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Sémiologie Psychiatrique

Benjamin Bousquet
Chef de Clinique
Service U.F.1 Casselardit
bousquet.b@chu-toulouse.fr
Psychiatre :
Présentation de la discipline
Psychiatrie : Définition
 Spécialité médicale qui traite les affections
de l’esprit c.à.d. les maladies mentales
 Cela touche :
– Comportements et conduites
– Pensées
– Émotions
– Imaginaire
– Identité
– Personnalité
Affections mentales
 Symptomatologie :
– Présentation
– Comportements et conduites
– Fonctionnement intellectuel (mémoire,
raisonnement)
– Pensées (trouble du cours et du contenu, idées
suicidaires, etc..)
– Émotions (humeur et anxiété)
– Perceptions sensorielles
– Imagination, Personnalité
Psychopathologie
 Mécanisme des symptômes :
– description, explication, fonction…
 Au regard d’hypothèses :
– Neurobiologiques (fonctionnelles ++)
– Psychologiques (génétiques ou dynamiques,
intra-psychiques ou relationnelles, etc…)
– Systémiques (interaction / l’entourage)
– Sociales
Exemple : phobie des oiseaux
 Description :
– S’exprime dans une situation, prend un
caractère connu (exple : attaque de panique),
s’accompagne d’évitements, etc…
 Hypothèses :
– Neurobiologie de la peur (amygdale)
– Psychologiques : Conflits inconscients,
conditionnement, etc…
– Systémique : Nouvel état d’équilibre du
fonctionnement familial ?
– Social : perte d'emploi récente, etc...
Spécificités de la sémiologie
psychiatrique
 Des éléments « normaux » (angoisse,
tristesse, etc..) qui prendraient un caractère
pathologique :
– Intensité des symptômes
(vérifier la porte 2 fois / jour VS vérifier la porte
pendant plusieurs heures)
– Adaptation sociale (deuil non pathologique)
– Niveau de souffrance

– du normal au pathologique
Spécificités de la sémiologie
psychiatrique

 Pas de signe pathognomonique =


Évaluation globale +++

 Clinique centrée presque totalement sur


l’interrogatoire (que nous appelons
« entretien »)

 Peu de paraclinique
Spécificités de la sémiologie
psychiatrique
 Caractère parfois subjectif de la sémiologie
(contre-transfert)

 Caractère relationnel (selon l’âge, le sexe,


ou l’attitude du médecin, la présentation
peut varier légèrement)

 Fluctuations naturelle des signes


Spécificités de la sémiologie
psychiatrique
 Les problèmes parfois posés :
– Le consentement : évaluer la capacité à
consentir
– L’imprévisibilité : parfois difficile d’organiser
un entretien
– La dangerosité : bien que rare, elle est
toujours à prendre en compte
– L’alliance : qui est souvent à établir dès le
premier entretien, tout en recherchant les
signes cliniques
Symptômes, syndromes et
maladies
 Les symptômes se regroupent en syndromes qui
peuvent caractériser une maladie
 Exple :
Maladie Syndromes Symptômes
Hallucinations,
S. délirant
Interprétations, etc..
Barrages,
S. dissociatif Néologismes,
Schizophrénie Diffluence, etc..
Pauvreté du discours,
S. autistique Incurie,
Apathie, etc..
Les Maladies Mentales
 Troubles de l’humeur (Dépression, Manie, Trouble
Bipolaire, etc..)
 Troubles psychotiques (Schizophrénie, Paranoïa, etc..)
 Troubles anxieux (TOC, Phobies, Anxiété Généralisée,
etc..)
 Troubles des conduites (Anorexie Mentale, etc..)
 Addictions (avec ou sans produit)
 Troubles de la personnalité (Borderline, etc..)
 Troubles envahissants du développement
 Démences
 Autres..
Les classifications
 Classique : nosographie traditionnelle
– « Psychoses » et « névroses »
– Inspiration psychanalytique forte

