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Coordination de la traduction française: J.-D. GUELFI.
M ANUEL DE PSYCHIATRIE, coordonné par J.-D. G UELFI, F. R OUILLON. 2007,
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MINI DSM-IV-TR. CRITÈRES DIAGNOSTIQUES, par l’AMERICAN PSYCHIATRIC ASSO-
CIATION. Traduction française: J.-D. GUELFI, P. BOYER, C.-B. PULL, M.-C. PULL.
2008, version électronique téléchargeable, 384 pages.
DSM-IV. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS, par M.B. FIRST, A. FRANCES, H.A. PINCUS.
Traduction française par E. CORRUBLE, S. BOUCHEZ-ARBABZADEH, J.-D. GUELFI.
1999, 256 pages.
PSYCHOPATHOLOGIE QUANTITATIVE, par J.-D. GUELFI, V. GAILLAC, R. DARDENNES
et coll. 1995, 288 pages.
Autres ouvrages:
LES PERSONNALITÉS PATHOLOGIQUES, par Q. DEBRAY, D. NOLLET. Collection
«Médecine et Psychothérapie». 2008, 5e édition, 224 pages.
PROTOCOLES ET ÉCHELLES D’ÉVALUATION EN PSYCHIATRIE ET EN PSYCHOLOGIE,
par M. BOUVARD, J. COTTRAUX. Collection «Pratiques en psychothérapie». 2005,
4e édition, 336 pages.
Q UESTIONNAIRES ET ÉCHELLES D ’ ÉVALUATION DE LA PERSONNALITÉ, par
M. B OUVARD. Collection «Pratiques en psychothérapie». 2002, 2 e édition,
304 pages.
ÉCHELLES ET QUESTIONNAIRES D’ÉVALUATION CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLES-
CENT, par M. Bouvard. Collection «Psychologie». 2008, vol. 1, 192 pages; vol. 2,
200 pages.
Collection
Pratiques en Psychothérapie
Conseiller éditorial : Dominique Servant
J. Christopher Perry
Mécanismes de défense :
principes et échelles d’évaluation
2e édition
Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que repré-
sente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine
universitaire, le développement massif du «photocopillage». Cette
pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements
d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres,
au point que la possibilité même pour les auteurs de créer les œu-
vres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui
menacée.
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Historique
Enrichissements du concept
L’extension du concept de défense a rapidement débordé le cadre de
la psychanalyse. Son intégration dans le champ de la psychologie et
des théories développementales est particulièrement sensible dans les
travaux de R.S. Wallerstein (1967, 1983), de E. Plumpian-Midlin
(1967) et de R. Plutchik.
Le psychanalyste américain G. Vaillant apporte une contribution
essentielle aux développements du concept par la publication de diffé-
rents articles consacrés à ce thème et de deux ouvrages fondamentaux
(Ego Mechanisms of Defense [1992] et The Wisdom of the Ego
[1993]). À la différence de S. Freud, il ne considère pas les mécanis-
mes de défense comme liés au conflit sexuel mais leur attribue une
fonction de régulation des affects (colère, dépendance, joie et ten-
dresse) et de modulation des relations interpersonnelles. Ainsi, les
mécanismes de défense contribueraient à la modulation et à la distor-
sion, plus ou moins marquée, des relations externes et des représenta-
tions internes, des conduites et des émotions. Toute défense
constituerait une réponse adaptative, le même mécanisme pouvant être
identifié tant dans le cadre de la normalité que dans un processus
pathologique. Toutefois l’absence d’adéquation au niveau du dévelop-
pement et à la situation marquerait la pathologie.
L’étude du fonctionnement défensif comporterait selon lui différents
intérêts, de l’élaboration d’un langage commun pour évoquer l’inter-
face entre idées et sentiments à l’étude des modalités de réponse de tel
ou tel individu en situation de stress, apportant une meilleure compré-
hension globale du patient. Il insiste sur l’intérêt de la compréhension
et de l’étude des mécanismes de défense dans la perception et l’étude
de la «normalité», et établit une analogie avec le système immunitaire
dans laquelle les mécanismes de défense permettraient le maintien
d’une certaine homéostasie psychique. Certains éléments caractérise-
raient alors ces mécanismes de défense:
– un mode d’action spécifique conduisant à la modification de
l’affect, et non à sa disparition : anticipation et répression apparaissent
ainsi comme plus adaptatifs que formation réactionnelle, activisme ou
déni psychotique ;
– la canalisation, et non le blocage, des affects ;
– l’inscription dans une perspective temporelle vers le long terme :
anticipation versus passage à l’acte ;
Historique et définitions 7
siques (axe III), les facteurs de stress psychosociaux (axe IV) et le degré
de fonctionnement adaptatif (axe V) témoigne de la reconnaissance de
l’intérêt d’une approche plurielle des troubles mentaux. En 1988, une
commission est constituée afin de réfléchir à la perspective d’un VIe axe
dans le DSM-IV consacré aux mécanismes de défense et ne s’avérant
pas redondant avec l’axe V. Cette commission, constituée de psychia-
tres anglo-saxons d’orientation psychodynamique, avait pour objectifs
de réaliser une revue de la littérature existante et d’établir une définition
des mécanismes de défense retenus, ainsi que les bases d’une hiérarchi-
sation. Cette réflexion s’articulait autour de l’identification de mécanis-
mes de défense spécifiques, caractéristiques du fonctionnement actuel
du patient et de son fonctionnement habituel, et aboutit à l’apparition
d’une échelle du fonctionnement défensif dans la quatrième édition du
manuel en 1994 (DSM-IV).
En langue française, l’ouvrage de Serban Ionescu, Marie-Madeleine
Jacquet et Claude Lhote, publié en 1997, constitue le texte le plus
exhaustif consacré à ce thème. Nous nous référerons à plusieurs repri-
ses à cet ouvrage dans cette introduction à la traduction-adaptation en
langue française du Defense Mechanism Rating Scale (DMRS) de
J. Christopher Perry.
Pourtant, si l’introduction dans les classifications catégorielles
comme le DSM-IV a donné lieu à une terminologie commune, néces-
saire à la communication et à la recherche scientifique, les déplace-
ments successifs de perspective ainsi que les développements
psychanalytiques de la notion de défense font de ce concept un ensem-
ble hétérogène dont il est difficile de fournir une définition opération-
nelle tant celle-ci est dépendante du champ dans lequel on se situe
(J.N. Despland, 2001).
1. Le terme anglais affiliation n’a pas d’équivalent en français. Nous avons préféré utiliser
une périphrase dans la traduction française du DSM-IV «capacité de recours à autrui».
2. L’affirmation de soi est parfois qualifiée d’auto-affirmation ou assertivité.
S. lonescu préfère préciser: « affirmation de soi par l’expression des sentiments».
3. Pour G.E. Vaillant le retournement contre soi-même est synonyme de l’agression
passive (DSM-IV). Anna Freud avait utilisé l’expression: «retournement contre soi».
4. On parle communément de «clivage du moi» ou de «clivage de l’objet». Tous les
outils d’évaluation des mécanismes de défense ont en réalité en commun le fait de
s’attacher aux représentations plus qu’au processus lui-même. Ceci est particulièrement
vrai pour le clivage.
5. L’acting out est généralement traduit en français par l’expression: «passage à
l’acte». S. lonescu lui préfère le terme «d’ activisme».
6. Le terme anglais suppression est traduit en français par le terme de «répression» ou
de «mise à l’écart». Ce mécanisme est différent du refoulement (repression en anglais).
7. Le mécanisme apathetic withdrawal a été traduit aussi bien dans le DSM-IV que
dans le livre de S. Ionescu par l’expression de retrait apathique.
8. À la traduction littérale de rêverie autistique (pour autistic fantasy), S. Ionescu a pré-
féré l’expression de «refuge dans la rêverie».
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18 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?
Les auto-questionnaires
Les auto-questionnaires offrent l’avantage de modalités de passation
simples, rapides et reproductibles et d’une fidélité potentiellement
accrue, du fait de la suppression du jugement de l’observateur. Toute-
fois, des limitations d’ordre général se posent comme la fiabilité de
l’auto-observation et de la quantification d’un comportement, la cap-
ture uniquement de dérivés conscients des mécanismes de défense, la
désirabilité sociale conduisant à l’auto-attribution de qualités sociale-
ment valorisées ou désirables et la tendance à l’acquiescement.
L’absence d’instrument de référence gold-standard limite par ailleurs
les études de validation.
Deux auto-questionnaires apprécient les mécanismes de défense
dans une perspective classique et font l’objet de nombreuses publica-
tions internationales: le Defense Mechanism Inventory (DMI) de G.
Gleser et D. Ihilevich (1969) largement développé au cours des quinze
années suivantes: D. Ihilevich et G. Gleser (1986) et le Defense Style
Questionnaire (DSQ) développé par M. Bond (1983).
Le DMI est constitué de douze histoires qui décrivent des situations
potentiellement conflictuelles. Les thèmes ont trait à des conflits vis-à-
vis de figures d’autorité, de l’expression de besoins d’indépendance ou
de compétition, de la masculinité-féminité, de besoins de sécurité phy-
sique. Après présentation de l’histoire, quatre questions sont posées au
sujet concernant son comportement habituel dans une telle situation et
son comportement impulsif fantasmatique (pensées et sentiments).
Cinq réponses alternatives sont proposées pour chaque question (240
items) imposant un choix forcé. Les réponses ainsi recueillies permet-
tent de réaliser le regroupement en cinq styles défensifs: «se tourner
contre l’objet», «la projection», «se tourner contre soi», «le renverse-
ment», «jouer sur les principes». Cette échelle constitue l’un des ins-
truments souvent utilisés en recherche autour des mécanismes de
défense. Il n’en existe pas à notre connaissance de traduction française.
Des données normatives ont été publiées par les auteurs.
Le DSQ fait l’objet de nombreuses publications internationales et est
l’un des instruments les plus utilisés dans les pays francophones du fait
de sa traduction et de sa validation en langue française. La première
version du DSQ, élaborée dans les années quatre-vingt, vise à satisfaire
un objectif préalable, selon M. Bond, à l’étude expérimentale des
mécanismes de défense: obtenir une évaluation qui ne dépende pas du
jugement subjectif de l’examinateur. La première version de cet auto-
questionnaire comportait quatre-vingt-dix-sept items, évaluant vingt-
six mécanismes de défense, qui seront ramenés à quatre-vingt-huit
items en 1984. M. Bond s’inspire des travaux de A. Freud et de
24 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?
Présentation du DMRS
Le DMRS présenté dans cet ouvrage est le plus utilisé et le plus
reconnu dans le domaine de l’évaluation empirique des mécanismes de
défense. Il a été développé par John Christopher Perry, psychiatre amé-
ricain formé par George Vaillant. La cinquième version de cet instru-
ment, qui fait l’objet de la présente traduction, date des années quatre-
vingt-dix et les publications reposant sur les premières versions remon-
tent aux années quatre-vingt. Une première traduction en langue fran-
çaise a été établie par M. Bader (Fonds national suisse de la recherche
scientifique, 1992, manuscrit).
J.C. Perry, associé à S. Cooper, a étudié les mécanismes de défense
sur la base d’un échantillon d’individus présentant des troubles de la
personnalité de type borderline ou antisocial, ou des troubles bipolaires
(J.C. Perry, 1986, 1988). Le DMRS décrivait initialement vingt-deux
mécanismes de défense portés à vingt-huit lors des remaniements
apportés à la version initiale (Perry 1990). L’une des faiblesses de
l’instrument est l’évaluation insuffisante des défenses psychotiques, ne
permettant pas la discrimination de patients situés dans un registre psy-
chotique. L’inclusion des défenses psychotiques est prévue à terme.
Remarque méthodologique
Avant de décrire les caractéristiques principales du DMRS, ainsi que
des exemples de recherches permises par cet instrument, une remarque
méthodologique préalable peut être utile pour tout lecteur, psychana-
lyste ou non.
En premier lieu, cet instrument est emblématique de l’appréhension
différente de la recherche psychanalytique que l’on peut avoir dans les
pays francophones et sur le continent nord-américain, les pays nordi-
Les instruments d’évaluation 27
Description de l’instrument
Chaque mécanisme de défense est défini ainsi que sa fonction dans
l’économie psychique du sujet. Il est présenté avec un diagnostic diffé-
rentiel et peut faire l’objet d’une évaluation qualitative et quantitative:
– l’évaluation qualitative se fait à l’aide d’exemples sur la base des-
quels il est possible de considérer qu’un mécanisme donné est absent,
probable ou présent ;
– l’évaluation quantitative requiert l’analyse détaillée de l’entretien
sur la base de verbatim enregistrés au magnétophone ou en vidéo. Elle
permet de comptabiliser la fréquence de la mise en œuvre de chacun
des mécanismes de défense.
Ces deux méthodes permettent de décrire et de dénombrer les méca-
nismes de défense auxquels un sujet recourt lors d’un entretien ou
28 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?
En population générale
Les travaux de l’équipe de G. Vaillant (1985, 1992) menés sur plus
de cinquante ans, retrouvent des corrélations, statistiquement signifi-
Les instruments d’évaluation 31
Adolescents et enfants
L’évolution des mécanismes des mécanismes de défense au cours de
l’enfance et de l’adolescence demeure un champ d’investigation relati-
vement peu exploré des chercheurs. Les quelques études en population
adolescente apportent des arguments en faveur de la validité des instru-
ments d’auto-évaluation comme le DSQ en population adolescente
(T. Ruuttu, 2006) mais avec des spécificités (A. Nasserbakht, 1996)
potentiellement liées à la maturation du fonctionnement défensif au
cours du développement (D. Evans, 2000).
De la même manière qu’en population adulte, le fonctionnement
global comme le niveau de psychopathologie paraissent liés au degré
de maturité des mécanismes de défense mis en œuvre (S. Erickson,
1996 ; D. Stein, 2003).
32 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?
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40 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?
Synthèse
La recherche clinique sur les mécanismes de défense est encore
débutante. Ce concept s’est enrichi au fil des ans avec les développe-
ments post-freudiens de la théorie psychanalytique. Son champ s’est
encore étendu avec l’ego-psychology et la psychologie cognitive. Cette
extension fait courir le risque de glissements sémantiques et d’impréci-
sions des limites du concept. Ces dernières années ont été marquées
par divers efforts réalisés pour parvenir à un consensus dans les défini-
tions proposées avec des auteurs comme G.E. Vaillant ou J.C. Perry
aux États-Unis et S. Ionescu en langue française. Il en est de même
pour la hiérarchisation au sein de la classification des défenses.
Il faut rappeler que ce type de recherche et le développement d’ins-
truments, tel le DMRS reposant sur des concepts psychanalytiques,
suscitent des opinions très contrastées suivant que l’on est dans le
champ de la psychanalyse francophone ou anglo-saxonne. L’introduc-
tion au rapport de l’Association psychanalytique internationale (API-
IPA) sur la recherche psychanalytique (An Open Door Review of Out-
come Studies in Psychoanalysis) met en évidence ces divergences épis-
témologiques profondes au travers des prises de position de Peter
Fonagy pour la tradition anglo-saxonne et de Roger Perron pour la tra-
dition francophone. Sans vouloir trancher ce débat difficile, il nous
semble utile de préciser que l’intérêt de ce genre de recherche ne s’ins-
crit pas dans le champ de la psychanalyse pure. En d’autres termes il
ne s’agit pas de recherche psychanalytique, mais plutôt de la mise en
œuvre de méthodes issues de la psychiatrie afin de circonscrire et de
valider ce que la psychanalyse, notamment en tant que méthode de trai-
tement, peut lui apporter. En d’autres termes, il s’agit de psychiatrie
appliquée à la psychanalyse.
Dans cette perspective, il est souhaitable que dans la cinquième révi-
sion de la classification américaine des troubles mentaux initialement
prévue pour 2010, attendue actuellement pour 2012-2013, un axe sup-
plémentaire soit exclusivement consacré aux défenses du moi. Les tra-
vaux empiriques des prochaines années contribueront sans nul doute à
mieux étayer nos connaissances sur le fonctionnement psychique en
intégrant des données théoriques d’origines diverses, psychanalyti-
ques, psychobiologiques et cognitives. Ces recherches auront vraisem-
blablement des applications cliniques dans les champs des indications
thérapeutiques, de l'évaluation du résultat en psychothérapie, ainsi que
de l’extension des recherches portant sur le processus psychanalytique.
Introduction
■
Les échelles suivantes ont été mises au point pour évaluer de manière
fidèle la probabilité de l’utilisation, par un sujet donné, des divers
mécanismes de défense définis plus loin. Les cotateurs fonderont leurs
notes d’évaluation sur les données recueillies lors d’un entretien d’orien-
tation psychodynamique avec les sujets. Les éléments cliniques d’appré-
ciation des mécanismes de défense ne viennent donc pas de
l’interviewer, mais plutôt du sujet lui-même, par le récit qu’il fait de sa
vie récente, d’épisodes significatifs de sa vie, et l’interaction entre l’éva-
luateur et le sujet servira de base aux cotateurs pour fixer leur note d’éva-
luation du mécanisme de défense. Le fait de retirer aux interviewers leur
rôle d’évaluateur sacrifie sans doute la part d’appréciation subjective
mais néanmoins précieuse liée à l’effet que le sujet peut avoir sur
l’investigateur, mais l’objectivité se trouve ainsi renforcée, ce qui est
toujours souhaitable du point de vue de la recherche.
Les échelles sont des représentations des concepts définissant cha-
que mécanisme de défense. Toutefois, la fiabilité d’une notation
d’entretien psychodynamique avec un sujet, reposant uniquement sur
des définitions, risquerait d’être très médiocre. Cela a été tout le pro-
blème des concepts en psychodynamique et de la recherche en général.
