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Émotion

et cognition
COLLECTION OUVERTURES PSYCHOLOGIQUES
Des manuels de qualité (originaux en langue française et traductions des plus grands
ouvrages anglo-saxons), régulièrement mis à jour avec les données les plus récentes,
qui privilégient une organisation pédagogique progressive et offrent à l’étudiant de
nombreux outils d’apprentissage.
Dans cette collection, vous découvrez ainsi :
– K. Faniko, B. Dardenne, Psychologie du sexisme, 2021
– M. Hansenne, Psychologie de la personnalité, 2021
– N. Nader-Grosbois, Psychologie du handicap, 2020
– V. Yzerbyt, O. Klein, Psychologie sociale, 2019
– K. Faniko, D. Bourguignon, O. Sarrasin, S. Guimond, Psychologie de la discrimination
et des préjugés, 2018
La liste complète est disponible sur notre site web, www.deboecksuperieur.com

Patrick Lemaire
Docteur en psychologie de l’Université de Bourgogne, Patrick Lemaire a travaillé pendant
quatre ans aux États-Unis à l’Université de Carnegie Mellon et à l’Université de Princeton.
Chercheur au CNRS, il est aussi professeur de psychologie à l’Université d’Aix-Marseille et
membre de l’Institut Universitaire de France. Il est spécialiste de psychologie cognitive, et de
psychologie du développement et du vieillissement.
PATRICK LEMAIRE

Émotion
et cognition
Préface d’Isabelle Blanchette
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine
de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck supérieur, s.a., 2021


Rue du Bosquet, 7 – B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par
photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une
bande de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque
manière que ce soit.

Dépôt légal : 1re édition


Bibliothèque nationale,
Paris : septembre 2021
Bibliothèque royale de Belgique, ISSN : 2030-4196
Bruxelles : 2021/13647/108 ISBN : 978-2-8073-3752-7
Les compléments numériques
Compléments à destination des professeurs
Le livre Émotion et cognition propose des contenus numériques spécialement dédiés
aux professeurs. Vous y trouverez :

des présentations Powerpoint® richement illustrées pour préparer vos cours ;

? une banque des questions d’examen

Pour les obtenir, il suffit de vous rendre à l’adresse suivante :


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Compléments à destination des étudiants


À la fin de chaque chapitre se trouvent des QR codes accompagnés d’un lien mini. Ces
QR codes vous renverront vers de nombreux contenus en ligne qui vous permettront
de vérifier vos connaissances sur la matière et de vous exercer en vue de l’examen, au
fil de votre apprentissage de la matière.

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Le livre présente trois types de contenus numériques :

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Sommaire
Remerciements .................................................................................. IX
Préface .............................................................................................. XI

CHAPITRE 1 Introduction : présentation du domaine ....................... 1

CHAPITRE 2 Émotion et attention ...................................................... 15

CHAPITRE 3 Émotion et attention : différences individuelles,


vieillissement et psychopathologie................................ 49

CHAPITRE 4 Émotion et mémoire ...................................................... 77

CHAPITRE 5 Émotion et mémoire : différences individuelles,


vieillissement et psychopathologie................................ 105

CHAPITRE 6 Émotion, jugement, prise de décision


et raisonnement ............................................................. 131

CHAPITRE 7 Émotion, jugement, prise de décision


et raisonnement : différences individuelles,
vieillissement et psychopathologie................................ 159

CHAPITRE 8 La régulation émotionnelle............................................ 183

CHAPITRE 9 La régulation émotionnelle : vieillissement, différences


individuelles et psychopathologie 211

CHAPITRE 10 Conclusions et perspectives 243

Glossaire ............................................................................................ 267


Bibliographie...................................................................................... 271
Liste des tableaux .............................................................................. 319
Liste des figures ................................................................................. 321
Table des matières ............................................................................. 325
Remerciements

Pour réaliser cet ouvrage, j’ai bénéficié du soutien et des feedbacks de nombreuses per-
sonnes et institutions. D’abord, comme membre de l’Institut universitaire de France,
j’ai bénéficié d’une dispense partielle de mes charges d’enseignement. Ce temps dispo-
nible permet une lecture plus approfondie des travaux disponibles et une réflexion
qui contribue à présenter de manière accessible, tant dans l’organisation que dans
la formulation, les résultats fondamentaux des études parfois riches et complexes.
J’ai également toujours bénéficié du soutien du Centre national de la recherche scien-
tifique (CNRS) et de mon université, Aix-Marseille Université. Enfin, l’Agence natio-
nale de la recherche m’a apporté les financements de recherche qui m’ont permis non
seulement de conduire un programme de recherche classique extrêmement productif
sur le développement et le vieillissement cognitifs, en particulier dans le domaine de la
cognition numérique, mais également, depuis quelques années, un nouveau programme
de recherche relatif au rôle des émotions sur la cognition, à tous les âges de la vie.
Cet ouvrage a été lu ou relu tout ou partie par un ensemble d’amis et collègues, extrê-
mement généreux de leur temps et de leurs réflexions. Je les remercie chaleureusement
pour leurs précieux conseils et stimulantes réflexions. Il s’agit en particulier de mes
différents collaborateurs, doctorants et collègues (Clément Bolle, Isabelle Blanchette,
Serge Caparos, Hanna Chainay, Mikael Flatot-Blin, Camille Lallement, Tom Markarian,
Céline Poletti, Angélique Roquet). Leurs retours ont été très précieux pour améliorer
le produit final. Il s’agit également des nombreux étudiants de Licence et Master, dont
les feedbacks sur le cours « Émotion et Cognition » que je dispense à Aix-Marseille
Université, m’ont permis de calibrer le contenu et la forme pour rendre cet ouvrage
accessible au plus large public. Un remerciement tout particulier à Isabelle Blanchette,
de l’Université de Laval (Canada) pour la magnifique préface qu’elle a accepté de rédi-
ger et qui exprime son enthousiasme pour cet ouvrage.
Enfin, je remercie les éditions De Boeck et leur personnel (en particulier, Stéphanie
Dagrain et Anouk Verlaine) ainsi que leur relectrice (Sandra Mangoubi), très compé-
tent, disponible et réactif, pour m’avoir soutenu dans cette entreprise tout au long de
la conception et la réalisation de cet ouvrage.
Préface

Les émotions occupent une place centrale dans l’expérience quotidienne des individus
et marquent leur parcours de vie. Demandez à quelqu’un quelle a été la décision la
plus difficile à prendre de sa vie. Il s’agira sans doute d’une situation qui a mis en jeu
des émotions intenses. Invitez-le à vous raconter ses souvenirs les plus marquants.
Ce seront immanquablement des moments empreints d’émotions. Observez un peu
les gens, et vous constaterez qu’ils portent attention aux stimulus qui provoquent des
sensations fortes.
De l’attention à la prise de décision, en passant par la mémoire et le raisonnement,
le livre Émotion et Cognition offre de nombreux exemples de la puissante influence
exercée par les émotions sur les processus cognitifs. Il semble évident, ne serait-ce que
sur une base intuitive, que les émotions ont un profond impact sur les processus de la
pensée. Pourtant, ce champ d’études est relativement récent.
La psychologie cognitive, qui étudie les processus de la pensée à l’aide des outils de
la psychologie scientifique expérimentale, a longtemps ignoré l’influence des affects,
émotions et humeurs. Quelques raisons peuvent expliquer cet intérêt tardif. Les ordi-
nateurs n’ont pas d’émotions (enfin, pas encore, au moment d’écrire ces lignes). Or l’or-
dinateur a servi de modèle de base pour guider l’étude des processus cognitifs humains.
L’avènement de l’ordinateur, comme outil mais aussi comme métaphore, a fourni un
vocabulaire et une taxonomie pour décrire les processus cognitifs. Ceci a eu un puis-
sant effet catalyseur sur le développement des sciences de la pensée et a  largement
contribué à la « révolution cognitive », avec ses répercussions dans tous les domaines
de la psychologie, et même au-delà. Aussi puissant soit ce modèle de l’ordinateur, il est
incomplet et a pu contribuer à reléguer les émotions à la marge. De plus, les ordinateurs
n’ont pas de corps ; or les émotions s’inscrivent dans le corps. La prise de conscience
de l’impact des émotions sur les processus cognitifs nous incite donc à considérer
comment les changements corporels se maillent aux opérations de la pensée.
Il serait exagéré de blâmer uniquement l’analogie avec l’ordinateur pour expliquer
l’oubli de l’influence potentielle de l’émotion sur la cognition. Bien avant la révolution
cognitive, les émotions ont été perçues comme relevant du subjectif, de l’arbitraire,
de l’imprévisible. Ceci les mettait d’emblée dans une catégorie de processus qui ne
peuvent pas être étudiés à l’aide des outils de la psychologie scientifique expérimen-
tale. Le livre que vous avez entre les mains fait la démonstration contraire. Il montre
à l’aide d’une multitude d’exemples la puissance de l’approche expérimentale, adoptée
XII ■ Émotion et cognition

par un nombre croissant de chercheurs et chercheuses, pour comprendre les méca-


nismes par lesquels les émotions humaines influencent l’attention, la mémoire et les
processus liés à l’intelligence.
Enfin, dans une certaine conception populaire, les émotions sont principalement asso-
ciées à la pathologie. Dites à quelqu’un que vous étudiez les émotions, il vous parlera
de la dépression de sa collègue ou du trouble anxieux de son neveu, comme si les seules
manifestations des émotions révélaient un dysfonctionnement. Or la psychologie
cognitive s’intéresse principalement au fonctionnement « normal » et aux mécanismes
fondamentaux, ce qui a aussi pu reléguer les émotions, souvent vues comme étant
idiosyncratiques, au second plan. Bien que les déclencheurs des émotions puissent être
très personnels, le livre de Patrick Lemaire démontre que leurs répercussions sur les
processus cognitifs sont prévisibles et systématiques.
Parmi les premiers travaux importants sur l’interaction cognition-émotion, les impor-
tantes études de Gordon Bower dans les années 80 montraient un effet de congruence
affective en mémoire. Les états positifs ou négatifs, induits de façon expérimentale,
favorisaient le rappel de listes de mots ou de souvenirs autobiographiques de la même
valence. Ces études ont ouvert la voie à l’utilisation de l’approche expérimentale
pour répertorier et comprendre les effets des émotions sur les processus cognitifs.
Plus important encore que les résultats en soi de ces premières études, il y avait là
la démonstration qu’il est possible, et même nécessaire, de considérer la dimension
affective dans le traitement de l’information et qu’on peut le faire sans abandonner la
rigueur et le contrôle expérimental qui est l’apanage des sciences cognitives.
Ce travail important sur l’étude des interactions émotion-cognition se construit depuis
environ 40 ans. Le domaine est en pleine effervescence et le moment est parfait pour
une synthèse de ces travaux. La somme de travail accompli à ce jour dans ce domaine
en fait un champ d’études à part entière. On désigne souvent la publication du premier
manuel comme un moment important dans le développement d’une discipline ou d’une
sous-discipline. L’ouvrage de Patrick Lemaire constitue la première véritable synthèse
complète de l’étude de l’interaction émotion-cognition. Grâce à cette remarquable
recension des travaux les plus importants, cet ouvrage s’avérera un jalon extrême-
ment important dans le développement de notre champ d’études.
Le livre que présente Patrick Lemaire comporte une quantité phénoménale de ren-
seignements, synthétisée efficacement dans un style limpide et pédagogique. L’auteur
fournit à la fois un relevé exhaustif des travaux et des exemples précis et concrets
d’études illustrant ce qui se fait de mieux dans le domaine. Les nombreuses figures faci-
litent la compréhension des diverses méthodes employées dans le domaine et mettent
l’accent sur des résultats empiriques précis. L’auteur guide le lecteur en mettant en
relief les grandes conclusions qu’il convient de tirer de ces travaux et contribue ainsi
à asseoir un socle de connaissances communes. Ce livre sera utile autant à l’étudiant
qui voudra s’initier à ce domaine d’études qu’au spécialiste qui souhaitera inscrire ses
propres travaux dans une vision globale des interactions cognition-émotion.
Le premier chapitre présente un cadre général fort utile pour établir les fondations
de l’étude de l’interaction entre émotion et cognition. Il initie le lecteur aux diffé-
rentes approches méthodologiques et aux grandes questions théoriques qui animent
Préface ■ XIII

le domaine. Il présente également les questions intuitives qui donnent une impulsion à
ce champ de recherche, ce qui devrait interpeller le lecteur novice.
Les chapitres au cœur du volume mettent en avant les nombreuses démonstrations
de l’influence des émotions sur trois grandes catégories de processus cognitif. Le cha-
pitre sur l’attention illustre l’impact des émotions sur les toutes premières étapes du
traitement de l’information, puisque les stimuli émotionnels sont priorisés et qu’ils ont
un accès privilégié à la conscience. Ce chapitre présente aussi l’impact de l’état affectif
d’une personne sur la performance et la capacité à alterner entre des tâches. Un cha-
pitre subséquent présente comment des différences individuelles liées à l’anxiété, au
vieillissement ou à la psychopathologie modulent l’effet des émotions sur l’attention.
Ces connaissances aideront assurément les praticiens à mieux saisir l’impact des émo-
tions sur le fonctionnement des individus.
Le chapitre sur la mémoire présente l’effet de supériorité du rappel pour les contenus
émotionnels. Le chapitre va au-delà de la simple démonstration et explore dans quelles
circonstances, et pour quel type d’information, les émotions améliorent la mémoire.
Le chapitre démontre aussi dans quelles conditions les émotions ont un effet délétère
sur la mémoire, soit en diminuant la quantité d’information rappelée, soit en augmen-
tant le rappel de fausses informations. Ce chapitre aborde aussi l’impact du stress sur
le rappel d’informations émotionnelles et neutres. Ces travaux, habilement résumés,
seront assurément utiles aux juristes et policiers qui doivent comprendre le fonction-
nement de la mémoire de témoins confrontés à des événements émotionnels intenses
et des situations stressantes.
Mon chapitre préféré, en toute objectivité, porte sur l’impact des émotions sur les pro-
cessus cognitifs de haut niveau. Le chapitre illustre la grande diversité de contextes
et de tâches qui ont permis de cartographier l’effet des émotions sur le jugement, la
prise de décision, la prise de risque et le raisonnement. L’effet des émotions sur ces
processus va au-delà de la simple congruence, c’est-à-dire l’optimisme des gens qui sont
joyeux et le pessimisme des personnes tristes. Il présente l’effet distinctif d’émotions
spécifiques telles que le dégoût, la tristesse ou la colère. Le chapitre décrit également
dans quelles circonstances le jugement et les autres processus de haut niveau sont les
plus susceptibles d’être infusés par les émotions et porte à l’attention du lecteur sur
la différence cruciale entre les émotions intégrales et incidentes. Ce chapitre met aussi
en lumière l’impact des processus inconscients et laisse entrevoir la profondeur des
interactions entre émotion et cognition.
Enfin le chapitre sur la régulation émotionnelle inverse la perspective et démontre
comment les processus cognitifs peuvent moduler l’expérience affective. Ici inter-
viennent les stratégies, les buts, les visées individuelles. C’est à travers ces stratégies et
ces choix que l’individu pourra intervenir volontairement dans cette valse complexe
entre émotion et cognition. L’individu n’est donc pas qu’un témoin passif de ces
influences, mais peut avoir un impact déterminant sur la trajectoire du traitement de
l’information, incluant l’information qui vient de son propre ressenti subjectif. Ceci est
illustré notamment avec les travaux sur l’impact des stratégies de régulation émotion-
nelle sur la performance cognitive. La régulation émotionnelle est une cible importante
de l’intervention psychothérapeutique. Dans le chapitre suivant, examinant les diffé-
rences individuelles dans ces processus, les travaux sur le vieillissement nous offrent
XIV ■ Émotion et cognition

une raison d’être optimistes, puisqu’il semble que les individus qui avancent en âge
priorisent davantage le traitement de l’information positive, sûrement une forme de
sagesse !
Patrick Lemaire réussit dans le dernier chapitre à faire une synthèse fort habile et très
utile de la somme colossale de travaux qu’il a présentée dans le livre. En fin psycho-
logue cognitif, il sait que les informations seront mieux retenues si elles sont intégrées,
associées, organisées. Le chapitre aide le lecteur à organiser les informations présen-
tées dans le volume selon de grandes questions transversales. Le chapitre ouvre aussi
la porte sur les perspectives de développement de notre domaine d’études.
On peut imaginer des développements excitants à la suite de la parution de ce manuel.
Je suis persuadée que le travail de Patrick Lemaire marquera le début d’une ère encore
plus foisonnante pour notre champ d’études, marquée par des découvertes importantes
et une multiplication des approches méthodologiques. On assiste déjà à l’utilisation
croissante des techniques associées aux neurosciences pour bonifier notre compré-
hension des mécanismes de base dans l’interaction cognition-émotion. On  peut  aussi
espérer une meilleure intégration de la dimension corporelle périphérique, pour mieux
rendre compte de toutes les composantes de la réponse émotionnelle. On  peut anti-
ciper que certains travaux à venir ouvriront la porte à des applications concrètes dans
des domaines comme le soutien à la décision d’experts, l’éducation ou la psychologie
clinique. Des interventions efficaces pourraient découler de notre meilleure compré-
hension des interactions entre émotion et cognition.
Sur une note personnelle, je me réjouis que ce livre important pour notre champ
d’études soit publié d’abord en français, par un chercheur francophone de renom.
Ceci témoigne de l’importance de la communauté internationale diversifiée qui œuvre
dans le domaine et dans laquelle des chercheurs francophones occupent une place de
choix. Ce livre fournira des outils intellectuels pour mobiliser une communauté de
chercheurs, favoriser les échanges et catalyser le travail scientifique de grande qualité
dans des institutions à travers la francophonie.
Comme un tango qui ne peut être dansé en solo, émotion et cognition sont les deux par-
tenaires engagés de façon inextricable dans une danse complexe. La pensée humaine
ne peut être comprise sans l’apport de chacun de ces deux partenaires de cette danse.
Le lecteur peut se laisser guider en toute confiance par Patrick Lemaire qui, fort de
ses qualités pédagogiques, met son érudition et sa vision au service d’une description
réussie de cette danse.

Isabelle BLANCHETTE
Professeure titulaire,
École de Psychologie de l’Université Laval (Canada)
CHAPITRE 1

Introduction :
présentation
du domaine
Le premier chapitre présente le domaine, et pourquoi il est intéressant et
important, pour des raisons à la fois fondamentales et pratiques, de détermi-
ner comment les émotions affectent la cognition. Après avoir défini ce qu’est
une émotion, ce chapitre décrit les composantes (physiologiques, cognitives,
affectives et comportementales) des émotions. Ensuite, sont abordées les
questions de recherche fondamentale sur les relations entre les émotions
et la cognition. Puis sont décrites les principales méthodes utilisées par les
chercheurs pour étudier les liens entre les émotions et la cognition, ainsi que
les questions que chaque type de méthode permet d’aborder. Le chapitre se
termine par la présentation des fonctions cognitives étudiées dans ce livre.

SOMMAIRE

1. Qu’est-ce qu’une émotion ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3


2. Liens entre émotions et cognition : questions de recherche
et intérêts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
3. Comment l’effet des émotions sur la cognition est-il étudié ? . . . . . . . . .9
4. Sur quelles fonctions cognitives l’effet des émotions est-il étudié ? . . . .12
2 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

Les émotions jouent un rôle central dans la vie de tout être humain. Elles interviennent
dans nos actions, nos pensées et nos relations. Elles nous aident à détecter et repérer ce
qui est important, à mémoriser, à comprendre et à décider. Elles guident nos actions au
quotidien. Parce qu’elles sont centrales dans notre vie, les émotions sont étudiées par
toutes les disciplines des sciences cognitives et affectives (c.-à-d., psychologie, linguistique,
philosophie, sociologie, anthropologie, informatique, psychiatrie et neuropsychologie).
La psychologie des émotions est un vaste domaine qui a fait beaucoup de progrès ces
30 dernières années (voir Barrett, 2018 Barrett et al., 2016 ; Luminet et al., 2013 ;
Niedenthal & Ric, 2017 ; Sander & Scherer, 2019, pour des présentations générales).
Dans des recherches théoriques et empiriques, toujours de plus en plus nombreuses
et techniquement sophistiquées, les psychologues abordent de nombreuses questions
sur les émotions (voir Encadré 1.1 pour des exemples de questions). En cherchant à
répondre à ces questions, des progrès importants ont été réalisés pour déterminer ce
que sont nos émotions (leurs composants), quand nous éprouvons des émotions ou ce
qui les déclenche (leurs causes et leurs déterminants), pourquoi nous avons des émo-
tions (leurs fonctions), le caractère universel ou non des émotions (différences cultu-
relles, inter- et intra-individuelles, ou développementales) et l’impact des émotions
sur les autres fonctions psychologiques, comme la cognition. Dans cet ouvrage, nous
passons seulement en revue les travaux qui abordent les liens émotion/cognition. Ce
premier chapitre présente les questions de recherche relatives aux liens émotion/
cognition auxquelles les chercheurs tentent de répondre et les méthodes qu’ils utilisent
pour aborder ces questions. Dans un premier temps, nous donnons une définition
générale des émotions. Puis, nous présentons les grandes questions de recherche sur
les liens émotion/cognition et l’intérêt de ces questions. Enfin, nous présentons les
fonctions cognitives abordées dans cet ouvrage et sur lesquelles les psychologues ont
déjà accumulé suffisamment de données pour comprendre comment les émotions
affectent ces fonctions.

Encadré 1.1
Quelques questions générales sur les émotions

• Qu’est-ce qu’une émotion ?


• Comment sait-on si quelqu’un éprouve une émotion ? Comment sait-on quelle
émotion cette personne éprouve ?
• Combien d’émotions fondamentales différentes existe-t-il ? Quelles sont-elles ?
• Comment faisons-nous pour faire la distinction entre plusieurs émotions ?
• Qu’est-ce qu’une émotion forte (ou intense) versus une émotion moins forte ?
• Les émotions sont-elles universelles et innées (c.-à-d., présentes dans toutes les
cultures) ou varient-elles selon la culture ?
• Les déclencheurs et l’expression des émotions varient-ils selon les cultures et le milieu ?
• Les femmes sont-elles plus émotionnelles que les hommes ? Les personnes jeunes
ont-elles plus d’émotions, des émotions plus intenses et variées que les personnes
âgées ? Les émotions évoluent-elles au cours de la vie ?
Qu’est-ce qu’une émotion ? ■ 3

• Certains individus sont-ils plus émotionnels que d’autres ? Comment le savoir ?


• Les animaux ont-ils des émotions ?
• Nos émotions sont-elles différentes lorsque nous sommes seuls à vivre un événe-
ment émotionnel et lorsque nous sommes avec un autre ou avec d’autres ?
• Comment formulons-nous nos jugements (discrimination, détermination, identifi-
cation) émotionnels ?
• À quoi servent les émotions ? Pourrions-nous vivre sans émotion ?
• Les émotions influencent-elles nos performances cognitives et, si oui, comment ?

1. Qu’est-ce qu’une émotion ?


De nombreuses définitions des émotions ont été proposées. Bien que ces défini-
tions diffèrent sur certains aspects, elles ont toutes pour point commun de voir les
émotions comme des états internes qui peuvent, mais pas toujours, être observables
à travers les expressions (faciales, verbales ou autres) et les comportements. Une
émotion est, la plupart du temps, accompagnée de réactions physiologiques (p.  ex.,
changements dans la fréquence cardiaque, la réponse électrodermale, la conduction
cutanée, les activités musculaires). Pour prendre un exemple de définition, il est
possible de dire que les émotions sont des « patrons biologiquement fondés de per-
ception, d’expérience, de physiologie, d’action et de communication, caractérisés par
leur aspect épisodique, de courte durée, et qui se produisent en réponse à des défis et
opportunités physiques et sociaux spécifiques » (Keltner & Gross, 1999, p. 468). Une
émotion est donc un ensemble de réponses (psychologiques et/ou physiologiques)
d’intensité, de durée et de complexité variables. Ces réponses peuvent apparaître de
manière plus ou moins publique ou privée et plus ou moins synchronisée. Notons
enfin qu’une émotion survient lorsque nous nous trouvons dans une situation ou
face à un stimulus que nous évaluons (comme dangereux ou pas, comme agréable ou
désagréable).
Il existe plusieurs types d’émotion et les échanges entre scientifiques se poursuivent
pour déterminer quelle pourrait être la meilleure taxonomie des émotions (e.g., Keltner,
2019 ; Keltner et al., 2019). Même si de nombreux psychologues pensent qu’il importe
de distinguer des émotions dites de base (la joie, la colère, la tristesse, le dégoût, la
peur) et des émotions réflexives (la jalousie, l’envie, la honte, la culpabilité, l’embarras,
la fierté, l’orgueil), deux dimensions caractérisent toutes les émotions : la valence (une
émotion est positive ou négative) et l’intensité (une émotion est de faible ou de forte
intensité). Ces dimensions varient de manière continue de sorte que la valence émo-
tionnelle d’une situation ou d’un stimulus peut être plus ou moins positive ou négative,
et que son intensité peut être plus ou moins faible ou élevée (e.g., Plutchik, 1991 ;
Russell, 1980 ; Watson & Tellegen, 1985).
Les expressions psychologiques, comportementales et physiologiques de chaque
émotion présentent un profil général particulier, même si ce profil peut varier d’un
individu à l’autre et, pour le même individu, d’une situation à l’autre. Ainsi, la joie
4 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

est  souvent provoquée par la réalisation d’un but important ou la satisfaction d’un
besoin ; elle s’exprime par un visage souriant, une augmentation de la fréquence
fondamentale de l’étendue et de l’intensité de la voix, ainsi qu’une accélération du
rythme cardiaque et une augmentation de la température corporelle. La colère est
souvent déclenchée par un événement inattendu causé intentionnellement par une
autre personne et que nous percevons comme un obstacle à la réalisation d’un but
important et/ou la satisfaction d’un besoin. Elle s’exprime par un visage dur et tendu,
et s’accompagne d’une augmentation de la fréquence fondamentale, de l’énergie des
hautes fréquences et de l’intensité de la voix, ainsi que d’une accélération du rythme
cardiaque, d’une augmentation de la tension musculaire et de changements dans
la respiration. Quant à la tristesse, elle est souvent le résultat d’un événement qui
empêche, de manière prolongée, la satisfaction d’un besoin, que l’on perçoit comme
difficile, voire impossible à contrôler ; elle s’accompagne d’un sentiment d’impuis-
sance, d’une expression faciale avec les paupières qui retombent, d’une diminution
de la voix et du rythme de la parole, de tensions musculaires et d’envie de pleurer.
Enfin, dernier exemple, la peur est provoquée par un événement qui survient subi-
tement et que nous percevons comme menaçant pour notre survie ou notre intégrité
physique ou psychique ; elle s’accompagne d’une expression de terreur sur le visage,
d’une augmentation de la fréquence fondamentale et de la hauteur dans la voix, ainsi
que du débit de parole. Le rythme cardiaque s’accélère également, la respiration et la
température corporelle sont aussi modifiées, et la gorge se resserre. Cette diversité
des réponses psychologiques, comportementales et physiologiques associées à chaque
émotion est intéressante pour le psychologue qui veut comprendre les liens entre
émotion et cognition. En effet, par exemple, pour contrôler que le participant est
bien dans un certain état émotionnel pendant qu’il réalise une tâche cognitive, il peut
recueillir un ensemble de mesures dont la convergence indiquera avec plus de fiabilité
et de validité l’état émotionnel analysé.
Les émotions diffèrent de l’humeur (qui n’a pas forcément un objet précis et est plus
diffus et d’une durée plus importante) et des sentiments. Il existe plusieurs critères
sur la base desquels les émotions diffèrent des sentiments, comme leur intensité,
leur durée, leur objet, leur expression et manifestation (publique ou privée). Les
chercheurs ne sont pas forcément tous d’accord sur ces critères, mais convergent
pour dire qu’émotions et sentiments diffèrent, même s’il est possible que les deux
soient liés (p. ex., certains sentiments pourraient s’appuyer sur certaines émotions ;
Damasio, 2010, 2021).
Enfin, pour comprendre les émotions, les chercheurs essaient de déterminer non seu-
lement ce que sont les émotions, quand elles surviennent, comment elles sont déclen-
chées, les effets qu’elles peuvent avoir sur d’autres dimensions psychologiques, mais
également leurs fonctions (voir Scherer & Ekman, 1984, pour une discussion). Ainsi,
par exemple, les émotions peuvent orienter nos goûts, rendre la vie plus intéressante et
riche, nous aider à nous éloigner d’un danger, faciliter (ou entraver) la communication
entre individus et entre groupes, soutenir nos efforts dans la poursuite d’un but, nous
préparer à l’action, et nous servir ou nous aider à évaluer (des personnes, animaux,
objets, situations) afin d’ajuster nos comportements (p.  ex., fuite en cas de danger)
et d’assurer notre survie et notre sécurité. Pas étonnant dans ce contexte qu’elles
influencent les fonctions cognitives.
Liens entre émotions et cognition : questions de recherche et intérêts ■ 5

2. Liens entre émotions et cognition :


questions de recherche et intérêts

2.1. Questions de recherche


Les psychologues qui travaillent sur les liens émotion/cognition posent une ques-
tion fondamentale : les émotions influencent-elles nos performances cognitives, et si
oui, dans quelles conditions et comment ? Cette question peut se décliner en multiples
sous-questions, certaines très générales, d’autres plus spécifiques, certaines concrètes
et proches de nos questions intuitives, d’autres plus formelles et abstraites. Dans l’enca-
dré 1.2 sont rassemblées quelques-unes de ces questions.

Encadré 1.2
Exemples de quelques questions que se posent
les psychologues cherchant à comprendre les liens
entre émotion et cognition

Quelques questions intuitives


• Les gens tristes raisonnent-ils ou pensent-ils mieux que les gens heureux ?
• Raisonnons-nous mieux et prenons-nous de meilleures décisions quand nous
sommes en colère que quand nous sommes calmes ?
• Une personne anxieuse dans la vie juge-t-elle plus élevée la probabilité d’un évé-
nement négatif qu’une personne non anxieuse ?
• L’anxiété ressentie à propos d’un examen avant de passer l’examen est-elle corré-
lée aux résultats obtenus à cet examen ?
• Est-ce que les jours où nous sommes tristes, nous voyons le monde plus noir qu’il
ne l’est ? Quand nous sommes anxieux, le monde nous paraît-il plus dangereux ?
Et lorsque nous sommes joyeux, voyons-nous le monde plus rose et avec moins de
réalisme qu’il ne l’est ?
• Prenons-nous plus de risques dans une situation inconnue quand nous avons la
peur au ventre ?
• Les performances cognitives de quelqu’un qui comprend bien ses émotions sont-
elles moins influencées par ses émotions ?
• L’influence de nos émotions sur nos performances dans un domaine est-elle la
même si nous sommes experts dans ce domaine ?
• Est-ce qu’une émotion plus intense influence davantage nos performances cogni-
tives qu’une émotion moins intense ?

Quelques questions moins intuitives


• Quand et comment nos émotions affectent-elles nos performances cognitives ?
6 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

• Les émotions influencent-elles la cognition ou la cognition influence-t-elle les


émotions ?
• Quel est l’intérêt/l’importance d’étudier le rôle des émotions sur la cognition ?
• Est-ce que les émotions incidentes et intégrales affectent nos performances cogni-
tives de la même manière ? Comment se combine l’influence des émotions inci-
dentes (exogènes) et intégrales (endogènes) sur la cognition ?
• L’effet des émotions chez un individu dans un domaine cognitif (ou une tâche)
est-il le même que les effets des mêmes émotions chez le même individu dans un
autre domaine cognitif (ou une tâche) ou ces effets sont-ils spécifiques à chaque
domaine cognitif (ou tâche) ?
• Le niveau d’expertise dans un domaine cognitif module-t-il l’influence des émo-
tions dans ce domaine ?
• Le niveau de conscience d’une expérience émotionnelle module-t-il l’impact des
émotions sur la cognition ?
• Dans le domaine de la mémoire épisodique, les émotions affectent-elles les méca-
nismes impliqués dans une tâche de reconnaissance de la même manière que ceux
mobilisés dans une tâche de rappel libre ?
• Les émotions influencent-elles les mécanismes de clignement attentionnel ?
• Le niveau de contrôle émotionnel exercé pendant une tâche cognitive module-t-il
l’effet des émotions sur les performances à cette tâche ?
• Quelles sont les caractéristiques générales des mécanismes cognitifs les plus sen-
sibles aux effets des émotions ?

Comme nous le verrons, pour chaque fonction cognitive, les psychologues se posent la
même question générale, au-delà des questions spécifiques. Les émotions affectent-elles
nos performances cognitives, et, si oui, dans quelles conditions, dans quelles propor-
tions et par quels mécanismes. Ainsi, les psychologues cherchent à savoir comment
nos capacités attentionnelles sont affectées par les émotions, comment nos perfor-
mances mnésiques changent selon notre état émotionnel, comment nous raisonnons,
jugeons et prenons des décisions sous émotion, et comment, dans tous ces domaines,
nous tentons de réguler nos émotions pour diminuer ou amplifier les effets des émo-
tions sur nos performances cognitives.

2.2. Intérêts
Chercher à comprendre si et comment les émotions influencent nos performances
cognitives est intéressant et important pour plusieurs raisons. D’abord, sur le plan empi-
rique, ceci contribue à mieux comprendre les déterminants des performances cogni-
tives. Pendant longtemps, les psychologues de la cognition se sont focalisés sur l’effet
de différents paramètres sur les performances cognitives. Ces paramètres concernent
notamment les caractéristiques des stimuli (p.  ex., mots concrets vs abstraits), des
tâches (p. ex., tâches de rappel libre vs indicé), des situations (p. ex., nécessité d’aller
vite vs sans contrainte temporelle) et des participants (p. ex., experts vs non-experts).
Liens entre émotions et cognition : questions de recherche et intérêts ■ 7

Relativement peu d’attention a été accordée au rôle des émotions, vraisemblablement


plus pour des raisons de méthodologies non disponibles ou insuffisamment sophisti-
quées et validées que pour des raisons de croyances (implicites ou explicites) selon
lesquelles la cognition et les émotions sont des fonctions qui n’interagissent pas.
Par ailleurs, sur le plan théorique, l’étude des liens cognition-émotion permet de tester
des modèles d’une activité cognitive. Par exemple, comme l’ont proposé certains cher-
cheurs sur la mémoire épisodique (e.g., Mandler, 1980), si une tâche de reconnaissance
en mémoire épisodique mobilise deux types de mécanismes différents (l’un fondé
sur la familiarité, l’autre sur la récollection), chacun de ces processus pourrait être
affecté différemment par une émotion ou pourrait être influencé par deux émotions
différentes. En étudiant l’effet des émotions sur la cognition, il est également possible
de découvrir certaines caractéristiques des mécanismes cognitifs postulés par une
théorie, que d’autres manipulations expérimentales n’avaient pas fait apparaître. Par
exemple, le fait que, comme nous le verrons au chapitre 6, dans un état émotionnel,
nous sous-évaluons l’occurrence de certains événements et surévaluons la probabilité
d’autres événements, cela suggère que nos mécanismes de jugement ne s’appuient pas
toujours et exclusivement sur les données à évaluer.
Autre intérêt, certaines données montrant un effet des émotions sur la cognition
apportent des confirmations empiriques convergentes à des hypothèses théoriques.
Par exemple, comme nous le verrons au chapitre  6, l’amélioration du raisonnement
par les émotions congruentes avec le contenu d’un énoncé (p. ex., une personne ayant
subi un viol dans son enfance qui aura de meilleures performances en raisonnement
conditionnel sur une histoire de viol, mais de moins bonnes performances sur un rai-
sonnement formellement analogue portant sur un contenu émotionnellement neutre
ou un contenu émotionnel sans lien avec une situation de viol) converge avec les
résultats des travaux empiriques ayant montré que nos capacités de raisonnement
sont nettement plus efficaces sur un contenu familier que sur un contenu nouveau.
Ces résultats renforcent la théorie des modèles mentaux (e.g., Johnson-Laird, 1983 ;
Johnson-Laird et al., 2015) selon laquelle le raisonnement requiert de formuler des
modèles mentaux de la situation que nous tentons d’invalider. Comme nous le verrons,
ce processus peut être facilité en cas de congruence entre contenus émotionnels sur
lesquels raisonner et expérience émotionnelle antérieure, ou plus difficile à mettre en
œuvre en cas d’incongruence.
Enfin, l’étude des liens émotion/cognition peut donner lieu à des hypothèses nouvelles
sur le fonctionnement cognitif d’un individu. Par exemple, les travaux de Niedenthal
et ses collaborateurs (e.g., Niedenthal et al., 1999 ; Niedenthal & Dalle, 2001) ont fait
apparaître que, lorsque nous catégorisons ou percevons les objets autour de nous ou
des événements, nous fondons ces catégorisations et nos perceptions sur nos états
émotionnels, ce qui n’avait pas été envisagé par les modèles de la catégorisation et de
la perception avant ces travaux.
Outre les intérêts théoriques et empiriques, les recherches sur les liens émotion/cogni-
tion ont une portée pratique importante. Par exemple, au niveau pédagogique, savoir
que l’effet dit de Memory Enhancement (c.-à-d., meilleure mémorisation pour un contenu
émotionnel que pour un contenu neutre) est présent chez les enfants (e.g., Massol et al.,
2020) ou savoir que, très tôt dans la scolarité, l’enfant peut développer une anxiété face
8 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

aux mathématiques indépendamment de ses capacités (voir Mammarella et al., 2019,


pour une revue) peut significativement orienter l’action pédagogique au grand bénéfice
des apprentissages scolaires. Par exemple encore, savoir que les personnes âgées ont
nettement moins de déficits cognitifs lorsqu’elles traitent des informations émotionnel-
lement positives (e.g., Charles et al., 2003 ; Joubert et al., 2018) est important non seule-
ment pour connaître les effets réels du vieillissement sur la cognition, mais également
pour formuler un diagnostic plus juste des capacités cognitives d’une personne âgée et
mettre au point des programmes d’optimisation cognitive à destination des personnes
âgées. Enfin, au niveau clinique, la connaissance de la façon dont les émotions peuvent
changer le fonctionnement cognitif d’une personne peut s’avérer extrêmement utile.
Par exemple, savoir que les biais cognitifs, qui nous conduisent à focaliser notre atten-
tion sur des informations négatives, sont amplifiés chez les patients dépressifs (voir
Campbell-Sills et al., 2014 ; Cisler & Koster, 2010, pour des revues) peut aider le clini-
cien dans son diagnostic, le soutien, la guidance ou le travail thérapeutique à conduire
avec ce type de patients. Par exemple encore, un protocole au cours duquel les patients
apprennent à faire meilleur usage des stratégies de régulation émotionnelle fondées sur
la réévaluation cognitive (e.g., Aldao et al., 2010, pour une méta-analyse) peut s’avérer
extrêmement utile dans la pratique clinique quotidienne.

2.3. Principe méthodologique


Pour étudier les liens émotion/cognition, la méthode est simple et commune à
toutes les fonctions cognitives. Les participants doivent réaliser une tâche cognitive
(p. ex., tâches de détection de cibles, de raisonnement conditionnel, de rappel libre, de
jugement de probabilités), dont les psychologues connaissent les mécanismes qu'elle
requiert pour être réussie. Certains participants sont testés dans une condition émo-
tionnelle (p. ex., tristesse ; joie), d’autres dans une condition neutre, ou, quand cela est
possible, le même participant est testé dans les différentes conditions émotionnelles et
neutres. Les performances cognitives sont alors comparées en fonction de l’état émo-
tionnel (vs neutre) du participant. Ces états émotionnels sont induits par différentes
procédures expérimentales ou évalués par divers questionnaires d’évaluation des émo-
tions au moment où les participants accomplissent une tâche cognitive.
Ces questions et méthodes permettent aux psychologues de déterminer si les méca-
nismes cognitifs bien connus dans un domaine ou pour accomplir une tâche donnée
(p.  ex., mécanismes de jugement de familiarité dans une tâche de reconnaissance en
mémoire épisodique) sont mis en œuvre différemment en condition émotionnelle et en
condition neutre. Comme nous le verrons dans les chapitres qui suivent, les psycholo-
gues ont ainsi pu découvrir que nos émotions affectent certains mécanismes, mais pas
d’autres, dans une même tâche. Par ailleurs, les questions et méthodes de recherche
permettent également de déterminer si les participants mobilisent des mécanismes dif-
férents en conditions émotionnelles et neutres pour accomplir la même tâche cognitive.
En d’autres termes, les données permettent de déterminer si les émotions influencent
les variations stratégiques (p.  ex., mise en œuvre de traitements plus superficiels
dans certaines conditions émotionnelles ou plus profondes dans d’autres conditions)
observées dans différentes tâches cognitives.
Comment l’effet des émotions sur la cognition est-il étudié ? ■ 9

3. Comment l’effet des émotions


sur la cognition est-il étudié ?
Il existe de nombreuses méthodes pour étudier le rôle des émotions dans la cogni-
tion (voir Tableau 1.1). Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, sachant
que son intérêt (c.-à-d., validité, fidélité et sensibilité) dépend de la question posée et du
type de données qu’elle permet d’obtenir. Selon les méthodes, les émotions sont induites
ou surviennent naturellement. Concernant l’observation naturelle, les chercheurs soit
utilisent la méthode du journal, soit administrent des questionnaires. La méthode du
journal consiste à demander aux participants de noter, pendant une certaine période,
dans un journal à la fin de la journée (ou une fois par semaine), toutes les émotions
qu’ils ont vécues dans la journée (ou dans la semaine), tous les événements ou toutes
les réflexions qui ont déclenché en eux une émotion (e.g., Talarico & Rubin, 2003). Les
participants peuvent également noter un certain nombre de caractéristiques de ces
événements émotionnels (p.  ex., durée, intensité, type d’émotion ressentie, émotion
éprouvée seule ou en présence de quelqu’un, etc.). Le chercheur peut alors utiliser le
journal pour, par exemple, sonder la mémoire du participant et voir s’il rappelle mieux
certains événements selon leur valence et intensité émotionnelles.
Il existe plusieurs questionnaires pour évaluer l’état émotionnel d’un participant. Le
principe général de ces questionnaires est simple. Les participants lisent des affir-
mations ou des questions et doivent choisir une réponse parmi plusieurs proposées.
Par exemple, les participants lisent la question « Comment vous êtes-vous senti(e)
au cours des semaines passées ? et, pour chaque proposition (p.  ex., « intéressé(e) »,
« perturbé(e) »), ils doivent choisir parmi « Jamais, un peu, modérément, assez souvent,
toujours ». De nombreux questionnaires ont été proposés, comme les questionnaires
suivants : DES (Differential Emotions Scale ; Izard et al., 1974) ; BMIS (Brief Mood
Introspection Scale, Mayer  &  Gaschke, 1988) ; PANAS (Positive And Negative Affect
Schedule ; Watson et al., 1988), ERQ (Emotion Regulation Questionnaire ; Gross & John,
2003), The Mayer-Salovey-Caruso MSCEIT (Emotional Intelligence Test ; Mayer et
al., 2002), ESC (Emotion Expressivity Scale ; Kring et al., 1994), DERS (Difficulties in
Emotion Regulation Scale ; Gratz  &  Roemer, 2004), ERS (Emotional Reactivity Scale ;
Nock et al., 2008). Ces questionnaires sont utilisés pour évaluer l’état émotionnel du
participant en arrivant au laboratoire et/ou après une induction émotionnelle, ainsi
que leurs réactions ou régulations émotionnelles. Dans la limite de leur validité, ils
permettent ainsi de vérifier que la procédure d’induction émotionnelle a été efficace et
a changé l’état émotionnel du participant entre les moments qui précèdent et suivent
une induction émotionnelle.
Il existe plusieurs techniques d’induction émotionnelle selon que les émotions sont
déclenchées directement ou indirectement (Martin, 1990). Ainsi, il est possible d’in-
duire des émotions en hypnotisant les participants et en leur donnant l’injonction
de ressentir telle ou telle émotion (e.g., Bower et al., 1978, 1981). Les participants
accomplissent une tâche cognitive (comme une tâche de mémoire par exemple), et les
performances sont analysées quand les participants ont reçu les consignes d’éprouver
différentes émotions (p. ex., joie vs neutre ; tristesse vs neutre ; joie vs tristesse).
10 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

Une émotion peut aussi être induite en faisant visionner un film aux participants avant
de leur demander d’accomplir une tâche cognitive (voir Gross & Levenson, 1995, pour
une revue). Certains films sont connus pour déclencher en nous de la colère (p.  ex.,
scène du film Le Vieux Fusil où, au cours de la Seconde Guerre mondiale, un homme
découvre que sa femme et sa fille ont été massacrées par des SS), de la peur (p. ex., scène
du film Psychose, où une femme seule, dans un hôtel déserté, reçoit un coup de couteau
dans sa douche), de la tristesse (p. ex., scène du film Le Cercle des poètes disparus où un
étudiant se suicide) ou d’autres émotions. Les performances cognitives des participants
sont comparées après un extrait de film émotionnel et après un film neutre (p. ex., un
documentaire). Une variante est de présenter aux participants, avant la tâche cognitive,
une histoire ou un récit triste, joyeux ou neutre (e.g., Williams, 1980).
La même procédure (appelée MMIP, Musical Mood Induction Procedure ; voir Västfjäll,
2002 pour une revue) est utilisée avec de la musique ou des odeurs. De la même
manière que certaines odeurs sont associées à différentes valences émotionnelles (e.g.,
Billot et al., 2017), différentes musiques déclenchant en nous différentes émotions. Par
exemple, l’ouverture du Mariage de Figaro de Mozart, ou la chanson Yellow Submarine
des Beatles, nous mettent en joie, tandis que la Sonate pour Piano N° 14 de Beethoven,
la 9e Symphonie de Dvořák, ou bien encore la chanson Sometimes It Snows in April de
Prince suscitent de la tristesse, et d’autres musiques sont relativement neutres émo-
tionnellement (p. ex., Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy).
Une autre procédure d’induction émotionnelle consiste à réactiver des souvenirs émo-
tionnels personnels (autobiographiques) avant une tâche cognitive. Les participants
ont pour consigne de penser à un événement particulier, comme « Essayez de vous
souvenir du premier jour où vous êtes allés à l’école », ou de retrouver un « événement
heureux » ou à « un événement triste » qui leur est arrivé (voir Lerner & Keltner, 2001,
pour une revue). Les performances à une tâche cognitive sont comparées dans les
conditions où les participants doivent rappeler différents types d’événements.
Une autre procédure assez fréquemment utilisée dans les études sur les liens émotion/
cognition consiste à montrer pendant une durée assez courte des images aux partici-
pants avant chaque item d’une tâche cognitive. Les images sont connues pour être de
valence émotionnelle positive, négative ou neutre et d’intensité variable. La banque
d’images IAPS (International Affective Picture System ; Lang et al., 2008) fait partie
des banques d’images les plus utilisées. Les performances des participants à une tâche
cognitive sont comparées pour les essais où les images sont positives, négatives et
neutres. La même procédure (appelée la Procédure Velten) est utilisée avec des mots
(voir revue Kenealy, 1986) où les participants voient des mots à valence et intensité
émotionnelles variables.
Il est possible d’induire indirectement les émotions. Par exemple, en donnant des feed-
back de réussites ou d’échecs (indépendamment de la performance), les participants sont
amenés à ressentir des émotions positives ou négatives et, en conséquence, à obtenir des
performances différentes à une tâche cognitive (e.g., Geraci  &  Miller, 2013 ; Lemaire,
2021 ; Lemaire et al., 2019 ; Lemaire & Brun, 2018). Par exemple encore, la procédure
dite du Trier Social Stress Test (TSST ; Kirschbaum et al., 1993) induit du stress. Selon
cette procédure, les participants doivent d’abord préparer, pendant 2 minutes, un dis-
cours pour un entretien d’embauche au cours duquel il faut mettre en avant ses qualités
Comment l’effet des émotions sur la cognition est-il étudié ? ■ 11

personnelles. Ensuite, les participants doivent donner ce discours pendant 5 minutes


devant deux évaluateurs (embaucheurs potentiels) vêtus d’une blouse blanche. Ils sont
filmés pendant ce discours. Enfin, pendant 5 minutes, ils doivent compter à rebours à
partir d’un nombre (p. ex., compter par pas de 17 à partir de 2043). Cette procédure
déclenche un niveau relativement élevé de stress. Elle est très pertinente et intéressante
pour évaluer les effets du stress sur les performances cognitives.
Enfin, l’étude des différences individuelles (p. ex., personnes peu vs très anxieuse en
général dans la vie) et de la psychopathologie (p. ex., personnes souffrant de phobies
ou d’anxiété chronique) peut apporter des informations importantes sur la manière
dont les émotions affectent nos capacités cognitives. En effet, étudier par exemple si
l’attention des individus tout-venant avec un niveau d’anxiété générale au-dessus de la
moyenne est plus aisément et systématiquement capturée par des informations néga-
tives apporte des informations importantes sur le rôle de l’anxiété dans l’attention. De
la même manière, étudier comment des individus souffrant de phobie sociale sévère
interprètent certaines situations ou stimulus ambigus peut fournir des renseignements
précieux sur le rôle de la peur dans les mécanismes d’interprétation et de la compré-
hension (des situations, des textes, voire des personnes).
Tableau 1.1
Procédures directes et indirectes d’induction des émotions.

Procédures directes Procédures indirectes

– Hypnose – Questionnaires, journal


– Extraits de films, images – Feed-back positifs ou négatifs
– Histoires – Stress (TSST)
– Musiques
– Récupération de souvenirs émotionnels

Même s’il est vraisemblable que l’effet des émotions peut survenir de manière diffé-
rente lorsque les liens émotion/cognition sont étudiés par des procédures d’induction
émotionnelle et par la manipulation de la valence émotionnelle des stimulus, l’ensemble
de ces techniques permet de distinguer les situations où le chercheur va étudier le rôle
des émotions incidentes versus intégrales sur la cognition. Les émotions incidentes
sont les émotions que l’on ressent et qui sont provoquées/induites par une situation
indépendante de la tâche à réaliser et des stimulus à traiter (p. ex., anxiété ressentie
par quelqu’un à la personnalité anxieuse ; peur ressentie en voyant un film). La source
de ces émotions est donc exogène à la tâche à accomplir. Les émotions incidentes sont
déclenchées par les méthodes diverses d’induction (p. ex., visionner un film avant la
tâche cognitive, montrer des images avant chaque essai ; rappels autobiographiques
d’événements heureux/malheureux ; lecture d’histoires ou de récits avant un test cogni-
tif). Quant aux émotions dites intégrales, elles sont déclenchées par une tâche et/ou
les stimulus et informations à traiter pour accomplir la tâche (p. ex., anxiété provoquée
par les mathématiques). La source de ces émotions est endogène à la tâche. Elles sont
déclenchées quand le chercheur manipule le contenu émotionnel des stimulus à traiter
(p. ex., énoncés émotionnels dans une tâche de raisonnement ; choix entre alternatives
à valences émotionnelles différentes dans une tâche de prise de décision ; mots émo-
tionnels vs non émotionnels à mémoriser dans une tâche de mémoire épisodique).
12 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

4. Sur quelles fonctions cognitives l’effet


des émotions est-il étudié ?
L’effet des émotions a été ou est étudié sur pratiquement toutes les fonctions cogni-
tives, des plus générales (p.  ex., l’attention, la mémoire, le raisonnement) à certaines
fonctions plus spécifiques (p.  ex., l’arithmétique, le langage, la perception des visages
ou du temps). Pour chacune des fonctions, les psychologues cherchent à déterminer
dans quelles conditions les émotions affectent les performances et quels sont les méca-
nismes responsables de cette influence. Ils essaient de savoir si les émotions changent la
manière d’exécuter les mécanismes généraux et spécifiques au domaine ou à la fonction
étudiés et/ou si les émotions amènent le participant à utiliser d’autres mécanismes
non mis en œuvre en état non émotionnel. Pour cela, les psychologues s’appuient sur
ce qu’ils savent non seulement concernant les émotions (p.  ex., comment les déclen-
cher en laboratoire, les caractéristiques des différentes émotions), mais aussi sur la
cognition (p.  ex., paradigmes ou tâches utilisées, mécanismes cognitifs connus ; voir
Lemaire  &  Didierjean, 2018, pour une revue en français). Dans cet ouvrage, chaque
chapitre aborde une grande fonction cognitive (attention, mémoire, raisonnement, juge-
ment et prise de décision, et régulation émotionnelle). Pour chaque fonction, les apports
des travaux expérimentaux sont décrits dans un premier chapitre puis, dans le cha-
pitre suivant, les données sur les différences individuelles, les effets du vieillissement et
de la psychopathologie, qui éclairent la question des liens entre émotions et cognition.
Approcher l’effet des émotions sur la cognition par le vieillissement, les différences
individuelles, et la psychopathologie est complémentaire à l’approche expérimentale
et s’avère intéressant et important pour plusieurs raisons. Les travaux expérimentaux
chez le jeune adulte ont étudié le rôle des émotions sur les fonctions cognitives en mani-
pulant la valence et l’intensité émotionnelles des stimulus, d’une part, et en essayant
d’induire des états émotionnels chez les individus tout-venant, d’autre part. Les diffé-
rences individuelles et la psychopathologie permettent de déterminer comment les états
émotionnels des participants, induits par la psychopathologie et les traits de person-
nalité (ou d’autres caractéristiques individuelles), affectent nos performances et méca-
nismes cognitifs. Un individu très anxieux, par exemple, aborde une tâche de Stroop ou
de mémoire épisodique dans un état émotionnel différent d’un individu non anxieux. En
bref, les émotions induites par la psychopathologie et les différences individuelles per-
mettent d’étudier le rôle des émotions sur la cognition par l’état interne (émotionnel) de
l’individu et donc complémentairement à l’induction en laboratoire de l’état émotionnel
du participant, de la valence et de l’intensité émotionnelles des stimulus.
De plus, examiner comment l’effet des émotions sur la cognition change au cours
du vieillissement est intéressant du fait des changements cognitifs importants qui
surviennent avec l’avancée en âge (voir Craik  &  Salthouse, 2008 ; Lemaire, 2016 ;
Lemaire  &  Bherer, 2005 ; Salthouse, 2012 pour des revues). Le vieillissement s’ac-
compagne de changements dans toutes les fonctions cognitives (p.  ex., diminution
des capacités attentionnelles, de la mémoire de travail, de l’efficacité des méca-
nismes d’encodage, stockage et rappel en mémoire épisodique, altération des capacités
Sur quelles fonctions cognitives l’effet des émotions est-il étudié ? ■ 13

de raisonnement). Le vieillissement entraîne également de changements majeurs dans


les motivations et les priorités, changements qui ont des conséquences importantes
sur les mécanismes cognitifs (Carstensen, 2006). Ensemble, comme nous le verrons,
ces changements cognitifs et motivationnels liés à l’âge entraînent des modifications
importantes dans les liens émotion/cognition au cours du vieillissement.
Nous présentons d’abord les travaux sur l’attention (chapitre 2). Nous y verrons que
les psychologues ont cherché à savoir si les émotions affectent l’attention sélective, ou
la capacité à sélectionner l’information pertinente (et négliger l’information non perti-
nente) pour accomplir une tâche cognitive. Ainsi, nous verrons comment les émotions
affectent nos performances, par exemple, dans des tâches de Stroop ou dans des tâches
de recherche visuelle, très utilisées pour étudier l’attention sélective. Nous verrons
également si les émotions affectent deux autres fonctions importantes de l’attention,
à savoir l’orientation de l’attention et le shifting, étudiés par des tâches de détection
après indiçage unique ou double, ainsi que le clignement attentionnel. Dans le cha-
pitre 3, nous abordons les travaux sur les différences individuelles, le vieillissement et
la psychopathologie. Nous verrons que les liens émotion/attention évoluent avec l’âge
au cours de la vie adulte et diffèrent selon les individus et comment, dans certaines
pathologies, ces liens peuvent être amplifiés.
Dans le chapitre 4, nous examinons le rôle des émotions sur la mémoire. Nous y verrons
que les émotions peuvent améliorer nos performances mnésiques dans certaines condi-
tions et les détériorer dans d’autres conditions. Nous verrons que les psychologues
commencent à avoir des idées claires et précises sur les raisons qui nous conduisent à
avoir une moins bonne mémoire versus une meilleure mémoire sous le coup des émo-
tions. Nous verrons en particulier que l’un des facteurs cruciaux concerne la corres-
pondance entre la valence émotionnelle du contenu à mémoriser et l’état émotionnel du
participant, et que cette correspondance varie selon le contexte dans lequel la mémoire
est testée. Le chapitre 5 discute des données sur les différences individuelles, le vieillis-
sement et la psychopathologie dans les effets des émotions sur la mémoire.
Le chapitre 6 présente les travaux sur le rôle des émotions sur les activités cognitives
dites de haut niveau (c.-à-d., le jugement, la prise de décision et le raisonnement). Là
aussi, nous verrons que les émotions peuvent affecter négativement ou positivement
les performances, et que ceci dépend notamment de la congruence entre les contenus
à traiter et l’état émotionnel des participants ou les expériences émotionnelles passées.
Les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie sont présentés
au chapitre 7.
Nous verrons dans les chapitres  8 et  9, sur la régulation émotionnelle, que nous ne
sommes pas passifs vis-à-vis des émotions qui nous traversent. Nous cherchons à les
amplifier ou diminuer, les déclencher ou les éviter, les faire durer ou les abréger, en
bref, nous tentons de les réguler. Cette régulation module l’impact de nos émotions sur
la cognition. En particulier, l’effet des émotions sur la cognition est modifié par les stra-
tégies de régulation émotionnelle (ou la manière dont nous gérons nos émotions) que
nous mettons en œuvre et par la manière d’exécuter ces stratégies de régulation émo-
tionnelle. En d’autres termes, les stratégies de régulation émotionnelle influencent non
seulement l’expérience émotionnelle, mais aussi l’effet de nos émotions sur nos perfor-
mances cognitives. Le chapitre 9 discute les travaux montrant comment les individus
14 ■ CHAPITRE 1 – Introduction : présentation du domaine

diffèrent dans la régulation émotionnelle, comment cette régulation évolue au cours du


vieillissement et varie dans certaines pathologies.
Enfin, dans le chapitre 10, nous reprenons certaines des grandes questions concernant
les liens émotion/cognition (p. ex., l’effet des émotions est-il le même lorsqu’il est étudié
en manipulant la valence émotionnelle des stimulus et l’état des participants ?) et exa-
minons comment les résultats sur ces liens éclairent ces grandes questions.

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir


1. Comment définit-on une émotion ?
2. Quelles sont les deux grandes approches pour étudier le rôle des émotions
sur la cognition ?
3. En quoi les émotions se distinguent-elles de l’humeur et des sentiments ?
4. Quels sont les objectifs principaux, sur le plan empirique et théorique, des
recherches sur les liens émotion-cognition ?
5. Décrivez en quoi, sur les plans empirique, théorique et pratique, il est impor-
tant de comprendre le rôle des émotions sur la cognition ?

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF1

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM1

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC1
CHAPITRE 2

Émotion et attention
Ce chapitre passe en revue les travaux visant à déterminer comment les
émotions influencent l’attention. Chaque fonction principale de l’attention
(attention sélective, orientation, flexibilité, attention soutenue et divisée) est
étudiée. Pour chacune de ces fonctions sont présentées les méthodes utilisées
par les chercheurs, ainsi que les principaux et les plus importants résultats
concernant l’influence des émotions. Ainsi, sont décrits les effets des émo-
tions sur des mécanismes aussi variés que l’engagement et le désengagement
attentionnels ou l’inhibition, dans des tâches aussi diverses que des tâches de
détection après simple ou double indiçage ou de Running Span et de N-Back,
mais aussi sur des phénomènes aussi différents que les phénomènes de cligne-
ment attentionnel ou les effets Stroop.

SOMMAIRE

1. Émotions et attention sélective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17


2. Émotions et orientation de l’attention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
3. Émotions et flexibilité attentionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30
4. Émotions et attention divisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41
16 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

Nous sommes sans arrêt bombardés d’informations. Certaines sont utiles, d’autres
inutiles. Pour réaliser une tâche cognitive, et plus généralement atteindre un but, il
nous faut sélectionner une partie de ces informations. Il nous faut aussi sélectionner
quoi faire avec cette information (quels traitements lui appliquer). Une fois un trai-
tement sélectionné, il faut le mettre en œuvre. Enfin, il nous faut choisir et donner
une réponse. L’attention intervient à toutes les étapes du traitement de l’information,
depuis sa sélection parmi un flux important jusqu’à sa transformation et sa trans-
mission à d’autres individus. Les psychologues ont découvert que l’attention mobilise
plusieurs mécanismes dont les déclencheurs et les caractéristiques fonctionnelles
diffèrent. Par exemple, il est possible de distinguer l’attention endogène et l’attention
exogène. L’attention endogène est déclenchée par un élément interne au système cogni-
tif, comme ses buts et désirs, ses intentions ou ses états internes. L’attention exogène
est déclenchée par un élément externe au système cognitif, comme un stimulus ou une
situation.
Il est par ailleurs possible de distinguer l’attention sur la base des fonctions qu’elle
accomplit. Ainsi, différents mécanismes servent l’attention soutenue (ou la concentra-
tion prolongée), l’attention sélective (ou la capacité à sélectionner un stimulus ou un
aspect pertinent de l’environnement pour accomplir une tâche cognitive), l’orientation
de l’attention (ou la capacité à diriger rapidement son attention vers une information
ou un traitement), l’attention partagée (ou la capacité à diviser ses ressources atten-
tionnelles entre plusieurs tâches, plusieurs informations ou plusieurs dimensions d’un
stimulus), la flexibilité attentionnelle (ou la capacité à alterner entre deux tâches, deux
représentations mentales ou deux stratégies) et l’attention préparatoire (permettant au
système cognitif de se préparer à traiter efficacement un stimulus). Chaque fonction
intervient dans des contextes différents, est étudiée avec des tâches spécifiques, est
influencée par des facteurs communs ou différents et évolue avec l’âge et la psychopa-
thologie de manière différente (voir revues par Fawcett et al., 2015 ; Lachaux, 2011 ;
Maquestiaux, 2017 ; Nobre & Kastner, 2018).
Les psychologues qui étudient le rôle des émotions sur l’attention se sont surtout
focalisés sur l’attention sélective et l’orientation de l’attention (Compton, 2003 ; Yiend,
2010). Mais, il existe également de nombreuses études sur un ensemble de mécanismes
qui interviennent dans le contrôle attentionnel, comme la flexibilité ou le partage
attentionnel. De la même manière que pour les autres grandes fonctions cognitives, les
psychologues demandent aux participants de réaliser des tâches mobilisant l’attention,
dans des contextes émotionnels variables. Ces tâches sont connues, grâce aux travaux
antérieurs en psychologie cognitive de l’attention, du point de vue des mécanismes
mobilisés et des fonctions réalisées, ainsi que des variables qui affectent les perfor-
mances. Les contextes émotionnels dans lesquels ces tâches sont réalisées peuvent
être manipulés en faisant varier la nature des stimulus (p. ex., stimulus émotionnels vs
neutres) ou, plus rarement, l’état émotionnel du participant, ce dernier étant davantage
étudié grâce à la psychopathologie (p. ex., étude du rôle de l’anxiété sur l’attention chez
des patients hyperanxieux). Empiriquement, il s’agit de voir comment ces contextes
émotionnels facilitent ou perturbent les performances des participants et modifient
la mobilisation des systèmes attentionnels. Théoriquement, il s’agit de déterminer par
quels mécanismes ces effets des émotions sur l’attention surviennent.
Émotions et attention sélective ■ 17

Dans un premier temps, nous présentons les principaux résultats relatifs au rôle des
émotions sur l’attention sélective. Puis, nous discutons les travaux sur le rôle des émo-
tions sur le shifting et l’orientation de l’attention.

1. Émotions et attention sélective


Pour réaliser n’importe quelle tâche, notre système cognitif doit sélectionner
une ou plusieurs informations cibles dans l’environnement et se focaliser sur un ou
plusieurs aspects importants de l’environnement (stimulus, information, situation).
Nos émotions affectent-elles nos capacités d’attention sélective ? Si oui, ont-elles des
effets bénéfiques (c.-à-d., elles permettent une sélection plus rapide et plus efficace) ou
des effets délétères (c.-à-d., elles perturbent cette sélection) ? Dans quelles conditions
les émotions facilitent-elles ou perturbent-elles l’attention ? Comment (c.-à-d., par
quels mécanismes) nos émotions influencent-elles l’attention sélective ? Pour savoir
si nos émotions affectent l’attention sélective, les psychologues ont comparé nos per-
formances en situation d’émotion neutre, positive et négative dans plusieurs tâches
d’attention sélective (p. ex., tâches de conflit, de Go/No-Go et de Stop-Signal).
Parmi les tâches dites de conflit (Stroop, Simon, Flanker), la tâche de Stroop a été la
plus utilisée. Dans une tâche de Stroop dite Stroop émotionnel, les participants voient
des mots écrits avec des encres de couleurs différentes. Les participants ont à identifier
la couleur de l’encre des mots. Le temps d’identification de la couleur de l’encre des
mots est comparé lorsque les mots sont neutres (p.  ex., sable, nuage) ou émotionnels
(p. ex., chagrin, peur). Les participants doivent indiquer la couleur de l’encre sans prê-
ter attention au sens des mots (et donc s’empêcher de les lire). De nombreux travaux
ont observé que le temps d’identification de la couleur de l’encre est plus long lorsque
le mot est un mot émotionnel que lorsque c’est un mot neutre (e.g., Bar-Haim et al.,
2007 ; Compton et al., 2003 ; Mackay et al., 2004 ; Pratto & John, 1991 ; Siegrist, 1995 ;
Song et al., 2017 ; Sutton et al., 2007 ; Wentura et al., 2000 ; voir Phillips et al., 2002 ;
Vanhooff et al., 2008 pour des méta-analyses, et Zinchenko et al., 2020, pour une
revue). Par exemple, la Figure 2.1 a fait apparaître des données publiées par Dresler et
ses collègues (2009) qui ont observé que le temps de sélection de la couleur de l’encre
des mots était plus long pour les mots émotionnels (négatifs ou positifs) que pour les
mots neutres.
Certains auteurs ont observé que les effets Stroop émotionnels sont plus forts voire
n’existent que dans une condition dite mixte (où les participants voient les mots émo-
tionnels et neutres aléatoirement présentés dans le même bloc) comparée à une condi-
tion pure (où les participants voient d’abord les items de la condition mots neutres puis
ceux de la condition mots émotionnels, ou l’ordre inverse), comme le montrent par
exemple les données (illustrées à la Figure 2.1b) rapportées par McKenna et Sharma
(2004). Il est possible que les effets Stroop émotionnels diminuent ou disparaissent
dans une condition dite pure, car les participants s’habituent à la valence émotionnelle
des mots et leur attention finit par rapidement ne plus être attirée par cette valence et
ne plus interférer avec l’identification de la couleur. Dans la condition mixte, la saillance
18 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

de la valence des mots émotionnels est plus importante comme elle contraste avec une
valence neutre dans un mot sur deux ; elle attire vraisemblablement plus l’attention des
participants qui sont alors retardés dans l’identification de la couleur de l’encre.

(a) Données d’après Dreisler et al. (2009)


755
Émotion neutre
Émotion négative
745
Émotion positive
Temps de latences (en ms)

735

725

715

705

695
Émotion neutre Émotion négative Émotion positive

(b) Données d’après McKenna & Sharma (2004)

940 Neutre
Émotionnel
920
Temps de latence (en ms)

900

880

860

840

820

800
Pure Mixte

Figure 2.1
Effets Stroop émotionnels.
Le temps de dénomination de la couleur de l’encre d’un mot était plus long lorsque ce mot était un
mot émotionnel que lorsqu’il était un mot neutre.

Hart et al. (2010) ont testé la modulation de l’effet Stroop, non pas par une manipu-
lation de la valence émotionnelle des stimulus, mais par une procédure d’induction
Émotions et attention sélective ■ 19

émotionnelle. Ils ont donné à leurs participants une tâche de Stroop numérique. Les
participants voyaient des chiffres (p.  ex., 2, 3, 4) à l’écran en nombre variable. Ils
devaient indiquer le nombre de chiffres présentés. Le nombre de chiffres était iden-
tique au nombre indiqué par les chiffres présentés (p.  ex., le chiffre  3 était présenté
trois fois) sur les essais congruents ou différents (p. ex., le chiffre 3 apparaissait 4 fois)
sur les essais incongruents. Ils ont également présenté des formes neutres (des étoiles)
dans une condition contrôle. Pendant 150 millisecondes, juste avant l’apparition des
collections, les participants voyaient deux types d’images, des images négatives (une
arme pointant dans la direction du participant) ou une image neutre (p. ex., un enfant
tenant une glace). Les effets Stroop (c.-à-d., temps plus longs aux essais incongruents
qu’aux essais congruents) étaient plus importants pour les items précédés d’une image
négative que pour les items suivant une image neutre (Figure 2.2). Ceci résulte d’une
augmentation du temps plus important sur les essais incongruents que sur les essais
congruents, comme si l’émotion négative déclenchée par les images négatives avait
perturbé les mécanismes d’inhibition (permettant de ne pas faire attention aux chiffres
et de se focaliser sur le nombre de chiffres).
950
Neutre
900
Négatif
Temps de réponse (en ms)

850

800

750

700

650
Congruent Incongruent Étoiles
Figure 2.2
Effet Stroop numérique avec amorçage émotionnel sur temps de réponse (d’après Hart et al., 2010).
Les participants étaient ralentis après une image émotionnellement négative sur les items incongruents.

Les effets Stroop émotionnels ont également été observés lorsque les stimulus n’étaient
pas des mots ou des nombres, mais des visages. Les participants ont en général à
identifier l’émotion d’un visage sur lequel apparaît aussi un mot émotionnel qui peut
être congruent à l’émotion exprimée par le visage (le mot triste apparaît sur un visage
triste) ou incongruent (le mot gai présenté sur un visage triste). Les auteurs ont là aussi
observé que les participants sont plus lents sur les items incongruents que sur les
items congruents (e.g., Egner et al., 2008 ; Etkin et al., 2006, 2010, 2011).
L’influence des émotions sur les effets d’interférence dans des tâches de conflit (comme
la tâche de Stroop) a été observée avec les autres tâches de conflit, comme la tâche
de Flanker (e.g., Kanske & Kotz, 2011a, 2011b ; Rowe et al., 2007 ; Zinchenko et al., 2015)
et la tâche de Simon (Padmala et al., 2011 ; Sommer et al., 2008). Par exemple, dans une
20 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

tâche de Simon émotionnelle, Ahmed et Sebastian (2019 ; Sebastian et al., 2017) ont
montré à leurs les participants des paires de visages (le visage d’un homme et le visage
d’une femme). Ces visages exprimaient le calme, la colère ou la peur (voir Figure 2.3a).
Chaque visage était présenté incliné à droite ou à gauche. Pour chaque paire de visages,
les participants devaient détecter le visage de l’homme ou celui de la femme et indiquer
s’il était incliné vers la droite ou vers la gauche. Les auteurs ont comparé les essais dits
compatibles (p. ex., le visage cible était présenté à gauche et incliné à gauche ; les parti-
cipants devaient donc répondre à gauche) ou incompatibles (p. ex., le visage cible était
présenté à droite et incliné à gauche ; les participants devaient répondre à gauche).

a)

b)

900
Compatibles

860 Incompatibles
Temps de réponse (en ms)

820

780

740

700
Calme Peur Colère

Figure 2.3
Effets d’incompatibilité émotionnelle (d’après Ahmed & Sebastian, 2019).
(a) Illustration d’essais compatibles émotionnels (à gauche ; le participant devait indiquer
que le visage de l’homme était incliné à droite) et incompatible émotionnel (à droite ;
le participant devait indiquer de quel côté penchait le visage la femme ; reproduit
avec autorisation). (b) Temps de réponse (en ms) aux essais compatibles et incompatibles selon
l’expression émotionnelle du visage cible. L’effet de compatibilité (incompatibles – compatibles)
diminuait pour les visages émotionnels.
Émotions et attention sélective ■ 21

Les données (voir Figure 2.3b) font apparaître des effets dits d’incompatibilité (dif-
férences entre essais incompatibles et compatibles) plus importants pour les visages
cibles avec expression émotionnelle que pour les visages cibles calmes (aucune diffé-
rence significative entre la peur et la colère). Ceci provenait d’une augmentation du
temps de réponse aux essais compatibles pour les visages avec expressions émotion-
nelles. L’émotion a attiré l’attention des participants qui devaient inhiber le traitement
de l’émotion pour se focaliser sur le traitement de l’inclinaison du visage, ce qu’ils fai-
saient plus rapidement pour les visages à expression calme dans les essais compatibles
(l’émotion n’a pas eu d’effet sur les essais incompatibles).
En résumé, les travaux ayant utilisé les tâches de conflit ont fait apparaître que nos
capacités d’attention sélective sont influencées par la valence émotionnelle des stimulus
ou notre état émotionnel. D’une part, un stimulus ayant une valence émotionnelle attire
notre attention même s’il n’est pas pertinent pour réaliser une tâche, ce qui nous oblige
à déployer des ressources attentionnelles (en particulier) inhibitrices supplémentaires
pour nous focaliser sur – et sélectionner – la dimension pertinente du stimulus à traiter.
D’autre part, dans un état émotionnel négatif, nous avons plus de difficulté à inhiber le
traitement d’une dimension non pertinente d’un stimulus ou une activité inappropriée.
Ces effets des émotions sur la capacité d’inhibition, cruciale en attention sélective,
convergent avec ceux observés dans d’autres tâches mobilisant l’attention sélective,
comme des tâches dites de Stop-Signal ou des tâches de sélection dimensionnelle. Dans
les tâches de sélection dimensionnelle, plusieurs dimensions du stimulus entrent en
conflit dans l’évaluation d’un stimulus et le participant doit inhiber les dimensions non
pertinentes, comme la valence émotionnelle, et se focaliser sur une dimension perti-
nente, comme une lettre sur une image à catégoriser (voir Carretié, 2014, pour une
revue). Par exemple, le participant peut avoir à juger la couleur et négliger l’orientation
d’une forme. Par exemple encore, le participant peut avoir à indiquer la couleur d’une
ligne apparaissant sur une image émotionnelle ou à dire si une lettre présentée sur une
image émotionnelle est une voyelle ou une consonne, en ayant pour consigne d’ignorer
l’image. Les résultats empiriques ont fait apparaître que nos émotions affectent l’effica-
cité avec laquelle nous sélectionnons une dimension pertinente et que cet effet peut être
modulé par différents paramètres, comme la proportion d’items émotionnels/neutres
(Schmidts et al., 2020) ou le fait que le participant doive réaliser la même tâche pendant
plusieurs essais successifs ou changer de tâche à chaque essai (Foerster et al., 2020).
Par exemple, Sanger et collaborateurs (2014) ont observé que le stress perturbe net-
tement l’attention sélective dans ce genre de tâche où il est crucial de sélectionner la
dimension pertinente du stimulus. Les auteurs ont donné à leurs participants une tâche
de détection de changement de luminance. Les participants voyaient d’abord deux barres
présentées à droite et à gauche de l’écran pendant 100 millisecondes. L’une des deux
barres était noire, l’autre blanche. Ensuite, les participants voyaient un signe « + » avec
à nouveau deux barres. Sur certains essais, la luminance d’une des deux barres avait
changé entre les deux présentations successives des deux barres. Sur d’autres essais,
la luminance ou l’orientation d’une des deux barres avaient changé. Enfin, sur d’autres
essais encore, la luminance avait changé sur l’une des deux barres et l’orientation sur
l’autre barre. La détection du changement de luminance entre les deux présentations
était la plus facile lorsque la luminance seule changeait sur l’une des barres (condition
22 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

dite de luminance unilatérale). Cette détection était un peu plus difficile sur le deuxième
type d’essais (condition dite de luminance ou orientation unilatérales), car il fallait sélec-
tionner seulement le changement de luminance (et négliger le changement d’orientation)
sur la barre qui différait entre les deux présentations. Enfin, cette détection était la plus
difficile sur le dernier type d’essais (condition dite luminance et orientation bilatérales),
car les deux barres avaient changé, et il fallait se focaliser et sélectionner celle sur
laquelle la luminance différait. Avant cette tâche, les participants étaient aléatoirement
répartis dans une condition de stress ou dans une condition contrôle. Dans la condition
de stress, les auteurs ont demandé aux participants de tremper l’un de leurs avant-bras,
pendant 3 minutes, dans de l’eau très froide (entre 0 et 3 °C). Les participants devaient
pendant cette immersion regarder une caméra qui les filmait. La consigne précisait éga-
lement que les films seraient ensuite analysés pour évaluer leurs expressions faciales
pendant cette immersion. Cette procédure (appelée SPECT, pour Socially Evaluated Cold
Pressure Test, ou SPECT ; Schwabe et al., 2008) est connue pour produire un stress impor-
tant. Dans la condition contrôle, les participants devaient tremper leur avant-bras droit
ou gauche dans une eau tiède (35-37 °C) et n’étaient pas filmés.
Les résultats (Figure 2.4) ont fait apparaître que les participants faisaient le plus d’er-
reurs (a) sur les essais les plus difficiles (condition luminance et orientation bilatérales) et
le moins d’erreurs sur les essais les plus faciles (condition luminance unilatérale) (b) dans
la condition de stress que dans la condition contrôle, et (c) augmentaient plus fortement
leurs taux d’erreurs en fonction de la difficulté des essais dans la condition de stress que
dans la condition contrôle, de sorte que la différence entre la condition contrôle et la
condition de stress était la plus importante sur les essais les plus difficiles. Le stress acca-
parant une partie des ressources de traitement, les participants pouvaient allouer moins
de ressources à la tâche principale (et donc commettaient plus d’erreurs), et ce d’autant
plus que les essais étaient difficiles (et nécessitaient plus de ressources).

45
40
Contrôle Stress
35
Pourcentages d’erreurs

30
25
20
15
10
5
0
Luminance unilatérale Luminance ou orientation Luminance et orientation
unilatérale bilatérales
Figure 2.4
Effets du stress (d’après Sanger et al., 2014). Pourcentages d’erreurs pour chaque type d’items
en condition de stress et contrôle.
La différence dans les taux d’erreurs entre les conditions contrôle et stress était plus grande pour les items
les plus difficiles (c.-à-d., la luminance changeait sur une barre et l’orientation sur l’autre).
Émotions et orientation de l’attention ■ 23

Des effets délétères des émotions ont également été observés dans des tâches de Stop-
Signal. Dans ces tâches, les participants doivent s’empêcher de donner une réponse
initiée. Par exemple, ils doivent s’empêcher de dire si le stimulus présenté est un @ ou
un # en appuyant sur une touche correspondante de l’ordinateur si un signal sonore
apparaît quelques millisecondes après l’apparition du stimulus et, donc, après avoir
commencé à le traiter. Par exemple, Verbruggen et De Houwer (2007) ont observé que
les participants avaient plus de mal à stopper leurs réponses aux items où ils devaient
s’empêcher de répondre lorsque ces items étaient précédés d’une image émotionnelle
(positive ou négative) comparés aux items précédés d’une image neutre. Les auteurs ont
expliqué ce résultat en proposant que les émotions interrompent les mécanismes cogni-
tifs en cours, car elles accaparent les ressources de traitement et donc les détournent
de ces traitements.
En résumé, que ce soit avec des tâches de conflit ou d’autres tâches d’attention
sélective, les émotions perturbent les mécanismes permettant d’inhiber des infor-
mations non pertinentes ou d’interrompre une réponse déjà déclenchée. Les res-
sources accaparées par les émotions activées ou le traitement des informations
émotionnelles ne peuvent être entièrement allouées à la tâche d’attention sélective,
qui en est ralentie.

2. Émotions et orientation de l’attention


Le rôle des émotions dans l’orientation de l’attention (où se dirige notre attention) a
été largement étudié avec des tâches de recherche visuelle. Dans une tâche de recherche
visuelle, les participants voient des collections d’images. Dans certaines collections,
dites collections homogènes, toutes les images sont identiques. Par exemple, la collec-
tion comprend neuf fleurs ou neuf visages neutres. Dans d’autres collections, dites
collections hétérogènes, toutes les images sont identiques sauf une. Par exemple, la col-
lection comprend huit fleurs et un serpent ou huit visages neutres et un visage triste.
Les participants doivent dire si la collection ne comprend que des images identiques ou
si une des images est différente de toutes les autres. Cette tâche est appelée « tâche de
recherche visuelle », car le participant doit rechercher et détecter une cible parmi des
distracteurs. Par exemple, dans la Figure 2.5, toutes les images sont identiques dans
les deux collections homogènes du haut, et une image est différente des autres dans
les deux collections hétérogènes du bas. Le participant doit donner sa réponse le plus
rapidement possible en appuyant sur une touche du clavier de l’ordinateur si toutes
les images sont identiques et, sur une autre, si l’une des images est différente. Est alors
manipulée la valence émotionnelle des images : certaines sont neutres (p.  ex., fleur,
visage neutre) ; d’autres sont émotionnellement négatives (p. ex., serpent) ou positives
(p. ex., visage joyeux). De nombreuses études ont fait apparaître un effet de supériorité
des cibles émotives : les participants vont plus vite pour indiquer que toutes les images
ne sont pas identiques lorsque l’image différente est une image émotionnelle.
Dans une variante de cette tâche (appelée tâche de comparaison de collections), les
participants voient deux collections d’images (p. ex., deux collections de visages ; deux
24 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

collections de fleurs), une collection homogène et une collection hétérogène. Dans les
collections hétérogènes, se trouve une image différente de toutes les autres (p. ex., l’un
des visages a une expression triste et tous les autres visages une expression neutre ;
l’une des images est celle d’un serpent, toutes les autres images sont des fleurs). Dans
la collection homogène, toutes les images sont les mêmes (p.  ex., toutes les images
montrent la même fleur) ou représentent une entité de la même catégorie (p.  ex.,
chaque image représente une fleur différente). Le participant doit sélectionner la collec-
tion hétérogène (c.-à-d., « dire dans quelle collection se trouve l’image différente de tous
les autres »), en appuyant sur la touche du clavier située du côté où la collection hété-
rogène apparaît. Là encore sont comparées les performances des participants lorsque
l’image différente des autres dans la collection hétérogène est une image émotionnelle
et une image neutre. De nombreuses études ont fait apparaître que les participants
vont nettement plus vite pour donner leur réponse lorsque l’image cible est émotion-
nelle que lorsqu’elle est neutre, aussi bien dans la tâche où ils doivent rechercher et
détecter une image différente dans une collection d’images que dans la tâche où ils
doivent comparer deux collections d’images.

Figure 2.5
Exemples de stimulus en tâche de recherche visuelle.
Collections d’images utilisées dans des tâches de recherche visuelle où le participant doit dire
si toutes les images sont les mêmes (comme dans les deux collections du haut) ou si une des images
est différente des autres (comme dans les deux collections du bas).
Émotions et orientation de l’attention ■ 25

Par exemple, dans une série d’expériences, Fox et ses collaborateurs (2000, 2005, 2007)
ont montré à leurs participants des collections de visages schématiques (comme dans la
Figure 2.5, à droite). Dans les collections homogènes, tous les visages étaient identiques
(c.-à-d., uniquement des visages neutres, gais, ou en colère), tandis que les collections hété-
rogènes comprenaient un visage différent des autres (p. ex., un visage gai et trois visages
neutres ; un visage triste et trois visages neutres). Pour chaque collection, les participants
devaient dire si tous les visages présentés étaient les mêmes ou si l’un des visages était
différent. Les collections apparaissaient à l’écran de l’ordinateur pendant 300 millise-
condes ou 800 millisecondes. Une fois les visages disparus de l’écran, les participants
avaient 2 000 millisecondes au maximum pour fournir leur réponse.
Sur les collections homogènes (c.-à-d., où les visages étaient tous les mêmes), les parti-
cipants allaient plus lentement lorsque les visages exprimaient une colère que lorsque
les visages étaient neutres ou gais, à 300 millisecondes (voir Figure 2.6). À 800 mil-
lisecondes de présentation, les participants prenaient plus de temps pour juger les
collections de visages en colère et gais que pour juger les collections de visages neutres.
De manière intéressante, à 300 millisecondes, les visages en colère ont attiré l’attention
des participants davantage que les autres visages, et les participants les ont traités plus
longuement. À 800 millisecondes, ce surplus d’attention alloué aux visages émotion-
nels par rapport aux visages neutres était observé pour les visages en colère comme
pour les visages gais. Concernant les collections où l’un des visages exprimait une
émotion différente (collections hétérogènes), les participants allaient plus vite lorsque
l’un des visages était en colère (et les autres neutres) que lorsque l’un des visages était
gai (et les autres neutres), aussi bien à 300 qu’à 800 millisecondes de présentation. Tout
se passe comme si les participants étaient plus rapides à détecter un visage émotionnel
parmi des visages neutres si ce visage est en colère que si ce visage est gai. Le carac-
tère menaçant d’un visage en colère pourrait bien être à l’origine de cette détection
plus rapide, car un visage menaçant pourrait être associé à un danger, qu’il importe
de détecter rapidement. En d’autres termes, un stimulus émotionnel peut être détecté
plus rapidement dans un environnement neutre, surtout si ce stimulus est menaçant.
Ce phénomène de capture attentionnelle d’un stimulus émotionnel négatif parmi un
ensemble de stimulus émotionnellement neutres a été répliqué de nombreuses fois (e.g.,
Brosch et al., 2008 ; Damjanovic et al., 2020 ; Eastwood et al., 2001 ; Folk et al., 1992 ;
Horstmann, 2009 ; Juth et al., 2005 ; Lundqvist et al., 1999, 2004 ; Öhman, Flykt, et
al., 2001 ; Öhman, Lundqvist, et al., 2001a, 2001b ; Pool et al., 2014, 2016 ; Tipples
et al., 2002 ; Tipples  &  Sharma, 2000 ; Williot  &  Blanchette, 2018, 2020). Plusieurs
résultats ont montré que cette capture attentionnelle exercée par les stimulus émo-
tionnels semble en fait automatique, car la détection d’un stimulus émotionnel n’est pas
influencée par le nombre de stimulus non émotionnels qui l’entourent. Par exemple,
Öhman et al. (2001a) ont montré à leurs participants des collections contenant quatre
ou neuf images. La moitié des collections était des collections hétérogènes (c.-à-d., une
des images était différente des autres), l’autre moitié des collections homogènes (c.-à-d.,
toutes les images étaient les mêmes). Les participants devaient dire si toutes les images
de chaque collection étaient les mêmes ou si l’une était différente. Les auteurs ont
comparé les performances des participants aux collections hétérogènes lorsque l’image
différente était celle d’une entité effrayante (p. ex., serpent, araignée) et lorsqu’elle était
celle d’une entité non effrayante (p. ex., fleur, champignon).
26 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

(a) Collections homogènes

1 000

Colère Gai Neutre


950
Temps de latences (en ms)

900

850

800

750
300 ms 800 ms

(b) Collections hétérogènes

990
Colère Gai
960
Temps de latences (en ms)

930

900

870

840

810

780

750
300 ms 800 ms

Figure 2.6
Performances en tâche de détection (d’après Fox et al., 2000).
Temps de jugement sur les collections (a) homogènes et (b) hétérogènes selon la valence
émotionnelle, à 300 et 800 ms de présentation. Les participants étaient plus lents sur les collections
homogènes montrant des visages en colère pendant 300 ms et plus rapides sur des visages neutres
présentés pendant 800 ms. Ils étaient également plus rapides pour détecter un visage en colère
dans les collections hétérogènes apparaissant pendant 300 et 800 ms.
Émotions et orientation de l’attention ■ 27

1 150
Cibles non effrayantes
1 100
Cibles effrayantes
Temps de jugements

1 050

1 000

950

900

850
4 Images 9 Images

Figure 2.7
Taille des collections et détection (d’après Öhman et al., 2001a).
Temps de jugement sur des collections hétérogènes comprenant 4 ou 9 images, pour les items
avec cibles effrayantes ou non effrayantes. L’accélération du temps de jugement sur les cibles
effrayantes apparaissait indépendamment de la taille des collections.

Les temps de jugement sur les collections hétérogènes (voir Figure 2.7) ont fait appa-
raître que les participants ont obtenu de meilleures performances pour les collections
contenant moins d’images que pour celles en contenant plus. Mais, dans les deux cas,
les participants allaient plus vite et faisaient moins d’erreurs lorsque les cibles étaient
effrayantes que lorsqu’elles ne l’étaient pas. Ainsi, les participants allaient plus vite
pour détecter qu’une collection contenait une image différente des autres quand
cette image était celle d’un serpent que quand cette image était celle d’une fleur ou de
champignons, quel que soit le nombre d’images dans une collection. Le serpent étant
menaçant, l’attention des participants a été attirée plus vite par cet élément et s’y est
focalisée, les conduisant à détecter plus rapidement qu’il faisait partie d’une collec-
tion hétérogène, et ce, quel que soit le nombre d’images dans la collection présentée.
De manière intéressante, les participants étaient aussi rapides à détecter une cible
effrayante sur les collections contenant neuf images et sur celles avec quatre images.
Ceci suggère que la détection d’une cible effrayante est assez automatique pour ne
pas être influencée par le nombre de distracteurs (voir, pour des résultats similaires,
Batty et al., 2005 ; Calvo & Eysenck, 2008 ; Calvo & Nummenmaa, 2007 ; Duchowski
et al., 2004 ; Eastwood et al., 2001 ; Fox et al., 2001 ; Fox et al., 2000 ; Frischen et al.,
2008  ; Juth et al., 2000, 2005 ; Loschky & McConkie, 2002 ; Reingold et al., 2003 ;
Waters et al., 2007 ; Williams et al., 2005).
Par ailleurs, des chercheurs se sont demandé si tous les stimulus menaçants attirent
l’attention de la même manière. Pour le déterminer, Fox, Griggs et Mouchlianitis,
(2007), par exemple, ont comparé l’influence de deux types de stimulus menaçants,
certains correspondant à des entités vivantes (p. ex., serpent), d’autres à des objets
(pistolets). L’idée était que les stimulus menaçants manufacturés, comme un pistolet,
pourraient attirer l’attention moins rapidement que des stimulus menaçants vivants,
28 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

comme le serpent. Les auteurs ont montré à leurs participants des collections de
cinq images soit homogènes (toutes les images montraient des instances de la même
catégorie), soit hétérogènes (l’une des cinq images montrait une instance d’une caté-
gorie différente de celles des quatre autres images). Dans les collections hétérogènes,
l’image différente était celle d’une entité non menaçante (p.  ex., fleur, champignon)
ou d’une entité menaçante (p.  ex., pistolet, serpent). Les participants allaient plus
lentement pour des cibles neutres (fleurs, champignons) que pour des cibles émotion-
nellement négatives (pistolets, serpents). En revanche, les participants n’allaient pas
plus vite pour des cibles négatives vivantes, comme le serpent, que pour des cibles
négatives manufacturées, comme le pistolet (Figure 2.8). Notons toutefois que Lipp
et Waters (2007) ont observé une détection plus rapide pour des animaux, comme
les araignées ou les serpents, fortement associés à de la peur, que pour des animaux,
comme le lézard ou le cafard, moins fortement associés à la peur.

740

720
Temps de jugement (en ms)

700

680

660

640

620

600
Pistolets Serpents Fleurs Champignons

Figure 2.8
Tâche de jugement et émotions (d’après Fox, et al., 2007).
Temps de jugement sur des collections hétérogènes comprenant des entités menaçantes (pistolets,
serpents) et non menaçantes (fleurs, champignons). Les participants étaient plus rapides sur
les essais comprenant des cibles menaçantes (vivantes ou manufacturées) que sur des cibles
neutres.

Cette détection plus rapide des stimulus émotionnels ne concerne pas que les des sti-
mulus à valence émotionnelle négative. En effet, les stimulus à valence émotionnelle
positive ont également tendance à attirer rapidement notre attention, comme l’ont
montré plusieurs études. Par exemple, Lundqvist et Öhman (2005) ont présenté à
leurs participants des ensembles de neuf visages schématiques. Dans les collections
homogènes, tous les visages avaient une expression émotionnelle identique (c.-à-d., les
neuf visages étaient neutres, amicaux ou menaçants). Dans les collections hétérogènes,
l’un des visages avait une expression émotionnelle différente de celle des huit autres
visages (ces huit visages pouvaient avoir une expression neutre, menaçante ou ami-
cale). Le visage différent pouvait être menaçant ou amical. Les participants devaient
indiquer si tous les visages étaient identiques ou si l’un d’entre eux était différent.
Les données (voir Figure 2.9) ont révélé que (a) les participants détectaient mieux les
visages émotionnels au milieu de visages neutres qu’au milieu de visages émotionnels
Émotions et orientation de l’attention ■ 29

(b) lorsque le contexte était neutre, les participants réussissaient à détecter aussi bien
des visages amicaux que des visages menaçants, et (c) en contexte émotionnel, les parti-
cipants détectaient mieux des visages menaçants que des visages amicaux. En contexte
neutre, la saillance des visages émotionnels était nettement plus élevée, ce qui amenait
les participants à les détecter plus vite. De plus, cette saillance était plus importante
pour les visages menaçants, compte tenu du danger potentiel qu’ils pouvaient éven-
tuellement représenter.

