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Je tiens à remercier trois personnes qui ont suivi cet ouvrage au cours de sa

réalisation, et dont les commentaires, les avis et les encouragements m’ont permis de
garder à la fois le fil conducteur du projet et sa cohérence, tout en m’assurant que je
restais compréhensible. Ceci fut possible en dépit de l’ambiance particulière du
confinement, durant lequel j’ai rédigé l’essentiel de ce manuscrit. Je tiens donc à
remercier Jiji Tanios, grand agitateur d’idées qui me pousse souvent dans mes derniers
retranchements, Thibaut Demangeat et Alina Tepes.
À Jules-Adrien, Ambre et Mallaury.
AVANT-PROPOS

Cet ouvrage constitue le dernier d’un triptyque de 8 années, au cours desquelles je


me suis peu à peu écarté du statut de « spécialiste » de la micronutrition de l’exercice,
pour oser m’aventurer dans des domaines moins évidents, mais où le quotidien de mon
activité en cabinet m’amenait de plus en plus. Le premier opus Ne nourrissez plus votre
douleur décrivait les liens étroits existant entre les perturbations de la sphère digestive,
l’immunité, et les processus sensoriels, et plus particulièrement ceux en lien avec la
douleur.
Avec mon second livre L’épinutrition du sportif je suis allé plus loin. En analysant la
nature des problèmes rencontrés au quotidien, et qu’il fallait tenter de prendre en
charge, j’en suis venu à cette évidence : leur fréquence augmentait fortement, et cela
résultait principalement de la « pression » environnementale. Celle-ci tient
essentiellement à trois facteurs : l’appauvrissement des sols, les atteintes faites au
microbiote et enfin la pollution. En me donnant le temps de la réflexion, il m’est apparu
que changer cette situation incombait davantage aux décideurs qui avaient largement
contribué à cette situation, qu’aux patients qui la subissaient, ou même aux thérapeutes
qui l’affrontaient du mieux qu’ils pouvaient. Cette dimension socio-politique amenait à
placer le débat à un autre niveau, et imposait de me placer davantage en « lanceur
d’alerte » qu’en expert développant des données fondamentales déconnectées de la vraie
vie.
Cette tendance s’est accentuée dans ce troisième ouvrage, où j’ai décortiqué la
question de l’influence de ces perturbations sur le fonctionnement du cerveau, et de là
sur la capacité à décider, à gérer les émotions, à identifier le stress. Autrement dit, cela
m’incitait à me questionner sur le fait que l’organisation et le fonctionnement du monde
actuel contribue, ou pas, à optimiser l’intelligence, et donc l’indépendance d’esprit et de
pensée des individus. En empêchant la pleine expression de l’intelligence collective, ces
facteurs entretiennent ce statu quo désespérant. Le contexte du Covid dans lequel j’ai
écrit ce livre, et la manière dont la crise sanitaire fut (et est encore) gérée, donnent tout
son sens à ce questionnement.
Enfin, au stade où m’amènent mes réflexions au moment de relire ces pages, il me
paraît évident que la suite de mon activité d’auteur va forcément intégrer davantage
une dimension plus globale, ainsi que l’urgence environnementale et climatique. Le mal-
être crée la souffrance, dont découle la pathologie. Ne s’occuper que de cette dernière
ne reviendrait alors qu’à poser des rustines, même très efficaces, sur la coque du
« Titanic ». Toutes mes préoccupations convergent désormais sur les moyens dont
chacun de nous peut disposer pour permettre au navire d’arriver à bon port.
Introduction
QUAND LES SPORTIFS NE MONTRENT
PLUS L’EXEMPLE

Les champions constituent une population que la majorité des gens, qu’il s’agisse de
béotiens amateurs de sport ou de professionnels œuvrant au côté d’athlètes, s’accordent
à considérer comme des individus différents. Ils leur attribuent des vertus psychiques, un
mental hors norme, qui serait leur apanage et échapperait au commun des mortels. Ces
qualités qui les distinguent sont-elles innées, immuables ? Quand des journalistes
fustigent le « manque de mental » de certains footballeurs ou que d’autres, à l’inverse,
vantent les vertus de « guerriers » d’athlètes émérites, de quoi parlent-ils exactement ?
Décrivent-ils deux populations différenciées de manière permanente en raison de
qualités que certains possèderaient, ou auraient développées, à l’inverse des autres ? Ou
au contraire chaque sportif peut-il passer tout à tour par ces deux états ? Et si oui,
pourquoi et comment ?
Cela n’est guère débattu. Or, si tout le monde évoque le « mental », qui sait
exactement comment le cerveau fonctionne et comment les logiciels de la motivation ou
de l’abnégation s’installent ? Peu d’individus ont étudié la neurologie ou l’anatomie du
cerveau. Il n’empêche ; pléthore de nouveaux prophètes de la forme cherchent à
développer le mental et la motivation de leurs élèves comme s’il s’agissait finalement de
muscles invisibles qui gonfleraient à force de se contracter sous des barres virtuelles. Il
en va de même dans le domaine de la santé publique, où des messages très persuasifs
visent à faire changer les comportements des populations. « Pour votre santé, mangez
cinq fruits et légumes par jour. Évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé… »
Mouche ton nez et dis bonjour à la dame ! Ces injonctions reposent sur le postulat qu’il
suffit de savoir et de vouloir pour pouvoir. Autrement dit, en éduquant et en « aidant à
pouvoir » par l’intermédiaire d’un coaching expert, on rendrait les choses
obligatoirement possibles. L’expertise en question, le plus souvent, consiste simplement
en l’expression d’une force de persuasion contagieuse…
Évidemment, cela suscite une forte culpabilité chez ceux qui savent quoi faire,
veulent le faire, mais n’y arrivent décidément pas, tel ce fumeur qui remet toujours au
lendemain l’achat de son dernier paquet, ou telle cette personne pour qui grignoter est
« plus fort qu’elle ». Son échec l’amènera alors à se sentir dépassée par le professionnel
de la santé qui veille sur son alimentation et expie le moindre péché de délinquance
alimentaire selon le modèle judéo-chrétien. Pour résumer, la plupart des techniques
qu’ils proposent font appel à des aspects motivationnels ou à la conscience, et font
abstraction du fait qu’il ne s’agit que d’une partie minoritaire des structures cérébrales.
De surcroît, ce sont rarement elles qui entendent et qui décident, comme nous le verrons
plus loin. Cela explique en partie l’échec des campagnes de sensibilisation menées à
vaste échelle.
Mais le champion se montre-t-il toujours aussi exemplaire qu’on l’imagine sur ce
plan-là ? N’y a-t-il pas quelques exemples récents, dans le sport français, de champions
réputés jusqu’ici invulnérables, et soudainement devenus défaillants ?

Le mental d’un(e) champion(ne) est-il invulnérable ?


Prenons le cas de Marie-José Pérec, triple championne olympique du 400 m, à
Barcelone (1992) et Atlanta (1996), et du 200 m (à Atlanta), et qui a flanché avant la
finale olympique de Sydney. Les gazettes, à l’époque, ont fait les choux gras de l’affaire :
selon elle victime de menaces, elle décide de quitter l’Australie juste avant de disputer
les premières séries du 400 m, où elle apparaîtra sur le tableau des résultats du stade
olympique avec un « DNS » (Did Not Start, soit « n’a pas démarré »), portant
internationalement atteinte à la fois à sa dignité et à son intégrité, au point que le public
en vint très vite à oublier ses exploits passés (quoique récents). Malgré les tentatives des
représentants de son équipementier, sa décision est prise et elle quitte le pays. Lors
d’une escale à Singapour, elle et son compagnon sont traqués par des dizaines de
journalistes et une altercation éclate entre celui-ci et un photographe un peu trop zélé.
Ce dérapage, qui fera la une de tous les journaux en Australie et en France, se règlera
finalement au poste de police. L’incident sera ensuite traité par l’ambassade de France
et Pérec rentrera au pays.
À l’époque, sa fuite a été perçue par beaucoup d’observateurs comme la
conséquence de son incapacité à envisager une défaite prévisible. Bref, elle aurait
manqué de mental… Pourtant, préalablement triple championne olympique, elle avait
largement prouvé des aptitudes hors normes. Mais visiblement pas cette fois-ci. Cette
faiblesse, survenue brutalement, a évidemment ouvert la porte à toutes les spéculations
possibles.
Alors, comment comprendre ce paradoxe ? Cela a-t-il à voir avec des molécules qui
circuleraient dans notre corps et viendraient moduler notre comportement, nos pensées,
nos émotions, notre réaction au stress ? Et sait-on d’où proviennent ces messagers, et
dans quelles conditions ils se forment ? Au-delà de ces points précis, d’autres questions
se posent immanquablement : les aspects techniques et mentaux de l’activité ne
concernent-ils pas aussi le cerveau ? Les émotions sont-elles sans influence sur ceux-ci ?
Ou encore : la fatigue physique influe-t-elle sur les performances cognitives et sur les
émotions ? Enfin, alors qu’on pointe régulièrement l’influence d’événements extérieurs
« visibles » (insulte, défi qui se présente) comme constituant des sources du stress, qu’on
surmonterait en se préparant mentalement à les affronter, ne peut-on pas se demander
si ce stress est seulement lié aux événements extérieurs, ou si au contraire des scénarios
propres à chacun, inscrits ou enfouis dans les méandres du cerveau, ne surgiraient pas à
des moments clefs pour provoquer cet état où la raison semble se perdre ? Et dans ce
cas, que faire pour reprendre le dessus ?
Loin de constituer un cas à part, la « gazelle des Antilles » a partagé cette
défaillance mentale avec d’autres noms illustres. Comment ne pas penser aux coups de
tête de Zinedine Zidane, victorieux lors de la Coupe du monde de 1998, calamiteux huit
ans plus tard sur les dernières minutes de la finale disputée contre l’Italie ? Le même
joueur s’est ainsi montré capable de rester maître de ses nerfs et de crucifier les
Brésiliens, mais aussi de succomber – huit ans plus tard – à la colère au moment où un
adversaire a tenté de le déstabiliser en insultant un membre de sa famille, pratique
courante dans ce milieu. D’ailleurs, ceci avait déjà dû se produire dix mille fois au cours
de sa carrière, sans que cela ait influé d’une quelconque manière sur ses réactions. Alors
pourquoi cette défaillance du mental à ce moment-là ? Comment expliquer ce passage à
l’irrationnel ?

Comment fonctionne le mental ?


Ou comment fonctionne le cerveau ?
Pour éclaircir cette énigme, il nous est nécessaire de considérer la structure du
cerveau, son fonctionnement, les acteurs qui gouvernent son activité, les facteurs qui
influent sur lui, en particulier – comme on le sait aujourd’hui – ceux qui participent au
fonctionnement de notre système immunitaire. Principalement localisés dans notre
intestin, en communication constante avec les bactéries qui colonisent celui-ci, ces
acteurs influencent grandement le développement du cerveau, son fonctionnement
ultérieur, les atteintes qui l’affecteront au cours de la vie, et même le risque de maladies
neurodégénératives qui le dégraderont ensuite.
Ce flux d’informations qui détermine la mise en place de toutes nos activités
cérébrales commence très tôt, en période fœtale, et de récents travaux soulignent
l’importance extrême du microbiote maternel vis-à-vis du bon déroulement de ces
processus. Sans une microflore équilibrée, nulle possibilité de disposer d’un cerveau
performant, comme l’ont montré des études menées sur des souris élevées dans une
bulle, qui garderont des aptitudes cognitives très restreintes (1). Ceci nous ramène au
point de départ : dans quelle mesure nos agissements, nos pensées, nos choix, notre
libre arbitre, voire notre quotient intellectuel dépendent de l’harmonie des bactéries
intestinales ? Certainement d’une manière extrêmement importante. Une image
pédagogique très en vogue présente l’intestin comme étant le « deuxième cerveau », du
fait de sa richesse en neurones, qui interpelle les chercheurs depuis le début de ce siècle.
Mais cette expression, largement reprise et vulgarisée, que le langage populaire a
intégré comme une évidence, ne va guère plus loin que le constat anatomique sur lequel
elle repose : le tube digestif renferme énormément de neurones ! En revanche, d’un
strict point de vue évolutionniste, c’est le monde bactérien microscopique de la future
maman qui semble conditionner l’efficience de notre matière grise, et de ce point de vue,
je défends ici l’idée selon laquelle le cerveau, sous sa forme la plus aboutie, n’existe que
grâce à ces micro-organismes, d’où le sous-titre de ce livre : Le cerveau, un deuxième
intestin. Ceci ne nous aide pas encore à comprendre pourquoi ces deux champions
évoqués en ouverture de cet ouvrage ont à ce point flanché de manière imprévisible ni à
savoir si on aurait pu l’anticiper. C’est l’objet de cet opus : remettre en perspective les
déterminants vraiment cruciaux de la fonction cérébrale. Finalement, comprendre
comment les intestins de nos deux champions fonctionnaient au moment de ces deux
épisodes, et surtout pourquoi ces inexplicables dysfonctionnements ?
M. Le cerveau,
veuillez vous présenter !

Le cerveau constitue un organe d’une évidente complexité. Il régit une quantité


innombrable de fonctions et se cache sous une structure qui le rend invisible
(contrairement aux mains, aux yeux ou aux pieds). Il recèle une importante part de
mystère, de sorte qu’on n’hésite pas à parler de « boîte noire » à son sujet, en référence à
cet appareil qui enregistre le moindre processus survenant dans un avion, et dont le
fonctionnement intime semble comporter une part de magie.
Une multitude de questions se pose aussitôt, et certaines vont bien au-delà du cadre
de la biologie. L’homme semble disposer d’un cerveau plus élaboré que celui de certains
animaux et manifeste des compétences acquises au cours des millénaires, que lui-même
nomme « intelligence », et qui lui permettent (à ses yeux) de se différencier de ceux-ci.
Pour résumer, il décrète que savoir exécuter telle ou telle tâche constitue un signe
d’intelligence, et comme lui seul y parvient, il se considère donc plus intelligent que les
animaux.

Présentation philosophico-anthropologique du cerveau


Certes, comme nous le verrons plus loin, certaines aptitudes plus complexes nous
sont apparues au fil du temps et ont contribué à l’évolution survenue depuis
l’australopithèque jusqu’à l’homme moderne. Ce progrès est-il mesurable ?
Philosophiquement, ou d’un point de vue anthropologique, cela serait rassurant ;
de fait, peut-on « peser » cette différence ou la voir à l’œil nu ? L’idée paraît aujourd’hui
saugrenue, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Les siècles précédents ont connu une
frénésie de théories vaguement inspirées de l’anatomie, élaborées dans le but avoué,
justement, de calibrer l’intelligence. Citons par exemple la phrénologie, fondée par
Franz Joseph Gall (1758-1828). Elle vise à identifier les caractéristiques d’un individu en
fonction de la forme de son crâne, et même si cette approche semble surannée, il en
reste quelques traces dans nos esprits, comme avec la « bosse des maths » par exemple.
D’autres pensent pour leur part que la balance aiderait à établir une hiérarchie des
intelligences. Ainsi, au cours du XXe siècle, on pouvait encore lire des travaux comparant
le poids de cet organe chez des individus au fonctionnement élaboré à ceux d’autres
individus étiquetés « aliénés », ou enfin à ceux d’animaux.
Les conclusions n’ont pas toujours été parlantes, les autopsies ayant par exemple
établi que le cerveau d’Anatole France pesait seulement 1 kg, contre le double pour
l’écrivain russe Tourgueniev. Et Einstein ? Avec un organe moins lourd que la moyenne,
il n’aurait pas gagné ce concours… Mais allons plus loin ; si, malgré tout, un cerveau
plus performant pesait plus lourd, cela ne nous indiquerait pas pour autant ce qui, dans
celui-ci, apporte ce surcroît de compétence. D’autres interrogations surgissent : cette
différence anatomique, et sans doute fonctionnelle, a-t-elle toujours existé, ou au
contraire l’évolution a-t-elle vu se creuser un écart croissant entre l’homme et les autres
animaux ? Quels sont les processus qui y ont présidé ? Nous reste-t-il encore des
morceaux de cerveau d’animal et, en cas de réponse affirmative, leur arrive-t-il de
prendre le dessus sur le nôtre, qui apparaît plus abouti ? Et dans quelles circonstances ?

Questionnement éthique
L’éthique est également questionnée ; le cerveau se développe de manière
progressive en période fœtale, et cette construction très organisée, qui se déroule sous
l’influence majeure d’éléments extérieurs, conduit à se demander dans quelle mesure des
facteurs environnementaux peuvent également interférer avec ce processus. On pense
évidemment à l’influence de la pollution, mais – comme on le verra plus loin – les
infections ou le stress jouent aussi, tout comme le monde bactérien de la mère au
moment de la grossesse. Sait-on également déterminer de manière indiscutable à partir
de quel instant le cerveau est suffisamment développé pour considérer que le corps qui
l’abrite est déjà un être vivant ? Et inversement, en quoi la « mort cérébrale » se
distingue-t-elle de la mort ou de la vie ? Les chercheurs, faute de pouvoir trancher de
manière claire sur ces points essentiels, ont laissé les hommes de loi poser un cadre qui,
loin de revêtir un contour similaire dans tous les pays, va varier en fonction du contexte
religieux, politique et moral qui traverse les strates de la société. Finalement, ce n’est pas
parce que des textes encadrent l’avortement ou la fin de vie et donnent un cadre légal
aux actes que l’on sera certains que la science, maintenant ou plus tard, ne contredira
pas les positions prises.
Dans l’introduction de ce livre, j’ai fait référence à deux champions ayant dans un
contexte très demandeur, montré des signes de faiblesse, trahis par leur cerveau. Dans
quelle mesure les connaissances relatives au développement du cerveau, tel qu’il s’est
déroulé au fil de l’évolution, pourraient nous aider à comprendre ce qui s’est passé ? Le
sportif en panne de mental a donc exprimé des signes d’incompétence en lien avec le
fonctionnement de sa boîte noire… Faisant fi des considérations biologiques qui
expliqueraient le travail du cerveau dans toutes les circonstances où le mental a failli,
les psychologues ou préparateurs mentaux se sont rabattus sur ce qu’on percevait de
plus visible, à savoir les actions, les comportements et les émotions.
La plupart des approches apparues ces dernières décennies dans leurs domaines de
compétence visent à modifier directement ceux-ci au moyen de techniques par
lesquelles, dans le domaine de la diététique, des addictions ou du sport de haut niveau,
on n’hésite pas à faire appel à un surcroît de motivation. Notons ce fait curieux ; dans ce
domaine de la préparation mentale, beaucoup d’acteurs de terrainont référence au
« mental » sans jamais le définir, ni localiser quelle partie du cerveau le conditionne, ni
quelles influences peuvent l’affecter. On voit donc bien s’imposer à nous la nécessité
d’étudier comment il se forme et évolue… et comment ce processus peut déterminer par
la suite ce que nous faisons, pensons et ressentons.

Une évolution qui dépasse notre imagination

Comment concevoir qu’un être humain adulte, doté des incroyables compétences
intellectuelles que lui confère son cerveau, puisse se développer à partir d’un simple
embryon, et que la symphonie de cette construction puisse se dérouler sans la moindre
fausse note ? Tout débute avec la rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule, qui vont
fusionner. Il va s’ensuivre la formation de la première cellule. Celle-ci détient déjà
l’ensemble des informations nécessaires à l’élaboration d’un nouvel individu. Et au cours
du développement progressif du fœtus, les cellules apparues par divisions successives à
partir de l’originelle vont peu à peu se différencier en lignées, qui présentent des
caractéristiques distinctes, et formeront plus tard des organes aux fonctions très
spécifiques. Si on sait décrire ce phénomène, on cherche encore qui tient la baguette de
chef d’orchestre.
Développement fœtal du cerveau
C’est ensuite lors de la vie fœtale, puis durant l’enfance et l’adolescence que le
cerveau se développera et que le câblage neuronal qui le caractérise se mettra
progressivement en place. Ainsi, dès la cinquième semaine de grossesse, on peut déjà
observer une ébauche rudimentaire du système nerveux. On distingue le tube neural qui
se forme, alors qu’on commence à reconnaître les grandes régions du futur cerveau.
Chacune des quatre zones qui apparaissent, et qu’on nomme les « lobes », sera plus tard
vouée à une ou plusieurs fonctions spécialisées (voir figure 1). Ainsi, le lobe frontal situé
à l’avant du crâne se chargera de la motricité, le lobe pariétal correspondra à la
sensibilité. Plus en arrière encore, le lobe occipital constituera le futur siège de la vision.
Enfin, sous la tempe, le lobe temporal se trouve notamment chargé de l’audition, de
l’olfaction et de la mémoire. L’établissement précis des fonctions de ces différents lobes
s’est appuyé sur les observations faites à partir de patients ayant subi des traumatismes,
porteurs de lésions localisées sur des zones restreintes du cortex, et chez qui ces atteintes
donnaient lieu à l’altération, voire à la disparition de certaines fonctions.

Figure 1. Les Les différents lobes du cerveau.différents lobes du cerveau.Les différents lobes du cerveau.

Cette figure décrit une vue latérale gauche du cerveau. Le cortex est découpé en
zones anatomo-fonctionnelles : ainsi, le cortex frontal est la zone des processus cognitifs,
de la réflexion. Pour sa part, le cortex pariétal constitue la zone des mouvements et des
sensations corporelles (ce qu’on nomme l’esthésie). Sur le côté, le cortex temporal, situé
juste derrière l’oreille, représente la zone de l’audition, alors que le cortex occipital est
celle de la vision. Notons enfin que le cervelet est la zone dédiée à l’équilibre et la
coordination des mouvements, alors que le tronc cérébral contient les fonctions vitales
de la régulation neurovégétative, comme les fonctions respiratoires et cardiaques. Il
travaille de manière totalement indépendante de la volonté ou de la conscience.
La myélinisation des neurones
Au cours du deuxième mois de grossesse, le cerveau se structure en deux
hémisphères. La myélinisation des neurones (c’est-à-dire la constitution de la gaine
isolante qui les entoure), sans laquelle le système nerveux ne s’avèrerait pas
opérationnel, commence à partir de la 30e semaine et se poursuit jusque l’âge adulte
(50). L’augmentation rapide du poids du cerveau, qui est constatée durant la deuxième
moitié de la grossesse et pendant les deux premières années de la vie extra-utérine,
coïncide avec ces phénomènes. Pour situer l’ampleur du processus, souvenons-nous
qu’au 21e jour de gestation, le cerveau représente 90 % de la masse de l’embryon. Cette
valeur descend à 70 % au 3e mois de grossesse, à 40 % chez le nouveau-né, et enfin
à 2 % du poids de l’adulte (voir figure 2). Les scientifiques estiment par ailleurs que, lors
de la vie intra-utérine, on crée 250 000 neurones à la minute. Beaucoup d’entre eux
disparaîtront par la suite.

Figure 2. Chronologie du développement du cerveau humain.

Migration des neurones et apoptose


On constate que les processus en jeu se déroulent de manière séquentielle ; la
prolifération neuronale précède deux autres phénomènes qui se mettront en place
simultanément, à savoir la migration des neurones, qui cesse à la naissance, et
l’apoptose (mort programmée) de certains d’entre eux, qui se poursuit au cours des
premières années de la vie. Ces deux phénomènes participent à l’optimisation des
réseaux, avec un renforcement des connexions utiles et une disparition de celles qui ne
servent pas. Enfin, la formation de synapses (zone de contact entre neurones) et la
myélinisation (la formation du câblage) constituent les dernières étapes, qui
continueront jusqu’à l’âge adulte. Au programme génétique inné s’ajoute
systématiquement l’influence de facteurs extérieurs (nutrition, stress, stimulation
intellectuelle et émotionnelle), sans lesquels le cerveau du nouveau-né ne deviendrait
jamais opérationnel.
Certains neurones disparaîtront après la 16 e semaine de gestation (dans le cadre
d’un processus de mort programmée qui se nomme l’apoptose (comme on le voit sur la
figure 2), ce qui n’empêche pas le développement progressif des compétences du
cerveau. Ainsi, ce ne sera pas tant la masse de neurones que la constitution d’un câblage
très complexe qui soutiendra les fonctions cérébrales. Cette activité colossale doit
bénéficier d’apports nutritionnels appropriés, dont les plus importants, dès le deuxième
trimestre de grossesse, concernent une famille bien particulière de lipides dont il sera
encore question plus loin : les acides gras polyinsaturés, en particulier ceux de la famille
« oméga-3 » (46).

Du cerveau du reptile à celui du prix Nobel

Sur les quatre derniers millions d’années, le cerveau humain a connu une
progression étonnante (17). À l’époque la plus reculée, les australopithèques auraient
possédé, d’après les éléments en possession des scientifiques, une capacité cérébrale
comprise entre 410 et 450 cm3. Ces individus se distinguaient par une face proéminente,
et se trouvaient dotés d’une voûte crânienne très abaissée. Ils présentaient également un
fort prognathisme ; cependant, la mâchoire a progressivement reculé au cours de
l’évolution.

Homo habilis
Le successeur de l’australopithèque, que les paléontologues dénomment Homo
habilis, aurait présenté une capacité cérébrale plus importante, de l’ordre de 650 cm3.
En corrélation avec cette particularité, il aurait aussi disposé d’habiletés manuelles
supérieures, d’où le nom qu’on lui a donné. Sur le plan anatomique, il aurait déjà
présenté des traits relativement communs avec l’homme moderne, alors que d’autres,
hérités de l’australopithèque, conservent un caractère plus primitif. Il s’agissait donc
d’un individu « intermédiaire ». Sans doute omnivore, il possédait un système
masticateur plus proche du nôtre. Cette diversification alimentaire n’a pas été sans
influence sur le développement de cet organe, puisque certains micronutriments,
délivrés en quantité accrue, viendront enrichir l’aptitude à la neurogenèse !
Cette influence tient à la fois aux effets propres que ces micronutriments exercent
sur le cerveau, mais aussi à ceux de ces nouveaux choix alimentaires sur le « microbiote »
(15). En effet, les tailles respectives des populations bactériennes présentes dans
l’intestin fluctuent en fonction de nos choix alimentaires. Or, des messages permanents
provenant de ce monde bactérien viennent moduler les connexions, le développement
neuronal et le maintien de certains réseaux. De ce fait, en diversifiant son régime, cet
Homo habilis a renforcé le dialogue constructif existant entre le microbiote et les
neurones.

Homo sapiens et Neanderthalensis


Poursuivant notre remontée du temps, nous trouvons ensuite Homo erectus. Sa
capacité crânienne variera entre 780 cm3 pour les plus anciens (présents sur Terre il y a
environ 1,7 million d’années), jusqu’à 1 250 cm3 pour les plus récents (qui y vivaient il y
a 500 000 ans). La taille du cerveau poursuivra son évolution, à mesure que nous nous
rapprochons de l’époque actuelle ; ainsi, il atteindra 1 450 cm3 en moyenne chez Homo
sapiens, et jusqu’à 1 600 cm3 chez Neanderthalensis. Pour autant, les chercheurs
s’accordent à considérer que, bien que doté d’un cerveau plus gros, les capacités
cognitives de ce dernier n’ont jamais égalé celles de son prédécesseur. Cela confirme
bien, comme je l’évoquais plus haut, que la taille de la boîte crânienne ne constitue pas
un critère décisif permettant de juger des aptitudes cognitives de l’individu.

Conscience, imagination et innovation


Notons qu’à mesure qu’on se rapproche des temps modernes, il acquiert ce que l’on
nomme aujourd’hui la conscience, ainsi qu’une imagination artistique et une capacité à
innover sans équivalent dans la nature. C’est d’ailleurs cette particularité qui lui permet,
et à lui seul, d’entrer dans l’abstraction, de construire « mentalement » un projet, d’y
consacrer sa motivation et d’élaborer un environnement dédié à celui-ci. En ce sens, il
s’agit bien d’avoir du « mental ». Mais l’intervention du cerveau, dans ce contexte, ne se
limite pas à cela. Nous verrons plus loin que d’autres territoires plus anciens,
dépositaires de « valeurs », de positionnements grégaires (la place dans la tribu) ou en
lien avec la gestion des stress peuvent aussi moduler l’action d’un individu à un instant
T (18). De surcroît, sa capacité à se représenter une situation potentiellement stressante,
par exemple parce qu’elle échappe au contrôle du sujet, peut générer des
comportements caractéristiques de fuite, de lutte ou d’inhibition, qui par certains côtés
nous rappellent fichtrement les attitudes des deux champions évoqués en ouverture de
ce livre.
De récents travaux, menés sur le singe, ont permis de comprendre que le
développement du cerveau s’est trouvé favorisé par le passage d’une vie solitaire à un
fonctionnement en groupe ou en tribu. En effet, la réalisation de tâches complexes se
trouve améliorée chez le primate lorsqu’il se trouve en présence de congénères, et cela
s’accompagne d’une activité métabolique accrue dans les aires cérébrales concernées
(35). Notons que la plupart des aptitudes du cerveau moderne sont mises à contribution
pour réaliser les tâches qu’impose la pratique du sport de haut niveau : concentration,
attention, mémorisation, abstraction, gestion du stress, contrôle de la frustration,
sommeil réparateur, anticipation, motricité fine…
La possibilité d’en tirer la quintessence dépendra de la façon dont les facteurs qui
modulent le développement et l’activité cérébrale auront pu exercer leur influence, et ce
à tout moment de la vie ; que ce soit au moment où les champions se trouvaient encore
dans le ventre de leur mère ou à l’instant ou leurs pieds quittent les starting-blocks.
Courir le marathon en 2 heures n’a finalement été possible que parce que les facteurs
environnementaux et les effets de l’entraînement ont permis d’exprimer au mieux les
potentialités génétiques de l’athlète, dans le cadre de ce qu’on nomme l’épigénèse (44).
Mais pour combien de temps encore l’homme pourra-t-il y parvenir ? Les perturbateurs
environnementaux ne sonnent-ils pas déjà le glas du cerveau moderne et du mythe d’un
homme du futur à l’intelligence extraterrestre ?

Un cerveau à étages

Loin de se développer de manière homogène au fil du temps, le cerveau a au


contraire connu une évolution par poussées, un peu comme les phases de glaciation ou
les ères géologiques, et il convient plutôt de le voir comme un organe constitué de
strates. Certains évoquent même les « trois cerveaux », tant les fonctions attachées aux
différents étages apparus au cours de l’évolution s’avèrent différenciées (18, 32). Ce
modèle, dont nous détaillons les principes ci-dessous, s’avère fondamental pour
comprendre comment s’organise la réponse aux situations nouvelles ou perturbatrices,
et nous apportera peut-être déjà quelques clés pour comprendre ce qui a pu se passer
dans la tête des deux champions évoqués en fil conducteur de ce livre.
En 1970, le physiologiste Paul MacLean a permis une grande avancée des concepts.
Il a en effet modélisé les connaissances acquises sur cet organe pour proposer le modèle
du cerveau « triunique ». Sa vision, très avant-gardiste au moment de la publication de
ses écrits, a connu un vif écho et a par exemple servi de cadre de réflexion à Arthur
Koestler dans The Ghost in the Machine, publié en 1967 (27). Dans cet ouvrage, ce
dernier explore les rouages de la violence de l’homme, qu’il aide à mieux comprendre en
se référant aux interactions complexes existant entre ces strates cérébrales. MacLean a
conceptualisé un modèle novateur, dans lequel il représente cet organe selon trois
couches qui se sont superposées avec l’évolution (voir figure 3), d’où l’image des « trois
cerveaux ».

Le cerveau reptilien
Le premier serait le « reptilien » qui, comme son nom l’indique, serait caractéristique
des reptiles et se serait constitué il y a 400 millions d’années. On le désigne également
sous le nom de cerveau archaïque ou primitif. Il remonterait à l’époque où des poissons
sortirent de l’eau et devinrent batraciens. Au niveau purement anatomique, il
correspond chez l’être humain au tronc cérébral. Bien protégé, en profondeur, il s’agit
de la structure cérébrale la plus susceptible de résister à un traumatisme crânien. Le
tronc cérébral contribue de manière essentielle à la survie de l’individu et de l’espèce. Il
doit garantir le maintien des fonctions indispensables, telles que le contrôle de la
respiration, du rythme cardiaque, de la température ou des échanges hydriques et
ioniques, sans lesquels les cellules meurent.
Par ailleurs, il assure la satisfaction des besoins primaires, ou besoins vitaux, tels
que l’alimentation, le sommeil, la reproduction. Il est enfin responsable de l’instinct de
conservation et de certains réflexes de défense comme la morsure des serpents, l’envol
des oiseaux face à des menaces, et il se manifeste chez l’homme dans certaines situations
de stress, durant lesquelles il adoptera les comportements classiques que constituent la
fuite, la lutte ou encore l’inhibition (29).
Typiquement, ce cerveau primitif de reptile entraîne des comportements
stéréotypés, préprogrammés, sans doute sous l’influence de gènes spécifiques. Une même
situation, un même stimulus entraînera toujours la même réponse, notamment face à
des menaces. Comme le note Jacques Fradin (18), « le stress animal défensif provient
d’un niveau cérébral qui fonctionne de manière essentiellement inconsciente et
instinctive, ne nécessitant aucun apprentissage, et n’en permettant aucun, ce qui
explique le caractère peu contrôlable, du moins directement, des vécus et impulsions qui
en proviennent ».
Le cerveau limbique
Le second est qualifié de « limbique » ou paléomammalien ; propre aux
mammifères, dotés de particularités fonctionnelles différentes (voir plus loin), il est, pour
sa part, apparu il y a 65 millions d’années. Il se trouverait à l’origine de notre système
limbique, qui constitue le siège des émotions. Quand on l’observe plus en détail, on note
qu’il inclut les circuits de la mémoire et de l’apprentissage. Enfin, le système limbique
englobe l’axe neuroendocrinien : l’hypothalamus et l’hypophyse. Il coordonne donc
toutes les fonctions de l’organisme en fonction des influences biologiques intérieures et
extérieures. Il peut ainsi programmer toutes les réponses stéréotypées à mettre en œuvre
face à un danger imminent, ou à une situation perçue comme telle.
À l’échelle individuelle, il permet de fixer les apprentissages. Il « gère le connu et le
déjà vu » (18). À l’échelle du groupe, il pose les premières bases de la vie en société, et a
permis une organisation stable d’individus relativement semblables en troupeau ou en
tribu. Chez l’homme du XXIe siècle, il peut déterminer certains comportements en
fonction du positionnement grégaire que l’individu a intégré au cours de sa vie. Des
stratégies de soumission ou de domination peuvent ainsi sembler exister de manière
innée et se révéler dans des contextes très exigeants, tels que le sport de haut niveau. Il
peut déterminer en partie la nature du rapport entre l’entraîneur et l’athlète, et
certaines mises sous influence qu’on voit régulièrement dénoncées.
Cette influence du mode grégaire a été parfaitement illustré dans des expériences
très dérangeantes, réalisées il y a plus d’un demi-siècle par le psychologue américain
Stanley Milgram (34). De 1960 à 1963, il conduisit une série de travaux comportant
plusieurs variantes, visant à estimer à quel point un individu peut se plier aux ordres
d’une autorité qu’il accepte si les injonctions qu’on lui adresse entrent en contradiction
avec sa conscience. L’expérience de Milgram passa à la postérité à partir de 1963.
Comment se déroulait-elle ? L’expérimentateur, qui représentait l’autorité,
demandait de manière directive à un sujet de faire réciter des mots à un élève, et si
celui-ci se trompait, il devait lui infliger des chocs électriques. La puissance de ces chocs
augmentait davantage à chaque erreur. En fait, l’élève était un acteur simulant
l’électrocution, les décharges étant virtuelles. Selon les cas, certains participants
continuaient à infliger les chocs jusqu’au maximum prévu (450 V) en dépit des plaintes
de l’acteur, obéissant ainsi aux ordres de l’expérimentateur, tandis que d’autres
refusaient de se soumettre à l’autorité, en accord avec leur conscience. En 1962, au vu
de ces résultats troublants (65 % des volontaires ont délibérément envoyé une décharge
fictive faisant perdre connaissance à l’élève), l’American Psychological Association décida
de suspendre son adhésion à la société savante à cause de questions concernant
l’éthique de ses expériences. Les résultats surprenants et assez inquiétants, mais aussi la
méthode, ont provoqué à l’époque de nombreux remous au sein de la communauté des
psychologues et de l’opinion publique. Cela éclairait d’un jour nouveau les
comportements observés sous l’Occupation, alors encore dans toutes les mémoires, et
rappelait la phrase d’Adolf Eichmann, prononcée au cours du procès de Nuremberg,
pour qui les nazis avaient juste « obéi aux ordres » 1.

Figure 3. Localisation anatomique des trois cerveaux.

Le cerveau préfrontal
Plus haut enfin se trouve le néocortex, ou cerveau préfrontal, propre à l’espèce
humaine. Il résulterait de la troisième et dernière phase de l’évolution. Il ne daterait que
de 3,6 millions d’années, coïncidant avec l’apparition des australopithèques africains,
qui présentaient la particularité d’être bipèdes, ce qui implique un développement accru
du cerveau. Il permettrait notamment le raisonnement logique, le langage et
l’anticipation des actes (19). Il favorise enfin la gestion de la nouveauté, de la
complexité, l’introduction de nouveaux apprentissages, se montrant en cela
– contrairement aux deux autres – capables de s’adapter. C’est à lui qu’on s’adresse
principalement quand on entend éduquer ou motiver… alors que de nombreux choix,
parfois paralysants ou inappropriés, sont décidés par l’un des deux autres cerveaux. Peu
de coaches mentaux en tiennent compte.
Certes, certains auteurs remettent aujourd’hui en cause l’idée d’une totale
indépendance de trois cerveaux, s’appuyant sur l’existence de connexions entre ces
différentes strates. Il n’en reste pas moins que ceux-ci considèrent davantage ces aires
cérébrales comme des ensembles en interaction, l’une ou l’autre imposant son activité
selon le contexte, comme dans le cas du stress (51). Toujours est-il que le modèle de
MacLean, même révisé et réajusté, aide à comprendre beaucoup de situations qu’aucun
autre concept n’aidait jusque-là à appréhender.
Encadré 1 : Du cerveau triunique
au modèle des quatre cerveaux.
Sur la base de structures différenciées et d’études des comportements,
Jacques Fradin a proposé un nouveau modèle plus à même de comprendre les
modalités de fonctionnement de l’homme, notamment dans un contexte de stress.
Il s’agit de la théorie des quatre cerveaux, dérivé du modèle initial de MacLean. Il
est apparu en réponse aux limites que le premier présentait, et a pour objectif
d’offrir un cadre de compréhension plus fin. Il repose sur un découpage
anatomique légèrement différent de celui proposé par MacLean (32)
(voir figure 4). Selon ce nouveau paradigme, le cortex préfrontal et les territoires
reptiliens restent inchangés. Mais il propose de reconsidérer les autres territoires.
Ainsi, il parle désormais de « cortex automatique ». Celui-ci regroupe le vieux
cortex néolimbique situé dans la fente entre les hémisphères cérébraux (au-
dessus du corps calleux) et le néocortex sensorimoteur, qui constitue ce qu’on
nomme le cortex automatique (2a et 2b sur la figure 4 ci-dessous). Ce modèle fait
enfin intervenir les territoires paléolimbiques, qui constituent la partie la plus
ancienne du cerveau limbique, située juste en dessous du corps calleux (no 3 sur la
figure 4). Cette partie contribue notamment à gérer les rapports de force, ce que
Jacques Fradin désigne par le « positionnement grégaire ».

Figure 4. Représentation schématique des quatre cerveaux.


Quels éléments trouve-t-on dans le cerveau ?

Les structures du cerveau


Identifier des structures apparues au fil de l’évolution et dévolues à des fonctions
qui leur sont propres ne permet pas encore de comprendre toute la finesse du
fonctionnement du cerveau. En fait, chacune de ces aires est constituée d’un assemblage
très dense de cellules nerveuses : les neurones, dont la structure et les fonctions
garantissent un parfait échange d’information entre ces zones, ainsi qu’un déroulement
théoriquement optimal des tâches qui leur incombent. Ce qui rend cette complexité
possible, c’est en grande partie l’organisation des neurones en réseaux qui se comportent
alors comme des circuits fonctionnels. Ainsi, il existe ainsi des voies impliquées dans la
régulation des processus du sommeil, des circuits de la mémoire, des circuits de
l’activation de l’action ou au contraire de l’inhibition de l’action. Deux grandes
particularités sont à retenir sur cette organisation neuronale. D’une part, les circuits de
neurones présentent une organisation offrant une continuité. En effet, alors que les
cellules nerveuses ne se trouvent pas en contact physiquement, il existe une
communication intercellulaire, qui s’effectue au niveau d’un espace séparant deux
neurones constitutifs d’une voie. Il s’agit de ce qu’on nomme une « synapse ».
À ce niveau (voir figure 5), un messager chimique, propre à cette voie neuronale, se
trouve libéré dans la synapse et va se lier à une structure propre au neurone
postsynaptique, nommée le « récepteur ». L’ensemble fonctionne à l’image d’une clef qui
ouvre une serrure. Toutes ces molécules actives dérivent de notre assiette, comme on le
verra plus loin. Ces neurotransmetteurs voient leur synthèse fluctuer également en
fonction de l’activité du microbiote (15-16), de situations métaboliques (par exemple
l’inflammation) ou d’épisodes infectieux. Ainsi, selon le contexte, un même apport
nutritionnel, ne garantira pas toujours un fonctionnement optimal des neurones. J’y
reviens plus loin dans le chapitre intitulé « M. le cerveau, que mangez-vous ? »
Figure 5. Le neurone.

Cette figure décrit la structure très particulière de cette catégorie de cellules nobles
du cerveau. Comme dans n’importe quelle autre cellule, on y trouve un corps cellulaire
comprenant un noyau, qui contient l’ADN nécessaire à l’intégrité de la cellule. Ce corps
cellulaire abrite également d’autres petites structures, qu’on nomme les « organites »,
telles que les mitochondries (les centrales énergétiques), ainsi que le cytoplasme et le
cytosquelette (constitué de microtubules et de protéines associées à l’organisation
spatiale du neurone). De ce corps cellulaire part un réseau très dense de prolongements
spécifiques, qui se nomment les « dendrites ». Elles sont couvertes de synapses et de
récepteurs capables de recevoir des neurotransmetteurs. On ne compte, en revanche,
qu’un seul axone par neurone. Notons enfin la présence de ce que les biologistes
appellent les « synapses ». Il s’agit de zones de communication entre neurones voisins,
ainsi qu’avec des cellules non neuronales : musculaires, glandulaires…, ce qui permet
d’associer différents processus lors d’une réponse à une sollicitation. Le système nerveux,
endocrine et l’immunité peuvent alors intervenir de concert, dans le même sens et avec
un objectif commun, celui de protéger l’organisme et de contribuer à ce qu’il s’adapte
aux facteurs environnementaux, qu’ils soient bénéfiques ou non.

Les neurotransmetteurs
Il existe un grand nombre de molécules messagers. Initialement, on les qualifiait de
« neurotransmetteurs » ou « neuromédiateurs ». Leur synthèse s’effectue à partir de
« précurseurs » délivrés par notre ration. Certaines de ces molécules sont très connues,
telles que la sérotonine, la dopamine, le GABA. Elles s’avèrent plus spécifiques de
certaines voies neuronales qui, elles-mêmes, participent à des fonctions caractéristiques.
Ceci permet de distinguer des signes fonctionnels de déficience en tel ou tel messager.
Les exemples les plus connus de ces perturbations concernent les pulsions sucrées,
associées à un défaut d’activité de certains neurones sérotoninergiques, ou à un manque
d’allant et de motivation propre à un déficit en dopamine (42). En micronutrition,
l’identification de tels manques s’appuie en partie sur des questionnaires qui compilent
les différents troubles fonctionnels qui sont associés à ces déficits (43). C’est notamment
le cas du questionnaire intitulé « D. N. S », abréviations désignant « dopamine »,
« noradrénaline » et « sérotonine » (voir figure 6). On sait désormais, en 2020, que
d’autres messagers s’invitent au bal et modulent, parfois de manière très spectaculaire,
l’activité des neurones. Il va par exemple s’agir de messagers du système immunitaire
(qu’on nomme les « cytokines »), de toxines microbiennes ou d’hormones, de sorte que,
finalement, un grand nombre d’informations peuvent potentiellement influer sur
l’activité cérébrale… ce qui permet de mieux comprendre ce qui a pu se passer dans la
tête de nos deux champions.

a) L’envoi des messages par les cytokines


L’une des découvertes les plus étonnantes du début de ce siècle tient sans conteste
dans l’aptitude des messages du système immunitaire, les cytokines, à interférer de
manière très importante avec des récepteurs localisés sur des neurones constitutifs de
différentes structures cérébrales, mais aussi à affecter les processus d’acheminement de
ces molécules, de leurs « précurseurs », ou encore à détourner ces précieux matériaux de
leur intervention dans la synthèse des neurotransmetteurs (7, 11). Certaines molécules
élaborées par des bactéries localisées dans l’intestin peuvent directement influencer
l’expression des gènes, notamment ceux qui participent au développement et à
l’évolution du cerveau (1). Cela peut contribuer à des changements
comportementaux (23), à une baisse d’énergie, à un éventuel état dépressif, ou encore à
une chute du plaisir et de la motivation, en lien avec des processus infectieux.
Tout ceci amena Robert Dantzer, à la fin du XXe siècle, à parler du « comportement
du sujet malade » pour décrire cette situation (12), alors que l’Américaine Lucile Smith,
pour sa part, posait les bases de la théorie inflammatoire de la dépression (48), déjà
évoquée dans l’un de mes ouvrages en 2001 (9). Par la suite, d’autres études – détaillées
dans un prochain chapitre – ont révélé que cette interaction entre le système
immunitaire, le cerveau, mais aussi le microbiote, pouvait également contribuer au
risque ultérieur de maladie neurodégénérative (3, 6, 40, 52), au développement de
troubles psychiatriques (38, 47, 54), y compris ceux du comportement alimentaire (28,
36, 45). Cela pourrait aussi influer sur le risque d’addiction (13), altérer la mémoire
(20), le sommeil (33), voire l’ensemble des rythmes circadiens (24) par des mécanismes
complexes, se jouant parfois dès la période fœtale (14). Autrement dit, d’un champ
purement psychiatrique, la compréhension et la prise en charge de ces situations de plus
en plus répandues va désormais s’inscrire dans les domaines de l’immunologie ou de la
gastroentérologie.

Figure 6. Le questionnaire D. N. S.

Pour illustrer ceci, notons qu’actuellement des études ont pu démontrer que, chez
l’homme, le recours à des antibiothérapies (geste signifiant qu’un agent infectieux
sévissait et qu’une perturbation du microbiote va s’ensuivre), notamment lorsqu’on en
propose sous forme de cocktails, donnait lieu à des troubles neurologiques tels que
l’anxiété, les attaques de panique, voire les dépressions majeures, des psychoses ou des
délires 2 (37). Cela signifie que les moyens permettant d’agir sur l’immunité et
l’écosystème intestinal, tels que les probiotiques, vont devenir des acteurs clefs de la
prise en charge, et cette révolution est en cours avec l’émergence des
« psychobiotiques » 3 (16). Cela amène également à s’interroger quant à la bonne santé
digestive et immunitaire des deux champions évoqués en ouverture de cet ouvrage. Or,
on sait que le sport de haut niveau perturbe ces fonctions importantes (44). Y aurait-il
des explications à trouver de ce côté ?

b) La plasticité du système en réseaux


La deuxième particularité de ce système en réseaux réside dans son extraordinaire
plasticité. Durant des années, on a considéré que le système neuronal était immuable.
Toutefois, les récentes découvertes des neurosciences confirment cette capacité
importante de plasticité ou d’évolution. Non seulement les neurones sont
potentiellement capables de se régénérer au-delà même de l’embryogenèse, mais
certaines cellules neuronales parviennent, plus tard au cours de la vie, à se spécialiser et
se dédifférencier dans certaines conditions d’adaptation particulière.
De la même façon, les interconnexions des neurones entre eux, constituant les
réseaux, sont capables d’évoluer selon les besoins. Pour résumer, nous ne pouvons plus
considérer aujourd’hui ce tissu de neurones comme une donnée fixe, acquise et stable
mais plutôt comme un extraordinaire maillage adaptatif, évolutif et plastique (50).

Le neurone est-il seul au monde ?

Le cerveau contient d’autres types de cellules, et ce n’est que depuis quelques


années qu’on leur porte un intérêt croissant. Or, chacune des familles qui accompagnent
les neurones assurent des fonctions importantes et interviennent de manière coordonnée
avec ceux-ci. Leur indentification s’est faite par étapes ; initialement, on doit à Camillo
Golgi, au milieu du XIXe siècle, d’avoir identifié des cellules différentes des neurones,
localisées dans le cerveau. Il les nomma les « astrocytes », en raison de leur forme
étoilée. Il considérait alors que celles-ci constituaient la « glu » ou le support du cerveau.
Par la suite, au début du XXe siècle, le neurophysiologiste Santiago Ramón y Cajal
apporta une avancée majeure, en partie grâce à ses dessins très détaillés, qui permirent
de décrire plus précisément les astrocytes. À la lumière de ses travaux, les connaissances
continuèrent d’évoluer au point que, en 1919, forts des progrès techniques qui
enrichissaient le savoir collectif, les chercheurs en vinrent à admettre que, sous ce même
nom, se regroupaient en fait plusieurs catégories de cellules. C’est à partir de ce
moment-là qu’on a différencié et distingué les astrocytes, les cellules microgliales et les
oligodendrocytes.

Les astrocytes
Qu’en est-il des premières ? Actuellement, de nombreuses études pointent leur rôle
primordial dans le développement, le fonctionnement et l’évolution du système nerveux,
en coopération avec les neurones (10, 25, 41). Par exemple, au niveau de la synapse, ils
participent au recyclage des neurotransmetteurs, alors que, jusqu’au début des années
’90 on pensait que seuls les neurones possédaient cette aptitude. Ce phénomène
concerne plus particulièrement un acide aminé qui, lorsqu’il s’accumule dans le neurone,
présente une réelle toxicité. Il s’agit du glutamate. En le prélevant puis en le dégradant,
les astrocytes participent pleinement à la protection du cerveau (8). Dans ceux-ci, le
glutamate est transformé en glutamine et est ensuite recédé aux neurones qui les
transforment en un autre neurotransmetteur, le GABA. Ce dernier permet
essentiellement de contrôler l’anxiété.
Ils produisent également un certain nombre de molécules qui renforcent l’action de
neurotransmetteurs libérés par le neurone, ce qui optimise la transmission et la
réception du message véhiculé par ceux-là. D’autres fonctions leur incombent ; ainsi les
astrocytes protègent-ils la barrière hématoméningée (49), barrière semi-perméable qui
isole partiellement le cerveau du reste de l’organisme (et le met relativement à l’abri de
grosses molécules toxiques, retenues par ce filtre). Elles participent également à l’apport
énergétique nécessaire aux neurones, grâce à une intense activité métabolique, ainsi qu’à
la réparation et à la cicatrisation des zones cérébrales lésées après un traumatisme. Elles
contribuent encore, comme de très récentes publications le démontrent, au processus de
neurogenèse chez l’adulte (21, 26). Enfin, les astrocytes régulent également l’intégration
et la survie des nouveaux neurones dans les circuits préexistants, en agissant notamment
sur la création ou l’élimination de leurs synapses (10). Certains auteurs s’interrogent sur
le fait suivant : une dégradation de la capacité de remodelage des astrocytes pourrait-
elle contribuer à la survenue de maladies neurodégénératives (22) ? La question reste
pour le moment sans réponse…

La microglie
Qu’en est-il de la microglie ? Malgré leur tentative de dissimulation sous un nom
compliqué, ils ne peuvent nous tromper longtemps… Il s’agit ni plus ni moins d’une
famille de globules blancs, plus précisément des macrophages. Leur rôle premier ?
Présenter les antigènes débusqués aux cellules chargées de les tuer (en général, les T8
cytotoxiques). Pour cette raison, ces cellules situées dans le cerveau sont qualifiées de
« cellules présentatrices d’antigènes ». Elles constituent donc la première ligne de
défense du cerveau, dont elles représentent 5 à 25 % du nombre total de cellules.
Elles communiquent avec les autres cellules du système immunitaire, ainsi qu’avec le
microbiote, et ce dialogue s’effectue au moyen des cytokines, qui vont de l’un à l’autre.
Elles présentent la particularité de pouvoir proliférer en cas de lésion du système
nerveux et, réceptionnant des cytokines responsables de l’inflammation, elles vont initier
et amplifier un processus potentiellement défavorable. Cela survient également en
réponse à une infection, y compris celles survenant en période fœtale (53). Leur
libération exagérée de cytokines dans ce contexte joue un rôle clef dans la survenue de
troubles psychiatriques. Cela s’observera également, plus tard, au cours de violents
épisodes viraux. Par exemple, ceux de la famille de l’herpès sont fortement incriminés
dans le déclenchement, chez des sujets prédisposés à cette maladie auto-immune, de la
sclérose en plaques (30, 31, 39). Je détaille de manière plus poussée ces éléments dans
un prochain chapitre. Enfin, leur intervention dans les processus de réparation
neuronale est également connue depuis près de 20 ans (2).