Pour que chaque définition soit utilisée de manière fiable, on a mis au
point des échelles dont les scores : « utilisation probable » ou « utilisa-
tion certaine » se rapportent à des exemples ou répondent à des règles
de cotation définies. Pour utiliser au mieux une échelle d’évaluation, il
importe de vérifier continuellement ou régulièrement quelle est l’idée
sous-jacente ou l’arrière-pensée qui définit le mécanisme de défense,
ainsi que ses ancrages. Cela implique nécessairement une part de juge-
ment personnel, et donc une part d’erreur.
Début de la cotation
En commençant la cotation, il est parfois difficile d’identifier les
défenses dans les premières pages du verbatim. Ceci est dû au fait qu’il
est nécessaire de prendre le temps de connaître le sujet et de compren-
dre son discours. C’est aussi dû au fait que les premières minutes
d’entretien sont souvent consacrées à des détails historiques et anam-
nestiques. Lorsque l’évaluateur a de la difficulté à commencer la cota-
tion, il est préférable de lire le verbatim jusqu’au moment où la
présence de plusieurs défenses devient évidente. À ce moment, l’éva-
luateur doit reprendre le verbatim dès le début et revoir ses cotations
précédentes. Le repérage des mécanismes de défense est ainsi facilité.
tim repérée (mis entre parenthèses). Les défenses peuvent avoir plu-
sieurs fonctions:
– transformer/modifier un désir anxiogène ou conflictuel de façon à
le rendre plus facilement supportable;
– aider les autres de façon à s’aider soi-même à supporter un conflit
ou facteur anxiogène;
– faire en sorte qu’un désir est satisfait de façon aussi directe que
possible, et ce malgré certains conflits ou facteurs anxiogènes;
– remettre à un moment plus opportun la satisfaction d’un désir ou
l’expression d’un conflit;
– éviter d’affronter un conflit pour se consacrer à des conflits moins
importants;
– se défendre contre des sentiments de culpabilité suite à certains
propos;
– se défendre contre des sentiments de culpabilité portant sur un
affect ou une représentation;
– minimiser ses sentiments à l’endroit d’un objet tout en étant capa-
ble d’en discuter;
– exprimer quelque chose sans être conscient que cela nous appar-
tient;
– augmenter l’estime de soi sans faire d’effort concret;
– éviter et mettre de côté des menaces ou déceptions;
– nier un problème;
– se mentir au sujet de quelque chose qui risque autrement d’entraî-
ner des sentiments de honte ou de culpabilité;
– conserver un intérêt pour un désir (chez autrui) que l’on nie chez
soi, inciter autrui à se comporter de façon mal intentionnée afin de jus-
tifier notre colère à son égard;
– se défaire d’une pulsion ou sentiment de façon soudaine et en met-
tant de côté toute inhibition;
– faire obstacle à autrui tout en se montrant coopérant;
– punir autrui tout en demandant de l’aide ou de la compréhension.
Il est plus facile d’évaluer les défenses après avoir identifié leur
fonction et établi une liste différentielle de défenses. Le DMRS com-
prend des instructions pour aider à distinguer des défenses ayant des
fonctions similaires. L’évaluateur doit ensuite déterminer quelle fonc-
tion est la mieux applicable au sujet.
Exemple: un sujet dit avoir eu un accident de voiture grave. Il donne
plusieurs détails au sujet des dommages faits à sa voiture. Cependant,
il en parle de façon détachée et ne manifeste aucune réaction émotion-
nelle.
56 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Défenses superposées
Si la défense cotée doit traduire une grande partie de la manœuvre
défensive, il est possible que certains éléments du matériel ne soient
pas totalement en rapport avec la défense relevée. L’évaluateur doit
alors déterminer si une deuxième défense est superposée à celle cotée.
Cette situation n’est cependant pas fréquente. Dans ce cas, certains
extraits peuvent témoigner de la présence de deux défenses, alors que
d’autres extraits indiquent uniquement la présence d’une seule défense.
Aspect chronologique
Dans tout entretien, un sujet rapporte des événements associés à des
moments différents de sa vie. Il peut être tentant de traiter les défenses
différemment selon le moment où elles ont été utilisées. En revanche,
dans la pratique, ceci s’avère plutôt difficile car il arrive souvent que
les informations liées à une défense ne permettent pas de différencier:
– si la défense a été utilisée dans le passé uniquement;
– si la défense a été utilisée auparavant et est encore utilisée
aujourd’hui (en d’autres termes, si le sujet se retrouvait dans la même
situation aujourd’hui, utiliserait-il la même défense?);
– si la défense est utilisée aujourd’hui au sujet d’un événement
passé, sans l’avoir été alors.
L’évaluateur doit donc évaluer chaque défense sans chercher à dif-
férencier celles qui n’auraient été utilisées que par le passé de celles
utilisées présentement. Ce choix de méthode de cotation s’appuie sur
les résultats de recherches longitudinales. Au cours de celles-ci, les
sujets ont eu un entretien dynamique une fois par an afin d’examiner
tout changement en cours de traitement. Il est apparu que, au début du
traitement, les patients tendent à présenter leurs difficultés avec beau-
coup de détails. Plusieurs mécanismes de défense peuvent alors être
identifiés. Avec le temps, ces mêmes problèmes sont abordés sans
mentionner autant de détails, pour éventuellement n’être que résumés
en quelques mots. Il est alors plus difficile de trouver l’information
nécessaire pour coter une défense liée à des épisodes passés. En
revanche, le discours du sujet porte beaucoup plus sur des problèmes
récents, et donne alors suffisamment de détails pour coter des défen-
ses actuellement utilisées. Ces observations ne mettent certainement
pas fin au problème méthodologique suscité par cette question. Elles
invitent malgré tout à ne pas s’inquiéter du fait qu’une discussion axée
sur le passé puisse donner une fausse impression du fonctionnement
présent.
58 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Profil défensif
Les scores de chaque mécanisme au sein d’un même niveau défensif
sont additionnés pour donner un score de profil défensif exprimé en
pourcent du nombre total de défenses. La puissance statistique consé-
cutive à cette manière de décompter les défenses est accrue du fait que
les différences entre groupes sont plus sensibles. De plus, cela permet
d’augmenter la fidélité des cotations.
PASSAGE À L’ACTE11
Définition
Le sujet gère ses conflits affectifs, ou ses facteurs de stress internes
ou externes, en agissant sans réfléchir et sans considération pour les
conséquences négatives de ses actes. Le passage à l’acte comprend
l’expression de sentiments, souhaits ou pulsions par un comportement
incontrôlé et avec un dédain apparent pour les conséquences sociales
ou personnelles. Cela se produit en général en réaction à des événe-
ments interpersonnels avec des personnes qui comptent dans la vie du
sujet, telles que parents, relations d’autorité, amis ou partenaires senti-
mentaux.
Cette définition est plus large que le concept initial de passage à
l’acte provoqué par des sentiments liés au phénomène de transfert ou
des souhaits au cours d’une psychothérapie. Elle comprend une forme
de comportement se produisant tout autant dans ou hors de la relation
de transfert. Le terme n’est pas synonyme de «mauvais comporte-
ment», ni d’aucun symptôme proprement dit, même si le passage à
l’acte implique souvent un comportement autodestructeur ou sociale-
ment perturbateur. Ce que l’on appelle comportements de passage à
l’acte, comme la confrontation physique, ou l’utilisation compulsive
de drogue, doit révéler un degré de relation avec les affects ou pul-
sions2 que l’individu ne peut pas tolérer, pour pouvoir servir de preuve
du passage à l’acte défensif.
Fonction
Le passage à l’acte permet au sujet d’évacuer ou d’exprimer des sen-
timents ou pulsions au lieu de les supporter et réfléchir sur les événe-
ments pénibles qui les stimulent. Les éléments suivants y sont présents.
Tout d’abord, le sujet ressent des sentiments ou envies qu’il ne peut
exprimer, par inhibition. Le vécu de la pulsion initiale entraîne très vite
une tension nerveuse et une anxiété accrues. En deuxième lieu, le sujet
«court-circuite» la prise de conscience et suspend toute tentative
1. Anglais: Acting Out. Cette expression est consacrée par l’usage en langue
française. S. Ionescu a proposé le mot d’activisme pour traduire cette expres-
sion. Nous n’avons pas retenu cette proposition en raison de la valeur sémanti-
que de ce terme en langue française (N.d.T.).
2. Impulses: pulsions ou impulsions, selon le contexte.
Passage à l’acte 63
Diagnostic différentiel
Dissociation
Dans la dissociation, le sujet ne prévoit pas les affects ou pulsions
qu’il va exprimer, soit par des symptômes (dépersonnalisation ou
maux de tête), soit par son comportement symptomatique (par exem-
ple: aventure sexuelle inhabituelle ou crise de nerfs). Il se peut que par
la suite le sujet se montre surpris de ce qu’il a dit ou fait, car il n’est pas
conscient du sentiment ou de la pulsion sous-jacente. Cette inhibition
ou interdit, normalement ressenti par le sujet sur son affect ou sa pul-
sion, est ego-syntonique et il ne ressent pas cette tension comme quel-
que chose d’important. Le comportement de dissociation est moins
dangereux, moins criminel ou fou, du point de vue de l’observateur. En
revanche, dans le passage à l’acte, la tension est primaire; l’inhibition
elle-même est en général ego-dystonique et bien souvent aussi une
cause de rancœur. À la suite de la dissociation, le sujet peut dire: «Je
ne peux pas croire que j’aie dit cela, cela ne me ressemble pas du
tout!», alors que dans le passage à l’acte, il dirait: «J’étais si perturbé
que je n’ai pas pu contrôler mes paroles et je m’en veux».
Identification projective
Dans l’identification projective, l’affect initial est la colère et la
crainte de représailles, et le comportement induit chez le sujet peut
s’avérer assez dérangeant. La tension croissante, le flot de colère et le
volume croissant de remarques accusatrices sont chargées d’agressi-
vité mais, bien que très provocatrices, elles se limitent à des mots à
forte charge affective. Si alors le sujet s’exécute par des menaces ou
des gestes agressifs envers l’autre personne (jet d’objets, coups, agres-
sion verbale et menaces, etc.), on considère qu’il s’agit d’un passage à
64 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Cotation
0: Aucun exemple de passage à l’acte mis en évidence pendant
l’entretien ou décrit hors de l’entretien.
1: Utilisation probable du passage à l’acte:
a. Le sujet décrit un ou deux exemples limités de comportements
comme une hyperphagie boulimique ou accès de «binge eating»,
des frasques sexuelles, une utilisation de drogue, une conduite
imprudente, le fait de «chercher les ennuis», etc., qui ne lui ressem-
blent pas et se produisent alors qu’il rencontre des problèmes inter-
personnels isolés.
b. Le sujet décrit certains des comportements ci-dessus, auxquels
il a recours pour «noyer» certaines déceptions ou autres affects
pénibles.
c. Le sujet rapporte certains de ces comportements mais si on lui
demande pourquoi ils se produisent, il n’en sait rien et dit qu’ils se
produisent uniquement lorsqu’il se sent mal à l’aise, tendu ou irrita-
ble.
d. Le sujet se met en colère une fois au cours de l’entretien.
e. Le sujet réagit au désaccord ou à une déception interpersonnelle
par un comportement impulsif qui peut être lourd de conséquences
(par exemple: manquer des séances de psychothérapie après s’être
mis en colère envers le thérapeute), mais le lien émotif entre l’événe-
ment et le comportement peut être ambigu.
2: L’utilisation du passage à l’acte est apparente d’après la narration
par le sujet lui-même ou évidente au cours de l’entretien. Il faut la
preuve que de tels épisodes se produisent quand le sujet n’est sous
l’effet d’aucun sédatif ou d’alcool.
a. Le sujet décrit plusieurs épisodes de comportements incontrô-
lés, ou d’«accès de colère» se produisant quand le sujet est déçu, en
colère ou rejeté par quelqu’un.
b. Les épisodes de passage à l’acte ont produit un certain nombre
de conséquences qui nuisent à l’adaptation sociale, professionnelle
ou à la santé du sujet (par exemple: hospitalisations répétées, pertes
d’emploi répétées, sérieuses difficultés relationnelles).
Passage à l’acte 65
AGRESSION PASSIVE
(RETOURNEMENT CONTRE SOI-MÊME)
Définition
L’individu réagit à des conflits affectifs, ou bien à des causes de
stress internes ou externes en exprimant indirectement et sans convic-
tion une agressivité envers les autres. Une façade de conciliation appa-
rente masque une résistance cachée aux autres.
L’agression passive se caractérise par la décharge de sentiments hos-
tiles ou vindicatifs d’une manière indirecte, voilée, sans assurance, à
l’encontre d’autrui. L’agression passive se développe souvent en réac-
tion à des exigences fortes d’action indépendante ou de performance
de la part du sujet ou lorsqu’on a déçu les désirs du sujet ou son senti-
ment d’avoir droit à une prise en charge, que le sujet ait exprimé ce
souhait ou pas. Le terme englobe la notion de «retournement contre
soi-même».
Fonction
La personne qui utilise l’agression passive s’attend à être punie,
frustrée ou éconduite si elle exprime des besoins ou des sentiments
directement envers quelqu’un en position de pouvoir ou d’autorité sur
elle. Le sujet se sent impuissant et plein de ressentiment. Cette attente
est plus particulièrement prononcée dans les relations hiérarchiques.
Le ressentiment s’exprime par une prise de position passive: le sujet a
droit précisément aux choses qu’il ne revendique pas ouvertement, ou
prétend à une exonération particulière. Il tire aussi un certain plaisir du
malaise que son comportement d’agression passive provoque chez les
autres.
L’expression passive de la colère par des attitudes de procrastination
systématique et injustifiée et des oublis devient vite un moyen d’expri-
mer les sentiments suivants:
– la conviction que le sujet a le droit de rester passif en attendant que
ses besoins soient satisfaits;
– le besoin d’apparaître bien intentionné, évitant ainsi les repré-
sailles contre l’expression directe d’affects, besoins et ressentiment;
– le besoin d’exprimer le ressentiment éprouvé envers ceux qui for-
mulent des exigences, par une attitude non conciliante cachée qui
Agression passive 67
Diagnostic différentiel
Hypocondrie
Dans l’hypocondrie, la demande d’aide est formulée ouvertement
tandis que le reproche adressé par le sujet à l’autre est masqué par le
rejet de l’aide. En revanche, dans l’agression passive, la demande
d’aide, d’attention ou le souhait d’exprimer des sentiments sont pré-
sents mais non-dits ou dits trop tard, alors que le ressentiment
s’exprime par des inepties, de l’inaction, etc. qui sont autant de
moyens d’embêter les autres.
Déplacement
Dans le déplacement, le sujet peut exprimer de l’hostilité mais choi-
sir la mauvaise cible ou réagir à la mauvaise provocation. Le sujet ne
se crée pas d’ennuis immédiats, et n’agit pas passivement, en général.
Cotation
0: Aucun signe d’agression passive.
1: Utilisation probable d’agression passive:
a. Le sujet décrit au moins deux occasions où il a été en retard, a
dépassé les échéances ou a procrastiné.
68 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
HYPOCONDRIE
Définition
L’hypocondrie implique l’utilisation répétitive d’une plainte ou
d’une série de plaintes par lesquelles le sujet demande ostensiblement
de l’aide. Toutefois, des sentiments cachés d’hostilité ou de ressenti-
ment envers les autres sont exprimés simultanément par le rejet des
suggestions ou conseils des autres, ou de tout ce qu’ils peuvent lui
offrir. Les plaintes peuvent être des préoccupations somatiques ou des
problèmes existentiels. Chaque type de plainte est suivi par une réac-
tion de rejet de toute aide.
Fonction
L’hypocondrie est un mécanisme de défense contre la colère ressen-
tie par le sujet à chaque fois qu’il ou elle ressent le besoin d’une dépen-
dance affective envers les autres. La colère vient de la conviction, ou
plus souvent de l’expérience antérieure que personne ne pourra vrai-
ment satisfaire les besoins qu’il ressent. Le sujet exprime sa colère
comme un reproche indirect en refusant l’aide comme «insuffisante»,
tout en continuant à en réclamer toujours plus.
Au lieu de faire fuir l’autre par une expression de colère, l’utilisation
de l’hypocondrie le lie au sujet par la demande masquée d’aide.
L’expression par le sujet de sa vulnérabilité/impuissance face au pro-
blème du moment traduit en fait un sentiment d’impuissance à obtenir
de l’aide, le réconfort et l’attention désirés, tout en évacuant de la ran-
cœur par la déception anticipée que l’on ne lui apportera pas l’aide suf-
fisante.
Diagnostic différentiel
Agression passive
Par l’agression passive, les besoins du sujet (par exemple: dépen-
dance) ne sont pas clairement définis et aucune demande directe n’est
en général formulée par le sujet aux autres. Plutôt, il n’existe qu’une
expression indirecte d’hostilité envers les autres pour des demandes
réelles ou imaginaires qu’ils auraient pu formuler, ou pour leur
défaillance à satisfaire le(s) besoin(s) du sujet. L’agression passive ne
70 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
lie pas l’autre au sujet dans la mesure où elle appelle des représailles,
et elle est le plus souvent utilisée lorsqu’il existait une relation qui liait
déjà le sujet et l’objet, comme un rapport d’autorité hiérarchique ou
une relation de travail dans laquelle l’un ne peut échapper à l’autre.
Dans l’hypocondrie, en revanche, la demande est à la fois manifeste et
sous-entendue, et il existe un reproche voilé.
Dissociation
La dissociation et l’hypocondrie se retrouvent souvent quand la
plainte fait référence à un signe fonctionnel comme des maux de tête
ou de vagues douleurs. La dissociation représente l’affect ou la pulsion
qui a été détournée de la conscience et déplacée en une plainte physi-
que. On considère également qu’il y a hypocondrie si le sujet réclame
de l’aide pour un symptôme physique puis refuse toutes les tentatives
d’aide. Lors de la dissociation, le degré ou l’intensité d’expression de
la plainte est souvent au plus bas, comme dans la belle indifférence:
lors de l’hypocondrie, le degré de la plainte est au contraire toujours à
un niveau insupportablement élevé.