100

Visages amicaux
95
Pourcentages de jugements corrects

Visages menaçants
90

85

80

75

70

65

60
Contexte neutre Contexte émotionnel

Figure 2.9
Tâche de jugement et émotion (d’après Lundqvist & Öhman, 2005).
Temps de jugement sur des collections hétérogènes comprenant des visages cibles menaçants
ou amicaux au milieu de visages neutres ou parmi d’autres visages émotionnels. Les participants
détectaient plus rapidement un visage menaçant parmi des visages amicaux que l’inverse.

En résumé, plusieurs études ont fait apparaître que nos émotions influencent l’orienta-
tion de l’attention. Les recherches expérimentales ayant utilisé des tâches de recherche
visuelle ont mis en évidence que les participants vont plus vite à orienter leur atten-
tion sur une information cible afin de la détecter rapidement si cette information est
émotionnelle que si elle est neutre. Par ailleurs, les informations à valence émotionnelle
négative semblent accélérer davantage la recherche visuelle que les informations à
valence émotionnelle positive.
30 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

3. Émotions et flexibilité attentionnelle


L’attention nous permet également de nous désengager d’une tâche pour nous
engager dans une autre tâche, d’arrêter de chercher la solution à un problème avec
une stratégie pour essayer avec une autre stratégie, meilleure ou plus efficace que
la précédente. En un mot, elle est le support à la flexibilité mentale. Nos émotions
influencent-elles cette flexibilité ? Pour étudier le rôle des émotions sur la flexibilité (ou
le shifting) attentionnelle, les psychologues ont, là encore, comparé les performances
en conditions d’émotions neutres et d’émotions positives ou négatives dans des tâches
connues pour évaluer la flexibilité, comme les tâches de détection de cible indicée ou
des tâches dites de clignement attentionnel.
Il existe deux variantes de la tâche de détection de cible indicée, la tâche à indiçage
unique et la tâche à indiçage double (voir Figure 2.1). Dans la tâche à indiçage unique,
les participants voient d’abord un signal (p.  ex., une étoile). Ensuite, ils voient très
brièvement un indice (p. ex., un visage triste, gai, ou neutre). Enfin, ils voient une lettre
cible qu’ils doivent identifier ou sur laquelle ils doivent formuler un jugement (p. ex.,
dire si c’est une voyelle ou une consonne). Cette lettre peut apparaître du même côté
que l’indice (indiçage spatial valide) ou de l’autre côté (indiçage spatial invalide). Le
temps mis pour identifier la lettre cible ou dire si c’est une voyelle ou une consonne est
analysé selon la validité et la valence émotionnelle de l’indice. Ainsi, le temps pris pour
juger (ou identifier) la cible quand la cible apparaît du côté où a été présenté l’indice
reflète le temps d’engagement attentionnel. Par ailleurs, quand la cible apparaît du côté
non indicé, le temps reflète la durée du mécanisme de désengagement attentionnel. En
effet, une fois engagée dans la zone indicée, l’attention doit être désengagée de cette
zone pour s’engager dans la zone où apparaît la cible. La procédure de double indiçage
est pratiquement la même, sauf que le participant voit deux indices au lieu d’un. Le
chercheur détermine alors quel indice entraîne le temps le plus court de jugement ou
d’identification de la cible.
(a) Double indiçage
K J J

*
E
(a) Simple indiçage K

Fixer l’étoile Fixer l’écran Tâche : Identifier une lettre cible

Figure 2.10
Procédure de simple ou double indiçage dans une tâche de détection de cible indicée utilisée pour étudier l’orientation et la flexibilité attentionnelles.
Émotions et flexibilité attentionnelle
31 ■
32 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

3.1. Émotions et détection après indiçage unique


Dans plusieurs expériences, Koster et ses collaborateurs (2007 ; voir aussi Koster et
al., 2004) ont utilisé la procédure d’indiçage unique. Les participants voyaient d’abord
une croix et deux carrés blancs sur un écran d’ordinateur pendant 500 millisecondes.
Ensuite, ils voyaient un indice (un visage neutre, en colère ou gai). Enfin, ils voyaient
un carré. Les participants devaient indiquer le plus rapidement possible de quel côté
de l’écran le carré apparaissait. Les auteurs ont testé deux conditions : une condition
d’indiçage rapide masqué et une condition d’indiçage plus lent non masqué. Dans la
condition d’indiçage rapide masqué, où est mis en œuvre un traitement implicite, non
conscient, les participants voyaient un visage indice (neutre, gai ou en colère) pendant
14 ou 34 millisecondes, puis un visage neutre (le masque du visage indice) pendant 83
ou 66 millisecondes. Dans la condition d’indiçage plus lent, les participants voyaient
un visage indice (neutre, gai ou en colère) pendant 100 millisecondes. Ensuite, dans les
deux conditions, les participants voyaient la cible (carré) dont ils devaient indiquer de
quel côté elle apparaissait. La cible était présentée du même côté que le visage dans les
essais valides et de l’autre côté dans les essais invalides.
Koster et ses collaborateurs (voir Figure 2.11) n’ont trouvé aucune différence entre les
visages émotionnels et neutres présentés pendant 14 ou 34 millisecondes. À 100 milli-
secondes, les participants répondaient plus lentement, sur les essais valides, après avoir
vu un visage émotionnel qu’après un visage neutre. Cette différence de temps résultait
vraisemblablement de l’intervention de deux types de mécanismes, l’un produisant un
ralentissement après avoir vu un visage émotionnel et l’autre une accélération après
un visage neutre. Le ralentissement après un visage émotionnel résultait du fait que
les participants allouaient plus de ressources attentionnelles au traitement des visages
émotionnels et poursuivaient le traitement du visage après sa disparition (c.-à-d., ils
s’en dégageaient moins vite), au moment où la cible était présentée. Ils avaient alors
besoin de plus de temps pour détecter la cible. Par ailleurs, le temps plus rapide après
un visage neutre qu’après un visage émotionnel provenait du fait que le visage neutre
a orienté l’attention des participants vers la zone où la cible apparaissait. N’étant plus
en train de traiter le visage neutre au moment d’apparition de la cible, les participants
pouvaient alors détecter rapidement la cible à son apparition. Sur les essais invalides,
les participants étaient plus lents après avoir vu un visage neutre qu’après avoir vu
un visage émotionnel, à 100 millisecondes de présentation. En réalité, ils étaient aussi
rapides après un visage émotionnel aux essais valides et invalides et plus lents après
un visage neutre aux essais invalides qu’aux essais valides. Vraisemblablement, les
visages neutres ayant attiré l’attention des participants à l’endroit où ils apparais-
saient, cela a accéléré la détection de la cible lorsque la cible apparaissait à cet endroit
(essais valides) et a ralenti cette détection lorsque la cible apparaissait à l’autre endroit
(essais invalides).
Émotions et flexibilité attentionnelle ■ 33

380
Émotionnel Neutre

360
Temps de réponse (en ms)

340

320

300
Valide Invalide Valide Invalide Valide Invalide
14 ms 34 ms 100 ms

Figure 2.11
Double indiçage et émotion (d’après Koster et al., 2007).
Temps de détection d’un carré cible après indiçage rapide (14 et 34 ms) et plus lent (100 ms)
d’un visage émotionnel (en colère ou joyeux) et neutre. Les participants étaient aussi rapides
après un visage neutre et émotionnel présenté pendant 14 et 34 ms. À 100 ms, la focalisation
attentionnelle sur les visages émotionnels les conduisait à être plus lents après un visage émotionnel
sur les essais valides et plus rapides après ces visages émotionnels sur les essais invalides.

3.2. Émotions et détection après double indiçage


De nombreuses expériences avec la procédure de double indiçage ont été conduites,
en manipulant la valence émotionnelle de l’un des deux indices. Par exemple, Lipp et
Derakshan (2005) ont montré que certains stimuli émotionnels négatifs influencent plus
l’attention que d’autres. Ainsi, ils ont donné à leurs participants une tâche de détection
de cible où les participants voyaient un point présenté à droite ou à gauche de l’écran
et devaient indiquer de quel côté le point apparaissait. Juste avant le point, deux images
étaient présentées pendant 500 millisecondes, l’une à droite et l’autre à gauche de l’écran
de l’ordinateur. Ces images pouvaient être des images d’araignée, de serpent, de fleur ou
de champignon. Les participants détectaient plus rapidement le point lorsque celui-ci appa-
raissait du côté où avait été présentée l’image d’une entité menaçante (araignée, serpent) que
lorsqu’il apparaissait du côté où avait été présentée une entité non menaçante (fleur, cham-
pignon). Tout se passe comme si l’entité menaçante avait capté l’attention du participant,
alors prêt à détecter la cible du côté où cette attention avait été orientée (voir Blanchette,
2006 ; Brosch & Sharma, 2005, pour des effets comparables, et Beaver et al., 2005 pour
des résultats similaires obtenus avec une procédure de conditionnement associatif).
34 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

Holmes et ses collaborateurs (2005) ont conduit une série d’expériences dans laquelle
les participants voyaient deux visages pendant une durée très courte, mais variable
(30, 100, 500 ou 1000 millisecondes). Un des visages avait une expression neutre,
l’autre une expression de peur. Ensuite, une barre apparaissait à l’endroit de l’un des
deux visages pendant 180 millisecondes. Les participants devaient indiquer si la barre
était horizontale ou verticale. Comme le montre la Figure 2.12, dans la condition de
présentation ultrarapide de 30 millisecondes, les participants allaient plus vite lorsque
la barre apparaissait à l’endroit où avait été présenté le visage apeuré que lorsqu’elle
apparaissait à l’endroit où était apparu le visage neutre. Si le visage était présenté pen-
dant 100 millisecondes ou plus, aucune différence n’était observée entre les visages
neutres et apeurés. Ceci suggère que l’attention spatiale a été rapidement capturée par
le visage apeuré, accélérant le jugement sur la cible. Ce bénéfice n’est que de courte
durée, puisqu’aucune différence n’apparaît à partir de 100 millisecondes. Ce résultat
indique que l’attention est rapidement et brièvement orientée vers les traits caractéris-
tiques et distinctifs d’un stimulus présenté.

700

Visage apeuré

680 Visage neutre


Temps de réponse (en ms)

660

640

620

600
30 ms 100 ms 500 ms 1 000

Figure 2.12
Double indiçage et émotion (d’après Holmes et al., 2005).
Temps de réponse (en ms) sur la cible lorsqu’elle apparaissait juste après un visage apeuré ou neutre.
Les participants étaient plus rapides, à 30 ms uniquement, pour détecter la cible suivant un visage
apeuré comparé à un visage neutre.

3.3. Émotions et clignement attentionnel


Le phénomène dit de clignement attentionnel nous renseigne sur l’orientation et
le shifting attentionnels dans le temps, ou la capacité à déplacer son attention d’un
stimulus aux suivants (Martens & Wyble, 2010).
Émotions et flexibilité attentionnelle ■ 35

Le phénomène de clignement attentionnel est observé dans une tâche où une suite de
stimulus est présentée avec la technique dite RSVP (Rapid Serial Visual Presentation
ou Présentation Visuelle Sérielle Rapide). Selon cette technique (voir Figure  2.13a),
les participants voient défiler une suite d’images ou de mots, chacun présenté très
brièvement (p. ex., 50 ms, 100 ms). À la fin de chaque série, les participants doivent
réaliser une tâche concernant deux de ces images ou de ces mots. Par exemple, les
participants voient défiler des séries de 20 mots. Chaque mot est présenté pendant
100 millisecondes. Dans chaque série de 20 mots, deux de ces mots (les mots cibles)
sont présentés en vert (ou soulignés) et les autres mots (les distracteurs) apparaissent
en noir (non soulignés). Les deux mots cibles sont présentés l’un à la suite de l’autre ou
séparés par un mot, deux mots, ou plus. Le nombre de mots distracteurs qui séparent
les deux mots cibles s’appelle le lag. Ainsi, un lag de 1 désigne le fait que les deux mots
cibles apparaissent l’un après l’autre sans aucun mot distracteur entre les deux mots
cibles. Un lag de 2 signifie qu’un mot distracteur est apparu entre les deux mots cibles,
un lag de 3 signifie qu’il y avait deux mots entre les deux mots cibles, etc. Les partici-
pants doivent dire quels étaient les mots présentés en vert.
Les travaux empiriques ont fait apparaître que la détection de la deuxième cible diminue
d’autant plus que le lag entre les deux cibles est court. Ce phénomène, dit de clignement
attentionnel (e.g., Raymond et al., 1992), résulte du fait que, pour un lag court, le participant
est encore engagé dans le traitement de la première cible lorsque la seconde apparaît ; il
dispose donc de moins de ressources pour traiter cette deuxième cible. En conséquence,
soit le participant ne voit pas la seconde cible, soit il ne peut la traiter suffisamment pour la
détecter et la restituer. Pour un lag plus long, le participant a eu le temps de se désengager
du traitement de la première cible et n’est donc plus en train de la traiter lorsqu’apparaît
la seconde cible. Il peut donc allouer toutes ses ressources disponibles au traitement de
cette seconde cible et la restituer correctement à la fin de la série. En d’autres termes, le
clignement attentionnel (ou la difficulté à détecter et rapporter la deuxième cible) est géné-
ralement interprété comme résultant du fait que les ressources cognitives sont encore acca-
parées par le traitement de la première cible et donc non encore entièrement disponibles
pour le traitement de la seconde cible au moment de son apparition.
Le phénomène du clignement attentionnel a été étudié de nombreuses fois pour essayer
de comprendre le rôle des émotions dans le shifting attentionnel. Les auteurs ont fait
varier la valence émotionnelle des deux cibles. Les deux cibles ont des valences émo-
tionnelles (neutre, positives ou négatives) identiques ou différentes. Le pourcentage
d’essais où la deuxième cible est correctement rapportée est analysé en fonction du lag
entre les deux cibles et des valences émotionnelles de chaque cible. Les données font
apparaître que les participants parviennent à mieux restituer une deuxième cible qui
suit une première cible neutre quand la deuxième cible est émotionnelle que quand elle
est neutre. Elles ont également mis en évidence le fait qu’une deuxième cible est moins
bien reconnue quand la première cible est émotionnelle que quand elle est neutre.
Les expériences ayant manipulé la valence et l’intensité émotionnelles de la deuxième cible
ont pu montrer que le shifting attentionnel peut être accéléré lorsque la deuxième cible est
émotionnelle. Par exemple, Keil et Ihssen (2004) ont présenté des suites de verbes avec la
technique RSVP. Deux de ces verbes étaient écrits à l’encre verte. La tâche du participant
était de dire, à la fin de la série, les deux verbes présentés à l’encre verte. Le premier verbe
cible en vert était toujours un verbe neutre (p. ex., accompagner), le second un verbe neutre
36 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

(p. ex., continuer), agréable (p. ex., gagner) ou désagréable (p. ex., détruire). Le second verbe
cible en vert apparaissait 1, 3 ou 5 verbes (lag 2, 4, 6) après le premier verbe cible en vert.

(a) Technique RSVP

Verbe 1 Verbe 1 Verbe 1


Verbe 2 Verbe 2 Verbe 2
Verbe 3 Verbe 3 Verbe 3
Verbe 4 Verbe 4 Verbe 4
Verbe 5 Verbe 5 Verbe 5
Verbe 6 Verbe 6 Verbe 6
… … …
… … …
Verbe n Verbe n Verbe n

Lag 2 Lag 4 Lag 6

(b) Performances

100
Pourcentages de restitutations
correctes de la deuxième cible

80

60

40

20

0
Lag court Lag long

Figure 2.13
Clignement attentionnel et émotion (d’après Keil & Ihssen, 2004).
(a) Protocole RSVP et (b) pourcentages de restitutions correctes des verbes cibles apparaissant
en deuxième cible aux lags courts (lag 2) et longs (lags 4 et 6) selon leur valence émotionnelle.
Les données montrent des taux de rappels inférieurs sur la seconde cible neutre que sur la seconde
cible émotionnelle, au lag court. L’émotion réduit le phénomène de clignement attentionnel.

Les données (Figure  2.13b) montrent clairement qu’au lag court, les participants
commettaient plus d’erreurs sur les verbes cibles neutres que sur les verbes cibles
Émotions et flexibilité attentionnelle ■ 37

émotionnels (il n’y avait aucune différence entre les verbes agréables et désagréables).
Aux lags 4 et 6, les pourcentages d’identification correcte des verbes cibles étaient
élevés et comparables pour les verbes émotionnels et neutres. Vraisemblablement aux
délais courts, les ressources attentionnelles des participants étaient encore accaparées
par le traitement de la première cible quand la seconde est apparue. Les participants
n’étaient pas encore (suffisamment) désengagés du traitement de la première cible
lorsqu’apparaissait la seconde cible. Mais, l’attention des participants s’est plus vite
remobilisée sur la seconde cible émotionnelle que sur la seconde cible neutre, compte
tenu de la saillance des cibles émotionnelles. Aux délais longs, à l’apparition de la
seconde cible, les participants avaient eu le temps de traiter la première cible, de se
désengager du traitement de cette première cible et de remobiliser leur attention pour
le traitement de la seconde cible, quelle que soit sa valence émotionnelle.
Autre exemple, dans une série d’études publiées en 2005, Anderson a repris prati-
quement le même paradigme à quelques variantes près. Il faisait défiler des séries
de 15  mots, chaque mot apparaissant pendant 100 millisecondes. Deux de ces mots
étaient présentés en vert. À la fin de chaque série, les participants devaient dire quels
étaient les mots présentés en vert. Le premier mot était toujours un mot neutre et le
second soit un mot neutre, soit un mot émotionnel. L’auteur a comparé les pourcen-
tages d’identification correcte du deuxième mot quand ce mot était neutre (p. ex., mare),
négatif avec une intensité moyenne (p.  ex., colère) et négatif avec une intensité plus
élevée (p. ex., herpès) dans une expérience et quand ce mot était neutre (p. ex., fichier),
positif avec une intensité moyenne (fleur) et positif avec une intensité plus élevée (p. ex.,
clitoris) dans une autre expérience. Dans tous les cas, les performances étaient compa-
rées lorsque le lag était court (1 mot entre les deux mots cibles) ou long (p. ex., 4 mots
entre les deux mots cibles). Les données importantes apparaissent à la Figure 2.14.

Neutre
correctes sur le deuxième mot cible

100
Émotionnel
Pourcentages de restitutions

90 Émotionnel intense

80
70
60
50
40
Lag 2 Lag 5 Lag 2 Lag 5
Mots cibles négatifs Mots cibles positifs

Figure 2.14
Clignement attentionnel et intensité émotionnelle (d’après Anderson, 2005).
Pourcentages de mots cibles neutres, négatifs et négatifs intenses (à gauche), d’une part, et neutres,
positifs et positifs intenses (à droite), d’autre part, correctement restitués aux lags 2 et 5.
Le clignement attentionnel était d’autant plus réduit que le mot cible était émotionnellement
intense.

Les données font apparaître une modulation du clignement attentionnel en fonction de


la valence et de l’intensité du deuxième mot cible aux lags courts. Ainsi, aux lags courts
38 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

uniquement, les participants commettaient plus d’erreurs sur les deuxièmes mots
cibles de chaque série, lorsque ces mots étaient des mots neutres que lorsque ces mots
étaient des mots négatifs ou positifs. De plus, ils commettaient moins d’erreurs quand
ces mots émotionnels (positifs ou négatifs) étaient plus intenses. En d’autres termes,
la saillance (en termes de valence et d’intensité émotionnelles) a attiré l’attention du
participant sur le deuxième mot cible, ce qui a entraîné une accélération du shifting
attentionnel (c.-à-d., consistant à se désengager du traitement du premier mot cible
pour s’engager sur le traitement du second mot cible).
La modulation du clignement attentionnel par les émotions de la cible est un phénomène
suffisamment robuste pour apparaître également lorsque les stimuli sont des visages
schématiques (p. ex., les yeux sont représentés par deux ronds dessinés, la bouche par un
trait horizontal, etc.). Par exemple, Maratos et ses collègues (2008) ont montré des séries
de 20 images, en présentation RSVP (chaque image apparaissait pendant 128,5 millise-
condes). Sur certains essais, dits essais à une cible, les participants voyaient 20 stimulus,
dont 1 cible et 19 distracteurs. Sur les autres essais, dits essais à deux cibles, les partici-
pants voyaient 20 stimulus, dont 2 cibles et 18 distracteurs. Les cibles étaient des visages
schématiques, exprimant une émotion neutre, négative (menace) ou positive (amical). Les
distracteurs avaient les mêmes traits schématiques que les visages, mais étaient présen-
tés aléatoirement sur la forme ovale d’un visage (p. ex., l’un des yeux se trouvait en haut,
l’autre en bas, la bouche à côté d’un œil, le nez en dessous, etc.). Dans les deux conditions,
les participants devaient dire si la série comprenait un ou deux visages. Ensuite, ils
devaient indiquer quelle était l’émotion exprimée par le visage (pour la condition à une
cible) et par le deuxième visage (pour la condition à deux cibles). Enfin, les auteurs ont
fait varier le nombre de distracteurs entre les deux visages, dans la condition à deux
cibles. Les auteurs ont comparé les pourcentages de visages correctement détectés par
les participants et dont l’expression émotionnelle était correctement identifiée, selon
l’émotion du second visage et le nombre de distracteurs (Figure 2.15).

Essais à une cible Essais à deux cibles


100
correctement détectées
Pourcentages de cibles

80

60

40 Menace
Amical
20 Neutre

0
1 cible 1 distracteur 8-9 distracteurs

Figure 2.15
Clignement attentionnel et émotion (d’après Maratos et al., 2008).
Pourcentages de cibles correctement identifiées en fonction de l’expression émotionnelle du visage
et du nombre de distracteurs entre les deux visages cibles, dans les conditions à une et deux cibles.
Les taux de détection correcte des cibles étaient comparables quelle que soit l’expression du visage
dans les essais à une cible. Dans les essais à deux cibles, au lag court, ces taux diminuaient
davantage pour les cibles neutres, et nettement moins pour les visages menaçants.
Émotions et flexibilité attentionnelle ■ 39

Les données montrent que, sur les essais à une cible, les taux d’identification des visages
et des émotions exprimées par ces visages étaient relativement comparables pour les
trois expressions émotionnelles. Par ailleurs, sur les essais à deux cibles, le phénomène
de clignement attentionnel était réduit pour les visages émotionnels (menace et amical).
En effet, (a) les taux d’identification des visages et de leur expression émotionnelle étaient
plus faibles pour les visages neutres dans la condition où il n’y avait qu’un seul visage
entre les deux visages cibles, (b) toujours dans les essais comprenant un visage distrac-
teur entre les deux cibles, la deuxième cible était mieux détectée si le visage était mena-
çant que s’il était amical, et (c) dans les conditions avec plusieurs distracteurs entre les
deux visages cibles, les taux de détection et reconnaissance étaient comparables pour les
visages émotionnels et neutres. Tout se passe comme si, sur les essais à deux cibles et un
visage distracteur entre les deux cibles, la dimension émotionnelle du deuxième visage
cible avait suffisamment attiré l’attention du participant pour qu’il le détecte, réduisant
ainsi l’effet de clignement attentionnel. Ceci était encore plus fort pour un visage mena-
çant que pour un visage amical.
Dans de nombreuses études, c’est la valence émotionnelle de la première cible qui a été
manipulée, de sorte que les participants voient une première cible émotionnelle et une
seconde cible neutre. Les pourcentages de détection correcte de la seconde cible en fonc-
tion de la valence émotionnelle de la première cible ont fait apparaître une augmentation
du clignement attentionnel, suggérant un shifting attentionnel de la première à la seconde
cible perturbée. Par exemple, Most et ses collaborateurs (2007 ; voir aussi Most et al., 2005,
2006 ; Smith et al., 2006) ont fait défiler des séries de dix-sept images, chaque image étant
présentée pendant 106 millisecondes. La dernière image de chaque série, qui était la deu-
xième cible, faisait apparaître soit un paysage soit un bâtiment qui avait subi une rotation
à droite ou à gauche de 90°. Les participants devaient dire si l’image avait subi une rotation
à droite ou à gauche. Les autres images, sauf la première cible, étaient des images de bâti-
ments et paysages présentés à l’endroit. La première cible était l’image d’une femme nue,
habillée, ou d’un homme habillé. Enfin, entre la première et la deuxième cible, les partici-
pants (tous des hommes) voyaient soit 1 distracteur (lag court) soit 7 distracteurs (lag long).

100
Femme nue
Femme habillée
Pourcentages de cibles

90
correctement jugées

Homme habillé

80

70

60

50
Lag court Lag long

Figure 2.16
Clignement attentionnel et émotion (données d’après Most et al., 2007).
Pourcentages de secondes cibles correctement jugées en fonction du lag et de la valence émotionnelle
de la première cible. Les hommes faisaient moins d’erreurs après les images contenant une femme
nue que sur les images contenant une femme habillée ou un homme habillé au lag court.
40 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

Au lag court, les participants commettaient plus d’erreurs pour indiquer si l’image de
la seconde cible avait subi une rotation à droite ou à gauche lorsque la première cible
était l’image d’une femme nue que lorsque cette image était celle d’une femme habillée
ou d’un homme habillé (voir Figure 2.16). Aucune différence n’apparaissait au lag long.
La saillance émotionnelle de l’image d’une femme nue pour des hommes a attiré leur
attention davantage que l’image d’une femme habillée ou d’un homme habillé. Une fois
leur attention davantage engagée sur la première cible, les participants avaient plus
de mal à s’en dégager pour encoder efficacement la seconde cible afin d’indiquer si elle
avait subi une rotation à droite ou à gauche.
Arnell et al. (2007) ont utilisé la même procédure, mais avec des mots (voir aussi
Mackay et al., 2004). Les participants voyaient défiler des séries de dix-huit mots
(1  mot/110 ms). Le deuxième mot cible désignait une couleur. La tâche des partici-
pants consistait à dire la couleur de ce deuxième mot cible ; 3 ou 8 mots avant le mot
cible, les participants voyaient un premier mot cible, qui pouvait être un mot sexuel
ou tabou (p. ex., clitoris, anus) ou un mot neutre (p. ex., câble, gant), positif (p. ex., beauté,
heureux) ou négatif (pleur, triste).

100
Mots sexuels-tabous Autres mots
Pourcentages de réussites

90

80

70

60
Lag court Lag long

Figure 2.17
Clignement attentionnel et émotion (d’après Arnell et al., 2007).
Pourcentages d’identifications correctes de la couleur du second mot cible suivant un premier mot
cible sexuel ou tabou et autres aux lags court et long.

Au lag court, les participants avaient plus de mal à donner la couleur indiquée par le
deuxième mot cible quand ce mot suivait un premier mot cible sexuel et tabou que
quand il suivait un autre mot (Figure 2.17). Au lag long, il n’y avait aucune différence
entre les deux types de mots. Là encore, l’attention captée par les mots sexuels et
tabous perturbait le shifting attentionnel (c.-à-d., désengagement attentionnel sur
le premier mot et le réengagement attentionnel sur le second pour déterminer la
couleur qu’il désignait). Notons que, contrairement à ce qui aurait pu être attendu,
les auteurs ont également observé que les performances n’étaient pas moins bonnes
quand le premier mot cible était un mot émotionnel (positifs ou négatifs) que quand
ce premier mot cible était un mot neutre. Seul, le traitement des mots sexuels et
tabous affectait le traitement des mots cibles (voir aussi Gallant et al., 2020 ; voir
toutefois Didierjean et al., 2013 pour des résultats différents). Il est tout à fait
Émotions et attention divisée ■ 41

possible que les modulations du clignement attentionnel par la valence émotionnelle


du premier mot cible, observé dans de nombreuses autres études, ne soient pas
apparues ici, car la saillance des mots sexuels et tabous était plus forte que celle des
mots émotionnels, la capture émotionnelle s’étant exercée seulement sur les mots les
plus saillants. Peut-être, la modulation du clignement attentionnel à la suite de mots
à valence émotionnelle (non sexuels ou tabous) aurait été observée si les auteurs
avaient testé un lag plus court.
En résumé, le clignement émotionnel est modulé par la valence émotionnelle de la
première et de la seconde cible. Dans un contexte où une seconde cible émotion-
nelle suit une première cible neutre, le clignement attentionnel est réduit. Les parti-
cipants commettent moins d’erreurs sur des cibles émotionnelles que sur des cibles
neutres. La valence émotionnelle attire davantage l’attention des participants,
qui vraisemblablement se désengagent du traitement de la première cible pour
s’engager dans le traitement de la seconde cible. Ce shifting attentionnel est moins
efficace pour des cibles neutres. Dans un contexte où la valence émotionnelle de
la première cible est manipulée et la seconde cible est neutre, le clignement atten-
tionnel est plus important pour une première cible émotionnelle que pour une pre-
mière cible neutre. Ce shifting attentionnel est moins efficace, car les participants
restent davantage engagés dans le traitement de la première cible émotionnelle
que dans celui de la première cible neutre, au moment où apparaît la seconde cible.
Notons que, lorsque les deux cibles sont émotionnelles, des effets d’interférence
dits rétroactifs ont été observés. Ainsi, de Jong et Martens (2007) ont observé que
la détection d’une première cible émotionnelle (p.  ex., le mot joyeux) était moins
bonne lorsque la deuxième cible était émotionnelle (le mot colère). Il est possible
que les représentations transitoires des stimulus séquentiellement présentés
coexistent dans une mémoire iconique et interfèrent entre elles, voire entrent en
compétition, au moment de donner la réponse.
De manière générale, l’engagement et le désengagement attentionnels dans le traitement
d’une suite de stimulus sont fortement modulés par la valence émotionnelle des stimulus,
et ce d’autant plus que l’intensité de l’émotion véhiculée par les stimulus est élevée.

4. Émotions et attention divisée


Il nous arrive souvent de faire ou penser à plusieurs choses en même temps, de
prêter attention à plusieurs dimensions d’un même stimulus, de maintenir actives
plusieurs informations en mémoire de travail, ou de traiter en parallèle plusieurs
sources d’information. Par exemple, nous pouvons conduire en ayant une conver-
sation et en écoutant une musique à la radio ou lire le journal tout en écoutant la
télévision. Par exemple encore, pour trouver la réponse à un problème arithmé-
tique comme 28 + 14, après avoir ajouté les unités et trouver 12, le système cogni-
tif stocke temporairement en mémoire de travail le nombre 2 comme nombre des
unités en même temps qu’il stocke temporairement 1 comme nombre de dizaines
pour pouvoir les ajouter à la somme des dizaines. Pour accomplir plusieurs tâches
42 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

en parallèle ou prêter attention à plusieurs dimensions d’un même stimulus en


même temps, le système cognitif doit gérer le partage de ses ressources atten-
tionnelles (Kahneman, 1973). Les travaux en psychologie cognitive sur le partage
attentionnel (voir Maquestiaux, 2017, pour une revue en français ; Pashler, 1998,
pour une revue en anglais) ont permis de proposer que ce partage attentionnel
s’appuie tantôt sur un pool unique de ressources attentionnelles, tantôt sur des
réservoirs multiples de ressources attentionnelles (e.g., Navon  &  Gopher, 1979 ;
Wickens, 1984). Ces travaux ont aussi fait apparaître que la division ou le partage
de l’attention pourrait être facilité pour gérer différentes tâches dont les informa-
tions sont de nature différentes (Allport, 1987 ; Hirst & Kalmar, 1987). Nos émo-
tions influencent-elles ce partage attentionnel ? Cette influence change-t-elle selon
la nature des tâches ou des informations entre lesquelles partager son attention ?
Afin d’étudier le rôle des émotions sur le partage attentionnel, les psychologues ont
comparé les performances des participants dans des tâches mobilisant le partage
attentionnel en conditions d’émotions neutres et d’émotions positives ou négatives.
Plusieurs types de tâches ont été utilisées, comme la tâche du Running Span ou la
tâche du N-Back.

4.1. Tâches de Running Span


Martin et Kerns (2011) ont demandé à des participants de réaliser une tâche
de Running Span en mémoire de travail, en condition émotion neutre et émotion
positive. Les participants visionnaient deux vidéos comiques (une de 10 minutes,
l’autre de 5  minutes), extraites de la série Seinfeld, dans la condition émotion
positive, et de deux vidéos documentaires (sur comment installer un plancher)
dans la condition émotion neutre. Les participants voyaient une seule condition
émotionnelle dans la première expérience (intersujet) et les deux conditions dans
la seconde expérience (intrasujet). Après avoir visionné les vidéos, les participants
réalisaient une tâche du Running Span (tâche utilisée pour évaluer la mémoire de
travail qui mobilise de l’attention divisée). Les participants entendaient des séries
de 12 à 20  chiffres. Avant chaque série, les participants ne connaissent pas la
longueur de la série. À la fin de chaque série, ils devaient rappeler les six derniers
chiffres de la série. Dans les deux expériences, les auteurs ont observé un Running
Span (c.-à-d, nombre de chiffres correctement rappelés à la bonne position) signi-
ficativement plus faible en condition émotion positive qu’en condition émotion
neutre (Figure 2.18). Les auteurs ont proposé que l’émotion positive a pu entraîner
une distraction des participants, moins concentrés lors de l’encodage des chiffres.
Le fait que le même résultat apparaisse dans la deuxième expérience permet
d’écarter l’hypothèse alternative selon laquelle les participants ont alloué davan-
tage de ressources attentionnelles lorsqu’ils ont visionné la vidéo humoristique et,
en conséquence, en avaient moins pour accomplir ensuite la tâche de Running Span
(voir Vieillard & Bougeant, 2005, pour des effets délétères des émotions négatives
sur les performances à une tâche de Running Span).
Émotions et attention divisée ■ 43

4,1
Émotion positive
4,05
Émotion neutre
4
Nombre de chiffres rappelés

3,95
3,9
3,85
3,8
3,75
3,7
3,65
3,6
Expérience 1 Expérience 2

Figure 2.18
Running Span et émotions (d’après Martin & Kerns, 2011).
Nombre de chiffres correctement rappelés en bonne position (c.-à-d., le premier des six derniers
chiffres était rappelé en premier, le second en deuxième, etc.) en conditions émotion positive
et neutre quand les participants passaient l’une des deux conditions (Expt. 1) ou les deux
(Expt. 2). Les participants rappelaient moins de chiffres dans la condition émotion positive
que dans la condition émotion neutre.

4.2. Tâches de N-Back


Shackman et ses collaborateurs (2006 ; voir aussi Lavric et al., 2003) ont com-
paré les performances à des tâches de N-Back spatial et verbal en condition de
menace (de recevoir des chocs électriques) et en condition neutre (sans menace).
À chaque essai, les participants voyaient des ensembles de lettres disposées aléa-
toirement sur l’écran. Ils devaient indiquer si l’item était le même ou différent de
l’item présenté trois items avant. Par exemple, pour la tâche N-back verbal, le par-
ticipant voyait un ensemble de c sur l’écran d’ordinateur. Le participant répondait
« oui » s’il avait vu un ensemble de c trois items précédents et « non » si ce n’était
pas le cas. Pour le N-Back spatial, il répondait « oui » si les lettres avaient la même
disposition spatiale sur l’écran trois items précédents et « non » si ce n’était pas
le cas, que les lettres soient identiques ou non aux deux essais. Les participants
étaient testés dans deux conditions, une condition de menace et une condition
neutre. Dans la condition de menace, servant à induire un état affectif négatif, les
participants étaient informés qu’au cours de la tâche, ils allaient (ou non) recevoir
un choc électrique sur le poignet lors de certains essais. En réalité, les participants
n’ont reçu que 4 chocs sur l’ensemble des essais dans une expérience et aucun choc
dans la suivante. Dans la condition émotion neutre, les participants ne s’attendaient
pas à recevoir de choc. Les performances des participants étaient plus faibles en
condition de menace qu’en condition neutre, mais seulement dans la tâche N-Back
spatial (Figure 2.19). De manière intéressante, les auteurs ont observé que ce sont
les participants qui avaient le meilleur score à la tâche N-back spatiale en condition
44 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

neutre qui diminuaient le plus leurs scores à cette tâche en condition de menace. Les
auteurs ont interprété leurs résultats en s’appuyant sur des données antérieures
ayant montré que l’attention spatiale est perturbée par l’anxiété (e.g., Janelle, 2002 ;
Moore & Oaksford, 2002). Pendant que les participants géraient leur appréhension
relative à la survenue d’un choc électrique potentiel, ils avaient du mal à gérer leurs
ressources attentionnelles spatiales (pour rafraîchir en mémoire de travail la dispo-
sition des lettres), ce qui n’était pas le cas pour la tâche N-back verbal. Cette distinc-
tion pourrait provenir du fait que les ressources mobilisées par l’attention spatiale
et la gestion de l’anxiété pourraient être davantage en compétition, car gérées par
les mêmes réseaux cérébraux (cortex préfrontal et cortex pariétal gauches), tandis
que les ressources attentionnelles allouées à des tâches de mémorisation verbale
seraient gérées par des réseaux cérébraux différents, moins localisés à gauche
(voir également Gray, 2001, pour des effets différents des émotions sur des tâches
N-back spatiale et verbale).

82

81
Pourcentages d’items corrects

80

79

78

77

76
Verbal Spatial

Figure 2.19
N-Back et émotions (d’après Shackman et al., 2006).
Pourcentages d’items corrects aux tâches de N-Back verbal et spatial en condition menace et neutre.
La condition de menace a perturbé les performances à la tâche de N-Back spatial, mais pas
à la tâche de N-Back verbal.

En résumé, le partage attentionnel semble lui aussi affecté par les émotions. Les per-
formances à des tâches requérant de partager ses ressources attentionnelles entre
différentes activités (p. ex., Running Span, N-Back) diminuent sous émotion positive ou
négative. Les performances à ces tâches de mémoire de travail diminuent en condition
émotionnelle, vraisemblablement parce que les ressources attentionnelles mobilisées
lors du traitement des informations émotionnelles sont moins disponibles pour ces
tâches de mémoire de travail.
Conclusions ■ 45

Conclusions
Les recherches sur les liens entre émotion et attention ont pour but de déterminer
si nos émotions influencent nos capacités attentionnelles, et, si oui, quand et par quels
mécanismes. Elles ont cherché à déterminer comment des stimulus à valence émo-
tionnelle variable modifient les informations que l’on sélectionne pour les traiter et la
manière avec laquelle on engage et désengage notre attention dans un traitement cogni-
tif. Plus rarement, ces recherches ont utilisé des procédures d’induction émotionnelle
pour tester directement comment l’état émotionnel d’un individu affecte son attention.
Ces recherches ont examiné différentes fonctions de l’attention (attention sélective,
orientation de l’attention, flexibilité attentionnelle, attention divisée).
Les données recueillies font apparaître une influence importante tout aussi bien posi-
tive que négative de nos émotions sur l’attention. En effet, nos émotions changent ce à
quoi nous faisons attention, comment nous prêtons attention aux informations et, en
conséquence, les autres informations auxquelles nous ne faisons pas attention du fait
d’une trop grande mobilisation de nos ressources attentionnelles sur les informations
émotionnelles non nécessairement pertinentes pour la tâche à réaliser.
Dans une tâche de Stroop émotionnel, les participants prennent plus de temps pour
dire la couleur de l’encre d’un mot émotionnel (p. ex., amour écrit en rouge) que celle
d’un mot neutre (p. ex., table écrit en rouge). Tout se passe comme si la valence émo-
tionnelle du mot attirait automatiquement l’attention du participant, et encore plus
lorsque ce mot est en lien avec les préoccupations d’un individu, alors qu’il ne doit
faire attention qu’à la couleur de l’encre et pas au mot lui-même. En d’autres termes,
les émotions peuvent parfois détourner notre attention de l’information importante
pour la tâche à accomplir.
Dans une tâche de recherche visuelle, où les participants doivent dire si une collection
d’images contient toutes les mêmes images ou une image différente des autres, l’attention
est davantage et plus rapidement attirée vers une image émotionnelle (p. ex., un serpent)
que vers des images neutres (p. ex., une fleur). Ceci est également vrai pour les visages
(réels ou schématiques), dans la mesure où un visage exprimant une émotion comme
la colère ou la menace attire plus rapidement l’attention qu’un visage neutre. Dans une
tâche de détection indicée, les participants sont plus rapides à détecter une cible qui
apparaît à l’endroit où, juste avant, un stimulus émotionnel a été brièvement présenté,
comparé à un stimulus neutre préalable. En d’autres termes, la saillance d’une infor-
mation émotionnelle peut attirer très rapidement notre attention, ce qui peut aider le
système cognitif à être plus efficace quand cette information est pertinente pour la tâche
à accomplir (mais aussi le pénaliser lorsque l’information n’est pas pertinente).
Enfin, dans les tâches de clignement attentionnel (où les participants voient défiler
rapidement une série d’images et doivent détecter une cible), les participants com-
mettent moins d’erreurs sur une image cible émotionnelle qui suit une image neutre
que sur une image cible neutre. Par ailleurs, le traitement d’une image cible neutre
est davantage perturbé lorsque cette image neutre suit une image émotionnelle que
lorsqu’elle suit une image neutre. L’ensemble de ces phénomènes met en évidence
46 ■ CHAPITRE 2 – Émotion et attention

le  fait que la valence émotionnelle des stimulus influence l’attention qu’on alloue à
ces stimulus, mais aussi à ceux qui les entourent (dans le temps et l’espace), ainsi que,
en conséquence, aux informations auxquelles nous ne pouvons allouer de ressources
attentionnelles. En bref, les informations émotionnelles déclenchent en nous des biais
(positifs ou négatifs) de traitement.
Les phénomènes rapportés dans les études sur le rôle des émotions sur l’attention
apportent quelques éléments de réponse aux questions importantes sur ce rôle. Ces
questions concernent, entre autres, quand et comment nos émotions influencent-elles
l’attention, et pourquoi nos capacités attentionnelles sont-elles influencées par nos
émotions ?
Les données présentées ici pourraient amener à penser que nos émotions influencent
toujours l’attention. Aucune donnée ne permet toutefois, à l’heure actuelle, une telle
conclusion. Les résultats des différentes recherches montrent que nos émotions
affectent nos capacités attentionnelles, parfois, positivement et, parfois, négativement.
Les émotions affectent négativement l’attention lorsqu’elles conduisent à de moins
bonnes performances dans des tâches testant l’attention, comme nous l’avons vu dans
la tâche du Stroop où les mots émotionnels interfèrent avec l’identification de la cou-
leur de l’encre de ces mots et comme nous l’avons vu également dans des tâches de
détection de cible indicée par des mots émotionnels quand les cibles n’apparaissaient
pas du côté des mots émotionnels indices. En d’autres termes, quand nos émotions
nous conduisent à diriger notre attention vers un aspect non pertinent d’un stimulus,
d’une tâche et, plus généralement, d’une situation, elles ont un effet perturbateur.
En revanche, lorsque nos émotions nous conduisent à diriger notre attention vers
une ou des dimensions pertinentes d’un stimulus, d’une tâche ou d’une situation, nos
émotions ont des effets bénéfiques sur nos performances cognitives, facilitant ainsi la
focalisation et le déploiement attentionnels, et donc un traitement plus efficace de ces
dimensions cruciales pour atteindre un but cognitif. Notons que certains effets per-
turbateurs et facilitateurs de nos émotions sur les mécanismes attentionnels peuvent
être relativement automatiques, comme le montrent des effets de Stroop émotionnels,
observés en présentation subliminale, ou des effets précoces et rapides de saillance
émotionnelle dans des tâches de recherche visuelle et de clignement attentionnel
dans des tâches de détection ou d’identification de cibles après simple ou double
indiçage (e.g., Bradley et al., 1995 ; Chessman  &  Merickle, 1985 ; Cooper  &  Langton,
2006 ; MacLeod et al., 1986 ; MacLeod & Rutherford, 1992 ; Mogg et al., 1994, 1995 ;
Wikström et al., 2003 ; Yovel & Mineka, 2005 ; Phaf & Kan, 2007 ; Zsido et al., 2020).
Sachant que les effets des émotions sur nos capacités attentionnelles ne sont pas tou-
jours positifs, il est légitime de se demander pourquoi notre système attentionnel n’est
pas imperméable à nos émotions. Un élément de réponse tient à l’une des fonctions les
plus importantes de l’attention qui est d’aider le système cognitif à s’orienter vers et à
sélectionner les informations pertinentes pour réaliser une tâche cognitive. Il est pos-
sible, dans ce contexte, que les émotions influencent les mécanismes attentionnels pour
optimiser leur efficacité. En effet, les effets facilitateurs suggèrent que les émotions per-
mettent parfois d’exécuter nos mécanismes attentionnels (et cognitifs en général, comme
on le verra pour les autres fonctions cognitives) plus efficacement (p. ex., la sélection,
l’orientation et le shifting attentionnels sont plus rapides). Hors du laboratoire, il est
Testez vos connaissances ■ 47

tout à fait compréhensible que, par exemple, face à un prédateur, il importe au sys-
tème de le détecter rapidement pour décider quelle action engager afin de maximiser
les chances de survie de l’organisme. Face à un stimulus menaçant, de manière géné-
rale, il importe de le détecter rapidement, d’analyser le danger potentiel qu’il pourrait
occasionner, afin de gérer au mieux ce danger. Dans la rue, il peut être crucial pour un
automobiliste d’être capable de détecter rapidement un enfant qui traverse, ou pour
un piéton de repérer, avant de traverser (même sur un passage piéton), la voiture qui
arrive à toute vitesse. L’optimisation des mécanismes attentionnels via les émotions a
un prix : les effets délétères des émotions sur l’attention.

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir


1. Quelles sont les principales fonctions de l’attention ?
2. Pour chacune des fonctions de l’attention, citez deux tâches permettant
d’étudier le rôle des émotions sur chacune de ces fonctions.
3. Qu’appelle-t-on un effet Stroop émotionnel ?
4. Qu’est-ce que le phénomène de clignement émotionnel ?
5. Qu’est-ce qu’une tâche de Running Span et une tâche de N-Back ? Que per-
mettent-elles d’étudier ? Les émotions affectent-elles les performances dans
ces deux tâches ? Si oui, comment ?

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF2

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM2

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC2
CHAPITRE 3

Émotion et attention :
différences individuelles,
vieillissement et psychopathologie
Ce chapitre présente la façon dont les effets des émotions sur l’attention
sont modulés par les différences individuelles (p.  ex., les niveaux d’anxiété
chez des individus tout venant), par le vieillissement et dans certaines patho-
logies (p.  ex., la phobie). Les résultats obtenus chez des patients atteints de
différentes pathologies avec divers tests de l’attention (p. ex., détection après
indiçage, Running Span) quant au rôle des émotions sur les grandes fonctions
de l’attention (attention sélective, orientation et flexibilité attentionnelles,
attention soutenue et divisée), et les mécanismes attentionnels spécifiques
(p.ex., engagement et désengagement attentionnel, inhibition) sont présen-
tés. Les travaux font apparaître une évolution des biais attentionnels avec
l’âge et une modulation (amplification ou diminution) de ces biais en fonction
de la pathologie.

SOMMAIRE

1. Émotion et attention : différences individuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50


2. Émotion et attention : vieillissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55
3. Émotions et attention : psychopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69
50 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

De nombreux travaux ont étudié comment les différences individuelles, le vieillisse-


ment et la psychopathologie modulent l’effet des émotions sur l’attention. Ces travaux
s’appuient sur l’existence d’importantes variations entre individus dans les traits de
personnalité (p. ex., anxiété) et en psychopathologie (p. ex., dépression, phobie), ainsi
que sur l’évolution de la cognition au cours du vieillissement. Ils permettent de déter-
miner si, toutes choses égales par ailleurs, les biais attentionnels dans le traitement
des informations émotionnelles vus au chapitre précédent s’observent de la même
manière chez des individus avec une personnalité anxieuse ou en dépression, par
exemple, comparés à des individus témoins, et comment ces biais évoluent au cours
du vieillissement. Les travaux empiriques ont fait apparaître une amplification de
certains biais et une diminution de certains autres biais chez certains individus, dans
certaines pathologies et au cours du vieillissement. Dans ce chapitre, nous présentons
ces travaux empiriques.
Dans un premier temps, nous examinons comment l’effet des émotions sur l’atten-
tion diffère selon les individus. Ainsi, nous présentons les travaux déterminant, par
exemple, comment l’effet Stroop émotionnel et la détection de cible varient selon le
niveau d’anxiété des individus. De la même manière, dans un second temps, nous
passons en revue l’évolution des liens émotion et attention au cours du vieillissement.
Enfin, nous discutons quelques données de psychopathologie visant à savoir comment,
par exemple, ces effets Stroop ou le clignement attentionnel varient selon différentes
pathologies (p. ex., la phobie sociale ; la dépression).

1. Émotion et attention : différences


individuelles
Les effets généraux des émotions sur l’attention, rapportés au chapitre précédent,
n’apparaissent pas chez tout le monde avec la même importance. Ils sont plus forts
chez certains individus et plus faibles chez d’autres. En documentant les différences
individuelles et ce qui caractérise les individus chez qui l’émotion affecte l’attention
davantage que chez d’autres individus, les psychologues visent à mieux comprendre
par quels mécanismes l’émotion affecte l’attention. Nous présentons des études ayant
examiné les différences individuelles dans des tâches de Stroop et dans des tâches de
détection de cibles avec indiçage.

1.1. Différences individuelles et Stroop émotionnel


Dans une tâche de Stroop, Richards et Millwood (1989) ont testé des participants
tout-venant et des participants présentant des personnalités plus ou moins anxieuses.
Certains de leurs participants s’autoévaluaient, car ils étaient très anxieux et d’autres
l’étaient peu. Les participants avaient à dire la couleur de l’encre des mots qui leur
étaient présentés. Les mots faisaient référence à des entités menaçantes (p. ex., pistolet),
Émotion et attention : différences individuelles ■ 51

agréables (p.  ex., amour) ou neutres (p.  ex., table). Les participants très anxieux pre-
naient plus de temps pour indiquer la couleur de l’encre des mots quand les mots
faisaient référence à des entités menaçantes que pour les mots neutres ou agréables.
Ils étaient comparables pour les trois types de mots chez les individus peu anxieux
(voir Figure 3.1).

1 100
Temps de dénomination de la couleur

Mots menaçants
Mots neutres
1 050 Mots positifs

1 000

950

900
Anxieux − Anxieux +

Figure 3.1
Anxiété et Stroop émotionnel (d’après Richards & Millwood, 1989).
Temps de dénomination (en ms) de la couleur de l’encre de mots faisant référence à des entités
menaçantes, neutres ou agréables chez des individus très anxieux ou peu anxieux. Les individus
très anxieux ralentissaient sur les mots menaçants et accéléraient sur les mots positifs,
alors que les individus non anxieux étaient aussi rapides sur les trois types de mots.

La modulation des effets Stroop émotionnels par le niveau d’anxiété a été répliquée
de nombreuses fois (e.g., Blanchette  &  Richards, 2013 ; Fox, 1993a, 1993b ; Mogg et
al., 1990, 1997 ; Richards & French, 1990). Cette modulation pourrait même s’avérer
spécifique au type d’anxiété vécue. Par exemple, Owens et ses collaborateurs (2004)
ont comparé les effets Stroop émotionnels chez des individus présentant des niveaux
élevés, moyens ou faibles d’anxiété pour toute émotion qui concerne des questions
de santé. Les participants devaient dénommer la couleur de l’encre dans laquelle des
mots étaient présentés. Ces mots faisaient référence à un problème de santé (p.  ex.,
cancer, tumeur), à des émotions négatives (p. ex., solitude, péril), à des émotions positives
(p. ex., tendre, heureux) ou étaient des mots neutres (p. ex., gant, meuble). Les partici-
pants ayant un niveau élevé d’anxiété pour les questions relatives à la santé avaient
des effets Stroop (c.-à-d., ils mettaient plus de temps à indiquer la couleur de l’encre)
beaucoup plus forts sur les mots faisant référence à un problème de santé que sur
tous les autres mots. Les participants ayant un niveau moyen ou faible d’anxiété pour
les questions relatives à la santé avaient des effets Stroop comparables sur toutes les
catégories de mots.
52 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

1.2. Différences individuelles et tâches de détection


de cible
L’anxiété s’accompagne d’une accélération de la capture attentionnelle par des sti-
mulus susceptibles d’être source d’inquiétude et d’un ralentissement du désengagement
attentionnel de ces stimulus. Par exemple, Yiend et Mathews (2001) ont comparé des
individus qui différaient par leur niveau d’anxiété générale (évaluée par des question-
naires d’anxiété, comme l’échelle d’anxiété manifeste de Taylor). Des individus très
anxieux et peu anxieux ont eu à réaliser une tâche de détection de cible après indiçage
unique. À chaque essai, les participants voyaient une image pendant 500  millise-
condes, puis une flèche dont ils devaient dire le plus vite possible si elle pointait vers
le haut ou vers le bas. Les images étaient soit menaçantes (p. ex., cadavre, arme), soit
non menaçantes (p. ex., paysage). La flèche apparaissait soit du côté où l’image avait été
présentée (c.-à-d., à droite si l’image apparaissait à droite et à gauche si l’image avait
été présentée à gauche) pour les essais valides, soit de l’autre côté (essais invalides).
Les participants non anxieux étaient légèrement plus longs aux essais invalides qu’aux
essais valides, quelle que soit l’image indice préalablement présentée (Figure 3.2).
Il s’agit là d’un effet classique de validité reflétant la nécessité de se désengager de
l’endroit indicé pour fixer l’autre endroit sur les essais invalides. Ce désengagement
leur prenait autant de temps pour les images indices menaçants et non menaçants.
En revanche, les participants très anxieux avaient un fort effet de validité seulement
sur les essais où l’image indice était celle d’une entité menaçante. Cet allongement du
temps aux essais invalides après avoir vu l’image d’une entité menaçante reflète sans
doute le fait que ces participants anxieux fixaient plus longuement l’image menaçante
et/ou avaient besoin de prendre plus de temps pour s’en désengager et réengager leur
attention sur le côté opposé à celui où avait été présentée la cible (pour des résultats
convergents, voir Armir et al., 2003 ; Derryberry & Reed, 2002 ; Fox et al., 2001 ; Fox
et al., 2002 ; Georgiou et al., 2005 ; Waters et al., 2007).
La Figure 3.3 présente des données publiées par Georgiou et ses collaborateurs (2005)
où les auteurs ont montré aux participants (très anxieux ou peu anxieux), au centre de
l’écran, des visages ayant une expression effrayée ou non effrayée, triste ou non triste.
Ensuite, 600 millisecondes après la présentation du visage, la lettre X ou P apparais-
sait à droite, à gauche, au-dessus ou en dessous du visage pendant 50 millisecondes.
Les participants devaient appuyer sur une touche de l’ordinateur si la lettre était un P
et sur une autre si c’était un X. Les participants anxieux prenaient plus de temps pour
détecter la lettre cible lorsqu’elle apparaissait avec un visage effrayé que lorsqu’elle
apparaissait avec un visage ayant une autre expression émotionnelle. Aucune diffé-
rence entre les visages n’a été observée chez les participants non anxieux. Là encore,
l’attention des participants anxieux ayant été attirée par le visage menaçant, il leur
fallait plus de temps pour s’en désengager. Notons que l’anxiété n’entraîne pas toujours
une capture attentionnelle plus importante sur certains stimulus. Parfois, on observe
l’inverse, à savoir une fuite de la focalisation attentionnelle sur l’entité qui est source
d’anxiété. Par exemple, plusieurs auteurs ont observé que les individus qui souffrent
d’anxiété sociale ont tendance à fuir du regard certains visages, notamment des visages
avec expressions émotionnelles (e.g., Mansell et al., 2002 ; Pishyar et al., 2004).
Émotion et attention : différences individuelles ■ 53

500
Essais valides Indice menaçant
Essais valides Indice non menaçant
Temps de jugement sur la cible

480 Essais invalides Indice menaçant


Essais invalides Indice non menaçant
460

440

420

400
Anxieux + Anxieux −

Figure 3.2
Anxiété et détection de cible (d’après Yiend & Mathews, 2001).
Temps de jugement (en ms) sur la cible mis par les participants très anxieux et peu anxieux aux
essais valides et invalides lorsque l’image était celle d’une entité menaçante ou non menaçante.
Les participants très anxieux prenaient plus de temps sur les essais invalides avec une image
menaçante que sur les autres essais, tandis que les participants peu anxieux prenaient le même
temps sur tous les essais invalides.

510
Effrayé
500 Non effrayé
Temps de détection de la cible

Triste
490 Non triste

480

470

460

450
Anxieux + Anxieux −

Figure 3.3
Anxiété et catégorisation de lettres (d’après Georgiou et al., 2005).
Temps de détection (en ms) d’une cible, mis par des participants très anxieux et peu anxieux,
en présence d’un visage effrayé, non effrayé, triste ou non triste. À la différence des participants
peu anxieux, les participants très anxieux prenaient plus de temps pour détecter la lettre cible
lorsqu’elle apparaissait avec un visage effrayé que lorsqu’elle apparaissait avec un visage ayant
une autre expression émotionnelle.

Le niveau d’anxiété semble également affecter le clignement attentionnel (e.g., Barnard et


al., 2005 ; Bradley et al., 1997 ; Broadbent & Broadbent, 1988 ; Byrne & Eysenck, 1995 ;
54 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

Fox et al., 2001, 2005 ; Fox, 1993a ; Fox et al., 2002 ; MacLeod & Mathews, 1988 ; Mogg
et al., 2000 ; Wilson & MacLeod, 2003). Par exemple, dans l’étude de Fox et al. (2001),
les participants (très anxieux ou non anxieux) voyaient défiler en présentation RSVP
des séries de quinze images (1  image/110 ms) montrant quatorze visages et soit une
fleur, soit un champignon. L’un des visages avait une expression émotionnelle (joyeux,
apeuré), les autres une expression neutre. Le visage cible à expression émotionnelle
apparaissait soit à un lag court (p. ex., deux images après celle de la fleur) soit à un lag
long (p. ex., 6 images après celle de la fleur). Les participants devaient indiquer si l’un
des visages de la série avait une expression émotionnelle, après avoir indiqué si la série
comportait une image montrant une fleur ou un champignon. Les données ont fait appa-
raître une modulation de l’effet de clignement attentionnel chez les participants anxieux
pour les visages apeurés (Figure 3.4). En effet, les participants très anxieux réussissaient
mieux à indiquer l’expression émotionnelle du visage cible pour les visages apeurés
comparés aux visages joyeux, au lag court. La différence entre les deux types de visages
était beaucoup plus petite chez les participants non anxieux. Au lag long, les taux de
réussite des deux groupes pour les visages apeurés et joyeux étaient très élevés et ne
différaient pas. Tout se passe comme si les visages cibles apeurés avaient attiré très rapi-
dement l’attention des participants anxieux qui les ont traités assez profondément pour
en reconnaître l’expression faciale. Le phénomène habituel de clignement attentionnel
était observé chez les participants non anxieux pour les visages apeurés et joyeux.

100
Joyeux
Pourcentages de réussites

95
Apeurés
90

85

80

75

70
Lag court Lag long Lag court Lag long

Anxieux + Anxieux −

Figure 3.4
Anxiété et clignement attentionnel (d’après Fox et al., 2005).
Pourcentages de réussite chez des participants très anxieux et non anxieux aux lags court
et long sur des visages joyeux et apeurés. Les participants anxieux réussissaient mieux
sur les visages apeurés que sur les visages joyeux, au lag court. Cet effet était beaucoup plus petit
chez les participants non anxieux.

En résumé, les données présentées ici sur la modulation par l’anxiété des effets Stroop
émotionnels, d’indiçage et de clignement attentionnels montrent qu’il existe de grandes dif-
férences individuelles dans l’effet des émotions sur nos capacités attentionnelles. Les carac-
téristiques des individus (comme ici l’anxiété) gouvernent ces modulations. De manière
générale, lorsque les préoccupations ou l’état émotionnel des individus sont congruents
avec des informations émotionnelles à traiter, l’allocation des ressources attentionnelles
Émotion et attention : vieillissement ■ 55

est biaisée, et le système cognitif traite avec plus d’attention ces informations, avec par-
fois des conséquences positives (p. ex., amélioration des performances comme cela peut
s’observer dans la diminution du clignement attentionnel) ou négatives (p. ex., diminution
des performances comme cela se voit dans l’augmentation des effets Stroop émotionnels).

2. Émotion et attention : vieillissement


Plusieurs études ont observé des corrélations différentes chez les jeunes et les
âgés entre les états affectifs (mesurés par des échelles d’évaluation affective, comme la
PANAS) et les différentes fonctions de l’attention. Par exemple, Noh et ses collaborateurs
(2012) ont rapporté des corrélations significatives, chez les jeunes, entre l’orientation de
l’attention et des états émotionnels négatifs (r = .23). Ces corrélations indiquent que plus
les individus disaient éprouver une émotion négative au moment du testing, plus rapide-
ment ils orientaient leur attention en direction d’une cible (la corrélation correspondante
était négative, chez les âgés, r = -.23). Concernant la fonction d’alerte ou de préparation
attentionnelle, la corrélation avec un état émotionnellement positif était significative
(r  =  -.24) chez les jeunes, mais non significative chez les personnes âgées (r  =  -.13).
Ces résultats suggèrent qu’avec l’âge, les relations entre émotion et attention changent.
Comment les relations entre émotion et attention évoluent-elles au cours du vieillisse-
ment ? De nombreux travaux ont été conduits pour répondre à cette question. Ces tra-
vaux ont eu recours aux paradigmes utilisés avec les adultes jeunes et ont testé des
jeunes et des personnes âgées en condition d’émotions neutres ou d’émotions négatives
ou positives, afin de déterminer si les fonctions importantes de l’attention, comme l’atten-
tion sélective ou l’allocation des ressources attentionnelles, sont influencées de la même
manière ou de manière différente par les émotions chez les jeunes et les personnes âgées.
Les données font apparaître que l’effet des émotions sur l’attention change au cours du
vieillissement. Nous discutons des effets des émotions au cours du vieillissement d’abord
sur l’attention sélective, puis sur l’allocation des ressources attentionnelles.

2.1. Vieillissement, émotion et attention sélective


Les émotions influencent les mécanismes d’attention sélective de sorte que, sous émo-
tion, nous sélectionnons différentes informations et nous pouvons être moins (ou plus)
efficaces à sélectionner une information pertinente parmi un ensemble d’informations.
Ces effets de l’émotion sur nos capacités d’attention sélective changent-ils au cours du
vieillissement ? La plupart des travaux suggèrent que oui, même si ces changements sont
modulés par un certain nombre de paramètres. Ceci a été déterminé en utilisant plu-
sieurs paradigmes, comme le Stroop émotionnel, et en comparant les effets des émotions
chez les jeunes et les âgés.
Par exemple, LaMonica et ses collaborateurs. (2010) ont testé plus de 400 participants,
âgés de 20 à 80 ans à une tâche de Stroop émotionnel. Les participants devaient indiquer
la couleur de l’encre dans laquelle des mots neutres (p. ex., journal, agneau, bus) ou émo-
tionnels (p.  ex., réussite, feu, colère) étaient écrits. Ils avaient 30 secondes pour nommer
56 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

la couleur du plus de mots possible. Les auteurs ont également testé leurs participants
dans deux conditions contrôles, une où il fallait indiquer la couleur de taches d’encre et
l’autre où il fallait lire des mots neutres écrits à l’encre noire. Apparaît sur la Figure 3.5,
l’évolution de l’effet Stroop émotionnel en fonction de l’âge des participants. L’effet Stroop
émotionnel était calculé par la différence entre le nombre de mots neutres et le nombre de
mots émotionnels pour lesquels les participants ont correctement dénommé la couleur en
30 secondes. Les données ont fait apparaître une diminution avec l’âge de l’effet Stroop
émotionnel (c.-à-d., les participants nommaient la couleur de plus de mots neutres que de
mots émotionnels). L’effet Stroop émotionnel est quasi-inexistant à partir de 50 ans, et
s’inverse après 60 ans. Notons qu’Ashley et Swick (2009) ont trouvé des effets Stroop
émotionnels comparables chez les jeunes et les âgés dans une condition dite bloquée ou
pure (c.-à-d., les participants accomplissent sur tous les items d’abord la tâche en condition
neutre, puis en condition interférente), et des effets plus importants chez les jeunes dans
une condition de présentation aléatoire (voir Wurm et al., 2004, pour des effets Stroop
émotionnels plus importants chez les âgés que chez les jeunes).
L’évolution avec l’âge des effets Stroop émotionnels est intéressante, en particulier la possi-
bilité d’observer des effets soit comparables chez les jeunes et les personnes âgées, soit plus
petits chez les personnes âgées que chez les jeunes. Cette évolution est différente des effets
Stroop classiques, non émotionnels qui ont tendance à plus systématiquement augmenter
avec l’âge (e.g., Comalli et al., 1962) du fait d’une dégradation des capacités d’inhibition
(e.g., Hasher  &  Campbell, 2020 ; Rey-Mermet et al., 2018). Les données de LaMonica et
ses collaborateurs suggèrent que les capacités d’inhibition de l’information émotionnelle
non pertinente pour la tâche à accomplir augmentent en efficacité avec l’âge et atteignent
une efficacité telle que les participants sont capables de neutraliser l’interférence ou d’être
moins victimes de l’interférence induite par l’information émotionnelle et de se focaliser
sur la tâche à accomplir. En d’autres termes, les participants âgés peuvent bloquer l’entrée
d’une information dans le système cognitif (sélection précoce de l’information) dès lors que
cette information est émotionnelle et non pertinente pour la tâche à réaliser.

2,5

2
Effets stroop émotionnel

1,5

0,5

− 0,5

−1

− 1,5
20-30 30-40 40-50 50-60 60-70 70+

Figure 3.5
Évolution avec l’âge des effets Stroop émotionnels : Neutre-Émotion (d’après LaMonica et al., 2010).
Un effet positif (jusqu’à 50 ans) indique que les participants nommaient la couleur de l’encre de plus
de mots neutres que de mots émotionnels, un effet négatif indique l’inverse (après 60 ans).
Émotion et attention : vieillissement ■ 57

Les données de Thomas et Hasher (2006) vont dans le même sens que ceux de LaMonica
et ses collaborateurs., mais ont aussi montré que ce filtrage attentionnel peut néanmoins
être influencé par des informations émotionnelles de nature différente chez les per-
sonnes jeunes et âgées. Ainsi, Thomas et Hasher ont montré à des participants jeunes et
âgés des paires de chiffres. Les participants devaient dire si les deux chiffres avaient la
même parité (les chiffres sont tous les deux pairs ou tous les deux impairs) ou non (l’un
est pair, l’autre impair). Les deux chiffres étaient séparés par des mots émotionnelle-
ment neutres, positifs ou négatifs. Par exemple, les participants voyaient « 7 avions 9 »
(neutre), « 7 érotiques 9 » (émotion positive) ou « 7 horreurs 9 » (émotion négative). Après
cette tâche, les participants avaient un test de reconnaissance où ils voyaient des mots
(certains vus pendant la tâche de jugement de parité, d’autres nouveaux) et devaient
indiquer si le mot était un mot nouveau ou ancien. Les temps de jugement de parité et les
taux de reconnaissance correcte apparaissent sur la Figure 3.10. Les participants jeunes
et âgés mettaient plus de temps à juger la parité des deux chiffres lorsque ces chiffres
étaient séparés par des mots négatifs que par des mots neutres ou positifs. Par ailleurs,
les taux de reconnaissance correcte étaient plus élevés pour les mots négatifs que pour
les mots neutres ou positifs chez les jeunes et pour les mots positifs que pour les mots
neutres et négatifs chez les âgés. De manière intéressante, même si les mots négatifs
entraînaient une distraction comparable chez les jeunes et les personnes âgées pendant
la tâche de jugement de parité, la focalisation attentionnelle plus importante sur les mots
négatifs par les jeunes et sur les mots positifs chez les personnes âgées entraînait une
augmentation des taux de reconnaissance correcte pour ces mots. En d’autres termes, ces
données ont fait apparaître une distraction comparable chez les jeunes et les personnes
âgées par les mots émotionnels négatifs, mais une attention davantage focalisée sur les
mots négatifs chez les jeunes et sur les mots positifs chez les personnes âgées.
D’autres travaux ont confirmé que l’évolution avec l’âge de l’effet des émotions sur le
filtrage attentionnel varie selon le type d’émotion. Par exemple, Ebner et Johnson (2010)
ont montré à leurs participants jeunes et âgés trois chiffres, deux identiques et un diffé-
rent (p. ex., 133). Les participants devaient indiquer le chiffre différent des deux autres
(p.  ex., ils devaient indiquer le 1 dans 133). Les chiffres apparaissaient au milieu de
visages qui pouvaient exprimer une émotion positive (joie), négative (colère), ou neutre.
Les essais pouvaient être faciles (le chiffre différent était facile à déterminer et à indiquer,
comme dans 133) ou difficiles (le chiffre différent était plus difficile à déterminer et à
indiquer, comme dans 212).
Les données (Figure 3.7) aux essais faciles pour les jeunes et difficiles pour les personnes
âgées font apparaître des effets d’interférence émotionnelle chez les jeunes et les âgés dif-
férents selon l’émotion exprimée par le visage (aucun effet d’interférence n’était observé
chez les jeunes aux essais faciles et chez les âgés aux essais difficiles). L’effet d’interférence
apparaissait seulement dans la condition où le visage exprimait de la colère (comparée à la
condition neutre) chez les jeunes et seulement dans la condition où le visage exprimait de
la joie chez les âgés. Aucun effet d’interférence n’apparaissait avec les visages exprimant
de la joie chez les jeunes et de la colère chez les âgés. En d’autres termes, un visage émo-
tionnel interférait avec la tâche principale dans les deux groupes, mais sur une émotion
négative (colère) chez les jeunes et positive (joie) chez les personnes âgées. Ceci peut s’expli-
quer aisément si l’on envisage que les jeunes prêtent davantage attention aux émotions et
informations négatives et que les âgés se focalisent davantage sur les émotions positives.
58 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

1 050
Neutre
Temps de jugement (en ms)

950 Positive
Négative
850

750

650

550
Adultes jeunes Adultes âgés

0,14
Taux de reconnaissances correctes

0,12

0,1

0,08

0,06

0,04

0,02

0
Adultes jeunes Adultes âgés

Figure 3.6
Attention sélective, émotion et vieillissement (d’après Thomas & Hasher, 2006).
Temps de jugement et taux de reconnaissances correctes chez les jeunes et les personnes âgées
dans une tâche de jugement de parité de deux nombres séparés par des mots émotionnellement
positifs, négatifs ou neutres. Les jeunes mettaient plus de temps sur les items négatifs,
mais les reconnaissaient mieux ensuite, tandis que les personnes âgées étaient aussi longues sur tous
les types de mots, mais reconnaissaient ensuite mieux les mots positifs.

Les travaux relatifs à l’évolution avec l’âge de l’effet des émotions sur l’attention sélective
ont non seulement fait apparaître que les âgés peuvent filtrer efficacement les infor-
mations émotionnelles non pertinentes pour une tâche cognitive, mais qu’ils peuvent
également moduler efficacement ce filtrage attentionnel d’un essai à l’autre. Par exemple,
Monti et ses collaborateurs (2010) ont montré des visages à leurs participants jeunes et
âgés qui avaient deux tâches à effectuer. Les participants avaient soit une tâche d’identifi-
cation du genre du visage (c.-à-d., dire si le visage présenté était celui d’un homme ou d’une
femme), soit une tâche d’identification émotionnelle (c.-à-d., dire si le visage exprimait la
peur ou la joie). Des mots étaient également présentés sur les visages (homme/femme ;
peur/joie). Les mots et les visages étaient soit congruents, soit incongruents. Aux essais
congruents, les visages étaient du même genre qu’indiqué par le mot (p. ex., le visage était
celui d’un homme et le mot homme était présenté avec le visage ; le visage exprimait la
peur et le mot peur apparaissait avec le visage). Aux essais incongruents, visages et mots
Émotion et attention : vieillissement ■ 59

ne correspondaient pas (p. ex., le visage était celui d’une femme et le mot homme était pré-
senté ; le visage exprimait la peur et le mot joie apparaissait). En d’autres termes, les auteurs
ont manipulé, pour les deux tâches (émotionnelle et non émotionnelle) la congruence entre
visage et mot sur l’essai courant. Ils ont également manipulé cette congruence sur l’essai
précédent. Ces manipulations définissaient ainsi quatre conditions, selon la congruence
à l’essai courant et à l’essai précédent : (a) essai congruent suivant un essai congruent
(congruent-congruent), (b)  essai congruent suivant un essai incongruent (incongruent-
congruent), (c) essai incongruent suivant un essai congruent (congruent-incongruent), et (d)
essai incongruent suivant un essai incongruent (incongruent-incongruent).

745
740 Neutre

735 Colère
Joie
Latences (en ms)

730
725
720
715
710

705
Jeunes (essais difficiles) Âgés (essais faciles)

Figure 3.7
Effets des émotions positives et négatives en attention sélective chez les jeunes et les personnes
âgées (d’après Ebner & Johnson, 2010).
Temps d’identification du chiffre cible chez les jeunes et les personnes âgées en fonction de l’émotion
exprimée par le visage interférent. Les effets d’interférence apparaissaient sur les items émotionnellement
négatifs chez les jeunes et sur les items émotionnellement positifs chez les personnes âgées.

Cette étude de Monti et ses collaborateurs s’appuyait sur des travaux antérieurs
qui avaient fait apparaître deux choses. D’une part, l’effet d’incongruence (c.-à-d.,
TR aux essais incongruents > TR aux essais congruents) est moins important sur
un item qui suit un item incongruent que sur un item qui suit un item congruent
(effet dit d’adaptation au conflit ou effet Gratton ; e.g., Gratton et al., 1992 ; Stürmer
et al., 2002) et  (b)  une  diminution avec l’âge de l’effet d’adaptation au conflit (e.g.,
Lemaire & Hinault, 2014). La question ici posée par Monti et ses collaborateurs était
de savoir si la diminution avec l’âge de l’effet d’adaptation au conflit est modulée par
les émotions. Les auteurs ont donc comparé cet effet chez les jeunes et les âgés pour la
tâche émotionnelle et la tâche non émotionnelle.
Les effets de congruence (Temps aux items incongruents – Temps aux items congruents),
présentés à la Figure 3.12, ont fait apparaître que les effets d’adaptation au conflit (c.-à-d.,
diminution des effets de congruence après un essai incongruent) étaient présents (a) chez
les jeunes, mais pas chez les personnes âgées, dans la tâche non émotionnelle (b) chez les
jeunes et chez les personnes âgées dans la tâche émotionnelle. Dans la tâche non émotionnelle
(c.-à-d., identification du genre du visage), les effets de congruence étaient plus faibles
60 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

après un item incongruent qu’après un item congruent chez les jeunes, mais plus élevés
chez les personnes âgées. Après un item incongruent, les jeunes se préparaient à gérer
une éventuelle incongruence sur l’essai suivant (c.-à-d., en inhibant l’identification de
l’émotion du visage pour déterminer rapidement le genre du visage). Les âgés n’effec-
tuaient pas cette préparation. En revanche, s’ils avaient à identifier l’émotion du visage,
les âgés faisaient comme les jeunes en se préparant, après un item incongruent, à gérer
l’éventuelle incongruence sur l’essai suivant. Ces résultats relatifs à une dissociation
entre les effets d’adaptation au conflit dans une tâche émotionnelle et dans une tâche
non émotionnelle chez les jeunes et les personnes âgées sont très intéressants. En effet,
le déclin, habituellement observé chez les âgés dans une tâche non émotionnelle, des
mécanismes de contrôle attentionnel, responsables de la modulation séquentielle des
effets de congruence, ne s’observe pas dans une tâche émotionnelle. Tout se passe
comme si le déclin habituellement observé au cours du vieillissement dans les méca-
nismes de contrôle est en fait mobilisable, et mobilisé, par les personnes âgées dès lors
que le traitement porte sur des informations émotionnelles.

120
CE/C CE/I
Effets de congruence (en ms)

100

80

60

40

20

0
Adultes jeunes Adultes âgés Adultes jeunes Adultes âgés
Tâche non émotionnelle Tâche émotionnelle

Figure 3.8
Vieillissement et modulations séquentielles des effets de congruence affective et non
émotionnelle (d’après Monti et al., 2010).
Effets de congruence en ms (Temps incongruents – Temps congruents) sur un essai selon
la congruence à l’essai précédent chez les adultes jeunes et âgés dans une tâche émotionnelle et non
émotionnelle. Les données montrent des effets d’adaptation au conflit chez les jeunes et les âgés
dès lors que la tâche est émotionnelle, mais seulement chez les jeunes quand la tâche est non
émotionnelle. CE/C : effets de congruence à l’item courant suivant un item congruent ; CE/I : effets
de congruence à l’item courant suivant un item incongruent.

2.2. Vieillissement et orientation de l’attention


Les effets d’interférence des émotions négatives sur les performances des jeunes
et des émotions positives sur celles des personnes âgées (e.g., Ebner & Johnson, 2010)
pourraient résulter du fait que les jeunes allouent plus d’attention à des informa-
Émotion et attention : vieillissement ■ 61

tions négatives qu’ils traitent plus profondément, et que les personnes âgées feraient
davantage attention aux informations positives. Pour tester cette hypothèse des biais
attentionnels, les chercheurs ont adopté deux approches. D’une part, ils ont utilisé des
tâches de détection de cible. D’autre part, ils ont recueilli les mouvements oculaires des
participants jeunes et âgés pendant qu’ils regardaient des images positives et négatives.

3.2.1. Évolution avec l’âge des biais attentionnels

Mather et Carstensen (2003) ont été parmi les premiers à comparer les résultats à
une tâche de détection de cible (type Probe Dot Task) chez des jeunes et des âgés, en utili-
sant des stimulus émotionnels (voir aussi Mather et al., 2005). Les auteurs ont montré à
des participants jeunes et âgés 60 paires de visages (un visage avec une expression neutre
et un visage exprimant une émotion, comme la tristesse, la joie ou la colère). Chaque paire
de visages apparaissait pendant 1 seconde. Ensuite, les participants voyaient un point à
l’endroit où était présenté soit le visage neutre soit le visage émotionnel. Les auteurs ont
recueilli les temps de réponse des participants pour indiquer où apparaissait le point
et ont calculé des indicateurs de biais attentionnels avec la formule suivante : (Temps
de réponse au point apparaissant du même côté que le visage émotionnel – Temps de
réponse au point apparaissant du côté du visage neutre). Une valeur de 0 n’indiquait
aucun biais attentionnel (c.-à-d., les participants prêtaient autant attention aux visages
émotionnels qu’aux visages neutres), une valeur positive indiquait un biais attentionnel
en faveur des visages émotionnels (c.-à-d., les participants prêtaient plus attention aux
visages émotionnels, ce qui ralentissait la détection de la cible apparaissant du côté où
avait été présenté le visage émotionnel). Une valeur négative indiquait un biais à accor-
der plus d’attention au visage neutre (et donc à prêter moins attention aux visages émo-
tionnels). Les résultats (Figure 3.9) n’ont fait apparaître aucun biais attentionnel chez les
jeunes et des biais attentionnels chez les âgés. Ces derniers prêtaient davantage attention
aux visages exprimant des émotions positives qu’aux visages neutres (dans les paires
émotions positives-neutres), et davantage attention aux visages neutres qu’aux visages
tristes ou en colère (dans les paires émotions négatives-neutres). En d’autres termes, les
personnes âgées accordaient davantage d’attention aux visages exprimant une émotion
positive et évitaient de prêter attention à ceux exprimant une émotion négative.
Il peut exister des exceptions à ces biais attentionnels négatifs chez les jeunes et posi-
tifs chez les âgés. Par exemple, Mather et Knight (2006) ont montré des collections de
9 visages schématiques. Tous les visages étaient les mêmes dans certaines collections et
un différait des 8 autres dans d’autres collections. Les participants devaient dire le plus
rapidement possible si la collection contenait un visage différent des autres ou non.
Le visage différent pouvait avoir une expression émotionnelle de colère, de joie, ou de
tristesse. Les temps de détection (Figure 3.10) ont fait apparaître que, chez les jeunes
comme chez les âgés, les participants étaient plus rapides à détecter le visage différent
lorsque celui-ci exprimait de la colère que lorsqu’il exprimait de la tristesse. Les parti-
cipants mettaient le plus de temps sur les visages exprimant la joie. Ce résultat montre
donc que (a) le biais de positivité n’est pas nécessairement systématique chez les âgés
(ici, ils prenaient plus de temps sur les visages ayant l’expression émotionnelle positive
de joie), (b) comme chez les jeunes, la menace représentée par l’expression de colère
conduisait les participants âgés à répondre le plus rapidement. Vraisemblablement, la
62 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

détection automatique de la colère, présente chez les jeunes et les âgés, est plus impor-
tante que les biais attentionnels (favorisant le traitement des informations négatives
chez les jeunes et des informations positives chez les âgés), habituellement observés.

15

Émotions positives
10
Émotions négatives
Biais attentionnels

−5

− 10

− 15
Jeunes Âgés

Figure 3.9
Biais attentionnels dans le traitement des visages exprimant des émotions positives ou
négatives chez des jeunes et des âgés (d’après Mather & Carstensen, 2003).
Les jeunes prêtaient autant attention aux visages positifs et négatifs qu’aux visages neutres, tandis
que les personnes âgées prêtaient davantage attention aux visages positifs (biais positifs) et évitaient
de prêter attention (biais négatifs) aux visages négatifs.

940
Colère
890 Tristesse
Temps de réponse (en ms)

Joie
840

790

740

690

640
Jeunes Âgés

Figure 3.10
Temps de réponse à une tâche de détection chez les jeunes et personnes âgées selon l’expression
émotionnelle du visage cible (d’après Mather & Carstensen, 2006).
Chez les jeunes comme chez les personnes âgées, le temps de détection était plus rapide pour les visages
exprimant une émotion négative (la colère), à la différence des biais de positivité habituellement
observés chez les personnes âgées.
Émotion et attention : vieillissement ■ 63

3.2.2. Les biais attentionnels surviennent dès l’encodage

Pour tester l’évolution des biais attentionnels en fonction de l’âge, et déterminer


s’ils avaient lieu à l’encodage des stimulus, les chercheurs ont recueilli les mouvements
oculaires pendant que les participants fixaient du regard des stimulus émotionnels
et  neutres. Ainsi, Isaacowitz et ses collaborateurs (2006a) ont montré 192  paires
de  visages (un visage neutre et un visage émotionnel, ce dernier pouvant être triste
ou gai) à des participants jeunes et âgés. Chaque paire de visages apparaissait pendant
2 secondes. Ensuite, les participants voyaient un point à l’endroit où était présenté le
visage neutre ou le visage émotionnel. Les participants devaient alors indiquer le plus
vite possible où apparaissait le point (à droite ou à gauche de l’écran). Les auteurs ont
recueilli les mouvements oculaires pendant la présentation des paires de visages afin de
savoir si les participants avaient tendance à regarder préférentiellement le visage émo-
tionnel ou le visage neutre. La Figure 3.11 présente les biais attentionnels des jeunes et
des âgés pour les visages neutres, tristes et gais. Ces biais étaient calculés avec la formule
suivante : (Temps de fixation sur le visage émotionnel – Temps de fixation sur le visage
neutre) / (Temps de fixation sur le visage émotionnel + Temps de fixation sur le visage
neutre). Une valeur de 0 indiquait que le participant regardait autant le visage neutre
que le visage émotionnel. Une valeur positive indiquait que les participants regardaient
davantage le visage émotionnel que le visage neutre, et une valeur négative indiquait que
les participants évitaient de regarder le visage émotionnel (au profit du visage neutre).
Les participants âgés regardaient davantage le visage gai que le visage neutre et plus le
visage neutre que le visage triste, tandis que les jeunes n’avaient aucun biais attention-
nel (ils regardaient pratiquement autant les visages neutres et les visages émotionnels).
Ce résultat a été répliqué et étendu à d’autres émotions négatives (colère et peur) par
Isaacowitz et ses collaborateurs (2006b). Comme le montre le panneau de droite sur
la Figure 3.15, les participants âgés avaient tendance à éviter de regarder un visage
exprimant une émotion négative, tandis qu’ils se focalisaient davantage sur le visage
gai. Notons toutefois que, dans le contexte de cette expérience où plusieurs émo-
tions négatives différentes étaient présentes, les participants jeunes avaient un biais
attentionnel pour les émotions négatives : ils avaient tendance à regarder davantage
un visage exprimant de la colère ou de la peur (mais pas de la tristesse) qu’un visage
neutre, et n’avaient pas de biais attentionnel pour les visages gais. De manière géné-
rale, ces données montrent une évolution avec l’âge des biais attentionnels. Les jeunes
focalisent davantage leur attention sur les émotions négatives et les âgés sur les émo-
tions positives (voir Allard & Isaacowitz, 2019, pour des résultats similaires avec des
mesures de dilatation des pupilles).
64 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

0,09
Jeunes Âgés
0,07

0,05
Biais attentionnel

0,03

0,01

− 0,01

− 0,03

− 0,05

− 0,07

− 0,09
Triste Gai

0,08
0,06
0,04
Biais attentionnel

0,02
0
− 0,02
− 0,04
− 0,06
− 0,08
− 0,1
Colère Peur Triste Gai

Figure 3.11
Biais attentionnels chez les jeunes et les personnes âgées lors de la fixation de paires de visages
(d’après Isaacowitz et al., 2006a,b).
Les valeurs positives indiquent que les participants fixaient plus longtemps les visages émotionnels
et les valeurs négatives que les participants fixaient plus longtemps les visages neutres. Les personnes
âgées fixaient plus longtemps les visages gais et moins longtemps les visages exprimant une émotion
négative. Les jeunes fixaient plus longtemps les visages en colère ou effrayés.

3.2.3. Les biais de positivité sont modulés par différents facteurs

Les biais de positivité dans l’attention ont été retrouvés de nombreuses fois (voir
revues et méta-analyses de Carstensen  &  DeLiema, 2018 ; Murphy  &  Isaacowitz,
2008 ; Reed et al., 2014 ; Reed  &  Carstensen, 2012). Ces biais sont modulés par dif-
férents facteurs (Figure  3.16). Par exemple, ils peuvent diminuer ou disparaître en
condition où les participants choisissent eux-mêmes, dans leur environnement, quels
stimulus fixer du regard plutôt que fixer des stimulus imposés par un expérimentateur
Émotion et attention : vieillissement ■ 65

en laboratoire (e.g., Isaacowitz et al., 2015). Ces biais peuvent aussi varier selon l’âge
du visage présenté (Noh et al., 2011), selon la culture (Fung et al., 2008, 2019; Stanley
et al., 2013), ou bien encore selon la stratégie de régulation émotionnelle utilisée (e.g.,
Isaacowitz et al., 2008; Livingstone & Isaacowitz, 2015 ; Ossenfort et al., 2019 ; Wirth
et al., 2017). Par exemple, Sasse et ses collaborateurs (2014) ont trouvé des biais de
positivité plus importants chez les âgés lorsque les participants étaient exposés à des
images de personnes âgées comparativement à des images d’adultes jeunes (a). Fung et
al. (2008) n’ont pas trouvé de biais de positivité chez des habitants à Hong Kong (b).
Ossenfort et ses collaborateurs (2019) ont observé que les participants âgés fixaient
moins les images négatives lorsqu’ils n’avaient pas pour consigne de réguler leurs
émotions relativement aux conditions où ils avaient pour consigne de les réguler,
en utilisant soit une stratégie de réévaluation positive soit une stratégie de détache-
ment (c). Ces biais attentionnels semblent émerger environ 500 millisecondes après la
présentation des stimulus cibles (e.g., Isaacowitz, Allard, et al., 2009). Enfin, l’évolution
avec l’âge de ces biais de positivité semble également interagir avec l’état émotionnel
du participant et la quantité de ressources cognitives disponibles.
Par exemple, en 2008, Isaacowitz et ses collaborateurs (voir aussi Isaacowitz, Toner,
et al., 2009) ont conduit pratiquement la même expérience que celles publiées en
2006, avec une différence importante. Avant de regarder les paires de visages, les
participants devaient essayer de se souvenir d’un événement émotionnel (soit négatif,
soit positif, soit neutre) qui leur était arrivé. Pendant cette réactivation de souvenirs,
les participants entendaient également de la musique émotionnellement congruente
au souvenir évoqué (p. ex., une musique triste était entendue pendant la réactivation
d’un souvenir triste). Cette procédure, dite procédure CMT (ou Continuous Music
Technique), est connue pour induire et maintenir assez efficacement des états émotion-
nels chez les participants. L’autoévaluation de leur propre état émotionnel, réalisée par
les participants, permettait par ailleurs aux expérimentateurs de contrôler l’efficacité
de la procédure d’induction et ainsi de s’assurer de l’état émotionnel (négatif, neutre ou
positif) des participants alors qu’ils fixaient les paires de visages.
(a) Modulation par le groupe de référence
37
Photos personnes âgées
Pourcentages de fixations oculaires

35 Photos personnes jeunes

33

31

29

27

25
Émotions positives Émotions Émotions neutres
négatives
66 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

(b) Modulation par la culture


0,03
Peur
Colère
0,01
Biais attentionnels

− 0,01

− 0,03

− 0,05

− 0,07
Adultes jeunes Adultes âgés

(c) Modulation par les stratégies de régulation


58
Fixations oculairres sur zones négatives

Détachement
56
Évaluation positive
54 Sans stratégie
52

50

48

46

44

42

40
Début Fin

Figure 3.12
Exemples de modulations des biais attentionnels de positivité.
(a) Pourcentages de fixations oculaires chez des participants âgés sur des images émotionnellement
neutres, positives et négatives contenant des participants jeunes et âgés (d’après Sasse et al., 2014),
montrant que les biais de positivité chez les âgés sont plus importants pour des images de personnes
âgées, relatives à soi ou à sa catégorie d’âge, que pour des images de personnes jeunes, relatives
à une autre catégorie d’âge et donc moins proches de soi. (b) Biais attentionnels chez des adultes
jeunes et âgés de Hong Kong (d’après Fung et al., 2008), montrant l’absence de biais positifs
chez les personnes âgées de Hong Kong). (c) Fixations oculaires sur la zone émotionnelle négative
des images (d’après Ossenfort et al., 2018), montrant que les fixations oculaires des personnes
âgées sur des images négatives dépendent des stratégies de régulation émotionnelle).

Comme le montre la Figure 3.13, d’importantes différences liées à l’âge dans les biais
attentionnels étaient observées. En effet, les fixations oculaires faisaient apparaître
de nets effets de congruence affective chez les jeunes. Les jeunes avaient tendance à
fixer davantage les visages exprimant des émotions positives lorsqu’ils étaient en état
Émotion et attention : vieillissement ■ 67

émotionnel positif et davantage les visages exprimant des émotions négatives lorsqu’ils
étaient en état émotionnel négatif. À l’inverse, les âgés avaient tendance à ne pas fixer
les visages négatifs lorsqu’ils étaient dans des états émotionnels négatifs et à fixer
les visages positifs lorsqu’ils étaient dans des états émotionnels positifs. En  accord
avec la théorie de la sélectivité socioémotionnelle, cette évolution avec l’âge des biais
attentionnels pourrait avoir pour origine la poursuite de buts différents. Chez  les
jeunes, l’allocation des ressources attentionnelles aux stimulus de l’environnement est
influencée, voire déterminée par leur état émotionnel. Plutôt que de chercher à régu-
ler leur état émotionnel, ils accorderaient une priorité à rechercher des informations
ou à traiter les informations qui se présentent à eux pour la tâche à accomplir, sans
chercher à y appliquer de filtre, afin vraisemblablement d’être le plus efficace possible.
Chez  les  âgés, cette allocation est davantage influencée par l’état émotionnel visé.
Si l’objectif des personnes âgées est de vivre (initier et rester dans) des états émotion-
nels positifs, alors regarder le visage neutre plutôt que négatif dans un état émotionnel
négatif permet de mieux se désengager d’un état émotionnel négatif. De la même
manière, fixer davantage le visage positif dans un état émotionnel positif permet de
maintenir l’état émotionnel positif. Cette étude est l’une des premières à montrer empi-
riquement que les biais attentionnels en direction (ou en direction inverse) des infor-
mations émotionnelles ont des significations fonctionnelles différentes chez les jeunes
et les âgés (Isaacowitz  &  Choi, 2011, 2012 ; Isaacowitz  &  Harris, 2014 ; Noh  et  al.,
2011 ; Rovenpor et al., 2013 ; Wadlinger & Isaacowitz, 2011).

