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Mécanismes de défense :

principes et échelles d’évaluation


Chez le même éditeur

Du même auteur:
DSM-IV-TR. MANUEL DIAGNOSTIQUE ET STATISTIQUE DES TROUBLES MENTAUX,
TEXTE RÉVISÉ, par l’AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, 2003, 1120 pages.
Coordination de la traduction française: J.-D. GUELFI.
M ANUEL DE PSYCHIATRIE, coordonné par J.-D. G UELFI, F. R OUILLON. 2007,
816 pages.
MINI DSM-IV-TR. CRITÈRES DIAGNOSTIQUES, par l’AMERICAN PSYCHIATRIC ASSO-
CIATION. Traduction française: J.-D. GUELFI, P. BOYER, C.-B. PULL, M.-C. PULL.
2008, version électronique téléchargeable, 384 pages.
DSM-IV. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS, par M.B. FIRST, A. FRANCES, H.A. PINCUS.
Traduction française par E. CORRUBLE, S. BOUCHEZ-ARBABZADEH, J.-D. GUELFI.
1999, 256 pages.
PSYCHOPATHOLOGIE QUANTITATIVE, par J.-D. GUELFI, V. GAILLAC, R. DARDENNES
et coll. 1995, 288 pages.

Autres ouvrages:
LES PERSONNALITÉS PATHOLOGIQUES, par Q. DEBRAY, D. NOLLET. Collection
«Médecine et Psychothérapie». 2008, 5e édition, 224 pages.
PROTOCOLES ET ÉCHELLES D’ÉVALUATION EN PSYCHIATRIE ET EN PSYCHOLOGIE,
par M. BOUVARD, J. COTTRAUX. Collection «Pratiques en psychothérapie». 2005,
4e édition, 336 pages.
Q UESTIONNAIRES ET ÉCHELLES D ’ ÉVALUATION DE LA PERSONNALITÉ, par
M. B OUVARD. Collection «Pratiques en psychothérapie». 2002, 2 e édition,
304 pages.
ÉCHELLES ET QUESTIONNAIRES D’ÉVALUATION CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLES-
CENT, par M. Bouvard. Collection «Psychologie». 2008, vol. 1, 192 pages; vol. 2,
200 pages.
Collection
Pratiques en Psychothérapie
Conseiller éditorial : Dominique Servant

J. Christopher Perry

Julien Daniel Guelfi, Jean-Nicolas Despland,


Bertrand Hanin, Claire Lamas,
Yves de Roten, Gilles Ambresin

Mécanismes de défense :
principes et échelles d’évaluation
2e édition
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Les échelles originales s’intitulent Defense Mechanism Rating Scales


Fifth Edition
De J. Christopher Perry, M.P.H., M.D.
Revised May 1990
© Copyright by J. Christopher Perry, M.P.H., M.D. The Cambridge Hospital,
Dept. of Psychiatry, 1493 Cambridge St. Cambridge, MA 02139 (USA)
and the Harvard Medical School.

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© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-70492-5

Elsevier Masson S.A.S. – 62, rue Camille-Desmoulins – 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex


Liste des auteurs
AMBRESIN Gilles, psychiatre, psychothérapeute, institut universitaire de
psychothérapie, département de psychiatrie-CHUV, Lausanne, Suisse.
DESPLAND Jean-Nicolas, professeur de psychiatrie UNIL, institut
universitaire de psychothérapie, département de psychiatrie-CHUV,
Lausanne, Suisse.
DE ROTEN Yves, docteur en psychologie, institut universitaire de
psychothérapie, département de psychiatrie-CHUV, Lausanne, Suisse.
GUELFI Julien Daniel, professeur de psychiatrie, université Paris-
Descartes, consultant, Clinique des maladies mentales et de
l’encéphale (service Pr F. Rouillon), hôpital Sainte-Anne, Paris.
HANIN Bertrand, psychiatre, psychanalyste, attaché à l’hôpital Sainte-
Anne, Paris.
LAMAS Claire, psychiatre, chef de clinique-assistant des hôpitaux, Ins-
titut mutualiste Montsouris (service Pr M. Corcos), Paris.
PERRY J. Christopher, professeur de psychiatrie, McGill University,
Montréal ; chercheur à l’Austen Riggs Center, Stockbridge, Massa-
chusetts.