 Moderne :
– DSM-IV-TR : manuel de classification américain (APA)
 « athéorique »
 Critériologique (exple de la dépression : + de 5 critères sur 9 =>
diagnostic)
 à l’origine pour harmoniser la recherche
 Actuellement largement utilisé en clinique (EBM oblige)
– CIM X : Classification Internationale des Maladies de
l’OMS
une discipline du cerveau et de
l’esprit
 Dimension organique
– Troubles et symptômes psychiques liés à une maladie
organique
 Dépression et AVC, cancer, douleurs chroniques, etc...
 Délire et détérioration (parkinson +, démences)
 Iatrogénie (« manie des corticoïdes »)
 Dimension psychique
– Subjectivité
– Conflits inconscients
– Aspects identitaires et de mode de relation au monde
(personnalité)
– Traumatismes Psychiques
– Etc…
Distinction entre …
 … Psychiatre et Neurologue
– Pas de lésion
– Sens caché, fonction du symptôme
– Globalité sujet / environnement
 … Psychologue, psychothérapeute,
psychanalyste
– Psychologie = science du développement et des
processus psychologiques normaux ou pathologiques
– Psychothérapie = traitement par la parole ou le média
– Psychanalyse = UNE théorie des processus
psychopathologiques
Et ça sert ?
 Poids de la maladie mentale :
– Taux d’incapacité : 5 maladies parmi les 10 +
importantes au monde selon l’OMS sont
psychiatriques (Schizophrénie, dépression,
alcoolisme, bipolarité, TOC)
– Des maladies chroniques pour la plupart
 Fréquence des patients en médecine
générale +++
 Des traitements qui fonctionnent
Au total
 Une discipline passionnante, certes
complexe mais pas inaccessible.
 actuellement largement aussi attachée à
« l’evidence based medecine » que les
autres disciplines (recherche et
publications)
 Qui met largement en exergue la relation
soignant-soigné (contre attitudes du
thérapeute, importance de la relation
thérapeutique, etc..)
Au total
 Une sémiologie riche qui englobe :

 Les symptômes
 Ce qui se joue dans la relation
 L’imaginaire
 Les aspects somatiques
 Les aspects environnementaux et sociaux
Troubles des conduites
et des comportements
Comportement
 Un acte, une action, une réaction ou une
manière d’agir ou de réagir
– Habituel ou réactionnel
– Individuel ou collectif (mouvements de foules)
– Spontané ou induit
 Pathologique par nature ou par répétition
 Niveau de conscience, niveau de critique
Comportements pathologiques
 Agressifs
– Auto-agressifs
– Hétéro-agressifs
 Addictifs
 Alimentaires
 Moteurs
Agressivité
Auto-agressivité
 Autolytique : suicide et tentative de
suicide
 Scarifications et autres automutilations
 Attaques du corps répétées par piercing et
tatouages
 Mutilations vrais (rarissime)
 Grèves de la faim
Auto-agressivité : TS
 Fréquent : 110 à 120 000 TS / an en France dont
10 à 11000 suicides
– 3000 TS/an au SAU Toulouse soit 8 à 10/jour

 Moyens :
– 1er : IMV (intoxication médicamenteuse Volontaire)
– Ingestion de produits, phlébotomie, arme à feu, arme
blanche, explosion, immolation, pendaison,
précipitation (défenestration), noyade, électrocution,
asphyxie par obstruction des voies aériennes,
intoxication au gaz, accident de voiture, etc...
Auto-agressivité : TS
 C'est un événement médical (cf. autopsies
psychologiques : trouble mental retrouvé
dans plus 95% des cas)
 Et un enjeu majeur de santé publique :
– Fréquent chez les jeunes et les pers. âgées
– La plus part des suicides sont précédés d'une
consultation médicale
– Attention si crise existentielle, déception
amoureuse, dépression, alcoolisme
Auto-agressivité : TS
 Équivalents suicidaires (para-suicides) :
– Mises en danger répétées
– Sans intention suicidaire mais avec
acceptation du risque létal
– Exple : sports extrêmes non encadrés,
rapports sexuels non protégés, toxicomanie
avec matériel souillé, arrêt volontaire d'un
traitement médicamenteux vital, etc..
Auto-agressivité : TS
 Maladies les plus suicidogènes :
– Dépression (l'idée suicidaire en est un symptôme)
– Trouble bipolaire
– Schizophrénie
– Anorexie mentale
– Trouble de la personnalité Etat-limite (Borderline)
– Alcoolisme
– Syndrome de Stress Post-Traumatique
Auto-agressivité : TS
 Planifiée
– Épisode dépressif majeur sévère ++
 Impulsive
– Épisode dépressif majeur sévère
– Raptus anxieux
– Trouble de la personnalité
Auto-agressivité : TS
 Tentative de Suicide = le sujet a tenté de
se donner la mort
 Suicide = le sujet s’est donné la mort