1
Participants jeunes Participants âgés

0,8

0,6
Biais attentionnels

0,4

0,2

− 0,2
Tristesse + Colère Peur Joie
− 0,4
Negatif Neutre Positif Negatif Neutre Positif

Figure 3.13
Biais attentionnels chez les jeunes et les personnes âgées lors de la fixation de paires de visages
en fonction de l’état émotionnel des participants (d’après Isaacowitz et al., 2008).
Les valeurs positives indiquent que les participants fixaient plus longtemps les visages émotionnels
et les valeurs négatives que les participants fixaient plus longtemps les visages neutres. Les jeunes
avaient tendance à fixer davantage les visages exprimant des émotions positives lorsqu’ils étaient
en état émotionnel positif et davantage les visages exprimant des émotions négatives lorsqu’ils
étaient en état émotionnel négatif. Les personnes âgées avaient tendance à ne pas fixer les visages
négatifs lorsqu’ils étaient dans des états émotionnels négatifs et à fixer les visages positifs lorsqu’ils
étaient dans des états émotionnels positifs.
68 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

La modulation des biais de positivité (ou d’évitement d’émotions négatives) par diffé-
rents paramètres suggère que ces biais ne sont pas automatiques et qu’ils sont contrô-
lés. Une prédiction dérivée de cette hypothèse est qu’ils dépendent des ressources
attentionnelles disponibles. Cette prédiction a été validée par plusieurs travaux
empiriques (Bigand  &  Vieillardd, 2014 ; Isaacowitz, Toner, et  al., 2009 ; Kalenzaga
et al., 2016 ; Knight et al., 2007 ; Mather & Knight, 2005 ; Noh & Isaacowitz, 2015 ;
voir toutefois Allard & Isaacowitz, 2008). Par exemple, Knight et ses collaborateurs
(2007) ont recueilli les fixations oculaires des participants en train de regarder des
paires d’images pendant 6  secondes (l’une était émotionnellement neutre et l’autre
émotionnellement positive ou négative, ou l’une émotionnellement positive et l’autre
émotionnellement négative). Les participants étaient testés en condition d’attention
divisée où, pendant qu’ils regardaient les paires de visages, ils entendaient une suite
de sons. Ils devaient indiquer si les sons avaient changé deux ou trois fois pendant la
série. Dans la condition d’attention non divisée, les participants n’entendaient pas de
son. Les auteurs ont observé que la proportion de fixations sur les images positives
et négatives (par rapport aux images neutres ; ) diminuait en attention divisée par
rapport à la condition d’attention non divisée, sauf chez les âgés pour les images
négatives. Dans ce dernier cas, les âgés augmentaient leur attention aux images néga-
tives dans la condition attention divisée comparativement à la condition attention
non divisée. En d’autres termes, au-delà d’une proportion de fixations oculaires net-
tement plus importante chez les personnes âgées que chez les jeunes pour les images
positives en condition d’attention non divisée, les personnes âgées fixaient davantage
les images négatives en condition d’attention divisée qu’en condition d’attention non
divisée. Ces données sont intéressantes, car elles suggèrent que les biais de positivité
des personnes âgées ne résultent pas de processus automatiques, s’appuient sur
des mécanismes de contrôle attentionnels et surviennent malgré le déclin des méca-
nismes de contrôle exécutif avec l’âge.
En résumé, lorsque les personnes âgées allouent leurs ressources attentionnelles,
elles ont tendance à préférer le faire sur des informations émotionnellement posi-
tives, alors que les jeunes préfèrent les allouer à des informations émotionnellement
négatives. Ces biais de positivité chez les âgés sont modulés par différents para-
mètres de la tâche. L’un des paramètres qui semble avoir une grande importance
concerne les contraintes de la tâche à accomplir. En effet, les biais de positivité
semblent être d’autant plus importants que les personnes âgées allouent elles-mêmes
leurs ressources attentionnelles (voir Murphy & Isaacowitz, 2008 ; Reed et al., 2014,
pour des méta-analyses). Ils semblent plus marqués lorsque les contraintes de la
tâche (p. ex., but fixé par l’expérimentateur) leur laissent toute liberté de choisir sur
quoi porter leur attention (p. ex., regarder des visages sans but précis) que lorsque
les contraintes de la tâche sont relativement importantes (p. ex., regarder un visage
pour évaluer le niveau de confiance qu’il inspire ; Zebrowitz et al., 2017). Ces biais
de positivité qui ne sont pas automatiques ont une signification fonctionnelle impor-
tante puisqu’ils permettent aux personnes âgées d’activer un état émotionnellement
positif, de maintenir un état émotionnellement positif déjà activé et/ou de se désen-
gager d’un état émotionnellement négatif.
Émotions et attention : psychopathologie ■ 69

64
Images positives
Proportions de fixations oculaires

62
Images négatives
60

58

56

54

52

50
Attention Attention Attention Attention
non divisée divisée non divisée divisée

Adultes jeunes Adultes âgés

Figure 3.14
Proportions de fixations oculaires sur les images positives et négatives en condition d’attention
divisée ou non chez les jeunes et les personnes âgées (d’après Knight et al., 2007).
Les biais de positivité chez les personnes âgées et de négativité chez les jeunes ne s’observent
qu’en condition d’attention non divisée, suggérant que ces biais dépendent de la quantité
de ressources disponibles.

3. Émotions et attention : psychopathologie


Tout comme les études sur les différences individuelles et sur le vieillissement
réalisées chez des participants tout-venant, celles conduites en psychopathologie
sur des patients souffrant de différents troubles ont mis en évidence des modu-
lations importantes des biais attentionnels par les émotions (voir Campbell-Sills
et al., 2014 ; Cisler  &  Koster, 2010, pour des revues). Illustrons ces modulations
par la psychopathologie dans les tâches de stroop émotionnel et dans les tâches de
recherche visuelle.

3.1. Psychopathologie et Stroop émotionnel


De nombreuses études ont fait apparaître des modulations des effets Stroop
émotionnels chez des patients atteints de différents troubles (e.g., Martin et al.,
1991 ; Mathews et al., 1995 ; Mathews & MacLeod, 1985 ; Mogg et al., 1989, 1992).
Par exemple, Ehlers et ses collaborateurs (1988) ont testé des patients victimes de
troubles ou d’attaques de panique (forme extrême d’anxiété) et des participants
contrôles. Les participants avaient à indiquer la couleur de l’encre des mots écrits
70 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

sur des cartes. Chaque carte comportait 96 mots, écrits en rouge, bleu, vert ou jaune.
Deux types de mots étaient comparés, des mots reliés à une menace (p. ex., maladie)
et des mots neutres (p.  ex., foi). Les patients avaient besoin de plus de temps pour
dénommer la couleur des mots associés à une menace que celle des mots neutres
( ). Comme chez les individus tout-venant très anxieux, l’attention des  patients
était ici attirée par la lecture des mots menaçants. Les patients devaient alors faire
un effort supplémentaire pour inhiber le traitement de  ces  mots et  se  focaliser
sur la  dénomination de la couleur, ce qui augmentait leurs temps de dénomination.
Leur attention était moins attirée par les mots neutres, qu’ils pouvaient ainsi mieux
s’empêcher de lire, ce qui leur permettait de se focaliser sur couleur de l’encre.

77
Temps de dénomination (en sec.)

Mots menaces

75 Mots neutres

73

71

69

Patients Contrôles

Figure 3.15
Troubles anxieux et attention sélective (d’après Ehlers et al., 1988).
Temps de dénomination de la couleur de l’encre des mots associés à une menace et des mots neutres
par des patients victimes d’attaques de panique et des participants contrôles. Contrairement aux
participants contrôles, les patients prenaient plus de temps pour dénommer la couleur des mots
menaçants que des mots neutres.

La modulation des effets Stroop émotionnels par la psychopathologie peut parfois


être très ciblée sur certaines catégories de mots chez certains patients. Par exemple,
en  1990, Hope et ses collaborateurs ont publié une étude dans laquelle ils ont
comparé les temps de dénomination de la couleur de l’encre des mots chez deux
types de patients, des patients atteints de phobie sociale (peur extrême des situa-
tions dans lesquelles un individu est confronté au regard des autres) et des patients
victimes d’attaques de panique. Les mots pouvaient être des mots neutres pour les
patients (p. ex., rayon), concerner une situation sociale (p. ex., embarras) ou associés
à une menace physique (p.  ex., maladie). Comme le montre la , relativement à des
mots neutres, les patients atteints de phobie sociale avaient besoin de significati-
vement plus de temps pour dénommer la couleur de l’encre des mots concernant
une situation sociale et les patients souffrant d’attaques de paniques pour indiquer
la couleur de l’encre des mots relatifs à une menace physique. En d’autres termes,
les mots reliés spécifiquement à l’objet d’inquiétude ou de souffrance des patients
interféraient davantage avec l’activité de dénomination de la couleur de l’encre des
Émotions et attention : psychopathologie ■ 71

mots. Par le même mécanisme d’inhibition de lecture des mots moins efficace lorsque
ces mots concernaient les préoccupations des patients, cette lecture interférait spé-
cifiquement avec l’activité principale de  dénomination de la couleur de l’encre dans
laquelle ces mots étaient écrits.

94
Menace sociale
92 Contrôle
Temps de dénomination (en s)

90 Menace physique

88

86

84

82

80

78
Phobie sociale Attaque de panique

Figure 3.16
Phobie sociale, troubles anxieux et attention sélective (d’après Hope et al., 1990).
Temps de dénomination de la couleur de l’encre des mots neutres, concernant une situation
sociale et associés à une menace physique par des patients atteints de phobie sociale ou victimes
d’attaque de panique. Les patients atteints de phobie sociale prenaient plus de temps sur les mots
relatifs à une menace sociale, tandis que les patients souffrant d’attaque de panique prenaient plus
de temps sur les mots relatifs à une menace physique.

3.2. Psychopathologie et tâches de recherche visuelle


Le rôle des émotions sur l’engagement et le désengagement attentionnels a été
étudié dans des tâches de recherche visuelle chez des patients présentant différents
tableaux cliniques (Bradley et al., 1997 ; Donaldson et al., 2007 ; Eastwood et al.,
2005 ; Gilboa-Schechtman et al., 1999 ; Gotlib et al., 2004, 2008 ; Hayes et al., 2012 ;
Horenstein & Segui, 1997 ; Joormann & Gotlib, 2007 ; Juth et al., 2005 ; Mathews et al.,
1997 ; Andrew Mathews et al., 1995 ; Mogg et al., 1992 ; Öhman, Flykt, et al., 2001).
Par exemple, Donaldson et al. (2007) ont comparé des patients souffrant de dépression
sévère et des participants contrôles dans une tâche de détection de cible. Les partici-
pants voyaient des paires de mots pendant 500 millisecondes ou 1000 millisecondes.
Trois types de paires de mots étaient testés : des paires comprenant un mot neutre et
un mot positif, un mot neutre et un mot négatif, ou deux mots neutres. Juste après
chaque paire de mots, un point apparaissait sur l’écran. Le participant devait indiquer
l’endroit où était présenté le point. Le point était présenté à la place du mot neutre ou
du mot négatif pour les paires de mots neutre-négatif, à la place du mot neutre ou du
mot positif pour les paires de mots neutre-positif, et à la place de l’un des deux mots
neutres pour les paires de mots neutre-neutre. Le temps d’identification du point était
72 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

recueilli. Pour évaluer si les participants en dépression avaient un biais à fixer le mot
négatif dans les paires de mots neutre-négatif, les auteurs ont calculé un indice de biais
attentionnel de fixation sur le mot négatif. Ce biais de fixation consistait à soustraire
le temps mis par les participants pour détecter le point lorsqu’il était présenté du
côté  du  mot négatif dans les paires de mots négatif-neutre et  lorsqu’il  apparaissait
du  côté du mot neutre (le  même type de biais était calculé pour les paires de mots
neutre-positif). Ainsi, le biais était positif (supérieur à 0) si le temps d’identification du
point était plus long lorsque le point apparaissait à la place du mot négatif que lorsqu’il
apparaissait à la place du mot neutre dans la paire neutre-négatif. Le biais était négatif
(inférieur à 0) dans le cas inverse. Les auteurs n’ont observé aucun biais attentionnel
de fixation chez les participants contrôles, quelles que soient les paires de mots. En
revanche, ils ont observé des biais attentionnels de fixation sur les mots négatifs chez
les patients, lorsque les paires de mots étaient présentées pendant 1 000 millisecondes
(Figure 3.17). Cela signifie que, lorsqu’un mot neutre et un mot négatif apparais-
saient, les patients souffrant de dépression fixaient le mot négatif. Au moment où,
1 000 millisecondes après, le point apparaissait, ils étaient encore en train de traiter
ce mot négatif, ce qui les conduisait à prendre plus de temps pour détecter le point.
Ce temps supplémentaire leur était nécessaire pour se désengager du mot négatif et
s’engager dans la détection du point. De tels biais attentionnels n’existaient pas chez
ces patients pour les paires de mots neutre-positif ou neutre-neutre, ni chez les parti-
cipants contrôles quels que soient les mots présentés (voir Joormann et al., 2007, pour
des résultats similaires).

8 500 ms
Biais attentionnels négatifs

6 1000 ms

−2

−4
Dépression Contrôle

Figure 3.17
Dépression et biais attentionnels (d’après Donaldson et al., 2007).
Biais attentionnels vers les mots négatifs chez des patients en dépression et des participants contrôles
dans une tâche de détection de cible, pour des paires de mots présentées pendant 500 ms ou 1 000 ms.
Les patients en dépression focalisaient leur attention sur les mots négatifs dans les paires de mots
neutres négatifs à 1 000 ms, tandis que les participants contrôle n’avaient pas ce type de biais.

Trippe et ses collaborateurs (2007) ont présenté des séries d’images avec la tech-
nique RSVP (1  image/144  ms) à des participants contrôles et arachnophobes
(patients ayant une peur intense des araignées). Dans chaque série, deux images
Émotions et attention : psychopathologie ■ 73

cibles (séparées par une image) étaient entourées par un cadre noir épais. La première
montrait une image neutre (p.  ex., une table). La seconde image cible était neutre
(p. ex., champignon), émotionnellement positive ou négative (p. ex., bébé, corps mutilé),
un serpent ou une araignée. À la fin de chaque série, les participants devaient dire
ce que montraient les deux images cibles. Les deux groupes de participants étaient
capables d’indiquer ce que la première image cible montrait pour 80 % des images.
En revanche, le taux de réussites à la seconde image était nettement plus faible
(phénomène de clignement attentionnel). Le clignement attentionnel était nettement
réduit pour les images d’araignée chez les participants arachnophobes (Figure 3.18).
Cette réduction était plus importante que la réduction habituellement observée pour
les images cibles émotionnelles, ici présente dans les deux groupes de participants.
Vraisemblablement, l’attention des patients arachnophobes a été plus rapidement
et intensément capturée par les images d’araignée (objet de leur phobie), ce qui les a
conduits à mieux traiter ces images pour les identifier, les retenir et les restituer à la
fin de chaque série d’images.

70
Pourcentages de reconnaissances

Neutres
65
Émotionnels
60 Serpents
Araignées
correctes

55

50

45

40

35
Contrôles Arachnophobes

Figure 3.18
Phobie et clignement attentionnel (d’après Trippe et al., 2007).
Pourcentages de reconnaissances correctes des images cibles neutres, émotionnelles (positives,
négatives), ou montrant des serpents ou des araignées, chez des patients arachnophobes
et des participants contrôles. Les patients faisaient moins d’erreurs pour détecter des araignées,
alors que les participants contrôles faisaient moins d’erreurs sur les images émotionnelles.

En résumé, les travaux conduits chez les patients souffrant de différents troubles
émotionnels (comme les troubles anxieux, la phobie ou la dépression) ont fait appa-
raître des modulations des effets émotionnels sur l’attention. Ainsi, certains biais sont
amplifiés par la psychopathologie (p. ex., l’attention est rapidement capturée chez les
patients phobiques par des stimulus menaçants en lien avec leur phobie). Comme
il est vraisemblable que ces patients approchent les tâches attentionnelles dans des
états émotionnels induits par leur psychopathologie, ces données sont intéressantes
et importantes, car elles renforcent le rôle causal des émotions sur les mécanismes
attentionnels.
74 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

Conclusions
L’un des objectifs des psychologues qui travaillent sur les liens entre les émotions et
l’attention est de déterminer les conditions dans lesquelles les émotions affectent posi-
tivement ou négativement nos capacités attentionnelles, et par là identifier les facteurs
qui modulent ces liens. Les travaux empiriques ont permis d’identifier un certain
nombre de paramètres cruciaux. Ces travaux ont également permis de découvrir que
les effets des émotions sur l’attention peuvent varier d’un individu à l’autre, évoluer
au cours du vieillissement, mais également différer chez les participants contrôles et
les patients atteints de divers troubles. Au-delà des intérêts empiriques, comprendre
ces variations permet de faire des progrès importants au niveau théorique. En effet,
la connaissance de la modulation des biais attentionnels étudiés au chapitre précédent
par les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie débouche
sur une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels les émotions affectent
l’attention. L’amplification ou la diminution des biais attentionnels permet de détermi-
ner comment les états émotionnels des participants, induits par la psychopathologie et
les traits de personnalité, affectent nos mécanismes attentionnels. Les données issues
de l’étude des différences individuelles et de la psychopathologie renforcent l’argument
selon lequel l’état émotionnel des individus, et pas uniquement la valence et l’intensité
émotionnelle des stimulus, entraîne des changements dans la mobilisation de nos res-
sources et mécanismes attentionnels. Les arguments empiriques issus de l’étude du
vieillissement permettent, quant à eux, notamment de comprendre comment, avec le
déclin cognitif lié à l’âge, l’influence des émotions sur l’attention dépend également des
capacités cognitives disponibles, mais aussi comment l’ampleur de ce déclin peut être
modulée par le contexte émotionnel.
Plusieurs phénomènes relatifs aux différences individuelles et à la psychopathologie
montrent que l’émotion vécue (ou l’état émotionnel) au moment du testing influence
l’attention. Par exemple, l’attention sélective n’est pas influencée par les émotions de
la même manière chez des individus anxieux ou chez des patients phobiques et chez
des individus tout-venant. Par exemple, les effets Stroop émotionnels sont amplifiés
chez des individus anxieux (e.g., Richards  &  Millwood, 1989) et chez des patients
victimes d’attaque de panique (e.g., Ehlers et al., 1988) ou de phobie sociale (e.g., Hope
et al., 1990) lorsque le stimulus émotionnel est anxiogène ou menaçant. Par exemple
encore, la détection de cible mesurant la capture attentionnelle peut être plus rapide
chez des anxieux lorsque le stimulus avertisseur désigne une entité menaçante (e.g.,
Georgiou et al., 2005) ou plus lente chez des patients atteints de dépression lorsque
le stimulus avertisseur est émotionnellement négatif (e.g., Donaldson et al., 2007). Par
ailleurs, dans une tâche mesurant le clignement attentionnel, les effets de lag sont
réduits chez des individus anxieux lorsque l’image cible à détecter représente une
entité menaçante (e.g., Fox et al., 2001) et chez des patients phobiques (e.g., Trippe et
al., 2007) lorsque l’image cible représente l’objet de leur phobie (p.  ex., une araignée
pour des arachnophobes).
De la même manière, les travaux en vieillissement ont fait apparaître que l’effet des
émotions sur l’attention varie selon l’âge des participants, si bien que les interactions
Conclusions ■ 75

émotion/cognition dépendent en partie de l’âge des participants. Par exemple, nous


avons vu que les effets Stroop émotionnels subissent moins (voire pas du tout, dans
certaines situations) les effets délétères de l’âge, à la différence des effets stroop cogni-
tifs (e.g., LaMonica et al., 2010), surtout si le stimulus interférent est émotionnellement
positif (e.g., Ebner  &  Johnson, 2010). De la même façon, la gestion séquentielle des
effets d’interférence dans des tâches de conflit (type Stroop) ne subit pas les effets
de l’âge quand le stimulus interférent est émotionnel contrairement à la situation où
ce stimulus est neutre (Monti et al., 2010). Nous avons vu également que la détection
d’une cible subit moins les effets délétères de l’âge lorsque le stimulus avertisseur
est émotionnellement positif par comparaison à un stimulus neutre ou négatif (e.g.,
Mather  &  Carstensen., 2003). Enfin, les données font apparaître que les jeunes ont
des biais de traitement en faveur des informations négatives tandis que les personnes
âgées se focalisent prioritairement sur les informations émotionnellement positives
(e.g., Mather  &  Carstensen, 2003). Ces biais attentionnels surviennent dès la phase
d’encodage des stimulus où les participants orientent leurs ressources attentionnelles
sur divers aspects d’une situation ou des stimulus (e.g., Isaacowitz et al., 2006 a, b). Ces
biais sont plus marqués dans certaines situations (p. ex., lorsque le stimulus positif est
pertinent pour les personnes âgées ; Sasse et al., 2014, ou en cas de congruence affec-
tive ; Isaacowitz et al., 2009b) et moins marqués, voire absents, dans d’autres contextes
(p. ex., en situation d’attention divisée ; Knight et al., 2007).
Les données générales sur les liens émotion-attention, sur les différences individuelles
et sur l’évolution de ces liens avec l’âge, ainsi que celles sur la modification de ces liens
par la psychopathologie convergent pour conclure que les émotions affectent positi-
vement ou négativement toutes les grandes fonctions de l’attention, quelle que soit la
conception qu’on a de ces fonctions (p. ex., orientation, alerte et contrôle ou attention
intrinsèque vs extrinsèque). Par ailleurs, l’effet des émotions sur les mécanismes
attentionnels dépend des paramètres généraux, connus en psychologie cognitive pour
influencer les performances des participants dans diverses tâches. Les caractéris-
tiques des stimulus (p. ex., leur valence et intensité émotionnelles), des situations ou
du contexte (p. ex., attention divisée vs non divisée) et des participants (p. ex., l’âge des
participants, leurs capacités exécutives) modulent l’amplitude des effets des émotions
sur l’attention. Ces effets caractérisent le fait que les mécanismes de l’attention (p. ex.,
inhibition) sont mobilisés de manière différente selon l’état émotionnel du participant.
Par ailleurs, ces effets surviennent par divers mécanismes, comme la capture (ou
l’orientation) attentionnelle, la distraction (ou le filtrage et la sélection des informations
pertinentes), ou bien encore par le freezing (c.-à-d., sous émotion, la mise en œuvre ou
l’exécution de certains mécanismes de traitement sont interrompues ou perturbées).
Les recherches à venir pourront préciser et détailler ces effets des émotions sur
l’attention, ainsi que les modulateurs et les mécanismes responsables de ces effets. Nul
doute qu’au niveau appliqué les progrès de nos connaissances fondamentales seront
utiles non seulement pour aider l’individu tout-venant d’âge et de caractéristiques
individuelles variables à mieux gérer l’impact des émotions sur ses capacités attention-
nelles, mais seront également utiles aux cliniciens travaillant auprès de divers patients
chez lesquels les troubles de l’attention peuvent être encore amplifiés par les facteurs
émotionnels.
76 ■ CHAPITRE 3 – Émotion et attention : différences individuelles, vieillissement…

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir


1. L’attention sélective des individus anxieux est-elle comparable à celles des
individus contrôles non anxieux ? Sinon, en quoi diffère-t-elle ?
2. Les effets Stroop émotionnels évoluent-ils au cours du vieillissement par
comparaison aux effets Stroop cognitif ? Si oui, comment ?
3. Comment se manifestent les effets Stroop émotionnels chez les patients vic-
times d’attaque de panique et chez les patients atteints de phobie sociale ?
4. Décrivez un exemple de résultat montrant que la phobie peut moduler cer-
tains mécanismes de l’attention.
5. Citez au moins trois mécanismes attentionnels affectés par nos émotions ?

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF3

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM3

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC3
CHAPITRE 4

Émotion et mémoire
Dans ce chapitre, la façon dont les émotions affectent la mémoire est présen-
tée pour divers types de stimulus (mots isolés, paires de mots, textes, scènes,
vidéos). Il présente également comment l’effet des émotions peut varier selon
les différents paradigmes utilisés (tâches de rappel libre ou sériel indicé ou
non ; tâches de reconnaissance) et pour les différents mécanismes mnésiques
fondamentaux (encodage, maintien ou consolidation et rappel). De plus,
ce chapitre présente ce que les chercheurs appellent les effets tunnel, de
congruence affective, ainsi que les effets de contexte. Enfin, une section traite
du rôle des émotions sur les faux souvenirs et sur la mémoire des détails. Pour
chacun de ces aspects, la modulation des effets de l’émotion sur la mémoire
par des variables (comme l’intensité, la valence) caractérisant les émotions est
également discutée.

SOMMAIRE

1. Quand les émotions améliorent la mémoire : effets


d’amplification mnésique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78
2. Quand les émotions dégradent et modifient la mémoire . . . . . . . . . . . .86
3. Effets de congruence affective, de dépendance aux contextes
et de tunnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .92
78 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

Les psychologues qui veulent comprendre la mémoire et qui veulent savoir si notre
fonctionnement mnésique est affecté par les émotions se posent au moins trois types
de questions. D’abord, notre mémoire fonctionne-t-elle mieux lorsque nous sommes
heureux que lorsque nous sommes tristes ? Retenons-nous plus facilement et pour plus
longtemps une bonne nouvelle qu’une mauvaise nouvelle ? Ensuite, rappelons-nous
plus d’informations relatives à des événements tristes que relatives à des événements
joyeux ou neutres quand nous sommes tristes, et plus d’informations relatives à des
événements joyeux quand nous sommes joyeux ? Ou le type, la nature et le nombre
d’informations émotionnelles et neutres récupérées n’ont-ils rien à voir avec notre état
émotionnel au moment du rappel ? Enfin, pour retrouver un souvenir lointain d’un
événement vécu dans un certain contexte émotionnel et enfoui très profondément
dans notre mémoire, est-il important de se remettre dans ce contexte émotionnel et
de ré-éprouver ou revivre d’une manière ou d’une autre la même émotion que celle
ressentie au moment où l’événement est arrivé ? Ou, au contraire, est-il tout à fait
possible de retrouver un souvenir sans avoir à réactiver un contexte émotionnel
initial au moment de la recherche en mémoire de ce souvenir ? En d’autres termes, se
replonger dans les émotions ressenties au moment où est survenu un événement de
notre vie aide-t-il à retrouver plus d’informations sur cet événement ? Si oui, quel type
d’informations cela aide-t-il à retrouver, des informations plus détaillées, plus précises
et exactes, ou au contraire des informations plus générales et moins précises, moins
exactes ? Sinon, l’émotion réactivée en nous bloque-t-elle complètement la récupération
d’informations pourtant stockées au moment de l’encodage et conservées dans notre
mémoire ?
Dans ce chapitre, nous présentons les résultats disponibles d’abord sur les effets
bénéfiques des émotions sur la mémoire, puis sur les effets délétères. Ensuite, nous
verrons qu’une information ou un souvenir émotionnel est d’autant mieux rappelé que
la valence émotionnelle de ce souvenir correspond à l’état émotionnel dans lequel nous
sommes au moment de l’encodage et du rappel. Enfin, nous discuterons les effets dits
de dépendance au contexte émotionnel et de Trade-Off mnésique.

1. Quand les émotions améliorent


la mémoire : effets d’amplification
mnésique
L’effet d’amplification mnésique (ou memory enhancement) a été étudié de nom-
breuses fois. Il consiste à observer que la mémoire est meilleure pour des informations
émotionnelles que pour des informations neutres. Cet effet a été obtenu avec des
listes de mots isolés, du matériel sémantiquement plus riche (p. ex., texte), des scènes
visuelles (présentées sous forme de diapositives ou de films), dans des tâches de rappel
et de reconnaissance, avec différents délais entre l’encodage et le rappel, aux diffé-
rentes étapes (encodage, maintien/consolidation et rappel) du traitement mnésique, et
dans divers contextes d’apprentissage (p. ex., intentionnel vs incident).
Quand les émotions améliorent la mémoire : effets d’amplification mnésique ■ 79

1.1. Sur des mots isolés


De nombreuses études ont mis en évidence le phénomène dit d’amplification
mnésique sur la mémorisation de mots isolés. Pour prendre un exemple, Davidson
et ses collaborateurs (2006) ont conduit plusieurs expériences dans lesquelles ils
ont comparé le rappel de mots émotionnels (p. ex., viol) et neutres (p. ex., nourriture).
Dans différentes expériences, les mots étaient présentés à l’oral ou à l’écrit. Les mots
présentés à l’oral étaient prononcés par un homme ou une femme et ceux présentés à
l’écrit étaient écrits en violet ou en orange. Les auteurs ont comparé les performances
des participants pour les mots émotionnels et neutres dans la tâche de rappel des mots
(c.-à-d., les participants devaient rappeler autant de mots que possible) et dans la tâche
de rappel de la source (c.-à-d., les participants devaient dire si les mots étaient présen-
tés par un homme ou une femme pour les mots encodés à l’oral ou si les mots étaient
écrits en violet ou orange, pour les mots présentés à l’écrit).
Les mots émotionnels étaient mieux rappelés que les mots neutres, en présentation
visuelle comme en présentation auditive (Figure 4.1). En revanche, le caractère émo-
tionnel des mots n’a pas influencé le rappel de la source (voix masculine/féminine ;
encre violette/orange). C’est-à-dire que les participants étaient mieux à même de
rappeler les mots émotionnels que les mots neutres, mais pas meilleurs pour dire si
les mots avaient été présentés par une voix d’homme ou de femme ou s’ils avaient
été écrits à l’encre violette ou orange. Les participants avaient donc bien encodé et
rappelé l’information cible (les mots) mais pas l’information contextuelle (voix ou
couleur de l’encre), alors même que la tâche principale à l’encodage, qui n’était pas
présentée aux participants comme une tâche de mémoire, était une tâche portant sur
la valence émotionnelle des mots. Cela ne signifie pas que les participants n’encodent
jamais les informations contextuelles qui accompagnent une information cible émo-
tionnelle. Cela signifie seulement que, dans certains contextes, ils ne le font pas,
vraisemblablement parce qu’ils allouent l’ensemble de leurs ressources de traitement
à l’information cible.
Cette supériorité du rappel des mots émotionnels sur les mots neutres a été observée
de nombreuses fois ; il peut s’avérer d’autant plus important que l’émotion est intense
et d’autant moins important que les ressources en mémoire de travail sont moins dis-
ponibles (e.g., Chapman et al., 2013 ; Colombel, 2000 ; Doerksen & Shimamura, 2001 ;
Gomes et al., 2013 ; Kensinger et al., 2002 ; Kensinger & Kark, 2018 ; LaBar & Phelps,
1998 ; Miendlarzewska et al., 2013 ; Phelps et al., 1997 ; Rubin  &  Friendly, 1986 ;
Talmi & Moscovitch, 2004 ; Tyng et al., 2017).
Ce phénomène d’amplification mnésique peut s’expliquer en partie par le fait que la
valence émotionnelle des mots amène les participants à prêter plus attention à ces
mots et à les traiter plus profondément (et en conséquence à mieux les mémoriser).
À l’appui de cette possibilité, des données ont fait apparaître que l’amplification
mnésique liée à la valence émotionnelle des mots diminue dans des situations où les
ressources en mémoire de travail sont accaparées par une double tâche (e.g., Jenkins et
al., 2005 ; Kensinger & Corkin, 2004 ; Miendlarzewska et al., 2013).
80 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

90
Pourcentages de réponses correctes 80 Mots neutres
Mots émotionnels
70
60
50
40
30
20
10
0
Items Source Items Source
Présentation auditive Présentation visuelle

Figure 4.1
Effets d’amplification mnésique sur des mots isolés (d’après Davidson et al., 2006).
Pourcentages de réponses correctes sur les mots émotionnels et neutres et sur la source en fonction
de la modalité de présentation à l’encodage. En présentation auditive comme en présentation visuelle,
les participants rappelaient plus de mots émotionnels (mais pas la source) que de mots neutres.

Par exemple, Miendlarzewska et ses collaborateurs (2013 ; voir aussi Yeung & Fernandes,


2021) ont observé que l’effet d’amplification mnésique disparaît lorsque les ressources
en mémoire de travail des participants ne peuvent être entièrement allouées à l’enco-
dage des items. Les auteurs ont demandé aux participants d’accomplir une tâche dite
de N-Back. Dans cette tâche, les participants voyaient défiler des lettres une à une sur
un écran d’ordinateur et devaient indiquer si la lettre présentée était la même que
celle présentée immédiatement avant (1-Back) ou la même que celle présentée deux
lettres avant (2-Back). La condition 2 – Back représentait une charge plus élevée en
mémoire de travail que la condition 1 – Back. Sur un quart des items, les participants
voyaient apparaître brièvement (pendant 250 millisecondes) une image qui pouvait
être émotionnellement neutre, négative ou positive. Juste après la tâche de N-Back,
les participants avaient un test surprise de reconnaissance dans lequel ils voyaient
défiler des images (certaines présentées pendant la tâche de N-Back, d’autres non pré-
sentées). Les participants devaient indiquer si chaque image avait été vue pendant la
tâche de N-Back. L’analyse des pourcentages de reconnaissances correctes des images
(Figure  4.2) a montré un effet habituel d’amplification mnésique (c.-à-d., meilleures
performances sur les images émotionnelles que sur les images neutres), mais seulement
en condition de faible charge. Dans la condition de charge plus élevée, l’effet d’amplifi-
cation mnésique avait disparu. Ceci suggère que les ressources mobilisées en mémoire
de travail pour réaliser la tâche N-Back ne pouvaient être autant allouées à l’encodage
des images émotionnelles dans la condition 2 -Back que dans la condition 1 – Back.
Quand les émotions améliorent la mémoire : effets d’amplification mnésique ■ 81

60
Neutre
Pourcentages de reconnaissances correctes

50 Négatif
Positif

40

30

20

10

0
Charge faible Charge élevée

Figure 4.2
Émotion, charge en mémoire de travail et mémoire (d’après Miendlarzewska et al., 2013).
Pourcentages de reconnaissances correctes sur des images émotionnellement neutres, positives
et négatives en condition de charge faible ou élevée en mémoire de travail. L’effet d’amplification
mnésique (meilleures performances pour les items émotionnels que pour les items neutres)
disparaissait en condition de charge élevée.

1.2. Sur la mémorisation des textes et de scènes


émotionnelles
Le meilleur rappel des informations émotionnelles ne concerne pas que des mots
isolés. Il a été également observé lorsque les participants devaient mémoriser des images
(e.g., Blake et al., 2001 ; Bradley et al., 1992 ; Hamann et al., 1997, 1999 ; Kensinger et al.,
2002 ; Ménétrier et al., 2013 ; Palomba et al., 1997)), des récits (Cahill  &  McGaugh,
1995) et des films ou séries de diapositives (e.g., Boshyan et al., 2014 ; Cahill et al., 1996 ;
Christianson  &  Loftus, 1987 ; Guy  &  Cahill, 1999 ; Laney et al., 2004 ; Le Bigot et al.,
2018 ; Martinie et al., 2017). Par exemple, Cahill et McGaugh (1995) ont présenté à
leurs participants une douzaine de diapositives présentant une scène, chacune accompa-
gnée d’un récit présenté à l’oral. Certains des récits et diapositives étaient relativement
neutres, d’autres émotionnels. Au cours de cette étape d’encodage, les participants
n’étaient pas prévenus que, deux semaines plus tard, ils auraient un test de rappel et de
reconnaissance. Ils devaient simplement regarder les diapositives et en écouter le récit
préenregistré, puis les évaluer du point de vue de leur valence émotionnelle, sur une
échelle de 0 (pas du tout émotionnel) à 10 (extrêmement émotionnel). Deux semaines
plus tard, les participants devaient rappeler le plus d’informations possible sur le récit
et la scène présentée sur chaque diapositive. Ensuite, ils avaient une tâche de reconnais-
sance. Dans la tâche de reconnaissance, pour chaque diapositive et récit, les participants
82 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

voyaient 4 informations dont une seulement correspondait à une information présente


soit dans le récit, soit dans la diapositive (ou dans les deux). Ils devaient choisir parmi ces
4 informations laquelle était exacte.

80
Rappels et reconnaissances corrects

70 Neutre Émotionnel

60

50

40

30

20

10

0
Rappel Reconnaissance

Figure 4.3
Effets d’amplification mnésique sur des récits et diapositives (d’après Cahill & McGaugh, 1995).
Pourcentages de rappels et reconnaissances correctes des informations neutres et émotionnelles.
Dans les deux tâches, rappel et reconnaissance, les participants avaient de meilleures performances
sur les informations émotionnelles que sur les informations neutres.

Le nombre de diapositives correctement rappelées et reconnues, ainsi que le nombre


d’informations par diapositive et par récit étaient meilleurs pour les informations émo-
tionnelles que pour les informations neutres (Figure 4.3).
De nombreux travaux ont montré que la supériorité du rappel d’un matériel émotionnel
sur du matériel neutre se généralise au contenu des films. Par exemple, Guy et Cahill
(1999) ont montré à leurs participants deux videos contenant 12 petits films d’environ
2-3 minutes chacun. Ces films contenaient des scènes émotionnelles (p. ex., mutilation
d’animaux) ou neutres (p. ex., procès au tribunal). Les films étaient vus par les partici-
pants en petits groupes. Les participants avaient pour consigne de ne pas parler à d’autres
personnes des films ni avant ni pendant ni après avoir vu les films, dans une condition, et
de parler des films à au moins trois autres personnes dans une autre condition. Les parti-
cipants sont ensuite allés deux fois pendant deux semaines successives voir à chaque fois
une des deux vidéos. La semaine suivante, après avoir visionné les films, les participants
sont revenus au laboratoire avec pour prétexte qu’on allait leur faire visionner d’autres
films. En fait, ils ont eu un test de rappel surprise. Ils devaient rappeler le maximum de
choses dont ils pouvaient se souvenir des 12 films vus la semaine précédente.
Pour les deux conditions de communication (communication autorisée, communica-
tion non autorisée), le nombre de films correctement rappelés était supérieur pour les
films émotionnels que pour les films neutres (voir Figure 4.4). L’absence de différence
entre les conditions de communication autorisées et non autorisées suggère que la
répétition des films émotionnels dans la condition communication autorisée n’est pas
responsable de leur meilleur rappel (voir aussi Harris & Pashler, 2005 ; Hulse, Allan,
Quand les émotions améliorent la mémoire : effets d’amplification mnésique ■ 83

Memon, & Read, 2007). La répétition post-encodage n’est donc pas nécessaire pour un


meilleur rappel des informations émotionnelles.

9
Films émotionnels
8
Films neutres
7
Nombre de films rappelés

0
Communication autorisée Communication non autorisée

Figure 4.4
Effets d’amplification mnésique sur des films (d’après Guy & Cahill, 1999).
Nombre de films neutres et émotionnels correctement rappelés en fonction de la condition
de communication dans laquelle se trouvaient les participants. Dans les deux conditions
de communication, les participants rappelaient plus de films émotionnels que de films neutres.

1.3. Sur la mémorisation du contexte


Enfin, plusieurs données suggèrent que l’effet d’amplification mnésique sur la mémo-
risation concerne non seulement la mémorisation d’informations cibles (comme les mots
d’une liste à apprendre), mais également les informations contextuelles. Par exemple,
Doerksen et Shimamura (2001) ont testé le rôle du contenu émotionnel sur la mémorisa-
tion de mots isolés et d’informations contextuelles dites informations sur la source. Dans
une première phase, les auteurs ont présenté 64 mots à leurs participants. Chaque mot
était présenté soit en bleu, soit en jaune dans une expérience, ou entouré d’un cadre bleu
ou jaune dans deux autres expériences. À l’encodage, les participants devaient lire le mot
et essayer d’en mémorise la couleur. Au bout de 5 minutes, pendant lesquelles les partici-
pants avaient une tâche distractrice (ils résolvaient quelques problèmes mathématiques
simples), les participants étaient invités à rappeler autant de mots que possible parmi les
mots présentés. Ensuite, ils avaient une tâche de rappel de la couleur : chaque mot était
présenté en noir, et les participants devaient indiquer si le mot était écrit en jaune ou en
bleu ou s’il était entouré d’un cadre jaune ou bleu.
Les performances étaient meilleures pour les items émotionnels que pour les items
neutres. En d’autres termes, l’émotion améliore non seulement le rappel d’informations
84 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

cibles (les mots), mais aussi d’informations contextuelles (la source). Il est intéressant
de remarquer que, de temps en temps, l’effet d’amplification mnésique ne s’observe
pas sur la mémorisation et/ou le rappel d’informations contextuelles (e.g., Davidson
et al., 2006), tandis qu’il apparaît dans certaines études, comme ici dans l’étude de
Doerksen et Shimamura (voir aussi MacKay  &  Ahmetzanov, 2005 ; Mather, 2007 ;
Mather & Nesmith, 2008). Il est probable que l’attention des participants dirigée par les
expérimentateurs vers l’information contextuelle (c.-à-d., les participants avaient pour
consigne explicite de traiter la couleur de l’encre dans laquelle les mots étaient présen-
tés ou du cadre autour des mots) soit le facteur critique pour l’apparition ou non des
effets d’amplification mnésique sur la mémorisation de la source. Cette mémorisation du
contexte bénéficiera de l’émotion contenue par l’information cible lorsque le participant
a pour but explicite de traiter l’information contextuelle et n’en bénéficiera pas si la tâche
ne requiert pas que le participant focalise son attention sur l’information contextuelle.

60
de rappels/reconnaissances corrects

50 Neutre Émotionnel

40
Pourcentages

30

20

10

0
Mémoire d’items Mémoire de source

Figure 4.5
Effets d’amplification mnésique sur des informations contextuelles
(d’après Doerksen & Shimamura, 2001).
Pourcentages de rappels corrects des mots cibles et des informations contextuelles (source).
La mémorisation d’informations cibles et contextuelles était meilleure pour les informations
émotionnelles.

1.4. Effets d’amplification mnésique et rappel différé


Certaines données font également apparaître que les émotions facilitent le rappel ou
la reconnaissance différée des informations. En effet, au cours du temps, nous oublions
beaucoup moins et beaucoup moins vite les informations émotionnelles que les informa-
tions neutres (e.g., Davidson et al., 2006 ; Dolcos et al., 2005 ; Kleinsmith & Kaplan, 1963 ;
LaBar & Cabeza, 2006 ; LaBar & Phelps, 1998 ; Ochsner et al., 2004 ; Yonelinas & Ritchey,
2015). Par exemple, dans l’expérience de Sharot et Phelps (2004), les participants voyaient
16 mots cibles, chacun présenté pendant 250 millisecondes au centre d’un écran d’ordina-
teur. Ces mots étaient soit neutres, soit émotionnels. Pour chaque mot cible, les participants
devaient évaluer, selon eux, la fréquence du mot dans la langue sur une échelle de 1 (rare)
à 5 (fréquent). En même temps que chaque mot cible, apparaissait en périphérie (à environ
Quand les émotions améliorent la mémoire : effets d’amplification mnésique ■ 85

5 cm), un autre mot qui était soit un mot émotionnel, soit un mot neutre. Ensuite, soit
3 minutes, soit 24 heures après l’encodage, les participants avaient un test de reconnais-
sance surprise. Ils voyaient 64 paires de mots, dont un était un mot présenté pendant l’enco-
dage (soit au centre de l’écran, soit en périphérie) et l’autre un mot nouveau. Les participants
devaient indiquer lequel des deux mots était ancien. Dans une autre expérience, les auteurs
ont utilisé exactement la même procédure, sauf que les participants voyaient à l’encodage,
en plus du mot neutre au centre, deux mots en périphérie, l’un neutre et l’autre émotionnel.
Les taux de reconnaissance pour les mots présentés au centre étaient très élevés (supé-
rieurs à 96 %), ce qui indique que les participants ont bien prêté attention à la tâche
principale d’évaluation de la fréquence dans la langue de ces mots présentés au centre. Les
mêmes résultats sont apparus dans la condition où un seul mot était présenté en périphérie
et dans la condition où deux mots étaient affichés, et quand les mots présentés au centre
étaient des mots neutres et des mots émotionnels (Figure 4.6). La différence dans les taux
de reconnaissance correcte entre les mots neutres et émotionnels n’était pas la même dans
la reconnaissance immédiate et différée. Les participants retenaient autant les mots neutres
que de mots émotionnels lors de la tâche de reconnaissance immédiate. En revanche, lors
de la reconnaissance différée, les participants avaient mieux retenu les mots émotionnels.
Ceci suggère qu’après l’encodage, l’oubli des mots neutres est plus rapide que celui des mots
émotionnels. Tout se passe comme si l’émotion permet de maintenir (ou d’oublier moins
vite) l’information. Notons que cet effet du délai est observé pour des délais entre encodage
et rappel nettement plus longs que 24 heures : Dolcos et ses collaborateurs (2005), par
exemple, ont observé les mêmes effets un an après l’encodage.

80
Neutres Émotionnels
75
Pourcentages de reconnaissances correctes

70

65

60

55

50

45

40
Immédiat Différé Immédiat Différé Immédiat Différé

Un seul mot neutre Un seul mot émotionnel Deux mots périphériques


périphérique périphérique

Figure 4.6
Effets d’amplification mnésique en reconnaissance immédiate et différée
(d’après Sharot & Phelps, 2004).
Pourcentages de reconnaissances correctes des mots neutres et émotionnels présentés en périphérie,
lors d’une épreuve de reconnaissance immédiate ou différée, quand les participants voyaient un seul
mot (neutre ou émotionnel) ou deux (un neutre et un émotionnel) en périphérie. La reconnaissance
différée, mais pas immédiate était meilleure pour les mots émotionnels.
86 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

Notons que les émotions ne sont pas systématiquement associées à un maintien plus
long des informations en mémoire. Au cours du temps, nous pouvons oublier de plus
en plus de détails d’une information ou d’un événement émotionnel. Par exemple,
Talarico et Rubin (2003) ont demandé à des étudiants le 12 septembre 2001 (c.-à-d., le
lendemain des attentats à New York) de noter tout ce dont ils pouvaient se souvenir,
et avec le plus de détails possible, du moment où ils ont appris les attentats (où et avec
qui ils étaient, ce qu’ils faisaient, etc.). Par ailleurs, les chercheurs ont demandé à leurs
participants de décrire un événement anodin qu’ils avaient vécu le jour des attentats.
Les auteurs ont ensuite demandé aux participants de revenir au laboratoire et de
décrire ces deux événements avec autant de détails que possible 1, 7 et 42 semaines
après. Pour chaque souvenir rapporté, les participants devaient également donner un
jugement de confiance relatif à l’exactitude de leurs souvenirs sur une échelle allant de
« je ne suis pas sûr du tout de l’exactitude de ce souvenir » à « je suis très confiant dans
l’exactitude de ce souvenir ». Plus le temps passait, plus le nombre de détails diminuait,
et ceci autant pour les souvenirs de l’événement anodin que pour les souvenirs asso-
ciés aux attentats. Ceci montre que les émotions ne sont pas toujours systématique-
ment associées à un maintien plus important des informations, dans le sens où comme
pour d’autres événements, les détails qui accompagnent nos souvenirs émotionnels
peuvent décliner avec le temps. Par ailleurs, les auteurs ont observé que la confiance
dans les souvenirs rappelés diminuait avec le temps pour l’événement anodin, mais
restaient relativement stables pour les souvenirs qui se rapportaient aux attentats.
Tout se passait comme si les émotions n’avaient pas nécessairement rendu le maintien
des informations en mémoire meilleur, mais avait entraîné les participants à conserver
une très grande confiance dans l’exactitude des souvenirs rappelés.
En résumé, les données font apparaître que du matériel émotionnel est mieux mémorisé
et mieux rappelé que du matériel neutre, que ce matériel soit simple (comme des mots
isolés) ou sémantiquement plus riche (comme des scènes ou des films). Par ailleurs, le
matériel émotionnel résiste mieux à l’oubli, puisqu’avec le temps, nous nous rappelons
plus facilement des informations émotionnelles que des informations neutres. Cette amé-
lioration des performances mnésiques pour des informations émotionnelles tient vrai-
semblablement au caractère plus saillant du matériel émotionnel comparé au matériel
neutre, attirant alors davantage l’attention des participants qui le traitent plus profondé-
ment à l’encodage, le réactivent plus fréquemment et avec plus de détail pendant la phase
de consolidation/maintien et utilisent davantage d’indices au moment de la récupération.

2. Quand les émotions dégradent


et modifient la mémoire

2.1. Effets de dégradation mnésique


Les émotions améliorent les performances mnésiques dans de nombreuses situa-
tions. Elles peuvent aussi les diminuer. Plusieurs études ont mis en évidence des effets
délétères des émotions sur les performances mnésiques.
Quand les émotions dégradent et modifient la mémoire ■ 87

Par exemple, Kuhlmann et ses collaborateurs (2005) ont rapporté une étude où les
émotions produites par le stress ont entraîné un déclin des performances mnésiques
des participants. Dans leur expérience, les participants sont venus deux jours au
laboratoire. Le premier jour, l’expérimentateur leur a présenté une liste de 30 mots
(10 neutres, 10 positifs, 10 négatifs) sur une feuille. Les participants avaient deux
minutes pour en apprendre le plus possible. Ensuite, ils devaient rappeler le plus de
mots possible. Cette procédure a été renouvelée une deuxième fois pour augmenter
l’apprentissage. Le lendemain, les participants sont revenus au laboratoire et ont été
aléatoirement affectés dans une condition avec stress ou dans une condition contrôle
(sans stress). Dans la condition avec stress, les participants devaient d’abord préparer,
pendant 2 minutes, un discours pour un entretien d’embauche au cours duquel il fallait
mettre en avant ses qualités personnelles. Ensuite, les participants devaient donner ce
discours pendant 5 minutes devant deux évaluateurs (embaucheurs potentiels) vêtus
d’une blouse blanche. Ils étaient filmés pendant ce discours. Enfin, pendant 5 minutes,
ils devaient compter à rebours par pas de 17 à partir de 2043. Cette procédure, appe-
lée « Trier Social Stress Test » (Kirschbaum et al., 1993) est connue pour provoquer un
stress important, telle que mesurée par une augmentation du taux de cortisol, ce qui a
été le cas pour les participants testés dans la condition avec stress. Dans la condition
contrôle, le discours consistait à raconter un film ; il n’était pas donné devant deux éva-
luateurs en blouse blanche, et il n’était pas filmé. Après le discours, les participants des
deux conditions devaient rappeler les mots appris la veille et dont ils se souvenaient.
Les taux de rappel correct le premier jour, juste après l’encodage, étaient comparables
dans les deux groupes, celui qui le lendemain allait être testé en condition de stress
et celui qui allait être testé en condition contrôle (les deux groupes ont rappelé en
moyenne 18 mots sur les 30 présentés). Les auteurs ont comparé les pourcentages de
mots correctement rappelés le lendemain après avoir passé la condition avec stress
ou contrôle (Figure 4.7). Les participants rappelaient plus de mots dans la condition
contrôle que dans la condition stress, sauf pour les mots neutres. Cette différence
entre les deux conditions était la plus importante pour les mots négatifs. Les effets
délétères du stress sur les performances mnésiques sont robustes. Ils ont été maintes
fois rapportés dans différents contextes expérimentaux et surviennent sur l’ensemble
des mécanismes mnésiques, depuis les mécanismes d’encodage et maintien jusqu’aux
mécanismes de récupération, en laboratoire comme à l’extérieur du laboratoire (e.g.,
Buchanan & Lovallo, 2001 ; Cahill et al., 2003 ; Deffenbacher et al., 2004 ; Edelstein,
2006 ; Het et al., 2005 ; Morgan et al., 2004 ; Payne et al., 2006; Raes et al., 2006;.
Richards  &  Gross, 2000, 2006 ; Roozendaal, 2002 ; Roozendaal et al., 2006 ; Talmi
et al., 2018).
88 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

80
Pourcenages de rappels corrects
Contrôle Stress
70

60

50

40

30
Neutres Négatifs Positifs

Figure 4.7
Effets délétères du stress sur le rappel (d’après Kuhlmann et al., 2005).
Taux de rappel correct des mots neutres, négatifs et positifs en conditions de stress et contrôle.
Les participants rappelaient moins de mots négatifs et positifs en condition de stress qu’en condition
contrôle (mais autant de mots neutres).

Notons que les effets délétères du stress sur les performances mnésiques sont obser-
vés dans des tâches de rappel moins coûteuses en ressources cognitives, comme les
tâches de reconnaissance et pas uniquement quand le stress est induit au moment
du rappel. Par exemple, dans l’étude de Payne et de ses collaborateurs (2006), les
participants voyaient 12 diapositives. Chaque diapositive était présentée pendant
6  secondes et accompagnée d’un récit. Le récit de l’ensemble des douze diapositives
formait une  histoire. L’histoire était celle d’une mère conduisant son jeune fils vers
son père. Les quatre premières et les cinq dernières diapositives montraient des
images neutres, et le récit accompagnant était neutre. Les trois diapositives du milieu
montraient des  images émotionnelles et étaient accompagnées d’informations émo-
tionnelles (la mère et l’enfant ont eu un grave accident de voiture ; l’enfant doit subir
une opération à cœur ouvert pour être sauvé). Les participants étaient testés soit en
condition avec stress, soit en condition contrôle, sans stress. Dans la condition avec
stress (induit par la procédure du Trier Social Stress Test), avant de visionner les diapo-
sitives, ils devaient donner un discours devant un miroir sans tain, derrière lequel se
trouvaient trois évaluateurs qui allaient leur donner une note sur la qualité de leur dis-
cours. Les participants se croyaient filmés pendant leur discours. Ils devaient ensuite
effectuer une tâche difficile de calcul mental pendant 5 minutes. Les participants de la
condition contrôle devaient simplement rester assis pendant la même durée (environ
20 minutes) à écouter une musique relaxante. Soit immédiatement après l’encodage,
soit une semaine après, les participants avaient une épreuve de rappel libre et une
épreuve de reconnaissance. Dans l’épreuve de rappel libre, ils devaient rappeler le plus
possible d’informations relatives à chaque diapositive (et au récit qui l’accompagnait).
Dans l’épreuve de reconnaissance, ils avaient 137 questions sur des éléments présents
et absents des diapositives et récits. Ils devaient dire si oui ou non les éléments men-
tionnés dans chaque question étaient présents dans les diapositives ou les récits.
Quand les émotions dégradent et modifient la mémoire ■ 89

80
Pourcentages de reconnaissances correctes

Neutres
70
Émotionnelles
60
50
40
30
20
10
0
Stress Contrôle Stress Contrôle
Reconnaissance immédiate Reconnaissance différée

Figure 4.8
Effets délétères du stress en reconnaissance (d’après Payne et al., 2006).
Pourcentages de reconnaissances correctes immédiates et différées pour des informations émotionnelles
et neutres dans les conditions avec stress et contrôle. Aussi bien immédiatement qu’une semaine après,
le stress à l’encodage a eu un effet délétère sur la reconnaissance d’informations neutres.

Sur la Figure 4.8, apparaissent les performances des participants à la tâche de reconnais-
sance. Au-delà des meilleurs taux de reconnaissance pour les informations émotionnelles,
il est intéressant d’observer que le stress a entraîné une diminution des performances sur
les informations neutres aussi bien immédiatement après l’encodage qu’une semaine après.
Les effets du stress étaient absents sur les informations émotionnelles (aucune différence
dans les taux de reconnaissances correctes entre les conditions avec et sans stress), comme
si le stress n’avait pas perturbé l’encodage d’informations émotionnelles contrairement aux
informations neutres. Vraisemblablement, la saillance des informations émotionnelles a
suffisamment attiré l’attention du participant pour un encodage plus profond et, en consé-
quence, un meilleur rappel immédiat et différé, même dans un état de stress à l’encodage.
En résumé, les données ont fait apparaître que les émotions améliorent nos performances
mnésiques de temps en temps et les dégradent à d’autres moments. La plupart des travaux
ayant montré une amélioration ont étudié le rôle des émotions par la valence émotionnelle
des informations à mémoriser ou à rappeler, tandis que ceux ayant montré une dégrada-
tion ont manipulé l’état émotionnel du participant. La question est alors de savoir ce qui
se passe pour les performances mnésiques lorsque l’état émotionnel du participant et la
valence émotionnelle du matériel sont étudiés conjointement, soit de manière congruente
(p. ex., mémorisation d’informations tristes dans un état de tristesse), soit de manière non
congruente (p. ex., mémorisation d’informations tristes dans un état gai).

2.2. Émotion et faux souvenirs


Une des caractéristiques fondamentales de la mémoire, connue depuis longtemps, est
qu’elle n’est pas infaillible. Bien souvent, en effet, nous oublions une information cruciale,
avons des difficultés à récupérer une information recherchée, retrouvons une information
90 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

alors que nous en cherchons une autre, mélangeons les sources d’une même information,
ou bien encore rappelons de faux souvenirs. Les faux souvenirs correspondent au souve-
nir d’événements qui ne nous sont pas arrivés. Pour déterminer si les émotions peuvent
modifier certains de nos souvenirs et plus particulièrement affecter la production de faux
souvenirs, plusieurs méthodes ont été utilisées par les chercheurs (voir Kaplan et al., 2016,
pour une revue). En laboratoire, l’une d’entre elles est la procédure dite DRM (encore
appelée « paradigme DRM », Deese-Roediger-McDermott ; Roediger & McDermott, 1995).
Dans ce paradigme (voir Pardilla-Delgado & Payne, 2017, pour une revue), les participants
voient des listes de mots reliés par un thème (p. ex., lit, repos, fatigué, rêve, profond, paisible,
etc., reliés au thème « sommeil »). Le thème (c.-à-d., le mot sommeil) n’est pas présenté. Après
un délai variable, pendant lequel les participants ont ou non une activité distractrice, les
participants ont une épreuve de rappel (ils doivent rappeler le plus de mots possible) ou
de reconnaissance (ils doivent dire, pour chaque mot présenté, s’il faisait partie ou non de
la liste de mots appris précédemment). Les faux souvenirs sont caractérisés par le rappel
des mots non présentés, mais reliés aux mots des listes de mots appris (tâche de rappel)
ou par la tendance à dire « oui, ce mot faisait partie de la liste des mots appris » (tâche de
reconnaissance), même si ces mots reliés n’en faisaient pas partie. Les participants sont
même souvent certains que le mot non présenté faisait partie des mots de la liste. Pour
déterminer si les émotions affectent la création de faux souvenirs, les chercheurs ont uti-
lisé le paradigme DRM et manipulé la valence émotionnelle des mots à apprendre.

90

80 Cibles Distracteurs reliés


Pourcentages de réponses « Oui »

70

60

50

40

30

20

10

0
Négative Neutre Positive
Figure 4.9
Émotion et faux souvenirs (d’après Brainerd et al., 2008).
Pourcentages de réponses « oui le mot faisait partie des mots présentés » sur les mots cibles
et les distracteurs reliés pour les mots appris à valence négative, neutre et positive.

Par exemple, Brainerd et ses collaborateurs (2008) ont donné à leurs participants des
listes de mots à apprendre. Le mot représentant le thème de la liste n’était pas présenté.
Les mots de la liste avaient une valence émotionnelle négative, neutre ou positive. Lors de
la tâche de reconnaissance, les participants voyaient deux types de mots en plus des mots
cibles présentés précédemment : des distracteurs reliés (c.-à-d., des mots non vus, mais
Quand les émotions dégradent et modifient la mémoire ■ 91

qui avaient la même signification que les mots vus) et des distracteurs non reliés (c.-à-d.,
des mots non vus et n’ayant pas la même signification que les mots vus). Pour chaque
mot présenté à la tâche de reconnaissance, les participants devaient répondre par « oui »
ou « non » à trois questions : (a) question appelée « verbatim » (ce mot faisait-il partie de
la liste des mots vus précédemment ?), (b) question appelée « gist » (ce mot n’a pas été
vu précédemment, mais il avait le même sens que les mots vus ?) et (c) question appelée
« verbatim+gist » (ce mot était un mot vu précédemment ou un mot non vu, mais ayant le
même sens que les mots vus ?). Les faux souvenirs étaient évalués par la réponse que les
participants donnaient aux distracteurs reliés (c.-à-d., réponse « oui » à la question verba-
tim). Les résultats étaient comparables pour les listes de mots présentés à l’écrit et à l’oral.
Les données à la Figure 4.9 font apparaître les pourcentages moyens de mots (à l’écrit et à
l’oral ensemble), en tâche de reconnaissance, que les participants ont correctement recon-
nus (les cibles) et pour lesquels ils ont réalisé de fausses reconnaissances (distracteurs
reliés à propos desquels les participants ont répondu « oui, ils faisaient partie de la liste de
mots présentés »). Les participants reconnaissaient mieux les mots cibles préalablement
présentés lorsque ces mots avaient une valence émotionnelle négative que lorsqu’ils
étaient neutres et reconnaissaient les mots positifs le moins souvent. Par ailleurs, concer-
nant les distracteurs reliés, ils avaient plus tendance à reconnaître (de manière erronée) ces
distracteurs reliés aux mots appris quand ces mots appris avaient une valence émotion-
nelle négative que quand ils avaient une valence neutre, les mots à valence émotionnelle
positive entraînant le moins de faux souvenirs (les auteurs ont confirmé ces résultats par
une analyse de détection du signal pour contrôler les biais de réponse). En d’autres termes,
les émotions ont affecté les taux de reconnaissance correcte et les faux souvenirs. L’effet
des émotions était même plus important sur les faux souvenirs négatifs que sur les vrais
souvenirs. Enfin, les vrais souvenirs étaient plus nombreux que les faux souvenirs pour
les mots neutres et positifs, mais moins nombreux pour les mots négatifs.
Des modélisations mathématiques (multinomiales) de leurs données ont permis aux
auteurs de comprendre que deux mécanismes clés sont responsables de l’augmentation
des faux souvenirs sous l’effet des émotions négatives. D’une part, les émotions négatives
entraînent une augmentation en mémoire du sentiment de familiarité pour des items non
encodés du fait que les faux souvenirs apparaissent similaires aux vrais souvenirs néga-
tifs. En d’autres termes, une information proche d’un souvenir émotionnellement négatif
conduit le participant à répondre « oui, ce mot a été vu précédemment ». Par ailleurs, les
participants s’appuient moins sur des traces mnésiques verbatim (précises et distinctes) de
souvenirs négatifs lorsqu’ils jugent une information nouvelle proche du souvenir négatif,
ce qui les rend moins aptes à discriminer entre souvenir stocké et information nouvelle.
Au contraire, les faux souvenirs proches d’événements positifs ou neutres stockés en
mémoire sont moins nombreux, vraisemblablement car les participants s’appuient davan-
tage sur des traces mnésiques précises, verbatim, d’un souvenir positif ou neutre pour éva-
luer si une information nouvelle est nouvelle ou ancienne. Cette récupération des traces
mnésiques verbatim des événements positifs stockés en mémoire permet au système
cognitif de mieux faire la différence entre souvenirs stockés et informations nouvelles.
En conclusion, cette étude met bien en relief la plus grande sensibilité des souvenirs
émotionnels, en particulier les souvenirs négatifs, à produire de faux souvenirs. Même
si certaines études n’ont pas observé une augmentation des faux souvenirs émotionnels
92 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

(e.g., Kensinger & Corkin, 2004 ; Pesta et al., 2001), cette augmentation a été retrouvée
dans de nombreuses recherches (e.g., Brainerd et al., 2010 ; Brueckner & Moritz, 2009 ;
Budson et al., 2006 ; Chang et al., 2020 ; Dehon et al., 2010 ; Gaigg  &  Bowler, 2009 ;
Gallo et al., 2009 ; Kersten et al., 2021 ; Piguet et al., 2008 ; Sharkawy et al., 2008).
Notons que, dans une série d’expériences, Bookbinder et Brainerd (2016, 2017 ; voir aussi
Brainerd & Bookbinder, 2019) ont trouvé que les faux souvenirs étaient bien influencés
par la valence (et non l’intensité) émotionnelle des informations ou événements stockés.

3. Effets de congruence affective,


de dépendance aux contextes et de tunnel
3.1. Effets de congruence affective
Rappelons-nous plus d’informations relatives à des événements tristes que d’infor-
mations joyeuses lorsque nous sommes tristes et l’inverse quand nous sommes joyeux ?
De nombreuses recherches ont essayé de répondre à cette question. C’est une question
importante, car si la réponse était positive, cela signifierait que les émotions affectent
notre mémoire, comme nous l’avons vu, mais pas toujours, pas systématiquement, et sur-
tout pour l’encodage, le maintien et le rappel de certaines informations, mais pas toutes.
Autrement dit, l’encodage, le maintien et le rappel des informations, lorsque nous ressen-
tons des émotions, dépendraient de la valence émotionnelle des informations et du type
d’émotion que nous ressentons au moment où nous mobilisons ces processus mnésiques.
C’est en réalité exactement ce qu’ont trouvé les chercheurs. Ils ont mis en évidence ce
qu’ils ont appelé des « effets de congruence affective », qui sont analogues aux effets de
congruence affective vus aux chapitres précédents dans le domaine de l’attention.
Selon les effets de congruence affective, la congruence entre l’émotion ressentie par
le participant et l’émotion véhiculée par le matériel à mémoriser, à maintenir ou à
rappeler entraîne une amélioration des performances. Ainsi, un participant rappelle
plus d’informations positives dans un état émotionnel positif et plus d’informations
négatives dans un état émotionnel négatif. Ces effets de congruence affective sont très
importants, relativement robustes, bien que modulés par plusieurs paramètres. Ils ont
été observés de nombreuses fois dans différents contextes et différentes tâches de
mémoire (e.g., Bower, 1981, 1991 ; Bower et al., 1981 ; Bullington, 1990 ; Clark et al.,
1983 ; Ehrlichman & Halpern, 1988 ; Eich et al., 1994 ; Eich et al., 1975 ; Fiedler et al.,
1986 ; Fiedler  &  Stroehm, 1986 ; Forgas, 1995 ; Forgas et al., 1988 ; Forgas  &  Bower,
1987 ; Hartlage et al., 1993 ; Hills et al., 2011 ; Isen et al., 1978 ; Josephson et al., 1996 ;
Kihlstrom et al., 2000 ; Laird et al., 1989 ; Maccallum et al., 2000 ; Madigan & Bollenbach,
1982 ; Mayer et al., 1995 ; Miranda  &  Kihlstrom, 2005 ; Natale  &  Hantas, 1982 ;
Parrott & Sabini, 1990 ; Salovey & Singer, 1989 ; Snyder & White, 1982).
Par exemple, dans l’une des toutes premières série d’expériences sur les effets de
congruence affective, Bower et ses collaborateurs (1978 ; 1981) ont demandé aux
participants de tenir un journal quotidien dans lequel ils devaient noter tous les événe-
ments émotionnels vécus chaque jour pendant cette période et évaluer sur une échelle
Effets de congruence affective, de dépendance aux contextes et de tunnel ■ 93

d’intensité allant de 1 (peu intense) à 10 (très intense) chacun de ces événements.


Une  semaine plus tard, les participants sont revenus au laboratoire et, par hypnose,
étaient mis dans un état émotionnel positif ou négatif. Ils devaient alors essayer de rap-
peler le plus d’événements consignés dans leur journal quotidien. Les participants rap-
pelaient plus d’événements tristes dans un état émotionnel triste et plus d’événements
joyeux dans un état émotionnel joyeux (Figure 4.10). Dans cette première expérience,
Bower et ses collaborateurs ont donc montré que l’état émotionnel dans lequel nous nous
trouvons pour rappeler des informations influence ce rappel.
Bower et ses collaborateurs ont fait une autre expérience où ils ont trouvé que l’état
émotionnel à l’encodage influence également les informations stockées. Ils ont demandé
à leurs participants de rapporter des souvenirs anciens (correspondant à des événe-
ments survenus avant l’âge de 15 ans) dans un état émotionnel joyeux ou triste (là
aussi induits par hypnose). Les données ont révélé un effet de congruence affective : les
participants rappelaient davantage de souvenirs anciens agréables dans un état émo-
tionnel positif et de souvenirs anciens désagréables dans un état émotionnel négatif.
Dans une autre série d’études, Bower et ses collaborateurs (1981) ont montré que les effets
de congruence affective surviennent en mémoire épisodique et pas uniquement en mémoire
autobiographique. Les auteurs ont mis, par hypnose, leurs participants dans un état joyeux
ou triste avant de leur faire lire un texte présentant deux individus qui se retrouvent pour
jouer au tennis. L’un des deux était décrit comme quelqu’un de triste et l’autre comme
quelqu’un de joyeux. Le jour suivant cette phase d’encodage, les auteurs ont demandé
à leurs participants de rappeler le plus d’informations possible dont ils se souvenaient
concernant les textes lus la veille. Là encore, les participants ayant lu le texte dans un état
émotionnel joyeux rappelaient plus d’informations positives et ceux ayant lu le texte dans
un état émotionnel triste rappelaient plus d’informations négatives (Figure 4.10).

90 Événements positifs
80 Événements négatifs
Pourcentages de rappels

70
60
50
40
30
20
10
Émotion positive Émotion négative Émotion positive Émotion négative
Souvenirs autobiographiques Souvenirs épisodiques

Figure 4.10
Effets de congruence affective (d’après Bower et al., 1978 ; 1981).
Pourcentages d’événements positifs et négatifs autobiographiques (à gauche) et épisodiques
(à droite) rappelés par des participants en état émotionnel positif ou négatif. Dans les deux cas,
les participants rappellent plus d’événements positifs dans un état émotionnel positif et plus
d’événements négatifs dans un état émotionnel négatif.
94 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

Les effets de congruence affective sont intéressants, car ils suggèrent deux choses.
D’abord, notre mémoire dépend de notre état émotionnel, mais aussi de la valence
émotionnelle du matériel. Séparément, ces deux facteurs influencent notre fonction-
nement mnésique. Ensuite, et de manière plus importante, l’influence de nos émotions,
mais aussi de la valence émotionnelle des informations encodées et rappelées sur notre
mémoire dépend de la congruence entre notre état émotionnel et la valence émotion-
nelle du matériel à mémoriser ou à rappeler. Lorsque nous éprouvons des émotions,
nous allons davantage stocker et récupérer des informations en lien avec les émotions
éprouvées. Lorsque nous cherchons à récupérer des informations en mémoire, la
récupération ou la non-récupération des informations recherchées va dépendre de
notre état émotionnel. En d’autres termes, quand nous sommes tristes, nous allons
avoir tendance à davantage penser à des choses tristes qui nous sont arrivées ou à des
informations tristes que nous avons stockées, tandis que le contenu de nos pensées
sera davantage joyeux quand nous sommes dans un état joyeux.
Les recherches ont également montré que l’état émotionnel dans lequel nous nous trou-
vons influence le jugement (positif, négatif ou neutre) que nous portons sur les souvenirs
récupérés. Ainsi, un événement désagréable sera jugé plus désagréable s’il est récupéré
dans un état émotionnel négatif que s’il est récupéré dans un état émotionnel neutre ou
positif. Inversement, un événement agréable sera jugé plus agréable s’il est récupéré dans
un état émotionnel positif. Les données rapportées par Miranda et Kihlstrom (2005)
montrent très clairement ce phénomène. Les auteurs ont demandé à leurs participants
d’abord d’écouter, pendant 10  minutes, une musique triste (p.  ex Prélude n° 4 en mi
mineur de Chopin), une musique joyeuse (p. ex., Petite musique de nuit de Mozart) ou bien
une musique neutre (Fugue n° 4 en mi mineur de Shostakovich). Ensuite, les participants
voyaient sur un écran d’ordinateur défiler 30 mots inducteurs. Certains de ces mots
étaient positifs (p. ex., cadeau), d’autres négatifs (p. ex., araignée), d’autres enfin neutres
(p. ex., table). Pour chaque mot, les participants devaient dire le premier souvenir person-
nel auquel le mot leur faisait penser. Si le mot inducteur était précédé du mot ancien, les
participants devaient essayer de se rappeler un événement ancien (qui leur était arrivé
entre la maternelle et le CM2). Si le mot inducteur était précédé de « récent », ils devaient
rappeler un souvenir correspondant à un événement de leur vie, survenu entre le collège
et le moment présent. Les participants devaient également évaluer la valence émotion-
nelle des souvenirs sur une échelle de -4 (très désagréable) à 4 (très agréable). Ils devaient
évaluer si l’événement récupéré était agréable ou désagréable d’abord quand l’événement
est survenu puis au moment présent de l’expérience.
La Figure 4.11 fait apparaître les jugements de valence émotionnelle des souvenirs
correspondant à des événements survenus plus récemment (les mêmes résultats sont
apparus pour les souvenirs plus anciens). Les participants jugeaient les événements
plaisants plus agréables quand ils étaient dans un état émotionnel positif que quand ils
se trouvaient dans un état neutre ou négatif. Par ailleurs, ils jugeaient les événements
déplaisants plus désagréables dans un état émotionnel négatif que dans un état émo-
tionnel positif ou neutre. De manière intéressante, les souvenirs correspondant à des
événements émotionnellement neutres étaient jugés plus agréables dans un état émo-
tionnel positif que dans un état émotionnel neutre et plus désagréable lorsqu’évalués
dans un état émotionnel négatif.
Effets de congruence affective, de dépendance aux contextes et de tunnel ■ 95

En résumé, un état émotionnel négatif nous amène à récupérer plus de souvenirs et


d’informations négatives. Il nous conduit aussi à juger ces souvenirs et informations
comme encore plus négatifs. Ainsi, dans un état de tristesse, nous récupérons des
souvenirs et informations tristes et jugeons ces souvenirs et informations encore plus
tristes. Ces jugements et souvenirs tristes nous rendent à leur tour plus tristes et/ou
nous maintiennent dans un état de tristesse. C’est souvent ce qui se passe dans la dépres-
sion (e.g., Blaney, 1986 ; Teasdale, 1983), par exemple. À l’inverse, un état émotionnel
positif nous amène à récupérer plus de souvenirs et d’informations positives et nous
conduit à juger ces souvenirs et informations comme encore plus positifs. Ainsi, dans un
état de joie, nous récupérons plus des souvenirs et informations joyeuses et jugeons ces
souvenirs et informations encore plus joyeux. Ces jugements et souvenirs joyeux nous
rendent à leur tour plus joyeux et/ou nous maintiennent dans un état de joie.

2
Souvenirs positifs
Jugements de valence émotionnelle

Souvenirs neutres
1,5
Souvenirs négatifs

0,5

-0,5

-1
Émotion positive Émotion neutre Émotion négative

Figure 4.11
Effets de congruence sur le jugement mnésique (d’après Miranda & Kihlstrom, 2005).
Jugements de valence émotionnelle pour des souvenirs autobiographiques positifs, neutres
et négatifs dans un état émotionnel positif, neutre, ou négatif. Les participants jugeaient plus
agréables des souvenirs positifs sous émotion positive et plus désagréables des événements négatifs
sous émotion négative. Les événements émotionnellement neutres étaient jugés plus agréables
sous émotion positive et moins agréables sous émotion négative.

3.2. Effets de dépendance aux contextes émotionnels


Les effets de dépendance aux contextes émotionnels correspondent à un meilleur
rappel des informations lorsque l’émotion ressentie lors de la récupération est la même
que celle vécue lors de l’encodage. En d’autres termes, des informations, événements
ou expériences encodées dans un certain état émotionnel seront plus accessibles en
mémoire si le participant se trouve, au moment du rappel, dans le même état émo-
tionnel. Cet effet est un équivalent des effets de contexte connus depuis longtemps en
psychologie cognitive de la mémoire (e.g., Godden  &  Baddeley, 1975), selon lesquels
96 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

des informations sont mieux rappelées si les contextes d’encodage et de rappel sont
les mêmes que si ces contextes diffèrent. Concernant les effets de dépendance aux
contextes émotionnels, il ne s’agit pas d’un contexte physique, mais d’un contexte psy-
chologique particulier, le contexte émotionnel. Ces effets robustes ont été rapportés
de nombreuses fois (e.g., Blaney, 1986 ; Bower, 1981 ; Bower et al., 1978 ; Clark et al.,
1983 ; Ehrlichman & Halpern, 1988 ; Eich & Metcalfe, 1989 ; Eich, 1980 ; Eich et al.,
1975 ; Lewis & Critchley, 2003 ; Ucros, 1989), même s’ils ne sont pas observés dans
certaines conditions expérimentales (e.g., Bower  &  Mayer, 1985, 1989 ; Isen et al.,
1978 ; Nasby & Yando, 1982 ; Wetzler, 1985).
Par exemple, Eich et ses collaborateurs (1994) ont conduit plusieurs expériences où ils
ont cherché à voir si la congruence entre contextes émotionnels à l’encodage et au rap-
pel entraîne de meilleures performances. Au cours de la phase d’encodage, les partici-
pants lisaient des mots inducteurs neutres. Pour chaque mot, les participants devaient
essayer de se rappeler aussi précisément que possible pendant 2 minutes maximum un
événement de leur passé (en étant capables de le dater et le situer ainsi qu’en pouvant
le décrire avec quelques détails). Dans une première expérience, les expérimentateurs
disaient aux participants, pour chaque mot, s’ils devaient se rappeler un événement
positif ou un événement négatif (condition avec contrainte de valence émotionnelle
du souvenir autobiographique produit à l’encodage). Dans une autre expérience, la
valence émotionnelle n’était pas contrainte (condition sans contrainte de valence
émotionnelle), les participants choisissant eux-mêmes de retrouver un souvenir positif
ou négatif pour chaque mot inducteur. Dans ces deux premières expériences, le délai
entre l’encodage et le rappel était de deux jours. Dans une troisième expérience, ce délai
était de trois jours. Pour induire un état émotionnel, la moitié des participants enten-
daient une musique connue pour entraîner un état positif (p. ex., Divertimento K 136
de Mozart) et les autres participants entendaient une musique connue pour rendre
triste (p. ex Adagio en sol mineur d’Albinoni). Deux jours ou 7 jours après, les auteurs
ont demandé aux participants de rappeler les souvenirs générés pendant la phase
d’encodage. La moitié des participants se trouvaient dans le même contexte émotionnel
à l’encodage et au rappel (c.-à-d., les participants écoutaient une musique positive ou
négative dans les deux contextes), l’autre moitié dans un contexte émotionnel différent
(les participants écoutaient une musique joyeuse à l’encodage et triste au rappel, ou
l’inverse). Bien sûr, des mesures contrôles ont permis de s’assurer que les participants
éprouvaient des émotions plutôt négatives quand ils écoutaient (à l’encodage ou au
rappel) des musiques désagréables et des émotions plutôt positives lorsqu’ils écou-
taient des musiques agréables afin de vérifier le succès de la procédure d’induction
émotionnelle. Les taux de rappel correct pour la condition avec et sans contrainte
de la valence émotionnelle des souvenirs générés à l’encodage apparaissent à la
Figure 4.12, séparément pour les individus qui se sont trouvés dans le même état
émotionnel à l’encodage et au rappel et pour les individus qui étaient dans des états
émotionnels différents à l’encodage et au rappel. Les données montrent que les taux
de rappel sont nettement supérieurs quand les individus se trouvaient dans un état
émotionnel à même valence à l’encodage et au rappel que quand ils se trouvaient dans
des états émotionnels à valences différentes. Par ailleurs, les effets de dépendance aux
contextes émotionnels n’apparaissaient pas lorsque le délai entre l’encodage et le rap-
pel était de 7 jours. Ceci suggère que l’importance du contexte émotionnel s’estompe
Effets de congruence affective, de dépendance aux contextes et de tunnel ■ 97

avec le temps et/ou que la récupération d’une information s’appuie de moins en moins
avec le temps sur la congruence entre les contextes d’encodage et de récupération.
Notons également que les effets de dépendance aux contextes émotionnels sont moins
forts lorsque les participants ne génèrent pas eux-mêmes le matériel à stocker (p. ex.,
lorsqu’ils lisent une liste de mots) que lorsqu’ils produisent eux-mêmes le matériel à
mémoriser (e.g., Eich, 1995 ; Eich & Metcalfe, 1989 ; Forgas et al., 1988).

50

Mêmes contextes
40
Taux de rappels corrects

Contextes différents

30

20

10

0
Encodage contraint/ Encodage non Encodage non
2 jours contraint/2 jours contraint/7 jours

Figure 4.12
Effets de dépendance aux contextes (d’après Eich et al., 1994).
Taux de rappels des souvenirs autobiographiques selon la congruence entre l’état émotionnel
à l’encodage et au rappel quand la valence émotionnelle était contrainte ou non contrainte
à l’encodage. Les rappels sont meilleurs lorsque les contextes émotionnels à l’encodage et au rappel
sont les mêmes, mais cette supériorité disparaît à 7 jours.

En résumé, les effets de dépendance aux contextes émotionnels, de nombreuses fois


reproduits, caractérisent le fait que nous rappelons mieux des informations lorsque
l’émotion ressentie au moment de l’encodage et du rappel est la même que lorsque
nous éprouvons des émotions différentes. Ces effets peuvent très bien s’expliquer par
le modèle en réseaux sémantiques proposés par Bower (1981 ; voir aussi Talmi et al.,
2019). Selon ce modèle, les émotions, tout comme les concepts, sont représentées en
mémoire par des nœuds sémantiques. Les nœuds sémantiques sont reliés entre eux,
tant au niveau des émotions (p.  ex., les émotions de joie et de surprise peuvent être
reliées entre elles en mémoire), que des concepts (p. ex., chaise et meuble sont associés)
ou bien encore entre émotion et concept (p. ex., piscine peut-être associée à joie dans
la mémoire d’un individu). Dans les effets de dépendance aux contextes émotionnels,
le participant encode le matériel à mémoriser en l’associant à l’état émotionnel dans
lequel a lieu l’encodage. Cet état servira d’indice à la récupération lors du rappel ulté-
rieur de ce matériel. Si au moment du rappel, le participant revit la même émotion,
cette émotion va faciliter l’activation de l’information recherchée et améliorer le rap-
pel. Au contraire, si l’émotion est différente, l’activation de l’information recherchée
ne sera pas facilitée, voire même sera empêchée, par l’émotion ressentie au moment
du rappel. En d’autres termes, tout comme dans l’apprentissage des paires de mots,
98 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

le premier mot de chaque paire peut être utilisé comme un indice à la récupération au
moment du rappel, l’émotion ressentie pendant le rappel peut faciliter l’activation de
l’information recherchée si cette émotion est la même que celle éprouvée au moment
de l’encodage.

3.3. Effets de Trade-Off (ou tunnel) mnésique


De nombreuses personnes victimes d’agression disent se souvenir parfaitement de
certains détails liés à leur agression et oublier d’autres éléments. Ainsi, ces personnes
disent se souvenir parfaitement du pistolet avec lequel l’agresseur les a menacées,
mais se rappeler moins nettement le visage de l’agresseur ou la couleur de son pan-
talon. Lors d’une expérience émotionnelle forte, il semble que notre mémoire encode
certaines informations prioritairement et plus clairement et d’autres moins nettement,
voire pas du tout. Les informations encodées sont surtout celles qui sont en lien avec
l’émotion (p.  ex., l’arme déclenche une émotion forte, la peur). Ce phénomène a été
reconstitué en laboratoire et étudié de nombreuses fois pour en comprendre les condi-
tions d’occurrence et les mécanismes sous-jacents. Ce sont ce que les psychologues
appellent les « effets de Trade-Off » (Kensinger, Garoff-Eaton,  &  Schacter, 2007), les
effets de Narrowing (Reisberg  &  Heuer, 2004 ; Levine  &  Edelstein, 2009) ou encore
les effets tunnel (Safer et al., 1998). Les effets de Trade-Off consistent à avoir une
meilleure mémoire pour les éléments émotionnellement centraux d’une scène et une
moins bonne mémoire pour les éléments neutres périphériques de cette scène. Une
manière simple de les étudier en laboratoire consiste à présenter aux participants
des images de scènes avec un élément émotionnel (ou neutre) et un environnement
neutre. Ensuite, on examine le rappel des éléments émotionnels et neutres et de l’envi-
ronnement neutre. On observe généralement que les taux de rappel correct sont meil-
leurs pour l’élément émotionnel que pour l’élément neutre, et sont moins bons pour
l’environnement quand celui-ci a été présenté avec un élément central émotionnel que
quand celui-ci a été présenté avec un élément neutre (voir Levine & Edelstein, 2009 ;
Reisberg & Heuer, 2004, pour des revues). Décrivons une étude plus en détail pour
illustrer ce phénomène.
Kensinger et ses collaborateurs (2007) ont présenté des images dans lesquelles un objet
central apparaissait dans un environnement neutre (p. ex., une rivière). L’objet central
pouvait être neutre (p. ex., un écureuil) ou émotionnel (p. ex., un serpent). Ainsi, chaque
participant voyait 64 images pendant 2 secondes chacune. Les images comportaient
toujours un environnement neutre et soit un élément neutre inséré dans l’environne-
ment (p. ex., un écureuil au bord d’une rivière) soit un élément émotionnel (p. ex., un
serpent au bord de la rivière). Trente minutes après cette phase d’encodage, les partici-
pants avaient une tâche de reconnaissance où ils voyaient les images d’un seul élément.
Cet élément pouvait être le même que celui encodé (p. ex., l’image de l’écureuil vu à
l’encodage), auquel cas les participants devaient dire « identique ». Cet élément pou-
vait ressembler à l’élément encodé (p. ex., image d’un écureuil, mais différent de celui
présenté à l’encodage) ; ils devaient alors dire « semblable ». Enfin, les participants pou-
vaient voir un autre objet (p. ex., image d’un lapin) et devaient alors dire « différent ».
Effets de congruence affective, de dépendance aux contextes et de tunnel ■ 99

Au cours de la phase de reconnaissance, les participants voyaient 16 environnements


identiques, 16 environnements semblables, 16 environnements différents, 16 éléments
identiques, 16 éléments semblables et 16 éléments différents. Ils devaient donc donner
32 réponses « identique », 32 réponses « semblable » et 32 réponses « différent ». Lors
de la phase d’encodage, les images étaient présentées pendant 2 secondes dans une
première expérience et pendant 5 secondes dans une seconde expérience. Les auteurs
ont conduit une troisième expérience où ils ont aussi présenté les images pendant
5  secondes, mais où ils ont demandé aux participants de raconter une histoire avec
tous les éléments de l’image.
Les données pour les réponses « identiques » (Figure 4.13) font apparaître le même
pattern de résultats dans les trois conditions. Les participants reconnaissaient mieux
les objets centraux émotionnels que les objets centraux neutres et reconnaissaient
moins bien les environnements présentés avec un objet central émotionnel que ceux
contenant un objet central neutre. Par exemple, dans la condition de présentation
2 secondes, le taux de reconnaissance correcte pour les objets centraux neutres et émo-
tionnels étaient respectivement de 55 % et 67 %, alors que les taux de reconnaissance
pour les environnements présentés avec des objets neutres et émotionnels étaient res-
pectivement de 54 % et 39 %. Le même phénomène dit de Trade-Off (meilleur rappel
des objets émotionnels centraux et moins bons rappels des environnements neutres
présentés avec ces objets émotionnels centraux) était aussi observé dans l’expérience 2
quand les participants avaient plus de temps pour encoder chaque image et, dans l’ex-
périence 3, lorsqu’ils avaient plus de temps et qu’ils devaient essayer d’encoder l’image
en formant une histoire avec les éléments de l’image. Ces deux résultats sont impor-
tants, car un temps plus long a permis d’écarter l’hypothèse selon laquelle le temps est
trop court pour encoder les éléments centraux et l’environnement. Cette hypothèse
peut être écartée, car les mêmes résultats apparaissent avec un temps plus court et
un temps plus long. Par ailleurs, observer des effets de Trade-Off dans une condi-
tion où les participants doivent raconter une histoire intégrant tous les éléments de
l’image permet d’écarter l’hypothèse selon laquelle ils se focalisent uniquement sur les
éléments émotionnels centraux de l’image pendant l’encodage et n’encodent pas l’envi-
ronnement. En d’autres termes, ni le temps insuffisant pour encoder tous les éléments
d’une scène ni une stratégie d’encodage restreignant les éléments d’une image à enco-
der n’expliquent l’effet de Trade-Off. La théorie dite ABC (Arousal-Biased Competition
theory) proposée par Mather et Sutherland (2011) offre une explication qui repose sur
les postulats suivants : (a) le système cognitif accorde une priorité attentionnelle aux
informations les plus pertinentes pour la tâche à accomplir ou les plus saillantes, (b) la
saillance des informations émotionnelles (détectée par les mécanismes Bottom-Up, en
fonction de paramètres comme leur complexité ou la présence de couleur vive) et/ou
leur pertinence (établie par des mécanismes Top-Down, en fonction du but poursuivi
par exemple) orientent le système attentionnel à accorder une plus grande importance
à certains stimulus (ou caractéristiques d’un stimulus) plus qu’à d’autres, (c) cette plus
grande importance conduit à améliorer le traitement (et donc la mémorisation) de ces
stimulus (ou caractéristiques d’un même stimulus) et à diminuer le traitement des
autres stimulus (ou caractéristiques d’un même stimulus). Notons que, comme l’ont
proposé Chiu et ses collaborateurs (2013), le rappel d’un item et des caractéristiques
associées (comme les informations contextuelles) dépend de  la  capacité à former
100 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

une  représentée unifiée de l’item et de ces caractéristiques. Dans le phénomène de


Trade-Off, les éléments centraux et périphériques ne sont pas associés en une repré-
sentation unifiée et peuvent donc être rappelés différemment. Lorsque l’item et le
contexte sont associés et stockés sous la forme d’une représentation unifiée, les deux
peuvent être rappelés aussi efficacement. En d’autres termes, selon la théorie  ABC
proposée par Mather et Sutherland (2011), dans la mesure où les informations de
l’environnement sont en compétition pour attirer l’attention du participant, les objets
centraux émotionnels attirent davantage l’attention du participant qui les encodent
mieux, au détriment des autres aspects de l’image (comme l’environnement) et/ou au
détriment de la création d’un lien entre les différents objets d’une même image, comme
les objets centraux et les objets périphériques (Mather, 2007).
90
Pourcentages de reconnaissance correcte

80 Neutre Émotionnel
70
60
50
40
30
20
10
0
Éléments Environnement Éléments Environnement Éléments Environnement
2 secondes, sans histoire 5 secondes, sans histoire 5 secondes, avec histoire

Figure 4.13
Effet tunnel (d’après Kensinger et al., 2007).
Taux de reconnaissance correcte pour les éléments émotionnels et neutres présentés
dans un environnement neutre. Les participants rappellent mieux les objets émotionnels centraux
et moins bien les environnements neutres présentés avec ces objets émotionnels centraux.

Les effets de Trade-Off sont robustes. Ils ont été reproduits de très nombreuses fois
dans des contextes expérimentaux divers (e.g., Burke, Heuer,  &  Reisberg, 1992 ;
MacKay  &  Ahmetzanov, 2005 ; Mather, 2007 ; Mather  &  Nesmith, 2008 ; Schmidt,
2002 ; Strange, Hurlemann, & Dolan, 2003 ; Touryan, Marian, & Shimamura, 2007).
Ils ont également été observés dans des études portant sur des expériences émotion-
nelles survenues en dehors du laboratoire (voir Kihlstrom, 2006 ; Reisberg & Heuer,
2007, pour des revues). Ces expériences comprennent des catastrophes naturelles,
comme des inondations ou des ouragans, des abus sexuels vécus au cours de l’en-
fance, des visites au service des urgences à l’hôpital, ou bien encore des témoignages
de crime (e.g., Alexander et al., 2005 ; Bahrick, Parker, Fivush,  &  Levitt, 1998 ;
Christianson & Hübinette, 1993 ; Peterson & Bell, 1996 ; Peterson & Whalen, 2001 ;
Sotgiu & Galati, 2007). Les études empiriques ont fait apparaître que ces expériences
émotionnelles avaient tendance à conduire les individus à se focaliser sur des aspects
spécifiques de l’expérience émotionnelle et à prêter moins attention à d’autres infor-
mations, plus neutres liées à ces expériences, si bien qu’ils mémorisaient et rappelaient
Conclusions ■ 101

mieux ces informations émotionnelles (qui concernaient parfois seulement des détails)
que des informations plus neutres, mais aussi présentes dans l’expérience émotionnelle.
Les effets de Trade-Off peuvent être modulés par la valence des stimuli, même si ces
effets ont été observés avec stimuli émotionnels à valences positive et négative. Les
stimuli à valence émotionnelle négative entraînent parfois une restriction du champ
attentionnel, d’autres fois un élargissement.
En résumé, les effets de Trade-Off, observés aussi bien en laboratoire que dans la
vie quotidienne, sont caractérisés par une meilleure mémorisation de l’information
émotionnelle centrale d’une scène et une moins bonne mémorisation de l’information
neutre périphérique. Ils peuvent s’expliquer par des mécanismes d’attention. La sail-
lance des informations émotionnelles attire l’attention du participant qui consacre
l’essentiel de ses ressources attentionnelles à traiter prioritairement et plus en pro-
fondeur ces informations (c.-à-d., encodées avec plus de précision et davantage répé-
tées après l’encodage), comparativement aux informations neutres. Ces informations
neutres n’ont pas autant attiré l’attention du participant ; il les a donc traitées moins
profondément. En d’autres termes, les informations émotionnelles d’un stimulus sont
mieux mémorisées que les informations neutres, car elles agissent comme des aimants
attentionnels (Laney et al., 2003).

