importantes sur le plan personnel
et les ressentirent comme émotionnellement significatives. Ils retirèrent
le plus grand réconfort des expériences impliquant des parents ou amis
décédés. Les chercheurs conclurent que « la peur de la mort des
personnes en fin de vie diminue souvent suite au rêve ou à la vision, et
leur conception de la mort se modifie. Ainsi, l’impact émotionnel est
fréquemment positif, réconfortant et, paradoxalement, porteur de vie ;
l’individu est en train de mourir physiquement, mais son identité
émotionnelle et spirituelle persiste comme illustré par les rêves/visions.
Or, les rêves/visions ne nient pas la mort, mais au contraire transcendent
l’expérience de mourir […]66. »
Les chiffres mentionnés dans ces enquêtes devront être corroborés ou
invalidés par des recherches subséquentes. Il faut également souligner
que les visions ne pourront être répertoriées que si les personnes en fin de
vie veulent bien les partager. Il se peut qu’un nombre important de
mourants aient des visions qu’ils gardent pour eux pour toutes sortes de
raisons ; le caractère intime du vécu pouvant être l’une d’entre elles.

Les visions se situent dans un contexte plus large

Les visions au moment du décès sont l’une des composantes


essentielles d’un concept élaboré par deux infirmières américaines :
Maggie Callanan et Patricia Kelley. Riches de leur longue expérience
professionnelle dans des centres de soins palliatifs et de prise en charge
palliative à domicile, elles ont constaté et examiné des comportements
récurrents de leurs patients. Après analyse des différents éléments, elles
ont forgé l’expression « conscience accrue à l’approche de la mort » qui
décrit un état de conscience spécifique inhérent à la proximité de la
mort67.
Les visions de proches décédés, parfois d’entités religieuses ou
mystiques, constituent l’élément principal de la conscience accrue à
l’approche de la mort. Plus rarement, des visions de paysages
paradisiaques sont rapportées.
Le besoin de réconciliation est une autre composante de cet état de
conscience élargie. Les besoins des mourants sont essentiellement d’ordre
relationnel. Ils se rendent compte qu’ils doivent régler les problèmes
relationnels qui les affectent, les culpabilisent et font souffrir toutes les
parties impliquées. Libérés des problèmes d’ego, ils mettent tout en
œuvre pour régler des conflits qui ont parfois pesé sur leur quotidien
pendant des années. Certains individus ont besoin de se mettre en paix
avec leur conscience sur le plan religieux et demandent assistance aux
représentants de leur religion.
Les conditions pour mourir en paix font également partie de cet état
de conscience spécifique associé à la proximité de la mort. Le dialogue est
primordial dans cette phase de la préparation à la mort. Aussi longtemps
que le sujet qui est omniprésent – l’imminence de la mort – est évité, le
mourant reste dans son isolement, dans son agitation, seul avec ses
questions, avec ses peurs peut-être. Une fois la réalité de la proximité de
la mort clairement exprimée et partagée avec l’entourage, même si le sujet
est douloureux et difficile, le mourant se sent moins seul et peut partager
avec ses proches des derniers échanges intenses et importants dans une
complicité retrouvée.
La prise de conscience de la proximité de la mort permet aux
personnes en fin de vie de savoir instinctivement que leur mort est
proche, même si leur état de santé ne laisse pas prévoir une fin
imminente. Cette certitude les saisit environ dans les dernières soixante-
douze heures. Ils semblent disposer d’une certaine marge pour contrôler
le déroulement du processus de mourir, par exemple en attendant un
proche qui arrive de l’étranger, en s’éteignant la veille du transfert tant
redouté en maison de retraite, en choisissant de partir au moment où les
proches viennent de quitter la chambre d’hôpital pour un court instant.
Les mourants utilisent souvent un langage symbolique pour annoncer
leur mort proche à leur entourage. Ils emploient des métaphores se
référant à un voyage imminent et la nécessité de trouver leur passeport,
de réserver un billet d’avion, de prendre le bateau, l’autobus, etc. Trop
souvent, ces paroles sont mises sur le compte de la confusion (qui peut
par ailleurs faire partie du processus de mourir) et ne sont ni prises au
sérieux ni comprises. Une occasion précieuse est alors perdue de parler
ensemble de la mort proche, d’échanger des paroles essentielles et
d’accompagner l’être aimé dans ce tout dernier bout de son chemin de
vie.
Mais en fait, comment faut-il interpréter cette métaphore de voyage ?
Ne s’agit-il vraiment que d’une métaphore ou faut-il prendre cette image
de manière plus littérale ? Voici ce que Peter et Elizabeth Fenwick en
pensent : « Est-ce qu’elles font référence à un voyage parce que les
personnes en fin de vie ne peuvent pas concevoir leur propre mort ? C’est
peu probable puisque les circonstances indiquent clairement que la mort
va arriver sous peu. Il semble plus probable que quelque chose dans les
visions qu’elles ont eues, le message transmis lors de ces visions, suggère
une continuité et non pas une finalité. C’est un message optimiste – qui
annonce non pas simplement la fin de la vie, mais la possibilité d’un
voyage qui s’ouvre devant elles. Il semble que ce soit l’anticipation de ce
voyage qui les attend qui convainque ceux qui ont une vision, tout
comme il convainc les individus qui ont vécu une expérience de mort
imminente – ils sont persuadés que la perspective de la mort n’est pas à
craindre68. »

Les visions au moment du décès – un phénomène


identifié depuis des siècles

Contrairement aux VSCD des bien portants, les visions au moment du


décès ont fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques au fil du
temps. Le phénomène est connu depuis des siècles déjà, quelques
témoignages remontent même à l’époque préchrétienne. On en trouve
des descriptions dans l’Évangile, dans de nombreuses légendes
folkloriques, ainsi que dans la littérature (par exemple dans les œuvres de
e
Shakespeare et Goethe). Au début du XX siècle, l’intérêt tant des
chercheurs que du public pour les phénomènes appelés « psychiques »
fut grand. La première étude systématique de ce phénomène fut menée
par le professeur de physique Sir William Barrett du Royal College of
Science de Dublin. En 1926, il publia les résultats de ses recherches dans
une publication intitulée “Deathbed Visions69” qui devint un ouvrage de
référence. Il conclut de ses recherches que les visions n’étaient pas
simplement un épiphénomène d’un cerveau agonisant, mais se
produisaient quand le mourant était lucide et rationnel. Par ailleurs, il
présentait plusieurs cas où le personnel médical ou des proches se
trouvant dans la pièce avaient pu partager les visions des patients,
comme illustré par le témoignage à suivre.
La narratrice, Emma Pearson, décrit la maladie et la mort de sa tante :
« Ma tante, Mlle Harriet Pearson, étant tombée gravement malade
à Brighton en novembre 1864, souhaitait rentrer dans sa maison à
Londres où elle et sa sœur (décédée quelques années auparavant)
avaient passé la majeure partie de leurs vies. J’ai pris les mesures
nécessaires pour la faire rapatrier.
Ses deux nièces (Mme Coppinger et Mme John Pearson), la
gouvernante Eliza Quinton et moi-même l’avons soignée.
Son état de santé empira. La nuit du 23 décembre, Mme John
Pearson était en train de la veiller tandis que Mme Coppinger et
moi-même nous nous reposions dans une chambre attenante, la
porte entrouverte permettant d’entendre tout bruit en provenance
de la chambre voisine. Aucune d’entre nous ne dormait. Soudain,
nous nous sommes redressées dans nos lits en voyant quelqu’un
passer devant la porte, enveloppé dans un vieux châle, portant une
perruque dont trois boucles de cheveux descendaient de chaque
côté, coiffé d’un vieux bonnet noir. Mme Coppinger s’écria : —
Emma, lève-toi, c’est la vieille tante Ann ! J’ai répondu : — En effet,
alors tante Harriet mourra aujourd’hui !
Alors que nous nous levions d’un bond, Mme John Pearson sortit
précipitamment de la chambre de tante Harriet en disant : — C’était
la vieille tante Ann. Où est-elle allée ? Pour la tranquilliser, je
répondis : — Peut-être Eliza est descendue pour voir comment se
porte sa vieille maîtresse. Mme Coppinger courut à l’étage et trouva
Eliza endormie. Chaque pièce fut fouillée, mais il n’y avait personne.
À ce jour, cette apparition n’a pu être expliquée, si ce n’est par
l’hypothèse que la vieille tante Ann était venue chercher sa sœur […].
Mlle Harriet est décédée le soir. Avant de mourir, elle nous a dit
qu’elle avait vu sa sœur qui était venue pour la chercher70. »

Des années plus tard, le professeur de psychologie islandais Erlendur


Haraldsson et le psychologue lettonien Karlis Osis ont étudié des
centaines de visions au moment du trépas, aux États-Unis et en Inde71.
Ces travaux autour de la conscience accrue à l’approche de la mort, tout
comme l’étude des expériences de mort imminente, s’inscrivent dans le
prolongement des travaux amorcés par Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre
américaine d’origine suisse et pionnière dans l’accompagnement de fin
de vie.
Beaucoup plus récemment, en 2006, ont été publiés les résultats d’un
projet pilote mené par le professeur Peter Fenwick et d’autres chercheurs
de l’institut de psychiatrie du Kings College à Londres, effectué auprès
d’une équipe de soins palliatifs du Camden Primary Care Trust. Les
conclusions indiquent que la mort est un processus de transition qui
peut être annoncé par différents phénomènes, dont les visions qui
réconfortent les mourants et les préparent spirituellement à la mort. Il
ressort du projet pilote que les patients rapportent régulièrement les
visions au moment du décès comme étant une partie intrinsèque du
processus de mourir dans lequel ils sont engagés et qu’ils étaient
généralement plus sereins quand ils étaient en compagnie de leurs
visiteurs secrets. Ces phénomènes sont bien plus vastes que la
traditionnelle image d’une apparition au pied du lit. Les conclusions du
projet pilote indiquent également que ces phénomènes, dont les visions,
ne sont pas provoqués par des pathologies ou des médicaments et que les
mourants préfèrent en parler aux infirmiers et infirmières plutôt qu’aux
médecins. Par ailleurs, les chercheurs supposent que les personnes en fin
de vie ne parlent pas forcément de leurs visions, par crainte de se
ridiculiser, d’inquiéter leurs proches ou encore par manque de
reconnaissance publique du phénomène72.

– Les visions au moment du décès constituent un type particulier de VSCD


visuels.
– Les visions de proches décédés ou plus rarement de figures religieuses ou
mystiques :

ç mettent en scène un proche décédé ou une figure religieuse/mystique


dont la mission semble consister à amener la personne en fin de vie vers
le monde spirituel ;
ç sont immédiatement perçues comme réelles par les mourants ;
ç provoquent un réconfort instantané ;
ç libèrent les mourants aussitôt de la peur de la mort ;
ç apportent sérénité et acceptation de la mort proche.

– Plus rarement, des visions de paysages paradisiaques sont rapportées.


– Les visions se situent dans un contexte plus large connu sous la
dénomination de « conscience accrue à l’approche de la mort » qui
englobe, outre les visions, le besoin de réconciliation, les conditions
pour mourir en paix ainsi que la prise de conscience de la proximité
de la mort.

45. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 31.
46. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 6.
47. BARRETT William, Deathbed Visions: How the Dead Talk to the Dying, White Crow Books, 2011,
p. 23-24. Édition originale : London, Methuen, 1926.
48. CALLANAN Maggie et KELLEY Patricia, Final Gifts: Understanding the Special Awareness, Needs, and
Communications of the Dying, op. cit, p. 88
49. Le professeur Peter Fenwick est le président de la Horizon Research Foundation, une
organisation qui encourage la recherche dans le domaine des expériences au seuil de la mort (end
of life experiences). Il est également le président de la branche britannique de l’Association
internationale pour l’étude des états proches de la mort (IANDS).
50. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit.
51. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 24-25.
52. Ibid., p. 29.
53. Ibid., p. 39.
54. Ibid., p. 27.
55. Communication personnelle, 2015.
56. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 10.
57. Ibid., loc. cit.
58. Ibid., p. 27.
59. KELLEHEAR Allan, POGONET Vadim et MINDRUTA-STRATAN Rodica, « Deathbed visions from the
Republic of Moldova: A Content Analysis of Family Observations », Omega–Journal of Death and
Dying, 64(4), p. 303-317, January 2011.
60. Ibid., p. 315.
61. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 41.
62. KELLEHEAR Allan, POGONET et Vadim MINDRUTA-STRATAN Rodica, « Deathbed visions from the
Republic of Moldova: A Content Analysis of Family Observations », art. cit., p. 308.
63. MUTHUMANA Sandhya P., KUMARI Meena et KELLEHEAR Allan, « Deathbed visions from India: A
Study of Family Observations in Northern Kerala », Omega: Journal of Death and Dying, 2010, 62(2),
p. 97.
64. KERR C. W., DONNELLY J. P. et WRIGHT S. T., « End-of-Life Dreams and Visions: A Longitudinal
Study of Hospice Patients’ Experiences », Journal of Palliative Medicine, 2014, 17(3), p. 296-303.
65. Ibid., p. 298.
66. KERR C. W., DONNELLY J. P. et WRIGHT S. T., « End-of-Life Dreams and Visions: A Longitudinal
Study of Hospice Patients Experiences », art. cit., p. 302.
67. CALLANAN Maggie, KELLEY Patricia, Final Gifts: Understanding the Special Awareness, Needs, and
Communications of the Dying, op. cit.
68. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 45.
69. BARRETT William, Deathbed Visions, London, Methuen, 1926.
70. BARRETT William, Deathbed Visions, op. cit., p. 37-38.
71. OSIS Karlis et HARALDSSON Erlendur, Ce qu’ils ont vu… au seuil de la mort, France Loisirs, 1984.
72. BRAYNE Sue, FARNHAM Chris et FENWICK Peter, « Deathbed phenomena and their effect on
palliative care team: A pilot study », American Journal of Hospice and Palliative Medicine, January
2006, 23(1), p. 17-24.
CHAPITRE 5

Conséquences des VSCD pour le


processus de deuil

Dans ce chapitre, nous allons parler du deuil. À quoi sert le VSCD,


cette expérience aussi courte et éphémère que puissante ? S’agit-il
uniquement d’un réconfort immédiat, d’une belle expérience qui
réchauffe leur cœur ou revêt-il une signification plus profonde, durable
et transformatrice ? Dans les pages à suivre, nous allons analyser plus en
détail l’impact de cette expérience sur le processus de deuil.
Nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage, les contacts post-mortem
sont des expériences généralement positives, emplies d’amour et de
sollicitude, qui atténuent le chagrin des endeuillés. Ils considèrent
l’événement comme réel, ajustent leur système de croyances en
conséquence et, dans le meilleur des cas, trouvent un nouveau sens à la
vie et à la mort. Ils interprètent les VSCD comme la preuve subjective que
la mort n’est qu’un passage et ne doit pas être crainte, et leur peur de leur
propre mort peut en être allégée. Les conseils des défunts de ne pas les
pleurer trop longtemps et de poursuivre leur vie en attendant d’être
réunis un jour sont d’une importance capitale pour le processus de deuil.
En cela, les VSCD sont thérapeutiques par nature, car ils répondent aux
besoins des endeuillés.
L’absence de VSCD en revanche peut être une vraie souffrance dans le
processus de deuil. De nombreux endeuillés souhaitent ardemment un
dernier contact avec l’être cher disparu, et pourtant, rien ne se passe.
Toutefois, je souligne avec force que l’absence de VSCD ne doit en aucun
cas être comprise comme un abandon de la part du défunt ni comme un
baromètre de la qualité et de l’intensité de l’amour qui unissait les deux
parties avant le décès. Nul ne sait pourquoi certaines personnes vivent un
VSCD et d’autres non. C’est l’un des mystères qui régissent nos vies et il
faut l’accepter comme tel.
Reste la solution de consulter un médium, bien sûr, mais une mise en
garde est nécessaire : les bons, les vrais médiums sont rares. Il y a pléthore
d’individus qui se prétendent dotés de dons médiumniques et qui
s’empresseront de dire à leurs clients en deuil exactement ce qu’ils
veulent entendre. Il n’y a pas de méthode pour détecter ces usurpateurs, à
part rester vigilant, ne révéler que le strict minimum de l’identité du
défunt, ne pas commenter les liens qui vous unissaient, garder son bon
sens et évaluer les propos du médium avec discernement. C’est difficile
quand la souffrance et la tristesse sont si grandes que l’on a envie, voire
besoin, de s’accrocher à tout ce qui soulage, à tout ce qui peut donner de
l’espoir.
Même quand on a la chance de pouvoir consulter un bon médium, il
faut quand même savoir gérer ces moments privilégiés, et notamment ne
pas en abuser. Le recours répété, voire frénétique, aux médiums peut
devenir addictif, donc malsain et contre-productif.
Stéphane Allix commente les propos de la médium Dominique Vallée
à ce sujet :

« Une consultation est susceptible d’ouvrir une petite porte, dit


Dominique, mais elle prévient aussi qu’en aucun cas il ne faut
imaginer que cette séance va régler la souffrance : la médiumnité
n’est pas un antidouleur magique. Dès lors, comme les autres
médiums que je connais, elle recommande de ne pas abuser des
consultations. Consulter tous les trois mois ne sert à rien. À l’inverse
même, l’attente est nécessaire pour laisser le temps à une nouvelle
relation de se reconstruire. Une autre relation intégrant l’absence.
Entretenir par l’intermédiaire d’un médium une relation artificielle
et inchangée avec le défunt, au prétexte que l’on peut communiquer
avec lui, n’est pas thérapeutique à moyen terme. Cela peut même
devenir un frein au mieux-être73. »

Le docteur Christophe Fauré, psychiatre français et spécialiste du deuil


très renommé, abonde dans ce sens :

« Un recours trop fréquent à des médiums peut aussi entraver le


processus de deuil dans sa deuxième étape. En effet, on reste bloqué
sur un lien extérieur à la personne disparue en devenant dépendant
émotionnellement des médiums chargés d’établir le “contact”, alors
que le processus de deuil invite à établir un lien intérieur avec elle.
On sait aujourd’hui que ces contacts volontaires répétés empêchent
les gens d’avancer psychologiquement, car ils restent fixés sur leur
identité du passé et sur le lien d’autrefois, alors que le processus de
deuil leur demande d’apprendre à vivre, au quotidien, sans la
présence réelle du défunt74. »

Ni les VSCD, ni les contacts avec les défunts établis par le biais d’un
médium ne permettent de faire l’économie du travail de deuil, ce parcours long
et douloureux, qui passe – dans le désordre et dans le désarroi – par le
déni, la colère, la dépression et la culpabilité pour finalement aboutir à
l’acceptation du départ définitif de l’être aimé. Une fois l’irrévocabilité du
départ physique du proche disparu comprise et acceptée, le moment est
venu de créer un nouveau lien intérieur avec lui, une nouvelle relation qui
perdurera et que rien ne pourra jamais briser. Fauré décrit ainsi cette
étape du travail de deuil :

« Ce travail est la garantie que vous ne perdrez pas à nouveau la


personne que vous aimez. Vous créez en effet les conditions pour
l’accueillir définitivement en vous, en ce lieu intérieur que plus rien
ne pourra remettre en question, par-delà les années. Elle sera là avec
vous à tout jamais. Le mot “deuil” fait peur, car on l’assimile de
façon erronée à l’oubli de la personne aimée. C’est faux, car c’est
tout l’inverse qui se passe ! Le travail de deuil n’aboutit pas à l’oubli,
bien au contraire, il garantit le non-oubli75. »

Les contacts avec les défunts, qu’ils soient spontanés ou sollicités,


s’inscrivent dans cette élaboration d’une nouvelle relation avec le défunt,
décrite ainsi par Fauré :

« On comprend, au fur et à mesure que le processus de deuil se


déroule, que la relation qu’on entretenait avec la personne disparue
ne s’est pas tout simplement interrompue, mais qu’elle continue à
évoluer, à un autre niveau 76. »

Ces contacts sont hautement bénéfiques et thérapeutiques à condition


que les endeuillés réussissent à faire la distinction claire entre le départ
physique définitif de l’être aimé – qui les oblige à réorganiser leur vie en
conséquence – et cette nouvelle relation intérieure qu’il s’agit de créer et
dans laquelle ces contacts s’inscrivent parfaitement. Si, en revanche, ces
contacts les maintiennent dans l’illusion que le proche disparu est
toujours là et que finalement rien n’a changé dans leur vie, alors c’est
problématique, car le processus de deuil peut être bloqué par le déni du
départ définitif de l’être aimé.
Par ailleurs, soulignons une fois encore que ces expériences – VSCD ou
contacts établis par le biais d’un médium – n’empêchent pas la tristesse de
s’installer, pour longtemps parfois, même si elles peuvent l’atténuer
quelque peu, la rendre plus douce.

Entretien avec Louis LaGrand

J’ai eu le plaisir de débattre de l’impact thérapeutique des VSCD avec


Louis LaGrand, l’un des spécialistes du deuil les plus renommés des
États-Unis. Il est professeur émérite à titre personnel à la State University
de New York et président fondateur de l’Hospice and Palliative Care of
the St. Lawrence Valley. Auteur de huit ouvrages et d’un grand nombre
d’articles, conférencier international, il donne également des ateliers de
soutien au deuil et de réduction du stress dans différentes institutions de
santé77.
Je lui ai demandé si, à son avis, les VSCD sont « réels » ou plutôt des
illusions, des hallucinations, des phénomènes autogénérés ou des
compensations inconscientes dues au chagrin du deuil.

« Ce qui compte vraiment, m’a-t-il répondu, c’est l’opinion de la


personne en deuil. Que j’y souscrive ou non n’a aucune
d’importance. Ce n’est pas moi qui ai vécu le VSCD, c’est l’endeuillé.
Qui suis-je pour juger si cette expérience s’est simplement produite
dans son esprit ? J’ajouterai cependant que, personnellement, je
pense que la majorité de ces expériences sont réelles et qu’un très
petit nombre seulement est dû au trauma ou au chagrin du deuil. »

Dans son ouvrage Gifts from the Unknown78 publié en 2001, il avait
estimé que 44 % ou 70 millions d’Américains auraient vécu un ou
plusieurs VSCD. Je me suis enquise si ces statistiques étaient toujours
d’actualité.

« Personne ne sait réellement combien de mes concitoyens ont


expérimenté un VSCD. J’ai avancé cette estimation sur la base
d’études que j’avais lues, mais j’ai la nette impression que le nombre
réel dépasse encore ces chiffres, car beaucoup de personnes en deuil
ne veulent pas partager leur vécu de peur d’être stigmatisées comme
des individus nécessitant une aide psychologique. »

LaGrand estime qu’approximativement 30 à 35 % de ses clients ont


vécu un VSCD. Comment utilise-t-il ces expériences dans son travail de
thérapeute du deuil ?