Équipe de la traduction française


J.D. GUELFI, J.-N. DESPLAND, B. HANIN
MICHEL Luc, psychiatre, psychothérapeute, institut universitaire de
psychothérapie, département universitaire de psychiatrie de l’adulte,
Lausanne, Suisse.
PETER Daniel, psychiatre, psychothérapeute, institut universitaire de
psychothérapie, département universitaire de psychiatrie de l’adulte,
Lausanne, Suisse.
ROUSSEAU-CUNNINGHAM Philip, traducteur, « Neptune » Port Vau-
ban, Saint-Malo.
Cette traduction a bénéficié du travail de Michel BADER effectué grâce
à une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
L’Association (Loi 1901) Psychiatrie et psychobiologie a aussi sou-
tenu ce projet.
Préambule
Le mot défense «est le plus ancien représentant d’un point de vue
dynamique en théorie psychanalytique». Ce mot apparaît pour la pre-
mière fois en 1894, dans l’étude de S. Freud sur les Psychonévroses de
défense… Il désigne la révolte du moi contre des représentations et des
affects pénibles ou insupportables… C’est seulement dans l’appendice
à Inhibition, Symptôme et Angoisse (1926) que S. Freud revient à son
ancien concept de défense et qu’il déclare se rendre compte de l’intérêt
qu’il y a à le remettre en usage, en spécifiant «qu’il ne convient de
l’utiliser que pour désigner de façon générale tous les procédés dont se
sert le moi dans les conflits susceptibles d’aboutir à une névrose…».
© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
1
Historique et définitions

La recherche dans le domaine de la psychopathologie quantitative ne


peut que susciter la question du statut scientifique de la psychanalyse
et de son utilisation dans le champ de la psychiatrie. La discussion à
propos des mécanismes de défense est à ce titre exemplaire. Histori-
quement et conceptuellement, cette notion appartient ainsi au champ
de la psychanalyse et de la pathologie. La réflexion menée par S. Freud
autour des «psychonévroses de défense» pose les premiers jalons
d’une définition qui sera complétée par sa fille dans le courant des
années quarante, et ces premiers écrits se centrent sur l’association
entre mécanismes de défense et traits psychopathologiques spécifi-
ques. Pourtant, l’intérêt suscité par ce concept depuis ces premiers tra-
vaux, tant dans le champ de la psychanalyse que de la langue courante,
dépasse largement le cadre de la pathologie proprement dite, mais éga-
lement celui d’une approche psychanalytique de la pathologie mentale.
L’introduction d’une échelle de fonctionnement défensif dans le DSM-
IV et la réflexion autour de l’élaboration d’un axe du fonctionnement
défensif dans une future version viennent interroger les interrelations
possibles entre psychiatrie et psychanalyse et mettent en exergue les
difficultés posées par l’évaluation de processus psychiques, par nature
inconscients, en dehors du cadre d’une consultation à orientation psy-
chodynamique et dans certains cas par le sujet lui-même.

Historique

Période freudienne et post-freudienne


Le terme de défense est cité pour la première fois par S. Freud dans
un ouvrage paru en 1894, Les psychonévroses de défense. On retrouve
dans l’œuvre freudienne la description d’une dizaine de procédés psy-
chologiques «dont se sert le Moi dans les conflits susceptibles d’abou-
tir à une névrose» (S. Freud, 1926). L’accent est mis sur la
4 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