Conclusions
La recherche sur les liens entre émotion et mémoire n’intéresse pas seulement les
psychologues qui travaillent sur la mémoire et qui veulent prendre en compte le fac-
teur émotionnel pour comprendre comment fonctionne notre mémoire. Elle intéresse
également les chercheurs qui travaillent sur les émotions et qui veulent comprendre
comment les émotions influencent la cognition. Ces chercheurs posent également des
questions sur les liens entre émotion et mémoire qui sont nombreuses, diverses, impor-
tantes et passionnantes. Citons quelques exemples. Les émotions améliorent-elles notre
mémoire ? Ou au contraire, notre mémoire est-elle moins bonne quand nous sommes
sous l’emprise d’une émotion ? Dans quelles conditions le fonctionnement de notre
mémoire est-il meilleur et dans quelles conditions est-il moins bon quand nous l’utili-
sons tout en éprouvant une émotion ? Les émotions négatives (p. ex., tristesse, peur)
et les émotions positives (p.  ex., joie, surprise) affectent-elles notre fonctionnement
mnésique de la même manière, dans des proportions identiques et dans des situations
comparables ? La valence émotionnelle et l’intensité des informations à stocker ou à
récupérer ont-elles un effet sur nos performances mnésiques ? Les effets des émotions
qui nous traversent au moment où l’on encode et stocke des informations sont-ils indé-
pendants des effets des émotions déclenchées au moment où l’on recherche et récupère
une information ? Nos émotions peuvent-elles nous conduire à fabriquer de faux sou-
venirs et à remplacer nos vrais souvenirs douloureux par d’autres souvenirs moins
douloureux (ou l’inverse, remplacer des souvenirs non douloureux par des souvenirs
plus douloureux) ? Nos émotions présentes peuvent-elles changer l’évaluation positive
ou négative que nous faisons sur des expériences, voire des personnes, de notre passé ?
102 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

Les recherches sur les liens entre émotion et mémoire ont pour but de déterminer si
nos émotions influencent nos performances mnésiques, et, si oui, quand et par quels
mécanismes. Elles ont cherché à tester comment des stimulus à valence émotionnelle
variable modifient les informations que l’on mémorise et rappelle. Ces recherches
ont examiné différents processus mnésiques (encodage, maintien et rappel) aussi
bien en mémoire épisodique qu’en mémoire autobiographique, dans des tâches de
rappel comme dans des tâches de reconnaissance, quand les participants avaient pour
consigne explicite d’étudier du matériel en vue de le rappeler (apprentissage intention-
nel) ou quand ils l’encodaient sans intention de le mémoriser pour le rappeler plus tard
(apprentissage incident).
Les recherches ont mis en évidence une influence importante tout aussi bien positive
que négative de nos émotions sur la mémoire. En effet, nos émotions changent ce que
nous mémorisons et comment nous mémorisons et rappelons des informations.
Les émotions peuvent améliorer nos performances mnésiques dans certains contextes
et les détériorer dans d’autres contextes. L’effet d’amplification mnésique consistant en
de meilleures performances sur des informations émotionnelles que sur des informa-
tions neutres a été observé de nombreuses fois et sur différents types de matériel (mots
isolés, récits, films et scènes ou événements). Que le matériel soit émotionnellement
positif ou négatif, la valence émotionnelle des items attire l’attention des participants
qui déploient alors des mécanismes plus profonds de traitement, ce qui conduit à un
meilleur encodage, un meilleur maintien et un meilleur rappel. Par ailleurs, nous avons
vu que les émotions peuvent aussi avoir des effets délétères sur nos performances
mnésiques, comme c’est le cas dans des situations de stress. Dans ce cas, l’émotion
négative accapare une partie des ressources de traitement qui ne peuvent être allouées
à la tâche d’encodage ou de rappel.
Enfin, nous avons vu deux phénomènes importants relatifs aux effets des émotions
sur la mémoire : l’effet de congruence affective et l’effet de Trade-Off (ou tunnel). L’effet
de congruence affective concerne l’amélioration des performances sur du matériel
émotionnel dont la valence correspond à l’émotion ressentie au moment de mémoriser
du matériel. De nombreuses fois, les chercheurs ont observé que notre mémoire est
meilleure pour des informations émotionnellement positives lorsque nous sommes
dans un état émotionnel positif et meilleure pour des informations négatives quand
nous nous trouvons dans un état émotionnel négatif. De la même manière, nous avons
tendance à juger plus positifs des souvenirs positifs récupérés dans un état émotionnel
positif et plus négatif des souvenirs négatifs activés en contexte émotionnel négatif.
Les émotions peuvent alors faciliter le rappel d’informations congruentes par le fait
qu’elles jouent le rôle d’indice à la récupération, comme c’est le cas lorsqu’une émotion
triste sert d’indice pour récupérer des souvenirs tristes.
L’effet de Trade-Off caractérise le fait que la mémoire est sélective. Sous émotion, et
probablement encore plus si l’émotion est forte, nous avons tendance à ne retenir que
certains éléments d’une scène ou d’une information, en particulier les éléments déclen-
cheurs de l’émotion (p. ex., une arme pointée vers nous lors d’une attaque sera mieux
mémorisée que le visage de celui qui menace). Les informations non émotionnelles de
la scène sont alors moins bien (ou pas) retenues.
Conclusions ■ 103

Comme pour l’attention vue aux deux chapitres précédents, les phénomènes relatifs
aux liens émotion et mémoire apportent quelques éléments de réponse aux questions
importantes sur ces liens. Ces questions concernent quand (c.-à-d., dans quelles condi-
tions) et comment (c.-à-d., par quels mécanismes) nos émotions influencent-elles nos
capacités mnésiques.
Les émotions n’affectent pas toujours notre mémoire et, quand elles l’affectent, soit
elles dégradent nos performances mnésiques, soit elles les améliorent. Les émotions
affectent négativement notre mémoire, comme dans le cas du stress, car elles acca-
parent une partie de nos ressources mnésiques qui ne peuvent donc être entièrement
allouées à l’encodage ou au rappel d’une information. Ceci peut nous conduire à traiter
moins profondément l’information et à mettre en œuvre des stratégies d’encodage et de
récupération mnésiques plus superficielles (p. ex., autorépétition mentale de maintien
plutôt que traitements sémantiques ou fabrication d’images mentales). L’effet de ces
mécanismes est amplifié lorsque l’état émotionnel du participant est congruent avec
la valence émotionnelle du matériel à mémoriser ou à rappeler. En d’autres termes, si
un participant se retrouve en situation émotionnelle délétère, ses performances vont
décliner, de manière analogue au déclin des performances mnésiques, observé dans des
situations de double tâche ou d’attention partagée.
À l’inverse, les émotions améliorent la mémorisation d’informations dont la valence
émotionnelle les rend plus saillantes. Cette saillance conduit les participants à prêter
une plus grande attention à ces informations et à les traiter plus profondément. Si, en
plus, l’état émotionnel du participant est congruent à la valence émotionnelle du maté-
riel à mémoriser, ce déploiement de ressources attentionnelles et la mise en œuvre de
stratégies profondes et plus efficaces de traitement sont encore plus importants.
Longtemps, les chercheurs ont négligé le rôle des émotions sur la mémoire. Cela ne
les a pas empêchés de faire d’importantes découvertes sur les caractéristiques de la
mémoire (p.  ex., sa capacité, sa durée, ses conditions de fonctionnement optimal, les
facteurs importants qui l’affectent et les mécanismes clés d’encodage, de maintien et
de rappel). Cette négligence avait pour but de neutraliser la contribution des facteurs
émotionnels, dont les techniques d’étude n’étaient pas suffisamment au point pour
en évaluer les effets et les mécanismes responsables de ces effets. Grâce aux progrès
dans ces techniques d’étude, grâce aux progrès également dans nos connaissances
sur la mémoire, les chercheurs ont pu prendre en compte ce facteur émotion et l’étu-
dier directement. Les quarante années de recherches sur le rôle des émotions sur la
mémoire qui viennent de s’écouler ont permis de faire d’importantes découvertes sur
les liens émotion-mémoire. Nul doute que les années à venir vont également permettre
de mieux comprendre ce rôle, grâce au développement soit de nouvelles techniques
d’étude, soit de nouveaux modèles théoriques de la mémoire elle-même et des effets
des émotions sur la mémoire.
104 ■ CHAPITRE 4 – Émotion et mémoire

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir


1. En quoi consistent les effets d’amplification mnésique ?
2. Les émotions peuvent-elles dégrader les informations mnésiques ? Si oui,
décrivez un type de résultat qui l’a montré.
3. Qu’appelle-t-on effets de congruence affective en mémoire ? Comment
Bower a-t-il mis en évidence ces effets ?
4. Décrivez deux recherches ayant étudié les effets des émotions sur la mémoire
en manipulant l’état émotionnel des participants.
5. Quelle caractéristique générale de la mémoire les effets de Trade-Off
illustrent-ils ?

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF4

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM4

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC4
CHAPITRE 5

Émotion et mémoire :
différences individuelles,
vieillissement et psychopathologie
Ce chapitre examine comment les effets des émotions sur la mémoire, abordés
dans le chapitre précédent, sont modulés par les différences individuelles, le
vieillissement et la psychopathologie. L’effet des caractéristiques individuelles
telles que la personnalité, le sexe ou des facteurs cognitifs (p.  ex., le contrôle
exécutif) est analysé. De plus, ce chapitre étudie comment les émotions affectent
la mémoire chez les patients souffrant d’anxiété, de phobie générale ou spéci-
fique, ou de dépression. Enfin, le chapitre présente l'évolution des interactions
émotion/mémoire au cours du vieillissement et, de manière particulière, ce qui
apparaît être l’une des signatures des changements liés à l’âge dans les relations
émotion/cognition (c.-à-d., effets de positivité liés à l’âge). Le rôle modérateur
des différences individuelles, du vieillissement et de la pathologie dans les liens
émotion/mémoire est décrit pour différents types de matériaux et dans diffé-
rentes tâches de mémoire.

SOMMAIRE

1. Émotion et mémoire : différences individuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . .106


2. Émotion et mémoire : vieillissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .112
3. Émotion et mémoire : psychopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122
106 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

Comme pour l’attention, de nombreux travaux ont cherché à déterminer comment


les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie modulent l’ef-
fet des émotions sur la mémoire. L’objectif est double. Il s’agit d’une part de savoir
comment l’effet des émotions sur les performances mnésiques change selon les
caractéristiques des individus, l’évolution avec l’âge et dans certains troubles, et,
d’autre part, de déterminer quels sont les mécanismes responsables de ces modu-
lations. Là encore, les modulations des effets des émotions sur la mémoire par les
différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie nous renseignent
sur les mécanismes responsables de l’impact de nos émotions sur notre mémoire.
Dans un premier temps, nous examinons comment l’effet des émotions sur la
mémoire diffère selon les individus. Ainsi, nous présentons les travaux détermi-
nant, par exemple, comment l’impact des émotions sur les performances cognitives
est modulé par des facteurs de personnalité, par la différence entre les sexes et
par les capacités cognitives. Dans un second temps, nous passons en revue l’évo-
lution des liens émotion et mémoire au cours du vieillissement. Nous discutons les
données ayant montré que le vieillissement module les effets de saillance émotion-
nelle, comment les effets des émotions positives et négatives sur les performances
changent avec l’âge et comment le vieillissement entraîne une modification du
rappel des informations émotionnelles détaillées. Enfin, nous discutons quelques
données de psychopathologie visant à montrer comment, par exemple, les effets
de congruence affective et de dépendance au contexte sont modulés dans certaines
pathologies.

1. Émotion et mémoire : différences


individuelles
Comme pour l’attention, les effets généraux des émotions sur la mémoire, rap-
portés au chapitre précédent, n’apparaissent pas chez tout le monde avec la même
force. Ils sont plus importants chez certains individus et moins chez d’autres.
En  documentant les différences individuelles et ce qui caractérise les individus
chez qui les émotions affectent la mémoire davantage, les psychologues visent à
mieux comprendre par quels mécanismes les émotions influencent la mémoire et
sur quels mécanismes mnésiques nos émotions ont un impact. Nous illustrons ici
les travaux ayant étudié les différences individuelles dans les effets des émotions
sur la mémoire, avec le rôle modulateur des facteurs dits conatifs (p. ex., person-
nalité, affectivité, humeur), du sexe des participants ainsi que de leurs ressources
cognitives (comme la mémoire de travail ou les fonctions exécutives). Ces travaux
visaient à répondre à des questions aussi simples que : les traits de personnalité
sont-ils corrélés avec certains effets des émotions sur la mémoire ? L’impact des
émotions sur la mémoire est-il le même chez les hommes et les femmes ? Cet
impact interagit-il avec les capacités mnésiques de sorte que les gens qui ont une
très bonne mémoire, par exemple, pourraient subir plus (ou moins) les effets des
émotions lorsqu’ils mémorisent ou rappellent des informations ?
Émotion et mémoire : différences individuelles ■ 107

1.1. Personnalité, émotion et mémoire


Plusieurs études ont fait apparaître des corrélations entre les traits de personnalité
et la mémoire des informations émotionnelles, montrant ainsi que les biais mnésiques
en faveur ou en défaveur des informations émotionnelles diffèrent selon la personna-
lité (e.g., Bradley et al., 1993 ; Bradley & Mogg, 1994 ; Canli, 2004 ; Chan et al., 2007 ;
Rusting, 1999 ; Watson et al., 1988, 1999).
Par exemple, Chan et ses collaborateurs (2007) ont testé des participants dont les
scores à différents tests de personnalité étaient élevés versus faibles sur la dimension
« névrosisme » (c.-à-d., Névrosisme+ vs Névrosisme-). Le névrosisme est l’un des traits
fondamentaux de la personnalité qui comprend plusieurs facettes (p. ex., anxiété, vul-
nérabilité, impulsivité, hostilité). Les participants testés par Chan et ses collaborateurs
qui avaient un score élevé sur la dimension névrosisme pouvaient avoir un score élevé
sur l’une ou l’ensemble de ces facettes. Les participants voyaient une première série
de mots (p.  ex., honnête, impoli) qu’ils devaient catégoriser comme caractérisant une
personne aimable ou une personne pas aimable. Ils voyaient aussi une deuxième série
de mots (p. ex., fort, faible) pour chacun desquels ils devaient dire s’il caractérisait un
avantage ou non pour un animal prédateur. Ensuite, les participants avaient un test
de rappel surprise.
Les résultats (Figure 5.1) ont montré que les taux de rappel correct étaient globalement
comparables dans les deux groupes (Névrosisme+, Névrosisme-). Toutefois, les auteurs
ont observé que les temps de jugement étaient plus courts pour les mots négatifs que
pour les mots positifs relatifs aux caractéristiques personnelles (mais pas pour les
mots relatifs aux caractéristiques animales) dans le groupe Névrosisme+. Par ailleurs,
les taux d’intrusions (c.-à-d., rappels de mots incorrects) étaient plus élevés sur les mots
positifs que sur les mots négatifs aussi bien pour les caractéristiques personnelles que
pour les caractéristiques animales. Toutefois, la différence dans le nombre d’intrusions
au rappel des mots positifs et négatifs était plus faible dans le groupe Névrosisme+
que dans le groupe Névrosisme-. Vraisemblablement, le souvenir plus précis des mots
positifs (encodés plus longtemps) a permis aux participants du groupe Névrosisme+
de  faire moins d’erreurs de rappels sur ces mots positifs. Notons que les intrusions
moins importantes lors du rappel de mots positifs que lors du rappel de mots négatifs
chez les participants du groupe Névrosisme+ que chez les participants du groupe
Névrosisme- s’observaient pour les mots relatifs aux caractéristiques personnelles et
pas pour les mots relatifs aux animaux.
Pour prendre un autre exemple illustratif du lien entre personnalité et mémoire
des informations émotionnelles, le Tableau 5.1 présente les corrélations, rapportées
par Rusting (1999), entre différents traits de personnalité et le rappel de mots à
valence émotionnelle positive et négative, dans une tâche de rappel libre de 36 mots
(12  positifs, 12 négatifs et 12 neutres) que les participants avaient préalablement
eu à encoder. L’auteur a également évalué, pour chaque participant, les traits de
personnalité et l’affectivité à l’aide de plusieurs échelles (p. ex., PANAS, l’échelle de
personnalité d’Eysenck), ainsi que l’humeur au moment de l’étude (par des échelles
d’autoévaluation allant de 1 = « humeur pas du tout positive » à 5 = « humeur très
positive »).
108 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

Tableau 5.1
Personnalité et rappel libre (d’après Rusting, 1999).
Corrélations entre scores à l’épreuve de rappel libre sur des mots positifs et négatifs
en fonction des traits de personnalité, de l’affectivité générale et de l’humeur présente.
Les données montrent des corrélations différentes entre le rappel des mots positifs
et négatifs d’une part et les différentes mesures de personnalité, d’humeur et d’affectivité,
d’autre part.

Rappel des mots positifs Rappel des mots négatifs

Névrosisme – .07 .22*

Affectivité positive .28* – .16

Affectivité négative – .06 .23*

Humeur positive .38* .02

Humeur négative – .23* .49*

Extraversion .17 .01


* Corrélation significative.

Ces corrélations font apparaître des liens importants entre certaines dimensions de la
personnalité et le rappel qui varie selon que les mots étaient à valence émotionnelle
positive ou négative. Ainsi, plus les scores des individus étaient élevés au névrosisme
ou à l’échelle d’affectivité négative, plus ils rappelaient de mots négatifs ; plus ces scores
étaient élevés à l’échelle d’affectivité positive, meilleurs étaient le rappel des mots
positifs. Enfin, les individus rappelaient d’autant plus de mots positifs qu’ils se sen-
taient d’humeur positive pendant l’expérience, et de mots négatifs qu’ils se sentaient
d’humeur négative.
En d’autres termes, les données montrent que les traits de personnalité et les caracté-
ristiques affectives des individus s’accompagnent de variations systématiques dans la
mémorisation des informations émotionnelles. Tout se passe comme si, par exemple,
les individus qui sont en général d’un caractère positif traitent plus efficacement
(à l’encodage et/ou au rappel) des informations émotionnellement positives, alors que
des individus qui sont en général d’une humeur négative tendent à mieux rappeler des
informations négatives.
Émotion et mémoire : différences individuelles ■ 109

a) 1,4
Névrosisme +
Nombre d'intrusions (positifs - négatifs)

1,2 Névrosisme −

0,8

0,6

0,4

0,2

0
Caractéristiques personnelles Caractéristiques des animaux

b) 50
Temps de réponse en ms (positifs - négatifs)

40 Caractéristiques personnelles
Caractéristiques des animaux
30

20

10

− 10

− 20

− 30

− 40
Névrosisme + Névrosisme −

Figure 5.1
Personnalité et biais mnésiques (d’après Chan et al., 2007).
Différences dans (a) le nombre d’intrusions au rappel et (b) les temps de catégorisation
des mots positifs et négatifs par des participants ayant un score élevé (Névrosisme+)
ou faible (Névrosisme-) sur des mots (aimables/pas aimables) ou des animaux prédateurs
(avantageux/désavantageux). Les temps de jugement étaient plus courts pour les mots négatifs
que pour les mots positifs dans le groupe Névrosisme+ pour les caractéristiques personnelles
uniquement. Par ailleurs, les taux d’intrusions (c.-à-d., rappels de mots incorrects) étaient
plus élevés sur les mots positifs que sur les mots négatifs aussi bien pour les caractéristiques
personnelles que pour les caractéristiques relatives aux animaux. Toutefois, la différence
dans le nombre d’intrusions au rappel des mots positifs et négatifs était plus faible dans le groupe
Névrosisme+ que dans le groupe Névrosisme- .
110 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

1.2. Émotion et mémoire : différences entre les sexes


De nombreuses études ont essayé de déterminer si les émotions affectent
davantage la mémoire des hommes que celle des femmes, ou l’inverse (voir Cahill,
2004 ; Hamann  &  Canli, 2004, pour des revues). Même si les réactions physio-
logiques et cérébrales peuvent être similaires chez les hommes et les femmes, il
semble que l’expérience subjective des émotions, mais aussi l’effet des émotions sur
les performances mnésiques, puisse, dans certaines conditions, différer entre les
hommes et les femmes (e.g., Bremmer et al., 2001 ; Cahill, 2003 ; Cahill et al., 2001 ;
Canli et al., 2002 ; Canli et  al., 2001 ; Felmingham et al., 2012 ; Glaser et al., 2012 ;
Seidlitz & Diener, 1998).
Par exemple, Canli et ses collaborateurs (2002) ont montré à un groupe d’hommes et
de femmes 96 images émotionnelles (ou neutres) d’intensité variable. Chaque image

60
Hommes
Pourcentages d'images

55 Femmes

50

45

40
Intensité − Intensité +
Pourcentages de reconnaissances

70

60

50

40
Intensité − Intensité +
Figure 5.2
Sexe, émotion et mémoire (d’après Canli et al., 2002).
Pourcentages moyens d’images jugées plus ou moins intenses par les hommes et les femmes
(panneau gauche) et pourcentages moyens d’images reconnues selon leur intensité par les hommes
et les femmes. Les hommes évaluaient plus d’images comme moins intenses et les femmes plus
d’images comme plus intenses. Les hommes et les femmes reconnaissaient autant d’images moins
intenses, mais les femmes reconnaissaient plus d’images plus intenses.
Émotion et mémoire : différences individuelles ■ 111

était présentée pendant 2,88 secondes, et les participants devaient fournir un juge-
ment d’intensité émotionnelle allant de 0 (image émotionnellement pas intense) à 3
(image émotionnelle très intense). Trois semaines après cette phase d’encodage, les
participants ont eu une tâche surprise de reconnaissance, ils voyaient les 96 images
encodées et 48  nouvelles images. Pour chacune d’elles, ils devaient dire si l’image
avait été vue à l’encodage, et, si oui, s’ils le pensaient suite à un souvenir vivace
(jugement de rappel) ou simplement parce qu’elle paraissait familière (jugement de
familiarité).
Le nombre d’images jugées peu intenses était plus élevé chez les hommes que chez les
femmes, tandis que le nombre d’images évaluées plus intenses était plus élevé chez
les femmes que chez les hommes (Figure 5.2). De plus, aucune différence dans les
performances entre les hommes et les femmes n’est apparue sur la reconnaissance
des images moins intenses, tandis que le nombre d’images plus intenses correctement
reconnues était plus élevé chez les femmes que chez les hommes. En d’autres termes,
l’effet d’intensité était plus important sur la reconnaissance des images chez les
femmes que chez les hommes.

1.3. Facteurs cognitifs, émotion et mémoire


Certains travaux suggèrent que l’impact des émotions sur les performances
mnésiques est modulé par les capacités cognitives des participants. Cet impact peut
être illustré par les données montrant, par exemple, comment l’effet tunnel (ou de
Trade-Off) varie selon les capacités cognitives. Rappelons que l’effet tunnel consiste
à observer que, lorsque les participants voient une scène contenant un élément émo-
tionnel (p. ex., une araignée au plafond), ils ont tendance à bien se rappeler l’élément
émotionnel central (l’araignée) et à moins bien se rappeler le contexte (le plafond).
Par exemple, Waring et ses collaborateurs (2010) ont montré une série d’images à
leurs participants où se trouvait un élément central émotionnel ou neutre sur un
fond neutre (p.  ex., un serpent ou un écureuil dans une forêt). Ensuite, les partici-
pants avaient une tâche de reconnaissance où ils devaient dire si le fond ou l’élément
central était identique ou similaire (à celui vu) dans l’image encodée. Par ailleurs,
l’anxiété, la mémoire visuospatiale, la mémoire de travail visuelle mais aussi les
fonctions exécutives de chaque participant ont été évaluées. Les auteurs ont calculé
des corrélations entre ces mesures et les performances à la tâche de reconnaissance
portant sur les éléments centraux émotionnels et le fond neutre, ainsi qu’entre ces
mesures et un effet tunnel (c.-à-d., propension des individus à mieux reconnaître
les éléments centraux émotionnels que le fond neutre de chaque image). Les cor-
rélations (Figure 5.3) entre la reconnaissance des éléments centraux émotionnels,
périphériques neutres et l’effet tunnel d’une part, et l’anxiété, la mémoire de travail
visuospatiale et les fonctions exécutives, d’autre part, étaient significatives. Ainsi, les
participants les plus anxieux, dont la mémoire de travail visuospatiale et les fonc-
tions exécutives étaient les plus faibles, étaient ceux chez qui l’effet tunnel tendait à
être le plus important.
112 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

0,75 Éléments centraux


Éléments périphériques
0,55 Effet tunnel
0,35
Corrélations

0,15

− 0,05

− 0,25

− 0,45

− 0,65
Anxiété MDT visuo MDT visuelle Fonctions
-spatiale exécutives

Figure 5.3
Effets tunnel et différences individuelles (d’après Waring et al., 2010).
Corrélations entre caractéristiques individuelles (anxiété, mémoire de travail visuospatiale,
mémoire de travail visuelle et fonctions exécutives) et reconnaissance des éléments centraux
(émotionnels) et périphériques (neutres) et effet tunnel. Les données montrent des effets tunnel
plus importants chez des individus anxieux et chez les individus dont la MDT visuospatiale
et les fonctions exécutives sont les plus faibles (corrélations significatives entre les effets tunnel
et anxiété, MDT visuospatiale et fonctions exécutives).

En résumé, les émotions affectent les performances mnésiques. Mais, cette influence
est modulée par des caractéristiques individuelles, comme le sexe des participants ou
leurs traits de personnalité. Ces caractéristiques modulent l’effet des émotions sur les
performances mnésiques, vraisemblablement parce qu’elles sont associées à la mise
en œuvre des mécanismes mnésiques qui diffèrent selon les individus (p. ex., un indi-
vidu anxieux allouera davantage de ressources attentionnelles à l’encodage de mots à
valence émotionnelle négative et, par conséquent, rapportera plus de mots négatifs que
de mots positifs ou neutres).

2. Émotion et mémoire : vieillissement


Les émotions influencent-elles la mémoire des personnes âgées ? Si oui, cette
influence est-elle la même que chez les jeunes ? Sinon, comment évoluent les relations
entre émotion et mémoire au cours du vieillissement ? De nombreux travaux ont été
conduits pour répondre à ces questions. Ces travaux ont eu recours aux paradigmes
utilisés avec les adultes jeunes et ont testé des jeunes et des personnes âgées en condi-
tion d’émotions neutres ou d’émotions négatives ou positives. Les données font appa-
raître que l’effet des émotions sur la mémoire change au cours du vieillissement. Nous
discutons d’abord les recherches ayant tenté de déterminer si les émotions influencent
les performances des personnes âgées, puis celles qui ont testé l’hypothèse selon
Émotion et mémoire : vieillissement ■ 113

laquelle les émotions positives et négatives affectent les performances des jeunes et des
âgés différemment. Enfin, nous verrons que les émotions n’influencent pas le rappel
d’informations détaillées chez les jeunes et chez les âgés.

2.1. Vieillissement et effet d’amplification mnésique


Les émotions influencent-elles les performances mnésiques des âgés ? Cette ques-
tion est importante, car la mémoire des âgés pourrait être insensible à la valence
émotionnelle des informations, contrairement à ce qui se passe chez le jeune adulte.
Au contraire, une influence des émotions sur la mémoire des personnes âgées ferait
apparaître que les émotions constituent une contrainte importante sur le fonctionne-
ment mnésique et son évolution au cours du vieillissement. La question serait alors de
savoir si l’influence des émotions sur la mémoire devient plus ou moins importante
au fur et à mesure qu’on avance en âge au cours de la vie adulte. De nombreuses
études ont fait apparaître que la mémoire des personnes âgées est influencée par les
émotions, comme le montrent les effets d’amplification mnésique chez les âgés (voir
Murphy & Isaacowitz, 2008, pour une méta-analyse).
Par exemple, dans deux expériences, Charles et ses collaborateurs (2003) ont observé
que les émotions peuvent améliorer les performances mnésiques (en tâches de rappel et
de reconnaissance) des personnes âgées, comme de nombreux travaux l’avaient observé
chez les jeunes. Les auteurs ont montré des images émotionnelles (positives, négatives) et
neutres à leurs participants (jeunes, matures et âgés). Dans une première expérience, les
participants voyaient défiler 32 images (16 neutres, 8 positives et 8 négatives), chaque
image apparaissant pendant 2 secondes. Dans une seconde expérience, les participants
choisissaient eux-mêmes la vitesse de défilement de chaque image. Environ 15 minutes
après cette phase d’encodage, les participants avaient une épreuve de rappel libre (c.-à-d.,
ils devaient rappeler le plus d’images possible), puis une épreuve de reconnaissance
(c.-à-d., ils voyaient 64 images, 32 nouvelles et 32 anciennes). Pour chacune des images
présentées, ils devaient dire si elle était ancienne ou nouvelle. Comme le montrent claire-
ment les taux de rappels (Figure 5.4a), les émotions entraînaient une nette amélioration
des performances des participants, quel que soit leur âge. Cette amélioration était moins
nette en tâche de reconnaissance (Figure 5.4b). L’effet d’amplification mnésique chez les
personnes âgées par les émotions a été retrouvé dans de nombreuses études utilisant dif-
férentes approches pour sonder la mémoire épisodique (e.g., Broster et al., 2012 ; Joubert,
Davidson,  &  Chainay, 2018 ; Denburg et al., 2003 ; Evans-Roberts  &  Turnbull, 2011 ;
Fung & Carstensen, 2003 ; Kensinger et al., 2002 ; May et al., 2005 ; Otani et al., 2007 ;
Zoldos et al., 2016), mais aussi pour évaluer le rappel de souvenirs autobiographiques
(e.g., Comblain et al., 2005 ; St. Jacques  &  Levine, 2007), la mémoire prospective (e.g.,
Kliegel et al., 2005 ; Pupillo et al., 2020 ; Rummel et al., 2012 ; Schnitzspahn et al., 2014)
et la mémoire de travail (e.g., Carpenter et al., 2013 ; Mikels et al., 2005).
L’effet de valence émotionnelle des items sur les performances mnésiques chez des jeunes
et des âgés n’est pas restreint au rappel immédiat. Il apparaît également en rappel différé.
Comme le montrent les données rapportées par Leigland et ses collaborateurs (2004) par
exemple (Figure 5.5), 30 minutes après avoir encodé une liste de mots négatifs, neutres et
positifs, les jeunes comme les âgés ont rappelé plus de mots positifs que de mots neutres.
114 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

a) Performances à la tâche de rappel

4
Nombre d'images correctement rappelées

Neutres
3,5
Emotionnel
3

2,5

1,5

0,5

0
Adultes jeunes Adultes matures Adultes âgés

b) Performances à la tâche de reconnaissance

100

90
Pourcentages de reconnaissances correctes

80

70

60

50

40

30

20

10

0
Adultes jeunes Adultes matures Adultes âgés

Figure 5.4
Vieillissement et effet de la saillance émotionnelle (d’après Charles et al., 2003).
(a) Nombre d’images neutres et émotionnelles correctement rappelées en fonction de l’âge
des participants. (b) Pourcentages d’images neutres et émotionnelles correctement reconnues
en fonction de l’âge des participants. À l’épreuve de rappel, les images émotionnelles étaient
mieux rappelées, quel que soit l’âge des participants. L’effet des émotions était moins fort en tâche
de reconnaissance. Les émotions peuvent améliorer les performances mnésiques des participants
âgés, comme des participants jeunes et matures.
Émotion et mémoire : vieillissement ■ 115

Pourcentages de rappels corrects

45
Négatifs Neutres
40 Positifs

35

30

25

20
Jeunes Âgés
Pourcentages de mots correctement

50

45

40
reconnus

35

30

25

20
Jeunes Âgés

Figure 5.5
Effets de saillance émotionnelle en rappel différé (d’après Leigland et al., 2004).
Pourcentages de mots correctement rappelés et reconnus 30 minutes après l’encodage. Au rappel,
les jeunes comme les âgés ont eu de meilleures performances sur les mots positifs ; les personnes
âgées ont de moins bonnes performances sur les mots négatifs, par comparaison aux mots neutres.
À l’épreuve de reconnaissance, les performances étaient meilleures aux items négatifs et positifs
qu’aux items neutres pour les deux groupes.

2.2. L’effet des émotions positives et négatives est-il


le même chez les jeunes et les âgés ?
Au-delà de l’effet de la saillance émotionnelle, les émotions positives et négatives
n’influencent pas les performances mnésiques des jeunes et des âgés de la même
manière. En effet, les émotions négatives semblent plus affecter les performances
mnésiques des jeunes et les émotions positives celles des personnes âgées (voir
Reed & Carstensen, 2012, pour une revue).
Cette interaction Âge x Valence sur les performances mnésiques peut être illustrée
avec l’une des premières études l’ayant documenté. Mather et Carstensen (2003 ; voir
116 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

aussi Charles et al., 2003) ont présenté à leurs participants 30 paires de visages. Chaque
paire de visages apparaissait pendant 1000 millisecondes et était suivie d’un point qui
apparaissait à l’endroit de l’un des deux visages. Les participants devaient indiquer où
apparaissait le point. L’un des deux visages avait une expression émotionnelle (e.g., de la
joie pour l’émotion positive, de la colère pour l’émotion négative) et l’autre une expres-
sion neutre. Ensuite, les participants avaient une tâche de reconnaissance, au cours de
laquelle ils voyaient des paires de visages émotionnels (un visage ancien, vu à l’encodage,
et un visage nouveau). Ils devaient indiquer le visage ancien parmi ces deux visages. Les
taux de reconnaissances correctes des visages anciens (Figure 5.6) ont fait apparaître
que les participants jeunes avaient un biais de négativité et les participants âgés un biais
de positivité. Comparés aux visages anciens neutres, les jeunes reconnaissaient mieux
les visages anciens exprimant une émotion négative et autant les visages anciens expri-
mant une émotion positive. Au contraire, les participants âgés reconnaissaient mieux les
visages anciens positifs que les visages anciens neutres et aussi bien les visages anciens
négatifs que les visages anciens neutres. Cette évolution des biais mnésiques avec l’âge
est robuste et a été observée de nombreuses fois, dans des expériences de laboratoire et à
l’extérieur du laboratoire, en mémoire épisodique comme en mémoire autobiographique,
et en mémoire à long terme comme en mémoire de travail (e.g., Carstensen & DeLiema,
2018 ; Fernandes et al., 2008 ; Isaacowitz et al., 2006 ; Kapucu et al., 2018 ; Kennedy et al.,
2004 ; Kensinger et al., 2007, 2007 ; Mather et al., 2004 ; Mather & Knight, 2005 ; Mikels
et al., 2005 ; Piguet et al., 2008 ; Ready et al., 2007 ; Schlagman et al., 2006 ; Shamaskin
et al., 2010 ; Vieillard & Gilet, 2013 ; voir revues et/ou méta-analyses Reed et al., 2014 ;
Reed & Carstensen, 2012 ; Ziaei & Fischer, 2016). Comme pour l’attention, l’évolution
avec l’âge de ces biais a été expliquée par la théorie de la sélectivité socioémotionnelle
proposée par Laura Carstensen et ses collaborateurs. Avec l’âge, nous focalisons notre
attention sur les aspects de bien-être dans la vie, ce qui nous conduit à privilégier les
informations émotionnellement positives et à délaisser les informations négatives.
En d’autres termes, nous mémorisons mieux les informations positives, car nous accor-
dons, à l’encodage comme à la récupération, davantage de ressources de traitement à ces
informations, comparativement aux informations négatives et neutres. En conséquence,
nous mettons en œuvre des mécanismes de traitement (comme la fabrication d’images
mentales ou un traitement sémantique) plus profonds lorsque nous encodons des infor-
mations positives et/ou nous nous appuyons sur ces indices propres à faciliter l’activa-
tion de ces informations au moment du rappel.
Les biais de négativité chez les jeunes et de positivité chez les personnes âgées ne sont
pas toujours observés ou peuvent apparaître sur certains types de stimulus unique-
ment, voire sur certains aspects des performances et pas sur d’autres. Par exemple,
Spaniol et ses collaborateurs (2008) ont montré à leurs participants jeunes et âgés des
visages, des mots et des scènes neutres, négatifs ou positifs. Chaque item était présenté
pendant 2 secondes, suivi d’un écran blanc pendant 1 seconde. Ensuite, les participants
devaient dire pour chaque item si c’était un item émotionnellement neutre, négatif
ou positif. Vingt minutes après cette tâche d’encodage, les participants avaient une
tâche de reconnaissance. Ils voyaient 72 items anciens (vus à l’encodage) et 72 items
nouveaux (non vus à l’encodage) et avaient 5 secondes au maximum pour dire si l’item
présenté était un item nouveau ou ancien.
Émotion et mémoire : vieillissement ■ 117

85
Pourcentages de reconnaissances

Positif
80 Neutre
Négatif
75
correctes

70

65

60
Jeunes Âgés
Figure 5.6
Biais mnésiques et émotions (d’après Mather & Carstensen, 2003).
Pourcentages de reconnaissances correctes des visages émotionnels (positifs, négatifs) et neutres
chez les jeunes et les âgés. Comparés aux visages neutres, les jeunes reconnaissaient mieux les visages
émotionnels négatifs (mais pas les visages positifs), tandis que les personnes âgées reconnaissaient mieux
les visages positifs (mais pas les négatifs).

Les performances des participants ont fait apparaître que les biais de négativité chez les
jeunes et de positivité chez les âgés variaient selon la nature des items. Ainsi, les biais
de positivité (c.-à-d., meilleures performances sur les items positifs que sur les items
neutres) apparaissaient chez les jeunes et les âgés pour les mots, les biais de négativité
(c.-à-d., meilleures performances sur les items négatifs que sur les items neutres) étaient
présents chez les jeunes pour les visages et les scènes. Les âgés reconnaissaient moins
bien les scènes émotionnellement positives et avaient des performances comparables
sur les visages, quelle que soit l’émotion exprimée par ces visages (Figure 5.7).
En réalité, les biais de positivité chez les âgés peuvent être modulés par plusieurs fac-
teurs, comme l’intensité émotionnelle des stimuli (e.g., Kensinger, 2008) ou les priorités
que se donnent les participants dans une tâche cognitive (e.g., English et al., 2012). Par
exemple, sur la Figure 5.8, apparaissent les données rapportées par Kensinger (2008)
montrant que, dans une tâche de reconnaissance, les effets de positivité chez les per-
sonnes âgées n’apparaissaient pas sur les items positifs de forte intensité, mais apparais-
saient sur les items positifs de faible intensité. Dans cette expérience, les participants
voyaient défiler des mots (3 s de présentation/mot), puis avaient une tâche de reconnais-
sance où ils devaient dire pour chaque mot présenté si le mot était ancien ou nouveau.
Les participants âgés reconnaissaient mieux les mots positifs d’intensité faible (p. ex., lac)
que les mots neutres (p. ex., produit) et moins bien les mots négatifs de faible intensité
(p. ex., solitaire). En revanche, ils reconnaissaient aussi bien les mots positifs (p. ex., casino)
et négatifs (p. ex., massacre) de forte intensité et moins bien les mots neutres. Les jeunes
reconnaissaient mieux les mots négatifs que les mots positifs (et moins bien les mots
neutres), quelle que soit l’intensité des mots. En d’autres termes, les biais de positivité
habituellement observés chez les âgés pourraient ne survenir que sur des informations
émotionnelles d’intensité moins forte (les informations émotionnelles fortes étant de
toute façon mieux rappelées, qu’elles soient positives ou négatives).
118 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

Pourcentages de reconnaissances correctes


90
85 Négatif
Neutre
80
Positif
75
70
65
60
55
50
45
40
Adultes jeunes Adultes âgés Adultes jeunes Adultes âgés Adultes jeunes Adultes âgés
Visages Scènes Mots

Figure 5.7
Évolution avec l’âge des biais mnésiques selon la nature des items (d’après Spaniol et al., 2008).
Pourcentages de reconnaissances correctes des visages anciens par les jeunes et les âgés des visages,
scènes et mots négatifs, neutres et positifs. Les biais de positivité (c.-à-d., meilleures performances
sur les items positifs que sur les items neutres) apparaissaient chez les jeunes et les âgés
pour les mots, les biais de négativité (c.-à-d., meilleures performances sur les items négatifs que
sur les items neutres) étaient présents chez les jeunes pour les visages et les scènes. Les âgés
reconnaissaient moins bien les scènes émotionnellement positives et avaient des performances
comparables sur les visages, quelle que soit l’émotion exprimée par ces visages.

Parfois même, les effets de positivité ne sont pas observés (e.g., Budson et al., 2006 ;
Gallo et al., 2009 ; Grühn et al., 2005 ; Kensinger et al., 2002, 2007). Par exemple,
Grühn et ses collaborateurs (2005) ont présenté des listes de 30 mots à apprendre à
leurs participants jeunes et âgés. Chaque mot apparaissait pendant 1000 millisecondes
pour les jeunes et pendant 3000 millisecondes pour les âgés, compte tenu du ralentisse-
ment cognitif lié à l’âge. Les mots étaient positifs, négatifs ou neutres. Les participants
voyaient soit des listes homogènes (les 30 mots avaient la même valence émotionnelle)
soit des listes hétérogènes (les participants voyaient 10 positifs, 10 mots négatifs et
10 mots neutres). Les participants encodaient puis rappelaient chaque liste cinq fois.
Apparaissent sur la Figure 5.9 les pourcentages de mots correctement rappelés au
cinquième essai (où les participants avaient les meilleures performances). Comme sur
les autres essais, dans les deux conditions, les jeunes aussi bien que les personnes âgées
rappelaient plus de mots émotionnels que des mots neutres, mais n’étaient pas plus
biaisés à mieux rappeler soit les mots négatifs, soit les mots positifs.
Les données rapportées par Emery et Hess (2008) constituent un autre exemple de
situations où aucun biais de positivité n’apparaît dans les performances des personnes
âgées (voir Figure 5.10). Les auteurs ont montré 48 images (de scènes positives, néga-
tives ou neutres) à leurs participants jeunes et âgés qu’ils devaient ensuite rappeler
puis reconnaître. Les pourcentages de reconnaissances correctes (corrigés des fausses
alarmes) n’ont fait apparaître aucun biais de positivité chez les âgés (et aucun biais de
négativité chez les jeunes).
Émotion et mémoire : vieillissement ■ 119

70
Pourcentages de reconnaissances correctes

60

50

40

30

20

10

0
Positifs Négatifs Neutres Positifs Négatifs Neutres Positifs Négatifs Neutres Positifs Négatifs Neutres
Adultes jeunes Adultes âgés Adultes jeunes Adultes âgés
Forte intensité Faible intensité

Figure 5.8
Biais de positivité et intensité émotionnelle (d’après Kensinger, 2008).
Pourcentages de reconnaissances correctes des mots neutres, positifs et négatifs (d’intensité forte
ou faible) chez des participants jeunes et âgés. Les données montrent que les biais de positivité
(c.-à-d., meilleures performances sur les mots positifs que sur les mots neutres) habituellement
observés chez les âgés n’apparaissent que sur les mots émotionnels de faible intensité, mais
pas sur les mots de forte intensité. Les jeunes reconnaissaient mieux les mots émotionnels
(positifs et négatifs) que les mots neutres.

70
Pourcentages de rappels corrects

Positif
65
Négatif
60 Neutre

55

50

45

40
Jeunes Âgés Jeunes Âgés
Listes hétérogènes Listes homogènes

Figure 5.9
Vieillissement et absence de biais mnésiques de positivité (Grühn et al., 2005).
Pourcentages de rappels corrects des items positifs, négatifs et neutres par des participants jeunes
et âgés. Les jeunes et les personnes âgées rappelaient plus de mots émotionnels que de mots neutres,
mais n’étaient pas plus biaisés à mieux rappeler soit les mots négatifs, soit les mots positifs.

En fait, la modulation des effets de positivité chez les personnes âgées par différents
facteurs ainsi que leur absence dans certaines conditions ont conduit les chercheurs
à mieux comprendre que ces biais surviennent surtout dans les conditions où les par-
ticipants savent que leur mémoire sera testée après l’encodage et lorsqu’à l’encodage
les ressources cognitives sont suffisantes pour déployer les mécanismes de contrôle
120 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

permettant aux âgés de se focaliser délibérément sur les informations positives.


En revanche, les effets de positivité semblent absents ou moins forts lorsque les
contraintes de la tâche les privent des ressources leur permettant un tel contrôle stra-
tégique, comme c’est le cas lorsque les consignes ne requièrent pas des participants
qu’ils se focalisent sur la dimension émotionnelle du stimulus (p.  ex., les consignes
indiquent simplement de « regarder les stimuli »). Ils semblent également moins forts,
voire absents, quand les participants ne savent pas à l’encodage qu’ils auront à rappe-
ler (ou reconnaître) le matériel encodé.
90
Pourcentages de reconnaissances correctes

80
70
60
50
40
30
20
10
0
Positifs Négatifs Neutres Positifs Négatifs Neutres Positifs Négatifs Neutres Positifs Négatifs Neutres
Adultes jeunes Adultes âgés Adultes jeunes Adultes âgés
Condition de simple observation Condition d'évaluation émotionnelle

Figure 5.10
Biais de positivité et conditions d’encodage (d’après Emery & Hess, 2008).
Pourcentages de reconnaissances correctes (corrigées des fausses alarmes) d’images neutres, positives
et négatives chez des participants jeunes et âgés en fonction de la condition d’encodage. Les données
montrent que les biais de positivité (c.-à-d., meilleures performances sur les images positives que
sur les images neutres) habituellement observés chez les âgés n’apparaissent pas dans ces deux
conditions d’encodage.

2.3. Vieillissement, émotions et rappel des détails


Les émotions sont connues pour influencer l’encodage et le rappel des détails d’un
événement. En particulier, les émotions négatives aident les participants jeunes à
mémoriser davantage d’informations détaillées, et pas uniquement des informations
globales relatives à un événement (voir Kensinger, 2009a, pour une revue). Cette
influence varie-t-elle avec l’âge des participants ? Il semble que oui. En effet, la valence
émotionnelle des informations n’influence pas la mémorisation d’informations globales
et détaillées de la même manière chez les jeunes et les âgés (voir Kensinger, 2009a,
pour une revue).
Par exemple, Kensinger et ses collaborateurs. (2007) ont présenté à leurs participants
jeunes et âgés 144 images (1 image/seconde). Ces images montraient des objets émotion-
nellement positifs (p. ex., bague avec diamant), négatifs (p. ex., une tarentule) ou neutres
(p. ex., un avion). Pendant l’encodage, les participants devaient indiquer pour chaque
objet représenté s’il pouvait tenir dans un tiroir. Trente minutes après l’encodage (pour
Émotion et mémoire : vieillissement ■ 121

les âgés) et deux jours après (pour les jeunes), les participants voyaient 180 images :
72 anciennes, 72 similaires aux anciennes (p. ex., un avion présenté à l’encodage, un
autre avion similaire à la reconnaissance) et 36 nouvelles. Les participants devaient
dire, pour chaque image, si elle montrait le même objet que celui vu à l’encodage, un
objet similaire ou un nouvel objet. Afin de déterminer si les émotions affectent la recon-
naissance globale et la reconnaissance des détails de la même manière chez les jeunes et
les personnes âgées, les auteurs ont analysé les taux de reconnaissances correctes sur
les items anciens et similaires (pour évaluer la reconnaissance globale), d’une part, et
les taux de reconnaissances correctes sur les items anciens (évaluant la reconnaissance
spécifique), d’autre part.
De manière très intéressante (Figure 5.11), les pourcentages de reconnaissances glo-
bales étaient plus élevés pour les objets négatifs (que sur les objets neutres) chez les
jeunes et pour les objets négatifs et positifs chez les personnes âgées. Les pourcentages
de reconnaissances spécifiques (reconnaissances correctes sur les items anciens)
étaient plus élevés uniquement sur les objets négatifs chez les jeunes et les âgés. En
d’autres termes, la reconnaissance globale était meilleure pour les objets à valence
émotionnelle négative chez les jeunes et pour les objets positifs et négatifs chez les âgés.
En revanche, la reconnaissance spécifique était améliorée uniquement sur les objets à
valence émotionnelle négative chez les jeunes comme chez les âgés. Les auteurs ont
retrouvé le même profil de résultats (c.-à-d., amélioration de la reconnaissance globale
sur les objets négatifs chez les jeunes et sur les objets négatifs et positifs chez les âgés ;
amélioration de la reconnaissance spécifique sur les objets négatifs chez les jeunes et
les âgés) dans une seconde étude où les délais entre l’encodage et la reconnaissance
étaient les mêmes chez les participants jeunes et âgés. Ces effets ont été répliqués de
nombreuses fois en laboratoire, y compris dans des tâches de reconnaissance (e.g.,
Kalpouzos et al., 2012), mais ont également été retrouvés à l’extérieur du laboratoire,
comme Holland et Kensinger (2010) les ont observé pour le rappel d’informations rela-
tives à l’élection présidentielle américaine de 1988, ou comme Kensinger et Schacter
(2006 ; Hostler & Berrios, 2021) l’ont observé à propos de match de foot.
En résumé, les travaux sur l’évolution de l’effet des émotions sur la mémoire au cours
du vieillissement ont fait apparaître trois phénomènes importants. D’abord, comme
les jeunes, les performances mnésiques sont affectées par les émotions. L’ensemble
des principaux mécanismes de la mémoire (c.-à-d., encodage, maintien et rappel) sont
influencés par les émotions. Ensuite, l’effet de la valence émotionnelle change avec
l’âge. Les participants jeunes tendent à mieux mémoriser et rappeler des informations
négatives, tandis que les participants âgés sont biaisés en faveur des informations posi-
tives. Enfin, le rappel d’informations globales est favorisé par les émotions négatives
chez les jeunes et par les émotions positives et négatives chez les âgés, tandis que le
rappel d’informations détaillées est facilité par les émotions négatives chez les jeunes
comme chez les personnes âgées.
122 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

85
Pourcentages de reconnaissances correctes
80
75
70
65
60
55
50
45
40
35
Négatifs Positifs Neutres Négatifs Positifs Neutres Négatifs Positifs Neutres Négatifs Positifs Neutres
Jeunes Agés Jeunes Âgés
Reconnaissance générale Reconnaissance spécifique

Figure 5.11
Émotions et rappels des informations détaillées (d’après Kensinger et al., 2007).
Pourcentages de reconnaissances correctes aux niveaux général et spécifique pour les objets négatifs,
positifs ou neutres chez les participants jeunes et âgés. Les pourcentages de reconnaissances globales
(reconnaissances correctes sur les items anciens et similaires) sont plus élevés sur les objets négatifs
(que sur les objets neutres) chez les jeunes et sur les objets négatifs et positifs chez les personnes
âgées. Les pourcentages de reconnaissances spécifiques (reconnaissances correctes sur les items
anciens) sont plus élevés sur les objets négatifs uniquement chez les jeunes et les âgés.

3. Émotion et mémoire : psychopathologie


Tout comme les études sur les différences individuelles et le vieillissement, réali-
sées chez des participants tout-venant, celles conduites en psychopathologie sur des
patients souffrant de différents troubles ont mis en évidence des modulations impor-
tantes des biais mnésiques par les émotions (voir Bogie et al., 2019 ; Kircanski et al.,
2012 ; Okon-Singer, 2018, pour des revues). Illustrons ces modulations au niveau des
effets de congruence affective et de dépendance au contexte.

3.1. Effets de congruence affective chez des patients


Rappelons que les effets de congruence affective consistent en une mémorisation
plus efficace des informations dont la valence émotionnelle correspond à notre état émo-
tionnel. Ces effets sont-ils amplifiés, diminués, ou inchangés dans la psychopathologie ?
Les travaux en clinique font apparaître une modulation des effets de congruence affec-
tive dans différentes pathologies, dans le sens où les biais mnésiques (c.-à-d., meilleures ou
moins bonnes performances mnésiques sur des informations à valences émotionnelles
variables) diffèrent selon la psychopathologie (voir Williams et al., 2007, pour une revue).
Ainsi, des effets de congruence affective peuvent être tellement amplifiés chez certains
patients qu’ils constituent parfois de véritables biais cognitifs (p. ex., un anxieux interpré-
tera toute information ambiguë comme menaçante ou signalant un danger ou interpré-
tera une information négative encore plus négative qu’elle ne l’est). De nombreuses études
Émotion et mémoire : psychopathologie ■ 123

ont observé que des patients souffrant de dépression ont tendance à retenir davantage
d’informations négatives que d’informations neutres ou positives ou à se rappeler plus
leurs échecs que leurs réussites (e.g., Bradley & Mathews, 1983 ; Breslow et al., 1981 ;
Channon et al., 1993 ; Direnfeld & Roberts, 2006 ; Dunbar & Lishman, 1984 ; Ferguson
et al., 2007 ; Gilboa-Schechtman et al., 2002 ; Hartlage et al., 1993 ; Hertel  &  Hardin,
1990 ; Hertel & Milan, 1994 ; Joormann & Siemer, 2004 ; Josephson et al., 1996 ; Matt et
al., 1992 ; McDowall, 1984 ; Post et al., 1980 ; Ramponi et al., 2010 ; Watts & Sharrock,
1987 ; Williams et al., 1997 ; Wittekind et al., 2014 ; Zlomuzica et al., 2014).
Par exemple, Ridout et ses collaborateurs (2003) ont montré des photographies de
visages à des participants diagnostiqués en dépression profonde et à des participants
contrôles. Les participants devaient, dans un premier temps, indiquer l’émotion exprimée
par les visages. Ces visages avaient cinq expressions faciales positives (p. ex., joie), cinq
expressions faciales négatives (p. ex., tristesse) et onze expressions faciales neutres. Les
participants contrôles et déprimés avaient des taux d’identification des émotions faciales
tout fait comparables. Ensuite, après une tâche interférente de 5 minutes, les participants
avaient un test de reconnaissance. Ils voyaient 42 visages (21 anciens et 21 nouveaux).
Pour chaque visage, ils devaient indiquer s’il s’agissait d’un visage ancien ou d’un visage
nouveau. Les taux de reconnaissance des visages (Figure 5.12) montraient très clairement
que les patients déprimés avaient une meilleure reconnaissance pour les visages tristes,
comparés aux visages neutres, et une moins bonne reconnaissance pour les visages joyeux.
Les participants contrôles avaient une meilleure reconnaissance pour les visages joyeux et
une moins bonne reconnaissance pour les visages tristes, comparés aux visages neutres.
100
Visages joyeux
Pourcentages de reconnaissances correctes

Visages neutres
90
Visages tristes

80

70

60

50

40
Déprimés Contrôles
Figure 5.12
Dépression et reconnaissance de visages (d’après Ridout et al., 2003).
Pourcentages de reconnaissances correctes des visages joyeux, neutres et tristes par des participants
déprimés et contrôles. Les patients déprimés reconnaissaient plus les visages tristes que les autres
visages, tandis que les contrôles reconnaissaient plus les visages joyeux.

Ces biais mnésiques qui conduisent des participants déprimés à mieux mémoriser des
informations négatives ne sont pas restreints aux visages ou à une tâche de reconnaissance.
124 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

Ils s’observent dans différentes tâches mnésiques et sur des stimulus variés. Par exemple,
Ruiz-Caballero et Gonzilez (1994) ont donné une liste de 18 mots (9 positifs et 9 négatifs)
à encoder pendant 4  minutes à des participants déprimés et des participants contrôles.
Les participants étaient prévenus qu’il leur fallait apprendre ces mots pour les rappeler
plus tard. Après cette phase d’encodage, les participants ont réalisé une tâche distractrice
pendant 5  minutes, puis ont réalisé une tâche de complètement de racines. Ils voyaient
les trois premières lettres de 36 mots (18 mots anciens et 18 mots nouveaux) et avaient
pour consigne de compléter ces racines avec le premier mot qui leur venait à l’esprit. Dans
cette tâche de mémoire implicite, la consigne ne faisait pas référence aux mots de la liste
préalablement encodée. Pour les mots anciens, les auteurs ont pris soin de sélectionner des
racines qui peuvent être complétées soit par des mots de la liste, soit par des mots dont la
fréquence d’usage dans la langue est plus élevée. Après cette tâche, les participants avaient
une autre tâche distractrice pendant 5 minutes, puis une tâche de rappel libre (mémoire
explicite) où ils devaient rappeler le plus de mots préalablement appris.
Le nombre de mots correctement rappelés (mémoire explicite) et de mots complétés
avec les mots appris (mémoire implicite) apparaît à la Figure 5.13. Les données montrent
clairement que les participants déprimés rappelaient davantage de mots négatifs que de
mots positifs (3,5 vs 1,8) alors que les participants contrôles rappelaient plus de mots
positifs que de mots négatifs (5,1 vs 3,2). De la même manière, les participants déprimés
complétaient plus de racines avec des mots appris négatifs qu’avec des mots appris
positifs (3,4 vs 2,4) alors que les participants contrôle faisaient l’inverse (2,4 vs 3,2).
Vraisemblablement, lors de l’encodage des mots, les participants déprimés faisaient plus
attention aux mots négatifs, les encodaient plus profondément et, en conséquence, les
retenaient et rappelaient mieux aussi bien en mémoire implicite qu’en mémoire explicite.
À l’inverse, les contrôles prêtaient davantage attention aux mots positifs.

6
Mots positifs
Nombre de mots correctement

5 Mots négatifs
rappelés/complétés

0
Contrôles Déprimés Contrôles Déprimés Contrôles Déprimés
Tâche de rappel Tâche de complètement Tâche de complètement
de racines amorcées de racines non amorcées
Figure 5.13
Dépression et mémoires explicite et implicite (d’après Ruiz-Caballero & Gonzilez, 1994).
Performances mnésiques dans des tâches de rappel et complètement de racines (amorcées et non
amorcées) par des participants déprimés et contrôles. Dans les deux tâches (sauf pour les racines
non amorcées), les patients en dépression obtenaient de meilleurs scores sur les mots négatifs
et les participants contrôles sur les mots positifs.
Émotion et mémoire : psychopathologie ■ 125

Les personnes souffrant de dépression ont tendance à stocker et rappeler plus d’infor-
mations négatives, y compris dans des tâches de mémoire implicite (voir Phillips et al.,
2010 pour une méta-analyse). Elles ont également tendance à surévaluer leurs échecs
par rapport à leurs réussites (les mêmes biais négatifs apparaissent chez les patients
victimes de stress post-traumatique, voir revue de Durand et al., 2019, mais aussi chez
des patients dits borderline, voir revue de Baer et al., 2012). Par exemple, Johnson et al.
(1983) ont fait réaliser 20 tâches à des étudiants d’université déprimés et contrôles. Les
participants étaient informés que, pour accomplir chaque tâche, ils auraient un temps
maximum qui correspondait au temps moyen mis par des étudiants ayant réalisé ces
tâches le semestre précédent. Pour 10 de ces 20 tâches, l’expérimentateur arrêtait les
participants avant qu’ils n’aient pu finir la tâche (ils avaient réalisé au moins la moitié
de la tâche). Pour les 10 autres tâches, l’expérimentateur laissait les participants aller
jusqu’au bout. Ensuite, l’expérimentateur demandait aux participants d’indiquer le
nombre de tâches qu’ils avaient réalisées jusqu’au bout et, donc, qu’ils avaient réussies,
et le nombre de tâches auxquelles ils avaient échoué. Les déprimés rapportaient avoir
échoué à plus de tâches que les participants contrôles, et les participants contrôles se
rappelaient avoir réussi plus de tâches que les déprimés, alors que le nombre de tâches
échouées et réussies était le même pour les deux groupes (Figure 5.14).

8
Déprimés
Nombre de réussites et éches rappelés

7,8 Contrôle
7,6
7,4
7,2
7
6,8
6,6
6,4
6,2
6
Tâches réussies Tâches échouées

Figure 5.14
Dépression et jugements de réussite (d’après Johnson et al., 1983).
Nombre de tâches que les participants contrôles et déprimés se rappelaient avoir réussi et échoué.
Le nombre de tâches estimées réussies était plus faible chez les déprimés, tandis que le nombre
de tâches estimées échouées était plus élevé chez les déprimés.

L’effet de congruence affective peut parfois être très spécifique au sein d’une même
psychopathologie et ne s’observer que sur un sous-groupe de patients et/ou sur une
seule tâche. Par exemple, Van Emmichoven et ses collaborateurs (2003) ont mon-
tré que les biais mnésiques (c.-à-d., meilleures performances sur des items négatifs)
n’étaient pas présents sur l’ensemble de leurs patients anxieux, mais sur un sous-groupe
uniquement, et en rappel, mais pas en reconnaissance. Les auteurs ont comparé les
performances mnésiques en tâches de rappel et de reconnaissance chez des patients
126 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

anxieux et des participants contrôles. Les patients anxieux avaient un attachement dit
sécure (caractérisé notamment par un stress relativement faible lors d’une séparation)
ou un attachement insécure (caractérisé notamment par un niveau élevé de stress lors
d’une séparation). Les participants avaient pour consigne de lire attentivement 36 mots
(12 mots positifs, 12 mots négatifs exprimant une menace et 12 mots neutres) qui leur
seraient présentés plus tard. Chaque mot apparaissait un à un sur un écran d’ordinateur
pendant une seconde, en présentation bloquée : tous les mots d’une valence émotionnelle
étaient présentés, suivis des mots d’une autre valence, eux-mêmes suivis des mots d’une
autre valence. Trente minutes après l’encodage, les participants avaient une tâche de
rappel libre puis une tâche de reconnaissance (c.-à-d., ils voyaient les 36 mots encodés et
36 mots nouveaux et devaient dire pour chacun des mots s’il était ancien ou nouveau).
En tâche de rappel (Figure 5.15), les participants anxieux sécures rappelaient plus de
mots négatifs que de mots neutres ou positifs (comme les participants contrôles), tandis
que les participants anxieux insécures rappelaient moins bien les mots émotionnels
négatifs. En tâche de reconnaissance, les patients anxieux insécures reconnaissaient
mieux les mots négatifs que les mots neutres ou positifs, comme les patients anxieux
sécures, alors que les contrôles reconnaissaient moins bien les mots négatifs et mieux
les mots neutres. De manière intéressante donc, dans une population de patients
présentant tous des troubles de l’anxiété, le type d’attachement entraînait des biais
émotionnels sur des mécanismes mnésiques différents (rappel vs reconnaissance) pour
seulement un sous-groupe de ces patients. En effet, le type d’attachement conduisait
les participants anxieux à des biais différenciés, les patients anxieux insécures ayant
plus de difficultés à rappeler les mots négatifs qu’ils avaient pourtant stockés comme
les patients anxieux sécures (en témoignent leurs performances à l’épreuve de recon-
naissance). Notons que quel que soit le type d’attachement, les participants contrôles
présentaient les mêmes profils mnésiques.

2,5
Positifs
Nombre de mots correctement rappelés

Négatifs
2 Neutres

1,5

0,5
Anxieux sécures Anxieux insécures Contrôles sécures Contrôles
insécures
Émotion et mémoire : psychopathologie ■ 127

10
Nombre de mots correctement reconnus

9,5

8,5

7,5

7
Anxieux sécures Anxieux insécures Contrôles sécures Contrôles insécures

Figure 5.15
Effets de congruence affective et anxiété (d’après Van Emmichoven et al., 2003).
Nombre de mots correctement rappelés et reconnus chez des participants contrôles et anxieux
sécures ou insécures. En tâche de rappel, les participants anxieux sécures rappelaient plus de mots
négatifs que de mots neutres ou positifs, tandis que les participants anxieux insécures rappelaient
moins bien les mots émotionnels négatifs. En tâche de reconnaissance, les patients anxieux insécures
reconnaissaient mieux les mots négatifs que les mots neutres ou positifs, comme les patients anxieux
sécures, alors que les contrôles reconnaissaient moins bien les mots négatifs et mieux les mots
neutres.

En résumé, les effets de congruence affective peuvent être exacerbés dans certaines
pathologies. Ainsi, les patients déprimés ont un biais de négativité, en encodant et
rappelant davantage les informations négatives que les informations positives et en
évaluant plus négativement des événements négatifs que des événements neutres ou
positifs. Ainsi encore, les patients anxieux, surtout s’ils ont un attachement insécure,
ont de moins bonnes performances en tâche de rappel, mais pas en tâche de reconnais-
sance (plus facile), sur des mots négatifs exprimant une menace.

3.2. Effets de dépendance aux contextes émotionnels


chez les patients
Rappelons que les effets de dépendance aux contextes émotionnels caractérisent le
fait que nous rappelons mieux des informations lorsque l’émotion ressentie au moment
de l’encodage et du rappel est la même que lorsque nous éprouvons des émotions dif-
férentes. Ces effets s’observent-ils chez des patients atteints de diverses pathologies ?
Les effets de dépendance aux contextes ont également été observés dans certaines
populations souffrant de troubles psychiatriques. Ainsi, Eich, Macaulay et Lam (1997)
ont testé des patients bipolaires. Les patients devaient d’abord produire des souve-
nirs personnels à partir d’un mot inducteur. Ces souvenirs pouvaient faire référence
128 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

à des événements positifs ou négatifs. Ensuite, les patients devaient rappeler ces sou-
venirs autobiographiques récupérés lors de l’encodage. Les patients étaient testés en
état maniaque et/ou en état dépressif, aussi bien à l’encodage qu’au rappel. La question
était de savoir si le nombre de souvenirs correctement rappelés était différent pour les
patients lorsqu’ils étaient testés dans le même état émotionnel à l’encodage et au rappel
(états maniaque-maniaque ou dépressif-dépressif) et dans des états différents (états
maniaque-dépressif ou dépressif-maniaque).
Les données (Figure 5.16) montrent que, pour les souvenirs aussi bien positifs que
négatifs, les patients rapportaient plus de souvenirs autobiographiques produits et
rappelés dans le même état émotionnel que dans un état émotionnel différent. Par
exemple, les patients rappelaient 34 % des souvenirs positifs quand ils étaient dans
le même état émotionnel au rappel et à l’encodage (vs 20 % quand ils étaient dans des
états émotionnels différents). De la même manière, les états émotionnels identiques à
l’encodage et au rappel conduisaient les patients à rappeler 30 % de souvenirs négatifs
(vs 26 % dans des états émotionnels différents).

40
Pourcentages de rappels corrects

Contexte identique
35 Contexte différent

30

25

20

15
Souvenirs positifs Souvenirs négatifs

Figure 5.16
Dépendance au contexte chez des patients bipolaires (d’après Eich et al., 1997).
Pourcentages de souvenirs autobiographiques correctement rappelés par des patients bipolaires
en état maniaque ou dépressif à l’encodage et au rappel. Les patients rapportaient plus de souvenirs
autobiographiques positifs et négatifs produits et rappelés dans le même état émotionnel
que dans un état émotionnel différent à l’encodage et au rappel.

Ces effets de dépendance au contexte ont été retrouvés, parfois de manière amplifiée,
chez des patients souffrant de différentes pathologies (e.g., Delgado et al., 2012 ; Goodwin,
1974 ; Kwiatkowski & Parkinson, 1994 ; Reus et al., 1979 ; Schacter & Kihlstrom, 1989 ;
Wittekind et al., 2014).
En résumé, en accord avec les travaux de laboratoire montrant que, chez les parti-
cipants tout-venant, notre état affectif influence de manière importante ce que nous
stockons dans notre mémoire et ce que nous y maintenons et récupérons, les travaux
en psychopathologie font apparaître que ces biais peuvent être exacerbés dans cer-
taines pathologies et que l’influence des émotions sur la mémoire est d’autant plus
importante que l’état émotionnel du participant au moment de l’encodage est le même
qu’au moment du rappel.
Conclusions ■ 129

Conclusions
La démarche (objectifs et méthodes) des psychologues qui travaillent sur les liens
entre émotions et mémoire est la même que celle de ceux qui travaillent sur les liens
entre émotions et attention (voir chapitres 2 et 3). Pour déterminer si les émotions
affectent la mémoire et comment elles le font, les recherches prennent en compte les
différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie. Les données ont fait
apparaître que les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie
modulent les biais mnésiques émotionnels dans les différentes tâches utilisées pour
sonder la mémoire, sur différents stimulus, et sur les différents mécanismes mnésiques
mobilisés.
Les différences individuelles font apparaître que l’effet des émotions diffère selon les
individus et que les caractéristiques (p. ex., personnalité) des individus peuvent être
systématiquement associées à une modulation de certains effets des émotions sur la
mémoire. Comme nous l’avons vu, les individus anxieux par exemple, ont tendance à
mieux mémoriser des informations à valence émotionnelle négative.
Il en est de même au cours du vieillissement. Avec l’avancée en âge, l’influence des
émotions sur la mémoire change. Les personnes âgées ont tendance à avoir de meil-
leures performances mnésiques sur des informations à valence émotionnelle positive,
tandis que les jeunes mémorisent et rappellent mieux des informations négatives ou
neutres.
Les études en psychopathologie montrent également que les biais mnésiques peuvent
être amplifiés chez certains patients. Comme nous l’avons vu par exemple, les effets
de dépendance aux contextes émotionnels peuvent être amplifiés, comme c’est le cas
lorsqu’un patient bipolaire est testé en phase maniaque lors de l’encodage et du rappel.
L’un des intérêts de ces données sur les différences individuelles, le vieillissement et
la psychopathologie est qu’elles renforcent l’hypothèse selon laquelle nos états émo-
tionnels influencent non seulement nos performances mnésiques, mais également les
mécanismes mobilisés pour encoder, retenir et rappeler des informations. L’effet de
nos états émotionnels peut être indépendant ou s’ajouter à l’effet de la valence émo-
tionnelle des informations à traiter (p.  ex., une personne en état émotionnel négatif
retiendra mieux des informations émotionnellement négatives).
Bien sûr, ces travaux de recherche fondamentale ne sont pas sans importance au niveau
des applications. Ils renseignent sur les conditions de rappel d’informations erronées,
mais aussi justes, et le rôle que les émotions peuvent avoir, à tout âge et chez différents
types d’individus, sur ce rappel. Les résultats de ces recherches peuvent aider le clini-
cien aux niveaux diagnostique et thérapeutique, comprendre la création et le rôle des
faux souvenirs par exemple, mais aussi pour tester les patients et les personnes âgées
dans les meilleures conditions qui maximisent les chances de rappel d’informations ou
d’événements effectivement survenus dans le passé. Ces résultats peuvent être cruciaux
dans certains secteurs professionnels (comme le recueil de témoignages lors du dépôt de
plaintes pour agression ou viol ou lors de confrontations entre victimes et agresseurs),
les émotions pouvant avoir une très grande influence dans ces contextes.
130 ■ CHAPITRE 5 – Émotion et mémoire : différences individuelles, vieillissement…

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir


1. La personnalité modère-t-elle l’influence des émotions sur la mémoire ? Si
oui, de quelle manière ?
2. La mémoire des informations émotionnelles est-elle la même chez les hommes
et chez les femmes ? En quoi la différence liée au sexe des participants
dépend de l’intensité émotionnelle ?
3. L’effet des émotions sur les performances des participants jeunes et âgés
est-il comparable en tâche de rappel et en tâche de reconnaissance ?
4. En quoi consiste l’interaction Âge x Valence émotionnelle ?
5. Qu’apportent les données de la psychopathologie, du vieillissement et sur
les différences individuelles à notre connaissance de l’influence des émotions
sur la mémoire ?

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF5

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM5

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC5
CHAPITRE 6

Émotion, jugement,
prise de décision
et raisonnement
Ce chapitre examine le rôle des émotions dans le jugement (ou l’estimation de
la probabilité de différents événements), la prise de décision (ou le choix entre
plusieurs options) et le raisonnement (ou les inférences). Il présente les travaux
montrant le type de biais d’estimation que nous adoptons sous émotion, com-
ment les émotions nous amènent à prendre des décisions parfois contraires
à nos intérêts et à augmenter les risques que nous prenons dans la vie. Dans
ce chapitre, est également passée en revue la façon dont les émotions nous
amènent à raisonner de manière illogique dans certaines conditions, ou, au
contraire, à améliorer nos raisonnements dans d’autres conditions. Le chapitre
se termine en décrivant les mécanismes responsables des effets des émotions
sur le jugement, la prise de décision et le raisonnement inductif ou déductif.

SOMMAIRE

1. Émotion et jugement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133


2. Émotion et prise de décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .138
3. Émotion et raisonnement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .149
132 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

Les activités cognitives dites intégrées ou de haut niveau comprennent le juge-


ment, la prise de décision et le raisonnement. Les psychologues qui travaillent sur le
jugement et la prise de décision cherchent à comprendre comment nous formulons
certains jugements ou comment nous estimons la probabilité de différents événements
ou la plausibilité d’un énoncé (p. ex., « Quel est le risque qu’il pleuve aujourd’hui ? »,
« Est-il vrai que telle molécule soigne telle maladie ? »), et comment nous prenons une
décision ou faisons un choix parmi plusieurs options (p. ex., « Quelle voiture je choi-
sis d’acheter ? »). Ceux qui travaillent sur le raisonnement cherchent à comprendre
comment nous faisons des inférences, c’est-à-dire, tirer des conclusions ou dériver
des informations (nouvelles ou anciennes) à partir d’une situation ou d’un ensemble
d’informations. Comme pour les autres activités cognitives, les mécanismes mis en
œuvre dans le jugement, la prise de décision et le raisonnement sont déterminés à
partir des effets des différents facteurs (caractéristiques des situations, des stimulus,
des tâches ou des individus) sur les performances des participants. L’une des questions
importantes est de savoir si les émotions affectent ces activités, et si oui comment, ou
par quels mécanismes.
Les recherches relatives au rôle des émotions sur ces activités cognitives de haut
niveau se sont largement appuyées sur les acquis de la psychologie cognitive relatifs
au jugement et à la prise de décision (voir Kahneman, 2011 ; Lainey, 2013 ; Newell
et al., 2015, pour quelques revues), ainsi que sur ceux relatifs au raisonnement (voir
Bonnefon, 2011 ; De Neys, 2021 ; Feeney  &  Thompson, 2014 ; Manktelow, 2012 ;
Rossi & Van der Henst, 2007, pour quelques revues).
Pour comprendre le rôle des émotions sur le jugement, la prise de décision et le rai-
sonnement, les psychologues ont recours aux approches habituellement utilisées pour
étudier le rôle des émotions sur la cognition (Angie et al., 2011 ; Lerner et al., 2015 ;
Rolls, 2014) (Angie et al., 2011 ; Blanchette, 2010 ; Lerner et al., 2015 ; Rolls, 2014). Ils
analysent l’effet du contenu émotionnel des situations ou énoncés à propos desquels
les participants doivent formuler un jugement, prendre une décision, ou raisonner. Par
ailleurs, ils induisent des émotions chez les participants qui doivent ensuite accomplir
des tâches de jugement, de prise de décision ou de raisonnement. Cette induction est
réalisée de la même manière que dans les autres domaines cognitifs : en faisant vision-
ner des films émotionnels ou neutres, en montrant des images neutres ou émotion-
nelles, en faisant décrire des récits émotionnels autobiographiques, en lisant des textes
à contenu émotionnel ou neutre, ou bien encore en faisant écouter des musiques dont
les études antérieures ont montré qu’elles déclenchent ou non des émotions. Enfin, le
rôle des émotions sur le jugement, la prise des décisions et le raisonnement est égale-
ment évalué en examinant comment des individus aux profils émotionnels différents,
des individus atteints de différents troubles, et des individus d’âge différent jugent,
prennent des décisions et raisonnent.
Dans ce chapitre, nous discutons le rôle des émotions d’abord sur le jugement puis
sur la prise de décision et enfin sur le raisonnement. Nous verrons que les émotions
peuvent modifier nos évaluations de la probabilité de différents événements, ainsi que
nos décisions et la mécanique inférentielle à la base de nos raisonnements.
Émotion et jugement ■ 133

1. Émotion et jugement
L’une des premières activités que l’on mobilise lorsqu’on prend une décision est
l’activité dite de jugement. Le jugement nous permet d’évaluer la probabilité de cha-
cune des options qui s’offrent à nous et parmi lesquelles nous allons devoir en choisir
une. Par exemple, quelle est la probabilité d’avoir une vie professionnelle épanouie
et stimulante pour quelqu’un qui fait de longues études universitaires versus des
études courtes ? Par exemple encore, quelles sont les chances de décrocher (ou pas) cet
emploi ? Par exemple enfin, quelle est la probabilité qu’il fasse beau (vs qu’il pleuve)
toute la journée, sachant que le soleil brille ce matin ? Pour choisir une possibilité
parmi plusieurs, nous allons donc évaluer quelles sont les chances (ou la probabilité)
de chaque possibilité. Nous allons également évaluer l’importance pour nous (ou son
utilité subjective) de chaque option. Par exemple, est-il important que, parmi tous les
appartements à visiter, celui choisi soit spacieux et lumineux (comparé au fait d’être
situé au centre-ville ou à la périphérie) ? Ainsi, prendre une décision mobilise des pro-
cessus de jugement qui s’appuient sur nos évaluations de la valeur subjective de chaque
option ainsi que sur leurs probabilités d’occurrence. Les psychologues ont donc étudié
le rôle des émotions sur les jugements pour déterminer si nos émotions influencent le
type de décision que nous prenons et comment nous prenons une décision.
Pour étudier les facteurs qui influencent nos jugements et les mécanismes mobilisés pour
formuler ces jugements, les psychologues présentent aux participants plusieurs possibi-
lités ou événements dont il faut estimer la probabilité (p. ex., « Quelle est la probabilité
de mourir du cancer ? D’un accident de la route ? ») ou pour lesquels il faut indiquer
une préférence (p. ex., « Préférons-nous faire du sport ou pratiquer un art martial ? »).
Différentes tâches existent (p. ex., tâches de comparaison de fréquences, d’estimations
de probabilité, de jugement de préférences, etc.) pour étudier les jugements. Les travaux
sur le rôle des émotions dans ces jugements ont pu montrer que nos jugements peuvent
être influencés par nos états émotionnels. Deux effets expérimentaux peuvent illustrer
ces effets : les biais émotionnels de surestimation et les effets de congruence affective.

1.1. Biais de surestimation


Johnson et Tversky (1983) ont montré que nous avons tendance à surestimer
davantage la probabilité d’un événement négatif quand nous nous trouvons dans un
état émotionnel négatif. Les auteurs ont demandé à des participants d’estimer la pro-
babilité de 17 causes de mort (p. ex., leucémie, accident de la route). Avant cette tâche
d’estimation, les participants lisaient des textes courts sur différentes causes de mort
(p. ex., leucémie, meurtre, problèmes cardiaques) dans les conditions émotions ou des
textes neutres dans la condition contrôle. Les résultats ont fait apparaître que les par-
ticipants du groupe émotion évaluaient la probabilité de certaines causes de mort plus
élevée que les participants du groupe contrôle. Par exemple, dans l’une de leurs expé-
riences, les auteurs ont trouvé que la probabilité des différentes causes de mort était
en moyenne 74 % plus élevée dans la condition émotion que dans la condition contrôle.
134 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

En outre, les surestimations du groupe émotion par rapport au groupe contrôle étaient
comparables, quelle que soit la cause de la mort estimée (c.-à-d., la probabilité de mou-
rir d’une leucémie n’était pas jugée plus élevée que celle de mourir d’un accident de la
route après avoir lu un texte sur la leucémie). Ces surestimations étaient comparables
pour les causes de mort mentionnées dans les textes amorces (p. ex., leucémie) et pour
celles non mentionnées (p. ex., homicide), suggérant un effet général du contexte émo-
tionnel et en accord avec l’hypothèse selon laquelle les effets d’émotion n’étaient pas
confondus avec de simples effets d’amorçage.
La même année, Schwarz et Clore (1983) ont rapporté une étude dont les résultats
montrent que nos états d’humeur ou émotions influencent nos jugements y compris
sur nous-mêmes, comme le fait de se sentir heureux dans la vie ou de vivre une vie
pleinement satisfaisante. Dans deux expériences, ils ont demandé aux participants
d’estimer leur niveau de satisfaction dans la vie ou d’estimer s’ils se sentaient heureux
dans la vie (sur des échelles de 1 à 7) ou satisfaits (de 1 à 11 points, avec 1 = très peu
et 11 = beaucoup). Dans une première expérience, avant ces jugements, les auteurs ont
demandé à des participants de décrire de manière précise soit un événement heureux
soit un événement triste qu’il leur était arrivé récemment. Dans une seconde expé-
rience, ils ont demandé ces évaluations soit un jour où il faisait beau, soit un jour où
il pleuvait. Leurs données (Figure 6.1) font apparaître que les gens s’estimaient nette-
ment plus heureux les jours de beau temps que les jours de pluie ou après avoir décrit
un événement heureux récemment vécu qu’après avoir décrit un événement triste.
10 8
Événement heureux Ensoleillé Pluvieux
9 Événement triste
7
8
Estimations

Estimations

7 6

6
5
5

4 4
Satisfaction de vie Bonheur Satisaction de vie Bonheur

Figure 6.1
Effets de contexte et jugements (d’après Schwartz & Clore, 1983).
Estimations des niveaux de satisfaction et de bonheur dans la vie après avoir décrit un événement
heureux vs triste, et formulées un jour ensoleillé ou pluvieux. Les niveaux de satisfaction dans la vie
et de bonheur étaient plus élevés après avoir décrit un événement heureux ou un jour ensoleillé.

1.2. Jugements et effet de congruence affective


Le deuxième effet expérimental relatif à l’influence de nos émotions sur nos juge-
ments que de nombreuses recherches ont beaucoup étudié est l’effet dit de congruence
Émotion et jugement ■ 135

affective (analogue aux effets de congruence affective observés en attention et en


mémoire, vus aux chapitres 2 et 4). Selon cet effet, nous avons tendance à aligner nos
jugements sur nos états émotionnels, de sorte que, comparée à une personne triste,
une personne joyeuse jugera par exemple plus élevée la probabilité d’un événement
heureux (p.  ex., il fera beau demain). Par exemple, Constans et Mathews (1993) ont
demandé à leurs participants de juger la probabilité d’événements positifs ou négatifs.
Pendant une dizaine de minutes avant la tâche de jugement, les auteurs induisaient des
émotions positives ou négatives. Les participants devaient ainsi s’imaginer plusieurs
événements négatifs (p. ex., « Imaginez-vous que votre mari vous quitte. ») ou positifs
(p. ex., « Imaginez-vous que vous réussissez vos examens de fin d’année. »). Ensuite, les
participants voyaient des événements dont ils devaient juger la probabilité d’occur-
rence sur une échelle allant de 0 (événement fortement improbable) à 8 (événement
fortement probable). Les événements dont il fallait évaluer la probabilité étaient soit
amorcés dans le sens où ils faisaient partie des événements à imaginer avant la tâche
de jugement de probabilité (p. ex., « Votre mari va vous quitter. »), soit non amorcés,
car étant des événements nouveaux (p. ex., « Vous allez être agressé dans la rue. »).
Les estimations subjectives moyennes pour chaque événement positif ou négatif en
conditions d’émotion positive ou négative (Figure 6.2) montrent des effets de congruence
affective. Les individus ayant préalablement activé des émotions positives ont jugé plus
probables des événements positifs (et moins probables des événements négatifs) com-
parés à des individus ayant préalablement activé des émotions négatives. Les mêmes
résultats apparaissaient sur les événements amorcés et sur les événements non amorcés.

4
Émotion positive
Émotion négative

3,5
Jugements de probabilité

2,5

2
Événements négatifs Événements positifs

Figure 6.2
Effets de congruence affective sur les jugements (d’après Constans & Mathews, 1993).
Estimations de la probabilité d’événements positifs ou négatifs par des participants mis dans un état
émotionnel positif ou négatif. Les événements négatifs étaient jugés plus probables sous émotion
négative et les événements positifs plus probables sous émotion positive.
136 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

Plusieurs travaux empiriques ont montré que les effets de congruence affective sur nos
jugements de probabilité existent également quand les participants évaluent eux-mêmes
l’émotion ou l’humeur dans laquelle ils se trouvent au moment où ils émettent leurs juge-
ments. Par exemple, Mayer et ses collaborateurs (1992) ont conduit une série d’études à
grande échelle montrant que l’effet des émotions sur les jugements de probabilité existe
en dehors du laboratoire et des procédures expérimentales utilisées pour induire des
émotions. Les auteurs ont sondé l’humeur des 524 participants, représentatifs de la
population du New Hampshire aux États-Unis, avec une échelle d’humeur, ce qui leur a
permis de catégoriser les participants se décrivant comme étant, sur le moment, d’humeur
positive ou d’humeur négative. Par ailleurs, les participants avaient une tâche de juge-
ment de probabilité portant sur des événements survenant dans le New Hampshire. Ces
événements étaient soit positifs, soit négatifs. Ainsi, « Dans le New Hampshire, quelle est
la probabilité qu’un mariage conduise à une relation heureuse sur le long terme ? est un
exemple d’événement positif, tandis que « Quelle est la probabilité pour qu’il tombe une
bombe atomique au cours des cinq prochaines années ? est un exemple d’événement néga-
tif. Les autres événements positifs concernaient l’amitié sur le long terme, l’amélioration
de l’économie et une belle histoire d’amour, tandis que les autres événements négatifs
concernaient un divorce dans les 5 années qui suivent le mariage, une diminution des
emplois et un crime. Les participants devaient évaluer la probabilité de chaque événement
sur une échelle de 0 (aucune chance) à 100 (absolument certain).
Les jugements de probabilité ont fait apparaître (Figure 6.3) que les participants se
disant dans un état émotionnel (ou humeur) positif évaluaient plus probables des
événements positifs que les participants d’une humeur négative. À l’inverse, les par-
ticipants d’une humeur négative jugeaient plus probables les événements négatifs que
les participants se décrivant d’une humeur positive.
Les effets de congruence affective sur les jugements de probabilité ont été obser-
vés de nombreuses fois aussi bien en laboratoire (e.g., Alhakami  &  Slovic, 1994 ;
Bhanji  &  Beer, 2012 ; DeSteno et al., 2000 ; Drace et al., 2010 ; Forgas, 2000, 2001 ;
Forgas et al., 2001 ; Isen et al., 1988 ; Keltner et al., 1993 ; Lerner et al., 2003, 2004 ;
Lerner & Keltner, 2000, 2001 ; Quraishi & Oaksford, 2013 ; Schwarz & Clore, 2007,
1996 ; Siemer  &  Reisenzein, 1998 ; Slovic et al., 2005 ; Slovic  &  Peters, 2006 ;
Tiedens  &  Linton, 2001 ; Västfjäll et al., 2016) qu’hors du laboratoire (e.g., Danvers
et al., 2018 ; Fischhoff et al., 2005 ; Lerner et al., 2003, 2004 ; Lu  &  Schuldt, 2015 ;
Mayer et al., 1992 ; Mayer & Hanson, 1995 ; McFarland et al., 2003 ; Small & Lerner,
2008). À l’extérieur du laboratoire, par exemple, Lerner et ses collaborateurs (2003)
ont montré que, suite aux attentats du 11 septembre 2001 à New York, les indivi-
dus chez qui on activait une émotion de peur (en leur demandant préalablement de
décrire ce qui était effrayant dans les attaques du 11 septembre) avaient tendance
à davantage évaluer les risques d’attentats à venir comme étant plus élevés. Dans
une autre de leur étude, ils ont activé la peur chez des participants et la colère chez
d’autres participants. Ils ont activé la peur en faisant lire un article sur les dangers
de l’anthrax et la colère en faisant lire un article sur la célébration des attentats du
11 septembre dans certains pays arabes. Les auteurs ont trouvé que les participants
chez qui la peur avait été activée estimaient que le monde comportait plus de dangers
et de risques. Ceux chez qui la colère avait été activée estimaient que le monde était
Émotion et jugement ■ 137

moins risqué. Cette différence entre deux émotions négatives suggère que l’effet des
émotions peut différer selon le type d’émotion et selon le type d’événement évalué. Par
exemple encore, Cohen-Charash et al. (2013) ont analysé des rapports de journaux sur
les fluctuations de l’humeur des investisseurs en bourse (en particulier, ils ont étudié
l’emploi de mots émotionnels dans les articles de presse parlant de l’humeur des tra-
ders) et les fluctuations des prix du NASDAQ. Leurs analyses ont fait apparaître que
les valeurs du NASDAQ à l’ouverture du marché suivaient l’humeur des traders le
jour précédent. Ainsi, les prix du NASDAQ étaient élevés le matin à l’ouverture de la
bourse quand, la veille, les traders étaient dans une humeur positive et avaient baissé
suite à une humeur négative des traders (voir également la corrélation positive entre
le nombre de jours ensoleillés et les échanges boursiers, trouvés dans 26 pays, par
Hirshleifer & Shumway, 2003 ; Kamstra et al., 2003).
60

Humeur positive

55 Humeur négative
Estimations de probabilité

50

45

40

35

30
Items positifs Items négatifs
Figure 6.3
Effets de congruence affective hors du laboratoire (d’après Mayer et al., 1992).
Estimations de la probabilité d’événements positifs et négatifs par des individus se décrivant d’une
humeur positive ou négative. Les événements positifs étaient jugés plus probables par les individus
d’humeur positive et les événements négatifs plus probables par les individus d’humeur négative.

En résumé, de nombreuses données ont fait apparaître que nos jugements de probabi-
lité sont influencés par nos émotions. Ces effets des émotions sont aussi observés sur
des jugements plus qualitatifs que les jugements de probabilité, comme le jugement
moral par exemple (voir Landy  &  Goodwin, 2015, pour une méta-analyse). En état
émotionnel, nous ne formulons pas les mêmes jugements qu’en état neutre. Ainsi, nous
pouvons être amenés à surestimer ou à sous-estimer la probabilité de certains événe-
ments. Ces biais d’estimation en état émotionnel peuvent être amplifiés ou amoindris
138 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

s’ils concernent des événements ayant eux-mêmes une valence émotionnelle, soit
congruente à l’état émotionnel dans lequel se trouve l’individu qui émet un jugement de
probabilité, soit incongruente à cet état émotionnel. Comme ces jugements de probabi-
lité sont cruciaux dans les décisions que nous prenons, nous allons voir dans la partie
suivante que, par conséquence directes ou indirectes, les émotions affectent également
les décisions que nous prenons.

2. Émotion et prise de décision


De nombreux travaux ont fait apparaître que la prise de décision est influencée par
nos émotions tant positives que négatives. Des émotions aussi diverses que la tristesse,
le dégoût, la joie, l’amusement ou la colère ont été testées dans des tâches variées de
prise de décision. Les résultats ont montré que nos émotions influencent nos décisions
dans des contextes très différents et que l’effet des émotions diffère en fonction des
émotions ressenties et de la tâche à accomplir (voir Keltner, 1995 ; Phelps et al., 2014 ;
Västfjäll et al., 2016 ; Västfjäll & Slovic, 2013). Illustrons ces résultats avec quelques
études, concernant l’effet d’abord des émotions positives, puis des émotions négatives.