Annulation
Dans l’annulation, le sujet ne demande pas d’aide. Quand un sujet
répond à un interlocuteur en affirmant le contraire de ce qu’on lui dit,
ou en confirmant ses propres paroles précédentes, il y a annulation et
non hypocondrie, sauf si la remarque de l’interlocuteur procédait d’une
tentative évidente d’aider à résoudre un problème spécifique.
Dépréciation
L’hypocondrie diffère de la dépréciation en ceci que le sujet est très
lié au donneur d’aide. Dans la dépréciation, le sujet exprime des com-
mentaires négatifs d’une manière qui dénie l’importance, le pouvoir, le
prestige de quelqu’un, non pas pour se lier encore plus et obtenir de
l’aide de cette personne. La dépréciation sert à nier l’objet avant que le
sujet éprouve la déception de ne pas recevoir quelque chose de la part
de l’autre. En réalité, ces mécanismes de défense interviennent de
façon concomitante.
Hypocondrie 71
Cotation
0: Aucun exemple.
1: Hypocondrie probable. Présence d’au moins un des critères sui-
vants:
a. Le sujet mentionne la même plainte ou problème plusieurs fois
en demandant ce qu’il faudrait faire.
b. Quand d’autres proposent des conseils ou remarques à propos
d’un problème spécifique posé par le sujet, celui-ci a tendance à
répondre «Oui, mais…», autrement dit, il semble chercher une rai-
son de rejeter le conseil comme inutile.
c. Le sujet parait inconsolable sur certain(s) problème(s) qui par
ailleurs ne semblent ni insurmontables ni insupportables. La raison
de l’inconsolabilité du sujet n’est pas évidente.
d. Le sujet exprime l’envie de tout laisser tomber sans avoir claire-
ment décrit ce qui lui parait si pesant.
2: Hypocondrie établie. Des exemples sont évidents et auraient ten-
dance à irriter le cotateur ou l’observateur. Au moins un des critères
suivants est présent:
a. Le sujet est un «grand malade», et se lance dans une litanie de
plaintes physiques, sautant d’un symptôme à l’autre, ignorant les
tentatives faites pour approfondir une plainte spécifique, pour la trai-
ter efficacement ou pour la comprendre, tout en continuant à se
plaindre du manque d’aide.
b. Le sujet, spontanément, se plaint de la manière dont autrui
(médecins, thérapeutes, parents, etc.) ne se soucient pas vraiment de
lui, voire aggravent les choses, alors que tout, dans ses propres pro-
pos, prouve le contraire.
c. Le sujet expose un dilemme apparemment insoluble, un grave
problème existentiel (par exemple: menace de perte d’emploi, santé,
couple) et rejette systématiquement toutes les suggestions d’autrui, à
un point tel que toute approche d’une solution est impossible.
d. Le sujet décrit des problèmes où ses propres souffrances sont
intenses, durables et sans soulagement possible. La raison pour
laquelle le sujet se sent si inconsolable n’est pas évidente.
72 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
CLIVAGE
Définition
L’individu répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en se considérant lui/elle-même et autrui comme
tout bon ou tout mauvais, ne parvenant pas à intégrer ses propres quali-
tés et défauts ni ceux d’autrui dans des images cohérentes; le même
sujet est souvent idéalisé et déprécié alternativement.
En clivant les images d’autrui (images objectales), le sujet démontre
que ses points de vue, attentes et sentiments au sujet d’autrui sont con-
tradictoires et qu’il est incapable de concilier ces différences pour for-
mer des images réalistes et cohérentes des autres. Les images
objectales sont divisées en deux pôles opposés, de sorte que le sujet ne
peut percevoir qu’un seul aspect émotionnel de l’objet à la fois. Les
objets sont perçus en noir ou en blanc. À un instant donné, un objet ne
sera perçu qu’avec des traits de caractère positifs tels que aimant, puis-
sant, digne, protecteur et bienveillant, sans attributs ayant une charge
émotionnelle contraire. À un autre moment, l’objet sera perçu comme
mauvais, détestable, en colère, destructeur, rejetant ou indigne, et le
sujet est incapable d’y voir la moindre qualité. Dans les conversations,
le sujet parle en général de certains individus en termes entièrement
positifs et d’autres en termes entièrement négatifs, comme si l’univers
était partagé en deux camps, le bon et le mauvais. Le déclic qui fait
passer la perception d’un objet de bonne à mauvaise est imprévisible.
Le clivage se manifeste de deux manières. Le sujet peut commencer
par décrire un objet entièrement d’une façon pour ensuite décrire ce
même objet en termes opposés. En second lieu, chaque objet est sim-
plement rassemblé avec d’autres en deux tas, bon ou mauvais, positif
ou négatif.
Quand le sujet a recours au clivage des images objectales, il ne peut
rien intégrer qui ne corresponde à son vécu immédiat et ses sentiments
pour un objet donné. Tous les qualificatifs de la même couleur affec-
tive sont appuyés, et les points de vue, attentes ou sentiments contra-
dictoires pour l’objet sont exclus du conscient émotionnel, mais pas
nécessairement du conscient cognitif.
Le clivage de sa propre image se produit parallèlement à celui de
l’image des autres, dans la mesure où l’apprentissage des deux clivages
s’est fait par réaction à l’imprévisibilité de ceux qui ont compté préco-
cement pour le sujet. Dans le clivage de sa propre image, le sujet
démontre qu’il a des points de vue, des attentes et des sentiments con-
Clivage 73
Fonction
Le clivage des images objectales et des images du Soi est un méca-
nisme de défense utilisé par le sujet en réponse à son angoisse de ternir
la bonne image qu’il a des gens en laissant leurs mauvais côtés venir
supplanter les bons.
Le clivage des images objectales limite l’angoisse que le sujet res-
sentirait en essayant de discerner comment les autres pourraient réagir
à son vécu ou à l’expression de ses besoins, sentiments, etc. En voyant
les autres comme tout bons ou tout mauvais, il élimine la tâche anxio-
gène qui consiste à discerner comment les autres vont se comporter
envers lui, une tâche qu’il considère comme impossible. Le sujet clas-
sera plutôt les gens en bons ou mauvais sur la base d’indices initiaux
subtils (par exemple: « Il a froncé des sourcils quand j’ai pris la
parole, donc il me hait») ou sur celle de sentiments internes (par exem-
ple: «Je me sens si mal que je sais que tu dois me haïr, alors pourquoi
devrais-je m’ouvrir à toi? »). Mais ce mécanisme de défense est ina-
dapté, car le sujet agit de façon aussi imprévisible et irrationnelle
envers autrui qu’il a lui-même été traité; il renonce aux compensations
qu’il pourrait obtenir en étant plus souple dans ses interactions avec
autrui. En utilisant ce mécanisme de défense, le sujet se crée de nou-
veaux amis et de nouveaux ennemis, mais pas de la manière réaliste
qui prendrait en compte les caractéristiques propres à autrui.
Le clivage des images du soi remplit une fonction d’adaptation: il
minimise l’angoisse que le sujet ressentirait en essayant de faire coïn-
cider l’image qu’il se fait de lui-même avec le degré de significativité
que les autres lui accorderont dans leur comportement envers lui. Alors
qu’en se considérant lui-même d’une certaine façon, le sujet persiste à
74 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Diagnostic différentiel
Identification projective
Le clivage des représentations objectales et l’identification projec-
tive vont souvent de pair. Dans ces deux mécanismes de défense,
autrui est faussement perçu comme entièrement négatif ou entièrement
positif. Cependant, avec l’identification projective, le sujet accepte le
sentiment précis ou la pulsion interne qu’il perçoit à tort comme provo-
qué par l’autre (par exemple: «Évidemment, je suis en colère, mais
c’est vous le premier qui étiez en colère après moi»). Avec le clivage
d’images objectales, les sentiments ou les besoins propres du sujet ne
sont pas si évidents, ni pour le sujet lui-même ni pour autrui. La seule
chose qui est évidente est le résultat final, la catégorisation mani-
chéenne d’autrui, tout noir ou tout blanc.
Dépréciation
En utilisant la dépréciation, le sujet exprime un commentaire négatif
sur un objet, et c’est un moyen de rejeter l’objet en le ternissant, le
dépréciant ou niant les caractéristiques de l’objet. Il ne lui est donc
plus nécessaire d’entretenir un intérêt ou une préoccupation active
pour l’objet et son influence potentielle. En clivant les images objecta-
les, le sujet peut également prononcer des paroles négatives sur un
objet. La différence avec la dépréciation, pourtant, réside dans la pré-
occupation active du sujet pour les aspects négatifs de l’objet: il est
malveillant, puissant, dangereux. Le sujet fournit une indication qu’il
est ou a été vulnérable aux attaques ou à la frustration de la part de
Clivage 75
Annulation
Dans l’annulation, le sujet fait une affirmation à propos d’un objet
mais la reprend rapidement comme pour éviter la critique (par exem-
ple: « Ma femme est particulièrement pénible. Attention, c’est une
personne qui a de très bonnes intentions »). Le sujet est à même de
prendre conscience de la contradiction apparente ou de la dissonance
cognitive. Dans le clivage, toute déclaration et son contraire ne sont
pas conciliables pour le sujet. Les deux sont en général bien distingués
dans son vécu, et il est rare que les deux affirmations soient juxtapo-
sées dans le temps.
Cotation
0: Aucun exemple de clivage d’images du soi ou objectales ne res-
sort de l’entretien ou de l’auto-évaluation du sujet.
1: Usage probable du clivage des représentations de soi ou d’objet:
a. À une ou deux reprises au cours de l’entretien, le sujet décrit un
objet d’une manière soit positive soit négative, puis plus tard décrit
le même objet de la manière opposée.
b. Une ou deux fois au cours de l’entretien, le sujet se décrit lui-
même ou autrui comme tout bon ou tout mauvais, mais il a du mal à
décrire le bon et le mauvais ensemble; le sujet ignore l’un ou l’autre.
c. Une fois ou deux au cours de l’entretien, le sujet parle de lui-
même en paraissant y croire réellement, puis, plus tard au cours de
l’entretien il contredit ses paroles, paraissant convaincu du contraire.
d. Le sujet se déclare alarmé par certains comportements contra-
dictoires envers autrui (agissant d’une manière, puis d’une autre) et
ne sachant pas pourquoi il se comporte avec tant d’incohérence. Il ou
elle peut formuler quelques commentaires interrogatifs comme: «Je
ne sais pas pourquoi je fais ça».
2: Usage évident du clivage d’images du soi ou d’images objectales:
a. Le sujet parle de lui-même ou d’autrui comme tout bon ou tout
mauvais, sans aucune nuance ni aucun réalisme.
b. À plusieurs reprises, le sujet contredit ses propres affirmations
antérieures sur les qualités et les défauts de quelqu’un ou quelque
76 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
IDENTIFICATION PROJECTIVE
Définition
Dans l’identification projective, le sujet éprouve un affect ou une
pulsion qu’il trouve inacceptable et qu’il attribue à quelqu’un d’autre,
comme si cette personne en était réellement à l’origine. Toutefois, à la
différence de la projection simple, il ne désavoue pas totalement ce qui
est projeté mais reste conscient de ses affects ou pulsions, qu’il attribue
à tort à autrui comme des réactions justifiées. À partir de là, le sujet
finira par admettre son affect ou sa pulsion, mais comme une réaction
aux mêmes sentiments et pulsions chez autrui. Il oublie le fait que c’est
lui-même qui est à l’origine des intentions projetées.
Ce mécanisme de défense est plus clairement décelable au cours
d’échanges prolongés pendant lesquels le sujet commence par protéger
ses sentiments mais vit ensuite ses sentiments initiaux comme des
réactions à autrui. Paradoxalement, il n’est pas rare qu’il induise véri-
tablement chez autrui les sentiments qu’il a cru y déceler. Il est alors
difficile d’établir la chronologie exacte du «qui a fait quoi à qui». Ce
processus est plus étendu que la projection simple, qui comprend le
déni suivi de l’attribution externe d’une pulsion. L’identification pro-
jective implique l’attribution d’une image de sorte que tout l’objet est
vu sous un jour déformant et que le sujet y réagit d’une manière égale-
ment faussée.
Fonction
L’identification projective est le mécanisme de défense des person-
nes traumatisées qui se sentent irrationnellement responsables de leur
traumatisme. Ce mécanisme de défense est mis en jeu lorsque des évé-
nements interpersonnels à valeur d’indice réveillent des souvenirs de
situations ou d’échanges traumatisants et leurs suites. L’individu per-
çoit l’autre comme une menace et en retire une impression d’impuis-
sance. Le sujet répond à cette menace imaginaire (ou partiellement
vraie) en attaquant et en croyant que ses propres actes sont justifiés,
bien qu’ayant lui-même provoqué l’autre. Le sentiment de culpabilité
résultant de ses intentions agressives envers autrui ressort et est géré
par une identification à l’autre, renforcée par la croyance que la
menace/attaque sur le soi est méritée. Paradoxalement, le sujet induit
souvent chez les autres le sentiment de culpabilité et d’impuissance
qu’il ressent, ce qui peut faire reculer les autres.
78 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Diagnostic différentiel
Projection
Dans la projection, le sujet s’en tient à une image rigide de ce qui est
nié et attribué à tort au monde extérieur. Dans l’identification projective,
au contraire, le tableau est plus changeant dans la mesure où c’est toute
une image, et non une simple pulsion, qui est attribuée à tort. La réaction
du sujet à l’image qu’il vit en autrui est plus complexe, dans la mesure
où il se considère en partie comme fautif. Dans l’identification projec-
tive, le sujet se voit donc comme une victime légitime tandis que dans la
projection simple le sujet se voit plutôt comme victime d’une injustice.
Passage à l’acte
Dans l’identification projective, l’affect originel est la colère et la
peur des représailles, ce qui fait que le comportement du sujet peut être
relativement déconcertant. La tension croissante, la marée montante de
colère et le volume croissant de réflexions accusatrices sont imbues
d’agressivité, mais bien qu’ils soient hautement provocateurs, ils se
limitent à des mots lourds de charge affective. Si le sujet menace ou
s’engage dans des actes agressifs envers l’autre personne (jet d’objets,
coups, injures et menaces, etc.), cela signifie qu’il est passé à l’acte.
L’identification projective ne précède le passage à l’acte que dans les
cas où le mauvais comportement du sujet est ce que le sujet croit que
l’autre était en train de lui faire en premier, et qui l’a amené à passer à
l’acte (par exemple: «J’étais obligée de le frapper; il me tuait par ses
menaces de me quitter, le sadique!»).
Cotation
0: Aucun exemple indiquant la présence d’identification projective.
1: L’usage probable de l’identification projective est évident au
cours de l’entretien:
a. À une ou deux reprises, le sujet suggère que l’interlocuteur et
les autres sont en colère ou vindicatifs à son égard; plus tard, le sujet
déclare ressentir la même chose envers lui-même, et se sentir une
mauvaise personne.
b. Une ou deux fois, le sujet admet craindre les réactions de l’inter-
locuteur (ou d’autrui), «si seulement ils savaient ce qu’il voulait
dire!»: plus tard, il révèle ce qu’il voulait dire sur le point en ques-
Identification projective 79
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en refusant de reconnaître certains aspects de la
réalité de son expérience, pourtant évidentes pour autrui.
Le sujet dénie activement qu’un sentiment, une réaction comporte-
mentale ou une intention (passée ou présente) est ou n’est pas présent,
même si sa présence est considérée comme plus que probable par
l’observateur. Le sujet méconnaît les contenus idéiques et affectifs de
ce qui est nié. (Cela exclut le déni psychotique, dans lequel le sujet
refuse de reconnaître un objet physique ou un événement réel dans son
vécu présent.)
Fonction
Le déni névrotique empêche le sujet qui l’utilise et ses interlocuteurs
de reconnaître des sentiments, souhaits, intentions ou actions dont il
pourrait être tenu pour responsable. Ce déni évite d’admettre ou de
prendre conscience d’un fait mental (idée et sentiment) dont le sujet
pense qu’il peut lui valoir des suites désagréables (honte, peine ou tout
autre affect douloureux). La preuve en est établie quand il outrepasse
son propre déni et ressent de la honte ou un autre affect à ce qu’il
apprend sur lui-même, s’excusant souvent auprès de l’interrogateur,
etc.
Diagnostic différentiel
Refoulement
Celui-ci diffère du déni névrotique en ce qu’il aveugle moins com-
plètement le sujet sur son vécu réel. Le sujet usant du refoulement
oublie l’idée qui donne son sens ou sa forme à une expérience vécue,
mais garde une part de conscience du fait que cette expérience est por-
teuse d’émotion. Avec le déni, le sujet est aveugle à la représentation
ainsi qu’aux composants émotionnels de son vécu, mais il doit se
maintenir activement (donc les autres aussi) loin de la réalité patente
de manière à préserver le déni général de son propre vécu. Le sujet qui
utilise le refoulement peut parler de son vécu même si il ne sait pas ce
Déni névrotique 81
que c’est, alors que le sujet qui utilise le déni se doit d’essayer d’igno-
rer totalement le thème. Il est souvent plus facile de percer le refoule-
ment que le déni. Par exemple, le sujet se souvient d’un rendez-vous
chez le dentiste, qu’il avait refoulé, alors qu’il persiste obstinément à
nier un plagiat.
Dissociation
Elle protège le sujet contre la prise de conscience de représentation
d’affects associés en modifiant tout son vécu conscient, alors que le
déni n’affecte pas la lucidité normale mais maintient les représenta-
tions et l’affect hors du conscient.
Formation réactionnelle
Elle transforme un concept et l’affect qui lui est associé en leurs con-
traires (par exemple: colère en affection) alors que le déni ne le fait
pas. La personne qui utilise le déni fournit souvent des indices de
l’existence du concept et de l’affect originaux intacts, mais hors du
conscient.
Cotation
0: Aucun exemple de déni.