prédominance du conflit psychique dont les symptômes constitueraient


l’expression symbolique. Ainsi, les défenses auraient une fonction
essentielle dans toute psychonévrose, constituant «le point nucléaire
du mécanisme psychique des névroses en question» (S. Freud, 1896)
et ayant pour finalité de réduire, voire de supprimer, l’ensemble des
modifications susceptibles de mettre en danger l’intégrité et la cons-
tance de l’individu (J. Laplanche et J.B. Pontalis, 1967). Les différents
mécanismes de défense sont initialement considérés comme spécifi-
ques de l’organisation de chacune des psychonévroses et décrits en
référence à celles-ci: conversion de l’affect et hystérie ; transposition,
déplacement et névrose obsessionnelle, etc. Le refoulement, en revan-
che, est d’emblée considéré comme « constitutif de l’inconscient » et à
ce titre susceptible d’être identifié dans chacune des psychonévroses.
Par la suite, il est souvent confondu, en tant que «prototype pour
d’autres opérations défensives», avec le terme de mécanisme de
défense.
Toutefois, dans l’appendice de Inhibition, Symptôme et Angoisse
(1926), on note le retour au terme de défense et le rétablissement de la
distinction avec le refoulement ; S. Freud souligne « qu’il ne convient
de l’utiliser que pour désigner de façon générale tous les procédés dont
se sert le Moi dans les conflits susceptibles d’aboutir à une névrose,
tandis que le refoulement désigne, lui, un mode de défense bien déter-
miné que nos recherches nous ont permis de mieux connaître. »
L’ouvrage de Anna Freud (1936), consacré intégralement aux méca-
nismes de défense du Moi et complété quelques années plus tard dans
une série d’articles publiés par Joseph Sandler (1985), poursuit l’élabo-
ration théorique du concept et s’inscrit dans une position théorique
marginale vis-à-vis des courants en œuvre au moment de la parution.
Elle s’insurge ainsi contre une attitude qui tendrait à considérer la psy-
chanalyse comme étude uniquement « des profondeurs » (à savoir du
Ça, des fantasmes, des affects, etc.) sans prise en considération des
problématiques liées à l’adaptation, à la relation entretenue à la réalité
externe. Cette position dogmatique serait, selon A. Freud, en contra-
diction avec l’objectif même de la psychanalyse: «supprimer les trou-
bles et rétablir l’intégrité du Moi». Ainsi, si la technique analytique,
fondée sur la règle fondamentale de l’association libre, vise à favoriser
l’émergence des éléments du Ça, cette «règle fondamentale » ne peut
être que partiellement observée et «le Moi se remet en mouvement
(…) et s’inscrit en gêneur dans le cours des associations.» La cure ana-
lytique n’est donc pas exempte de l’utilisation des mesures habituelles
de défense et constitue, au contraire, l’occasion d’une observation et
d’une analyse de ces mécanismes défensifs dans le cadre d’une situa-
Historique et définitions 5

tion conflictuelle expérimentale. De fait, une opposition fondamentale


existe entre les efforts de l’analyste pour rendre conscient ce qui est
inconscient et ceux de Moi du patient pour garder le contrôle et la maî-
trise de sa vie instinctuelle. Or, « les possibilités de défense d’un seul
et même Moi sont restreintes. (…) À diverses périodes de la vie et sui-
vant sa structure spécifique, le Moi individuel choisit tel ou tel moyen
de défense. » Il existerait une relative prédictibilité de la manière dont
le Moi se défendra dans telle ou telle situation; l’approche psychody-
namique permettrait l’observation privilégiée, expérimentale, de la
mise en œuvre des mécanismes de défense. Cette approche porte en
germe la justification des tentatives ultérieures d’évaluation des méca-
nismes de défense.
La position de A. Freud, mettant l’accent sur le Moi au travers
notamment de ses mécanismes de défense, sera relayée par les tenants
de l’ego psychology. De fait, si elle reprend, dans son ouvrage, la
notion d’un ancrage pulsionnel et inconscient des mécanismes de
défense, elle met également l’accent sur leur dimension de protection
vis-à-vis de la réalité extérieure et leur valeur adaptative. L’ego psy-
chology se développera autour de cet intérêt porté au Moi conscient
Toutefois, la généralisation de la notion de défense tend à lui donner
un statut théorique qui pourrait escamoter l’hétérogénéité des proces-
sus ainsi décrits : J. Laplanche et J.B. Pontalis (1967) ont pu notam-
ment se demander s’il est possible de rapporter à une fonction unique «
des opérations aussi différentes que la rationalisation, qui fait interve-
nir des mécanismes intellectuels complexes, (et) le retournement sur
soi qui est un destin de la visée pulsionnelle », ou si l’on désigne « du
même terme de défense des opérations véritablement compulsives
comme l’annulation rétroactive et la recherche d’une voie de dégage-
ment que sont certaines sublimations ».
Plusieurs psychanalystes ont enrichi après A. Freud le concept de
mécanismes de défense. M. Klein (1921, 1946) introduit un éclairage
supplémentaire en s’intéressant à la description de mécanismes de
défense précoces lors du développement tels que le clivage, l’idéalisa-
tion, l’identification projective. Ces éléments interviendraient, dès les
périodes les plus précoces de la vie du nourrisson, dans le cadre des
relations objectales précoces, et viseraient à protéger celui-ci de
l’angoisse. Ses travaux seront prolongés par ceux de W. Bion (1962).
O Kernberg (1975) centre son étude sur les mécanismes mis en œuvre
dans le cadre des troubles limites de la personnalité. Il fera de ces
mécanismes de défense un élément caractéristique et constitutif de la
définition même de l’organisation limite. Il introduit ainsi les défini-
tions de l’idéalisation primitive, du déni primitif, de la toute puissance,
6 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