2.1. Émotions positives et décisions


De nombreuses données montrent que nous avons tendance à prendre des déci-
sions moins risquées lorsque nous ressentons une émotion positive. Par exemple, Isen
et Geva (1987 ; voir aussi Cheung  &  Mikels, 2011 ; Gigerenzer, 2007 ; Gosling et al.,
2020 ; Isen  &  Patrick, 1983 ; Mailliez et al., 2020 ; Miu  &  Crişan, 2011) ont testé des
participants dans une condition déclenchant une émotion positive ou dans une condition
contrôle. En arrivant au laboratoire pour passer l’expérience, les participants recevaient
un magnifique paquet de bonbons pour les remercier de participer à l’expérience dans
la condition émotion positive, et ne recevaient rien dans la condition contrôle. Ensuite,
les participants étaient invités à jouer à la roulette type roulette de casino. Ils avaient 10
jetons pour parier à la roulette. Les participants ont également été testés dans une des
trois conditions de prise de risque (risques faibles, moyens ou élevés). Ainsi, les partici-
pants pouvaient parier 1 jeton dans la condition de faible risque, 5 jetons dans la condi-
tion de risque moyen et 10 jetons dans la condition de risque élevé. Enfin, les participants
étaient informés que s’ils gagnaient à la roulette (c.-à-d., le numéro choisi serait celui tiré
au sort par la roulette), ils recevraient l’équivalent de leur mise (c.-à-d., les gagnants ayant
parié un jeton recevraient un jeton, ceux ayant parié 5 jetons en recevraient 5 et ceux
qui avaient parié 10 jetons en recevraient 10). En revanche, s’ils perdaient, ils devaient
donner le nombre de jetons pariés, pris parmi les jetons disponibles au départ. Les parti-
cipants (des étudiants d’université) étaient prévenus que s’il ne leur restait plus de jetons
après leur pari, ils ne bénéficieraient pas du nombre de points sur leur examen termi-
nal que leur participation à cette expérience leur donnerait. En revanche, s’ils avaient
augmenté leur nombre de jetons, ils auraient plus de points qu’initialement prévus. Une
fois toutes ces informations fournies aux participants, ceux-ci devaient indiquer quelle
devait être la chance de gagner pour accepter de faire ce pari sur une échelle de 0 (aucune
Émotion et prise de décision ■ 139

chance) à 1 (grande chance). Ils devaient donner la probabilité de gagner nécessaire pour
jouer, par fraction de .10. Par exemple, un participant disant qu’il acceptait de jouer
seulement s’il avait au moins 4 chances sur 10 de gagner indiquait .40, tandis qu’un
participant estimant qu’il voulait jouer seulement s’il avait 8 chances sur 10 de gagner
indiquait .80. Notons qu’un nombre élevé (p. ex., .80) indique que le participant veut être
aussi sûr que possible de gagner pour jouer, tandis qu’un nombre plus faible (p. ex., .30)
indique que le participant décide de prendre un risque plus important (car il indique qu’il
veut bien jouer avec peu de chances de gagner).
Les données (Figure 6.4) montrent de manière claire que les participants ont besoin de
plus de certitude de gagner pour jouer en condition émotion positive qu’en condition
émotion neutre, lorsque les pertes/gains sont élevés, et l’inverse lorsque les pertes/
gains sont faibles. Ainsi, lorsque les pertes/gains étaient plus élevés (5 ou 10 jetons),
les participants disaient vouloir parier seulement s’ils avaient au moins 68 % de
chances de gagner leur mise en condition émotion positive (contre 52 % en condition
émotion neutre). En revanche, lorsque les pertes/gains étaient faibles (1 jeton), les par-
ticipants voulaient avoir 53 % de chances de gagner dans la condition émotion positive
et 59 % dans la condition émotion neutre. En d’autres termes, les participants avaient
une certaine aversion au risque plus élevée en condition émotion positive qu’en
condition émotion neutre pour les enjeux les plus importants et moins élevée pour les
enjeux les moins importants. Les auteurs ont proposé d’interpréter cette aversion au
risque en postulant que l’objectif des participants en état émotionnel positif étant de
maintenir cet état, ils éviteraient les risques pouvant entraîner une suppression ou une
diminution de cet état.

0,75

Neutre Positive
0,7

0,65
Niveau de certitude

0,6

0,55

0,5

0,45

0,4
Gains/Pertes faibles Gains/Pertes moyens Gains/Pertes élevés

Figure 6.4
Émotion positive et prises de risques (d’après Isen & Geva, 1987).
Niveau de certitude exigée par les participants en condition émotions neutre et positive pour parier
au jeu de la roulette et escompter des gains faibles, moyens ou élevés. L’émotion positive
140 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

s’accompagne d’une diminution de la prise de risque.

2.2. Émotions négatives et décisions


De nombreux travaux ont montré que nos décisions changent sous les effets du
stress (e.g., Lighthall et al., 2009 ; Otto et al., 2013 ; Pabst et al., 2013 ; Porcelli & Delgado,
2009 ; Preston et al., 2007 ; Schwabe & Wolf, 2009 ; Vinkers et al., 2013 ; von Dawans
et al., 2012 ; Youssef et al., 2012 ; pour les effets spécifiques à la peur, voir méta-analyse
de Wake et al., 2020). De manière générale, ces études montrent qu’en état de stress,
nous avons tendance à passer d’un mode de fonctionnement cognitif fondé sur un trai-
tement profond de l’information, une analyse des coûts-bénéfices plus systématique et
analytique, des buts clairs et déterminés, à un fonctionnement cognitif plus intuitif et
heuristique reposant sur des décisions plus habituelles bien que non nécessairement
plus appropriées. Nous allons ainsi faire des choix dont les bénéfices sont peut-être
moins importants, mais qui sont plus certains ou davantage de choix contraires à nos
intérêts.
Par exemple, Porcelli et Delgado (2009) ont donné à leurs participants un jeu dans
lequel ils devaient choisir entre deux paris, dont l’un était plus risqué que l’autre, car
la probabilité de gagner était plus faible. Les paris étaient présentés sous une version
gain ou sous une version perte. Ainsi, concernant la version perte, les participants
devaient choisir entre (a) Pari 1 : 80 % de risques de perdre 0,75 dollar, et (b) Pari 2 :
20 % de risques de perdre 3 dollars. Concernant la version gain, ils pouvaient choisir
entre (a) Pari 1 : 80 % de chances de gagner 0,75 dollar, et (b) Pari 2 : 20 % de chances
de gagner 3  dollars. Ainsi encore, dans un autre ensemble de paris, pour la version
perte, les participants pouvaient choisir entre (a)  Pari  1 : 60 % de risques de perdre
1 dollar, et (b) Pari 2 : 40 % de risques de perdre 1,5 dollar. Pour la version gain, ils
pouvaient choisir entre (a) Pari 1 : 60 % de chances de gagner 1 dollar, et (b) Pari 2 :
40 % de chances de gagner 1,50 dollar. Les participants devaient parier sur 160 essais,
aléatoirement présentés du point de vue des versions gains et pertes, l’objectif étant
de maximiser les gains sur les 160  essais. Les participants étaient testés dans une
condition de stress et dans une condition contrôle. Les participants trempaient leur
main dominante dans l’eau froide (4 °C) pendant 2 minutes pour la condition stress, et
dans l’eau tiède (25 °C) aussi pendant 2 minutes pour la condition contrôle. Des études
antérieures ont établi que cette procédure est pertinente pour induire un état de stress
chez les participants. De plus, Porcelli et Delgado ont vérifié le niveau de stress de leurs
participants en mesurant l’activité électrodermale, le niveau de conductance cutanée
étant un bon indicateur du stress. Les auteurs ont étudié les pourcentages de choix
risqués (paris avec la probabilité la plus faible) dans les conditions stress et contrôle
selon la version gain et perte.
Les résultats (Figure 6.5) font apparaître un effet appelé « effet de réflexion », à savoir
que les participants font un choix risqué plus fréquemment dans le domaine des pertes,
mais moins fréquemment dans le domaine des gains. En effet, pour les paris présentés
avec une version gain, le pourcentage de paris risqués choisis par les participants était
Émotion et prise de décision ■ 141

nettement inférieur dans la condition stress que dans la condition contrôle. Tout se
passe comme si le stress conduisait les participants à ne pas prendre de risque quand le
choix est formulé en termes de gains, afin de maximiser les chances de gains, quel que
soit le volume de ces gains. C’est l’inverse qui se passe lorsque le choix est formulé en
termes de pertes : le pourcentage de paris risqués avait tendance à être plus important
dans la condition stress que dans la condition contrôle, comme si le stress conduisait
les gens à prendre plus de risques dans une situation où la perte est mise en avant. En
d’autres termes, en situation de perte, on minimise la taille du montant perdu, quitte à
augmenter les risques de perdre ce montant.
En fait, le stress exacerbe les biais cognitifs habituellement observés en prise de déci-
sion. Sous stress, les participants adoptent des routines automatisées de traitement de
l’information, plutôt que des procédures délibérées de traitement profond de l’infor-
mation. En effet, de nombreuses études antérieures avaient montré que le choix par
défaut fait par le cerveau dans ce genre de contexte est bien de prendre l’option gain la
plus probable et l’option perte la moins probable (e.g., Masicampo & Baumeister, 2008).
Le stress ne fait qu’amplifier ces biais cognitifs. En accord avec cette hypothèse, dans
une tâche de reconnaissance où les participants voyaient des mots dont ils devaient
dire ensuite s’ils étaient présents ou non parmi une liste, Porcelli et Delgado ont
observé que les participants allaient plus vite pour faire cette tâche de reconnaissance
dans la condition stress : le stress conduisait les participants à adopter des stratégies
de traitement plus superficielles mais plus rapides pour faire la tâche plus rapidement.

70

Contrôle
60
Stress
Pourcentages de choix risqués

50

40

30

20

10

Gains Pertes

Figure 6.5
Stress et prise de risque (d’après Porcelli & Delgado, 2009).
Pourcentages de choix risqués en conditions de stress et contrôle selon la version gains/pertes
des paris entre lesquels choisir. Le stress amplifie les effets habituellement observés. En condition
de stress, les choix risqués étaient plus faibles pour l’option gain et plus élevés pour l’option perte.
142 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

2.3. Tristesse, anxiété et décisions


Raghunathan et Pham (1999) ont conduit plusieurs expériences pour détermi-
ner comment des émotions négatives comme la tristesse et l’anxiété influencent nos
comportements de prise de risque. Ils ont d’abord fait lire des scénarii à leurs parti-
cipants qui devaient s’imaginer aussi précisément et intensément que possible faire
l’expérience décrite dans les différents scénarii. Grâce à des prétests, ces scénarios
étaient connus pour déclencher de la tristesse (scénario décrivant la mort subite d’un
parent), de l’anxiété (scénario décrivant un examen médical à réaliser d’urgence après
de  premiers examens pour évaluer la présence éventuelle d’un cancer) ou aucune
émotion (description de la journée banale d’une personne nommée Pat). Ensuite, dans
une première expérience, les participants devaient dire parmi deux paris lequel ils
préféraient (ou choisiraient s’ils devaient parier) : (a) Pari 1 : 6 chances sur 10 de gagner
5 dollars ; ou (b) Pari 2 : 3 chances sur 10 de gagner 10 dollars. Notons que le pari 2
est le plus risqué (car présentant une probabilité plus faible), mais dont le gain attendu
est le plus élevé. Dans une deuxième expérience, les participants devaient choisir
parmi deux emplois celui qu’ils préféraient : (a) Emploi 1 : salaire élevé, faible sécurité
de l’emploi ; (b) Emploi 2 : salaire moyen, sécurité de l’emploi garantie. Là aussi, notons
que l’une des options, l’emploi 1, est la plus risquée (sécurité de l’emploi la plus faible),
mais dont le gain attendu est le plus élevé.

90
Tristesse
Pourcentages de participants choisissant

80
Neutre
Anxiété
70
l’option la plus risquée

60

50

40

30

20
Pari 2 Poste 1

Figure 6.6
Émotion et prise de risque (d’après Raghunathan & Pham, 1999).
Pourcentages de participants choisissant l’option la plus risquée, mais aux gains les plus élevés
en fonction de l’état émotionnel. La tristesse conduit à plus de choix risqués, tandis que l’anxiété
entraîne à préférer l’option la plus sûre.

Les données (Figure 6.6) montrent clairement que les individus qui avaient au préa-
lable lu un scénario déclenchant de la tristesse avaient tendance à choisir l’option la
plus risquée (aux gains les plus importants) et les individus chez qui on avait activé
Émotion et prise de décision ■ 143

l’anxiété préféraient l’option la plus sûre (mais aux gains les moins importants). Par ail-
leurs, dans leur deuxième expérience, les auteurs ont également demandé aux partici-
pants d’évaluer ce qui était le plus important à leurs yeux, la différence de salaire entre
les deux postes ou la différence de sécurité de l’emploi. Ils ont observé que les individus
émotionnellement anxieux attribuaient plus d’importance à la sécurité de l’emploi
tandis que les individus tristes estimaient le salaire plus important. Les données sont
compatibles avec l’hypothèse dite de réparation émotionnelle (e.g., Schaller & Cialdini,
1990 ; Zillmann, 1988) selon laquelle les individus dans un état émotionnel négatif
choisissent l’option qui leur permettra de se sentir mieux (p.  ex.,  un individu triste
n’ayant plus rien à perdre se sentira mieux si l’option choisie, qui lui rapporte le plus,
s’avère gagnante ; un individu anxieux se sentira mieux avec une option plus certaine,
quel que soit le gain associé à cette option). En réalité, les auteurs ont proposé que
ces résultats s’accordaient davantage avec une hypothèse dite de poursuite de buts
(Schwarz & Clore, 1988, 1983). Selon cette hypothèse, chaque émotion déclenche en
nous un but ou un objectif à poursuivre. Par exemple, l’anxiété nous amènerait à vou-
loir réduire l’incertitude (ce qui est possible avec un gain moins assuré), tandis que la
tristesse nous donnerait envie d’augmenter notre bien-être (ce qui est possible avec un
gain plus élevé). En accord avec cette hypothèse, dans une troisième expérience qui a
repris le protocole de la première expérience (choix entre deux paris dans une condi-
tion avec induction de tristesse vs anxiété), Raghunathan et  Pham ont observé que
la préférence pour le risque des individus tristes n’apparaissait que si on demandait
aux individus de choisir pour eux-mêmes entre les deux paris (voir aussi Yang et al.,
2018 ; Zhao et al., 2016). Cette préférence disparaissait si on demandait aux partici-
pants de choisir pour quelqu’un d’autre. En d’autres termes, les buts étant différents
si l’on choisit pour soi ou pour quelqu’un d’autre, les choix sont différents (voir aussi
Forgas, 1991).

2.4. Dégoût et décisions


Quelles décisions prenons-nous lorsque nous sommes dans une situation qui nous
évoque du dégoût ? Moretti et di Pellegrino (2010) ont donné à leurs participants le
jeu de l’ultimatum. Dans ce jeu, un joueur (le donneur) propose de répartir une somme
d’argent disponible entre lui-même et un autre (le receveur). Le receveur décide d’ac-
cepter ou non le partage proposé par le donneur. Si le receveur accepte, chacun reçoit
la somme répartie (p. ex., sur 10 euros à partager, le donneur peut proposer de prendre
6 euros et donner 4 euros au donneur). Si le receveur refuse, personne ne reçoit rien.
Le résultat habituellement observé est que le receveur refuse si le donneur ne propose
pas de lui donner au moins 20 % de la somme. Ainsi, pour qu’un receveur accepte le
partage de 10 euros, le donneur doit lui proposer au moins 2 euros et garder 8 euros
pour lui (Henrich et al., 2006 ; Knoch et al., 2006). Moretti et di Pellegrino (2010) ont
voulu savoir si ce phénomène, appelé dans la littérature effet de réciprocité forte ou
de justice réciproque, est affecté par le contexte émotionnel. Avant de jouer au jeu de
l’ultimatum, les participants voyaient 13 images dans l’une des trois conditions émo-
tionnelles suivantes. Ils visionnaient des images évoquant le dégoût (p. ex., images de
vomi, de nourriture pourrie) dans la condition dégoût, des images tristes (p. ex., scènes
144 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

d’enterrement, plusieurs personnes en train de pleurer), ou des images émotionnelle-


ment neutres (p. ex., scènes de paysages, d’animaux).
Apparaissent sur la Figure 6.7 le pourcentage de participants refusant au moins 50 %
des propositions (panneau de gauche) et le nombre de fois où la proposition dite injuste
(p. ex., le donneur proposait de donner 1 euro) a été rejetée par le receveur (panneau
de droite). Les données montrent que le nombre de participants rejetant au moins 50 %
des propositions du donneur était très nettement plus élevé dans la condition dégoût
que dans la condition tristesse, elle-même plus élevée que dans la condition  neutre.
Par  ailleurs, le dégoût ne s’accompagnait pas nécessairement d’un rejet global des
propositions (indépendant du caractère juste ou injuste de la proposition), comme
le suggère le pourcentage de rejets des propositions plus faibles dans la condition
dégoût que dans la condition tristesse ou neutre. Ainsi, le dégoût a augmenté l’effet de
réciprocité forte ou de justice réciproque. Les auteurs avaient également recueilli le
sentiment d’injustice associé à chaque proposition et avaient observé que ce sentiment
était nettement plus élevé dans la condition dégoût que dans les deux autres condi-
tions. En d’autres termes, l’activation du dégoût a nettement exacerbé les réactions
émotionnelles (et décisions subséquentes) associées à un comportement injuste dans
ce jeu de l’ultimatum.
Pourcentages de participants refusant

80 70
Pourcentages de rejets de 50 %

70 60
les propositions injustes

60
50
des propositions

50
40
40
30
30
20
20
10 10

0 0
Triste Neutre Dégoût Triste Neutre Dégoût

Figure 6.7
Émotions négatives et prise de décisions injustes (d’après Moretti & di Pellegrino, 2010).
Pourcentages moyens de participants refusant au moins 50 % des propositions (à droite)
et de participants refusant les propositions injustes (à gauche) en fonction de l’état émotionnel.
Même si le dégoût n’entraîne pas un rejet global, il entraîne davantage le rejet de propositions
injustes.

Ces résultats ont été observés dans plusieurs études (p.  ex., Andrade  &  Ariely,
2009 ; Ariely  &  Loewenstein, 2006 ; Ford  &  Merchant, 2010 ; Hanley et al., 2016 ;
Harlé  &  Sanfey, 2007 ; Lerner et al., 2004). Ainsi, dans leur expérience, Harlé et
Sanfey (2007) ont aussi donné le jeu de l’ultimatum aux participants testés dans
une condition de tristesse, d’amusement ou neutre. Les émotions ont été activées en
demandant aux participants de visionner, juste avant de jouer au jeu de l’ultimatum,
des clips vidéo préalablement évalués pour induire de la tristesse, de l’amusement ou
aucune émotion. Les données (Figure 6.8) montrent que les taux de rejet des proposi-
tions injustes sont nettement inférieurs dans la condition tristesse que dans les deux
Émotion et prise de décision ■ 145

autres conditions (dans lesquelles les taux de rejet étaient équivalents). Le fait que la
tristesse a entraîné une baisse du taux de rejet des propositions injustes dans cette
expérience alors qu’elle ne l’a pas été dans l’expérience de Moretti et di Pellegrino est
vraisemblablement dû au fait que l’induction de la tristesse était plus forte dans l’expé-
rience d’Harlé et Sanfey. Lorsqu’Harlé et Sanfey ont comparé les taux de réduction de
rejet des propositions injustes en fonction du niveau de tristesse ressentie après avoir
visionné les clips tristes, ils ont observé une corrélation significative entre niveau
de tristesse ressentie et taux de rejet : plus les individus se sentaient tristes, plus ils
rejetaient les propositions injustes. Notons que, quelle que soit la condition d’émotion,
les participants acceptaient à plus de 97 % les propositions justes (p. ex., le donneur
propose au receveur 1 ou 2 dollars sur 10), ce qui permettait d’écarter l’hypothèse
d’un biais général de rejet chez les participants tristes.

65
Taux de rejets des propositions injustes

Taux de rejets des propositions injustes


80
60 70

55 60
50
50
40
45
30
40 20
35 10

30 0
Amusement Neutre Tristesse Tristesse + Tristesse ++

Figure 6.8
Émotions et jeu de l’ultimatum (d’après Harlé et Sanfey, 2007).
Taux de rejets des propositions injustes en fonction de l’état émotionnel (à gauche) et de l’intensité
ressentie de la tristesse (à droite). La tristesse entraîne une augmentation du rejet des propositions
injustes, et ce d’autant plus qu’elle est plus intense.

2.5. Émotions inconscientes et décisions


Nos émotions ont-elles besoin d’être consciemment ressenties pour influencer nos
décisions ? Il semblerait que non. Winkielman et ses collaborateurs (2005) se sont
demandé si une activation subliminale des émotions pouvait changer les décisions
prises par les participants. Leur tâche cible était simple. Les participants, à qui ils
avaient au préalable demandé d’évaluer leur niveau de soif sur une échelle de 0 (pas
soif) à 11 (très soif), devaient verser une boisson et la boire (ou en boire une partie). La
boisson était plus ou moins sucrée et plus ou moins colorée et aromatisée. Ils devaient
aussi donner un certain nombre d’autres évaluations (saveur de la boisson, si elle avait
étanché la soif, etc.). Juste avant ces tâches et évaluations, les participants avaient
une tâche de jugement des visages. Ils voyaient des visages d’hommes et de femmes
pendant 400 millisecondes et devaient dire si chaque visage présenté était celui d’un
146 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

homme ou d’une femme. Les visages étaient neutres. De plus, sans que les participants
ne s’en rendent compte, juste avant chaque visage neutre, un visage était présenté de
manière subliminale (pendant 16 ms). Ce visage pouvait être un visage neutre ou celui
de quelqu’un de joyeux, ou bien encore le visage de quelqu’un en colère. Par des tests
complémentaires, les auteurs se sont assurés que les participants ne percevaient pas
consciemment ces visages présentés de manière subliminale. Les auteurs ont ensuite
regardé le volume de boisson que se servaient les participants et le volume qu’ils
buvaient, selon qu’ils avaient déclaré avoir une soif importante, moyenne ou moins
grande, afin de voir si ce volume était influencé par la présentation subliminale des
visages émotionnels ou neutres.
Quand les participants avaient grand-soif, comparés à la condition visage neutre,
ils buvaient moins après avoir vu des visages exprimant la colère et plus après des
visages exprimant la joie (Figure 6.9). En revanche, plus aucune différence significative
n’est apparue en état de soif plus faible. Il était donc intéressant qu’un état émotionnel,
déclenché de manière subliminale, puisse influencer le comportement des participants.
Ces données suggèrent que nos émotions peuvent influencer nos décisions même si
nous n’avons pas conscience de notre état émotionnel (voir également, pour des résul-
tats similaires sur d’autres prises de décision et avec d’autres procédures, Liu et al.,
2014 ; Skandrani-Marzouki & Marzouki, 2010).

50
Neutre Colère Joie

40
Volume consommé (en ml)

30

20

10

0
Soif élevée Soif moyenne Soif faible

Figure 6.9
Émotion inconsciente et décisions (d’après Winkielman et al., 2005).
Volume de boisson consommée par les participants selon l’émotion déclenchée de manière
subliminale en fonction de la soif des participants. Quand les patients avaient grand soif
uniquement, ils buvaient plus après avoir vu de manière subliminale un visage exprimant la joie
et moins après avoir vu un visage exprimant la colère, ce qui montre que nos décisions peuvent être
influencées par des émotions dont nous n'avons pas conscience.
Émotion et prise de décision ■ 147

2.6. Émotions et décisions : le modèle E.I.C.


(Emotion-Imbued Choice)
Lerner et ses collaborateurs (2015) ont proposé un modèle général de la prise de
décision qui intègre les approches traditionnelles (celles n’intégrant pas les émotions)
et une approche où le rôle des émotions est pris en compte. Le modèle E.I.C. (Emotion-
Imbused Choice) est représenté à la Figure 6.10. Le modèle comprend trois postulats
importants : (a) le décideur doit choisir entre plusieurs options, sans avoir la possibilité
de rechercher davantage d’informations ou d’options que celles disponibles au moment
de faire son choix : (b) le modèle s’arrête au moment où la décision est prise et n’inclue
pas les conséquences réelles (contrairement aux conséquences attendues) et les res-
sentis déclenchés par l’option choisie ; (c) bien qu’il inclue des aspects physiologiques,
le modèle n’a pas pour but d’expliquer les décisions réflexes (p. ex., réaction de stupeur
et de blocage suite à un son fort et soudain).
Le modèle E.I.C. intègre les modèles antérieurs de la prise de décision selon lesquels
le décideur encode les valeurs subjectives et probabilités de chaque option, ainsi que
le délai (certaines options ayant des résultats immédiats, d’autres décalés dans le
temps), ainsi que les caractéristiques personnelles du décideur (p. ex., un décideur qui a
une grande aversion au risque prendra moins de décisions risquées qu’un décideur qui
a une moins grande aversion au risque). L’ensemble de ces facteurs est combiné pour
évaluer chaque option, et l’option qui obtient la plus grande valeur est l’option choisie
par le décideur. L’émotion peut donc changer l’évaluation des valeurs subjectives (ou
utilités) associées à chaque option au moment où le décideur fait son choix. Ce change-
ment peut survenir en modifiant la stratégie (heuristique vs analytique) d’évaluation
mobilisée ou le but poursuivi (p. ex., prendre rapidement une décision vs prendre la
meilleure décision possible).
Le modèle E.I.C. spécifie par ailleurs comment l’émotion influence ces mécanismes
d’évaluation mobilisés par le décideur pour prendre une décision. D’abord, les émo-
tions peuvent influencer le processus d’évaluation des préférences (ou utilités subjec-
tives ou valeurs personnelles), en particulier en changeant l’émotion que le décideur
pense ressentir suite à la décision prise (p. ex., il regrettera une décision ou au contraire
sera très satisfait de la décision prise). En d’autres termes, l’émotion est un élément
d’information pris en compte par le décideur pour prendre sa décision. Ensuite, les
émotions peuvent influencer la prise de décision par différentes sources émotion-
nelles. Certaines de ces sources sont dites intégrales. Elles concernent les émotions
en lien avec la décision et comprennent, notamment, les caractéristiques du décideur,
mais aussi les caractéristiques des options. D’autres de ces sources, dites incidentes,
concernent l’état émotionnel du décideur. Cet état n’a pas forcément de lien avec la
décision (p. ex., son humeur ou le temps qu’il fait, au moment où il prend une décision).
Ce modèle présente des avantages multiples. Par exemple, il intègre les émotions à
la prise de décision et spécifie comment les émotions influencent les décisions et les
processus de prise de décision. C’est un modèle qui est amené à se développer au fur
et à mesure que nos connaissances progressent sur la prise de décision et l’influence
des émotions sur celle-ci.
148 ■

Voies incluses
dans les modèles traditionnels
Caractéristiques du décideur de choix rationnel
Voies non incluses
(e.g., préférences, personnalité dans les modèles traditionnels
de choix rationnel
B’ Caracteristiques des options B
C’ C A
(e.g., probabilité, délais
des résultats)
Résultats attendus
Emotion ressentie G Evaluation consciente ou non D E
Décision
pendant la prise de décision consciente (y compris conséquences
G’ émotionnelles)

H I
F
Influences incidentes
(e.g., temps qu’il fait, humeur)
CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

Figure 6.10
Le modèle E.I.C. de la prise de décision proposé par Lerner et al. (2015 ; reproduit avec autorisation).
Émotion et raisonnement ■ 149

En résumé, de nombreuses études ont observé que nos décisions et les mécanismes
par lesquels nous prenons des décisions sont influencés par nos émotions. Ainsi, nous
pouvons être amenés à prendre plus de décisions risquées lorsque nous sommes tristes
et à en prendre moins dans un état d’anxiété. Ainsi encore, nous pouvons être ame-
nés à refuser moins une décision injuste quand nous sommes tristes ou, au contraire,
accepter moins une décision injuste quand nous sommes en colère. Par ailleurs,
l’effet des émotions sur la prise de décision peut survenir tout aussi bien lorsque nous
sommes conscients des émotions que nous éprouvons que lorsque nous n’en sommes
pas conscients. Les travaux sur émotion et prise de décision ont donc non seulement
montré que les émotions influencent les types de décision que nous prenons, mais aussi
les biais qui peuvent gouverner nos décisions. De manière importante, ces travaux ont
montré que, pour une même valence émotionnelle, l’effet des émotions sur la prise des
décisions peut varier selon le type d’émotion ressentie. Notons enfin que l’ensemble de
ces effets des émotions sur la prise de décision étudiés en laboratoire sont également
apparus dans de nombreuses situations de vie quotidienne (Garland et al., 2010 ;
Mikels et al., 2011 ; Quoidbach, et al., 2019 ; Quoidbach et al., 2019). Les propositions
théoriques de Lerner et collaborateurs permettent de comprendre que les émotions
peuvent influencer nos décisions par plusieurs types de mécanismes, depuis ceux qui
modifient nos évaluations (d’utilité subjective et de probabilité d’occurrence) jusqu’à
ceux qui nous permettent d’évaluer les résultats attendus (en termes émotionnels ou
autres) des choix effectués.

3. Émotion et raisonnement
Raisonner nous permet de donner du sens au monde qui nous entoure, à notre rela-
tion aux autres, voire même à notre vie. Qu’il s’agisse d’un raisonnement déductif (qui
consiste à tirer des conclusions vraies et valides en appliquant les règles de la logique
sur des prémisses), inductif (permettant de découvrir une règle à partir d’exemples
particuliers), ou d’autres formes de raisonnement, les psychologues ont cherché à
déterminer si le raisonnement est affecté par nos émotions.
Comme pour les autres fonctions cognitives, les travaux empiriques ont montré que
les émotions influencent le raisonnement, mais pas toujours. Nos capacités de raison-
nement peuvent être perturbées par les émotions, y compris positives, dans certaines
situations, et améliorées dans d’autres situations. Ces effets des émotions dépendent
du type de tâche de raisonnement, du type de stimulus ou de situations sur lesquels
raisonner, et bien sûr des émotions que nous éprouvons lorsque nous raisonnons.
Quels que soient les effets des émotions observés, ceux-ci s’expliquent par une modi-
fication des mécanismes mentaux (ou stratégies) mobilisés pour faire des inférences
(Blanchette, 2013 ; Blanchette  &  Richards, 2010 ; Forgas  &  Koch, 2013). Dans cette
partie, nous discutons d’abord les résultats montrant que nos capacités de raisonne-
ment peuvent être perturbées par les émotions, ainsi que ceux faisant apparaître que
les émotions peuvent nous aider à mieux raisonner.
150 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

3.1. Effets délétères des émotions sur le raisonnement


Plusieurs travaux expérimentaux ont mis en évidence un effet délétère des émo-
tions sur nos capacités de raisonnement. Par exemple, Blanchette et Richards (2004)
ont comparé les performances des participants dans des tâches de raisonnement
logique sur des énoncés conditionnels (p.  ex., « Si A est vrai, alors B est vrai. A est
vrai. Donc B est vrai ? ). Les énoncés comportaient des contenus neutres (p. ex., « Si un
homme est un acteur, alors il est extraverti. ») ou des contenus émotionnels (p. ex., « S’il
y a un danger, alors on se sent anxieux. »). Les contenus émotionnels pouvaient faire
référence à des situations tristes, joyeuses, ou anxieuses. Ces énoncés comportaient
également une prémisse mineure et une question (p.  ex., « S’il y a un danger, alors
on se sent anxieux. Anne se trouve dans une situation dangereuse. Est-ce qu’elle est
anxieuse ? ). Les participants devaient lire ces énoncés et répondre à chaque question
par « oui », « non », ou « peut-être ». Les énoncés, présentés aléatoirement, étaient sous
une forme affirmative (p.  ex., « Gayle est en train de sourire. ») ou négative (p.  ex.,
« Romain n’est pas en train de pleurer. »). La formulation des énoncés suivait les quatre
figures de la logique : modus ponens, négation de l’antécédent, affirmation du consé-
quent et modus tollens.
De manière générale, les participants avaient tendance à commettre plus d’erreurs
sur les énoncés émotionnels que sur les énoncés neutres (Figure 6.11) dans les situa-
tions où il est plus difficile de raisonner (négation de l’antécédent et affirmation du
conséquent). Dans les énoncés sur lesquels les participants ont habituellement de très
bonnes performances (modus ponens et modus tollens), le contenu émotionnel des
énoncés n’a pas changé les performances des participants.

100
Pourcentages de réponses correctes

90 Neutre Émotionnel

80

70

60

50

40

30
Modus ponens Modus tollens Négation Affirmation
de l’antécédent du conséquent

Figure 6.11
Raisonnement conditionnel et émotion (d’après Blanchette & Richards, 2004).
Pourcentages moyens de réussite aux énoncés neutres et émotionnels pour chacune des 4 figures
logiques. Les émotions entraînent une diminution des performances pour les raisonnements les plus
difficiles (négation de l’antécédent et affirmation du conséquent).
Émotion et raisonnement ■ 151

Les auteurs ont conduit une analyse plus détaillée des réponses exactes « oui » (pour
les énoncés modus ponens), « non » (pour les énoncés modus tollens) et « peut-être »
(pour les énoncés négation de l’antécédent et affirmation du conséquent) en fonc-
tion des émotions. Ils ont observé que, pour les énoncés modus tollens (et, dans une
moindre mesure, pour les énoncés modus ponens), les participants obtenaient de meil-
leures performances pour les énoncés parlant d’anxiété que pour les autres énoncés
émotionnels. Par ailleurs, aucune différence selon les émotions n’est apparue sur les
énoncés affirmation du conséquent, alors qu’ils ont noté un léger effet des émotions sur
les énoncés négation de l’antécédent (c.-à-d., les performances étaient meilleures sur les
énoncés parlant d’anxiété que sur les énoncés parlant de joie).
Les auteurs ont noté que, dans cette première expérience, les énoncés différaient non
seulement par l’émotion qu’ils véhiculaient, mais également par leur contenu séman-
tique. Il était donc difficile d’expliquer la diminution des performances en condition
émotionnelle seulement par l’émotion déclenchée par les énoncés. La différence entre
les contenus sémantiques a pu contribuer à la différence de performances. Ceci a
conduit les auteurs, dans une seconde expérience, à contrôler le contenu sémantique
(en maintenant constant ce contenu) et à faire varier le contenu émotionnel unique-
ment. Pour cela, ils ont utilisé une procédure de conditionnement évaluatif, permettant
d’associer un même contenu soit à des émotions positives soit à des émotions négatives
(ou neutres). Les résultats de cette deuxième expérience ont répliqué ceux de l’Expé-
rience 1. Les participants ont obtenu de moins bonnes performances sur les énoncés
émotionnels que sur les énoncés neutres.
Les effets délétères des émotions sur le raisonnement n’ont pas été observés que dans
des expériences manipulant le contenu émotionnel des énoncés. Ils l’ont également été
dans des expériences utilisant des procédures d’induction émotionnelle. Par exemple,
Oaksford, Morris, Grainger, et Williams (1996) ont donné à leurs participants une
tâche de raisonnement, après leur avoir fait visionner pendant 7 minutes un film censé
induire une émotion. Les participants étaient aléatoirement affectés dans l’une des
quatre conditions suivantes, selon le film qu’ils voyaient avant la tâche de raisonne-
ment : (a) condition émotion positive (c.-à-d., les participants voyaient un extrait de film
comique) ; (b) condition émotion négative (c.-à-d., les participants voyaient un documen-
taire sur le stress) ; (c) condition émotion neutre (c.-à-d., les participants voyaient un
documentaire de la BBC sur la nature) ; et (d) une condition contrôle (où les participants
ne voyaient aucun film avant la tâche de raisonnement). Des questionnaires d’humeur
ont permis aux auteurs de vérifier que leur procédure d’induction émotionnelle avait
été efficace (p. ex., les participants ayant visionné un extrait de film comique se disaient
plus joyeux que les participants ayant visionné le documentaire sur le stress). Après
avoir visionné le film, les participants avaient une tâche de raisonnement déductif : la
tâche des quatre cartes de Wason.
Dans cette version de la tâche des quatre cartes, les participants lisaient l’énoncé suivant :
« Vous êtes un officier de l’immigration à l’aéroport international de Manille, la capitale
des Philippines. Parmi les documents à vérifier, il y a le formulaire appelé “Formulaire
H”. Sur un côté de ce formulaire, il est indiqué si le passager est “EN TRANSIT” ou s’il
va “ENTRER” dans le pays. Sur l’autre côté, il y a une liste de noms de maladies tropi-
cales. Vous devez vous assurer que si on lit “ENTRER” sur un côté du formulaire, il doit
152 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

au  moins y avoir écrit “CHOLÉRA” sur l’autre côté. Lequel des formulaires suivants
devez-vous retourner pour faire votre vérification ? Indiquez seulement les formulaires
que vous devez retourner pour être certain ». Les participants avaient devant eux quatre
formulaires (voir Figure 6.12). Le mot « ENTRER » était écrit sur l’un des formulaires,
le mot « TRANSIT » sur un deuxième formulaire. Une liste de maladies comprenant
« CHOLÉRA » était visible sur un troisième formulaire et le dernier formulaire laissait
apparaître une liste de maladies ne comprenant pas « CHOLÉRA ».
Le nombre d’individus qui ont retourné les cartes en vue de tester la règle (« ENTRER »
+ « NON-CHOLÉRA ») était plus faible dans les conditions émotionnelles que dans
les conditions neutres et contrôles. Par ailleurs, ce nombre était plus faible dans la
condition émotion positive que dans la condition émotion négative. Par exemple, sur
l’ensemble des individus testés, les formulaires « ENTRER » et « NON-CHOLÉRA »
(nécessaires pour tester la règle d’immigration) ont été retournés 5 fois dans la condi-
tion neutre et 6 fois dans la condition contrôle. Par comparaison, ces deux formulaires
ont été retournés 1 fois dans la condition émotion positive et 3 fois dans la condition
émotion négative. Les formulaires « ENTRER » et « CHOLÉRA » (montrant un biais de
confirmation) ont été retournés 9 fois dans la condition émotion positive, 4 fois dans la
condition émotion négative et 3 fois dans chacune des conditions neutres et contrôles.
En d’autres termes, les performances en raisonnement déductif ont été dégradées dans
les conditions où les individus éprouvaient des émotions pendant qu’ils raisonnaient.
Les émotions positives avaient tendance à entraîner un effet délétère plus important
que les émotions négatives sur le raisonnement. Jung et ses collaborateurs (2014) ont
retrouvé des résultats similaires sur la tâche des quatre cartes avec une autre procé-
dure d’induction émotionnelle (les participants passaient un test de QI avant la tâche
des quatre cartes et recevaient un feed-back positif, négatif ou neutre sur leurs perfor-
mances à ce test). Jung et ses collaborateurs ont observé que ceux chez qui une émotion
négative avait été induite (par un feed-back d’échec) réussissaient moins bien la tâche
des quatre cartes que ceux chez qui une émotion positive avait été déclenchée (par un
feed-back de réussite), eux-mêmes réussissant moins bien la tâche que les participants
ayant reçu un feed-back neutre (ils retrouvent les mêmes résultats dans une tâche de
raisonnement conditionnel).

ENTRER TRANSIT CHOLÉRA NON-CHOLÉRA

Figure 6.12
Tâche des quatre cartes utilisées par Oaksford et al. (1996) dans leur étude relative aux effets
des émotions sur le raisonnement.

Ces effets délétères des émotions, produits aussi bien à partir du contenu émotionnel des
énoncés que des états émotionnels expérimentalement induits chez les participants, ont
Émotion et raisonnement ■ 153

été retrouvés de nombreuses fois (p. ex., Blanchette, 2006 ; Blanchette & Leese, 2011 ;


Channon  &  Baker, 1994 ; Melton, 1995 ; Radenhausen  &  Anker, 1988 ; Trémolière
et al., 2018 ; Trémolière & Djeriouat, 2016 ; Viau-Quesnel et al., 2019).

3.2. Effets bénéfiques des émotions sur le raisonnement


Les émotions n’ont pas que des effets délétères sur le raisonnement. Parfois, le
raisonnement sous émotion est aussi efficace que le raisonnement en condition neutre.
Parfois même, il est meilleur.
Blanchette et Campbell (2012) ont comparé les performances de participants à
des tâches de raisonnement portant sur des syllogismes. Les syllogismes sont des
séquences d’énoncés du type « Tous les A sont B. Certains B sont C. Tous les A sont
C. ». La tâche consistait à dire si oui ou non, la conclusion découlait logiquement
des deux premières prémisses. Les participants étaient des vétérans de la guerre de
l’armée ayant combattu dans différentes guerres (depuis la Seconde Guerre mondiale
jusqu’à la guerre du Golfe, en 1992) et, parmi eux, certains avaient eu des expériences
émotionnelles relativement intenses pendant les combats. Ils avaient à juger trois
types d’énoncés : des énoncés émotionnels généraux, des énoncés émotionnels relatifs
à des combats et des énoncés neutres. Les syllogismes étaient valides ou non valides ;
certains étaient crédibles, d’autres non crédibles (voir exemples ).
Les résultats ont fait apparaître qu’au-delà des effets de crédibilité et de validité des
syllogismes, les participants obtenaient de meilleures performances pour les énoncés
émotionnels relatifs aux combats (taux de réussite : 56 %) et pour les énoncés émo-
tionnels généraux (54 %) que pour les énoncés neutres (46 %). Cette amélioration du
raisonnement dans des contextes émotionnels n’est pas spécifique aux vétérans. Elle
a été retrouvée dans de nombreux contextes (e.g., Blanchette et al., 2008 ; Blanchette
et  al., 2007 ; Caparos  &  Blanchette, 2017 ; Goel  &  Vartanian, 2011 ; Johnson-Laird
et al., 2006).
Tableau 6.1
Exemples d’énoncés utilisés par Blanchette et Campbell (2012).

Validité
Crédibles Non crédibles
des énoncés

Émotions spécifiques liées aux combats

Certaines armes chimiques sont utilisées Certaines armes chimiques sont


Valides dans certaines guerres. Toutes les choses faciles à produire. Toutes les choses
utilisées en temps de guerre sont faciles à produire sont sans danger.
dangereuses. Certaines armes chimiques Certaines armes chimiques sont
sont dangereuses. sans danger.

La mort de certains enfants fait partie La mort de certains enfants fait partie
de la guerre. Tout ce qui fait partie de la guerre. Tout ce qui fait partie
Non valides
d’une guerre est délibéré. La mort de la guerre est pénible. La mort
de certains enfants n’est pas délibérée. de certains enfants n’est pas pénible.
154 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

Validité
Crédibles Non crédibles
des énoncés

Émotions générales

Valides Certains pédophiles sont prêtres. Certains pédophiles sont prêtres.


Tous les prêtres sont des pervers. Tous les prêtres sont nobles.
Certains pédophiles sont des pervers. Certains pédophiles sont nobles.

Certains cancers sont héréditaires. Certains cancers sont héréditaires.


Toutes les maladies héréditaires sont Toutes les maladies héréditaires entraînent
Non valides
fatales. Certains cancers ne sont pas fatals. de la souffrance. Certains cancers
n’entraînent pas de souffrance.

Neutres

Certains thés sont des substances Certains thés sont des substances
Valides
naturelles. Toutes les substances naturelles naturelles. Toutes les substances naturelles
sont inoffensives. Certains thés sont sont solides. Certains thés sont solides.
inoffensifs.

Certaines maisons sont modernes. Certaines maisons sont modernes.


Toutes les choses modernes sont grises. Toutes les choses modernes sont fabriquées
Non valides
Toutes les maisons ne sont pas grises. par l’homme. Certaines maisons ne sont
pas construites par l’homme.

3.3. Émotion et raisonnement : quels mécanismes ?


Les émotions de temps en temps améliorent le raisonnement et, de temps en temps,
le perturbent. La question est alors de savoir comment (c.-à-d., par quels mécanismes)
les émotions dégradent le raisonnement dans certaines conditions, et comment elles
favorisent le raisonnement dans d’autres conditions. Plus généralement, par quels
mécanismes nos émotions affectent-elles (de manière positive ou négative) le raison-
nement ? L’une des hypothèses proposées par Blanchette et ses collaborateurs est que
les émotions améliorent le raisonnement lorsqu’elles sont pertinentes pour la tâche à
accomplir et la perturbent lorsqu’elles ne sont pas pertinentes. Quand les émotions
sont pertinentes pour le raisonnement à réaliser, elles permettent aux participants de
déclencher les mécanismes efficaces d’inférences et de les exécuter correctement. En
revanche, quand les émotions perturbent le raisonnement, elles empêcheraient les par-
ticipants de mobiliser ces mécanismes et/ou de les exécuter efficacement. Blanchette
et ses collaborateurs ont rapporté de nombreuses données à l’appui de cette hypothèse
de la pertinence.
Par exemple, Blanchette, Gavigan, et Johnston (2014) ont demandé à 54 participants
de réaliser une tâche de raisonnement portant sur des énoncés conditionnels (« Si
p, alors q. P. donc q. » Vrai ? Faux ?). Les énoncés étaient présentés sous la forme de
modus ponens (p. ex., « Si tu as faim, alors tu vas manger. Tu as faim. Donc, tu vas
manger »), Modus tollens (p.  ex., « Si tu as faim, alors tu vas manger. Tu ne vas pas
manger. Donc, tu n’as pas faim. »), négation de l’antécédent (p. ex., « Si tu as faim, alors
tu vas manger. Tu n’as pas faim. Donc, tu ne vas pas manger. ») et affirmation du consé-
quent (p. ex., « Si tu as faim, alors tu vas manger. Tu vas manger. Donc, tu as faim. »).
Émotion et raisonnement ■ 155

Les participants avaient à dire si la conclusion découle nécessairement et logiquement


(de manière valide) des prémisses. Les auteurs présentaient avec la prémisse majeure
(la première prémisse) une image pendant 10 secondes, puis la prémisse mineure et une
conclusion. L’image présentée avec la prémisse majeure était soit émotionnellement
pertinente (une photo de quelqu’un qui a faim) ou émotionnellement non pertinente
(la photo de quelqu’un de triste), soit neutre (photo de dauphin). Les participants ont
obtenu de moins bonnes performances en condition émotionnelle, mais seulement pour
les émotions non pertinentes (Figure 6.13). Lorsque les émotions étaient pertinentes,
les taux de réussite étaient comparables en condition émotions pertinentes et émotions
neutres. Ils étaient nettement meilleurs lorsque les émotions étaient pertinentes que
lorsqu’elles ne l’étaient pas.
Cela signifie que les émotions perturbent le raisonnement. Mais, quand le raisonne-
ment a lieu sur du contenu qui est pertinent par rapport à l’émotion, l’émotion ne
perturbe pas le raisonnement. En d’autres termes, les effets délétères des émotions sur
notre raisonnement surviennent quand il faut raisonner sur du contenu qui n’est pas
en accord avec notre état émotionnel ou déconnecté de l’émotion éprouvée. Dans ce
cas, la perturbation survient vraisemblablement par le fait que les émotions biaisent
l’attention du participant sur une dimension non pertinente de la tâche (p. ex., ici, les
images émotionnelles ont attiré l’attention du participant et mobilisé les ressources de
traitement normalement allouées au traitement de l’énoncé et à l’activité inférentielle).
Ce rôle modulateur de la pertinence dans le lien émotion-raisonnement a été retrouvé
lorsque la procédure d’induction émotionnelle consistait à visionner des extraits vidéo
avant l’activité de raisonnement. Il a par ailleurs été répliqué de nombreuses fois avec
différentes approches (Blanchette et al., 2007, 2016 ; Blanchette  &  Caparos, 2013 ;
Caparos et al., 2018 ; Prehn & van der Meer, 2013).

0,7
Émotion pertinente
Proportions de réponses correctes

0,65 Émotion non pertinente


Neutre pertinente
Neutre non pertinente
0,6

0,55

0,5

0,45

0,4
Image Vidéo

Figure 6.13
Pertinence des émotions et raisonnement (d’après Blanchette et al., 2014).
Proportions de réponses correctes à une tâche de raisonnement conditionnel dans un état
émotionnel ou neutre pertinent ou non pertinent. Les performances en raisonnement s’améliorent
grâce aux émotions dès lors que l’émotion ressentie est pertinente par rapport au contenu
sur lequel raisonner.
156 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

En résumé, même si les travaux ont surtout utilisé des tâches de raisonnement
déductif, et même si les tâches utilisées sont surtout des tâches de jugement ou de
vérification, les conclusions peuvent se généraliser aisément aux autres formes de
raisonnement et à différents types de tâche (p. ex., tâches de production). Les données
ont fait apparaître que nos performances en raisonnement peuvent parfois diminuer
et parfois augmenter sous l’effet des émotions. Elles ont également permis de préci-
ser les conditions où les émotions améliorent nos performances et celles où elles les
détériorent. Lorsqu’elles affectent, positivement ou négativement, nos performances
en raisonnement, les émotions le font de deux manières : en détériorant ou amélio-
rant la mise en œuvre et l’exécution des mécanismes inférentiels (p.  ex., elles nous
empêchent ou nous aident à construire une représentation mentale plus précise de la
situation décrite par les prémisses sur lesquelles raisonner ou à adopter une stratégie
de falsification pour tester la véracité d’une règle) et/ou en amplifiant l’efficacité des
mécanismes cognitifs généraux crucialement impliqués dans le raisonnement (p.  ex.,
elles nous conduisent à nous focaliser sur les dimensions pertinentes d’une situation
ou d’un énoncé sur lequel raisonner ou accaparent nos ressources en MDT, alors non
disponibles pour maintenir active une représentation claire et précise des prémisses
sur lesquelles raisonner). La pertinence (ou l’équivalent en raisonnement des effets de
congruence affective vus sur l’attention et la mémoire) est un mécanisme clé parmi les
mécanismes responsables des effets bénéfiques des émotions en raisonnement. Selon
ce mécanisme, les émotions améliorent le raisonnement lorsqu’elles sont pertinentes
pour la tâche à accomplir.

Conclusions
Que ce soit sur le jugement, la prise de décision ou le raisonnement, les psycholo-
gues posent les mêmes questions que sur l’attention et la mémoire. De manière géné-
rale, il s’agit de savoir si les émotions affectent les performances et, si oui, de quelle
manière, dans quelles conditions et par quels mécanismes.
Nous avons vu que les émotions affectent positivement ou négativement nos perfor-
mances cognitives dans des tâches de jugement, de prise de décision et de raisonne-
ment. Sous émotions, nos biais d’estimation peuvent nous conduire à surestimer ou
sous-estimer la probabilité de certains événements, à prendre des décisions parfois
contraires à nos intérêts parfois au mieux de nos intérêts, mais aussi à moins bien rai-
sonner ou au contraire à améliorer nos capacités de raisonnement. L’effet des émotions
sur les performances cognitives dans ces trois domaines dépend des caractéristiques
des émotions, comme leur valence (positive vs négative) ou comme le type d’émotions
au sein d’une même valence (dégoût vs tristesse), mais également des caractéristiques
de la tâche (comme sa complexité).
Dans chacun de ces trois domaines, les émotions améliorent nos performances cogni-
tives lorsqu’elles sont pertinentes pour la tâche à accomplir. Cette pertinence facilite
les performances de deux manières. D’abord, elle nous conduit à exécuter plus effi-
cacement les mécanismes spécifiques à une tâche. Ensuite, elle potentialise la mise
Testez vos connaissances ■ 157

en œuvre et l’exécution des mécanismes cognitifs généraux cruciaux pour réussir une
tâche. Par exemple, lorsqu’une femme qui a été victime d’un viol dans son passé est
amenée à raisonner sur une situation de viol, elle va mobiliser ses capacités attention-
nelles qui lui permettront de se focaliser sur les dimensions pertinentes de la situation
et de ne pas se laisser distraire par les aspects non pertinents. Elle construira une
représentation plus claire et précise de la situation en MDT, y compris éventuellement
avec l’aide des représentations cognitives stockées suite à son expérience passée du
viol (Blanchette  &  Caparos, 2013 ; Caparos et al., 2018). Par ailleurs, elle mobili-
sera plus efficacement les mécanismes d’inférence déductive (application des règles
logiques, construction d’une représentation mentale claire et précise de la situation lui
permettant de chercher à falsifier une règle). Il en est de même pour l’évaluation de la
probabilité de différents événements et de l’importance subjective relative de ces dif-
férents événements quand il s’agit d’émettre un jugement, ou pour faire un choix entre
plusieurs possibilités dans une tâche de prise de décision.
Pour chacun de ces domaines, les émotions affectent nos performances à la fois par
des mécanismes communs (p.  ex., mécanismes cognitifs généraux comme les capaci-
tés attentionnelles ; inhibition et maintien actifs en MDT des données de la situation ;
mise en relation des informations à traiter et celles disponibles en MLT) et par des
mécanismes spécifiques à chacun de ces domaines (p.  ex., évaluation de probabilités
en jugement ; évaluations des risques associés à chaque option en prise de décision ;
inférences en raisonnement). Le type d’émotion et son intensité peuvent moduler non
seulement l’impact des émotions sur les performances, mais également les mécanismes
responsables de cet impact.

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir


1. Qu’appelle-t-on les activités cognitives intégrées (ou de haut niveau) ?
2. En quoi consiste l’effet de congruence affective lorsque nous émettons un
jugement (sur des événements ou sur des personnes) ?
3. Le dégoût influence-t-il nos décisions ? Si oui, de quelle manière ? Décrivez
un résultat de la littérature qui le montre.
4. Quels sont les postulats fondamentaux du modèle E.I.C., proposé par Lerner
et ses collaborateurs ?
5. Dans l’étude d’Oaksford et de ses collaborateurs (1996), les auteurs ont évalué
le rôle des émotions sur le raisonnement en utilisant une procédure d’induc-
tion. Décrivez cette étude et le résultat principal concernant l’effet des émo-
tions sur nos performances en raisonnement.
158 ■ CHAPITRE 6 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement

Exercez-vous en ligne

Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF6

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM6

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC6
CHAPITRE 7

Émotion, jugement, prise
de décision et raisonnement :
différences individuelles,
vieillissement et psychopathologie

Comme dans les chapitres précédents traitant des modérateurs de l’influence


des émotions sur la cognition, ce chapitre examine comment les effets des
émotions sur le jugement, la prise de décision et le raisonnement changent
avec les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie.
Ainsi, est abordé comment certains individus aux prises avec la dépression
peuvent surévaluer la probabilité d’événements tristes, ou comment d’autres
individus souffrant de phobie diminuent fortement les prises de risques dans
des situations de prise de décision sous incertitude, ou bien encore comment
les personnes âgées sont amenées parfois à sous-évaluer et d’autres fois à
surévaluer les risques sous émotion, ou bien enfin comment la pathologie
peut amplifier certains biais de raisonnement. De plus, ce chapitre met en
avant en quoi ces modérations nous informent sur les mécanismes respon-
sables de l’influence des émotions sur la cognition dite de haut niveau.

SOMMAIRE

1. Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement : différences


individuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
2. Émotion et prise de décision : vieillissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
3. Émotion, prise de décision et raisonnement : psychopathologie . . . . . 175
160 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

Comme pour l’attention et la mémoire, de nombreux travaux ont cherché à déter-


miner comment les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie
modulent l’effet des émotions sur les activités cognitives de haut niveau comme le juge-
ment, la prise de décision ou le raisonnement. Là encore, l’objectif est double. Il s’agit,
d’une part, de savoir comment l’effet des émotions sur les performances cognitives
change selon les caractéristiques des individus, l’évolution avec l’âge et dans certains
troubles, et, d’autre part, de déterminer quels sont les mécanismes responsables de ces
modulations. Là encore, les modulations des effets des émotions sur ces activités cogni-
tives par les différences individuelles, le vieillissement et la psychopathologie nous
renseignent sur les mécanismes responsables de l’impact de nos émotions sur le juge-
ment, la prise de décision et le raisonnement. Dans un premier temps, nous examinons
comment l’effet des émotions sur le jugement, la prise de décision et le raisonnement
diffère selon les individus. Nous verrons ensuite comment évoluent avec l’âge l’effet
des émotions sur ces activités et, enfin, ce qui se passe dans certaines pathologies.

1. Émotion, jugement, prise de décision


et raisonnement : différences individuelles
1.1. Émotion et jugement
De nombreux travaux ont fait apparaître des différences individuelles dans
l’influence que les émotions ont sur nos jugements. Par exemple, Kverno (2000) a
montré à ses participants des mots neutres (rouler) ou des mots exprimant une menace
physique (p.  ex., attaque). Chaque mot était présenté pendant 3 secondes. Certains
mots étaient vu 2 fois, d’autres 5 fois, d’autres encore 8 fois. Ensuite, les participants
voyaient les mots un à un et devaient dire combien de fois chaque mot avait été pré-
senté (des mots présentés 0 fois ont également été testés). Kverno a comparé les estima-
tions de fréquence pour deux catégories d’individus, classés à partir de leurs résultats
à un test d’anxiété : les individus les moins anxieux et les individus les plus anxieux.
Les  mots menaçants (Figure 7.1) étaient estimés plus fréquents par les individus les
plus anxieux que par les individus les moins anxieux (même pour les mots non pré-
sentés ou présentés seulement deux fois). Il ne s’agissait pas d’un biais d’estimation des
individus les plus anxieux, car les mots neutres étaient estimés avec des fréquences
comparables par les deux groupes (voir pour des effets similaires Constans, 2001 ;
de Visser et al., 2010 ; Maner & Schmidt, 2006 ; Wischniewski et al., 2009).
Par exemple encore, Maner et Gerend (2007) ont établi un profil émotionnel de parti-
cipants à partir de leurs réponses à des questionnaires évaluant leur tendance à avoir
peur dans la vie (questionnaire de peur de Berstein & Allen, 1969) et leur tendance à
être curieux dans la vie (questionnaire de Spielberger et al., 1979). Dans le question-
naire évaluant la tendance à avoir peur, les individus doivent évaluer le niveau de peur
sur une échelle de 1 (aucune peur) à 5 (peur extrême) que leur suscitent différents
événements (perte de quelqu’un qu’on aime, rencontrer quelqu’un pour la première
fois, être critiqué, ou encore peur des serpents). Dans le questionnaire évaluant la
Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement : différences individuelles ■ 161

8
Individus moins anxieux
7
Individus plus anxieux
Estimations des fréquences

0
0 2 5 8 0 2 5 8

Mots neutres Mots menaçants


Figure 7.1
Différences individuelles en anxiété et jugement (d’après Kverno, 2000).
Estimations des fréquences d’apparition des mots neutres et menaçants par des individus plus
vs moins anxieux. Les mots menaçants étaient jugés avoir été présentés plus fréquemment par
les individus les plus anxieux, tandis que les mots neutres étaient jugés avoir été présentés aussi
fréquemment par les individus les plus anxieux et les individus les moins anxieux.

tendance à être curieux, les individus évaluent sur une échelle de 1 (presque jamais)
à 5 (presque toujours) si les items (p. ex., « J’ai envie d’explorer mon environnement »,
« Je me sens toujours en questionnement sur mon entourage. ») s’appliquent à eux.
Les résultats ont fait apparaître que les individus qui avaient tendance à avoir peur
dans la vie évaluaient plus probables les événements négatifs que les événements
positifs, à l’inverse des individus curieux dans la vie qui jugeaient plus probables les
événements positifs que négatifs (Bagneux et al., 2012 ; Bartlett  &  DeSteno, 2006 ;
Campos  &  Keltner, 2014 ; Cavanaugh et al., 2007 ; Han et al., 2007 ; Horberg et al.,
2011 ; Lerner & Keltner, 2001 ; Lerner & Tiedens, 2006 ; Valdesolo & Graham, 2014 ;
Williams & DeSteno, 2008 ; Yates, 2007).

1.2. Émotion et prise de décisions


Tout comme les jugements, il existe des différences individuelles importantes
quant à l’influence des émotions sur la prise de décision (Hartley  &  Phelps, 2012 ;
Lerner et al., 2015) (voir Hartley & Phelps, 2012 ; Lerner et al., 2015, pour des revues).
Par exemple, Giorgetta et ses collaborateurs (2012) ont comparé les prises de risque
de participants anxieux (diagnostiqués avec le DSM-IV) et contrôles. Les partici-
pants devaient choisir entre deux paris, un pari non risqué ou un pari risqué. Les
participants gagnaient 5  points ou perdaient 5  points dans le pari non risqué alors
qu’ils gagnaient 25  points et perdaient 25  points dans le pari risqué. Sur 32  essais,
les auteurs ont manipulé les gains/pertes attendus pour tester deux conditions, une
162 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

condition où les gains attendus sur l’ensemble des essais étaient 0 et l’autre où les gains
attendus étaient positifs.
Les pourcentages moyens d’essais sur lesquels les participants ont choisi le pari risqué
(Figure 7.2) montrent clairement que les participants anxieux choisissaient le pari ris-
qué nettement moins souvent que les participants du groupe contrôle, aussi bien dans
la condition où la somme des gains et pertes sur l’ensemble des essais était égale à 0
que dans la condition où cette somme était positive. En d’autres termes, ces données
montrent que, comparés à des participants non anxieux, les participants anxieux ont
une aversion au risque, ou prennent des décisions moins risquées (voir Grecucci et al.,
2013 ; Lauriola & Levin, 2001 ; Smith et al., 2016, pour des données similaires dans
différents contextes de prise de décision).

80
Non anxieux
70
Anxieux
Pourcentages de choix risqués

60

50

40

30

20

10

0
Gains = 0 Gains positifs

Figure 7.2
Différences individuelles dans les liens anxiété et prise de décision (données d’après Giorgetta
et al., 2012).
Pourcentages moyens de choix risqués adoptés par des participants anxieux et non anxieux dans
une tâche de pari. Les participants anxieux choisissaient le pari risqué nettement moins souvent
que les participants non anxieux.

Yip et Côté (2013) ont cherché à déterminer si l’intelligence émotionnelle modère les
effets des émotions sur la cognition. L’intelligence émotionnelle est un concept proposé
par plusieurs psychologues (Goleman, 1995 ; Salovey & Mayer, 1990). Il désigne l’en-
semble des habiletés permettant une évaluation et une expression exacte et précise des
émotions, les siennes ou celles des autres, la capacité à réguler les émotions et à utiliser
les sentiments et émotions pour motiver, planifier et réaliser sa propre vie. Parmi les
habiletés de l’intelligence émotionnelle, Yip et Côté ont étudié plus spécifiquement le
rôle de la compréhension émotionnelle.
Dans une première expérience, ils ont demandé à 108  participants de passer un
test d’intelligence émotionnelle (le MSCEIT, ou Mayer-Salovey-Caruso-Emotional
Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement : différences individuelles ■ 163

Intelligence Test, le test d’intelligence émotionnelle de Mayer-Salovey-Caruso ;


Mayer et al., 2002). Dans ce test, les participants ont 32 items évaluant différents
aspects de la compréhension des émotions. Par exemple, sur certains items, on
décrit des situations induisant des émotions et les participants doivent dire quelle
émotion la situation est susceptible de déclencher. Par exemple encore, sur d’autres
items, les individus doivent dire quelle émotion peut résulter du mélange de diffé-
rentes émotions. À partir des scores au MSCEIT de chaque individu, les auteurs
ont pu catégoriser les participants en deux groupes : ceux qui avaient les scores
les plus élevés de compréhension émotionnelle (compréhension émotionnelle +) et
ceux qui avaient les scores les moins élevés (compréhension émotionnelle –). Pour
évaluer la prise de décision, les participants avaient une tâche de pari. Ils devaient
ainsi choisir entre deux options, l’option A (la moins risquée) « 100 % de chances
de gagner 1  dollar » ou l’option  B (la plus risquée) « 10 % de chances de gagner
10  dollars et 90 % de gagner 0  dollar ». Enfin, les participants étaient testés soit
dans une condition activant en eux de l’anxiété, soit dans une condition contrôle
ne déclenchant pas d’anxiété. Les participants avaient 60 secondes pour préparer
un discours défendant leur candidature à un poste dans la condition anxiété, et
préparer une liste de courses dans la condition contrôle. Dans la condition anxiété,
les expérimentateurs disaient également aux participants que leur discours allait
être filmé, puis montré à quelqu’un qui allait évaluer s’il était convaincant ou pas.
Les données (Figure 7.3) montrent très clairement que, dans la condition anxiété,

55
Anxiété
50 Neutre
Pourcentages de participants choisissant B

45

40

35
(risqué)

30

25

20

15

10
Compréhension émotionnelle - Compréhension émotionnelle +

Figure 7.3
Intelligence émotionnelle et décisions (d’après Yip & Côté, 2013).
Pourcentages de participants choisissant le pari risqué, en condition neutre ou anxiété, selon
leur niveau de compréhension émotionnelle. Les participants ayant une meilleure compréhension
émotionnelle étaient moins influencés par l’anxiété dans leurs prises de décisions risquées.
164 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

les participants qui avaient une compréhension émotionnelle plus élevée étaient les
plus nombreux à prendre l’option B, la plus risquée. Dans la condition contrôle, on
n’observait aucune différence dans la prise de risques des participants qui avaient
une compréhension émotionnelle plus faible et ceux une compréhension émotion-
nelle plus élevée. En d’autres termes, le niveau de compréhension émotionnelle
module les comportements de prise de risque dans des situations anxiogènes, les
participants qui ont une moins bonne compréhension émotionnelle prenant moins
de risques dans ce type de situation.
Les auteurs ont expliqué leurs résultats en proposant que la compréhension émotion-
nelle permet aux individus d’identifier la source de l’anxiété, de prendre conscience
du caractère non pertinent de l’anxiété vis-à-vis de la tâche à accomplir et ainsi d’être
mieux armés pour s’en détacher et ne pas en être influencés pendant la réalisation
d’une tâche cognitive.
De manière tout à fait intéressante, dans une deuxième expérience, pour tester la
plausibilité du mécanisme invoqué, les auteurs ont reproduit la même expérience avec
quelques variantes. Les participants étaient testés soit dans une condition où ils étaient
avertis de la source de l’anxiété produite par la situation anxiogène (condition d’aver-
tissement), soit dans une condition où ils n’étaient pas avertis (condition non avertie).
Ainsi, pour la situation anxiogène où les participants devaient préparer un discours,
l’expérimentateur disait « Il se pourrait que vous soyez anxieux, car donner un dis-
cours rend tout le monde anxieux. ». Dans la condition contrôle, où les participants
devaient préparer une liste de courses, l’expérimentateur disait « Il se pourrait que
vous ne ressentiez aucune émotion, car faire une liste de courses ne produit en général
aucune émotion. ». Dans la condition non avertie, rien n’était dit aux participants sur
la source anxiogène. Le comportement de prise de risque était évalué en demandant
aux participants d’indiquer s’ils voulaient s’inscrire sur une liste de gens pouvant se
faire vacciner contre la grippe influenza à propos de laquelle ils venaient de recevoir
une information (ne pas s’inscrire comportant des risques). Les résultats (Figure 7.4)
ont fait apparaître que, dans la condition où les consignes amènent à réfléchir sur les
sources de l’anxiété, les participants les plus faibles en compréhension émotionnelle
n’étaient plus, cette fois, affectés par l’anxiété et adoptaient des comportements de
prise de risque équivalent à ceux testés en condition contrôle et aux participants les
plus forts en compréhension émotionnelle.
En résumé, il existe des différences individuelles dans la prise de décision. Certains
individus qui présentent des caractéristiques particulières (comme des niveaux élevés
d’anxiété) prennent moins de décisions risquées que des participants contrôles. Notons
que la connaissance des mécanismes par lesquels les caractéristiques individuelles
amplifient certains comportements permet de manipuler des facteurs qui vont faire
varier la mise en œuvre de ces mécanismes et ainsi infléchir l’effet de ces caractéris-
tiques individuelles, comme l’expérience de Yip et Côté (2013) a pu le montrer. C’est en
manipulant le mécanisme d’identification de la source d’anxiété que Yip et Côté ont pu
conduire des participants anxieux à être moins influencés par une situation anxiogène
dans leur prise de décision.
Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement : différences individuelles ■ 165

80
Participants non avertis Participants avertis
70
Pourcentages de choix risqués

60

50

40

30

20
Anxiété
10 Neutre
0
Compréhension Compréhension Compréhension Compréhension
émotionnelle − émotionnelle + émotionnelle − émotionnelle +

Figure 7.4
Conscience, intelligence émotionnelle et décisions (d’après Yip & Côté, 2013).
Pourcentages de participants choisissant le pari risqué, en condition neutre ou anxiété, selon leur
niveau de compréhension émotionnelle, dans une situation où ils étaient avertis de la source
anxiogène vs non avertis. Dès que les participants étaient avertis de la source anxiogène, l’effet
de l’anxiété sur la prise de risque disparaissait chez les participants dont la compréhension
émotionnelle était la plus faible, amenant ces participants à un niveau de prise de risque
comparable à celui des participants dont la compréhension émotionnelle était plus élevée.

1.3. Émotion et raisonnement


Tout comme le jugement et la prise de décision, l’influence des émotions sur le rai-
sonnement est modulée par différentes caractéristiques personnelles.
Par exemple, Leon et Revelle (1985) ont donné à des participants anxieux et non
anxieux une tâche de raisonnement analogique géométrique, mise au point par
Mulholland et ses collègues (1980). Dans cette tâche, les participants voyaient
100 items comme celui présenté à la Figure 7.5. Chaque item était constitué d’une série
d’analogies, chacune de la forme A : B :: C:D (C est à D ce que A est à B). Les termes
A, B, C, D étaient chacun composés d’une, deux ou trois formes géométriques cibles
auxquelles étaient appliquées une, deux ou trois transformations. Les éléments consti-
tuant le terme A étaient les mêmes que ceux constituant le terme B, tout comme C et
D étaient constitués des mêmes éléments, mais les éléments de A et B n’étaient pas les
mêmes que ceux de C et D. La tâche consistait à dire si chaque analogie proposée était
vraie (c.-à-d., les règles utilisées pour transformer A en B étaient les mêmes que celles
pour transformer C en D) ou fausse (c.-à-d., les règles de transformation A-B n’étaient
pas les mêmes que celles de transformation C-D). Les items variaient en difficulté
sur la base du nombre d’éléments (1, 2, 3  éléments) contenus dans chaque terme et
du nombre de transformations (0, 1, 2 transformations) opérées sur chaque élément.
Ainsi, les participants voyaient des items avec 9 niveaux de difficulté, depuis les items
les plus faciles jusqu’aux items les plus difficiles. Par ailleurs, les participants étaient
testés soit dans une condition avec stress soit dans une condition sans stress. Dans la
166 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

condition avec stress, les items étaient présentés en temps limité et l’expérimentateur
expliquait aux participants que cette épreuve évaluait leur intelligence. Dans la condi-
tion sans stress, les participants avaient tout leur temps pour faire la tâche sur chaque
item. L’expérimentateur disait que cette tâche était nouvelle et que le but de l’étude
était de permettre aux chercheurs de déterminer parmi les items ceux qui sont les plus
difficiles. Enfin, les auteurs ont fait passer à chaque participant un test permettant
d’évaluer leur niveau général d’anxiété-trait (STAI), afin de comparer les participants
les plus anxieux et les moins anxieux.

Figure 7.5
Exemple d’items utilisés par Leon et Revelle (1985) pour étudier le raisonnement analogique
géométrique chez des participants plus et moins anxieux dans des conditions avec ou sans stress.

Les résultats pour des items faciles, moyennement difficiles et difficiles (Figure 7.6)
ont fait apparaître un effet général du stress, les participants faisant un plus grand
nombre d’erreurs en condition de stress. De manière plus intéressante, les effets du
stress étaient plus importants chez les participants les plus anxieux que chez les parti-
cipants les moins anxieux, surtout sur les problèmes les plus difficiles. Par exemple, les
participants les plus anxieux faisaient trois fois plus d’erreurs en condition de stress
qu’en condition sans stress sur les items moyennement faciles et difficiles, tandis que
les participants les moins anxieux faisaient deux fois plus d’erreurs. Sur les items les
plus faciles, les deux groupes faisaient relativement peu d’erreurs et ne différaient pas.
En d’autres termes, les émotions déclenchées par la situation de stress pénalisaient les
Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement : différences individuelles ■ 167

participants les plus anxieux, notamment sur les problèmes les plus difficiles. L’anxiété
déclenchée par la situation de stress accaparait une partie des ressources de traitement
nécessaires au raisonnement analogique, et ce encore plus chez les participants les
plus anxieux. Les auteurs ont observé également que la situation de stress a conduit
les participants à répondre plus rapidement, ce qui peut laisser supposer que les par-
ticipants se hâtaient de faire la tâche en condition de stress et consacraient moins de
temps à l’analyse des caractéristiques du problème et à se construire une représenta-
tion mentale claire et précise de toutes les données du problème pour pouvoir faire les
inférences correctes à partir de ces éléments (voir Channon & Baker, 1994, pour des
résultats similaires).

45

40 Sans stress Avec stress

35
Pourcentages d’erreurs

30

25

20

15

10

0
Facile Moyennement Difficile Facile Moyennement Difficile
facile facile

Participants plus anxieux Participants moins anxieux

Figure 7.6
Stress, anxiété et raisonnement (d’après Leon & Revelle, 1985).
Pourcentages moyens d’erreurs à une tâche de raisonnement analogique sur des items faciles,
moyennement difficiles et difficiles, résolus par des participants anxieux ou moins anxieux
dans une condition avec ou sans stress. Le stress a entraîné une diminution des performances
sur les problèmes les plus difficiles plus importants chez les participants les plus anxieux.

Les différences individuelles peuvent amplifier les effets délétères des émotions
sur le raisonnement. Mais, les différences individuelles existent également dans
les effets bénéfiques des émotions sur le raisonnement. Par exemple, Caparos
et Blanchette (2016 ; Blanchette  &  Nougarou, 2017 ; Forest  &  Blanchette, 2018 ;
Gosselin  &  Blanchette, 2018 ; Markovits et al., 2018) ont demandé à des partici-
pants de réaliser une tâche de raisonnement conditionnel. Les syllogismes condi-
tionnels étaient valides ou non valides et pouvaient avoir un contenu (a) neutre
(« Aucune femme n’est enseignante. Certains chercheurs sont des femmes. Certains
168 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

chercheurs ne sont pas enseignants. ») (b) émotionnel général (« Aucun médecin


n’est psychopathe. Certains tueurs sont psychopathes. Certains tueurs ne sont pas
médecins. ») (c) émotionnel spécifique relatif à un abus sexuel (« Aucune personne
victime d’abus sexuels n’est pédophile. Certains violeurs ont été victimes d’abus
sexuels. Tous les violeurs sont des pédophiles. ») ou (d) émotionnel spécifique
relatif à un accident de voiture (« Aucun criminel ne conduit. Certains récidivistes
conduisent. Tous les récidivistes sont des criminels. »). Les participants étaient des
participants contrôles (n’ayant subi aucun abus sexuel et n’ayant eu aucun acci-
dent de voiture), des participants ayant subi des abus sexuels ou des participants
ayant eu un ou des accidents de voiture.
Les données ont fait apparaître que, relativement aux performances à des énoncés et
participants contrôles, les performances en raisonnement étaient meilleures lorsque
les émotions des énoncés correspondaient à celles déjà vécues par les participants. Par
exemple, les taux de réussite étaient meilleurs sur des énoncés conditionnels relatifs
à des abus sexuels chez les participants ayant vécu des abus sexuels que chez les par-
ticipants contrôles n’ayant été victimes d’aucun abus sexuel. Aucune différence entre
les deux groupes de participants n’est apparue sur les énoncés relatifs à des accidents
de voiture ou sur des énoncés avec un contenu émotionnel général sans rapport avec
un abus sexuel ou un accident. De la même manière, les participants ayant eu un ou
des accidents de voiture raisonnaient mieux sur les énoncés relatifs aux accidents que
ceux n’ayant pas eu d’accident, tandis que les deux groupes raisonnaient aussi bien
sur les énoncés relatifs à des abus sexuels ou ayant un contenu émotionnel général.
En d’autres termes, comme l’a proposé Blanchette, les performances en raisonnement
étaient meilleures lorsque le contenu émotionnel des énoncés sur lesquels raisonner
était pertinent par rapport aux expériences émotionnelles vécues par les participants.
En résumé, comme en jugement et en prise de décision, il existe d’importantes dif-
férences individuelles quant à l’effet des émotions sur le raisonnement. L’existence
de ces différences individuelles peut parfois être très importante et contaminer
ou moduler le rôle des émotions. En effet, si dans une condition expérimentale, les
émotions améliorent les performances chez la moitié des participants et les dété-
riorent chez les autres participants, alors les résultats ne montreront aucun effet
des émotions sur le raisonnement (ou, en réalité, sur n’importe quelle autre tâche
cognitive). D’où l’importance de les prendre en compte dans l’analyse et l’interpré-
tation des résultats.

1.4. Conclusions
Que ce soit en jugement, prise de décision ou raisonnement, il existe d’importantes
différences individuelles dans l’effet des émotions sur les performances cognitives :
les émotions affectent certains individus plus que d’autres. En jugement et en prise de
décision, les données montrent, par exemple, que les individus anxieux ont tendance à
prendre moins de risque ou à évaluer la probabilité d’événements négatifs plus élevée
que des individus non anxieux. Même si ces différences individuelles sont elles-mêmes
modulées par certains paramètres (p.  ex., les différences individuelles disparaissent
Émotion et prise de décision : vieillissement ■ 169

ou diminuent si les individus ont conscience de la source de l’anxiété), elles montrent


qu’il est important de les prendre en compte dans les recherches pour comprendre
comment certains mécanismes peuvent être différemment mobilisés selon les indivi-
dus et, donc, comment les émotions peuvent avoir des effets bénéfiques ou délétères
et de taille différente.
En raisonnement, les données font aussi apparaître plusieurs effets importants qui per-
mettent de mieux comprendre le rôle des émotions. Par exemple, le fait que le stress
augmente le nombre d’erreurs chez des participants anxieux plus que chez des partici-
pants non anxieux lorsque la tâche de raisonnement est plus difficile (Leon & Revelle,
1985) suggère que certaines dispositions ou caractéristiques individuelles peuvent
amplifier les effets délétères des émotions. Par exemple encore, lorsque le contenu
émotionnel d’un énoncé ou d’une situation sur lequel porte le raisonnement est perti-
nent avec des émotions déjà vécues par les participants, le raisonnement est non seu-
lement aussi efficace que sur des énoncés neutres et abstraits, mais peut même parfois
être meilleur (p. ex., Caparos & Blanchette, 2016). Les émotions peuvent donc avoir un
effet bénéfique sur le raisonnement dans certaines situations.
De manière générale, pour qu’il y ait un effet bénéfique des émotions dans des tâches
cognitives de haut niveau, il faut qu’il y ait concordance entre trois éléments : (a) le
contenu sémantique, (b) le ressenti affectif et (c) l’historique affectif (la familiarité de
l’individu avec le ressenti affectif). Sans concordance entre ces trois éléments, les émo-
tions ont un effet délétère sur les performances. Les réactions affectives évoquées par
le contenu sémantique d’un énoncé ou d’une situation concordent avec des émotions
vécues dans le passé (ou sont en lien avec des émotions déjà vécues). La pertinence
des contenus émotionnels pour les individus est donc très importante, et peut même
être à l’origine de nombreuses différences individuelles observées dans les effets des
émotions sur le jugement, la prise de décision et le raisonnement. En raisonnement,
cette concordance permet aux participants d’activer et d’exécuter les procédures de
raisonnement (p. ex., inférences déductives, stratégie de falsification), mais aussi une
représentation plus claire et précise de la situation évoquée par l’énoncé, deux compo-
sants que les travaux en psychologie cognitive (p. ex., Johnson-Laird et al., 2015) ont
fait apparaître comme cruciaux pour un raisonnement efficace. L’importance de la
pertinence ne se limite pas au raisonnement. Elle concerne également nos jugements et
les décisions que nous prenons. Elle semble même être un principe général du fonction-
nement cognitif dans de nombreuses tâches, accomplies avec ou sans émotion (p. ex.,
Wilson & Sperber, 2012).

2. Émotion et prise de décision : vieillissement


Les travaux ayant examiné comment évoluent au cours du vieillissement les effets
des émotions sur le jugement ou sur le raisonnement sont très peu nombreux. En
revanche, plus nombreux sont les travaux conduits pour évaluer comment l’effet des
émotions sur la prise de décision change au cours du vieillissement. C’est pourquoi
cette section se focalise sur la prise de décision.
170 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

Nous savons que la prise de décision évolue avec l’âge (voir Del Missier et al., 2015 ;
Hess et al., 2015 ; Löckenhoff  &  Carstensen, 2007 ; Mata et al., 2011 ; Wiesiolek
et  al., 2014, pour des revues ou méta-analyses). Par exemple, le vieillissement peut
conduire, dans certaines situations, des participants âgés à prendre des décisions
moins risquées que les jeunes. Par exemple encore, les personnes âgées peuvent
prendre en compte moins d’informations sur chaque option lorsqu’elles doivent choi-
sir entre plusieurs options. La question est alors de savoir si les émotions affectent
la prise de décision des personnes âgées et si cette influence est différente chez les
personnes jeunes et âgées. De nombreuses données permettent de répondre oui à ces
questions (Liebherr et al., 2017 ; Mikels et al., 2015), l’importance de l’effet des émo-
tions dans la prise de décision peut même parfois conduire à modifier entièrement les
effets du vieillissement sur nos capacités à prendre les meilleures décisions. Dès lors,
il s’agira de savoir si l’effet des émotions dans les différents groupes d’âge s’explique
par la mise en œuvre de mécanismes différents ou par un changement lié à l’âge
dans l’exécution des mêmes mécanismes Examinons d’abord comment les émotions
améliorent la prise de décision des personnes âgées dans certaines situations et la
détériorent dans d’autres situations, puis comment l’évolution avec l’âge de la prise
de risque est modulée par les émotions.

2.1. Les émotions peuvent améliorer ou détériorer


la prise de décision chez les âgés
Mikels et ses collaborateurs (2010) ont demandé à leurs participants jeunes et âgés
de choisir entre deux options relatives à la santé (p. ex., choisir entre deux médecins,
entre deux assurances maladie). Les informations relatives à chaque option étaient pré-
sentées sur un écran d’ordinateur. Les participants étaient invités à prêter attention
aux caractéristiques de chaque option dans une condition (condition de focalisation sur
les informations), à l’impression et aux émotions déclenchées par chaque option dans
une autre condition (condition de focalisation émotionnelle) ou étaient testés dans une
condition contrôle (la consigne ne précisait pas de se focaliser sur quelque chose en
particulier). Pour chaque choix, les options comportaient le même nombre d’attributs
qui variait de 2 à 8. Ainsi, les options pouvaient contenir plus d’attributs (6 ou 8) ou
moins d’attributs (2 ou 4), ce qui rendait les choix plus ou moins complexes.
Les jeunes amélioraient leurs décisions lorsqu’ils se focalisaient sur les attributs des
options ou sur les émotions associées à chaque option, par rapport à la condition
contrôle (Figure 7.7). Les participants âgés choisissaient moins souvent la meilleure
option lorsqu’ils se focalisaient sur les attributs et plus souvent lorsqu’ils se focali-
saient sur les émotions associées à chaque option ou dans la condition contrôle. En
d’autres termes, comme chez les jeunes, les émotions peuvent entraîner une amélio-
ration des performances quand les participants âgés doivent prendre des décisions.
Pour la même décision, pour les mêmes informations à prendre en compte en vue
de prendre cette décision, lorsqu’ils se focalisent sur les impressions et les émotions
associées à chaque option, les personnes âgées prennent plus souvent la meilleure
décision.
Émotion et prise de décision : vieillissement ■ 171

90
Pourcentages de décisions correctes

2-4 attributs 6-8 attributs


85

80

75

70

65

60
Informations Émotion Contrôle Informations Émotion Contrôle
Adultes jeunes Adultes âgés
Figure 7.7
Vieillissement, émotions et décision (d’après Mikels et al., 2010).
Pourcentages d’items pour lesquels les participants jeunes et âgés ont choisi la meilleure option
en condition contrôle, de focalisation sur les informations relatives à chaque option ou sur
les émotions associées à chaque option, et en fonction du nombre d’attributs pour chaque option.
Les jeunes choisissaient la meilleure option plus souvent dans les conditions où ils avaient
à se focaliser sur les émotions et les attributs. Les personnes âgées choisissaient moins souvent
la meilleure option quand ils devaient se focaliser sur les attributs et plus souvent lorsqu’ils
prêtaient attention aux émotions et dans la condition contrôle.

L’amélioration de la prise de décision par les émotions chez les personnes âgées a été
retrouvée dans de nombreuses études (e.g., Bruine de Bruin, 2017 ; Bruine de Bruin
et al., 2012, 2020; Carpenter et al., 2013; Eberhardt et al., 2019; Isaacowitz & Choi,
2012 ; Kim et al., 2008; Shamaskin et al., 2010; Strough et al., 2008, 2011, 2015).
Notons toutefois que, comme chez les jeunes, les émotions n’entraînent pas toujours
une amélioration de la prise de décision chez les âgés. Les émotions peuvent conduire
les personnes âgées, dans certaines conditions, à ne pas prendre les meilleures déci-
sions (p.  ex., Choie et al., 2007 ; Mikels et al., 2013 ; von  Helversen  &  Mata, 2012).
Par exemple, von Helversen et Mata (2012) ont étudié les relations entre humeurs et
émotions positives et prise de décision dans une tâche d’achats de produits de consom-
mation. Dans cette tâche, les participants voyaient sur un écran d’ordinateur, pour
un produit, jusqu’à 40 propositions de prix variable. Les propositions apparaissaient
séquentiellement, les unes après les autres. Le but était de choisir le prix le plus faible.
Les propositions de prix apparaissaient dans un ordre aléatoire (c.-à-d., pas en ordre
croissant ou décroissant systématique). À chaque proposition, les participants devaient
indiquer « Oui, je choisis ce prix » ou « Non, je ne choisis pas ce prix ». S’ils ne choisis-
saient pas ce prix, ils ne pouvaient pas revenir en arrière et choisir un prix rejeté ; un
prix suivant leur était proposé, et ainsi de suite jusqu’à 40 prix au maximum. Si les
participants n’avaient pas choisi une proposition avant la quarantième, la quarantième
proposition était celle qu’ils devaient adopter (même si le prix proposé était plus élevé
que les prix préalablement proposés). Les auteurs ont analysé les performances (prix
moyen choisi sur l’ensemble des produits proposés : plus ce prix était faible, meilleure
était la décision) et le nombre de propositions avant l’acceptation d’une proposition
(plus ce nombre était élevé, plus le participant a refusé de propositions et a voulu
172 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

approfondir sa recherche d’informations avant de prendre sa décision). Pour les deux


indicateurs analysés (Tableau 7.1), les participants âgés avaient de moins bonnes per-
formances : ils recherchaient moins d’informations et choisissaient un prix plus élevé
à celui choisi par les participants jeunes. Cet effet réplique un effet général rapporté
dans les travaux relatifs aux effets du vieillissement sur la prise de décision (voir Hess
et al., 2015 ; Mata et al., 2007, 2010, 2015). Mais, le plus intéressant concerne la cor-
rélation significative (r = –.46), observée chez les âgés uniquement, entre le nombre de
prix refusés (c.-à-d., le nombre d’informations recherchées avant de prendre une déci-
sion) et l’humeur positive (mesurée pour chaque participant avec l’échelle PANAS).
Cette corrélation indique que plus les individus se disaient de bonne humeur, moins
bonne était la qualité de la recherche des informations avant de prendre une décision.
Une deuxième expérience, où des émotions positives (vs neutres) étaient induites chez
les participants, en leur faisant voir des images positives ou neutres, et la modélisation
statistique des performances ont permis de comprendre que les émotions positives
conduisent les participants à adopter un critère de recherche (ou un seuil d’informa-
tions nécessaires pour prendre une décision) inférieur.
Tableau 7.1
Humeur positive et prise de décision (d’après von Helversen et Mata, 2012).
Performances et nombre de recherches et corrélations de celles-ci avec l’humeur positive,
chez des participants jeunes et âgés dans une tâche d’achat de produits de consommation.
Les personnes âgées recherchaient moins d’informations et faisaient les moins bons choix,
surtout ceux d’humeur positive.

Adultes jeunes Adultes âgés


Performances 5,18 6,61
Nombre de recherches 18,61 15,90
Corrélation humeur positive et performances .17 (ns) .14 (ns)
Corrélation humeur positive et nombre de recherches – .05 – .46**
Note. ns = non significatif. ** p <.01

2.2. Les émotions peuvent influencer la prise de risque


chez les âgés
L’effet des émotions sur la prise de décision peut varier selon la valence émo-
tionnelle chez les jeunes et les âgés (e.g., Chou et al., 2007; Denburg et al., 2006;
Löckenhoff  &  Carstensen, 2007 ; Mata et al., 2011; Mara Mather et al., 2005). Par
exemple, Chou et ses collègues (2007) ont observé que les jeunes prennent plus de
risque sous émotions négatives et les personnes âgées sous émotions positives. Les
auteurs ont testé des participants jeunes et âgés dans trois conditions. Les participants
voyaient d’abord un film connu pour déclencher une émotion négative, neutre ou posi-
tive. Ensuite, ils devaient réaliser une tâche de prise de décision. Ils lisaient des scénarii
comme le scénario suivant. « M. Lee, un ingénieur travaille dans une entreprise depuis
5 ans, juste après avoir obtenu son diplôme. Il est assuré de la stabilité et de la sécurité
de son travail qui lui rapporte un salaire, certes modeste, mais suffisant, ainsi que
Émotion et prise de décision : vieillissement ■ 173

d’une retraite. D’un autre côté, il n’est pas assuré qu’il obtiendra une augmentation de
salaire d’ici à son départ à la retraite. Une petite entreprise vient de lui offrir un emploi.
Cet emploi serait mieux payé et il pourrait recevoir des parts de l’entreprise si cette
entreprise survit à la concurrence sur le marché. Toutefois, l’entreprise est nouvelle
avec un avenir incertain, et personne n’est en mesure d’être sûr que l’entreprise va
survivre à la concurrence du marché. » La réponse des participants, recueillies sur des
échelles (p. ex., de – 5 à + 5, emploi refusé-emploi accepté) permettait aux auteurs de
déterminer le niveau de risque pris par chaque participant pour chaque décision. Les
données (Figure 7.8) ont montré que (a) les participants âgés adoptaient un niveau de
risque globalement moins élevé que les jeunes (dans la condition neutre), (b) les partici-
pants jeunes diminuaient leur niveau de risque dans la condition émotions négatives et
adoptaient des niveaux de risque comparable dans les conditions neutres et positives,
et (c) les âgés réduisaient leur niveau de risque dans la condition émotions négatives et
l’augmentaient dans la condition émotions positives.
Ces résultats peuvent s’interpréter avec l’hypothèse proposée par Forgas (1994,
1995). Selon cette hypothèse (appelé « Affect Infusion Model », AIM), sous émotions
positives, les personnes âgées prennent plus de risques, car elles traitent plus super-
ficiellement les informations et se focalisent davantage sur les informations positives,
diminuant ainsi leur perception du risque. Sous émotions négatives, les participants
jeunes et âgés traitent plus profondément le risque et prennent davantage en considé-
ration les conséquences négatives des risques éventuels.
100
Jeunes
80 Âgés
Niveau de prise de risque

60

40

20

0
Négative Neutre Positive
Figure 7.8
Émotions et prise de risque (d’après Chou et al., 2007).
Niveaux de prise de risque par des participants jeunes et âgés en état émotionnel négatif,
neutre ou positif. Au-delà de la tendance générale des personnes âgées à adopter un niveau
de risque moins important que les jeunes dans la condition neutre, les émotions négatives ont
conduit les participants jeunes et âgés à diminuer leur niveau de risque, et les émotions positives
entraînaient les âgés à augmenter leur niveau de risque.

L’effet différent des émotions positives et négatives sur la prise de décision des
participants jeunes et âgés a été observé de nombreuses fois (Denburg et al., 2006 ;
Depping  &  Freund, 2011 ; Mara Mather et al., 2012 ; J.  A. Mikels  &  Reed, 2009)
(e.g., Bauer et al., 2013 ; Denburg et al., 2006 ; Depping  &  Freund, 2011 ; Mather
174 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

et al., 2012 ; Mikels & Reeds, 2009 ; Samanez-Larkin et al., 2007 ; 2010). Chen et


Ma (2009) ont observé par exemple que, plus les participants jeunes anticipaient
des émotions négatives (p.  ex., regret) relatives à une décision risquée, moins ils
avaient tendance à prendre cette décision risquée. En revanche, plus les âgés
anticipaient une émotion positive à la suite d’une décision risquée, plus ils avaient
tendance à prendre cette décision. Par exemple encore, Mather et al. (2012) ont
observé que les âgés avaient tendance à choisir une option une option plus pro-
bable même avec un moindre gain.

2.3. Conclusions
Les émotions n’influencent pas que les décisions prises par les jeunes. Elles
affectent également la prise de décision chez les âgés. Dans certains contextes, elles
améliorent la prise de décision chez les personnes âgées (et réduit ainsi la différence
jeunes-âgés), en partie parce qu’elles apportent un soutien aux mécanismes clés (p. ex.,
construction et maintien en mémoire de travail d’une représentation précise des
attributs relatifs à chaque option entre lesquelles choisir). Cette amélioration survient
notamment lorsque les options elles-mêmes peuvent être source d’émotion. Mais les
émotions peuvent également avoir des effets délétères dans la prise de décision des
âgés, en particulier lorsqu’une décision doit être prise dans un état émotionnel, et
même si la décision elle-même n’a pas nécessairement de conséquences émotionnelles.
Ces effets délétères peuvent être le résultat du fait que, sous émotion, les participants
âgés vont être plus vite satisfaits d’une décision et vont rechercher ou traiter moins
d’informations pour assurer leurs décisions.
Les émotions affectent tous les types de décision qu’ont à prendre les personnes
âgées, depuis les décisions les plus simples jusqu’aux décisions les plus complexes,
depuis les décisions entraînant peu de conséquences (ou des conséquences peu
importantes) jusqu’aux décisions avec d’importantes conséquences, et depuis les
décisions les moins risquées jusqu’aux décisions les plus risquées. Par exemple,
les émotions positives vont augmenter les prises de risques chez les personnes âgées
du fait que ces émotions positives conduisent à un traitement moins profond des
informations relatives à chaque option, et à percevoir plus positivement les aspects
positifs d’une décision risquée (à la différence des jeunes). Ces effets sont observés
non seulement lorsque les participants doivent choisir entre des options qui ont des
valences émotionnelles et quand les participants éprouvent différentes émotions,
mais également lorsque les participants anticipent les éventuelles émotions qu’ils
s’attendent à ressentir après avoir pris leurs décisions. De manière générale, la prise
en compte des émotions pour comprendre comment évolue la prise de décision au
cours du vieillissement est cruciale, car les jeunes comme les âgés peuvent être
conduits à prendre des décisions radicalement différentes selon leur état émotionnel
ou selon les émotions qu’ils associent à chaque option.
Émotion, prise de décision et raisonnement : psychopathologie ■ 175

3. Émotion, prise de décision


et raisonnement : psychopathologie
En psychopathologie, de nombreux travaux conduits sur des patients souffrant
de différents troubles ont mis en évidence des modulations importantes des effets
des émotions sur la prise de décision et le raisonnement. En effet, comme nous allons
le voir dans cette section, selon la psychopathologie, des mécanismes différents sont
affectés par les émotions chez les patients pour prendre des décisions et raisonner.