1: Usage du déni probable:
a. Le sujet décrit une situation dans laquelle des sentiments de
colère, tristesse ou crainte pourraient exister, mais il nie leur pré-
sence.
b. Le sujet nie certains sentiments ou intentions que l’observateur
croit présents, mais pas trop souvent et sans grande conviction; il
n’agit pas de façon défensive en formulant son déni.
c. Deux fois ou plus au cours de l’entretien, le sujet prétend avoir
fait quelque chose, alors que tout prouve le contraire.
2: Usage évident du déni. Le sujet évite activement les questions sur
les faits niés, adoptant parfois une attitude défensive extrême quant à
ces faits:
a. À plusieurs reprises, le sujet nie des questions ou suggestions à
propos de certains sentiments, réactions affectives ou intentions, au
point qu’il apparaît évident qu’il ne peut pas avoir raison: par exem-
ple, une personne décrit subir des insultes mais nie toute réaction
négative à ce sujet, et tente d’échapper à toute autre interrogation.
82 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
PROJECTION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en attribuant à tort à autrui ses propres sentiments,
pulsions ou pensées inacceptables. Le sujet désavoue ses propres senti-
ments, ses intentions et son vécu en les attribuant aux autres, générale-
ment à ceux par lesquels il se sent menacé et avec lesquels il ressent le
plus d’affinités.
Fonction
La projection non hallucinatoire permet au sujet de gérer des émo-
tions et des motivations qui le rendent trop vulnérable (à la honte et à
l’humiliation en particulier) pour qu’il accepte de les éprouver lui-
même. À la place, il se préoccupe de ces mêmes émotions et motiva-
tions chez autrui. L’usage de la projection par conséquent l’oblige à se
préoccuper continuellement de ceux en qui il a projeté ses sentiments
intimes, et c’est un moyen de minimiser sa propre conscience de leur
existence.
Diagnostic différentiel
Dépréciation
Dans la dépréciation, le sujet rejette toute personne qu’il déprécie et
n’entretient pas de préoccupation active à son sujet, alors que dans la
projection, il est incapable de simplement rejeter l’objet de sa préoccu-
pation car les sentiments projetés sur autrui reviennent continuelle-
ment.
Identification projective
Il y a dans l’identification projective une interaction active entre le
sujet et son objet. Le sujet vit un affect initial, qu’il attribue à tort à
l’autre personne (colère). Il ressent alors ce même affect mais ne le
désavoue pas. Cependant, l’inquiétude monte, à mesure qu’il voit ses
propres sentiments non pas provoqués en lui-même, mais en réaction
aux mêmes sentiments chez l’autre. Ce développement est générale-
84 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Rationalisation
Dans la rationalisation, le sujet se réfère parfois aux motivations
d’autrui (par exemple: «Vous feriez la même chose si vous étiez à ma
place»), mais en général il ne nie pas sa participation ou les bénéfices
potentiels qu’il pourrait en recevoir. Il essaie plutôt d’assainir son rôle
pour le rendre acceptable. Dans la projection, toutefois, le sujet désa-
voue son rôle, son bénéfice potentiel, etc., en bloc, et ainsi n’a pas à
s’expliquer; sa seule préoccupation est d’expliquer les autres.
Cotation
0: Aucun exemple de projection.
1: Usage probable de la projection:
a. Le sujet paraît trop préoccupé par les sentiments d’autrui, leurs
mauvaises actions et intentions malveillantes à son égard ou envers
les gens en général. Cela s’exprime par:
– des sarcasmes sur les autres (taquineries);
– des commentaires impliquant qu’il connaît les «vraies» motiva-
tions ou raisons des autres pour faire certaines choses;
– un air hautain pour montrer qu’il connaît tout au sujet de ceux
qu’il soupçonne ou qui le préoccupent;
– une perception constante des autres comme en colère, forts,
agressifs, manipulateurs.
b. Le sujet mentionne qu’il ne fait confiance à personne et donne
différentes raisons pour cela, qui ne convainquent pas l’observateur
car elles sont vagues et sans pertinence, ou bien il a des comptes à
régler et collectionne les injustices.
c. Le sujet répond parfois aux questions par des questions
«Pourquoi voulez-vous savoir cela?» ou bien paraît soupçonneux
mais coopératif.
d. Le sujet remarque un sentiment chez autrui quand le sentiment
induit est celui qu’il ressent lui-même. Toutefois, il n’en parle pas ou
semble ne pas le reconnaître en lui-même.
Projection 85
RATIONALISATION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en dissimulant les motivations réelles de ses pro-
pres pensées, actes ou sentiments derrière des explications rassurantes
ou complaisantes, mais erronées.
Fonction
La rationalisation consiste à substituer une raison plausible à un acte
donné, une impulsion de la part du sujet, alors qu’une motivation plus
égoïste ou plus difficile à admettre est évidente à l’observateur externe.
Tandis que la motivation sous-jacente dissimulée peut être égoïste, elle
peut aussi impliquer des sentiments d’amour ou d’attention qui peu-
vent gêner le sujet. On pense que le sujet est inconscient ou à peine
conscient de sa vraie motivation sous-jacente; il ou elle ne voit que la
raison substituée, socialement plus acceptable, de l’acte. Les raisons
invoquées par le sujet n’ont en général rien à voir avec une gratifica-
tion personnelle, et déguisent ainsi sa véritable impulsion ou motiva-
tion, bien qu’un affect quelconque puisse être quand même
perceptible.
Diagnostic différentiel
Mensonge
C’est le cousin germain de la rationalisation, et il peut être difficile
de les distinguer. Il existe probablement un continuum entre les deux
dans les cas les plus prototypiques. Mentir est un acte conscient. La
rationalisation est accompagnée d’indications montrant que le sujet est
temporairement inconscient de la motivation déguisée et du conflit qui
la recouvre. En cas de mensonge, le conflit est généralement évident à
toutes les parties concernées, car il s’agit d’un conflit aux normes
socialement acceptables (règles morales qui interdisent de tricher, de
voler, de ne pas faire son devoir, etc.). Un individu utilisera la rationa-
lisation pour se cacher la motivation à lui-même, alors qu’un individu
qui ment le fait avant tout pour cacher quelque chose à autrui. Rationa-
liser, c’est se «mentir à soi-même».
Rationalisation 87
Intellectualisation
C’est un mécanisme obsessionnel de défense, cousin germain de la
rationalisation. L’intellectualisation ne déforme pas la réalité d’une
situation ni les motivations dans un vécu, mais elle en fait des abstrac-
tions et en détache la réalité ressentie par opposition. La rationalisation
fait appel à des excuses et à des explications apparemment plausibles
afin d’écarter des faits ou des motivations sources de conflit pour le
sujet. L’intellectualisation diminue la capacité de l’observateur à parta-
ger le vécu du sujet, alors que la rationalisation met l’observateur sur
une fausse piste par rapport au vécu réel du sujet.
Projection
Elle aide le sujet à éviter de prendre conscience de ses propres actes
et motivations, et va souvent de pair avec la rationalisation. Toutefois,
la projection comporte l’étape supplémentaire d’attribution à tort des
motivations en question à autrui. La rationalisation n’a pour but que de
donner des raisons correctes mais fausses et de se les désavouer en soi-
même.
Cotation
0: Aucune preuve de l’usage de la rationalisation trouvée au cours
de l’entretien.
1: Usage probable de la rationalisation:
a. À une ou deux reprises, le sujet paraît donner plus d’explica-
tions à ses actes qu’il ne semble nécessaire. Comme s’il cherchait à
se couvrir pour se prémunir contre toute critique.
b. À une ou deux reprises, confronté à quelque faute, mauvaise
action ou échec éventuels, le sujet fuit la responsabilité de ses actes
en faisant référence à des raisons extérieures plausibles. Mais les
motivations personnelles sont exclues.
c. À une ou deux reprises, le sujet se perd en explications sur les
motifs à l’origine d’un acte donné, comme s’il cherchait à dissimuler
une motivation personnelle plus ordinaire, telle que la cupidité, la ran-
cune, la luxure ou toute autre motivation qu’il trouve inacceptable.
2: Usage certain de la rationalisation:
a. En au moins trois occasions, le sujet omet de faire référence à
ses motivations personnelles en décrivant un de ses actes; il y subs-
titue des raisons d’ordre général qui sont «pures» et loin de tout
bénéfice ou compensation personnels.
88 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
RÊVERIE AUTISTIQUE
Définition
L’individu gère ses conflits intérieurs ou extérieurs par un excès de
fantasmes se substituant aux relations humaines, à des actes plus effi-
caces ou à la solution des problèmes.
La rêverie se substitue à la prise en compte ou à la solution de pro-
blèmes comme moyen d’exprimer ou de satisfaire ses sentiments ou
ses envies. L’individu peut être conscient de la nature substitutive de la
rêverie, mais c’est néanmoins la seule manière dont il dispose pour
exprimer son besoin de relations gratifiantes.
Fonction
La rêverie permet au sujet d’obtenir une certaine gratification tem-
poraire et secondaire en imaginant une solution à un vrai problème ou
conflit. Il se sent bien pendant sa rêverie et évite ainsi un sentiment
d’impuissance. En fait, pendant la rêverie c’est la conviction opposée
(par exemple, l’omnipotence) qui est présente, à savoir que le sujet
peut tout faire.
La rêverie est un mécanisme inadapté lorsqu’elle se substitue à la
prise en compte de la réalité, au lieu de composer avec elle. Parfois,
pour satisfaire les besoins et résoudre les conflits, il peut y avoir une
substitution globale du monde réel par la rêverie. Cela n’altère pas la
capacité de perception et d’évaluation de la réalité extérieure.
Diagnostic différentiel
Passage à l’acte
La rêverie diffère du passage à l’acte en ceci qu’elle ne s’accompa-
gne d’aucune action. Tout se passe dans l’imagination, quel que soit le
degré d’impulsivité.
Omnipotence
Le fantasme peut s’accompagner de sentiments d’omnipotence, mais
sans croire pour autant que l’on soit réellement omnipotent et sans
exprimer cette omnipotence aux autres. Cela étant, le sujet agit sur
90 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Anticipation
Le fantasme est différent de l’anticipation en ce qu’il ne comporte
aucun plan d’action ni d’anticipation de l’impact sur le monde exté-
rieur. L’anticipation peut faire usage de l’imagination comme d’un
outil pour comparer ou mettre en pratique des moyens alternatifs de
gérer les vrais problèmes, mais le vrai décor reste le monde extérieur.
Le sujet est préoccupé par les conséquences réelles de ses actions ima-
ginaires, et contrairement au fantasme où les morts peuvent ressusciter,
l’anticipation s’accompagne du vécu d’affects douloureux.
Cotation
0: Aucun exemple de rêverie n’a été décrit.
1: Utilisation de la rêverie probable:
a. Le sujet fait référence à des rêveries persistantes quand il (elle)
est seul(e).
b. Interrogé sur l’utilisation de son temps libre, le sujet déclare ne
rien faire, rester assis, ne pensant à rien de précis, ou laissant son
esprit se vider.
c. Au cours de l’entretien, interrogé sur ses relations interperson-
nelles ou sur des gens importants, le sujet décrit des événements
mineurs qui paraissent revêtir une importance disproportionnée pour
lui, par rapport à ce que l’on pourrait en attendre.
d. Le sujet décrit une ou deux situations sociales dans lesquelles il
s’est imaginé de manière persistante être quelqu’un ou quelque
chose qu’il n’est pas.
e. Le sujet décrit une interaction déplaisante avec quelqu’un. Il
rapporte de plus qu’il a revécu cette interaction en imaginant ce qu’il
aurait aimé dire, faire, etc. En élaborant cette conclusion plus grati-
fiante mais imaginaire, rien ne prouve que le sujet peut l’utiliser
pour agir différemment dans des interactions réelles. Elle apparaît
plutôt comme une fin en soi.
2: L’utilisation de la rêverie est évidente, avec une part de substitu-
tion de l’activité de la vie réelle par la rêverie.
a. Lorsque l’observateur tente de l’interroger sur ses activités de
loisirs, le sujet traite de problèmes familiaux, sociaux ou profession-
nels, il dit qu’il rêve beaucoup tout éveillé.
Rêverie autistique 91
DÉPRÉCIATION
Définition
L’individu gère ses conflits affectifs ou ses facteurs de stress internes
ou externes en attribuant à autrui ou à lui-même des défauts exagérés.
Fonction
La dépréciation fait référence à l’utilisation d’affirmations grossiè-
res, sarcastiques ou négatives sur les autres ou sur soi-même, dans le
but de stimuler son amour propre. La dévalorisation repousse la cons-
cience des désirs ou la déception que ces souhaits ne soient pas satis-
faits. Les commentaires négatifs sur les autres cachent généralement
un sentiment de vulnérabilité, de honte ou de non-valeur que le sujet
ressent par rapport à l’expression de ses propres désirs et de la satisfac-
tion de ses propres besoins.
Diagnostic différentiel
Projection
Contrairement à ce qui se passe dans la projection, le sujet ne reste pas
fixé à son objet, fasciné qu’il serait par les souhaits ou le pouvoir qu’il
lui attribue à tort. Plus il déprécie l’objet, plus il peut s’en distancier.
Clivage
En utilisant la dépréciation, le sujet fait un commentaire négatif sur
un objet comme pour le diminuer, le ternir, le dévaluer ou nier ses
caractéristiques propres. Il n’est donc plus obligé d’entretenir son inté-
rêt ou sa préoccupation pour l’objet ni pour l’influence potentielle de
cet objet sur lui/elle. Par le clivage des représentations de soi et
d’objet, le sujet peut aussi exprimer des sentiments négatifs sur un
objet. La distinction avec la dépréciation, toutefois, réside dans la pré-
occupation active du sujet pour les aspects négatifs de l’objet: mal-
veillant, puissant, dangereux. Il a tendance à voir tous les aspects de
l’objet sous le même éclairage négatif. Le sujet peut également indi-
quer qu’il est ou a été vulnérable aux attaques ou frustrations suscitées
par l’objet vu sous l’angle négatif du clivage. Par la dépréciation, le
Dépréciation 93
Cotation
0: Aucun exemple de dépréciation d’autrui.
1: Usage probable de la dépréciation de soi ou d’autrui:
a. Le sens de l’humour du sujet est quelque peu sarcastique, sec,
ou bien le sujet fait preuve d’une répartie incisive.
b. Quand le sujet parle de personnes ou d’institutions dont il
dépend en quoi que ce soit, il réduit leur importance et essaie de les
dévêtir de leur lustre de manière à nier le besoin qu’il a d’elles.
c. Tendance à appeler les gens par des noms obscènes ou gros-
siers.
d. Le sujet formule un ou deux commentaires gratuitement dépré-
ciateurs sans qu’aucune insulte ait été essuyée et sans provocation
apparente.
e. Le sujet se déprécie à plusieurs reprises, par exemple en se qua-
lifiant lui-même de stupide, sans référence précise à un exemple ou à
une raison qui justifierait le commentaire négatif. Toutefois, il ne
s’étend pas sur cette autocritique négative.
f. Le sujet minimise ses succès ou ses réalisations, par exemple:
«Je ne suis pas réellement un vrai écrivain, tout juste un
journaliste».
g. Le ton de voix du sujet exprime la grossièreté de manière inter-
mittente.
h. À une ou deux reprises, le sujet se compare à l’autre, ou bien
formule plusieurs remarques spontanées le comparant à autrui. Il est
implicite que la comparaison lui serait défavorable.
2: Usage évident de la dépréciation:
a. Trois ou plus affirmations sarcastiques sont formulées et/ou des
réparties cinglantes sont émises.
b. Le sujet déprécie fréquemment les motivations ou les bonnes
actions d’autrui, de manière à neutraliser leur valeur. Il coupe court
aux thèmes de discussion.
c. Le sujet profère des obscénités à trois reprises au moins, pour
déprécier autrui.
d. Le sujet ne semble pas dire beaucoup de bien de quiconque et
souligne d’emblée les aspects négatifs en ignorant les points positifs,
comme si ces derniers n’existaient pas réellement. Pourtant, il ne
94 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
s’étend pas sur les commentaires négatifs, car il s’en sert pour mettre
à distance l’objet dont il peut ainsi ternir la valeur.
e. Le sujet est très critique vis-à-vis de lui-même et d’autrui, sans
justification bien claire.
f. Le sujet est préoccupé par des défauts personnels réels ou ima-
ginaires, bien qu’il puisse répondre aux tentatives de l’observateur
de se voir sous un jour plus réaliste.
Idéalisation 95
IDÉALISATION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en s’attribuant – ou en attribuant à autrui – des
qualités exagérées.
Fonction
Dans l’idéalisation, le sujet évoque des relations réelles ou préten-
dues avec les autres (y compris avec les institutions, les systèmes de
croyance, etc.) quand ils sont puissants, importants, etc. Il s’agit d’une
source de gratification et de protection contre les sentiments d’impuis-
sance, d’insignifiance, de nullité, etc. Ce mécanisme de défense pro-
duit une sorte d’alchimie de valeurs. Le sujet voit certains autres trop
bons et exagérément puissants et bien qu’il soit à même de reconnaître
les aspects factuels des défauts ou travers de la personne idéalisée, il
écarte le caractère significatif de ces derniers et préservant ainsi une
image parfaite de la personne ou de l’objet.
Diagnostic différentiel
Clivage
Dans le clivage, le sujet est incapable de reconnaître la réalité d’un
objet si celle-ci contredit l’image positive qu’il s’en fait. Dans l’idéali-
sation, les faits négatifs ne sont pas niés, mais leur importance ou leur
significativité est minimisée pour ne pas interférer avec l’entretien des
bons sentiments pour l’objet.
Cotation
0: Aucun cas d’utilisation de l’idéalisation par le sujet n’est présent.
1: Usage probable de l’idéalisation:
a. À une ou deux reprises, le sujet semble tirer quelque gratifica-
tion de la description d’exploits, de déclarations et de succès de
quelqu’un avec lequel existe une relation (par exemple: ami, théra-
peute).
96 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
OMNIPOTENCE
Définition
C’est un mécanisme de défense par lequel le sujet répond aux con-
flits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes en se
montrant ou en se comportant de manière supérieure aux autres comme
s’il possédait des capacités ou des pouvoirs supérieurs à ceux des
autres.