de la dépréciation et de l’identification projective. J. Lacan (1966)


développe les défenses pathologiques en œuvre dans la psychose.

Enrichissements du concept
L’extension du concept de défense a rapidement débordé le cadre de
la psychanalyse. Son intégration dans le champ de la psychologie et
des théories développementales est particulièrement sensible dans les
travaux de R.S. Wallerstein (1967, 1983), de E. Plumpian-Midlin
(1967) et de R. Plutchik.
Le psychanalyste américain G. Vaillant apporte une contribution
essentielle aux développements du concept par la publication de diffé-
rents articles consacrés à ce thème et de deux ouvrages fondamentaux
(Ego Mechanisms of Defense [1992] et The Wisdom of the Ego
[1993]). À la différence de S. Freud, il ne considère pas les mécanis-
mes de défense comme liés au conflit sexuel mais leur attribue une
fonction de régulation des affects (colère, dépendance, joie et ten-
dresse) et de modulation des relations interpersonnelles. Ainsi, les
mécanismes de défense contribueraient à la modulation et à la distor-
sion, plus ou moins marquée, des relations externes et des représenta-
tions internes, des conduites et des émotions. Toute défense
constituerait une réponse adaptative, le même mécanisme pouvant être
identifié tant dans le cadre de la normalité que dans un processus
pathologique. Toutefois l’absence d’adéquation au niveau du dévelop-
pement et à la situation marquerait la pathologie.
L’étude du fonctionnement défensif comporterait selon lui différents
intérêts, de l’élaboration d’un langage commun pour évoquer l’inter-
face entre idées et sentiments à l’étude des modalités de réponse de tel
ou tel individu en situation de stress, apportant une meilleure compré-
hension globale du patient. Il insiste sur l’intérêt de la compréhension
et de l’étude des mécanismes de défense dans la perception et l’étude
de la «normalité», et établit une analogie avec le système immunitaire
dans laquelle les mécanismes de défense permettraient le maintien
d’une certaine homéostasie psychique. Certains éléments caractérise-
raient alors ces mécanismes de défense:
– un mode d’action spécifique conduisant à la modification de
l’affect, et non à sa disparition : anticipation et répression apparaissent
ainsi comme plus adaptatifs que formation réactionnelle, activisme ou
déni psychotique ;
– la canalisation, et non le blocage, des affects ;
– l’inscription dans une perspective temporelle vers le long terme :
anticipation versus passage à l’acte ;
Historique et définitions 7

– la spécificité de ces mécanismes défensifs ;