 Un sujet suicidant = qui a fait une TS


 Un sujet suicidaire = qui risque de faire
une TS
 Un sujet suicidé = qui a commis un suicide
Auto-agressivité :
Automutilations
 ++ scarifications (ce n'est pas une
phlébotomie)
 Pas d'intention suicidaire
 À visée auto-calmante
 Souvent répétées
 Sens :
– Décharge par l'action
– Limites corporelles
– Douleur physique
 +++ Trouble de la personnalité Etat-limite
Hétéro-agressivité
 Planifiée
– Délire de persécution
 Systématisé : délire Paranoïaque ++
 Non systématisé : Schizophrénie ++
 Impulsive
– Raptus anxieux
– Trouble de la personnalité (psychopathie +++)
– Abus d’alcool : ivresse pathologique
– Épisode maniaque
– Schizophrénie
– Trouble du contrôle des impulsions (colère)
agressivité
 Le « suicide altruiste »
– Se donner la mort…
– …Et la donner à d’autres (enfants, conjoint,
parents, etc..)
– Mélancolie (EDM sévère) +++
– Peut être impulsif (raptus) ou planifié
Conduites addictives
Conduite addictive
 Ensemble de comportements visant au
recours répété à une drogue ou à un
comportement hédonique au détriment
d’autres activités
– Dépendance = nécessité de maintenir
l’activité au risque de faire un sevrage
– Tolérance = nécessité d’augmenter les doses
pour obtenir le même effet
– Sevrage = Réaction physique et/ou
psychique désagréable apparaissant lors de
l’arrêt brutal
Addiction
 5 critères :
1. Conduite répétitive
2. Majoration progressive de la conduite
3. Besoin de recourir à la conduite
4. Malaise en son absence
5. Altération du fonctionnement social, familial
ou professionnel
Addiction
 2 types :
– Avec produit : tabac, alcool, héroïne, cannabis,
etc..
– Sans produit = addictions comportementales :
 Addiction au travail « work addict »
 Addiction à la sexualité
 Addiction au sport
 Jeu pathologique
 Autres (internet, jeux vidéo, etc..)
Troubles du comportement
alimentaire
Anorexie

Boulimie

Autres
Restriction Alimentaire
 Anorexie : c’est théoriquement la perte d’appétit
(dépression, maladies somatiques avec AEG)