« Quand un client me raconte son VSCD, je commence


généralement par dire : “Vous avez reçu un cadeau.” Ensuite, nous
explorons ensemble les implications de cette expérience et
notamment comment l’utiliser au mieux pour le travail de deuil.
Parler de l’amour qui est ressenti au moment du VSCD et du fait
que l’amour ne meurt jamais est tout à fait approprié. Nous
utilisons l’expérience également comme focus pour recentrer
l’attention quand l’endeuillé est submergé de pensées négatives. Je
recommande à mes clients de se procurer ou de fabriquer un objet
symbolisant le VSCD qu’ils peuvent garder chez eux dans un endroit
de choix, afin de se souvenir toujours qu’ils ont eu le bonheur de
vivre cette expérience. »

Quel est l’élément qui rend les VSCD si convaincants pour les
endeuillés ? Est-ce l’impression que l’être aimé est toujours en vie, dans
un ailleurs que nous ne pouvons imaginer ? Est-ce la confirmation
subjective que le lien d’amour n’est pas brisé ? Ou est-ce la conviction,
préexistante ou nouvellement acquise, qu’il existe une vie après la mort…
pour le proche décédé, mais également pour eux-mêmes ?

« Je pense que tous les éléments que vous énumérez jouent un rôle
sur un plan individuel, selon les croyances des endeuillés et le type
de VSCD expérimenté. Pour certains, le lien d’amour est l’essentiel.
Pour d’autres, c’est la conviction de l’existence d’une vie après la
mort et du monde des esprits. En particulier, la prise de conscience
que l’endeuillé reverra l’être cher disparu constitue une aide
puissante pour s’adapter à l’absence physique du défunt. »

Comment décrirait-il l’effet thérapeutique des VSCD ?

« Dans l’ensemble, l’impact thérapeutique pour beaucoup – pas


pour tous – est immense. De nouveau, le contexte de vie de
l’endeuillé, les influences subies dans l’enfance, la conception de soi
et le système de croyances ont tous leur importance. Il en résulte une
nouvelle prise de conscience à des degrés divers et une nouvelle
façon de considérer la mort, la vie et la survie. »

Dans quelle mesure un VSCD facilite-t-il le processus de deuil ?


« Il est difficile d’affirmer catégoriquement qu’un endeuillé qui a
vécu un VSCD aura plus de facilité à gérer son deuil qu’un individu
qui n’en a pas eu. Nous sommes tous différents dans notre manière
de vivre un deuil puisque notre relation aux autres et notre
éducation sont uniques pour chacun d’entre nous. Il ne fait aucun
doute qu’une personne qui est convaincue de l’authenticité de son
VSCD acceptera la réalité de l’absence physique de l’être aimé
beaucoup plus facilement. C’est l’un des bénéfices principaux de
cette expérience pour le processus de deuil puisque l’acceptation de
la mort du proche en est l’objectif numéro un. Néanmoins, avec ou
sans VSCD, les endeuillés doivent faire le travail de deuil qui
comprend la mise en place de nouvelles routines au quotidien et
l’adaptation à des changements massifs qui doivent être affrontés.
Parfois, le VSCD est une motivation puissante pour grandir à travers
la perte de l’être cher et pour trouver un sens à ce décès. Cependant,
certains endeuillés qui n’ont pas expérimenté de VSCD sont
fortement motivés pour surmonter leur chagrin. C’est leur manière
de faire honneur au proche décédé, sachant qu’il ou elle aurait voulu
qu’ils continuent leur vie vaillamment. Certaines personnes voient la
mort comme une porte plutôt que comme un mur, ce qui leur
permet de gérer le chagrin de deuil de manière très saine.
Néanmoins, il est tout à fait possible que le fait d’avoir expérimenté
un VSCD fasse une différence dans certaines circonstances.
L’expérience aide certains à atteindre plus rapidement l’objectif
numéro un du processus de deuil : l’acceptation de la réalité de la
mort de l’être aimé. Mais cela ne signifie pas nécessairement que leur
tristesse sera moindre. »

Les VSCD n’empêchent pas la tristesse, c’est évident, les témoignages


présentés tout au long de cet ouvrage l’attestent très clairement. Pour le
thérapeute, quelle est la différence si ses clients ont ou n’ont pas vécu de
VSCD ?

« Je commence mon travail avec tous mes clients comme s’ils


n’avaient pas vécu de VSCD. Quand le dialogue s’installe, même si
les clients n’ont pas abordé le sujet, mais que j’ai l’impression
qu’une relation de confiance s’est établie, je demande si quelque
chose d’inhabituel s’est passé avec le défunt. Parfois, cela se passe
lors de la première consultation, parfois plus tard. Si les clients ont
effectivement expérimenté un VSDC, je sonde leur impression sur ce
qui s’est passé. J’observe les signes non verbaux émis par mes clients
quand ils me racontent leur vécu, ce qui m’aide à évaluer s’ils y
croient vraiment et à quel point l’expérience les a impactés. Si mon
évaluation est positive, je mets tout en œuvre pour les soutenir dans
leur conviction et pour trouver avec eux la meilleure manière
d’utiliser cette expérience. »

J’ai posé la question de savoir si le bénéfice du VSCD était immédiat ou


s’il évoluait et s’intensifiait au fil du temps.

« Si l’endeuillé pense que le VSCD était réellement un signe ou un


message de la part du proche décédé, les effets positifs sont
immédiats. La motivation, un sens du mystère accru et une plus
grande volonté de s’adapter à cette nouvelle vie sans la présence
physique de l’être aimé ne sont que quelques bénéfices parmi
beaucoup d’autres. Avec le passage du temps et lorsque des
renseignements sont pris sur des vécus similaires d’autres
personnes, l’expérience peut prendre un sens plus profond. Ces
nouvelles significations accordées au VSCD sont le résultat de
lectures, de discussions et d’opinions émises par d’autres. Il existe
un large éventail d’écrits qui thématisent les différentes expériences
des personnes en deuil. Au fil du temps, cette information contribue
à une meilleure compréhension et leur permet d’attribuer une plus
grande signification au VSCD expérimenté. »

Il se peut qu’il soit courant aux États-Unis de consulter un spécialiste


du deuil, mais tel n’est pas le cas en Europe. Dans nos latitudes, les gens
consultent surtout si le chagrin de deuil s’est transformé en dépression
qu’ils n’arrivent pas à surmonter. Les clients de LaGrand qui ont vécu un
VSCD peuvent en parler avec lui et bénéficier de ses conseils pour en tirer
le meilleur profit pour gérer leur deuil et pour intégrer cette expérience
dans leur vie, mais qu’en est-il des endeuillés qui ne peuvent bénéficier
d’une telle assistance professionnelle ? Quels conseils LaGrand pourrait-
il leur donner ?

« Je dis à mes clients qu’ils disposent de cinq cadeaux pour s’en


sortir après avoir subi n’importe quel type de perte : la connaissance,
la vérité, la sagesse, la rupture du mythe et la persévérance. La
catégorie de la connaissance comprend deux subdivisions : une
grande variété d’informations sur le deuil, et l’importance du
mystère dans nos vies, tout particulièrement pendant une période de
deuil. Nous parlons des VSCD que certains endeuillés ont eu le
privilège de vivre, nous évoquons les expériences de mort imminente
que tant de personnes ont expérimentées et nous commentons des
événements inexplicables qui se produisent tous les jours et peuvent
arriver à n’importe qui. Par exemple, qui peut expliquer comment
un chien peut retrouver le chemin du domicile de ses maîtres se
trouvant à des centaines, voire des milliers de kilomètres ? Et cela
même après une séparation de plusieurs mois ? Ce phénomène bien
connu est un mystère. Tout comme sont mystérieuses les
prémonitions et tant d’autres expériences humaines et animales
exceptionnelles. Se plonger dans le mystère et le rôle qu’il joue dans
le développement personnel est un sujet important pour tout le
monde. Pour ceux qui ont vécu un VSCD et ne souhaitent pas
solliciter une aide professionnelle, il est primordial de chercher
autant d’informations que possible sur cette expérience afin d’en
tirer un bénéfice maximal. Je leur recommanderais également de
chercher des personnes qui ont vécu un VSCD et de leur demander
comment ils ont intégré cette expérience dans le processus de deuil
et quelle signification ils lui ont accordée. Il est aussi très possible
que certains endeuillés pensent que le VSCD leur a été donné par
une puissance supérieure et que leur proche disparu est sauf et
heureux dans le monde spirituel. Eux n’ont pas besoin
d’informations supplémentaires. Leur système de croyances est
solide et leur fournit la signification nécessaire. Pour eux, la
survenue du VSCD était prévisible et n’a rien d’extraordinaire. »
Tous les récepteurs cités dans les pages précédentes étaient convaincus
de la réalité de leur VSCD, et la grande majorité d’entre eux n’a pas
changé d’avis, quelles qu’aient été les réactions de leur famille et de leurs
amis. Néanmoins, quelques-uns ont commencé à douter quand leur récit
a provoqué une réaction négative de la part de leurs proches. Ils étaient
confus et malheureux puisque quelque chose d’important leur a été
enlevé. J’ai demandé à LaGrand s’il était risqué de parler de ce type
d’expérience et quel conseil il avait l’habitude de donner à ses clients sur
ce point.

« C’est regrettable quand les récits de VSCD sont mis en doute et


accueillis avec défiance. Je conseillerais à mes clients de ne pas prêter
attention aux réactions négatives et de se tourner vers ceux qui les
soutiennent. Je leur recommanderais de ne plus aborder le sujet en
présence des personnes qui n’y croient pas, cela ne fait qu’augmenter
inutilement leur souffrance. Il est important de se protéger en
confiant ce vécu intime aux bonnes personnes – aux interlocuteurs
ouverts et bienveillants – et de savoir le garder pour soi quand les
conditions d’une réception favorable ne sont pas réunies. De
nouveau, chercher des gens qui ont vécu des expériences similaires et
échanger avec eux peut rétablir la signification et la force de ces
contacts. »

Certains individus expérimentent un seul VSCD, d’autres en vivent


plusieurs avec le même défunt. J’ai posé la question à LaGrand si ces
contacts peuvent devenir « addictifs ». En d’autres termes, est-ce que les
récepteurs espèrent et s’attendent à vivre de plus en plus de contacts ou
est-ce qu’une seule expérience est assez puissante pour apaiser le chagrin
et résoudre la majorité ou l’intégralité des questionnements liés au
deuil ?

« Une seule expérience peut certainement apaiser le chagrin des


personnes en deuil, mais il ne leur sera pas épargné de faire le travail
de deuil et de s’adapter à cette perte douloureuse. Pourtant, certains
veulent plus. Comme vous dites, ces contacts peuvent effectivement
devenir addictifs et provoquer une grande souffrance inutile si leur
vœu n’est pas exaucé. Nous ne savons pas pourquoi certaines
personnes expérimentent plusieurs VSCD et d’autres pas. Peut-être
sont-elles plus ouvertes à l’expérience ? De nouveau, un VSCD est
une expérience très individuelle. »

Le deuil est un processus complexe, et chaque individu le gère à sa


manière. Il existe néanmoins quelques étapes communes qui doivent être
franchies afin que le travail de deuil puisse être mené à son terme.
Comme évoqué précédemment, l’une de ces étapes importantes et
nécessaires consiste à accepter la réalité et l’irrévocabilité du départ de
l’être aimé. Il se peut qu’il continue à exister dans un « ailleurs » que nous
ne pouvons imaginer et encore moins comprendre, mais le fait est que
l’endeuillé doit continuer son chemin de vie sans cet être essentiel à ses
côtés. J’ai demandé à LaGrand s’il voyait un danger dans le fait que les
VSCD puissent empêcher les endeuillés d’accepter la réalité de la mort
(physique) de leur proche, ce qui pourrait entraver l’accomplissement de
cette étape essentielle qui doit être franchie pour mener le processus de
deuil à son terme.

« Il est certainement possible que ces expériences puissent


empêcher les endeuillés d’accepter l’irrévocabilité de la mort du
proche ou tout au moins de la retarder. Tout dépendra de la santé
mentale de la personne en deuil, du nombre de VSCD expérimentés
et également si elle était excessivement dépendante du défunt.
Cependant, dans mon expérience, les endeuillés considèrent
généralement les VSCD comme une aide pour accepter le décès,
pour honorer l’être aimé et pour grandir à travers l’expérience du
deuil. Mais, bien sûr, il y a toujours des exceptions à la règle. »

Nous savons que les VSCD ne se produisent pas en réponse à un


profond désespoir ni à un fort désir d’en expérimenter un, mais
surviennent de manière inattendue et spontanée. Ainsi, de nombreux
individus souhaitent ardemment un dernier contact avec leur proche
décédé qui pourtant ne se produit pas. C’est douloureux pour certains,
surtout s’ils pensent qu’ils ne méritent pas de connaître cette expérience
ou que leur proche décédé ne se préoccupe pas suffisamment d’eux pour
initier un tel contact. Le lien d’amour qui avait uni le récepteur et le
défunt semble effectivement être un élément important pour
l’occurrence de VSCD, mais peut-être pas déterminant. Cette crainte de
ne pas mériter un contact ou la déception de ne pas l’avoir expérimenté
pourraient-elles constituer un risque pour une gestion de deuil sereine ?

« Tout d’abord, personne ne sait pourquoi des millions de


personnes vivent des VSCD et des millions d’autres personnes ne les
vivent pas. Il y a beaucoup de spéculations, mais aucune réponse
définitive. Parmi ma clientèle, il y a un nombre d’individus qui
espéraient recevoir un signe ou un message et qui ne l’ont pas reçu.
Quand ils me demandent conseil, je leur recommande généralement
d’adresser des prières à une force supérieure ou aux défunts, en
fonction de leur système de croyances. Toutefois, qu’ils
expérimentent ou non un VSCD, ils doivent de toute façon
commencer à établir de nouvelles routines et une nouvelle relation
avec le défunt et apprendre à aimer en séparation. Ces
recommandations doivent être communiquées en douceur,
accompagnées de l’information qu’il est tout à fait possible qu’un
signe ou un message leur parvienne dans le futur et qu’ils ne doivent
pas perdre espoir. Les personnes en deuil ne reçoivent pas cette
expérience simplement parce qu’elles le désirent. Chacun d’entre
nous est un mystère, et la question de savoir qui vit ou ne vit pas un
VSCD est effectivement un autre mystère. »

Certains récepteurs sont effrayés par un vécu subjectif de contact avec


un défunt, surtout lors d’apparitions, même s’ils regrettent par la suite
leur réaction paniquée. J’ai posé la question à LaGrand de savoir si
certains de ses clients avaient vécu des VSCD effrayants et quelle aide
thérapeutique il avait pu leur proposer.

« D’après mon expérience, les VSCD de type “apparition” ne sont


pas aussi courants que les VSCD de “sentir la présence” du proche
décédé ou ceux se produisant pendant le sommeil. Pour les cas
d’apparitions qui font peur, j’examinerais le contexte de vie de
l’endeuillé afin de mettre à jour des peurs remontant à l’enfance et
d’en établir la cause. La plupart des peurs ont été apprises et peuvent
être désapprises. Dans le contexte de ce désapprentissage, je
thématiserais ces apparitions qui ont posé problème et je les
présenterais comme une preuve d’amour de la part du défunt,
comme une expérience qui doit être chérie. L’amour est une force
puissante qui est malheureusement peu utilisée comme stratégie
d’ajustement ou d’adaptation. Toutefois, bien que j’aie entendu
parler de quelques endeuillés qui avaient été effrayés par un VSCD,
je n’ai pas rencontré ce cas de figure parmi mes clients. »

Ma dernière question à Louis LaGrand était plus personnelle puisque


je lui ai demandé si les nombreuses années de travail avec des personnes
en deuil et le grand nombre de récits de VSCD entendus lors des
consultations avaient eu une quelconque influence sur son propre
système de croyances.

« Absolument, a-t-il rétorqué, c’est une certitude. Ma formation


scientifique m’a préparé à considérer ces expériences comme des
illusions, des coïncidences ou des hallucinations auditives ou
visuelles. Ma première rencontre avec les VSCD – qui eut lieu quand
un client me raconta son expérience – m’a amené à reconsidérer
complètement ma formation scientifique au moment où j’ai décidé
d’utiliser le potentiel de ces expériences pour aider les endeuillés. Au
fil du temps, les nombreux entretiens avec mes clients en deuil et les
discussions avec des collègues ont consolidé ma conviction qu’il
existe une vie après la mort et qu’un Dieu aimant décide qui
nécessite ou non ce genre d’aide. »

Dans la mesure où les clients de Louis LaGrand ont expérimenté des


VSCD avant ou au cours du travail thérapeutique, il les intègre dans le
processus de deuil en aidant les endeuillés à en retirer tous les bénéfices.
Cependant, il ne fait rien pour en provoquer la survenue.
Allan Botkin a décidé d’aller un pas plus loin…
Entretien avec Allan Botkin

Le docteur Allan Botkin est un psychologue clinique établi à


Lincolnshire, Illinois, aux États-Unis. Par pur hasard, il a découvert une
nouvelle thérapie qui est aujourd’hui connue sous l’appellation
« Communication induite après la mort » (CIAM), pratiquée au moyen
de l’EMDR79.
Allan Botkin a créé cette thérapie à l’époque où il recevait des vétérans
de la guerre du Vietnam dans son cabinet d’un hôpital de Chicago et où
il pratiquait l’EMDR pour traiter le syndrome de stress post-traumatique
(SSPT) dont ils souffraient. C’est ainsi qu’il a, par hasard, découvert la
Communication induite après la mort lors d’une séance de thérapie avec
Sam, l’un de ces vétérans, hanté par le souvenir d’une jeune
Vietnamienne qu’il n’avait pu sauver. Au cours de la séance, contre toute
attente, Sam eut une vision de l’esprit de la jeune fille qui lui dit que tout
allait bien et qu’elle était désormais en paix. Cette courte expérience a eu
un impact plus profond que des années de thérapie et lui a permis de
reprendre le cours de sa vie de manière beaucoup plus apaisée.
Depuis cette découverte fortuite en 1995, Allan Botkin a perfectionné
sa méthode de la Communication induite après la mort qu’il pratique
aujourd’hui dans son cabinet privé à Lincolnshire. Il reçoit surtout des
endeuillés et personnes souffrant de pertes traumatiques et a fondé le
Center for Grief and Traumatic Loss80 (Centre pour le deuil et les pertes
traumatiques). À ce jour, de nombreux thérapeutes ont été formés à cette
méthode sur le plan national et international. Son ouvrage
Communication induite après la mort : une thérapie révolutionnaire pour
communiquer avec les défunts81 décrit la mise au point de cette nouvelle
méthode fascinante qui est en train de prendre une place importante
dans le monde de la thérapie et du traitement du chagrin du deuil et des
traumatismes.
J’ai eu le privilège de m’entretenir avec Allan Botkin. Ma première
question portait sur la manière d’induire les VSCD.
« Pour apprendre la thérapie basée sur la Communication induite
après la mort, la thérapie CIAM, une journée de formation est
proposée à des thérapeutes licenciés qui ont déjà été formés à
l’EMDR », a-t-il précisé. « Sans pouvoir expliquer ici la procédure
dans son intégralité, je peux vous en décrire les grandes lignes. Les
communications après la mort sont induites par le moyen de la
technique de désensibilisation et reprogrammation par mouvement
des yeux, ou EMDR. Pendant le traitement avec l’EMDR, le patient
se concentre sur un aspect de son trauma tout en suivant des yeux le
mouvement droite-gauche du doigt du thérapeute. Le mouvement
des yeux met le cerveau dans un état de fonctionnement plus
performant, probablement proche du fonctionnement qui se
produit pendant le rêve ou pendant la phase de sommeil dite
“sommeil paradoxal” ou “sommeil avec mouvement oculaire rapide”
(MOR). Ceux qui sont familiers des effets de l’EMDR savent avec
quelle rapidité les patients peuvent ainsi traiter et réduire une
douleur émotionnelle écrasante.
En 1995, j’expérimentais avec quelques variations dans la
procédure EMDR standard quand j’ai découvert qu’une séquence
particulière de ces changements introduits par moi résultait
invariablement dans la survenue d’un VSCD chez mes patients. Au
premier abord, je pensais qu’ils avaient des hallucinations, mais il
devenait très vite évident qu’ils étaient soudainement guéris à un
degré que je croyais impossible.
De manière générale, dans la thérapie CIAM, le mouvement des
yeux est utilisé d’abord pour traiter rapidement ce qui est au cœur
du deuil – c’est-à-dire une profonde tristesse. Une fois la tristesse
réduite de façon importante, toutes les émotions y associées, telles
que la colère et la culpabilité, disparaissent tout simplement. Quand
cela se produit, les patients ressentent une forte sensation de calme
et de paix. À ce stade, une série de mouvements des yeux
supplémentaire produit généralement un VSCD. Je ne formule
aucune suggestion, les patients sont simplement invités à être
ouverts à tout ce qui peut se produire.
Parfois, mes clients rapportent que leurs proches décédés leur
avaient dit pendant l’expérience qu’ils avaient essayé depuis quelque
temps déjà d’entrer en contact avec eux – en vain. Apparemment, les
défunts nous ressentent comme existant à un niveau de vibration
bien plus bas. Quand nous sommes tristes, nous sommes perçus
comme encore plus lents dans nos vibrations. Quelques clients
racontent que les défunts les ont informés de leur difficulté à entrer
en contact avec les vivants. Cependant, quand les clients atteignent
un sentiment de paix après que leur tristesse a été traitée et éliminée
par la thérapie CIAM, alors leur vibration se situe à un niveau plus
élevé, et les défunts peuvent apparemment les contacter plus
facilement. Il s’agit peut-être tout simplement d’amener le défunt et
le vivant sur la même longueur d’onde. Nous savons que les VSCD
spontanés se produisent à l’improviste. Ils ne surviennent pas quand
les endeuillés sont submergés par le chagrin du deuil ou quand ils
désirent vivre une telle expérience. Le même principe est vrai pour la
thérapie CIAM. Nous traitons en premier la tristesse, puis nous
instruisons nos patients à être ouverts à tout ce qui peut se produire.
Nous ne pouvons ni produire, ni forcer l’expérience, mais nous
pouvons la laisser se réaliser.
D’ailleurs, l’EMDR est maintenant une forme de psychothérapie
courante, scientifiquement cautionnée et solidement ancrée dans les
neurosciences. En résumé, les mouvements des yeux conduisent le
cerveau à intégrer pleinement ses parties plus saines dans
l’expérience traumatique. Quand cela a lieu, la guérison se produit
naturellement.
La survenue d’un VSCD à la fin d’une séance de thérapie CIAM
accroît encore la guérison et résulte souvent dans un sentiment de
joie et l’impression réconfortante pour les patients que leurs proches
décédés sont encore à leurs côtés. »

J’ai voulu savoir dans quel but Botkin utilisait la thérapie CIAM dans
son travail actuel.
« Les thérapeutes qui travaillent avec la thérapie CIAM l’utilisent
pour traiter à la fois le trauma et le chagrin du deuil. Quand ils
traitent un trauma qui n’a pas son origine dans un décès, il n’y a
généralement pas de survenue de VSCD. Toutefois, l’attention
portée sur les émotions sous-jacentes résulte habituellement en une
résolution rapide du souvenir traumatique. Par exemple, j’ai travaillé
avec de nombreux vétérans de guerre et victimes d’abus sévères. La
thérapie CIAM fonctionne très bien pour toute la gamme de
chagrins, de la douleur traumatique jusqu’au chagrin du deuil
normal. L’ampleur de la perte ne fait aucune différence. »

Quel est le pourcentage des clients de Botkin qui expérimentent un


VSCD pendant les séances de thérapie ?