Les oligodendrocytes
Enfin, les oligodendrocytes constituent la dernière catégorie de cellules figurant
dans le cerveau. Leur principale fonction consiste à fabriquer le câblage qui entoure les
neurones, et qui se nomme la « gaine de myéline » (c’est elle qui est détruite par un
processus auto-immun dans le cas de la sclérose en plaques) (5). Grâce à elle, la vitesse
de propagation et la fréquence des influx nerveux augmente. Un seul oligodendrocyte
est capable de myéliniser jusqu’à 50 axones. Cette gaine isolante se compose de lipides à
plus de 70 %, preuve s’il en était besoin qu’un cerveau bien gras est un organe qui
fonctionne bien !
Pour résumer ce chapitre, on constate que l’architecture du cerveau, d’une grande
complexité, construite par étapes successives au cours de l’évolution, le dote de fonctions
réparties de manière très hétérogène, chacune se trouvant limitée à des aires très
restreintes et spécialisées, capables de communiquer entre elles. De ce fait, le « mental »
ne se résume pas à l’action privilégiée du cortex préfrontal. La volonté ne gagne pas
toujours, pas plus que la conscience ou l’intelligence. En effet, l’intervention de
structures plus anciennes, activées par le stress, le dialogue permanent avec le
microbiote, la survenue d’événements infectieux – y compris en période fœtale –,
d’éventuels déficits nutritionnels constituent autant de facteurs susceptibles d’affecter le
bon déroulement des fonctions cérébrales. On commence à comprendre pourquoi,
finalement, il ne serait pas si aberrant que cela de voir nos champions déraper dans des
conditions à forte connotation émotionnelle. Enfin, ne négligeons pas que la plupart des
acteurs qui interviennent dans ces cellules dérivent du contenu de notre assiette et
nécessitent des capacités de digestion et d’assimilation très performantes. C’est ce que
dévoile le prochain chapitre.
M. Le cerveau,
que mangez-vous ?

N’avez-vous jamais eu cette impression bizarre, en fin de matinée ou au cours d’une


séance de sport, celle où vous sentez vos forces vous abandonner brusquement, où la
torpeur vous gagne, et où vos pensées deviennent confuses ? Il arrive même, si la
situation perdure, que votre vision se trouble et votre conscience déraille. Sans doute
avez-vous déjà nommé cette situation l’hypoglycémie (terme signifiant littéralement
« chute du taux de glucose dans le sang »).

Le carburant du cerveau : le glucose


Que s’est-il passé au beau milieu de ce col alpestre, au moment où vous commencez
à « pédaler carré », comme disent les cyclistes ? Ces désagréments surviennent lorsque
notre cerveau ne reçoit plus le carburant qu’il utilise en priorité, c’est-à-dire le glucose. Il
lui est nécessaire afin de tirer l’énergie permettant aux voies nerveuses d’intervenir. Cela
servira par exemple à fabriquer les différents messagers qui véhiculent l’information, et
qu’on nomme les « neurotransmetteurs ». Cette opération, qui requiert la présence
d’autres nutriments évoqués plus loin dans ce chapitre, s’avère très coûteuse en énergie.
Or, plus le cerveau travaille à des tâches complexes, plus il gère des situations
compliquées, plus il sollicite ses neurones et, par conséquent, plus ces derniers
demandent du glucose pour travailler. D’ailleurs, les scientifiques soulignent depuis des
années que cet organe noble est celui dont les besoins en sucre, par unité de temps, se
montrent les plus importants. Ils dépassent largement ceux des muscles au repos ou
faiblement actifs, alors même que leur poids s’avère bien supérieur à celui du cerveau.
D’anciens travaux, menés au milieu du siècle dernier par des biochimistes, avaient
permis de démontrer, chiffres à l’appui, l’existence de cette dépendance du cerveau vis-
à-vis du glucose (24). Ils avaient permis de quantifier son appétit : au moins 4 g par
heure ! Mais ces besoins n’apparaissent ni homogènes ni constants. Ils fluctuent,
territoire par territoire, en fonction des sollicitations dont ils font l’objet. Cette
particularité s’est récemment vue confirmée avec l’utilisation de l’imagerie cérébrale (38,
51). Avec cette technique, des signaux plus forts indiquent une consommation plus
importante. Qu’est-il ressorti de ces observations ? Que plus de la moitié de l’énergie
dépensée par cet organe sert non pas à penser ou à ressentir, comme on pourrait le
croire, mais essentiellement à contrôler l’activité de neurones particuliers, ceux qui
utilisent le glutamate.

L’excitateur du cerveau : le glutamate


Que sait-on de ce dernier ? Son rôle consiste plutôt à « exciter » ou à accentuer le
message transmis par les autres neurones. Le glutamate peut se comparer à
l’amplificateur de la guitare, qui agit sur le volume sonore sans modifier les notes émises.
Ainsi, tout se passe comme si, sous l’emprise permanente d’informations qu’il doit traiter
et hiérarchiser, le cerveau devait dépenser de l’énergie pour éviter qu’il s’emballe. Des
données récentes laissent d’ailleurs penser que, lorsque ce système de contrôle des
neurones à glutamate se montre moins performant, des signes évocateurs d’hyperactivité
et de déficit d’attention (55) ou un état dépressif peuvent se manifester (29). Pour éviter
la survenue de tels avatars, le neurone peut compter sur l’efficace collaboration des
astrocytes, dotés de l’ingénierie qui leur permet de dégrader une partie du glutamate
accumulé… et évitent la survenue d’une amplification assourdissante (48) (voir
figure 7). Toujours est-il que l’on peut résumer la situation ainsi : le cerveau dépense
finalement l’essentiel de son énergie à ne pas dérailler et à occulter des informations
parasites !
De tout le glutamate libéré par le neurone présynaptique, seulement 20 % est capté
par le neurone postsynaptique (en bleu), pour transmettre un message excitateur, le
reste étant récupéré par les astrocytes (en jaune), qui le dégrade ou le transforme en
une autre molécule, la glutamine, qui servira à fabriquer le GABA (impliquée dans le
contrôle de l’anxiété) (67).

Apport énergétique et performances mentales


L’impérieuse nécessité du cerveau à consommer du sucre est connue du grand
public, et s’il est une situation que redoutent les sportifs, c’est bien la fameuse « hypo »
(pour « hypoglycémie »), évoquée en ouverture de ce chapitre. Par conséquent, d’aucuns
soulignent le bénéfice retiré de sa consommation dès lors qu’une activité cérébrale doit
se dérouler, surtout si elle survient durant un effort musculaire ! Mais l’effet favorable
qui est perçu avec la prise de glucides relève-t-il réellement d’une action métabolique,
ou au contraire y aurait-il dans tout cela une part d’autosuggestion ? Autrement dit, est-
ce que le fait de consommer du glucose au cours d’une activité mentale, en pensant qu’il
s’agit d’un geste favorable, rend cette stratégie efficace simplement parce qu’on y croit ?
Pour en avoir le cœur net, Grace Giles et ses collègues (30) ont voulu trancher cette
question. Leur démarche plutôt ingénieuse a consisté à évaluer les performances de 105
volontaires en bonne santé, à travers des tâches cognitives relativement complexes.
Quatre groupes furent constitués, en fonction de l’apport de glucose ou d’un placebo et
de l’affirmation faite par l’expérimentateur que le cobaye consommait ou non du sucre.
Ainsi, on comparait les situations suivantes : celle où du glucose était apporté et où
on affirmait aux volontaires qu’on leur en administrait effectivement, celle où ils
recevaient un placebo en pensant recevoir du glucose, celle où ils recevaient un placebo
en pensant effectivement en recevoir, et enfin celle où on leur proposait du glucose en
laissant penser qu’il s’agissait d’un placebo. Le constat fut sans équivoque : c’est bien
l’apport énergétique réalisé qui garantit les performances mentales, et aucun effet
placebo ne semble jouer ici.
Cette particularité s’inscrit dans un contexte bien spécifique ; on peut en effet
comparer le cerveau, et plus particulièrement le neurone, à un athlète devant agir vite,
et qui pour cela se trouve contraint de ne pas trop transporter de vivres avec lui. Cela
explique qu’en ce qui concerne les enzymes en sa possession, le neurone ne se trouve
équipé que du strict minimum, à savoir la capacité à brûler rapidement le glucose qu’il
reçoit. Cela signifie que si, à un moment donné, dans des circonstances exigeantes telles
qu’un exercice sportif, l’apport pouvait se réduire, les neurones se trouveraient alors en
état de manque. Certaines fonctions pourraient-elles en pâtir ? Cela pourrait-il même
influer sur l’aptitude des champions à gérer leur stress à un moment donné ?
La question mérite d’être posée.
Figure 7. L’intervention des astrocytes pour limiter l’influence du glutamate.

Le glucose consommé par le cerveau provient exclusivement du foie. Cet organe


capte préalablement celui contenu dans les aliments fournis lors des repas, et que les
enzymes digestives scindent en éléments de base, qui gagnent ensuite la circulation. Le
foie constitue la première étape sur ce trajet. Les messagers qui sont libérés à ce
moment-là, notamment l’insuline, lui permettent de le mettre en réserve sous une forme
assez volumineuse, qui se nomme le glycogène. Les muscles possèdent également cette
aptitude à stocker le glycogène, disposant d’ailleurs d’une autonomie nettement
supérieure à celle de l’organe digestif. Mais alors que le foie se met au service d’autres
tissus qui, comme le cerveau, ne disposent pas de réserves et requièrent du glucose pour
travailler, les muscles se montrent très égoïstes en gardant pour eux leurs stocks, qu’ils
vont mobiliser uniquement à l’occasion d’efforts intenses (59).

Le foie n’est pas riche

Les chiffres indiquent que le foie peut disposer au maximum de 100 g de glycogène,
qu’il déverse progressivement dans la circulation à mesure que le taux circulant, qu’on
nomme la « glycémie », menace de chuter. Cette situation se rencontre du fait que les
organes nécessitant le glucose pour fonctionner le prélèvent à partir du sang, et que les
quantités captées dépassent rapidement celles que le foie déverse. Le niveau menace
donc de chuter, et ce d’autant plus que nos tissus consomment environ 10 g de glucides
par heure, dont 4 pour le seul cerveau, comme indiqué plus haut. Cela signifie que, s’il
n’existait pas un autre moyen de subvenir aux besoins en glucose de l’organisme, nous
pourrions tomber en panne de sucre durant notre sommeil, et mourir d’un coma
hypoglycémique en dormant. Chacun d’entre nous sait qu’il n’en va pas ainsi. Pourquoi ?
Parce que l’évolution a sélectionné pour nous une aptitude fondamentale ; celle de se
passer temporairement de l’apport de sucre pour maintenir la glycémie. Cela semble
logique : nos ancêtres du Paléolithique et des époques encore plus reculées ne pouvaient
pas faire trois repas par jour. Ils devaient néanmoins prendre à tout instant des décisions
importantes, parfois décisives pour leur survie et celle du groupe, et le cerveau ne devait
pas donner le moindre signe de faiblesse.
Que permet exactement cette adaptation ? Le foie dispose d’une voie métabolique
particulière, activée lors du jeûne, qui a reçu un nom barbare, puisqu’on la nomme la
« néoglucogenèse ». Ce terme signifie qu’elle permet de fabriquer du glucose avec
d’autres types de molécules. En quelque sorte, il leur fait subir un lifting. Ces substrats
sont, en cas de jeûne et en l’absence d’une activité soutenue, principalement de petites
molécules dérivées des graisses et récemment passées à la postérité, les « corps
cétoniques » (34). Il utilise également certains acides aminés, c’est-à-dire certains des
éléments de base qui composent les chaînes de protéines. Avec ces deux stratagèmes, il
s’en sort plutôt bien et permet de maintenir en partie l’approvisionnement du cerveau en
glucose. Parallèlement ce dernier va développer dans ce contexte l’aptitude à utiliser les
corps cétoniques comme carburants d’appoint, et ce grâce à l’intervention complice des
astrocytes (23). Ses performances n’en pâtissent pas, et parfois même sa santé s’en
trouve améliorée, comme on le verra plus loin (54, 57).
Les travaux sur ce thème ont montré que le cerveau s’adapte donc en quelques
jours pour diminuer ses besoins de glucose d’environ 100 g en conditions normales, à
40 g/jour dans ce contexte. Il y parvient en accroissant sa consommation de corps
cétoniques, qui passe de 0 à 30 % de ses besoins après 3 jours, puis jusqu’à 70 % après
40 jours. Il est important de noter que le cerveau ne peut néanmoins jamais
complètement s’affranchir du glucose, dans la mesure où il s’avère essentiel au
fonctionnement de la voie permettant l’utilisation des corps cétoniques. On voit en tout
cas que, en théorie, le neurone ne voit pas son activité se modifier selon que l’on ait
mangé récemment ou pas. Alors pourquoi ces fringales évoquées au début de ce
chapitre ?

Des muscles trop gourmands

Si au repos le cerveau se réserve la plus grosse part du repas glucidique, la situation


change à l’effort. Certes, comme je l’ai indiqué, le muscle dispose de ses propres réserves
de glucose, sous la forme de glycogène, qu’il va utiliser en proportion croissante à
mesure que l’intensité de l’exercice fourni va crescendo (60). Mais, sans doute en raison
de son train de vie excessif, il va également aller puiser dans le sang une partie du
glucose circulant, qui ne lui est pas forcément destiné. Cela s’explique principalement
par l’intervention de trois phénomènes. Il existe d’abord une augmentation du débit
sanguin à l’effort qui peut, dans certaines situations s’avérer, au niveau des muscles
engagés dans l’activité, 20 fois supérieur à celui mesuré au repos (60). À ceci s’ajoute un
autre phénomène. Sous l’effet de l’exercice, un changement survient transitoirement
dans le muscle. Pour le comprendre, rappelons d’abord que le glucose entre dans les
cellules musculaires grâce à des portes ou des canaux, qui constituent ce qu’on nomme
des récepteurs (62). Ceux par lesquels le glucose gagne le muscle ont reçu le nom de
« GluT4 ». Comme on le voit sur la figure 8, ces structures séjournent habituellement au
cœur du muscle. Mais sous l’influence des changements survenant dans la cellule sous
l’effet de l’exercice, ces éléments vont se placer au niveau de la membrane de la cellule,
de sorte que la captation du glucose provenant du sang va se trouver accrue. Plus
l’intensité de l’exercice augmente, plus le détournement du glucose par les muscles actifs
s’accroît (voir la figure 9). Notons enfin que, comparativement à un sujet sédentaire, un
individu régulièrement actif (qualifié de sujet « entraîné ») dispose à la fois d’un plus
grand nombre de « GluT4 » et que ceux-ci persistent plus longtemps à la surface de la
cellule (35, 41, 62). Autrement dit, le muscle du sujet sportif capte davantage de
glucose à partir du sang, et cette spécificité persiste plus longtemps que chez un sujet
sédentaire. Enfin, dernière particularité observée chez l’athlète, l’activité des voies de
production d’énergie à partir du glucose se révèle plus efficace chez lui, cette spécificité
s’expliquant par les transformations durables survenant au cœur des cellules sous l’effet
répété des entraînements, et qu’on nomme « adaptations ». Autrement dit, il peut
utiliser à chaque seconde une plus grande quantité du glucose capté (36, 61).
On voit que le glucose provenant du sang gagne la cellule musculaire (myocyte)
grâce au récepteur GluT4 localisée au niveau de la périphérie de la cellule, pour ensuite
être dégradé et fournir de l’énergie.
Figure 8. Les Glu T4.

Quelle peut être la conséquence de cette particularité ? Pour mieux la comprendre,


revenons à notre cerveau ; il doit capter à tout moment une quantité suffisante de
glucose pour faire fonctionner ses neurones. Dans le contexte de l’exercice, les muscles
s’accaparent la plus grande partie du carburant véhiculé par le sang. Dans certaines
conditions, même en atteignant le maximum de ses possibilités, le foie ne permet plus de
satisfaire l’appétit de l’ensemble des tissus, et ce malgré une mobilisation optimale du
glycogène et une intervention performante de la néoglucogenèse. Le seul moyen de
rester à flot résidera alors dans la prise régulière de glucides en cours d’activité. Pour
peu que les quantités ingérées soient insuffisantes, que l’effort accompli s’avère plus
intense, que les réserves du muscle n’aient pas été pleinement garanties les jours
précédents, ou encore que les contraintes de l’activité imposent d’espacer les prises de
boisson ou de solides, la glycémie peut alors chuter très rapidement.
C’est là que survient l’hypoglycémie. Les travaux menés ces dernières années
ont montré que le seuil d’inconfort et les répercussions sur le cerveau se manifestaient
pour des valeurs relativement basses, bien inférieures à celles qui déclenchent les
processus hormonaux et métaboliques de compensation (25). Ils indiquent également
que la glycémie plancher qui donne lieu aux symptômes cérébraux caractéristiques de
l’hypo ne se situe pas au même niveau chez tout le monde (66). Ainsi, pour des raisons
encore mal comprises, certains sujets pâtissent de ce phénomène à des valeurs
auxquelles d’autres ne présentent aucun signe de souffrance (25).
Il n’en reste pas moins vrai que le risque d’hypoglycémie survenant à l’effort reste
l’un des avatars les plus fréquents des sportifs débutants, mais aussi d’athlètes aguerris
ayant mal géré leur ravitaillement. Au-delà de ce contexte, la survenue d’épisodes
hypoglycémiques fréquents semble plus souvent associée à l’apparition de troubles
neurologiques ou psychiatriques (19, 33). Et comme si tout cela ne suffisait pas, nous
verrons juste après qu’un autre facteur vient changer la donne : le stress !

Figure 9. Captation du glucose par le muscle en fonction de la puissance de l’effort fourni.

Figure 10. Densité de Glu T4 dans les fibres musculaires chez des sujets sportifs comparativement à des
sédentaires.

La différence contribue à expliquer la plus importante captation de glucose par les


cellules des sujets entraînés (62).

Hypo ou hyporéactionnelle ?
Un besoin impérieux en glucose
Le cerveau présente donc un besoin crucial : être régulièrement approvisionné en
glucose. Cela implique que la glycémie ne présente pas de fluctuation de grande
ampleur. Pour cela, plusieurs hormones interviennent pour ajuster en permanence la
mise en réserve, la mobilisation et le taux circulant de glucose. Certaines de ces
hormones se voient libérées dans un contexte de stress, et les ordres proviennent des
parties les plus anciennes du cerveau, celles héritées des temps les plus reculés de
l’histoire de l’humanité. Ainsi, comme évoqué dans le chapitre précédent, le système
limbique se trouve en lien avec les glandes surrénales, et sous l’influence de situations
perçues comme des menaces, l’ordre sera donné de verser du cortisol ou de l’adrénaline
dans le sang, et ce phénomène va initier plusieurs réponses destinées à préparer les
comportements induits par ce stress, à savoir la fuite, la lutte ou l’inhibition (70).

Mobilisation des ressources


De ce fait, on observe une accélération du rythme cardiaque, une mydriase (pour
élargir le champ visuel et favoriser l’identification de dangers potentiels), une
vasodilatation musculaire (pour mieux irriguer les masses qui vont produire le
mouvement), une suppression de l’appétit (pour éviter qu’une partie du sang nécessaire
aux jambes ou aux bras soit détournée vers les intestins) et bien sûr une mobilisation
accrue des ressources énergétiques, qu’il s’agisse du glycogène du foie ou des réserves de
graisses. Ces processus « archaïques » se mettent en place devant toute situation perçue
comme une menace, y compris celles qui résultent du travail mental d’un individu, tel
que l’anticipation d’une dispute ou d’un examen. Il va par ailleurs bloquer certaines
voies participant au « circuit de la récompense », ceci afin de concentrer l’action et la
pensée du sujet aux seuls moyens de sauver sa vie (voir encadré 2). Le glucose étant
déversé dans le sang, la glycémie risque alors de s’élever. Et rapidement, en l’absence
d’une activité mobilisant ce sucre, l’insuline va intervenir et enclencher un processus de
stockage, et cela pourra occasionner, dans un second temps, un phénomène qualifié
d’hypoglycémie « réactionnelle ». Elle frappe typiquement le sportif ou le candidat à un
concours le jour J. Rarement à l’entraînement ou lors des examens blancs.

Libération du glucose
Le pancréas agit également sur ce processus complexe. Il peut ainsi libérer le
glucagon, hormone qui va donner au foie l’ordre de libérer suffisamment de glucose aux
cellules nerveuses, dès lors qu’on se trouve à distance des repas (71). Notons enfin qu’un
dernier acteur s’est récemment invité à cette pièce : le microbiote. En effet, certains
messagers libérés sous l’influence des bactéries très actives qui se nichent dans notre
intestin se voient libérés – tel le GLP-1 –, et contribuent eux aussi à moduler la gestion
du glucose par nos tissus (68).

Déséquilibre de l’écosystème « et perturbations de la glycémie »


À terme, de profonds déséquilibres de notre écosystème, à l’origine de dérapages
touchant ces processus régulateurs, peuvent contribuer à l’accentuation du problème de
diabète dans la société (10). Toujours est-il que l’ensemble de ces mécanismes peut
expliquer que le contexte émotionnel d’un événement, surtout s’il n’est pas anticipé,
peut altérer l’approvisionnement énergétique des neurones. Plus que l’événement en
tant que tel, ce sera la représentation qu’on s’en fait, c’est-à-dire l’abstraction du cerveau
préfrontal, qui pourra générer l’état de stress perturbateur. Seule une prise alimentaire
très orientée vers le sucre, parfois à caractère compulsif, viendra transitoirement
atténuer les fluctuations de l’apport glucidique… et de tout ce qui en découle : lucidité,
prise de recul, attention, anticipation, vigilance. Cela va donc bien au-delà de la
question de la performance physique ou mentale !

Encadré 2 : Le stress réprime le circuit


de la récompense.
La survie d’une espèce dépend de la capacité de ses membres à assurer
leurs fonctions vitales, c’est-à-dire à se nourrir, à réagir à l’agression et à se
reproduire. Il ne lui est pas possible de s’engager simultanément dans chacune
d’entre elles. L’évolution a sélectionné et maintenu, dans notre cerveau, des
territoires qui récompensent la réalisation de ces fonctions par une sensation
agréable, sans laquelle l’accomplissement de l’acte de se nourrir ou de
s’accoupler deviendrait fortuit. De fait, lorsque la menace se montre trop
pressante et présente, la survie se trouve privilégiée, et des messages en
provenance de l’hypothalamus vont étouffer l’activité des circuits de la
récompense, ou plus largement ceux du plaisir. Pour les neurobiologistes, ce
dernier se définit comme « la récompense d’actions destinées à satisfaire les
besoins de l’organisme » (6).
Il s’agit par conséquent d’un état transitoire, inséparable du désir qui l’a initié,
et qui s’épuise quand celui-ci se trouve satisfait. Ces sentiments de plaisir et de
satisfaction relèvent de l’intervention de minuscules structures situées en plein
centre de notre cerveau, notamment certaines parties de l’hypothalamus,
l’amygdale (centre des émotions) et le noyau accumbens, présenté comme
l’authentique « centre du plaisir ». Il se trouve au niveau d’une structure archaïque,
proche de la partie haute du tronc cérébral.
De fait, « aimer » une personne est un sentiment qui peut essentiellement
faire intervenir une partie « animale » du cerveau. Celle-ci joue-t-elle un rôle
significatif, ou au contraire notre statut d’hominidé civilisé a-t-il relégué ce
processus dans les fins fonds de nos greniers cérébraux ? Une étude menée il y a
25 ans par une équipe d’immunologistes a répondu à cette question, et pour cela
ses auteurs ont eu recours à une procédure assez étonnante (72). Ils ont, pour les
besoins de leur travail, recruté des étudiants des deux sexes (44 hommes et
49 femmes qui ne se connaissaient pas), sélectionnés en fonction de leurs profils
immunitaires et génétiques (en fonction de ce qu’on désigne par « système
HLA »)*. Les jeunes hommes devaient porter un tee-shirt deux nuits consécutives,
et on demandait ensuite aux jeunes femmes d’évaluer en aveugle le caractère
plaisant ou déplaisant des odeurs qui les imprégnaient.
Il est ressorti de ce travail que les mâles dont le profil HLA présentait le plus
de différences avec celui des cobayes féminins possédaient une odeur qui leur
paraissait plus agréable, ce qui augurait une rencontre positive… En résumé, on
sent mieux ce qui est différent de nous et contribue au brassage des gènes.
D’ailleurs, plus un couple présente des antigènes HLA communs, plus augmente le
nombre de fausses couches et le risque d’échec d’une FIV (2, 56) ! Cet effet
sélectif disparaît si la femme prend la pilule.
En tout cas, tout ceci n’a rien à voir avec le jeu de la séduction des grands
romantiques ni avec les discours enflammés des poètes. Certes, aujourd’hui, le
choix du partenaire peut se nourrir d’autres aspects liés à l’abstraction, à
l’harmonie intellectuelle, à un accord émotionnel, bref qui font davantage intervenir
le cortex préfrontal, mais pas forcément de manière majeure. De ce fait, il s’avère
bien difficile d’affirmer quelle partie du cerveau aime quand on aime, ni de pouvoir
considérer que le choix de nos partenaires résulte de causes plus intelligentes
qu’à l’époque du Paléolithique ; « l’amour a ses raisons que la raison ignore » en
somme ! Au-delà de ces considérations, le stress, en réprimant ces voies dont la
finalité s’avère incompatible avec la survie (littéralement, un ennemi en train de
copuler est vulnérable…) peut, dans le contexte de la vie du XXIe siècle, présenter
des répercussions très défavorables sur la libido !

* Le système HLA, également dénommé « système d’histocompatibilité » (de


l’anglais Human Leucocyte Antigens), est le principal système faisant intervenir
des antigènes (éléments non reconnus par l’organisme, donc considérés comme
étrangers) dont dépend le succès d’une greffe. On doit sa découverte aux travaux
de Jean Dausset, en 1958 (16), ce qui lui valut le prix Nobel de médecine en
1980, grâce à l’avancée des connaissances qui s’en est suivie sur le sujet des
rejets de greffe.

Encadré 3 : Le cerveau aime la créatine.


Lorsque le muscle doit disposer instantanément d’énergie pour un effort
brutal, et que l’oxygène n’a pas le temps de lui parvenir afin de permettre la
combustion des glucides ou des lipides, il utilise un carburant dont la disponibilité
est très limitée : la créatine (7, 20). Son bénéfice sur ce type d’effort est
controversé, mais on admet que, dans certaines situations, elle permet de pallier
le défaut d’apport d’oxygène. De récents travaux suggèrent qu’un effet ergogène
similaire concernerait le cerveau, notamment chez les seniors, auxquels il
apporterait une amélioration des fonctions mnésiques, ou encore en cas de lésion
cérébrale, situation où la créatine aiderait à assurer une meilleure réparation
tissulaire. N’allons toutefois pas trop loin ! Il apparaît de plus en plus
vraisemblable que sa prise au long cours, à des doses supérieures à 5 g/j,
favoriserait la formation de dérivés toxiques, susceptibles d’endommager les
tissus (75). Tout serait donc affaire, comme souvent, de durée et de doses
optimales.

Donnez-moi de quoi fabriquer des messagers !


Pour comprendre comment l’information nerveuse se propage, il convient d’avoir
quelques connaissances en électricité. En effet, le neurone, à l’inverse de quasiment
toutes les autres cellules de l’organisme, possède une caractéristique incroyable : son
excitabilité. Plus précisément, lorsqu’il se trouve au repos et ne transmet aucune
information, sa membrane présente une charge négative du côté interne, et positive du
côté externe. C’est ce que les physiologistes nomment la différence de « potentiel
électrique ». Bien sûr, il ne s’agit pas de 110 ou de 220 V, plutôt de courants de voltage
mille fois inférieur, de l’ordre de – 70 mV. Si on touche un neurone, nul risque de
s’électrocuter !
Comment s’explique ce phénomène ? Par la présence, à des concentrations
différentes, de divers minéraux à l’intérieur et à l’extérieur de cette cellule, et ces
minéraux possèdent des charges électriques qui contribuent à ces différences. Tant que
le neurone ne reçoit pas d’excitation, cette différence de charge électrique reste stable,
ce qui explique qu’on la désigne par « potentiel de repos ». En revanche, dès qu’il est
excité, soit par l’intermédiaire d’un autre neurone qui lui envoie un message soit au
niveau des processus sensoriels, parce qu’un récepteur reçoit un stimulus, il va voir cette
différence de potentiel se modifier très transitoirement. Ainsi, à ce moment-là, durant
quelques millisecondes, la membrane présente une différence qui devient positive
(autour de 30 mV), pour revenir à la valeur basale.
Lorsque ce « potentiel d’action » parcourt le neurone, il arrive au niveau de la
synapse (voir figure 5), et ce courant qui atteint l’extrémité de la cellule provoque la
libération des neurotransmetteurs qui, après avoir traversé la synapse, rejoignent un
récepteur localisé sur le neurone postsynaptique. Lorsque, à l’instar d’une clef introduite
dans une serrure, le messager gagne ce récepteur, ce second neurone se trouve à son
tour excité, ce qui transmet le potentiel d’action.
Dans quelle mesure cela a-t-il à voir avec les besoins nutritionnels du neurone ?
Parce que ces différents neurotransmetteurs sont fabriqués au cœur des neurones (ou
pour certains, par les astrocytes) et cette transformation prend comme matériau de
départ ce que les biologistes nomment des « précurseurs ». Il s’agit d’ingrédients tirés de
notre assiette qui vont subir des transformations, jusqu’à devenir des molécules actives.
Notre alimentation doit donc délivrer en quantité suffisante ces « précurseurs », faute de
quoi la nature même de l’activité neuronale se verrait compromise.
Qui sont ces précurseurs ? La majorité d’entre eux appartiennent à la famille des
acides aminés, autrement dit aux molécules de base avec lesquels on fabrique nos
protéines. Au cours du repas, nos aliments nous délivrent des protéines, qu’on peut
comparer à de très longs colliers. La sécrétion de sucs digestifs permet de les scinder en
éléments de base, les acides aminés, qu’on peut alors comparer aux perles du collier.
Ces perles peuvent servir, majoritairement, à former de nouveaux colliers pour
notre organisme. On dépend ainsi de nos apports en protéines pour élaborer les nôtres.
Mais certains de ces acides aminés participent par ailleurs à des fonctions qu’ils exercent
en solo, en tant que précurseurs. C’est notamment le cas, dans le neurone, pour
élaborer certains neurotransmetteurs. Enfin, dans un contexte où la disponibilité en
glucides vient à chuter, la néoglucogenèse déjà évoquée dans ce chapitre va ponctionner
une partie de ces perles pour s’en servir de carburant. On comprend déjà que le manque
de glucose chronique, outre son effet propre sur le cerveau, en modifie également le
déroulement par cet impact vraisemblable sur l’aptitude à fabriquer ces messagers. Au
premier rang de ceux-ci, la dopamine va flancher. Pour quelles conséquences ? Baisse de
motivation, manque d’attention ou de concentration. On mesure dans quelle condition
délicate un sportif confronté à cet état va alors se retrouver…

Les précurseurs et leur long cheminement

Peut-on donner un peu plus de détails à leur sujet ? L’un des précurseurs de ce
domaine très étendu que constitue aujourd’hui la psychonutrition fut sans conteste
l’Américain Robert Wurtman (26, 73). Au cours de cette histoire déjà longue, une étape
clef a sans conteste été l’identification des différents messagers agissant dans le cerveau
et la caractérisation de leurs précurseurs, ainsi que les différentes étapes qui jalonnaient
ces voies métaboliques (voir figure 11). On y voit que deux messagers, issus de la famille
chimique des catécholamines, à savoir la dopamine et la noradrénaline, résultent de la
transformation du même précurseur, la tyrosine. Dans les neurones qui utilisent la
noradrénaline, la dopamine est le dernier maillon avant la synthèse de la
noradrénaline, alors que dans le cas des neurones dopaminergiques, la transformation
comprend une étape de moins. Un même neurone ne peut pas utiliser ces deux
messagers distincts, c’est l’un ou l’autre.
La tyrosine se range parmi les acides aminés essentiels. Cela signifie que, ne
pouvant pas en fabriquer la moindre once, notre organisme se trouve entièrement
dépendant de nos choix alimentaires pour assurer la couverture de nos besoins, en
particulier ceux du cerveau. La sérotonine et la mélatonine, pour leur part, utilisent un
autre acide aminé essentiel, le tryptophane, ce qui m’amène à la même remarque
relative à notre entière dépendance vis-à-vis de nos apports alimentaires. Concernant le
tryptophane, un certain nombre de situations le détourne vers d’autres voies ou d’autres
tissus, au risque d’affecter sa synthèse et, de là, à altérer notre aptitude à gérer le stress,
comme au cœur d’une compétition face à une situation jugée menaçante, nouvelle, ou
échappant à notre contrôle !

Figure 11. Les précurseurs nutritionnels des neurotransmetteurs.

Les transformations font appel à l’intervention successive d’usines chimiques, les


enzymes, qui bénéficient de la participation efficace d’alliés, nommés les cofacteurs, qui
se recrutent parmi les micronutriments. En ce qui concerne la transformation des
précurseurs en dopamine, noradrénaline ou sérotonine, plusieurs intervenants peuvent
se trouver déficitaires, ce qui peut se répercuter sur les synthèses et, à terme, sur
l’activité des neurones. Les principaux soucis rencontrés concernent le fer, le
magnésium, le zinc, et certaines vitamines comme la B9 ou la B12 (60).

De l’assiette au messager chimique


Les rôles détaillés des principaux messagers tels que la dopamine, la noradrénaline,
la sérotonine ou encore l’acétylcholine ont fait l’objet de diverses publications (22), et les
principales répercussions des déficiences sont répertoriées et identifiées sur le
questionnaire utilisé en micronutrition, le D. N. S. (présenté sur la figure 6). On peut
dresser le constat que l’une de ces voies fonctionne mal, comme lorsqu’un score élevé sur
la partie « sérotonine » suggère que les neurones qui l’utilisent comme messagers
transmettent insuffisamment l’information dont ils sont porteurs. Cela pourrait inciter,
en premier lieu, à corriger la situation en favorisant des aliments riches en tryptophane,
et un certain nombre de blogs, sur Internet, énoncent ceux qui en renferment le plus.
Rien n’est moins pertinent que cette manière de fonctionner, et ce pour plusieurs
raisons. D’abord, l’entrée des acides aminés dans notre organisme suit un cheminement
très compétitif. Au niveau de l’intestin, tous doivent se présenter devant des récepteurs
localisés sur la muqueuse intestinale. Mais, à l’instar d’un supporter de foot qui ne peut
gagner l’enceinte qu’en se rendant à la porte A avec d’autres fans et ne peut pas passer
par la B ou la C, le tryptophane (précurseur de la sérotonine) ou la tyrosine (qui sert de
matériau de base pour la dopamine et la noradrénaline), ne peuvent entrer dans la
cellule intestinale que par l’entremise d’un seul récepteur où, de plus, ils se trouvent en
compétition.
Ainsi, le surplus de l’un par rapport à l’autre va avoir pour conséquence que l’acide
aminé minoritaire risque de rester davantage à la porte. Or, le plus souvent, il s’agit du
tryptophane. De plus, la même compétition se présente au niveau du neurone et bien
évidemment, à ce niveau-là, son statut d’élément minoritaire va s’aggraver, puisqu’il se
trouvera en compétition avec une quantité encore plus élevée d’acides aminés
concurrents.
De ce fait, les orientations alimentaires d’un repas peuvent changer le climat
neurologique. Il ne s’agit pas là de spéculations gratuites. En modifiant les parts
respectives de glucides ou de protéines composant des repas tests, Robert Wurtman et
ses collègues (26, 73), au cœur des années 1970, avaient déjà décrit qu’un repas plus
riche en protéines contribuait à favoriser la synthèse de dopamine alors que, à l’inverse,
une ration plus riche en glucides aidait à mieux élaborer la sérotonine. Les mécanismes
à l’origine de ce phénomène ont déjà été décrits (60). Ils permettent également
de comprendre l’origine de pulsions sucrées irrépressibles, survenant au moment-clef où
la synthèse de sérotonine se situe à son maxima (autour de 17 heures) ; bien loin de
constituer un flagrant délit de délinquance alimentaire, celles-ci constituent au contraire
des symptômes comportementaux révélant un déséquilibre beaucoup plus profond,
affectant l’aptitude à fabriquer convenablement la sérotonine.
D’autre part, comme si cela ne suffisait pas, ce phénomène de compétition est loin
d’être le seul à décider du bon approvisionnement du neurone en tryptophane. En effet,
plusieurs perturbations biologiques majeures, schématisées sur la figure 12 et détaillées
ci-dessous, peuvent affecter de manière très marquée l’activité des neurones
sérotoninergiques, ce qui se traduira notamment par une moindre vulnérabilité au
stress, de l’impulsivité, voire de l’agressivité, des difficultés à supporter les contraintes ou
la pression. Cela ne vous rappelle rien ?
Figure 12. Les situations qui contrarient la synthèse de la sérotonine.

Déséquilibre du microbiote « et synthèse de sérotonine »


La première situation défavorable qui peut survenir est la suivante : en cas de
déséquilibre du « microbiote », une fraction du tryptophane délivré par l’alimentation
échappera aux processus habituels d’assimilation pour subir une dégradation plus ou
moins importante par certaines familles bactériennes, qui en tireront plusieurs dérivés,
tels que l’indican ou l’indoxyl sulfate. Loin de se présenter comme des dérivés anodins,
ces derniers peuvent de surcroît produire des effets défavorables sur le cerveau, pouvant
aller dans le sens opposé de celui qu’exercerait la sérotonine (39, 42). Autrement dit,
dans un tel contexte, une partie du tryptophane change de camp. Pour cette raison, en
apporter davantage ne s’avèrera pas forcément bénéfique. La situation pourrait même
sembler pire !

Détoxication et synthèse de sérotonine


Une partie du tryptophane peut également se voir détournée pour répondre à des
besoins accrus du foie, permettant à cet organe d’assurer un recyclage plus performant
des déchets et des hormones qui se trouvent dans notre organisme. Il s’agit de ce que les
biologistes nomment la détoxication. Concrètement, à un moment donné de son cycle,
lorsque le corps d’une femme produit davantage d’hormones, cette situation nécessite un
surcroît de travail de la part de cet organe ; il faut en effet dégrader ces hormones une
fois qu’elles ont agi. Le foie va pour cela mobiliser ses systèmes de dégradation, et
détourner à son profit une part du tryptophane circulant. Cette adaptation peut
contribuer à une baisse de synthèse de la sérotonine, et des symptômes caractéristiques
peuvent alors ponctuellement (ou non…) s’exprimer : irritabilité, pulsions sucrées,
agressivité. Mesdames et messieurs, cela ne vous rappelle-t-il pas le moment des règles
où périodiquement l’humeur semble plus chagrine ?

Inflammation chronique et chute de sérotonine


Mais le plus gros avatar survient sans conteste en cas d’inflammation chronique.
Dans cette situation, une voie métabolique qui, dans des conditions normales, se trouve
en sommeil, va soudainement entrer en action. L’une des enzymes qui va s’activer se
nomme « indole-amine oxydase », et elle sort de sa torpeur sous l’influence de messagers
du système immunitaire tels que l’interferon gamma ou l’IL-1 (12, 28). Ces intervenants
vont agir sur le gène dont dépend cette hormone, et vont en accélérer la lecture.
Cette situation où des facteurs environnementaux décident de l’entrée en jeu de
gènes se nomme une « induction ». Cela se trouve au cœur des processus
d’épigenèse (61). De plus, certains des dérivés qui apparaissent lors de la mise en jeu de
cette voie peuvent accentuer les troubles de l’humeur et le mal-être. C’est notamment
l’effet principal des kynurénines, formées en grande quantité en cette occasion (63). On
sait d’ailleurs depuis un quart de siècle que cela peut favoriser l’apparition d’un état
dépressif chez des patients considérés comme vulnérables (17). Encore plus étonnant,
l’administration, lors d’expériences, d’une solution d’interferon gamma à des volontaires
– ce qui évoque l’état biologique rencontré lors d’une infection – conduit à l’apparition
d’un syndrome dépressif chez la plupart de ces sujets (8, 11).
Que retenir de tout cela ? Que des situations fréquemment rencontrées sous
l’influence d’un environnement défavorable (déficits, stress, pollution, infections)
peuvent petit à petit entraver la synthèse de la sérotonine et rendre, par conséquent,
beaucoup plus fragile face aux situations délicates. Or, la pratique du sport de
compétition réunit plusieurs de ces facteurs défavorables, tels qu’un déséquilibre
progressif de l’écosystème intestinal, une vulnérabilité immunitaire accrue, un possible
état inflammatoire et d’éventuels déficits, de sorte qu’on comprend que, dans le contexte
très exigeant du haut niveau mondial, le mental puisse défaillir ! Cette situation
menacera d’autant plus que, comme on va le découvrir un peu plus loin, d’autres
éléments défavorables viennent s’ajouter.

Encadré 4 : Pour la dopamine aussi, c’est


difficile !
En situation de stress chronique, pouvant être considéré comme pathologique
selon la grille de lecture exposée plus loin dans cet ouvrage, une enzyme
habituellement peu active va voir son action décuplée en raison de l’activation du
gène dont elle dépend. Cette enzyme se nomme tyrosine amino-transférase ;
on sait depuis un demi-siècle que, dans ce contexte défavorable, elle allait
intervenir de manière très importante pour dégrader la tyrosine. Pour quelle
conséquence ? Cela va faire fortement baisser la formation de la dopamine (64),
tout en accentuant la production de « radicaux libres » (voir plus loin), molécules
très éphémères, susceptibles de causer des dégâts de grande ampleur dans les
tissus, notamment au niveau du cerveau.
Ce « stress oxydatif », comme le nomment les biologistes, participe à la
propagation des lésions dégénératives qui frappent les neurones dans le contexte
de certaines maladies (18, 27, 46). Ce que ne décrivent pas ces articles, c’est
l’origine de ce stress oxydant ; outre l’effet du stress psychologique, la
persistance d’une activité immunitaire anormalement élevée contribue à cette
situation (61).

Stress chronique et neurotransmetteurs


Quel sera alors l’impact de ce stress chronique sur les fonctions cognitives ? La
baisse de dopamine va se manifester par une motivation en berne, une tendance au repli
sur soi, une moindre attention, des soucis de concentration, un manque d’entrain… De
quoi affecter le niveau des performances cognitives, y compris dans le domaine sportif,
dès lors que la complexité des tâches demandées exigerait une parfaite disponibilité
mentale !
Si on résume la situation, en cas de stress chronique, des voies annexes se trouvent
activées pour détourner une partie des précurseurs permettant de fabriquer les
neurotransmetteurs nécessaires à la gestion de cet état psychologique d’alerte. De plus,
dans ce contexte, les besoins augmentent (les neurones travaillent davantage), on
comprendra que la conjonction de ces deux facteurs puisse, à terme, et dans un délai
variable selon les individus, précipiter une perte de compétence et une incapacité, même
chez les champions, à faire face à des situations trop exigeantes.
Un cerveau de poisson ?

Le cerveau, sans nul doute possible, est l’organe de notre corps qui renferme le plus
de graisses, et parmi celles-ci, on doit noter la part très importance de ceux qu’on
nomme les « acides gras polyinsaturés », représentants des familles oméga-6 et oméga-
3 (60). Cette particularité s’explique en partie par leur rôle structurel, au niveau des
membranes des neurones. En effet, cette richesse en acides gras polyinsaturés permet
une plus grande fluidité de ces structures, propice aux connexions des neurones entre
eux et à la capacité des récepteurs qui s’y situent à accueillir convenablement les
messagers qui s’y lient (49).
A contrario, des déficits en oméga-3 vont affecter la qualité de l’information
nerveuse. Mais les études menées ces vingt dernières années ont montré bien plus que
cela ; en particulier l’un des acides gras représentatifs de la famille oméga-3, celui qu’on
désigne par « DHA », exerce des rôles fondamentaux, concernant par exemple
le contrôle de l’inflammation (4) ou la formation de molécules protectrices, les
« protectines » (3, 69). Cette intervention s’exerce directement au niveau de certains
gènes qui vont alors sortir de leur silence. Il s’agit encore une fois d’une intervention
épigénétique, comme je le décris dans mon livre précédent (61). Cette remise en action
va s’avérer cruciale, dans la mesure où le cerveau constitue une cible privilégiée des
radicaux libres, dont je parle plus loin. Cela s’explique en raison de la grande quantité
d’oxygène qu’il consomme et de la vulnérabilité d’un grand nombre de molécules qui y
siègent. De ce fait, des déficits en DHA, survenant très tôt au cours de la vie, voire dès la
naissance selon le statut initial de la maman, peuvent contribuer à un risque plus
important de survenue ultérieure de schizophrénie (48), voire de la plupart des
pathologies psychiatriques ou neurodégénératives (58).

Dans le ventre maternel


Tout commencerait dans le ventre de la mère ; en effet, des études menées chez le
rat ont démontré qu’une déficience en DHA chez celle-ci s’accompagnait d’une altération
de la morphologie des structures cérébrales de l’embryon (15).
À l’inverse, en présence d’un statut correct en DHA, on note une accélération de la
différenciation des neurones à partir des cellules souches embryonnaires, ainsi qu’une
pousse plus rapide des prolongements neuronaux, nécessaires à une mise en réseau des
cellules du cerveau (31). Un déficit en DHA va également influer sur la qualité du
stockage et de la libération des neurotransmetteurs (13) et perturber le dialogue entre
les astrocytes (14). Autrement dit, c’est tout le fonctionnement cérébral qui en pâtit !
En fait, c’est à tout moment de la vie que ce déficit affecte le fonctionnement et la
structure de notre cerveau. En effet, lorsqu’on compare l’apport alimentaire en oméga-3
d’un groupe de seniors souffrant de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) à
celui d’un groupe de sujets témoins du même âge, il en ressort que dans le premier
groupe le statut en oméga-3 se trouve à un niveau significativement plus bas (52). Pour
autant, si on regarde avec un recul de 5 ans les effets d’une supplémentation en oméga-
3 sur cette pathologie oculaire, on ne retrouve pas d’influence notable (45).
Tout se passe comme si un déficit constitué au cours de la vie, passé une période
critique, provoquait des altérations irréversibles qu’un rattrapage alimentaire tardif ne
corrigerait plus. Il semble en aller de même dans le cas de la maladie d’Alzheimer. Tant
que l’atteinte est modeste, l’apport en DHA semble apporter une stabilisation et une
amélioration clinique (9). En revanche, dès lors que le train est lancé à pleine vitesse,
cette stratégie ne sert plus à rien. Pour éviter cette pathologie, mieux vaut donc choisir à
l’avance une mère qui aime le poisson !

Encadré 5 : Oméga-3 et évolution.


Les poissons gras constituent aujourd’hui la principale source de DHA, cet
acide gras de la lignée des oméga-3 qui a tant fait évoluer notre cerveau.
Comment cela s’est-il passé à l’époque ? Les hommes de Néandertal, qui vivaient
dans des cavernes localisées dans la Bavière actuelle, prenaient-ils l’autoroute A7
pour descendre en vacances sur la côte ? Assurément non ; ces populations, pour
la plupart d’entre elles, n’auront jamais vu la mer. Alors ? En fait, le DHA que nous
avalons provient de la transformation, par le métabolisme des vertébrés, d’un
autre acide gras de la famille oméga- 3, l’acide alpha-linolénique.
Dans la mesure où notre organisme se montre incapable de le fabriquer, on le
qualifie d’acide gras « essentiel ». En revanche, une fois qu’il gagne nos tissus,
ceux-ci disposent, en théorie du moins, de l’arsenal nécessaire pour le transformer
en DHA. Mais, comme on l’observe souvent, cette transformation, chez l’homme
adulte, se déroule très difficilement, de sorte qu’il nous faut en partie tirer cette
molécule d’autres sources qui, à l’exception des algues (43), proviennent du règne
animal.
Que s’est-il donc passé dans l’organisme de notre merlu avant qu’il finisse
dans notre assiette ? Cet acide gras essentiel se trouve dans le plancton que
mange le petit poisson, mangé par un poisson de taille moyenne, lui-même dévoré
par un plus gros, que l’homme finit par pêcher et manger. Or, cet acide gras
essentiel provient aussi de l’herbe ou du lin dont se délectent les animaux
terrestres, que nos ancêtres chassaient et mangeaient (44, 50, 53). Ainsi, nul
besoin de transhumance pour l’homme des cavernes. Au milieu des années 1970,
un changement brutal est intervenu : en délaissant l’herbe pour d’autres plantes
plus rentables, on a appauvri en oméga-3 la pitance des animaux (65), de sorte
que tous les aliments qui en dérivent, de la viande jusqu’au beurre, en passant par
le fromage et le saucisson, se trouvent appauvris en oméga-3.

Faire le plein d’oméga 3


En France métropolitaine, la réintroduction d’une filière animale nourrie au lin,
labellisée « bleu blanc cœur », commercialise des aliments aussi riches en oméga-3 que
s’il s’agissait de maquereaux ou de sardines. Du saucisson « bleu blanc cœur »,
finalement, n’est rien d’autre que de la charcuterie à écailles ! Cette particularité permet
de comprendre que, en 2007, à l’occasion de bilans biologiques réalisés dans le cadre de
l’accompagnement d’une équipe de rugby professionnel, le joueur dont le statut en
oméga-3 présentait les meilleures valeurs n’aimait paradoxalement pas le poisson, et
n’en avait jamais mangé depuis sa plus tendre enfance. Mais, archétype du Sud-Africain
boer, ce joueur costaud chassait et organisait des barbecues géants où l’on servait de la
viande d’animaux sauvages… Pleins d’oméga-3 !
Cette évolution catastrophique s’est également ressentie au niveau du lait maternel,
dont l’effondrement de la teneur en oméga-3, dénoncée par le pédiatre niçois Gérard
Ailhaud (1), a contribué à l’augmentation spectaculaire des problèmes de surpoids et
d’allergie chez les plus petits. En effet, certains dérivés de ces précieux oméga-3 exercent
des effets anti-inflammatoires, antiallergisants et répriment la formation de cellules
adipeuses excessives (60). À l’inverse, un prématuré venu au monde avec un déficit de
naissance présentera plus de risques, quoi qu’il choisisse de manger plus tard, de devenir
allergique, obèse, dyslexique, schizophrène puis, une fois devenu grand-père de petits
enfants autistes, de souffrir d’Alzheimer.