Fonction
Ce mécanisme de défense protège le sujet contre la perte d’estime de
soi inévitable lorsque des facteurs de stress provoquent des sentiments
de déception, d’impuissance, de nullité, etc. L’omnipotence minimise
subjectivement ces expériences, bien que celles-ci puissent rester
objectivement évidentes pour autrui. L’estime de soi est ainsi artificiel-
lement poussée, au prix d’une déformation positive des représentations
de soi. Ceci se produit en réponse à une expérience qui suscite des sen-
timents contraires.
Diagnostic différentiel
Formation réactionnelle
L’omnipotence diffère de la formation réactionnelle dans la mesure
où les sentiments niés sont plus évidents pour l’observateur et le senti-
ment de puissance affiché peut être irréaliste, voire puéril. De même,
l’omnipotence s’adresse plus à l’estime de soi et aux sentiments vis-à-
vis de soi, alors que la formation réactionnelle s’adresse plutôt aux sen-
timents envers autrui.
Clivage
Le clivage (des représentations de soi) peut se rapporter à des occa-
sions où le sujet décrit les bons aspects du soi, laissant de côté les traits
négatifs mais émotionnellement significatifs. Si les représentations
positives de soi sont décrites en termes réalistes (les succès sont
authentiques, les honneurs ont été effectivement reçus), alors l’omni-
potence n’est pas utilisée en même temps. On ne notera l’omnipotence
98 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Cotation
0: Aucune preuve de déclarations d’omnipotence.
1: Usage probable de l’omnipotence:
a. Le sujet fait deux ou trois affirmations laissant entendre qu’il ou
elle a le pouvoir ou la capacité d’influencer les événements, ce que
l’observateur trouve peu vraisemblable.
b. Le sujet montre une certaine tendance à exagérer sa propre
importance ou son pouvoir sur les événements qu’il décrit.
c. Au cours de discussions sur ses problèmes ou dilemmes person-
nels, au moins à deux reprises, le sujet affiche une attitude du type
«Je peux tout faire».
d. En deux ou plusieurs occasions distinctes, le sujet se vante de
relations ou de succès, apparemment pour appuyer la perception que
les autres ont de lui/elle.
e. Le sujet décrit l’usage de stupéfiants (par exemple: cocaïne) ou
une activité (par exemple: jogging) auxquels il s’adonne de manière
un peu compulsive comme un moyen de stimuler son estime de soi
et renforcer artificiellement ses sentiments de réussite ou de maîtrise
dans d’autres domaines de la vie. La relation doit être évidente, ne
nécessitant pas beaucoup d’inférence.
2: Usage certain de l’omnipotence:
a. Bravades excessives dans la discussion de problèmes ou succès
personnels, qui se voient de manière évidente et font apparaître le
sujet comme un être immature et irréaliste.
b. Le sujet se réfère au moins trois fois à son importance et sa capa-
cité d’influencer les événements ou les gens importants ou célèbres.
Cependant, il y a peu ou pas de preuves pour soutenir ses affirmations.
c. Le sujet fait des déclarations délibérément fausses sur ses pou-
voirs spéciaux et ses capacités (lesquelles peuvent être délirantes ou
non).
d. Le sujet est grandiloquent quand il décrit ses projets, ses succès et
ses aptitudes personnelles, ou bien il se compare aux gens célèbres.
e. Le sujet agit avec assurance et affiche une attitude de type «Je
suis capable de résoudre n’importe quel problème» alors qu’il paraît
évident qu’il n’est pas capable de résoudre son propre problème.
Refoulement 99
REFOULEMENT
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en se trouvant incapable de se rappeler ou d’être
cognitivement conscient de souhaits, sentiments, pensées ou expérien-
ces désagréables ou dérangeantes.
Fonction
Le refoulement protège le sujet contre la prise de conscience de ce
qu’il est en train de vivre ou a vécu dans le passé. Le sujet vit un affect,
une pulsion ou un désir particulier, alors que la conscience réelle de ce
que c’est, ou du concept qui y est associé, reste absente. Tandis que les
éléments émotifs sont clairement présents et ressentis, les composants
cognitifs restent hors du conscient.
Quand le refoulement est utilisé, le sujet ressent des sentiments et
des pulsions qu’il ne reconnaît pas, tout en ne reconnaissant pas non
plus la situation ou la personne qui a pu les évoquer. Ignorant pourquoi
ses pulsions et sentiments sont en jeu, le sujet les exprime sans les
modifier ou les change en utilisant un mécanisme de défense supplé-
mentaire. Par exemple, l’envie refoulée de frapper quelqu’un peut être
transformée encore plus par un déplacement et se traduire par une crise
de nerfs du sujet à propos d’un ennui sans gravité.
Diagnostic différentiel
Comme le refoulement joue un tel rôle en interaction avec d’autres
mécanismes de défense, il importe qu’il ne soit noté au moyen de cette
échelle que lorsqu’il est perceptible par lui-même, non quand il est uti-
lisé conjointement à d’autres mécanismes de défense précis. Le refou-
lement, quantifié au moyen de cette échelle, est donc un concept plus
restreint, plus limitatif que celui généralement défini dans la littérature
psychodynamique.
Déni
Le déni maintient la représentation et l’affect hors du conscient, tan-
dis que le refoulement préserve une part de conscience de l’affect.
100 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Dissociation
La dissociation protège l’individu de la prise de conscience d’un
affect ou d’une représentation en modifiant le vécu conscient, alors que
le refoulement laisse intact le vécu conscient en ne maintenant que la
représentation spécifique hors du conscient.
Cotation
0: Aucun exemple particulier de refoulement n’est évident dans
l’entretien.
1: Usage probable du refoulement:
a. Le sujet commet un ou deux lapsus linguae, affirmant quelque
chose qu’il réfute ou qui est le contraire de ce qu’il prétend dire. Le
sujet peut se reprendre et se corriger ou non, ou dire quelque chose
comme «Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça» ou bien «Ma femme,
pardon, ma mère, avait l’habitude de…».
b. Le sujet oublie de quoi il parle au beau milieu de la conversa-
tion, une ou deux fois.
c. Le sujet est incapable de définir une réaction émotionnelle évi-
dente qu’il a ou a eue, tout en manifestant une certaine émotion au
sujet de l’événement décrit.
d. Quand on lui pose des questions comme «Qu’est-ce que ça
vous a fait?», le sujet répond par l’équivalent de «Je n’en sais
rien».
e. Une fois, le sujet ne peut décrire ou exprimer une impulsion ou
un affect particulier de sa vie, même aiguillonné par l’investigateur
(par exemple: désirs sexuels, colère, etc.).
f. Le sujet décrit une anxiété flottante mais n’a pas d’opinion pré-
cise sur ce qui le préoccupe.
2: Usage certain du refoulement au cours de l’entretien:
a. Le sujet oublie des détails significatifs d’événements traumati-
sants qui lui sont arrivés, et dont il devrait normalement se souvenir
(ne pas inclure si un traumatisme crânien avec perte de connaissance
a contribué à l’épisode traumatisant).
b. Le sujet laisse les choses déplaisantes dans le vague: il ou elle a
du mal à se rappeler les exemples précis, alors que certains devraient
lui revenir spontanément.
c. Le sujet oublie fréquemment ce dont il parle, en particulier sur
les sujets à forte charge émotionnelle. Il peut répondre d’une
manière inhabituellement brève à des interrogations sur ces sujets,
Refoulement 101
DISSOCIATION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes par une altération temporaire des fonctions d’inté-
gration de la conscience, de la mémoire et de sa propre identité. Dans
la dissociation, un affect ou une pulsion dont le sujet n’est pas cons-
cient se produit dans sa vie hors de sa conscience. La représentation
ainsi que l’affect ou la pulsion associée restent hors du conscient mais
s’expriment par une altération de la conscience. Alors que le sujet peut
avoir l’impression que quelque chose d’inhabituel se passe dans de tels
moments, il n’a pas conscience que ses propres affects ou pulsions sont
en train de s’exprimer. La dissociation peut entraîner une altération
fonctionnelle ou un comportement inhabituel.
Fonction
Le matériel dissocié est en général vécu comme trop menaçant, trop
conflictuel ou trop anxiogène pour être admis dans le conscient et
reconnu par le sujet. Des exemples courants de matériel menaçant
comprennent le souvenir d’un traumatisme et la peur de la mort qui
l’accompagne, les sentiments d’impuissance, ou une pulsion soudaine
de tuer un proche. La dissociation permet l’expression de l’affect ou de
la pulsion en altérant la conscience, permettant à l’individu de se sentir
moins coupable ou moins menacé.
Diagnostic différentiel
Mensonge
Les épisodes qui semblent impliquer une dissociation et qui concer-
nent des faits criminels ou un comportement de passage à l’acte, pour
lequel le sujet se prétend amnésique, doivent être distingués du men-
songe conscient.
Dissociation 103
Cotation
0: Aucune preuve de dissociation ne ressort de l’entretien.
1: L’usage probable de la dissociation ressort clairement de l’entre-
tien:
a. Le sujet se joint occasionnellement à d’autres qui expriment leurs
impulsions ou émotions de manière désinhibée, ce qui se traduit sou-
vent par un comportement illicite. Bien que cela ne ressemble pas au
comportement habituel du sujet, celui-ci semble inconscient de cette
fascination apparente pour les pulsions ainsi exprimées.
b. Le sujet décrit un ou deux épisodes de comportement inhabituel
exprimant des pulsions à l’état brut (par exemple: «J’ai jeté un verre
d’eau à la figure de mon ami»). Le sujet réagit par des commentaires
tels que «Je ne comprends tout simplement pas ce qui m’a poussé à
faire ça, ce n’est pas moi du tout». Le comportement décrit ci-dessus
est à distinguer du comportement généralement tapageur qui se produit
quand le sujet est ivre.
c. Le sujet exprime un affect ou une pulsion en développant un
symptôme (comme une dépersonnalisation ou un mal de tête quand il
est en colère) ou par l’apparition d’un comportement symptomatique
(s’endormir devant un nouveau travail, ou s’engager dans une longue
104 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
FORMATION RÉACTIONNELLE
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en substituant à un comportement, à des pensées
ou à des sentiments personnels inacceptables d’autres qui leur sont dia-
métralement opposés.
Fonction
Dans la formation réactionnelle, un affect ou une pulsion originale
est jugée inacceptable par le sujet et une substitution inconsciente
s’effectue. Des sentiments, des pulsions et des comportements d’une
couleur affective opposée sont substitués aux originaux. L’observateur
ne décèle pas l’altération en soi, mais seulement son résultat. En sup-
plantant les sentiments originaux inacceptables par leur contraire, le
sujet évite les sentiments de culpabilité. Qui plus est, la substitution
peut alimenter un souhait de se sentir moralement supérieur.
Il est raisonnable de supposer qu’il y a formation réactionnelle
quand un sujet réagit à un événement par une émotion à l’opposé des
sentiments normalement évoqués chez les autres. Le plus clair exemple
en est quand attention et préoccupation remplacent la colère ou la
crainte vis-à-vis de ceux qui agissent contre le sujet. Ou bien quand la
rudesse et le dénigrement remplacent le soin et l’intérêt jugés, eux,
inacceptables.
Diagnostic différentiel
Annulation
Diffère de la formation réactionnelle en ce que l’observateur perçoit
les affects opposés ou les pulsions, en alternance, sans formation de
compromis. Dans la formation réactionnelle, l’affect substitué est clai-
rement présent, alors que l’original doit être inféré.
Cotation
0: Aucun exemple de formation réactionnelle ne ressort de l’entre-
tien.
106 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
DÉPLACEMENT
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en généralisant ou en déplaçant un sentiment ou
une réponse d’un objet vers un autre, habituellement moins menaçant.
La personne qui a recours au déplacement peut être ou non consciente
que l’affect ou la pulsion exprimée envers l’objet déplacé était destiné
à quelqu’un d’autre.
Fonction
Le déplacement permet d’exprimer un affect, une pulsion envers une
personne ou un autre objet semblable à celui qui a initialement suscité
l’affect ou la pulsion. L’affect et/ou la pulsion sont exprimés pleine-
ment et reconnus mais sont faussement redirigés vers une cible moins
conflictuelle. Le déplacement autorise plus d’expression de l’affect et
de gratification, même si l’objet de la pulsion est différent des autres
mécanismes de défense névrotiques.
Diagnostic différentiel
Dissociation
La dissociation implique un changement de la conscience du sujet
ou du fonctionnement caractéristique de sa personnalité, mais la cible
n’est pas nécessairement altérée. Dans le déplacement, la personnalité
caractéristique de l’individu n’est pas altérée, alors que l’objet de
l’affect ou de la pulsion est changé.
Agression passive
Elle témoigne de l’hostilité envers ceux qui provoquent de la frustra-
tion ou de la déception chez le sujet, mais implique généralement un
comportement passif et indirect. Le déplacement implique l’expression
directe et active de l’affect ou de la pulsion mais la cible a changé.
108 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Projection
La projection implique le déni et la fausse attribution de ses propres
souhaits ou affects à un autre, qui devient l’objet de la pulsion. Dans le
déplacement, l’affect ou la pulsion n’est pas nié.
Cotation
0: Aucune preuve de l’usage du déplacement.
1: Usage probable du déplacement:
a. À un moment de l’entretien, le sujet commente des sentiments
ou des actes envers un objet relativement insignifiant pour lui, les
sentiments et les actes ressemblant étrangement à ceux que le sujet a
montrés à d’autres moments de l’entretien envers quelqu’un de plus
important à ses yeux.
b. Le sujet révèle des sentiments de colère envers les mauvaises
actions d’autrui, mais pas celles qui le touchent particulièrement (par
exemple: «On devrait enfermer tous ces poivrots, ça les
dessoulerait»). À d’autres moments de l’entretien, il devient clair
que le sujet est sans doute en colère à propos de quelque mauvaise
action commise à son encontre par une personne importante à ses
yeux (par exemple: «Oui, mon mari a encore dépensé l’argent du
loyer en buvant, cette semaine»).
c. Le sujet paraît assez préoccupé, avec des sentiments positifs
envers une personne ou un objet qui n’a que peu à voir avec le sujet
mais qui a des points de ressemblance avec quelqu’un de bien connu
et bien aimé par lui. Le sujet peut se sentir quelque peu troublé par la
« cause » de l’importance de ces sentiments positifs.
d. Quelqu’un se met en colère après le sujet qui, à son tour, se
fâche après quelqu’un d’autre (par exemple: le patron crie après le
sujet, lequel se querelle avec son conjoint par la suite).
Exemple: «Ouais, mauvaise journée au boulot. J’ai engueulé ma
femme pour n’importe quelle raison quand je suis rentré.»
2: Usage évident du déplacement:
a. Le sujet «a un métro de retard» dans une réaction importante à
quelqu’un parce que tout son affect est mal dirigé vers une autre per-
sonne ou un autre problème. Par exemple: après une violente et lon-
gue diatribe contre un collègue dont il pense qu’il n’est pas assez
coopératif, malgré la preuve du contraire, le sujet passe sur le refus
récent d’un parent d’accorder un prêt pourtant très nécessaire,
Déplacement 109
disant: «Oui, dommage que Papa n’ait pas pu nous aider» sans
aucune colère à propos de cette déception.
b. Le sujet est préoccupé par le fait que de « petits » ennuis le
contrarient autant. Il est généralement très pointilleux sur des choses
relativement insignifiantes, ou bien a des phobies qui peuvent se
comprendre dynamiquement.
c. Le sujet formule au moins trois commentaires sur l’observateur,
dans lesquels le sentiment ou le concept exprimé paraît déplacé car
s’appliquant à quelqu’un dans la vie du sujet et décrit à un autre
moment de l’entretien. (Ne pas inclure si le sujet utilise le clivage
pour d’autres personnes que l’interrogateur.)
d. À trois reprises au moins, en parlant d’un événement à forte
charge affective, le sujet exprime plus de sentiments à propos de
détails sans importance que sur le point crucial ou l’effet principal
de l’événement.
110 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
ISOLATION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes et externes en étant incapable d’éprouver simultanément les
éléments cognitifs et affectifs d’une expérience en raison d’un refoule-
ment de ses affects. Dans le mécanisme de défense de l’isolation, le
sujet perd la notion des sentiments associés à une idée donnée (par
exemple: un événement traumatisant) tout en restant conscient des élé-
ments cognitifs (détails descriptifs). Seul l’affect est perdu ou écarté
alors que la représentation reste consciente. Il s’agit de l’inverse du
refoulement, où l’affect est préservé mais la représentation est écartée
et non reconnue.
Parfois, l’affect peut être momentanément détaché de la représenta-
tion associée. Il est par la suite ressenti sans association à l’expérience
et l’idée originales. Il y a plutôt un intervalle neutre d’intervention
entre la connaissance de la représentation et le vécu des affects asso-
ciés.
Fonction
Les individus qui se sentent menacés ou angoissés par leur vécu
émotionnel peuvent toujours faire face confortablement aux idées et
aux événements apparentés tandis que leurs affects associés sont main-
tenus hors du conscient. Les affects isolés sont très souvent accompa-
gnés d’angoisse, de honte ou de culpabilité qui émergeraient s’ils
étaient directement ressentis. Le prix à payer pour éviter l’angoisse, la
honte ou la culpabilité associée est que le sujet se prive de sentiments
qui lui donneraient des informations importantes sur lui-même et qui
pourraient faciliter certains choix.
Diagnostic différentiel
Intellectualisation
L’intellectualisation et l’isolation servent toutes deux à minimiser la
conscience de l’affect tout en préservant la conscience des idées. Ces
deux mécanismes de défense sont souvent concomitants, ce qui com-
plique un peu plus leur différentiation. L’intellectualisation aide le
Isolation 111
Cotation
0: Aucune preuve d’isolation de l’affect.