« Les thérapeutes formés à la thérapie CIAM, établis dans le


monde entier, rapportent qu’environ 75 % de leurs clients
expérimentent un VSCD, dans presque tous les cas en deux séances
seulement. Je suis heureux de vous dire que les thérapeutes formés
par mes soins y arrivent tout aussi facilement que moi-même. »

C’est un pourcentage important, supérieur aux VSCD spontanés.


Quand Botkin avait utilisé l’EMDR pour traiter des vétérans de guerre
souffrant du syndrome de stress post-traumatique, des VSCD se sont
produits spontanément. Maintenant, il utilise l’EMDR pour provoquer
des VSCD dans le but d’aider ses patients à gérer leur chagrin du deuil.
Ses patients actuels le consultent avec l’espoir et l’expectative de vivre un
VSCD. J’ai posé la question de savoir si les VSCD se produisent plus
souvent ou moins souvent dans le cadre actuel de son travail que quand
il traitait des vétérans de guerre qui ne s’attendaient absolument pas à
expérimenter un VSCD.
« En effet. À l’époque où je faisais des expérimentations en
introduisant des variations dans la procédure EMDR standard, j’ai
travaillé dans un hôpital pour vétérans de guerre souffrant du
syndrome de stress post-traumatique. Au début, 15 % seulement de
mes patients expérimentaient des VSCD, tous survenus de manière
spontanée et inattendue. J’ai réfléchi à ce que j’avais fait
différemment dans les cas où les VSCD s’étaient produits et j’ai
trouvé. Dès lors, j’ai systématiquement introduit cet unique
changement dans la procédure EMDR standard – avec l’intention
délibérée de provoquer un VSCD –, et le taux de réussite a bondi à
98 %.
Cependant, quand j’ai ouvert mon cabinet privé, le taux de
survenue de VSCD est tombé à 75 %. Il y a plusieurs raisons à cela,
l’une étant que la majorité de mes patients vétérans étaient
convaincus qu’ils ne vivraient pas de VSCD, car ils ne croyaient pas
en une vie après la mort. Bien sûr, ils changeaient généralement
d’avis au moment où le VSCD s’enclenchait. Depuis que j’ai ouvert
mon cabinet privé, je travaille avec des gens qui croient avec ferveur
en la survie. Quand on induit des VSCD, il est très important d’être
ouvert à tout ce qui peut se passer. Les personnes qui ne croient pas
en une vie après la mort ont tendance à être plus ouvertes, ou
réceptives, à tout ce qui peut se produire. En revanche, les gens qui
ont de fortes convictions sur la survie sont enclins à introduire leurs
propres croyances dans le déroulement de l’expérience. Dans ces cas,
les VSCD ne surviennent pas. Dans ce sens, les VSCD spontanés et
induits sont identiques. Nous ne pouvons provoquer ni les uns, ni
les autres. En plus, nous n’avons aucun contrôle sur ce qui va
arriver. Quand nous essayons de prendre le contrôle sur l’expérience,
elle s’estompe très vite. »

Y a-t-il une différence entre les VSCD spontanés et les VSCD induits ?
« Je me souviens de l’époque où mes patients ont commencé à
vivre des VSCD et où je ne comprenais pas de quoi ils parlaient. Un
peu plus tard, j’ai lu Des Nouvelles de l’au-delà écrit par les
Guggenheim. Je fus stupéfait de découvrir que ces expériences
n’étaient pas rares et que beaucoup de personnes les vivaient
spontanément. J’ai compris tout de suite que le contenu des VSCD
induits et spontanés était identique. J’étais convaincu qu’il s’agissait
du même phénomène.
Les VSCD induits ont deux avantages. Premièrement, une fois que
le patient en deuil a expérimenté un VSCD induit, il est
généralement assez facile et simple de réitérer l’expérience et de
l’élaborer plus en profondeur. Deuxièmement, avec la thérapie
CIAM, nous traitons d’abord la tristesse. Alors, quand le VSCD se
produit, il reste peu ou pas de tristesse capable de replonger le
patient dans le chagrin du deuil. Certains clients qui ont
expérimenté un VSCD spontané viennent me voir parce qu’ils
restent coincés jusqu’à un certain degré dans leur tristesse, malgré
l’expérience qu’ils ont vécue. Une fois cette tristesse complètement
évacuée, plus rien n’empêche les sentiments merveilleux associés aux
VSCD de se déployer.
Quand mon livre a été publié en 2005, je m’attendais à ce que les
chercheurs dans le domaine des VSCD spontanés soient les premiers
à se précipiter sur ma découverte. J’ai été extrêmement affligé quand
j’ai découvert que tel n’était pas le cas. Selon certains de ces
chercheurs, des VSCD authentiques ne peuvent se produire que
spontanément et par hasard. Cette position me semblait pourtant se
baser uniquement sur une simple question de définition. Il me
semblait évident que la Nature ne peut pas être réduite à cette
définition plutôt étroite. Il est bien clair que, quand nous
pratiquons la thérapie CIAM, nous n’induisons pas directement un
VSCD, nous ne faisons que provoquer un état de conscience
facilitant la survenue tout à fait naturelle, ou même spontanée, d’un
VSCD. De nouveau, quand la tristesse a pu être réduite et que les
patients ressentent un sentiment de paix, ils sont bien plus ouverts à
une survenue très naturelle d’un VSCD. Quelquefois, les défunts
nous ont communiqué que c’étaient eux qui contrôlaient
l’expérience, pas nous. Après avoir mené plusieurs milliers de
séances de thérapie CIAM, cela me semble parfaitement plausible. »

Selon la classification des Guggenheim, quels sont les types de VSCD


les plus fréquemment perçus par les clients de Botkin : voir une
apparition, ressentir une présence, entendre une voix, sentir
physiquement un contact, sentir une fragrance, etc. ?
« Probablement plus de la moitié des personnes qui ont
expérimenté un VSCD induit ont vu une image de leur proche
décédé. Ces images sont généralement associées à un message très
puissant. Ils disent par exemple : “Tu peux voir que je suis en bonne
santé, que je suis heureux, et je veux que tu le sois aussi.” Une image,
bien sûr, vaut souvent 10 000 mots. Certaines personnes
n’expérimentent qu’une communication verbale qui comprend
souvent un contact physique, par exemple, une étreinte. Beaucoup
d’individus vivent à la fois une communication visuelle et verbale.
Les communications verbales sont habituellement décrites comme
étant télépathiques, plutôt que d’entendre une voix. Presque tous les
VSCD sont associés à une modalité sensorielle et ne sont pas limités
au simple ressenti d’une présence. Sentir une présence lors d’une
séance de thérapie CIAM est généralement annonciateur de la
survenue d’une expérience plus sensorielle. »

Est-ce que les VSCD sont « réels » ou sont-ils des illusions ? Des
hallucinations ? Un phénomène autogénéré ? Des compensations
inconscientes dues au chagrin du deuil ? Qu’en pense Botkin ?
« En tant que psychologue soignant des personnes qui ont vécu
des traumatismes et des pertes inimaginables, mon objectif
principal est leur guérison. D’ailleurs, la thérapie CIAM fonctionne
tout aussi bien avec des croyants, des agnostiques et des athées.
Puisque les VSCD sont des expériences qui se produisent
naturellement, ce que l’on croit n’a aucune importance.
En plus, en tant que psychologue, il serait inapproprié d’imposer
mon opinion personnelle à mes patients. Je les laisse décider de
croire ce qui est le plus confortable pour eux. Bien sûr, presque tous
ceux qui ne croyaient pas dans une vie après la mort changent
rapidement d’avis quand leur VSCD commence à se dérouler.
Toutefois, il me semble évident que l’explication psychologique
(par exemple : fantasmes servant à satisfaire un désir ou un besoin)
et l’explication basée sur le fonctionnement cérébral sont tout
simplement inadéquates. L’hypothèse la plus cohérente avec les
données dont nous disposons consiste à dire qu’il existe réellement
une vie après la mort et que les défunts sont capables de
communiquer avec nous. Cependant, je n’affirmerai jamais que les
VSCD spontanés et induits prouvent l’existence d’une vie après la
mort. Une “preuve” est un concept mathématique et non pas
scientifique. En tant que scientifiques responsables, nous nous
basons sur les faits, quelles que soient nos croyances préexistantes.
C’est là où les sceptiques fondamentalistes ne sont pas à la hauteur,
puisqu’ils interprètent les faits à la seule lumière de leurs idées
préconçues.
J’ajouterai que les opinions des experts en la matière m’importent
peu. Les seules personnes qui peuvent prétendre à un avis éclairé
sont celles qui ont vécu elles-mêmes une expérience de mort
imminente, un VSCD spontané ou induit, ou une vision au moment
du décès. »

J’ai posé la question à Botkin de savoir quelles autres expériences


transpersonnelles devraient être incluses dans la discussion afin de nous
donner une compréhension plus vaste et globale des VSCD ?

« Il me semble assez évident que les EMI, les VSCD spontanés et


induits et les visions au moment du décès se ressemblent beaucoup
dans leur essence. Ils arrivent à des personnes avec différents
systèmes de croyances, vivant dans des cultures diverses. En plus, et
c’est peut-être le point le plus important, ces expériences se
produisent dans un large éventail de circonstances. Je pense que
l’ensemble de ces expériences fournit l’indice le plus puissant en
faveur de l’hypothèse de l’existence d’une vie après la mort. En tant
que psychologue possédant une bonne connaissance de la
perception et du fonctionnement du cerveau, il me semble très clair
que toutes les tentatives entreprises à ce jour pour réduire ces
expériences à de simples produits de mécanismes psychologiques ou
neurologiques sont très loin du compte. Aucun mécanisme connu à
ce jour ne peut expliquer les EMI, les VSCD spontanés et induits et
les visions au moment du décès. »
Comment expliquer qu’une perception qui ne dure que quelques
secondes, quelques minutes au plus, ait un impact si puissant sur les
gens ?
« Quand nous perdons un être aimé, nous ressentons un fort
sentiment de coupure, de déconnexion. Je pense que c’est ça, la cause
de notre profonde tristesse. Avec la thérapie CIAM, nous traitons et
réduisons en premier la tristesse. Ensuite, le VSCD induit établit un
fort sentiment de reconnexion qui diminue encore davantage la
sensation de coupure et la tristesse résiduelle. Le sentiment le plus
souvent associé à cette expérience est la joie.
En plus, les VSCD induits semblent se produire en dehors du
temps linéaire. Je vous donne un exemple. J’étais en train de
travailler avec un patient en utilisant les mouvements des yeux pour
induire un état de réceptivité. Il a fermé les yeux, puis les a rouverts
après environ trois secondes. D’abord, je me suis dit que la mise en
condition n’avait pas fonctionné, mais mon patient s’est mis à
raconter un VSCD très long et complexe. Quand j’ai demandé au
patient combien de temps il pensait avoir eu les yeux fermés, il m’a
répondu : “Deux ou trois minutes.” C’est évidemment similaire à la
revue de vie qui peut faire partie du déroulement d’une expérience
de mort imminente et pendant laquelle les gens pensent avoir revécu
chaque instant de toute leur vie, soit instantanément, soit dans un
temps très court. »

Botkin l’a dit, en tant que psychologue et dans le cadre de son travail
thérapeutique, il ne partage pas ses convictions personnelles avec ses
patients. Cela serait en effet à la fois peu professionnel et inapproprié.
Toutefois, en tant que personne privée et avec les milliers de VSCD qui se
sont produits pendant les sessions menées par ses soins, on peut
supposer que son système de croyances a été influencé par ces
événements. Qu’en dit-il ?
« Je pense l’avoir mentionné auparavant, ma préoccupation est la
guérison. Depuis vingt-cinq ans, je travaille avec des patients qui ont
vécu des horreurs inconcevables. Je dispose d’une thérapie qui guérit
ces gens en profondeur. C’est simple, ça marche avec tout le monde,
peu importent leurs croyances. Nous disposons maintenant de
travaux de recherche qui étayent cela. Bien que je comprenne que
l’existence d’une vie après la mort soit peut-être la question la plus
importante à laquelle nous sommes tous confrontés, je suis dans
une position différente. Vous sauriez ce que je veux dire si vous aviez
passé les vingt-cinq dernières années de votre vie à écouter des gens
qui souffrent suite à des pertes tragiques et à des traumas. C’est mon
job d’aider ces gens, c’est ce que je fais le mieux.
Lors d’une de mes conférences quelqu’un m’a demandé :
— Eh bien, Docteur, croyez-vous que ces expériences de l’au-delà
sont de véritables expériences spirituelles ?
J’ai répondu :
— Pourquoi me demandez-vous ça à moi ? Je ne suis qu’un
psychologue. Si vous voulez un avis réellement éclairé, vous devez
poser la question à une personne qui a vécu cette expérience. »

Je vous propose maintenant de découvrir des VSCD qui se sont


produits spontanément dans un autre contexte thérapeutique – lors de
sessions de respiration holotropique.

Entretien avec Vincent Liaudat

Vincent Liaudat est médecin psychiatre et psychothérapeute. En


parallèle à une formation universitaire en psychiatrie et en
psychothérapie, il a étudié la psychologie transpersonnelle en Suisse, en
France et aux États-Unis. Titulaire d’un diplôme de praticien en
respiration holotropique82, il travaille en cabinet privé à Lausanne, en
Suisse, après avoir œuvré plus de dix ans en institution psychiatrique
universitaire où il était chef de clinique et chargé de recherche.
Dans sa pratique de psychiatre, Liaudat utilise la respiration
holotropique. Je lui ai posé la question de savoir comme elle
fonctionnait, quel était le but de cette thérapie et quelles étaient les
attentes de ses patients. J’ai également voulu savoir dans quel contexte
pathologique il l’utilisait.
« Dans ma pratique, j’intègre des séances de respiration
holotropique au cours d’une psychothérapie, a-t-il répondu. Cela
veut dire qu’une partie des séances se déroulent en face-à-face, de
manière verbale, et que d’autres se déroulent en position couchée
avec modification de la respiration. La respiration holotropique est
un procédé qui vise à modifier l’amplitude et l’intensité respiratoire
dans le but d’obtenir une modification de l’état de conscience.
Certains états de conscience, que l’on pourrait qualifier de “non
ordinaires”, permettent d’accéder à des champs que l’on appelle
“transpersonnels”, c’est-à-dire qui sont considérés comme émanant
d’une partie de soi qui n’est pas régie par l’ego, l’ego étant vu comme
une fonction du psychisme qui régit le niveau personnel.
Les indications pour l’adjonction de séances de respiration
holotropique au cours d’une psychothérapie verbale sont multiples :
sensibilité propre du patient au champ transpersonnel, recherche
d’un plan d’intégration d’une expérience transpersonnelle préalable,
défocalisation de l’attention ordinaire, abord différent du champ
défensif, processus psychothérapique en berne, accès à
l’introspection cognitive limitée ou épuisée.
Dans le fond, c’est moins dans un champ pathologique que
l’indication de sessions holotropiques se pose, mais plus dans le
champ du processus psychothérapique.
L’attente majeure des patients auxquels j’ai proposé de telles
sessions est celle de découvrir le procédé et de rester ouverts. Il faut
savoir que la majorité des patients qui ont bénéficié de sessions
holotropiques en individuel à mon cabinet sont “naïfs” quant aux
inductions d’états de conscience modifiés. J’imagine alors que leurs
attentes dépendent éminemment de la manière dont je leur propose
le processus. »
Lors d’une séance de respiration holotropique, un événement
inhabituel s’est produit. J’ai demandé à Liaudat de décrire cet épisode.
« Pour la séance de respiration holotropique en question, une de
mes patientes a émis l’intention d’être en contact avec son frère
décédé récemment. Cette intention a été émise spontanément et
n’était pas une indication thérapeutique de ma part. Elle avait rêvé
de son frère la veille. Dans son rêve, elle est dans une pièce avec
d’autres proches (notamment sa cousine qui venait de décéder). Son
frère passe et dit qu’il va aller se reposer et il disparaît. La cousine se
retourne vers la patiente et lui dit que son frère est allé se reposer.
Pendant le processus de la respiration, la qualité de l’atmosphère
de la pièce a changé à un moment donné. Une quiétude est apparue
avec une impression que la vibration de l’air était devenue plus fine,
calme. La patiente était très sereine. Il y avait de la densité et en
même temps de la légèreté. Je me sentais serein, moi aussi, et mon
expérience intérieure m’indiquait qu’il y avait un contact avec une
énergie d’un défunt. »

Quelle a été la réaction de cette patiente ? Comment a-t-elle intégré


cette expérience ?
« La patiente était calme et très paisible à ce moment. Seul un
discret mouvement d’une main était perceptible. À la fin de la
session, j’ai dit que j’avais noté qu’elle avait eu un contact fort avec
son frère défunt. Elle fut étonnée de ma remarque. Elle ne
s’attendait pas à ce que son expérience soit perceptible à l’extérieur.
Elle a ensuite raconté son expérience de contact de manière simple
et détendue, comme si cela était naturel. Elle était rassurée d’avoir
eu un contact avec son frère. Il lui est apparu devant elle et lui a dit
qu’il allait bien et qu’il allait se reposer. Le mouvement de la main
était celui d’une main qui disait “au revoir”. Dès lors, la patiente
arrive à accepter le fait que son frère est décédé et arrive à en parler
autour d’elle. Cette expérience a aussi beaucoup favorisé l’alliance et
la confiance entre elle et moi.
Je pense que les personnes qui vivent une expérience de conscience
subtile, extraordinaire, ont besoin que leur thérapeute soit ouvert.
“Ouvert” ne signifie pas simplement accueillir cette expérience
comme une expérience propre à la personne, mais comme un
phénomène propre à la conscience humaine qui se manifeste dans
des contextes non pathologiques. Il peut y avoir un risque de rendre
pathologique un phénomène de conscience extraordinaire par le
thérapeute dont la culture professionnelle ne comprend pas l’étude
et la connaissance de ce champ particulier de l’âme humaine. »

Est-ce que le docteur Liaudat savait si sa patiente croyait en l’existence


d’une vie après la mort avant d’avoir vécu ce VSCD ?

« Pas de manière explicite. Elle a simplement mentionné faire des


prières chrétiennes et être ouverte à d’autres idées spirituelles. Plus
tard dans la thérapie, la patiente a mentionné avoir vu passer une
ombre devant elle juste avant le coup de téléphone annonciateur du
décès du frère. Visiblement, elle était sujette à des expériences
subtiles de conscience autour de la mort. »

Est-ce que le VSCD a modifié le système de croyances de la patiente ?


Quel est aujourd’hui son avis sur la question de la survie ?

« Tel est effectivement le cas. La prise en compte du (des)


contact(s) post-mortem a facilité l’intégration des messages qu’elle a
reçus et a permis une transformation plus générale au niveau
spirituel, avec notamment une nouvelle conception de la mort. Elle
a vécu un renforcement des liens intérieurs avec son frère perdu,
comme si une mort n’était pas une finitude, mais un passage pour
aller se reposer. Elle avait besoin d’obtenir un message de l’au-delà et
de savoir que là-bas, son frère était bien. »

Quel impact le VSCD a-t-il eu sur son chagrin dû au décès de son


frère ?
« La patiente a pu sortir du déni partiel du décès et faire état de
certains comportements vis-à-vis de son frère dont elle se sentait
coupable. Elle avait évité de parler avec lui du sujet de risque de
mort, alors que son frère le mentionnait. Elle a pu se rendre pour la
première fois sur la pierre tombale de son frère et rendre visite à sa
famille. Rassurée que son frère était en bon repos, elle a pu
abandonner l’inquiétude qu’elle avait pour son âme. Le chagrin s’est
amendé rapidement pour laisser place à un sentiment serein de
connexion habitée par des prières intérieures. »

J’ai posé la question de savoir si, à sa connaissance, d’autres patients


ont vécu des VSCD lors d’une séance de respiration holotropique ?
« Oui, mais je ne connais pas le nombre précis de cas dans la
pratique de la respiration holotropique en général. J’ai connaissance
de quelques cas sporadiques de VSCD en respiration holotropique
de groupe pour le cas de femmes ayant subi des interruptions de
grossesse. Elles ont pu intégrer et finaliser un processus de deuil en
rapport avec l’interruption de grossesse (volontaire ou non
volontaire), et ce, même à distance d’années.
Parmi ma clientèle, un autre cas de VSCD s’est produit, de
manière très similaire au cas cité plus haut. Au cours d’une
psychothérapie, à l’occasion d’une séance de respiration
holotropique, une autre patiente vit également une rencontre avec
l’âme de son frère décédé très récemment. Cette fois-ci, elle
mentionne en séance le fait qu’elle est en contact avec son frère. Là
aussi, la patiente décrit naturellement ce phénomène et ne met pas
en doute le fait que l’âme de son frère défunt se soit manifestée à
elle. Or, à mon cabinet, j’ai été témoin à deux reprises de VSCD. »

Ainsi, deux des patients du docteur Liaudat ont vécu un VSCD ou


une expérience similaire. Sur le nombre total de séances de
respiration holotropique menées dans le cadre de ses activités
thérapeutiques, c’est probablement un pourcentage infime ?
« Oui, effectivement, a-t-il confirmé. J’estime l’occurrence entre 1
et 2 % pour les sessions de respiration holotropique en individuel. »

Je me suis enquise de sa réaction à la survenue de ces VSCD. Était-il


étonné ? Connaissait-il le phénomène des VSCD au préalable ?