Le cerveau doit se protéger de la rouille


Des agressions permanentes
L’ensemble de nos cellules se trouve soumis à une agression permanente dont elles
doivent se protéger, et ceci concerne autant le cerveau que d’autres territoires
anatomiques. Cette agression provient de l’environnement, mais aussi de l’intérieur
même de notre corps, de la part de molécules produites par notre organisme, souvent
sous l’influence de l’oxygène. Ces molécules se caractérisent par leur instabilité, liée à la
présence d’un électron célibataire, et leur virulence a pour seul objectif de coupler cet
électron à un autre, afin d’assurer une stabilité énergétique à la nouvelle molécule. En
arrachant un électron, la réaction produit ce qu’on nomme une « oxydation ». L’entité
qui apparaît constitue une « molécule radicalaire » ; on parle également de « radicaux
libres ». La cellule dispose de moyens de réparer les dégâts ou de neutraliser ces
molécules instables. Ces éléments protecteurs sont désignés sous le nom d’antioxydants.
Enfin, pour finir de planter le décor, ajoutons que les biologistes évoquent un « stress
oxydatif » lorsque, sur une longue période, les agressions subies dépassent largement les
potentialités de réparation dont sont dotées les molécules protectrices.
Dans ces conditions, dont nous verrons l’origine plus loin, ces atteintes durables
peuvent déclencher des perturbations, et initier des processus dégénératifs au long
cours. C’est ce qui explique qu’on incrimine l’intervention du « stress oxydatif » dans
l’évolution des maladies neurodégénératives (40). La présence d’acides gras
polyinsaturés, un véritable caviar pour les radicaux libres, une consommation d’oxygène
proportionnelle à l’activité des neurones, la possibilité de subir des agressions liées aux
métaux lourds, constituent autant de raisons pour lesquelles le cerveau doit
particulièrement bénéficier d’une nutrition antioxydante performante. J’y reviens plus
loin dans le dernier chapitre, pour détailler la multitude de nutriments (le plus souvent
d’origine végétale) qui nous protègent en stimulant les gènes impliqués dans l’activité de
nos voies de défense. Je vais juste m’attarder sur deux points.

a) La diversité de moyens
Le premier concerne la diversité de moyens dont disposent les cellules pour exercer
cet effet protecteur. Une partie de celui-ci passe par l’intervention d’enzymes qui se
montrent capables d’agir sur les molécules porteuses d’un électron libre, et de les
transformer en molécules stables. On les qualifie d’enzymes antioxydantes (61). Leur
activité peut s’accentuer en présence d’une agression accrue de sorte que, dans ce
contexte, la capacité de nos tissus à nous protéger reste très opérante. Ces enzymes
bénéficient de l’apport de « cofacteurs », tels que le sélénium, le zinc, le manganèse ou
le fer qui, de ce fait, constituent des micronutriments antioxydants. Le deuxième versant
de cette défense repose sur l’intervention en freelance de certaines molécules piégeuses
de radicaux libres, situées au cœur des cellules ou des membranes. Il s’agit par exemple
de la vitamine E, de la vitamine A, de la coenzyme Q10… Pour la plupart liposolubles,
elles se trouvent donc, dans nos membranes, au cœur d’un environnement favorable.

b) Appauvrissement des aliments


Le deuxième point sur lequel je m’attarderai un court moment est l’appauvrissement
croissant de nos aliments, qui ont pu perdre près de 50 % de leur teneur en éléments
protecteurs en l’espace de 40 ans (61). Ce triste constat s’explique par la
prépondérance, depuis la seconde moitié du XXe siècle, d’une agriculture intensive, avec
une surexploitation des sols. De ce fait, le risque de déficit augmente, et peut par
exemple concerner, pour un élément tel que le sélénium, jusqu’à 40 % de la
population… pour laquelle, en général, l’évaluation du statut biologique en cet élément
n’est jamais proposée !
Le cas de la coenzyme Q10 apparaît encore différent. Celui-ci, comme je l’ai détaillé
dans un ouvrage précédent, se trouve souvent à un niveau déficitaire chez les sportifs de
haut niveau, en grande partie en raison des contraintes qu’ils subissent et qui affectent
la disponibilité en glucose des cellules (61). Cette situation contrarie la synthèse de la
coenzyme Q10, et il est aujourd’hui reconnu qu’un déficit en cet élément protecteur
favorise la survenue de la maladie d’Alzheimer (21).
Voilà pourquoi c’est sans doute une bonne idée, pour d’anciens champions
récemment entrés dans leur retraite sportive, d’écrire leurs mémoires sans attendre. Sans
cela, ils risqueraient de ne plus se souvenir des faits glorieux et moins avouables qu’ils
coucheraient sur le papier, alors que leurs lecteurs potentiels, eux-mêmes sans doute
sportifs assidus, auraient oublié dans l’intervalle de qui il s’agirait ! L’un des plus sûrs
moyens de ne pas disposer d’éléments protecteurs en nombre et en diversité appropriée
consiste sans aucun doute à négliger un apport suffisant de fruits, de légumes et
d’épices. Or, c’est malheureusement une pratique courante, pour un grand nombre
d’athlètes, de limiter cette catégorie d’aliments, taxés à la fois de pouvoir favoriser
l’apparition de troubles digestifs à l’effort mais aussi, comparativement aux pâtes ou à la
viande, de délivrer de moins importantes quantités d’éléments énergétiques et
bâtisseurs. Il s’agit, aujourd’hui encore, et malgré tous les efforts fournis pour modifier le
regard posé sur le contenu de l’assiette, des seuls auxquels, encore trop souvent, on
accorde de l’importance dans le domaine de la diététique du sport.
Pour résumer ce chapitre, on peut conclure que les besoins nutritionnels du cerveau
nécessitent qu’on avale une grande diversité de nutriments, glucose, acides gras,
protéines, minéraux, vitamines, éléments protecteurs, sans lesquels l’ensemble des
fonctions, la structure et la protection de notre cerveau se verraient affectées. Rien
d’étonnant, dès lors que champions et anonymes puissent exprimer, en raison de choix
ne permettant pas de couvrir l’intégralité de leurs besoins nutritionnels, dans des
situations particulières, des « défaillances » de leur mental. À ceci s’est ajoutée, depuis le
début de ce siècle, l’influence délétère des déséquilibres majeurs qui sont apparus dans
ce qu’on désigne désormais sous l’expression « microbiote ». C’est l’objet du prochain
chapitre.
M. Le cerveau, comment vous
développez-vous ?

Les neurologues expliquent habituellement que la maladie d’Alzheimer constitue


une pathologie évolutive liée à l’âge. Mais sait-on quand cela commence exactement ? À
50 ans, à 40, avant ? Les dernières publications scientifiques l’indiquent de manière
claire… Elle débute dès la période fœtale. Comment expliquer cette découverte
surprenante ? Là où il y a encore quelques années, nous pointions la responsabilité de la
pollution, du stress, ou plus récemment celle de déficits ou d’infections, dont l’impact se
constituait au fil des années, on voit désormais poindre, dans cette armada de
perturbateurs, un nouveau venu au rôle très important : le microbiote.
En effet, la santé intestinale de la maman conditionnerait, elle aussi, et sans doute
davantage encore que tout autre facteur, le risque ultérieur de développer une maladie
neurodégénérative. Or, en intégrant ce nouveau venu au modèle pathologique, force a
été de constater que les prémices de la maladie se joueraient avant même que l’on
vienne au monde ! Il existerait ainsi une sorte de prédisposition transgénérationnelle,
conditionnée par la composition des populations bactériennes qui vivent dans l’intestin
de la femme enceinte. En harmonie ou non, ce microbiote influerait de manière
complexe et très précoce sur la destinée ultérieure des neurones, favorablement dans le
premier cas, défavorablement dans le second. Voyons l’importance réelle de ces
différents perturbateurs, d’abord en évoquant les pistes « classiques », puis en précisant
pourquoi le monde bactérien intestinal s’avère aussi déterminant sur le développement
de notre cerveau.

Des fausses notes dans la partition


Jusqu’au milieu des années deux mille, aucun processus se déroulant dans notre
organisme, fut-il potentiellement pathologique, ne semblait pouvoir intervenir sans
qu’une prédisposition génétique ne semblât en cause. Ainsi, la présence de certains
gènes devait attribuer à leurs possesseurs une espèce de fatalité à développer une
pathologie, qu’il s’agît de maladies neurologiques ou simplement de pathologies
psychiatriques telles que la schizophrénie (37). En l’espace de 15 ans, le regard posé sur
ces perturbations a complètement changé ; ainsi, il n’est plus un seul scientifique,
aujourd’hui, qui n’admette pas que les facteurs environnementaux pèsent de plus en
plus lourd dans leur survenue ultérieure (89).

La prédisposition génétique s’exprime bien après la naissance


Le paradigme scientifique a évolué. La prédisposition génétique, même si on vient
au monde avec, ne se manifeste pas dès la naissance. Le trouble ou la pathologie
auxquels elle pourrait éventuellement prédisposer ne s’exprime qu’à partir du moment
où un élément externe contribue à déclencher le processus. Cela a conduit le monde
scientifique à évoquer la notion d’épigenèse, largement abordée dans mon livre
précédent (70), mais suffisamment importante pour que je m’y attarde à nouveau ici.
Celle-ci, au sens premier du terme, s’intéresse à tous les événements cellulaires
aboutissant à une complexité graduelle des tissus, ceci se faisant par étapes successives
jusqu’à l’obtention d’un organisme entier. Elle décrypte l’enchaînement chronologique
d’événements considérés comme programmés.

L’expression génique
Aujourd’hui, la définition a évolué, et englobe la notion de « patrons » d’expression
génique, héritables à travers les divisions cellulaires, mais n’impliquant pas de
changement de la séquence d’ADN (12). Autrement dit, ce ne sont pas tant les gènes
que la possibilité ou non qu’un commutateur allume ou éteigne certaines séquences de
ceux-ci qui caractérisent l’état de notre organisme à un moment donné. L’épigénèse
comporte plusieurs processus en interaction les uns avec les autres, tels que le
remodelage de la chromatine, des modifications des histones, la méthylation de l’ADN
ou la mise en œuvre de microARN (voir figure 13). Lorsque ces phénomènes surviennent
dans des régions génomiques distinctes, telles que les gènes promoteurs ou les sites
facilitateurs, c’est-à-dire les secteurs de l’ADN qui décident de la lecture des gènes
proches d’eux, ils vont exercer un contrôle sur ceux qui participent à l’embryogenèse.
Parmi les processus qui contribuent à cette modulation, c’est indéniablement la
méthylation de l’ADN qui pèse le plus lourd.

Figure 13. Les mécanismes intimes de l’épigenèse.

Les acteurs de l’épigénèse tirés de notre assiette


Ces processus très importants, et abondamment étudiés, mettent en jeu des acteurs
moléculaires tirés de notre assiette (voir encadré 12). Pour cette raison, ces derniers, tels
que les vitamines B6, B9, B12, le zinc ou encore un acide aminé essentiel nommé la
méthionine, constituent les garants du bon déroulement du scénario prévu. La mise en
jeu des mécanismes qui décident de l’épigenèse se trouve également largement
influencée par des facteurs environnementaux, et en règle générale ceux-ci viennent
plutôt en perturber le déroulement. Dans ce contexte, leur intervention peut se
comparer à des fausses notes venant ternir l’écoute d’une symphonie jusqu’à, parfois,
rendre le morceau d’origine totalement méconnaissable. Toujours est-il que
l’intervention plus ou moins harmonieuse de ces processus va décider du développement
de certains organes à des moments clef, notamment, en ce qui nous intéresse ici, celui
du cerveau (12).

Les perturbateurs environnementaux du développement


cérébral
Quels sont ces perturbateurs environnementaux ? On évoque classiquement les
polluants ou le stress mais, dernièrement, de nombreux travaux ont établi que les
infections survenues en période fœtale ou en début de vie, ou encore un microbiote
inapproprié, pouvaient également moduler la lecture de nos gènes (70). L’influence de
ces deux derniers éléments revêt un caractère novateur, dont on découvre à quel point il
influe de manière majeure sur l’embryogenèse du cerveau.
Plusieurs mécanismes biologiques permettent de favoriser l’expression de certains
gènes à des moments clefs de notre vie ou, à l’inverse, contribuent à les réprimer.

a) La méthylation
La méthylation constitue le premier et sans doute le plus connu d’entre eux. Elle
consiste à « colorer » ou modifier certaines liaisons chimiques localisées sur l’ADN par
l’ajout d’un groupe chimique particulier, le méthyl. À la suite de cette intervention (qui
nécessite la collaboration de plusieurs nutriments comme les vitamines B6, B9, B12, le
zinc ou encore un acide aminé nommé la méthionine (70), certaines séquences d’ADN
peuvent alors être traduites ou, au contraire, se taire soudainement. Divers polluants
peuvent interférer avec ce processus et contribuer à l’apparition de protéines anormales
ou encore à la dysrégulation de fonctions essentielles de la cellule (12).

b) La mise en jeu des histones


Le second mécanisme fait appel à la mise en jeu de protéines particulières : les
histones. Il s’agit de structures qui entourent les brins d’ADN, et comme on le voit sur
cette figure, lorsqu’elles se trouvent au contact de certaines séquences de nos gènes,
elles en bloquent la lecture. Des modifications survenant sur ces protéines rendent
soudainement et transitoirement possible la transcription des gènes préalablement au
contact de celles-ci (73).

c) La participation des microARN


Autre processus en jeu, la participation des microARN. Ces derniers, de découverte
relativement récente (54, 64) se présentent comme de petits fragments d’ARN messagers
non codants, qui ne renferment pas plus de 20 acides nucléiques, ce qui exclut tout rôle
informationnel de leur part. Leur rôle consiste en fait à cibler certains ARN messagers,
dont ils vont bloquer la traduction. Ceci va empêcher la synthèse de protéines, alors
même que le gène avait été lu. Ils interviennent donc en aval de celui-ci. Les autres
mécanismes évoqués dans ce schéma jouent des rôles secondaires dans l’épigenèse, et je
ne les évoquerai pas davantage ici.

Les modifications épigénétiques :


un bricolage génial
Par quel mécanisme les modifications épigénétiques peuvent-elles affecter le
développement neuronal ? C’est la question essentielle qui se pose et à laquelle un
nombre croissant d’auteurs tente d’apporter un éclairage (5). En effet, plus qu’à
n’importe quel autre âge, c’est durant la période gestationnelle que surviennent le plus
de processus épigénétiques dans le cerveau, en lien avec toutes les étapes évoquées an
chapitre 1. C’est un moment charnière pour l’acquisition de fonctions cognitives
performantes. Certes, ce processus se poursuit encore à un niveau mineur lors des
premiers mois de la vie et jusqu’à l’âge adulte, mais pour l’essentiel les dés sont alors
déjà jetés (59).
En ce qui concerne le développement du cerveau, on retrouve l’ensemble des
mécanismes épigénétiques décrits dans l’encadré précédent. Ainsi, outre l’intervention
des méthylations, on constate que, pour un développement cérébral optimal, les
histones se trouvent également concernées. En effet, des modifications de leur structure
vont favoriser la formation de cellules germinales à partir d’oligodendrocytes (50).
Par ailleurs, un nombre croissant de données suggère que les microARN pourraient
aussi jouer un rôle dans le développement du système nerveux central. Ainsi certains
d’entre eux interviennent-ils, sur de brèves périodes critiques, dans les neurones et les
cellules gliales, au cours de certaines étapes du développement du cerveau, de façon
à assurer divers processus essentiels à la finition et à l’obtention d’un organe mature
(49).

Encadré 6 : Gène FoxP2 et langage.


Le langage constitue un trait exclusif à l’espèce humaine, qui s’est
progressivement affiné au cours de l’évolution. Des travaux menés au début de ce
siècle, à l’époque où les recherches en génétique partaient tous azimuts, ont
permis d’établir des différences entre l’homme et les primates, la comparaison
ayant été menée du fait que, sur le plan de l’évolution, il s’agit des espèces les
plus proches. Cette stratégie offrait la perspective de déceler quelques
différences apparues tardivement au fil des millénaires. Leur implication dans
l’aptitude au langage semblerait alors en découler logiquement. Que nous ont
appris ces études ? Elles ont relevé des particularités propres à l’homme, portant
sur un gène qui semble impliqué dans l’aptitude à construire un langage
élaboré (30).
À l’appui de cette hypothèse, notons que la présence de mutations sur celui-
ci, chez certains individus, s’accompagne de troubles sévères nuisant à l’aptitude
à communiquer de manière intelligible avec leurs semblables (32, 52). Les
différences structurelles observées sur ce gène, selon qu’il s’agisse de primates
ou d’humains, amènent à penser que l’acquisition du langage résulte d’un
processus de sélection favorable.
À ceci s’ajoute la vraisemblable influence de facteurs épigénétiques, à des
moments clefs de l’histoire. Ainsi, de très récents travaux indiquent qu’avec la
diversification alimentaire liée à l’élevage et à l’agriculture, un meilleur statut
nutritionnel a permis d’exploiter au mieux les possibilités d’apprentissage
linguistique des populations (44).
La filiation joue un rôle lui aussi. Les linguistes savent par exemple que la
structure même de la langue maternelle (ou des langues parentales), selon la
richesse de celles-ci en sons complexes, en voyelles distinctes notamment, va
moduler la nature des connexions qui se maintiendront au cours des premières
années de la vie, dans cet environnement particulier (19, 22, 45).
À cela s’ajoutent des aspects culturels propres à chaque pays, mais
finalement on peut établir le constat suivant : on apprend plus facilement certaines
langues étrangères selon la complexité de celles qu’on entend chez nous, et le
pays où l’on vit. Le microbiote local compte-t-il aussi ? Un avenir très proche
devrait nous apporter des éléments de réponse.

Le stress des parents n’est pas bon pour le cerveau de l’enfant


Beaucoup de psychiatres et psychologues, et un nombre tout aussi important
d’acteurs issus du champ des alternatives thérapeutiques, ont émis l’hypothèse que des
stress psychologiques subis durant la grossesse pourraient affecter le caractère, la
sensibilité, voire le risque de développer d’éventuelles pathologies psychiatriques au
cours de la vie. Mais qu’en est-il exactement ? La science semble leur donner raison.
Ainsi, des travaux indiquent que des agressions psychologiques subies par de jeunes
femmes durant la période gestationnelle laissent des empreintes épigénétiques chez le
futur bébé. Des études épidémiologiques indiquent par exemple que les enfants dont les
mères ont connu un stress durant leur grossesse manifestent davantage d’impulsivité,
de problèmes d’anxiété, et connaissent de moins bons développements cognitifs et
psychologiques (6). Ils présentent en outre un risque accru de souffrir par la suite de
troubles tels que l’hyperactivité ou l’autisme (10).
Une récente étude néerlandaise a montré qu’un stress maternel subi durant la
grossesse – qu’il s’agisse d’un événement agressif clairement identifié ou d’une situation
associée à un taux de cortisol 4 élevé –, donnait lieu à une composition de flore
différente, comparativement à celles de nouveau-nés dont les génitrices n’avaient pas
subi ces situations défavorables. Dans une autre publication (remontant à 2015),
Jasarevic a identifié le microbiote vaginal comme étant une cible particulièrement
importante, puisque sa composition va se modifier sous l’influence d’agressions
psychologiques répétées. Il a ainsi montré qu’un stress maternel subi durant la grossesse
va influer en profondeur sur la taille de plusieurs populations bactériennes qui le
constituent. Ceci se répercute ensuite sur le développement cérébral et donne plus
souvent lieu à des anomalies au niveau de la structure neuronale (46).
Certes, il semble donc logique, au vu de ce qui précède, de s’attacher à protéger la
future maman de situations psychologiquement délicates. Mais saviez-vous que cette
règle vaut aussi pour les futurs pères ? De manière étonnante, les spermatozoïdes de
jeunes hommes stressés avant que leur conjointe ne tombe enceinte, ou ceux de futurs
bébés mâles dont la mère a subi un stress alors qu’ils se développaient dans son ventre,
expriment des perturbations épigénétiques qui seront éventuellement transmissibles à la
génération suivante, au risque de se répercuter sur la fertilité ultérieure de la
descendance. Cela menacera également le développement fœtal de leur cerveau (33, 71,
75, voir encadré 6).

Les déficits altèrent le développement cérébral


L’étude des perturbateurs de l’embryogenèse a abordé d’autres domaines. Par
exemple celui de la nutrition ; ainsi, plusieurs études mettent en exergue l’influence
défavorable de déficits nutritionnels, évidemment en rapport avec les vitamines déjà
évoquées. Dans le cas de l’autisme par exemple, le pourcentage d’enfants déficitaires en
vitamine B9 atteint un niveau très élevé (plus de 90 % des cas dans l’étude de
Ramaekers (68), et cette situation, loin de résulter d’erreurs alimentaires caricaturales,
fait plutôt suite à des anomalies immunitaires, dans le cadre desquelles l’organisme
fabrique des anticorps dirigés contre les récepteurs par lesquels, normalement, cette
molécule gagne nos tissus et notamment les neurones. Apparue très tôt en cours de vie,
cette déficience a contribué à la survenue de défaillances dans l’épigenèse (34).
Le tableau n o 1 récapitule les étonnantes données de cette étude. Au cours de cette
expérience, l’apport d’un complément de vitamine B9 sur une longue période ne
changeait quasiment rien à la situation : et pour cause ! Le déficit ne résultant pas d’un
défaut d’apport, mais d’une anomalie touchant l’entrée dans les tissus, la correction ne
pouvait survenir qu’avec un meilleur contrôle de cette auto-immunité. Cela étant, la
normalisation du statut en acide folique s’accompagnerait-elle d’une amélioration
clinique ? Rien ne le garantit. Cette déficience ayant contribué à des perturbations de
l’épigenèse à des moments clefs, rien ne dit que le câblage qui ne s’est pas fait dans la
bonne temporalité se produira plus tard.

Tableau 1. Déficit en folates au sein d’une population d’enfants autistes.

Présence d’autoanticorps
Déficit en B9 plasmatique Déficit intracellulaire en B9
antirécepteurs B9

2/25 21/25 21/23

Les répercussions sont encore plus marquées en cas de malnutrition (29), du fait de
la diversité de nutriments déficitaires, à commencer par les protéines. Cet inquiétant
constat peut laisser à penser qu’un enfant situé au-delà de la troisième place de la
fratrie pourrait se présenter davantage exposé au risque de développement cognitif
moins efficient (39), du fait d’une aggravation progressive des déficits d’une grossesse à
l’autre. Cela concerne notamment les acides gras de la famille oméga-3, dans la mesure
où beaucoup de mamans se trouvent déjà en situation déficitaire avant même de s’être
accouplées (1), et chaque grossesse accentue le découvert.

Plus que les déficits : les toxiques !

Perturbateurs endocriniens et développement cérébral


Le public connaît davantage l’influence beaucoup plus médiatisée des perturbateurs
endocriniens (2, 78, 90), dont les répercussions sur le développement du cerveau
s’avèrent absolument catastrophiques, donnant lieu à des changements structurels et
fonctionnels souvent irréversibles. Cela a également été décrit dans le cas de la prise
chronique d’alcool ou de toxiques (36, 86). Ce constat peut nous inquiéter compte tenu
de l’ampleur des phénomènes d’addiction au sein de la population. Notons au passage
que cette addiction peut elle-même se trouver favorisée par des perturbations
immunitaires et par la dysbiose, comme on le verra plus loin dans ce livre (53, 56).
Cette découverte récente offre de potentielles perspectives de prise en charge, face à
des situations où la réussite de l’accompagnement thérapeutique reste faible et aléatoire.
Cela se comprend aisément : le monde scientifique s’est longtemps montré incapable
d’expliquer en quoi consistait la dépendance, et pourquoi face à un même produit
certains deviennent « accros » et pas d’autres. Les particularités relevées au niveau du
microbiote, et les atteintes croissantes dont il est la victime depuis deux ou trois
générations, nous offrent de nouvelles voies de réflexion. Toujours est-il que l’usage de
toxiques au niveau d’une génération peut se répercuter sur la descendance. Un travail
récent a ainsi mis en évidence que les effets sur le cerveau d’une prise chronique de
cocaïne se retrouvaient à la génération suivante (86). Ces conclusions ont de quoi nous
inquiéter.

Transmission intergénérationnelle de l’effet des toxiques


Comment cette transmission intergénérationnelle s’explique-t-elle ? Vassoler et ses
collègues (86) ont développé un modèle expérimental chez des rats rendus dépendants
à la cocaïne. Ils ont noté, dans leur cerveau, des changements évocateurs de processus
épigénétiques. Ces modifications apparaissaient à l’identique dans le cerveau des jeunes
mâles de la génération suivante, même sans qu’ils aient été exposés à ce toxique. Fait
plus inquiétant, des impacts épigénétiques s’observent également en cas de prise de
cannabis, et certains semblent persister après l’arrêt de son usage (voir figure 13) ; et
étant donné l’ampleur épidémiologique prise par sa consommation au niveau mondial,
on ne peut se cacher l’ampleur du problème (80-1).
La pénalisation serait-elle la réponse à ce fléau ? Sans doute que non, pas plus que
la légalisation des drogues dites douces, dont le danger à long terme est sous-estimé,
sans doute en raison de l’incapacité sociologique à trouver un positionnement cohérent.
Il apparaît évident que, face à la croissance constante du nombre de consommateurs, le
souci n’est pas tant celui de la disponibilité du produit que celui du « logiciel » de
l’addiction, dont le dysfonctionnement trouverait son origine en partie au niveau de la
dysbiose, perturbation tout autant en progression que les situations de dépendance…

Le tabagisme agresse le cerveau


Notons encore que l’impact du tabagisme est également parfaitement décrit, et au
regard du nombre d’usagers dans le monde (et n’évoquons même pas l’usage multiple
de toxiques), il paraît légitime de s’alarmer pour les cerveaux des générations
futures (60). Il en va de même avec un autre produit, le premier historiquement à avoir
attiré l’attention du monde médical : l’alcool. Les répercussions sur le développement du
cerveau et les altérations ultérieures des fonctions cognitives des nouveau-nés ont fait
l’objet d’articles de synthèse qui ne laissent aucune place au doute (49, 91). L’espèce
humaine a constamment appris à s’adapter à la pression de l’environnement. Peut-être
les générations du XXI-XXIIe siècle développeront-elles des microbiotes constitués de
bactéries fumeuses, cocaïnomanes et alcooliques ?
Compte tenu des campagnes de prévention et de santé publique, le public se
montre de plus en plus informé et prévenu de ces dangers potentiels et tente tant bien
que mal de s’en prémunir. Mais il en existe un autre encore plus déterminant, et ignoré
du plus grand nombre : c’est celui des infections survenues durant la grossesse ! Elles
suscitent un nombre considérable de travaux depuis le début des années 2010. Leur
influence peut alarmer les futures mamans, et pour cause : on ne peut guère les
anticiper de façon classique, ni les prévenir par une campagne de santé publique,
contrairement au cas du tabagisme ou de l’abus d’alcool chez les femmes enceintes. Du
fait qu’il s’agit de comportements identifiables, ces derniers semblent plus faciles à
corriger. Nous verrons au prochain chapitre que nous nous illusionnons en partie sur
cette question.

Figure 14. L’impact épigénétique de l’usage du cannabis.

On constate la nature des processus épigénétiques (mettant en jeu notamment des


microARN) à différents stades de la vie, et leurs répercussions ultérieures sur
l’organisme. L’embryogenèse cérébrale pâtit de ces perturbations épigénétiques.

Encadré 7 : Stress et qualité


des spermatozoïdes.
Dans le contexte de cette étude, les petits souriceaux mâles étaient soumis à
une situation très stressante, puisqu’on les séparait brutalement de leurs mères
après leur naissance. À la suite de cela, les auteurs de ce travail ont relevé des
anomalies, qui s’exprimaient durablement dans un registre plutôt imprévisible. En
effet, une analyse minutieuse de l’ADN de ces jeunes mâles a montré des
atteintes dans la lignée des cellules germinales, provoquant plus tard des
anomalies de l’ADN des spermatozoïdes. Ce constat reste-t-il confiné au monde
des rongeurs ? Loin de là. Un travail de synthèse mené sur la question de
l’infertilité masculine a récemment retrouvé l’influence délétère exercée par un
stress psychologique chronique à l’encontre de la qualité du sperme (43). Les
anomalies s’exerçant, là aussi, par des fausses notes dans le déroulement de
l’épigenèse, on comprend que la problématique de l’hypofertilité croissante des
populations les plus jeunes s’explique également en partie par ce processus. Nous
verrons plus loin qu’une vulnérabilité accrue au stress peut résulter d’un mauvais
dialogue entre le microbiote et le cerveau… de sorte que la résolution de ce
problème de portée épidémiologique majeure se révèle bien plus complexe qu’on
ne pourrait le penser !

Les infections périnatales sont les ennemies


du cerveau

Les infections périnatales favorisent les troubles psychiatriques


Cela n’aurait pas été envisagé il y a seulement 15 ans. Mais aujourd’hui, il ne fait
plus guère de doute que les infections survenant durant la grossesse peuvent
prédisposer à la survenue ultérieure de pathologies psychiatriques, même à 15 ou 20 ans
de distance. Cela concerne par exemple la schizophrénie (14-5). En 2004, conduisant
une étude rétrospective sur des échantillons de femmes ayant accouché entre 1959 et
1967, Brown et ses collègues ont établi que la survenue d’une infection au cours du
premier mois de grossesse avait favorisé une élévation significative d’un messager du
système immunitaire, l’interleukine-8, alors que le taux de celle-ci se trouvait à un
niveau beaucoup plus bas dans le sang de femmes dont les enfants n’ont pas reçu par la
suite le diagnostic de schizophrénie (15).

Trahi par le système immunitaire


Plus que l’infection elle-même, il semble que ce soit l’ampleur de la réponse
immunitaire qui soit déterminante, notamment parce que les cytokines peuvent moduler
la formation des connexions neuronales et la maturation du cerveau.
Cette responsabilité de la réponse immunitaire, plutôt que de l’infection en tant que
telle, se retrouve aussi dans de récents travaux consacrés à l’autisme. Des publications
parues au cours des dix dernières années décrivent ainsi, elles aussi, des anomalies dans
les taux de cytokines mesurées chez ces patients (4), ou une corrélation avec le niveau
d’inflammation – en réaction à une infection – mesurée chez la maman durant la
grossesse (16).
Bien que les scientifiques s’accordent à considérer une origine plurifactorielle à ce
trouble en évolution exponentielle, la responsabilité des facteurs immunitaires (et non
pas infectieux) 5 s’avère indéniable… et paradoxalement peu prise en compte dans la
prise en charge classique des patients possédant des troubles autistiques. Des constats
très proches ont été établis auprès d’individus étiquetés « bipolaires » (17). Le point
commun à ces différents troubles et pathologies serait constitué d’anomalies dans la mise
en place des logiciels cognitifs et dans le câblage neuronal, altéré par une sollicitation
chronique et excessive du système immunitaire. Il suffit par exemple d’un fait aussi banal
qu’une mauvaise grippe, survenant au mauvais moment, pour que le scénario
catastrophe débute (17, 65).

Quel est l’impact des infections périnatales ?


Peut-on décrire l’impact de ces infections prénatales sur l’épigenèse du cerveau ?
Plusieurs auteurs s’y sont attachés. Dans un travail conduit en 2014, le P r Hollins (40) a
démontré, chez le rat, que les nouveau-nés ayant subi une infection en période
gestationnelle présentaient des taux plus importants de certains microARN dans le
cortex entorhinal, une zone cérébrale impliquée dans les troubles du développement
neuronal et cérébral. Cette particularité se retrouvait notamment en cas de
schizophrénie et semble associée à un remodelage et un réarrangement des synapses.
Cette zone anatomique se trouve également impliquée dans les processus
d’apprentissage et la mémoire.
De plus en plus de preuves s’accumulent pour établir, par ailleurs, que la survenue
d’infections en période prénatale s’accompagne de modifications des processus de
méthylation. Il semble enfin que l’ampleur des perturbations dépende du stade de la
grossesse où l’infection survient, le début de la gestation constituant ainsi une période
plus particulièrement critique. L’impact sur l’épigenèse contribue à une transmission des
anomalies, et des pathologies associées, aux générations suivantes, notamment lorsque
ces phénomènes touchent des cellules des gamètes (71).
Comme j’ai commencé à l’évoquer plus haut, on doit bien plus considérer
l’exposition prénatale à une infection comme un état de vulnérabilité générale aux
anomalies de développement neurocomportemental que comme un facteur de risque
spécifiquement lié à un agent infectieux donné. À l’appui de cette idée, il faut souligner
que divers troubles tels que l’autisme, la schizophrénie, le THADA, partagent beaucoup
de traits et de similitudes, notamment sur le plan des anomalies biologiques et des
profils immunitaires et inflammatoires (38, 57).
Pour étayer cette hypothèse, la réalisation d’études chez l’animal a bien permis de
démontrer que l’exposition durant la grossesse à un virus tel que celui de la grippe, ou
la présence dans le sang d’endotoxines, favorisait bien la survenue ultérieure de ces
troubles (58). On relève, dans d’autres travaux, des conclusions qui viennent à l’appui
de ces études. Des publications ont confirmé l’existence d’un risque accru d’anomalies du
développement neuronal après l’exposition prénatale à une variété de pathogènes tels
que la grippe, la rubéole et la polio entre autres infections (14, 74).
Notons que très peu de ces pathogènes, à part la rubéole, atteignent directement le
fœtus. La majorité d’entre eux reste confiné à l’organisme de la mère durant toute la
période gestationnelle. Cela confirme que, dans toutes ces situations, on peut mettre en
cause les cytokines pro-inflammatoires libérées par le système immunitaire de la mère
dans ce contexte (76). Une partie de ces cytokines peut être transférée au fœtus par le
placenta, et contribue à déséquilibrer le climat immunitaire au sein du fœtus (23).
Réceptionnées par les cellules de la microglie, elles vont alors donner lieu à une
amplification « en miroir » au niveau du cerveau.
Le cerveau, un deuxième intestin ?

On parlait de flore intestinale à la fin du XXe siècle. Au début de celui-ci, le terme de


« microflore » l’a temporairement supplanté, avant que ne s’impose celui de microbiote.
Ces termes différents désignent en fait la même chose, à savoir le monde bactérien qui
peuple notre intestin. Désignant à l’origine celui qui a colonisé notre intestin, le
microbiote a vu aujourd’hui son champ d’influence s’étendre, puisque l’on considère
désormais qu’il n’existe pas un, mais des microbiotes (voir la figure n o 15), propres à
chaque muqueuse et à chacun de nos organes.

Figure 15. Les microbiotes.

Le microbiote intestinal
Le microbiote intestinal représente un enjeu mondial dans le domaine de la
recherche. Il fait l’objet d’un intérêt croissant depuis les années 1970, avec une explosion
du nombre d’études lui étant consacrées depuis le début de ce siècle, en plus
particulièrement une fois mené à terme le projet du séquençage du génome humain. Un
progrès technique majeur a permis cette envolée du nombre de publications ; en effet,
jusqu’en 2000, l’accès à la connaissance bactérienne ne se faisait que par la mise en
culture. Cela ne permettait, au mieux, que de connaître 30 % de toutes les espèces
présentes dans l’intestin, soit environ 400 espèces différentes.
Avec l’essor des techniques moléculaires d’analyse de l’ADN bactérien, ce qu’on
appelle la « métagénomique », on a pu mener à bien l’étude du patrimoine génétique de
l’intégralité de notre microflore intestinale. On sait qu’il existe de nombreux autres
microbiotes humains, associés à la peau, aux muqueuses, au niveau vaginal, oculaire,
auriculaire, placentaire…

Le microbiote buccal
Bien loin de chercher à tuer le moindre microbe pouvant résider dans notre bouche,
on recommande désormais de choyer ce nouvel ami. Il existe en effet un microbiote
buccal qui est composé de 100 millions de bactéries par millilitre de salive et de 700
espèces bactériennes. La principale fonction de ce microbiote buccal consiste à
neutraliser certaines bactéries pathogènes. Plusieurs facteurs contribuent à perturber
l’équilibre existant entre le microbiote buccal et la salive ; citons ainsi de mauvaises
habitudes telles que le manque d’hygiène buccodentaire. Notons à ce propos que,
aujourd’hui, on recommande deux brossages de dents par jour. Évoquons également cet
héritage de l’époque où l’asepsie régnait en impératrice : les excès de bains de bouche.
Citons encore l’influence délétère d’une alimentation trop riche en sucre ou enfin la
consommation de tabac. On avance quelques autres causes annexes, comme la
génétique, les changements hormonaux (comme ceux liés à la grossesse), les appareils
dentaires, le stress ou la prise d’antibiotiques.

Le déséquilibre du microbiote
Tout déséquilibre du microbiote se nomme une « dysbiose ». Celle qui s’installe au
niveau de la bouche peut se trouver logiquement aggravée par une diminution de la
production de la salive. Enfin, des données récentes suggèrent qu’il existerait même un
microbiote cérébral ; sans doute aura-t-il pour fonction de relayer vers le cerveau les
informations issues du monde bactérien de l’intestin ?
Toujours est-il que cette réalité remet en cause le principe de l’asepsie, au nom de
laquelle on s’imposait de se laver les mains très régulièrement et d’éviter au maximum le
développement des foyers infectieux sur le corps. En effet, selon ce paradigme, toute
bactérie retrouvée sur notre corps présentait un pouvoir pathogène potentiel. Avec la
réhabilitation de ce monde miniature, dont atteste par exemple le titre de l’ouvrage du
professeur Martin Blaser (Les microbes et notre santé) (9), c’est un virage à 180° qui a été
amorcé depuis une décennie !
L’harmonie microbiotique est garante de notre santé
Nous allons voir que l’harmonie du microbiote intestinal garantit un bon
développement du cerveau et un moindre risque de présenter ultérieurement des
pathologies psychiatriques ou neurodégénératives. Bien que largement soutenu par de
récentes études, ce postulat qui bouscule les idées reçues rencontre encore bien des
résistances. Combien de psychiatres ou de neurologues en tiennent vraiment compte et
intègrent cette donnée à leur pratique quotidienne ? Entrons dans les détails de ce lien
étonnant ; dans l’esprit du public, la flore ou le microbiote constitue un monde
homogène, stable, qu’on garde semblable à lui-même tout au long de notre vie. Il n’en
va pas ainsi.
En plus de la facile disparition de familles entières sous l’influence de certains
traitements, antibiotiques ou antiacide par exemple, sur lesquels je reviens ci-dessous,
nos choix alimentaires contribuent à le modifier heure par heure. Le jeûne également ;
en effet, comme le rappelle le P r Blaser dans son livre (9), à l’issue d’une nuit de
8 heures, à distance du dernier repas consommé, les bactéries qui prédominent dans
notre bouche ne sont pas celles qui se développaient juste après la dernière bouchée
avalée. De plus, selon le menu du souper, ce ne seront pas les mêmes changements qui
surviendront.
Des études menées il y a dix ans ont ainsi montré qu’il suffit, par exemple, de
consommer quotidiennement un verre de jus de grenade pour faire croître la population
de bifidobactéries (8, 63). Or, leur présence s’avère précieuse au développement
cérébral.
Autre exemple : l’ingestion quotidienne d’un verre de vin rouge, qui nous apporte
son quota de resveratrol, favorise le développement des populations de lactobacilles et
de bifidobactéries (7). Cette modification produira sur notre cerveau des effets similaires.
De telles molécules, dotées à la fois de vertus antioxydantes vis-à-vis de nos tissus, et
d’un effet prébiotique pour notre microbiote, ont reçu le nom de « cobiotiques ». Cela
mérite d’être remis en perspective.

La composition du microbiote change à chaque moment


Au cours de l’évolution, l’homme a essentiellement vécu avec un statut de chasseur-
cueilleur, sélectionnant des aliments qui, influant sur la composition du microbiote, ont
contribué à l’évolution de notre cerveau (44). La gamme d’aliments comestibles entrant
à nos menus, en dépit de variations saisonnières et géographiques, s’est rapidement
stabilisée au niveau local, de sorte que la relation entre le contenu de l’assiette, la
composition du microbiote et le développement de notre cerveau s’est optimisée et
maintenue de siècle en siècle.
Avec l’arrivée de l’ère industrielle puis, plus récemment, celle de la mondialisation
et de la globalisation, on a vu tout cela se bouleverser en l’espace d’à peine un siècle.
L’introduction massive d’aliments raffinés, plus riches en sucre que tout ce que la nature
met à notre disposition, l’appauvrissement de la plupart des denrées, moins bien dotées
en micronutriments en raison des choix opérés en matière d’agriculture, et enfin une
asepsie poussée ont amorcé, en seulement trois générations, une évolution vers un
microbiote appauvri, pourvu d’un nombre moindre d’espèces. Les médicaments ont eux
aussi contribué à cette situation catastrophique.
Une étude récente, menée par l’équipe du P r Doré (25), a évalué de manière
objective l’impact sur le microbiote de six volontaires d’une prise orale quotidienne de
1,5 g d’amoxicilline, et ce sur cinq jours consécutifs. L’histoire ne dit pas s’il s’agissait des
signataires de l’étude, qui étaient six eux aussi ! Toujours est-il que des échantillons de
selles furent recueillis le premier jour, toutes les 24 heures durant le traitement, puis à
intervalles réguliers tous les deux mois une fois celui-ci terminé, de façon à étudier l’ADN
des bactéries s’y trouvant. Qu’ont constaté ces auteurs ? Après le 4 e jour de prise, ils ont
vu que seulement 74 % de l’ADN correspondait à celui trouvé avant la cure. Un mois
après, la similitude était de 88 %, le pourcentage n’évoluant quasiment plus ensuite
(voir figure 16). Tout se passe donc comme si, sous l’effet de ce traitement, on avait
éliminé définitivement les licornes, les dinosaures et les singes du microbiote, pour ne
laisser proliférer qu’un nombre plus restreint d’espèces.
Cette perte de diversité est déjà considérée comme ayant contribué de manière
prépondérante à l’épidémie d’obésité et de diabète rencontrée depuis la fin du XXe siècle.
D’ailleurs, plusieurs publications portant à chaque fois sur un nombre important de
sujets ont démontré le lien existant entre l’exposition aux antibiotiques en début de vie,
voire en période fœtale, et la survenue ultérieure de diabète (13, 61), ou entre
l’accouchement par césarienne et le risque ultérieur d’obésité (61), celle-ci s’observant
indépendamment de la nature des choix alimentaires pratiqués plus tard au cours de la
vie. Pour ces auteurs, ce constat amène évidemment à s’interroger sur ce qui se passe en
cas de prise répétée (ce qui constitue une situation banale).
Figure 16. Persistance d’un manque de diversité des populations bactériennes après une antibiothérapie
courte.

On peut plus encore s’inquiéter à propose de l’influence qu’aura ce changement, au


fil du temps et des générations, sur le développement cognitif et cérébral. Notons que
l’usage régulier de médicaments appartenant à la classe des inhibiteurs de la pompe à
protons, prescrits pour combattre l’excès d’acidité gastrique, peut également contribuer
à un manque de diversité des populations bactériennes (85). Le comble de cette
situation c’est que, souvent, l’hyperacidité gastrique s’observe dans un contexte de
candidose digestive… laquelle s’est vue favorisée par un manque de diversité des
populations constituant le microbiote (18, 69). On voit comment un authentique cercle
vicieux iatrogène peut démarrer et se chroniciser !

Microbiote maternel et embryogenèse cérébrale

Harmonie immunitaire et grossesse


Une réponse immunitaire optimale, notamment chez la femme enceinte, est
fortement conditionnée par le dialogue existant entre le monde bactérien qui peuple son
intestin et l’ensemble des cellules immunocompétentes, lesquelles proviennent en grande
majorité de ce même organe. De plus, en période gestationnelle, il existe une diminution
physiologique de l’immunité cellulaire, ce qui favorise une meilleure tolérance au fœtus.
Ceci, évidemment, correspond à la situation idéale, celle que rend possible une
colonisation harmonieuse de l’intestin de la maman.
Les agressions du microbiote
Que se passe-t-il si, au contraire, celle-ci a préalablement subi, durant la période
fœtale, lors de son enfance ou à l’âge adulte, des agressions qui ont mis à mal son
microbiote ? Cela influera-t-il sur la tolérance au fœtus ou sur le bon déroulement de la
vie embryonnaire ?
Cela peut s’envisager ; en effet, ce monde bactérien fabrique un très grand nombre
de molécules de natures différentes, toutes susceptibles d’interagir avec le
développement cérébral. Il s’agira par exemple de peptides élaborés par certaines
familles bactériennes, de dérivés formés par les bactéries à partir de certains de nos
aliments, de fragments de protéines constitutives du gluten et du lait (28), de facteurs
de croissance, d’hormones ou encore de cytokines directement produites par ces micro-
organismes, ou par les globules blancs auxquels elles en auront donné l’ordre. Ces
différents acteurs ont été récemment passés en revue par plusieurs auteurs, qui ont
décrit leurs influences dans un contexte bien particulier dont je reparlerai au prochain
chapitre : celui des troubles du comportement alimentaire (35).

Le microbiote fœtal
De manière absolument étonnante il semble de plus en plus certain, en 2020, que
selon qu’il se trouve en harmonie ou au contraire en dysbiose, ce microbiote puisse
contribuer au risque ultérieur de développer des pathologies neurodégénératives (27).
Ceci explique l’ouverture un peu provocatrice de ce chapitre. Cette vision révolutionnaire
est schématisée dans la figure 16.
Le microbiote maternel ne semble pas agir seul. En effet, une récente découverte a
bouleversé le monde médical : il existe un microbiote fœtal ! Alors qu’il y a encore peu
de temps, on considérait que l’intestin du fœtus était totalement stérile, des publications
très sérieuses ont récemment remis en cause cette notion 6. En effet, on peut retrouver
des bactéries dans le liquide amniotique et dans le placenta (47, 88). Certes, constituée
tout au plus de quelques centaines d’individus ayant migré depuis le microbiote
maternel, il ne s’agit sans doute pas d’une population appelée à véritablement coloniser
à « bas bruit » l’intestin du futur bébé et à commencer à s’installer. Sans doute cette
présence bactérienne contribue-t-elle plutôt à développer une tolérance ultérieure aux
congénères qui ensemenceront massivement son tube digestif à partir de
l’accouchement.
Le système immunitaire du nouveau-né
Il est également vraisemblable que cette exposition précoce contribue au
développement optimal du système immunitaire du nouveau-né, et à un meilleur
maintien de l’équilibre de ce dernier plus tard. Il semble enfin qu’il participe à la
modulation de l’embryogenèse cérébrale. Notons que la composition du microbiote du
fœtus en cours de développement s’avère sensible à des modifications de son
environnement, et ce dès les premières semaines de gestation.
Ainsi, une récente étude, menée chez les rongeurs, a-t-elle démontré qu’une
stimulation immunitaire survenant durant la période gestationnelle, similaire à celle que
provoquerait un virus peu offensif, modifie la composition du microbiote (42). Elle
jouerait un peu le même rôle que les maladies infantiles sur la maturation immunitaire
de nos rejetons. Pour quelle conséquence ?
Grâce à cette maturation correcte du microbiote, l’intestin produit en quantité
suffisante un dérivé dont on parle de plus en plus : le butyrate. Ce dernier tire son nom
de l’aliment où l’on a isolé en premier ; le beurre ! Ce composé, qui appartient aux
« acides gras à chaîne courte », possède de nombreuses propriétés : il réduit
l’inflammation, contribue à la cicatrisation intestinale, il module l’intestin et surtout,
pour en revenir au cerveau, il va se comporter comme un agent qui harmonise le
déroulement de l’épigenèse neuronale (24).

Figure 17. Microbiote et développement cérébral.


La colonisation bactérienne
Dès la naissance et très rapidement dans les semaines qui suivent, l’intestin du
nouveau-né se trouve massivement colonisé par des milliards de bactéries. Cette
colonisation postnatale contribue au développement de la barrière intestinale, ce qui
garantit une relative étanchéité à cette muqueuse. Nous verrons au prochain chapitre
qu’une atteinte à ce mécanisme protecteur joue, elle aussi, un rôle déterminant dans
l’expression de troubles psychiatriques ou cognitifs. Le butyrate va également contribuer
à la constitution d’un réseau de vaisseaux sanguins au niveau de la muqueuse (ce qu’on
désigne par « angiogenèse »). Il va surtout permettre la mise en place harmonieuse de
l’immunité intestinale (41).
Des données récentes ont également permis d’établir que le microbiote intestinal
exerçait des effets sur la physiologie de son hôte ailleurs que dans le tube digestif. Il
intervient notamment de manière déterminante sur le développement et la
programmation des circuits neuronaux impliqués dans le contrôle du stress, de l’activité
motrice et dans l’apparition de comportements anxieux.

La dysbiose nuit au cerveau


Il paraît vraisemblable qu’une dysbiose pourra faciliter l’expression de troubles
anxieux ou de manifestations de stress, similaires à celles des deux champions dont les
exemples ont introduit cet ouvrage. Des travaux menés sur des souris élevées de manière
à ne posséder aucune bactérie dans leurs intestins montrent que celles-ci, à l’inverse de
leurs congénères dotées d’un microbiote, ne développent pas de comportement anxieux
(62). Cela montre bien que l’acquisition de caractéristiques en lien avec les émotions
requiert l’intervention précoce des bactéries composant notre microbiote. Enfin, ce
dernier contribue au bon déroulement des fonctions cognitives.
Ainsi, l’aptitude à disposer de neurones sérotoninergiques performants (ceux qui
utilisent la sérotonine comme messager principal), va fortement dépendre du bon
déroulement de ces processus initiaux (26). Cela s’avère d’autant plus précieux que la
sérotonine permet précisément de limiter la vulnérabilité au stress, de sorte qu’un défaut
touchant leur activité va nous y rendre plus vulnérable… Et, comme le stress va
accentuer la dysbiose, on comprend qu’un cercle vicieux de vulnérabilité à la dépression
va finir par s’instaurer. Ainsi, la facilité à souffrir du stress ou de dépression peut trouver
en partie son origine dans un déséquilibre de naissance de la flore intestinale (62, 79) et
dans son aggravation progressive au gré des aléas de la vie.
Le microbiote est le chef d’orchestre

J’ai expliqué dans un chapitre précédent que les premières années de la vie
constituaient une période cruciale pour le cerveau. C’est durant celle-ci que d’importants
changements surviennent au niveau de sa structure et de ses fonctions (83). Durant
toute cette période, on observe un développement massif du réseau de dendrites et
d’axones, auquel succède la formation de nouvelles synapses, l’expansion des cellules
gliales, et la myélinisation. La formation de synapses atteint son maximum durant les
deux premières années de vie, avant que les ajustements et la disparition de certaines
synapses, observés durant l’enfance, se poursuivent au-delà de l’adolescence, ceci se
faisant de manière plus ou moins marquée en fonction de l’influence de facteurs
extérieurs (66). Au moment du 2e anniversaire, l’ensemble des neurones a bénéficié de la
myélinisation.
On ne peut s’empêcher d’établir un rapprochement tentant : comme pour le
cerveau, le microbiote acquiert la quasi-intégralité de ses caractéristiques d’adulte au
cours de ces deux premières années… Il est plausible d’y voir autre chose qu’une
coïncidence temporelle. Effectivement, des études menées chez l’animal ces dernières
années ont établi qu’un microbiote harmonieux conditionnait le bon déroulement de la
synaptogenèse et de la myélinisation des neurones. Enfin, ces travaux suggèrent que les
régions du cerveau intervenant dans le contrôle des fonctions motrices et cognitives sont
façonnées, durant le développement, par le microbiote.

Pathologies psychiatriques chez l’enfant – le rôle de la dysbiose


Peut-on déjà s’appuyer sur ces éléments pour comprendre ce qui se passe dans le
cadre de certaines pathologies, de plus en plus souvent rencontrées chez nos enfants ?
La réponse est affirmative. De fait, la découverte de l’influence du microbiote sur le
développement cérébral a soulevé une question cruciale : est-ce que des atteintes
portées au microbiote, en début de vie, et la dysbiose qui va en découler, pourraient,
directement ou indirectement, modifier le cours du développement du cerveau et
contribuer à la survenue de troubles ou de pathologies psychiatriques plus tard ? La
question se pose avec d’autant plus d’acuité lorsqu’on considère la taille du microbiote et
le nombre de gènes qu’il renferme. Cela favorise l’émergence d’un nouveau
paradigme 7 (55), et incite à considérer davantage la survenue des pathologies
psychiatriques en lien avec les atteintes portées au monde microbien et aux fonctions
qu’il gouverne, notamment l’immunité. Cette nouvelle manière d’aborder ces
phénomènes, du simple trouble de l’humeur jusqu’à l’authentique pathologie jugée
incurable, n’a pourtant pas fait beaucoup d’émules dans notre pays.

Les modes de connexion neuronale atypique


Ce paradigme pourrait-il nous aider à comprendre un peu mieux les paradoxes
décrits en introduction de cet ouvrage ? Attendons d’avancer un peu plus pour trouver
des débuts d’explications qui permettraient de comprendre l’incompréhensible… De
manière intéressante, un développement cérébral accéléré, durant l’enfance, est associé
à une large palette de retard dans le développement moteur, touchant le langage, les
fonctions cognitives (21)… alors que l’on imaginerait aisément l’inverse. Les neurologues
évoquent à ce propos des « modes de connexion neuronale atypique ».
Pour exprimer les choses plus simplement, lorsque les processus épigénétiques se
font avec de l’avance, les processus qui en dépendent jouent trop vite leur partition…
comme lorsque des supporters chantent La Marseillaise dans un stade. L’air et les
paroles sont justes, mais le rythme inapproprié finit par décaler les chants des
spectateurs. Quand cette situation est abordée sous un autre angle, on constate que
beaucoup d’enfants atteints de troubles autistiques présentent des troubles digestifs (87)
ou de profondes perturbations de leur microbiote (51), et pour ces auteurs il s’agit de
tout sauf de hasard.