1: Usage probable de l’isolation de l’affect:
a. À une ou deux reprises, le sujet décrit une expérience personnelle
significative mais sans aucune marque ou mention de sentiments, soit
autour de l’événement original, soit rémanents. Pour fixer les idées,
l’événement devrait être de magnitude moyenne ou supérieure, comme
la mort d’un être cher, la non-atteinte d’un objectif important, un aban-
don, une déception d’intensité moyenne, etc.
b. Parlant d’un traumatisme personnel, le sujet décrit l’événement
dans le détail, mais omet de dire à quel point il a été affecté. L’expres-
sion du visage, le ton de la voix et autres indices indirects n’expriment
pas beaucoup d’affect.
c. Le sujet décrit une expérience que l’investigateur s’attendrait à
trouver chargée d’affect, alors que le sujet n’exprime aucune émotion à
ce propos. Plus tard au cours de l’entretien, l’affect se fait jour, même
hors contexte et sans lien avec la discussion de l’événement décrit plus
tôt (par exemple: après avoir parlé d’une déception professionnelle
avec très peu de sentiments, le sujet déclarera plus tard: «Je me sens
triste tout d’un coup. Je me demande bien pourquoi»). Le sentiment
est sous-jacent.
2: Isolation de l’affect évidente:
a. Le sujet se montre doué pour décrire en détail des événements de
sa vie, mais médiocre dans la description de tout affect s’y rapportant.
C’est comme s’il fonctionnait comme un tiers, un reporter omniscient
qui décrit sa propre vie sans la moindre réaction personnelle.
b. Les traumatismes personnels sont relatés sans aucune référence à
des réactions émotionnelles personnelles. De plus, le sujet prétend
même qu’il ne les a jamais vraiment ressenties (par exemple: «Après
l’accident de voiture, je ne me suis même pas inquiété, je me suis
repris et suis reparti travailler»).
c. Le sujet décrit de nombreux événements malheureux sans montrer
le moindre sentiment. Il peut décrire ses sentiments prédominants,
112 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
INTELLECTUALISATION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes par un usage excessif de la pensée abstraite, pour
éviter de ressentir des sentiments dérangeants.
Fonction
L’intellectualisation est un mécanisme de défense contre les affects
ou pulsions dont la représentation reste consciente et s’exprime par une
généralisation, détachant ou distançant ainsi le sujet de l’affect ou de la
pulsion. La qualité émotionnelle est perdue, ainsi que le caractère
impérieux de la pulsion. Les éléments cognitifs restent conscients,
mais en termes impersonnels ou sous forme de généralisations. Le
sujet se réfère souvent à son vécu en termes très généraux ou à la
seconde ou troisième personne.
Il n’est pas nécessaire d’être intelligent pour faire appel à l’intellec-
tualisation. Il ne s’agit que d’une stratégie cognitive destinée à minimi-
ser l’importance ressentie des problèmes rencontrés au cours d’une vie
affective. Comme tous les autres mécanismes de défense, on peut par-
fois l’observer en cas de retard mental ou chez les victimes de syndro-
mes cérébraux organiques.
Diagnostic différentiel
Isolation
Elle est présente chez les individus qui utilisent l’intellectualisation
plus souvent que le voudrait le hasard, compliquant ainsi la distinction
entre ces deux mécanismes de défense. Les deux mécanismes éloi-
gnent le sujet de ses propres sentiments. L’isolation y parvient directe-
ment en détachant et en compartimentant les sentiments du sujet,
taisant leur vécu direct tout en laissant le sujet à même de décrire les
détails matériels de son vécu. L’intellectualisation y parvient indirecte-
ment, le sujet traduisant d’abord son vécu en généralités (par exemple:
généralisations abstraites, narration à la troisième personne) qui le dis-
tancient du vécu immédiat des sentiments.
114 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Rationalisation
C’est un désaveu apparenté à l’intellectualisation. Cette dernière ne
déforme pas les faits d’une situation ou les motivations d’un vécu,
mais les rend abstraits et en détache la dimension ressentie. La rationa-
lisation, au contraire, fait appel à des excuses et des raisons plausibles
pour masquer les faits et les motivations que le sujet entend cacher.
L’intellectualisation diminue la capacité de l’auditeur à s’identifier au
vécu du sujet, alors que la rationalisation le met sur une autre piste que
celle du vécu actuel du patient.
Projection
Elle s’exprime souvent par le recours à des affirmations d’ordre
général qui peuvent la faire confondre avec l’intellectualisation.
Cependant, quand la projection est démontrée par l’expression de
généralités (par exemple: « Tout le monde voudrait tout avoir pour
rien ces temps-ci»), l’objet de la projection est toujours: une motiva-
tion, une impulsion, un sentiment ou un vécu que le sujet désavoue.
Dans l’intellectualisation en revanche, le sujet ne désavoue pas sa
motivation ou son vécu, mais préserve les faits. La généralisation sert à
taire la dimension ressentie de son vécu.
Cotation
0: Aucune preuve d’intellectualisation au cours de l’entretien.
1: Utilisation probable de l’intellectualisation au cours de l’entre-
tien:
a. Le sujet répond à quelques questions – mais pas en majorité –
spécifiques sur ses sentiments ou réactions personnelles en rapport
avec des événements de sa vie par des affirmations impersonnelles;
les déclarations de sentiments personnels sont évités ou éludés (par
exemple: «Suis-je heureux? Oh, je ne crois pas que le bonheur
existe vraiment»).
b. À deux ou trois reprises, le sujet utilise la troisième personne
pour répondre aux questions de l’interrogateur (par exemple: «Oh,
ça ne rend pas vraiment heureux…» ou... «Je crois que la plupart
des gens feraient de même dans ce cas»).
c. Le sujet pose à l’interrogateur un certain nombre de questions
qui relèvent plus de questions de type scolaire que d’un entretien.
Par exemple.: «Pouvez-vous m’expliquer comment le Tofranil agit
Intellectualisation 115
ANNULATION
Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en adoptant un comportement destiné à corriger
symboliquement ou nier des pensées, des sentiments ou des actions
antérieures.
Fonction
Dans ce mécanisme de défense, le sujet exprime un affect, une pul-
sion ou commet une action qui reflète des sentiments de culpabilité ou
de l’angoisse. Puis il minimise sa détresse en exprimant un affect, une
pulsion ou une action contraires. L’acte réparateur exempte le sujet de
la souffrance du conflit. Dans la conversation, ses déclarations sont
immédiatement suivies de précisions dont la signification est à
l’opposé de l’affirmation initiale. Pour l’observateur, cette association
d’une déclaration et de son contraire rend difficile l’identification du
sentiment ou de l’intention première du sujet.
De mauvaises actions peuvent être suivies de réparations à l’égard
de l’objet de l’action. Le sujet semble obligé d’effacer ou d’annuler
son action première.
Diagnostic différentiel
Clivage
Clivage et annulation impliquent tous deux des conflits se rapportant
à des vécus contraires ou opposés. Dans le clivage, un vécu par le soi
ou par autrui ne peut pas s’accommoder d’expériences dont la charge
affective est à l’opposé (par exemple: bien et mal, puissance et fai-
blesse, etc.). Les deux sont en général séparés dans le vécu du sujet et
il est rare que des déclarations se rapportant à des expériences ou signi-
fications soient voisines dans le temps. Dans l’annulation, le sujet fait
une déclaration sur un objet puis très rapidement le qualifie comme
pour éviter les critiques sur sa déclaration initiale (par exemple: «Ma
femme est vraiment épouvantable. Attention, elle est pleine de bonnes
intentions»). Le sujet peut garder conscience de la contradiction appa-
rente ou de la dissonance cognitive.
Annulation 117
Formation réactionnelle
Elle diffère de l’annulation car seul l’affect substitué est clairement
mis en évidence, alors que l’affect original doit être inféré. Dans
l’annulation, le sujet exprime en général des affects ou des pulsions
opposés en alternance, sans formation de compromis.
Cotation
0: Aucune preuve d’annulation dans les actes ou déclarations du
sujet.
1: Usage probable de l’annulation:
a. Le sujet formule deux ou trois affirmations comme: «Parfois
mon conjoint me rend fou (folle); non, ce n’est pas vrai, pas vrai-
ment fou». Le sujet affirme quelque chose puis le contredit immé-
diatement.
b. Le sujet décrit une soi-disant mauvaise action personnelle.
Rapidement suivie par la description d’une action réparatrice effec-
tuée dans la foulée. Il n’est pas fait référence à une notion de culpa-
bilité ou de responsabilité avant cette description de l’acte
réparateur.
c. À une ou deux reprises, le sujet ne laisse pas une longue décla-
ration sur ses sentiments rester sans qualification. Toutefois, ces
qualifications tendent à ternir la pureté de ses sentiments plutôt que
de les clarifier, rendant ainsi difficile la compréhension de ce qu’il
ressent vraiment.
2: Usage certain de l’annulation:
a. À trois reprises ou plus, le sujet fait de longues déclarations sur
ses sentiments, pulsions, croyances et actes, mais se contredit immé-
diatement après.
b. Le sujet précède trois ou plus des ses propres déclarations par
« je me trompe sûrement, mais… » ou une affirmation semblable,
comme pour annuler le poids de ce qu’il est sur le point de dire. Il
désavoue ainsi ce qu’il entend formuler avant même de l’avoir
dit !
c. Si l’interrogateur essaie de clarifier une affirmation du sujet,
celui-ci répond généralement: «oh, pas vraiment» ou «pas
exactement» suivi par une qualification qui ne clarifie rien pour
l’observateur. Le sujet parait plutôt embarrassé pour s’engager par
une affirmation quelconque.
118 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Définition
L’individu répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en se tournant vers les autres pour rechercher de
l’aide ou un soutien. Il peut s’exprimer, confier ses problèmes et se
sentir moins seul ou moins isolé dans son problème ou son conflit.
Cela peut aussi aboutir à recevoir des conseils ou une aide concrète.
L’aptitude à se confier conduit à une augmentation de la capacité de
l’individu à faire face, l’autre apportant une reconnaissance affective et
un soutien.
La capacité de recours à autrui n’implique pas de confier à l’autre la
résolution de ses problèmes, pas plus qu’elle n’implique de forcer
quelqu’un à aider ou de paraître désarmé pour susciter l’aide d’autrui.
Cette capacité de recours ne se manifeste pas par l’appartenance à un
groupe social (église, associations, alcooliques anonymes) ou par le
fait de consulter. Elle se manifeste plutôt et elle se révèle par les échan-
ges que le sujet établit au sein du groupe social en rapport avec ses pro-
blèmes ou conflits ou par le fait de se confier aux autres.
Fonction
La capacité de recours à autrui allie le besoin d’attachement affectif
du sujet avec son souhait de faire efficacement face aux conflits ou aux
facteurs de stress internes ou externes. Cette capacité à faire face est
augmentée par la recherche du soutien d’autrui, tandis que les besoins
d’attachement sentimentaux se trouvent satisfaits par la même occa-
sion. Les autres peuvent renforcer le répertoire de compétences du
sujet par leur aide, leurs conseils, les propositions de modèles, la plani-
fication, leur capacité de discernement, des jeux de rôles, des entraîne-
ments, etc. Cela s’accompagne généralement d’une diminution de la
tension subjective, résultant de l’extériorisation de ses sentiments et du
partage de ses conflits intérieurs.
Diagnostic différentiel
Hypocondrie
Elle diffère de la capacité de recours dans la mesure où elle exprime
une part d’hostilité envers autrui, sous la forme d’une plainte associée
au rejet de l’aide. La capacité de recours, au contraire, ne s’exerce pas
au détriment d’autrui. De plus, la capacité de recours ne constitue pas
une manipulation d’autrui, pour satisfaire les besoins d’attachement et
de dépendance du sujet.
Altruisme
Il diffère de la capacité de recours à autrui en ce que le fait de com-
mettre de bonnes actions est un élément nécessaire à la relation avec
autrui. La capacité de recours à autrui vise à obtenir de l’aide pour soi-
même, mais n’exclut pas d’en partager les bienfaits dans le cadre de
problèmes ou de conflits.
Cotation
0: Aucun exemple de capacité de recours à autrui en réponse à des
conflits émotionnels.
1: Capacité de recours probable:
a. Commentant sur deux ou plusieurs exemples de conflits affec-
tifs ou de situations stressantes, le sujet raconte avoir cherché aide
auprès d’autrui. Toutefois, il n’est pas certain que le sujet ait établi
une relation de confiance qui aurait encouragé le partage affectif et
amélioré le coping5, bien que ce soit probable.
2: Capacité de recours à autrui certaine:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs exemples de conflits émotion-
nels ou de situations stressantes dans lesquels le recours à autrui
s’est révélé la meilleure ressource pour régler un problème. Il doit
ALTRUISME
Définition
L’individu répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en s’attachant à répondre aux besoins des autres,
en partie comme moyen de satisfaire ses propres besoins. En faisant
preuve d’altruisme, le sujet reçoit une gratification partielle, soit sous
forme de bénéfice secondaire, soit directement de par la réponse
d’autrui. Le sujet a généralement conscience, dans une certaine
mesure, que ses propres besoins ou sentiments sous-tendent ses actes
altruistes. Il peut exister également une récompense directe ou une rai-
son d’intérêt personnel caché derrière les actes altruistes.
Pour noter la présence de l’altruisme, il est nécessaire de trouver une
relation directe, fonctionnelle démontrable entre les sentiments du
sujet et la réponse altruiste.
Fonction
L’altruisme satisfait les besoins d’attachement et de relations socia-
les tout en répondant aux conflits affectifs en aidant autrui. Dans bien
des cas, le conflit tourne autour d’une détresse liée à des exemples pas-
sés de situations stressantes, dans lesquelles le sujet n’a pas trouvé
toute l’aide nécessaire. L’altruisme canalise des affects, comme la
colère, ou des expériences vécues, comme l’impuissance, vers des
réactions socialement utiles qui renforcent aussi le sentiment de pou-
voir maîtriser le passé.
Diagnostic différentiel
Formation réactionnelle
Elle diffère de l’altruisme en ce que celui-ci procure quelque gratifi-
cation au sujet, alors que la formation réactionnelle sacrifie la gratifica-
Altruisme 123
Sublimation
Elle diffère de l’altruisme en ce que ce dernier implique des actions
assez directes en faveur d’autrui, alors que la sublimation directe n’a
pas d’effet direct tout en faisant profiter autrui des réalisations ou des
créations artistiques du sujet.
Cotation
0: Aucun exemple d’altruisme en réponse aux conflits affectifs ou
situations stressantes.
1: Utilisation probable de l’altruisme:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs exemples où il a aidé autrui.
Toutefois, la relation avec les conflits ou les expériences vécues lors
desquels le sujet a eu besoin d’aide n’est pas évidente mais plausi-
ble. Il est clair que d’aider les autres lui donne un certain plaisir.
b. Le sujet raconte comment il a pris une décision importante
(choix de carrière, etc.), fondée sur son envie d’aider les autres et sur
sa conviction apparente qu’autrui pourrait en bénéficier. Bien que la
relation avec un conflit intérieur et des expériences passées ne soit
pas parfaitement évidente, il est clair que le sujet tire quelque satis-
faction de son choix.
2: Utilisation évidente de l’altruisme:
a. Le sujet décrit un ou plusieurs exemples d’aide à autrui dans
lesquels on peut discerner particulièrement que l’action d’aider était
motivée par une signification personnelle liée à un conflit, une diffi-
culté ou un vécu du sujet. Il est clair que le sujet retire un sentiment
de gratification personnelle ou de maîtrise au-delà de toute récom-
pense manifeste (par exemple: «Ça m’a fait du bien d’aider
quelqu’un qui se trouvait dans la position que j’avais moi-même
trouvée si difficile»).
124 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
ANTICIPATION
Définition
Le sujet atténue les conflits affectifs ou les facteurs de stress non
seulement en envisageant des alternatives réalistes et en anticipant les
conséquences émotionnelles de problèmes à venir, mais en vivant réel-
lement cette détresse par un processus de représentation des idées
stressantes et des affects. Cette «répétition» permet au sujet d’élabo-
rer une réponse plus adaptée au conflit anticipé ou au facteur de stress.
Fonction
L’anticipation permet au sujet d’atténuer les effets de conflits ou
facteurs de stress futurs. Cela suppose d’être capable de tolérer
l’angoisse liée à la capacité d’imaginer comment une situation future
pourrait être source de stress. En effectuant cette « répétition affec-
tive» (« comment vais-je réagir si ça arrive ? ») et en planifiant les
réponses futures, le sujet diminue l’impact des facteurs de stress.
L’anticipation augmente aussi la probabilité de résultats positifs et de
réponses affectives plus gratifiantes.
Diagnostic différentiel
Rêverie autistique
L’individu qui fantasme n’a aucune intention de réaliser effective-
ment les actes imaginaires, mais substitue le fantasme à l’action, à
l’expérience affective ou la gratification, ou encore à la solution d’un
problème. En revanche, l’anticipation ne remplace pas la réalité péni-
ble par la satisfaction d’un souhait, mais s’inquiète avec réalisme et
anticipe le processus du deuil.
Annulation
L’anticipation diffère de l’annulation et/ou de l’inquiétude obses-
sionnelle par le fait qu’elle évite la pensée répétitive et stéréotypée et
comprend une imagination affective plus importante.
126 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Cotation
0: Aucun exemple d’anticipation.
1: Usage probable de l’anticipation:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs vignettes significatives sur le
plan émotionnel, lors desquelles il s’est préparé à une situation con-
flictuelle ou à un facteur de stress à venir. Cependant, il aurait appa-
remment pu s’y préparer encore mieux affectivement car il n’était
pas entièrement prêt à supporter émotionnellement les événements
actuels.
2: Usage avéré de l’anticipation:
a. Le sujet décrit une vignette importante sur le plan affectif et
d’importance centrale pour sa vie, dans laquelle on peut discerner les
traits suivants: il était au courant du caractère stressant de la situa-
tion à venir et a prouvé qu’il en tenait compte par anticipation. Le
sujet s’est ainsi trouvé mieux préparé et mieux à même de surmonter
le stress associé à cette situation.