« Je connaissais ce phénomène, à la fois par le récit de personnes


autour de moi et dans mon cabinet. De plus, je connais le livre
d’Allan Botkin. En soi, je n’étais pas étonné par le phénomène. J’ai
été plus surpris de la répétition du VSCD, deux fois de suite, d’abord
en rêve puis en respiration holotropique chez la patiente
mentionnée préalablement83. J’ai aussi été frappé de la manière très
naturelle que la patiente a manifestée pour intégrer cette
expérience. »

Comment a-t-il intégré la survenue inattendue de VSCD dans les


séances thérapeutiques de ces deux patientes ? Est-il concevable pour lui
d’utiliser la respiration holotropique dans le but d’alléger le chagrin du
deuil de ses patients ? En parle-t-il avec ceux qui viennent de perdre un
être cher ou est-ce que ce cas de figure ne s’est pas produit ?

« L’intégration des VSCD s’est faite au cours de la psychothérapie,


les séances de respiration étant incluses dans ce processus. Je pense
que l’ouverture du psychothérapeute à l’existence de ce phénomène
est importante, non seulement dans le sens de l’accueil de la
personne dans son expérience, mais aussi dans le sens de soutien et
pour donner corps à une certaine réalité de ces phénomènes de
conscience subtils. Je serais enclin à proposer ce type de
psychothérapie à d’autres personnes endeuillées, mais le cas de
figure ne s’est pas présenté pour l’instant. »

Le docteur Liaudat l’a mentionné, il connaît la thérapie CIAM mise au


point par Allan Botkin. Les premiers VSCD ainsi survenus se sont
produits complètement par hasard, tout comme c’était le cas pour les
patientes de Liaudat. Est-ce qu’il souscrit à l’hypothèse que les VSCD
sont un phénomène naturel pouvant se produire dans différents
contextes (spontanément, par channeling, etc.) et que les moyens utilisés –
dans notre cas l’EMDR ou la respiration holotropique – ne sont que des
« déclencheurs » ?
« Je pense que les VSCD peuvent se produire dans différents
contextes. Là, dans mon expérience professionnelle, je parle de
contacts subjectifs avec des défunts proches et je pense que ce
phénomène est naturel. Il existe de nombreux types de contacts
entre deux êtres humains qui vivent une forte connexion (spirituelle,
amoureuse, sexuelle, de transmission). Par-delà les océans, certaines
personnes peuvent percevoir ce qui se passe, par moments, pour
l’être cher, surtout si celui-ci vit une expérience intense. Ces
phénomènes sont souvent interprétés comme de l’intuition et
considérés comme naturels. Je pense que les VSCD font partie de ce
registre d’expériences humaines.
Le channeling est un autre cas de figure, puisque le médium ne
connaît pas la personne défunte. C’est un phénomène qui tend à
montrer que le défunt se manifeste, dans ce cas, plutôt “de
l’extérieur”. »

Est-ce que cela signifie que Liaudat considère les VSCD directs et
spontanés – sans l’intermédiaire d’un médium – plutôt comme étant des
manifestations « intérieures », générées par le psychisme, qui ne
proviendraient donc pas des défunts ?
« Non, pas forcément. Un contact subjectif avec un défunt sans
l’intermédiaire d’un médium peut provenir d’une source
psychologique ou énergétique du cœur de la personne endeuillée,
mais peut aussi provenir d’une source extérieure. Il est pour moi
difficile de savoir dans quelle mesure joue l’influence intérieure ou
extérieure du phénomène. Dans les deux cas manifestés à mon
cabinet, j’aurais tendance à dire que dans l’expérience de ma
première patiente, le phénomène était de source essentiellement
extérieure. Cela en raison du changement palpable de l’atmosphère.
Dans le deuxième cas, le changement était aussi au niveau
vibratoire, mais plus centré autour de la patiente, plutôt que dans
l’ensemble de la pièce. Je pense que cette expérience était
probablement plus sous l’influence d’une source intérieure.
Toutefois, les deux patientes ont vécu un contact avec un défunt et
non une rêverie ou une projection intérieure.
J’ai bien conscience, en vous répondant, que mes arguments ne
sont que des intuitions et qu’il est très difficile, lors de phénomènes
de consciences subtils, de savoir où sont les sources des
phénomènes. Évidemment, cela vient toucher au cœur de la
conception que nous avons du monde.
Je sais aussi que certaines personnes qui vivent un VSCD reçoivent
des messages dont ils n’ont pas connaissance, messages qui se
vérifient par la suite. Ces cas-là se rapprochent des cas de contact
avec un défunt par les médiums. »

Est-ce que l’hypnose pourrait être un autre moyen de déclencher un


VSCD ? Qu’en pense Liaudat ?

« Je pense que cela va dépendre de la technique d’hypnose utilisée


et de l’hypnothérapeute. Une expérience en état de conscience
modifié dépend de quatre facteurs : la technique utilisée, le type de
contexte dans lequel se déroule la séance, la qualité et l’expérience
du thérapeute, et l’état du patient (ses ressources, ses défenses). Je
pense aussi qu’une séance de respiration holotropique n’induit pas
seulement ce que l’on appelle “un état holotropique”, mais d’autres
états apparentés qui sont parfois plus susceptibles de se manifester
avec d’autres techniques. En ce sens, j’imagine volontiers que les
VSCD émergent aussi sous hypnose. Je pense que le pouvoir de
guérison et de soulagement naturel en l’être humain est doué de
créativité et de bon sens. En cela, il ne se manifeste pas forcément de
manière linéaire ou attendue pour une technique de thérapie
donnée. »

Enfin, j’ai posé la question de l’authenticité au docteur Liaudat.


Estime-t-il que les VSCD sont « réels » ou que ce sont plutôt des
illusions ? Des hallucinations ? Des phénomènes autogénérés ? Des
compensations inconscientes dues au chagrin du deuil ? Sa réponse était
prudente :

« Pour ma part, je suis enclin à faire l’hypothèse que les deux


options, par rapport à l’origine du phénomène VSCD, sont
possibles. Dans certains cas, le phénomène est émergence de
matériel psychologique, soit généré directement par la personne.
Dans d’autres cas, je pense que le VSCD est une expérience de
connexion avec le champ de conscience du défunt. Toutefois, toute
expérience intime se manifeste au sein de la conscience de la
personne, elle est donc teintée par la personne elle-même, même si
un champ extérieur vient se manifester avec une certaine autonomie.
Il est parfois difficile de savoir si la source du phénomène est dans
un champ extérieur ou intérieur premièrement. Peut-être qu’il s’agit
aussi d’un gradient et que chaque expérience est le résultat d’une
combinaison d’une influence intérieure et extérieure avec parfois
une influence moindre, voire nulle, de l’intérieur ou de l’extérieur.
Par exemple, un médium canalisant un message d’un défunt pour
un proche, message portant sur un élément inconnu du proche, est
une expérience surtout influencée par l’extérieur. »

Ma dernière question au docteur Liaudat était d’ordre plus personnel.


Je lui ai demandé si la survenue de VSCD chez ses deux patients avait eu
un quelconque impact sur son système de croyances ?

« Ces accompagnements thérapeutiques avec VSCD ont en effet


modifié mes croyances et mon expérience thérapeutique. Ma
pratique, qui peut inclure un travail dans les champs
psychospirituels, m’avait déjà montré le potentiel important que
peut offrir l’inclusion du champ transpersonnel. Avec les VSCD, j’ai
été étonné de l’impact thérapeutique fort et immédiat. Je pense que
les expériences de VSCD viennent directement toucher et parler au
cœur. Et le cœur est un puissant centre intégrateur et libérateur. »
73. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, Paris, Albin Michel, 2015,
p. 90.
74. FAURÉ Christophe, Vivre le deuil au jour le jour, Paris, Albin Michel, 2012, p. 73-74.
75. Ibid., p. 25.
76. Ibid., p. 134.
77. www.extraordinarygriefexperiences.com.
78. LAGRAND Louis E., Gifts from the Unknown, op. cit., p. XVI.
79. Désensibilisation et reprogrammation par mouvement des yeux, technique développée par la
thérapeute comportementale américaine Francine Shapiro en 1987.
80. www.induced-adc.com.
81. BOTKIN Allan, Communication induite après la mort : une thérapie révolutionnaire pour communiquer
avec les défunts, préfacé par Raymond MOODY, Frédéric ROSENFELD, Olivier CHAMBON, Paris, Guy
Trédaniel éditeur, 2014, (édition américaine : Induced After-Death Communication: A new therapy for
healing grief and trauma, Charlottesville, VA, Hampton Roads Publishing Co., 2005).
82. Méthode d’exploration de soi et d’expansion de la conscience, le travail de respiration
holotropique (TRH) utilise la puissance de la respiration et de la musique pour franchir les
barrières habituelles de la perception. Il provoquerait l’entrée dans un état de conscience altéré
permettant à l’esprit de changer de mode de fonctionnement. Selon le Dr Stanislav Grof, le
psychiatre à l’origine de cette méthode, le simple fait de se retrouver dans cet état altéré susciterait
une activité thérapeutique spontanée.
83. LIAUDAT Vincent F., « From Head Trauma to Contact with Dead », Integral Transpersonal
Journal, 5 avril 2014, p. 96-105.
CHAPITRE 6

Réflexion sur la dimension sociale du


deuil et de la mort, ici et ailleurs

La mort est un sujet tabou dans les sociétés occidentales, un thème qui
jette le froid quand il est évoqué lors d’une soirée entre amis. Pourquoi ?
Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est pourtant un sujet qui
concerne 100 % des êtres humains, l’unique événement commun qui
nous attend tous au bout du chemin.
Il est vrai que nombre d’entre nous avons notre propre expérience de la
mort, ayant perdu qui ses grands-parents, qui un ami ou un frère, une
compagne peut-être. Plus nous avançons en âge et plus les décès dans
notre entourage se multiplient, par la force des choses. Cependant, nous
ne bénéficions que d’expériences ponctuelles, si toutefois nous avons
assisté au décès, ce qui n’est de loin pas toujours le cas, mais nous
manquons d’une information plus complète. Chaque mort est différente,
précieuse dans son unicité, triste ou effrayante à observer aussi parfois,
en apparence au moins. Kenneth Ring, professeur de psychologie émérite
de l’université du Connecticut, États-Unis, et pionnier de la recherche sur
les expériences de mort imminente, s’est prononcé sur le vécu intérieur et
l’observation extérieure du processus de mourir en se basant sur les
innombrables témoignages d’EMI récoltés et analysés sur des dizaines
d’années.
Voici les propos qu’il a tenus dans un entretien que j’ai mené avec lui :

« Ce que nous voyons en observant une personne mourante est


une demi-vérité, car une partie essentielle est laissée de côté : le vécu
intérieur n’est pas pris en considération. Joseph Campell dit ceci
dans l’un de ses écrits : “Vue depuis l’extérieur, la mort semble
horrible, mais vue de près, elle a le visage d’un être aimant. C’est le
visage d’une personne aimante qui embrasse tout et accepte tout.”
Cela, nous ne le voyons pas quand nous observons la mort depuis la
position extérieure de l’observateur. Cependant, quand nous
expérimentons le processus de l’agonie, la mort qui nous
apparaissait comme une ennemie auparavant se transforme en une
amie bienvenue. Pour comprendre réellement ce qu’est la mort, ce
qu’elle a à nous enseigner, non seulement au sujet de la mort, mais
également de la vie, pour le comprendre, nous devons tenir compte
de ces deux perspectives. Il est impossible de nier le côté physique de
la mort qui est laid, dégradant et souvent hideux, mais nous ne
devons pas nous laisser aveugler par cette facette de la mort qui
cache la véritable face intérieure, qui elle est belle et sublime. Nous
devons prendre les deux perspectives en considération pour obtenir
une véritable compréhension84. »

C’est un premier élément important à retenir : le vécu intérieur du


mourant n’est pas en adéquation avec ce que nous observons. Les
mourants qui ont eu une vision ont été instantanément libérés de la peur
de la mort et ont été saisis de ce qui paraissait être une sérénité et même
une joie anticipée de ce qui les attendait. Les personnes ayant
expérimenté une EMI rapportent des expériences si éblouissantes qu’elles
étaient prêtes à renoncer à la vie pour pouvoir demeurer dans cet état de
félicité. Il ressort clairement de ces témoignages que le vécu intérieur des
mourants ou des personnes se trouvant provisoirement au seuil de la
mort ne justifie en rien l’effroi ou la pitié générés par l’observation d’une
personne à l’agonie. La tristesse est autre chose, elle est inévitable, car
causée par la perte de l’être aimé, mais il faut être conscient du fait qu’en
réalité nous sommes tristes pour nous-mêmes et non pas pour ceux qui
sont partis. Cette distinction est essentielle, c’est le premier pas vers un
travail de deuil constructif et sain.
Nous l’avons vu à maintes reprises, les personnes en fin de vie qui ont
des visions ne sont pas étonnées de ce qu’elles vivent. Elles accueillent
leurs visiteurs invisibles avec naturel et bonheur. Leurs proches,
cependant, risquent de réagir à ces descriptions avec incompréhension,
voire avec incrédulité, par manque de connaissance tout simplement. Il
est d’ailleurs possible que certains mourants préfèrent garder leurs
visions pour eux-mêmes, afin de ne pas inquiéter leurs proches ou pour
éviter des explications pour lesquelles il leur manque peut-être la force.
Une connaissance préalable et partagée éviterait ces situations
regrettables et favoriserait un dernier partage aussi bénéfique pour les
uns que pour les autres.
On peut supposer que certains phénomènes – par exemple la forme ou
l’ombre qui est parfois décrite comme quittant le corps au moment du
décès – passent inaperçus, tout bonnement parce que nous n’y sommes
pas préparés. Il est bien connu que nous avons tous tendance à ne voir
que ce que nous nous attendons à voir et sur quoi nous focalisons notre
attention. Une solide information sur tout ce qui peut se produire au
moment du décès augmenterait sans doute la probabilité de percevoir ces
différents phénomènes.
Nous avons vu en détail dans les pages précédentes à quel point il est
douloureux et frustrant pour les récepteurs de VSCD de se heurter au
scepticisme, voire au rejet, quand ils partagent leur vécu avec leur
entourage. Quel serait leur soulagement si leurs interlocuteurs étaient
déjà au courant du phénomène des VSCD et prenaient connaissance de
leur expérience en connaissance de cause, sans pour autant
nécessairement y adhérer. Une connaissance partagée de ce phénomène
très courant, mais paradoxalement si peu connu donnerait un langage
commun, tout en laissant à chacun la latitude de l’appréhender selon sa
propre sensibilité.
Les bénéfices d’une « éducation » au sujet des phénomènes se
produisant ou pouvant se produire autour de la mort sont évidents, non
seulement à l’heure d’affronter un décès et un deuil, mais également face
à notre propre finitude. Idéalement, cette réflexion se poursuivrait tout
au long de notre existence, car il est évidemment plus facile de réfléchir à
la mort quand tout va bien, plutôt que d’y être contraint dans l’urgence
d’un deuil ou d’un verdict médical défavorable.

Éducation sur le thème du deuil et de la mort

Comment peut-on s’éduquer au sujet de la mort ? Le professeur


australien Allan Kellehear, sociologue médical et titulaire de la chaire de
soins palliatifs à l’université de Bradford en Angleterre, a conduit une
recherche sociologique et sociopsychologique majeure sur l’expérience
humaine du processus de mourir et développé des modèles de santé
publique pour la prise en charge des patients en fin de vie, des personnes
en deuil et du personnel soignant.
Kellehear a conçu un programme d’éducation sur le thème de la mort
qui s’adresse principalement, mais pas exclusivement, au personnel
soignant. Je vais présenter quelques aspects de son programme.
Encourager la normalisation de la mort et du deuil. Pour atteindre
ce but, il est essentiel de relier l’expérience individuelle du décès d’un
proche et du deuil à celle d’autres personnes. Un échange d’expérience est
important pour réduire le sentiment d’isolement, notamment lorsque
l’expérience était particulièrement triste ou traumatisante, et pour
prévenir des sentiments de culpabilité ou d’injustice qui peuvent en
découler. En inscrivant l’expérience personnelle traumatisante ou triste
dans un contexte plus large, on évite la conviction douloureuse que nous
sommes les seuls à subir une telle épreuve.
Kellehear donne des pistes pour sortir cette problématique du
domaine médical :
« Pour les personnes qui ne sont pas des professionnels de soins
de fin de vie, par exemple dans les écoles, un événement scolaire
annuel consacré à une politique de la mort, du mourir et du deuil
peut servir le même but. Les parents, les enseignants et les élèves
peuvent créer un guide scolaire ou un document de politique qui
permet à ces trois groupes de débattre et de développer des réponses
pratiques aux expériences de mort et de deuil de la communauté de
l’école. Au fur et à mesure que les expériences ainsi réunies
s’accumulent d’année en année, le guide devient un document
vivant contenant toute la sagesse pratique de cette communauté. De
cette façon, la mort et le deuil deviennent une partie banalisée du
travail scolaire, tout comme la santé ou la sécurité85. »

Minimiser l’anxiété personnelle et communautaire. Kellehear


constate que les populations sont généralement confrontées assez
rarement à la mort et au deuil et que ces expériences interviennent
relativement tard dans leur vie. En raison de cette exposition tardive et
restreinte, le savoir et l’information sont limités, la compréhension
médiocre et les réactions souvent sous optimales. Une éducation sur le
thème de la mort peut y remédier, estime Kellehear.

« Si des opportunités d’information et de discussion sont offertes


au cours de la vie, à l’école, au travail, pendant les loisirs, dans les
réseaux sociaux, alors les gens ont amplement la possibilité
d’apprendre les réalités de la mort et du deuil bien avant que ces
événements ou expériences ne les affectent personnellement. Par
ailleurs, de telles opportunités leur permettent d’explorer, de
discuter et de contextualiser leurs propres expériences avec le
soutien d’autres personnes et à l’aide d’informations qui dépassent
leur propre expérience précédemment limitée86. »

Kellehear ajoute que, à part l’école, le lieu de travail, les églises et les
temples, les médias ont un rôle à jouer dans l’éducation publique à la
mort. La télévision, la radio, les journaux et magazines ainsi que les sites
web sont à ses yeux des supports de choix.
Maximiser un sentiment éclairé d’espoir et de contrôle : le savoir
est le pouvoir et renforce la maîtrise.
« Bien que le processus de mourir, la mort et le deuil soient des
certitudes dans nos vies à tous, écrit Kellehear, ce qui se passe dans
le cadre de ces expériences n’est pas certain. Le processus de mourir
peut être difficile, mais constituer néanmoins une expérience sociale
enrichissante, ou il peut simplement être une expérience d’abandon
et de souffrance. Quand nous mourrons, nous nous rendrons peut-
être dans un lieu meilleur dans l’au-delà, ou nous perdrons toute
conscience et deviendrons du combustible pour les vers de terre. La
perte d’un être cher crée du chagrin, et le chagrin peut détruire une
vie ou la rediriger, la consolider, l’inspirer. Bien que l’aboutissement
de notre vie soit certain, les processus y relatifs ne le sont pas. Tout
est possible, le meilleur comme le pire. L’éducation à la mort offre
une opportunité pour explorer les utilisations positives de
l’incertitude, car c’est dans l’expérience de l’incertitude que les
opportunités d’espoir et de contrôle sont possibles.
Ainsi, ce n’est pas simplement l’information qui est importante
dans l’éducation à la mort, mais la participation – l’implication
même dans le processus d’exploration, d’évaluation et de prise de
position, le fait d’avancer de nouvelles idées et d’aboutir à de
nouvelles conclusions pour soi-même. C’est cela que l’éducation à la
mort peut apporter, et cet aspect peut libérer les personnes de la
position passive de “victimes” d’une information partiale du
processus de mourir, de la mort et du deuil qui les rend vulnérables
au mythe, à la déformation des faits et aux malentendus.
L’éducation à la mort dans le cadre de l’école, du lieu de travail ou
des loisirs permet une considération active de l’information sous des
angles divers à travers des discussions de groupe et par
l’apprentissage, mais, plus important encore, par le seul fait de la
participation – un processus qui encourage un sens de contrôle et
par là de maîtrise de sa propre ignorance et de ses angoisses. Ainsi,
l’un des objectifs majeurs de santé publique – et bénéfices – de
l’éducation à la mort est l’approche participative de l’apprentissage
qui conduit à l’appropriation personnelle de cet apprentissage. […]
L’éducation à la mort en tant que sujet de santé publique est
participative87. »

Je termine ici la présentation de quelques-unes des nombreuses pistes


proposées par Allan Kellehear pour une éducation à la mort inclusive,
participative et efficiente, présentées depuis une perspective sociologique.
Quel que soit l’angle choisi, il est certain qu’une éducation à la mort est
aussi utile que nécessaire pour le bien-être de tous.

Entretien avec Natalie Tobert – accueil des VSCD dans


d’autres civilisations

Sans pouvoir approfondir le sujet dans le cadre de cet ouvrage, je


souhaite néanmoins donner un aperçu de la manière dont quelques
cultures non occidentales abordent le sujet de la mort et des contacts
avec les défunts. Pour ce faire, je me suis entretenue avec la docteure
Natalie Tobert, une anthropologue médicale britannique qui a mené de
nombreuses recherches sur le terrain, en Inde et en Afrique. Sa plus
récente recherche sur une manière différente d’aborder la santé mentale
l’a amenée à dialoguer avec des psychiatres, des patients, des chefs
spirituels et des clairvoyants en Inde et en Grande-Bretagne. Les résultats
de cette recherche ont été publiés dans l’ouvrage intitulé Spiritual
Psychiatries88.
En premier, j’ai voulu savoir comment d’autres civilisations
envisageaient la mort.

« Dans les pays non occidentaux, la mort est considérée comme


faisant partie de la vie. Par exemple, en Inde, avant l’enterrement ou
la crémation, le corps est exposé et couvert de fleurs, à la vue de tous.
Les hindous croient en la réincarnation, alors, bien qu’ils puissent
pleurer leur défunt, ils sont convaincus qu’il sera “recyclé” et
réincarné. En Afrique, les ancêtres sont intégrés dans la vie de tous
les jours, et dans les villages une place leur est réservée à l’endroit où
ils vivaient. »

Existe-t-il une « éducation » au sujet de la mort dans ces civilisations ?

« J’en doute. Je pense qu’une telle éducation ne serait pas


nécessaire puisque les enfants comme les adultes sont confrontés à
la mort de manière plus naturelle que dans les pays occidentaux. La
mort n’est pas cachée. Dans les régions africaines rurales, les gens
ont tendance à croire que la mort survient comme résultat d’une
sorcellerie. En Afrique de l’Ouest, la mort est symbolisée par des
sculptures ou des masques représentant les défunts. Lors de
cérémonies publiques, les esprits des ancêtres sont évoqués par un
danseur masqué. Les esprits des humains peuvent hanter les vivants et
doivent être apaisés. Les esprits sont partout, dans les personnes, les
plantes, les pierres… et les sculptures établissent un lien avec leur
monde. »

J’ai demandé à Tobert quel était le lien de parenté avec les défunts
perçus lors des visions. Les « ancêtres » souvent mentionnés en Afrique
sont-ils les parents ou les grands-parents de la personne qui fait
l’expérience, ou appartiennent-ils à des générations plus lointaines ?