Maturation de la microglie
Des études antérieures ont démontré que la microglie, c’est-à-dire, comme on l’a vu
au début de cet ouvrage, les cellules immunitaires résidentes du système nerveux
central, jouaient un rôle important dans le contrôle de l’inflammation mais aussi dans la
mise en place des circuits neuronaux dans le cerveau qui se développe (72). Dans une
étude récente, il a été découvert que les microbes indigènes contrôlent la maturation et
les fonctions de la microglie (31).
Chez des souris sans microbiote, les proportions des différents types de cellules au
sein de la microglie sont altérées, et répondent moins bien aux endotoxines ou aux virus.
De ceci, on en déduit que le microbiote doit être présent pour favoriser le
développement de l’immunité innée au niveau du système nerveux central. Certaines
espèces comptent-elles plus que d’autres ?
Les scientifiques sont loin de tout connaître à ce sujet, mais ils disposent déjà de
données, dont quelques-unes ne manquent pas d’étonner, et quelques-uns spéculent sur
l’influence vraisemblable de quelques variétés bien connues. Arentsen (3) et ses
collègues soulignent par exemple que, lors des premières années de la vie, les E. coli
comptent parmi les espèces les plus abondantes au sein du microbiote de l’enfant. Pour
eux, il est tentant de considérer que ces bactéries joueraient un rôle crucial dans la
programmation du cerveau et pour l’optimisation du comportement, et ce d’autant plus
qu’il a été démontré l’existence d’une translocation bactérienne vers le cerveau. Ce serait
l’un des composants majeurs des parois bactériennes, le PNG, qui assurerait ce rôle
essentiel.
Or, combien de nos lecteurs ont en tête que les Escherichia coli participeraient plutôt
à des infections urinaires et seraient donc des agents infectieux ? Leurs caractéristiques
amènent à remettre en cause le concept établissant une distinction entre les « bonnes »
et les mauvaises » bactéries. Cette scission n’est pas sans rappeler celle qui, par le passé,
au cœur de l’écosystème de nos campagnes, amenait l’homme à distinguer
arbitrairement des espèces « utiles » et des « nuisibles », se gardant bien, en faisant cela,
de se compter dans la seconde catégorie ! Tout semble être une question d’équilibre et
de diversité, et ces E. coli ici, comme le Candida albicans plus loin dans ces pages, font
plutôt figure de « sangliers » de notre microbiote, en surpopulation en raison des
dysbioses transgénérationnelles.

Conclusion

Au-delà des dysfonctionnements immunitaires,


les pathologies chroniques
Des pages précédentes, on retient que plusieurs mécanismes peuvent contribuer à la
survenue de perturbations dans l’épigenèse, à l’origine d’anomalies dans le
développement du cerveau et la constitution du câblage. Ces anomalies résultent aussi
bien d’un déséquilibre transgénérationnel de la flore intestinale maternelle, d’infections
survenues en période fœtale ou en début de vie, de polluants, de déficits ou de stress
chroniques. Tous, à leur niveau, favorisent les fausses notes venant entacher la
symphonie de l’épigenèse. Ils pourront, par la suite, favoriser des pathologies ou des
maladies neurodégénératives, influer sur les comportements, les émotions et les
humeurs. Tout cela sera détaillé précisément dans le prochain chapitre, « M. le cerveau,
pourquoi déraillez-vous ? ». Ces répercussions exercent des impacts durables, voire
transgénérationnels et peu modifiables ce qui, convenons-en, ne s’avère guère rassurant.
À ces phénomènes s’en ajoutent d’autres, qui ne s’expriment plus directement en
affectant le déroulement de l’épigenèse, mais en provoquant plutôt des interférences au
niveau des récepteurs. Cette autre catégorie de perturbations, non lésionnelles,
indécelables, résultent de la présence d’un phénomène consécutif à des dysbioses
chroniques : l’hyperperméabilité intestinale. Il s’agira de l’un des points développés dans
les prochaines pages, où nous verrons comment, consécutivement aux
dysfonctionnements et aux anomalies apparus dès les premières étapes de
l’embryogenèse cérébrale, un nombre imposant de pathologies vont survenir. On les
rencontrera autant dans le domaine de la psychiatrie (addiction, troubles de
comportement alimentaire, schizophrénie, dépression, anxiété, déficit d’attention), que
dans celui des plaintes chroniques non lésionnelles (migraines, douleurs, vertiges) ou
enfin celui des maladies neurodégénératives, dont il apparaît aujourd’hui qu’il est de
moins en moins l’apanage de la fin de vie…
M. Le cerveau, pourquoi déraillez-vous ?

Lorsque je travaillais sur ma thèse d’alcoologie à la fin des années 1980 (102), une
question me revenait souvent, et je ne manquais pas de la soumettre à mon responsable
de recherche : « Comment expliquer que, face au même produit, certains individus
restent indifférents, tempérants, alors que d’autres développent rapidement une forme
de dépendance ? » Ce professeur me répondait en décrivant certaines particularités
propres aux patients reçus dans l’établissement dans le cadre de leur sevrage : « Chez
les malades alcoolodépendants, indiquait-il, les récepteurs de la dopamine fonctionnent
différemment, les voies de l’anxiété sont activées et le foie présente des perturbations qui
influent sur le métabolisme du cerveau… » Cette réponse, loin de me convaincre, me
renvoyait à mes interrogations.
En pointant les particularités de ces patients au moment où la maladie s’est déjà
bien installée, on se place dans la situation d’un consultant qui expliquerait au dirigeant
d’une entreprise qui fabrique des automobiles : « Je sais pourquoi la moitié des véhicules
qui sortent de votre établissement subissent des accidents au bout d’un mois de service.
Quand je les expertise, je constate en effet que toutes ont le pare-brise cassé, le parechoc
abîmé et les portières rayées… » Autrement dit, on caractérise ces patients dépendants
en établissant la liste des particularités qu’on relève chez eux alors que la pathologie est
bien installée. Mais en sont-elles la cause ?
À la même époque, je me rendais régulièrement à l’hôpital Saint-Michel, dans le
service de feu le professeur Albert Creff, où certaines patientes souffrant de troubles du
comportement alimentaire étaient prises en charge. Une question du même ordre se
posait en leur présence : « Comment expliquer que, face à des situations communes,
certaines personnes développent des troubles du comportement alimentaire et pas
d’autres ? » Là non plus, la réponse ne s’avérait pas satisfaisante, ce qui me mettait
d’autant plus dans l’inconfort que, pour les unes comme pour les autres, on proposait
des prises en charge assez lourdes sans clairement connaître l’origine du mal. C’est
comme si un garagiste enlevait au hasard la pièce d’un moteur pour la changer, en
croisant les doigts pour que le véhicule en panne redémarre.
Même si cette réalité se trouvait rarement formulée, force est de reconnaître que
jusqu’à un passé récent, la réussite des accompagnements thérapeutiques relevait plus
du hasard et de la personnalité du patient que d’une proposition globale cohérente.
Pour illustrer cette embarrassante situation, regardons de plus près la définition de
l’anorexie mentale selon l’ouvrage de référence des psychiatres, le Manuel diagnostique et
statistique des troubles mentaux (DSM-V) (voir encadré 8). Vous noterez que cette
synthèse s’attarde sur des symptômes, des particularités propres aux patientes souffrant
d’anorexie, mais ne renseigne pas sur les raisons de cette pathologie. Et pour cause ! On
la présente encore comme une « maladie de cause inconnue ».
Cette difficulté à en identifier les rouages explique sans doute son taux de mortalité,
le plus élevé de toutes les pathologies psychiatriques (50), ainsi qu’une récidive
extrêmement fréquente (127). L’étude de suivi menée sur 21 ans par Zipfel et ses
collègues a mis en évidence la persistance du problème chez une fraction importante des
patientes anorexiques, même avec plus de deux décennies de recul. Ses chiffres
confirmaient ceux avancés par d’autres Allemands quelques années auparavant (109).
Les chiffres, un quart de siècle plus tard, n’ont guère progressé. De plus, certaines
patientes dont l’anorexie s’est stabilisée ont développé d’autres troubles, tels que la
boulimie, comme si la prise en charge servait, chez un certain nombre de sujets, à
simplement déplacer le problème, sans le régler réellement (125).

Comment comprendre l’addiction ?


Sera-t-on plus chanceux avec la notion d’addiction ? La partie du DSM-V qui lui est
consacrée s’attarde elle aussi sur les signes évocateurs et les conséquences de différents
types d’addiction, mais ne donne aucune indication quant à la cause de ce problème
majeur (voir encadré 9). Pour certaines formes de dépendance, notamment celle à
l’alcool, la mortalité ou le taux de rechute restent élevés, ce qui confirme la difficulté à
aider des patients lorsque les causes profondes restent mal appréciées (123). Un constat
similaire peut être établi avec l’ensemble des toxiques (110), et ce d’autant plus que les
patients présentent, par ailleurs, des troubles mentaux.
Mais encore une fois, la dépendance fait-elle la pathologie, l’inverse est-il plus
vraisemblable, ou faut-il plutôt considérer que la dépendance et les troubles mentaux
relevés chez les sujets suivis dans ce type d’études résultent tous deux d’une
vulnérabilité dont l’origine se situerait ailleurs ? Ceci pourrait alors expliquer l’échec
global, à moyen terme, de la prise en charge…
Doit-on tourner en rond face à ces situations ? Peut-être plus ; en effet, au cœur des
recherches consacrées aux problèmes d’addiction et aux troubles du comportement
alimentaire, une nouvelle piste très prometteuse vient de s’ouvrir devant nous. C’est
celle qui envisage la responsabilité de la dysbiose et de l’une de ses conséquences
majeures, l’hyperperméabilité intestinale. Nous allons développer cela dans ce chapitre,
et étendre ce constat à une multitude de situations qui, jusque alors, semblaient du
ressort exclusif de la psychiatrie ou de la neurologie.

Encadré 8 : La définition de l’anorexie


mentale selon le DSM-V.
1. Restriction des apports alimentaires et énergétiques menant à un poids
inférieur au poids normal pour le sexe, l’âge et la taille.
2. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, malgré une
insuffisance pondérale.
3. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps,
ce qu’on nomme la « dyspondéromorphophobie ».
4. Influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi,
ou déni de la gravité de la maigreur actuelle.

La définition indique encore que ces patients (majoritairement du sexe féminin),


souffrent d’anxiété. Elle ne précise pas s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence de
l’anorexie. Cette vision classique de la cause à effet ne permet pas de considérer une
autre voie : et si toutes deux faisaient suite à une perturbation préalable, dont la
responsabilité serait jusque-là passée totalement inaperçue ? Autrement dit, se pourrait-
il qu’un phénomène particulier puisse à la fois favoriser les troubles du comportement
alimentaire et l’anxiété, voire les soucis d’addiction ; en effet, d’après la définition
« officielle », il s’agit de perturbations annexes fréquemment rencontrées dans ce
contexte. Ces patients se caractérisent enfin par une hyperactivité physique, que les
psychiatres interprètent comme résultant de leur anxiété et qu’ils pratiqueraient en
outre dans le but de maigrir…

Encadré 9 : L’addiction selon le DSM-V.


La cinquième édition du DSM-V combine en un seul diagnostic de trouble
d’utilisation de substance les diagnostics d’abus de substance et de
dépendance à une substance que dissociait la version antérieure, le DSM-IV. Pour
chaque substance, il décrit des critères pour l’intoxication, le sevrage et les
troubles induits par la substance.
Voici ce que détaille ce document :

L’addiction à une substance est un mode d’utilisation inadapté d’une substance,


conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance, cliniquement
NON OUI
significative, caractérisée par la présence de deux (ou plus) des manifestations
suivantes, à un moment quelconque d’une période continue de plus de douze mois :

1. La substance est souvent prise en quantité plus importante ou pendant une période
plus prolongée que prévu.

2. Il existe un désir persistant ou des efforts infructueux pour diminuer ou contrôler


l’utilisation de cette substance.

3. Beaucoup de temps est passé à des activités nécessaires pour obtenir la substance,
utiliser la substance ou récupérer de ses effets.

4. Il existe un craving ou une envie intense de consommer la substance.

5. L’utilisation répétée de la substance conduit à l’incapacité de remplir des obligations


majeures, au travail, à l’école ou à la maison.

6. Il existe une utilisation de la substance malgré des problèmes interpersonnels ou


sociaux persistants, ou récurrents causés ou exacerbés par les effets de la substance.

7. Des activités sociales, occupationnelles ou récréatives importantes sont


abandonnées ou réduites à cause de l’utilisation de la substance.

8. Il existe une utilisation répétée de la substance dans des situations où cela peut être
physiquement dangereux.

9. L’utilisation de la substance est poursuivie, bien que la personne sache avoir un


problème psychologique ou physique persistant ou récurrent susceptible d’avoir été
causé ou exacerbé par cette substance.
10. Il existe une tolérance, définie par l’un des symptômes suivants :
besoin de quantités notablement plus fortes de la substance pour obtenir
une intoxication ou l’effet désiré ;
effet notablement diminué en cas d’utilisation continue d’une même
quantité de la substance.

11. Il existe un sevrage, caractérisé, par l’une ou l’autre des manifestations suivantes :
syndrome de sevrage caractérisé de la substance ;
la substance (ou une substance proche) est prise pour soulager ou éviter
les symptômes de sevrage.

La cotation est la suivante : un point est attribué en cas de réponse positive.


Le score total du questionnaire s’obtient en effectuant la somme des points de
chaque item. L’interprétation est la suivante :
Score < 2 : absence d’addiction ;
Score de 2 à 3 : addiction légère ;
Score de 4 à 5 : addiction modérée ;
Score > 6 : addiction sévère.

Vous avez dit « dysbiose » ?

Beaucoup de publications récentes, abordant en 2020 la question des pathologies


psychiatriques, font référence au terme de « dysbiose ». Celui-ci, employé pour la
première fois il y a environ une dizaine d’années, concerne évidemment le microbiote. La
« dysbiose », selon le consensus des experts, désigne « le déséquilibre quantitatif et
qualitatif de l’écosystème bactérien, présent dans et sur le corps d’un organisme,
notamment le corps humain, et plus particulièrement le microbiote intestinal humain ».
Mais une fois ceci posé, que faut-il comprendre ?
Lorsqu’il est question de « dysbiose », la nature même du problème rencontré reste
floue, et la vision médicale actuelle serait de considérer qu’elle proviendrait de l’absence
de certaines familles bactériennes ou d’un déséquilibre quantitatif se manifestant par des
taux exagérément bas ou élevées de certaines lignées.
À l’appui de cette manière de voir, notons que de nombreux travaux décrivent
effectivement les différences relevées entre le microbiote de sujets sains et ceux, au
contraire, présentant un trouble ou une pathologie particulière. Plus largement, le
manque de diversité de la flore intestinale revient dans beaucoup de conclusions, et ce
dans un champ qui sort largement de celui de la psychiatrie ou de la neurologie.
En effet, cet appauvrissement de la variété du monde bactérien concerne aussi bien
le risque de diabète que celui d’allergie, ou encore celui d’Alzheimer ou d’autres
maladies neurodégénératives (44). Le même constat s’établit pour les troubles du
comportement alimentaire, anorexie nerveuse et boulimie (46, 65, 83, 106), évoqués en
ouverture de ce chapitre, et sur lesquels je m’attarde plus loin. Il concerne également les
comportements addictifs (34, 68, 114), l’épilepsie (122), la schizophrénie et les troubles
bipolaires (86).

Dysbiose transgénérationnelle et troubles cognitifs


Qu’en est-il de certains dysfonctionnements en progression constante chez les
enfants ? Sans surprise, les troubles de l’attention avec hyperactivité s’observent
également dans des contextes de « dysbiose » (24), tout comme l’ensemble des « dys »,
voire l’autisme (40, 77, 97). Ce tronc commun, retrouvé dans différentes situations que
les psychiatres, jusque alors, dissociaient comme autant d’entités indépendantes, a
conduit Natasha Campbell à proposer, au milieu des années deux mille, le modèle de la
« dysbiose transgénérationnelle ». Elle l’a décrit dans son livre Gut and Psychology
Syndrome (19).
Très fraîchement accueilli dans le monde de la psychiatrie lors de sa sortie, il a
depuis gagné du crédit au point que, depuis, certains chercheurs aient envisagé de
prendre en charge l’autisme en pratiquant des transplantations fécales (60-1). D’où leur
est venue cette idée ? Ils ont imaginé, pour effacer l’influence délétère de la dysbiose
décrite dans ce trouble, de remplacer complètement la flore intestinale de ces patients,
après avoir procédé à une antibiothérapie, par celle d’autres sujets qui seraient dénués
de pathologie. Chez ceux-ci, généralement, la diversité du microbiote s’avère bien plus
marquée. Concernant la transplantation fécale, Kang et ses collègues (61) ont décrit des
résultats satisfaisants à court terme. Mais au-delà ?
On comprend, au vu de la méthode employée, que l’idée dominante serait celle
d’une « mauvaise » flore à remplacer par une autre qui serait « bonne ». Cela nous
rappelle une autre perception manichéenne du monde, lorsqu’on parlait d’espèces utiles
et nuisibles, sans savoir parmi lesquelles se rangeait le pangolin…
Or, en éliminant ou en provoquant la quasi-extinction de supposés « nuisibles »,
l’homme a favorisé des déséquilibres en cascade au cœur de son environnement, dont il
commence à payer les conséquences au prix fort. L’analogie n’est pas fortuite ;
l’écosystème intestinal a connu le même scénario. Le manque de diversité du microbiote
rappelle l’existence d’un monde sans licorne, sans dinosaure, sans abeille, où les
moustiques et les sangliers ont pris le dessus, et où la proximité de l’homme et de
certaines espèces animales qui, jusque alors, ne l’approchaient pas, contribue à
l’émergence de nouvelles infections.

Le leurre de la transplantation fécale


L’adoption d’une nouvelle flore au cœur de notre intestin constitue-t-elle une
solution aussi efficace que la greffe d’un membre chez une personne amputée ? Sans
doute que non, car il existe une différence fondamentale entre deux situations que le
monde médical, pourtant, a tendance à considérer comme voisines ; en effet, le bras
greffé ne se modifie plus dès lors qu’il est ajouté au moignon du receveur alors que,
comme évoqué précédemment, nos choix alimentaires modulent en permanence la
composition bactérienne.
Considérons un point important. Beaucoup de troubles comportementaux, y
compris sur le plan alimentaire, résultent de mécanismes touchant l’épigenèse, et se
tenant avant même notre naissance, comme je l’ai développé au chapitre précédent.
Autrement dit, des stratégies de diète « aberrantes » peuvent résulter d’une dysbiose
maternelle ou d’une infection ayant frappé en période fœtale. Leur impact sur le
câblage et les fonctions cérébrales persisteraient à distance de ces événements.
Pour cette raison, la façon particulière dont ces patients mangent pourrait
demeurer inchangée malgré la transplantation fécale. Ceci se conçoit aisément : puisque
leurs choix n’ont rien à voir avec la dysbiose que les chercheurs peuvent mettre en
évidence avec leurs études consacrées au génome bactérien, changer la flore ne
résoudra pas le problème ! D’ailleurs, il existe une réelle complexité des mécanismes en
jeu dans le cadre de l’anorexie, développés plus loin (46).
On comprend donc bien qu’ils ne se résument pas à la possession d’une
« mauvaise » flore. Dans ce contexte, rien n’indique que les anciens autistes ne
pourraient pas convertir à leur mode alimentaire particulier leur nouveau microbiote.
Cela modulerait les proportions des différentes familles bactériennes, au point que la
microflore puisse évoluer vers une composition très éloignée de celle du transplant
d’origine. Il faudrait sans doute des années, mais rien ne permet de prédire quelles en
seraient les conséquences cognitives ou comportementales à moyen terme.
La dysbiose : Quel désordre !
En fait, se référer à la dysbiose évoque un peu la situation suivante : celle d’une
maman qui, entrouvrant la porte de la chambre de son adolescent, s’exclamerait en la
refermant aussitôt « Quelle dysbiose là-dedans ! » Derrière l’idée de déséquilibre à
laquelle renvoie cette notion, on pourrait trouver de multiples anomalies. Certaines
auraient existé préalablement à celle-ci (et l’auraient favorisée). D’autres, à l’inverse, ont
pu survenir consécutivement à la dysbiose. Cela concerne par exemple
l’hyperperméabilité évoquée dans ce chapitre, et ses diverses conséquences défavorables.
Enfin, une dernière catégorie d’observations établies dans ce contexte peut concerner
des phénomènes contemporains de ces déséquilibres, mais sans lien direct avec les
troubles cognitifs. De quoi s’y perdre, finalement…
Face à cette effervescence, quel modèle de la dysbiose peut-on donc poser avec un
peu de recul ? Ma synthèse s’appuie sur les points suivants ; les perturbations
fonctionnelles qui en résultent peuvent relever de plusieurs causes, schématisées et
résumées sur la figure 18. Elles font par exemple suite à une dysbiose maternelle, ayant
favorisé un appauvrissement de naissance du microbiote, ceci se traduisant ensuite pas
des troubles fonctionnels, mais aussi par des modifications épigénétiques durables, sans
lien avec le microbiote de l’enfant.
Ces processus peuvent encore contribuer à l’apparition de déficits, notamment en
vitamine B9, en raison de la dysbiose maternelle, mais là encore sans rapport avec un
quelconque changement des populations bactériennes résidentes. Elles pourraient
également faire suite à des infections survenues durant la grossesse ou dans les premiers
mois de la vie, comme je l’ai détaillé au chapitre précédent, et dans ce contexte
l’activation immunitaire chronique qui s’ensuit favorise l’intervention de cytokines
(rappelons qu’on nomme ainsi les messagers du système immunitaire, tels que les
interférons, les interleukines, etc…). Celles-ci seront alors responsables de perturbations
lésionnelles ou fonctionnelles. Cette dysbiose peut encore avoir provoqué une chute de
la production de butyrate (composé fabriqué par les bactéries dominantes, et exerçant
un rôle crucial pour l’étanchéité intestinale (81)).
Elle amène par ailleurs souvent à l’expansion excessive de certains hôtes, tels que le
Candida albicans qui, par son aptitude à libérer des molécules capables d’interférer avec
les récepteurs cérébraux (23) ou susceptibles de modifier la réponse immunitaire,
contribue de manière prépondérante à l’apparition de certains symptômes. Ainsi, sa
responsabilité directe est-elle envisagée dans certains cas de schizophrénie (112). Et bien
sûr, comme je l’ai déjà décrit (103), elle pèse très lourd dans la chronicité des plaintes
douloureuses.
Enfin, cette dysbiose chronique peut contribuer à une inflammation permanente de
la muqueuse intestinale, souvent asymptomatique. Sous l’influence de certains facteurs
aggravants, s’exprimant à des moments clefs (tels que l’exercice long ou intense, un
stress mal géré, ou d’autres infections), cette hyperperméabilité peut s’amplifier. Elle va
alors conduire à un passage brutal et significatif de molécules qui, gagnant nos tissus,
peuvent interférer avec des récepteurs neuronaux (occasionnant une symptomatologie
liée à des « interférences ») (104).
Pire encore, certains des intrus qui arrivent en cette occasion peuvent déclencher
des réponses immunitaires inappropriées, qui pour certaines peuvent même s’avérer
dégénératives. Ceci se rencontre par exemple dans une situation plus répandue qu’on ne
le pense, celle que Marios Hadjivassilou a évoqué dans son article (49) comme une
forme de « maladie cœliaque cérébrale ». Il y décrit une série de cas de patients
présentant des maladies neurodégénératives, reçus dans son service hospitalier.
L’origine de leurs atteintes provenait, en raison d’un phénomène d’hyperperméabilité
intestinale et de prédispositions épigénétiques, d’un dépôt de fragments de gluten sur
des neurones, qui font alors l’objet d’une attaque en règle par le système immunitaire.
On comprend en tout cas que l’étiquette « dysbiose », prise au sens littéral, ne dit rien du
scénario responsable des troubles (ou ne permet d’en saisir qu’une partie). C’est pour
cela que je vais entrer dans le détail de ces processus dans les pages qui suivent, et
tenter de les hiérarchiser. Dans ce schéma, je prends le terme « dysbiose » dans le sens
d’un déséquilibre quantitatif des familles bactériennes vivant dans l’intestin.

Figure 18. Dysbiose, immunité et pathologies psychiatriques et neurodégénératives : synthèse.


Discordre dans les familles bactériennes
Cette situation peut exercer deux répercussions majeures. On relève d’une part une
vulnérabilité accrue aux infections, du fait que l’absence de certaines souches affecte la
qualité de la réponse immunitaire. D’autre part, on observera une augmentation de la
perméabilité intestinale. En plus de cela, elle s’accompagne d’une moindre production
de butyrate par l’intestin. Notons que la vulnérabilité immunitaire s’avère propice à une
fréquente survenue d’infections et ces épisodes, surtout s’ils ont lieu tôt dans la vie et s’ils
se répètent, contribuent à une libération accrue de certaines cytokines et à une
production plus importante de radicaux libres.
Plus rarement, ils provoquent la formation d’autoanticorps, et l’ensemble de ces
mécanismes affecte l’embryogenèse cérébrale. Ceci aura comme conséquence de
provoquer des perturbations des circuits et des réseaux neuronaux. Pour sa part,
l’hyperperméabilité intestinale, accentuée par la chute de la production de butyrate,
favorise la pénétration dans l’organisme de différents éléments perturbateurs. Desquels
s’agit-il ?
Principalement des toxines du Candida et des peptides issus de la dégradation
incomplète de la gliadine et de la caséine des vaches de race holstein. Interviendront
également les cytokines liées aux perturbations immunitaires se déroulant au niveau de
la muqueuse, et enfin les endotoxines. Ces dernières, produites par certaines de nos
bactéries, gagnant de manière tout à fait anormale notre organisme, peuvent déclencher
de sévères réponses, en jeu à la fois dans les phénomènes auto-immuns et dans les
processus neurodégénératifs.
Dans certains cas, le gluten, non figuré ici, joue un rôle similaire chez des patients
porteurs d’une prédisposition génétique évocatrice de la maladie cœliaque (49). Par
ailleurs, les cytokines peuvent, sur un cerveau dont le développement est achevé,
interférer avec des récepteurs, au même titre que les peptides et les toxines. Les
répercussions s’exprimeront alors davantage sous la forme de symptômes fonctionnels
d’« interférence », et rarement par l’intermédiaire d’atteintes lésionnelles. Pour résumer,
on comprend en tout cas que l’ensemble des pathologies psychiatriques ou
neurodégénératives puisse s’inscrire dans ce modèle complexe. L’inquiétante
augmentation de ces maladies, survenant de plus en plus tôt au cours de la vie dans les
populations des pays riches, semble évidemment à rapprocher de l’impact croissant des
antibiothérapies subies par les microbiotes de trois générations successives.
De la dysbiose à l’hyperperméabilité intestinale

L’écosystème intestinal constitue une entité formée de plusieurs éléments, à savoir le


microbiote, les cellules immunocompétentes (dont il forme le réservoir le plus important
de notre organisme, avec près de 80 % de celles-ci), et enfin la muqueuse, qui se
présente comme une barrière physique. Celle-ci comprend majoritairement des
entérocytes, mais aussi d’autres catégories de cellules pouvant appartenir au système
nerveux ou au système endocrinien. Tous ces acteurs dialoguent et échangent des
informations permettant de garantir le maintien d’une santé optimale, tant au niveau de
l’intestin que de l’ensemble de notre corps.
Cet état idéal s’accompagne d’une étanchéité physiologique de cette muqueuse. Ceci
signifie que quelques éléments provenant de l’intestin gagnent régulièrement nos tissus,
mais de manière contrôlée, et pour y être soumis à l’analyse de notre système
immunitaire. En effet, ce dernier doit régulièrement rencontrer les bactéries et les
fragments de protéines qui s’y trouvent, ce qui permet d’assurer le maintien de la
tolérance à leur égard. Dans ce contexte harmonieux, les entérocytes s’accrochent les
uns aux autres par l’intermédiaire de protéines de « liaison », qui constituent ce que les
physiologistes nomment les « jonctions serrées » (94, 128). Dans ce climat exempt de
perturbation, celles-ci s’ouvrent et se ferment de manière occasionnelle pour permettre
le maintien de la tolérance. Mais en restant fermées la plupart du temps, elles
préviennent le passage massif et incontrôlable d’éléments entre deux cellules
voisines (98).

L’eubiose et l’harmonie intestinale


On considère usuellement que, sans dysbiose, il n’existe pas d’atteinte anormale de
cette barrière et qu’aucun symptôme attribuable à un phénomène d’hyperperméabilité
intestinale ne peut alors se rencontrer 8. Ceci s’avère d’autant plus important que cette
muqueuse est très peu épaisse, ne comportant qu’une couche de cellules, couverte d’un
mucus protecteur. Sa fragilité s’exprimera dès lors que des situations vont durablement
agresser les entérocytes. Pour cette raison, l’« eubiose » est loin de constituer une
situation obligatoire.
Parfois cela peut se jouer dès la naissance, comme dans le cas de la maladie de
Crohn, pathologie digestive se caractérisant par une perte de tolérance à l’encontre de
quelques familles bactériennes résidentes. On peut comparer cette situation à celle où
un nouveau dirigeant, arrivant au pouvoir, déciderait de tuer tous les Martin de France
parce qu’il ne supporterait pas ce nom… quand bien même ce patronyme y aurait été
relevé depuis la nuit des temps ! L’augmentation exponentielle des cas de dysbiose dans
la population, ainsi que le suggèrent les nombreuses études menées sur ce sujet depuis
le début de ce siècle, permet de comprendre l’inflation de pathologies très variées qui en
découlent, parmi lesquelles la maladie de Crohn, comme je l’ai déjà évoqué ci-dessus.

L’hyperthermie agresse l’intestin


D’autres agressions peuvent faciliter la dysbiose. Il en va ainsi avec les infections
digestives, ou encore avec l’hyperthermie. Durant ces épisodes, la muqueuse peut subir
des atteintes répétées, ce qui va conduire au passage de macromolécules au niveau de
ces brèches. Cet afflux brutal constitue un apport d’antigènes que doivent traiter les
globules blanc situés à proximité de la muqueuse. Deux réponses immunitaires peuvent
survenir. Soit le profil du sujet permet de déclencher une réaction de tolérance, et dans
ce cas il se produit une forme d’immunisation sans symptôme majeur ; il s’agit
heureusement de la situation la plus fréquente. Soit, au contraire, il se produit une
r é p o n s e effectrice, pro-inflammatoire, d’autant plus marquée si la dysbiose
s’accompagne d’un net déséquilibre de l’immunité, et qu’il entre une importante quantité
d’antigènes (voir figure 20).

L’hyperperméabilité intestinale et les pathologies auto-immunes


Dans le cas des endotoxines, leur arrivée s’effectue directement au niveau des
cellules, de sorte que la réponse qui en résulte est très vive. Elle se trouve souvent à
l’origine de pathologies auto-immunes chez des sujets qui s’y trouvent prédisposés. De
très nombreuses publications, chaque année, développent ce phénomène, et je
n’évoquerai ici que les plus récentes et déterminantes : lupus, thyroïdite, sclérose en
plaques, néphropathies ou spondylarthrite ankylosante, (9, 32, 39, 43, 45, 48, 126)
(voir figure 21). Plus récemment, une étude a souligné qu’elles affectaient également les
relations sociales et la capacité à communiquer de patients autistes ou schizophrènes.
Cela s’expliquerait par l’aptitude des endotoxines à déclencher la libération de cytokines
pro-inflammatoires perturbatrices (82).
L’implication des protéines alimentaires dans le déclenchement d’atteintes
lésionnelles ou de pathologies auto-immunes est plus rare, et ne met en jeu qu’un
nombre restreint d’acteurs, à savoir le gluten (22, 49, 120), la caséine (87), ou dans de
plus rares cas, la lactoferrine du lait (75). Dans la plupart de ces situations, l’auto-
immunité se déclenche du fait que la séquence protéique qui constitue la cible du
système immunitaire est commune aux aliments en cause et aux tissus touchés (22).
Cette réalité écarte totalement l’idée selon laquelle n’importe quelle protéine alimentaire
pourrait, en théorie, provoquer des symptômes d’intolérance.

L’intolérance au gluten non coeliaque


Ce phénomène d’homologie antigénique a abouti, en 2018, à l’énoncé d’un nouveau
concept, celui de « l’intolérance au gluten non cœliaque », qui s’est imposé à certains
auteurs comme une évidence, au terme d’un cheminement intellectuel d’une dizaine
d’années (12-3, 72).
De quoi s’agit-il ? Ni de maladie cœliaque, la forme traditionnelle d’intolérance que
connaissent les gastroentérologues, ni d’allergie. On évoque plutôt ici une situation où
les patients expriment de manière répétée des symptômes, digestifs et extradigestifs, qui
cessent ou diminuent fortement après seulement 8 jours d’éviction du gluten,
réapparaissent avec la réintroduction de l’aliment, mais n’occasionnent aucune
perturbation biologique caractéristique de la maladie cœliaque. Elle concernerait près de
20 % de la population contemporaine. Ces auteurs notent que l’un des points communs
à de nombreux patients, dans ce contexte, est la présence de pathologies auto-immunes.
L’élément majeur qui y contribue n’est autre que l’homologie du gluten avec certaines
séquences protéiques de quelques tissus (notamment au niveau de la thyroïde) (22) et
une protéine constitutive du mycélium du Candida albicans, comme je le décris plus loin
dans ce chapitre.

Les exorphines : des fauteurs de trouble souvent méconnus !


Tous les intrus qui pénètrent dans ce contexte ne déclenchent pas forcément de
réponse immunitaire. Certains fragments de protéines bien particulières, la gliadine
(constitutive du gluten) et la caséine A1, contenue uniquement dans le lait des vaches
de race holstein, peuvent occasionner des symptômes, non pas en déclenchant
l’activation des cellules immunitaires mais en se liant à des récepteurs, comme dans le
cas de la fibromyalgie ou de nombreuses pathologies psychiatriques. Ce phénomène
s’avère paradoxal : extrêmement fréquent sur le plan clinique, il reste majoritairement
méconnu du monde médical et du grand public, sans doute en raison de l’absence de
lésions ou d’atteintes objectivables d’un organe particulier.
L’histoire des exorphines n’est pourtant pas récente ; pour autant, vous en avez
sans doute peu entendu parler, voire pas du tout. Étymologiquement, ce mot désigne
littéralement des peptides de la famille des opiacés, mais d’origine exogène, délivrés par
notre alimentation. La suspicion de leur existence et de leur rôle potentiellement
délétère remonte au début des années soixante, au moment où un psychiatre, le P r
Dohan (35), considéra un fait pour le moins troublant.

Les exorphines, acteurs d’interférences neuronales


Il existait une très forte relation entre l’augmentation du nombre d’admissions dans
les services de psychiatrie scandinaves et l’accroissement de la consommation de
certaines variétés de blé sur la même période (voir figure 19). Dans son article, paru
dans la revue The Lancet (titre qui aujourd’hui encore fait référence), il posait clairement
l’hypothèse d’une composante digestive dans la survenue de cette pathologie. Quelle est
la nature de ce phénomène ? Ces peptides apparaissent transitoirement au cours de la
digestion, lors de la dégradation des protéines. Tout le monde en fabrique, mais en
général, lorsque l’intestin est étanche, leur dégradation se poursuit et les enzymes
finissent de scinder ces molécules en acides aminés, qui seront alors assimilés au niveau
des entérocytes.
En cas d’hyperperméabilité intestinale, il n’en va plus ainsi ; certains peptides
peuvent échapper à la séquence terminale de la digestion, et vont gagner l’organisme.
On les retrouvera alors dans le sang. Loin de rester au stade de l’hypothèse livresque,
cette anomalie s’est vue confirmer très tôt, notamment par les travaux du P r Reichelt
(99, 100-1). Il démontra leur présence dans les urines de certains groupes de patients
testés. Cette observation signifiait que, après avoir gagné nos tissus et interagi, ces
molécules se voyaient éliminées au niveau rénal.
Tous les jours, nous avalons une centaine de protéines différentes, ce qui suggère
que, en théorie, il existe une multitude de peptides qui pourraient apparaître dans notre
intestin au cours de la digestion. Or, les travaux de Reichelt soulignent que 80 % de
ceux qu’on retrouve dans les urines dérivent de la gliadine et de cette forme particulière
de caséine. De plus, eux seuls présentent la particularité d’interférer avec les récepteurs
et d’occasionner de tels symptômes.
Comment comprendre ce paradoxe ? En fait, les deux protéines précitées
demandent beaucoup plus de temps à être dégradées et, de ce fait, on retrouve,
proportionnellement, une plus grande quantité de leurs dérivés dans les intestins. Que
se passe-t-il en cas d’hyperperméabilité intestinale ? Se trouvant en surabondance au
niveau de la muqueuse, ils pourront en partie s’immiscer au niveau des jonctions serrées
béantes, puis gagner l’organisme des individus concernés. La deuxième particularité est
leur nature même, qui fait d’eux les seuls peptides susceptibles de provoquer ces
« interférences » (19). Leur structure est compatible avec celle des récepteurs, comme si
quelqu’un réussissait à s’introduire chez vous en insérant des clés de voiture dans la
serrure de votre porte d’entrée.

Exorphines, nociception et anxiété


Parmi les symptômes apparaissant lorsqu’ils se lient aux récepteurs, on note une
très forte augmentation de la nociception et de l’anxiété, comme des travaux publiés à la
fin du siècle dernier l’avaient clairement indiqué (37). D’autres chercheurs ont continué,
au début des années 1980, puis au cours des deux décennies suivantes (95), à suivre en
catimini la piste ouverte par Dohan. À chaque fois, des résultats convaincants en sont
ressortis. Ainsi Bressan (17), dans un article de synthèse récent, n’hésite plus à poser la
question de la responsabilité du pain dans la survenue de pathologies mentales et de
l’autisme, en particulier parce que l’intolérance au gluten apparaît beaucoup plus
fréquente chez de tels patients. Il cite également des études ayant démontré
l’amélioration de cas de schizophrénie, de démence ou de patients psychotiques avec un
régime strict excluant le gluten et les laitages de vache (33, 38, 57, 70, 74).

Le modèle Seignalet et l’auto-immunité


De son côté, défrichant le terrain des maladies auto-immunes, Jean Seignalet avait
dressé un constat qu’il développa dans son livre L’Alimentation ou la Troisième Médecine ,
dont la première version est sortie il y a déjà plus de 30 ans (111). Il y exposait le lien
qu’il avait pu établir, en suivant ses patients, entre la consommation de laitages, de blé,
de viande cuite et les douleurs relevées dans le cadre de certaines pathologies auto-
immunes. La mise en place d’un régime d’éviction, là aussi, atténuait nettement les
douleurs.
Dans l’état des connaissances de la fin des années quatre-vingts et du début de la
décennie suivante, l’interprétation qu’il en fit logiquement consistait à envisager que ces
aliments déclenchaient une importante réponse immunitaire effectrice, et que
l’inflammation qui l’accompagnait expliquait les douleurs ressenties. Ces dernières
régressaient nettement lorsque les patients cessaient de manger des sources de gluten
ou de caséine. À ses yeux, cela s’expliquait par la normalisation de la réponse
immunitaire qui devait s’ensuivre. Les progrès relevés confortaient cette idée.
L’origine du régime paléolithique
C’est sur la base de ces observations qu’il formula le concept du régime
« paléolithique » et d’une possible inadaptation de nos enzymes aux aliments
modernes… Cette perspective évolutionniste résiste mal à la critique, notamment quand
on considère que la flambée des cas est surtout survenue au cours des quarante
dernières années. C’est de là que provient le concept des « intolérances alimentaires ».
Aujourd’hui, les connaissances se sont enrichies et on peut considérer que l’amélioration
ressentie provient beaucoup plus de l’arrêt de l’action exercée par les exorphines sur les
nocicepteurs que d’une moindre réponse immunitaire dirigée contre les aliments
« modernes » 9. En outre, l’un des points faibles de l’élargissement de cette théorie, c’est
de considérer que n’importe quel aliment contenant des protéines pourrait en principe
participer aux symptômes. Or, d’une part, seules les sources d’exorphines contribuent à
la douleur (96) et, d’autre part, hormis la question de l’homologie antigénique
développée ci-dessus, quasiment aucun aliment ne déclenche de réponse immunitaire
inappropriée (voir figure 20).
Pour résumer ce qui se passe, à la lumière des connaissances du XXIe siècle, la
dysbiose combinée à l’hyperperméabilité intestinale contribue au passage d’exorphines,
dérivées du gluten et de la caséine, qui majorent la sensation de douleur. Des
endotoxines entrent également et déclenchent une réaction immunitaire très vive,
responsable d’une inflammation qui, elle aussi, provoque une sensation douloureuse.
Une amélioration durable s’observera à la fois en adoptant un régime d’éviction
appropriée (comme le décrivait Jean Seignalet), en cicatrisant l’intestin et en tentant de
restaurer l’harmonie immunitaire. Ce dernier point sera décrit au dernier chapitre de cet
ouvrage.
Figure 19. Peptides et pathologies psychiatriques.

Ce schéma tiré de l’article fondateur de Dohan (35), illustre le possible lien existant
entre la consommation croissante de blé et l’augmentation du nombre d’admissions en
psychiatrie pour schizophrénie.

Figure 20. L’adaptation immunitaire aux antigènes intestinaux.


En présence d’un phénomène d’hyperperméabilité intestinale (partie droite de la figure), des intrus de plusieurs sortes
peuvent gagner l’organisme. S’il s’agit de peptides (à gauche), il n’existe pas de réponse immunitaire réactionnelle, compte
tenu de la taille de ces molécules.

En présence d’une muqueuse dotée d’une perméabilité physiologique (partie


gauche), la prise en charge des antigènes présents dans la lumière intestinale peut
conduire à deux types de réponse : soit de nature « régulatrice », ce qui favorise la mise
en place d’un mécanisme de tolérance, soit « effectrice », avec un processus
inflammatoire (3). La prépondérance de l’un ou de l’autre de ces deux mécanismes va
dépendre de l’état initial du système immunitaire, et plus particulièrement de la possible
existence d’une dysbiose.
En revanche, elles peuvent provoquer des symptômes évocateurs d’interférences,
par leur aptitude éventuelle à se lier à des récepteurs neuronaux ou sensoriels, ce qui
favorisera la survenue de symptômes attribués, à tort, à des « intolérances
alimentaires ». S’il s’agit d’endotoxines, leur arrivée directe sur des récepteurs cellulaires
peut déclencher des réponses immunitaires et inflammatoires très importantes, la voie
régulatrice étant souvent moins efficiente. Enfin, s’il s’agit de protéines alimentaires, la
plupart du temps – sauf s’il existe des similitudes entre celles-ci et des protéines
présentes sur certains antigènes ou sur nos tissus –, c’est la réponse de tolérance qui
prévaut.

Figure 21. Réponse inflammatoire provoquée par l’arrivée des endotoxines dans l’organisme.

Dysbiose, hyperperméabilité et Candida albicans

Dans ce contexte de dysbiose, un autre phénomène peut contribuer à accentuer


l’agression subie par la muqueuse, et les dérèglements immunitaires qui y sont associés :
c’est la prolifération exagérée du Candida albicans. Beaucoup d’écrits ou de blogs
présentent celui-ci au choix comme un ennemi à abattre, ou un perturbateur à
éradiquer. Quand on parcourt la littérature scientifique qui y est consacrée, on lit des
informations paradoxales. Tantôt on le décrit comme un agent infectieux (79) ; tantôt
on le présente comme un hôte naturel du microbiote (18). Alors comment s’y retrouver ?

Les stratégies du Candida


Le microbiote humain renferme des levures et moisissures, qui communiquent avec
le système immunitaire, les messages qu’ils lui adressent allant plutôt dans le sens d’une
répression (90). Ce Candida occupe tous les microbiotes de notre corps (91). Par ailleurs,
sa facilité à changer de forme lui permet de proliférer et d’échapper à des réponses
immunitaires dirigées à son encontre. Cette stratégie s’ajoute à celle qu’il déploie en
réprimant l’immunité cellulaire, comme indiqué ci-dessus. Les antibiothérapies
contribuent, en réduisant la diversité du microbiote, à ce qu’il puisse proliférer (23).
De génération en génération, il va occuper une place croissante dans le microbiote,
notamment parce que la grossesse, par le contexte de répression immunitaire qui
l’accompagne, favorise la prolifération du Candida au niveau du biofilm génital. Ceci, au
moment de l’accouchement, va favoriser son implantation préférentielle dans le
microbiote de l’enfant. Plus ce dernier occupera un rang éloigné dans la fratrie, plus la
place du Candida deviendra prépondérante. D’autres situations, qui modifient le biofilm
ou fragilisent le système immunitaire, peuvent contribuer à ce qu’il prolifère de plus en
plus (23) (voir encadré 10).

Le Candida fabrique ses propres armes


De plus, cet hôte possède son propre métabolisme, et il libère des toxines qui, elles
aussi, présentent l’aptitude à se lier à des récepteurs et à se comporter comme des
« virus informatiques », des processus comportementaux et cognitifs (63). Parmi les
« poisons » qu’il élabore figure l’acide tartarique, qui affecte le fonctionnement de notre
métabolisme et contribue à générer une intense fatigue chez les sujets porteurs d’une
candidose active (92). Il possède une propriété encore plus étonnante ; il transforme le
sucre contenu dans certains aliments en éthanol, ce qui provoque des symptômes
évocateurs de l’ébriété chez certains enfants autistes, comme l’avait observé Natasha
Campbell (19). Elle revient d’ailleurs sur cette particularité dans son livre.
D’autres ont établi le même constat, que ce soit dans le domaine de la psychiatrie
(4), de la pédiatrie (58) ou, plus étonnant encore, celui du droit. Il y a ainsi vingt ans
plus tôt, dans un article qui a suscité peu de réactions au moment de sa sortie, Logan
(71) évoquait la possibilité de rencontrer des cas positifs à l’alcootest chez des sujets
n’ayant pas consommé la moindre goutte d’alcool, mais souffrant de troubles digestifs
sévères.
Le piège semble redoutable ; par les toxines qu’il libère, par le rôle complice des
exorphines dont il favorise le passage (puisqu’il agresse la muqueuse intestinale), le
Candida module le comportement alimentaire de ses victimes dans un sens qui lui est
favorable. Certes, une certaine confusion règne quand on parcourt les écrits consacrés à
ce sujet. Ce n’est pas la consommation de glucides en général qui favorise la candidose,
et par conséquent on ne peut pas envisager de traiter celle-ci en privant l’organisme de
toute source de sucres au risque d’affecter les fonctions cognitives et immunitaires. En
revanche, l’existence de pulsions sucrées irrépressibles constitue indéniablement un point
d’appel très caractéristique.
Il résulte de l’influence simultanée de la production d’éthanol, des perturbations
métaboliques dues à la production d’acide tartarique, du blocage partiel des récepteurs
de la sérotonine par des toxines du Candida, et enfin de l’influence des exorphines.
S’apparentant aux opiacés, ces dernières jouent un rôle prépondérant dans l’addiction
au sucre des patients porteurs de candidose et ayant potentiellement développé des
troubles cognitifs ou des perturbations émotionnelles.

Les perturbations cachées liées au Candida


Plus nous enrichissons nos connaissances relatives au Candida albicans, et plus nous
découvrons la complexité de ses mécanismes d’action. Un fait étonnant a fait l’objet
d’une découverte majeure, publiée en 1999 dans une revue prestigieuse… mais est passé
complètement inaperçu. De quoi s’agit-il ? Dans Science, Paula Sundström et son équipe
(115) ont décrit l’existence d’une très forte analogie structurelle de l’une des protéines
constitutives du mycélium du Candida (la « Hwp1 ») et la gliadine. Cette étonnante
découverte possède des retombées potentielles vis-à-vis de la maladie cœliaque.
Cette possibilité a incité une autre équipe à poursuivre dans cette direction,
s’appuyant sur des outils permettant d’établir le séquençage des enchaînements d’acides
aminés de ces deux protéines (88). Sur la figure 22, tirée de son article et qui illustre son
travail, on note une succession de lettres, comme s’il s’agissait d’un ouvrage écrit dans
une langue inconnue. En fait, les protéines sont constituées d’un assemblage d’acides
aminés. Il en existe vingt différents, qui s’enchaînent dans un ordre spécifique à chaque
protéine. Pour caractériser ces enchaînements, les biochimistes ont choisi d’attribuer une
lettre pour chaque acide aminé. De ce fait, chaque enchaînement de lettres décrit l’ordre
dans lequel les acides aminés figurent sur des protéines spécifiques.
En l’occurrence, dans ce travail, Nieuwenhuisen et ses collègues ont comparé la
gliadine et une protéine constitutive du mycélium du Candida, nommée la « Hwp1 »
(88). Lui et ses collègues ont trouvé plus de 50 % d’analogie. Ceci signifie que si le
système immunitaire réagit au Candida, il en va de même en présence du gluten, et ceci
explique l’amélioration spectaculaire produite par l’éviction du gluten dans ce contexte.
En France, les travaux du P r Poulain, de l’Institut Pasteur de Lille, ont confirmé cette
donnée, et ce dernier n’hésite plus à incriminer le Candida dans l’augmentation de
l’incidence de la maladie cœliaque dans les pays nantis ou émergents (29), là où
d’autres hésitent encore (50), sans doute trop bousculés dans leurs convictions. À la
lumière de ce qui précède, on conçoit que, plus que le gluten lui-même, qui endosserait
tout seul un costume de coupable trop grand pour lui, il convient de considérer la
dysbiose, et l’impact des antibiothérapies transgénérationnelles sur la santé de l’intestin
pour appréhender la réalité de la maladie cœliaque.

Figure 22. Homologie structurelle entre la gliadine et une protéine du mycélium du Candida.

La réponse immunitaire induite par le Candida


L’impact du Candida peut aussi s’exercer non pas par son influence directe, mais par
la réponse immunitaire qu’il peut susciter, un peu de la même manière que, comme on
l’a vu au chapitre précédent, l’impact des virus ou des infections survenus en période
prénatale passe par une libération exagérée de cytokines.
Que se passe-t-il précisément sur le plan immunitaire en cas de candidose active ?
Face à elle, le système immunitaire active une voie particulière, que les immunologistes
ont baptisée la voie « Th.17 » (119). Or, des études menées chez le rat ont montré que
l’élévation de l’une des cytokines caractéristique de cette mise en jeu, l’IL-17,
s’accompagnait d’un risque ultérieur de comportements apparentés à l’autisme (2, 25).
Une étude consacrée à des patients souffrant d’épilepsie a également mis en exergue une
valeur anormalement élevée pour cette cytokine (53, 67).
En termes plus clairs, une mycose maternelle, et son impact immunitaire, peuvent
contribuer à des perturbations majeures des fonctions cognitives. Une libération
excessive de l’IL-17 peut provoquer des processus auto-immuns chez des sujets qui y
seraient prédisposés (20), ce qui bien sûr, par des phénomènes en cascade (84), peut
potentiellement se répercuter sur les fonctions cérébrales.

Candidose et alcoolisme…

Qu’ajouter à propos du Candida ? Qu’il dispose également d’un arsenal de moyens


très sophistiqués pour réussir à s’implanter durablement à la muqueuse intestinale et à
croître de manière significative (79) (voir figure 22). Il possède en particulier des
enzymes qui agressent la muqueuse intestinale (11, 27), pour favoriser le passage des
exorphines qui, ensuite, influent sur le comportement alimentaire dans un sens qui
s’avère bénéfique à sa prolifération. Dans un tel contexte, les injonctions des experts de
la santé publique, demandant aux citoyens de ne pas manger « trop sucré », et d’éviter
de « grignoter dans la journée », constituent un déni total de la complexe réalité des
processus en jeu dans le comportement alimentaire.

L’alcoolisme est-il lié à la candidose ?


L’action conjuguée du Candida et des exorphines peut-elle provoquer d’autres
dégâts ? La question mérite d’être posée dans la mesure où, en plus de leur possible
implication dans le déclenchement de processus addictifs, les exorphines peuvent
accentuer la nociception et l’anxiété. Ce dernier point nous ramène au thème
d’ouverture de ce chapitre : l’alcoolisme.
Beaucoup d’auteurs constatent l’existence fréquente d’un état anxieux chez ces
patients, sans savoir quelle situation précède l’autre, autrement dit, qui de l’anxiété ou
de l’alcoolisme endosserait le rôle de l’œuf ou de la poule. Il semble qu’on puisse
indiquer aujourd’hui qu’aucun d’entre eux ne le fasse.
Dans un travail récent, Leclercq (68) et ses collègues ont montré que le niveau
d’anxiété était d’autant plus élevé chez des malades alcooliques qu’ils présentaient une
importante hyperperméabilité intestinale (voir figure 23).

Quel lien entre candidose et anxiété ?