Par exemple: «Je savais que d’annoncer à mes parents ma déci-
sion de quitter l’école serait stressant, et donc avant de les affronter,
j’ai essayé d’imaginer leurs réactions et la manière de mieux les
encaisser.»
b. Le sujet décrit deux ou plusieurs exemples de vignettes de vie
affectivement chargées et remplissant les critères du paragraphe
«a» ci-dessus, mais les exemples ne revêtent pas nécessairement
une importance centrale dans sa vie.
c. Le sujet décrit des événements peu importants de sa vie, pour
lesquels il dit avoir anticipé leurs conséquences, et s’être préparé
ainsi à leur survenue. Ainsi, l’anticipation est en fait une caractéristi-
que du sujet.
Auto-affirmation ou affirmation de soi 127
Définition
L’individu réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
en exprimant directement ses pensées et sentiments de manière à
atteindre ses objectifs. L’auto-affirmation n’est ni coercitive, ni indi-
recte, ni manipulatrice. Le but ou le rôle d’un comportement d’auto-
affirmation est généralement clair pour toutes les parties intéressées.
Fonction
L’auto-affirmation traite les conflits émotionnels par l’expression
directe de ses propres sentiments ou souhaits, soulageant ainsi
l’angoisse ou la détresse présentes à chaque fois que des forces contrai-
res internes ou externes empêchent l’expression. L’auto-affirmation ne
doit pas son efficacité en tant que mécanisme de défense ou réponse
d’adaptation au fait que le sujet obtienne satisfaction dans la réalité.
Son utilité est plus affective, car elle lui permet de fonctionner:
– sans l’angoisse ou la tension qui accompagnent généralement tous
les sentiments ou souhaits non exprimés;
– et sans qu’il y ait un sentiment de honte ou de culpabilité de ne pas
se défendre dans des situations de conflit affectif.
Les conséquences affectives sont pires quand l’auto-affirmation est
bloquée par des interdits intérieurs, plus que par les facteurs externes
seulement, par exemple une personne à l’autorité despotique.
Diagnostic différentiel
Agression passive
Elle diffère de l’auto-affirmation en ce que la première est l’expres-
sion indirecte de besoins ou de sentiments, qui souvent occulte ce que
l’individu essaye de faire passer, et peut être vécue comme coercitive,
manipulatrice et hostile.
Passage à l’acte
Il exprime un souhait très directement, mais d’une manière agressive
qui souvent heurte et blesse autrui. Comme le conflit intérieur lié aux
128 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Déplacement
Il peut parfois se confondre avec l’auto-affirmation, lorsque l’indi-
vidu exprime de l’énervement ou d’autres sentiments envers autrui;
toutefois, avec le déplacement, la substitution de l’objet déplacé pour
le véritable objet de ses sentiments n’entraîne qu’une diminution par-
tielle de la tension affective, du conflit ou des facteurs de stress. Par
conséquent, le résultat du déplacement sera moins satisfaisant, car
l’individu passe à côté de ce qui est réellement désiré.
Cotation
0: Aucun exemple d’auto-affirmation dans les situations de conflit
affectif.
1: Auto-affirmation probable:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs tableaux douloureux significa-
tifs, dans lesquels l’élément important était l’expression directe et
non manipulatrice de ses souhaits ou de ses sentiments en rapport
avec la situation. Cependant, il est difficile de déterminer si les situa-
tions évoquées correspondent à des conflits émotionnels significatifs
ou à des facteurs de stress externes.
b. Le sujet décrit de nombreux exemples où il a répondu aux con-
flits ou facteurs de stress externes par l’auto-affirmation, mais ces
exemples n’ont qu’une signification mineure pour son bien-être
affectif.
c. Les exemples d’auto-affirmation donnés par le sujet s’accompa-
gnent de sentiments de honte ou de culpabilité, faisant suggérer un
conflit résiduel qui restreint le registre et la souplesse de l’auto-affir-
mation.
2. Utilisation évidente de l’auto-affirmation:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs tableaux significatifs sur le
plan affectif qui démontrent clairement un conflit affectif ou un
stress externe important. La réaction auto-affirmative du sujet
contribue pour beaucoup aux conséquences affectives des
tableaux décrits. Même si les objectifs de l’auto-affirmation ne
Auto-affirmation ou affirmation de soi 129
HUMOUR
Définition
Le sujet réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress inter-
nes ou externes en faisant ressortir les aspects amusants ou ironiques du
conflit ou des facteurs de stress. L’humour tend à relâcher la tension pro-
voquée par le conflit d’une manière qui permet à tout le monde d’en
bénéficier, au lieu de n’y impliquer qu’une seule personne comme c’est
le cas des commentaires moqueurs ou cinglants. Il y a d’autre part sou-
vent une part d’autocritique ou de vérité dans l’humour.
Fonction
L’humour permet d’exprimer une part des affects et des souhaits liés
au conflit ou au facteur de stress. À chaque fois que le conflit ou fac-
teur de stress bloque l’expression complète des affects ou la satisfac-
tion des souhaits, l’humour permet d’en exprimer symboliquement une
partie, ainsi que l’origine du conflit. La frustration émanant du conflit
est temporairement soulagée d’une manière qui fait rire ou sourire à la
fois le sujet et autrui. Cela est particulièrement évident dans les interac-
tions propres à notre condition humaine, où certains facteurs de stress
sont inévitables.
Diagnostic différentiel
Dépréciation
Elle diffère de l’humour par le fait qu’elle porte atteinte à l’image de
l’objet en ternissant l’image de sa cible par le sarcasme, l’ironie cin-
glante ou les remarques désobligeantes. Si la dépréciation peut être
drôle, c’est aux dépens de quelqu’un, et elle suscite la rancune de la
victime désignée. C’est également vrai lorsque le sujet se déprécie lui-
même, même en faisant le pitre ou avec drôlerie ; son amour propre
s’en trouve encore plus altéré.
Agression passive
Elle diffère de l’humour en ce qu’elle peut utiliser la pitrerie ou des
tentatives de faire rire, mais d’une manière rabaissante qui bloque la
Humour 131
Blagues
L’humour comme mécanisme de défense s’apparente à la plaisante-
rie classique ou à la relation d’histoires drôles (blagues) mais à ceci
près qu’il a pour but de soulager un stress saillant ou un conflit affectif
qui vient d’être déclenché. Les blagues dont le but est d’amuser et de
passer du bon temps ne sont liées à aucun conflit ou stress immédiats.
Cette différence est reconnaissable lorsque l’on remarque que la capa-
cité de raconter une blague ne signifie pas en soi que le conteur utilise
l’humour comme mécanisme de défense. On se gardera de noter un
sujet comme utilisant l’humour sous prétexte qu’il a fait une remarque
drôle ou dit une blague. C’est le but recherché qui fait de l’humour un
mécanisme de défense.
Cotation
0: Aucune preuve de l’utilisation de l’humour comme mécanisme
de défense.
1: Utilisation probable de l’humour comme mécanisme de défense:
a. Le sujet fait deux ou plusieurs remarques drôles pendant
l’entretien, mais sans lien évident avec le conflit affectif ou les
aspects stressants de la situation, et sans obstruction de la conduite
de l’entretien.
b. Le sujet raconte une blague pendant l’entretien, bien que le rap-
port avec un conflit ou facteur de stress particulier ne soit pas évi-
dent. Par exemple, le sujet qui dit: «Ça me rappelle une
histoire…». L’histoire drôle n’ajoute ni ne retire rien au déroule-
ment de l’entretien.
2: Il est clair que le sujet utilise l’humour comme mécanisme de
défense:
a. Le sujet décrit un conflit ou un événement émotionnellement
significatif au cours duquel les remarques drôles ont influencé sa
capacité à faire face. Le rapport entre le conflit ou les facteurs de
stress et les plaisanteries est évident. Par exemple, faire preuve
d’humour noir avant d’aller au combat ou de participer à un con-
cours difficile, ou encore faire des commentaires humoristiques sur
la possibilité de mener une vie différente après avoir souffert une
perte personnelle importante.
132 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
INTROSPECTION
Définition
Le sujet réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en s’interrogeant sur ses propres pensées, senti-
ments, motivations ou comportements. Il est capable de se voir lui-
même comme il est vu par autrui dans ses relations interpersonnelles et
se trouve donc mieux à même de comprendre les réactions d’autrui à
son égard. Ce mécanisme de défense n’est pas équivalent à faire sim-
plement des observations sur soi ou parler de soi.
Fonction
Ce mécanisme de défense permet au sujet de s’adapter au mieux aux
exigences de la réalité extérieure, en se fondant sur une vue plus pré-
cise de ses propres affects, désirs, pulsions et comportements. Alors
que l’introspection ne change pas à proprement parler la personne, elle
annonce ou précède la recherche d’une meilleure adaptation des états
intérieurs à la réalité extérieure. Ce mécanisme de défense permet à
l’individu de progresser et de mieux s’adapter à mesure qu’il affronte
les facteurs de stress.
Diagnostic différentiel
Rêverie autistique
Elle diffère de l’introspection en ce qu’elle repose sur une base irréa-
liste qui ne comprend aucune tentative de mieux s’adapter aux problè-
mes objectifs, etc. L’introspection, en revanche, met le sujet en
meilleur accord avec lui-même et l’environnement et peut entraîner
une meilleure intégration des aspirations et caractéristiques personnel-
les aux réalités extérieures.
Rationalisation
Elle diffère de l’introspection en ce que cette dernière implique une
tentative de mise à jour et d’exploration des sentiments et des actes, et
non pas leur déguisement.
134 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Dépréciation
Elle diffère de l’introspection en ce que sa fonction première est de
rehausser certains aspects de l’amour propre (comme par exemple en
suscitant la sympathie) en ternissant certains aspects du soi, au lieu de
promouvoir une prise de conscience personnelle plus précise.
Cotation
0: Pas d’introspection.
1: Introspection probable:
a. Le sujet fait deux ou plusieurs remarques sur la façon dont ses
actions pourraient être perçues par autrui. Toutefois, il ne fait pas
trop d’efforts pour en comprendre les implications affectives.
2: Introspection évidente:
a. Le sujet fait deux ou plusieurs remarques introspectives dont il
va spontanément essayer de comprendre la portée affective ou les
implications interpersonnelles. Il n’a pas besoin d’être encouragé.
b. Le sujet décrit un épisode affectivement important puis sponta-
nément s’étend sur les implications de ses propres réactions et com-
portements. Il accepte l’idée d’élaborer une vision plus complète et
plus exacte de lui-même et par là même encourage les questions de
l’investigateur qui vont dans le même sens.
c. À la suite d’un commentaire de l’interlocuteur au sujet d’un
conflit affectif important chez le sujet, celui-ci devient plus enclin à
décrire les aspects de lui-même les plus pertinents. L’introspection
devient très naturelle et conduit à une meilleure compréhension de
soi-même.
Sublimation 135
SUBLIMATION
Définition
L’individu réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en canalisant plutôt qu’en inhibant des sentiments
ou pulsions potentiellement déplacés en un comportement socialement
acceptable. On ne notera la présence de ce mécanisme de défense que
si une relation très forte peut être démontrée entre les sentiments et le
schéma de réponse. Les exemples les plus classiques de l’utilisation de
la sublimation sont le sport et les compétitions destinés à canaliser les
pulsions de colère, ou la création artistique qui exprime les sentiments
conflictuels.
Fonction
La sublimation permet d’exprimer des souhaits, des pulsions ou
affects que le sujet inhibe volontairement à cause de leurs répercus-
sions sociales potentiellement négatives. Il les canalise plutôt vers une
expression socialement acceptable. Les buts et les objets initiaux des
désirs et des affects sont souvent considérablement modifiés, résultant
en une activité créatrice. Par exemple, une compétitivité avec agressi-
vité se trouvera canalisée en compétitions sportives ou en travail, de
même que les pulsions sexuelles peuvent s’exprimer au travers de la
chorégraphie ou de créations artistiques. La sublimation permet ainsi
aux pulsions initiales de s’exprimer et l’activité créatrice résultant de
cette sublimation peut aussi susciter la reconnaissance sociale et être
récompensée.
Diagnostic différentiel
Déplacement
Il implique le remplacement, par un objet moins conflictuel mais
semblable, de l’expression de sentiments ou pulsions initialement des-
tinés à un objet conflictuel. Tandis que le sujet éprouve quelque satis-
faction à s’exprimer, il peut y avoir des conséquences négatives. Cela
peut se produire parce que la pulsion est toujours socialement inaccep-
table, ou bien parce que l’autre trouve l’expression du sujet inadéquate.
136 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense
Altruisme
Il recoupe la sublimation en canalisant les affects, pulsions et
souhaits en une activité socialement acceptable. Il en diffère en ce
que l’activité implique précisément d’aider les autres pour des pro-
blèmes ressemblant aux aspects conflictuels du passé de l’individu.
Le sujet maîtrise symboliquement sa propre expérience passée en
aidant les autres à résoudre leurs problèmes du moment.
Cotation
0: Aucun exemple évident de sublimation. Noter que la sublimation
ne sera pas cotée comme présente simplement parce quelqu’un est
artiste ou sportif, à moins d’avoir la preuve d’un lien fort entre l’acti-
vité et le conflit affectif.
1: La sublimation est probable:
a. Deux ou plusieurs exemples présents au cours des deux derniè-
res années et qui semblent relever d’activités sublimatoires classi-
ques, mais le lien entre pulsion et mécanisme de défense n’est pas
évident, bien que probable. Par exemple, le sujet peut parler du plai-
sir de gagner dans une discipline sportive dont la pratique est intrin-
sèquement agréable mais il n’y a pas de lien évident avec une
pulsion conflictuelle.
2: La sublimation est évidente:
a. À trois reprises ou plus au cours de l’entretien, le sujet fait
librement des associations en parlant de conflits ou de situations
stressantes, puis en décrivant des activités qui servent à extériori-
ser des sentiments ou des pulsions en rapport avec les thèmes ini-
tiaux.
b. Il existe un ou plusieurs épisodes importants de conflit affectif,
pour lesquels le sujet décrit une activité de création comme étant un
moyen majeur d’adaptation au conflit. L’exemple doit être sans
ambiguïté et la pulsion initiale ou l’affect doit être transformé en
cette nouvelle activité, pas seulement déplacé vers une cible moins
conflictuelle.
Par exemple, un sujet décrit un échec cuisant lors d’une tentative
d’atteindre un but, mais raconte comment il a ensuite passé beau-
coup de temps à jouer au tennis et tiré une certaine satisfaction à bat-
tre ses partenaires habituels plus souvent.
Sublimation 137
RÉPRESSION
Définition
Le sujet réagit aux conflits affectifs ou aux facteurs de stress internes
ou externes en évitant délibérément de penser aux problèmes, souhaits,
sentiments ou expériences gênants, et ce, temporairement. Il peut par
exemple chasser de son esprit certaines choses jusqu’au moment choisi
pour les régler: c’est un report, pas de l’atermoiement. La répression
peut également revenir à ne pas penser à quelque chose à un moment
donné pour ne pas être empêché de s’engager dans une activité plus
importante (par exemple: ne pas s’étendre sur les problèmes annexes
pour traiter un problème pressant particulier). Le sujet a rapidement
accès au matériel maintenu à l’écart de son attention consciente,
puisqu’il n’a pas été oublié.
Fonction
La répression maintient à la fois l’idée et l’affect associés à un fac-
teur de stress hors de la conscience pendant que l’on s’occupe d’autre
chose; toutefois, le matériel réprimé peut être volontairement rappelé
à la pleine conscience. Les sentiments stressants sont reconnus mais
leur prise en charge est retardée jusqu’à ce que le sujet se sente prêt
ou que le moment soit plus propice. L’angoisse névrotique est mini-
misée, puisque le matériel n’est pas réprimé, bien que l’angoisse
d’anticipation puisse être présente tant que le facteur de stress n’a pas
été géré.
Diagnostic différentiel
Refoulement6
Il diffère de la répression en créant une perte de conscience de la
représentation liée aux facteurs de stress, à l’affect, etc. La représenta-
tion réprimée resurgit ensuite involontairement à la conscience sous
forme de lapsus linguae, d’incapacité à décrire une expérience vécue,
Cotation
0: Aucun exemple de répression pour répondre aux conflits affec-
tifs.
1: Utilisation probable de la répression:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs incidents l’ayant bouleversé
mais où des facteurs extérieurs ont empêché la décharge émotion-
nelle sur le moment, bien que celle-ci se soit produite peu après. Les
exemples ne doivent pas être insignifiants, mais il n’est pas néces-
saire qu’ils aient une signification essentielle pour le sujet pour être
retenus.
b. Le sujet décrit deux ou plusieurs réactions personnelles à des
événements stressants hors de son contrôle, par des déclarations
comme «Que pouvais-je faire d’autre, je ne pouvais qu’accepter la
mauvaise nouvelle et continuer», ou bien «bien sûr que j’étais bou-
leversé, mais je savais qu’en attendant ça s’arrangerait».
c. Le sujet décrit un épisode ou il a «encaissé tous les coups»
dans une situation stressante. Il n’a rien dit ni fait qui puisse aggra-
ver la situation, mais s’est plutôt rassuré.
2: Répression évidente:
a. Le sujet décrit un épisode émotionnellement stressant, au cours
duquel il a dû reporter la prise en compte des sentiments suscités
pour s’occuper d’autre chose de prioritaire. La raison donnée semble
cohérente. Plus tard, il est revenu sur le facteur de stress et a fait
l’effort conscient de le traiter. Il est clair que le sujet ne cherchait pas
seulement à éviter les sentiments, mais qu’il se préparait à les affron-
ter à un meilleur moment.
b. Le sujet décrit un épisode émotionnellement pesant au cours
duquel il n’a pas été capable d’exprimer ses sentiments forts au
moment où ils se sont manifestés, en raison d’une contrainte exté-
rieure (par exemple: critiqué par son patron en public). Il a su tolé-
rer le stress sur le moment, sachant qu’il exprimerait ses sentiments
plus tard, quand le moment viendrait.
c. Le sujet donne au moins trois exemples «d’encaissement des
coups» lors d’un conflit. Il ne se laisse pas dépasser mais reconnaît
le stress quand il arrive. Il émerge de la crise relativement indemne.