« Par le terme “ancêtres”, ils entendent tous les défunts qui sont
vénérés par le groupe. Les Africains ne font pas, comme nous, une
distinction claire entre ceux qui appartiennent à leur famille et les
autres. Pour eux, tous les membres de leur communauté font partie
de leur famille, quelle que soit la génération à laquelle ils
appartenaient et quel que soit leur lien de parenté. »

J’ai posé la question de savoir si les visions au moment du décès et les


contacts spontanés avec les défunts étaient considérés comme des
expériences « inhabituelles » en Afrique et en Inde.
« À mon avis, il n’existe pas d’équivalent d’expériences
“inhabituelles” chez ces peuples. En Afrique notamment, les visions
sont considérées comme des expériences naturelles et normales, sauf
si les personnes sont extrêmement occidentalisées et ont été
éduquées dans l’optique de la “maladie mentale” et de la
pharmacologie. En Afrique rurale notamment, de telles
communications visuelles ou auditives sont désirées et attendues
lors du décès d’un proche. Il est tout à fait normal de voir les
défunts, puisque tout existe en esprit. Les gens savent que ces
contacts sont réels. Pour eux, il n’existe aucune “autre dimension”,
cela se passe ici, avec nous, maintenant, dans le cadre de notre
quotidien. La dualité n’existe pas. Les ancêtres décédés vivent avec
nous, en ce moment même. Par ailleurs, les proches veillent
généralement le mourant afin de capter des dernières paroles
prophétiques.
Certains peuples indigènes américains observent attentivement
leur milieu naturel en quête de visions dont ils souhaitent être
gratifiés.
Pour l’Inde, c’est un peu différent puisque les contacts se passent
habituellement par le biais d’intermédiaires, par exemple de prêtres.
En Occident, nous appelons ces contacts des “communications
après la mort” parce qu’ils nous semblent insolites et inhabituels.
L’authenticité de ces expériences est remise en cause uniquement
dans les pays occidentaux. Étant donné que moins de personnes ont
ce type d’expériences, elles ne sont pas bien connues. La raison en est
peut-être que nous avons attiédi notre sensibilité pour ce type de
phénomènes. Par ailleurs, en Occident, nous avons tendance à
considérer ces visions comme l’expression d’une pathologie, tandis
que certains peuples recherchent délibérément leur survenue. »

Comment les visions sont-elles intégrées dans les systèmes de


croyances de ces peuples ?
« Les habitants de l’Afrique et de l’Inde considèrent ces contacts
comme bénéfiques, mais si l’esprit d’un ancêtre est malveillant, alors
ils auront besoin de dire des prières pour l’inviter à partir.
Chez les hindous, pour qui la réincarnation fait partie de leur
système de croyances, il serait normal, bien que troublant,
d’apercevoir les esprits des défunts inquiets. Ces défunts auraient
besoin qu’on prie pour eux pour les élever vers le monde des
esprits. »

Ainsi, les défunts se manifesteraient uniquement s’ils sont inquiets ?


Ceux qui sont en paix, signifiant peut-être que leur mort a été douce,
n’apparaîtraient pas aux vivants ?

« Les défunts peuvent se manifester à tout moment et dans


n’importe quelle circonstance à ceux qui sont suffisamment
sensibles pour les voir. Une “mauvaise mort” est une mort soudaine,
inattendue et sans prières. Les esprits seraient inquiets si leur mort
avait été traumatique ou causée par un accident, ou si leur corps
n’avait pas été enterré. Cela est vrai pour l’Inde comme pour
l’Afrique. Une “bonne mort”, par contre, est une mort prévisible,
notamment due au grand âge, et une mort qui avait été honorée par
des prières. »

La grande majorité des témoignages présentés dans les chapitres


précédents décrivait des défunts bienveillants qui se manifestaient à leurs
proches pour les assister et les réconforter. En Afrique, cependant, il est
souvent question d’esprits malveillants qui doivent être écartés pour les
empêcher de nuire aux vivants. C’est une différence fondamentale. Qu’en
pense Tobert ?

« Je suis en désaccord avec cette affirmation. Si quelqu’un meurt


subitement, ou si son corps n’a pas pu être retrouvé et enterré,
comme cela peut se produire en temps de guerre, et si en
conséquence sa mort n’a pas pu être accompagnée de prières, alors
ce défunt sera inquiet et influencera peut-être la santé mentale de
ses proches. Ce n’est pas spécifique à l’Afrique, cela peut se passer
dans n’importe quel pays. En Occident, quand les gens voient des
apparitions bienveillantes, nous disons que ces expériences sont
réconfortantes. Par contre, s’ils perçoivent des apparitions hostiles,
nous disons que ces mêmes personnes ont un problème
psychiatrique. C’est précisément notre dilemme, nous interprétons
arbitrairement les apparitions de différentes manières subjectives.
Les esprits inquiets sont universels. Chaque personne qui décède a
besoin des prières de ses proches, et, en effet, nous prions
généralement pour nos morts. »

Dans quelle mesure les contacts avec le monde invisible aident-ils à


gérer le chagrin du deuil ?

« Les apparitions sont réconfortantes. Elles soutiennent les


endeuillés dans le processus de deuil. Même en Occident, par
exemple en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, il est normal que les
gens voient ou sentent la présence de leur proche décédé. »

J’ai rétorqué que ces vécus étaient certainement courants, mais pas
(encore) considérés comme normaux dans nos civilisations. C’est
précisément la raison pour laquelle il est si difficile pour les personnes
qui les ont expérimentés de les gérer.
« Et pourtant, en Occident il y a tant de chamans, de médiums, de
clairvoyants et autres personnes pourvues de dons psychiques qui
sont capables de voir les défunts. La difficulté réside dans les
paradigmes si radicalement opposés – ceux qui n’ont pas vécu eux-
mêmes de telles expériences sont dans l’incapacité d’y croire. »

84. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, D’une vie à l’autre : des scientifiques explorent le phénomène des
expériences de mort imminente, Paris, Dervy, 1999, p. 158.
85. KELLEHEAR Allan, « Death Education as a Public Health Issue », Judith M. STILLION et Thomas
ATTIG (dir.), Death, Dying and Bereavement: Contemporary Perspectives, Institutions, and Practices, New
York, Springer, 2015, p. 223.
86. KELLEHEAR Allan, « Death Education as a Public Health Issue », art. cit., p. 226.
87. KELLEHEAR Allan, « Death Education as a Public Health Issue », art. cit., p. 227.
88. TOBERT Natalie, Spiritual Psychiatries: Mental Health Practices in India and UK, Aethos, 2014.
CHAPITRE 7

Authenticité des VSCD

Nous arrivons à la question cruciale de cet ouvrage : les VSCD, sont-ils


réels ? Ou sont-ils plutôt des hallucinations ? Des illusions ? Des
phénomènes autogénérés ? Des compensations inconscientes dues au
chagrin du deuil ? Ces expériences si réconfortantes ne seraient-elles que
le fruit de l’imagination des endeuillés inconsolables ? Ces questions
doivent être posées.
Au chapitre 1, j’ai mentionné qu’avec Stéphane Allix et d’autres
membres de l’INREES, nous nous sommes décidés pour l’appellation
« vécu subjectif de contact avec les défunts » pour les besoins de la
rédaction du Manuel clinique des expériences extraordinaires. Plutôt que de
parler de « communication » ou de « contact avec un défunt », nous
avons voulu introduire l’adjectif « subjectif » dans la dénomination. Il
s’agit en effet d’une expérience subjective, non mesurable, non
reproductible en laboratoire et difficilement racontable. Elle n’est pas
reproductible, car la méthode basée sur l’EMDR conçue par Allan Botkin
et la respiration holotropique pratiquée par Vincent Liaudat, décrites
dans le chapitre 5, ne génèrent pas les VSCD, mais induisent simplement
un état de conscience facilitant leur survenue.
Examinons maintenant le statut ontologique des VSCD, leur
authenticité. Nous l’avons vu grâce aux récits de nos témoins : la force de
ces expériences est telle que les récepteurs ne doutent pas de la réalité de
leur vécu, bien qu’ils puissent être déstabilisés subséquemment si leur
entourage émettait des doutes quant à la véracité de l’expérience. Mais,
mis à part le ressenti des personnes qui les expérimentent, quel est
réellement leur statut ontologique ?

Les VSCD sont-ils des hallucinations ?

Les hallucinations existent, bien évidemment. Elles sont définies par le


Larousse comme la « perception d’un objet non réel » et caractérisées
comme suit : « Avoir des hallucinations, voir quelque chose que les autres
ne voient pas, avoir des visions. » Beaucoup de personnes en souffrent,
mais justement, elles en souffrent, elles n’en bénéficient pas. La différence
fondamentale entre une vision se produisant lors d’un VSCD et une
hallucination réside précisément dans leur impact, leurs conséquences et
sans doute dans l’intention sous-jacente. La nature des visions est
différente également puisque les VSCD sont des vécus cohérents et dans
la plupart des cas réjouissants mettant en scène des proches décédés
tandis que les hallucinations « pathologiques » sont effrayantes et
irrationnelles et n’apportent aucun bénéfice à la personne qui les subit.
Le docteur Bruce Greyson, professeur de psychiatrie, directeur de la
Division of Perceptual Studies et du département de médecine
psychiatrique de l’université de Virginie s’est exprimé à ce sujet dans un
entretien mené par Stéphane Allix :
« Beaucoup de patients évoquent des expériences religieuses
inhabituelles. Ils peuvent par exemple avoir entendu Dieu leur
parler. Comment savoir s’il s’agit d’une illusion ou non ? En réalité,
il y a différents types de messages provenant de Dieu. Certains
patients m’affirmeront que Dieu est venu leur dire qu’ils devaient
être punis et que c’est la raison pour laquelle ils se sont tailladé les
poignets le matin même, car ils estiment être fondamentalement
mauvais. Pour moi, c’est pathologique, car c’est un comportement
inadapté. En conséquence, si vous traitez ces personnes en
considérant qu’il s’agit d’un état pathologique par une
psychothérapie ou la prescription de médicaments
antipsychotiques, elles cesseront d’y croire et mèneront une vie plus
productive. D’autres personnes viendront me dire : “Dieu m’a parlé
aujourd’hui, me disant d’arrêter d’être affligé par la mort de ma
mère parce qu’elle se trouve dans un endroit meilleur qu’ici et que
tout va bien pour elle”. Elles se sentent mieux, réconfortées par cette
supposée conversation avec Dieu. Et je n’essayerai pas de leur enlever
cette expérience. Si je leur proposais une psychothérapie ou des
médicaments pour qu’elles arrêtent d’y croire, cela ne marcherait pas
[…].
La définition de l’hallucination proposée par le dictionnaire – par
ailleurs identique à la définition médicale – est : “sentiment de
percevoir, alors qu’il n’y a rien de physique qui puisse être perçu”.
Mais en fait, on utilise le terme “hallucination” assez librement. Il
peut vouloir dire “percevoir quelque chose que les autres ne
perçoivent pas”. Cela décrit l’hallucination de type pathologique,
quand il n’y a rien à percevoir, mais cela peut aussi décrire d’autres
types d’expériences que personne n’est en mesure de vérifier. Alors,
bien que le mot “hallucination” ait une connotation pathologique,
on l’emploie parfois pour décrire des expériences qui ne sont pas
pathologiques. L’exemple le plus répandu concerne ces prétendues
hallucinations consécutives à des deuils où 50 % des veufs ou des
veuves verront, entendront ou sentiront le conjoint décédé. Cela
n’avance à rien de qualifier ces expériences d’“hallucinations
pathologiques”. Elles ne provoquent aucune détresse, aident ceux
qui les vivent, et par ailleurs, elles ne sont accompagnées d’aucun
autre symptôme de maladie mentale. Les personnes qui souffrent
d’hallucinations pathologiques, qui voient vraiment des choses qui
n’existent pas, montrent souvent – je devrais dire systématiquement –
d’autres signes de maladie mentale, soit une détérioration de la
personnalité, soit des changements d’humeur qui accompagnent les
hallucinations. Leur comportement change, elles s’embrouillent,
perdent la notion du temps, ne savent pas où elles sont, montrent
beaucoup de confusion en tout… Une hallucination ne survient pas
dans le vide, mais dans un contexte, celui d’une détérioration
mentale. Et ce n’est absolument pas ce que l’on rencontre dans les
supposées hallucinations des personnes en deuil. Ces gens sont
parfaitement normaux, excepté qu’ils voient, entendent ou sont
touchés par des proches décédés. Dans ce contexte, on ne peut parler
d’“hallucination”. Mais malheureusement, on ne dispose pas d’un
autre mot, sauf si on utilise le terme religieux de “vision” ou le terme
paranormal d’“apparition”, mais il n’existe pas de terme scientifique pour
désigner une perception non partagée89. »

Entretien avec Dean Radin

Depuis plus de vingt ans, le professeur Dean Radin conduit des


recherches sur la conscience aux universités de Princeton, d’Édimbourg
et du Nevada, mais également au sein du SRI International où il a
travaillé sur un programme classifié étudiant les phénomènes psychiques
pour le compte du gouvernement américain. Il est chercheur principal à
l’Institute of Noetic Sciences (IONS) à Petaluma en Californie, ancien
président de la Parapsychological Association et corédacteur en chef du
journal Explore: The Journal of Science and Healing.
En premier lieu, j’ai interrogé Radin sur sa définition de la conscience :

« La conscience comprend le fait d’être conscient90, la sensation, la


cognition, la perception, et la mémoire. Le mystère fondamental
sous-jacent à tous les facteurs qui ont un rapport avec l’esprit réside
dans le premier élément énuméré : le fait d’être conscient. Comment
est-ce possible qu’un morceau de tissu pesant trois livres91 appelé
“cerveau” puisse être conscient de lui-même ? Est-ce dû simplement
à la propriété de systèmes récursifs complexes, ou la conscience est-
elle une propriété fondamentale de l’univers ? Nous ne le savons pas
encore, mais beaucoup de chercheurs se penchent sur cette question
et estiment qu’il est très important d’y apporter une réponse parce
que, en fin de compte, tout ce que nous savons et saurons dans
l’avenir, sur n’importe quel sujet, nous parvient par la conscience. »

Est-ce que Radin considère les VSCD comme étant un phénomène


psychique ?

« Oui, m’a-t-il répondu, tout au moins dans le sens que ce sont


des événements psychologiquement significatifs. Ils sont différents
des expériences conventionnelles telles que la télépathie, etc. »

Précisément, Radin est sans doute le chercheur qui a entrepris le plus


de recherches en laboratoire sur des phénomènes psychiques tels que la
télépathie, la clairvoyance et la prémonition. En comparaison avec ces
phénomènes, comment situe-t-il les VSCD ?

« En général, les VSCD sont des événements spontanés qui ne


peuvent pas faire l’objet de recherche en laboratoire, et,
contrairement à beaucoup d’expérimentations psy, ils sont associés
à des émotions fortes qui ne peuvent pas être simulées. »

Si ces émotions ne peuvent pas être simulées, elles pourraient


néanmoins être des phénomènes autogénérés ou des compensations
inconscientes dues au chagrin du deuil, voire des hallucinations ?

« Cela dépend de chaque expérience. Quelques-unes sont


probablement des coïncidences, d’autres des erreurs de perception,
des illusions ou des hallucinations, mais il se peut que quelques-
unes soient d’authentiques anomalies. »

Il est utile de mentionner que, dans ses publications, Radin utilise le


terme « anomalies » dans le sens d’« expériences extraordinaires »,
« expériences inhabituelles », etc.
J’ai demandé à Radin quelle place il donnerait aux VSCD s’il devait
classer les phénomènes psychiques par « degré de véracité ».
« Il n’y a pas le vécu subjectif de contact avec un défunt, il y a de
nombreux types de VSCD, et chacun doit être évalué pour ses
propres mérites. Puisqu’il n’est généralement pas possible de les
étudier en laboratoire, je placerais les VSCD à un niveau de véracité
plus bas que les phénomènes psy “conventionnels”. »

Effectivement, c’est l’impossibilité de les étudier en laboratoire qui


distingue les VSCD des phénomènes psy. Tout comme les expériences de
mort imminente, les vécus subjectifs de contact avec un défunt ne
peuvent être « authentifiés » que par l’effet qu’ils produisent sur les
personnes qui les expérimentent. En effet, tous les récepteurs cités dans
les chapitres précédents étaient sûrs à 100 % que les VSCD qu’ils avaient
vécus avec leurs proches décédés étaient réels. Comment peuvent-ils être
si convaincus de l’authenticité de l’expérience ?

« Parce qu’ils ont extrêmement envie que ces événements soient


réels et parce que pour nous tous, il est très difficile de nier nos
propres expériences, répond Radin. La vraie question est s’ils sont
objectivement réels, c’est-à-dire également réels pour d’autres
personnes. »

C’est le cas précisément pour les VSCD partagés qui se produisent


quand plusieurs personnes réunies dans un même lieu perçoivent
simultanément un contact avec un défunt. Ils voient par exemple une
apparition, sentent une fragrance caractéristique du défunt, peuvent
l’entendre, etc. Est-ce que le partage de cette expérience en renforce la
crédibilité ? Ou, au contraire, est-ce que ces personnes s’influenceraient
plutôt mutuellement, créant ainsi une sorte d’illusion partagée ? Radin
penche en faveur de la première supposition :

« En effet, la perception partagée rend ces événements plus


crédibles. Par ailleurs, les illusions partagées, particulièrement les
épisodes détaillés et précis, ne sont pas courantes. »

Et que penser des VSCD qui ne sont pas partagés ? Prenons le cas où
plusieurs personnes sont réunies dans un environnement donné, et une
seule d’entre elles perçoit le proche décédé tandis que les autres ne se
rendent compte de rien d’inhabituel. Si les VSCD étaient « réels » dans
un sens matérialiste, toutes les personnes présentes devraient
logiquement les percevoir. Qu’en pense Radin ?

« C’est la nature même de tous les phénomènes psychiques qui


veut cela. La majorité de ces événements sont purement subjectifs et
ne peuvent être partagés. Si une personne peut voir des couleurs
dans un certain environnement alors que tous les autres sont
daltoniens, on va la prendre pour une personne dérangée. Nos sens
sont relativement similaires, mais il existe néanmoins d’importantes
différences entre les gens. »

Dans le cas des VSCD « pratiques », les défunts semblent fournir des
informations très concrètes et précises que les récepteurs ignoraient. Il
peut s’agir d’économies cachées, d’une assurance vie ou d’autres
documents dont les endeuillés ont un urgent besoin. Lors de ces
contacts, un véritable transfert d’informations se produit puisque les
récepteurs ne détenaient vraiment pas cette information auparavant.
Comment expliquer cela ?

« Compte tenu des indices substantiels en faveur de l’existence de


capacités psychiques obtenus par la recherche en laboratoire, il est
plausible qu’elles soient la source de ces informations, par exemple
par clairvoyance. »

Pourtant, les récepteurs ne détenaient réellement pas ces informations


qui semblaient effectivement provenir d’individus décédés, impliquant
leur capacité d’interagir avec les vivants.

« L’information pourrait provenir de personnes décédées, concède


Radin, mais le concept que les défunts peuvent communiquer avec
nous est une hypothèse. Nous disposons d’un abondant faisceau de
données démontrant que les personnes vivantes peuvent obtenir des
informations de manière inhabituelle, par exemple par clairvoyance
ou par télépathie, mais nous n’avons quasiment pas de données
indépendantes démontrant que les défunts peuvent communiquer
avec nous. Tous les indices suggérant une quelconque sorte de
survie remontent en fin de compte à une personne vivante, à
l’expérience d’un médium, au compte rendu d’un voyant, à une
expérience de mort imminente, à l’interprétation d’un événement
inhabituel se produisant après la mort d’un individu, etc. Ils passent
tous par des êtres vivants. »

Tous nos témoins étaient convaincus de la réalité de leur VSCD, et la


plupart d’entre eux ont maintenu cette position sur la durée,
indépendamment de la réaction de leur entourage. Toutefois, quelques-
uns ont commencé à douter quand leur récit était accueilli avec
scepticisme. Ils se sont sentis désemparés et tristes, car quelque chose
d’important leur avait été enlevé. J’ai demandé à Radin s’il était risqué de
parler de ce genre d’expériences.

« En effet, c’est risqué. Si l’expérience permet de soulager la


douleur de la perte, alors elle est précieuse, quelle que soit son
origine. Dans ce cas, ce n’est pas une bonne idée d’essayer de
convaincre d’autres personnes de la véracité de l’événement, parce
que, à moins qu’elles aient vécu elles-mêmes un VSCD, elles ne
peuvent pas être convaincues et vont inéluctablement instiller un
sentiment de doute dans l’esprit du récepteur. »

On peut alors se poser la question de savoir pourquoi les expériences


telles que les VSCD sont reçues avec autant de scepticisme dans nos
sociétés occidentales.

« Le scepticisme est largement déterminé par la pensée dominante


par laquelle nous acquérons des connaissances dans le monde
moderne par la science. Nous ne disposons pas encore de théories
scientifiques expliquant la nature de la conscience, et tant que ce
n’est pas le cas, nous ne pouvons savoir avec certitude si quelque
chose survit à la mort physique. Ainsi, l’idée de la communication
avec les défunts est considérée plutôt comme une superstition, ou
un besoin psychologique, plutôt que comme quelque chose qui est
objectivement ce qu’il semble être. »

Quel est le niveau de tolérance pour de telles expériences dans d’autres


civilisations et traditions ?

« La société occidentale moderne est probablement unique dans


son scepticisme. Dans d’autres cultures et à d’autres époques,
l’existence d’esprits est considérée comme acquise. »

Si les VSCD pouvaient être reproduits en laboratoire, seraient-ils


mieux reçus ? Pourquoi les scientifiques sont-ils si critiques et réticents à
accorder un statut d’authenticité à ce phénomène et à d’autres ?