Tout semble indiquer que la conjonction de plusieurs facteurs puise participer à
cette situation : une dysbiose aggravée par des situations décrites dans l’encadré 10,
associée à une candidose active, favoriserait l’hyperperméabilité intestinale. Elle
contribuerait également à l’accentuation de l’anxiété (momentanément calmée par la
consommation de boisson). S’y ajouterait une production d’éthanol endogène par le
Candida, et le bouquet final serait constitué de l’intervention des exorphines, propices au
renforcement de l’addiction. Nous allons voir au paragraphe suivant qu’en ce qui
concerne les troubles du comportement alimentaire, on va retrouver cette synergie,
aggravée par des intervenants supplémentaires…

Encadré 10 : Les situations qui favorisent


la prolifération du Candida.
Toutes les situations qui contribuent à réprimer l’immunité vont favoriser la
prolifération du Candida. J’ai évoqué l’influence de la grossesse dans ce chapitre,
mais il ne s’agit pas de la seule situation qui contribue à une candidose chronique.
L’usage de la pilule œstroprogestative, d’antidépresseurs, de diurétiques,
d’anticholinergiques ou encore la consommation de cigarettes (23) favorisent la
pandémie intestinale. Plus récemment, certains auteurs ont démontré que les
vapeurs émises par la cigarette électronique pouvaient elles aussi contribuer à
l’apparition d’une candidose buccale (1), de sorte que d’anciens fumeurs, décidés
à améliorer leur qualité de vie en cessant leur tabagisme, n’en ont pas forcément
fini avec le Candida !
Figure 23. Diversité des stratégies déployées par le Candida pour coloniser durablement l’intestin.

La partie du schéma en haut et à gauche montre que le Candida adhère à la


muqueuse de l’hôte et produit des molécules particulières, les « adhésines » qui, comme
leur nom l’indique, lui permettent de s’arrimer à la muqueuse. On voit au milieu et à
gauche que, au contact de l’hôte, le Candida change de structure (ce que les
physiologistes qualifient de thigmotropisme), et il libère d’autres toxines, les « invasines »,
qui dégradent le mucus, de façon à commencer à pénétrer l’organisme.
Il s’y ajoute la libération d’autres enzymes, les hydrolases, qui finissent de détruire le
mucus et cela permet au Candida de se constituer en biofilm au contact des tissus (en
bas à gauche). Il se trouve au niveau de la partie la plus profonde de ce biofilm, de sorte
qu’une recherche dans les selles, à ce stade de développement du Candida, peut se
révéler faussement négative. On voit en haut à droite et au milieu que son aptitude à
changer de forme limite l’ampleur de la réponse immunitaire dirigée à son encontre
(23).
Enfin, une forte aptitude à adapter son métabolisme aux contraintes de
l’environnement le rend particulièrement résistant aux agressions endurées. Il libère
également des messagers qui, en plus des exorphines qui gagnent le cerveau dans le
contexte de l’hyperperméabilité intestinale, vont influer sur le comportement alimentaire
de son hôte dans un sens qui lui est favorable : il s’agit des pulsions sucrées irrépressibles
qui en sont caractéristiques !
Figure 24. Corrélation entre l’ampleur de l’hyperperméabilité intestinale et les troubles anxieux et dépressifs de
patients alcoolodépendants.

Enfin comprendre l’origine des troubles


du comportement alimentaire

J’évoquais en ouverture de ce chapitre l’impasse dans laquelle s’engageaient les


psychiatres, dès lors qu’ils devaient prendre en charge les personnes souffrant de
troubles du comportement alimentaire. Historiquement, plusieurs voies ont été explorées
pour tenter de comprendre l’origine de l’anorexie nerveuse. Dès la fin du XIXe siècle,
l’hypothèse d’un dérèglement hypophysaire avait été envisagée. Il aurait corroboré l’idée
dominante de l’époque : un dysfonctionnement du métabolisme qui, devenu très
économe, ne pouvait que rarement contribuer à la survenue de la faim. Cette piste
s’inscrivait logiquement dans le contexte des connaissances du moment. Plus tard, au
cœur des années 1970, le regard s’est focalisé sur les œstrogènes, la progestérone ou
encore la LHRH, messager hypothalamique qui commande la sécrétion de l’hormone de
croissance (16, 46). Les acteurs considérés avaient évolué, mais le concept était demeuré
le même : l’anorexie résulterait d’un dysfonctionnement hormonal. Sans grand succès là
non plus.
La recherche d’anomalies portant sur d’autres messagers a ouvert de plus
intéressantes perspectives. Ainsi, des données plus récentes indiquent-elles l’existence de
taux plus élevés de neuropeptide Y (molécule impliquée dans le rassasiement) ou encore
de ghréline, hormone en provenance de l’estomac, et qui a comme propriété de stimuler
l’appétit. Mais pourquoi ? Ces données, purement descriptives, ne permettent pas de le
savoir… Toujours est-il que ces anomalies auraient comme conséquence d’associer les
circuits de la récompense (évoqués précédemment dans ce livre) et la maigreur.
Inversement, une chute des taux d’ocytocine, de leptine et de quelques autres peptides,
relevés simultanément, contribuerait à une persistance anormale de la satiété chez ces
patientes (118).

Vers un traitement de l’anorexie ?


Ces travaux ouvriraient-ils vers une réponse pharmacologique ciblée, avec la mise
au point d’un médicament antianorexie ? Les scientifiques n’ont pas eu le temps d’y
réfléchir. En effet, plusieurs avancées récentes ont tout bousculé.
Citons d’abord les progrès réalisés dans le domaine de l’imagerie médicale ou ceux
liés à l’émergence de l’épigénétique qui, mis en perspective, aident à reconstruire un
scénario en plusieurs étapes. Mais les progrès les plus tangibles sont en lien avec une
meilleure connaissance du microbiote et de la manière dont il communique avec le
cerveau. Aujourd’hui, on sait que, au même titre que l’immunité, il occupe une place
majeure (46).
Comme évoqué plus haut, l’une des voies les plus abondamment explorées ces
dernières années est celle d’anomalies qui toucheraient les circuits de la récompense.
Mais là où, il y a quarante ans, on abordait cette question de manière purement
psychiatrique ou neurologique, l’intégration de l’immunité et du rôle de l’intestin a
permis d’élargir considérablement le champ de réflexion.
Que sait-on à ce sujet en 2020 ? Depuis trois décennies, des données suggèrent que
l’anorexie serait une forme d’addiction au rassasiement. Certains aspects de ce
phénomène ont été évoqués plus haut. Mais il s’agit d’éléments parcellaires. Le cœur du
processus se situe à un autre niveau ; au cœur de ce phénomène, on retrouve des
messagers fabriqués dans l’intimité de nos neurones, et qui présentent une forte analogie
avec les opiacés. Parmi ces messagers endogènes figure notamment la famille des
endorphines, que les sportifs connaissent bien, pour en libérer en cours d’activité et dans
les heures qui y font suite, et qui leur procurent alors un état de bien-être.
Le prochain chapitre abordera la délicate question d’une possible addiction à
l’activité physique, pouvant apparaître dans certains contextes, chez des sujets s’y
montrant plus vulnérables. Il semble, dans le contexte de l’anorexie, que ces
endorphines, ainsi que d’autres peptides cérébraux, puissent favoriser l’addiction d’une
manière aussi prononcée que les opiacés exogènes 10.
Les opiacés alimentaires
Ces différents articles négligent complètement un point pourtant fondamental :
l’intervention d’une autre catégorie d’opiacés, formés au cours de la dégradation
partielle de certaines protéines, en l’occurrence la gliadine, constitutive du gluten, et
une forme de caséine propre au lait des vaches de race holstein (26, 37, 59, 99, 100-1).
Je les ai longuement évoquées dans un paragraphe précédent, en insistant notamment
sur leur participation à la majoration de la douleur ou à la chronicité de troubles
cognitifs. Ainsi, plusieurs auteurs, incriminent aujourd’hui l’intervention de ces exorphines
dans un registre de perturbations encore plus étendue, qu’il s’agisse de la dyslexie, de
l’hyperactivité, de la schizophrénie, des douleurs ou des vertiges (19, 104). Gardons à
l’esprit que c’est uniquement dans le contexte d’un phénomène d’hyperperméabilité
intestinale chronique que ces interférences pourront survenir. Les articles de synthèse
sur la question de l’anorexie ignorent complètement la possible implication des
exorphines, en lien avec le processus d’hyperperméabilité intestinale (46, 69). L’imagerie
cérébrale a permis de confirmer l’existence d’une activité altérée, au niveau des circuits
de la récompense, chez des femmes souffrant d’anorexie, ou l’expression d’une forte
aversion en réponse à des stimuli alimentaires, ce qui est absolument anormal (30).

Suractivité et anorexie : Quel mécanisme se cache ?


Une autre piste est en lien avec ces anomalies touchant le circuit de la récompense :
il s’agit de la pratique excessive de l’activité physique, particularité relevée chez près de
80 % des personnes anorexiques (46). Au début de ce siècle, un grand nombre d’études
se consacrèrent à la recherche de gènes qui pourraient être associés à un risque accru de
développer l’anorexie nerveuse. Deux candidats furent retenus, dont un plus
particulièrement, celui de la calcineurine (ainsi nommée parce qu’elle contribue à lier le
calcium à certains éléments du neurone ; elle contribue à l’épigenèse cérébrale). Quelles
particularités présente-t-il ? Il contribue à la fois à une plus grande capacité à l’effort et
à une meilleure tolérance à celui-ci (54). Autrement dit, ce serait la même prédisposition
qui favoriserait à la fois ce trouble du comportement alimentaire et la débauche
d’énergie qui l’accompagne et qui, évidemment, contribue à renforcer le contrôle de la
maigreur. Ceci conduira à une chronicité de la pathologie.
La génétique a également montré une autre particularité : une expression plus
importante de gènes codant pour les récepteurs de la dopamine et surtout des opiacés
(121), ce qui donne un support biologique à ces anomalies touchant le circuit de la
récompense. Ce que n’indiquent pas ces travaux, c’est la nature des perturbateurs
épigénétiques à l’origine de cette différence. Rien n’empêche de considérer, comme on le
verra plus loin, qu’une dysbiose et l’intervention d’un phénomène d’hyperperméabilité
puissent l’expliquer.
Pour résumer cette première piste, l’anorexie nerveuse résulterait d’une
dysrégulation de l’équilibre entre les entrées (régies par la faim) et les sorties (avec un
excès d’exercice). Cela surviendrait consécutivement à des perturbations épigénétiques
touchant les gènes en lien avec les neurones dopaminergiques. Ceci modulerait à la fois
les circuits de la récompense et ceux de la faim, créant une authentique dépendance au
jeûne.

Encadré 11 : Ghréline et anorexie.


En marge des études reliant le microbiote et l’anorexie, le monde scientifique
développe une autre voie, celle de la ghréline. Rappelons qu’il s’agit d’une
hormone de découverte récente (31), libérée par l’estomac et qui possède
l’aptitude d’ouvrir l’appétit (52). C’est d’ailleurs dans le but de supprimer son
influence que de plus en plus d’interventions sur l’estomac sont proposées à des
patients souffrant d’une obésité morbide. On pourrait s’attendre à une chute de
cette hormone chez les sujets anorexiques ; or, on observe paradoxalement
l’inverse (31). Certains auteurs pensent qu’il s’agit d’un processus adaptatif, en
réponse à la restriction calorique chronique. Mais on pourrait également envisager
l’hypothèse de la formation d’anticorps dirigés contre les récepteurs de cette
hormone, dans un contexte de perturbation immunitaire et de dysbiose, de sorte
que, dans ce contexte, ces patients ne ressentiraient jamais la faim. La ghréline
possède également la capacité à agir sur les voies dopaminergiques de la
récompense (80). Nous y revoici, ce qui laisse à penser que plusieurs
perturbations peuvent intervenir simultanément.

Anorexie, immunité et hyperperméabilité intestinale

Grâce à l’émergence de nouvelles techniques apparues avec ce siècle, il a été


possible de pousser l’analyse de la composition du microbiote. Sans surprise, il a été
constaté que, chez les personnes souffrant d’anorexie, la composition de la flore
présentait de sensibles différences, comparativement à celles de sujets ne présentant pas
ce trouble (14, 46). Ainsi, une variété particulière de bactérie prédomine dans l’intestin
des premières. Il s’agit de Methanobrevibacter smithii. Celle-ci possède la capacité à
optimiser la transformation des nutriments et à rendre le métabolisme très économe, de
sorte que l’organisme s’adapte à des niveaux d’apports extrêmement bas (5).
La question qui se pose est toujours la même : cause, conséquence ou ni l’un ni
l’autre ? Des études menées plus récemment ont confirmé à la fois l’existence d’un
manque de diversité du microbiote des personnes anorexiques, et la présence de
populations dominantes distinctes de celles du reste de la population (83). Un terrain
dépressif cohabitait souvent, sans qu’il fût possible là non plus de trancher sur la nature
du lien existant entre ces deux troubles. Gardons cependant à l’esprit que la synthèse de
la sérotonine, molécule importante pour le contrôle du stress, et dont le déficit favorise
la dépression, voit sa synthèse fortement altérée par les processus inflammatoires tels
qu’on en rencontre souvent en cas de dysbiose (21). Le lien observé n’a donc rien
d’étonnant, mais ne nous éclaire pas davantage sur ce qu’il serait possible
d’entreprendre pour ces patients.

Dysbiose et anxiété
Ces différences de composition du microbiote se répercutent par ailleurs sur la
teneur d’acides gras à chaîne courte, ces molécules volatiles élaborées par la flore
intestinale à partir de fibres végétales. De sensibles différences existent,
comparativement aux sujets de poids normal. Quand on sait que ces molécules
possèdent l’aptitude à moduler la synthèse de peptides en jeu dans l’appétit, ce
microbiote de personne anorexique pourrait également contribuer, par ce biais, à
l’altération de la faim (83). Mais ce n’est pas tout ; ces différences se manifestent à un
autre niveau, encore plus déterminant : celui de la synthèse des neurotransmetteurs.
À la grande surprise des scientifiques, des travaux récents ont permis de découvrir
que le microbiote permettait de fabriquer plusieurs de ces messagers, notamment la
sérotonine évoquée plus haut (6, 124). La dysbiose de ces patients se répercute sur la
disponibilité de ces messagers, et le sommeil, l’humeur, l’appétit en pâtissent. Un
écosystème en harmonie module également la synthèse de la molécule chargée de
contrôler l’anxiété, à savoir le GABA (10). À l’inverse, le désordre rencontré dans la flore
de ces sujets favorise un état anxieux d’autant que, par ailleurs, le contrôle du stress
apparaîtra moins efficace (78), ce qui contribuera à l’instauration d’un authentique
cercle vicieux.
Pour résumer la relation entre la dysbiose et l’anorexie, il est aujourd’hui admis par
les experts qui étudient la question que des désordres initiaux, peut-être
transgénérationnels, favorisent la mise en place d’un métabolisme économe ce qui, en
lien avec la constipation provoquée par cette dysbiose, renforce les déséquilibres du
microbiote. Ceci favorise l’intervention supplémentaire d’autres processus, se jouant au
niveau de la synthèse des neurotransmetteurs. Ce que n’envisagent pas ces travaux, en
revanche, c’est qu’il puisse y avoir une contribution supplémentaire dans ce contexte,
celle des exorphines. Cette hypothèse semble fort plausible. Elles interviendraient en
raison du phénomène d’hyperperméabilité intestinale décrit dans ce contexte (106). Non
contentes d’avoir gouverné son développement, les bactéries de notre flore commandent
son activité. Décidément, notre cerveau dépend totalement, tout au long de notre vie,
de nos bactéries !

Perturbations immunitaires et alimentation


À ceci s’ajouterait un autre facteur, dont l’intervention nous paraîtra fort logique en
regard de ce qui a été décrit au chapitre précédent. Il s’agit de profondes perturbations
immunitaires. En lien avec cette dysbiose, des auteurs ont ainsi mis en évidence
l’existence d’une réaction du système immunitaire, dirigée initialement contre une
bactérie, mais donnant lieu à une réaction croisée… L’hypothèse des similitudes
antigéniques a déjà été évoquée dans ce chapitre, lors du paragraphe consacré aux
analogies structurelles existant entre le gluten, l’une des protéines du mycélium du
Candida et la Hwp1.
Un phénomène similaire existerait ici, et le système immunitaire réagirait contre une
hormone circulante, l’alpha-MSH qui, produite par l’hypothalamus, stimule la faim
(41-42). En abolissant l’action de cette hormone, le système immunitaire contribuerait à
pérenniser l’anorexie ! Cela permet de comprendre l’absence d’appétit chez les patientes
anorexiques, en dépit de l’élévation compensatoire des messagers qui stimulent la faim,
tels que la ghréline ou la leptine. Cela accentuerait également l’anxiété (113), et ce
phénomène apparaîtrait principalement dans le contexte d’hyperperméabilité intestinale
(28)… ce qui finalement, nous ramène toujours au même point !
À un degré moindre, cela pourrait également expliquer les comportements
aberrants, de plus en plus souvent rencontrés, chez ces jeunes enfants qui n’aiment
aucun fruit, ni aucun légume, ou seulement ceux d’une forme particulière, ou encore
rejettent tout poisson sauf celui qui est pané (« et en rectangle, pas en carré si
possible ! »). Ces situations semblent exprimer les profondes altérations affectant le
« logiciel » du comportement alimentaire (66). Cela, en général, n’a rien à voir avec un
problème éducatif ni un quelconque souci affectif, comme on tend trop souvent
à l’avancer.

Candida albicans et haut potentiel

La dysbiose, favorisée par une candidose transgénérationnelle, semble avoir


largement favorisé des anomalies dans l’implantation des logiciels cognitifs et
émotionnels au cours de la vie, voire durant l’embryogenèse cérébrale. De quoi voir ce
fameux Candida albicans comme un ennemi à abattre ? Pas si sûr ! D’une part, une
question logique se pose à son sujet ; s’il s’agit d’un hôte naturel et non d’un pathogène
(sauf lorsqu’il prolifère sur un terrain vulnérable), c’est sans doute que sa présence dans
le microbiote offre quelque avantage. Mais lequel ?

La réserve de bactéries fœtales


Nous avons vu précédemment dans cet ouvrage que, quelques heures avant qu’il ne
vienne au monde, un futur bébé ne compte que quelques centaines de bactéries dans
son intestin, provenant du microbiote maternel. Quelques jours après sa naissance, on
dénombrera 1014bactéries, brutalement confrontées au système immunitaire. Certes,
quelques-unes d’entre elles, qui sont régulièrement venues dans son système digestif en
période fœtale, ont contribué à préparer une tolérance optimale à l’égard du microbiote.
Mais la présence, au cœur de celui-ci, d’un acteur comme le Candida albicans, capable de
réprimer l’immunité cellulaire (25), constitue un avantage sélectif, sans lequel une
fraction importante de la population développerait très jeune des pathologies
évocatrices de la maladie de Crohn.

Candida et aptitudes cognitives


On a vu que le Candida, soit par son intervention directe, soit par les répercussions
en cascade qu’il provoque (notamment l’hyperperméabilité intestinale et le passage
d’exorphines), semble impliqué dans la survenue ultérieure de pathologies
psychiatriques ou de troubles de l’apprentissage. Il se comporte, finalement, comme un
perturbateur des logiciels. Jusqu’à quel point ? Des données récentes trouvent des
similitudes dans le fonctionnement, voire les aptitudes cognitives de sujets qualifiés « à
haut potentiel » et d’autres individus que la psychiatrie va classer parmi les personnes
autistes ou, dans la foulée de la modélisation d’un psychiatre de la première moitié du
e
XX siècle, parmi les personnes autistes Asperger (7, 116).

Dès cette époque, les scientifiques furent surpris de la fréquence avec laquelle des
enfants surdoués (voir encadré 12) et des enfants autistes pouvaient cohabiter au sein
de la même fratrie (7, 116). Des données plus récentes rendent encore plus perplexes ;
d’un point de vue strictement clinique, on constate souvent que les enfants dits « à haut
potentiel » rencontrent des difficultés en raison – précisément – de leur quotient
intellectuel (93). Mal adaptés aux modes de pédagogie usuels, et de surcroît sujets à un
stress très important lié à leur statut (voir le prochain chapitre « M. le cerveau, pourquoi
êtes-vous stressé ? »), il n’est pas rare qu’ils rencontrent des difficultés scolaires (93). Ils
peuvent même se trouver en échec. Les psychiatres, de leur côté, leur trouvent des traits
qu’ils partagent avec des personnes autistes (36, 47, 85). Autant de similitudes, malgré
des dissemblances…
Pourquoi ne pas envisager que les mêmes causes puissent provoquer ces tableaux
qui, par bien des côtés, les distinguent de la moyenne de la population ? Certains
auteurs (8, 73) s’interrogent de plus en plus sur le sens de ces observations qui
suggèrent que, sur certains plans, les personnes surdouées disposeraient de logiciels
haut de gamme, et que pour d’autres, l’implantation se serait mal passée et en ferait
presque des « sousdoués ». L’essentiel semblant se jouer en période fœtale, il est tentant
d’envisager un rôle favorable de la candidose dans cette histoire… L’abréviation « HPI »,
finalement, pouvant alors autant désigner le « Haut Potentiel Intellectuel » que
l’hyperperméabilité intestinale.

Perturbation digestive et émotionnelle


De surcroît, cette perturbation digestive favorise souvent un passage exagéré
d’exorphines et celles-ci, rappelons-le, contribuent à un niveau d’anxiété accru (37),
pouvant favoriser l’échec et l’intégration de ces enfants. Simultanément, cette forme de
dysbiose peut rendre plus vulnérable au stress, de sorte que le tableau immunitaire et
digestif de ces patients à haut niveau intellectuel, mais plus fragiles en ce qui concerne
leur gestion des émotions, va souvent s’exprimer par le biais de symptômes
handicapants. De surcroît, sur le plan psychologique, ils vont rencontrer de grandes
difficultés d’adaptation.
Encadré 12 : Qu’est-ce que le « haut
potentiel » ?
Quand on demande à un Terrien à quoi il reconnaît un Martien, il répond à
coup sûr que celui-ci est tout vert et que, lorsqu’il s’exprime, il fait : « bbblllggrr ».
Si on pose la même question à un Martien, il pointera des particularités que lui
seul sait lire chez son comparse. Carlos Tinoco et ses collègues (117), dans un
remarquable ouvrage qui fournit une très fine analyse des données relatives aux
personnes surdouées, provenant des champs de la sociologie, de la psychologie
et de l’anthropologie, soulignent que ce qui les différencie fondamentalement des
autres est leur propre manière de se confronter à l’angoisse de mort. La
possession d’un Q. I. au-dessus de la norme ne constitue qu’une particularité
parmi d’autres, accessible à la mesure « objective ». Mais, pour de plus en plus
d’auteurs, elle ne constitue pas le point le plus évocateur de ces personnalités
(93). Ces personnes surdouées, pour reprendre une expression réductrice, se
distinguent souvent, enfants, par leur curiosité, et il n’est pas rare qu’on les
surnomme, depuis qu’ils sont tout petits, M. ou Mme « Et pourquoi ? ». La
nécessité, dans les sciences du cerveau, de mesurer, de codifier, pour mieux
appréhender les particularités psychologiques de ces patients, a d’ailleurs permis
d’en distinguer quatre catégories décrites ci-dessous. Simultanément, le recours à
des techniques de pointe telles que l’imagerie, a permis d’objectiver une activité
électrique et une richesse des processus en jeu nettement supérieurs à celles
qu’on observe chez le tout-venant (107-8). Carlos Tinoco et les coauteurs de
l’ouvrage Les Surdoués et les Autres mettent également en lumière la souffrance
fréquente que rencontrent ces sujets, confrontés à de grandes difficultés à se
fondre dans le moule de « l’histoire collective », grâce à laquelle la majorité des
individus, en faisant comme les autres, atténuent leur angoisse.

Quelles sont les quatre grandes familles de personnes surdouées que distinguent
désormais les psychiatres (116) ?
Ceux qui se sont réalisés, ayant connu le succès dans leur parcours académique ;
Ceux qui se situent au moins entre deux écarts types devant la valeur moyenne de
la population du même âge (cette donnée statistique indique tout simplement qu’ils
se situent parme les 2,5 % ayant le mieux réussi les tests d’évaluation de
l’intelligence) ;
Ceux qui démontrent un talent hors norme dans un ou plusieurs domaines ;
Enfin, les individus qui présentent de très importantes aptitudes intellectuelles
associées à un profil socioémotionnel particulier.
On voit clairement que cette classification décrit a posteriori des individus sur la base
de leur aptitude à exprimer peu ou prou, dans le champ de la société, les potentialités
dont ils disposent. En revanche, elle ne dit rien de ce qui y contribue ou pas. En outre,
on peut tout à fait penser que les divergences se jouent principalement au niveau de
leur aptitude, au cours de la vie, à dépasser le stress inhérent à leur profil, susceptible
de générer, chez eux, une grande souffrance, ou au contraire à y succomber au point,
parfois, de procrastiner (117).

Conclusion

Ce chapitre a permis de montrer que la plupart des processus permettant au


cerveau d’exprimer ses potentialités dépendent de l’harmonie existant au niveau du
microbiote. Inversement, j’y ai également développé le point suivant : la plupart des
situations psychopathologiques rencontrées sont associées à des perturbations profondes
associées à son déséquilibre. Tous les autres facteurs susceptibles d’aggraver le tableau,
hormis la pollution, en découlent. En effet, les déficits ou déséquilibres immunitaires,
l’hyperperméabilité intestinale, le stress oxydant, l’inflammation en sont autant de
manifestations. Le coup de grâce proviendra d’un stress mal géré. C’est ce que je vais
développer dans le chapitre suivant.
M. Le cerveau, pourquoi êtes-vous
stressé ?

S’il est bien un mot que chacun prononce au moins une fois dans sa journée, c’est
bien celui de « stress ». Toutefois, si on écoute nos contemporains, il n’y en a pas un qui
lui donne exactement le même sens ; pour untel, il s’agit d’un événement désagréable,
inconfortable, voire générateur de souffrance. Tel autre évoquera plutôt des
manifestations perçues au moment où cet événement est survenu : des maux de ventre,
des palpitations, des tensions, dont le souvenir reste très vif. Pour un autre encore, ce
qui lui viendra à l’esprit se situera davantage dans la sphère émotionnelle, avec une
sensation d’oppression ou d’angoisse, alors que son voisin mentionnera l’impression
d’être irrité. Enfin, pour un dernier, il sera peut-être question de nuancer « bon » et
« mauvais » stress.
Cette cacophonie prouve à quel point celui qu’on qualifie de « mal du siècle » (sans
préciser duquel il s’agit) pèse lourd dans notre monde moderne. Pour y voir plus clair,
revenons cent ans en arrière, juste à la sortie de la « der des der », comme on disait à
l’époque… Imaginons qu’un Poilu ait détaillé à un journaliste les souffrances physiques
et psychologiques endurées dans les tranchées ; ses peurs, l’insomnie, le bruit des
bombes. Il n’aurait pas parlé de « stress ». Pourquoi ? Parce que ce mot n’existait pas
encore…

L’histoire du stress

Replongeons-nous en 1936, dans un obscur laboratoire de Prague où un jeune


physiologiste, Hans Selye, conduisait une série d’expériences sur le rat (54). Le point
commun de tous ses travaux ? Il soumettait ses animaux à divers stimuli désagréables,
voire agressifs, pour observer quelle réaction cela provoquait chez ces rongeurs. Il
constata assez vite que, quelle que fût la sollicitation (un choc électrique, une agression
thermique, une situation anxiogène), l’organisme répondait toujours d’une manière
identique et non spécifique : sa réaction ne variait pas, quelles que fussent les différentes
situations expérimentales (46).
L’une des particularités les plus frappantes était une espèce d’état de léthargie, de
dépression, d’atonie, présent chez ces animaux fourbus. Très observateur, il fut frappé
de voir à quel point cela lui rappelait certains des patients humains qu’il avait vus lors
de son internat. En effet, en dépit de diagnostics parfois très éloignés les uns des autres,
tous présentaient ces signes psychologiques et émotionnels. Il pensait mettre là le doigt
sur un phénomène encore mal identifié, certainement conservé au cours de l’évolution et
favorisé par les contextes pouvant mettre l’individu en danger. Bien que critiqué au
moment de ses premiers écrits, voire dénigré par la plupart de ses confrères de l’époque,
il persévéra et publia un article dans la prestigieuse revue Nature, où il décrivit pour la
première fois ce qu’il désignait alors sous l’expression de « syndrome général
d’adaptation » (46). Il ne s’agissait pas encore de stress.

Les travaux princeps de Hans Selye


Ses écrits développaient les manifestations cliniques et biologiques observées dans
ces situations éprouvantes, communes aux animaux et aux hommes. Mais ils allaient au-
delà des signes extérieurs psychologiques découverts initialement, puisqu’ils s’appuyaient
également sur des données d’anatomie. Ainsi, l’autopsie de rats stressés avait révélé trois
particularités communes à chacun d’eux : d’abord, une hypertrophie des glandes
surrénales ; ensuite une atrophie du thymus et des ganglions. Enfin, il constatait la
présence d’une érosion gastrique. Ces éléments constituent aujourd’hui encore les bases
de la pathologie du stress chronique. Il ne proposa d’utiliser ce terme qu’en 1950, et le
créa dans le but d’associer un mot simple au phénomène qu’il avait mis en exergue. Avec
succès, puisqu’un quart de siècle plus tard, ce mot était devenu tellement familier qu’il
en vint à regretter qu’il fût galvaudé et employé de manière impropre par le grand
public (54).
Pour lui, le sens du mot « stress » était pourtant très clair. Sa définition en était
celle-ci : « Il s’agit d’une réponse neuroendocrine non spécifique du corps à des agents le
mettant en péril » (47). Il établit dans la foulée un modèle explicatif du stress, constitué
de trois étapes : la phase aiguë, initiée au moment où le phénomène débute, celle de
résistance – de durée variable –, et enfin celle d’épuisement, qu’il avait initialement
décrite dans ses premières observations (49) (voir encadré 13).
Par la suite, il décida d’enlever à cette définition l’adjectif « neuroendocrine »,
s’étant rendu compte qu’en plus de l’implication de ces phénomènes régulateurs, la
plupart des organes (notamment le système cardiovasculaire, les reins, les poumons)
réagissaient et ajustaient eux aussi leur fonctionnement aux différentes étapes de la
réponse au stress. Cela allait donc plus loin que le côté émotionnel initialement
découvert.

Du stress aux agents stressants


La notion d’« agents stressants » émergea au cœur des années 1950, utilisée pour
décrire l’ensemble des situations non spécifiques susceptibles de provoquer ces réactions.
Aujourd’hui, beaucoup de gens évoquent ces « agents stressants » en utilisant le terme
de « stress », d’où la confusion décrite en ouverture de ce chapitre. Poursuivant son
travail, et collaborant avec d’autres chercheurs – notamment dans le champ de la
psychologie (32) –, il exposa une idée essentielle : tous les stress subis n’agissent pas
avec une égale importance. « Leur impact, avançait-il, dépend fortement de la
perception du sujet et de son état émotionnel ». La primauté donnée par la suite à cette
particularité explique que, en soixante ans, le stress soit sorti du champ de la physiologie
fondamentale pour devenir l’une des pierres angulaires de la psychologie, voire de la
psychiatrie ou de l’addictologie (12, 24, 26, 40).
Logiquement, cette tentative de hiérarchisation l’amena à comprendre que certaines
situations génératrices de stress pouvaient être paradoxalement agréables, telles qu’une
demande en mariage ou l’obtention d’une médaille olympique (32). Tout se passait
comme si, finalement, en dépit de réponses biologiques identiques, le cortex parvenait à
différencier les natures différentes de ces situations et à en pondérer les répercussions
dans le second cas. Selye, pour distinguer les deux types de situations, proposa donc les
termes de « distress » pour les situations négatives et « eustress » (terme inspiré
d’euphorie) pour celles qui, au contraire, constituaient des « stress positifs » (48).
Dans son ouvrage Stress Without Distress, publié en 1974, il résume parfaitement sa
vision du problème : « ce qui est important, ce n’est pas ce qui vous arrive, mais
comment vous y réagissez ». Cette façon d’envisager le stress, près d’un demi-siècle plus
tard, reste très contemporaine. En quelque sorte, c’est le scénario mental construit à
partir d’un événement, davantage que celui-ci, qui détermine son impact sur l’individu.
Le stress s’explique-t-il par la gravité des faits vécus ?
Pour autant, divers contributeurs ont focalisé leur regard sur les événements de vie
endurés, pensant qu’ils y trouveraient la clef pour expliquer les maux psychologiques de
leurs patients. Ils n’envisageaient pas de s’attarder outre mesure sur le ressenti
particulier des individus face à ces événements. Faute d’un « stressomètre » qui
donnerait des mesures comparatives objectives, certains auteurs ont cherché à définir
des moyens objectifs de le mesurer à partir des épisodes survenus chez chacun de nous.
Ainsi, deux psychiatres, Thomas Holmes et Richard Rahe ont conçu en 1967 une
échelle destinée, indiquaient-ils, à « évaluer le niveau de stress que l’on est susceptible
de subir en fonction des événements que nous rencontrons dans notre vie » (23).
Ce duo a ainsi constitué une échelle comprenant, de son point de vue et dans le
contexte sociologique de notre civilisation, la majorité de ces événements. Ils leur ont
ensuite attribué une note en fonction de la probabilité qu’ils engendrent un stress
pouvant avoir des conséquences sur notre santé et notre bien-être (voir encadré 14).
Notons bien que le choix arbitraire des situations, d’une part, et la cotation statistique
d’autre part constituent des critères subjectifs peu critiqués par les experts qui y ont eu
recours.
En outre, l’interprétation de la grille de lecture de ce questionnaire se trouve
influencée par le référentiel de ses concepteurs. Qui peut en effet décider du caractère
plus ou moins stressant d’un divorce « dans l’absolu » ? Pourquoi encore attribuer une
cotation à 13 pour Noël et à 11 pour une contravention mineure ? Ou pourquoi enfin
considérer que la somme de 3 000 € constituerait la valeur à partir de laquelle le stress
monterait fortement, et pas à 2 800 ou 3 200 € ?
D’ailleurs l’échelle de Holmes et Rahe, selon ses auteurs eux-mêmes, ne tient pas
compte des réactions individuelles aux situations stressantes. Comme ils le soulignent,
« nous ne sommes pas tous égaux en matière de stress ». Autrement dit, bien qu’on
puisse additionner certains événements de vie défavorables et considérer que le risque
de développer des pathologies liées au stress augmente avec des scores élevés, on ne
peut pas davantage définir l’état de stress réellement ressenti par un individu donné
dans ce contexte à un moment précis. Pour les cliniciens, l’intérêt pratique d’un tel outil
reste donc très restreint.

Encadré 13 : Stress aigu, stress


chronique,
de quoi parle-t-on ?
Comme on le voit sur la figure 25, qui résume de manière schématique les
fluctuations des taux de messagers en lien avec la réponse, le processus se
déroule en trois temps, de durée variable selon le contexte et les individus, et
notamment leur statut biologique. En effet, ce dernier conditionne l’aptitude à
fabriquer les messagers mobilisés dans la réponse au stress. Il conditionne
également l’aptitude à limiter l’impact de certains agents qui influent sur l’activité
neuronale, notamment ceux d’origine microbienne ou immunitaire. Depuis Selye,
des corrélations ont été établies entre le syndrome général d’adaptation, les
réactions neuroendocriniennes, et les neuromédiateurs. Ainsi, on observe en
général une élévation de l’adrénaline en phase d’alarme, qui peu à peu se
normalise, laissant place dès la phase de résistance à une élévation du cortisol,
qui atteindra un niveau plus ou moins élevé selon la nature et le nombre
d’éléments considérés comme stressants par l’individu.
Durant toute la phase de résistance, tout se passe comme si tout allait bien,
mais on peut comparer cette situation à celle d’une poutre qui serait attaquée par
des termites, n’ayant pas encore cédé, qui se fragiliserait davantage jour après
jour. En ce qui concerne les neurotransmetteurs, même si des variations
interindividuelles existent, une tendance ressort. Dès qu’on entre dans la phase de
résistance, des signes de déficience se manifestent. Ils surviennent en partie en
raison d’un détournement accru du précurseur de la noradrénaline et de la
dopamine, la tyrosine (39), évoquée au chapitre 2. En effet, cet acide aminé subit
une dégradation plus importante, en cas de stress chronique, dans une réaction
chimique rendue plus active dans ce contexte. Ils s’observent également en raison
d’une accélération des mécanismes de synthèse et de dégradation,
renouvellement rapide que les physiologistes désignent par « turn-over ».
En ce qui concerne la sérotonine, au rôle essentiel dans la tolérance
psychologique au stress (33, 42), on note que sa libération s’accentue lors de la
première phase de résistance, ceci contribuant aux adaptations destinées à faire
face émotionnellement au contexte. Mais assez vite, pour diverses raisons
détaillées dans ce chapitre, sa disponibilité s’effondre, et cette altération va
précéder la phase d’épuisement du stress, que certains désignent encore par
« burn-out ». C’est le moment où, la poutre cédant soudainement, on se réveille
– ou non – avec des morceaux de plafond dans son lit !
Cet effondrement de l’activité des neurones sérotoninergiques favorise
l’expression de symptômes évocateurs de dépression. Mais, pour reprendre une
analogie déjà évoquée dans ce livre, l’état dépressif ou anxiodépressif relevé chez
la plupart des patients ayant atteint la phase d’épuisement peut se comparer au
pare-brise éclaté ou au parechoc cabossé de la voiture accidentée. Corriger ce
déficit sans s’intéresser aux causes qui l’ont provoqué restera peu efficace, et
surtout, cela condamnera souvent le patient à adopter un traitement
médicamenteux au long cours. Cette médication chronique paraît logique puisque,
toujours soumis au même stress, il fera régulièrement des sorties de route s’il
interrompt le protocole et devra à chaque fois conduire son véhicule au garage.

Figure 25. Dysrégulation de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et de la sécrétion des


neuromédiateurs.

Encadré 14 : Échelle de Holmes et Rahe.

Nombre
Événements vécus au cours des 12 derniers mois Valeur Vos points
de fois

Mort du conjoint 100

Divorce 73

Séparation des époux 65

63
Mort d’un parent proche
Période de prison 63

Blessure corporelle ou maladie 53

Mariage 50

Licenciement 47

Réconciliation entre époux 45

Départ à la retraite 45

Changement dans la santé d’un membre de la famille 44

Grossesse 40

Difficultés sexuelles 39

Arrivée d’un nouveau membre dans la famille 39

Changement dans l’univers du travail 39

Changement au niveau financier 38

Mort d’un ami proche 37

Changement de fonction professionnelle 36

Modification de la fréquence des scènes de ménage 35

Hypothèque ou emprunt de plus de 3.000 € 31

Saisie sur hypothèque ou sur prêt 30

Changement de responsabilité dans le travail 29

Départ du foyer d’une fille ou d’un fils 29

Difficultés avec les beaux-parents 29

Succès exceptionnel 28

Conjoint commençant ou cessant de travailler 26

Début ou fin des études 26

Changement dans les conditions de vie 25

Changement d’habitudes 24

Difficultés avec son employeur/son manager 23


Changement d’horaires ou de conditions de travail 20

Changement de domicile 20

Changement de lieu d’étude 20

Changement dans les loisirs 19

Changement dans les activités de la paroisse / de l’association 19

Changement dans les activités sociales 19

Hypothèque ou emprun de moins de 3.000 € 17

Changement dans les habitudes de sommeil 16

Changement du nombre de réunions de famille 15

Changement dans les habitudes alimentaires 15

Vacances 13

Noël 12

Infractions mineures à la loi, contraventions 11

Au moyen de cette échelle, nous pouvons, selon ses auteurs et ses


utilisateurs, faire notre propre évaluation en tenant compte des situations que nous
avons connues au cours des douze derniers mois. Ainsi, plus nous aurons
rencontré d’événements importants durant cette période, plus notre score
atteindra logiquement un niveau élevé. Il se peut même que nous vivions plusieurs
fois la même situation sur ce laps de temps, ce qui augmentera d’autant le score
obtenu. Les études menées par Holmes et Rahe démontrent que plus un individu
se trouvera exposé à différentes sources de stress au cours de l’année écoulée,
plus il présentera une probabilité élevée de développer des troubles de santé qui
leur feraient suite.
Qu’indique le barème ? Pour un score situé entre 150 et 200 points, 37 % des
patients qu’ils ont observés ont déclaré un ou plusieurs troubles graves. Pour un
résultat situé entre 200 et 300 points, ce sont 50 % des personnes qui ont évoqué
un ou plusieurs troubles graves. Enfin, pour une note supérieure à 300 points, le
pourcentage passait à 80 % des personnes étudiées
La menace intérieure

En 1984, deux psychologues américains, Richard Lazarus et Susan Folkman (31)


ont affiné le modèle de Selye en considérant que le stress résultait d’un déséquilibre
entre les exigences s’exerçant sur l’individu et les ressources disponibles pour y faire face.
Leurs travaux sur le modèle transactionnel du stress et le coping, et particulièrement
l’ouvrage Stress, Appraisal, and Coping, publié en 1984 (31), leur ont valu une
importante notoriété. Le coping désigne l’aptitude à faire face à une situation stressante.
Selon eux, il se définit comme étant « un ensemble d’efforts cognitifs
et comportementaux en perpétuel changement destinés à gérer les demandes externes
ou internes évaluées, et mettant à l’épreuve ou excédant les ressources personnelles ». Il
s’agit de ce qu’on appelle la conception « transactionnelle » du stress, où une situation
est perçue comme stressante lorsque, semblant constituer une menace, elle surpasse les
capacités d’adaptation et les ressources d’un individu, au point de mettre en danger son
bien-être.
Ce modèle suggère que, si on perçoit les situations comme étant positives, et qu’elles
semblent constituer plutôt un défi qu’un danger, et que si le sujet concerné ressent
suffisamment de confiance dans ses moyens d’y faire face, alors elles ne constitueront
plus forcément un stress. Cette nouvelle définition élargit considérablement l’angle par
lequel on regarde le stress. En effet, les exigences peuvent tout autant s’exprimer sur le
plan psychique que sur celui du soma, et les ressources renvoient aussi bien aux armes
psychologiques dont disposent un individu à un instant T qu’à ses moyens physiques,
athlétiques, la gestion du sommeil, ou encore la tolérance à l’inconfort thermique. Cette
définition permet également d’entrevoir que différentes sollicitations de natures
distinctes, à charge émotionnelle élevée, à demande énergétique importante, constituent
autant de facteurs qui s’associent pour constituer un stress général.

Mobilisation des ressources mentales


L’un des objectifs de l’approche qu’ils ont développée consiste donc à aider à
appréhender de manière objective les situations et à mobiliser positivement ses
ressources mentales. Cela reste en tout cas dans la lignée des découvertes originelles de
Selye mais, en même temps, nous offre davantage de possibilités de comprendre ce qui a
pu se jouer dans la tête de nos deux champions au moment où, contre toute attente, ils
ont craqué.
Dans un contexte de stress, plusieurs messagers voient leur taux s’élever pour
préparer la réaction de l’organisme. Il s’agit notamment de l’adrénaline, de la
noradrénaline, et surtout du cortisol, qui intervient sur la plupart des processus
physiologiques de l’organisme. Son élévation, ou au contraire sa chute, sous des valeurs
jugées « normales », traduisent la présence d’une très forte perturbation et l’existence
d’un état de décompensation de l’individu. Une telle élévation du cortisol a été décrite
dans le cas du burn-out au travail (41), mais aussi dans celui, tout à fait différent, qu’on
qualifie de « surentraînement » (43), ce terme présupposant que l’état d’épuisement
dans lequel se trouve alors l’athlète résulterait exclusivement d’une surcharge d’actitivé
physique.
Or, il en va rarement ainsi ; aux contraintes physiques d’un entraînement lourd (6)
s’ajoutent le contexte émotionnel d’un événement précis, ainsi que toute l’influence d’un
environnement parfois pesant : infections, inflammations (qui influent sur le
fonctionnement cérébral comme on l’a vu au chapitre précédent), exposition à l’altitude
(11), contraintes thermiques (36, 59, 61), jet lag (8, 28), voire d’autres encore plus
anciens comme certains traumatismes subis durant l’enfance et qui laissent un « bruit de
fond » (4) susceptible d’être amplifié dans des contextes défavorables.

Le cortisol : L’hormone du stress


Or, ces différentes situations, isolément, peuvent provoquer l’élévation marquée du
taux de celle qu’on nomme l’hormone du stress : le cortisol. La meilleure manière d’en
évaluer le statut repose sur la mesure de sa teneur dans la salive (22). On comprendra
donc que leur cumul crée un impact d’autant plus lourd. On voit ainsi sur la figure 25
dans quelle mesure l’accomplissement d’un effort en altitude simulée représente un
stress supérieur à celui rencontré lorsqu’on l’effectue au niveau de la mer (11).
La courbe du haut décrit les valeurs mesurées chez les 15 athlètes testés lors d’un
exercice effectué dans un contexte simulant une altitude supérieure à 4 000 m, alors que
celle du bas décrit ce qui se passe lorsque le même effort est réalisé au niveau de la mer.
On comprend que si l’athlète placé dans ce contexte doit gérer des situations
émotionnellement éprouvantes, il peut, à terme, ressentir un niveau de stress qui nuira à
son équilibre et une fatigue supérieure à celle qu’on s’attendrait à rencontrer dans le
contexte de l’entraînement en altitude.
Figure 25 bis. Effet de l’exposition à l’altitude sur le taux de cortisol, témoin du stress subi par l’organisme.

Encadré 15 : À quoi sert le cortisol ?


Dans le jargon scientifique, le système de réponse au stress est nommé l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien (abondamment étudié par Henri Laborit et
Hans Selye). Lorsqu’un agent stressant est identifié, une petite région du cerveau,
nommée l’« hypothalamus », libère des messagers chimiques à destination de
l’hypophyse. De là, un second messager chimique est envoyé par la circulation
sanguine à différentes glandes, et notamment aux surrénales. Comme leur nom
l’indique, ces dernières se situent juste au-dessus des reins. Le second messager
leur indique de sécréter du cortisol. Diverses situations peuvent y contribuer. Chez
le sportif, par exemple, l’élévation du taux de cortisol circulant conduit à une
mobilisation accrue des ressources énergétiques (glucides, lipides, mais
également acides aminés) (43), et à une diminution de l’inflammation.
Ces adaptations présentent une évidente utilité, en vue de la fuite ou de la
lutte. Mais l’exposition à de grandes amplitudes thermiques, la désynchronisation
des rythmes biologiques, l’exposition à l’altitude, ou évidemment un contexte
émotionnel éprouvant contribuent également à faire grimper le cortisol. Une fois
celui-ci libéré, il lui faut venir moduler l’activité d’organes sollicités pour la fuite, la
lutte ou la soumission.
Or, pour se montrer efficaces, les hormones du stress doivent se lier à des
récepteurs localisés sur les membranes, tout comme le font les
neurotransmetteurs ou les cytokines du système immunitaire, précédemment
évoqués dans cet ouvrage. Lorsque le cortisol se lie à ses récepteurs, certaines
séquences des gènes contenus dans les cellules cibles vont être traduites, ce qui
va les conduire à élaborer les protéines qui en dépendent. Que va-t-il alors se
passer ? Ces protéines possèdent souvent des rôles physiologiques précis, et
leur disponibilité accrue va permettre de modifier temporairement certaines
fonctions importantes des tissus concernés.
Du fait que la réponse au stress nécessite l’intervention simultanée d’une
multitude d’organes, on comprend qu’il existe des récepteurs au cortisol
pratiquement partout dans l’organisme, y compris dans le cerveau. Pour éviter que
le système ne s’emballe, un processus de contrôle à la fois ingénieux et efficace
va intervenir ; lorsqu’une quantité suffisante d’hormones du stress a été libérée, et
que les adaptations se déroulent de manière appropriée, une fraction du cortisol
circulant se dirige vers des récepteurs localisés sur l’hypothalamus et l’hypophyse,
et cette intervention va faire cesser la mise en jeu du système. Les physiologistes
désignent un tel système, où la molécule libérée contrôle sa propre émission, par
l’expression « boucle de rétroaction » ou « feedback négatif ».

La contribution des quatre cerveaux

Le modèle initial de Selye a bénéficié de la contribution majeure d’autres auteurs,


comme Henri Laborit (29), qui a notamment décrit les manifestations du stress (voir
encadré 17), ou plus récemment Jacques Fradin, dont le modèle des quatre cerveaux vu
précédemment dans ce livre permet de bien rendre compte des interventions distinctes
des différentes strates de notre cerveau dans ces contextes très demandeurs (18).
Comme on l’a vu, Selye a souligné au fil de ses travaux que, plus que les événements
eux-mêmes, ce sont les répercussions psychologiques et le scénario que le sujet
se construit dans son psychisme qui vont contribuer au stress. Ces différentes
contributions scientifiques, notamment celles d’un organisme canadien, le Centre
d’études sur le stress humain (CESH), ont permis de mettre en évidence les quatre
situations pouvant, isolément ou ensemble, le déclencher. Quelles sont-elles ?
D’abord, l’absence de contrôle sur une situation ou des événements : un exemple
permet de l’illustrer. Devant vous rendre à un rendez-vous décisif, vous vous
trouvez bloqué malgré vous dans un bouchon, et vous ne pouvez rien faire pour
éviter ce contretemps ;
Ensuite, le caractère imprévisible d’une situation : la vie fourmille de telles situations
et je développerai un peu plus loin des exemples qui illustrent cette cause de stress ;
Autre facteur, le caractère de nouveauté d’une situation : l’émergence d’un nouveau
virus obligeant à se confiner entre tout à fait dans le cadre de ces situations
stressantes ;
Enfin, toute situation portant atteinte à l’ego : l’impression d’être remis en question,
par exemple, crée chez certains individus un état d’urgence très proche de celui
qu’ils ressentiraient face à un prédateur.
Ces événements, comme l’indiquent les chercheurs, vont faciliter une réponse
reptilienne de stress et la sécrétion d’hormones du stress.
S’il fallait résumer cette nouvelle manière d’appréhender le stress, on pourrait donc
écrire ceci : il s’agit d’une incapacité à s’adapter à des événements possédant un
caractère de nouveauté, survenant de manière imprévisible, échappant au contrôle ou
pouvant porter préjudice à l’ego. Ce sont donc les scénarios que chacun se construit
dans sa tête, face à ces facteurs, qui peuvent peu à peu conduire à une désadaptation
progressive. Une sorte de décalage s’instaure alors entre l’appréciation extérieure que
l’observateur pose sur un fait donné et le ressenti qu’il provoque chez le sujet stressé.

Le stress chronique affecte notre perception des événements


Un contexte de stress chronique peut également influer sur la perception, a
posteriori, qu’on peut avoir de faits de vie récents ou anciens. Cette particularité s’avère
déterminante, et elle a conduit certains psychologues, comme Cohen (10), à élaborer un
questionnaire aidant à quantifier le niveau de stress cumulé perçu par un sujet. Validé il
y a près de quarante ans, ce document se désintéresse de la gravité potentielle des
événements (contrairement à Holmes) et insiste plutôt sur l’état émotionnel induit par
les faits de vie (voir encadré 16). Son utilisation pour l’accompagnement des patients
permet par exemple de juger de l’état de stress perçu par d’anciens cocaïnomanes en
cours de sevrage (25). Il peut également constituer un bon outil prédictif du risque
de chômage chez des sujets vulnérables (35) mais qui, inhibés, vivent leur stress
pathologique sans que quiconque s’en rende compte.

Encadré 16 : Le questionnaire de Cohen.


Questionnaire de stress perçu de Cohen Jamais Presque Parfois Assez Souvent
jamais souvent

1. Avez-vous été dérangé(e) par un événement


inattendu ?

2. Vous a-t-il semblé difficile de contrôler


les choses importantes de votre vie ?

3. Vous êtes- vous senti(e) nerveux(se)


ou stressé(e) ?

4. Avez-vous affronté avec succès les petits


problèmes et ennuis quotidiens ?

5. Avez-vous senti que vous faisiez face


efficacement aux changements importants qui
survenaient dans votre vie ?

6. Vous êtes vous senti(e) confiant(e) à prendre en


main vos problèmes personnels ?

7. Avez-vous senti que les choses allaient comme


vous le vouliez ?

8. Avez-vous pensé que vous ne pouviez pas


assumer toutes les choses que vous deviez
faire ?

9. Avez-vous été capable de maîtriser votre


énervement ?

10. Avez-vous senti que vous dominiez


la situatton ?

11. Vous êtes vous senti(e) irrité(e) parce que les


événements échappaient à votre contrôle ?

12. Vous êtes-vous surpris(e) à penser à des


choses que vous deviez mener à bien ?

13. Avez-vous été capable de contrôler la façon


dont vous passiez votre temps ?

14. Avez-vous trouvé que les difficultés


s’accumulaient à un tel point que vous ne pouviez
les contrôler ?