 Restriction alimentaire volontaire dans le cadre


d’un délire d’empoisonnement

 Anorexie mentale : syndrome avec


comportement de restriction alimentaire
volontaire et lutte active contre la faim avec
d’autres symptômes
Anorexie mentale
 Triade des « 3 A »
– Anorexie
– Amaigrissement
– Aménorrhée
 Comportements de purge : vomissements,
prise de laxatifs ou diurétiques
 Mais aussi :
– Dysmorphophobie
– Hyperactivité scolaire, sportive, etc..
– Modifications hormonales
Boulimie
 Besoin incœrcible d’ingurgiter une grande
quantité d’aliments
 Par crises plus ou moins fréquentes
 Parfois avec vomissement (possible à poids
constant)
 Associé à une souffrance intense
Boulimie
 Crise en 3 temps :
– Période prodromique :
 Angoisse, impression de vide
 Besoin impérieux d’absorber des aliments
 Lutte anxieuse contre ce besoin
– Accès boulimique
 Brutal avec aliments hypercaloriques, de durée brève
 Souvent à l’abris des regards
– Fin de l’épisode
 Sentiment de honte ou de culpabilité
 Parfois vomissement provoqué ou spontané
Autres TCA
 Hyperphagie : absorption excessive de nourriture
sans caractère boulimique
 Mérycisme : régurgitation et mastication
(« rumination »)
 Pica : absorption inapproprié d’objets non
alimentaire (terre, cailloux, etc...) dont la
Coprophagie : absorption de matières fécales
 Potomanie : consommation excessive d’eau
 Dipsomanie : consommation massive de liquides
alcoolisées (y compris les parfums, etc..)
Moteurs
Agitation
 Production exagérée et souvent incohérente
d’actes moteurs sur un temps bref
 Peut se manifester par des propos incohérents
ou agressifs
 Étiologie variée :
– Psychiatrique : manie, schizophrénie, psychopathie,
agitation anxieuse, sevrage, etc..
– Somatique : confusion, épilepsie, démence, etc..
– Iatrogène : benzodiazépines, corticoïdes, etc..
– Toxique : cocaïne, ivresse alcoolique, etc..
Hyperactivité
 Augmentation générale de l’activité
orientée ou non vers un but
 Étiologie :
– Manie, Hypomanie
– Trouble déficitaire de l’attention avec
hyperactivité
– Anorexie mentale
Compulsions
 Comportements répétitifs (laver, ordonner
vérifier,..) ou actes mentaux (compter, réciter) que
le sujet se sent obligé d’accomplir
– en réponse à une obsession
– ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de
manière inflexible
 Destinés à neutraliser l’angoisse ou à empêcher un
événement
– Sans relation réaliste entre la compulsion et
l’événement
– Ou de manière excessive
Impulsion
 Tendance à la réalisation d’un acte
incongru ou dangereux qui échappe au
contrôle de la volonté
 Pas de lutte anxieuse
 Il existe des impulsions agressives, de
fugue (dromomanie), de vol
(kleptomanie), d’incendie (pyromanie), de
mensonge (mythomanie), etc..
 ++ Trouble de la personnalité
(psychopathie++)
Impulsion
 Une forme particulière : le « Voyage
Pathologique »
– Déplacement souvent sur de grande distances
– Non préparé
– Sous-tendu fréquemment par un processus
délirant (hallucinations impérieuses, etc..) ou
une désorganisation du comportement
(Schizophrénie ++)
Accélération ou Ralentissement
psychomoteur
 Accélération psychomotrice
– Logorrhée Manie /
– Tachypsychie Hypomanie

– Agitation ou hyperactivité
 Ralentissement psychomoteur
– Hypomimie
– Discours ralentie, perte de la prosodie EDM
– Ralentissement idéique, indécision (dépression)

– Lenteur et inertie gestuelle


Catatonie
 Syndrome de discordance psychomotrice :
– Immobilité avec catalepsie (rigidité, maintien de la
position) et flexibilité cireuse (maintien des positions
imposées)
– Activité motrice excessive et inappropriée
– Négativisme (résistance au ordres, refus de la main
tendue)
– Stéréotypies, postures bizarres
– Echopraxies, Echolalies (gestes ou paroles en miroir)
 Étiologie :
– Schizophrénie
– Mélancolie
– Autres…
Stupeur, Sidération
 Arrêt de l’activité motrice et verbale
 L’activité émotionnelle ou cognitive peut
être intense
 Mimique d’étonnement
 Étiologie :
– Traumatisme
– Crise d’angoisse aiguë
– Épisode dépressif majeur sévère (mélancolie
stuporeuse)
Conclusion
 Les troubles du comportements sont
souvent la partie visible de l’iceberg
 Nécessité d’évaluer les émotions, les
pensées, les perceptions, la personnalité.
 Et le niveau de critique ou de déni des
troubles.

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