« Les études en laboratoire sont le standard par excellence pour


déterminer ce que nous considérons comme vrai. »

Le serpent se mord la queue : sans recherche en laboratoire, pas de


statut ontologique. D’accord, mais les VSCD ne peuvent pas être
reproduits. Alors, que faire ? La recherche peut se baser sur deux
éléments : le vécu des récepteurs que j’ai longuement présenté dans les
chapitres précédents et l’occurrence massive de ces expériences. Selon une
large étude scientifique mentionnée plus haut, une moyenne de 25 %
d’Européens auraient vécu un VSCD. Pour les États-Unis, les estimations
se situent entre 30 % et 50 % de la population. En d’autres termes, des
millions d’individus semblent avoir été en contact avec un proche décédé.
Cette estimation peut soit être considérée comme un indice de
l’authenticité des VSCD, soit simplement signifier que les êtres humains
en deuil ont la caractéristique de percevoir les défunts, quelle que soit
l’origine de ces perceptions.
Pourquoi un phénomène d’une telle ampleur continue-t-il à être
ignoré par les médias ? Pourquoi y a-t-il si peu de recherche scientifique
entreprise dans ce domaine ? Et pourquoi reste-t-il si difficile d’en
parler ? Qu’en pense Radin ?
« Pour les mêmes raisons qu’un intérêt scientifique sérieux porté
aux phénomènes psychiques est ignoré. Ces phénomènes défient les
concepts actuels de la nature et du potentiel de la conscience. Par
ailleurs, ce type de phénomènes est également étroitement associé
au divertissement et au genre d’horreur, ainsi qu’à des groupes
d’intérêt amateurs. Ainsi, très peu de scientifiques “sérieux” sont
prêts à prendre le risque d’être associés à tout cela. »

Il est certain, et c’est bien dommage, que les scientifiques risquent leur
réputation et mettent potentiellement en péril leur carrière, notamment
universitaire, s’ils s’investissent dans l’étude des phénomènes inhabituels
autour de la mort. Même Radin, qui a démontré l’existence des
phénomènes psy dans d’innombrables tests scientifiques menés avec une
grande rigueur en laboratoire, reste prudent face au statut ontologique
des VSCD. Il est clair que ce que ces expériences impliquent est
vertigineux : la survie de la conscience, l’existence d’un « monde
invisible » qui serait notre destination finale à tous, la possibilité
ponctuelle et brève de communiquer avec nos proches décédés, l’idée
qu’ils auraient constamment un œil sur nous et interviendraient quand
nous sommes en danger imminent (les VSCD de protection). Ces
expériences et leurs implications remettent fondamentalement en
question notre conception de la réalité. Elles menacent de faire s’écrouler
le paradigme scientifique actuel, et rien n’est plus perturbant que de
risquer de perdre ses certitudes et de devoir tout remettre en question. La
résistance scientifique face aux phénomènes inhabituels autour de la
mort est puissante et ne favorise pas la mise en place de projets de
recherche d’envergure ni leur financement.
Heureusement, il y a des exceptions. La recherche sur les expériences de
mort imminente a pu se mettre en place, il y a près de quarante ans, grâce
à des pionniers tels que Kenneth Ring et Raymond Moody, et a pu être
poursuivie par des chercheurs compétents et rigoureux tels que Bruce
Greyson, Pim van Lommel et d’autres.
Les VSCD se situent dans un contexte plus large

À l’heure de se poser la question de l’authenticité des vécus subjectifs


de contact avec un défunt, il est important de prendre conscience que ces
contacts ne sont pas un phénomène isolé, mais qu’ils se produisent dans
un contexte plus large – le contexte des diverses expériences autour de la
mort. Quand on examine ces vécus séparément – les expériences de mort
imminente, les visions au moment du décès, les VSCD, les
communications avec les défunts établies par le biais d’un médium –, le
mystère semble impénétrable, et tant de questions restent sans réponse.
Quand, en revanche, on les étudie conjointement en les mettant en
parallèle et en comparant leur phénoménologie et leurs effets, alors on
constate des similitudes saisissantes. Les pièces du puzzle commencent à
se mettre en place, elles s’emboîtent une à une, laborieusement, à des
endroits différents de la table sur laquelle nous avons versé les pièces et
qui sert de support à l’image que nous voulons reconstituer : une image
de la réalité plus inclusive et globale que celle dépeinte par nos
connaissances actuelles. Admettons toutefois que tout ce que nous
pouvons ambitionner est de nous rapprocher autant que possible de la
réalité qui, dans son essence, reste sans doute inaccessible à notre
compréhension d’êtres humains.
Nous cherchons patiemment, en évaluant et en contrôlant encore et
encore si la pièce que nous tenons dans la main peut s’encastrer dans les
quelques pièces déjà réunies, ou peut-être ailleurs sur la table… ou peut-
être plus tard. Comme c’est un puzzle de beaucoup de pièces – les
phénomènes sont complexes, à multiples facettes –, l’image du puzzle
n’est pas encore visible, même pas encore imaginable dans son
intégralité, dans ses conséquences vertigineuses, et pourtant, on devine
un bout de paysage par-ci, un morceau de ciel par-là. Ce sont les
témoignages des gens, les vécus des uns et des autres généreusement
partagés, qui nous permettront d’avancer dans la construction de ce
puzzle qui, une fois terminé, nous donnera sans doute une meilleure
compréhension de la nature de la réalité.
Dans le chapitre 4, j’ai présenté en détail les visions au moment du
décès. Examinons maintenant les expériences de mort imminente qui
s’inscrivent dans ce même contexte.

Les expériences de mort imminente

Contrairement aux VSCD, les expériences de mort imminente ou EMI


(Near Death Experience, ou NDE en anglais) jouissent d’une assez bonne
couverture médiatique et sont relativement bien connues, y compris dans
les pays francophones. Pourtant, elles ne se produisent de loin pas aussi
fréquemment que les VSCD.
Pour la France, on estime le nombre de personnes ayant vécu une EMI
à 2,5 millions environ92. Le site de l’Association internationale pour
l’étude des états proches de la mort – ou IANDS France – indique que :
« Selon les études, entre 15 et 35 % des personnes qui se sont trouvées
dans une situation présentant un risque vital rapportent une EMI93. »
Dans une enquête très remarquée publiée dans le prestigieux journal
The Lancet, le cardiologue hollandais Pim van Lommel et ses collègues ont
mené une étude prospective dans dix hôpitaux hollandais comprenant
344 patients qui avaient été réanimés suite à un arrêt cardiaque.
62 patients, soit 18 %, ont expérimenté une EMI lors de l’arrêt
cardiaque94. Selon une méta-analyse réalisée par Marie Thonnard et
d’autres chercheurs, la fréquence des EMI parmi les personnes ayant subi
un arrêt cardiaque est estimée entre 2 % et 12 %95.
Le nombre de VSCD se produisant dans les populations européenne et
américaine est estimé globalement entre 25 % et 50 %. Il convient
cependant de souligner qu’un nombre limité de personnes a subi un état
de mort imminente avant d’être réanimées, tandis que pratiquement tout
le monde a perdu un proche, ce qui les met potentiellement en situation
de vivre un VSCD.
Rappelons brièvement que les EMI peuvent survenir spontanément
lorsqu’une personne se trouve proche de la mort, en état de mort
clinique, dans le coma ou, plus rarement, exposée à un grave
traumatisme (une agression, un viol) ou une intense frayeur sans aucune
atteinte physique (par exemple lorsqu’une collision frontale avec une
autre voiture semble imminente et inévitable, mais a pu être évitée à la
dernière seconde)96. Une EMI est caractérisée par la sensation de sortir de
son corps, l’impression de pénétrer dans une réalité transcendantale et la
perception d’un être de lumière irradiant d’amour et de connaissance.
Par ailleurs, les notions de temps et d’espace semblent abolies.
Certains expérienceurs disent ne pas avoir eu de corps lors de
l’expérience, d’avoir été une pure conscience ou un puissant centre
d’énergie. D’autres déclarent avoir été munis d’un corps léger, fluide, aux
contours flous. La pérennité du sentiment d’identité est une constante.
Les expérienceurs ont la certitude d’avoir été eux-mêmes pendant l’EMI,
d’avoir conservé leur identité, leur personnalité, leur caractère et leur
biographie.
Le déroulement d’une EMI peut contenir les étapes suivantes qui ne
sont cependant parcourues que rarement dans leur intégralité :
Les expérienceurs ont la sensation de quitter leur corps physique
(décorporation), de s’élever et de voir leur corps et son environnement
depuis une certaine hauteur (lieu de l’accident, tentatives de réanimation
en salle d’opération, etc.). Couramment, les expérienceurs mémorisent
des événements, paroles et gestes qui peuvent ensuite être corroborés. Les
personnes ressentent immédiatement un grand bien-être, constatent
l’absence de douleur et témoignent d’un désintérêt total pour leur corps
qu’elles laissent derrière elles sans regret. Les témoignages s’accordent sur
la lucidité qui accompagne l’EMI, bien différenciée d’un rêve ou d’une
hallucination. À ce stade, les expérienceurs éprouvent la sensation d’être
« aspirés » dans un tunnel obscur et d’avancer vers une lumière éclatante
située au bout du tunnel, à une très grande distance. Les expérienceurs
s’approchent à une vitesse fulgurante de cette lumière qui les attire
comme un aimant pour finalement y entrer dans une explosion de joie et
de béatitude. De cette lumière intense, qui pourtant n’éblouit pas, se
dégage un être de lumière, décrit comme personnifiant l’amour, la
connaissance et la compréhension absolus. Beaucoup font l’analogie avec
l’impression de « rentrer chez soi » ou de « rentrer au port ». La
communication entre l’être de lumière et l’expérienceur se passe de
manière télépathique. La rencontre avec cet être génère un sentiment de
bonheur absolu, de compréhension de toute chose et de paix profonde.
Certains décrivent la vision de paysages magnifiques calqués sur des
représentations terrestres sublimées. À ce stade, une revue de vie peut se
produire. L’expérienceur voit en dehors du temps et en trois dimensions
tous les événements de sa vie, des plus marquants aux plus banals. Des
guides accueillent fréquemment les expérienceurs pour les accompagner
et les réconforter. Les expérienceurs rencontrent souvent des proches
décédés qu’ils identifient au moyen d’une reconnaissance par l’esprit
davantage que par la perception d’un corps qui est parfois décrit comme
flou ou diaphane, voire absent. Les témoins parlent de la vision d’une
frontière, symbolisée de diverses manières, dont le franchissement
rendrait le retour vers le corps physique impossible. L’expérience se
termine par la réintégration du corps physique, plus souvent imposée
que souhaitée, rarement décrite de manière précise, mais fréquemment
associée à la notion d’une mission à remplir sur Terre97.
Il faut souligner cependant qu’environ 4 à 5 % des expériences sont
ressenties comme effrayantes, connues sous le terme d’« EMI négatives ».

« Pendant l’expérience de mort imminente », disent les


expérienceurs, « j’ai pu jeter un coup d’œil sur le monde qui nous
attend au-delà de notre existence terrestre. Je ne sais de quoi cette
nouvelle vie sera faite ni comment elle se déroulera, mais je sais que
j’y serai infiniment heureux. »

De nombreux individus ont expérimenté un accès à la connaissance


universelle pendant l’EMI. Lors du retour à l’état de conscience habituel,
ils en gardent une réminiscence, mais ne s’en souviennent plus les
constituants. Pendant l’expérience, leurs capacités intellectuelles étaient
sans limites, ils comprenaient tout, savaient tout, appréhendaient le sens
de leur vie, les raisons de leurs joies et de leurs souffrances passées. Le
bien-fondé et la cohérence de leur destin individuel leur apparaissaient
clairement, et ils comprenaient qu’ils étaient intégrés dans un ensemble
infiniment harmonieux. Certains voyaient des événements qui allaient
avoir lieu dans le futur et qui se sont effectivement produits plus tard
dans leur vie. La vision d’événements futurs implique l’absence de temps
tel que nous le concevons puisque le passé, le présent et le futur sont
présents et accessibles simultanément. Au-delà de leur vie personnelle, en
présence de l’être de lumière, le mystère du fonctionnement, de
l’interaction et de la complémentarité de tous les éléments de l’univers
leur a été révélé ainsi que la destinée de l’humanité, depuis la nuit des
temps jusque dans un futur infini.
La revue de vie, pendant laquelle une quantité d’informations
phénoménale est libérée, est un élément essentiel de l’EMI. Les
expérienceurs voient défiler en trois dimensions tous les événements de
leur vie, des plus marquants au plus banals, depuis leur petite enfance
jusqu’au moment de l’EMI. Ils peuvent accélérer le film de leur vie si
l’épisode revisité ne pose aucun problème particulier ou alors au
contraire le mettre sur « pause » pour examiner plus en détail une
séquence mal comprise, douloureuse ou conflictuelle. En présence de
l’être de lumière, et depuis la perspective d’un observateur, ils revivent la
scène en question depuis leur propre perspective, mais également depuis
celle des personnes impliquées dans l’événement analysé, ce qui leur
permet de ressentir simultanément les émotions éprouvées par tous les
participants à la scène et de comprendre la portée et les implications de
leurs actes passés. La revue de vie a clairement une fonction pédagogique.
Après avoir évolué pendant un long moment dans cet environnement,
souvent en présence d’un guide ou de l’être de lumière, les expérienceurs
disent avoir aperçu un ruisseau, un sentier, un muret en pierre ou tout
autre élément symbolisant une frontière. Ils savaient, ou ont été informés
par les guides à leur côté, que le franchissement de cette frontière
signifierait l’abandon définitif de leur corps physique. Leur bien-être était
si absolu et leur félicité si grande que la majorité des expérienceurs
souhaitaient ardemment franchir cette frontière, prêts à laisser leur corps
et leur vie d’avant derrière eux. Certains pourtant demandaient,
suppliaient même, de pouvoir poursuivre leur vie terrestre, car quelqu’un
avait besoin d’eux, notamment leurs jeunes enfants. Pourtant, la majorité
était prête à s’engager sans aucun regret dans cette nouvelle existence,
l’amour de et pour leurs proches n’étant pas assez puissant pour les
retenir. Pour ceux qui sont partis, nous ne savons rien, bien sûr, mais les
expérienceurs qui ont survécu à l’épisode qui les avait amenés au seuil de
mort rapportent que les guides qui les avaient accompagnés leur avaient
expliqué que leur heure n’était pas encore venue, qu’ils avaient une
mission à remplir sur Terre avant de pouvoir rejoindre définitivement cet
endroit fabuleux.
À l’instar des VSCD, les personnes qui vivent une expérience de mort
imminente en sont profondément et durablement marquées, voire
transformées. Après une phase d’intégration de l’EMI qui s’étale sur une
longue durée (souvent des années) et qui peut être difficile, marquée par
une période de confusion et même de dépression, les bénéfices de
l’expérience se mettent doucement en place et s’intensifient au fil du
temps. L’incommunicabilité de cette expérience, qui semble ineffable,
isole les expérienceurs qui disent ne pas trouver de mots pour exprimer
leur vécu, que personne ne pourrait d’ailleurs comprendre. L’EMI
provoque une remise en question fondamentale des valeurs, des objectifs
et de la manière de mener sa vie. En schématisant, on peut dire que les
changements majeurs sont :

– liés à la conception de la vie et de la mort : la diminution ou la


disparition de la peur de la mort, la certitude que la conscience
survit à la mort du corps physique et la conviction de l’existence
d’une réalité spirituelle sont les changements les plus importants et
les plus profondément transformateurs – ils déterminent une
nouvelle conception de la vie et de la mort. La transformation de
l’échelle des valeurs est une constante chez les expérienceurs, leur
vision du monde change radicalement. Une fois la phase
d’intégration terminée, la sérénité, la joie de vie augmentée et la
capacité de vivre intensément dans le présent voient souvent le jour,
ainsi que la capacité de relativiser les petits ennuis du quotidien. Un
sens de la vie se dégage et se précise au fil du temps. Un éveil
spirituel va de pair, que chacun organise et poursuit à sa manière.
– liés à la conception de soi : la conséquence de l’accès à la
connaissance universelle décrit par de nombreux expérienceurs se
traduit souvent par une formidable soif d’apprendre et une
aspiration au développement personnel. La confiance et l’estime de
soi accrues sont également une conséquence d’une EMI, car, comme
disent les expérienceurs : « Si l’être de lumière peut m’aimer tel que
je suis, avec toutes mes imperfections et mes faiblesses, alors je peux
moi aussi m’accepter. » Le jugement d’autrui n’a dès lors plus
beaucoup de prise sur eux. La notion d’une mission à remplir est
très fortement présente et peut même être oppressante : les
expérienceurs sont convaincus qu’ils ont été renvoyés sur Terre pour
une raison précise qu’ils essaient d’identifier avec un sentiment
d’urgence. Ils ne trouvent la sérénité qu’au moment où ils
comprennent et acceptent ce qui semble attendu d’eux et qui
correspond souvent à une nouvelle orientation, y compris
professionnelle, à donner à leur vie.
– d’ordre social : la primauté de l’amour est une priorité absolue
pour les expérienceurs. En présence de l’être de lumière, ils se sont
sentis aimés totalement, inconditionnellement, sans limite et sans
réserves, et ils ont aimé cette lumière de tout leur être. De retour
dans leur quotidien, nombre d’entre eux voient une émanation de
l’être de lumière dans chaque personne qu’ils fréquentent ou qu’ils
croisent, puisqu’ils ont appris lors de leur expérience que la
séparation entre les êtres n’est qu’une illusion et que tous les êtres
vivants – et même tous les éléments de l’univers – sont connectés et
en constante interaction. Comme conséquence, ils perçoivent une
« étincelle divine » dans chaque être humain, et leur capacité d’aimer
ainsi que leur empathie sont fortement augmentées. Là encore, il
faut savoir gérer cette nouvelle relation aux autres, et – surtout dans
la phase d’intégration de l’EMI – ils ne sont pas à l’abri de
déceptions et même d’abus de confiance. L’importance accordée aux
relations interpersonnelles, la tolérance, l’entraide et l’assistance
d’autrui sont une constante chez les expérienceurs.
– d’ordre matériel : la diminution ou l’abandon de l’attachement aux
bien matériels, à la réussite professionnelle et financière et au statut
social sont une conséquence très répandue d’une EMI.

On note quelques similitudes, mais également d’importantes


différences entre les EMI et les VSCD, y compris les visions au moment
du décès – les VSCD des mourants. La différence la plus frappante
concerne l’état physique des individus concernés. Lors d’une expérience de
mort imminente, les personnes sont au seuil de la mort, en état de mort
clinique ou dans le coma, donc souvent – mais pas toujours –
inconscientes au moment où l’EMI débute. Les expériences qui se
produisent lors d’un grave traumatisme tel un viol ou lors d’une
agression ou celles qui sont déclenchées par l’expectative d’une mort qui
semble imminente, mais qui est évitée au dernier moment (lors d’un
accident, d’une chute, etc.) débutent quand les individus sont conscients,
mais ce type d’EMI est plutôt rare. Les EMI « classiques » se produisent
de manière fulgurante, par exemple lors d’un infarctus, d’un accident ou
d’une tentative de suicide. Lors d’un VSCD, en revanche, les personnes ne
subissent aucune modification physique comme il ressort des nombreux
témoignages présentés dans les chapitres précédents, à la seule exception
de cette quasi-paralysie passagère que j’ai relevée dans les témoignages
reçus, mais qui n’a encore jamais été mentionnée dans la littérature. Il est
ainsi trop tôt pour savoir s’il s’agit réellement d’une caractéristique des
VSCD.
Les visions au moment du décès se produisent certes chez les
personnes qui se meurent progressivement d’une maladie ou du grand
âge, mais elles n’entraînent aucun changement physiologique. Les
personnes sont conscientes, lucides, et les signes vitaux sont stables.
Aucune dissociation avec le corps physique ne se produit. Les personnes
en fin de vie peuvent communiquer avec leur entourage et commenter les
visions en même temps qu’elles conversent avec leurs visiteurs invisibles,
et elles savent pertinemment que leurs proches ne peuvent pas percevoir
les défunts. Les mourants semblent naviguer avec aisance et assurance
entre la réalité physique et le monde spirituel. Apparemment, ils entrent
graduellement et ponctuellement dans une autre réalité, tandis que, lors
d’une EMI, la personne y est projetée instantanément avant de réintégrer
son corps physique.

Les médiums

Un médium est défini par le Larousse comme une « personne capable


de percevoir, par des moyens apparemment surnaturels, les messages des
esprits des défunts et de servir d’intermédiaire entre les vivants et les
morts. Personne douée de talents paranormaux ». La médiumnité est
décrite comme la « faculté que possèdent les médiums de servir
d’interprètes aux esprits ».
Cette définition sommaire comprend les termes « surnaturel » et
« talents paranormaux ». Les innombrables témoignages de VSCD
attestent cependant d’une tout autre réalité. Ils impliquent que la
capacité de percevoir les « esprits des défunts » et de communiquer avec
eux dont jouissent les médiums est sans doute présente en chacun de nous,
latente en temps ordinaire, mais activable lorsque les circonstances
l’exigent. Cette aptitude n’a manifestement rien de surnaturel ni de
paranormal.
L’état de conscience élargie inhérent à la proximité de la mort s’inscrit
dans ce même registre. À l’approche de la mort, ce potentiel présent, mais
dormant en chacun de nous serait activé et permettrait aux personnes en
fin de vie de percevoir des proches défunts et de bénéficier de
nombreuses informations sur leur mort proche et au-delà.
Les médiums auraient simplement une prédisposition, voire une
sensibilité plus grande que la moyenne, qui serait affinée et approfondie
au fur et à mesure de leur parcours initiatique qui débute souvent dès
leur enfance et se développe au fil du temps et de la pratique. Les
médiums se définissent comme des « messagers » se tenant à la frontière
séparant le monde matériel du monde spirituel. Ils se considèrent comme
étant des canaux (channels) et communiquent à leurs clients les
sensations, images et paroles qu’ils reçoivent du monde invisible, tandis
que pour les récepteurs de VSCD, il s’agit d’expériences rares, ponctuelles
et essentiellement personnelles.
Dans l’excellent livre Le Test, Stéphane Allix se pose la question de
savoir comment les médiums obtiennent les informations sur des vivants
et des défunts dont ils ignorent tout :

« Les chercheurs se retrouvent face à deux hypothèses permettant


de rendre compte des résultats obtenus : soit les médiums
communiquent vraiment avec les défunts, soit il s’agit d’une forme
de télépathie, et cette explication est déjà en soi assez extraordinaire.
Selon cette dernière hypothèse, le médium serait capable de lire dans
l’esprit de la personne qui vient le consulter. Il ne parlerait pas à un
esprit, mais il obtiendrait des informations en allant les piocher
dans la tête de la personne en face de lui, qui, elle, les connaît.