Comment comprendre le sens des questions posées ? L’appréciation qu’on


pourrait porter a posteriori sur les événements nous paraît objective et
indépendante du contexte émotionnel. Ainsi, la question 2 interroge sur le fait qu’il
ait pu paraître difficile de contrôler les choses importantes de la vie. Imaginons
qu’un sujet stressé réponde « Souvent ». Il pense sans doute que si on lui repose
la même question trois mois plus tard, sa réponse ne variera pas. Or, s’il parvient
à mettre en œuvre des moyens aidant à atténuer le niveau de stress ressenti, il ne
fournira pas la même réponse lors du second entretien. Ainsi, les appréciations
portées par un individu à un instant T renseignent-elles sur le niveau atteint par le
« stressomètre » personnel et permettent-elles de juger des effets éventuels des
stratégies d’accompagnement mises en œuvre.

Quelles parties du cerveau interviennent-elles lors


d’une situation génératrice de stress ?

Le plus souvent, le stress constitue une manifestation reptilienne, provoquée par


l’intervention inadéquate et majoritaire du territoire limbique ou paléolimbique, sans que
notre territoire préfrontal n’ait pu donner son avis. Voyons cela. Nous avons vu
précédemment dans cet ouvrage que le cerveau reptilien, le plus archaïque et le plus
ancien d’un point de vue évolutionniste, assurait les instincts primaires et la survie
individuelle face à l’environnement. Il perçoit notamment les signaux de menace, et il est
responsable des états de stress, bien décrits par Henri Laborit. Ils sont stéréotypés et
présentent une grande utilité sur le plan évolutif, puisqu’ils permettent de nous protéger
face à la menace, comme je l’évoque dans l’encadré 16.
Théoriquement, ils devraient s’estomper une fois que la menace a disparu. Or, il en
va rarement ainsi, car la réponse instantanée mise en jeu par la structure limbique dans
une situation de danger peut se voir déjugée, à un moment donné, par l’analyse que
conduira le cortex préfrontal. C’est l’existence de cette contradiction qui alerte le
reptilien et fait le lit de la sensation de stress. Pour le comprendre, nous allons décrire
chronologiquement comment les différents territoires interviennent dans ce contexte
(pour plus de détails, consulter L’Intelligence du stress de Jacques Fradin) (18).

Le cerveau paléolimbique participe-t-il au stress ?


Le paléolimbique assure la survie collective et l’organise. C’est l’intervention de ce
territoire qui, dans les temps reculés, autorisait un chef à décider de faire passer la tribu
à tel endroit plutôt qu’à tel autre. Du fait que ce territoire reconnaît une hiérarchie très
marquée, personne dans le groupe ne remettrait en cause son choix, au risque de mettre
en péril les autres membres du groupe. Son système hiérarchique est très simple : il
applique la loi du plus fort. Les tribus primitives se sont organisées selon ce modèle
avantageux.
En effet, cela permet de limiter les conflits entre les personnes et de restreindre les
luttes de pouvoir qui pourraient diviser le groupe, ce qui le rendrait plus vulnérable face
à un ennemi. Si cette partie du cerveau s’est montrée très utile au fil de l’évolution, elle
paraît bien moins adaptée à nos sociétés modernes. En effet, elle gère de manière
coercitive la confiance que nous avons en nous, et celle que nous accordons aux autres.
Notre culture qui se veut cartésienne et civilisée tend à ignorer l’existence de ce territoire
paléolimbique. Il demeure pourtant très présent dans bon nombre de situations : au
travail, en politique, dans la famille et les sociétés patriarcales par exemple.

Le cerveau limbique : le premier à parler !


Le cerveau limbique, quant à lui, exerce un rôle privilégié dans le contexte du
stress. En effet, il va gérer l’intégration de l’individu à son environnement. Il emmagasine
tous les apprentissages, les conditionnements, les valeurs, les aversions. Il fonctionne de
manière automatique (quand vous faites du vélo, quand vous mangez ou quand vous
conduisez, vous ne pensez pas aux centaines de gestes que vous coordonnez sans vous
en rendre compte).
Il peut se comparer à une boîte à solutions très pratique, facile d’emploi et à
intervention quasiment instantanée, d’où son implication privilégiée dans un contexte de
danger qui nécessiterait une réaction immédiate ; son mode de fonctionnement se
rapproche de celui d’un ordinateur, c’est-à-dire qu’il adopte un mode binaire, peu
nuancé ; ainsi, lorsque le limbique domine, comme sous l’emprise d’une émotion, notre
discours se caractérise par des mots-clefs tels que « souvent », « jamais », « tous »,
« aucun », etc. Il présente en revanche un réel point faible ; il ne possède pas l’aptitude
à trouver des solutions efficaces devant une situation nouvelle ou complexe. Le limbique
va se trouver lié à la majorité des comportements, des pensées, des émotions inadaptées,
secondaires aux nombreuses sources de stress quotidiennes.

Le cortex préfrontal prend du recul


En cela, il se différencie du territoire préfrontal, grand spécialiste de la gestion du
complexe et de l’inconnu. Contrairement au précédent, qui fonctionne de manière
automatique et rapide, lui intervient sur un mode adaptatif mais à une vitesse moindre,
et pas toujours appropriée lorsqu’on se trouve dans des situations d’urgence telles qu’on
les rencontre en cas de stress. Pour cette raison, dans ce contexte-là, il apparaît en
compétition avec le territoire limbique. Comme on vient de le voir, ce dernier, plus vif,
interviendra prioritairement pour trouver une solution rapide.
Bien qu’intelligent, ce cortex préfrontal présente un défaut paradoxal : il travaille
sans que nous en soyons conscients (18, 29). Il intervient souvent de manière
autonome ; son fonctionnement optimal requiert une indispensable prise de recul sur les
événements et les informations à traiter. Son aptitude à analyser avec une certaine
latence et de la distance peut lui permettre de déceler a posteriori certains mauvais
choix, pris dans l’urgence par le limbique dans certaines situations génératrices de stress.
Il va alors chercher un curieux allié pour signifier que le territoire limbique nous impose
des solutions inadaptées. De qui s’agit-il ?

Le cerveau reptilien
Du cerveau reptilien. Ce dernier va déclencher un signal d’alerte, qui donnera lieu à
des émotions ou des comportements caractéristiques : anxiété, colère, peur, inquiétude,
agressivité. Ils témoigneront de notre stress à ce moment-là. C’est donc un travail
d’équipe complexe qui participe à la gestion de situations potentiellement menaçantes,
et l’état d’alerte apparaîtra d’autant plus que les ressources de l’individu seront limitées
et les perturbations importantes.

Les situations favorables peuvent provoquer un stress


délétère

La caractérisation des quatre situations à l’origine du stress, à savoir la nouveauté,


l’imprévisibilité, l’absence de contrôle et l’atteinte à l’ego, permet de comprendre que
certains états d’inconfort ou d’authentique souffrance psychologique rencontrés dans le
sport de haut niveau ne correspondent pas forcément à des épisodes douloureux. En ce
sens, ce constat étaye la vision pertinente que Selye en avait dès 1974 (48). Rappelons
qu’il écrivait que « ce qui est important, ce n’est pas ce qui vous arrive, mais comment
vous y réagissez ».
Voyons cela de manière plus concrète. Imaginons le cas d’un modeste joueur de
tennis professionnel, classé 450e au niveau mondial, doté d’une bonne technique, mais
que les observateurs du circuit qualifient de « friable » mentalement. Lors du premier
tour d’un tournoi du Grand Chelem, il doit affronter Roger Federer. Contre toute
attente, sortant le meilleur jeu de sa vie, il mène à l’issue de la première manche.
Donnant du fil à retordre à son prestigieux adversaire, il semble bien parti pour créer la
surprise de la journée. Mais soudain, il craque, envoie la majorité de ses premières balles
de service dans le filet… et finit par perdre deux sets à un.
Que s’est-il donc passé ? Le stress. Mais encore ? Mener face à un joueur illustre qui
l’avait jusque-là toujours dominé, cela revêt pour lui un caractère de nouveauté. Il avait
préparé mentalement la rencontre, décidé à offrir une belle résistance… mais n’avait pas
imaginé pouvoir s’imposer. Ceci, au moment où il mène au score, constitue une situation
imprévisible. Que lui réservait la suite ? Irait-il jusqu’à gagner ? La situation commençait
à échapper à son contrôle. Rien ne dit qu’il ne se demanderait pas de surcroît s’il était
digne de battre cette légende de la petite balle jaune. Son ego se trouverait donc mis à
mal. De fait, les quatre conditions se trouvaient réunies pour succomber au stress… et
c’est ce qu’il advint ! Considérons à nouveau ces quatre types de situations et posons-
nous la question suivante : n’y en avait-il pas un certain nombre qui se trouvaient
également réunis chez la championne évoquée en ouverture de cet ouvrage, au moment
où elle est montée précipitamment dans l’avion à destination de la France ?

Encadré 17 : Fuite, lutte ou inhibition,


les manifestations du stress.
Face à une menace, l’organisme de l’homme, comme celui de l’animal, a
conservé trois types de réponses acquises au cours de l’évolution. Ce sont les
travaux de Henri Laborit (1914-1995), médecin chirurgien et neurobiologiste, qui
ont permis de les caractériser. Ces trois programmes distincts peuvent se
succéder en fonction des événements, et notamment du succès ou de l’échec du
précédent pour éloigner le danger perçu. Il s’agit des états que Laborit nommait
ceux de « fuite », de « lutte » ou enfin d’« inhibition ». Chez l’animal n’ayant pas
encore vécu de stress, l’enchaînement se déroule toujours dans l’ordre énoncé.
Un exemple l’illustre : celui de la chasse à courre. Dans un premier temps,
l’animal, sentant et entendant le danger, fuit à toutes jambes. Rattrapé puis cerné
par la meute, il se retourne, fait front et combat. Enfin, conscient de son
impuissance, il se soumet. Le cheval sauvage, lors du rodéo, connaît la même
succession de réactions. Face à des situations lui faisant redouter un danger, que
ce soit sur le plan psychologique ou physique, l’homme va lui aussi employer l’un
de ces trois programmes. Mais cela se fera dans un ordre propre à chacun, sans
doute sous l’influence de l’éducation et de son vécu antérieur. Un coup de tête
donné à un adversaire en fin de match constitue indéniablement une manifestation
de lutte, de la part d’un joueur dont le stress semble alors dépasser ses capacités
d’adaptation du moment. L’homme confronté à un stress chronique peut
également rencontrer des états d’anxiété, d’agressivité défensive ou de
découragement que nous pouvons identifier à ces trois états instinctifs. Laborit
(29), puis Jacques Fradin (18) après lui, ont nommé ces trois situations les « états
d’urgence de l’instinct ».

Voyons comment ils entrent en jeu dans d’autres circonstances. Imaginons


l’intrusion impromptue d’un djihadiste armé d’une kalachnikov dans une rame de TGV ;
en l’apercevant, certains vont chercher à s’échapper, faisant fi des autres voyageurs
auxquels, dans un tel contexte, il leur est impossible de penser. D’autres, saisis de
surprise et comme sidérés, restent cois sur leur siège et vont subir une rafale qui ne leur
laissera aucune chance. Enfin, un dernier choisira, sans réfléchir un seul instant, de se
retourner contre l’agresseur, au risque de se faire tuer durant le combat ou, au
contraire, de le désarmer et d’être ensuite traité en héros.

Une bonne gestion du stress doit impliquer le « préfrontal »


Ces états d’urgence de l’instinct ne s’éduquent pas, ne se choisissent pas et se
préparent encore moins. Pour cette raison, l’objectif d’un accompagnement individuel
optimal consistera à atténuer le niveau de stress perçu dans certaines circonstances, de
manière à réagir non pas en mode d’urgence, comme dans l’exemple choisi, mais en
pleine possession des moyens de son cortex préfrontal.

Encadré 18 : Le COVID-19, un facteur


de stress généralisé !
L’actualité nous offre son lot quotidien de situations mettant en scène les
facteurs pouvant potentiellement déclencher un stress. Un virus inconnu venant
d’un pays lointain arrive sur notre territoire et prend de court les responsables
politiques, mettant à mal notre système de santé. Il s’agit d’une situation nouvelle,
imprévisible et non anticipée. De plus, malgré les mesures développées, la
pandémie se propage, de sorte que le phénomène commence à échapper au
contrôle. Le dirigeant sera-t-il celui par lequel une catastrophe sanitaire annoncée
par les augures statisticiens arrivera, ou au contraire celui qui, par excès de
prudence, provoquera la faillite de son pays ? L’ego peut donc, à son tour, se
trouver touché. Dans ce contexte, le stress peut monter, au point de laisser le
cerveau limbique intervenir, en proposant une solution toute faite dans sa boîte à
outils.
Le stress revêt un caractère d’autant plus important que notre société,
comme le décrit remarquablement François Sureau dans Sans la liberté (53),
s’établit sur un mythe, celui d’un monde où rien n’aurait le droit de nous arriver.
Cet épisode met à mal cette croyance collective et, au sein de la population,
éveille un très fort besoin d’être protégé par une toute-puissance rassurante. Or,
comme le souligne cet auteur, plus on souhaite bénéficier de cette protection, et
plus on accepte de voir rogner nos libertés, la sévérité des mesures exerçant,
pour un temps, un effet anxiolytique collectif.
Le discours limbique, voire paléolimbique, adopté en cette circonstance par
les dirigeants qui évoquent l’allégorie de la guerre – ce qui a dû surprendre
quelques réfugiés libanais installés en France et ayant grandi sous les bombes –,
et l’union sacrée, écarte toute velléité d’emprunter, pour traverser la rivière, un
autre chemin que celui dont le chef garantit qu’il nous aidera à passer sans nous
noyer… et peu importe qu’un sorcier de la tribu des Marseillais ait proposé de
bâtir un pont et de traverser à sec.
Les va-et-vient permanents, comme l’a illustré la question des masques,
conduit le cerveau préfrontal, peu à peu, à s’interroger sur la cohérence des
propositions mises en œuvre, ce qui fait progressivement monter le stress et
donne la parole au reptilien… qui va ouvrir la porte vers la lutte ! Dans quelque
temps, le regard distancié que les anthropologues et les sociologues porteront sur
cet épisode ne sera pas forcément très flatteur pour nos contemporains.
Le stress : approche systémique

Les éléments développés jusqu’à maintenant dans ce chapitre font état des
connaissances actuelles, qui situent le cerveau au cœur de la problématique de la
gestion du stress. Or, en dépit de l’évolution des outils utilisés pour accompagner les
individus confrontés à de telles situations et des retombées des expériences fondées sur
l’imagerie cérébrale ou l’épigénétique, une question demeure pourtant en suspens. Il
s’agit de celle des différences interindividuelles et des capacités inégales, d’un sujet à
l’autre, voire chez un même individu à des moments différents de sa vie, à s’adapter.
Pour aborder ce point délicat, je vais m’avancer dans deux domaines qui peuvent nous
aider à trouver des éléments de réponse.

Nutrition et stress : Quel lien ?


Le premier concerne les aspects nutritionnels, très fluctuants d’un sujet à l’autre, et
parfois suffisamment altérés pour que certains individus en pâtissent. Ces fluctuations
s’expliquent par des choix alimentaires variables, allant du plus sain au pire qu’on puisse
concevoir, avec dans ce dernier cas des repas de junk-food particulièrement néfastes.
C’est pour cette raison que les experts de la santé publique s’acharnent à faire changer
malgré eux les plus récalcitrants, les adeptes de la restauration rapide, mais souvent en
vain. En effet, rappelons-nous que le déterminisme du comportement alimentaire
dépend en partie de l’état du microbiote et que, de ce fait, nous ne sommes pas des
libres mangeurs.

Microbiote et stress
Le second domaine concerne l’influence du monde bactérien intestinal, du système
immunitaire et des agents infectieux sur le fonctionnement du cerveau. On a vu
précédemment que ceux-ci, et en particulier la survenue d’épisodes infectieux en tout
début de vie, pouvaient influer sur l’embryogenèse du cerveau. En conséquence, ils
pourraient également altérer l’intervention de certaines voies essentielles au bon
contrôle du stress (1, 63). Cela constituerait une sorte de vulnérabilité innée, qui
s’exprimerait au décours d’événements très pesants. Par ailleurs, des infections récentes,
voire contemporaines, des contextes stressants peuvent, en interagissant avec les
récepteurs neuronaux, entraver le déroulement des processus impliqués dans le coping.
Ces perturbations seraient, de plus, largement conditionnées par l’existence d’une
dysbiose. Ce qu’on va découvrir dans ce paragraphe, c’est que le stress lui-même peut
exacerber les déséquilibres immunitaires, agresser la muqueuse intestinale et aggraver la
dysbiose (62). De ce fait, un cercle vicieux peut s’instaurer, auquel participent des
acteurs que le monde de la psychiatrie ou de la psychologie peine à prendre en compte
(voir figure 25). Voyons tout cela plus précisément…

Figure 26. Le cercle vicieux du stress, de la dysbiose et de l’hyperperméabilité intestinale.

Le cercle vicieux du stress et de la dysbiose

De récents travaux ont démontré que le stress peut favoriser la dysbiose, à la fois en
modifiant les proportions de différentes familles bactériennes (15) et en créant un
contexte pro-inflammatoire (62). Dans ce climat, les jonctions serrées des entérocytes
subissent des dommages et ceci favorise un phénomène d’hyperperméabilité intestinale.
De plus, par l’intermédiaire de mécanismes déjà décrits au chapitre 2, ce stress
chronique influe sur le métabolisme des neurotransmetteurs. Il diminue la synthèse de
sérotonine et de dopamine, ce qui accentue les symptômes émotionnels et
comportementaux liés au stress (7) : irritabilité, agressivité, baisse de motivation, fatigue
morale, difficulté à supporter les contraintes… seront autant de manifestations qui
apparaîtront alors.
Cette hyperperméabilité intestinale favorisera en outre le passage d’exorphines (13),
qui vont accentuer le risque d’anxiété tout comme la chute de la synthèse du GABA
observée dans l’intestin (62). La conjonction de l’ensemble de ces facteurs va en retour
accentuer la vulnérabilité au stress alors que, dans le contexte de l’hyperperméabilité
intestinale, l’arrivée des endotoxines et leur liaison à des récepteurs cellulaires vont
amplifier l’hyperperméabilité intestinale et l’inflammation qui l’accompagne (64). On
conçoit donc qu’un authentique cercle vicieux s’installe… qui va à terme affecter les
capacités d’adaptation du sujet !
Les effets du stress ne se limitent pas à l’intervention du cortisol
Jusqu’à maintenant, on a attribué l’essentiel des effets liés au stress à l’intervention
du cortisol. Certes, les répercussions de sa mobilisation excessive s’exercent de multiples
plans, notamment au niveau cognitif, émotionnel ou immunitaire. En effet, le cortisol
réprime fortement la réponse immunitaire (10, 17, 37). Mais un autre acteur moins
connu intervient également dans ce contexte, en particulier au niveau de la muqueuse
intestinale. Il s’agit du messager provenant de l’hypothalamus : le CRF (abréviation de
« Cortisol Releasing Factor », littéralement, « facteur de libération du cortisol »)! Son
influence a fait l’objet de publications qui confirment que, outre son aptitude à déprimer
– lui aussi – la réponse immunitaire, il pouvait agresser la muqueuse intestinale (55-65).
Un stress chronique va donc favoriser un passage permanent d’éléments provenant de
l’intestin, qu’il s’agisse d’exorphines ou d’endotoxines, évoqués au chapitre précédent.

Addiction, stress et anxiété : Un continuum ?


De récentes données décrivent la présence beaucoup plus fréquente de terrains
anxieux ou dépressifs chez les sujets alcoolodépendants (3, 23, 26), dépendants à la
cocaïne (40), ainsi que chez les patients présentant ou ayant connu des troubles du
comportement alimentaire (45). La vision classique de ce problème tendrait à décrire ces
états anxieux comme ayant pu favoriser le recours à l’alcool ou à d’autres toxiques pour
soulager cette anxiété, ou inversement à considérer que l’addiction, et les épisodes de
manque qui peuvent survenir en cas de privation du produit – comme lors d’un
confinement – majoreraient les terrains anxieux ou le passage d’un produit à l’autre lors
des tentatives de désintoxication (5, 30, 40). Une question similaire se pose dans le cas
des troubles du comportement alimentaire : sont-ils réactionnels à l’anxiété, ou au
contraire celle-ci en constitue-t-elle une conséquence ? La question se pose avec d’autant
plus d’acuité que l’anxiété semble s’accentuer lors de la phase de réalimentation (27). Et
si aucune de ces hypothèses n’était correcte ?
Les données actuelles, développées dans le chapitre précédent, indiquent que les
déséquilibres de l’écosystème intestinal et l’hyperperméabilité intestinale qui s’ensuit
souvent, peuvent compter comme conséquences à la fois l’expression d’un fond
d’anxiété, de tendances dépressives mais aussi, simultanément, selon la présence
éventuelle d’autres facteurs impliqués dans leur survenue, d’authentiques problèmes
d’addiction ou de troubles du comportement alimentaire. Autrement dit, troubles de
l’humeur et problématiques comportementales se présentent comme des conséquences
de soucis immunitaires et intestinaux dans un contexte transgénérationnel. Finalement,
tous ces troubles peuvent être perçus, en 2020, comme des symptômes d’un mal plus
profond. La figure 27 résume de manière schématique ma vision de cette situation.

Figure 27. Stress, dysbiose, addition et anorexie, le cercle vicieux !

Où se trouve l’origine du stress d’une personne à haut


potentiel ?

Sans vouloir trop déformer le fruit du remarquable travail de Carlos Tinoco et de


ses collègues (57), le point fondamental qui différencierait les personnes « à haut
potentiel » (estimées représenter 2 % de la population générale) (20, 58), et le reste de
la population, ce serait leur manière particulière d’aborder l’angoisse de la mort (57).

Une gestion différente de l’angoisse de mort


Pour la majorité des individus, la capacité à l’affronter repose sur l’aptitude à
adopter un comportement commun à la majorité de la population, à adhérer à une
histoire collective, à des symboles, des valeurs qui ont un effet rassurant. Les personnes
à haut potentiel, au contraire, semblent porteuses d’une tension intérieure très forte.
Elle résulterait de la nécessité viscérale, pour eux, de réaliser un projet qui leur
survivrait, comme un artiste ou un auteur, et c’est uniquement l’atteinte de cet objectif,
seule susceptible de les aider à gérer leur angoisse de mort, qui produirait l’apaisement.
Cette attente s’accompagne d’un très haut niveau d’exigence, élément
caractéristique de la majorité de ces individus (21). Cela crée le contexte parfait pour
l’émergence d’un état de stress et de difficultés relationnelles, que les psychiatres et les
psychologues relèvent régulièrement chez eux (2, 20, 58). Les tests validés permettant
d e quantifier l’anxiété montrent souvent, en ce qui les concerne, un niveau de
perturbation largement supérieur à celui rencontré dans le reste de la population ;
certains chiffres signalent ainsi que plus de 40 % de ces enfants souffriraient de troubles
anxieux (58), et on imagine que cela ne s’arrange pas lorsqu’ils atteignent l’âge adulte.
La dépression semble également plus fréquente, parfois combinée à des problèmes
d’hyperactivité. Comment comprendre cette situation ?

Estime de soi perturbée


Ces enfants et adolescents présentent généralement des cursus scolaires réussis, ce
qui n’empêche pas que, fréquemment, ils doivent affronter d’importants soucis d’estime
d’eux-mêmes. Or, plus cette particularité s’exprime, et plus l’état anxieux augmente, et
ce indépendamment de la valeur scolaire objective (2, 16). Tout se passe comme si leur
état émotionnel n’était pas influencé par la réalité. Que se passe-t-il donc ?
Leurs particularités cognitives et émotionnelles, dont j’ai émis l’hypothèse au
chapitre précédent qu’elles découlaient en partie d’une dysbiose « favorable », en font
des stressés potentiels. Pourquoi ? Principalement parce que leur volonté de se réaliser
et leur niveau d’exigence les confrontent facilement à l’imprévisibilité des règles de vie
plus terre à terre, à l’absence de contrôle sur les événements (notamment sur ce qui va
résulter de leur travail et plus encore de celui des autres) et d’une atteinte à l’ego très
prononcée : ce qu’ils produisent, à leurs yeux, s’avère souvent insuffisant, alors même
que leur entourage, leurs parents, leurs enseignants trouvent leur travail très
satisfaisant. L’anticipation de situations incontrôlables ou imprévisibles (ils regardent
souvent plus loin que les autres avant les autres) peut faire monter leur anxiété ou
déclencher un état dépressif d’autant plus plausible que leurs proches ne comprennent
pas le scénario qu’ils ont échafaudé dans leur tête.

Perception de la différence et stress


Une autre source de stress peut exister chez eux, en lien avec la perception que la
plupart des gens auront d’eux. La présence d’une personne surdouée dans une famille
peut en effet constituer une situation nouvelle, imprévisible (« Qu’est-ce qu’il va encore
nous faire ? »), qui échappe au contrôle et peut même affecter l’ego (« C’est quoi ce
gosse qui s’intéresse à l’astronomie plutôt qu’au foot ? »). Il s’ensuit une forme de stress,
chez les proches, qui va influer sur la dynamique relationnelle ; en effet, tantôt la fuite,
tantôt l’inhibition (l’absence de la moindre référence par leur entourage à ce qu’ils
peuvent avoir réussi), tantôt la lutte vont jalonner leur parcours relationnel. Ces
comportements imprévisibles et souvent blessants vont accentuer leur vulnérabilité
émotionnelle, provoquant un cercle vicieux générateur de souffrance et d’isolement.

Stress chronique et pathologies neurodégénératives

La présence d’un stress chronique supérieur à la normale s’accompagne d’une


sécrétion excessive de cortisol. Mais d’autres molécules voient, elles aussi, leur taux
s’élever dans ce contexte : radicaux libres, messagers de l’inflammation, cytokines… et
ces différents agents vont influencer des mécanismes biologiques au cœur des neurones,
modifier l’architecture de certaines protéines et déclencher la destruction de certaines
cellules du cerveau (34, 38). Aujourd’hui, les neurologues s’accordent à considérer
qu’un stress pathologique subi pendant de longues années constitue un facteur de risque
majeur de déclenchement de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies
neurodégénératives, et ce d’autant plus que des perturbations immunitaires surviennent
simultanément.
Si on porte un regard beaucoup plus global sur la situation, on comprend donc que
les processus immuno-inflammatoires et oxydatifs qui contribuent à l’atteinte des
neurones peuvent principalement résulter de deux phénomènes (19) : les perturbations
immunitaires et le stress, sachant que ces deux facteurs peuvent eux-mêmes résulter
d’une dysbiose (51), de sorte que chacun de ces trois processus renforce les deux autres
(voir figure 28).

Le processus lésionnel en jeu dans ces pathologies


Il s’ensuit une production très importante de molécules réactives ; les radicaux libres
et ces derniers, par leur réactivité hors norme, vont déclencher l’accélération parfois
spectaculaire de ces maladies (14). Les atteintes subies vont endommager des structures
cérébrales potentiellement impliquées dans le contrôle du stress, de sorte que plus la
pathologie va s’aggraver, plus les anomalies biologiques qui l’accompagnent vont
flamber (60), et moins le stress pourra être contrôlé. On comprend donc à quel point il
est important de pouvoir évaluer celui-ci, d’en comprendre l’origine, d’en identifier
d’éventuels facteurs aggravants (notamment d’origine digestive ou immunitaire) et de
corriger la situation avant qu’elle ne se chronicise et constitue le début d’un processus
lésionnel et dégénératif. Le dernier chapitre développera les moyens à mettre en œuvre.
Figure 28 Le cercle vicieux du stress, de la dysbiose et des maladies neurodégénératives.

Chacun des intervenants de ce système contribue à aggraver les deux autres. En


effet, la dysbiose augmente le stress, en entravant la disponibilité de certains
neurotransmetteurs qui permettraient d’assurer le coping, alors que le stress, en
modifiant l’écosystème intestinal et en favorisant l’agression des jonctions serrées,
aggrave la dysbiose. Cette dernière contribue à une présence plus fréquente de
perturbations immunitaires, lesquelles vont directement participer aux maladies
neurodégénératives. Celles-ci sont associées à un stress oxydatif pathologique, et ce
dernier va aggraver la dysbiose (62). Enfin, les maladies neurodégénératives, qui se
caractérisent par la perte progressive de fonctions importantes et d’atteintes lésionnelles,
rendent moins aptes à gérer les situations génératrices de stress.

Encadré 19 : Stress, dopage


et délinquance.
Lorsque le stress est devenu chronique et que la disponibilité en sérotonine
commence à chuter, certains traits et comportements menacent alors de flamber :
irritabilité, difficulté à supporter les contraintes, sentiment d’être incompris,
agressivité, vulnérabilité au stress. Dans un tel contexte, l’irrationnel prévaut et le
stress monte en flèche. Pour peu qu’il s’exprime plutôt par des manifestations de
lutte, on peut tout à fait émettre l’hypothèse que le manque de sérotonine puisse
faire le lit de comportements asociaux, dans la rue, au volant, sur les terrains de
sport, au travail ou encore sur les bancs de l’école.
Dans un ouvrage précédent (44), dans un article intitulé « Nutrition et
délinquance », j’ai fait référence à une vieille étude britannique qui avait démontré
que, en complémentant en vitamines, minéraux et antioxydants la moitié d’un
groupe de détenus, on voyait le nombre d’actes de violence commis dans
l’établissement chuter de manière spectaculaire en seulement trois semaines !
Comparativement, ceux qui avaient reçu un placebo à leur insu n’avaient pas
vu leur violence décroître. Cet apport en micronutriment avait, chez les premiers,
partiellement restauré des statuts biologiques préalablement déficitaires. Avant
cette intervention, leurs déficits influaient sur les fonctions cérébrales et plus
particulièrement sur les voies neuronales chargées de maîtriser le stress. Les
auteurs de ce travail, s’aventurant sur le terrain de la sociologie et du droit,
posaient en conclusion de leur travail la question de la notion de la responsabilité,
puisque, notaient-ils en substance, « si un acte est déterminé par des éléments
dont on n’a pas conscience et indépendants de la volonté, dans quelle mesure
l’individu est-il pleinement maître de ce qu’il fait ? »

Le dopage est-il une forme de stress en mode de fuite ?


On peut élargir cette réflexion aux problématiques de dopage. Or, le milieu du sport
de haut niveau, combinant contraintes physiques, psychologiques, thermiques, etc.,
expose de jeunes gens à son lot d’imprévisions, recèle des situations qui échappent au
contrôle et porte en permanence atteinte à l’ego, notamment dans certaines disciplines
où l’on passe l’essentiel du temps à ne pas gagner (comme dans le cyclisme). Ce stress
peut favoriser l’intervention du limbique, qui va chercher, comme on l’a vu
précédemment, une solution toute simple dans sa boîte à outils. La tentation du recours
au dopage peut alors émerger, a fortiori si un individu doté d’un profil dominant et
détenteur d’un discours rassurant vient le proposer à l’athlète fragilisé. Cette
responsabilité de la culture du stress, inhérente au sport de haut niveau est, à mon sens,
trop peu considérée lorsqu’il s’agit d’entreprendre une prévention efficace à l’encontre
des conduites déviantes. On peut même se demander si, paradoxalement, un discours
trop ferme, adressé à un jeune se trouvant confronté à un stress pathologique en mode
de « fuite », n’exercerait pas sur celui-ci un effet inverse à celui recherché…
Pour résumer, ce chapitre explique ce en quoi consiste le stress, en décrit les
origines, les mécanismes, les facteurs aggravants, les manifestations, et met en
perspective le cercle vicieux stress-dysbiose-souffrance intestinale. Le contrôle du stress
repose sur l’intervention de certains acteurs nutritionnels, et se trouve sous l’influence
permanente de notre écosystème intestinal et de notre système immunitaire. Le chapitre
suivant va développer dans quelle mesure la pratique régulière d’une activité sportive
peut redistribuer les cartes. Elle peut en effet progressivement fragiliser n’importe quel
individu qui s’y trouve exposé de manière chronique, y compris s’il s’agit de champions
préalablement dotés d’un mental d’acier. Le sport de haut niveau peut en effet
constituer un modèle expérimental unique, décrivant comment on peut rendre malade
un individu initialement en parfaite santé !
M. Le cerveau, le sport vous fait-il
du bien ?

Les messages de santé qui s’adressent au public se distinguent très souvent par leur
caractère impératif et, invariablement, il s’agit d’injonctions qui sont formulées de
manière quasi automatique, au point qu’on puisse en oublier le sens. Un exemple
typique, mille fois survenu lors de consultations, vient illustrer cette assertion.
Récemment, l’un de mes patients me racontait sa dernière visite chez son cardiologue.
Les yeux rivés à son dernier bilan sanguin, et la moue dubitative, celui-ci lui lâcha en
détachant chaque syllabe : « Monsieur Dupont, je n’aurai qu’une recommandation à
vous faire : il faut surveiller votre alimentation. » Le dernier mot étant prononcé en
plongeant ses yeux noirs dans ceux du quinquagénaire légèrement rond qui était assis
face à lui. Sans se démonter, ce dernier lui répondit posément : « Ça tombe bien, je viens
d’acheter un fusil pour la chasse. Je vais m’en servir pour monter la garde autour du
frigo et m’assurer qu’aucun gibier ne s’en échappe ! »
Le sport n’apparaît guère épargné par ce genre de phrases toutes faites. Ainsi n’est-
il pas rare d’entendre certains affirmer crânement : « Faites du sport, c’est bon pour la
santé physique et mentale. » Or, les mêmes, lorsque leurs enfants entament des études
très exigeantes, se montrent les premiers à leur demander de consacrer moins de temps
à l’activité physique, de manière à mieux réussir dans leur travail. Comprendra qui
pourra… Alors, qu’en est-il vraiment de la relation complexe existant entre le cerveau et
l’activité physique ? S’applique-t-elle uniformément à tous, quelles que soient les
modalités de pratique, la discipline, la santé ou l’âge de l’individu ? Loin de laisser le
cerveau limbique trancher la question en apportant une réponse simpliste et universelle,
demandons plutôt au cortex préfrontal d’analyser les données complexes – et parfois
contradictoires – qui concernent ce sujet…
Une relation ambiguë

Si l’on demande à un ancien boxeur professionnel s’il pense que la pratique de son
sport a profité à la santé de son cerveau, il se peut qu’il ne puisse pas vous répondre, car
trop atteint par une maladie neurodégénérative, ou péniblement en raison d’une forte
diminution de ses facultés (comme Mohamed Ali à la fin de sa vie). Il considèrera sans
doute bien plus rarement que ses neurones ont tiré bénéfice de la pratique de son sport
au long cours. La relation entre la survenue de chocs au niveau de la tête et l’apparition
ultérieure de maladies neurodégénératives – au premier rang desquelles les neurologues
placent la maladie d’Alzheimer –, ne fait désormais plus le moindre doute en ce qui
concerne la boxe ou le football américain (15, 43).
Le hockey sur glace, où la percussion casque en avant constitue une figure de style
incontournable, a, lui aussi, une fâcheuse réputation auprès des neurologues (46, 66).
Cela ne constitue pas vraiment une surprise. Ce que le public sait moins, c’est que le
football tel qu’on le pratique en Europe peut lui aussi exposer à un risque accru de
pathologies affectant le cerveau, en particulier chez les joueurs de tête. Sans surprise,
quand on connaît leur prédilection pour le kick and rush, ce sont les footballeurs
professionnels écossais qui nous en ont apporté une démonstration récente (42).
D’où provient ce constat ? D’une étude rétrospective, portant sur environ 7 000
footballeurs de ce pays, évalués avec un recul de plus de 18 ans. La conclusion est
tombée tel un couperet : le risque de développer la maladie d’Alzheimer, chez eux,
dépassait celui qu’on retrouvait chez des concitoyens mâles, non sportifs, issus de la
même classe d’âge. Zidane pourrait presque en regretter de s’être illustré lors de deux
finales de la Coupe du monde par son art consommé du jeu de tête…

Comment les traumatismes liés au sport touchent-ils


le cerveau ?
Comment comprendre cet effet retard de tous ces coups subis ? J’y reviens plus loin,
mais les traumatismes répétés provoquent des modifications dans les mécanismes
épigénétiques qui contrôlent le renouvellement et la réparation des tissus neuronaux.
Les pertes de mémoire, voire l’altération d’un grand nombre d’autres fonctions,
coïncident avec d’authentiques lésions structurelles irréparables. Mais hormis les
exceptions que constituent ces disciplines hautement traumatisantes pour la tête, la
pratique régulière d’une activité sportive, en particulier sous la forme d’un effort en
endurance, semble plutôt jouer favorablement. Cette fois, l’influence du sport sur
l’épigenèse cérébrale s’avère bénéfique… à tel point que les experts s’accordent
aujourd’hui à reconnaître que, si on encourage le sport chez des patients présentant une
maladie neurodégénérative débutante, on peut significativement en freiner l’évolution
(49).
Ainsi, une activité aérobie entreprise plusieurs fois par semaine permet, chez des
patients atteints de la maladie d’Alzheimer, d’améliorer simultanément les capacités
aérobies et les performances mnésiques (34), alors que l’atrophie de l’hippocampe,
souvent observée dans les stades évolués de cette pathologie – ce qui explique la
dégradation de la mémoire – se trouve significativement ralentie (49) 11. Même chez des
sujets âgés et déjà atteints, on observe une amélioration des performances réalisées à
des tests de mémoire après une seule séance de 30 min (34). Le bénéfice observé est
comparable à celui qu’on relève après une session d’entraînement mental, telle qu’on en
propose pour retarder les effets du vieillissement cognitif (21).
Nous verrons plus loin dans ce chapitre que le chaînon reliant les sollicitations
cardiaques et métaboliques et les potentialités cognitives a pu être caractérisé, sous la
forme d’une molécule au nom mystérieux, de BDNF (Brain-Derived Neurone Factor, qu’on
peut traduire par le « facteur neuronal dérivé du cerveau », voir encadré 20). D’autres
auteurs, quasiment en même temps, ont tiré des conclusions similaires et très
encourageantes au regard du vieillissement régulier des populations occidentales (32).

L’influence de l’activité sur le BDNF :


un processus adaptatif
Vu sous un autre angle, ce phénomène s’apparente totalement aux « adaptations »
qui surviennent dans nos tissus en réponse à l’exercice (61) à tout âge. Une pratique
plus régulière de l’exercice peut, à tout âge, influer favorablement sur la préservation
des aptitudes mnésiques. En effet, ce qui vaut pour les seniors s’applique aussi aux plus
jeunes ; ainsi, une pratique sportive assidue améliorerait l’attention, la concentration et
la mémoire de jeunes élèves (17).
Une question se pose : le sport exerce-t-il un effet graduel qui dépendrait du
nombre d’heures pratiquées ? Autrement dit, les plus acharnés à courir, à pédaler ou à
nager développeraient-ils ou maintiendraient-ils mieux leurs capacités cognitives ? Une
étude récente, conduite auprès de 77 patients, apporte de l’eau au moulin des
défenseurs de cette hypothèse. Au cours de celle-ci, Vidoni et ses collègues (71) ont pu
décrire une amélioration des fonctions cognitives, et celle-ci était clairement corrélée au
nombre d’heures consacrées chaque semaine à l’activité sportive. Voilà de quoi donner
tort aux parents tentés de dire « Passe ton bac d’abord ! » à leurs adolescents sportifs à
l’approche des examens.
Une récente étude, conduite par mes collègues de l’UFR STAPS de Poitiers ( 25), a
confirmé cette réalité et, de surcroît, a permis de montrer que le bénéfice immédiat
s’observait chez les individus dotés de la meilleure condition physique. Comment ses
auteurs ont-ils procédé ? Dans cette expérience, 56 jeunes hommes en bonne condition
physique furent répartis en deux groupes, « actifs » ou « inactifs », l’attribution se
décidant au regard de leur niveau spontané d’exercice. Celui-ci était évalué par rapport
aux standards recommandés par l’OMS. Les auteurs de cette étude ont mesuré le niveau
d’oxygénation du cortex préfrontal, aire cérébrale très impliquée lors de tâches
cognitives. Le test qu’on proposait aux cobayes consentants nécessitait de réagir vite,
tout en évitant les erreurs.
Bref, cette aire anatomique devait carburer au maximum de ses moyens. Qu’ont-ils
constaté ? Que ceux qui bénéficiaient de la meilleure condition physique se montraient
les plus performants, grâce une meilleure oxygénation des neurones impliqués dans la
prise de décision. Chez eux, en tout cas, le maintien d’une activité physique régulière
durant leurs études jouera en leur faveur…

Encadré 20 : Le BDNF… le chaînon


manquant !
La découverte de la protéine BDNF a permis de mettre le doigt sur une
molécule qui contrôle le développement, la destruction et le renouvellement du
tissu cérébral. Sa dépendance vis-à-vis de facteurs environnementaux, qui
peuvent en conditionner le taux, permet de comprendre en quoi l’activité physique,
le stress, des agents infectieux peuvent protéger ou, au contraire, léser le tissu
cérébral. On l’a isolée à partir de cerveaux porcins en 1982, et en quasiment
quarante années, de nombreux travaux ont permis de mieux comprendre ses
interventions. Qu’en sait-on aujourd’hui ? Chez l’homme, le gène BDNF, dont
dépend la synthèse de cette petite protéine, a été localisé sur le chromosome 11
(58). Il s’exprime dans la plupart des tissus humains à l’âge adulte, et plus
particulièrement dans le cerveau. On relève en effet une forte présence de BDNF
dans le néocortex, l’hippocampe, les amygdales et le cervelet. On le retrouve
également au sein d’autres tissus tels que le sang, la rétine, les reins, la prostate
et la salive. Enfin, au niveau cellulaire, cette protéine s’exprime au niveau des
neurones moteurs, ainsi que dans les cellules gliales telles que les astrocytes et la
microglie.

À la découverte du BDNF
À quoi sert-il ? Le BDNF joue un rôle fondamental dans la différenciation des
populations neuronales sélectionnées pendant le développement. Au niveau du système
nerveux central, cette molécule exerce un effet neuroprotecteur et favorise
l’augmentation de la plasticité neuronale (14). Sa présence à un taux optimal va donc
plutôt dans le sens du maintien, voire de l’amélioration, des aptitudes cognitives. Ce rôle
favorable, évident en période fœtale, se poursuit à l’âge adulte. Il permet en effet de
contrôler la croissance des dendrites et des axones, autrement dit de diriger l’importance
des connexions des neurones entre eux (51).
Le BDNF constitue également un facteur indispensable à la croissance et à la survie
des neurones. On comprend donc l’importance qu’il revêt, et l’une des questions qui s’est
très vite posée était de savoir si certains acteurs ou processus modulaient sa synthèse et
ses interventions et si, dans le cadre de certaines pathologies, on le retrouvait à des taux
différents de ceux relevés chez des sujets sains.
Voici ce que l’on sait : d’une façon générale, dans le système nerveux central,
l’expression des ARNm du BDNF augmente en réponse à des stimuli neuronaux ;
autrement dit, à l’égal d’un muscle entraîné qui développe des adaptations, le BDNF
permet au cerveau d’accroître ses compétences face à des tâches complexes qui le
stimulent (58). Des travaux ont même permis de démontrer que certains
neuromédiateurs, par eux-mêmes, se révélaient capables d’augmenter les taux d’ARNm
codant pour le BDNF, notamment l’acétylcholine , la dopamine et la sérotonine (37).
En gros, plus certains neurones sont sollicités, et plus cela conduit à une synthèse
importante du BDNF, comme si ce phénomène allait permettre la maintenance de voies
nerveuses fortement sollicitées.
L’expression du BDNF varie sous l’influence d’un certain nombre de facteurs tels que
le stress, l’ischémie, certains toxiques, l’hypoglycémie ou encore lors de dommages
cérébraux, comme à l’occasion d’un match de boxe ou de hockey par exemple. Des
études menées chez l’animal, puis chez l’homme, ont par exemple montré que la prise
chronique de drogues coïncidait avec une baisse du BDNF, ce qui peut contribuer aux
atteintes dégénératives souvent irréversibles observées chez les utilisateurs au long cours
de substances toxiques, voire sur des prises aiguës massives, comme l’illustre la triste
histoire de Syd Barrett, l’ancien leader de Pink Floyd 12 (3-4).
Si le BDNF joue un rôle favorable sur le cerveau, que se passe-t-il, à l’inverse, si son
taux chute brutalement ? Plusieurs études ont permis de mettre en évidence que cette
situation pouvait contribuer au développement de troubles psychiatriques ou
neurologiques tels que la maladie d’Alzheimer (5, 7). Ainsi certains auteurs l’ont-ils
retrouvé à des taux plus faibles au niveau de l’hippocampe de patients pour lesquels le
diagnostic de la maladie d’Alzheimer avait été posé (74). Le même constat a pu être
établi dans le cas de la maladie de Parkinson (54). On en retrouve enfin des taux plus
faibles en cas de schizophrénie (2, 39). Mais que signifie véritablement une telle
observation ? Il ne paraît guère possible, dans ce cas, d’établir s’il s’agit d’une cause de
la pathologie, ou au contraire de l’une de ses conséquences, ni dans quelle mesure ce
marqueur témoigne de l’influence des véritables facteurs responsables de cette dernière.
On a vu en effet, plus tôt dans ce livre, que le point de départ de cette pathologie était
plutôt lié à un problème de dysbiose ou d’infection survenue en période fœtale.

Quel lien entre sport et BDNF ?

Face à cela, quel rôle joue la pratique régulière d’une activité physique ? D’après
plusieurs études, elle augmenterait l’expression du BDNF. Kerling ( 35) et ses collègues
ont suivi pendant 6 semaines des patients dépressifs, auxquels ils ont prescrit une
activité physique à suivre plusieurs fois par semaine. À l’issue de leur expérience, ils ont
observé une remontée du taux de BDNF. Simultanément, leur humeur s’améliorait. Par
ailleurs, lorsqu’on regarde l’influence d’un programme d’activité physique à la carte,
tenu durant un an chez 90 sujets sexagénaires, on dresse d’intéressants constats. Toutes
les formes d’activité se valent-elles ? Il semble que non.
Dans l’étude menée par Leckie et ses collègues (38), on demandait à des volontaires
de s’astreindre, plusieurs fois par semaine, à marcher au moins 40 min ou à s’adonner à
une séance de yoga. Qu’ont constaté ces chercheurs ? Que le taux de BDNF augmentait
davantage chez ceux qui préféraient la première option, comparativement à ceux qui
avaient choisi la seconde. Il semble donc bien que le niveau de dépense énergétique
associé à l’activité constitue un élément-clef dans la réponse du BDNF. Il apparaît,
d’après ces travaux, que l’effort physique favoriserait l’augmentation du nombre de
neurones dans l’hippocampe (région cérébrale en charge de la mémoire) et
l’augmentation des connexions neuronales (synapses jouant un rôle fondamental dans
l’apprentissage). On voit bien là la signature du BDNF ! De plus, l’activité physique
jouerait un rôle d’antidépresseur en stimulant la sécrétion des neuromédiateurs
cérébraux tels que la dopamine, la noradrénaline ou la sérotonine.
Ces travaux indiquent-ils sans réserve que toute forme d’activité physique, quels que
soient le contexte dans laquelle elle se pratique, l’intensité ou encore le nombre d’heures
hebdomadaires y étant consacrées, agirait favorablement sur la santé du cerveau ? Pas
si sûr ; en effet, dans certaines conditions, une pratique sportive intense, ou entreprise
dans le cadre compétitif, peut non pas contribuer à apaiser le stress perçu au quotidien
dans le cadre professionnel, familial ou autre, mais plutôt l’accentuer. Cela ne dépend
pas du statut du sportif, amateur ou professionnel ; chacun peut se trouver sous son
influence délétère. Ce sont plutôt les processus qui y sont associés, comme on l’a vu au
chapitre précédent, qui peuvent transformer ce loisir en torture. De récents travaux ont
clairement établi que le contexte du sport de haut niveau, dans la plupart des
disciplines, crée un état de perturbation émotionnelle qui conduit à une vulnérabilité des
neurones, surtout lorsque ce climat s’instaure dans la durée (28).

Quand le sport fait mal à la tête…

Le sport peut-il faire chuter le taux de BDNF ?


Il se pose alors une question très embarrassante : dans certaines circonstances,
l’activité physique peut-elle provoquer une baisse du BDNF et porter atteinte à la santé
du cerveau ? La réflexion s’impose en effet ; on sait que le stress active l’axe
hypothalamohypophysaire, comme on l’a vu au chapitre 5. Il en résulte une sollicitation
accrue des glandes surrénales, qui vont alors sécréter du cortisol. Ce stress conduit
également à l’activation de cellules immunitaires et à une libération de cytokines. Or,
lorsque la sécrétion du cortisol s’accroît, on constate une chute de la production du
BDNF (13). Dans la durée, une mise en circulation excessive de cette hormone et les
radicaux libres libérés en sa compagnie influent sur le BDNF et cela va affecter la
production et la croissance des nouveaux neurones. Il peut alors s’ensuivre une
désorganisation dans l’hippocampe, voire une dégénérescence neuronale. Par ailleurs,
plusieurs études ont permis de mettre en évidence que les facteurs neurotrophiques,
parmi lesquels le BDNF, peuvent empêcher de manière significative les dommages
neuronaux causés par le stress oxydant (16). Par conséquent, en cas de stress oxydatif
accru, les capacités de protection du BDNF atteignent leurs limites et les neurones
souffrent encore plus.

Exercice intense, perméabilité intestinale et impact


sur le cerveau
À ceci s’ajoute un autre phénomène pouvant, à la longue, devenir délétère. En effet,
un stress élevé majore la perméabilité intestinale, comme on l’a vu précédemment dans
cet ouvrage. Une pratique sportive intense, en particulier dans les disciplines
d’endurance, exerce une action similaire à l’encontre des jonctions serrées de la
muqueuse intestinale. À terme, la répétition de ces épisodes, à l’origine d’un passage
d’endotoxines, peut altérer l’activité et le taux de BDNF (47, 67). L’impact inflammatoire
et oxydatif qui en résulte ne sera pas sans conséquence sur les neurones.
Simultanément, le stress et l’anxiété augmentent, … ce qui va rapidement conduire à
l’instauration d’un cercle vicieux (33). Autrement dit, cette situation, fréquemment
rencontrée dans les sports d’endurance dans un contexte d’efforts prolongés accomplis à
la chaleur ou ayant favorisé une importante perte hydrique, peut finir par porter
atteinte aux structures cérébrales.

Sport et immunité : une relation tumultueuse


La relation entre la pratique sportive et l’immunité mériterait, à elle seule, un
ouvrage lourd de plusieurs centaines de pages. L’impact d’une pratique régulière
permet, le plus souvent, d’améliorer les compétences immunitaires du sujet (60-1). Mais
il existe un grand nombre d’exceptions qui semblent invalider cette règle. Pourquoi ?
D’une part parce que, après chaque exercice, on observe une chute transitoire de
l’immunité, en partie liée à l’élévation du cortisol, et cette situation défavorable peut
persister plusieurs heures après la cessation de l’exercice. Les immunologistes anglo-
saxons désignent d’ailleurs ce phénomène par l’expression très explicite « open window
phenomenon » (littéralement « phénomène de la fenêtre ouverte »), métaphore indiquant
bien la facilité avec laquelle les microbes peuvent nous toucher à ce moment-là.
À ceci s’ajoutent d’éventuels déficits, liés aux pertes accrues consécutives à
l’entraînement, notamment en ce qui concerne des nutriments tels que le zinc, le
sélénium ou encore le fer (61). Pour quelles conséquences ? Les défenses atteindront
plus facilement leurs limites. Une très récente revue de synthèse décrit de manière
schématique la vision des physiologistes sur ce sujet (63) (voir figure 29).
Leur raisonnement contient cependant un réel point faible ; la plupart considèrent
que c’est seulement la quantité d’entraînement qui fragilise le sportif. Or, l’expérience
nous montre qu’il en va rarement ainsi. Ce seront plutôt les facteurs associés (stress,
altitude, déficits nutritionnels, etc.) qui, rendant l’immunité moins compétente,
prédisposent aux infections associées à la pratique du sport de haut niveau, et ce
pratiquement indépendamment de la quantité d’entraînement fournie !
On sait également que la pratique régulière d’une activité physique s’accompagne
d’un profil de flore « spécifique », sans qu’il soit possible d’indiquer quelle particularité a
précédé l’autre, ni dans quelle mesure cela prédisposerait d’une quelconque manière à
devenir champion (6). En revanche, on s’accorde à considérer que le microbiote d’un
sujet soumis régulièrement aux contraintes de l’activité, du stress, de l’altitude,
commande moins bien l’harmonie des défenses immunitaires (61). On conçoit donc tout
à fait que le contexte de plus en plus exigeant du sport de haut niveau fragilise
l’immunité d’un nombre croissant de sujets. Porteurs d’infections plus ou moins
chroniques, ces derniers verront alors les cytokines, bombardées par leur système
immunitaire, interagir avec leurs récepteurs neuronaux et contribuer à altérer les
processus cognitifs, émotionnels, décisionnels… et bien évidemment à les rendre plus
vulnérables au stress !