3.1. Émotion et prise de décision


De nombreux travaux ont cherché à déterminer comment des patients souffrant
de certaines pathologies prennent des décisions (e.g., Damasio, 1994 ; Grupe, 2017 ;
Hartley & Phelps, 2012, 2012 ; Paulus & Yu, 2012). Ces travaux font apparaître que
la psychopathologie perturbe les deux mécanismes clés dans la prise de décision : le
calcul des probabilités d’occurrence et de la valeur subjective des différents choix.
Par exemple, les participants qui souffrent d’anxiété sévère semblent plus intolérants
à l’incertitude (Dugas et al., 1998), ont tendance à prendre moins de risques et à être
plus sensibles aux options qui ont des conséquences négatives (e.g., Lorian & Grisham,
2010 ; Maner & Schmidt, 2006), préfèrent choisir des options aux pertes élevées à long
terme (e.g., de Visser et al., 2010 ; Miu et al., 2008). Ainsi, encore, les patients en dépres-
sion diminuent leur réponse à la récompense, ont de moins bonnes performances à des
tâches de prise de risque équilibrée comme l’Iowa Gambling Task, et sont plus indécis
face à des choix à faire (Elliott et al., 1996 ; Eshel & Roiser, 2010 ; Pizzagalli et al., 2005 ;
Diego A Pizzagalli, 2011). Les patients obsessionnels compulsifs ont également des
difficultés dans les tâches de prise de décision (Sachdev & Malhi, 2005), et les patients
bipolaires en phase dépressive choisissent moins souvent le résultat le plus probable,
et ceux en phase maniaque prennent plus souvent des décisions suboptimales (Adida
et al., 2008 ; Murphy et al., 2001 ; Yechiam et al., 2008). Dans tous les cas, la psycho-
pathologie perturbe les mécanismes de traitement des probabilités et d’évaluation de
la valeur subjective des différentes options.
À titre d’illustration, Mueller et ses collaborateurs (2010) ont testé la prise de décision
chez les patients atteints de troubles anxieux avec la tâche de l’Iowa Gambling (parfois
traduit en français par le test du jeu de poker). Cette tâche (Bechara et al., 1994) a été
utilisée de nombreuses fois dans la littérature sur la prise de décision, aussi bien avec
des patients qu’avec des participants tout-venant. Dans cette tâche, les participants
voient quatre tas de cartes (soit réels, soit présentés sur un écran d’ordinateur). Les
participants doivent, à chaque essai, piocher une carte dans l’un des quatre tas de
cartes. Chaque tas de cartes contient des cartes qui rapportent de l’argent (p. ex., cer-
taines cartes du tas A rapportent 100 dollars) ou en font perdre (p. ex., certaines cartes
du tas A font perdre 100 dollars). Deux de ces tas comportent un risque élevé de perte
(p. ex., les tas A et B), mais chaque fois qu’une carte fait apparaître un gain, ce gain est
élevé. Au final, ces deux tas aboutissent à une perte d’argent. Piocher une carte dans
176 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

l’un de ces deux tas comporte donc un risque. Les deux autres tas (p. ex., les tas C et D)
comportent un risque faible, mais chaque carte rapporte un gain peu élevé. Au final,
ces deux tas aboutissent à un gain d’argent. Le but du jeu est de gagner le plus d’argent
possible. Au fur et à mesure du jeu, les participants doivent apprendre à éviter les
pertes à court terme élevées (c.-à-d., en tirant des cartes provenant des tas A et B) et
choisir les cartes des tas rapportant à plus longs termes des gains plus élevés (p. ex.,
provenant des tas  C et D). Dans cette tâche, la plupart des participants tout-venant
piochent des cartes dans chaque tas. Au bout de 40 à 50 cartes, ils ont compris quels
étaient les tas comportant plus de risques (p. ex., les tas A et B) et les tas comportant
moins de risques (p. ex., les tas C et D).
Mueller et ses collaborateurs (2010) ont comparé la prise de risque chez des partici-
pants grands anxieux (diagnostiqués à partir d’échelles d’anxiété comme la GADQ-IV)
et des participants tout-venant. Les participants ont passé la version standard de
l’Iowa Gambling Task (c.-à-d., les gains associés aux cartes des tas A et B étaient de
100 dollars et ceux associés aux cartes des tas C et D étaient de 50 dollars). Les cartes
associées aux pertes étaient imprévisibles. Toutefois, sur une dizaine de pioches, les
pertes s’élevaient à 1 250 dollars dans les tas A et B et à 250 dollars dans les tas C
et D. En d’autres termes, toutes les 10 cartes, les tas A et B entraînaient une perte de
250 dollars ([10 fois 100] – 1 250), et les tas C et D entraînaient un gain de 250 dollars
([10 × 50] – 250). Les auteurs ont également testé une version modifiée où les deux
tas désavantageux (c.-à-d., les tas G et H) avaient des pertes de 50 dollars/cartes et un
gain total de 250 dollars sur 10 cartes piochées, tandis que les deux tas avantageux
(c.-à-d., E et F) avaient des pertes de 100 dollars/cartes et un gain total de 1 250 dollars
sur 10 cartes.

16
Anxieux
14
Contrôle
Nombre de cartes tirées

12

10

0
Blocs 1-2 Blocs 3--5 Blocs 1-2 Blocs 3--5

Sélection dans les tas avantageux Sélection dans les tas désavantageux

Figure 7.9
Anxiété et prise de décision (d’après Mueller et al., 2010).
Nombre de cartes tirées, pour chaque bloc de 20 tirages, dans les tas avantageux et désavantageux
par les patients souffrant d’anxiété généralisée et les participants contrôles. Les patients prenaient
moins de risques en sélectionnant plus de cartes que les contrôles dans les tas avantageux et moins
de cartes dans les tas désavantageux.
Émotion, prise de décision et raisonnement : psychopathologie ■ 177

Les données (Figure 7.9) font apparaître que les participants anxieux apprenaient
plus vite que les contrôles à anticiper les pertes. Ils tiraient plus de cartes dans les tas
avantageux et en piochaient moins dans les tas désavantageux. En d’autres termes, les
patients anxieux avaient tendance à minimiser les risques en choisissant davantage de
cartes dans les tas les moins risqués.
À l’inverse, Nielen et ses collaborateurs (2002) ont rapporté que des patients diagnos-
tiqués obsessionnels compulsifs (diagnostiqués avec l’échelle  Y-BOCS ; Yale Brown
Obsessive Compulsive Scale, Goodman et al., 1989) avaient tendance à prendre davan-
tage de risques. Comme le montrent leurs données à la Figure 7.11, à la tâche de l’Iowa
Gambling, les patients obsessionnels compulsifs piochaient davantage de cartes dans
les tas risqués que dans les tas non risqués, et ceci aussi bien en début qu’en fin de
tirage.

14
Contrôle
12
Nombre de cartes tirées

Patients (TOC)
dans les tas risqués

10

0
Blocs 1--3 Blocs 4-5

Figure 7.10
Décisions et troubles obsessionnels compulsifs (d’après Nielen et al., 2002).
Les patients obsessionnels compulsifs prenaient des décisions plus risquées que les participants
contrôles dans la tâche de l’Iowa Gambling, aussi bien au début (trois premiers blocs de 20 tirages)
qu’à la fin (deux derniers blocs de 20 tirages) de l’épreuve.

Yechiam et ses collaborateurs (2008) ont observé que des patients bipolaires avaient
tendance à piocher des cartes un peu plus fréquemment dans les tas les moins avan-
tageux, comparés à des patients contrôles ou des patients bipolaires en rémission,
lors des 20  dernières (sur 100 au total) cartes piochées dans l’un des 4  tas, tandis
que le nombre de cartes piochées dans les tas désavantageux avant ces dernières
cartes était comparable dans les trois groupes. De manière plus intéressante, une
modélisation cognitive a permis de mieux caractériser les paramètres déterminant
les décisions des participants. En s’appuyant sur le modèle dit des valences attendues
(Busemeyer & Stout, 2002 ; Yechiam et al., 2005), les auteurs ont comparé le rôle de
trois paramètres : (a) l’attention accordée aux gains et aux pertes ; (b) les choix de cartes
les plus récemment réalisés : et (c) la consistance entre les choix successifs. Comme le
montre la Figure 7.11, la consistance entre les choix successifs les patients bipolaires
était très faible, indiquant que ces patients avaient des choix erratiques d’un essai à
l’autre, à la grande différence des participants contrôle (et même des patients bipolaires
en rémission qui étaient moins systématiques dans leurs choix que les contrôles).
178 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

1,4

1,2 Attention aux gains/pertes


Choix récents
1 Consistance
Valeurs des paramètres

0,8

0,6

0,4

0,2

– 0,2
Contrôles Bipolaires en rémission Bipolaires

Figure 7.11
Sources des décisions dans la tâche de l’Iowa chez des patients bipolaires et des contrôles
(d’après Yechiam et al., 2008).
Les patients bipolaires n’étaient pas systématiques et constants dans leurs décisions, à la différence
des participants contrôle, les bipolaires en rémission étant moins systématiques que les contrôles,
mais plus que les bipolaires.

En bref, les travaux de psychopathologie cognitive ont observé que certains


patients (p.  ex., les grands anxieux) pouvaient être amenés à avoir une aversion
au risque plus élevée que des participants contrôles tandis que d’autres pouvaient
prendre plus de risques (p.  ex., les patients TOC). Les modélisations cognitives
conduites par certains chercheurs permettent de déterminer, parmi les composants
importants de la prise de décision (p.  ex., évaluation des gains et des pertes, esti-
mation de la valeur subjective des options entre lesquelles choisir, ou le caractère
systématique des choix), ceux qui varient selon la psychopathologie ou, pour une
même psychopathologie, selon la situation dans laquelle faire un choix et les options
entre lesquelles choisir.

3.2. Émotion et raisonnement


Berle et Moulds (2013a,b) ont étudié, chez des participants dépressifs et des par-
ticipants contrôle, une forme particulière de raisonnement, appelée « le raisonnement
fondé sur l’intrusion », dans la dépression. Ce type de raisonnement intervient lorsque
les participants infèrent un danger d’une situation qui peut rappeler un événement
plus ou moins traumatique vécu personnellement (p. ex., « J’ai eu très peur en enten-
dant un bruit soudain qui a réactivé en moi des souvenirs pénibles associés à la guerre
du Vietnam. »). Les participants lisaient des énoncés du type de ceux présentés au
Tableau 7.2.
Émotion, prise de décision et raisonnement : psychopathologie ■ 179

Tableau 7.2
Exemples d’énoncés dans l’étude de Berle et Moulds (2013a,b) pour étudier le raisonnement
fondé sur l’intrusion dans la dépression.

ÉNONCÉ 1 Au cours d’une conversation, vous apprenez que vous n’avez


OBJECTIVEMENT NEUTRE, SANS SOUVENIR INTRUSIF pas été invité à une fête à laquelle vous auriez pensé être invité.
Vous n’en faites pas grand cas. Après tout, ce genre de chose
arrive de temps en temps.

ÉNONCÉ 2 Au cours d’une conversation, vous apprenez que vous n’avez


OBJECTIVEMENT NEUTRE, AVEC INTRUSION D’UN SOUVENIR pas été invité à une fête à laquelle vous auriez pensé être invité.
En y pensant, un souvenir vous revient à l’esprit. Vous étiez exclu
d’un groupe dans la cour d’école pendant une récréation.

ÉNONCÉ 3 Un de vos amis vous dit qu’un autre de vos amis raconte
OBJECTIVEMENT TRISTE, SANS SOUVENIR INTRUSIF des choses horribles sur vous dans votre dos. Vous n’en faites
pas grand cas. La plupart de vos amis ne croiront pas ces choses
et vous savez qu’elles sont fausses.

ÉNONCÉ 4 Un de vos amis vous dit qu’un autre de vos amis raconte
OBJECTIVEMENT TRISTE, AVEC INTRUSION D’UN SOUVENIR des choses horribles sur vous dans votre dos. En y pensant,
un souvenir vous revient à l’esprit. Vous étiez exclu d’un groupe
dans la cour d’école pendant une récréation.

Ensuite, les participants devaient évaluer (en mettant une note de 1 à 100, vrai à faux)
des énoncés qui faisaient partie de deux catégories d’énoncés : (a) des énoncés qui ne
faisaient pas référence à soi (c.-à-d., cette situation est vraiment dommage ; cette situa-
tion est vraiment négative ; cette situation est vraiment désespérante) ; (b) des énoncés
qui faisaient référence à soi (p. ex., cette situation suggère que vous êtes sans valeur ;
cette situation suggère que vous êtes incompétent). Les auteurs ont créé un score de
raisonnement fondé sur l’intrusion en soustrayant la note moyenne mise aux énoncés
avec intrusion de souvenir à celle mise aux énoncés sans intrusion de souvenir (une
note élevée signifie que le raisonnement a été nettement influencé par l’intrusion
d’un souvenir). Ce score était plus élevé chez les participants dépressifs que chez les
participants contrôles pour les énoncés faisant référence à soi et, mais pas pour les
énoncés ne faisant pas référence à soi (Figure 7.12). Ce phénomène a été répliqué de
nombreuses fois dans la dépression (e.g., Brein e al., 1996 ; 1999 ; Milahilova & Jobson,
2019 ; Newby & Moulds, 2011), mais a été aussi observé dans de nombreuses autres
pathologies, comme le stress ou le stress post-traumatique (e.g., Baum et al, 1993 ;
Brewin, 2007 ; Brewin  &  Holmes, 2003 ; Cheung et  al., 2015 ; Ehring et al., 2011),
l’anxiété ou la phobie sociale (e.g., Moscovitch et al., 2011 ; Rachman et al., 2000), et
l’anxiété généralisée (e.g., Coles & Heimberg, 2002 ; Hirsch & Holmes, 2007 ; Mathews,
1990).
180 ■ CHAPITRE 7 – Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement…

25
Score de raisonnement fondé Dépressifs Contrôles
sur l’intrusion de souvenirs 20

15

10

0
Sans référence à soi Avec référence à soi

Figure 7.12
Raisonnement et dépression (d’après Berle & Moulds, 2013a,b).
Les participants dépressifs avaient un score de raisonnement fondé sur l’intrusion de souvenir plus
élevé que les participants contrôles lorsque les énoncés faisaient référence à soi.

3.3. Conclusions
Les émotions affectent la prise de décision et le raisonnement non seulement
chez les participants tout-venant, mais également chez les patients souffrant de diffé-
rentes pathologies. Ainsi, comme nous l’avons vu, les patients anxieux ont tendance
à prendre moins de risques (Mueller et al., 2010), alors que les patients bipolaires en
phase maniaque (Adida et al., 2008) et les patients souffrant de troubles obsessionnels
compulsifs (Yechiam et al., 2008) en prennent plus. Ainsi encore, les émotions per-
turbent le raisonnement des patients souffrant de dépression dès lors que ce raisonne-
ment porte sur des énoncés qui font référence à soi et activent des souvenirs intrusifs
(Berle & Moulds, 2013a,b).
Comme pour les différences individuelles, la psychopathologie module les effets des
émotions sur le raisonnement et la prise de décision, car elle modifie le calcul des pro-
babilités d’occurrence des différents événements et leur valeur (ou utilité) subjective,
lorsque les patients prennent des décisions. La psychopathologie modifie par ailleurs
la représentation des énoncés que se construisent les patients lorsqu’ils raisonnent,
ainsi que les stratégies mobilisées pour réfuter ou valider une conclusion. En d’autres
termes, les données à l’heure actuelle disponibles ne permettent pas vraiment d’écarter
l’hypothèse selon laquelle les patients souffrant de différentes pathologies mettent en
œuvre des mécanismes de raisonnement et de prise de décision qualitativement dif-
férente de ceux mobilisés par les participants tout-venant. En revanche, ces données
font apparaître que les patients exécutent différemment les mécanismes en jeu, en
particulier parce que certains biais cognitifs généraux (p. ex., inconfort face à l’incer-
titude, biais attentionnels sur les risques ou issues négatives) sont exacerbés par la
psychopathologie.
Testez vos connaissances ■ 181

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir

1. Notre tendance à être curieux ou à avoir peur dans la vie modère-t-elle nos
jugements ? Décrivez une étude qui a testé cette hypothèse.
2. Comment raisonnons-nous sous stress ? Décrivez une étude et son résultat
principal qui nous en informent.
3. Comment évolue avec l’âge l’impact des émotions sur nos capacités de
raisonnement ?
4. Comment l’hypothèse dérivée du modèle proposé par Forgas (1994, 1995)
et appelé Affect Infusion Model (AIM) explique-t-elle le fait que les âgés
peuvent être conduits à prendre plus de risque sous émotion ?
5. L’effet des différentes pathologies sur la cognition intégrée résulte-t-il des
mêmes mécanismes ou de mécanismes différents ?

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF7b

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM7

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC7
CHAPITRE 8

La régulation
émotionnelle
Ce chapitre commence par définir ce qu’on appelle la régulation des émotions
(et la façon dont elle diffère d’autres notions connexes, comme le contrôle
émotionnel, la réparation de l’humeur ou le coping). Fondé sur les travaux
de Gross et ses collaborateurs, le chapitre présente ensuite les composantes
(objectifs, stratégies et résultats) de la régulation émotionnelle, décrit le
répertoire de stratégies de régulation (quelles sont-elles ? Quand sont-elles
utilisées ?) déployées par les personnes pour réguler leurs émotions, et dans
quelle mesure ces stratégies sont efficaces. Par ailleurs, le chapitre examine
les différents paramètres (p. ex., intensité émotionnelle, objectifs, contextes,
disponibilité de la stratégie) qui ont une influence cruciale dans l’utilisation
et l’exécution des stratégies de régulation émotionnelle. Enfin, sont discutés
les résultats de travaux montrant quand la régulation émotionnelle diminue
(et quand elle augmente) l’impact des émotions sur la cognition.

SOMMAIRE

1. Qu’est-ce que la régulation émotionnelle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185


2. Stratégies de régulation émotionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
3. Efficacité de la régulation émotionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
4. Régulation émotionnelle et performances cognitives . . . . . . . . . . . . . . 202
184 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

Lorsqu’il étudie de manière expérimentale l’effet des émotions sur la cognition, le


chercheur compare les performances des participants à une ou plusieurs tâches
cognitives, dans une (ou plusieurs) condition émotionnelle(s) et dans une (ou
plusieurs) condition(s) neutre(s). La différence de performances suggère que les
émotions modifient les performances cognitives. En d’autres termes, tout se passe
comme si le participant réalise une tâche différemment s’il ressent une émotion
et s’il est dans un état émotionnellement neutre. Ceci soulève plusieurs questions.
Pour n’en prendre que quelques-unes : est-il suffisant de tester un participant dans
une situation émotionnelle pour que l’émotion soit induite chez ce participant ? La
manipulation expérimentale censée induire une émotion déclenche-t-elle cette émo-
tion chez tous les participants ? Si oui, cette émotion est-elle déclenchée de la même
manière, avec la même intensité chez tous les participants ? Sinon, pourquoi certains
participants ressentent-ils l’émotion déclenchée moins intensément et leurs perfor-
mances cognitives sont-elles moins fortement affectées ? Un élément de réponse à
ces questions concerne la régulation émotionnelle (ou comment nous modifions nos
émotions), car l’effet des émotions sur la cognition diffère si le participant régule
ou pas une émotion qui le traverse au moment où il accomplit une tâche cognitive.
Ce chapitre présente les travaux conduits sur la régulation émotionnelle. D’abord,
nous définissons ce que les chercheurs appellent la régulation émotionnelle et les
différents aspects de cette régulation. Ensuite, nous présentons les stratégies mises
en œuvre, et quand elles sont mises en œuvre, pour réguler nos émotions. Puis,
nous discutons des effets de la régulation émotionnelle ou comment ces stratégies
modifient l’expérience émotionnelle. Enfin, la dernière partie discute comment la
régulation émotionnelle modifie les liens émotion/cognition.
Pour étudier en quoi consiste (les mécanismes responsables de) la régulation émo-
tionnelle, dans quelles conditions les participants régulent leurs émotions, et si la
régulation émotionnelle affecte différents aspects du comportement (expérience
émotionnelle, manifestations physiologiques et comportementales de l’émotion, per-
formances cognitives), le principe général des études empiriques est simple. Les
participants évaluent leur état émotionnel avant et après l’expérience émotionnelle à
l’aide de questionnaires d’autoévaluation (p. ex., sur une échelle de 1 à 9 points, indi-
quez votre état de tristesse maintenant, 1 signifiant un niveau faible et 9 un niveau
élevé de tristesse). Ces autoévaluations peuvent être accompagnées de mesures
physiologiques (p.  ex., battements cardiaques, conductance cutanée, température,
etc.) connues pour varier avec l’état émotionnel. Ces évaluations pré- et post-test
sont comparées dans une condition contrôle (où le participant n’a pas pour consigne
de réguler les émotions qu’il pourra ressentir pendant qu’il verra une vidéo ou des
images susceptibles de déclencher des émotions) et une condition expérimentale (où
les consignes lui indiqueront de réguler les émotions qu’il pourrait ressentir). Ces
procédures ont permis de mettre en évidence qu’il est possible de modifier nos émo-
tions, qu’il existe différents mécanismes (ou stratégies) pour réguler nos émotions
et que la mise en œuvre et l’efficacité de ces mécanismes sont influencées par de
nombreux facteurs.
Qu’est-ce que la régulation émotionnelle ? ■ 185

1. Qu’est-ce que la régulation


émotionnelle ?

1.1. Définition
La régulation émotionnelle fait référence aux efforts que nous déployons pour
changer nos émotions ou celles des autres. Gross (1998) définit la régulation émotion-
nelle comme « les processus par lesquels les individus influencent quelles émotions ils
ressentent, quand ils ressentent des émotions, et quelles expériences ils en ont, ainsi
que comment ils expriment ces émotions » (p. 275). La régulation émotionnelle repose
sur un ensemble de mécanismes automatiques ou contrôlés qui permettent de modi-
fier le déclenchement (ou non), le type (positif ou négatif), l’intensité (faible ou forte), la
durée (transitoire ou plus longue) d’une émotion, et ce que nous en exprimons, ainsi que
le moment ou les conditions où nous ressentons une émotion ou un ensemble d’émo-
tions. La régulation émotionnelle permet également de changer l’expérience subjective
(p. ex., son caractère agréable ou désagréable) de l’émotion, ainsi que son expression
(verbale, comportementale, physiologique). Nous régulons une émotion lorsqu’elle est
subjectivement évaluée comme bonne ou mauvaise (agréable/désagréable), appropriée
ou non appropriée (à la situation, à nos objectifs), et que cette évaluation déclenche
consciemment ou inconsciemment une envie (ou le but) de la modifier.
La régulation émotionnelle est très importante, et de nombreuses études font apparaître
qu’une régulation émotionnelle efficace est corrélée avec une bonne santé physique et
psychologique, une meilleure réussite académique, de meilleures relations sociales et
moins de problèmes psychopathologiques (e.g., Aldao et al., 2010 ; Appleton et al., 2013,
2014 ; Bonanno et al., 2004 ; Cludius et al., 2020 ; Davis & Levine, 2013 ; English et al.,
2012 ; Gross & John, 2003 ; Ivcevic & Brackett, 2014 ; Westphal et al., 2010).
La régulation émotionnelle est plus générale que ce qui est communément appelé « le
coping » ou « la réparation de l’humeur » (Larsen, 2000 ; Parkinson et al., 1996). Le
coping survient lorsque nous vivons une expérience négative et que notre but est de
diminuer les affects négatifs (en général d’une durée plus longue que celle des émo-
tions) que déclenche en nous cette expérience. La réparation de l’humeur s’attache
davantage aux modifications de l’expérience subjective émotionnelle qu’au comporte-
ment et autres manifestations (p. ex., physiologiques).

1.2. Composantes fondamentales de la régulation


émotionnelle
La régulation émotionnelle comprend trois composantes importantes (Gross,
2014 ; McRae, 2016 ; McRae & Gross, 2020) : le but, les stratégies et le résultat.
Le but concerne ce que le participant essaie de, ou veut, réaliser. Formellement, un but
émotionnel est une représentation cognitive d’un état émotionnel final. Un exemple de
but est la diminution (ou la suppression) d’une émotion négative (comme la tristesse,
186 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

la colère ou l’anxiété), un autre l’augmentation (ou la survenue) d’une émotion posi-


tive (comme la joie, l’intérêt ou l’amour). Il est tout à fait logique pour tout à chacun
de vouloir diminuer une émotion négative et augmenter une émotion positive. Ceci
pourrait même être l’option par défaut de notre système émotionnel, comme le postule
l’approche hédonique de la régulation émotionnelle : nous sommes motivés pour dimi-
nuer la peine et augmenter le plaisir ou le bien-être (Larsen, 2000 ; Nesse & Ellsworth,
2009). Cette approche s’oppose (ou est complémentaire) à une approche plus instru-
mentale selon laquelle mieux réaliser un autre but est ce qui nous motive à réguler
nos émotions (Bonanno, 2001 ; Parrott, 1993 ; Tamir, 2009). Quoiqu’il en soit, le but en
matière de régulation émotionnelle détermine si le participant va décider de changer
son état émotionnel (but de régulation) et, si oui, comment il va s’y prendre (e.g., Barrett
et al., 2001 ; Mauss & Tamir, 2014 ; Tamir et al., 2008, 2013 ; Tamir & Ford, 2012).
Si réduire une émotion négative et augmenter ou éprouver une émotion positive est
vraisemblablement un but général poursuivi par tout le monde, à tout moment, il n’est
pas certain que ce but soit systématiquement activé même inconsciemment au cours
d’une expérience émotionnelle. Certaines personnes pourraient vouloir diminuer
une émotion, comme la colère, et d’autres ne pas diminuer cette émotion. La même
personne pourrait vouloir diminuer cette émotion dans certaines situations et ne pas
la modifier dans d’autres situations. Modifier une émotion ou ne pas la modifier sont
deux buts différents qui peuvent être activés chez deux personnes ressentant la même
émotion (voire avec la même intensité) ou chez la même personne ressentant la même
émotion dans deux contextes différents. Il est donc important de déterminer quel est
le but (consciemment ou inconsciemment) poursuivi par l’individu pour comprendre
les mécanismes qu’il mobilise afin de réguler (ou pas) ses émotions : le but de régulation
va entraîner la désactivation d’une émotion, la diminution de cette activation, l’ampli-
fication d’une émotion, ou bien encore l’activation d’une autre émotion. Le but peut
être intrinsèquement déterminé, c’est-à-dire par l’individu lui-même (p. ex., retenir sa
colère, dissiper un sourire pendant un enterrement, partager une bonne nouvelle avec
des amis) ou déclenché extrinsèquement, c’est-à-dire par l’environnement ou un agent
extérieur (p. ex., apaiser la colère ou la tristesse de quelqu’un, calmer un enfant excité
avant le coucher, raconter une blague à quelqu’un pour le faire rire).
La régulation émotionnelle s’appuie sur plusieurs types de mécanismes ou stratégies.
L’identification des stratégies permet de comprendre comment la régulation émotion-
nelle survient ou comment un individu s’y prend pour modifier l’émotion qu’il ressent
dans une situation donnée. Ces stratégies, ou ensemble de mécanismes, peuvent être
consciemment (explicitement) ou inconsciemment (implicitement) activées, et mises en
œuvre automatiquement ou de manière contrôlée (e.g., Braunstein et al., 2017 ; Gyurak
et al., 2011 ; Koch et al., 2018 ; Koole et al., 2015 ; Koole & Rothermund, 2011 ; Masters,
1991 ; Mauss et al., 2006, 2007 ; Williams et al., 2009).
Enfin, le résultat de la régulation émotionnelle concerne les conséquences (p.  ex.,
modifications ou non d’une émotion). Selon les stratégies mobilisées, la modification
visée (par le but) peut être atteinte ou non. Les stratégies varient en efficacité vis-à-vis
de l’objectif. L’efficacité (ou le résultat) relative d’une stratégie de régulation émotion-
nelle s’évalue par son impact sur différents indicateurs (comportementaux, cognitifs,
physiologiques) de l’émotion.
Stratégies de régulation émotionnelle ■ 187

2. Stratégies de régulation émotionnelle


Rappelons qu’une émotion survient lorsque nous nous trouvons dans une situa-
tion ou face à un stimulus que nous évaluons (p.  ex., son caractère dangereux ou
pas ; son caractère agréable/désagréable) et peut s’exprimer à différents niveaux
(depuis les manifestations physiologiques, comme l’accélération du rythme car-
diaque, jusqu’aux niveaux psychologiques et comportementaux, comme un ressenti
subjectif de peur et une fuite). Une émotion peut être modifiée par différentes
stratégies à différents moments (p.  ex., avant ou après avoir été déclenchée). Une
stratégie de régulation émotionnelle peut être définie comme une stratégie cogni-
tive, à savoir comme un processus ou un ensemble de processus mis en œuvre
pour modifier une émotion. Les travaux conduits sur les stratégies de régulation
émotionnelle ont tous pour postulat qu’il existe un répertoire varié de stratégies
de régulation émotionnelle, qu’un individu ne mobilise pas nécessairement qu’une
seule stratégie même s’il peut avoir des préférences, et que les différentes stratégies
n’ont pas le même niveau d’efficacité dans différents contextes. Les chercheurs ont
donc essayé de déterminer quelles sont les stratégies mobilisées pour réguler nos
émotions, quand nous utilisons ces différentes stratégies, avec quelles fréquences
nous mobilisons ces différentes stratégies, et quelle est l’efficacité des différentes
stratégies disponibles.

2.1. Quelles sont les stratégies de régulation


émotionnelle ?
Il est possible de distinguer les stratégies de régulation émotionnelle sur dif-
férents critères, comme sur les étapes d’une expérience émotionnelle (e.g., Gross,
1998), sur le fait que la stratégie implique une action physique ou une action
cognitive (e.g., Parkinson & Totterdell, 1999), sur le fait que la régulation cible un
processus (p. ex., l’attention au stimulus), sur une manifestation physique de l’émo-
tion, ou bien encore selon que le but de la régulation émotionnelle est l’augmenta-
tion/diminution du bien-être/mal-être associé à une émotion ou d’améliorer une
performance cognitive ou des relations sociales (Koole, 2009 ; Tamir, 2009). L’une
des distinctions les plus utilisées dans la littérature est celle proposée par Gross et
ses collègues.
Selon le modèle de la régulation émotionnelle qu’ont proposé Gross et ses colla-
borateurs (Gross, 1998 ; Gross  &  Thompson, 2007), un individu peut mettre en
œuvre plusieurs stratégies, y compris face à un même stimulus émotionnel (e.g.,
Aldao  &  Nolen-Hoeksema, 2013) et la régulation émotionnelle peut intervenir à
plusieurs niveaux (voir Figure 8.13). À chaque niveau, différentes stratégies sont
disponibles (voir pour un résumé). Ainsi, un participant peut choisir de se retrou-
ver dans une situation dont il sait qu’elle déclenche une émotion ou, au contraire,
éviter une situation qu’il sait être source d’une certaine émotion (p. ex., le partici-
pant peut éviter les chiens s’il a peur des chiens, éviter une voisine grincheuse et
dont les plaintes lui sont désagréables, se rendre chez des amis pleins d’humour, ou
188 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

encore monter dans un manège à sensation si cela lui procure du plaisir). Le parti-
cipant peut également modifier une situation dans laquelle il se trouve déjà et qui
active en lui une émotion qu’il aurait envie de modifier (p. ex., suggérer un jeu de
société au cours d’une soirée ennuyeuse, y raconter une blague ou lancer un débat
politique).
Une autre famille de stratégies de régulation émotionnelle peut être mise en œuvre
au moment où le participant alloue des ressources attentionnelles au traitement
de la situation ou du stimulus déclencheur d’une émotion. Il peut ainsi utiliser une
stratégie de distraction en détournant son attention d’un stimulus émotionnel ou en
allouant une attention moindre à ce stimulus (p. ex., un participant arachnophobe
détourne son attention d’une araignée qu’il vient d’apercevoir, pense à quelque
chose d’émotionnellement neutre, ou repense à des amis ou des proches qui lui sont
chers). Le participant peut également utiliser la rumination (p.  ex., un participant
peut ressasser un souvenir triste, repenser intensément à une très bonne nouvelle
qu’il vient de recevoir) ou se focaliser sur son ressenti (p. ex., le participant prête
une très grande attention aux différents aspects de l’émotion qu’il est en train de
vivre).
Par ailleurs, un participant peut réguler ses émotions grâce à un traitement cognitif
ou une réévaluation cognitive de la situation et de l’émotion ressentie. Cette rééva-
luation cognitive peut prendre plusieurs formes qui ont toutes pour point commun
de réinterpréter ou de réévaluer la signification de la situation. La stratégie de réé-
valuation cognitive aboutit à donner une autre signification à la situation ou à un
stimulus, après avoir modifié la manière d’appréhender la situation, le sens de cette
situation, ou envisager une autre manière de la gérer. Accepter la situation et l’émo-
tion qui va avec, comme après un deuil, est un exemple de stratégie de réévaluation
cognitive ; se rendre compte que la colère de quelqu’un n’est pas dirigée contre soi
est un autre exemple.
Enfin, la dernière catégorie de stratégie de régulation émotionnelle concerne la
réponse ou l’expression de l’émotion (stratégie appelée « suppression expressive »)
et consiste à tenter d’infléchir l’expression d’une réponse (comportementale, phy-
siologique) émotionnelle déjà engagée. Ainsi, prendre une respiration profonde, de
l’alcool ou autre substance (tabac, nourriture), ne pas exprimer sa colère constituent
des exemples de stratégie de régulation émotionnelle aboutissant à modifier notre
réponse émotionnelle à une situation.
En résumé, notre système cognitif et émotionnel a les moyens d’influencer nos émo-
tions, que ce soit leur intensité, leur nature ou leur durée, voire même leurs occur-
rences. Plusieurs stratégies de régulation émotionnelle (distraction, déploiement
attentionnel, réévaluation cognitive, suppression expressive) ont pu être identifiées.
Ces stratégies peuvent être distinguées sur la base du moment où nous les mettons
en œuvre (avant, pendant, ou après l’événement émotionnel). Elles peuvent aussi se
différencier sur d’autres caractéristiques, notamment leurs fréquences d’occurrence
et leur efficacité.
Stratégies de régulation émotionnelle ■ 189

Figure 8.1
Modèle de la régulation émotionnelle et des étapes où peuvent intervenir différentes stratégies
de régulation (d’après Gross, 1998 ; McRae & Gross, 2020).

Tableau 8.1
Liste des différentes familles de stratégies de régulation émotionnelle qu’il est possible
de déployer à différents moments de l’expérience émotionnelle (d’après Gross, 1998 ;
McRae & Gross, 2020).

Types de stratégie Description Exemples

Sélection Éviter une situation (désagréable) – Éviter les chiens dont on a peur.
de la situation ou chercher une situation (agréable). – Chercher la compagnie d’amis drôles.

Changer les éléments d’une situation. – Suggérer un jeu de société lors


Modification d’une soirée.
d’une situation – Raconter une blague dans
une atmosphère tendue.

Focaliser son attention sur un aspect – Se distraire en pensant à autre chose.
Allocation
de la situation ou détourner – Ruminer un souvenir triste.
ou déploiement
son attention de la situation – Se concentrer sur une bonne nouvelle
de l’attention
ou d’un stimulus. qu’on vient de recevoir.

Réinterpréter la situation et lui donner – Comprendre que nous ne sommes


une autre signification émotionnelle. pas à l’origine de la colère d’un ami.
Réévaluation
– Accepter un résultat décevant
cognitive
sans remettre en cause sa confiance
en soi.

Infléchir une réponse émotionnelle – S’empêcher de laisser éclater


Changer activée. sa colère.
la réponse – Offrir des roses à quelqu’un pour lui
déclarer son amour.
190 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

2.2. Quand sont utilisées les stratégies de régulation


émotionnelle ?
De nombreux travaux empiriques ont cherché à déterminer si nous mettons en
œuvre certaines stratégies de régulation émotionnelle plus souvent que d’autres et ce
qui détermine l’utilisation des différentes stratégies. Les résultats font apparaître que
nous ne mobilisons pas toujours la même stratégie et que nous ajustons plus ou moins
bien le type de stratégie à différentes situations.
Plusieurs facteurs déterminent quand nous mobilisons les différentes stratégies de
régulation émotionnelle. Ainsi, la fréquence avec laquelle nous mobilisons ces straté-
gies varie avec l’intensité de l’émotion, le type d’émotion à réguler, le temps disponible
pour réguler, la difficulté à exécuter une stratégie de régulation émotionnelle, ou bien
encore selon le but émotionnel poursuivi et le fait de savoir ou non à l’avance qu’on
va devoir affronter une situation émotionnelle (e.g., Bonanno & Burton, 2013 ; Dixon-
Gordon et al., 2015 ; Doré et al., 2017 ; Levy-Gigi et al., 2016 ; Matsumoto et al., 2008 ;
Milyavsky et al., 2019 ; Opitz et al., 2015 ; Roussi & Miller, 2014 ; Scheibe et al., 2015 ;
Sheppes, 2014 ; Sheppes et al., 2014 ; Sheppes & Levin, 2013 ; Suri et al., 2015 ; 2018).
Illustrons, à l’aide de trois exemples, comment l’utilisation des stratégies de régulation
émotionnelle varie selon l’intensité émotionnelle, le but poursuivi par les participants,
et le contexte.

8.2.1. Rôle de l’intensité émotionnelle


L’intensité émotionnelle est l’un des facteurs les plus importants qui déterminent
quelle stratégie nous utilisons, dans la mesure où nous ne mobilisons pas la même
stratégie quand l’émotion ressentie est de faible ou de forte intensité. Dans deux
expériences, Sheppes et ses collaborateurs (2011) montraient à leurs participants
30  images émotionnelles (dont l’intensité était faible ou forte) pendant 500  milli-
secondes. Ensuite, les participants devaient dire s’ils avaient encodé l’image avec une
stratégie de distraction (c.-à-d., penser à quelque chose de neutre) ou une stratégie de
réévaluation cognitive (c.-à-d., penser à l’image comme si elle montrait quelque chose
de neutre) et exécuter cette stratégie pendant les 5 000 ms où était représentée l’image.
Dans une troisième expérience, les participants recevaient 20  chocs électriques au
bras gauche, après avoir été prévenus pour chaque choc si ce choc allait être de faible
ou de forte intensité. Ils devaient indiquer pour chacun des chocs s’ils avaient utilisé
une stratégie de distraction ou de réévaluation.
Les participants utilisaient la stratégie de réévaluation cognitive d’autant moins
souvent que l’intensité du stimulus émotionnel augmentait (Figure 8.2). En effet, ils
utilisaient plus fréquemment la stratégie de réévaluation cognitive avec un stimulus
émotionnel (image ou choc électrique) plus faible et la stratégie de distraction avec un
stimulus émotionnel de plus forte intensité. Cette influence de l’intensité émotionnelle
sur la sélection stratégique a été retrouvée dans d’autres études, même lorsque les
participants étaient incités (par de l’argent) à utiliser soit la stratégie de distraction,
soit la stratégie de réévaluation (Sheppes et al., 2014). Dans cette expérience, Sheppes
et ses collaborateurs (2014) ont indiqué avant chaque image un montant associé à
chaque stratégie (p. ex., 8,5 dollars pour la stratégie de distraction et 8,10 dollars pour
Stratégies de régulation émotionnelle ■ 191

la stratégie de réévaluation cognitive). Le montant était plus élevé si le participant utili-


sait la stratégie de distraction pour certaines images et plus élevé s’il mettait en œuvre
la réévaluation cognitive pour d’autres images. Par ailleurs, la différence entre les deux
paires pour chaque stratégie pouvait être plus grande ou plus petite.

90
Intensité faible
80
Intensité forte
Pourcentages de réévaluation

70

60

50

40

30

20
Expérience 1 Expérience 2 Expérience 3

Figure 8.2
Intensité émotionnelle et stratégies de régulation (d’après Sheppes et al., 2011).
Pourcentages d’utilisation de la stratégie de réévaluation cognitive en fonction de l’intensité
émotionnelle des images (Expériences 1 et 2) et des chocs électriques (Expérience 3). La stratégie
de réévaluation était davantage utilisée pour des intensités faibles et celle de distraction
pour des intensités fortes.

Les auteurs ont observé (Figure 8.3) que (a) les participants préféraient systémati-
quement la stratégie de distraction pour les images à forte intensité et la stratégie de
réévaluation cognitive pour les images à plus faible intensité, (b) ces préférences étaient
modulées par les incitations (ou bénéfices) monétaires associées à chaque stratégie, de
sorte que les participants augmentaient leur tendance à plus utiliser la stratégie de
distraction (pour les images à forte intensité) lorsque cette stratégie rapportait plus
d’argent, et préféraient utiliser encore plus fréquemment la stratégie de réévaluation
cognitive (pour les intensités faibles) lorsque celle-ci rapportait plus d’argent.
Sheppes et ses collaborateurs (2014 ; voir aussi Shafir et al., 2015) ont également
observé que les participants préfèrent la distraction quand on leur demande de choi-
sir, entre la distraction et la réévaluation cognitive, celle qui minimise (à court terme)
l’émotion négative sur une image, mais qu’ils préfèrent la réévaluation cognitive quand
on leur demande de choisir la stratégie qui minimise l’émotion négative à plus long
terme (p. ex., s’ils revoient cette image plus tard). Ceci suggère qu’une stratégie de régu-
lation comme la stratégie de réévaluation est choisie lorsque l’intensité de l’émotion
est moins intense, qu’elle a un bénéfice plus grand à plus long terme, mais également
qu’elle permet un désengagement émotionnel plus efficace (car accaparant davantage
l’attention focalisée).
192 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

90

80
Grande différence entre réévaluation et distraction
Pourcentages de réévaluation

70 Petite différence entre réévaluation et distraction

60

50

40

30

20

10

0
Intensité faible Intensité forte

Figure 8.3
Bénéfices stratégiques, intensité émotionnelle et utilisation stratégique (d’après Sheppes et al.,
2014).
Pourcentages d’utilisation de la stratégie de réévaluation cognitive en fonction de l’intensité
émotionnelle des images et des bénéfices monétaires associés à chaque stratégie. Les participants
préféraient la stratégie de distraction pour les intensités fortes, et encore plus lorsqu'elle avait
un bénéfice supérieur.

8.2.2. Rôle du but


Le but émotionnel (p. ex., diminuer une émotion, amplifier une émotion) influence
l’utilisation des stratégies de régulation émotionnelle (e.g., Mauss  &  Tamir, 2014 ;
Millgram et al., 2019 ; Tamir, 2016). Par exemple, Millgram et ses collaborateurs (2019)
ont montré des images positives et négatives à leurs participants. Avant chaque image,
les participants avaient pour consigne soit de diminuer, soit d’amplifier l’émotion
ressentie à l’encodage de l’image. Après l’image, les participants devaient dire si, pour
atteindre ce but, ils avaient utilisé la stratégie de distraction (en pensant à autre chose
qu’à l’image) ou la stratégie de rumination (en restant sur l’image et en se concentrant
sur leur émotion).
Les participants ajustaient l’utilisation des stratégies de régulation émotionnelle aux
buts émotionnels poursuivis (Figure 8.4). Ils utilisaient davantage la stratégie de
distraction quand ils devaient réduire l’émotion et plus fréquemment la rumination
quand ils avaient pour consigne d’amplifier les émotions, que ce soit sur des images
tristes ou sur des images joyeuses. Bien sûr, grâce à des évaluations du ressenti émo-
tionnel avant et après, les auteurs ont contrôlé que les stratégies utilisées avaient
bien diminué le ressenti émotionnel dans la condition où la consigne leur indiquait
de le faire et amplifié ce ressenti dans la condition où ils devaient l’amplifier.
Stratégies de régulation émotionnelle ■ 193

100
90 Distraction Rumination
Pourcentages d’utilisation

80
70
60
50
40
30
20
10
0
Images tristes Images joyeuses Images tristes Images joyeuses

Diminution Amplification

Figure 8.4
But émotionnel et stratégies de régulation (d’après Millgram et al., 2019).
Pourcentages d’utilisation des stratégies de rumination et de distraction en fonction du but
émotionnel poursuivi sur des images tristes ou joyeuses. La distraction était davantage
utilisée pour diminuer une émotion et la stratégie de rumination l’était plus pour amplifier
une émotion.

8.2.3. Rôle du contexte


Pour tester le rôle du contexte sur la régulation émotionnelle, McRae et ses collabo-
rateurs (2011 ; voir aussi Snyder et al., 2013) ont comparé ce que les individus disent
de leur régulation émotionnelle dans deux contextes : dans la vie de tous les jours et
dans le contexte d’une manifestation artistique. Ils ont interrogé 2 558 participants à
une manifestation artistique (appelée « Burning Man Festival »). Ils ont posé, à chaque
participant, deux questions extraites du questionnaire de régulation émotionnelle
(ERQ ; Gross & John, 2003), l’une relative à l’utilisation de la stratégie de suppression
(« Je contrôle mes émotions en ne les exprimant pas. »), l’autre concernant l’utilisation
de la réévaluation cognitive (« Je contrôle mes émotions en changeant ma manière
de penser à la situation. »). Les participants devaient répondre à cette question en
indiquant la réponse qu’ils donneraient dans le contexte du festival artistique et dans
le contexte de leur vie quotidienne. Les participants ont indiqué qu’ils utilisaient la
suppression moins souvent au festival qu’à la maison et la réévaluation cognitive plus
souvent au festival qu’à la maison (voir Figure 8.5).
En résumé, la fréquence avec laquelle nous mettons en œuvre les différentes stratégies
de régulation émotionnelle n’est pas fixe. Elle change en fonction d’un certain nombre
de paramètres, comme l’intensité de l’émotion, le but de régulation émotionnelle que l’on
se fixe (consciemment ou inconsciemment), ou bien encore le contexte dans lequel nous
régulons nos émotions. Par exemple, une émotion intense va entraîner une augmentation
de l’utilisation de la distraction, tandis qu’une émotion moins intense amènera un partici-
pant à plus utiliser la réévaluation cognitive. Ainsi encore, la distraction sera davantage
mobilisée si le but est de réduire une émotion et la rumination sera plus souvent mise en
œuvre si l’objectif est d’amplifier une émotion. Enfin, nous activons certaines émotions
194 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

plus volontiers dans certains contextes (comme la réévaluation cognitive dans le contexte
d’une expérience de laboratoire) et utilisons moins d’autres stratégies dans d’autres
contextes (comme la suppression expressive dans un contexte festif ou artistique).

70
Vie quotidienne
60 Festival artistique
Pourcentages d’utilisation

50

40

30

20

10

0
Réévaluation Suppression

Figure 8.5
Vie quotidienne et stratégies de régulation (d’après McRae et al., 2011).
Pourcentages d’utilisation des stratégies de réévaluation cognitive et de suppression expressive dans un
contexte artistique ou de vie quotidienne. Les participants déclarent utiliser la stratégie de réévaluation
davantage dans un festival et la stratégie de suppression davantage dans la vie quotidienne.

3. Efficacité de la régulation émotionnelle


Les résultats de la régulation émotionnelle dépendent de la stratégie utilisée. Certaines
stratégies sont plus efficaces dans certaines conditions, et d’autres stratégies régulent
mieux nos émotions dans d’autres conditions. Les résultats de la régulation émotion-
nelle peuvent s’observer au niveau affectif, cognitif, mais aussi social, comme l’illustre le
Tableau 8.2 (e.g., Gross, 2002 ; voir méta-analyse de Webb et al., 2012). Sur le plan de l’ex-
périence émotionnelle, mais également sur d’autres manifestations (p. ex., physiologiques)
des émotions, plusieurs paramètres affectent l’exécution des stratégies de régulation émo-
tionnelle. En effet, non seulement les stratégies n’ont pas la même efficacité, mais encore
cette efficacité relative est modulée par certains facteurs, comme l’intensité de l’émotion
ou la connaissance préalable que nous avons de la valence émotionnelle d’un stimulus.

3.1. Efficacité relative des stratégies


L’un des travaux pionniers, dont de nombreux autres après lui se sont inspirés,
est celui publié par Gross (1998). Gross a montré trois films d’à peu près une minute
chacun à ses participants. Le premier était un film neutre. Les participants voyaient le
Efficacité de la régulation émotionnelle ■ 195

traitement d’un grand brûlé dans le second film et une amputation dans le dernier film.
Les participants devaient regarder les films, évaluer l’émotion qu’ils ressentaient avant
et pendant le film en indiquant pour plusieurs émotions (p. ex., le dégoût) leur niveau
de ressenti sur une échelle allant de 1 (faible) à 9 (élevé). Pendant qu’ils regardaient
les films, une caméra enregistrait également les expressions de leur visage. Enfin, les
auteurs ont recueilli plusieurs mesures physiologiques (volume de sang dans le doigt,
température du doigt, conduction cutanée, activité somatique générale, intervalle de
temps entre deux battements du cœur).
Tableau 8.2
Quelques conséquences affectives, cognitives et sociales de deux stratégies de régulation
émotionnelle, la suppression expressive et la réévaluation cognitive.

Conséquences Suppression expressive Réévaluation cognitive

– Diminue une émotion positive, mais pas – Diminue une émotion négative, augmente
une émotion négative (e.g., Gross, 1998). une émotion positive (e.g., Feinberg
– Augmente l’activité du système et al., 2012).
sympathique et les activations cérébrales – A peu d’impact sur le système
Affectives dans l’amygdale (e.g., Gross & Levenson, sympathique (e.g., Shiota & Levenson,
1997). 2012).
– Tendance à augmenter l’émotion négative – Diminue les activations cérébrales
qu’on cherche à supprimer (e.g., Goldin dans l’amygdale et le striatum ventral
et al., 2008). (e.g., Ochsner & Gross, 2008).

– Peut diminuer la mémoire – Soit n’a aucun impact sur la mémoire, soit
Cognitives
(e.g., Richards & Gross, 2006). l’améliore (e.g., Hayes et al., 2011).

– Diminue l’intérêt porté par les autres – Pas de conséquence sociale négative
au suppresseur et les relations positives (e.g., Butler et al., 2003).
Sociales (e.g., Butler et al., 2003). – Augmente le rapprochement avec
– Augmente la pression sanguine les autres et le partage social d’émotions
des partenaires (e.g., Butler et al., 2003). (e.g., Mauss et al., 2011).

Les participants étaient testés dans trois conditions. Dans la condition de réévalua-
tion cognitive, ils devaient exécuter la stratégie de réévaluation cognitive (c.-à-d.,
adopter une attitude non émotionnelle et détachée vis-à-vis du film en essayant de
penser objectivement à la scène du film). Dans la condition suppression expressive,
les participants avaient pour consigne de ne laisser apparaître aucune émotion, en
imaginant qu’un observateur extérieur ne pourrait rien détecter de ce qu’ils res-
sentent. Enfin, dans la condition contrôle, les participants avaient pour consigne
de simplement visionner le film. Les données comportementales et physiologiques
allaient dans le même sens et faisaient apparaître que les deux stratégies diminuaient
l’émotion négative et que la réévaluation cognitive était plus efficace que la suppres-
sion expressive. Ainsi, l’émotion autoévaluée (voir Figure 8.6) par les participants
diminuait davantage pendant le film (comparé à avant le film) lorsque les participants
exécutaient une stratégie de réévaluation cognitive que lorsqu’ils utilisaient une stra-
tégie de suppression expressive, la diminution la moins importante étant observée
dans la condition contrôle. Physiologiquement, les indicateurs allaient dans le même
sens (p.  ex., diminution de la température du doigt pour les stratégies de réévalua-
tion cognitive et de distraction). De nombreuses études ont retrouvé que différentes
196 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

stratégies modifient avec une  efficacité différente l’expérience émotionnelle et ses


manifestations physiologiques, en particulier que la réévaluation cognitive pouvait
être plus efficace que la distraction, surtout pour une régulation qui intervient sur
plusieurs essais successifs, alors que la distraction peut être parfois plus efficace dans
l’immédiat ou sur un essai spécifique, mais moins sur des essais ultérieurs (e.g., Bebko
et al., 2011 ; Chang et al., 2015 ; Colombo et al., 2020 ; Dillon & LaBar, 2005 ; Dörfel
et al., 2014 ; Goldin et al., 2008 ; Gross, 2001 ; Gross & Levenson, 1997 ; Hermann et
al., 2017 ; Jackson et al., 2003 ; Kalokerinos et al., 2015 ; Lohani & Isaacowitz, 2014 ;
Ray et al., 2010 ; Shahane et al., 2019 ; Thiruchselvam et al., 2011).

0,95 Température du doigt


Émotion ressentie
Différence avant/après film

0,65

0,35

0,05

– 0,25
Réévaluation cognitive Contrôle Suppression expressive
Figure 8.6
Efficacité relative des stratégies de régulation (données d’après Gross, 1998).
Différences dans les jugements de dégoût et la température du doigt entre avant et après
le visionnage d’un film montrant une amputation, en fonction de la stratégie de régulation
émotionnelle. L’émotion diminuait davantage lorsque les participants exécutaient une stratégie
de réévaluation cognitive que lorsqu’ils utilisaient une stratégie de suppression expressive,
la diminution la moins importante étant observée dans la condition contrôle.

3.2. Rôle de l’intensité émotionnelle sur l’exécution


stratégique
Tout comme l’utilisation, l’exécution des stratégies de régulation émotionnelle est
influencée par différents paramètres, comme l’intensité de l’émotion (e.g., Shafir et al.,
2015 ; Silvers et al., 2015). Par exemple, Shafir et ses collaborateurs (2015) ont montré
des images dont l’intensité émotionnelle était faible ou forte. Les participants devaient
regarder ces images dans une condition où ils devaient exécuter une stratégie de dis-
traction, une stratégie de réévaluation cognitive ou dans une condition contrôle. Après
chaque image, ils devaient évaluer sur une échelle de 1 à 9 l’émotion négative ressentie.
Pour toutes les images (voir Figure 7.8), les auteurs ont reproduit les effets de régu-
lation émotionnelle (c.-à-d., l’émotion ressentie était moins intense avec la distraction
et la réévaluation cognitive que dans la condition contrôle). Par ailleurs, pour les
Efficacité de la régulation émotionnelle ■ 197

images suscitant des émotions plus intenses, l’émotion ressentie par les participants
était moins négative avec la stratégie de réévaluation cognitive que dans la condi-
tion contrôle et était encore moins négative avec la stratégie de distraction. Pour
les images émotionnelles moins intenses, la distraction et la réévaluation cognitive
diminuaient, dans des proportions comparables, l’émotion négative comparée à la
situation contrôle.

6
Contrôle
5,5
Distraction
Expérience émotionnelle

5 Réévaluation cognitive

4,5

3,5

2,5

2
Intensité - Intensité +

Figure 8.7
Intensité émotionnelle et exécution stratégique (d’après Shafir et al., 2015).
Expérience émotionnelle déclenchée par des images suscitant une émotion plus ou moins intense,
en fonction de la stratégie de régulation émotionnelle. L’expérience émotionnelle était moins
négative après avoir exécuté la distraction qu’après avoir mis en œuvre la réévaluation cognitive
sur des images intenses, tandis que les deux stratégies étaient aussi efficaces sur des images
émotionnellement moins intenses.

8.3.1. Rôle de la disponibilité des stratégies


La régulation émotionnelle est-elle plus efficace lorsque nous activons une seule
stratégie ou plusieurs stratégies ? La disponibilité des stratégies de régulation émotion-
nelle semble être un facteur important dans l’efficacité d’une stratégie de régulation.
Par exemple, Bigman et ses collaborateurs (2017) ont conduit plusieurs expériences
dans lesquelles ils montraient aux participants des images négatives sur chacune
desquelles les participants devaient appliquer une stratégie de régulation émotion-
nelle. Les stratégies étudiées étaient la réévaluation cognitive (c.-à-d., les participants
avaient pour consigne d’envisager des aspects positifs de l’image), la suppression
expressive (c.-à-d., les participants devaient ne laisser paraître aucune émotion), ou
une condition contrôle (c.-à-d., les participants devaient simplement regarder l’image
sans influencer l’émotion qu’ils ressentaient). Dans l’une de leurs expériences, les par-
ticipants voyaient, juste avant chaque image, le nom d’une stratégie (p. ex., ils lisaient
« suppression expressive ») à utiliser pendant les six secondes où l’image apparaissait
ensuite à l’écran. Sur d’autres essais, les participants voyaient deux stratégies (p. ex.,
suppression expressive et réévaluation cognitive), et une était encadrée. Les partici-
198 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

pants devaient alors exécuter la stratégie encadrée. Ensuite, après avoir vu l’image,
les participants devaient évaluer leur expérience émotionnelle en indiquant comment
ils s’étaient sentis pendant l’encodage de l’image sur une échelle de 1 (mal) à 9 (bien).
Dans une autre étude, les auteurs proposaient soit une stratégie (qu’ils devaient exécu-
ter), soit deux stratégies (ils devaient en choisir une à exécuter).
Les participants évaluaient leur expérience émotionnelle plus négativement lorsqu’ils
avaient deux stratégies (avec ou sans choix) que lorsqu’une seule stratégie était dis-
ponible (Figure 8.8). Tout se passe comme si la disponibilité de plusieurs stratégies
rendait moins efficace l’exécution d’une stratégie de régulation émotionnelle. Ceci était
observé aussi bien lorsque le participant avait deux stratégies, mais ne pouvait pas
choisir entre ces deux stratégies (l’une des deux lui était imposée) que lorsqu’il pouvait
choisir entre les deux stratégies disponibles. Une des explications pourrait être que le
traitement de plusieurs stratégies et le processus de sélection stratégique, consommant
davantage de ressources cognitives, laisseraient moins de ressources disponibles pour
exécuter efficacement la stratégie sélectionnée, d’où une régulation émotionnelle moins
efficace.

3,7
1 option
3,6
2 options, sans choix
(1 = Négative ; 9 = Positive)
Expérience émotionnelle

2 options, avec choix


3,5

3,4

3,3

3,2

3,1

3
Sans choix Sans et avec choix

Figure 8.8
Disponibilité stratégique et régulation émotionnelle (d’après Bigman et al., 2017).
Évaluation de l’expérience émotionnelle lorsqu’une versus deux stratégies (avec ou sans choix)
étaient disponibles. L’expérience émotionnelle était évaluée plus négativement avec deux stratégies
(choisies ou non) qu’avec une seule stratégie disponible.

8.3.2. Rôle du moment de déclenchement


La plupart des travaux expérimentaux sur l’efficacité relative des stratégies
de régulation émotionnelle ont été conduits en demandant aux participants, avant
l’expérience ou la stimulation émotionnelle, de mettre en œuvre une stratégie pendant
l’expérience émotionnelle qu’ils allaient vivre. Dans la vie réelle, même s’il est possible
d’anticiper certaines de nos expériences émotionnelles, celles-ci surviennent en général
sans préparation et, surtout, sans qu’auparavant nous décidions d’une stratégie de régu-
lation à mettre en œuvre. Si nous tentons de réguler une expérience émotionnelle, nous
Efficacité de la régulation émotionnelle ■ 199

exécutons une stratégie de régulation quand l’émotion est déjà activée et se déploie en
nous. La question est donc de savoir si l’efficacité relative des stratégies de régulation
est la même lorsque nous régulons une émotion pendant que nous la vivons et lorsque
nous exécutons une stratégie activée préalablement à l’expérience émotionnelle.
Sheppes et Meiran (2007) ont mis au point une procédure qui leur a permis d’évaluer
l’efficacité relative des stratégies selon le moment où elles sont mises en œuvre (c.-à-d.,
dès le début ou plus tard) au cours de l’expérience émotionnelle. Ils ont montré à leurs
participants des extraits d’une durée variable (entre 97 secondes et 402 secondes) d’un
film montrant des survivants de la Shoah, dans lesquels un des survivants, hospitalisé,
se retrouvait abandonné de sa famille et de la société. Avant de visionner le film, les
participants apprenaient à exécuter soit une stratégie de distraction (c.-à-d., penser à
quelque chose de neutre pendant le film), soit une stratégie de réévaluation cognitive
(c.-à-d., essayer de visionner le film avec une attitude neutre, en adoptant une pers-
pective objective et détachée, comme le ferait un médecin ou un scientifique). Dans la
condition contrôle, les participants devaient simplement ne pas s’empêcher de ressen-
tir l’émotion qu’ils pourraient éprouver pendant le film. Chaque participant était testé
dans une condition où il commençait à exécuter la stratégie soit peu de temps (37 s),
soit plus longtemps (190 s) après le début du film. Par ailleurs, la durée variable du
film amenait les participants à exécuter la stratégie de régulation pendant une courte
durée (60  s) ou une durée plus longue (212,5  s). En d’autres termes, les auteurs ont
manipulé le moment (tôt ou plus tard) du déclenchement de la stratégie de régulation
émotionnelle au cours d’une expérience émotionnelle, ainsi que la durée d’exécution
de la stratégie.
Les données ont fait apparaître que la durée de la régulation ne changeait pratiquement
rien à l’expérience émotionnelle. En revanche, le moment où le participant se mettait
à exécuter la stratégie de régulation avait un impact, et cet impact était différent pour
la distraction et la réévaluation cognitive (Figure 8.9). La distraction réduisait la tris-
tesse et l’émotion négative autoévaluées (par rapport à la condition contrôle), qu’elles
soient déclenchées juste après le début du film ou un peu plus tard au cours du film. La
réévaluation cognitive changeait l’expérience émotionnelle si elle était déclenchée juste
après le début du film, mais pas si elle était mise en œuvre plus tard pendant le film.
Les auteurs ont interprété cette différence par le fait que la distraction permet de se
désengager plus facilement de l’émotion que la réévaluation cognitive, en occupant le
contenu de la mémoire de travail par un contenu autre que le contenu émotionnel. La
réévaluation cognitive est également complexe comme stratégie. Elle implique davan-
tage d’opérations mentales et des opérations mentales plus difficiles à mettre en œuvre
(comme la mise en perspective, la réinterprétation sémantique), et elle n’évacue pas
nécessairement de la mémoire de travail le contenu du stimulus émotionnel. La mettre
en œuvre plus tard pendant l’expérience émotionnelle (c.-à-d., quand l’émotion a eu le
temps de se déployer suffisamment) ne permet pas aux participants de réguler effica-
cement leur émotion. Tout ceci rend la réévaluation cognitive nettement plus efficace si
elle est mise en œuvre juste au début de l’expérience émotionnel que plus près de la fin
de cette expérience (voir également Kalokerinos et al., 2017 ; Richards & Gross, 2000 ;
Sheppes & Meiran, 2008), alors que l’efficacité de la distraction est la même, quel que
soit le moment de son déclenchement.
200 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

8
Tristesse et émotion négative 7

0
Tôt Tard Tôt Tard Tôt Tard

Distraction Contrôle Réévaluation cognitive

Figure 8.9
Moment de mise en œuvre de la régulation émotionnelle (d’après Sheppes & Meiran, 2007).
Autoévaluation du niveau de tristesse en fonction de la stratégie de régulation émotionnelle
déclenchée au début ou plus tard au cours de l’expérience émotionnelle. La distraction réduit
la tristesse et les émotions négatives, qu’elle soit exécutée au début ou plus tard dans le déploiement
de l’émotion. La réévaluation cognitive est efficace seulement si mise en œuvre au début
d’une émotion.

L’exécution d’une stratégie de régulation émotionnelle ne dépend pas seulement des


paramètres qui affectent la fréquence d’utilisation des différentes stratégies (p.  ex.,
efficacité relative, intensité du stimulus ou de l’expérience émotionnelle) ou le moment
de déclenchement des stratégies. Elle est également influencée par l’information pré-
alable dont dispose le participant sur la valence émotionnelle d’une situation ou d’un
stimulus. On sait depuis un moment que fournir une information à l’avance sur la
nature émotionnelle d’un stimulus influence le déclenchement d’une émotion, dans
la mesure où s’attendre à un stimulus à valence émotionnelle négative, par exemple,
amplifie l’attention accordée à un stimulus négatif et l’émotion négative qu’il déclenche
(e.g., Foti & Hajcak, 2008 ; Gole et al., 2012 ; Lin et al., 2012 ; Lin, Jin, et al., 2015 ; Lin,
Xiang, et al., 2015 ; MacNamara et al., 2009 ; Onoda et al., 2007). Mais, la régulation
émotionnelle elle-même est-elle modifiée si le participant s’attend à un stimulus néga-
tif ? Il semblerait que oui.
Shafir et Sheppes (2018, voir aussi Shafir  &  Sheppes, 2020) ont rapporté deux
expériences dans lesquelles ils ont cherché à déterminer si l’efficacité de la régu-
lation émotionnelle était la même lorsque les participants connaissaient à l’avance
la valence émotionnelle d’une image sur laquelle ils allaient exécuter une stratégie
de régulation émotionnelle (réévaluation cognitive, distraction, contrôle). Dans la
première expérience, les participants voyaient, pendant 2,5  secondes, deux mots
(p.  ex., voiture accidentée) décrivant le contenu de l’image qui allait leur être pré-
sentée ou ne voyaient rien (pas d’information sur le contenu de l’image). Ensuite,
pendant 1  seconde, ils voyaient un mot indiquant quelle stratégie de régulation
Efficacité de la régulation émotionnelle ■ 201

(p.  ex., distraction) ils allaient devoir exécuter pendant la présentation de l’image.
Puis, l’image apparaissait pendant 5 secondes (qu’ils devaient traiter en exécutant la
stratégie de régulation indicée). Enfin, les participants devaient indiquer l’intensité
de l’émotion négative déclenchée en eux par l’image (sur une échelle de 1 à 9). Dans
cette première expérience, les auteurs ont répliqué les effets habituels (p. ex., le res-
senti émotionnel était moins négatif avec la distraction et la réévaluation cognitive
que dans la condition contrôle), mais n’ont trouvé aucune différence entre les condi-
tions présence et absence d’information avant l’image. En d’autres termes, quand
la stratégie de régulation était imposée, l’expérience émotionnelle des participants
n’était pas modifiée par une information préalable sur l’expérience émotionnelle.
Toutefois, dans une seconde expérience, le protocole était similaire, sauf que les par-
ticipants choisissaient eux-mêmes s’ils voulaient avoir une information sur l’image
à venir, après avoir été informés de la stratégie de régulation à utiliser. Les auteurs
ont trouvé que les participants ne demandaient pas toujours à l’avance ce qui allait
apparaître sur l’image. Les participants demandaient peu souvent des informations
sur l’image lorsqu’ils allaient exécuter la stratégie distraction (sur 26 % des images),
très souvent sur l’image qu’ils allaient traiter avec la stratégie de réévaluation cogni-
tive (70 %) et dans 64 % des images de la condition contrôle. Tout se passe comme
si, pour être sûrs d’exécuter correctement la stratégie de distraction, ils préféraient
ne rien savoir sur l’image qu’ils allaient devoir traiter par distraction. Peut-être
également savaient-ils que cette stratégie peut être aisément exécutée, que l’on
sache ou non à l’avance quelle émotion sera activée par l’image à venir ? Peut-être
également qu’une fois encodé le fait qu’ils allaient devoir exécuter la distraction, les
participants commençaient à penser à autre chose avant même de voir l’image et
de déterminer s’ils voulaient en savoir plus sur l’image à venir. En revanche, pour
la réévaluation cognitive, les participants préféraient savoir à l’avance le contenu
de l’image. Cela leur permettait-il de commencer la mise en œuvre de cette straté-
gie avant l’apparition de l’image ? Les données ne permettent pas de le savoir. Les
auteurs ont également observé que l’exécution de la stratégie de distraction était
moins efficace dans la condition où les participants savaient ce qu’ils allaient voir
sur l’image, ce qui n’était pas le cas pour la stratégie de réévaluation cognitive (voir
Figure 8.10). En effet, lorsqu’ils ont examiné l’évaluation de l’expérience émotion-
nelle, les auteurs ont observé que l’expérience émotionnelle négative augmentait
significativement avec une information (comparée à la situation sans information)
pour la stratégie distraction, mais pas pour les autres conditions. Même si la diffé-
rence entre l’expérience 1 (où les participants ne choisissaient pas d’avoir ou non
d’information préalable) et l’expérience 2 (où ils choisissaient) peut provenir du fait
que le nombre d’observations et le type d’image ont pu contaminer les différences
observées entre les deux expériences, ces résultats suggèrent que le fait de savoir à
l’avance quelle information émotionnelle sera à traiter peut moduler l’exécution de
la stratégie de distraction. En revanche, l’exécution de la stratégie de réévaluation
cognitive n’est pas modifiée par cette information.
En résumé, les travaux empiriques ont montré que les différentes stratégies ne
régulent pas aussi efficacement nos émotions. Certaines parviennent à mieux diminuer
(ou amplifier) les émotions que nous voulons modifier. Par ailleurs, l’efficacité de l’im-
plémentation de ces stratégies est influencée par différents facteurs, comme l’intensité
202 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

6
Sans information
Avec information
5
Expérience émotionnelle négative

0
Contrôle Distraction Réévaluation cognitive

Figure 8.10
Information préalable et régulation émotionnelle (d’après Shafir & Sheppes, 2018).
Expérience émotionnelle négative ressentie après avoir exécuté chaque stratégie de régulation
émotionnelle avec ou sans information préalable sur le contenu de l’image émotionnelle.
Les données montrent que le fait de savoir à l’avance quelle information émotionnelle sera à traiter
peut moduler l’exécution de la stratégie de distraction, mais pas celle de la réévaluation.

de l’émotion (p. ex., la stratégie de réévaluation cognitive est plus efficace pour réguler
une émotion moins intense, tandis que la distraction peut être exécutée efficacement,
quel que soit le niveau d’intensité d’une émotion), le nombre de stratégies disponibles
(une stratégie de régulation est exécutée plus efficacement quand moins de stratégies
sont disponibles), ou bien encore le fait de savoir à l’avance la valence émotionnelle
d’un stimulus ou d’une situation (ce qui peut augmenter l’efficacité de la distraction de
manière plus importante que celle de la réévaluation cognitive).

4. Régulation émotionnelle et performances


cognitives
La régulation émotionnelle modifie l’expérience émotionnelle. Mais, la régulation
émotionnelle a également des effets sur les performances cognitives. Bien que les effets
de la régulation émotionnelle sur les performances cognitives n’aient pas été beaucoup
étudiés directement, certains résultats font apparaître que l’effet des émotions sur la
cognition diffère selon que les participants régulent ou pas leurs émotions pendant
une tâche cognitive, et selon le type de stratégie de régulation qu’ils mettent en œuvre.
Certains travaux montrent que la régulation émotionnelle peut entraîner une diminu-
tion des performances cognitives. D’autres font apparaître que la régulation émotion-
nelle peut améliorer les performances cognitives.
Régulation émotionnelle et performances cognitives ■ 203

4.1. La régulation émotionnelle détériore


les performances cognitives
Plusieurs études ont observé que la régulation émotionnelle pouvait entraîner une
diminution des performances mnésiques (e.g., Johns et al., 2008 ; Richards et al., 2003 ;
Richards & Gross, 1999, 2000, 2006). Par exemple, Richards et Gross (2000) ont conduit
plusieurs expériences dans lesquelles ils ont observé que la mise en œuvre de stratégies
de régulation émotionnelle entraînait de moins bonnes performances mnésiques. Dans
une première expérience, les auteurs montraient une vidéo de 140  secondes à leurs
participants. Dans cette vidéo, un mari confiait à son épouse l’avoir trompée avec une
femme qui était tombée enceinte. Les participants voyaient la vidéo dans une condition
contrôle, sans régulation émotionnelle, ou dans une condition avec régulation émotion-
nelle. Dans la condition contrôle, les participants avaient pour consigne de simplement
regarder la vidéo. Dans la condition avec régulation émotionnelle, les participants
avaient pour consigne de mettre en œuvre la stratégie de suppression expressive (c.-à-d.,
ils devaient ne rien laisser paraître de leurs émotions déclenchées par la vidéo, de sorte
qu’un observateur extérieur ne puisse détecter leur émotion d’après l’expression de
leur visage). Environ 10 minutes après avoir vu la vidéo, les participants avaient une
tâche surprise de reconnaissance indicée. Pour chacun des 24 items, les participants
devaient indiquer parmi les 5 propositions celles qui correspondaient à un objet vu (ou
un son entendu ou une phrase prononcée) dans la vidéo. Les participants avaient des
taux de bonnes réponses de 73 % dans la condition contrôle et de 64 % dans la condition
suppression expressive. Tout se passe comme si les ressources cognitives allouées à la
suppression expressive n’étaient pas disponibles pour la mémorisation d’informations,
ce qui entraînait de moins bonnes performances au rappel.
Dans une seconde expérience, les auteurs ont montré 18 diapositives d’hommes
à leurs participants. Les participants étaient informés du nom et de la profession
de chaque homme et du fait que chacun de ces hommes avait eu une blessure par
le passé. Certaines blessures étaient graves (diapositives fortement émotionnelles),
d’autres moins graves (diapositives moins fortement émotionnelles). Dans une pre-
mière condition (contrôle), les participants avaient pour consigne de bien regarder
chaque diapo et d’écouter les informations associées à chacune d’elles. Dans une
seconde condition, les participants devaient en plus ne laisser transparaître aucune
émotion déclenchée par chaque diapositive (stratégie de suppression expressive).
Dans une troisième condition, les participants devaient regarder chaque diapositive
avec de la distance comme s’ils étaient un professionnel du corps médical (stratégie
de réévaluation cognitive). Après avoir vu les diapositives, les participants avaient
une épreuve de rappel non verbal et une épreuve de rappel verbal. Pour l’épreuve
de rappel non verbal, les participants voyaient dix-huit séries de quatre diapositives
et devaient indiquer laquelle de ces quatre diapositives correspondait à celle vue
à l’encodage. Pour l’épreuve de rappel verbal, les participants voyaient les dix-hui
diapositives présentées à l’encodage et devaient indiquer, pour chacune d’elles, les
informations verbales qui avaient été données (nom, profession, blessure de l’indi-
vidu apparaissant sur la diapositive). Les performances au test de rappel indicé ver-
bal n’ont fait apparaître qu’un effet simple de l’intensité de l’émotion dans le sens où
les participants rappelaient moins d’informations sur les images émotionnellement
204 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

plus intenses. Les performances au test de rappel indicé non verbal (voir Figure 8.11)
ont fait apparaître que l’effet des stratégies sur les performances mnésiques n’était
pas le même pour les diapositives émotionnellement plus et moins intenses. Pour les
diapositives moins intenses, les performances mnésiques étaient moins bonnes chez
les participants qui exécutaient la stratégie de réévaluation cognitive que chez les
participants testés dans la condition contrôle et encore moins bonnes chez les parti-
cipants ayant exécuté la stratégie de suppression expressive. Pour les diapositives
émotionnellement plus intenses, la stratégie de suppression expressive n’a ni amé-
lioré ni détérioré les performances (par rapport à la condition contrôle). La stratégie
de réévaluation cognitive a permis aux participants d’améliorer leurs performances.
En d’autres termes, la mise en œuvre de stratégies de régulation émotionnelle peut
parfois entraîner une détérioration des performances mnésiques (comme c’est le cas
pour la condition où les émotions étaient moins intenses). Parfois, notamment si le
participant utilise la stratégie de réévaluation cognitive, la régulation émotionnelle
peut améliorer les performances (comme c’est le cas pour la condition où les émo-
tions étaient plus intenses).

50

45
Pourcentages corrects

40

35

Contrôle Réévaluation cognitive Suppression expressive


30
Intensité - Intensité +

Figure 8.11
Régulation et performances mnésiques (d’après Richards & Gross, 2000).
Performances à l’épreuve de reconnaissance non verbale selon l’intensité de l’information
émotionnelle pour chaque stratégie de régulation émotionnelle. La régulation d’émotions moins
intenses entraîne une diminution des performances, et une diminution plus importante pour
la stratégie de suppression expressive que pour la stratégie de réévaluation cognitive. La régulation
des émotions plus intenses améliore les performances, quand les participants utilisent la stratégie
de réévaluation cognitive.

Les données recueillies par Erk et ses collaborateurs.(2010) suggèrent que la régu-
lation émotionnelle ne protège pas la mémorisation à long terme (Figure 8.12). Les
participants voyaient des images de scènes négatives ou neutres et étaient testés
avec une tâche de reconnaissance un an après. Au moment de l’encodage, les par-
ticipants devaient soit ne pas s’empêcher d’éprouver les émotions déclenchées par
Régulation émotionnelle et performances cognitives ■ 205

les images (condition contrôle, sans régulation), soit essayer d’adopter une attitude
neutre d’un observateur non impliqué vis-à-vis des images (condition de régulation
émotionnelle, stratégie de réévaluation cognitive). Les taux de rappel correct ont
fait apparaître de moins bonnes performances un an après l’encodage dans la condi-
tion régulation que dans la condition contrôle aussi bien pour les images neutres et
émotionnelles.

65
Contrôle
60
Pourcentages de reconnaissances correctes

Réévaluation cognitive
55

50

45

40

35

30

25

20
Images neutres Images émotionnelles

Figure 8.12
Réévaluation cognitive et performances mnésiques à long terme (d’après Erk et al., 2010).
Pourcentages de reconnaissances correctes d’images neutres ou émotionnelles en fonction
de la condition de régulation émotionnelle. Un an après l’encodage, les taux de reconnaissances
correctes étaient inférieurs avec la réévaluation cognitive pour les images neutres et émotionnelles.

En résumé, il arrive que la régulation émotionnelle entraîne une baisse des per-
formances cognitives, plus ou moins importante selon la stratégie de régulation
mobilisée. Ceci peut apparaître à première vue étonnant. En effet, il est possible
d’imaginer qu’au contraire, en régulant nos émotions pendant une tâche cognitive,
nous allouons moins de ressources au traitement des informations émotionnelles et
davantage à la tâche cognitive. Sans régulation émotionnelle, nos ressources sont en
grande partie accaparées par le traitement des informations émotionnelles, au détri-
ment de la tâche cognitive. En réalité, il est important de noter que, dans les études
qui montrent des effets délétères de la régulation émotionnelle sur les performances
cognitives, les participants avaient pour but principal de réguler leurs émotions, pas
nécessairement d’augmenter leurs performances cognitives, et les participants se
voyaient tester leur mémoire par surprise, de manière incidente. Par ailleurs, il se
pourrait que, dans une condition de régulation, les participants étaient moins engagés
dans la tâche cognitive et traitaient les informations plus superficiellement afin de
neutraliser l’éventuelle émotion déclenchée par les différentes informations conte-
nues dans la vidéo. Même si des améliorations de performances ont été rapportées
206 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

dans des conditions de test surprise, des améliorations encore plus systématiques
ont été observées lorsque les participants avaient pour but d’obtenir les meilleures
performances cognitives possibles.

4.2. La régulation émotionnelle améliore


les performances cognitives
Plusieurs travaux ont observé que la régulation émotionnelle permettait d’obte-
nir de meilleures performances cognitives (e.g., Bonanno et al., 2004 ; Dillon et al.,
2007 ; Hayes et al., 2010 ; Richards et al., 2003 ; Richards  &  Gross, 1999, 2000,
2006). Par exemple, Hayes et al. (2010) ont montré 160 images à leurs participants,
40 émotionnellement neutres et 120 émotionnellement négatives. Lors de l’enco-
dage, les participants avaient à encoder 40 des images émotionnellement négatives
en condition contrôle (c.-à-d., ils devaient regarder les images sans s’empêcher
d’éprouver les émotions activées), 40 en condition suppression expressive (c.-à-d., ils
devaient s’empêcher de laisser transparaître toute émotion déclenchée par l’image)
et 40 en condition réévaluation cognitive (c.-à-d., ils devaient se placer en observa-
teur externe et penser aux images comme ne s’appliquant ni à eux-mêmes ni à leurs
proches). Deux semaines après, les participants sont retournés au laboratoire et
ont eu un test mémoire surprise. Ils devaient dire pour chaque image présentée si
c’était une image ancienne (présentée à l’encodage) ou nouvelle. Les performances
ont fait apparaître que les participants avaient une bien meilleure performance sur
les images encodées avec la stratégie de réévaluation cognitive qu’avec la stratégie
de suppression expressive ou que dans la condition contrôle (ces deux dernières
conditions ne différant pas).
Dillon et ses collaborateurs (2007) ont montré 180 images (90 neutres, 90 négatives)
à leurs participants. Sur chaque image, les participants voyaient pendant 1,5 seconde
un indice leur indiquant de regarder, d’amplifier, diminuer, ou supprimer leurs réac-
tions émotionnelles aux images. Puis, l’image apparaissait pendant 4  secondes, et
les participants avaient ensuite 8 secondes pour exécuter la stratégie de régulation.
Enfin, les participants devaient évaluer la valence et l’intensité émotionnelles de
l’image. Après avoir vu l’ensemble des images, les participants ont eu un test surprise
de rappel libre (où ils devaient décrire le plus précisément possible autant d’images
qu’ils pouvaient).
Les taux de rappel correct (Figure 8.13) étaient plus élevés sur les essais traités en
utilisant des stratégies de régulation (amplifier, diminuer, supprimer) que sur les
essais contrôles (sans régulation), lorsque les images étaient négatives. En revanche,
ces taux étaient plus faibles pour les images neutres lorsque les participants devaient
diminuer ou supprimer leurs émotions, comparés à la situation contrôle. Ils étaient
plus élevés lorsque les participants devaient amplifier leurs émotions.
L’effet des stratégies de régulation émotionnelle sur les performances cognitives
n’est pas limité à la mémoire épisodique. Il a été observé dans d’autres domaines
cognitifs, comme les fonctions exécutives, la mémoire de travail et l’inhibition (e.g.,
Ferrell et al., 2020 ; Mikels & Reuter-Lorenz, 2019 ; Taylor et al., 2018), la prise de
Régulation émotionnelle et performances cognitives ■ 207

décision (e.g., Delgado et al., 2008 ; Heilman et al., 2010 ; Martin & Delgado, 2011),
le raisonnement (e.g., Lajoie et al., 2018 ; Mendonça  &  Sàágua, 2019), le jugement
(e.g., Clore & Huntsinger, 2007 ; Helion & Ochsner, 2018), le langage (e.g., Quiñones-
Camacho et al., 2018 ; Roche & Arnold, 2018). Pour prendre un exemple illustratif,
dans le domaine de la prise de décision, Heilman et ses collaborateurs (2010) ont
demandé à leurs participants de réaliser une tâche évaluant l’aversion au risque, la
tâche des ballons. La tâche des ballons (BART, Balloon Analogue Risk Task ; Lejuez
et al., 2002) est une tâche qui évalue notre propension à prendre des risques (ou
notre aversion au risque). Les participants peuvent gagner de l’argent en gonflant
des ballons présentés sur un écran. Les participants gagnent un nombre variable
de points (ou quantité d’argent) pour chaque ballon gonflé qui n’explose pas et
en perd pour chaque ballon qui explose. Avant de réaliser la tâche des ballons,
Heilman et ses collaborateurs montraient à leurs participants un extrait de film
connu pour induire soit du dégoût soit de la peur. Les participants étaient divisés
en trois groupes, selon la stratégie de régulation émotionnelle qu’ils devaient mettre
en œuvre : un groupe contrôle (pas de régulation), un groupe qui devait exécuter
la stratégie de réévaluation cognitive, et un groupe qui devait utiliser la stratégie
de suppression expressive. Aussi bien pour le dégoût que pour la peur, comparé
au groupe contrôle, réguler ses émotions par la stratégie de réévaluation cognitive
conduisait les participants à réduire leur aversion au risque en gonflant plus de
ballons sans les faire exploser (Figure 8.14). Réguler ses émotions par la stratégie
de suppression expressive n’avait aucun effet sur l’aversion au risque. En d’autres
termes, après avoir vu un film déclenchant une émotion négative (peur ou dégoût),
seule, la réévaluation cognitive conduisait les participants à prendre davantage de
risques et, du coup, à réussir à gonfler davantage de ballons sans les faire exploser.

45
Pourcentages de rappels corrects

Images neutres
40
Images négatives

35

30

25

20

15
Contrôle Amplifier Diminuer Supprimer

Figure 8.13
Régulation émotionnelle et rappel (d’après Dillon et al., 2007).
Pourcentages de rappels corrects d’images neutres et négatives dans différentes conditions
de régulation émotionnelle. Les différentes conditions de régulation ont conduit
à un meilleur rappel des images négatives et à un moins bon rappel des images neutres
(sauf dans la condition d’amplification où le rappel d’images neutres a augmenté,
par rapport à la condition contrôle).
208 ■ CHAPITRE 8 – La régulation émotionnelle

30
Nombre de ballons gonflés Dégoût Peur
25

20

15

10

0
Contrôle Suppression expressive Réévaluation cognitive

Figure 8.14
Régulation émotionnelle et prise de décision (d’après Heilman et al., 2010).
Nombre de gonflages/ballons non explosés dans la tâche des ballons après avoir vu un film
déclenchant du dégoût ou de la peur en exécutant une stratégie de suppression expressive,
de réévaluation cognitive ou dans un groupe contrôle (sans régulation). Le nombre de gonflages
augmentait en condition de réévaluation cognitive, mais pas en condition de suppression,
cette stratégie contrecarrant mieux la diminution de la prise de risque sous émotion.

4.3. Conclusions
La régulation émotionnelle influence nos performances cognitives. Dans certaines
conditions, les performances ont tendance à se détériorer. Dans ces dernières, l’accent
est mis sur le processus de régulation davantage que sur la tâche cognitive elle-même,
et la tâche cognitive n’est pas indépendante de la procédure d’induction émotionnelle.
Dans d’autres conditions, la régulation émotionnelle a un effet positif, et les partici-
pants s’améliorent dans une tâche s’ils mettent en œuvre une stratégie efficace de
régulation émotionnelle. L’amélioration dépend non seulement de l’efficacité de la
stratégie de régulation émotionnelle mobilisée, mais également du fait que les parti-
cipants visent non seulement à réguler leurs émotions, mais aussi à obtenir les meil-
leures performances dans la tâche cible. Notons que, même si l’effet de la régulation
émotionnelle a été observé dans de nombreux domaines de la cognition, ses conditions
d’occurrence ne sont pas encore entièrement claires. Ainsi, même si l’on sait que les
effets dépendent de l’intensité de l’émotion ou du type de stratégie de régulation utili-
sée, on ignore encore comment l’influence de la régulation émotionnelle sur la cognition
interagit avec de nombreux paramètres (p. ex., les stratégies cognitives utilisées par les
participants pour réaliser une tâche ; la difficulté de la tâche cognitive ; l’expertise du
participant dans le domaine cognitif testé ; le type d’émotion régulée). Les recherches
à venir permettront de déterminer quels sont les paramètres qui gouvernent le rôle
modulateur de la régulation émotionnelle sur les performances cognitives des par-
ticipants, et ce dans différents domaines de la cognition et différentes tâches. Elles
permettront également de déterminer les mécanismes par lesquels la régulation émo-
tionnelle améliore les performances cognitives, quand elle les améliore. Ceci permettra
Testez vos connaissances ■ 209

de savoir, par exemple, si un participant accomplit une tâche cognitive après (ou
pendant) l’exécution d’une stratégie de régulation émotionnelle en mettant en œuvre
les mêmes mécanismes (en les exécutant de la même manière ou différemment) pour
accomplir la tâche cognitive que dans une condition non émotionnelle ou s’il mobilise
d’autres mécanismes.

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir

1. Comment définir la régulation émotionnelle ?


2. D’après le modèle de Gross et ses collaborateurs, à quels moments peuvent
être mobilisées les différentes stratégies de régulation émotionnelle ?
3. Quels paramètres déterminent la mobilisation des stratégies de régulation
émotionnelle ?
4. La stratégie de régulation émotionnelle est-elle toujours plus efficace que
la stratégie de redéploiement attentionnel ? Sinon, donnez un exemple de
condition dans laquelle chacune est plus efficace que l’autre.
5. La régulation émotionnelle entraîne-t-elle une diminution ou une amplifi-
cation de l’impact des émotions sur la cognition ? Justifiez votre réponse à
l’aide de données disponibles dans la littérature.

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CHAPITRE 9

La régulation émotionnelle :
vieillissement, différences
individuelles et psychopathologie
Ce chapitre aborde la régulation émotionnelle du point de vue des différences
individuelles, du vieillissement et de la psychopathologie. Ainsi, il présente les
travaux montrant que la régulation émotionnelle varie à traverse les cultures
et selon nos croyances personnelles explicites ou implicites sur les émotions.
Il présente également les études montrant qu’à mesure que nous vieillissons,
nous avons tendance à modifier nos préférences en matière de stratégie
de régulation émotionnelle et l’efficacité avec laquelle nous régulons nos
émotions. Enfin, le chapitre décrit comment les mécanismes de la régulation
émotionnelle peuvent être touchés chez les patients atteints de différentes
pathologies (p. ex., dépression, troubles anxieux, phobie). Il le fait dans une
perspective stratégique, à savoir en analysant comment les patients utilisent
et exécutent les stratégies de régulation.

SOMMAIRE

1. Régulation émotionnelle et différences individuelles . . . . . . . . . . . . . . 212


2. Régulation émotionnelle et vieillissement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
3. Régulation émotionnelle et psychopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
212 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

De nombreuses études ont été conduites sur les différences individuelles, mais aussi
sur les effets du vieillissement et de la psychopathologie sur la régulation émo-
tionnelle. Pour l’examen de la modulation du rôle des émotions sur les différentes
fonctions cognitives par ces paramètres, ces travaux s’appuient sur l’existence
d’importantes variations entre individus dans les traits de personnalité (p.  ex.,
anxiété) et en psychopathologie (p. ex., dépression, phobie), ainsi qu’au cours du vieil-
lissement. Ils permettent de déterminer si, toutes choses égales par ailleurs, la régu-
lation émotionnelle est influencée par les mêmes facteurs et mettent en œuvre les
mêmes mécanismes chez des individus avec des traits de personnalité (ou d’autres
caractéristiques), à des âges différents ou avec des troubles de l’humeur, comparés
à des individus témoins, et comment. Les travaux empiriques ont mis en évidence
d’importantes différences individuelles dans la régulation émotionnelle, ainsi qu’une
évolution avec l’âge et une influence de la psychopathologie. Ces travaux ont égale-
ment mis en évidence que, dans ces différents groupes, la régulation émotionnelle est
modulée par les mêmes facteurs, toutefois souvent dans des proportions différentes
et par des mécanismes qui peuvent varier. Dans ce chapitre, nous présentons ces
travaux.
Dans un premier temps, nous examinons comment la régulation émotionnelle diffère
selon les individus. Ainsi, nous présentons les travaux déterminant, par exemple,
comment elle est mobilisée différemment selon, entre autres, la culture des individus
et leurs théories implicites des émotions. Nous discutons l’évolution avec l’âge de la
régulation émotionnelle dans un second temps et, enfin, comment elle est affectée
par la psychopathologie. Là encore, nous verrons que ces travaux apportent des
éclairages importants sur les mécanismes mis en œuvre pour réguler nos émotions.