Toutefois, il ressort que cette forme de télépathie est un acte


passif : dans ce cas de figure, le médium reçoit des images, des flashs,
or, dans les communications avec des défunts, les médiums parlent
de “véritables conversations interactives”. Plus déterminant encore,
dans bien des cas, les informations livrées par le médium sont
inconnues de la personne qui se prête à l’expérience en tant que
client98. »

Les VSCD se différencient des contacts établis par le biais d’un


médium par les circonstances de leur survenue, la nature des informations
obtenues et leur impact émotionnel. Un VSCD se produit en l’espace de
quelques secondes, quelques minutes au plus, tandis que les séances avec
les médiums se déroulent sur un temps plus long. Prendre rendez-vous
avec un médium implique une certaine conviction préexistante. On décide
de consulter un médium lors d’un deuil parce que l’on croit qu’il est
possible d’établir un contact avec l’au-delà, on se rend à la séance avec
l’espoir d’entrer en communication avec l’être aimé défunt. On est ainsi
préconditionné, ou tout au moins ouvert à la possibilité de recevoir des
informations émanant du défunt. Tel n’est pas le cas pour les VSCD qui
arrivent spontanément, qui s’imposent au récepteur à l’improviste, sans
aucune expectative de sa part. L’intention est ainsi tout à fait différente,
affirmée dans le premier cas de figure, absente dans le second. Les
croyances préexistantes ne jouent aucun rôle dans la survenue des VSCD.
Un athée ou un agnostique peut vivre cette expérience au même titre
qu’un croyant. La croyance en la survie de la conscience ou la ferme
négation de cette hypothèse sont sans importance à l’heure
d’expérimenter un contact avec un défunt. L’évidence s’impose, l’impact
est immédiat, il n’y a plus de place pour le doute – l’être aimé défunt s’est
manifesté, il vit, il se préoccupe de nous, le lien n’est pas rompu. Les
convictions peuvent se modifier suite à l’expérience, mais à ce moment-là
nous sommes déjà dans la phase de l’intellectualisation du phénomène et
non plus dans le ressenti immédiat.
Lors d’une séance médiumnique, les informations obtenues passent
par le médium. La réussite de la séance dépend de la capacité du médium
à se mettre sur la même fréquence que le défunt, de le capter, de le
comprendre, et de traduire en paroles les informations perçues. Pour
réussir, il doit veiller à ne pas laisser ses propres pensées et émotions
interférer. C’est fragile, c’est difficile, c’est parfois fluide, mais souvent
laborieux, surtout si les clients souhaitent obtenir des réponses à des
questions précises.
La nature des informations obtenues est différente. Lors d’une séance avec
un médium, le défunt semble s’identifier dans un premier temps afin que
la personne qui consulte puisse le reconnaître. Ensuite, un grand nombre
d’informations est habituellement transmis. Lors d’un VSCD, il s’agit en
général moins d’un transfert d’informations (sauf pour certains types de
VSCD) que d’une prise de contact, d’un signe de vie, de l’expression d’un
soutien, d’un mot d’amour, d’un dernier adieu peut-être.
L’impact émotionnel d’un contact établi par un médium et celui d’un
VSCD sont tout à fait différents. Lors d’une séance avec un médium, le
défunt transmet par la bouche du médium sa sollicitude et son amour pour
la personne qui consulte – c’est sans aucun doute d’un grand réconfort
pour une personne en deuil. Lors d’un VSCD, en revanche, le récepteur
ressent l’amour de son proche décédé. Il en fait l’expérience directe. Même
lors d’une furtive impression de présence qui ne dure que deux ou trois
secondes, le récepteur sent l’amour du défunt l’envahir avec une infinie
douceur. L’impact émotionnel – et la force réparatrice – d’un VSCD sont
puissants.

Parallèles entre les différentes expériences autour de la


mort

Les propos et descriptions relayés par les médiums sont-ils en


adéquation avec les vécus autour de la mort, soit les expériences de mort
imminente, les visions au moment du décès et les VSCD ? Est-il possible
de croiser et de comparer ces données ? Je vais tenter l’exercice en puisant
dans les retranscriptions de séances médiumniques présentées par
Stéphane Allix dans Le Test.
La lumière est centrale dans toutes les expériences autour de la mort,
comme elle est d’ailleurs un élément essentiel de toutes les grandes
religions. Cette lumière est bien plus qu’une simple source lumineuse,
elle est vivante, intelligente, aimante, et omnisciente.
EMI : les expérienceurs rapportent une rencontre avec un « être de
lumière » personnifiant la connaissance et l’amour absolus qui génère un
sentiment de bonheur et de paix profond. Cet être grandiose les connaît
parfaitement et les aime de manière inconditionnelle, malgré leurs
défauts et les erreurs commises qui sont mises en évidence lors de la
revue de vie. En présence de l’être de lumière, ils ont accès à la
connaissance absolue tant sur le plan de leur vie individuelle passée et
future que sur le plan de l’humanité dans son ensemble et de l’univers.
Voici deux témoignages de rencontres avec cette lumière omnisciente
et aimante :
« La lumière s’avançait vers moi et prit la forme d’une personne.
Et pourtant, ce n’était pas une personne. C’était un être qui irradiait.
Et à l’intérieur de cette lumière, radieusement lumineuse, d’une
teinte argentée – blanche avec une teinte argentée –, il y avait ce qui
paraissait être un homme… Je ne savais pas exactement qui c’était,
vous comprenez, mais ce fut la première personne qui se présenta, et
j’eus l’impression que plus cette lumière s’approchait de moi, plus
grand, plus pur était l’amour… 99. »
« Des sentiments très intenses m’envahirent brusquement.
Comme si la lumière qui entourait cet être (de lumière) me baignait
de ses rayons, pénétrant chaque parcelle de mon être. En absorbant
cette énergie, je ressentis ce que je ne peux désigner que sous le nom
de “béatitude”100. »

Visions au moment du décès : des personnes en fin de vie perçoivent


des proches décédés qui sont quelquefois entourés d’une lumière.
Parfois, ils voient à la fois une lumière et des défunts, comme le
témoignage d’Emma, récolté par les infirmières Callanan et Kelley
l’illustre :
« Oh, si seulement je pouvais me détendre, se plaignait-elle.
— Que se passerait-il si vous pouviez vous détendre ? ai-je
demandé.
— Eh bien, cette lumière s’approcherait et je pourrais reconnaître
toutes ces personnes.
Pendant une fraction de seconde, je pensais qu’elle se référait aux
autres patientes de la chambre ou au personnel du service.
Hésitante, j’ai demandé :
— Quelles personnes ?
Emma avait l’air étonnée, comme si j’avais posé une question
ridicule.
— Toutes ces personnes autour de mon lit, bien sûr ! répondit-elle
en faisant un grand geste du bras pour montrer l’importance de la
foule que je ne pouvais voir101. »

Peter et Elizabeth Fenwick constatent que la lumière est présente à la


fois dans les descriptions d’EMI et de visions au moment du décès :
« Il est logique de conclure que ces deux types d’expériences sont
liés, qu’ils font partie d’un même continuum […]. Une lumière est
par exemple très souvent aperçue, non seulement à l’heure de la
mort, mais pendant les jours ou même les semaines qui précèdent le
décès […]102 ».
« Il est particulièrement intéressant de souligner
qu’occasionnellement les proches qui veillent le mourant peuvent
également voir cette lumière, comme s’ils partageaient une même
vision. Ce phénomène est souvent rapporté par le personnel
soignant ou par les proches des patients et par les mourants eux-
mêmes. La lumière est habituellement décrite comme étant brillante
et blanche et associée à de puissants sentiments d’amour et de
compassion qui, par moments, imprègnent toute la pièce. Cette
lumière est souvent décrite comme émanant du corps du mourant
ou comme l’entourant, et le phénomène se poursuit en général
pendant tout le processus de mourir103. »

VSCD : la lumière est présente principalement, mais pas


exclusivement, lors des apparitions. Rarement, seule une lumière est
perçue qui est toutefois identifiée sans hésitation par le récepteur.
« Deux ou trois heures après le départ de ma mère, je voulais être
seule. Je suis donc allée dans le jardin où je vis subitement une
lumière d’une intense clarté. Elle se situait à un peu plus d’un mètre
du sol et mesurait environ un mètre de diamètre. La lumière n’avait
pas vraiment de contours, mais je savais que c’était ma mère. Elle
dit :
— Bonjour Edna. Je t’aime. Je vais bien et tout ira bien pour toi.
C’est très beau là où je suis maintenant, et je suis bienheureuse. Je
suis rentrée à la maison !
J’ai répondu :
— Je suis tellement heureuse pour toi !
Elle a poursuivi :
— Prends bien soin de Papa […]104. »

Plus couramment, les apparitions sont entourées d’une lumière ou se


détachent sur un fond lumineux. Parfois, une silhouette ou un visage
prend forme à l’intérieur d’une lumière.

« Le jour de mon mariage, j’étais agenouillée devant l’autel en


train de faire mes vœux quand j’ai soudainement ressenti le besoin
de tourner la tête sur ma gauche. J’ai vu une lumière très claire,
ressemblant à un nuage illuminé. Je sus immédiatement que ma
mère était là, je pouvais la sentir. Je n’ai pas bien discerné son visage,
mais j’ai vu son sourire et ses yeux. Je pense qu’elle a trouvé la
paix105. »

Les médiums mentionnent fréquemment une lumière. Stéphane Allix


rapporte les propos du médium Henry Vignaud qui parle d’une lumière
qui l’informe sur le stade d’évolution des défunts qu’il perçoit :

« Lors des contacts médiumniques, il [Henry] a conscience d’être


dans une sorte d’espace de lumière. Il me dit beaucoup aimer ces
instants où il voit apparaître les défunts entourés d’un champ
lumineux plus ou moins irradiant. La vision de cet embrasement lui
indique immédiatement à quelle étape ils en sont. Par moments, il
peut voir une pure forme uniquement lumineuse, à d’autres ce sont
des visages translucides qui apparaissent. Lorsque Henry se trouve
avec des défunts qui se montrent dans leur corps, il voit leur
rayonnement, et c’est saisissant, dit-il avec émotion. Quand cela se
produit, il avoue ne plus avoir envie de revenir dans notre réalité106. »
Où vivent les défunts ? Dans quel environnement évoluent-ils ? Que
font-ils de leurs journées ? Et d’ailleurs, y a-t-il des journées dans le
monde spirituel qui n’est sans doute pas régi par l’espace-temps qui
rythme notre vie ?
L’environnement décrit par les expérienceurs d’EMI ressemble à des
paysages terrestres sublimés. Ils disent avoir vu des paysages d’une
grande beauté, à l’instar de cette description faite par une femme qui
avait vécu une EMI à l’âge de 9 ans :

« Quand j’arrivai au bout du tunnel, un paysage merveilleux se


déploya à moi. Il y avait des champs remplis de fleurs avec un joli
chemin à ma droite. Les arbres étaient peints en blanc jusqu’à mi-
hauteur et il y avait une clôture blanche. C’était ravissant. En plus,
dans un pâturage à ma droite se trouvaient les plus splendides
chevaux que j’aie jamais vus de ma vie107. »

Visions au moment du décès : lorsque les personnes en fin de vie ont


des visions de paysages, elles semblent en retirer un réconfort. Par-delà la
beauté des paysages décrits comme paradisiaques, elles semblent obtenir
une information qui les tranquillise et les met en confiance pour ce qui les
attend.
Et que disent les médiums ? Peu d’informations sont captées quant à
l’environnement où les défunts semblent évoluer. Stéphane Allix écrit, en
se référant aux messages reçus par les médiums interrogés :

« Les défunts évoquent parfois des paysages, de très beaux


paysages, mais au-delà ? La mort doit-elle rester invisible aux vivants
que nous sommes ?108 »

L’espace semble soit absent, soit muni d’autres propriétés dans le


monde post-mortem. Par le simple souhait de le faire, les expérienceurs
d’EMI disent avoir pu se transporter instantanément à n’importe quel
endroit, même très éloigné du lieu où se trouvait leur corps au moment
de l’EMI. Ainsi, lors d’une opération chirurgicale, par exemple, qui avait
mal tourné et les avait menés au seuil de la mort, leur esprit pouvait se
rendre dans la salle d’attente où leurs proches étaient réunis et écouter
leur conversation, tout comme ils pouvaient par exemple se rendre à leur
domicile, observer un membre de la famille préparer le repas tout en
prenant connaissance des pensées de la personne en question. La liberté
est totale, les possibilités sans limites.
Le médium Pierre Yonas, interrogé par Stéphane Allix, donne une
description très similaire :

« Ils [les défunts] évoluent dans une matière différente de la nôtre.


Un monde de matière dans lequel il n’y a pas d’espace ni de temps.
Les déplacements s’y font instantanément, plus vite que la pensée.
C’est un univers un peu à l’image du nôtre, dans lequel ils peuvent
recréer des mondes109. »

Le temps également semble modifié ou aboli lors des EMI qui se


déroulent sur un temps très court, parfois en quelques minutes à peine,
par exemple lorsqu’une personne subit un arrêt cardiaque. Lors de la
revue de vie notamment, une quantité d’informations si phénoménale est
libérée qu’elle semble se produire en dehors du temps. La vision
d’événements futurs qui peut se produire pendant la revue de vie est
particulièrement intéressante. Les événements qui ne sont pas encore
vécus sont déjà inscrits dans notre avenir, impliquant l’absence de temps
tel que nous le concevons, puisque le passé, le présent et le futur sont
présents et accessibles simultanément. Le médecin anesthésiste-
réanimateur toulousain Jean-Jacques Charbonier, expert des expériences
de mort imminente, écrit à ce sujet :

« Déterminer l’au-delà par un quelconque modèle temporo-


spatial serait nécessairement faux et réducteur, comme le souligne la
physique quantique qui pointe du doigt le caractère aléatoire de
toute observation évoluant dans un système à quatre
dimensions110. »

Les visions au moment du décès sont de courte durée, bien qu’elles


puissent être récurrentes. Là encore, ces expériences sont puissantes,
capables de balayer en un clin d’œil une appréhension de la mort qui
était peut-être présente tout au long d’une vie. On ne peut écarter
l’impression que le temps est modifié, voire dilaté, pendant ces vécus.
Les VSCD également se produisent dans un temps très court, et
pourtant, les récepteurs peuvent avoir l’impression d’avoir reçu beaucoup
d’informations. Dans l’entretien que j’ai mené avec Allan Botkin, il
mentionnait que les VSCD induits semblaient se produire en dehors du
temps linéaire. À titre d’illustration, il avait raconté le cas d’un patient
qui avait fermé les yeux lors de la mise en condition par l’EMDR et les
avait rouverts après environ trois secondes. Botkin avait alors supposé
que la mise en réceptivité n’avait pas fonctionné lorsque le client s’était
mis à raconter un VSCD très long et complexe. Apparemment, une
grande quantité d’informations avait été perçue en trois secondes
seulement. La notion du temps du patient était modifiée puisqu’il disait
à Botkin qu’il pensait avoir fermé les yeux pendant deux ou trois
minutes.
Pour être identifiés, les défunts doivent se présenter sous une forme
reconnaissable pour les vivants.
Lors d’une EMI, les expérienceurs rencontrent des proches décédés
qu’ils identifient au moyen d’une reconnaissance par l’esprit davantage
que par la perception d’un corps qui est parfois décrit comme flou ou
diaphane, voire absent. L’identification se fait pourtant sans équivoque
possible. En voici une illustration :

« Peu de temps avant ma prétendue mort, un de mes très bons


amis, Bob, avait été tué. Au moment où je suis sorti de mon corps,
j’ai eu le sentiment très vif que Bob se tenait tout près de moi. Je le
voyais mentalement, et je le sentais là, mais c’était une sensation
curieuse : je ne le voyais pas physiquement ; je distinguais des
choses, mais pas sous une forme physique ; et pourtant, de façon
très claire, ses traits, tout. Je ne sais pas si je me fais bien
comprendre. Il était là, mais il n’avait pas son corps terrestre. C’était
un corps un peu diaphane, il me faisait l’effet d’avoir tous ses
membres, mais je ne peux pas dire que je le voyais physiquement111. »
Lors des visions au moment du décès, les mourants qui voient des
défunts les reconnaissent immédiatement, mais ne précisent pas sous
quelle forme ils les perçoivent.
Les descriptions de VSCD visuels vont de la vision d’une silhouette
brumeuse à la perception d’un corps parfaitement solide qui paraît
vivant. La lumière est fréquemment présente lors des apparitions.

« Le troisième jour après son décès, mon père m’apparut. Il avait


l’air comme d’habitude, sauf que je pouvais voir à travers lui. Sa
silhouette ressemblait à un brouillard gris, mais il était facile à
reconnaître. Derrière lui, je vis une lumière claire et blanche112. »

Les défunts sont souvent perçus comme étant plus jeunes que le jour
de leur décès, en éclatante santé et rayonnants de félicité, donnant
l’impression qu’ils peuvent « se matérialiser » ponctuellement et entrer
dans la conscience des vivants en créant une image de leur choix. Cette
caractéristique est mentionnée aussi bien par les récepteurs de VSCD que
par les expérienceurs d’EMI.
Lors de l’accompagnement de personnes en fin de vie, deux médiums
cités dans Le Test, Loan Miège et Christelle Dubois, ont pu observer « ce
tunnel de lumière d’où émergent des proches sous la forme de
silhouettes plus ou moins définies, parfois avec une apparence beaucoup
plus jeune. Un sentiment de joie et d’amour immense émane d’eux113. »
Stéphane Allix rapporte les perceptions très similaires de la médium
Christelle Dubois :

« Un passage, un tunnel descend dans la chambre. Un tunnel


dans lequel passent différentes énergies, comme les guides, des
défunts. Ils font des allers-retours quand ils n’attendent pas dans la
chambre. Il est arrivé à Christelle d’entrer dans une chambre et de
tomber sur une dizaine de personnes du monde céleste qui
attendaient leur proche en train de s’éteindre dans son lit114. »
Nous retrouvons la notion de tunnel dans lequel les expérienceurs
d’EMI disent avoir été engagés lorsqu’ils se dirigeaient à très grande
vitesse vers la lumière située au bout de ce tunnel. Par ailleurs, les
médiums perçoivent les visiteurs secrets des personnes en fin de vie,
invisibles pour leur entourage.
Comment les défunts peuvent-ils se rendre reconnaissables pour les
vivants ? Le médium Pierre Yonas, interrogé par Stéphane Allix, explique
que certains défunts lui « montrent des images se rapportant à leur
apparence » :

« Pour Pierre, c’est lié à une question d’énergie. L’énergie dont les
défunts se servent pour se montrer, pour créer ce corps avec lequel ils
se rendent visuellement perceptibles doit être tellement importante
qu’ils n’en ont pas assez pour faire autre chose que créer cette image
dans notre monde. À l’inverse, ceux qui parlent n’ont ni l’énergie ni
la force nécessaires pour se montrer en même temps115. »

Il ajoute :

« L’énergie est la clé qui ouvre l’accès au monde des esprits et rend
possible la communication avec les défunts. Pour passer de l’endroit
où ils se trouvent à ici – notre monde matériel qui doit engendrer
quantité de parasitages –, il leur faut de l’énergie. Beaucoup
d’énergie116. »

Au-delà de leur apparence, les défunts semblent conserver leur identité,


leur personnalité, leur caractère et leur histoire personnelle. Cela est étayé
par les expérienceurs d’EMI qui disent que, pendant leur expérience, ils
avaient non seulement gardé le sentiment de leur identité, mais qu’ils
n’avaient jamais été aussi totalement eux-mêmes, la concentration,
l’essence même de leur être authentique. Un expérienceur le décrit ainsi :

« C’était difficile à expliquer. À ce moment-là, je n’étais plus


l’épouse de mon mari. Je n’étais plus la mère de mes enfants. Je
n’étais plus l’enfant de mes parents. J’étais totalement et
complètement moi-même117. »

Il semble assez évident que nos proches décédés ne sont plus vraiment
les mêmes « personnes » que nous avons connues et aimées. Ils sont ce
qu’ils ont été, mais ils sont également beaucoup plus que cela, d’une
manière inconcevable pour nous. La médium Loan Miège décrit ainsi le
défunt avec qui elle a établi un contact :

« Il s’est désidentifié de la personne que tu as connue et il a


retrouvé son essence. Il vit actuellement dans son essence qui est
bien plus vaste qu’une personne incarnée sur Terre. Alors, il y a
quand même des traits de personnalité qui demeurent, ou bien il
joue simplement à les reprendre juste pour se faire reconnaître118. »

Les échanges entre vivants et défunts et le transfert d’informations à


l’adresse des vivants sont présents dans toutes les expériences autour de
la mort, étant sans doute le sens et l’essence mêmes de ces vécus.
Lors d’une expérience de mort imminente, les expérienceurs disent
avoir rencontré l’être de lumière, des guides inconnus ainsi que leurs
proches décédés et avoir échangé avec eux de manière télépathique. Les
individus ayant vécu une EMI étaient généralement inconscients, sous
anesthésie, dans le coma ou en état de mort clinique, et pourtant, ces
échanges ont eu lieu, riches en contenu et en émotions, parfaitement
gravés dans leur mémoire au moment où ils reviennent à leur état de
conscience habituel. La substance de ces échanges est personnelle, propre à
l’individu qui vit l’expérience. Des éléments de surprise sont parfois
présents dans ces conversations télépathiques avec les proches décédés,
telle cette femme qui a appris lors de son EMI que son père n’était pas
son père biologique – information confirmée par la suite119.
Les informations reçues lors des visions au moment du décès sont
puissantes et convaincantes puisqu’elles enlèvent instantanément la peur de
la mort. Il doit y avoir quelque chose dans ces visions qui non seulement
supprime immédiatement toute appréhension, mais réjouit les mourants
et les met dans un état d’acceptation de la mort et même de joie anticipée
de ce qui les attend dans ce voyage qui s’annonce. Il y a concordance avec
la félicité sans égale que les expérienceurs disent avoir ressentie pendant
l’EMI.
Lors d’un VSCD, les informations perçues sont centrées sur les
récepteurs, donc sur le monde physique, puisqu’elles servent à les
réconforter, à leur transmettre des renseignements concrets dont ils ont
grand besoin (les VSCD pratiques) ou à leur épargner un drame (les
VSCD de protection). Les défunts communiquent habituellement qu’ils
vont bien et qu’ils sont heureux, impliquant par là que l’au-delà est un
lieu de paix et de bien-être, mais ils ne décrivent pas leur nouvel
environnement ni leurs conditions d’existence. Ces messages rejoignent
les descriptions d’EMI et les visions des mourants. Beaucoup plus
rarement, notamment lorsque les défunts qui se manifestent sont
décédés de mort violente, le contact semble aider le défunt plutôt que le
récepteur qui, lui, peut être incommodé par le contact.
Des transferts d’informations ont lieu, il n’y a pas de doute. Ces
échanges se produisent de manière télépathique, sauf pour une partie des
VSCD auditifs qui peuvent être perçus comme une voix arrivant de
l’extérieur, à l’instar d’une conversation entre vivants.
Et les médiums, comment captent-ils les informations qu’ils
transmettent à leurs clients ? Stéphane Allix décrit comment le médium
Pierre Yonas procède, en se servant d’une photo du défunt qu’il tente de
contacter :