Au-delà du stress et des endotoxines


Les conséquences délétères des effets conjoints du stress et d’efforts intenses ne se
limitent pas à l’impact des endotoxines sur le cerveau. Depuis peu, en effet, après s’être
longtemps désintéressés de leur existence, certains auteurs commencent à envisager que
la répétition d’épisodes d’hyperperméabilité intestinale, liés à une activité aérobie
intense, puisse contribuer à l’entrée d’exorphines dans l’organisme (29). Pour quelles
conséquences ? Un surcroît d’anxiété, une plus grande vulnérabilité au stress… ce qui
rappelle étrangement des points développés dans cet ouvrage, en lien avec les
comportements addictifs ou les troubles du comportement alimentaire, qui n’épargnent
d’ailleurs pas, comme par hasard, le monde du sport (26). Faut-il dès lors s’étonner de
voir, depuis une trentaine d’années, une littérature scientifique de plus en plus fournie
aborder la question de l’addiction à l’activité physique ? Je reviens longuement sur ce
point un peu plus loin dans ce chapitre.
Figure 29. Le modèle classique de la relation entre entraînement et immunité.

On constate le fait suivant : si l’association entre le surmenage et la fragilité


immunitaire se trouve bien mise en avant par Simpson et ses collègues, on constate que
le seul élément préjudiciable qu’ils aient identifié est le nombre d’heures consacrées à
l’entraînement… et ni l’idée du stress, ni l’impact des habitudes nutritionnelles, ni les
particularités du microbiote ne se trouvent pris en compte. Or, pour un nombre d’heures
consacrées à l’entraînement quasiment similaire, tous les athlètes ne développent pas de
vulnérabilité immunitaire. Cela montre bien que cette manière un peu « limbique »
d’aborder le problème ne peut pas apporter de réponse satisfaisante, en soi, à la prise
en charge des sportifs fragilisés.

Sport et humeur

Effets bénéfiques du sport sur le stress


Si la pratique régulière d’une activité physique aérobie protège et renforce l’activité
neuronale grâce aux effets conjoints d’une meilleure efficacité des mécanismes
épigénétiques et de l’oxygénation des neurones, qu’en est-il de son influence sur
l’humeur ? Autrement dit, l’assiduité à pratiquer une activité physique influence-t-elle
favorablement, ou au contraire perturbe-t-elle, l’équilibre des neurotransmetteurs qui
contribuent à prévenir l’anxiété, la vulnérabilité au stress ou encore la dépression ? Le
sujet a fait couler beaucoup d’encre, et considérons d’abord les études entreprises pour
voir dans quelle mesure, face au stress ou dans un contexte anxieux, une activité
régulière limiterait les symptômes et l’inconfort psychologique. Les données ne
manquent pas.
Depuis une trentaine d’années, cette question taraude les chercheurs. En 1992,
Norris et ses collègues (55) ont voulu évaluer dans quelle mesure une relation favorable
pourrait être retrouvée. Ils ont demandé à un groupe de 147 adolescents de compléter
des questionnaires, portant à la fois sur leur niveau moyen d’activité physique et sur leur
état psychologique. Leur étude a montré que ceux qui se dépensaient le plus
physiquement faisaient état d’un niveau moindre de stress et de dépression.
L’effet bénéfique de l’activité physique s’est retrouvé dans une autre étude,
entreprise auprès de 368 étudiants en pharmacie, chez lesquels le sport faisait baisser le
niveau de stress, fait d’autant plus intéressant que d’autres auteurs ont établi qu’il se
situait souvent, au sein de cette population, à un niveau élevé (23). Ces conclusions
rejoignaient celles d’un travail préalable, qui avait établi une corrélation inverse entre le
nombre d’heures consacrées à une activité hebdomadaire et le niveau de stress perçu
(68). Il peut donc paraître logique et tentant d’accroître le temps consacré à l’activité
physique, à mesure que le stress associé aux événements de vie monte. Reste à savoir si
le bénéfice augmentera de manière proportionnelle…
D’autres publications soulignent que la pratique régulière du sport, au-delà de
l’aide à la gestion du stress, influerait également favorablement sur le bien-être
psychologique, notamment chez des sujets âgés (22). Son effet sur l’humeur a fait l’objet
de nombreuses études, et la synthèse des méta-analyses conduites sur ce sujet a
confirmé que l’effet antidépresseur semble indéniable, alors que l’action anxiolytique
demeure discutée (12, 52, 72). À l’inverse, une recherche conduite sur des adolescents
canadiens a montré une étroite corrélation entre le temps passé devant les écrans et le
risque de dépression ou d’anxiété (44). Mais la corrélation indique-t-elle l’existence d’un
lien de causalité ? Cela reste à définir… En effet, le moral en berne empêche-t-il la
pratique régulière du sport, et ampute-t-elle le sujet des bénéfices attendus, ou est-ce
que la prédilection pour des activités qui sollicitent peu les muscles et le cœur finit-elle
par affecter l’équilibre des neurotransmetteurs ? Sans doute les deux hypothèses sont-
elles justes, une sorte de cercle vicieux semblant s’instaurer rapidement…
Durant la pratique d’une activité physique, voit-on se modifier l’équilibre des
neurotransmetteurs ? Là aussi, on aborde un champ très riche en publications. La
question qui se pose peut se résumer simplement. Certains acides aminés essentiels
interviennent comme précurseurs de neurotransmetteurs. Ainsi la tyrosine sert-elle de
matériau de base pour fabriquer la dopamine et la noradrénaline, alors que le
tryptophane va contribuer, dans d’autres neurones, à la synthèse de la sérotonine.
Ces différents messagers interviennent dans des fonctions impliquées dans la
réalisation d’une performance. Ainsi la dopamine participe-t-elle aux processus de
concentration de motivation, ou à la conception de projets. La noradrénaline, pour sa
part, intervient dans la recherche du plaisir, lié à l’activité ou au succès, alors que la
sérotonine va plutôt agir sur la tolérance à la frustration, le contrôle de l’agressivité, la
patience ou enfin la vulnérabilité au stress. Autrement dit, sa moindre disponibilité peut
favoriser l’expression de comportements typiques de fuite (comme dans le cas de notre
coureuse) ou de lutte (comme dans celui de notre footballeur).

Le manque de glucose déstabilise le neurone


En cours d’activité, il arrive que les cellules viennent à manquer de glucose. Comme
cela a été expliqué dans le chapitre 2, l’un des mécanismes d’urgence qui se met alors en
place consiste à fabriquer du glucose avec « autre chose », notamment des acides
aminés. C’est la voie métabolique que les biochimistes nomment la « néoglucogenèse ».
Or, parmi les matériaux que consomme l’organisme dans ce contexte se trouve
notamment la tyrosine. De ce fait, le contexte d’efforts intenses et fréquents, entrepris
sans permettre de restaurer les réserves de glycogène de manière satisfaisante, mais
aussi dans un climat de stress qui augmente le train de vie des neurones, va favoriser la
chute de la synthèse de la dopamine ou de la noradrénaline (60). On rencontre alors la
situation paradoxale de ces sportifs, initialement très investis dans leur projet, dont la
motivation s’érode peu à peu, et qui abordent leurs objectifs dépourvus de la
détermination qui devrait les animer. Quiconque parlera alors de « mental » passera à
côté du problème central : celui du détournement des acides aminés.
L’un des moyens de prévenir cette situation, outre la gestion de la charge
d’entraînement et le travail entrepris sur les facteurs de stress, consistera à apporter des
glucides en cours d’activité et à y associer des acides aminés ramifiés. Diverses études ont
permis d’établir qu’il s’agissait de la meilleure stratégie pour minimiser la chute des
neurotransmetteurs survenant en cours d’exercice, puis lors de la récupération (10-1).
Lorsqu’on propose la combinaison de glucides et d’acides aminés à des skieurs de fond
(11) ou à des navigateurs durant leur effort (50), ces sportifs commettent ensuite moins
d’erreurs lors d’un test demandant un temps de réaction rapide et une prise de décision
instantanée.
Une autre situation peut se rencontrer. On a vu précédemment qu’en cas
d’inflammation, de dysbiose, de perturbation hépatique, ou lors de la conjonction de ces
facteurs, une chute de la disponibilité en tryptophane pouvait survenir. La quantité de
sérotonine fabriquée va alors se réduire comme peau de chagrin. Or, pour gagner les
neurones, cet acide aminé entre en compétition avec quatre concurrents que sont la
tyrosine et trois autres acides aminés nommés les « ramifiés » (60). Sans trop se perdre
dans les méandres de la biochimie, insistons néanmoins sur ce point important.
Lorsqu’un exercice se prolonge ou qu’il s’inscrit dans un cycle où les efforts s’enchaînent
de manière très rapprochée, la disponibilité en glucose devient insuffisante.
Par conséquent, une partie des acides aminés présents dans l’organisme va servir de
carburant d’urgence pour la néoglucogenèse. Ce phénomène ne les concerne pas au
même niveau. Certains y contribuent fortement, comme les ramifiés ou la tyrosine.
D’autres y participent moins. Enfin, le tryptophane n’y intervient pas du tout. Quelle va
être la conséquence de cette particularité ? Chez un sujet présentant en permanence un
manque de sérotonine, la poursuite de l’exercice va faire baisser le niveau des
concurrents du tryptophane, et celui-ci va alors, sur ce court laps de temps, gagner plus
librement les neurones qui l’utilisent… et le transforment en sérotonine. Rapidement,
celle-ci entre en action, procurant une analgésie et une meilleure tolérance au stress, de
la zénitude, que le sportif n’éprouve qu’au cours de l’effort, et brièvement dans les
quelques heures qui suivent. L’activité physique peut alors constituer un recours venant
corriger les bleus à l’âme ou une humeur chagrine 13. Au point de favoriser une
authentique addiction ? Le sujet a fait couler beaucoup d’encre depuis une trentaine
d’années. Voyons cela en clôture de ce chapitre…

Sport et addiction

La pratique des sports d’endurance a gagné beaucoup d’adeptes au cours des


quarante dernières années. Beaucoup l’ont commencée en raison des bénéfices qu’elle
procure sur le plan de la santé. Mais les caractéristiques de ces disciplines et la facilité
de leur pratique ont favorisé l’émergence de comportements addictifs, décrits depuis le
début de ce siècle avec la montée en puissance de la vogue de l’ultra. Entendons-nous
bien sur le sens des termes.

La vogue de l’ultra :
La logique de la surenchère…
Pour un quidam totalement sédentaire, l’implication que met un coureur à
accomplir ses quatre sessions hebdomadaires semble déjà relever d’une forme de
dépendance. Un psychiatre ne le verra pas ainsi. Pourquoi ? Il en faut plus pour pouvoir
véritablement parler d’addiction. Comme le souligne non sans malice Tim Noakes dans
Lore of Running (53), dans les années 1960, courir sur une distance supérieure à celle
d’un marathon revenait à s’élancer dans l’aventure de l’ultra, petit monde d’adeptes
triés sur le volet, régi par ses codes, son langage, ses rites… qui restait seulement
accessible à une élite capable de venir à bout de telles distances.
Aujourd’hui, la pratique de l’ultra s’est développée, particulièrement dans le
domaine de la course à pied, à tel point qu’on voit fleurir des épreuves dont le nom
fleure bon l’oxymore, tel que « trail court de 80 km », avec une banalisation de distances
toujours plus grandes et une conversion d’un nombre croissant de coureurs. Ces deux
tendances récentes peuvent interpeller quiconque regarde tout cela avec un peu de
recul. Alors que sait-on vraiment de l’addiction liée aux sports d’endurance ? Pour y voir
plus clair, rien de mieux que de revenir aux définitions.

Ultra et addiction : Qu’en est-il ?


À l’origine, on parle d’addiction pour décrire des comportements de consommation
excessive et incontrôlée de substances psychotropes. Mais pour s’adapter à l’évolution
constante des pratiques de notre société, le concept a été peu à peu élargi pour désigner
également un certain nombre de syndromes qualifiés de comportements addictifs (57).
Originellement, l’addiction au sport ne figurait pas dans la liste de ces comportements.
Mais depuis une vingtaine d’années, face à l’évolution des pratiques, certains psychiatres
ont évoqué ce phénomène très particulier en lien avec ce qu’ils considèrent comme une
pratique sportive déraisonnable (30).
En fait, la question ne s’est pas posée avec le passage au XXIe siècle ; en effet, cette
histoire remonte à plus de 40 ans. C’est en 1976 que Glasser (24) parla le premier
d’addiction à l’exercice, mais il faisait alors référence à une « addiction positive », du fait
qu’elle occasionnait, contrairement à d’autres types de dépendance, des effets favorables
sur la santé. Que du bénéfice, donc ! Trois ans plus tard, le ton changeait déjà, sous la
plume d’un autre chercheur, Morgan (48) ; il soulignait que, avec un niveau de pratique
excessive, l’activité physique pouvait exercer des effets néfastes sur la santé. Il notait
également que, bien qu’ils en connussent les risques, rien ne freinait certains dans leur
pratique, apparemment incapables de tempérance.
La question qui se posait concernait la nature des mécanismes en jeu. L’hypothèse
avancée en premier fut d’abord d’ordre physiologique. Certaines molécules libérées à
l’effort, pensait-on alors, favoriseraient cet effet euphorisant, le « high » du marathonien
pour reprendre l’expression des auteurs anglo-saxons de l’époque. Qu’en est-il
vraiment ?

Addiction physiologique ou « psychologique » ?


Selon Griffiths (26), la dépendance à l’exercice physique constituerait davantage
une forme d’addiction physiologique que psychologique, notamment si on la compare
aux dépendances au sexe et à la télévision. De ce point de vue, l’hypothèse la plus
connue qui ait été avancée mettait en jeu les β-endorphines, que divers écrits ont alors
popularisées dans la presse spécialisée. Le soufflé est retombé ; on a découvert depuis
qu’elles jouent un rôle marginal, et surtout que d’autres hormones participeraient
davantage au phénomène. Ainsi, selon Adams et Kirby (1), il convient de ne pas oublier
le rôle des catécholamines, et encore moins l’importance de l’activation de certaines
structures du cerveau, à savoir le système de récompense, évoqué à plusieurs reprises
dans cet ouvrage. Pour ces auteurs, l’analyse minutieuse des rares études correctes
menées sur ce sujet ne fournissent pas d’explication indiscutable. De leur point de vue,
en tout cas, le rôle des endorphines a été largement surestimé.
Selon Loumidis et Wells (41), cette hypothèse présente surtout un gros point faible :
toute personne pratiquant régulièrement une activité physique importante et prolongée
devrait connaître une augmentation suffisante de β-endorphines pour provoquer une
dépendance à l’exercice physique. Or, il n’en va pas ainsi. Bien-être, oui, dépendance,
rarement. Kern (36) renchérit avec un exemple frappant : cette hypothèse des
endorphines n’explique pas pourquoi les athlètes qui participent aux Jeux olympiques ne
deviennent pas tous dépendants à l’exercice physique. Cette impasse a sonné le glas de
la piste physiologique (sans doute en partie à tort) et dès lors tous les efforts se sont
focalisés sur l’hypothèse psychologique. Cette addiction, comme toutes les autres,
trouverait son origine dans les traumatismes émotionnels antérieurs. Mais en raisonnant
ainsi, ces chercheurs ont rencontré les mêmes difficultés que face à l’alcoolisme, par
exemple.

Course d’ultra et dépendance

Alors, où se situe la dépendance ? L’approche psychiatrique classique ne permet pas


d’apporter de réponse. N’existe-t-il donc aucune explication à cette tendance de plus en
plus forte ? Si : nous avons vu une autre hypothèse au chapitre 4, qui mettait en
exergue la dysbiose.
Précisément, j’ai évoqué ci-dessus, parmi les conséquences d’une activité physique
régulière, le risque accru de laisser se développer un phénomène d’hyperperméabilité
intestinale. J’émets donc l’hypothèse suivante : en lien avec les fréquentes perturbations
de notre écosystème intestinal, flagrantes depuis une quarantaine d’années et marquées
par le recours exagéré aux antibiotiques, on rencontre de plus en plus souvent des états
de dysbiose latents. Le passage de certains intrus (exorphines, toxines, etc.) et
l’activation immunitaire associée à bas bruit à cette dysbiose créent un contexte propice
à l’addiction et à la vulnérabilité au stress.
On a vu que ce problème touche particulièrement la course à pied ou le triathlon
(sport où la préparation peut beaucoup intégrer cette discipline). La natation de grand
fond demeure confidentielle et peu génératrice de nageurs addicts. En outre, peu
d’épreuves cyclistes de masse proposent de passer plus de dix heures sur la selle. Enfin,
des matches de handball ou de football d’une durée similaire n’existent pas, même en
comptant la (parfois longue) troisième mi-temps. Cela signifie bien que des spécificités
propres à la course créent un cadre propice au développement d’une dépendance
néfaste à la pratique de l’ultra-endurance, touchant des sujets qui s’y montrent de plus
en plus souvent prédisposés, en raison du déséquilibre « inné » de leur microbiote.
Cela va survenir a fortiori dans un contexte où beaucoup d’adeptes, venus sur le
tard à la course, s’avèrent de parfaits autodidactes, omettant parfois le b.a.-ba des
règles de base, tant sur le plan de la nutrition que de l’entraînement, ce qui aggrave la
souffrance métabolique et le contexte inflammatoire !

Le cercle vicieux propre à la course de grand fond


Alors revenons à cette question cruciale : pourquoi observe-t-on nettement moins de
tendances addictives dans les autres sports qu’en course à pied ? Sans doute parce que
les atteintes subies par l’intestin, dans cette discipline, surpassent celles endurées dans
tous les autres sports. En se répétant, elles vont plus facilement contribuer à
l’instauration du cercle vicieux décrit sur la figure 30. Dès lors, plus la pratique de la
course va s’accentuer et s’intensifier, et plus le terrain addictif va se manifester. Et dans
la mesure où l’assiduité semble constituer l’une des clefs du succès dans les épreuves
d’ultra, cette dérive va fournir de gratifications qui vont renforcer la tendance déviante.
Figure 30. Les mécanismes de l’addiction à l’activité.

La dysbiose initiale crée un contexte propice à ce que le sportif ou la sportive


bascule dans une pratique de dépendance vis-à-vis de la course. Le stress perçu majore
le recours à une conduite addictive pour atténuer l’inconfort psychologique. Cet état
émotionnel, lorsqu’il devient chronique, accentue la dysbiose et le phénomène
d’hyperperméabilité intestinale, que la course pratiquée sur de longues distances
contribue, elle aussi, à aggraver. Cela accentue encore plus le contexte de la dysbiose
alors que le cadre psychologique qui en résulte, contemporain de la chute de divers
neurotransmetteurs tels que la sérotonine ou la dopamine, va aggraver l’état de stress…
de sorte qu’il faudra un recours toujours plus important à la course pour stabiliser tant
bien que mal, et de moins en moins longtemps à chaque fois, le processus engagé.

Addiction et activités physiques


Cela étant, comment, dans le domaine de la psychologie, a-t-on caractérisé
l’addiction à l’activité physique ? Historiquement, plusieurs contributions majeures ont
eu lieu ; ainsi, au début des années 1980, plusieurs auteurs se sont-ils emparés de ce
nouveau phénomène, chacun y allant de son propre terme pour le désigner : exercice
obligatoire, abusif, compulsif ou excessif figuraient indifféremment dans leurs écrits.
Néanmoins, un consensus a émergé pour souligner les points essentiels : la perte de
contrôle vis-à-vis de la pratique au mépris des risques pour la santé, au détriment de
tout autre centre d’intérêt, avec d’éventuelles répercussions sur le travail et les relations
familiales ou amicales (8-9).
L’addiction ne survient pas brutalement, mais de manière progressive. En outre, les
différents auteurs lui reconnaissent plusieurs caractéristiques, qu’elle partage avec
d’autres formes d’addiction (36, 69). Plus récemment, on l’a présentée comme un
« pattern de conduites dysfonctionnelles, associé à une détresse clinique significative »,
expression typique de psychologues et psychiatres orthodoxes, se manifestant par
l’apparition de trois (ou plus) des manifestations suivantes, à un moment quelconque
d’une période continue de 12 mois. Elles sont regroupées dans le tableau 2.

Tableau 2. Les caractéristiques de l’addiction à l’activité sportive.

La tolérance, c’est-à-dire le degré à partir duquel la personne ressent la nécessité d’augmenter la quantité d’exercice
physique pour atteindre les effets désirés.

Le sevrage, c’est-à-dire les effets psychologiques, tels que la fatigue et l’inquiétude, que peut ressentir une personne si
elle arrête la pratique de l’exercice physique.

L’intention, c’est le fait de pratiquer un exercice physique en plus grande quantité ou sur une période plus longue que celle
prévue initialement par la personne.

Le manque de contrôle qui correspond à un désir persistant ou à des efforts infructueux pour mettre fin à la pratique
d’exercices physiques.

Le temps, c’est-à-dire que la personne va accorder beaucoup de temps aux activités liées à l’exercice physique, que ce
soit le transport, l’achat de nouveau matériel, le temps de récupération, et la pratique elle-même.

La réduction des autres activités, c’est-à-dire que la personne va réduire voire même abandonner d’autres sources
d’intérêts et de plaisir comme ses activités sociales, professionnelles ou de loisir afin de s’adonner à l’exercice physique.

La continuité, c’est-à-dire que la personne va continuer son exercice physique malgré un problème physique ou
psychologique persistant ou récurrent. Ce problème est susceptible d’avoir été provoqué ou aggravé par l’exercice
physique (p. ex. : continuer à courir malgré des blessures).

Toutes les disciplines ne prédisposent pas de la même manière à cette forme


d’addiction, comme je l’ai souligné ci-dessus. Une analyse statistique poussée des chiffres
tirés des différents articles publiés sur le sujet souligne la prédominance des coureurs à
pied (ultra et marathon) ou des triathlètes adeptes de l’Ironman (62). Ces deux
catégories représentent à elles seules 56 % des athlètes concernés. L’étude de Schüler a
également permis de désigner un autre fait intéressant : leur échantillon de 323 sportifs
a révélé que le risque de dépendance à l’activité était d’autant plus important que les
recherches de gratification dans l’exercice contrastaient avec un faible niveau de
satisfaction dans le registre professionnel. Lorsque les sujets souhaitaient à la fois réussir
sur les deux plans, ils se trouvaient plus souvent confrontés à de forts niveaux d’anxiété.
Mais là encore, qui a précédé qui ?
Les études princeps
Yates et ses collègues (73) ont mené une étude qui remonte à un quart de siècle, à
une époque où l’Ironman connaissait un important essor, mais où le trail était encore
inconnu en Europe. En revanche, on rencontrait un nombre assez élevé de
marathoniens qui se rangeaient dans la catégorie des coureurs « par obligation » (ceux
qui continuent de s’entraîner malgré des blessures ou des contre-indications). Les deux
groupes, celui des marathoniens et celui des adeptes de l’Ironman, présentaient plus de
points communs que de divergences. Les coureurs « par obligation » manifestaient,
d’après les tests psychologiques utilisés, une plus grande rigidité par rapport à la
question du poids, qui les concernait davantage. Ils semblaient également plus enclins à
courir seuls, et se montraient plus préoccupés par leur corps.
Enfin, ils signalaient avoir davantage de contrôle sur leur vie depuis qu’ils avaient
commencé à courir. La recherche du contrôle, on l’a vu au chapitre précédent, s’inscrit
dans la stratégie visant à atténuer le stress perçu… La dépendance ne viendrait-elle pas
aussi, chez certains, en réponse à celui-ci ?

Addiction et troubles alimentaires


Une étude ultérieure a indiqué que les femmes appartenant à ce groupe de coureurs
« obligatoires » présentaient un risque accru de développer des troubles du
comportement alimentaire (64).
De son côté Di Lodivico (20) a mené une récente étude qui souligne ceci : 154 sujets
testés présentent à la fois une plus grande vulnérabilité à l’addiction à l’exercice et au
risque de survenue de troubles du comportement alimentaire, comparativement à une
série de 154 sujets témoins. Il s’agit plus souvent de sujets jeunes et de femmes ayant
commencé à courir pour perdre du poids, et ayant davantage maigri que la moyenne
après avoir intégré un club. Selon une étude danoise, ce seraient entre 3 et 10 % des
sportifs qui auraient développé une forme d’addiction à l’activité, ce chiffre étant établi
sur la base de questionnaires psychologiques (40). Les chercheurs qui s’intéressent à ce
sujet ont du mal à en comprendre l’origine et sentent la nécessité de disposer d’une
réflexion systémique pour l’aborder plus efficacement (45). Sur la figure 31, je propose
un modèle intégré qui prend en compte ces différents éléments.
Figure 31. Relations entre addiction à l’activité, troubles du comportement alimentaire, stress et dysbiose.

Encadré 21 : La bigorexie… une forme


d’anorexie à l’envers.
En marge du phénomène de dépendance décrit depuis une quarantaine
d’années dans les sports d’endurance, et plus particulièrement en course à pied,
un autre type de perturbation est apparu ces dernières années : il s’agit de la
bigorexie. C’est une obsession relative à la masse musculaire, toujours jugée
inadéquate par ceux qui en souffrent, alors que l’évidence suggère l’inverse.
Fonctionnant à l’inverse de l’anorexie, où le patient refuse de voir sa maigreur,
cette pathologie s’est donc vue logiquement affublée du terme de « bigorexie »
(maladie de celui ou celle qui ne se trouve jamais assez gros).
Encore nommée « dysmorphie musculaire » (50), elle touche principalement la
population des bodybuilders. Les comportements compulsifs incluent un nombre
d’heures incalculable à soulever des barres dans les salles de sport, des
dépenses exagérées pour acquérir des compléments alimentaires supposés les
aider à gagner de la masse, et enfin la pratique d’habitudes alimentaires très
particulières, qui tendent à les exclure d’une vie sociale normale. Pour Mosley, la
bigorexie constitue une nouvelle forme de troubles de comportement alimentaire.
Mais cela ne nous éclaire pas plus quant aux causes de ce trouble. De mon point
de vue, cette pathologie repose sur des mécanismes assez voisins de ceux
décrits sur la figure 31… et sans doute les choix alimentaires pratiqués dans ce
contexte contribuent-ils à aggraver la dysbiose. L’évolution très rapide du nombre
de sujets concernés n’est pas sans rappeler les chiffres relatifs aux autres formes
d’addiction ou aux troubles du comportement alimentaire.
En conclusion de ce chapitre, force est de reconnaître qu’il n’existe pas de réponse
univoque et limbique quant à l’intérêt de la pratique sportive vis-à-vis de la santé de
notre cerveau. Le raisonnement qui consiste à isoler celle-ci de son contexte (stress,
chaleur, etc.) ou des caractéristiques de l’individu ne laisse aucune chance de proposer
un conseil intelligent. En effet, cette attitude tend à minimiser les éventuelles
répercussions d’une pratique mal gérée et minore complètement l’émergence d’une
tendance addictive dans les disciplines d’endurance, qui trouve son origine dans trois
processus majeurs (61) que j’ai déjà évoqués dans mon ouvrage précédent.
Il s’agit d’une part de l’appauvrissement de nos sols, ce qui contribue à l’apparition
de déficits transgénérationnels, dont l’impact sur la santé de nos neurones se paie cash.
Il s’agit d’autre part d’une dysbiose transmise de parent à enfant, avec des répercussions
croissantes, tant en ce qui concerne la vulnérabilité au stress qu’aux troubles
comportementaux qui peuvent s’exprimer dans ce contexte. Il s’agit enfin de l’impact des
polluants sur notre organisme et nos processus épigénétiques, ce qui se répercute sur
l’ensemble des fonctions importantes qui s’y déroulent, qu’il s’agisse de l’immunité, de
l’aptitude à neutraliser les toxiques ou encore de celle à protéger et à réparer nos
neurones. Les coups venant de partout, on conçoit que les moyens à déployer pour
protéger notre cerveau devront aller au-delà de recettes « faciles », ni purement psys ni
simplement nutritionnels, ni encore seulement en lien avec l’activité. Il devra s’agir d’une
réflexion globale, pouvant nécessiter de changer de modèle de société. C’est ce que je
vais développer dans le dernier chapitre.
M. Le cerveau, comment vous protéger ?

La somme d’informations à notre disposition aujourd’hui permet de comprendre le


mécanisme somme toute assez simple qui peut contribuer à l’apparition de troubles
fonctionnels cérébraux, mais aussi à celle de pathologies psychiatriques ou de maladies
neurodégénératives. Les chapitres précédents ont permis de mesurer l’influence de
multiples acteurs : le rôle du microbiote maternel, relayé par celui de l’individu lui-
même, le fonctionnement de son système immunitaire, l’influence de ses choix
alimentaires, son niveau d’activité physique, sa capacité à affronter le stress, l’influence
de certains toxiques – aux effets parfois transgénérationnels, à l’instar de certaines
drogues – et enfin, comme on le voit en ce qui concerne les maladies neurodégénératives
ou certaines pathologies psychiatriques, le niveau de sollicitation auquel le cerveau est
soumis.
À aptitudes initiales similaires, on comprend donc que deux individus, selon le
contexte dans lequel se déroule leur vie, vont faire évoluer les aptitudes de leurs
neurones de manière très contrastée. Pour illustrer cette possibilité, imaginons la
situation suivante : deux élèves de terminale, dotés des mêmes moyennes générales,
voient leurs trajectoires bifurquer. L’un entre à la faculté, continue à pratiquer du sport,
exerce une activité de chercheur, s’intéresse à l’alimentation santé et mange sainement,
médite pour gérer son stress et fourmille de projets qu’il réalise dans un environnement
plutôt bienveillant. L’autre entre dans une école pour devenir ingénieur informatique,
cesse le sport faute de temps et d’envie, mange ce qui vient, sur le pouce, commence à
fumer, gère son stress par le recours de plus en plus fréquent à des toxiques, et garde ce
mode de vie jusqu’à 50 ans. Lorsqu’ils se retrouvent à cet âge-là, pour évoquer l’époque
de leur jeunesse, pensez-vous que leurs compétences cognitives soient encore
identiques ? On mesure à quel point la manière de conduire sa vie, pour chacun d’entre
nous, joue un rôle essentiel.
La tentation est donc grande, pour ceux qui détiennent les connaissances en lien
avec le fonctionnement du cerveau, et au vu des enjeux qui en dépendent, de les
transmettre et de les faire appliquer aux autres, que ce soit dans le contexte de la santé
publique – avec de grandes campagnes à l’attention des citoyens, relayées par des
slogans faciles à retenir –, ou dans l’intimité de la consultation, où l’on imagine le
contexte plus propice au changement. Il n’en va pas forcément ainsi, et j’y reviens un
peu plus loin avec un exemple particulièrement démonstratif des freins au changement :
celui de la réforme alimentaire.

Les facteurs de dysfonctionnement


Quand on se dote d’un recul suffisant pour comprendre le scénario catastrophe qui
précipite le déclin, le dysfonctionnement ou la dégradation de notre boîte noire, deux
facteurs majeurs voient leur responsabilité engagée : il s’agit d’une part de l’écosystème
intestinal, et d’autre part des effets dévastateurs du stress, toutes les autres composantes
défavorables identifiées dans ce livre en constituant, finalement, des répercussions en
cascade… La figure 32 synthétise les mécanismes en jeu.

Contrôle du processus immunitaire


De ce fait, la préservation de l’intégrité du cerveau passera par la mise en œuvre de
moyens permettant de contrôler les processus immunitaires, de prévenir la dysbiose, et
de faire baisser le niveau de stress. Indépendamment des considérations systémiques,
prenant en compte la gestion des modes mentaux, qui ne s’appliquent pas de manière
routinière sans une solide formation sur ce sujet, d’autres voies d’amélioration peuvent
s’envisager. L’appréciation des contraintes subies dans le cadre de la pratique sportive,
artistique ou de la vie professionnelle, et du contexte structurel et sociétal dans lesquels
nous évoluons s’avère cruciale, pouvant donner lieu à des réajustements plus
respectueux de l’équilibre de l’individu, cela dut-il passer par un coaching intelligent.

Ajustement de notre alimentation


À côté de ces approches encore trop peu mises en application dans notre pays, il
existe d’autres moyens d’action reposant sur l’ajustement du contenu de notre
alimentation et le recours à des stratégies de complémentation ciblée. De nombreux
écrits circulent sur ce point, et des règles, des recommandations, des slogans visent à
orienter et guider chacun de nous, parfois de manière coercitive pour les plus
récalcitrants. Mais la plupart de ces approches laissent de côté un frein essentiel : le
déterminisme du comportement alimentaire. Qui se demande pourquoi untel mange
comme il mange et pourquoi, bien qu’on l’ait informé avec justesse des changements à
opérer, il n’en fait rien ? Cela mérite qu’on décrive ce qui décide de nos choix
alimentaires, en considérant comment les différents étages qui composent notre cerveau
peuvent intervenir dans la prise de décision…

Figure 32. Les conséquences des perturbations consécutives à la dysbiose et au stress.

Qui décide de ce que je mange ?

Choisir quoi mettre dans son assiette impose de trancher et de prendre une décision
très difficile. En effet, la grande majorité des experts en nutrition ignorent un point
majeur, et en l’occultant ils vouent beaucoup de recommandations à l’échec. De quoi
s’agit-il ? Du fait que manger représente une situation génératrice de stress, comme le
résume la figure 33. Voyons cela en détail : un aliment se caractérise par au moins trois
particularités.

Composition nutritionnelle
Il s’agit d’abord de sa composition nutritionnelle. Ainsi, lorsqu’on mange une
portion de saumon, on ingère des protéines, des oméga-3 (si l’alimentation de l’animal,
du moins, le permet), du fer, de l’iode… et beaucoup d’arguments avancés par les
diététiciens insistent d’ailleurs sur l’une ou plusieurs de ces vertus. On retrouve cette
pensée réductrice avec l’amalgame qui existe entre laitages et calcium, alors que le
fromage n’a rien à voir avec un morceau de craie ! Mais ce faisant, selon la zone de
pêche d’où provient notre poisson, on s’expose également à avaler des métaux lourds, a
fortiori si l’on en mange plusieurs fois par semaine. Tout aliment présente donc
également des potentialités toxiques. Enfin, tout sujet allergique peut, en dégustant sa
darne, déclencher un œdème de Quincke. Chaque denrée présente donc enfin un aspect
antigénique.
De ce fait, à tout moment, la décision alimentaire doit intégrer simultanément ces
trois types d’information. Cela représente un exercice périlleux, et face à cette
complexité, le cerveau va souvent laisser le limbique prendre le dessus et trouver dans
sa boîte à outils une réponse simpliste. Il s’agira par exemple de conseiller les poissons
pour leur richesse en oméga-3, en oubliant les autres aspects moins avantageux. Il
pourra s’agir, au contraire, d’inciter à ne plus en manger et à devenir végétarien pour se
prémunir des poisons dont recèlent nos aliments. Ou enfin, on rencontrera aussi des
individus qui, forts de leur bagage scientifique et de leur technicité de la santé,
proposeront un coûteux bilan biologique à leur patient, dont les résultats dicteront à
leur place si tel aliment est bon pour lui ou pas. Ils s’appuieront pour cela sur le fameux
test des intolérances alimentaires, dont j’ai indiqué plus tôt dans ce livre ce qu’il fallait
en penser.

Choix alimentaires, pulsions de vie et de mort


À cette complexité s’ajoute un autre phénomène, plus archaïque, hérité des temps
les plus reculés de l’histoire de l’humanité. Il est en lien avec l’opposition existant, et
décrite par les anthropologues, entre la pulsion de vie et celle de mort, qui cohabitent
en permanence dès lors qu’on doit manger pour vivre (73). En effet, se nourrir d’une
plante inconnue pour survivre exposait alors au risque de mordre dans un végétal
toxique ; avaler une viande avariée allait peut-être exposer à une infection mortelle ; et
chasser pour survivre exposait au risque de servir soi-même de casse-croûte appétissant
à un prédateur plus fort ou plus rapide que nous. Ces craintes ont servi à structurer des
croyances rassurantes, parfois intégrées dans le domaine religieux. Cette ambivalence du
conflit entre la vie et la mort ajoute une part supplémentaire de stress à l’acte
alimentaire, de sorte que le limbique, inévitablement, va prendre le pouvoir. Ceci
explique que même en éduquant, en informant, en avertissant ou en menaçant le
patient qui « mange mal », on n’a aucune chance d’être vraiment entendu, puisque son
préfrontal ne se trouve pas invité à la discussion.

Quand il est question d’alimentation, c’est le limbique


qui commande
Cette prépondérance du limbique va se manifester par trois types de
comportements, décrits sur la figure ci-dessous. Chez le praticien ou le politique, il
s’agira d’adresser des messages ou des injonctions simplistes (« Pour votre santé, mangez
cinq fruits et légumes par jour » ou encore « Pour votre santé, évitez de grignoter entre
les repas »), dont le caractère autoritaire constitue le seul moyen d’affirmer son
expertise. Chez le patient ou le citoyen, cela se manifestera par des croyances ou des
recettes miracles (le « régime des groupes sanguins », « manger selon la méthode
paléo », etc.), dont les chances de succès apparaîtront d’autant plus importantes que les
règles proposées s’avèrent d’une simplicité déroutante… ce qui présente l’important
avantage d’apaiser temporairement l’anxiété liée au choix à faire. Enfin, le message
dominant des experts de la santé publique ou des diététiciens va accentuer le stress
perçu par le patient, et potentiellement générer un comportement de fuite… qui
renforcera le stress du thérapeute, et aggravera le caractère agressif ou du moins
coercitif de son discours.
La méconnaissance ou le refus de considérer l’implication des modes mentaux dans
la décision alimentaire rend inopérantes la plupart des recommandations, quand bien
même, d’un point de vue théorique, elles s’avèreraient justifiées. À titre d’exemple,
depuis qu’on martèle quotidiennement le célèbre « Pour votre santé, mangez cinq fruits
et légumes par jour », la consommation de cette catégorie d’aliments n’a pas évolué de
manière significative parmi nos concitoyens. Cela prouve bien que ce n’est pas le contenu
qui pèche, mais le canal par lequel le message est adressé au destinataire. Autrement
dit, tant qu’on ne place pas le patient dans une situation de réceptivité, et tant que le
praticien n’intègre pas la complexité de la décision alimentaire, aucun conseil ne pourra
porter.
Pour cette raison, la prise de pouvoir des épidémiologistes et leur manière très
particulière d’aborder les problématiques de santé ne constituent pas, aux yeux de
certains sociologues et philosophes, un authentique progrès ; loin de là. Ils redoutent ce
qui se trame déjà, à savoir une évolution de notre monde vers une société où la science
déterminerait l’orientation politique et l’espace accordé aux libertés (21). Cette vision
reflète, là aussi, le stress des décideurs et des hommes de science qui, par leur approche
exclusivement centrée sur les chiffres, croient mieux contrôler l’avenir en le rendant
prévisible. Cette stratégie ne peut gagner du terrain que pour une simple raison : notre
société vit dans le mythe d’un modèle où toute maladie serait sous contrôle, et où la
santé constituerait sa nouvelle valeur absolue. Le prix à payer, comme le note François
Sureau (94), serait le renoncement progressif à certaines libertés fondamentales avec, de
surcroît, l’assentiment du plus grand nombre !
Le questionnement ouvert, amenant peu à peu le patient à formuler lui-même ce
qu’on voudrait lui faire comprendre, permettra de lui faire mettre en application les
conseils qu’on veut lui prodiguer afin que, en se les appropriant, il parvienne librement
à mieux protéger son cerveau.

Figure 33. Comment le choix alimentaire contribue au stress.

Certaines des options à appliquer appartiennent aux citoyens, d’autres concernent


plutôt les thérapeutes, puisque seule une expertise avérée permet de discerner les
moyens à mettre en œuvre. Plus qu’un patient éclairé, un acteur de santé doté d’une
solide maîtrise pourra déterminer comment corriger les perturbations de tel ou tel
patient. Les stratégies protectrices se situent donc à différents niveaux. Mais l’impact le
plus conséquent demeure dépendant des décisions des grands de ce monde, comme on
dit. Cela n’a rien de rassurant…

Ce que je peux faire pour mon cerveau

Choix individuels
Évoquons d’abord ce qui relève de chacun ; les choix apportés en matière de santé
comptent évidemment. Il va s’agir par exemple de décider qui consulter, de s’engager de
manière active en instaurant une hygiène de vie préventive plutôt qu’attendre la
survenue de soucis de santé pour les faire traiter par des médicaments destinés à
atténuer les symptômes.

Démarche environnementale
La démarche individuelle concerne également des questions d’environnement, de
l’intérêt accordé à l’impact sur celui-ci de chacun de ses choix. Plus profondément, elle
oblige à réfléchir au sens de son projet de vie, ce qui incite à se questionner sur quelques
aspects déterminants de notre avenir, tels que : le consumérisme est-il compatible avec
la préservation de notre espace vital, et la croissance peut-elle se marier avec la santé ?

Les valeurs et l’éducation


La question des valeurs se pose aussi, tout comme celle d’une éducation qui, plutôt
que de faire de bons singes savants ayant appris mais dénués de l’aptitude à affronter
avec recul la nouveauté et l’inconnu, va plutôt stimuler la curiosité, l’intelligence et
aider chacun à se réaliser dans un projet. Ce dernier doit se trouver au centre de la vie
de l’individu, ce qui nécessite qu’il entreprenne un minimum de travail personnel pour y
parvenir. Sans cela, un stress dévastateur finira par émerger. Une partie du mal-être
provient sans doute de l’absence d’idéal, et le manque de sens donné à la vie semble
expliquer la vague de suicides qui affecte les États-Unis depuis une dizaine d’années (16)
(voir figure 35). Le pic de mortalité décrit dans cette courbe correspond à une crise
sociologique où, sans emploi et animés d’un profond sentiment d’inutilité, bon nombre
d’adultes, sombrent dans l’alcoolisme ou tentent de mettre fin à leurs jours.

Méditation et yoga protègent les neurones

Les moyens individuels pour gérer le stress


Face à un sentiment d’inconfort lié au stress, rien n’empêche, si le contexte de vie le
permet, d’intégrer à son quotidien des approches qui aident à en atténuer l’impact.
Citons ainsi la méditation (42), dont une étude a montré qu’elle prévenait la survenue
de la maladie d’Alzheimer en réduisant l’impact délétère du stress. La biologie
moléculaire a décrit comment cette technique agissait : elle favorise la synthèse du
BDNF, molécule dont on a vu plus tôt dans ce livre qu’elle gouvernait véritablement la
construction et la réparation neuronale (106).
De plus, à l’instar du yoga, cette approche donne également lieu à une chute du
cortisol (témoignant d’une meilleure gestion du stress) ainsi que des marqueurs de
l’inflammation (13). L’imagerie cérébrale confirme que des changements favorables
surviennent en réponse à cette pratique (51, 95). La figure 34 décrit l’évolution du taux
de cortisol – marqueur de stress – à différents horaires, au décours et à l’issue d’une
retraite de trois mois consacrée à la méditation (13). Des modifications épigénétiques ont
même été attribuées à une pratique régulière de l’une de ces disciplines (51). Il ne s’agit
donc plus là, avec ces techniques, d’approches ésotériques, mais d’authentiques
alternatives thérapeutiques dénuées d’effets secondaires.
De son côté, le reiki permet de mieux contrôler l’impact des événements stressants
et, à ce titre, il entre désormais dans l’arsenal des moyens développés pour retarder
l’expression de la maladie d’Alzheimer (18). Concernant le stress, il apparaît que les
massages en limitent eux aussi l’impact (28, 43, 49). On les recommande également
pour la prise en charge des syndromes dépressifs, en particulier lorsqu’ils surviennent en
lien avec une grossesse (cette situation, par les déficits plus fréquents en oméga-3 qu’elle
occasionne et par la dysbiose qui peut l’accompagner, s’avère propice à des troubles de
l’humeur) (88). Les patients déments internés semblent également manifester moins
d’agitation lorsqu’ils bénéficient de cette technique plusieurs fois par semaine (84).

Figure 34. Évolution des taux de cortisol sous l’effet d’une retraite de trois mois consacrée à la méditation
(13). Les valeurs observées se situent toutes dans la norme, ce qui pourrait laisser dubitatif. Par contre,
le pic « physiologique » relevé le matin est plus marqué, et les valeurs mesurées à d’autres horaires sont plus
basses, comme si la sécrétion de cortisol dépendait plus des rythmes circadiens endogènes, et moins
des facteurs extérieurs de perturbation.

Comment cela fonctionne-t-il ? Principalement par stimulation, à partir de


récepteurs cutanés et par l’effet affectif du toucher, de voies nerveuses en lien avec les
émotions et avec le système limbique (9). Cela favorise la chute du cortisol qui, dans
beaucoup de pathologies psychiatriques, se situe à des valeurs très élevées (28) ; ce qui
suggère – comme je l’ai déjà évoqué dans ce livre – que ces pathologies, porteuses
d’étiquettes distinctes, possèdent en commun l’existence d’un fort stress et d’une
importante anxiété réactionnelle. Le massage permet d’atténuer cette situation
défavorable.

Méditation : antidote du stress ?


Au-delà de la gestion du stress, la méditation possède des vertus thérapeutiques
avérées. En effet, un travail récemment publié a apporté d’intéressantes conclusions
(37). Sa pratique, tout comme la musicothérapie, favorise une amélioration des
marqueurs biologiques d’un groupe de volontaires et donne surtout lieu à une baisse du
taux sanguin de protéines β-amyloïdes, qui témoignent du niveau de propagation de la
maladie d’Alzheimer. L’humeur, la qualité du sommeil et les fonctions cognitives
s’amélioraient également, ceci s’expliquant certainement par les bénéfices indirects liés à
la chute du stress. On notait encore moins de stress oxydant, moins d’atteintes
inflammatoires, ce qui augure de l’intérêt de cette stratégie appliquée à l’ensemble des
situations où le cerveau souffre. Cette possibilité laisse d’ailleurs de moins en moins de
thérapeutes insensibles, comme une récente revue dédiée à la question le démontre
(17). Elle s’intègre de plus en plus à la prise en charge d’un grand nombre de
pathologies psychiatriques, neurologiques ou pour atténuer certains troubles de
l’humeur.
Par ailleurs, des données biologiques montrent que la pratique régulière du yoga,
en limitant les pics de cortisol dans le contexte d’une vie stressante, favorisait le maintien
de défenses immunitaires plus performantes (26). Il en va de même avec la méditation
qui, elle aussi, s’accompagne d’une chute du cortisol salivaire au lever, ce qui témoigne
d’un niveau de stress perçu de moindre ampleur (78).

L’influence du management
La conception du management n’est pas non plus sans influence sur le niveau de
stress perçu et son impact à terme sur la santé du cerveau et sur le bon fonctionnement
de l’immunité ne doit pas être sous-estimé. Ainsi une étude récente a-t-elle montré que
le respect d’une démarche bienveillante limitait le stress chez ceux qui recevaient les
consignes des dirigeants formés à ce mode de fonctionnement (15).
Figure 35. Statistiques détaillant le nombre de suicides aux États-Unis.

On voit que, depuis 2000 et l’émergence de zones d’abandon social dans la « Suicide
Belt » du Midwest, le nombre de morts par suicide lié aux overdoses ou à l’alcoolisme
connaît une montée en flèche jamais connue au cours du XXe siècle. Ce pic correspond à
ce que les sociologues Case et Deation appellent « les morts dues au désespoir » (16), et
à l’impression de beaucoup d’Américains de ne pas se sentir utile ou de percevoir un
quelconque sens à leur vie. Cela fait écho aux travaux de Tinoco et ses collègues (99),
qui soulignent que seule l’existence d’un projet de vie porteur permet d’affronter avec
davantage de chances de succès l’angoisse de mort.

Qu’en est-il sur le plan alimentaire ?

Les épinutriments vont sauver le cerveau


Le sujet est vaste ; de nombreux points ont déjà été abordés ici, ainsi que dans mon
précédent ouvrage (76). Comme je l’ai déjà indiqué antérieurement dans ce chapitre, les
aliments interviennent sur notre santé de trois manières différentes. Ils agissent en
premier lieu par leurs caractéristiques nutritionnelles et micronutritionnelles, par leur
contenu en protéines, en acides gras, en vitamines, minéraux, oligoéléments, et plus
encore par la présence d’épinutriments, c’est-à-dire de substances qui, en participant à
la symphonie de nos gènes, garantissent le bon déroulement de la partition. Les acteurs
en jeu se trouvent pour l’essentiel dans le règne végétal, et leur efficacité ne justifie plus
d’être remise en cause. Leur rôle protecteur à l’encontre des maladies
neurodégénératives s’exerce précisément par cette richesse micronutritionnelle (31, 86,
96). Ces épinutriments améliorent également la qualité de vie et les symptômes des
patients dans le cadre de certaines pathologies psychiatriques, notamment la
schizophrénie (4).

a) Le curcuma
Les besoins nutritionnels du cerveau ont fait l’objet d’un abondant développement
au chapitre 2 ; je n’y reviendrai pas, hormis pour insister sur les propriétés assez
exceptionnelles, pour notre cerveau, de deux ingrédients tirés de nos assiettes et dotés
d’une flatteuse réputation : le curcuma et le resvératrol. Évoquons d’abord le premier et
ses interventions se tenant au cœur de la cellule qui s’exercent tous azimuts : il limite les
perturbations immunitaires, inflammatoires, oxydatives, l’étendue des processus
dégénératifs et lésionnels, ce qui a conduit à envisager d’en faire une arme fatale contre
les maladies neurodégénératives (48). La figure 36 résume les processus par lesquels les
composés actifs, les curcuminoïdes, contrarient l’évolution des processus
neurodégénératifs.

Figure 36. Mécanismes d’action du rôle protecteur du curcuma relatif aux maladies neurodégénératives.

L’intervention des curcuminoïdes permet de protéger les mitochondries (ce qui


garantit le maintien en vie de la cellule), freine la production radicalaire, limite l’impact
délétère des métaux lourds, et enfin empêche l’accumulation de certains amas tels que
les protéines β-amyloïdes, qui constituent l’une des caractéristiques de la maladie
d’Alzheimer.
À ceci s’ajoute l’aptitude du curcuma à corriger des états dépressifs, ceci résultant
d’une conjonction d’effets : propriétés anti-inflammatoires (ce qui préserve la voie de
synthèse de la sérotonine), propriétés antioxydantes, rôle sur la modulation immunitaire
(p a r activation des lymphocytes régulateurs), effet neuroprotecteur décrit dans la
figure 36. Enfin, il présente l’aptitude à agir sur les gènes des enzymes grâce auxquelles
on peut fabriquer des neurotransmetteurs tels que la sérotonine ou la dopamine (50).
Rien d’étonnant, de ce fait, à ce que l’épice ait fait l’objet d’une étude clinique en double
aveugle, confirmant son intérêt dans la prise en charge des tableaux de dépression
modérée à sévère (83). Par ailleurs, le curcuma agit sur la muqueuse intestinale en
limitant l’ampleur du processus d’hyperperméabilité, le passage d’endotoxines qui
l’accompagne, et l’inflammation qui en résulte (14, 69, 89). Enfin, ce qui ne gâte rien, le
caractère ubiquitaire des interventions du curcuma s’exerce également à l’encontre de la
prolifération du Candida albicans et du staphylocoque doré ; ce qui permet, bien
évidemment, de limiter les sollicitations immunitaires qui se jouent. Cela réduira
d’autant l’ampleur des répercussions en cascade qui, au fil du temps, peuvent porter
préjudice aux neurones (22, 63, 82).

b) Le resvératrol
Le resvératrol constitue un autre acteur clef de l’épinutrition. Il protège la
mitochondrie des atteintes oxydatives liées aux facteurs environnementaux (pollution,
infections, exercice), et en permet même la multiplication au cœur des cellules
musculaires, ce qui peut contribuer à protéger les neurones (23). Son action ne s’arrête
pas là ; on a vu que, lors d’une dysbiose chronique, l’hyperperméabilité intestinale
pouvait constituer le point de départ d’un processus d’inflammation du tissu adipeux.
Or, une étude néerlandaise a établi que le resvératrol diminuait l’inflammation de ce
dernier (66), ce qui bénéficie à l’ensemble de l’organisme dans la mesure où les
neurones baigneront dans un climat plus favorable.
Ce bénéfice repose principalement sur des mécanismes épigénétiques. L’aptitude du
resvératrol à garantir le bon déroulement de ces derniers explique qu’il présente un rôle
protecteur à l’encontre du cancer de la prostate en particulier (46), et de tous les autres
de manière plus globale (39). Son association à la curcumine fait même l’objet d’essais
thérapeutiques (68), c’est dire à quel point on les prend désormais au sérieux ! Le
resvératrol exerce également des effets antioxydants et anti-inflammatoires, notamment
en modulant l’expression des gènes dont dépendent les cytokines pro-inflammatoires et
les enzymes antioxydantes (30). Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’une multitude de
travaux aient paru ces dernières années, montrant les bénéfices thérapeutiques
potentiels de cette molécule et, plus globalement, de l’ensemble des polyphénols tirés
des fruits (30).
Très récemment, une étude a établi les bénéfices que le resvératrol exerçait en
faveur des cellules cérébrales conduisant à une baisse, chez l’animal, de manifestations
d’anxiété (54). On mesure tout l’intérêt de cette découverte au regard de la fréquente
survenue d’épisodes anxieux dans le cas où le stress et la dysbiose associent leurs
interventions pour fragiliser le cerveau ! Ce n’est pas tout : la prise de resvératrol,
combinée là encore au curcuma, influe non seulement sur le profil de cytokines libérées
au sein de notre écosystème intestinal en diminuant le climat pro-inflammatoire, mais
elle module également la composition du microbiote en favorisant la croissance de
lactobacilles et de bifidobactéries, ce qui va dans le sens d’une meilleure harmonie
immunitaire et d’une moindre inflammation (7). De telles propriétés ont conduit certains
auteurs à évoquer, à propos de telles molécules dotées à la fois d’effets prébiotiques (par
la croissance sélective de certaines souches bactériennes) et antioxydantes, le concept de
cobiotique (87). Par ailleurs, il possède lui aussi des vertus anti-Candida ayant fait l’objet
d’une démonstration rigoureuse (34, 47, 103).