5
Extrait d’entretien
J.-N. DESPLAND
1. Les commentaires associés à chaque mécanisme de défense sont des extraits des définitions du
DMRS.
Extrait d’entretien 145
Suite
▲
sentais mieux. Je suis allée à cinq séances, (3) la (3) Passage à l’acte : l’individu
sixième quand il a commencé à vouloir un petit peu gère des conflits émotionnels en
plus creuser, j’ai tout annulé – inconsciemment je réagissant sans réflexion ou sans
pense. tenir compte apparemment des
25. T : mmh, et consciemment qu’aviez-vous en conséquences négatives.
tête quand vous avez annulé ?
26. P : (4) Envie de peut-être de creuser un peu (4) Intellectualisation : le sujet
plus mon enfance, des choses comme ça – puis gère ses conflits émotionnels en
finalement j’avais pas envie de, à ce moment-là, de utilisant excessivement la pen-
le creuser quoi. sée abstraite pour maîtriser ses
27. T : mmh, mais consciemment aviez-vous émotions et ses sentiments.
quelque chose de plus précis en tête sur vos motiva-
tions à arrêter ?
28. P : J’arrête parce que j’en ai plus besoin et
puis, plus besoin pour mon problème pour lequel
j’étais allée en fait.
29. T : mmh…
30. P : Donc ça m’a, je me sentais mieux, je me
sentais mieux avec mes parents.
31. T : mmh…
32. P : Enfin j’ai réussi à vivre un peu pour moi –
et dès que j’ai commencé à voir que c’était un peu
plus profond que ça et que j’avais, d’autres – des
choses un peu plus profondes et plus marquées de
l’enfance – je me suis dit, je laisse tomber, je verrai
ça un peu plus tard.
33. T : mmh…
34. P : Donc ça m’a juste aidée ponctuellement
pour le souci pour lequel j’allais mais je suis arrivée
en crise là-bas.
35. T : mmh…
36. P : Enfin très émotive, tout ça, (5) là c’est pas (5) Déni : le sujet fait face à ses
vraiment le cas parce que… et puis là j’ai pris un conflits émotionnels en refusant
peu cette décision pour, ça fait, enfin, on est arrivé de reconnaître certains aspects
dans cette région il y a un peu près un an. de la réalité externe ou de sa
37. T : mmh… propre réalité psychique qui
38. P : Et pendant un an j’ai pas travaillé, donc je sont évidents aux autres.
restais toute seule chez moi à X en ayant vécu à Y
avant donc ça fait une grosse différence de, d’acti-
vités.
39. T : mmh…
40. P : Et j’avais une grosse activité profession-
nelle aussi à Y, donc c’était un petit peu dur et alors
là je me suis dit : « il faut aller voir quelqu’un » (rit,
ricanement), mais depuis que je travaille ça va
beaucoup mieux donc je suis moins, même si je
suis un peu, émue aujourd’hui, je suis moins –
moins, en colère quoi.
41. T : mmh…
42. P : (6) J’suis quelqu’un qui me pose beaucoup (6) Rationalisation : voir plus
de questions sur les choses de la vie – existentielles haut.
en général.
▲
146 Applications et discussions
Suite
▲
Suite
▲
Résultat
6. OBSESSIONNELLES
Isolation ........................
Intellectualisation .......... 3............
Annulation rétroactive .......... 3............
———————
Sub total : ............6........ ×6= 36
5. AUTRES NÉVROTIQUES
Refoulement .......... 1............
Dissociation ........................
Formation réactionnelle .......... 1............
Déplacement .......... 1............
———————
Sub total : ............3........ ×5= 15
4. NARCISSIQUES
Omnipotence .......... 1............
Idéalisation de l’objet .......... 1............
Idéalisation de soi ........................
Dévalorisation de soi ........................
Dévalorisation de l’objet .......... 1............
———————
Sub total : ............3........ ×4= 12
Extrait d’entretien 151
2. BORDERLINE
Clivage des représentations d’objet ........................
Clivage des représentations de soi ........................
Identification projective ........... 1...........
———————
AUTRE Sub total : ............ 1........ ×2= 2
1. PAR L’AGIR
Passage à l’acte ........... 1...........
Agressivité passive ........................
Hypocondrie ........................
———————
Sub total : ............ 1........ ×1= 1
Comparaison quantitative
Nous n’avons recensé que trois études ayant comparé directement les
deux instruments. La plus ancienne est due à M. Bond et coll. (1989) qui
ont comparé les styles défensifs de 156 patients avec le fonctionnement
défensif coté avec le DMRS sur la base d’un entretien psychiatrique non
standardisé. Les résultats montrent que le style 1 « modèle d’action inap-
proprié » du DSQ corrèle positivement avec la catégorie des défenses
immatures du DMRS, et en particulier avec le niveau des défenses par
l’agir et négativement avec la catégorie des défenses matures. Les styles 2
« distorsion de l’image » et 3 « sacrifice de soi » montrent le même type
de corrélation négative avec la catégorie des défenses immatures et le
niveau des défenses par l’agir. En revanche, le style 4 « style adaptatif »
n’est corrélé à aucune catégorie ou niveau défensif du DMRS. Enfin au
niveau des items du DSQ, sur les 25 items identifiés comme mesurant des
défenses mal adaptées, 23 corrèlent positivement avec les défenses imma-
tures du DMRS. Les auteurs en concluent que le DSQ permet d’identifier
de manière fiable et valide la catégorie des défenses immatures.
J.C. Perry et P. Hoglend (1998) ont étudié la convergence entre les
deux instruments à partir du calcul de l’indice de fonctionnement défen-
sif global (FDG). Le DMRS a été codé sur la base d’un entretien non
standardisé pour 106 patients présentant une grande prévalence de pro-
blématiques dépressive et dysthymique. En accord avec l’hypothèse de
départ, la corrélation entre les deux évaluations du FDG est modérée
(r = 0,26), soit environ 7 % de variance commune. Dans cette même
Comparaison entre DMRS et DSQ 155
Étude de cas
Pour compléter l’étude de la concordance entre les deux instruments,
nous avons choisi quelques cas de notre étude sur la psychothérapie
ultra brève afin de comparer directement les profils défensifs mesurés
par chaque instrument. La sélection des trois cas qui suivent s’est faite a
priori sur la base du niveau de fonctionnement défensif global. Dans
notre échantillon, le FDG (déterminé par le DMRS) varie entre 3,5 et
5,5 ; Nous avons donc choisi un cas avec un FDG au-dessus de 5, un
cas situé entre 4 et 5, et un cas au-dessous de 4. Ce choix permet, pour
différents niveaux de fonctionnement du patient, de comparer la spécifi-
cité de chaque instrument par rapport aux différents niveaux de défense
ainsi que la sensibilité au changement induite par la prise en charge psy-
chothérapeutique. Pour chaque cas, nous disposons de deux auto-éva-
luations des défenses à l’aide du DSQ (avant et après l’intervention, soit
un intervalle d’un mois environ), et du codage DMRS de chacune des
quatre séances de l’intervention psychothérapeutique réalisé sur la base
de la transcription de chaque entretien. Les codages ont été réalisés par
plusieurs cotateurs formés et expérimentés dont la fidélité inter-juges a
été estimée bonne (coefficient intra-classe moyen de 0,75).
Cas 1
Il s’agit d’un homme de 40 ans, enseignant dans le secondaire, qui pré-
sente un trouble de l’identité sexuelle avec des traits de personnalité évi-
tante, dépressive et passive-agressive selon les critères du DSM-IV mais
pas de trouble de personnalité en tant que tel. Une amélioration sympto-
matique significative est observée à la fin des quatre séances. L’alliance
thérapeutique, mesurée par le patient après chaque séance, augmente sen-
siblement mais demeure relativement basse. Enfin le patient se dit très
satisfait de l’aide et des changements symptomatiques mais peu satisfait
par rapport aux buts visés. Thérapeute et patient décident d’un commun
accord de ne pas poursuivre avec un traitement psychothérapeutique.
Comparaison entre DMRS et DSQ 157
Le FDG varie de 1 à 7 (plus le chiffre est élevé, plus le fonctionnement défensif est
mature) ; pour le DSQ, les chiffres par niveau varient de 1 à 9 (plus le chiffre est
élevé, plus la personne reconnaît agir en fonction de ce type de défenses).
158 Applications et discussions
Cas 2
Il s’agit d’un jeune homme de 25 ans, étudiant, qui consulte pour un
trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Le traitement
n’apporte pas d’amélioration symptomatique significative (mais le
niveau de gravité de départ est modéré). L’alliance thérapeutique aug-
mente sensiblement au cours des séances mais demeure relativement
basse et le patient se dit très satisfait de la prise en charge sauf concer-
nant les changements symptomatiques attendus. La prise en charge
psychothérapeutique s’arrête après cette intervention ultra brève.
Comme pour le cas précédent, le FDG mesuré par le DSQ est remar-
quablement stable d’une évaluation à l’autre et correspond au FDG
moyen du DMRS sur les quatre séances (tableau 6.2). Le DMRS se
montre plus sensible au changement, avec une augmentation impor-
tante et linéaire du FDG qui passe de 4,00 à 5,11.
Le FDG varie de 1 à 7 (plus le chiffre est élevé, plus le fonctionnement défensif est
mature) ; pour le DSQ, les chiffres par niveau varient de 1 à 9 (plus le chiffre est
élevé, plus la personne reconnaît agir en fonction de ce type de défenses).
Les niveaux de défense mis en avant par le DSQ sont très contras-
tés: les défenses les plus hautes (de maturité, obsessionnelles et névro-
tiques) d’une part, les défenses par l’agir d’autre part. Ceci contraste
avec le profil révélé par le DMRS, où l’absence des défenses extrêmes
(de maturité et par l’agir) frappe. Deux autres niveaux sont particuliè-
rement importants dans ce cas : les défenses de désaveu (déni et ratio-
nalisation en particulier) sont très fortement représentées à la première
Comparaison entre DMRS et DSQ 159
Cas 3
Il s’agit d’une jeune femme de 20 ans, étudiante, qui présente un
trouble de l’humeur (dépression majeure), un trouble alimentaire (bou-
limie) et un trouble de personnalité (personnalité dépendante).
L’alliance est élevée dès la première séance et se maintient au cours
des trois entretiens suivants. L’amélioration symptomatique est signifi-
cative bien que le niveau de gravité demeure sévère. La patiente se dit
très satisfaite de l’aide apportée, mais peu satisfaite des changements
symptomatiques observés et des buts atteints. Une prise en charge de
plus longue durée a été indiquée.
Le FDG varie de 1 à 7 (plus le chiffre est élevé, plus le fonctionnement défensif est
mature) ; pour le DSQ, les chiffres par niveau varient de 1 à 9 (plus le chiffre est
élevé, plus la personne reconnaît agir en fonction de ce type de défenses).
160 Applications et discussions
Discussion
On le voit, la méthode influence passablement les résultats et les
cotations DMRS et DSQ ne concordent au mieux que modérément.
Dans la mesure où le DMRS se montre plus valide sur le plan con-
ceptuel et plus sensible sur le plan empirique, il nous semble que
c’est la mesure qui doit être privilégiée pour l’étude des défenses. Le
DSQ se révèle moins spécifique pour la mesure de l’ensemble de la
palette des opérations défensives (il correspond davantage à une
échelle unidimensionnelle mesurant un niveau de fonctionnement
défensif général) et très peu sensible au changement dû à une inter-
vention de crise très brève. Concernant le changement à plus long
terme, des évolutions ont été mises en évidence à l’aide des deux ins-
truments. Cependant, certaines inconsistances intriguent. Ainsi dans
l’étude de J.C. Perry (1988), réalisée à l’aide du DMRS, ce sont les
défenses immatures de patients dépressifs qui diminuent après six
mois de traitement, alors que dans l’étude de K. Akkerman, R. Lewin
et V. Carr (1999), réalisée à l’aide du DSQ, le changement de fonc-
tionnement défensif du même type de patients dépressifs est lié à
l’augmentation des défenses de maturité.
Les données manquent sur la part défensive qui est mesurable par
auto-questionnaire. Et la question est loin d’être triviale lorsque l’on
sait qu’entre différents questionnaires, les intercorrélations sont quasi
inexistantes (K. Davidson et M.V. McGregor, 1998). Dès lors, tant que
les paramètres défensifs mesurés par le DSQ ne sont pas plus claire-
ment explicités, il apparaît judicieux, d’une part, d’interpréter ces don-
nées avec la plus grande prudence, en particulier en termes de
Comparaison entre DMRS et DSQ 161
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Comparaison entre DMRS et DSQ 163
Mécanismes R
– de défense immatures, 32
– de défense matures, 32, 35 Rationalisation, 5, 11, 15-16, 24, 84,
86-88, 114, 133, 144-145, 148, 158
– de défense narcissiques, 35
Réactions passives-agressives, 15
Mensonge, 25, 86, 102
Refoulement, 4, 11, 15, 80, 99-101,
Mise à l’écart, 11, 15 103, 138, 146
Mode d’action inapproprié, 161 Refuge dans la rêverie, 11
Modèle d’action inapproprié, 14, 154 Régression, 11, 14
Moi, 3-5 Relation d’objet, 16
REM-P, 25
N
REM-Y, 25
Névrose obsessionnelle, 4 Renversement dans le contraire, 11
Niveau Repression, 11
– adaptatif, 12 Répression, 6, 11, 14-15, 24, 138-139
– de fonctionnement défensif, 29 – (mise à l’écart), 11
– défensif, 58, 150 Response Evaluation Measure (REM-
Normalité, 6, 13 71), 24
Retournement
O – contre soi-même, 10-11, 66-68
– sur soi, 5
Omnipotence, 11, 14-15, 24, 32, 89, Retrait, 16
97-98, 134, 148 – apathique, 11, 16
Organisations limites, 14 Rêverie autistique, 11, 16, 24, 89-91,
Overall Defensive Score, 28 125, 133
– (refuge dans la rêverie), 11
P Rorschach Defense Scale, 22
Passage à l’acte, 6, 11, 14-16, 62-65, S
78, 89, 122, 127, 145
– (activisme), 11 Sacrifice de soi, 14, 154
Personnalité
© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
SCL-90, 155
– dépendante, 159 Score défensif global, 28, 58-59, 151
– multiple, 103 Somatisation, 24
– narcissique, 14, 32 Stratégies d’ajustement, 9
Plainte associant demande d’aide et re- Style
jet de cette aide, 16 – adaptatif, 14, 154
Processus psychothérapeutique, 34 – immature, 14, 24
Profil défensif, 28, 30, 156-159 – mature, 14, 24
Projection, 11, 14-16, 24, 78, 83-85, 87, – névrotique, 14, 24
92, 108, 114, 122 Styles défensifs, 12-13, 23-24, 30-31,
– délirante, 15-16 154-155
Pseudo-altruisme, 14, 24 Sublimation, 11, 14-15, 24, 123,
Psychanalyse, 4 135-136
Psychonévrose de défense, 3 Symptom Check-List, 155
Psychothérapie psychodynamique, 155 Symptôme, 4
168 Échelles d’évaluation des mécanismes de défense
T – anxieux, 155
– anxio-dépressif, 33
TAT (Thematic Apperception Test), 22 – de personnalité, 32, 155-156, 159
Test – des conduites alimentaires, 31
– de complètement de phrases, 25 – limite de la personnalité, 5, 22
– projectif, 22
Toute puissance, 5 V
Trouble
– alimentaire, 159 Verbatim, 27
Index des auteurs 1 1
A DRAKE R.E., 41
DRAPEAU M., 35, 38, 160, 161, 162
AKKERMAN K., 33, 36, 160, 162
ALBUCHER R.C., 33, 36 E
AMBRESIN G., 153, 161, 162
ANDREWS G., 14, 17, 24, 36 ERICKSON S., 31
EVANS D.W., 31, 38
B
F
BADER M., 26, 36
BIBRING G.L., 22, 36 FONAGY P., 43
BION W., 5, 17 FREUD A., 4, 5, 8, 10, 11, 12, 13, 18,
BLAIS M., 32, 36 23
BOND M., 11, 13, 14, 17, 21, 23, 30, FREUD S., 3, 4, 6, 18
31, 32, 33, 36, 37, 153, 154, 155, 161,
162 G
BONSACK C., 14, 17, 24, 37, 154, 162
GABBARD G., 7, 18, 30, 38
GILLIÉRON E., 35
C
GLESER G., 7, 23, 38
CALLAHAN S., 15, 17 GUELFI J.D., 14, 18
CARR V., 160
CARTER J., 32 H
CHABROL H., 15
HAAN N., 9, 18
CLONINGER C., 32, 37
HELDT E., 34, 38
CONTE H.R., 19, 25, 37
HERSOUG A.G., 155, 161, 162
COOPER A., 9
HØGLEND P., 29, 38, 154, 155, 161,
COOPER S., 22, 25, 26, 37, 40
162
CRAMER P., 37
I
D
IHILEVICH D., 7, 18, 23, 38
DAVIDSON K., 160, 162
IONESCU S., 8, 9, 10, 11, 12, 18, 43
DE FIFE J., 33
DE ROTEN Y., 35, 38, 153 J
DESPLAND J.N., 8, 18, 29, 35, 37, 38,
154 JACOBSEN A., 25, 38
1. Ne figurent que les premiers auteurs des articles ou livres cités dans les références bibliographi-
ques.
170 Échelles d’évaluation des mécanismes de défense
N V
PERRON R., 43 W
PERRY J.C., 8, 9, 10, 11, 16, 19, 25,
26, 29, 31, 32, 34, 40, 43, 153, 154, WALLERSTEIN R.S., 6, 7, 19, 21, 41
155, 160, 161, 162 WAMPOLD B.E., 34, 41