« En prenant la photo, il fait le vide d’un coup. Il plonge dans un


état où il essaye d’être le plus vide et le plus serein possible. Pour y
parvenir, il oublie qui il est, son caractère, ce qu’il sait faire, tout ce
qu’il a appris. Il compare cet état à une amnésie qui durerait une à
quelques secondes au maximum. Dès lors, il commence à avoir des
ressentis physiques nouveaux. C’est un peu comme s’il était là sans
être là. Alors, sa conscience se modifie et, telle une antenne, il sent
que des choses arrivent en lui […]. Et c’est dans cet état qu’il entend des
phrases, qu’il capte des flashs, des images, des odeurs, ou des
impressions physiques120. »

Chaque médium a sa propre façon de travailler, ou peut-être juste ses


propres mots pour décrire un même procédé. Stéphane Allix décrit
comment la médium Florence Hubert procède pour contacter les défunts
lors des séances publiques :

« Assise devant une table sur laquelle ont été disposées par les
familles et les proches présents dans la salle les photos de leurs
défunts, Florence a la sensation de se retrouver dans un brouillard,
une sorte de brume. Quelque chose qui l’englobe. Là, elle saisit une
photo machinalement, et ses perceptions s’ouvrent. Elle entend des
voix, des personnes qui lui parlent, lui décrivent des éléments de vie,
des circonstances de décès, des prénoms ou parfois juste la première
lettre, des dates, etc.121 »

Les médiums, comme les mourants ayant des visions de proches


défunts, sont capables d’accéder au monde spirituel tout en étant parfaitement
ancrés dans notre réalité physique. Ils commentent leurs perceptions –
images ou paroles – à leur entourage pour les mourants, et à leurs clients
pour les médiums, en ayant simultanément accès aux deux réalités.
Les récepteurs de VSCD semblent bénéficier d’un accès ponctuel et
bref au monde invisible leur permettant de percevoir leurs proches
décédés, tout en restant parfaitement ancrés dans le monde physique.
Lors d’une expérience de mort imminente, en revanche, les
personnes sont projetées instantanément dans cette autre réalité, mais
l’accès au monde physique est interrompu temporairement pendant
l’EMI.
Ainsi, ces capacités ne sont pas réservées à certains individus – les
médiums en l’occurrence –, mais leur activation dépend simplement des
circonstances. En d’autres termes, nous avons tous en nous le potentiel de
percevoir le monde spirituel.
Fonctions pour les défunts. Peut-on supposer que les défunts puissent à
leur tour bénéficier des contacts avec les vivants ? La question se pose en
particulier pour les défunts qui ne semblent pas conscients de leur
nouvel état. En d’autres termes, peut-on être mort sans le savoir ?
Est-ce que les médiums captent des informations qui peuvent
effectivement laisser croire que certains défunts ne sont pas conscients
d’être décédés ? En se basant sur les propos des médiums interrogés,
Stéphane Allix commente ce point :

« […] À cela s’ajoute le fait, souvent mentionné dans diverses


traditions et par les médiums, que les défunts peuvent se trouver à
des niveaux différents, une fois de l’autre côté. L’accès à tel ou tel
niveau correspondrait à la compréhension qu’aurait le défunt de son
état, à la manière, rapide ou non, dont se serait faite la prise de
conscience de sa mort. Ce processus peut être plus ou moins lourd
suivant les personnes. Certaines âmes se sentent mal, elles peuvent
n’être que partiellement conscientes de ce qui se passe, et ne
parviennent pas à se dégager de cette confusion122. »

Quatre de nos témoins ont vécu des VSCD difficiles, dont trois avec
des défunts inconnus, qui sont sans doute à placer dans cette catégorie.
Dominique Marie C. a vécu un contact oppressant avec son frère,
décédé quelques jours plus tôt, qui ne semblait pas être conscient d’être
mort. Il lui avait demandé s’il devait partir, et elle avait répondu par un
« oui » catégorique.
Eliette S. avait aperçu une « forme féminine hostile » dans la maison
de campagne de sa sœur et en avait été bouleversée, tout comme son
chien, qui semblait pétrifié. Nous ne savons rien sur les circonstances du
décès de cette femme, mis à part la rumeur qui dit que « dans cette
maison vécut autrefois une femme seule qui mourut folle ».
Nous avons vu que les circonstances du décès, notamment dans le cas de
mort violente, jouent un rôle dans cette prise de conscience de sa propre
mort. Dans les deux cas suivants, les défunts perçus étaient inconnus de
nos témoins.
Souvenons-nous d’Anne-Marie L. qui avait porté assistance un soir à
un jeune homme inconnu accidenté de la route qui décéda pendant le
transport à l’hôpital. Rentrée chez elle, Anne-Marie avait vécu un VSCD
effrayant. On peut supposer que le jeune homme, arraché brutalement à
la vie, n’avait pas encore pris conscience de son nouvel état, et, dans sa
confusion, s’était « accroché » à la personne qui lui avait porté secours
dans la situation dramatique dans laquelle il se trouvait peu avant de
mourir.
Béatrice M. a elle aussi perçu une inconnue, une jeune fille de 13 ans,
décédée tragiquement dans un accident d’avion qu’elle avait provoqué
elle-même par inadvertance en « touchant à quelque chose qu’il ne fallait
pas », information confirmée par une enquête officielle subséquente.
Cette expérience est entièrement marquée par le désarroi, l’affolement et
la confusion de la jeune fille qui donnait l’impression de s’être manifestée
en toute urgence là où c’était possible – auprès de Brigitte, qui, étant
munie d’une grande sensibilité, rendait ce contact possible. Il est fort
possible que la jeune fille n’était pas consciente d’être morte.
Dans la citation d’Allix, il n’est pas question d’individus décédés de
mort violente, mais on peut imaginer que la prise de conscience de sa
propre mort est moins immédiate si la personne a été arrachée
brutalement à la vie, sans aucune préparation psychologique possible.
Les propos de la médium Loan Miège étayent cette supposition :

« Si la mort s’est installée progressivement dans la vie de la


personne, celle-ci a le temps de se préparer, de l’accepter et de savoir
ce qui lui arrive. Par contre, si elle survient de manière brutale, il y a
de forts risques qu’elle ne soit pas comprise. La personne n’est pas
prête, elle était en plein élan de vie, et ce changement soudain lui
paraît impossible. Elle est alors tétanisée par le choc, puis dans le
déni ou le rejet123. »

Nous l’avons vu, les VSCD avec des proches décédés semblent servir à
réconforter les vivants et à les aider à poursuivre leur vie sans l’être
essentiel, tandis que les VSCD avec des inconnus donnent l’impression
que ce sont les défunts qui ont besoin d’être rassurés.
Arrêtons-nous un instant sur cette notion des VSCD qui « rassurent »,
qui « réconfortent » les vivants. Ces termes sont revenus tout au long de
ce livre dans la bouche des récepteurs. Sans doute faut-il comprendre le
verbe « rassurer » dans un sens plus large que le « simple » apaisement de
la douleur du deuil (ce qui en soi est déjà considérable). Les implications
sous-jacentes à ces contacts sont vertigineuses, nous l’avons vu à maintes
reprises. Il s’agit ni plus ni moins que de révolutionner notre conception
de la mort… et de la vie… et avant tout, de notre propre vie (à moins, bien
sûr, que cette conviction n’ait préexisté d’une manière quelque peu
théorique, mais sans s’appuyer sur l’expérience directe). Il est bien clair
que l’idée de la mort est constamment présente dans notre inconscient
puisqu’elle délimite toutes nos démarches et tous nos espoirs dans le
temps et, dans l’absolu, rend absurdes tous nos efforts. Si, en revanche,
nos actes, nos joies et nos peines trouvaient un prolongement dans une
pérennité, si le sens de notre existence ne se mesurait plus uniquement
dans l’espace de notre vie terrestre, alors la conception de notre quotidien
en serait profondément transformée puisque notre existence prendrait
une signification fondamentalement différente. Ainsi, j’ai envie d’ajouter
un verbe supplémentaire à ceux définissant la fonction des VSCD : le
verbe « informer ». En effet, les VSCD nous offrent l’information que nos
proches décédés ont survécu à la mort de leur corps physique – une
information capitale s’il en est.
Que peuvent faire les vivants pour leurs morts ? Stéphane Allix écrit à ce
propos :

« Le défunt peut être également conscient d’être décédé, mais


freiné par des détails de sa vie terrestre qui ne seraient pas encore
réglés. On peut en effet être conscient d’être passé de l’autre côté,
mais encore faut-il accepter ses erreurs, pardonner aux vivants. Et
puis, il y a ceux qui n’acceptent pas leur départ. Ou ceux encore qui
ne sont pas tout à fait dégagés parce qu’ils sentent le besoin d’aide
qu’éprouvent les vivants124. »
Allix précise sa pensée :

« Pour Henry comme pour tous les autres médiums que j’ai
consultés, il faut savoir laisser les défunts suivre leur chemin. Ils le
répètent souvent à leurs clients : nos défunts doivent évoluer de leur
côté. La mort ne signifie pas qu’ils nous ont abandonnés. Il faut
essayer de se mettre à leur place et envisager que ne pas vouloir
évoluer dans notre souffrance peut les culpabiliser. Par là nous les
attirons sans cesse à nous125. »

Si le lien entre défunts et vivants n’est pas rompu définitivement, cela


implique une continuation de la dynamique relationnelle qui peut être
positive ou négative pour les deux parties. Nous pouvons les aider tout
comme ils peuvent nous aider. Notre rôle, à nous les vivants, est de les
laisser suivre leur chemin, de les aider à poursuivre leur évolution dans
un ailleurs qui est quasi hermétique à notre capacité de compréhension,
mais dont nous avons néanmoins un aperçu grâce aux témoignages des
expériences autour de la mort et grâce aux médiums. Notre dernier acte
d’amour doit consister à les libérer, à les laisser partir, à ne pas alourdir
leur cheminement par notre souffrance et par nos larmes.
Les laisser partir ne signifie pas couper le lien définitivement, mais
plutôt laisser se mettre en place la distance juste. Le médium Pierre
Yonas le conçoit ainsi :

« Pour voir les vivants, il faut que les défunts se rapprochent,


qu’ils déchirent ce voile qui nous éloigne les uns des autres. En
revanche, une certaine connexion entre eux et nous reste
permanente. Ainsi, lorsqu’ils sentent que nous ne sommes pas bien
ou que nous avons besoin d’aide, ils sont proches,
instantanément126. »

Les VSCD de protection confirment effectivement qu’ils sont proches


instantanément, voire constamment, qu’ils gardent un œil sur nous à
tout moment, même très longtemps après leur décès, même des
décennies plus tard, et qu’ils interviennent pour empêcher un drame. Et
que s’est-il passé quand un drame n’a pas été évité ? Cela, nous ne le
savons pas…
Et finalement, quand nous arriverons au terme de notre existence
terrestre, quand l’heure de notre mort sonnera, ils seront là pour nous
accueillir et nous accompagner dans notre nouvelle demeure.
Je conclus ici ma tentative de comparer les propos des médiums avec
les témoignages des personnes ayant vécu une expérience de mort
imminente, une vision au moment du décès ou un vécu subjectif de
contact avec un défunt.

Les propos des médiums et les témoignages des différents vécus autour de la
mort convergent sur de nombreux points – les pièces du puzzle se mettent en
place petit à petit.

Pour clore ce chapitre, soulignons que la question de l’authenticité des


VSCD n’est pas tranchée sur le plan scientifique, bien sûr, malgré les
données empiriques dont nous disposons. Toutefois, l’hypothèse que la
conscience n’est pas intrinsèquement liée à un cerveau en activité, mais
lui survit au contraire au moment du décès physique est rendue plus
solide par les innombrables témoignages autour de la mort. Allix abonde
dans ce sens en écrivant que :

« L’accumulation sans précédent d’études et de témoignages


allant des EMI aux contacts spontanés avec un défunt, des
expériences de médiumnité contrôlées aux recherches sur la
conscience rend la vision matérialiste (postulant que la mort est la
fin de toute conscience) désormais scientifiquement intenable127. »

Au-delà de la question de l’authenticité des VSCD, comment faut-il


s’imaginer le monde invisible – le monde des défunts – en se basant sur
les descriptions des expériences autour de la mort et des propos des
médiums ? Je pense que, précisément, il ne faut pas l’imaginer. La difficulté
de se représenter le monde post-mortem et d’expliquer ces phénomènes
avec nos références demeure entière. Le propre de ces expériences est leur
ineffabilité. La traduction en paroles de ces perceptions est forcément
approximative, forcément imparfaite. Gardons-nous de banaliser une
réalité dont la portée et la splendeur dépassent l’entendement humain.
Par ailleurs, méfions-nous des mots et des concepts se référant à
l’espace. Il serait sans doute erroné de nous imaginer « ici-bas » dans le
monde terrestre et les défunts quelque part « là-haut » dans un monde
invisible. Il est sans doute plus juste de parler de « deux facettes d’une
même réalité » ou encore d’« une réalité bien plus vaste qui engloberait la
nôtre ». Quels que soient les mots choisis, les témoignages indiquent
clairement que la réalité spirituelle fait intégralement partie de notre
monde physique.

89. ALLIX Stéphane et BERNSTEIN Paul, Manuel clinique des expériences extraordinaires, Paris,
InterEditions - INREES, « Nouvelles évidences », 2013, p. 146-147.
90. Awareness en anglais.
91. 3 livres = 1,360 kg.
92. Communication personnelle du docteur Jean-Jacques Charbonier, novembre 2015.
93. iands-france.org.
94. VAN LOMMEL Pim, VAN WEES Ruud et MEYERS Vincent, « Near death experience in survivors of
cardiac arrest: a prospective study in the Netherlands », The Lancet, 2001, 358: 2039-2045.
95. THONNARD M., SCHNAKERS C. et BOLY M., « Expériences de mort imminente : phénomènes
paranormaux ou neurologiques ? », Rev Med Liege, vol. 5-6, no 63, 2008, p. 438-444.
96. Fear death experience, en anglais.
97. Voir sur mon site : www.elsaesser-valarino.com.
98. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 14.
99. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, D’une vie à l’autre, op. cit., p. 34.
100. Ibid., loc. cit.
101. CALLANAN Maggie et KELLEY Patricia, Final Gifts: Understanding the Special Awareness, Needs, and
Communications of the Dying, op. cit., p. 106.
102. FENWICK Peter et FENWICK Elizabeth, The Art of Dying, op. cit., p. 152.
103. Ibid., p. 153.
104. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà , op. cit., p. 77.
105. Ibid., p. 78.
106. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 67-68.
107. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, D’une vie à l’autre : des scientifiques explorent le phénomène des
expériences de mort imminente, op. cit., p. 37.
108. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 97.
109. Ibid., p. 173.
110. CHARBONIER Jean-Jacques, La Médecine face à l’au-delà : pour la première fois, des médecins parlent…,
Paris, Guy Trédaniel éditeur, 2010, p. 8.
111. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, D’une vie à l’autre : des scientifiques explorent le phénomène des
expériences de mort imminente, op. cit., p. 49.
112. GUGGENHEIM Bill et GUGGENHEIM Judy, Des Nouvelles de l’au-delà, op. cit., p. 82.
113. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 210.
114. Ibid., p. 136.
115. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 156.
116. Ibid., loc. cit.
117. ELSAESSER-VALARINO Evelyn, D’une vie à l’autre : des scientifiques explorent le phénomène des
expériences de mort imminente, Paris, Dervy, 1999, p. 44.
118. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 215.
119. Communication personnelle, 2010.
120. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 157.
121. Ibid., p. 242.
122. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 68.
123. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 209.
124. Ibid., p. 69.
125. Ibid., p. 69-70.
126. ALLIX Stéphane, Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie ?, op. cit., p. 169-170.
127. Ibid., p. 126.
Quelques mots en guise de conclusion

Nous voici arrivés au terme de ce vaste tour d’horizon des VSCD. J’ai
présenté les différents types de vécus subjectifs de contact avec un défunt,
y compris les visions au moment du décès – les VSCD se produisant dans
le contexte particulier de la proximité de la mort. Les nombreux
témoignages exclusifs partagés avec générosité et sincérité par nos
correspondants ont consolidé la compréhension de ces vécus, tant sur le
plan de leur phénoménologie que de leur impact.
Vivre un contact spontané avec un proche décédé est une expérience à
la fois bouleversante et réconfortante qui soulève de nombreuses
questions. Les récepteurs sont immédiatement et intimement convaincus
de la réalité de l’expérience, mais une réaction sceptique de leur
entourage peut les déstabiliser. Avec le concours de mes illustres
interlocuteurs, nous avons débattu des conséquences des VSCD pour le
processus de deuil et offrons de nombreuses pistes pour en tirer le plus
grand bénéfice.
La question cruciale de l’authenticité des contacts post-mortem a été
posée. Les VSCD ne sont pas un phénomène isolé, ils se situent dans le
contexte plus large d’autres expériences autour de la mort. Une mise en
parallèle des expériences de mort imminente, des visions au moment du
décès, des VSCD ainsi que des communications avec les défunts établies
par le biais de médiums a permis de mettre en lumière des similitudes
saisissantes, esquissant un continuum entre ces différentes manifestations
qui seraient des expressions distinctes d’une même réalité.
Que nous enseignent les VSCD ? Tout d’abord, ils impliquent que le
deuil n’est pas seulement une période de grande tristesse que nous
subissons en victimes impuissantes, mais qu’il offre au contraire
l’opportunité d’investir un espace d’ouverture et d’enrichissement, voire
de créativité, dans lequel les VSCD occupent une place importante. Non
seulement ces expériences réconfortent les endeuillés, mais elles
impliquent que leurs proches décédés ont survécu à la mort de leur corps
physique – une information ou confirmation capitale pour nous tous.
Les VSCD expérimentés par des millions de personnes de par le monde
constituent une source d’espérance inouïe, et avant tout, pour notre
propre destinée au-delà de la mort.
Il ressort des témoignages de VSCD que les défunts peuvent aider les
vivants. Ce constat ouvre une nouvelle perspective – la perspective d’un
lien relationnel continu qui se manifesterait, très exceptionnellement,
très ponctuellement et très brièvement, sous forme de contacts au-delà
de la mort. Les VSCD de protection illustrent la permanence de ce lien,
même très longtemps après le décès, puisque nos proches disparus
semblent garder un œil sur nous à tout moment et être en mesure
d’intervenir pour nous éviter un drame. Les VSCD s’inscrivent dans le
cadre plus large de la construction du lien intérieur qu’il s’agit de créer
avec le proche décédé et qui constitue l’essentiel du travail de deuil.
Et que peuvent faire les vivants pour leurs morts ? Les témoignages de
VSCD et les communications post-mortem établies par le biais de
médiums nous permettent de comprendre que les défunts peuvent
effectivement avoir besoin de nous, et c’est sans doute une surprise pour
beaucoup. Nous pouvons à notre tour les aider en faisant notre possible
pour ne pas les retenir trop longtemps par notre chagrin et nos larmes.
Les « laisser partir » ne signifie pas rompre un lien qui ne peut pas être
rompu, mais plutôt laisser se mettre en place la distance juste, en toute
confiance. Les VSCD et autres expériences autour de la mort suggèrent
l’existence d’une relation vivante, dynamique et évolutive entre les vivants
et les défunts. Cette interaction au-delà de la mort se manifesterait dans
des circonstances très rares et très spécifiques, lors des VSCD, pendant les
EMI quand les expérienceurs communiquent avec des proches décédés et
à l’approche de la mort quand les mourants reçoivent des informations
de la part de leurs proches défunts qui les mettent en paix avec leur mort
imminente.
J’espère que les récits de nos témoins vous ont donné une bonne
compréhension de la nature des VSCD et que les avis éclairés de mes
interlocuteurs vous ont guidé dans vos réflexions. J’espère avant tout que
vous avez pu vous forger votre propre opinion. Peut-être êtes-vous
maintenant convaincu de l’authenticité et des bénéfices des VSCD ? Peut-
être l’étiez-vous déjà avant d’avoir lu ce livre ? Ou peut-être n’en êtes-vous
pas du tout persuadé et vous êtes-vous rallié aux positions prudentes,
voire sceptiques, de quelques-uns de mes interlocuteurs ? Et, qui sait,
peut-être qu’un jour vivrez-vous un VSCD et la question se posera en
d’autres termes, ou ne se posera plus ?
Quoi qu’il en soit, c’était un privilège pour moi de vous guider dans
l’exploration des vécus subjectifs de contact avec un défunt.

Appel à témoignages
Si vous pensez avoir vécu un VSCD, merci de m’envoyer votre
témoignage concis à mon adresse email :
evelyn@elsaesser-valarino.com.
Votre expérience me sera précieuse pour entreprendre de futures
recherches.
Merci d’avance !
Sommaire

Préface de Stéphane Allix


Quelques mots en guise d’introduction

Chapitre 1 - Présentation des VSCD


Le témoignage de Claudie
Que sont les VSCD ?
Comment se manifestent les VSCD ?
Le témoignage de Marie-Claire

Chapitre 2 - Plus d’informations sur les VSCD


Approfondir la connaissance des VSCD
Analyse des témoignages de VSCD reçus dans le cadre de l’INREES
Quasi-paralysie passagère
Le témoignage de Béatrice
Le profil du récepteur
Et le « profil du défunt qui initie le contact » ?
La cause du décès serait-elle un élément déterminant ?
Le témoignage de Chantal

Chapitre 3 - Impact des VSCD


Intime conviction que l’expérience est réelle
Difficulté de relater le VSCD
Importance accordée aux VSCD et réconfort ressenti par les récepteurs
Conviction que le proche décédé continue à exister et implication pour le système de croyances
Le témoignage d’Agnès Delevingne (INREES)
Chapitre 4 - Les visions au moment du décès : un VSCD particulier
Quel est l’impact des visions sur les mourants ?
Les visions se situent dans un contexte plus large
Les visions au moment du décès – un phénomène identifié depuis des siècles

Chapitre 5 - Conséquences des VSCD pour le processus de deuil


Entretien avec Louis LaGrand
Entretien avec Allan Botkin
Entretien avec Vincent Liaudat

Chapitre 6 - Réflexion sur la dimension sociale du deuil et de la mort, ici et


ailleurs
Éducation sur le thème du deuil et de la mort
Entretien avec Natalie Tobert – accueil des VSCD dans d’autres civilisations

Chapitre 7 - Authenticité des VSCD


Les VSCD sont-ils des hallucinations ?
Entretien avec Dean Radin
Les VSCD se situent dans un contexte plus large
Les expériences de mort imminente
Les médiums
Parallèles entre les différentes expériences autour de la mort

Quelques mots en guise de conclusion

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