Empoisonné par l’assiette ?

La toxicité potentielle des aliments


Le deuxième mode d’intervention des aliments concerne leurs potentialités toxiques.
En premier lieu, le public pense aux dangers bien réels que représentent les métaux
lourds. Ces derniers, de plus en plus disséminés dans notre environnement, expriment à
bas bruit une nocivité dont l’importance s’avère difficile à évaluer à l’échelle individuelle.
En effet, l’homme de science, à leur sujet, se heurte à plusieurs difficultés. Il existe bien
sûr pour ces éléments une toxicité aiguë. Il s’agit de celle qui, avec une seule prise, se
montre susceptible de mettre en danger la vie de la victime. Mais, en général, ce n’est
pas celle-ci qui préoccupe les neurologues. Leur vigilance se concentre plutôt sur une
forme d’empoisonnement au long cours, ce qu’on nomme la « toxicité chronique ». Les
doses susceptibles d’altérer la structure et les fonctions des neurones au fil des années
s’avèrent difficiles à établir, et les effets croisés, cumulés, recèlent encore plus
d’inconnues.

Des populations diversement exposées


Enfin, un même niveau d’exposition ne produira pas forcément le même niveau de
dommages selon la période de la vie où on le rencontre ; plus l’exposition survient tôt, et
plus les répercussions pour le cerveau fœtal s’avèrent importantes et durables (58, 64,
77). Les spécialistes de l’environnement préfèrent un élément beaucoup plus tangible
pour décrire la gravité de la situation : c’est le niveau d’exposition moyen des
populations. Plus celui-là est élevé, plus augmente le risque de voir un nombre croissant
d’individus, au sein de ce groupe, de développer des problèmes de santé en lien avec la
présence excessive de ces métaux lourds dans l’organisme.

a) Les métaux lourds


Concernant le cerveau, diverses études ont démontré l’implication des métaux
lourds dans des troubles multifactoriels tels que l’autisme (41, 61, 67, 104). Certains
auteurs considèrent aujourd’hui, à la lumière de leurs observations, qu’il n’existe par
exemple pas de seuil de toxicité pour le plomb, et que toute trace dans notre organisme
constitue déjà un danger (101). Une question similaire se pose à propos du cadmium
(58). Concernant les troubles de l’humeur, certains auteurs considèrent qu’une présence
de certains métaux lourds pourrait aggraver les troubles anxieux (60). Quelles sont les
principales sources de métaux lourds ? Certainement les gros poissons situés en bout de
chaîne alimentaire de sorte que, comme je l’ai indiqué précédemment, malgré leur
richesse en oméga-3, il s’avère désormais très aventureux d’en manger plus de deux fois
par semaine (64), ce qui va obliger à repenser les modes d’élevage afin de trouver
davantage d’oméga-3 d’origine terrestre dans notre assiette (comme avec la filière
oméga-3 qu’on trouve sur notre territoire).
On connaît également de longue date la forte responsabilité des métaux lourds, et
plus particulièrement de l’aluminium, dans le déclenchement et l’accélération des
maladies neurodégénératives, au premier rang desquelles figure la maladie d’Alzheimer
(3, 27, 36). Or, ce polluant atteint aujourd’hui un tel niveau dans notre environnement
que certains auteurs décrivent l’existence de lignées familiales de pathologies
dégénératives (59).

b) Les produits toxiques appliqués dans l’agriculture


D’autres types de toxiques agressent nos neurones, principalement fournis par les
traitements appliqués dans le cadre de l’agriculture conventionnelle. L’un des plus
malsains pour les neurones, objet de débats acharnés, est sans conteste le glyphosate,
dont la toxicité semble être amplifiée après intervention de notre microbiote et
l’apparition de certains dérivés dans notre tube digestif (81). Le bisphénol A, les
hormones et dérivés – y compris sous forme de résidus de pilule chez une femme
enceinte (75) –, exercent également une influence défavorable sur le développement
cérébral, en venant perturber l’épigenèse cérébrale dès les premiers jours d’existence du
cerveau.
La liste des intrus est évidemment très longue, et leur énumération nous mènerait
beaucoup trop loin. Certains de ces toxiques agissent dès la vie fœtale, d’autres
poursuivent leur œuvre tout au long de la vie (40, 77, 79, 100). Mais de ceci ressort un
constat évident : il faut impérativement en réduire la présence dans notre chaîne
alimentaire, et cet objectif implique bien plus que de manger bio et local. Notre mode de
vie, par la persistance des dérivés chimiques qui s’ensuit, nécessite d’être réformé pas à
pas. De ce point de vue, pour obtenir une résilience suffisante de notre environnement,
celui-ci doit être désormais abordé dans une réflexion systémique, amenant à considérer
l’ensemble des secteurs et des sources de polluants en interconnexion les uns avec les
autres plutôt qu’isolément avec des efforts individuels, déconnectés, entrepris pour
limiter la casse (97). Le chantier est énorme. Il concerne aussi la qualité de notre air,
puisque la pollution qu’il véhicule influe sur le développement du cerveau fœtal et ses
aptitudes futures (77, 93), en plus de nos sols ou de l’eau qui influent directement sur la
qualité de ce que nous mangeons et buvons !
Or, plus la pollution exerce une pression forte sur notre alimentation, plus ces
éléments néfastes gagnent notre assiette. De ce fait, il va paraître judicieux de
restreindre la fréquence de consommation de certains aliments. Ainsi les fruits de mer,
très bien dotés en micronutriments protecteurs, mais parfois vecteurs de polluants à des
taux encore plus élevés, verront-ils leur consommation contingentée. Logiquement, cela
va inciter à encourager de plus en plus le public à se tourner vers les aliments issus de
modes d’agriculture moins agressifs pour l’environnement et moins coûteux sur le plan
énergétique. D’autres ont longuement écrit sur ce sujet, mais n’occultons pas ce fait :
l’agriculture conventionnelle, fruit d’une politique mûrement réfléchie, perdra en
importance si chaque citoyen convaincu restreint toujours plus la quantité d’aliments en
étant issus.

c) Les agents infectieux


Enfin, la troisième façon selon laquelle un aliment peut influer sur notre santé
réside dans sa potentialité immunitaire. Réactions croisées avec le Candida, porteur de
peptides susceptibles d’interférer avec le comportement alimentaire, les émotions ou la
gestion du stress, certaines denrées, plus que d’autres, peuvent se trouver sur la
sellette 14. J’ai abordé dans ce livre la question de certaines formes de gluten et de
caséine.
Un positionnement préfrontal aidera à distinguer le fromage de brebis bio au lait
cru issu d’un lait provenant d’un animal qui gambade dans la nature, d’un fromage
industriel provenant d’une vache saturée de facteurs de croissance et d’antibiotiques.
Parler de laitages en général ne signifie rien, c’est une facilité de raisonnement très
limbique qui évite de se confronter à la complexité croissante des choix alimentaires à
opérer. Quel produit, d’où, sous quelle forme, et quand ? Face à cette difficulté,
génératrice de stress et, par conséquent, d’un comportement de fuite d’un grand nombre
de sujets qui préfèrent ne rien voir et ne pas se poser de questions pour se sentir en paix,
on conçoit que les habitudes puissent si peu évoluer.

Les armes à la disposition des thérapeutes

Je n’évoque ici que ce qui concerne les moyens de complémentation à la disposition


des thérapeutes formés à la micronutrition et aux approches alternatives, auxquels les
citoyens – même éclairés – ne peuvent en aucun cas se substituer. S’intéresser à la
chirurgie ne fait pas de vous un chirurgien. Avoir un intérêt pour la nutrition ne fait pas
davantage de vous un nutritionniste !
Au-delà des choix alimentaires, il est possible d’orienter le patient et lui
recommander la prise de compléments alimentaires ciblés. Ceux-ci seront destinés à
corriger des fonctions perturbées, à moduler l’immunité ou à corriger des déficits, dans
la mesure où ces derniers sont établis et influent sur le fonctionnement du cerveau,
directement ou indirectement. Il s’agit, là aussi, d’un vaste domaine, mais j’en identifie
deux pour lesquels des données prometteuses permettent de dégager une authentique
expertise, propre à individualiser la prise en charge. Il s’agit d’une part de l’emploi des
probiotiques et d’autre part du recours aux plantes adaptogènes (voir figure 37).

Figure 37. Synthèse sur les moyens à mettre en œuvre pour l’harmonie neuropsychologique.
L’harmonie du fonctionnement cérébral dénué de troubles psychologiques, de
pathologies psychiatriques ou neurodégénératives demande la satisfaction ou le
maintien d’un certain nombre de critères, et le recours à des moyens de diverses natures.
Les plantes adaptogènes et certains autres ingrédients issus du monde végétal, tel le
curcuma, vont prévenir ou corriger les conséquences biologiques d’un contexte
générateur d’un stress exagéré. La maîtrise des modes mentaux réduit fortement les
répercussions émotionnelles d’événements qui, dans d’autres conditions, provoqueraient
des perturbations au sein de l’organisme. L’intégrité de l’écosystème intestinal s’avère
précieuse, tant au cours de la période fœtale – ce qui concerne le microbiote de la
mère – qu’aux différentes étapes de la vie.
La mise en place d’une alimentation individualisée optimale, nourrissant
correctement le microbiote, lui donnant de bonnes informations grâce notamment aux
probiotiques et proposant, si besoin est, une éviction d’aliments susceptibles de perturber
le cerveau, constituera une stratégie tout aussi bénéfique. Elle intègrera, en cas de
pratique sportive régulière, le respect de règles limitant la fragilisation de la muqueuse
et les perturbations immunitaires. En premier lieu, cela impliquera un usage régulier et
méthodique de boissons énergétiques.
L’« environnement optimal », concerne autant les choix de vie mis en œuvre pour
protéger l’eau, le sol et l’air que ceux visant à protéger et stimuler le cerveau :
méditation, yoga, activité physique régulière et respectueuse des limites de l’individu,
hygiène de sommeil, dynamique relationnelle positive, prise de recul et identification
d’un projet de vie épanouissant favorisé par une vision plus préfrontale et humaniste de
l’enseignement et de l’ensemble des relations liées à l’exercice d’une activité
professionnelle. On voit qu’une partie des moyens à déployer reste du ressort de chacun,
nécessitant en outre la présence de thérapeutes dotés d’une réflexion holistique et d’un
solide bagage scientifique. D’autres impliquent un engagement plus clair des
responsables. Nous disposons hélas d’assurance moindre quant à la possibilité qu’ils les
appliquent.

Le rôle des probiotiques

Tout au long de cet ouvrage, certains processus, plus que d’autres, se sont avérés
cruciaux pour le maintien d’un bon état de santé ; il s’agit de ceux qui concernent
l’immunité, le contrôle du stress oxydant et de l’inflammation, ces processus étant
interdépendants les uns des autres, et largement soumis à la gouvernance de notre
microbiote. On a vu à quel point, dès lors que des perturbations se répercutaient sur ces
processus, le cerveau développait progressivement un état de désadaptation pouvant
conduire à des troubles émotionnels, cognitifs ou psychologiques survenant souvent avec
une latence de plusieurs années. Mais cela peut également faire le lit, comme on l’a vu,
de pathologies psychiatriques ou neurodégénératives (voir figure 33).
J’ai également souligné, tôt dans ce livre, à quel point les bactéries qui ont colonisé
nos intestins, en communiquant avec l’ensemble de nos cellules, conditionnaient la mise
en place harmonieuse, le fonctionnement optimal, et une protection efficace de nos
neurones. Du fait que ce dialogue s’instaure dès la période fœtale (10), notamment pour
le cerveau, notre second intestin, il paraît logique de tenter de rétablir un dialogue qui
peut manquer à des moments clefs de la vie du cerveau. À cet égard, les probiotiques
constituent des alliés sans équivalent (32, 35).
Un nombre élevé de travaux leur a été consacré au cours de ces quinze dernières
années, repoussant toujours plus loin les limites de nos connaissances. Selon la dernière
définition de l’OMS, les probiotiques se présentent comme des « micro-organismes
vivants qui, administrés en quantité adéquate, exercent un effet bénéfique sur la santé
de l’hôte ». Cette définition un peu sibylline recouvre une réalité pourtant bien précise ;
un probiotique ne mérite ce nom que s’il exerce un effet physiologique scientifiquement
démontré. Les probiotiques, en général, possèdent-ils tous les mêmes propriétés, en
faisant un monde d’acteurs bactériens interchangeables ?
Loin de là ; leurs effets, au contraire, varient en fonction des souches et des dosages
auxquels on les administre. Ces effets peuvent s’atténuer, ou au contraire s’accentuer,
selon la façon dont les souches sont associées. Leurs actions ne dépendent pas non plus
du nombre de souches présentes dans les mélanges, comme on le croit parfois (102), et
le plus n’est alors pas garant du mieux. Les travaux les plus prometteurs montrent
qu’une partie de leur intervention consiste à moduler le climat immunitaire. Cela
permet, comme on le voit un peu plus loin, de prévenir les dégâts liés aux pathologies
neurologiques et de minimiser les manifestations des maladies psychiatriques.

Des probiotiques… aux psychobiotiques

En ce qui concerne leurs effets sur l’humeur, les données commencent à


s’accumuler. Fait intéressant, et déjà abordé dans mon ouvrage précédent, L’Épinutrition
du sportif (76), ces interventions de probiotiques reposent, on le sait aujourd’hui, sur des
processus épigénétiques portant sur les gènes dont dépendent les cytokines. Mais ce
n’est pas tout ; certaines souches interviennent également en modulant l’expression de
gènes en lien avec la synthèse de neurotransmetteurs (24, 80).
Ainsi, plusieurs études ont démontré que les cytokines pro-inflammatoires libérées
par notre système immunitaire et notre microbiote, dans des conditions d’agression ou
de déséquilibre, pouvaient exercer une action directe sur le système nerveux central.
Comment ? En agissant sur les neurones qui transmettaient ensuite directement l’influx
vers le cerveau, pouvant ainsi contribuer à un climat émotionnel inflammatoire, se
caractérisant par une tendance dépressive (38). À l’inverse, des informations provenant
du cerveau peuvent contribuer à réduire la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires
(72), de sorte qu’il existe un flux bidirectionnel d’informations entre l’intestin et le
cerveau, chacun influençant l’autre selon le contexte biologique du moment.
Le système hormonal n’est pas en reste ; ainsi le cortisol, libéré en quantité accrue
en cas de stress, va-t-il moduler à la fois la nature des cytokines synthétisées et la
composition du microbiote (102). Autrement dit, on peut fabriquer une microflore du
stress, composée différemment de celle d’un sujet en harmonie, et plus paisible ! Enfin,
certaines des bactéries présentes dans notre intestin possèdent l’aptitude à fabriquer
différents neurotransmetteurs, tels que la sérotonine, le GABA ou la dopamine, rendant
vraisemblable l’hypothèse d’une action directe de notre microbiote sur notre cerveau, et
permettant d’envisager qu’il puisse exister des répercussions de la dysbiose sur des
troubles cognitifs ou psychiatriques, non seulement en période fœtale et durant les
premières années de la vie, comme je l’ai indiqué au chapitre 3, mais à tout âge.

Les psychobiotiques
Moduler l’activité du microbiote peut-il transformer l’activité du cerveau ? Il a en
effet semblé logique de se demander si certains probiotiques possédaient la capacité
d’agir sur l’activité neuronale. Forts d’une telle particularité, ils se nommeraient des
« psychobiotiques » 15, selon le terme inventé à la fin de l’année 2013 (24).
Depuis près de dix ans, les arguments s’accumulent pour montrer que certaines
souches interviennent effectivement en favorisant l’expression de gènes en lien avec
l’activité cérébrale. Parmi les neurotransmetteurs élaborés dans l’intestin, une place de
choix doit être accordée au GABA, qui constitue le médiateur inhibiteur le plus
important, comme on l’a vu au début de ce livre. L’essentiel de son travail consiste à
calmer l’hyperactivité de zones cérébrales entières, et sans lui nous serions des piles
atomiques en fusion permanente ! Si ses récepteurs sont moins abondants au niveau des
terminaisons nerveuses, généralement en raison d’une moindre traduction des gènes
dont dépendent ces structures protéiques, on voit survenir simultanément des
manifestations anxieuses et des troubles gastro-intestinaux.
Or, une souche probiotique particulière, Lactobacillus rhamnosus GG, exerce un effet
épigénétique très intéressant ; il accroît le nombre de récepteurs GABA présents dans les
neurones (12). Un travail contemporain du précédent a permis d’établir que d’autres
souches agissaient directement sur les gènes des neurones intestinaux qui, ainsi activés,
vont produire davantage de sérotonine et réduire les manifestations dépressives (6).
Dans une autre expérience menée sur des souris souffrant de colite, la souche
Bifidobacterium longum NCC3001 diminuait l’anxiété, sans influer sur l’inflammation, et
cet effet s’accompagnait d’une synthèse accrue d’un ARN messager dont l’élévation
coïncidait avec les changements de comportement des animaux (25).
Parfois, une même souche possède à la fois l’aptitude à moduler l’immunité et
l’inflammation et celle d’influer sur l’activité neuronale. Ainsi la souche Lactobacillus
acidophilus LA201, qui entre dans le mélange probiotique anti-inflammatoire Lactibiane
« tolérance », influe également directement sur les neurones intestinaux en leur faisant
fabriquer davantage de récepteurs impliqués dans la voie des opioïdes.
Ce faisant, cette action épigénétique dote ce probiotique d’un effet analgésique (80).
Des expériences ont été encore plus loin ; ainsi, Tillisch et ses collègues (98) ont-ils
montré que la prise d’un lait fermenté enrichi en une famille particulière de
bifidobactéries contribuait à une meilleure gestion des émotions et de l’agressivité par ses
utilisateurs. J’ai fait allusion, plus tôt dans ce livre, au manque de diversité du
microbiote de sujets considérés comme présentant des troubles du spectre autistique
(TSA). Or, chez eux, l’apport de probiotiques ciblés permettant de réduire
l’inflammation associée à cette pauvreté du microbiote favorisait une diminution de la
sévérité des troubles au terme de deux mois de complémentation (98).

Les probiotiques et les troubles émotionnels : ce que disent


les études…
Les probiotiques semblent donc atténuer les troubles émotionnels, les perturbations
des fonctions cognitives ou encore certaines pathologies psychiatriques. Mais qu’en est-il
de leur rôle potentiel dans le cadre des maladies neurodégénératives ? Des travaux
récents ont mis en évidence un rôle majeur des probiotiques dans la prévention de la
maladie d’Alzheimer, ce qui somme doute n’a rien d’étonnant puisqu’une partie de la
responsabilité de cette pathologie incombe, comme on l’a vu, aux antibiothérapies qui
perturbent l’équilibre fonctionnel du microbiote alors que, à l’inverse, certains
probiotiques visent à corriger les anomalies apparues à la suite de ce traitement (2).
Enfin, quelques souches ont également fait preuve de leur efficacité pour traiter
certains troubles du sommeil, ce qui ne devrait guère étonner dans la mesure où bon
nombre d’entre eux résultent d’une anxiété excessive et que la capacité de l’intestin à
fabriquer davantage de GABA, sous l’influence de psychobiotiques appropriés, va
atténuer ce mal-être… ce qui rendra plus enclin à sombrer paisiblement dans les bras de
Morphée, pour une nuit enfin réparatrice (57).

L’intérêt des plantes adaptogènes

Les plantes adaptogènes


Ce paragraphe fait ici référence à des composés végétaux dotés de nombreuses
vertus ayant traversé les époques sous de nombreuses latitudes, et qui ont peu à peu
acquis leurs lettres de noblesse. Ces dernières décennies, elles ont fait leur entrée dans le
monde médical grâce à des études ayant démontré leurs multiples modes d’action. Ce
qu’on désigne par « plantes adaptogènes » regroupe une série de végétaux
(ashwagandha, ginseng, éleuthérocoque, Rhodiola, Schisandra par exemple), qui toutes
contiennent des ingrédients capables de corriger l’impact du stress et peuvent ramener
l’harmonie au sein des processus qui pâtissent de son influence durable. Ainsi, de
nombreuses plantes utilisées dans les médecines traditionnelles chinoises et
ayurvédiques se caractérisent par leur action globale de préservation de la santé
mentale et physique, tout en augmentant les systèmes de défense de l’organisme et sa
longévité. Ces plantes adaptogènes restaurent une activité neuronale, hormonale ou
immunitaire préalablement mise à mal sous l’influence d’un stress pathologique (20).

L’action omnipotente des adaptogènes


Au cours des quinze dernières années, des travaux menés sur ces végétaux et
appliquant la méthodologie imposée pour l’évaluation des substances médicamenteuses
ont permis de préciser les mécanismes biologiques qui caractérisent leur intervention.
Parmi ceux-ci, il en ressort un qui concerne plus particulièrement le cerveau humain. Les
adaptogènes, dans leur ensemble, parviennent à moduler le taux du neuropeptide Y (5,
70, 105). Cette molécule, constituée de 36 acides aminés, largement présente dans le
système nerveux central et périphérique (les neurones situés en dehors du cerveau), joue
un rôle important dans la mise en place des mécanismes d’adaptation en lien avec
l’activité physique. Il agit en déclenchant la lecture de certains gènes lors de situations
d’urgence.
Cette modulation épigénétique, héritage précieux de l’évolution, permet d’ajuster
nos comportements et notre fonctionnement pour rester en vie dans des situations
extrêmes. Par exemple, il aide à mieux faire face à un jeûne prolongé (en modulant des
voies nerveuses impliquées dans le rassasiement) (107). Cela favorisait la fuite face à
l’ennemi. Il intervient également en cas d’attaques de panique (11, 91) ou d’exposition
au froid (53), sa mise en jeu contribuant à protéger le cerveau de ces situations très
agressives, et sans doute très fréquentes durant le Paléolithique.
Il agit directement sur la voie qui, on l’a vu, participe à la réponse au stress et
mobilise l’ensemble des ressources de l’organisme, c’est-à-dire l’axe reliant
l’hypothalamus, l’hypophyse et les glandes surrénales (45). Par son intervention, il vise
à atténuer le niveau de sollicitation auquel les neurones se trouvent soumis ; autrement
dit, il permet de minorer les impacts et de préserver les ressources, en particulier pour
anticiper une perturbation susceptible de s’inscrire dans la durée. Agissant sur les
logiciels régulateurs, ce neuropeptide peut véritablement se comparer au mitigeur qui
contrôle la participation des processus adaptatifs.

Les bénéfices liés aux adaptogènes


A-t-on plus concrètement évalué les bénéfices des plantes adaptogènes ? Leur effet
sur le neuropeptide Y explique-t-il les observations séculaires les concernant ?
Effectivement ; de récents travaux montrent par exemple que le ginseng va atténuer la
sécrétion de cortisol lors d’une tâche très demandeuse physiquement, et ce de manière
significative comparativement à un placebo (29). Cette atténuation s’avère possible grâce
à la modulation de ce neuropeptide Y. Une récente étude menée en double aveugle a
également démontré son aptitude à réduire la fatigue chez des sujets surmenés (92).
Quand il fallait marcher des jours entiers, le ventre vide, pour tenter d’approcher du
gibier, les vertus de Rhodiola garantissaient tout simplement la survie du groupe, en
préservant ceux dont la force et l’endurance conditionnaient la survie du groupe dans
ces conditions délicates.
Certains auteurs ont également démontré qu’il limitait les pics de cortisol et
améliorait l’attention d’enfants étiquetés hyperactifs (44). Enfin, son attitude à maintenir
l’immunité, en particulier dans des situations très exigeantes, va contribuer à la
préservation de l’intégrité du cerveau (9, 33, 71).
Les effets sur les troubles de l’humeur apparaissant en situation de stress chronique
ont eux aussi fait l’objet d’études instructives. Ainsi Rhodiola permet-elle de limiter la
chute de la sérotonine (et l’état dépressif qui en résulte) dans de tels contextes (20, 55,
56). Une étude menée en double aveugle a montré qu’elle s’accompagnait d’une
moindre fatigue chez des sujets souffrant d’asthénie (65).
Qu’ajouter à ce tableau déjà très évocateur ? D’autres travaux ont indiqué que cette
plante permettait de soutenir une tâche cognitive soutenue ou un travail physique
intense tout en limitant la fatigue ultérieure (85, 90). Rhodiola diminue également la
fatigue perçue par des membres d’une équipe hospitalière à l’issue d’une garde nocturne
(20). Enfin, elle fait également chuter le niveau d’anxiété de sujets confrontés au stress
chronique, vertu qu’elle partage avec une autre plante adaptogène, l’ashwagandha
(74).
Enfin, elle exerce également d’indéniables effets sur les dépressions modérées (19).
On comprend en tout cas, au regard de ces expériences rigoureuses, que la prescription
de telles plantes dans le cadre d’une stratégie globale de prise en charge du stress – mot
pris au sens premier – va constituer un précieux allié (voir figure 37).
Pour résumer ce chapitre, on mesure que les moyens d’améliorer la santé du
cerveau et d’entretenir l’extraordinaire potentialité créatrice qu’il renferme impliquent
des choix personnels concernant l’hygiène de vie, l’alimentation, la gestion du stress, et
repose sur les éventuels ajustements apportés par les thérapeutes s’intéressant au
cerveau et à l’ensemble des interlocuteurs qu’il rencontre. Il nécessite aussi un
changement de paradigme sociétal, sans lequel toute l’expertise scientifique décrite dans
ces dernières pages ne servirait qu’à retarder l’échéance et à freiner la déchéance.
Conclusion
QUEL AVENIR POUR LE CERVEAU ?

Au moment de conclure ce livre, au bout duquel chacun espère trouver les recettes
qui lui permettront, finalement, de mieux gérer le stress, d’optimiser ses aptitudes
cognitives et émotionnelles et d’avoir la garantie que sa descendance n’arrêtera pas le
cours de l’évolution du cerveau de l’hominidé, allant vers toujours plus de complexité…
Je mesure à quel point de telles attentes risquent d’être déçues. Imaginer qu’il existe des
solutions simples, rapides, peu énergivores et sans engagement, applicables
instantanément sans que chacun renonce à son confort actuel, est un leurre. Changer la
donne requiert un réel effort de tous, une prise de conscience à la mesure des enjeux. Il
ne s’agit pas tant de survie de l’espèce humaine que de préservation de la forme la plus
aboutie de l’intelligence dont l’évolution l’a doté…
Est-il trop tard ? Les multiples atteintes portées à notre boîte noire de génération en
génération s’avèrent-elles irréversibles ? Il me paraît indéniable que les énormes dégâts,
sans doute irréversibles pour un certain nombre d’entre eux, qui ont atteint notre
microbiote ont sans doute affecté le bon déroulement de l’embryogenèse cérébrale ; les
messages cruciaux provenant de notre intestin, envoyés à son attention, se trouvent
brouillés. L’augmentation croissante des cas de dys et d’autisme, la consommation
record d’antidépresseurs, la montée en puissance des problématiques de toxicomanie, la
présence accrue des maladies neurodégénératives viennent bien indiquer que cette
crainte d’une régression qui surviendrait à l’échelle d’une population entière n’a rien de
virtuel.
À ceci s’ajoute l’existence d’un bagage transgénérationnel, en lien avec
l’épigénétique, qui intervient de telle sorte que les anomalies acquises à une génération
se retrouvent à la suivante. Je pointais déjà l’existence de ce lourd héritage dans mon
dernier ouvrage, Épinutrition du sportif (2017), où je m’interrogeais quant aux causes de
l’inquiétante baisse du niveau moyen de condition physique des plus jeunes. Une
inquiétude du même ordre semble aujourd’hui légitime concernant les compétences
cognitives, au regard des relations très intimes reliant notre monde bactérien et notre
cerveau, et l’état déplorable du premier chez la plupart d’entre nous.
Mais alors, les comportements de nos congénères, exacerbés en période de crise,
témoignent-ils déjà d’une décadence neuronale généralisée ou viennent-ils plutôt
illustrer que, dans la majorité des situations, nous n’utilisons pas – ou pas assez – notre
cerveau préfrontal ? Est-ce à dire, alors que nous ne vivons ni au Moyen Âge ni sous les
bombes de la guerre syrienne, que le stress perçu et régulièrement dépeint par les
médias s’explique réellement par l’ampleur des dangers objectifs encourus dans notre
monde moderne ? Ou le monte-t-on en épingle à dessein ? Et surtout, à cette époque où
l’on confond vitesse et précipitation, ne crée-t-on pas un contexte propice à court-
circuiter le rôle pondérateur de la partie la plus intelligente et élaborée de notre boîte
noire en réagissant dans l’instantanéité, tendance accentuée par Internet, les réseaux
sociaux et l’omniprésence des médias d’information animés par la prédominance des
émotions ?
Autre question se posant à ce stade du livre : qu’a-t-il bien pu se passer dans la tête
de nos deux champions, dont les déconvenues ont servi de fil rouge tout au long de ce
récit, sans qu’à aucun moment je ne vous livre des explications confidentielles et
officielles ? Et pour cause : je n’en détiens pas ! Le contexte de plus en plus délétère
pour notre cerveau qui caractérise le sport de haut niveau, avec des atteintes à l’ego,
l’imprévisibilité, parfois une véritable absence de contrôle sur les événements, de
multiples agressions immunitaires et un développement progressif de la dysbiose crée
une situation évolutive au cours de laquelle, peu à peu, la désadaptation menace.
L’ensemble de ces facteurs agit comme une masse de termites qui attaquerait
silencieusement l’une des poutres de votre plafond, jusqu’à ce que ce dernier, un beau
matin, s’écrase sur votre lit. Rien, la veille, ne laissait présager de la catastrophe. Rien
ne prévoyait le coup de tête de Zidane ni la fuite hallucinante de Pérec.
Et pourtant… L’accompagnement de ces champions reposant surtout sur les aspects
biologiques et physiologiques de la performance, sur l’arithmétique diététique (combien
de calories, combien de glucides, combien de kilos en trop ?), et la prise en charge du
mental – quand elle existe –, la mobilisation des ressources conscientes et de la volonté,
on conçoit que rien ne permet, structurellement, de disposer d’une réflexion systémique.
Or, celle-ci nous amènerait à imaginer une stratégie transversale, intégrant les différents
aspects qui modulent le fonctionnement du cerveau. Cela pourrait nous doter d’alertes
– au vu de signes fonctionnels, de manifestations émotionnelles à resituer, et enfin de
modifications biologiques annonciatrices des désordres à venir –, afin d’anticiper et de
prévenir. Mais en allant sur différents territoires, une telle approche bougerait le pré
sacré de chacun, apporterait de la nouveauté et de l’imprévisibilité, voire une absence de
contrôle ou une atteinte à l’ego – pour quelques cadres bien placés ayant atteint leurs
limites d’incompétence. Cela susciterait un tel niveau de stress, source de lutte, de fuite
ou d’inhibition, qu’il est structurellement impossible de l’envisager. Il faudra donc
développer et former des personnes suffisamment compétentes pour espérer parvenir à
mettre en œuvre cette approche holistique.
Cela aidera à anticiper et à prévenir. Anticiper et prévenir la survenue d’épisodes
tels que ceux évoqués au début de cet ouvrage, préjudiciables au succès des sportifs
concernés, mais également défavorables à leur image, à leur intégrité et aux
conséquences à venir. Mais pas seulement ; le jeu de modes mentaux pervers,
susceptibles de soumettre de jeunes gens vulnérables à la volonté toute-puissante d’un
adulte doté d’un paléolimbique grégaire dominant, pourrait leur imposer des pratiques
condamnables et destructrices. L’histoire récente, tant en patinage qu’en tennis, et sans
doute dans bien d’autres sports, le confirme hélas chaque jour un peu plus. Cette mise
sous tutelle, qui rappelle les travaux de Stanley Milgram, a évidemment causé
d’énormes dégâts et certaines disciplines se trouvent aujourd’hui, à cause de cela,
marquées au fer rouge.
Cela permettrait encore d’anticiper et de prévenir le recours au dopage, qu’on peut
considérer assez souvent comme l’expression d’un état de stress en mode de fuite, y
compris dans un contexte où il serait institutionnalisé, comme à l’époque de l’affaire
Festina. Dans ce climat de dopage généralisé, nul doute que bon nombre de coureurs
ont dû faire face à un dilemme : se doper ou disparaître des pelotons. Il ne s’agissait ni
plus ni moins que du combat entre les besoins et les valeurs. Impossible à résoudre,
d’autant qu’elle ne se posait pas au grand jour, cette équation ne pouvait que générer
un état de stress, principalement exprimé sous la forme d’une fuite. Grâce à lui, la
banalisation (« Si tout le monde le fait, ce n’est pas grave ! »), le déni (on parlait de
« préparation biologique ») et la relativité rendaient la transgression possible… mais au
prix d’une souffrance qui, pour de nombreux protagonistes, se transforma en délivrance
dès lors que l’affaire éclata. Les sanctions prononcées ont permis de réparer l’atteinte
faite à l’équité sportive mais n’ont nullement aidé à adoucir la violence émotionnelle du
contexte. Elles ne servent d’ailleurs pas à cela.
Allons aujourd’hui au-delà des simples manifestations des comportements et des
émotions pour avancer sur ce sujet. Ce que l’on peut envisager en 2020, en partant du
postulat que le cerveau est un second intestin, élargit la réflexion ; la décompensation
de cette souffrance psychologique, aux ressorts mal connus et dont la gravité augmente
avec le niveau de perturbation de l’écosystème intestinal, peut favoriser la déprime,
l’anxiété, les comportements addictifs (alcool, jeu, tabac, drogues, etc.) alors même que
le cerveau sait parfaitement qu’il s’agit de pratiques non seulement incompatibles avec le
sport de haut niveau, mais même de comportements pouvant mettre en péril la carrière
des sujets concernés.
Il faut anticiper et prévenir encore l’instauration de modes d’alimentation
anormaux, d’abord traités par le mépris, parfois encensés, puis enfin pointés quand les
performances ne suivent plus. Ou enfin mettre au jour, oser évoquer et – pourquoi pas –
proposer une prise en charge rigoureuse des nouvelles perturbations en plein essor : les
addictions au sport.
Dois-je aussi évoquer la nécessité de pouvoir identifier tous ces jeunes (ou adultes)
singuliers, authentiques « champions dans leur tête », porteurs de logiciels différents,
lesquels se révèlent générateurs d’un stress structurel ? J’y ai fait référence à plusieurs
endroits dans ce livre, sans doute parce que leur accompagnement reste perfectible, par
son morcellement et le caractère fragmentaire des prises en charge. Je m’explique : une
manière de les considérer consiste à décrypter leur intelligence différente et
l’hypersensibilité qui l’accompagne souvent. Une autre amène à les accompagner dans la
gestion d’un stress pathologique, dont les conséquences conduisent à pratiquer des
techniques telles que l’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing, soit
« désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires »), l’hypnose ou
d’autres, mais sans jamais poser leur singularité comme étant à l’origine de leur stress.
Un troisième angle de réflexion conduit à prendre en charge les multiples troubles
fonctionnels qu’ils rencontrent, avec une forte composante immunitaire et digestive,
dans un contexte d’errance médicale à la hauteur de l’insatisfaction intellectuelle qu’ils
perçoivent lors de consultations chez des spécialistes 100 % terriens.
Je propose ici d’envisager une prise en charge plus transversale, où l’état
émotionnel lié à leur différence, la compréhension de celle-ci et la prise en charge des
conséquences biologiques de ce stress seraient envisagés conjointement. Combien de
jeunes talents, passés à l’âge adulte par pertes et profits, combien d’anciens champions
basculés dans les affres de la toxicomanie ou de la boulimie, faute d’avoir été identifiés
et compris à temps, échapperaient ainsi au massacre ? Ou combien d’autres encore, à
l’image de cette jeune cycliste, Eva Mottet, décédés en raison de la difficulté, voire de la
souffrance provoquée par le fardeau que représente un tel statut dans le monde de
2020 ?
Cette réflexion, évidemment, n’exclut pas les artistes en tout genre qui rencontrent
eux aussi, dans le microcosme de leur univers professionnel, les mêmes déboires au point
d’en venir un jour, à leur façon, à donner un coup de tête ou à monter précipitamment
dans un avion pour s’enfuir très loin.
Cela nous ramène aux deux champions qui nous ont ouvert la voie dans ce livre. En
effet, s’il est bien une chose dont on peut être sûr les concernant, à la lueur de la lecture
de certains chapitres que j’ai écrits, et au vu de leurs réussites plurielles, de leur recul
permanent et deleur sens de l’analyse, notre difficulté à deviner ce qui pouvait – et peut
bien encore – leur passer par la tête, vient du fait qu’ils comptent tous les deux parmi les
gifted dont parlent les Anglo-Saxons.
Mais combien d’autres n’ont pas eu la chance d’assembler les pièces du puzzle ou
ont explosé en vol ? Telle joueuse de tennis remportant un Grand Chelem, sombrant
dans les affres de sévères troubles du comportement alimentaire et se perdant dans un
irréaliste come-back… Tel autre cycliste ou coureur, plus anonyme, anéanti par les
blessures et le doute, qui finit par tirer un trait sur sa carrière et se reconvertit en
entraîneur ou dirigeant ; mais se lasse, puis s’aigrit, dépité de ne pas retrouver chez bon
nombre de ses ouailles la motivation et la détermination qui l’animaient et lui
sembleraient devoir guider tout futur champion…
Si imaginer une autre manière de prendre en charge les talents semble s’imposer
comme une évidence, cela ne règle pas tout, loin de là ; la situation actuelle, nous
l’avons vu, résulte de changements survenus à vaste échelle, et dont les répercussions
sociologiques et sanitaires s’exercent sur l’ensemble de la population : appauvrissement
des sols et par conséquent des aliments, asepsie et mythe de l’hygiénisme (avec des
dysbioses transgénérationnelles), influence croissante des perturbateurs et polluants,
déforestation exponentielle qui crée de nouveaux enjeux immunitaires en confrontant
des populations de plus en plus vulnérables à des microbes jusque-là nichés au cœur
d’espaces végétaux inviolables… On comprend que ces différents virages, amorcés par la
volonté de quelques « responsables », ont déclenché un compte à rebours dont on ignore
actuellement s’il est au début ou à la fin de son décompte.
Et si les individus prenaient en charge leurs propres indicateurs de viabilité ou de
performance, au même titre qu’ils prennent soin de la révision périodique de leur
voiture ? Faut-il attendre l’arrivée du symptôme pour prendre en charge certaines
carences cachées ? Quid de la gestion des différents corps que possède un individu : le
corps énergétique, le corps émotionnel, le corps physique, le corps spirituel et le corps
mental ? Est-ce que l’individu est prêt à se soigner de manière holistique et à accepter de
solliciter des thérapeutes avec des prestations non remboursées par notre système de
sécurité sociale ? Sommes-nous prêts à intégrer dans les cursus scolaires et universitaires
des modules d’enseignement permettant aux individus d’appréhender les notions que j’ai
abordées dans les chapitres de ce livre et dans mes anciens ouvrages ?
Pour les politiciens, finalement, la question qui se pose est on ne peut plus simple.
Est-il plus gratifiant, intéressant et prometteur de gouverner des citoyens éduqués,
éclairés, curieux mais libres ? Ou vaut-il mieux, pour exercer pleinement un paléo
grégaire dominant, soumettre une masse n’ayant pas été formée à l’analyse critique et à
l’autonomie, et pour laquelle les menaces réelles, fictives ou surfaites qu’on lui annonce,
rendrait légitime l’exercice de l’autorité ? Selon le choix opéré, c’est tout le concept
éducatif qui sera déterminé, y compris dans l’enseignement de la science et l’exercice
thérapeutique. Il semble qu’un trop grand nombre d’acteurs de santé fonctionne hélas
déjà d’une manière simpliste, traitant les symptômes du moment plutôt que les causes
profondes dont ils résultent.
C’est aujourd’hui aux citoyens éclairés et conscients d’agir, non pas dans la violence,
mais dans une distance bienveillante et pondérée, qui seule permet de donner la pleine
mesure de notre intelligence face aux enjeux du futur. Aujourd’hui, je lance le chantier,
pour mes contemporains, de la remise en état du cerveau, ce deuxième intestin.
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Notes

1. Le chanteur Peter Gabriel a écrit en 1979 une chanson consacrée à ce sujet. Il l’intitula Milgram’s 37, en référence aux 37
volontaires de l’étude. Voici le refrain : « We do what we’re told » (« nous faisons ce qu’on nous a demandé »).
2. Pour autant, leur usage à l’échelle de la population n’a pas favorisé un surcroît de cas chez les sujets traités. Tout dépend
du type d’antibiotiques administrés et de la vulnérabilité éventuelle du patient, celle-ci conférant alors un risque accru de
décompensation (3).
3. Le terme « psychobiotique » a été proposé en 2013 par Dinan (16). La définition est très proche de celle des probiotiques,
à ceci près qu’on leur attribue des vertus thérapeutiques dans le cadre des pathologies psychiatriques.
4. Le cortisol est une hormone libérée par les glandes surrénales, en réaction à une situation perçue comme dangereuse. Cela
déclenche la mise en jeu des processus d’urgence de notre métabolisme, mais aussi un état d’alerte indispensable à notre
survie. Son intervention constitue un héritage de l’évolution, et se rencontreL’impact épigénétique de l’usage du cannabis.
autant chez les humains que dans le règne animal.
5. La vision médicale classique de l’immunité est fortement conditionnée par l’idée selon laquelle les symptômes ou les
anomalies rencontrées à la suite d’une infection constituent des processus propres à celle-ci. Ceci explique, aussi bien dans le
champ de la médecine institutionnelle que dans celui des alternatives thérapeutiques, l’arsenal thérapeutique déployé visant à
éradiquer cet agresseur, constitué d’acteurs qui possèdent souvent des vertus « anti ». Or, beaucoup de troubles persistent en
raison non pas de l’agent infectieux lui-même, mais plutôt de la réponse immunitaire à laquelle il a donné lieu, qui a persisté
sous l’influence des cytokines et est devenue inappropriée. Il arrive régulièrement qu’elle persiste à distance de l’événement
déclencheur. On sait ainsi que, après avoir connu une phase de récurrence d’une candidose, un patient peut conserver un état
de répression immunitaire ou une activation d’un état allergique qui perdure, alors même que le Candida albicans qui l’a
déclenché préalablement serait désormais sous contrôle (18, 20). Autrement dit, la participation d’un processus immunitaire à
une pathologie va au-delà de l’infectiologie…
6. La démonstration de l’existence d’un microbiome fœtal a été apportée par la mise en évidence d’ADN bactérien dans le
liquide amniotique, le cordon ombilical, le placenta et les membranes fœtales chez des individus venus au monde sans avoir
subi d’infection (67). De plus, cette équipe a également démontré que le placenta humain hébergeait un microbiome unique,
peu abondant, constitué principalement de bactéries commensales telles que les Firmicutes, les Tenericutes, ou les Bactéroïdes
par exemple. Le microbiote placentaire, très proche du microbiote oral, apparaît très sensible aux fluctuations de l’état de
santé de la mère. Ainsi, sa composition va varier en fonction des événements subis par celle-ci : infection durant la grossesse,
exposition aux antibiotiques, ou accouchement avant terme.
7. Un paradigme constitue un modèle explicatif qui doit intégrer l’ensemble des connaissances, y compris celles qui s’avèrent
paradoxales, pour en faire un tout « cohérent ». La construction intellectuelle à l’opposé du paradigme est celle que constitue
le dogme où, pour conserver le modèle en vigueur jusque alors, on écarte certaines informations fondées, dont la nouveauté
qui dérange, du fait qu’elle remet en cause un système rassurant. L’exemple des produits laitiers en apporte une parfaite
illustration, puisqu’ils divisent ceux qui proclament que « les produits laitiers sont nos amis pour la vie » et ceux qui, à
l’opposé, mettent en garde contre « une sacrée vacherie ». Les premiers ne considèrent que les vertus nutritionnelles d’un
aliment dont la composition dépend de nombreux paramètres et varie plus qu’on ne le pense, alors que les seconds ont en tête
une possible participation de cet aliment – ou de certains de ses composants – à des réactions immunitaires défavorables. La
« vérité » sur cet aliment doit intégrer ces deux facettes contradictoires. Comme on le verra dans un prochain chapitre, une
telle complexité peut générer un stress trop lourd à porter, que l’homme solutionne en apparence en construisant une histoire
qui puisse tenir : le dogme.
8. L’activité physique constitue une exception puisqu’elle peut conduire à une atteinte de la muqueuse intestinale sans
qu’existe le moindre problème immunitaire ni une quelconque dysbiose. Sous l’effet de la chaleur, de la déshydratation et de la
diminution de la disponibilité en glucides, les jonctions serrées tendent à s’ouvrir davantage et à laisser temporairement entrer
dans notre organisme des intrus potentiellement antigéniques, tels que les endotoxines, qui sont des toxines situées dans la
membrane externe de certaines bactéries, de nature lipopolysaccharidique (d’où l’abréviation « LPS » qu’on leur attribue) et
thermostables. Elles ne sont libérées que lors de la lyse de ces bactéries, et peuvent alors occasionner une réponse
inflammatoire générale démesurée (89, 128). Cela se voit régulièrement à l’occasion d’efforts accomplis par forte chaleur ou
dans un contexte de déshydratation.
9. Notons, sur ce point, que de récents travaux ont permis de décrire une rémission quasi totale chez des sujets
fibromyalgiques avec l’application rigoureuse d’un régime sans gluten (55). Pour autant, et cela peut paraître paradoxal, des
phénomènes immunitaires se tenaient alors que cet apaisement survenait. Carlos Isasi avait décrit, au début de son suivi, la
présence de nombreux lymphocytes au niveau de la muqueuse intestinale de ces patients. Plus l’infiltration de cette muqueuse
se situait à un niveau élevé, et plus les douleurs musculaires perçues étaient fortes. Avec l’arrêt du gluten, non seulement les
douleurs s’estompaient, mais l’envahissement de la muqueuse par les globules blancs cessait. Comment expliquer cela ? En
raison des réactions croisées existant entre le Candida albicans et le gluten, de sorte qu’en évinçant le gluten, on permettait un
meilleur contrôle de la candidose et la réponse immunitaire s’atténuait, en même temps que l’analgésie s’installait. L’un de ses
compatriotes est arrivé à des résultats quasiment similaires, après avoir suivi une cohorte plus importante pendant un an
(105). Enfin, poursuivant ses travaux, Carlos Isasi a pu établir le même constat dans le cas de patients souffrant de pathologies
lésionnelles inflammatoires (106), ce qui confirmait l’idée que, plus que les cytokines, ce sont surtout les exorphines qui
contribuent à la douleur. Mais alors, pourquoi l’amélioration ne s’observe-t-elle pas chez tous les sujets de son étude ? Cela
tient à l’intervention conjuguée de différents acteurs, et pas seulement à celle des exorphines. De ce fait, l’éviction du gluten
donne des résultats aléatoires et pas systématiques. Le débat autour du régime sans gluten constitue un bel exemple des
limites du raisonnement qui recherche une cause exclusive à un tableau complexe…
10. En 1982, Kaye (64) a montré que l’activité opioïde mesurée dans le liquide cérébrospinal de sujets anorexiques, affectés
d’un poids situé sous la norme, se situait largement au-dessus de celle relevée chez des sujets exempts de pathologie. Cela
correspond-il à un bien-être majeur associé à l’abstinence d’apports alimentaires ? C ’est vraisemblable. Mais surtout, les
endorphines possèdent une propriété peu connue : elles s’avèrent très utiles dans un contexte de survie, dans la mesure où
elles abaissent le métabolisme et permettent de préserver l’eau et les nutriments dans l’organisme dans des conditions
délicates, telles que celles où les apports sont fortement réduits (76).
11. Notons enfin que, concernant la maladie de Parkinson, la pratique régulière d’une activité physique, et plus
particulièrement celle du vélo, semble également exercer un effet positif (31, 70).
12. Syd Barrett était l’un des membres fondateurs du groupe Pink Floyd, et son leader charismatique durant toute la première
période de celui-ci au milieu des années soixante-dix, à l’apogée de sa période psychédélique. Important consommateur de
drogues de toutes sortes, et notamment de LSD, « il est parti ailleurs », selon les propos de certains membres du groupe, et
son comportement changea radicalement en l’espace de quelques mois : délires, hallucinations, pertes de mémoire, absence
aux concerts qui obligèrent les autres musiciens, la mort dans l’âme, à s’en séparer. La dégradation continue de son état
mental leur inspira d’ailleurs, quelques années plus tard, un album dont le titre, Wish You Were Here , en dit long sur la peine
qu’ils ressentaient en évoquant leur ancien camarade.
13. L’inconvénient majeur de cette augmentation temporaire de sérotonine, liée à la pratique sportive, est qu’elle incite à en
faire toujours plus pour bénéficier davantage de cet effet positif. Or, j’ai précédemment indiqué que l’inflammation chronique
et la dysbiose favorisaient la chute de la sérotonine cérébrale. Imaginons ce que pourraient alors être les conséquences d’une
pratique sportive exagérée chez un sujet en proie à un état inflammatoire ou souffrant de sévères perturbations digestives. Sa
pratique déraisonnable le conduira immanquablement à la blessure ou à l’épuisement. Sa dépression latente, plus ou moins
corrigée par la pratique sportive excessive, va alors se manifester avec une grande violence…
14. La mise en danger du cerveau et la fragilisation des populations face aux agents infectieux résultent de la conjonction de
quatre facteurs. Il s’agit de l’appauvrissement des sols (affectant la valeur nutritionnelle des aliments), de l’attachement porté
à l’asepsie et à l’hygiène (ayant bouleversé notre microbiote et favorisé une dysbiose généralisée), de l’accumulation de
polluants dans notre air, notre eau, notre sol, notre corps, et enfin de la déforestation exponentielle qui crée de nouveaux défis
pour l’humanité en mettant celle-ci au contact d’agents infectieux que, jusque-là, elle n’avait jamais rencontrés, et dont la
potentialité délétère s’en trouve accentuée (35, 108). Or, alors que les politiques qui se sont succédé voient clairement leur
responsabilité engagée dans la survenue de cette catastrophe en cours, le seul recours qu’ils proposent consiste à confiner les
populations. Qui a posé avec recul la question de la survie de notre planète lors de la récente pandémie ?
15. La définition des psychobiotiques a été proposée pour la première fois en décembre 2013 par un chercheur irlandais (24),
qui a suggéré une définition reprenant en partie celle des probiotiques. Il évoque en effet des « micro-organismes vivants qui,
administrés en quantité adéquate, produisent un effet favorable sur la santé de l’hôte souffrant de pathologie psychiatrique ».
Par cette définition, le monde médical prend acte de la possibilité d’imaginer une nouvelle stratégie thérapeutique pouvant
s’exercer sur l’intestin pour agir sur le cerveau.
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S

Couverture

Page de titre

Avant-propos

Introduction

Chapitre 1 - M. Le cerveau, veuillez vous présenter !

Chapitre 2 - M. Le cerveau, que mangez-vous ?

Chapitre 3 - M. Le cerveau, comment vous développez-vous ?

Chapitre 4 - M. Le cerveau, pourquoi déraillez-vous ?

Chapitre 5 - M. Le cerveau, pourquoi êtes-vous stressé ?

Chapitre 6 - M. Le cerveau, le sport vous fait-il du bien ?

Chapitre 7 - M. Le cerveau, comment vous protéger ?

Conclusion

Renvois bibliographiques

Notes

Page de copyright

Résumé du livre

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