1. Régulation émotionnelle et différences


individuelles
Il existe des différences entre les individus dans la mise en œuvre des stratégies de
régulation émotionnelle (John & Eng, 2014). En effet, certains vont réagir activement
à leurs émotions et essayer soit de les moduler, soit de les transformer. D’autres vont
rester relativement passifs sans chercher à les modifier. Et d’autres encore vont avoir
une réaction mixte, tentant parfois de les changer tantôt de ne rien faire. Certaines de
ces différences individuelles résultent des dispositions génétiques (e.g., McRae et al.,
2017). Plusieurs caractéristiques individuelles (p.  ex., sexe, culture, affectivité, style
cognitif, personnalité) sont associées à des profils différents de régulation émotionnelle
(McRae & Gross, 2020). Pour illustrer ces différences individuelles dans la régulation
émotionnelle, prenons l’exemple des différences culturelles et des théories implicites
des émotions.
Régulation émotionnelle et différences individuelles ■ 213

1.1. Différences culturelles et régulation émotionnelle


Plusieurs études ont observé des différences culturelles dans la régulation émo-
tionnelle (e.g., Butler et al., 2007 ; Haga et al., 2009 ; Soto et al., 2011 ; Su et al., 2015).
Par exemple, Haga et ses collaborateurs. (2009) ont rapporté d’importantes diffé-
rences culturelles dans l’utilisation des stratégies de réévaluation cognitive et de sup-
pression expressive. Pour cela, ils ont évalué l’utilisation des stratégies de régulation
émotionnelles chez 193 Norvégiens, 211 Américains et 85 Australiens. Les partici-
pants passaient l’ERQ de Gross, en indiquant pour chaque item (p. ex., « Je contrôle
mes émotions, mais ne les exprime pas » ; « Quand je veux me sentir moins triste ou
diminuer ma colère, je pense à autre chose ») une note sur une échelle de 0 (pas du tout
d’accord) à 7 (entièrement d’accord). Par ailleurs, d’autres questionnaires évaluaient
certains traits de personnalité (comme le névrosisme et l’extraversion grâce au test
du Big Five), leurs affects positifs et négatifs ou le fait de se sentir souvent de bonne
ou de moins bonne humeur (échelle PANAS), ainsi que la tendance à réfléchir sur soi
(échelle de Grant et al., 2002).
Comme le montrent les données présentées à la Figure 9.1, il n’y avait pas de diffé-
rence entre les hommes et les femmes dans l’utilisation de la stratégie de réévaluation
cognitive (mais voir McRae et al., 2008, pour des signatures cérébrales différentes
chez les hommes et les femmes lors de l’exécution de la réévaluation cognitive), alors
que les hommes affirmaient plus utiliser la stratégie de suppression expressive. Cette
utilisation plus grande de la stratégie de suppression expressive par les hommes que
par les femmes a été retrouvée dans une série d’études que Gross a conduit avec
ces collaborateurs dans des pays aussi variés que les USA (Gross  &  John, 2003 ;
John & Gross, 2004), l’Allemagne (Abler & Kessler, 2009) ou l’Italie (Balzarotti et al.,
2010). Par ailleurs, dans cette étude de Haga et de ses collaborateurs, les Américains
disaient utiliser davantage la stratégie de suppression expressive que les Australiens
ou les Norvégiens. Les Australiens utilisaient davantage la stratégie de réévaluation
cognitive que les Norvégiens. Enfin, les auteurs ont observé que l’utilisation de la réé-
valuation cognitive corrélait positivement avec la tendance à réfléchir sur soi ou avec
les affects positifs et négativement avec les affects négatifs. La suppression expressive
corrélait négativement avec la tendance à réfléchir sur soi et les affects positifs, mais
négativement avec les affects négatifs. Notons que, dans une étude à grande échelle,
Matsumoto et ses collaborateurs (2008) ont observé que les membres des pays dont la
culture valorise l’indépendance (comme les USA ou l’Europe) avaient tendance à dire
qu’ils utilisaient moins souvent la suppression expressive que les membres des pays
dont la culture met l’accent sur la cohésion sociale (comme les pays d’Asie).
En d’autres termes, l’utilisation des stratégies de régulation émotionnelle diffère selon
un certain nombre de caractéristiques individuelles comme le genre, la culture, l’affec-
tivité, la personnalité et la réflexion sur soi.
214 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

6
Réévaluation cognitive
5 Suppression expressive

4
Utilisation

0
Hommes Femmes USA Australie Norvège

Figure 9.1
Genre, culture et régulation émotionnelle (d’après Haga et al., 2009).
Niveau d’utilisation des stratégies de réévaluation cognitive et de suppression expressive chez les
hommes et les femmes et selon la culture. Les hommes et les femmes utilisent autant la stratégie
de réévaluation cognitive, mais les hommes semblent plus utiliser la stratégie de suppression
expressive. Les Américains utilisent plus la stratégie de suppression expressive que les Australiens
ou les Norvégiens, et les Norvégiens plus la stratégie de réévaluation cognitive.

1.2. Croyances et régulation émotionnelles


Plusieurs études suggèrent que notre système de croyances influence la régula-
tion émotionnelle. Les chercheurs ont isolé différents profils de croyances relatives
à nos émotions (e.g., De Castella et al., 2018 ; Manser et al., 2012 ; Tamir et al., 2007).
Certaines personnes pensent, au moins implicitement, que les émotions peuvent
être modifiées, à savoir qu’il est possible de les éviter ou au contraire les déclencher,
les amplifier ou les diminuer, les faire durer ou les écourter. Ces personnes ont des
théories implicites dites malléables des émotions. D’autres personnes ont des théories
implicites dites fixes et sont caractérisées par des croyances selon lesquelles nous
avons relativement peu de contrôle sur nos émotions, nous ne pouvons pas ou que
très peu en modifier l’occurrence, le décours, l’intensité ou la valence. Pour évaluer
l’existence de ces théories implicites des émotions et en évaluer l’impact sur certaines
dimensions de l’expérience émotionnelle, Tamir et ses collaborateurs (2007) sont partis
de l’échelle d’évaluation des théories implicites de l’intelligence proposée par Dweck
et ses collaborateurs (e.g., Dweck, 1999) pour proposer une échelle d’évaluation des
théories implicites des émotions. L’échelle de Tamir et ses collègues comprend quatre
affirmations : (a) « S’ils le veulent, les gens peuvent changer leurs émotions » ; (b) « Tout
le monde peut apprendre à contrôler ses émotions » ; (c) « Même si on y met beaucoup
d’effort, personne ne peut changer ses émotions » ; (d) « La vérité est que les gens ont
relativement peu de contrôle sur leurs émotions »). Les individus doivent indiquer leur
Régulation émotionnelle et différences individuelles ■ 215

degré d’accord ou de désaccord sur une échelle allant de 1 (fortement en désaccord) à


5 (fortement d’accord). À partir de ces réponses, il est possible de caractériser un indi-
vidu comme endossant une théorie implicite plutôt malléable des émotions ou plutôt
fixe. Ainsi, les individus endossant une théorie fixe vont avoir tendance à attribuer
une note plus faible aux deux premières affirmations et une note plus élevée aux
deux dernières, tandis que les individus endossant une théorie implicite malléable des
émotions feront l’inverse. Tamir et ses collaborateurs (2007) ont observé que, sur une
large cohorte de 437 étudiants, les deux théories implicites des émotions étaient sys-
tématiquement associées à différents profils de régulation émotionnelle. Par exemple,
comparés aux étudiants ayant des théories malléables des émotions, ceux ayant des
théories fixes semblaient moins efficaces à réguler leurs émotions et utilisaient moins
souvent la réévaluation cognitive dans leur vie quotidienne ; ils disaient avoir moins
d’expériences émotionnelles positives et moins de soutien social pendant leur première
année d’université. Ces résultats ont été retrouvés par Kappes et Schikowski (2013 ;
voir aussi Ford et al., 2018 pour des résultats comparables chez des adolescents)
qui ont observé que les étudiants endossant une théorie implicite fixe des émotions
ressentaient plus négativement des clips vidéo émotionnellement négatifs, évitaient
les séquences affectives dans ces clips vidéo et avaient tendance à ne pas vouloir
regarder ce type de clip vidéo une deuxième fois pour connaître la fin, lorsqu’on le
leur proposait.
Kneeland, Nolen-Hoeksema, Dovidio et Gruber (2016) ont expérimentalement manipulé
les croyances des individus pour examiner le rôle causal de ces croyances ou théories
implicites des émotions sur la régulation émotionnelle. Ils ont ainsi demandé à des
individus de passer plusieurs questionnaires, dont l’ERQ pour évaluer l’utilisation des
stratégies de réévaluation cognitive et de suppression expressive. Les individus étaient
testés dans deux groupes. Dans le premier groupe, les individus lisaient un texte qui les
informait du caractère malléable des émotions. Par exemple, les individus lisaient des
phrases du type « Les émotions ne sont pas gravées dans le marbre. Toute émotion peut
être modifiée. Chacun d’entre nous a le pouvoir de changer ses émotions et comment
exprimer ses émotions. » (groupe dit « Émotions malléables »). Dans le second groupe (dit
« Émotions fixes »), les participants lisaient un texte indiquant que nos émotions sont
fixes. Par exemple, ce texte contenait des phrases du type « Nos émotions sont gravées
dans le marbre. On ne peut pas les modifier. ». Après avoir lu ces textes inducteurs, tous
les participants passaient le Trier Social Stress Test, TSST (Kirschbaum et al., 1993). Dans
ce test, connu pour être anxiogène, les participants doivent préparer un discours sur un
thème (ici « Pourquoi vous considérez-vous comme un bon ami pour quelqu’un ? ) pen-
dant 90 secondes puis faire ce discours pendant deux minutes devant une caméra qui
les filme et les enregistre. En comparant les réponses au questionnaire ERQ pour évaluer
l’utilisation des stratégies de réévaluation cognitive et de suppression expressive, les
auteurs ont découvert que les participants du groupe malléable disaient avoir utilisé la
stratégie de réévaluation cognitive pendant le TSST plus souvent que les participants du
groupe fixe (Figure 9.2). En revanche, les participants des deux groupes disaient avoir
utilisé la stratégie de suppression expressive aussi souvent. Tout se passe comme si le
fait d’avoir activé la croyance selon laquelle une émotion peut se modifier avait conduit
les participants à changer leurs stratégies de régulation émotionnelle, notamment en
utilisant plus la stratégie de réévaluation cognitive.
216 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

30

Émotions malléables

25 Émotions fixes
Utilisation

20

15

10
Réévaluation cognitive Suppression expressive

Figure 9.2
Croyances sur les émotions et régulation émotionnelle (d’après Kneeland et al., 2016).
Utilisation des stratégies de réévaluation cognitive et de suppression expressive dans les conditions
où ont été expérimentalement activées les croyances selon lesquelles les émotions sont malléables
vs fixes. Les participants du groupe malléable utilisaient plus la stratégie de réévaluation cognitive
que ceux du groupe fixe, tandis que les deux groupes utilisaient aussi fréquemment la stratégie de
suppression expressive.

En bref, selon la croyance que chacun de nous a sur le caractère malléable ou fixe
des émotions, et selon qu’un contexte nous conduise à davantage nous focaliser sur
l’idée que nous pouvons moduler nos émotions, nous n’allons pas mettre en œuvre les
mêmes stratégies de régulation émotionnelle et, par conséquent, n’allons pas faire la
même expérience émotionnelle, n’allons pas être influencés dans nos comportements
(cognitifs, mais aussi sociaux et affectifs) de la même manière.

2. Régulation émotionnelle et vieillissement


De nombreuses études ont observé que les personnes âgées rapportent des
niveaux de bien-être ou de satisfaction émotionnelle plus élevés que les jeunes (sauf
en toute fin de vie ; e.g., Gerstorf et al., 2008, 2010) ou traversent des épisodes
dépressifs moins importants et moins fréquents (Carstensen et al., 2011 ; Charles
et al., 2001 ; Charles et al., 2016 ; Grühn et al., 2010 ; Hasin et al., 2005 ; Mroczek,
2001 ; Mroczek & Kolarz, 1998 ; Mroczek & Spiro, 2005 ; Schilling & Diehl, 2014 ;
Stawski et al., 2008 ; Stone et al., 2010). Cette augmentation du bien-être pourrait
résulter d’une diminution de la sensibilité émotionnelle avec l’âge. Cette diminu-
tion rendrait les personnes âgées moins sensibles aux émotions négatives. Selon le
modèle appelé « Aging Brain Model », proposé par Cacioppo et ses collaborateurs
(2011 ; Gunning-Dixon et al., 2003), cette moindre sensibilité aux émotions néga-
tives pourrait provenir d’un déclin avec l’âge dans le fonctionnement de l’amygdale,
structure cérébrale fortement impliquée dans le traitement émotionnel. Ce déclin
conduirait l’amygdale à une moindre réactivité émotionnelle aux stimulus néga-
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 217

tifs, mais pas aux stimulus positifs. Pourtant, même si certains chercheurs ont pu
relever que les âgés disent vivre moins d’émotions négatives intenses (e.g., Charles
et al., 2001) ou ont une réaction psychologique ou physiologique différente ou moins
importante en réponse à des stimulus ou expériences négatives (e.g. Gunning-Dixon
et al., 2003 ; Iidaka et al., 2002 ; Levenson et al., 1991, 1994 ; Tessitore et al., 2005 ;
Vieillard et al., 2012), dans de nombreuses recherches, la sensibilité émotionnelle des
personnes âgées est ressortie au moins aussi importante, parfois plus, que celle des
jeunes, y compris à des stimulus négatifs (e.g., Charles, 2005 ; Charles & Carstensen,
2008 ; Dolcos et al., 2014 ; Kensinger  &  Schacter, 2008 ; Kliegel et al., 2007 ;
Kunzmann & Richter, 2009 ; Labouvie-Vief, 2003 ; Levenson et al., 1994; Magai et al.,
2006; Mroczek & Almeida, 2004 ; Murty et al., 2009 ; Phillips et al., 2002 ; Seider et
al., 2011 ; Sliwinski et al., 2009). Par exemple, Seider et ses collaborateurs (2011) ont
observé que les personnes âgées réagissaient davantage à des films tristes (aussi bien
au niveau du ressenti émotionnel que sur le plan des manifestations physiologiques).
Notons qu’il ne s’agit pas d’une surréaction généralisée des personnes âgées à toute
émotion, car Seider et ses collaborateurs n’ont pas trouvé de sensibilité au dégoût
plus forte chez les âgés. En d’autres termes, les personnes âgées réagissent aussi
intensément que les jeunes pour certaines émotions, plus intensément pour d’autres
émotions, et moins intensément pour d’autres émotions encore.
Certains auteurs défendent l’hypothèse que l’augmentation avec l’âge des niveaux
de bien-être et de satisfaction émotionnelle pourrait résulter d’une augmentation de
nos capacités à réguler nos émotions. Cela signifie qu’avec l’âge, nous serions mieux
à même d’amplifier ou de diminuer nos émotions. Le développement avec l’âge de
notre capacité à réguler nos émotions et à ajuster notre réponse émotionnelle en
fonction des circonstances s’appuierait sur un changement dans nos motivations et
nos priorités au fur et à mesure que nous avançons en âge, ainsi que dans nos res-
sources cognitives disponibles. Par exemple, selon la théorie de la sélectivité socioé-
motionnelle proposée par Carstensen et ses collaborateurs (e.g., Carstensen, 1992,
2006 ; Carstensen et al., 1999 ; Carstensen & Turk-Charles, 1994 ; Carstensen et al.,
2000 ; Kessler  &  Staudinger, 2009 ; Lawton, 2001 ; Mather  &  Carstensen, 2003,
2005), mais aussi selon la théorie SAVI (Strength and Vulnerability Integration ;
Charles  &  Piazza, 2009) et selon le modèle SOC-ER (Selection, Optimization, and
Compensation-Emotion Regulation ; Opitz et al., 2012 ; Urry  &  Gross, 2010), avec
l’avancée en âge et la conscience de plus en plus claire que nous avons de la durée
limitée de la vie qu’il nous reste à vivre, nous nous focalisons davantage sur des
objectifs émotionnels, notamment de bien-être. Ceci nous amène à mieux gérer nos
émotions négatives (pour les diminuer) et positives (pour les amplifier) et à hiérar-
chiser nos priorités (voir le modèle dit d’intégration dynamique, pour une explica-
tion alternative selon laquelle la diminution des ressources de traitement avec l’âge
rendrait plus difficile le traitement d’émotions négatives ; e.g., Labouvie-Vief, 2003 ;
Labouvie-Vief et al., 2007). Le fait de rechercher des relations de qualité pourrait
devenir plus important qu’une promotion professionnelle ou une réussite sportive,
par exemple. Ceci nous amène à déployer diverses stratégies de gestion et de régu-
lation de nos émotions (p. ex., éviter les situations conflictuelles inutiles, favoriser
les rencontres avec des personnes qui nous sont chères, se détourner de situations
anxiogènes, trouver ou donner une signification plus profonde aux événements
218 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

de  la vie ou à notre vie en général). Les données sur la régulation émotionnelle
sont en accord avec ces propositions théoriques. En effet, elles font apparaître une
évolution avec l’âge dans l’utilisation et l’exécution des stratégies de régulation
émotionnelle, certaines stratégies devenant plus utilisées et plus efficaces, d’autres
moins employées et perdantes en efficacité au fur et à mesure que nous avançons
en âge.

2.1. Effets du vieillissement dans l’utilisation


des stratégies de régulation émotionnelle
Rappelons que la régulation émotionnelle comprend les mécanismes (ou stra-
tégies) mis en œuvre pour empêcher, réduire, déclencher, maintenir, ou amplifier
une ou plusieurs émotions (Gross, 1998). Différentes stratégies de régulation
émotionnelle ont été mises en évidence. De nombreuses recherches suggèrent
que l’utilisation des stratégies de régulation varie avec l’âge des participants
(e.g., Allen  &  Windsor, 2019 ; Turk Charles  &  Carstensen, 2008 ; Hofer et al.,
2015 ; Isaacowitz et al., 2006  a, 2006  b, 2008 ; Isaacowitz  &  Ossenfort, 2017 ;
John  &  Gross, 2004 ; Livingstone  &  Isaacowitz, 2019 ; Martins et al., 2016 ;
Masumoto et al., 2016; McRae et al., 2012; Nolen-Hoeksema & Aldao, 2011 ; Sands
et al., 2018; Sands  &  Isaacowitz, 2017 ; Scheibe et al., 2015; Schirda et al., 2016 ;
Schmeichel et al., 2008 ; Urry & Gross, 2010 ; Vieillard & Harm, 2013). Les études
ont en effet montré que les adultes jeunes et âgés n’utilisent pas les mêmes stra-
tégies dans certaines situations, mais peuvent mobiliser les mêmes stratégies dans
d’autres situations.
Par exemple, Martins et ses collaborateurs (2016) ont montré à des hommes jeunes
et âgés des images connues pour déclencher des émotions positives ou négatives,
de faible ou forte intensités. Des images érotiques ou de sport avec de l’action
étaient présentées pour la condition émotion positive/intensité forte, et des images
avec un couple se tenant la main ou des scènes de sport sans action constituaient
la condition émotion positive/intensité faible ; des scènes d’accident d’avion avec
des morts étaient présentées pour la condition émotion négative/intensité forte ; et
un enfant pleurant à l’hôpital est un exemple d’images apparaissant dans la condi-
tion émotion négative/intensité faible. Sur chaque essai, les participants voyaient
d’abord l’image pendant 1,2 seconde. Ensuite, ils devaient choisir soit la stratégie de
distraction, soit la stratégie de réévaluation cognitive. Une fois leur choix énoncé,
ils devaient se préparer pendant 1,5 seconde à appliquer la stratégie sur l’image qui
allait leur être à nouveau présentée pendant 10 secondes.
Des différences entre les jeunes et les âgés sont apparues au niveau des préférences
stratégiques, uniquement pour les images déclenchant des émotions positives de
forte intensité (Figure 9.3a). Sur ces images, les âgés utilisaient moins fréquemment
la stratégie de distraction que les jeunes. Pour les images déclenchant des émotions
positives de faible intensité, les jeunes et les personnes âgées utilisaient autant la
stratégie de réévaluation cognitive, qu’ils préféraient à la stratégie de distraction.
Pour les émotions négatives, les jeunes et les âgés étaient comparables, préférant la
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 219

distraction pour les émotions négatives de forte intensité et la réévaluation cogni-


tive pour les émotions négatives de faible intensité. En d’autres termes, Martins et
al. n’ont pas observé que les préférences stratégiques des jeunes et des personnes
âgées différaient dans toutes les situations. Elles différaient dans certaines condi-
tions (émotions positives de forte intensité) et étaient les mêmes dans d’autres
conditions (émotions négatives et positives de faible intensité). Il est possible que
le biais de positivité soit à l’origine de ces préférences (c.-à-d., les personnes âgées
s’engagent plus volontiers dans le traitement d’images positives et donc mobilisent
moins la distraction sur ces images). Il est également possible que d’autres méca-
nismes contribuent à cette différence jeunes-âgés (p.  ex., la limite des ressources
de traitement rend plus difficile pour les personnes âgées d’exécuter la stratégie la
plus coûteuse de réévaluation cognitive sur des émotions positives de forte inten-
sité). Comme le discutent les auteurs, même si les participants revoyaient l’image
pendant 10 secondes et devaient alors exécuter la stratégie de régulation choisie,
les participants ne fournissaient pas sur chaque essai une évaluation de leur état
émotionnel avant et après exécution de la stratégie. Il n’est donc pas garanti que les
mêmes choix stratégiques auraient été réalisés par les jeunes et les âgés s’ils avaient
fourni une telle évaluation, dans la mesure où les choix stratégiques dans une tâche
peuvent changer selon que les participants ont ou non à exécuter réellement la
stratégie sélectionnée et que le résultat de cette exécution est évalué (e.g., Lemaire
et al., 2004).
Les données rapportées par Martins et ses collaborateurs (2016) ne répliquent
qu’en partie ceux publiés par Scheibe et ses collègues. (2015 ; Figure 9.3 b). Les
deux études ont utilisé pratiquement la même procédure, sauf que l’équipe de
Scheibe n’a montré à ses participants que des images négatives (de faible et forte
intensités) et que ses participants évaluaient leur état émotionnel après chaque
image. Dans les deux études, les participants utilisaient la distraction sur les images
dont l’intensité était élevée. Toutefois, l’équipe de Martins n’a pas trouvé de diffé-
rence entre les jeunes et les âgés dans l’utilisation des stratégies de régulation sur
des images négatives à forte ou faible intensité. En revanche, Scheibe et ses collabo-
rateurs ont observé que les âgés utilisaient la stratégie de distraction plus souvent
que les jeunes, aussi bien pour les émotions négatives de faible intensité que pour
celles de forte intensité. Il est possible que les différences méthodologiques entre
les deux études aient pu conduire à ces quelques différences dans les résultats.
Ainsi, Martins et ses collaborateurs ont testé chez les mêmes participants (unique-
ment des hommes) des émotions positives et négatives, tandis que les participants
(des  hommes et des femmes) de l’étude de Scheibe et de ses collègues n’a traité
que des émotions négatives. Autre différence, en testant également des images
positives, dont l’intensité est moins élevée que des images négatives, l’ensemble des
images vues par les participants de l’équipe de Martins était globalement moins
intense que les images traitées par les participants de l’équipe de Scheibe. Il est
possible que ces différences méthodologiques influencent la sélection stratégique
des participants (p.  ex., les taux d’utilisation de la distraction étaient légèrement
plus élevés dans l’étude de Scheibe et al. que dans l’étude de Martins et al.) et les
différences liées à l’âge dans cette sélection.
220 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

(a) Étude de Martins et al. (2016)


70
Adultes jeunes
60
Adultes âgés
Pourcentages d’utilisation

50

40

30

20

10

0
Intensité faible Intensité Élevée Intensité faible Intensité élevée
Émotions positives Émotions négatives

(b) Étude de Scheibe et al. (2015)


70

60 Jeunes Âgés
Pourcentages d’utilisation

50

40

30

20

10

0
Intensité faible Intensité forte

Figure 9.3
Vieillissement et utilisation stratégique en régulation émotionnelle.
Pourcentages d’utilisation de la stratégie de distraction chez des participants jeunes et âgés sur
des images déclenchant (a) des émotions positives ou négatives d’intensité faible ou forte (d’après
Martins et al., 2016), (b) sur des images négatives d’intensité faible ou forte (d’après Scheibe et al.,
2015). La distraction peut être utilisée moins fréquemment par les âgés que par les jeunes pour
réguler des émotions positives fortes ou plus fréquemment pour réguler des émotions négatives
faibles et fortes.

L’évolution avec l’âge des stratégies de régulation émotionnelle a également été abor-
dée par plusieurs études en dehors du laboratoire (e.g., Blanchard-Fields et al., 2007 ;
Lang  &  Carstensen, 1994 ; Livingstone  &  Isaacowitz, 2019, 2021). Par exemple,
Livingstone et Isaacowitz ont testé plus de 140 participants avec la méthode dite ESM
(Experience Sampling Method, ou méthode d’échantillonnage des expériences). Il s’agit
d’une enquête à laquelle les participants répondaient plusieurs fois par jour pendant
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 221

au moins 10 jours. Les participants indiquaient sur leur téléphone portable ou une
tablette un certain nombre d’informations relatives aux événements émotionnels
qu’ils venaient de vivre (p. ex., quelles émotions ? Quel type de stratégie de régulation
ils avaient mis en œuvre s’ils en avaient utilisé ?). L’enquête a permis aux auteurs de
sonder avec précision et détails la mise en œuvre d’un vaste ensemble de stratégies,
chacune appartenant à l’une des grandes catégories de stratégie proposées par Gross
et ses collègues : sélection et modification de la situation (p.  ex., éviter une situation
génératrice de peur ; raconter une blague), redéploiement attentionnel (p. ex., distrac-
tion), réévaluation cognitive (p. ex., détachement) et modulation de la réponse (p. ex.,
suppression expressive). Ils ont ainsi pu recueillir un large échantillon d’observations
chez des participants jeunes (âgés de 20 à 39 ans), matures (âgés de 40 à 59 ans) et âgés
(âgés de 60 à 79 ans).
Les données font apparaître une évolution en fonction de l’âge des stratégies de
régulation émotionnelle (Figure 9.4). Certaines stratégies sont de plus en plus uti-
lisées en vieillissant (p.  ex., la réévaluation cognitive, le redéploiement attention-
nel), d’autres diminuent d’abord puis augmentent à nouveau (p. ex., sélection de la
situation), d’autres enfin restent relativement stables avec l’âge (p. ex., suppression
expressive).

90
Sélection de la situation Modification de la situation Déploiement attentionnel
Réévaluation cognitive Modulation de la réponse
80
Pourcentages d'utilisation

70

60

50

40

30
Jeunes Matures Âgés

Figure 9.4
Utilisation des stratégies de régulation en milieu naturel
(d’après Livingstone & Isaacowitz, 2021).
Évolution de la fréquence d’utilisation des stratégies de régulation émotionnelle en fonction
de l’âge. L’utilisation de certaines stratégies augmente avec l’âge (p. ex., la réévaluation cognitive,
le redéploiement attentionnel), d’autres stratégies diminuent puis augmentent (p. ex., sélection
de la situation), d’autres encore restent stables (p. ex., suppression expressive).

En résumé, de nombreuses études en laboratoire ou hors du laboratoire ont rapporté


une évolution avec l’âge de l’utilisation des stratégies de régulation émotionnelle
(voir aussi Birditt  &  Fingerman, 2005 ; Birditt et al., 2005 ; Blanchard-Fields et al.,
1997 ; Brummer et al., 2014 ; Charles et al., 2009 ; Coats  &  Blanchard-Fields, 2008 ;
Livingstone & Isaacowitz, 2019 ; Riediger et al., 2009). Dans la vie quotidienne, comme
au laboratoire, les différences liées à l’âge au niveau de l’utilisation des stratégies de
222 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

régulation émotionnelle peuvent dépendre de plusieurs facteurs (p. ex., le type d’émo-


tion à réguler, l’intensité de l’émotion à réguler, le coût cognitif associé à chaque stra-
tégie, la facilité ou la difficulté à mettre en œuvre une stratégie et l’efficacité relative
des stratégies). En effet, les jeunes et les personnes âgées n’ont pas la même facilité à
exécuter les différentes stratégies et ne parviennent pas toujours à exécuter avec la
même efficacité les différentes stratégies, comme l’ont montré les travaux sur l’exécu-
tion stratégique.

2.2. Effets du vieillissement sur l’exécution des stratégies


de régulation émotionnelle
C’est une chose que d’utiliser une stratégie. C’en est une autre que de la mettre
en œuvre ou l’exécuter efficacement. Même dans les conditions où les jeunes et les
âgés utilisent les mêmes stratégies de régulation, ils peuvent exécuter ces stratégies
avec des niveaux d’efficacité différents. De nombreuses études ont cherché à savoir
comment évolue avec l’âge l’exécution des stratégies de régulation émotionnelle, de
sorte à déterminer si certaines stratégies diminuent en efficacité, d’autres augmentent,
et d’autres enfin sont exécutées aussi efficacement par les jeunes et les personnes âgées
(Doerwald et al., 2016 ; Isaacowitz  &  Blanchard-Fields, 2012 ; Larcom  &  Isaacowitz,
2009 ; Lohani & Isaacowitz, 2014 ; Noh et al., 2011 ; Opitz et al., 2012 ; Phillips et al.,
2008 ; Riediger  &  Rauers, 2014 ; Shiota  &  Levenson, 2009 ; Smoski et al., 2014 ;
Tucker et al., 2012 ; Vieillard et al., 2015 ; Winecoff et al., 2011 ; Zsoldos et al., 2019)
(e.g., Doerwald et al., 2016 ; Isaacowitz  &  Blanchard-Fields, 2012 ; Kuzman et al.,
2005 ; Larcom  &  Iaacowitz, 2009 ; Liang et al., 2017 ; Lohani  &  Isaacowitz, 2014 ;
Noh et al., 2011 ; Opitz et al., 2012 ; Phillips et al., 2008 ; Riediger  &  Rauers, 2014 ;
Shiota & Levenson, 2009 ; Smoski, Labar, & Steffens, 2014 ; Tuker et al., 2012 ; Vieillard
et al., 2015 ; Winecoff et al., 2011 ; Writh et al., 2017 ; Zsoldos et al., 2019).
Dans ces études, les participants ne choisissent pas eux-mêmes une stratégie à exécuter.
Les chercheurs imposent aux jeunes et aux personnes âgées d’exécuter une stratégie
de régulation, ou différentes stratégies, pendant qu’ils visionnent une vidéo déclenchant
une émotion. La même personne peut être amenée à exécuter une seule stratégie ou,
successivement, différentes stratégies sur différentes séquences vidéo pour différentes
émotions (ou la même émotion). L’intérêt d’imposer une stratégie, et donc de ne pas
demander aux participants de choisir eux-mêmes une stratégie, réside dans le fait que
de nombreuses variables liées à la sélection stratégique sont contrôlées. Ainsi, lorsque
des indicateurs émotionnels (évaluations subjectives de l’émotion ressentie, réactions
du visage, réponses physiologiques comme la conductance cutanée, la température,
les réactions des muscles corrugateurs, les battements cardiaques, etc.) sont comparés
pour chaque stratégie chez des participants jeunes et âgés, nous sommes sûrs que tous
les participants de chaque groupe ont utilisé autant de fois et sur les mêmes films les
stratégies analysées, et que les mécanismes qui gouvernent la sélection stratégique
ne contribuent pas aux différences associées aux stratégies dans ces indices. Ceci est
important, car des différences liées à l’âge dans l’exécution et l’efficacité stratégiques
pourraient provenir de différences de fréquence d’utilisation entre les stratégies et/ou
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 223

du type de film sur lequel chaque stratégie a été exécutée par différents participants. En
demandant à tous les participants soit d’exécuter une seule stratégie sur le même film
(ou sur plusieurs films), soit d’utiliser l’ensemble des stratégies comparées sur un même
ensemble de films, les différences liées à l’âge ne peuvent provenir que de l’évolution au
cours du vieillissement de l’exécution stratégique. Bien sûr, les différences liées à l’âge
dans l’efficacité de la régulation émotionnelle elle-même résultent d’une contribution
des différences de sélection et d’exécution stratégiques. Mais, si l’on veut comprendre
comment évolue l’exécution des stratégies au cours du vieillissement, il est important de
contrôler l’ensemble des biais de sélection artefactuelle liés à la fréquence d’utilisation
des stratégies et au type d’items sur lesquels sont exécutées les stratégies. Les données
recueillies font alors apparaître que l’exécution de toutes les stratégies de régulation
émotionnelle n’évolue pas de la même manière au cours du vieillissement : certaines
stratégies perdent en efficacité, d’autres deviennent plus efficaces, et d’autres encore
conservent le même niveau d’efficacité. Illustrons ces conclusions avec des exemples.
Shiota et Levenson (2009) ont comparé l’évolution avec l’âge de l’exécution de trois
stratégies de régulation émotionnelle : la suppression expressive, la réévaluation cogni-
tive par détachement et la réévaluation cognitive par pensées positives. Les participants
voyaient des films de 3 minutes montrant des séquences neutres ou qui suscitaient des
émotions (dégoût, tristesse). Les participants étaient testés dans une condition contrôle
(où ils avaient pour consigne de simplement regarder le film, comme s’ils regardaient
un film à la télé), et dans plusieurs conditions de régulation émotionnelle. Ils devaient
s’empêcher d’exprimer toute émotion déclenchée par le film dans la condition sup-
pression expressive, regarder le film avec un certain détachement dans la condition
de réévaluation cognitive par détachement, et essayer de voir des aspects positifs du
film dans la condition de réévaluation cognitive positive. Après avoir visionné chaque
film, les participants avaient une liste d’émotions (p. ex., tristesse, dégoût, peur, etc.) et
devaient dire si le film avait déclenché en eux cette émotion sur une échelle de 1 (très
peu) à 8 (beaucoup). En étudiant la différence entre les évaluations subjectives de l’expé-
rience émotionnelle dans la condition contrôle et dans chaque condition de régulation
émotionnelle (Figure 9.5), les auteurs ont observé que l’efficacité des stratégies évolue
avec l’âge et que cette évolution n’est pas la même pour chaque stratégie. Ainsi, la rééva-
luation cognitive positive s’améliore avec l’âge, tandis que la réévaluation cognitive par
détachement et la suppression expressive déclinent. En d’autres termes, l’efficacité de la
régulation émotionnelle augmente avec l’âge quand les participants exécutent une stra-
tégie dont l’efficacité augmente avec l’âge (comme la réévaluation cognitive positive) et
diminue quand les participants mettent en œuvre une stratégie dont l’efficacité décline
(comme la réévaluation cognitive par détachement ou la suppression expressive).
Lohani et Isaacowitz (2014) ont montré à leurs participants des films tristes de
4-5  minutes (p.  ex., un enfant qui assiste à la mort de son père) en leur demandant
d’exécuter différentes stratégies de régulation émotionnelle afin de comparer l’émotion
ressentie, ainsi que des réponses physiologiques, chez des participants jeunes et âgés
pour chacune des stratégies mises en œuvre. Dans la condition contrôle, les partici-
pants avaient pour consigne de regarder le film comme s’ils regardaient la télévision.
Dans la condition de déploiement attentionnel, les participants devaient regarder le
film en se focalisant sur les aspects les moins émotionnels du film. Dans la condition
224 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

1,45

1,25 Jeunes Matures Âgés

1,05
Expérience émotionnelle
(Contrôle - Régulation)

0,85

0,65

0,45

0,25

0,05

– 0,15

– 0,35
Détachement Pensée positive Suppression expressive

Figure 9.5
Vieillissement et exécution stratégique (d’après Shiota & Levenson, 2009).
Évolution avec l’âge des différences entre condition contrôle et condition de régulation
émotionnelle pour chaque stratégie (réévaluation cognitive avec détachement, réévaluation
cognitive positive et suppression expressive). La réévaluation cognitive positive s’améliore
avec l’âge, tandis que la réévaluation cognitive par détachement et la suppression expressive
déclinent.

stratégie de réévaluation cognitive positive, les participants devaient, comme dans


l’étude de Shiota et Levenson (2009), essayer de regarder l’aspect positif du film de
sorte à diminuer l’émotion négative déclenchée par le film. Enfin, dans la condition
suppression expressive, les participants devaient regarder le film en s’efforçant de
ne laisser apparaître aucune émotion ni sur leur visage ni dans leurs comportements,
de sorte que si quelqu’un les regardait, cette personne ne pourrait deviner leurs émo-
tions. Les auteurs ont recueilli de nombreuses mesures de la réaction émotionnelle des
participants avant et après avoir vu les films, comme une autoévaluation de l’intensité
émotionnelle sur une échelle de 0 (positive) à 100 (négative), l’activité des muscles
corrugateurs, la conductance cutanée, ainsi que les fixations oculaires des participants
pendant qu’ils regardaient les films.
La Figure 9.6a présente les différences dans les évaluations émotionnelles subjectives
entre avant et après avoir vu les films tristes. Plus cette différence est faible, plus faible
a été l’effet de l’induction émotionnelle, car plus efficace était la stratégie de régulation.
Chez les jeunes, les trois stratégies de régulation émotionnelle étaient toutes aussi effi-
caces pour réduire l’émotion négative après avoir vu le film. Chez les âgés, les émotions
négatives étaient moins intenses après avoir exécuté la stratégie de réévaluation posi-
tive qu’après avoir exécuté le déploiement attentionnel ou la suppression expressive
(ces deux dernières stratégies ne différaient pas).
Les données convergentes, comme les fixations oculaires (Figure 9.6b) et comme la
conductance cutanée (Figure 9.6c), confortent ces conclusions et font apparaître que
les stratégies de régulation non seulement modifient l’expérience émotionnelle subjec-
tive, mais se caractérisent par différents marqueurs attentionnels (fixations oculaires)
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 225

(a) Évaluations émotionnelles subjectives


50
Contrôle
45
Changement émotionnel

Déploiement attentionnel
40 Réévaluation Positive
(avant-après film)

35 Suppression

30
25
20
15
10
Jeunes Âgés

(b) Fixations oculaires


45
Pour ces stages de fixations oculaires

40
sur zones émotionnelles

35
30
25
20
15
10
5
0
Jeunes Âgés

(c) Conductance cutanée


3

2,5
Conduction cutanée

1,5

0,5

0
Jeunes Âgés

Figure 9.6
Évolution avec l’âge de l’exécution stratégique (d’après Lohani & Isaacowitz, 2014).
Effets des stratégies de régulation émotionnelle (différences entre après avoir vu et avant de voir
les films) chez les jeunes et les personnes âgées, sur (a) les évaluations émotionnelles subjectives,
(b) les fixations oculaires sur les zones émotionnelles des films, et (c) la conductance cutanée.
226 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

ou physiologiques (conductance cutanée). Par exemple, les participants jeunes et âgés


fixaient moins les zones des images contenant l’information émotionnelle lorsqu’ils
avaient pour consigne d’exécuter la stratégie de déploiement attentionnel, suggérant
que les participants suivaient bien la consigne d’exécuter la stratégie indiquée. Par
ailleurs, les taux de fixation de la zone émotionnelle sur l’image étaient comparables
pour la réévaluation positive et la suppression expressive, ce qui est logique dans
la mesure où ces stratégies ne sont pas censées opérer au niveau de l’encodage du
stimulus émotionnel, mais après. Par exemple encore, la conductance cutanée était
moins élevée chez les personnes âgées pour le déploiement attentionnel que pour la
réévaluation cognitive positive et équivalente pour cette dernière et la suppression
expressive. Chez les jeunes, cette réaction était comparable pour les trois stratégies
de régulation émotionnelle. De manière générale, ces données font apparaître que les
personnes âgées réussissaient mieux que les jeunes à implémenter les stratégies de
déploiement attentionnel et de réévaluation cognitive positive, et que la stratégie de
suppression expressive était exécutée aussi efficacement chez les jeunes et les âgés.
Chez les personnes âgées, la réévaluation cognitive positive était la stratégie la plus
efficace, tandis que, chez les jeunes, toutes les stratégies apparaissaient aussi efficaces.
Ce type de données permet de comprendre pourquoi les âgés utilisent moins la stra-
tégie de distraction, comme l’ont observé Martins et ses collaborateurs (2016) : cette
stratégie est moins efficace pour eux que la réévaluation cognitive.
Les données de Shiota et Levenson (2009), d’une part, et de Lohani et Isaacowitz
(2014), d’autre part, mais également de nombreux autres chercheurs, montrent que
l’évolution avec l’âge de l’exécution des stratégies de régulation dépend du type de
stratégie. Cette évolution dépend également du type de régulation. Par exemple, Opitz
et ses collaborateurs (2012) ont montré des images négatives intenses ou neutres à
leurs participants jeunes et âgés pendant 10 secondes. Au bout de 4 secondes, les par-
ticipants avaient un indice leur indiquant quelle stratégie de régulation émotionnelle ils
devaient utiliser. L’indice leur indiquait une stratégie de réévaluation cognitive desti-
née à amplifier l’émotion ressentie (p. ex., « Si vous voyez un enfant en train de pleurer,
imaginez-vous qu’il vient de perdre sa mère. ») dans une condition, de mettre en œuvre
une stratégie de réévaluation cognitive visant à diminuer l’émotion ressentie (p.  ex.,
« Si vous voyez un enfant recroquevillé, dites-vous qu’il est en train de dormir. ») dans
une seconde condition, et de simplement regarder l’image dans une troisième condition
(contrôle). Les auteurs ont recueilli une évaluation subjective de l’expérience émotion-
nelle en demandant à leurs participants d’évaluer l’intensité de l’émotion ressentie sur
une échelle de 1 (peu intense) à 4 (très intense), ainsi que les activations cérébrales par
IRMf. Comparée à la condition contrôle (Figure 9.7a), l’émotion était plus intense chez
les participants jeunes comme chez les participants âgés quand on leur demandait
d’amplifier l’émotion ressentie. En revanche, seuls, les jeunes diminuaient l’intensité
de l’émotion lorsqu’on leur demandait de réduire l’émotion. En d’autres termes, il était
aussi aisé pour les jeunes que pour les personnes âgées d’amplifier leurs émotions
déclenchées par les images, mais beaucoup plus difficile pour les personnes âgées
de diminuer ces émotions. La question est de savoir si les personnes âgées n’ont pas
cherché à diminuer leurs émotions négatives dans la condition de diminution, ou ont
cherché à le faire, mais n’y sont pas parvenues.
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 227

(a) Évaluations subjectives


3,2
Diminuer Contrôle Amplifier
3
Évaluation subjective

2,8

2,6

2,4

2,2
Adultes jeunes Adultes âgés

(b) Activations cérébrales dans le cortex préfrontal ventro-latéral


0,3
Diminuer
(cortex préfrontal ventrolatéral)

0,25 Contrôle
Amplifier
Activations cérébrales

0,2

0,15

0,1

0,05

0
Adultes jeunes Adultes âgés

Figure 9.7
Régulation émotionnelle et exécution stratégique (d’après Opitz et al., 2012). (a)
Évaluations subjectives de l’intensité de l’émotion ressentie à chaque image chez les adultes jeunes et
âgés testés en condition contrôle ou ayant reçu pour consigne de diminuer ou d’amplifier leurs émotions ;
(b) activations cérébrales dans le cortex préfrontal ventro-latéral. Les jeunes et les âgés étaient en mesure
d’amplifier les émotions négatives, mais seuls les jeunes ont pu diminuer les émotions négatives (bien que
les deux groupes aient tenté de le faire).

Les activations cérébrales (Figure 9.7b) observées dans le cortex préfrontal ventro-
latéral connu pour être crucial dans la régulation émotionnelle et dans le contrôle cogni-
tif, sont informatives à cet égard. Chez les participants jeunes et âgés, ces activations
étaient plus importantes lorsque les participants devaient amplifier ou diminuer leurs
émotions que dans la condition contrôle. La différence entre conditions contrôle et régu-
lation étaient toutefois moins importants chez les personnes âgées que chez les jeunes.
Même si elle était moins grande chez les personnes âgées, il est important d’observer
cette différence chez les personnes âgées. En effet, malgré une augmentation moins
importante chez les personnes âgées que chez les jeunes, dans la condition amplifica-
tion, les deux groupes ont amplifié leurs émotions positives. La différence importante
228 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

entre les deux groupes était dans la condition de diminution, les âgés n’ayant pas dimi-
nué leurs émotions à la différence des jeunes. Cela signifie-t-il qu’ils n’ont pas cherché
à diminuer leurs émotions ? Les activations cérébrales dans le cortex ventro-latéral
suggèrent qu’ils l’ont fait. Sinon, ils auraient eu les mêmes niveaux d’activation qu’en
condition contrôle. Ces activations suggèrent qu’ils ont bien cherché à diminuer leurs
émotions négatives quand la consigne le leur demandait, mais qu’ils n’y sont pas par-
venus ou qu’ils n’y sont pas suffisamment arrivés pour entraîner une différence dans
l’évaluation subjective. Pour quelles raisons ? Les données ne permettent pas vraiment
de le dire. Plusieurs raisons sont possibles, comme une moins grande efficacité chez les
âgés que chez les jeunes des mécanismes de contrôle cognitifs en jeu dans la diminution
des émotions ou bien encore l’utilisation par les âgés d’une stratégie moins efficace pour
diminuer une émotion ou l’exécution moins efficace de la même stratégie.

2.3. Conclusions
Le vieillissement n’entraîne pas une réduction des émotions que nous ressentons
ni une diminution de l’intensité ou de la fréquence de nos émotions. Les travaux empi-
riques sur l’évolution du bien-être avec l’âge montrent qu’au cours du vieillissement,
sauf pour certains, dans les toutes dernières années de vie, ce bien-être augmente en
vieillissant. Cette augmentation du bien-être avec l’âge résulte de l’évolution de nos
capacités à donner une priorité aux états émotionnels positifs et à les rechercher
proactivement. En accord avec la théorie générale, SOC (Selection, Optimization, and
Compensation ; Baltes & Baltes, 1990), et sa version spécifique relative à la régulation
émotionnelle, SOC-ER (Urry & Gross, 2010), le vieillissement réussi peut être atteint
en se donnant des buts ajustés aux capacités et aux ressources de l’individu, en
allouant les ressources disponibles en temps et efforts à la poursuite de ces buts et en
compensant les déclins (cognitifs) qui pourraient empêcher d’atteindre ces buts. Dans
ce contexte, les travaux sur la régulation émotionnelle permettent de comprendre
plus précisément les mécanismes qui contribuent à un vieillissement réussi. En effet,
plusieurs auteurs ont recueilli des données (e.g., Morgan & Scheibe, 2014 ; Nakagawa
et al., 2017 ; Sakaki et al., 2019 ; Wrzus et al., 2012 ; Yeung et al., 2011) en accord avec
l’hypothèse selon laquelle l’augmentation avec l’âge du bien-être émotionnel, souvent
rapporté dans la littérature, réside en partie dans ces changements avec l’âge au niveau
de l’utilisation et de l’exécution des stratégies de régulation émotionnelle.
Le registre des stratégies de régulation émotionnelle est vaste. Ces stratégies diffèrent
en efficacité et peuvent être mobilisées dans différents contextes et à différentes
étapes du développement d’une émotion. Des différences et des similitudes entre
les jeunes et les personnes âgées dans l’utilisation et l’exécution des stratégies de
régulation émotionnelle existent à toutes les étapes du développement d’une émotion
(Ossenfort  &  Isaacowitz, 2020). Au moment du déclenchement d’une émotion, il est
possible de chercher à se retrouver dans une situation dont on sait qu’elle déclenchera
des émotions positives ; il est possible aussi d’éviter de se retrouver dans une situation
trop désagréable (ou de s’en désengager), de redéployer son attention sur certains
aspects moins ou peu négatifs d’un stimulus ou d’une situation et de se focaliser sur
les aspects les plus positifs. Les personnes âgées utilisent la distraction plus souvent
Régulation émotionnelle et vieillissement ■ 229

que les jeunes dans certaines situations, moins souvent dans d’autres situations, ou
aussi fréquemment dans d’autres situations encore. Une fois l’émotion déclenchée, il
est possible de tenter de supprimer l’expression (notamment comportementale) d’une
émotion (ou de l’amplifier). Les personnes âgées utilisent moins que les jeunes cette
stratégie de suppression expressive. Il est par ailleurs possible de changer son inter-
prétation cognitive d’une situation émotionnellement négative ou désagréable, soit
en cherchant à s’en détacher, soit en cherchant à lui donner une interprétation plus
positive ou moins négative. Même si les personnes âgées semblent moins efficaces que
les jeunes dans la mise en œuvre des stratégies de réévaluation cognitive (davantage
pour la stratégie de la réévaluation positive et moins pour le détachement), elles en
font grand usage.
Il est difficile de dire que la régulation émotionnelle s’améliore ou se détériore avec l’âge,
car l’évolution de la régulation émotionnelle dépend du type de stratégie mise en œuvre
et de la manière dont les stratégies sont exécutées. Lorsque les stratégies sont exécutées
efficacement par les participants, le vieillissement s’accompagne d’une amélioration de la
régulation émotionnelle pour certaines stratégies (p. ex., réévaluation positive), d’une sta-
bilité avec d’autres stratégies (p. ex., sélection de la situation, suppression expressive) et
d’une dégradation avec encore d’autres stratégies (p. ex., réévaluation par détachement).
L’évolution avec l’âge de l’utilisation et de l’exécution des stratégies de régulation est
modulée par différents facteurs, comme le type et l’intensité des émotions à réguler (les
émotions intenses sont plus difficiles à réguler que les émotions moins intenses), le coût
cognitif associé à l’exécution de chaque stratégie (la distraction est cognitivement moins
coûteuse que la réévaluation cognitive), la facilité ou la difficulté à mettre en œuvre une
stratégie (la suppression expressive est difficile à mobiliser chez les âgés) et l’efficacité
relative des stratégies (la distraction est plus efficace pour réguler une émotion intense,
tandis que la réévaluation cognitive l’est pour les émotions moins intenses). La diminution
avec l’âge de l’efficacité d’une stratégie résulte en partie de la diminution au cours du vieil-
lissement de l’efficacité de certains mécanismes clés (comme les mécanismes de contrôle
exécutif) inclus dans une stratégie, tandis qu’une stratégie plus efficacement exécutée
par les âgés peut impliquer des processus soit moins coûteux cognitivement (comme le
redéploiement attentionnel ou l’évitement de situations désagréables), soit plus coûteux
(comme la réévaluation cognitive). Il importe donc de prendre en compte l’ensemble de
ces facteurs pour comprendre comment évolue la régulation émotionnelle au cours du
vieillissement.
Il est vraisemblable que les changements au cours du vieillissement dans la régulation
émotionnelle ont de nombreuses autres conséquences sur l’évolution avec l’âge d’autres
aspects du comportement humain que le comportement émotionnel. L’impact de la
régulation émotionnelle sur l’expérience émotionnelle a davantage été étudié que sur
d’autres aspects du comportement, comme les relations sociales ou la cognition. Les
conséquences sur la cognition, et son évolution au cours du vieillissement ont, jusque-là,
fait l’objet de trop peu d’études. Pourtant, il est probable que l’évolution des effets des
émotions sur la cognition au cours du vieillissement peut être modulée par l’évolution
de la régulation émotionnelle. Il est ainsi tout à fait possible que l’amélioration avec l’âge
de la régulation émotionnelle puisse temporiser dans certaines situations ou amplifier
dans d’autres situations les effets délétères de l’âge sur la cognition. Quelques travaux
230 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

semblent suggérer que l’impact de la régulation émotionnelle sur les performances cogni-
tives pourrait différer chez les jeunes et les âgés.
Par exemple, Scheibe et Blanchard-Fields (2009) ont étudié comment la régulation
émotionnelle peut affecter les performances en mémoire de travail chez les jeunes et
les âgés. Les participants voyaient un film de 2 minutes et 10 secondes suscitant du
dégoût (c.-à-d., une femme mangeant au rectum d’un cheval pour gagner de l’argent tout
en décrivant son expérience). Juste après le film, ils recevaient une consigne de régula-
tion (soit diminuer, soit maintenir leur émotion). Puis, ils réalisaient une tâche de mise à
jour de la mémoire de travail, tâche dite de N-Back. Ils voyaient défiler des chiffres sur
un écran et devaient dire, pour chaque chiffre, s’il est le même que celui vu 2 chiffres
avant. Les performances à la tâche de mémoire de travail étaient comparées pour les
participants de ces deux groupes de régulation à un groupe contrôle qui n’avaient pas
reçu de consignes de régulation avant la tâche de mémoire de travail (voir Figure 9.8).
61,0
Régulation
59,0
Performance (scores T)

Contrôle
57,0
55,0
53,0
51,0
49,0
47,0
45,0
Jeunes Âgés
Figure 9.8
Régulation émotionnelle et cognition (d’après Scheibe & Blanchard-Fields, 2009).
Performances des jeunes et des personnes âgées à la tâche de mise à jour en condition de régulation
émotionnelle et en condition contrôle.

Les données montrent des profils différents chez les jeunes et les âgés. Chez les jeunes,
les participants obtenaient de moins bonnes performances quand ils devaient réguler
leur émotion que dans la condition contrôle. Tout se passe comme si le coût cognitif
associé à la régulation émotionnelle visant à diminuer ou à maintenir le dégoût condui-
sait les jeunes à avoir de moins bonnes performances. Chez les personnes âgées, les
participants obtenaient d’aussi bonnes performances en condition de régulation et en
condition contrôle. Ces performances comparables dans les deux conditions suggèrent
que la régulation avait un coût cognitif ou sollicitaient moins de ressources chez eux
que chez les jeunes. Cette différence liée à l’âge dans les effets de la régulation sur les
performances à la tâche de mise à jour n’est pas due à une différence d’expérience émo-
tionnelle subjective, que les auteurs ont évaluée par ailleurs. Plus vraisemblablement,
l’efficacité à moindre coût pour les âgés de la régulation émotionnelle a eu des consé-
quences moins néfastes sur leurs performances que chez les jeunes. Il reste à déterminer
si, dans une tâche où l’on observe en condition contrôle des performances cognitives
équivalentes chez les jeunes ou les âgés (ou supérieures chez les âgés), les effets de la
régulation émotionnelle sur les performances cognitives seraient les mêmes que ceux
observés par Scheibe et Blanchard-Field. En effet, les jeunes ont habituellement de
Régulation émotionnelle et psychopathologie ■ 231

meilleures performances que les personnes âgées dans une tâche de N-Back réalisée
en condition contrôle. Ils ont donc plus à perdre dans une condition où ils ont, avant,
à réaliser une tâche qui consomme une partie des ressources attentionnelles, comme
une tâche de régulation émotionnelle. Pour le savoir, il conviendrait de tester une
tâche cognitive où les jeunes et les âgés ont habituellement des performances au moins
comparables (p. ex., tâche de vocabulaire, de résolution de problèmes arithmétiques).
Dans quelles conditions la régulation émotionnelle conduit-elle les jeunes et les âgés à
améliorer ou à diminuer, dans des proportions identiques ou différentes, leurs perfor-
mances cognitives ? À l’heure actuelle, il est encore difficile de le savoir, car trop peu de
recherches ont été conduites sur cette question. Nul doute que d’importants résultats
sont à attendre des futures recherches qui étudieront cette question en examinant
comment les changements liés à l’âge dans les effets de la régulation émotionnelle sur
les performances cognitives dépendent du type de stratégies de régulation émotion-
nelle, mais aussi du type de stratégies cognitives mobilisées dans les différents tâches
et domaines qui devront être testés et des différents paramètres de la tâche (domaine
cognitif, contraintes situationnelles, types de stimulus).

3. Régulation émotionnelle
et psychopathologie
Les troubles de l’humeur sont généralement caractérisés par des affects négatifs
prolongés, et parfois par des émotions positives intenses incontrôlées. Par exemple, les
patients bipolaires oscillent entre des états mentaux de dépression et d’irritabilité ou de
joie extrême. Les patients en dépression traversent des états intenses de tristesse pro-
fonde. Certains chercheurs ont proposé que ces troubles puissent être caractérisés par
des difficultés à réparer ou réguler ces émotions (e.g., Joormann & Stanton, 2016 ; Nolen-
Hoeksema et al., 2008 ; Teasdale, 1988). Ainsi la dépression va s’accompagner d’une diffi-
culté à sortir d’états mentaux négatifs et le patient bipolaire va entrer en phase maniaque
à la suite d’une non-régulation voire une amplification d’états positifs (survenant après
une réussite ou un événement inattendu). En accord avec ce type de difficulté, les indi-
vidus souffrant de troubles anxieux rapportent davantage de difficultés à réguler leurs
émotions (e.g., Aldao & Nolen-Hoeksema, 2012a,b ; Ehring & Quack, 2010 ; McLaughlin
et al., 2007 ; Mennin et al., 2005, 2009 ; Tull & Roemer, 2007 ; Turk et al., 2005 ; Weiss
et al., 2012). Par ailleurs, Aldao et ses collaborateurs (2010 ; Aldao & Nolen-Hoecksema,
2012 a, b) ont montré qu’une utilisation inappropriée (p.  ex., utilisation fréquente du
déni, du désengagement, de la suppression expressive et de la rumination) des stratégies
de régulation émotionnelle prédisait un niveau plus élevé de symptômes psychopatho-
logiques (p. ex., dépression, anxiété, abus d’alcool). Ainsi encore, une plus grande utili-
sation de la réévaluation cognitive est associée à un syndrome post-traumatique moins
sévère et à une affectivité davantage positive (e.g., Boden, Bonn-Miller, et al., 2012 ; Weiss
et al., 2012), et une capacité à utiliser certaines stratégies de régulation émotionnelle
(p. ex., réévaluation cognitive, acceptation) de manière adaptée au contexte et à la situa-
tion est souvent associée à peu ou pas de troubles graves de l’humeur (e.g., Aldao et al.,
232 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

2010 ; Moore et al., 2008). Dans cette section, nous discutons quelques exemples d’études
ayant mis en évidence des différences importantes entre des participants contrôles et
des patients souffrant de différents troubles de l’humeur dans l’utilisation et l’exécution
des stratégies de régulation émotionnelles.

3.1. Psychopathologie et utilisation des stratégies


de régulation émotionnelle
Certaines pathologies semblent ne pas s’accompagner de différence dans l’utilisation
des stratégies de régulation, tandis que d’autres sont caractérisées par des différences
importantes (voir méta-analyses et revues de Aldao et al., 2010 ; Aldao & Nolen-Hoeksema,
2010, 2012 ; Campbell-Sills et al., 2014 ; Compare et al., 2014 ; Joormann & Siemer, 2014 ;
Kober, 2014). Par exemple, Fancourt et Ali (2019) n’ont pas observé de grandes diffé-
rences dans l’utilisation des stratégies de régulation chez des patients en dépression et
des participants contrôles. Les auteurs ont demandé à 11 248 individus en dépression
et 11 248 individus contrôles qui ont l’habitude de participer à des activités artistiques
créatives de remplir une échelle d’autoévaluation d’utilisation des stratégies de régu-
lation émotionnelle pour les activités artistiques créatives. Dans ce questionnaire, les
participants devaient évaluer sur une échelle de 1 (utilise peu) à 5 (utilise très souvent)
l’utilisation de certaines stratégies de régulation émotionnelle caractérisée par l’évitement
(p. ex., distraction, suppression), l’approche (p. ex., résolution du problème, réévaluation
cognitive) ou le développement personnel (p. ex., augmentation de l’estime de soi, attitude
proactive). Les différences observées entre les groupes (Figure 9.9) étaient relativement
faibles, même si les participants en dépression disaient avoir tendance à moins utiliser des
stratégies de régulation fondées sur le développement personnel.

Dépression Contrôle
4

3,5
Niveau d’utilisation

2,5

2
Évitement Approche Développement personnel
Figure 9.9
Dépression et utilisation des stratégies de régulation émotionnelle. Autoévaluation des stratégies
de régulation par des individus en dépression et contrôles (données d'après Fancourt & Ali, 2019).
Les deux groupes différaient assez peu, même si les participants en dépression disaient avoir tendance
à moins utiliser des stratégies de régulation fondées sur le développement personnel.
Régulation émotionnelle et psychopathologie ■ 233

Certaines pathologies se distinguent par une distribution différente dans l’utilisation


des stratégies de régulation, en étant associées à une utilisation plus fréquente des
stratégies de régulation les moins efficaces et à une utilisation moins fréquente des stra-
tégies les plus efficaces (e.g.,Amstadter, 2008 ; Baker et al., 2004 ; Ball et al., 2013 ;
Campbell-Sills et al., 2014 ; Carl et al., 2013 ; D’Avanzato et al., 2013 ; Dodd et al., 2019 ;
Everaert & Joormann, 2019 ; Kober, 2014 ; Levitt et al., 2004). Par exemple, D’Avanzato
et ses collaborateurs (2013) ont comparé les taux d’utilisation de différentes stratégies
chez des participants contrôles et chez des patients souffrant soit de dépression, soit
d’anxiété sociale. L’utilisation des stratégies de suppression et de réévaluation cognitive
a été sondée par l’ERQ de Gross et John (2003), et la stratégie de rumination consistant
à ressasser sans cesse un contenu émotionnellement négatif évaluée par l’échelle des
réponses ruminatives (ou Ruminative Response Scale, RRS ; Nolen-Hoeksema & Morrow,
1991). Les auteurs ont observé (Figure 9.10) que les patients déprimés avaient tendance
à utiliser plus la rumination et la suppression que les participants contrôles ou les
patients souffrant d’anxiété sociale, et moins la stratégie de réévaluation cognitive.
Les patients souffrant d’anxiété sociale utilisaient plus la réévaluation cognitive que les
patients en dépression, mais moins que les participants contrôles, plus la rumination
que les participants contrôles et moins que les patients en dépression. Ils utilisaient plus
la suppression que les patients en dépression ou les participants contrôles (voir Saleem
et al., 2019, pour des résultats similaires, auprès d’étudiants en médecine).

35 3
Suppression
30 Réévaluation cognitive 2,5

2
25
Utilisation

1,5
20
1

15
0,5

10 0
Contrôle Dépression Anxiété Sociale Contrôle Dépression Anxiété
sociale
Figure 9.10
Stratégies, dépression et anxiété sociale (d’après D’Avanzato et al., 2013).
Utilisation des stratégies de suppression, réévaluation cognitive et rumination chez des participants
contrôles et des patients souffrant de dépression ou d’anxiété sociale. Les données font apparaître
des profils d’utilisation stratégique différents dans les trois groupes (p. ex., les patients en dépression
utilisent davantage la rumination et moins la réévaluation cognitive ; les patients souffrant
d’anxiété sociale utilisent davantage la suppression).

Par exemple encore, Ball et ses collaborateurs (2013) ont comparé des participants
contrôles et des patients souffrant de troubles de l’anxiété (attaque de panique ou
anxiété généralisée). Les auteurs ont évalué l’utilisation des stratégies de suppression
et de réévaluation cognitive, avec l’ERQ de Gross et John (2003). Les trois groupes
234 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

de participants déclaraient utiliser moins souvent la suppression que la stratégie de


réévaluation cognitive dans leur vie quotidienne. Les patients utilisaient davantage la
suppression que les participants contrôles. De plus, les patients souffrant de troubles
anxieux généralisés utilisaient moins fréquemment la réévaluation cognitive que les
participants contrôles ou les patients souffrant d’attaques de panique.

35
Suppression Réévaluation cognitive
30

25
Utilisation

20

15

10

0
Troubles paniques Troubles anxieux généralisés Contrôle

Figure 9.11
Stratégies de régulation chez des participants contrôles et des patients souffrant de troubles
anxieux (Ball et al., 2013).
Les patients utilisaient la suppression plus souvent que les contrôles, et les patients souffrant de troubles
anxieux généralisés utilisaient la réévaluation cognitive moins souvent que les deux autres groupes.

Un dernier exemple concerne les troubles bipolaires, caractérisés par des oscillations
entre états dépressifs et maniaques relativement intenses. Johnson, McKenzie et
McMurrie (2008) ont comparé deux groupes de participants (participants bipolaires,
dépressifs) et des participants contrôles. Les participants remplissaient deux question-
naires, l’échelle des réponses ruminatives (de Nolen-Hoeksema & Morrow, 1991), et le
questionnaire de réponse aux affects positifs (Response to Positive Affect Questionnaire,
Feldman et al., 2008). L’intérêt d’avoir fait passer à chaque personne ces deux ques-
tionnaires est qu’ils permettent d’évaluer la rumination de contenus émotionnels néga-
tifs et positifs, séparément. Les réponses à ces questionnaires ont fait apparaître que,
comparés aux participants contrôles, les patients bipolaires et souffrant de dépression
utilisaient plus fréquemment la rumination sur du contenu émotionnel tant positif que
négatif. Par ailleurs, les patients souffrant de dépression ruminaient moins souvent les
contenus négatifs (et pratiquement autant les contenus positifs) que les participants
bipolaires. Cette rumination plus élevée chez les participants bipolaires a été retrouvée
de nombreuses fois (e.g., Alloy et al., 2009 ; Feldman et al., 2008 ; Green et al., 2011 ;
Gruber et al., 2011, 2012 ; Johnson et al., 2008 ; Thomas et al., 2007).
En résumé, ces exemples d’études conduites chez des patients en dépression, d’anxiété
sociale ou généralisée ou bipolaire font apparaître que, selon leurs troubles, les patients
ne vont pas mobiliser les différentes stratégies de régulation émotionnelle dans des
proportions comparables. Il est donc important pour comprendre les difficultés à
réguler leurs émotions de bien déterminer quelles sont les stratégies mises en œuvre
Régulation émotionnelle et psychopathologie ■ 235

par ces patients et dans quelles proportions ils les utilisent dans leur vie quotidienne.
Plusieurs études suggèrent en effet qu’une modification des stratégies de régulation
émotionnelle peut aider à diminuer certains symptômes dont souffrent les patients.
Outre des différences au niveau de l’utilisation des stratégies, ces patients n’exécutent
pas non plus les stratégies de façon aussi efficaces que les contrôles, y compris celles
qu’ils utilisent plus spontanément.

20
Contrôle

15 Bipolaire

Dépression
Utilisation

10

0
Ruminations positives Ruminations négatives

Figure 9.12
Troubles bipolaires, dépression et rumination (d’après Johnson et al., 2008).
Niveau de rumination sur des contenus positifs ou négatifs chez des participants contrôles,
bipolaires ou souffrant de dépression. Comparés aux participants contrôles, les patients bipolaires
et souffrant de dépression utilisaient plus fréquemment la rumination sur du contenu émotionnel
tant positif que négatif. De plus, les patients souffrant de dépression ruminaient moins souvent
les contenus négatifs (et pratiquement autant les contenus positifs) que les participants bipolaires.

3.2. Psychopathologie et exécution des stratégies


de régulation émotionnelle
Outre des différences au niveau de l’utilisation des stratégies, les patients n’exé-
cutent pas non plus les stratégies de façon aussi efficaces que les contrôles, y compris
celles qu’ils utilisent plus spontanément. Par exemple, Joorman, Siemer et Gotlib
(2007) ont comparé l’exécution de deux stratégies chez des participants contrôles, des
participants souffrant de dépression et des participants ayant déjà souffert de dépres-
sion, mais étant remis. Les participants voyaient un extrait de 10  minutes du film
Le Cercle des poètes disparus montrant le suicide d’un étudiant. Après avoir vu l’extrait
de film, les participants avaient une tâche cognitive distractrice (c.-à-d., ils voyaient des
mots et devaient trouver deux mots à partir des lettres contenues dans chaque mot) ou
une tâche de rappel autobiographique (c.-à-d., ils devaient décrire un événement positif
vécu pendant leurs années de lycée et qui les avait rendu heureux). Les participants
évaluaient à l’aide d’un questionnaire leur état émotionnel avant et après la tâche
distractrice ou la tâche de rappel autobiographique. Les données ont fait apparaître
que l’état émotionnel négatif (a)  diminuait chez les participants contrôles aussi bien
après la tâche distractrice qu’après la tâche de rappel autobiographique, (b) diminuait
236 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

chez les participants remis d’une dépression après la tâche distractrice mais restait
inchangé après la tâche de rappel autobiographique, et (c) diminuait chez les partici-
pants souffrant de dépression après la tâche distractrice, mais augmentait après le
rappel autobiographique d’un souvenir positif. En d’autres termes, l’exécution de la
stratégie de distraction entraînait une diminution de l’humeur négative dans les trois
groupes (même si de manière moins importante chez les patients déprimés). Par contre,
la stratégie de rappel autobiographique n’avait pas le même effet dans les trois groupes
de participants : elle diminuait l’humeur négative chez les participants contrôles, ne la
changeait pas chez les déprimés remis et l’augmentait chez les déprimés.
6
Avant
5
État émotionnel négatif

Après

0
Contrôle Dépression remis Dépression Contrôle Dépression remis Dépression
Tâche distractrice Rappel d’un souvenir heureux

Figure 9.13
Exécution stratégique et dépression (d’après Joorman et al., 2007).
Évolution de l’humeur négative provoquée par une scène triste après avoir mis en œuvre soit
une stratégie de distraction, soit une stratégie de rappel d’un souvenir positif. L’exécution de
la stratégie de distraction entraînait une diminution de l’humeur négative dans les trois groupes
(même si de manière moins importante chez les patients déprimés). Par contre, la stratégie de rappel
autobiographique n’avait pas le même effet dans les trois groupes de participants : elle diminuait
l’humeur négative chez les participants contrôles, ne la changeait pas chez les déprimés remis
et l’augmentait chez les déprimés.

Ehring et ses collaborateurs (2010) ont évalué l’exécution stratégique chez des par-
ticipants contrôles (c.-à-d., n’ayant jamais eu de dépression) et chez des participants
qui avaient connu un ou plusieurs épisodes dépressifs, mais qui étaient remis. Les
participants voyaient des extraits de films connus pour induire des émotions tristes.
Ils étaient divisés en deux groupes. Les participants devaient regarder l’extrait de film
en exécutant la stratégie de suppression expressive (c.-à-d., ils ne devaient rien laisser
paraître des émotions ressenties) dans le premier groupe, ou en mettant en œuvre la
stratégie de réévaluation cognitive (c.-à-d., ils devaient adopter l’attitude la plus neutre
en s’imaginant être le réalisateur qui regarde les aspects techniques du film). L’état
émotionnel des participants était évalué à différents moments de l’expérience. Le
niveau des émotions négatives (avant le film, juste après le film, et deux minutes après
le film) pour les deux groupes apparaît à la Figure 9.14. L’efficacité des deux stratégies
de régulation différait dans les deux groupes. Dans le groupe contrôle, lorsqu’ils exé-
cutaient la stratégie de suppression, l’augmentation de l’émotion négative entre avant
et juste après le film était plus forte lorsqu’ils exécutaient la suppression comparée à
Régulation émotionnelle et psychopathologie ■ 237

la réévaluation. Ainsi, la réévaluation semblait mieux neutraliser l’émotion négative


déclenchée par le film que la suppression. Il en était de même dans le groupe des parti-
cipants qui s’étaient remis d’une dépression. Par ailleurs, pour le groupe contrôle, deux
minutes après avoir vu le film, l’émotion négative avait diminué aussi bien chez ceux
qui avaient exécuté la stratégie de suppression que chez ceux qui devaient utiliser
la réévaluation cognitive. En revanche, chez les participants remis d’une dépression,
la suppression n’a pas permis de désactiver l’émotion négative aussi efficacement que
la réévaluation cognitive, car le niveau d’émotion négative de ces participants était
encore aussi élevé deux minutes après le film que juste immédiatement après le film.

16
Suppression
15
Réévaluation cognitive
Émotion négative

14

13

12

11

10
Avant Juste après 2 mn après Avant Juste après 2 mn après
Contrôle Dépression

Figure 9.14
Exécution des stratégies de régulation et dépression (d’après Ehring et al., 2010).
Niveau d’émotion négative chez les participants ayant connu une dépression et chez des contrôles,
après avoir exécuté une stratégie de suppression expressive ou de réévaluation cognitive pendant un
film triste. La stratégie de suppression émotionnelle ne permettait pas à l’émotion négative de diminuer
ni juste après avoir vu le film ni deux minutes après, chez les patients ayant connu une dépression,
à la différence des participants contrôles. La stratégie de réévaluation était aussi efficace
dans les deux groupes.

Dernier exemple, Campbell-Sills et ses collaborateurs (2006) ont montré à des patients
souffrant de différents troubles de l’humeur (anxiété, phobie, dépression, troubles
obsessionnels compulsifs) un extrait de 4  minutes et demi du film Voyage au bout
de l’enfer, film connu pour déclencher des émotions négatives comme l’anxiété ou la
peur. Avant de voir le film, les participants étaient répartis dans deux groupes. Les
participants étaient fortement encouragés à neutraliser et contrôler leurs réactions
émotionnelles dans un groupe (groupe dit « suppression ») et à se laisser aller aux
émotions déclenchées par le film dans l’autre groupe (groupe dit « acceptation »). Juste
avant le film, à la fin du film, et deux minutes après la fin du film, les auteurs recueil-
laient une évaluation subjective de l’humeur négative des participants (PANAS), ainsi
que plusieurs indicateurs physiologiques (volume et vitesse respiratoires, vitesse des
battements cardiaques et conduction cutanée). Les données (Figure 9.15) font apparaître
que l’extrait du film induisait bien des émotions négatives chez les deux groupes de
participants. Elles montrent également que les profils subjectifs et physiologiques des
238 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

(a) 0,14
Acceptation Suppression

Arythmie sinusale respiratoire


0,12

0,1

0,08
(en s)
0,06

0,04

0,02

0
Avant le film Fin du film Après la fin du film

10

8
PANAS-Négatif

(b) 6

0
Avant le film Fin du film Après la fin du film

12

(c) 11,5
Conduction cutanée

11

10,5

10
Avant le film Fin du film Après la fin du film

80
(d)
70
Rythme cardiaque

60

50

40

30
Avant le film Fin du film Après la fin du film
Figure 9.15
Régulation émotionnelle et troubles de l’humeur (Campbell-Sills et al., 2006).
(a) Humeur négative subjective (PANAS), (b) volume et vitesse respiratoires, (c) conduction cutanée
et (d) rythme cardiaque chez des patients présentant des troubles de l’humeur qui devaient soit
accepter soit supprimer les émotions déclenchées par un film. Les patients du groupe suppression
ressentaient une émotion négative moins importante et avaient un rythme cardiaque plus élevé
que les patients devant accepter leurs émotions à la fin du film, mais plus importante les deux
minutes après la fin du film. La respiration de ces patients continuait d’être gênée après le film,
et la conduction cutanée restait plus élevée.
Conclusions ■ 239

deux groupes de participants différaient à la fin du film et deux minutes après la fin du
film. En particulier, les patients ayant reçu la consigne de suppression ressentaient une
émotion négative moins importante et avaient un rythme cardiaque plus élevé que les
patients devant accepter leurs émotions à la fin du film, mais plus importante pendant
deux minutes après la fin du film. La respiration de ces patients continuait d’être gênée
après le film, et la conduction cutanée restait plus élevée. En d’autres termes, le retour
au niveau de base après le film était plus difficile pour les patients qui avaient utilisé la
suppression que pour les patients ayant accepté leurs émotions. Notons que ces patients
avaient un rythme cardiaque plus élevé pendant qu’ils visionnaient l’extrait de film.
En résumé, les données sur l’exécution stratégique, obtenues en imposant aux parti-
cipants de mettre en œuvre une stratégie de régulation prédéterminée, ont fait appa-
raître que, selon la psychopathologie, les patients n’exécutent pas aussi efficacement
que les contrôles les différentes stratégies qu’on leur demande d’utiliser. Cela signifie
qu’outre la difficulté à utiliser spontanément la stratégie la plus efficace selon le
contexte, une moins bonne exécution stratégique contribue à une régulation émotion-
nelle moins efficace chez les patients. Les études n’ont pas cherché à déterminer si les
difficultés des patients à exécuter les différentes stratégies expliquent l’utilisation que
font les patients de ces stratégies de régulation émotionnelle. Il se pourrait ainsi que,
pour certaines catégories de patients, leur difficulté à exécuter une stratégie de rééva-
luation cognitive, par exemple, soit l’un facteurs qui conduisent ces patients à moins
l’utiliser. Cette difficulté pourrait aussi contribuer à une sélection moins adaptée aux
différents contextes des stratégies. Des études à venir pourront chercher à répondre à
ce type de question pour mieux comprendre comment la psychopathologie peut affec-
ter la régulation émotionnelle.

Conclusions
Les psychologues qui travaillent sur la régulation émotionnelle cherchent à
comprendre quand et comment nous modulons nos émotions, pour les neutraliser, les
amplifier, les diminuer, ou les maintenir. En d’autres termes, ils cherchent, au niveau
empirique, à identifier les facteurs qui déclenchent ces modulations et, sur le plan
théorique, les mécanismes responsables de ces modulations. Les travaux empiriques
ont permis d’identifier un certain nombre de paramètres cruciaux. La connaissance
des conditions et mécanismes de régulation émotionnelle débouche sur une meilleure
compréhension des conditions nécessaires et suffisantes dans lesquelles, ainsi que des
mécanismes par lesquels, nous pouvons réguler nos émotions plus ou moins efficace-
ment. Ces travaux ont également permis de découvrir que la régulation émotionnelle
varie d’un individu à l’autre, évolue au cours du vieillissement, et diffère chez les parti-
cipants contrôles et les patients atteints de différents troubles. Les capacités cognitives
et les biais dans la sélection et l’exécution des stratégies de régulation induits par la
psychopathologie et les traits de personnalité affectent nos capacités de régulation émo-
tionnelle. Les arguments empiriques issus de l’étude des différences individuelles et de
la psychopathologie renforcent l’hypothèse qu’un même individu ou des individus diffé-
rents, à capacités cognitives et à sensibilité émotionnelle équivalentes, peuvent grande-
240 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

ment différer dans la régulation, de donc l’expérience, émotionnelle. Les données sur le
vieillissement permettent, quant à eux, notamment de comprendre comment, avec l’âge,
l’évolution du bien-être émotionnel et des liens émotion/cognition, peuvent s’appuyer
sur l’évolution des mécanismes de régulation émotionnelle.
La régulation émotionnelle est fortement influencée par les caractéristiques des indivi-
dus, comme le sexe, la culture, l’affectivité, ou bien encore la personnalité. Nous avons
vu que, selon les cultures et selon nos conceptions des émotions, nous régulons nos
émotions de manière différentes. Ainsi, la stratégie de suppression expressive peut
parfois être moins utilisée par les hommes que par les femmes, moins par des individus
qui réfléchissent peu sur eux-mêmes et leur vie émotionnelle, et plus par les membres
des cultures mettant l’accent sur la cohésion du groupe, comme en Asie, que par les
membres de pays mettant en avant l’indépendance, comme en Europe ou Amérique
du Nord (Matsumoto et al., 2008) (e.g., Haga et al., 1999 ; Matsumoto et al., 2008). Par
ailleurs, la réévaluation cognitive est davantage mise en œuvre par les individus qui
ont des croyances implicites sur les émotions selon lesquelles nous pouvons modifier
nos émotions que par les individus qui pensent que les émotions sont peu malléables
(e.g., Kneeland et al., 2016 ; Tamir et al., 2007).
La régulation émotionnelle évolue avec le vieillissement. Ainsi, nous avons vu que les
personnes âgées utilisaient moins fréquemment la stratégie de distraction que les jeunes
sur des images déclenchant des émotions positives de forte intensité, alors que les deux
groupes mobilisaient les mêmes mécanismes et calibraient de manière comparable le
type de stratégie en fonction de l’intensité de leurs émotions pour réguler des émo-
tions positives de faible intensité ou des émotions négatives (Livingstone & Isaacowitz,
2019 ; Martins et al., 2018) (e.g., Livingstone & Isaacowitz, 2019 ; Martins et al., 2018).
Par ailleurs, avec l’âge, nous parvenons à exécuter plus efficacement la réévaluation
cognitive positive, mais moins bien la suppression expressive ou la réévaluation cogni-
tive par détachement (e.g., Lohani & Isaacowitz, 2014 ; Shiota & Levenson, 2009).
Enfin, selon les troubles dont ils souffrent, les patients diffèrent dans le type de
mécanisme de régulation émotionnelle qu’ils mobilisent spontanément et lorsqu’ils
exécutent les stratégies de régulation. Ainsi, nous avons vu que les patients déprimés
et bipolaires avaient tendance à utiliser plus la rumination et la suppression que les
participants contrôles ou les patients souffrant d’anxiété sociale, et moins la stratégie
de réévaluation cognitive. Les patients souffrant d’anxiété sociale utilisaient plus la
réévaluation cognitive que les patients en dépression, mais moins que les participants
contrôles, plus la rumination que les participants contrôles et moins que les patients
en dépression (e.g., Ball et al., 2013, p. 201 ; D’Avanzato et al., 2013). Les données ont
également fait apparaître que, lorsqu’ils utilisent une stratégie, les patients déprimés
sont moins efficaces à dissiper leurs états émotionnels négatifs avec cette stratégie (e.g.,
Ehring et al., 2010 ; Joormann et al., 2007), et ceci s’observe tant au niveau de l’expé-
rience subjective qu’au niveau d’indicateurs physiologiques objectifs (e.g., Campbell-
Sills et al., 2006).
Les données générales sur la régulation émotionnelle, sur les différences individuelles,
ainsi que sur la modification de la régulation avec l’âge et par la psychopathologie
convergent pour conclure que, chez tous les participants, quel que soit leur âge et leur
statut cognitif, la régulation émotionnelle dépend de paramètres généraux, comme la
Testez vos connaissances ■ 241

valence et l’intensité des émotions à réguler, l’objectif du participant, le type de situa-


tions ou du contexte dans lesquels mettre en œuvre cette régulation, ou bien encore
de la capacité des individus à exécuter avec plus ou moins de difficulté les différentes
stratégies de régulation.
Les recherches à venir pourront préciser et détailler les facteurs qui affectent la régu-
lation émotionnelle, ainsi que les mécanismes en jeu. Nul doute qu’au niveau appliqué
les progrès de nos connaissances fondamentales seront utiles non seulement pour aider
l’individu tout-venant d’âge et de caractéristiques personnelles variables à mieux gérer
ses émotions et leurs impacts sur les différentes dimensions psychologiques (sociales,
cognitives, affectives). Elles seront également utiles aux cliniciens travaillant auprès des
patients chez lesquels un soutien à la régulation émotionnelle et une aide à la mise en
place d’une sélection adaptée de la bonne stratégie de régulation selon le contexte et une
exécution efficace de cette stratégie contribueront à un meilleur équilibre émotionnel.

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir

1. Existe-t-il des différences culturelles dans l’utilisation des stratégies de régu-


lation émotionnelles ? Si oui, comment s’expriment-elles ?
2. Les théories dites malléables et fixes sont-elles associées à une utilisation
différente des stratégies de régulation émotionnelle ? Si oui, comment cela
se manifeste-t-il ? Décrivez une des recherches et son résultat principal qui a
essayé de répondre à cette question.
3. Comment Lohani et Isaacowitz (2014) s’y sont-ils pris pour étudier l’évolu-
tion de l’exécution des stratégies de régulation émotionnelle en fonction de
l’âge ? Quels sont leurs résultats principaux ?
4. Citez au moins trois facteurs qui affectent l’évolution avec l’âge de l’utilisa-
tion et de l’exécution des stratégies de régulation émotionnelle ?
5. Pourquoi, à votre avis, comme le semblent suggérer les résultats de l’étude
de Scheibe et Blanchard-Fields (2009) la régulation émotionnelle a-t-elle
conduit les jeunes à diminuer leurs performances dans une tâche de mémoire
de travail tandis que cela n’a pas affecté les âgés ?
242 ■ CHAPITRE 9 – La régulation émotionnelle…

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF9

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM9

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC9
CHAPITRE 10

Conclusions
et perspectives
Ce chapitre résume les effets les plus importants des émotions sur la cognition
pour chacune des fonctions cognitives abordées dans les chapitres précédents,
ainsi que les mécanismes responsables de ces effets. Il récapitule comment
mieux étudier le rôle des émotions sur la cognition, d’un point de vue tant
méthodologique et que conceptuel. Il reprend les grandes questions concer-
nant le rôle des émotions sur la cognition, et y apportent les éléments de
réponses à la lumière des recherches présentées dans ce livre. Enfin, le cha-
pitre aborde des questions non abordées dans les chapitres précédents (p. ex.,
le rôle des émotions sur les domaines cognitifs spécifiques comme l’estimation
du temps et de la numérosité ou le langage, les bases physiologiques des
effets des émotions sur la cognition) ainsi que des perspectives de recherche.

SOMMAIRE

1. Comment étudier les effets des émotions sur la cognition ? . . . . . . . . 245


2. Quand et comment nos émotions affectent-elles la cognition ? . . . . 249
3. Effets des émotions dans certains domaines spécifiques . . . . . . . . . . . 252
4. Bases cérébrales des effets des émotions sur la cognition . . . . . . . . . . 258
5. À la recherche des mécanismes responsables des liens
émotion/cognition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261
244 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

Les recherches sur le rôle des émotions dans la cognition poursuivent deux objectifs : (a)
déterminer si les émotions affectent nos performances cognitives et, si oui, dans quelles
conditions, (b) comprendre les mécanismes responsables de ces effets. Étudier le rôle des
émotions dans la cognition comporte de nombreux intérêts tant pour le psychologue
qui veut connaître les mécanismes mentaux que pour le praticien de la psychologie. En
effet, sur le plan fondamental, les études permettent notamment de mieux appréhender
les déterminants des performances cognitives et de tester des modèles théoriques d’une
activité cognitive. Elles apportent des confirmations empiriques convergentes validant
ou falsifiant des hypothèses théoriques et donnent lieu à des hypothèses nouvelles
sur le fonctionnement cognitif. Sur le plan pratique, les résultats peuvent contribuer
à orienter l’action pédagogique et aider à améliorer les apprentissages scolaires, à for-
muler un diagnostic plus juste des capacités cognitives d’une personne âgée et mettre
au point des programmes d’optimisation cognitive auprès de différentes populations,
mais également à aider le psychologue clinicien dans ses tâches de diagnostic et d’aide
thérapeutique.
Pour connaître le fonctionnement cognitif, mais aussi le fonctionnement émotionnel, il
est utile de ne pas considérer les émotions et la cognition comme deux fonctions psy-
chologiques prises en charge par deux systèmes distincts et séparés, qui n’interagissent
pas et qui ne s’influencent pas l’un l’autre. Au contraire. Même si les deux fonctions
peuvent être influencées par des facteurs différents et mobiliser des processus spéci-
fiques, elles interagissent fortement. C’est ce que montrent les recherches sur les liens
entre émotions et cognition présentées tout au long de cet ouvrage.
Ces recherches partent de ce que l’on sait à la fois sur la cognition (p. ex., quels sont les
mécanismes de la pensée ?) et sur les émotions (p. ex., quelles sont les causes et les fonc-
tions des émotions ?). En effet, implicitement ou explicitement, l’effet des émotions sur
les performances cognitives des individus dans un domaine est d’autant mieux compris
que nous savons quels sont les facteurs non émotionnels qui affectent les performances
de ces individus et par quels mécanismes les individus réalisent les tâches dans ce
domaine. Au-delà de savoir si les émotions améliorent ou dégradent les performances
cognitives, il s’agit de savoir sur quel(s) mécanisme(s), dans la chaîne des opérations
mentales qu’un individu doit mobiliser pour réussir une tâche cognitive, les émotions
ont un impact. Il s’agit également de connaître les processus spécifiques par lesquels
les émotions modifient la mise en œuvre des mécanismes grâce auxquels un individu
accomplit une tâche.
Par ailleurs, le chercheur ne perd jamais de vue les grandes fonctions déjà connues des
émotions. Ainsi, les émotions, causées par la manière dont les individus perçoivent
l’écart entre les buts (états souhaités) qu’ils cherchent à atteindre et leur état actuel,
modulent l’intensité des efforts déployés pour se rapprocher des buts poursuivis.
Tel est le cas, par exemple, lorsque les émotions négatives entraînent un individu à
redoubler d’efforts ou lorsque les émotions positives l’amènent à réduire ses efforts
(e.g., Carver  &  Scheier, 1990, 1998). Ainsi encore, les émotions préparent à et/ou
entraînent l’action (e.g., Frijda, 1986, 2007, 2010 ; Frijda et al., 2014 ; Ridderinkhof,
2017). Ainsi enfin, les émotions nous informent rapidement et en permanence sur
la réussite ou l’échec de nos comportements dans une situation donnée. En d’autres
termes, elles constituent des informations accumulées dans le passé pour guider et
Comment étudier les effets des émotions sur la cognition ? ■ 245

réguler nos comportements présents ou futurs (e.g., Baumeister et al., 2007 ; DeWall
et al., 2016).
Dans ce contexte, lorsqu’ils étudient le rôle des émotions sur la cognition, en se deman-
dant dans quelles conditions les émotions influencent ou pas les performances cogni-
tives et quels sont les mécanismes responsables de cette influence, les psychologues
sont amenés à devoir répondre à plusieurs questions générales. Ainsi, pour ne prendre
que quelques exemples :
• Existe-t-il des domaines cognitifs plus affectés que d’autres par les émotions ?
• Les émotions influencent-elles plus les tâches cognitives complexes ?
• Existe-t-il des effets transversaux des émotions sur la cognition (c.-à-d., qui sont
retrouvés dans tous les domaines cognitifs) et des effets spécifiques (c.-à-d.,
propre à chaque domaine, voire à chaque tâche) ?
• L’influence des émotions sur la cognition résulte-t-il de mécanismes cognitifs
(p. ex., inhibition) et émotionnels (p. ex., régulation) généraux ou spécifiques (c.-à-
d., les effets des émotions sur l’attention ne résultent pas des mêmes mécanismes
que ceux sur la mémoire, et au sein de la mémoire, ceux sur la mémoire décla-
rative résultent de mécanismes différents de ceux sur la mémoire procédurale) ?
• Quelles sont les caractéristiques des tâches cognitives dans lesquelles les effets
bénéfiques ou délétères des émotions sont les plus importants ?
• L’effet des émotions est-il universel (c.-à-d., présent chez tout le monde, quelle
que soit la culture) ou interagit-il avec différentes caractéristiques (p. ex., cultu-
relles, individuelles, pathologiques) ?
• Quelle est la meilleure approche méthodologique pour comprendre le rôle des
émotions dans la cognition ?
Dans ce dernier chapitre, en faisant le bilan de ce que nous savons et ignorons relati-
vement au rôle des émotions sur la cognition, nous résumons les éléments de réponse
déjà disponibles à ces questions. Nous discutons d’abord les aspects méthodologiques,
avant de récapituler ce qui peut être considéré comme établi sur les effets des émotions
sur nos performances cognitives. Nous terminons par les perspectives des recherches
futures, en particulier l’étude des liens émotion/cognition dans des domaines spéci-
fiques, des bases cérébrales associées aux effets des émotions sur la cognition, et des
mécanismes responsables de ces effets.

1. Comment étudier les effets des émotions


sur la cognition ?
Comme pour tous les phénomènes qu’il étudie, le psychologue cherche toujours à
utiliser la méthode la plus appropriée. Cette méthode est celle qui permet de recueil-
lir des données fiables (c.-à-d., elles sont reproductibles d’une étude à l’autre), valides
(c.-à-d., elles mesurent ce qu’elles sont censées mesurer) et sensibles (c.-à-d., elles
246 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

révèlent les différences qui existent réellement dans la nature). Dans ce contexte, les
psychologues testent les effets des émotions sur la cognition soit en manipulant la
valence émotionnelle des stimulus à traiter, soit en induisant des états émotionnels
chez le participant. Ainsi, les participants peuvent être amenés à réaliser différentes
tâches testant l’attention, la mémoire, le jugement, le raisonnement ou bien encore la
prise de décision sur des informations à valence émotionnelle négative, positive ou
neutre. Les performances des participants sont alors comparées lorsqu’ils traitent
des informations émotionnelles et neutres. Par ailleurs, les participants peuvent être
amenés à accomplir ces mêmes tâches cognitives après qu’ait été déclenchée en eux
(par un film, une image, un récit, une musique, ou le rappel de souvenirs personnels
émotionnels) une émotion positive, négative ou neutre. L’effet des émotions est alors
étudié en comparant les performances des participants à la même tâche réalisée sur les
mêmes items dans des états émotionnels différents. Dans les deux cas, outre les effets
simples de la valence émotionnelle des stimulus ou de l’état émotionnel du participant
sur les différents indicateurs du fonctionnement cognitif (p.  ex., temps de réponse),
les psychologues se demandent si ces effets interagissent avec d’autres facteurs. Par
exemple, ils détermineront si les performances à une tâche de rappel libre versus
une tâche de reconnaissance diffèrent selon l’état émotionnel du participant pour des
paires de mots concrets ou abstraits. Ceci permet d’étudier à quel(s) niveau(x) l’effet
des émotions intervient dans la chaîne des processus mentaux mobilisés pour accom-
plir une tâche cognitive.
L’utilisation de deux grandes approches (c.-à-d., manipulation de la valence émotion-
nelle des stimulus versus induction d’un état émotionnel chez les participants) conduit
à se demander si ces deux approches sont comparables pour comprendre comment les
émotions affectent la cognition. Par exemple, est-il légitime de supposer que la valence
émotionnelle d’un stimulus a pour effet d’induire chez le participant un état émotionnel
correspondant (c.-à-d., un stimulus à valence émotionnelle négative induit-il un état
émotionnel négatif chez le participant ?) au même titre que l’état émotionnel déclenché
par une procédure d’induction ? De la même manière, l’état émotionnel induit chez le
participant conduit-il celui-ci à traiter une information neutre de la même manière que
s’il traitait une information émotionnelle de même valence que celle de l’état induit ?
Ou bien, l’effet des émotions sur les performances cognitives ne résulte pas du même
type de mécanisme dans les deux cas ? Sur le plan empirique, les travaux ont fait appa-
raître que les effets sont parfois similaires avec les deux approches, parfois différentes.
Les mêmes effets pourraient résulter des mêmes mécanismes ou de mécanismes dif-
férents (ou des mêmes mécanismes exécutés différemment). De la même manière, des
effets différents pourraient résulter de mécanismes similaires.
Prenons deux exemples, un où les effets sont similaires et un où ils diffèrent. Nous
avons vu au chapitre 2, sur l’attention, que l’impact des émotions sur les effets Stroop
pouvait être remarquablement similaire lorsque cet impact a été étudié en manipulant
la valence émotionnelle des stimulus et l’état émotionnel du participant. Ainsi, les
individus mettent plus de temps pour indiquer la couleur de l’encre d’un mot lorsque
ce mot est un mot émotionnel que lorsque c’est un mot neutre (e.g., Dresler et al.,
2009 ; Quan et al., 2020). Ainsi encore, dans une tâche où les participants devaient
indiquer le nombre de chiffres présentés à l’écran et inhiber le nom du chiffre, Hart et
Comment étudier les effets des émotions sur la cognition ? ■ 247

ses collaborateurs (2010) ont observé que l’effet Stroop était plus important lorsque
les participants voyaient, avant les chiffres, une image émotionnelle qu’après une
image neutre. Même si, dans les deux cas, les effets d’interférence augmentent avec
des stimulus émotionnels et après avoir déclenché une émotion chez le participant, il
n’est pas sûr que cette augmentation résulte des mêmes mécanismes. Ainsi, les stimu-
lus émotionnels ont allongé le temps de réponse parce que le contenu émotionnel de
ces stimulus a attiré davantage l’attention des participants que le contenu neutre. Le
participant a donc dû prendre plus de temps pour inhiber ce traitement et se focaliser
sur la dénomination de la couleur (ou l’extraction du nombre de chiffres). En d’autres
termes, le temps supplémentaire provenait vraisemblablement de l’allongement de la
durée d’un processus (traitement, non pertinent pour la tâche, de la signification émo-
tionnelle du stimulus) et de son inhibition sur les stimulus émotionnels. En revanche, il
n’est pas certain que ce soit ces processus, et ceux-ci uniquement, qui aient été allongés
dans la situation où l’état émotionnel du participant était manipulé. Il est possible que
l’état émotionnel du participant, déclenché par la présentation de l’image émotionnelle
avant le stimulus à traiter, ait perturbé l’ensemble des processus (p. ex., encodage de
la dimension pertinente du stimulus, émission de la réponse) et pas uniquement les
mécanismes d’activation et d’inhibition de la tâche non pertinente. Ces différentes
possibilités seront très certainement départagées dans les recherches à venir sur la
détermination des mécanismes par lesquels les émotions affectent (parfois de manière
similaire, parfois de manière différente) les performances cognitives.
Il existe également des situations où, pour une même activité cognitive, l’effet des émo-
tions diffère lorsqu’il est étudié en manipulant la valence émotionnelle des stimulus et
l’état émotionnel du participant. Là encore se pose la question de savoir si ces effets
différents résultent de la mise en œuvre des mêmes mécanismes ou de l’intervention
de mécanismes différents. Pour prendre un exemple illustratif, Hamamouche et ses
collaborateurs (2017 ; voir également Baker et al., 2013 ; Doi  &  Shinohara, 2016 ;
Infante  &  Trick, 2020 ; Young  &  Cordes, 2013, pour des données convergentes sur
émotions et estimation de numérosités) ont rapporté trois expériences visant à étudier
le rôle des émotions dans des tâches d’estimation de numérosité (évaluer approxima-
tivement le nombre d’items dans une collection). Dans une première expérience, ils
montraient des collections d’items soit émotionnels (des araignées), soit neutres (des
fleurs). L’estimation des participants était plus éloignée de la réponse exacte sur les
stimulus émotionnels que sur les stimulus neutres. Les participants avaient même
tendance à sous-estimer ce nombre pour les stimulus émotionnels, en indiquant moins
d’items qu’il n’y en avait dans la collection d’items émotionnels, mais pas dans la col-
lection d’items neutres. Dans une deuxième expérience, les auteurs ont répliqué le
phénomène dans une tâche où ils demandaient aux participants de choisir entre deux
collections d’items celle qui en contient le plus. Les éléments des deux collections à
comparer étaient soit tous émotionnels, comme des araignées, soit tous neutres, comme
des fleurs. En d’autres termes, lorsqu’ils faisaient varier la valence émotionnelle des
stimulus, les participants avaient tendance à obtenir de moins bonnes performances
pour estimer la quantité d’éléments contenus dans une collection contenant des items
émotionnels que dans une collection contenant des items neutres, que la tâche soit
une tâche d’estimation directe ou une tâche de comparaison s’appuyant sur l’estima-
tion. Dans une troisième et dernière expérience, les auteurs présentaient des images
248 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

(émotionnelles ou neutres) pendant 500 millisecondes avant deux collections de points.


Les participants étaient alors meilleurs pour indiquer la collection la plus grande
après avoir vu des images émotionnelles menaçantes (araignées) qu’après avoir vu des
images neutres (fleurs).
Les effets délétères des émotions issus de la manipulation de la valence émotionnelle
des stimulus et les effets facilitateurs observés avec l’induction de l’état émotionnel
des participants sont donc différents, au-delà du fait qu’ils montrent des différences
en condition émotion neutre et négative. En fait, les auteurs ont proposé que ces deux
effets puissent résulter de l’intervention d’un même ensemble de mécanismes atten-
tionnels qui agiraient différemment dans les deux cas. Dans un cas, la valence émo-
tionnelle des stimulus détournerait les mécanismes et ressources attentionnelles des
participants de la tâche cognitive, ce qui conduirait les participants à sous-estimer
le nombre d’items pour réduire le caractère déplaisant de toutes ces araignées. Dans
la manipulation de l’état émotionnel, l’émotion ressentie amènerait le participant à
davantage focaliser son attention sur la tâche cible d’estimation arithmétique, vrai-
semblablement pour réduire l’émotion négative déclenchée par l’image. En d’autres
termes, la valence émotionnelle des participants les détournerait de la tâche cible
tandis que l’état émotionnel les conduirait à orienter leur attention davantage sur la
tâche cible. Dans les deux cas, les mêmes mécanismes, d’orientation et focalisation
de l’attention, étaient exécutés différemment et conduisaient à des effets différents
des émotions.
En conclusion, la valence émotionnelle des stimulus et l’état émotionnel des partici-
pants peuvent avoir les mêmes effets (ou des effets différents) sur les performances
et surviennent par les mêmes mécanismes ou des mécanismes différents. Dans ce
contexte, il est important pour les psychologues qui veulent comprendre le rôle des
émotions sur la cognition de bien distinguer les situations où les effets de la valence
émotionnelle des stimulus et de l’état émotionnel des participants sur les performances
cognitives sont identiques et différents, et de déterminer si ces effets résultent des
mêmes mécanismes ou de mécanismes différents. Cette distinction est importante
pour comprendre comment les émotions dites incidentes (c.-à-d., qui concernent l’état
émotionnel du participant) et les émotions dites intégrales (c.-à-d., qui concernent la
valence émotionnelle des stimuli) influencent les performances cognitives, soit de
manière isolée, soit de manière combinée (pour les situations où, dans le même plan
expérimental, le chercheur induit des émotions chez les participants et les invite à
traiter des informations neutres et émotionnelles).
De la même manière, comme nous l’avons vu également, le rôle des émotions sur la
cognition est étudié en analysant les performances cognitives de participants pré-
sentant des caractéristiques particulières, comme des traits de personnalité, l’âge ou
une psychopathologie. Là encore, les psychologues essaient de savoir si les effets de
la dépression sur la cognition sont les mêmes ou différents, et de même nature ou de
nature différente que ceux observés à la suite d’une induction de tristesse. Sur le plan
empirique, il s’agit de déterminer si les différences entre les patients et les participants
contrôles sont analogues à celles entre une condition émotionnelle et une condition
neutre. Sur le plan théorique, il s’agit de savoir si les différences et les similitudes
résultent des mêmes mécanismes ou de mécanismes différents.
Quand et comment nos émotions affectent-elles la cognition ? ■ 249

Les données obtenues avec l’ensemble des approches (expérimentales avec induc-
tion émotionnelle et manipulation de la valence émotionnelle des stimulus ; études
des différences individuelles et de la psychopathologie) contribuent à mieux
comprendre quand et comment nos émotions affectent nos performances cognitives.

2. Quand et comment nos émotions


affectent-elles la cognition ?
À un niveau général, les données empiriques ont fait apparaître que les émotions
peuvent affecter la cognition de différentes manières et à plusieurs niveaux. Par
exemple :
• Les émotions peuvent améliorer ou dégrader nos performances cognitives,
davantage dans certaines conditions que dans d’autres (p. ex., quand la tâche est
plus difficile).
• Les émotions peuvent diriger notre attention sur les aspects cruciaux de l’envi-
ronnement et, par-là, faciliter l’encodage sensoriel et cognitif. Elles peuvent au
contraire, nous conduire à orienter notre attention sur les dimensions les moins
pertinentes de l’environnement, du stimulus ou de la tâche à réaliser et, ainsi,
perturber la mise en œuvre des mécanismes nécessaires pour réussir cette
tâche.
• Les émotions peuvent améliorer ou, au contraire, perturber la mise en œuvre de
certains mécanismes cognitifs nécessaires pour réussir une tâche.
• Les émotions contribuent parfois à préparer l’organisme à répondre ou réagir
efficacement et rapidement, afin de modifier nos comportements en fonction
des changements qui surviennent plus ou moins rapidement dans l’environne-
ment. Parfois, au contraire, les émotions bloquent l’organisme dans ses actions
rapides et efficaces et dans ses réactions face à un environnement changeant
très rapidement.
À un niveau moins général, les émotions affectent les grandes fonctions discutées
dans cet ouvrage, à savoir l’attention, la mémoire, le jugement, le raisonnement et
la prise de décision. Dans tous les cas, qu’elles soient positives ou négatives, plus
ou moins intenses, les émotions peuvent entraîner une amélioration ou une dégra-
dation des performances, soit par les mêmes mécanismes, soit par des mécanismes
différents.
Ainsi, les émotions influencent toutes les grandes fonctions de l’attention (sélection,
orientation, concentration, préparation, partage et flexibilité attentionnels). Elles
modifient là où nous prêtons attention et ce à quoi nous faisons attention, comment
nous prêtons attention aux informations et, en conséquence, les autres informations
auxquelles nous ne faisons pas attention. Cette influence résulte, dans de nombreux
contextes, du fait que les informations émotionnelles pertinentes ou non perti-
nentes pour la tâche à réaliser accaparent une grande partie de nos ressources de
250 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

traitement. Plus spécifiquement, les émotions amplifient les effets Stroop (c.-à-d., les
participants prennent plus de temps pour dire la couleur de l’encre d’un mot quand
ce mot est un mot émotionnel que quand ce mot est un mot neutre), allongent les
temps mis par les participants dans une tâche de recherche visuelle où ils doivent
dire si deux collections d’items contiennent ou non les mêmes items, mais accé-
lèrent les temps pour détecter une cible qui apparaît du côté où, juste avant, était
très brièvement présentée une image émotionnelle. Les émotions affectent aussi
les phénomènes de clignement attentionnel (c.-à-d., les participants commettent
moins d’erreurs sur une image cible émotionnelle qui suit une image neutre et plus
d’erreurs sur une image cible neutre qui suit une image émotionnelle). Ces effets
résultent du fait que la valence émotionnelle d’un stimulus influence l’attention
allouée à (ou capturée par) ce stimulus, mais aussi à ceux qui les entourent (dans
le temps et l’espace). De la même manière, selon l’état émotionnel dans lequel nous
nous trouvons, nous ne prêtons pas la même attention aux stimulus neutres. Ces
biais attentionnels peuvent être amplifiés chez certains individus (p. ex., les grands
anxieux, les patients souffrant de troubles généralisés de l’anxiété vont plus vite
et mieux faire attention à des stimulus émotionnellement négatifs ; des patients
souffrant de phobie vont détecter plus rapidement des stimulus menaçants). Cette
modification des biais attentionnels par les émotions peut également évoluer avec
l’âge au cours du vieillissement (c.-à-d., les participants jeunes vont détecter plus
rapidement des informations émotionnellement négatives et les âgés des informa-
tions émotionnellement positives).
Les émotions influencent le stockage, le maintien et la récupération des informations
en mémoire à long terme, comme en mémoire de travail. Cette influence apparaît sur
la mémoire épisodique comme sur la mémoire autobiographique, et quand les partici-
pants réalisent des tâches de rappel comme des tâches de reconnaissance, en situation
d’apprentissage intentionnel ou d’apprentissage incident. Là aussi, les émotions parfois
améliorent nos performances, parfois les dégradent. Par exemple, nous rappelons
mieux du matériel (mots isolés, textes, scènes, films) émotionnel que du matériel neutre.
Mais, en situation de stress, nos performances mnésiques se dégradent. Dans les situa-
tions où les émotions conduisent le participant à mobiliser des mécanismes plus pro-
fonds de traitement, elles entraînent une amélioration des performances mnésiques. En
revanche, dans les situations où les émotions accaparent une partie des ressources de
traitement, celles-ci n’étant pas disponibles ou moins disponibles pour les mécanismes
mnésiques, les performances mnésiques déclinent. Par ailleurs, les émotions peuvent
avoir des effets de mémorisation sélective, comme le montrent les phénomènes dits de
Trade-Off (ou tunnel). Ces phénomènes illustrent le fait que nous mémorisons mieux
une information émotionnelle d’une scène au détriment des informations non émotion-
nelles périphériques. Par ailleurs, les performances mnésiques s’améliorent si l’état
émotionnel du participant correspond à la valence émotionnelle du stimulus (p.  ex.,
un participant triste aura une meilleure mémorisation des informations émotionnelles
négatives), comme l’illustrent les effets de congruence affective en mémoire. Enfin,
les biais mnésiques provoqués par les émotions évoluent au cours du vieillissement
(p.  ex., les participants âgés mémorisent mieux les informations émotionnellement
positives, alors que les jeunes mémorisent mieux les informations émotionnellement
négatives) et sont modulés chez certains individus ou dans la psychopathologie (p. ex.,
Quand et comment nos émotions affectent-elles la cognition ? ■ 251

les patients phobiques mémorisent mieux que les contrôles des informations négatives
menaçantes).
Enfin, les émotions influencent nos jugements, nos décisions et nos raisonnements.
Elles peuvent amplifier nos biais d’estimation (nous conduisant à surestimer ou sous-
estimer la probabilité de certains événements). Elles peuvent parfois nous conduire
à prendre les décisions les plus optimales, mais aussi parfois à ne pas prendre les
meilleures décisions (voire à prendre des décisions contraires à nos intérêts ou nous
éloignant de nos buts). Elles peuvent tantôt perturber nos raisonnements (et nous
conduire à moins bien raisonner et à faire des erreurs grossières de raisonnement)
et tantôt, au contraire, à améliorer nos capacités de raisonnement (comme lorsque le
contenu émotionnel sur lequel s’effectue le raisonnement est congruent avec certains
événements émotionnels que nous avons vécus). Là encore, les émotions améliorent
nos performances lorsqu’elles orientent nos capacités attentionnelles vers les dimen-
sions pertinentes des stimulus et de la tâche et nous conduisent à mobiliser les méca-
nismes de traitement les plus efficaces (p. ex., construire un modèle mental plus précis
et exact de la situation sur laquelle raisonner et falsifier certaines possibilités ; encoder
avec plus de précision les événements dont on cherche à estimer la probabilité ; amélio-
rer les calculs coûts/bénéfices associés à chaque alternative entre lesquelles choisir).
Dans ces domaines, les émotions facilitent également les performances lorsqu’elles
conduisent les participants à mobiliser davantage et exécuter plus efficacement les
mécanismes cognitifs généraux (comme l’attention, le contrôle cognitif, le maintien actif
en mémoire de travail des informations pertinentes, la mise en relation de différentes
informations ou les inférences). En revanche, dès que les émotions accaparent une
grande partie des ressources attentionnelles du participant, ce qui le détourne de la
tâche, ou le conduit à déployer des mécanismes cognitifs peu efficaces pour réaliser
une tâche, les performances des participants en jugement, raisonnement et prise de
décision sont moins bonnes.
Dans l’ensemble des domaines de la cognition et dans toute tâche cognitive, les effets
facilitateurs ou délétères des émotions sont modulés par un certain nombre de para-
mètres, comme les caractéristiques des émotions elles-mêmes (p. ex., leur valence, leur
intensité, le type d’émotion), des stimulus (p.  ex., mémorisation de mots concrets vs
abstraits), de la situation et du contexte (p. ex., pression de vitesse vs précision), mais
également des caractéristiques de la tâche elle-même (p. ex., vérification d’une conclu-
sion à partir de prémisses vs déduction d’une conclusion en raisonnement déductif)
et des participants (p. ex., patients vs contrôle ; adultes jeunes vs âgés ; introvertis vs
extravertis).
En résumé, dans tous les domaines de la cognition, les émotions affectent les perfor-
mances cognitives. Les effets des émotions peuvent être positifs ou négatifs, selon que
les émotions accaparent une partie des ressources attentionnelles alors non dispo-
nibles pour la tâche à accomplir ou, au contraire, que les émotions conduisent le parti-
cipant à se focaliser sur les dimensions pertinentes de la tâche et facilitent la mise en
œuvre des mécanismes cruciaux pour réussir la tâche. Les effets des émotions sur la
cognition sont modulés par différents paramètres (caractéristiques de la tâche, des par-
ticipants, des stimulus et de la situation). Ils surviennent en modifiant soit la manière
avec laquelle sont exécutés les mécanismes mis en œuvre (qui sont soit mieux soit
252 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

moins bien exécutés en condition émotionnelle), soit le type de mécanismes déployés


(p. ex., différents processus de construction de représentation mentale pertinente de la
situation en raisonnement sont utilisés sous émotion).

3. Effets des émotions dans certains


domaines spécifiques
Dans cet ouvrage, nous avons vu que les émotions affectent les fonctions cogni-
tives générales, comme l’attention ou la mémoire. Même si nous avons fait d’impor-
tants progrès dans nos connaissances sur le rôle des émotions dans la cognition, de
nombreuses et importantes recherches restent à conduire à plusieurs niveaux. Les
travaux à venir poursuivront cette entreprise de mettre en évidence l’effet des émo-
tions sur ces fonctions cognitives et tenteront de répondre à des questions tant géné-
rales concernant le rôle des émotions sur la cognition (p. ex., dans quelle mesure les
effets délétères des émotions négatives sur les performances cognitives peuvent-ils
être contrecarrés par des stratégies de régulation émotionnelle ?) que des questions
spécifiques à chaque domaine (p. ex., les émotions négatives affectent-elles autant les
mécanismes de reconnaissance mnésique, fondés sur la familiarité que ceux fondés
sur la récollection ? La peur affecte-t-elle le raisonnement de la même manière que la
tristesse ?). La réponse à ces questions empiriques permettra de faire d’importants
progrès théoriques relatifs à la connaissance des mécanismes responsables des effets
des émotions sur la cognition.
Par ailleurs, les émotions affectent également des domaines plus spécifiques. Parmi
ces domaines, il est possible de citer notamment les déplacements locomoteurs ou,
plus généralement les couplages émotion/action et émotion/sensori-motricité (e.g.,
Avanzino et al., 2018 ; Coll et al., 2019 ; Dael et al., 2013 ; Esteves et al., 2016 ; Kang
et al., 2019 ; Kang  &  Gross, 2015 ; Kim et al., 2018 ; Mohr et al., 2018 ; Park et al.,
2019 ; Vernazza-Martin et al., 2015, 2017), la cognition numérique (e.g., Baker et al.,
2013 ; Doi & Shinohara, 2016 ; Fabre & Lemaire, 2019 ; Hamamouche et al., 2017 ;
Infante  &  Trick, 2020 ; Young  &  Cordes, 2013), ou bien encore le langage (Citron
et  al., 2014 ; Cornelia et al., 2019 ; Grandjean, 2021 ; Hart et al., 2019 ; Obermeier
et al., 2013 ; Royet et al., 2000, p. 200 ; Silva et al., 2012 ; Yi et al., 2015 ; Zhang et al.,
2014 ; Zhang et al., 2017 ; Zhang et al., 2018 ; Ziegler et al., 2018) (e.g., Citron et al.,
2014. L’intérêt d’étudier le rôle des émotions sur les performances cognitives dans
des domaines spécifiques est que les données révèlent que, dans ces domaines, les
émotions affectent les performances par le biais de deux types de mécanismes : des
mécanismes cognitifs généraux (comme les mécanismes attentionnels) et des méca-
nismes spécifiques (comme l’activation des représentations numériques internes
dans des tâches d’estimation de numérosités).
Prenons l’exemple du rôle de la perception du temps pour illustrer comment les
émotions affectent des domaines spécifiques. De nombreux travaux ont mis en évi-
dence que notre perception du temps est modifiée sous émotion. Dans ces études,
les chercheurs ont testé la perception du temps en demandant aux participants
Effets des émotions dans certains domaines spécifiques ■ 253

de reproduire des durées de présentation de stimulus émotionnels ou d’évaluer la


durée de stimulus neutres (comme des sons) après induction émotionnelle (e.g., Bar-
Haim et al., 2010 ; Cocenas-Silva et al., 2019 ; Droit-Volet et al., 2004 ; Droit-Volet,
2013 ; Droit-Volet, El-Azhari, et al., 2020 ; Droit-Volet et al., 2010, 2011, 2013 ;
Droit-Volet, Gil, et al., 2020 ; Droit-Volet & Gil, 2016 ; Effron et al., 2006 ; Fayolle
et al., 2015 ; Gil et al., 2007 ; Gil & Droit-Volet, 2011, 2012, 2012 ; Martinelli et al.,
2021; Monier  &  Droit-Volet, 2018 ; Noulhiane et al., 2007 ; Smith et al., 2011 ;
Tipples, 2008).

6
Durées courtes
5 Durées longues
Point de bissection (en ms)

0
Neutres Joyeuses Tristes
Figure 10.1
Émotion et estimations des durées (d’après Droit-Volet et al., 2010).
Point de bissection pour des musiques émotionnellement neutres, joyeuses et tristes dans
une  condition où les durées de présentation étaient plus courtes (0,5-1,7 seconde) ou plus longues
(2,0-6,8 secondes). Les participants avaient tendance à sous-estimer les durées des musiques tristes
et joyeuses, et plus encore les musiques tristes lorsque les durées de présentation étaient courtes.

L’étude conduite par Droit-Volet, Bigand, Ramos et Bueno (2010) peut être décrite
pour illustrer comment le rôle des émotions sur l’estimation des durées a été étudié
en manipulant les caractéristiques des stimulus. Les auteurs ont fait entendre des
musiques (neutre, joyeuses, ou tristes) à leurs participants qui devaient en évaluer la
durée. Pour chaque musique, les participants devaient dire si sa durée de présentation
était plus proche d’une durée témoin courte ou longue. Les durées témoins courtes et
longues étaient de 0,5 et 1,7 seconde dans une condition, et de 2,0 et 6,8 secondes dans
une seconde condition. Au préalable, les participants étaient entraînés à distinguer les
durées témoins courtes et longues. Pour chaque condition, les musiques apparaissaient
pendant des durées qui variaient entre la durée témoin courte et longue. Par exemple,
pour les durées témoins courtes et longues de 0,5 et 1,7 seconde, les participants écou-
taient des musiques qui duraient 0,5, 0,7, 0,9, 1,1, 1,3, 1,5 et 1,7 seconde. À partir des
réponses des participants, les auteurs ont pu calculer le point de bissection. Le point
de bissection correspond à la probabilité de répondre « cette durée est proche de la
durée témoin longue » pour 50 % des items. Par exemple, pour le groupe testé avec des
durées témoins courtes et longues de 0,5 et 1,7 seconde, un point de bissection de 1,1
signifie qu’en moyenne les participants répondaient « proche de 1,7 seconde » sur 50 %
254 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

des musiques présentées pendant 1,1 seconde. L’analyse des points de bissection fait
apparaître que ces points étaient plus élevés pour les musiques joyeuses et tristes que
pour les musiques neutres, indiquant que la durée des musiques émotionnelles était
sous-estimée (c.-à-d., elles paraissaient subjectivement plus longues qu’elles ne l’étaient
objectivement), et davantage pour les musiques de plus longues durées que pour les
musiques de plus courtes durées. Par ailleurs, la différence de sous-estimation entre
les musiques joyeuses et tristes était significative pour les durées les plus courtes,
mais pas pour les durées les plus longues. C’est-à-dire que les musiques tristes parais-
saient plus courtes que les musiques joyeuses aux durées plus courtes, mais aussi
longues aux durées plus longues.
Ces biais d’estimation temporelle ont également été observés lorsque les chercheurs
ont demandé aux participants d’évaluer la durée de présentation de stimulus émo-
tionnels non musicaux. Par exemple, Tipples (2008) a présenté aux participants des
visages exprimant la colère, la peur, la joie ou ayant une expression faciale neutre.
Les visages apparaissaient pendant 600, 800, 1000, 1 200 ou 1 400 millisecondes.
Dans une tâche de bissection temporelle, analogue à celle utilisée par Droit-Volet et al.
(2010), les participants devaient dire si le visage apparaissait pendant une courte ou
une longue durée. Au préalable, les participants étaient entraînés à repérer ce qui,
dans ce contexte, faisait référence à une courte et à une longue durée. Pendant cet
entraînement, ils voyaient sur un écran d’ordinateur apparaître un ovale rose pendant
une durée courte (400 ms) ou pendant une durée longue (1 400 ms) et devaient dire
si la durée de présentation de l’ovale était courte ou longue. Le nombre d’essais était
suffisant pour que chaque participant discrimine bien la durée courte et longue une
fois l’entraînement terminé. Les auteurs ont également évalué l’émotionalité négative
des participants (ou leur tendance à ressentir des émotions négatives) avec l’échelle
EAS (Buss & Plomin, 1984). Les données ont fait apparaître que les participants sures-
timaient la durée de présentation des visages exprimant la peur et la colère, et que
cette surestimation corrélait avec la tendance des participants à ressentir des émo-
tions négatives (corrélations entre surestimation des durées et émotionalité négative,
rs = .34 et .32, pour la peur et la colère, respectivement).
Droit-Volet et ses collaborateurs (2020) ont retrouvé ces phénomènes de distorsions
de la durée perçue en contexte émotionnel pour des durées plus longues et dans de
tâches d’estimation directe de la durée. Les participants entendaient des sons émotion-
nels (p. ex., cris de femmes battues) faiblement, moyennement ou hautement intenses,
pendant des durées allant de 2 à 6 secondes, de 20 à 60 secondes ou de 2 à 6 minutes.
Ils devaient estimer ces durées. Les participants du groupe 2-6 secondes savaient
que les sons allaient durer entre 2 et 6  secondes, ceux du groupe 20-60  secondes
étaient informés que les sons allaient durer entre 20 et 60  secondes, et ceux du
groupe 2-6 minutes que la durée des sons était entre 2 et 6 minutes. Les écarts entre
les durées estimées et les durées réelles (Figure 10.2) ont fait apparaître que les par-
ticipants avaient tendance à surestimer les durées (c.-à-d., à trouver les durées plus
longues qu’elles ne l’étaient en réalité) : les écarts entre les durées subjectives et les
durées objectives augmentaient avec l’augmentation de l’intensité émotionnelle, mais
cet allongement des durées subjectives sous émotion était plus important pour les
durées les plus faibles.
Effets des émotions dans certains domaines spécifiques ■ 255

0,8
2-6 s
Erreurs d’estimation

0,6 20-60 s
2-6 mn
0,4

0,2

– 0,2
Intensité faible Intensité moyenne Intensité élevée

Figure 10.2
Émotion et estimation subjective des durées (d’après Droit-Volet et al., 2020).
Écarts entre durées subjectives et objectives (un écart positif indique une surestimation).
Les participants estimaient la durée d’un son émotionnel plus long que sa durée objective,
et cette estimation augmentait avec l’intensité émotionnelle, surtout pour les durées les plus
courtes.

Par ailleurs, l’étude conduite par Fayolle et ses collaborateurs (2015) peut être
décrite pour illustrer comment le rôle des émotions sur l’estimation des durées a
été étudié en manipulant l’état émotionnel des participants. Fayolle et ses collègues
(2015) ont montré à leurs participants un stimulus neutre (des cercles bleus) sur un
écran d’ordinateur pendant une durée variable (de 0,2 à 8 secondes). Avec la même
méthodologie et la même tâche de bissection temporelle que Droit-Volet et ses colla-
borateurs. (2010), pour chaque cercle, les participants devaient dire si sa durée de
présentation était plus proche d’une durée témoin courte ou longue. Quatre groupes
de participants ont été testés, selon la durée témoin courte et longue. Les durées
témoins courtes et longues étaient de 0,2 et 0,8 seconde dans le premier groupe, de
0,4 et 1,6  seconde dans le second groupe, de 1,2 et 4,8  secondes dans le troisième
groupe et de 2,0 et 8,0 secondes dans le quatrième groupe. Pour chaque groupe, les
cercles apparaissaient pendant des durées qui variaient entre la durée témoin la
plus courte et la durée témoin la plus longue. De manière intéressante, Fayolle et ses
collaborateurs ont comparé les points de bissection dans une condition contrôle et
dans une condition émotion. Dans cette dernière, 200  millisecondes avant de voir
le cercle, les participants avaient un signal leur indiquant qu’ils allaient recevoir
un choc électrique (d’intensité tout à fait supportable pour le participant) dans un
doigt. Ce choc était envoyé entre 50  millisecondes après le début de la présenta-
tion du cercle et 50 millisecondes avant la fin de la présentation du cercle. Dans la
condition contrôle, les participants étaient informés qu’ils n’allaient pas recevoir de
choc électrique. Les auteurs ont vérifié, par l’activité électrodermale et l’évaluation
subjective des participants, que le niveau d’émotion négative était plus élevé sur
les essais avec choc électrique que sur les essais sans choc. L’analyse des points de
bissection (Figure 10.3) a fait apparaître que les durées paraissaient subjectivement
plus longues qu’elles ne l’étaient objectivement sur les essais avec chocs électriques
que sur les essais sans choc. En effet, les points de bissection étaient moins élevés
(ce qui indiquait des durées perçues plus longues) dans la condition avec chocs que
256 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

dans la condition sans choc, et l’écart entre les deux conditions augmentait au fur et
à mesure que les durées objectives s’allongeaient. En d’autres termes, les émotions
négatives associées aux chocs électriques conduisaient les participants à ressentir les
durées de présentation des cercles sur l’écran plus longues qu’elles ne l’étaient objec-
tivement, et encore plus quand les durées objectives augmentaient. Intuitivement,
vivre un événement non émotionnel dans un état émotionnel négatif nous donne
l’impression que cet événement dure plus longtemps.

6
Sans choc
Avec chocs
5
Point de bissection

0
0,2-8,8 0,4-1,6 1,2-4,8 2,0-8,0

Figure 10.3
Émotions négatives et perception du temps (d’après Fayolle et al., 2015).
Points de bissection (en secondes) d’estimation temporelle montrant que les émotions provoquées
par les chocs électriques avaient tendance à allonger le temps perçu.

Notons que cette distorsion des durées est également présente et modulée par cer-
taines différences individuelles et dans certaines pathologies (voir Droit-Volet et al.,
2013, pour une revue).
Par exemple, Msetfi et ses collaborateurs (2012) ont testé des participants modé-
rément déprimés (évalués avec l’échelle de Beck de dépression) et pas déprimés.
Les participants voyaient deux figures géométriques (un cercle rouge et un carré
bleu) au milieu d’un écran d’ordinateur (et entendaient un son qui avait la même
durée que la durée de présentation des figures géométriques) ; cette durée pouvait
être très courte (moins de 300 millisecondes) ou plus longue (plus de 1  000  ms).
Les deux figures étaient présentées successivement avec des durées différentes.
La différence de durée pouvait varier très peu (p. ex., 25 ms) ou beaucoup (p. ex.,
300  ms). Pour chaque participant, était évaluée la différence entre deux durées
qu’il était capable de distinguer. Pour les durées très courtes (Figure 10.4), les deux
groupes de participants distinguaient aussi bien les durées. En revanche, comparés
aux participants non déprimés, les participants modérément déprimés avaient
besoin que les deux durées soient plus différentes pour être distinguées. Ces
résultats sur l’allongement des durées perçues chez les participants modérément
Effets des émotions dans certains domaines spécifiques ■ 257

déprimés convergent avec ceux de Gil et Droit-Volet (2009) qui ont testé des par-
ticipants ayant des niveaux faibles, moyens ou élevés de dépression. Les auteures
ont observé des corrélations significatives entre le niveau de dépression de leurs
participants (évalués avec l’échelle de Beck) et les points de bissection (r = .25) ou
la proportion d’items pour lesquels les participants indiquaient que la durée du
stimulus était longue (r = -.23).

200
Participants non déprimés
160 Participants légèrement déprimés
Seuil de discrimination

120

80

40

0
Durées courtes Durées longues

Figure 10.4
Dépression et perception du temps (d’après Msetfi et al., 2012).
Seuil de discrimination de courtes et longues durées chez des participants modérément déprimés et
non déprimés. Les participants modérément déprimés étaient capables de discriminer les durées très
courtes avec autant de finesse que les participants non déprimés, mais discriminaient moins bien
les durées les plus longues.

Outre le fait de déterminer si la perception du temps change sous émotion, ces tra-
vaux permettent de tester certaines hypothèses théoriques. En effet, les théories de
la perception du temps (e.g., Gibbon et al., 1984 ; Zakay & Block, 1996) postulent que
nous percevons le temps qui s’écoule à l’aide d’une horloge interne. Cette horloge
interne fonctionne à partir d’un pacemaker qui envoie des impulsions (ou unités de
temps) à un compteur (ou accumulateur). Ces théories postulent également que nous
aurons une estimation plus juste de la durée si notre attention se porte sur le temps qui
s’écoule, et moins juste si nous portons notre attention sur des informations autres que
les informations temporelles, ceci parce que cette attention détournée court-circuite
l’envoi d’impulsions dans l’accumulateur. C’est ce qui nous conduit à sous-estimer les
durées. Au contraire, si nous envoyons davantage d’impulsions à l’accumulateur en
focalisant notre attention sur le temps qui passe, nous surestimons les durées. C’est
vraisemblablement ce qui se passe sous émotion. En effet, sous émotion, la vitesse de
l’horloge interne, à la base de l’estimation des durées, s’accélère, nous donnant l’impres-
sion que le temps se dilate. Notons qu’à la perturbation de ces mécanismes spécifiques
du traitement temporel sous émotion, s’ajoute vraisemblablement la contribution de la
modification des mécanismes cognitifs généraux, comme l’attention ou la mémoire de
travail (les patients qui ont tendance à surestimer ou à sous-estimer les durées tempo-
relles ont également des troubles de la mémoire de travail).
258 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

En conclusion, les études sur le rôle des émotions dans la perception du temps
illustrent comment les émotions affectent non seulement des fonctions cognitives
générales, comme l’attention ou la mémoire, mais également des domaines spécifiques,
comme le temps, le nombre, le langage, l’espace, la sensori-motricité. Dans chacun de
ces domaines cognitifs, les travaux à venir permettront de mieux caractériser les
conditions dans lesquelles les émotions affectent les performances des participants,
de déterminer, parmi les mécanismes cognitifs nécessaires pour réussir les épreuves
testant ces domaines, ceux qui sont affectés par et ceux qui sont insensibles aux émo-
tions, ainsi que les mécanismes responsables (généraux et spécifiques) par lesquels les
émotions affectent les performances des participants.

4. Bases cérébrales des effets des émotions


sur la cognition
La détermination des régions cérébrales impliquées dans les effets des émo-
tions sur la cognition est intéressante et importante pour élucider les mécanismes
responsables de ces effets. La résolution temporelle et spatiale des techniques de
neuro-imagerie (électro-encéphalographie, magnéto-encéphalographie, imagerie par
résonnance magnétique fonctionnelle –  EEG, IRMf, MEG) permet aujourd’hui de
préciser ces bases cérébrales et la dynamique de leur mobilisation en temps réel.
Cette précision contribue à apporter des réponses à des questions aussi bien géné-
rales (p.  ex., existe-t-il un traitement émotionnel inconscient ? Les mécanismes de
traitement des émotions positives et négatives sont-ils les mêmes ou différents ? Les
différences interindividuelles, comme les différences jeunes-âgés, dans les effets des
émotions sur la cognition sont-elles associées à des différences entre ces groupes au
niveau des bases cérébrales et/ou de la dynamique de leur mobilisation ?) que spé-
cifiques (p. ex., les mêmes ou différents réseaux cérébraux sont-ils engagés lorsque
nous apprenons des mots neutres et émotionnels, lorsque nous prenons une décision
sous émotion, ou lorsque nous raisonnons sur du contenu neutre ou émotionnel ? La
régulation émotionnelle modifie-t-elle l’impact des émotions sur la cognition en rédui-
sant l’activation de certains réseaux cérébraux et en amplifiant l’activation d’autres
réseaux ? Les réseaux cérébraux activés par les mécanismes fondés sur la familiarité
et la récollection lors d’une épreuve de reconnaissance varient-ils sous émotion ?).
De nombreux travaux ont déjà été conduits pour comprendre les effets des émo-
tions sur la cognition en recueillant des indicateurs du fonctionnement cérébral
(voir Dolcos et al., 2011, 2015 ; Dolcos & Denkova, 2014, 2015, pour des revues).
De manière générale, les travaux ont fait apparaître que l’effet des émotions sur
la cognition met en jeu une interaction complexe entre divers réseaux cérébraux
fonctionnels mobilisés par de nombreux mécanismes impliqués dans le traitement
émotionnel, la perception, la mémoire, les inférences, mais aussi le contrôle cognitif.
Pour chacune des fonctions cognitives, les chercheurs visent à décrire les bases
cérébrales, leurs interactions et le décours temporel de leur mobilisation, lorsque le
participant accomplit une tâche dans un état émotionnel et/ou traite des stimulus
Bases cérébrales des effets des émotions sur la cognition ■ 259

émotionnels (voir, pour des exemples de revues, Dolcos et al., 2020, sur les liens
émotions-attention ; Dolcos et al., 2017, sur les liens émotion/mémoire ; Phelps
et al., 2014, sur les liens émotions et prises de décision ; Doré & Ochsner, 2015, sur
la régulation émotionnelle ; Mather, 2016, pour les effets du vieillissement).
Pour illustrer comment les données de neuro-imagerie peuvent contribuer à mieux
connaître les mécanismes par lesquels les émotions affectent la cognition, il est
possible d’utiliser l’exemple de l’effet d’amplification mnésique qui a fait l’objet de
nombreuses études comportementales (voir chapitre 4) consistant en une meilleure
mémorisation de stimulus émotionnels comparés à des stimulus neutres. Les don-
nées de la neuro-imagerie ont cherché à déterminer les bases cérébrales de l’effet
d’amplification mnésique (Crowley et al., 2019 ; Dolcos et al., 2017). Ces données,
recueillies soit pendant l’encodage, soit pendant le rappel, ont mis en évidence la
mobilisation de deux réseaux cérébraux importants (voir Figure 10.5). Le premier
réseau comprend l’amygdale et une partie du lobe médio-temporal (hippocampe et
régions parahippocampiques). Ces régions cérébrales sont vraisemblablement acti-
vées par la mise en œuvre de mécanismes mnésiques Bottom-Up (ou ascendants)
directe pendant l’encodage, le maintien et le rappel. Le second réseau, comprenant
le cortex préfrontal et le lobe pariétal, serait activé par la mise en œuvre de méca-
nismes indirects Top-Down (ou descendants) de contrôle exécutif, d’attention, de la
mémoire de travail et de traitement sémantique. En d’autres termes, les données
de la neuro-imagerie vont dans le sens de l’hypothèse selon laquelle, la meilleure
mémorisation d’informations émotionnelle s’appuierait sur deux types de méca-
nismes, des mécanismes spécifiquement mnésiques et des mécanismes cognitifs
généraux (p.  ex., contrôle exécutif). Par ailleurs, les données ont fait apparaître

Figure 10.5
Représentation schématique des deux réseaux cérébraux activés pendant la mémorisation
d’informations émotionnelles.
Le premier comprend le lobe médio-temporal (hippocampe et régions parahippocampiques)
et l’amygdale. Le second inclut les régions du cortex préfrontal (média, dorso-latéral,
et ventro-latéral) ainsi que le cortex pariétal (adapté de Dolcos et al., 2017, reproduit avec permission).
260 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

que l’encodage d’informations émotionnellement positives correctement rappelées


par la suite est associé à une activation des régions frontales et pariétales (e.g.,
Kensinger & Schacter, 2008) ainsi qu’à un couplage fonctionnel hippocampe/amyg-
dale (e.g., Ritchey et al., 2011), tandis que l’encodage d’items négatifs s’accompagne
d’une activation des régions temporales et occipitales (e.g., Botzung et al., 2010)
ainsi qu’à un couplage fonctionnel hippocampe/cortex (e.g., Ritchey et al., 2011).
Sur le plan psychologique, cette distinction cérébrale suggère que l’encodage mais
aussi le rappel d’informations émotionnelles positives et négatives reposent sur des
mécanismes différents.
Les données de la neuro-imagerie sont précieuses pour cartographier les réseaux
cérébraux impliqués dans les liens émotion/cognition lorsque les techniques utili-
sées offrent une résolution spatiale importante (comme c’est le cas pour l’IRMf). Par
ailleurs, quand ces techniques offrent une résolution temporelle de grande qualité
(comme c’est le cas pour l’électrophysiologie), elles sont très utiles pour comprendre le
décours temporel des mécanismes responsables de ces liens et pour aborder certaines
questions auxquelles des mesures comportementales ne permettent pas d’apporter de
réponse.
Un exemple concerne la possibilité d’observer des effets inconscients des émotions
sur la cognition ou l’existence d’effets des émotions sur les mécanismes cognitifs très
précocement mobilisés dans la chaîne des mécanismes mis en œuvre pour accomplir
une tâche cognitive. À titre d’illustration, décrivons l’étude de Pegna, Darque, Berrut,
et Khateb (2011). Pegna et al. ont présenté à leurs participants deux barres verticales
de longueurs égales ou inégales. Les participants devaient dire, à chaque essai, si les
deux barres avaient la même longueur ou étaient de longueurs différentes. Les auteurs
ont comparé deux conditions, une condition d’amorçage subliminal et une condition
d’amorçage supraliminaire. Dans la condition d’amorçage subliminal, les barres étaient
d’abord présentées avec un visage neutre ou exprimant la peur, pendant 16  milli-
secondes, puis, avec un pattern (constitué de traits du visage mélangés) pendant
284 millisecondes. Ensuite, après un écran blanc de 300 millisecondes, les participants
devaient donner leur réponse (c.-à-d., lignes de longueurs identiques ou différentes).
Dans la condition d’amorçage supraliminaire, les participants voyaient la même suc-
cession d’événements. Mais, les barres étaient initialement présentées avec le visage
pendant 166  millisecondes, puis avec le pattern pendant 134  millisecondes. Ainsi,
dans les deux conditions, les barres apparaissaient au total pendant 300 millisecondes.
Les taux de réussite étaient très élevés (> 94 %) et ne différaient pas selon les condi-
tions d’amorçage et d’émotion. Les données électrophysiologiques ont fait apparaître
que les émotions avaient une influence inconsciente sur les jugements de longueur et
que  l’effet des émotions s’observait précocement aussi bien en présentation sublimi-
nale qu’en présentation supraliminaire. Ainsi, dans la condition d’amorçage suprali-
minaire comme dans la condition d’amorçage subliminale, les potentiels évoqués ont
laissé apparaître une plus grande négativité pour la condition émotion que pour la
condition neutre (comme le montre l’onde N170, onde négative dans la condition peur
que dans la condition neutre, au niveau des électrodes situées sur l’hémisphère droit ;
voir illustration sur la Figure 10.6 pour l’électrode T6). Bien que la différence de négati-
vité entre neutre et peur semble plus importante en condition supraliminale, en réalité,
À la recherche des mécanismes responsables des liens émotion/cognition ■ 261

la différence entre ces deux conditions n’était pas significative. L’intérêt de ce genre
de résultat est notamment qu’il montre que le traitement émotionnel non conscient
commence très précocement (dans les 200  ms après la présentation du stimulus) et
qu’il peut intervenir à un niveau subliminal tout comme à un niveau supraliminaire,
y compris dans une tâche qui ne requiert pas de traitement émotionnel (c.-à-d., les par-
ticipants pouvaient se dispenser de traiter les visages pour réussir la tâche de jugement
de longueur des lignes).
En résumé, les données de la neuro-imagerie sont très fructueuses pour comprendre les
effets des émotions sur la cognition. En déterminant les bases cérébrales de ces effets et
leurs décours temporels, ces données aident à déterminer les mécanismes responsables
de l’influence délétère ou bénéfique des émotions sur les performances cognitives.
Pour le psychologue, même s’il se concentre sur les données de performance, ces carac-
térisations cérébrales et comportementales des effets des émotions sur la cognition
permettent d’approfondir notre connaissance des mécanismes sous-jacents aux liens
émotion/cognition, à l’évolution de ces liens avec l’âge et à leurs modifications par la
psychopathologie.

Figure 10.6
Émotions et jugements (d’après Pegna et al., 2011).
Potentiels évoqués par des visages avec expression neutre ou de peur pendant une tâche
de jugement de longueur de lignes en présentations subliminale et supraliminaire (figure adaptée
avec autorisation).

5. À la recherche des mécanismes


responsables des liens émotion/cognition
Pour le psychologue qui s’intéresse aux liens émotion/cognition, l’objectif théo-
rique, identique à celui poursuivi par pour toute entreprise scientifique, est de
connaître les mécanismes responsables de l’influence qu’exercent nos émotions sur
la cognition. Cette connaissance passe par une compréhension plus approfondie des
mécanismes déjà mis en évidence et par une découverte des mécanismes encore
262 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

inconnus. Une compréhension plus approfondie des mécanismes déjà mis en évidence
vise à spécifier leurs caractéristiques (p. ex., décours temporel de leur mise en œuvre,
implémentation cérébrale ; modulation par différents paramètres). La découverte de
mécanismes encore non mis à jour s’appuie sur la mise en évidence de nouveaux
phénomènes, difficiles à expliquer par les mécanismes déjà envisagés, mais aussi par
l’adoption d’une approche conceptuelle jugée la plus fructueuse, à un moment donné
de l’histoire de la recherche du phénomène étudié.
Une des perspectives intéressantes actuellement disponibles concerne la perspective
stratégique. Cette perspective comprend deux aspects, un aspect conceptuel et un
aspect méthodologique (voir Lemaire, 2016, pour une présentation approfondie).
Selon l’aspect conceptuel, sous émotion, les participants mobiliseraient un répertoire
stratégique (c.-à-d., nombre et type de stratégies) différent, utiliseraient les stratégies
disponibles dans des proportions différentes (p.  ex., ils utiliseraient une stratégie
davantage sur un type de problèmes et une autre stratégie davantage sur un autre
type de problèmes), exécuteraient les stratégies soit plus, soit moins efficacement, et/
ou sélectionneraient les stratégies sur chaque problème d’une autre manière (p. ex., en
utilisant moins souvent la meilleure stratégie sur chaque item, en s’appuyant sur diffé-
rentes caractéristiques des items pour choisir, parmi plusieurs stratégies, une stratégie
sur chaque item). Selon l’aspect méthodologique, pour évaluer le rôle des stratégies
dans l’effet des émotions sur la cognition, il conviendrait de documenter ces différentes
dimensions (c.-à-d., le répertoire, la distribution, l’exécution et la sélection) stratégiques
en mettant au point des méthodes pertinentes pour déterminer quelles stratégies les
participants utilisent.
Il existe deux grandes catégories de méthodes pour déterminer quelles stratégies les
participants utilisent quand ils accomplissent une tâche, des méthodes directes et des
méthodes indirectes. Les méthodes directes consistent à observer directement (p. ex.,
par enregistrements vidéo, par observation comportementale directe, par recueil
des protocoles verbaux) les stratégies telles que le participant les utilise sur chaque
problème. Ceci est aisé pour certains domaines. Par exemple, en arithmétique, quand
un participant compte sur ses doigts pour trouver la réponse à un problème comme
4 + 3 (en faisant 4 + 1+1 + 1), le comptage sur les doigts et la verbalisation constituent
des preuves comportementales directes que le participant utilise une stratégie de
comptage, commençant par initialiser un compteur mental interne avec le plus grand
des deux opérandes puis en incrémentant ce compteur par pas de 1 le nombre de fois
indiqué par le second opérande. Ceci est moins aisé pour d’autres domaines ou d’autres
tâches (car aucun indicateur comportemental externe n’est disponible). C’est alors qu’il
faut recourir à des méthodes indirectes pour déterminer les stratégies utilisées. Selon
ces méthodes indirectes, les stratégies peuvent être inférées à partir des variations de
performances (ou d’autres indicateurs comme les mouvements oculaires, les activa-
tions cérébrales, etc.) en fonction des caractéristiques des items et/ou de la situation.
Par exemple, en arithmétique, quand un participant doit dire si une équation de type
3 × 4 = 13 est vraie ou fausse, la différence de performance entre une équation comme
3 × 4 = 13 et 3 × 4 = 17 suggère que le participant a utilisé deux stratégies différentes,
une pour juger 3 × 4 = 13 et l’autre pour juger 3 × 4 = 17. Des preuves empiriques
convergentes, à l’appui d’une interprétation de la différence de performance en termes
À la recherche des mécanismes responsables des liens émotion/cognition ■ 263

de différence de stratégies, existent si cette différence de performance s’accompagne


par ailleurs d’une différence au niveau des potentiels évoqués et/ou si cette différence
est modulée par d’autres facteurs, comme la taille des problèmes (p. ex., elle est plus
grande avec de grands problèmes qu’avec de petits problèmes).
Deux exemples peuvent être développés afin d’illustrer comment la perspective
stratégique peut être utilisée pour comprendre le rôle des émotions sur la cognition,
l’un sur l’effet des émotions positives, l’autre sur l’effet des émotions négatives. Dans
plusieurs recherches, les auteurs ont étudié ce qu’il est convenu d’appeler l’effet de
réussite à une tâche préalable et l’effet d’échec à une tâche préalable (e.g., Geraci et al.,
2016 ; Geraci & Miller, 2013 ; Lemaire, 2021 ; Lemaire et al., 2019 ; Lemaire & Brun,
2018 ; Smith et al., 2006). L’effet de réussite à une tâche préalable consiste à observer
de meilleures performances à une tâche cible après avoir réussi une tâche juste avant
cette tâche cible. Cette réussite produit une émotion positive temporaire qui facilite la
réalisation d’une tâche juste après. L’effet d’échec, au contraire, s’observe par une dimi-
nution des performances à une tâche cible après avoir échoué à une tâche préalable.
L’émotion négative ressentie après l’échec conduit les participants à de moins bonnes
performances. La question est de savoir comment ces effets de réussite et d’échecs à
une tâche préalable surviennent.
Dans une série de recherches, avec plusieurs collaborateurs, nous avons testé l’hypo-
thèse stratégique. Selon cette hypothèse, les participants amélioreraient leurs perfor-
mances suite à une réussite grâce à une meilleure sélection et une meilleure exécution
stratégique, et les diminueraient suite à un échec, car cet échec les conduirait à sélec-
tionner moins souvent la meilleure stratégie sur chaque problème et à exécuter moins
efficacement la stratégie sélectionnée. Les données valident l’hypothèse stratégique.
Ainsi, nous avons demandé aux participants d’estimer le produit de deux nombres à
deux chiffres (p. ex., 47x83), sans calculer le produit exact. Pour cela, des participants
jeunes et âgés devaient choisir la meilleure stratégie, parmi deux stratégies disponibles
pour estimer chaque problème : la stratégie d’arrondie inférieur et la stratégie d’arron-
die supérieur. La stratégie d’arrondie inférieur consiste à arrondir les deux opérandes
aux dizaines inférieures les plus proches (p. ex., faire 40 × 80 = 3 200), tandis que la
stratégie d’arrondie supérieur consiste à arrondir les deux opérandes aux dizaines
supérieures les plus proches (p. ex., faire 50 × 90 = 4 500 pour estimer 47 × 83). Juste
avant cette tâche cible, les participants réalisaient une autre tâche, connue comme
assez facile à réussir ou comme assez aisée à échouer. Ainsi, les participants voyaient
deux collections de points très brièvement présentées (1 500 ms). Ils devaient indiquer
quelle collection contenait le plus de points. Les deux collections étaient choisies pour
être soit faciles à discriminer (p.  ex., une collection contenait 24  points, l’autre  18),
soit très difficiles (p.  ex., 24 et 22  points). La plupart des collections étaient faciles
à comparer dans l’étude portant sur l’effet de réussite à une tâche préalable et très
difficile dans celle portant sur l’effet d’échec à une tâche préalable, si bien que les
participants réussissaient massivement (sur plus de 90 % des items) dans la première
étude et échouaient massivement (sur plus de 80 % des items) dans la seconde. Dans
la condition contrôle, la comparaison des collections était de difficulté moyenne (c.-
à-d., les participants obtenaient 50 % de réussite). Comme le montre la Figure 10.7,
comparée à la condition contrôle, la condition réussite conduisait les participants âgés
264 ■ CHAPITRE 10 – Conclusions et perspectives

à sélectionner plus fréquemment la meilleure stratégie (l’effet n’était pas présent chez
les jeunes), tandis que la condition échec amenait les jeunes et les âgés à sélectionner
moins souvent la meilleure stratégie. En d’autres termes, les conditions de réussite
et d’échec préalable changeaient la manière dont les participants réalisaient la tâche
cible d’estimation calculatoire. Ce type de données suggère que les émotions (ici indi-
rectement déclenchées par des réussites et échecs) changent les mécanismes mentaux
déployés par les participants pour accomplir une tâche cognitive.

100 Échec Contrôle Réussite


Pourcentages de sélection
de la meilleure stratégie

90

80

70

60
Jeunes Âgés
Figure 10.7
Émotion et sélection stratégique (d’après Lemaire, 2021 ; Lemaire et al., 2019).
Taux de sélection de la meilleure stratégie sur chaque problème dans une tâche d’estimation
calculatoire, selon que les participants jeunes et âgés avaient réussi ou échoué à une tâche préalable.
Les données montrent que, comparée à la condition contrôle, la condition réussite conduisait les
participants âgés à sélectionner plus fréquemment la meilleure stratégie (l’effet n’était pas présent
chez les jeunes), tandis que la condition échec amenait les jeunes et les âgés à sélectionner moins
souvent la meilleure stratégie.

En somme, la perspective stratégique, si elle est adoptée dans les nombreuses


recherches à venir, permettra de tester plus systématiquement l’hypothèse selon
laquelle les émotions modifient le répertoire, la distribution, l’exécution et la sélec-
tion stratégiques. Cette hypothèse pourra être testée dans de nombreuses autres
tâches et dans des domaines cognitifs variés. Elle pourra être testée directement
en examinant, chaque fois que possible, la stratégie utilisée par chaque participant
sur chaque item dans chaque condition expérimentale. Elle offrira ainsi le type de
données nécessaires pour proposer une explication en termes de mécanismes des
effets des émotions sur la cognition et de la modulation de ces effets par différents
paramètres dans différents groupes d’individus. Cette perspective peut être adoptée
aussi bien par le psychologue qui se concentre sur l’analyse des effets des émotions
sur les performances cognitives que sur le psychologue ou le neuroscientifique inté-
ressé par ces effets sur les activations cérébrales.
Testez vos connaissances ■ 265

Testez vos connaissances

Questions pour mieux retenir

1. Quels sont les deux grands objectifs des recherches sur les liens émotion/
cognition dans l’ensemble des domaines cognitifs où ces liens sont testés ?
2. Citez cinq grandes conclusions qu’il est possible de tirer des travaux empi-
riques concernant le rôle des émotions dans la cognition humaine.
3. Que peut-on conclure des études sur le rôle des émotions dans la perception
du temps ? Illustrez ces conclusions par des résultats empiriques.
4. Les données de la neuroimagerie peuvent-elles contribuer à répondre à de
grandes questions sur les liens émotion/cognition (p. ex., existe-t-il des effets
inconscients des émotions sur la cognition) ? Étayez votre propos à l’aide de
travaux et résultats empiriques.
5. Proposez, pour chaque fonction cognitive, un protocole permettant de tester
le rôle des variations stratégiques dans les liens émotion/cognition.

Exercez-vous en ligne
Vrai ou faux
www.lienmini.fr/7527-VF10

Questionnaire à choix multiples


www.lienmini.fr/7527-QCM10

Flash-cards
www.lienmini.fr/7527-FC10
Glossaire

Biais de négativité Effet de congruence affective


Biais attentionnel qui conduit les participants L’effet de congruence affective est l’un des mar-
à prêter davantage attention aux informations queurs importants du rôle des émotions sur la
émotionnellement négatives et à être plus cognition et est observé dans pratiquement tous
influencés par ces informations, par comparaison les domaines cognitifs. Il caractérise une meilleure
aux informations émotionnellement positives. Ce performance lorsque l’état émotionnel du partici-
biais est surtout observé chez des participants pant et la valence émotionnelle du stimulus sont les
jeunes. mêmes. Par exemple, un participant triste mémo-
risera et rappellera plus d’informations émotion-
Biais de positivité lié à l’âge nellement négatives que d’informations neutres ou
Biais attentionnel qui conduit les participants positives.
à prêter davantage attention aux informations
émotionnellement positives et à être plus influen- Effet de réciprocité
cés par ces informations, par comparaison aux Parfois aussi appelé effet de justice réciproque,
informations émotionnellement négatives. Ce cet effet est testé dans le jeu de l’ultimatum où un
biais est surtout présent chez les personnes joueur (le donneur) propose de répartir une somme
âgées. d’argent disponible entre lui-même et un autre (le
receveur). Le receveur décide d’accepter ou non
Échelle de Beck (Beck Depression le partage proposé par le donneur. Si le receveur
Inventory) accepte, chacun reçoit la somme répartie (p. ex., sur
C’est l’une des échelles (ou un inventaire) per- 10 euros à partager, le donneur peut proposer de
mettant d’évaluer la dépression. Les participants prendre 6 euros et donner 4 euros au receveur). Si
doivent répondre à 21 items, pour la version le receveur refuse, personne ne reçoit rien. L’effet
longue (il existe une version courte comprenant de réciprocité désigne le fait que, généralement,
13 items). Pour chaque item, les participants lisent le receveur refuse si le donneur ne propose pas
quatre propositions (p.  ex., « Je ne me sens pas de lui donner au moins 20 % de la somme. Par
triste » ; « Je me sens cafardeux ou triste » ; « Je me exemple, pour qu’un receveur accepte le partage
sens tout le temps cafardeux ou triste, et je n’arrive de 10 euros, le donneur doit lui proposer au moins
pas à en sortir » ; « Je suis si triste et si malheureux 2 euros et garder 8 euros pour lui.
que je ne peux pas le supporter ») et doivent choi-
sir celle qui décrit le mieux leur état de ces deux Effet de réflexion
dernières semaines. Selon les réponses fournies Cet effet est observé dans les travaux sur la prise
par les participants à l’ensemble des items, quatre de décision où les participants ont à choisir entre
niveaux de dépression sont distingués : « pas de deux options, deux paris (ou décisions). L’effet de
dépression », « dépression légère », « dépression réflexion caractérise le fait que les participants
modérée » ou « dépression sévère ». font un choix risqué plus fréquemment lorsqu’une
268 ■ Émotion et cognition

décision doit être prise entre deux options pré- dans l’équilibre des gains et des pertes. Ainsi, cer-
sentées en version perte (p.  ex., pari 1 : 80 % de tains tas sont moins avantageux que d’autres, car
risques de perdre 0,75 dollar ; pari 2 : 20 % de les cartes ont des pertes plus importantes tandis
risques de perdre 3 dollars.), mais moins fréquem- que les tas plus avantages comprennent des cartes
ment lorsqu’une décision doit être prise entre deux avec des gains plus élevés.
options présentées en version gains (p.  ex., pari
1 : 80 % de chances de gagner 0,75 dollar ; pari 2 : Lag
20 % de chances de gagner 3 dollars). Le lag est le nombre d’items distracteurs qui
séparent deux items cibles dans une suite d’items
Effet de Trade-Off présentés très brièvement (voir « Présentation
Parfois aussi appelé effet tunnel, cet effet carac- Visuelle Sérielle Rapide »). Un lag de 1 signifie
térise le fait que la mémoire est sélective. Sous qu’un item sépare les deux items cibles, un lag de 2
émotion, et encore plus si l’émotion est de forte signifie que 2 items séparent les deux items cibles,
intensité, nous avons tendance à ne retenir que cer- etc.
tains éléments d’une scène, en particulier les élé-
ments déclencheurs de l’émotion (p. ex., une arme
N-Back
pointée vers nous lors d’une attaque sera mieux Tâche permettant d’évaluer les capacités et méca-
mémorisée que le visage de celui qui menace). Les nismes de la mémoire de travail dans laquelle le
informations non émotionnelles de la scène sont participant voit défiler une suite d’items et doit
alors moins bien (ou pas) retenues. indiquer, pour chaque item, s’il est le même que
l’item présenté N items avant (N pouvant varier
Effet tunnel de 1 à 4 ou 5, voire plus). Par exemple, une suite
Voir « Effet de Trade-Off ». de lettres est présentée au participant qui doit
dire, pour chaque lettre, si cette lettre est la même
Filtrage attentionnel que celle présentée 2 lettres avant (pour une tâche
dite 2-Back), 3 lettres avant (pour une tâche dite
Désigne l’attention sélective dont les mécanismes
3-Back).
permettent de filtrer (ou sélectionner) les infor-
mations pertinentes pour une tâche et inhiber les Probe Do Task
informations non pertinentes ou interférentes. Le
Tâche utilisée pour tester les mécanismes atten-
filtrage attentionnel est étudié notamment avec dif-
tionnels consistant à présenter une cible (p. ex., un
férentes tâches de conflit (Stroop, Simon, Flanker).
point) sur un écran et à demander aux participants
d’indiquer le plus rapidement possible de quel côté
Intelligence émotionnelle
(droit ou gauche) la cible apparaît. Cette cible peut
L’intelligence émotionnelle désigne l’ensemble des être précédée par une image émotionnelle dans
habiletés permettant une évaluation et une expres- l’étude du rôle des émotions sur l’attention.
sion exacte et précise des émotions, les siennes ou
celles des autres, la capacité à réguler les émotions Présentation Visuelle Sérielle Rapide
et à utiliser les sentiments et émotions pour moti- (RSVP)
ver, planifier et réaliser sa propre vie. Technique qui consiste à présenter brièvement
une suite d’items dont deux items constituent les
Iowa Gambling Task (tâche du jeu
items cibles et les autres les items distracteurs.
de l’Iowa) Les participants doivent réaliser une tâche cogni-
Tâche utilisée pour simuler la prise de décision tive sur les items cibles (p. ex., dire si ce sont les
dans la vie réelle. Dans cette tâche, les partici- mêmes items ou deux instances d’une même caté-
pants voient quatre tas de cartes (réels ou sur gorie). Est manipulé le nombre d’items distracteurs
écran d’ordinateur). Chaque tas contient des cartes (appelé « lag ») entre les deux items cibles afin de
associées à des gains et pertes d’argent. Le but est déterminer si l’influence du premier item cible sur
de gagner le plus d’argent possible, en tirant des le traitement du second est modulé par le nombre
cartes de chacun des tas. Les quatre tas diffèrent d’items distracteurs.
Glossaire ■ 269

Processus Bottom-Up (ou processus quand @ est présenté et sur une autre touche
ascendant) quand # apparaît. Toutefois, si juste après l’appari-
tion du symbole, ils entendent un signal sonore, ils
Se dit d’un traitement de l’information qui mobilise
ne doivent pas répondre.
au départ des mécanismes cognitifs de traitement
sensoriel, puis des mécanismes de plus en plus inté-
Tâche des ballons (BART)
grés (mémoire, puis inférences).
La tâche des ballons (BART, Balloon Analogue Risk
Processus Top-Down (ou processus Task) est une tâche qui évalue notre propension à
descendant) prendre des risques (ou notre aversion au risque).
Dans cette tâche, les participants peuvent gagner
Se dit d’un traitement de l’information qui mobilise
de l’argent en gonflant des ballons présentés sur un
au départ des mécanismes cognitifs de traitement
écran. Les participants gagnent un nombre variable
de haut niveau (inférences, activation d’un but
de points (ou quantité d’argent) pour chaque ballon
cognitif), puis des mécanismes de plus bas niveau
gonflé qui n’explose pas et en perd pour chaque
(comme l’encodage ou le traitement sensoriel des
ballon qui explose. Le but est de gagner le plus
informations dans l’environnement).
d’argent, en gonflant le maximum de ballons sans
les faire exploser.
Régulation émotionnelle
La régulation émotionnelle fait référence aux Tâche de Flanker
efforts que nous déployons pour changer nos émo-
Une des tâches dites de conflit permettant d’éva-
tions ou celles des autres (leur occurrence, leur
luer notamment l’efficacité des mécanismes d’inhi-
nature, leur intensité, leur évolution, leur expres- bition. Dans cette tâche, les participants voient
sion), en mobilisant un certain nombre de proces- cinq flèches. Celle du milieu est orientée soit dans
sus (ou stratégies). la même direction que les quatre autres (p.  ex.
<<<<< ou >>>>>) pour les essais congruents,
Running Span
soit dans une direction opposée (p.  ex. >><>>
Tâche utilisée pour évaluer la mémoire de travail ou <<><<) pour les essais non congruents. Les
qui mobilise de l’attention divisée dans laquelle participants doivent indiquer le côté (droit ou
les participants entendent des séries d’items, de gauche) vers lequel pointe la flèche du milieu. Ils
longueurs variables (p. ex., entre 12 à 20 chiffres). sont plus lents sur les essais non-congruents que
Avant chaque série, les participants ne connaissent sur les essais congruents. Ceci s’explique par le fait
pas la longueur de la série. À la fin de chaque série, que les essais non congruents requièrent la mise
ils doivent rappeler, par exemple, les cinq ou six en œuvre d’un processus supplémentaire d’inhibi-
derniers items de la série (p. ex., ils doivent rappe- tion permettant au participant de ne pas répondre
ler les cinq ou six derniers chiffres d’une série de du côté où les flèches périphériques pointent afin
20 chiffres). d’indiquer l’orientation de la flèche centrale.

Shifting Tâche de Simon


Considérée comme l’une des fonctions exécutives Une des tâches dites de conflit permettant d’évaluer
fondamentales, le shifting (ou switching) permet notamment les capacités d’inhibition. À  chaque
d’évaluer la flexibilité attentionnelle et consiste à essai, les participants voient une figure (p. ex., un
alterner rapidement entre deux tâches, deux stra- cercle ou un carré). Ils doivent appuyer sur la touche
tégies ou deux représentations mentales. de droite pour indiquer si la figure présentée est un
cercle et sur la touche de gauche pour indiquer si
Stop-Signal la figure est un carré. La figure peut apparaître du
L’une des tâches utilisées pour évaluer les capaci- même côté que celui de la réponse (p. ex., le cercle
tés d’inhibition d’une réponse initiée. Par exemple, apparaît à droite ; le carré apparaît à gauche) pour
les participants voient défiler sur un écran d’ordi- les essais congruents ou du côté opposé (p.  ex. le
nateur deux symboles (p.  ex., @ ou un #). Ils cercle apparaît à gauche, le carré à droite) pour
doivent appuyer sur une touche de l’ordinateur les essais non congruents. Comme dans les autres
270 ■ Émotion et cognition

tâches de conflit (Tâches de Stroop, de Flanker), être vraie ou fausse : « Si une carte comporte une
les participants sont plus lents sur les essais non voyelle sur une face, alors elle a un nombre pair
congruents que sur les essais congruents. Ceci sur l’autre ». Enfin, l’expérimentateur demande
s’explique par le fait que les essais non-congruents au participant d’indiquer quelle(s) carte(s) il doit
requièrent la mise en œuvre d’un processus supplé- nécessairement retourner pour savoir si la règle
mentaire d’inhibition permettant au participant de est vraie ou fausse. Plusieurs variantes de cette
ne pas répondre du côté où apparait la figure, mais tâche ont été mises au point, y compris pour tester
du côté correspondant à l’identité de la figure. le rôle des émotions dans le raisonnement déductif.

Tâche de Stroop Tâches de conflit


Une des tâches dites de conflit permettant d’éva- Ensemble de tâches (Stroop, Simon, Flanker) des-
luer notamment les capacités d’inhibition. Dans tinées à évaluer l’efficacité des mécanismes d’inhi-
cette tâche, les participants voient des mots dési- bition. Dans ces tâches, le participant doit inhiber
gnant une couleur. Chaque mot est écrit à l’encre une réponse inappropriée ou le traitement d’une
d’une couleur identique (essais congruents) à dimension du stimulus non pertinent. La vitesse à
celle indiquée par le mot ou différente (essais laquelle il est capable de le faire permet d’évaluer
non-congruents). Comme dans les autres tâches l’efficacité de ses mécanismes d’inhibition (d’un
de conflit (Tâches de Simon, de Flanker), les par- traitement, d’une réponse, d’une représentation
ticipants sont plus lents sur les essais congruents mentale).
que sur les essais non-congruents. Ceci s’explique
par le fait que les essais non-congruents requièrent Trier Social Stress Test
la mise en œuvre d’un processus supplémentaire Procédure expérimentale pour induire du stress.
d’inhibition permettant au participant de ne pas Selon cette procédure, les participants doivent
lire le mot pour indiquer la couleur de l’encre du d’abord préparer, pendant 2  minutes, un discours
mot présenté. (p.  ex., pour un entretien d’embauche au cours
duquel ils doivent mettre en avant leurs qualités
Tâche des quatre cartes personnelles). Ensuite, les participants doivent pro-
Dans cette tâche, destinée à évaluer le raisonne- noncer ce discours pendant 5 minutes devant deux
ment déductif, le participant voit quatre cartes. évaluateurs (embaucheurs potentiels) vêtus d’une
Chaque carte comporte une lettre sur l’un des blouse blanche. Ils sont filmés (ou pensent qu’ils le
côtés et un chiffre sur l’autre. L’expérimentateur sont) pendant ce discours. Enfin, pendant 5 minutes,
explique ensuite au participant que la règle sui- ils doivent compter à rebours à partir d’un nombre
vante s’applique sur les cartes et qu’elle peut (p. ex., compter par pas de 17 à partir de 2043).
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Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Procédures directes et indirectes d’induction des émotions. ................................................... 11


Tableau 5.1 : Personnalité et rappel libre ..................................................................................................................... 108
Tableau 6.1 : Exemples d’énoncés utilisés par Blanchette et Campbell .......................................................... 153
Tableau 7.1 : Humeur positive et prise de décision ................................................................................................. 172
Tableau 7.2 : Exemples d’énoncés dans l’étude de Berle et Moulds (2013a,b) pour étudier
le raisonnement fondé sur l’intrusion dans la dépression ......................................................... 179
Tableau 8.1 : Liste des différentes familles de stratégies de régulation émotionnelle
qu’il est possible de déployer à différents moments de l’expérience émotionnelle ........ 189
Tableau 8.2 : Quelques conséquences affectives, cognitives et sociales de deux stratégies
de régulation émotionnelle, la suppression expressive et la réévaluation cognitive..... 195
Liste des figures

Figure 2.1 : Effets Stroop émotionnels ....................................................................................................................... 18


Figure 2.2 : Effet Stroop numérique avec amorçage émotionnel sur temps de réponse ...................... 19
Figure 2.3 : Effets d’incompatibilité émotionnelle ................................................................................................. 20
Figure 2.4 : Effets du stress. Pourcentages d’erreurs pour chaque type d’items en condition
de stress et contrôle .................................................................................................................................. 22
Figure 2.5 : Exemples de stimulus en tâche de détection ................................................................................... 24
Figure 2.6 : Performances en tâche de détection. ................................................................................................. 26
Figure 2.7 : Taille des collections et détection ......................................................................................................... 27
Figure 2.8 : Tâche de jugement et émotions.............................................................................................................. 28
Figure 2.9 : Tâche de jugement et émotion................................................................................................................ 29
Figure 2.10 : Procédure de simple ou double indiçage dans une tâche de détection de cible indicée
utilisée pour étudier l’orientation et la flexibilité attentionnelles ......................................... 31
Figure 2.11 : Double indiçage et émotion ..................................................................................................................... 33
Figure 2.12 : Double indiçage et émotion ..................................................................................................................... 34
Figure 2.13 : Clignement attentionnel et émotion .................................................................................................... 36
Figure 2.14 : Clignement attentionnel et intensité émotionnelle ....................................................................... 37
Figure 2.15 : Clignement attentionnel et émotion .................................................................................................... 38
Figure 2.16 : Clignement attentionnel et émotion .................................................................................................... 39
Figure 2.17 : Clignement attentionnel et émotion .................................................................................................... 40
Figure 2.18 : Running Span et émotions ....................................................................................................................... 43
Figure 2.19 : N-Back et émotions ..................................................................................................................................... 44
Figure 3.1 : Anxiété et Stroop émotionnel................................................................................................................ 51
Figure 3.2 : Anxiété et détection de cible .................................................................................................................. 53
Figure 3.3 : Anxiété et catégorisation de lettres .................................................................................................... 53
Figure 3.4 : Anxiété et clignement attentionnel ..................................................................................................... 54
Figure 3.5 : Évolution avec l’âge des effets Stroop émotionnels : Neutre-Émotion ................................. 56
Figure 3.6 : Attention sélective, émotion et vieillissement................................................................................ 58
Figure 3.7 : Effets des émotions positives et négatives en attention sélective chez les jeunes
et les personnes âgées ................................................................................................................................ 59
322 ■ Émotion et cognition

Figure 3.8 : Vieillissement et modulations séquentielles des effets de congruence affective et non
émotionnelle................................................................................................................................................... 60
Figure 3.9 : Biais attentionnels dans le traitement des visages exprimant des émotions positives
ou négatives chez des jeunes et des âgés ........................................................................................... 62
Figure 3.10 : Temps de réponse à une tâche de détection chez les jeunes et personnes âgées selon
l’expression émotionnelle du visage cible ......................................................................................... 62
Figure 3.11 : Biais attentionnels chez les jeunes et les personnes âgées lors de la fixation
de paires de visages .................................................................................................................................... 64
Figure 3.12 : Exemples de modulations des biais attentionnels de positivité .............................................. 66
Figure 3.13 : Biais attentionnels chez les jeunes et les personnes âgées lors de la fixation de paires
de visages en fonction de l’état émotionnel des participants ................................................... 67
Figure 3.14 : Proportions de fixations oculaires sur les images positives et négatives en condition
d’attention divisée ou non chez les jeunes et les personnes âgées ......................................... 69
Figure 3.15 : Troubles anxieux et attention sélective ............................................................................................ 70
Figure 3.16 : Phobie sociale, troubles anxieux et attention sélective .............................................................. 71
Figure 3.17 : Dépression et biais attentionnels.......................................................................................................... 72
Figure 3.18 : Phobie et clignement attentionnel ........................................................................................................ 73
Figure 4.1 : Effets d’amplification mnésique sur des mots isolés.................................................................... 80
Figure 4.2 : Émotion, charge en mémoire de travail et mémoire..................................................................... 81
Figure 4.3 : Effets d’amplification mnésique sur des récits et diapositives................................................ 82
Figure 4.4 : Effets d’amplification mnésique sur des films ................................................................................ 83
Figure 4.5 : Effets d’amplification mnésique sur des informations contextuelles................................... 84
Figure 4.6 : Effets d’amplification mnésique en reconnaissance immédiate et différée........................ 85
Figure 4.7 : Effets délétères du stress sur le rappel .............................................................................................. 88
Figure 4.8 : Effets délétères du stress en reconnaissance .................................................................................. 89
Figure 4.9 : Émotion et faux souvenirs ...................................................................................................................... 90
Figure 4.10 : Effets de congruence affective............................................................................................................... 93
Figure 4.11 : Effets de congruence sur le jugement mnésique ............................................................................ 95
Figure 4.12 : Effets de dépendance aux contextes ................................................................................................... 97
Figure 4.13 : Effet tunnel..................................................................................................................................................... 100
Figure 5.1 : Personnalité et biais mnésiques ............................................................................................................ 109
Figure 5.2 : Sexe, émotion et mémoire ........................................................................................................................ 110
Figure 5.3 : Effets tunnel et différences individuelles ......................................................................................... 112
Figure 5.4 : Vieillissement et effet de la saillance émotionnelle ...................................................................... 114
Figure 5.5 : Effets de saillance émotionnelle en rappel différé ........................................................................ 115
Figure 5.6 : Biais mnésiques et émotions ................................................................................................................... 117
Figure 5.7 : Évolution avec l’âge des biais mnésiques selon la nature des items ..................................... 118
Figure 5.8 : Biais de positivité et intensité émotionnelle .................................................................................... 119
Figure 5.9 : Vieillissement et absence de biais mnésiques de positivité ...................................................... 119
Figure 5.10 : Biais de positivité et conditions d’encodage..................................................................................... 120
Figure 5.11 : Émotions et rappels des informations détaillées ........................................................................... 122
Liste des figures ■ 323

Figure 5.12 : Dépression et reconnaissance de visages .......................................................................................... 123


Figure 5.13 : Dépression et mémoires explicite et implicite ................................................................................ 124
Figure 5.14 : Dépression et jugements de réussite ................................................................................................... 125
Figure 5.15 : Effets de congruence affective et anxiété ......................................................................................... 127
Figure 5.16 : Dépendance au contexte chez des patients bipolaires ................................................................ 128
Figure 6.1 : Effets de contexte et jugements ............................................................................................................ 134
Figure 6.2 : Effets de congruence affective sur les jugements ......................................................................... 135
Figure 6.3 : Effets de congruence affective hors du laboratoire ..................................................................... 137
Figure 6.4 : Émotion positive et prises de risques ................................................................................................. 139
Figure 6.5 : Stress et prise de risque............................................................................................................................ 141
Figure 6.6 : Émotion et prise de risque ....................................................................................................................... 142
Figure 6.7 : Émotions négatives et prise de décisions injustes ......................................................................... 144
Figure 6.8 : Émotions et jeu de l’ultimatum .............................................................................................................. 145
Figure 6.9 : Émotion inconsciente et décisions ....................................................................................................... 146
Figure 6.1 : Le modèle E.I.C. de la prise de décision proposé par Lerner et al........................................... 148
Figure 6.2 : Raisonnement conditionnel et émotion ............................................................................................. 150
Figure 6.3 : Tâche des quatre cartes utilisées par Oaksford et al. (1996) dans leur étude relative
aux effets des émotions sur le raisonnement .................................................................................. 152
Figure 6.4 : Pertinence des émotions et raisonnement ........................................................................................ 155
Figure 7.1 : Différences individuelles en anxiété et jugement.......................................................................... 161
Figure 7.2 : Différences individuelles dans les liens anxiété et prise de décision.................................... 162
Figure 7.3 : Intelligence émotionnelle et décisions ................................................................................................ 163
Figure 7.4 : Conscience, intelligence émotionnelle et décisions ....................................................................... 165
Figure 7.5 : Exemple d’items utilisés par Leon et Revelle (1985) pour étudier le raisonnement
analogique géométrique chez des participants plus et moins anxieux dans
des conditions avec ou sans stress ....................................................................................................... 166
Figure 7.6 : Stress, anxiété et raisonnement ............................................................................................................ 167
Figure 7.7 : Vieillissement, émotions et décision ................................................................................................... 171
Figure 7.8 : Émotions et prise de risque ..................................................................................................................... 173
Figure 7.9 : Anxiété et prise de décision.................................................................................................................... 176
Figure 7.10 : Décisions et troubles obsessionnels compulsifs ............................................................................. 177
Figure 7.11 : Sources des décisions dans la tâche de l’Iowa chez des patients bipolaires
et des contrôles ............................................................................................................................................. 178
Figure 7.12 : Raisonnement et dépression ................................................................................................................... 180
Figure 8.1 : Modèle de la régulation émotionnelle et des étapes où  peuvent intervenir différentes
stratégies de régulation ............................................................................................................................. 189
Figure 8.2 : Intensité émotionnelle et stratégies de régulation ........................................................................ 191
Figure 8.3 : Bénéfices stratégiques, intensité émotionnelle et utilisation stratégique ........................... 192
Figure 8.4 : But émotionnel et stratégies de régulation....................................................................................... 193
Figure 8.5 : Vie quotidienne et stratégies de régulation ..................................................................................... 194
Figure 8.6 : Efficacité relative des stratégies de régulation............................................................................... 196
324 ■ Émotion et cognition

Figure 8.7 : Intensité émotionnelle et exécution stratégique ............................................................................ 197


Figure 8.8 : Disponibilité stratégique et régulation émotionnelle................................................................... 198
Figure 8.9 : Moment de mise en œuvre de la régulation émotionnelle ......................................................... 200
Figure 8.10 : Information préalable et régulation émotionnelle ........................................................................ 202
Figure 8.11 : Régulation et performances mnésiques ............................................................................................. 204
Figure 8.12 : Réévaluation cognitive et performances mnésiques à long terme......................................... 205
Figure 8.13 : Régulation émotionnelle et rappel ....................................................................................................... 207
Figure 8.14 : Régulation émotionnelle et prise de décision .................................................................................. 208
Figure 9.1 : Genre, culture et régulation émotionnelle ........................................................................................ 214
Figure 9.2 : Croyances sur les émotions et régulation émotionnelle ............................................................. 216
Figure 9.3 : Vieillissement et utilisation stratégique en régulation émotionnelle ................................... 220
Figure 9.4 : Utilisation des stratégies de régulation en milieu naturel ......................................................... 221
Figure 9.5 : Vieillissement et exécution stratégique............................................................................................. 224
Figure 9.6 : Évolution avec l’âge de l’exécution stratégique ............................................................................. 225
Figure 9.7 : Régulation émotionnelle et exécution stratégique........................................................................ 227
Figure 9.8 : Régulation émotionnelle et cognition ................................................................................................. 230
Figure 9.9 : Dépression et utilisation des stratégies de régulation émotionnelle. Autoévaluation
des stratégies de régulation par des individus en dépression et contrôles ........................ 232
Figure 9.10 : Stratégies, dépression et anxiété sociale ........................................................................................... 233
Figure 9.11 : Stratégies de régulation chez des participants contrôles et des patients souffrant
de troubles anxieux .................................................................................................................................... 234
Figure 9.12 : Troubles bipolaires, dépression et rumination ............................................................................... 235
Figure 9.13 : Exécution stratégique et dépression ................................................................................................... 236
Figure 9.14 : Exécution des stratégies de régulation et dépression.................................................................. 237
Figure 9.15 : Régulation émotionnelle et troubles de l’humeur ......................................................................... 238
Figure 10.1 : Émotion et estimations des durées ...................................................................................................... 253
Figure 10.2 : Émotion et estimation subjective des durées .................................................................................. 255
Figure 10.3 : Émotions négatives et perception du temps .................................................................................... 256
Figure 10.4 : Dépression et perception du temps ..................................................................................................... 257
Figure 10.5 : Représentation schématique des deux réseaux cérébraux activés pendant
la mémorisation d’informations émotionnelles .............................................................................. 259
Figure 10.6 : Émotions et jugements .............................................................................................................................. 261
Figure 10.7 : Émotion et sélection stratégique........................................................................................................... 264
Table des matières

Sommaire .......................................................................................... VII


Remerciements .................................................................................. IX
Préface .............................................................................................. XI

CHAPITRE 1 Introduction : présentation du domaine ....................... 1


1. Qu’est-ce qu’une émotion ? .................................................. 3
2. Liens entre émotions et cognition : questions de recherche
et intérêts .............................................................................. 5
2.1. Questions de recherche .......................................................... 5
2.2. Intérêts ..................................................................................... 6
2.3. Principe méthodologique ....................................................... 8
3. Comment l’effet des émotions sur la cognition
est-il étudié ? ................................................................................. 9
4. Sur quelles fonctions cognitives l’effet des émotions
est-il étudié ? ................................................................................. 109
Testez vos connaissances .................................................................. 14

CHAPITRE 2 Émotion et attention ...................................................... 15


1. Émotions et attention sélective .................................................. 17
2. Émotions et orientation de l’attention...................................... 23
3. Émotions et flexibilité attentionnelle ......................................... 30
3.1. Émotions et détection après indiçage unique ...................... 32
3.2. Émotions et détection après double indiçage ...................... 33
3.3. Émotions et clignement attentionnel .................................... 34
4. Émotions et attention divisée ..................................................... 41
4.1. Tâches de Running Span ......................................................... 42
4.2. Tâches de N-Back..................................................................... 43
326 ■ Émotion et cognition

Conclusions ......................................................................................... 45
Testez vos connaissances .................................................................. 47

CHAPITRE 3 Émotion et attention : différences individuelles,


vieillissement et psychopathologie................................ 49
1. Émotion et attention : différences individuelles ...................... 50
1.1. Différences individuelles et Stroop émotionnel ................... 50
1.2. Différences individuelles et tâches de détection de cible .... 52
2. Émotion et attention : vieillissement ......................................... 55
2.1. Vieillissement, émotion et attention sélective ...................... 55
2.2. Vieillissement et orientation de l’attention .......................... 60
3. Émotions et attention : psychopathologie ................................ 69
3.1. Psychopathologie et Stroop émotionnel ............................... 69
3.2. Psychopathologie et tâches de recherche visuelle ................ 71
Conclusions ......................................................................................... 74
Testez vos connaissances .................................................................. 76

CHAPITRE 4 Émotion et mémoire ...................................................... 77


1. Quand les émotions améliorent la mémoire :
effets d’amplification mnésique ................................................. 78
1.1. Sur des mots isolés .................................................................. 79
1.2. Sur la mémorisation des textes et de scènes
émotionnelles .......................................................................... 81
1.3. Sur la mémorisation du contexte ........................................... 83
1.4. Effets d’amplification mnésique et rappel différé................ 84
2. Quand les émotions dégradent et modifient la mémoire ...... 86
2.1. Effets de dégradation mnésique ............................................ 86
2.2. Émotion et faux souvenirs ...................................................... 89
3. Effets de congruence affective, de dépendance
aux contextes et de tunnel ......................................................... 92
3.1. Effets de congruence affective............................................... 92
3.2. Effets de dépendance aux contextes émotionnels ............... 95
3.3. Effets de Trade-Off (ou tunnel) mnésique ............................ 98
Conclusions ......................................................................................... 101
Testez vos connaissances .................................................................. 104
Table des matières ■ 327

CHAPITRE 5 Émotion et mémoire : différences individuelles,


vieillissement et psychopathologie................................ 105
1. Émotion et mémoire : différences individuelles ....................... 106
1.1. Personnalité, émotion et mémoire ........................................ 107
1.2. Émotion et mémoire : différences entre les sexes................. 110
1.3. Facteurs cognitifs, émotion et mémoire................................ 111
2. Émotion et mémoire : vieillissement .......................................... 112
2.1. Vieillissement et effet d’amplification mnésique ................. 113
2.2. L’effet des émotions positives et négatives est-il le même
chez les jeunes et les âgés ? .................................................... 115
2.3. Vieillissement, émotions et rappel des détails ...................... 120
3. Émotion et mémoire : psychopathologie .................................. 122
3.1. Effets de congruence affective chez des patients ................ 122
3.2. Effets de dépendance aux contextes émotionnels
chez les patients ...................................................................... 127
Conclusions ......................................................................................... 129
Testez vos connaissances .................................................................. 130

CHAPITRE 6 Émotion, jugement, prise de décision


et raisonnement ............................................................. 131
1. Émotion et jugement ................................................................... 133
1.1. Biais de surestimation ............................................................. 133
1.2. Jugements et effet de congruence affective ........................ 134
2. Émotion et prise de décision ...................................................... 138
2.1. Émotions positives et décisions .............................................. 138
2.2. Émotions négatives et décisions............................................. 140
2.3. Tristesse, anxiété et décisions ................................................. 142
2.4. Dégoût et décisions................................................................. 143
2.5. Émotions inconscientes et décisions ...................................... 145
2.6. Émotions et décisions : le modèle E.I.C.
(Emotion-Imbued Choice) ....................................................... 147
3. Émotion et raisonnement ............................................................ 149
3.1. Effets délétères des émotions sur le raisonnement .............. 150
3.2. Effets bénéfiques des émotions sur le raisonnement........... 153
3.3. Émotion et raisonnement : quels mécanismes ? .................... 154
Conclusions ......................................................................................... 156
Testez vos connaissances .................................................................. 157
328 ■ Émotion et cognition

CHAPITRE 7 Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement :


différences individuelles, vieillissement
et psychopathologie ....................................................... 159
1. Émotion, jugement, prise de décision et raisonnement :
différences individuelles .............................................................. 160
1.1. Émotion et jugement .............................................................. 160
1.2. Émotion et prise de décisions................................................. 161
1.3. Émotion et raisonnement ....................................................... 165
1.4. Conclusions .............................................................................. 168
2. Émotion et prise de décision : vieillissement ........................... 169
2.1. Les émotions peuvent améliorer ou détériorer la prise
de décision chez les âgés ........................................................ 170
2.2. Les émotions peuvent influencer la prise de risque
chez les âgés ............................................................................ 172
2.3. Conclusions .............................................................................. 174
3. Émotion, prise de décision et raisonnement :
psychopathologie ......................................................................... 175
3.1. Émotion et prise de décision .................................................. 175
3.2. Émotion et raisonnement ....................................................... 178
3.3. Conclusions .............................................................................. 180
Testez vos connaissances .................................................................. 181

CHAPITRE 8 La régulation émotionnelle............................................ 183


1. Qu’est-ce que la régulation émotionnelle ? ............................. 185
1.1. Définition ................................................................................. 185
1.2. Composantes fondamentales de la régulation
émotionnelle ........................................................................... 185
2. Stratégies de régulation émotionnelle ...................................... 187
2.1. Quelles sont les stratégies de régulation émotionnelle ?..... 187
2.2. Quand sont utilisées les stratégies de régulation
émotionnelle ? ......................................................................... 190
3. Efficacité de la régulation émotionnelle ................................... 194
3.1. Efficacité relative des stratégies ............................................. 194
3.2. Rôle de l’intensité émotionnelle sur l’exécution
stratégique............................................................................... 196
4. Régulation émotionnelle et performances cognitives ............ 202
4.1. La régulation émotionnelle détériore les performances
cognitives ................................................................................. 203
Table des matières ■ 329

4.2. La régulation émotionnelle améliore les performances


cognitives ................................................................................. 206
4.3. Conclusions .............................................................................. 208
Testez vos connaissances .................................................................. 209

CHAPITRE 9 La régulation émotionnelle : vieillissement, différences


individuelles et psychopathologie ................................. 211
1. Régulation émotionnelle et différences individuelles ............. 212
1.1. Différences culturelles et régulation émotionnelle .............. 213
1.2. Croyances et régulation émotionnelles ................................. 214
2. Régulation émotionnelle et vieillissement ................................ 216
2.1. Effets du vieillissement dans l’utilisation des stratégies
de régulation émotionnelle ................................................... 218
2.2. Effets du vieillissement sur l’exécution des stratégies
de régulation émotionnelle ................................................... 222
2.3. Conclusions .............................................................................. 228
3. Régulation émotionnelle et psychopathologie ........................ 231
3.1. Psychopathologie et utilisation des stratégies
de régulation émotionnelle ................................................... 232
3.2. Psychopathologie et exécution des stratégies
de régulation émotionnelle ................................................... 235
Conclusions ................................................................................................... 239
Testez vos connaissances .................................................................. 241

CHAPITRE 10 Conclusions et perspectives .................................... 243


1. Comment étudier les effets des émotions
sur la cognition ? .................................................................... 245
2. Quand et comment nos émotions affectent-elles
la cognition ? ......................................................................... 249
3. Effets des émotions dans certains domaines spécifiques ..... 252
4. Bases cérébrales des effets des émotions
sur la cognition ..................................................................... 258
5. À la recherche des mécanismes responsables
des liens émotion/cognition .................................................. 261
Testez vos connaissances ............................................................ 265
330 ■ Émotion et cognition

Glossaire ............................................................................................ 267


Bibliographie...................................................................................... 271
Liste des tableaux .............................................................................. 319
Liste des figures ................................................................................. 321

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