– un contact agréable vis-à-vis des autres lié à cette valeur d’adapta-
tion.
Dans cette perspective, les mécanismes de défense apparaissent
comme le reflet d’une synthèse créative par laquelle l’individu crée
une perception qui n’existe pas auparavant et ne vient pas uniquement
de la réalité externe. Ces distorsions, plus ou moins inconscientes et
involontaires, de la réalité interne et externe, des relations entre affects
et idées, sujet et objet, constituent le plus souvent des signes de «
bonne santé mentale ». Cet auteur insiste sur le potentiel évolutif de
ces mécanismes de défense, allant le plus souvent vers la maturité.
Dans cette perspective, les mécanismes de défense répondraient à dif-
férents objectifs:
– contenir les affects dans des limites tolérables lors de modifica-
tions soudaines de la vie émotionnelle (perte d’objet soudaine, etc.) ;
– restaurer l’homéostasie psychique en différant ou diffractant les
variations soudaines des conduites sous dépendance biologique
(sexualité à l’adolescence, etc.) ;
– aménager un intervalle libre pour intégrer les changements de
l’image de soi ou du schéma corporel ne pouvant être immédiatement
intégrés (puberté, intervention chirurgicale majeure, etc.) ;
– gérer des conflits avec des personnes importantes vivantes ou
décédées dont on ne peut supporter de se séparer.
C’est à la suite des travaux de précurseurs de G.E. Vaillant qui abou-
tiront à l’ouvrage de 1992: Ego Mechanisms of Defense, de
R.S. Wallerstein (1967, 1983) ainsi que de G. Gleser et D. Ihilevich
(1969, 1986) que s’est développée l’idée selon laquelle l’évaluation
psychométrique des mécanismes de défense pouvait devenir une réalité
clinique (G. Gabbard, 1994 ; N. McWilliams, 1994). Cet intérêt porté
aux mécanismes de défense et à leur évaluation a été par ailleurs consi-
dérablement enrichi par la discussion et le débat suscités par l’idée de
leur introduction au sein du système de classification de l’Association
américaine de psychiatrie (A. Skodol, 1993). L’attention portée aux
mécanismes du coping dans l’évaluation des prises en charge et du
devenir des patients relance le débat autour de la pertinence d’une prise
en compte des mécanismes de défense, associés-assimilés au coping.
Ainsi, dans le DSM-III-R, une liste des mécanismes de défense est
incluse dans le glossaire et les auteurs précisent que l’utilisation de
mécanismes de défense particuliers pourrait être indiquée dans l’évalua-
tion des troubles sur l’axe II de la classification. Cette évolution vers
une approche intégrative s’inscrit dans la perspective du système mul-
tiaxial du DSM-III. L’adjonction d’axes en lien avec les conditions phy-
8 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

siques (axe III), les facteurs de stress psychosociaux (axe IV) et le degré
de fonctionnement adaptatif (axe V) témoigne de la reconnaissance de
l’intérêt d’une approche plurielle des troubles mentaux. En 1988, une
commission est constituée afin de réfléchir à la perspective d’un VIe axe
dans le DSM-IV consacré aux mécanismes de défense et ne s’avérant
pas redondant avec l’axe V. Cette commission, constituée de psychia-
tres anglo-saxons d’orientation psychodynamique, avait pour objectifs
de réaliser une revue de la littérature existante et d’établir une définition
des mécanismes de défense retenus, ainsi que les bases d’une hiérarchi-
sation. Cette réflexion s’articulait autour de l’identification de mécanis-
mes de défense spécifiques, caractéristiques du fonctionnement actuel
du patient et de son fonctionnement habituel, et aboutit à l’apparition
d’une échelle du fonctionnement défensif dans la quatrième édition du
manuel en 1994 (DSM-IV).
En langue française, l’ouvrage de Serban Ionescu, Marie-Madeleine
Jacquet et Claude Lhote, publié en 1997, constitue le texte le plus
exhaustif consacré à ce thème. Nous nous référerons à plusieurs repri-
ses à cet ouvrage dans cette introduction à la traduction-adaptation en
langue française du Defense Mechanism Rating Scale (DMRS) de
J. Christopher Perry.
Pourtant, si l’introduction dans les classifications catégorielles
comme le DSM-IV a donné lieu à une terminologie commune, néces-
saire à la communication et à la recherche scientifique, les déplace-
ments successifs de perspective ainsi que les développements
psychanalytiques de la notion de défense font de ce concept un ensem-
ble hétérogène dont il est difficile de fournir une définition opération-
nelle tant celle-ci est dépendante du champ dans lequel on se situe
(J.N. Despland, 2001).

Définition des mécanismes de défense 1


Il existe de nombreuses définitions des mécanismes de défense cor-
respondant à des conceptions de cette notion parfois fort éloignées les
unes des autres. S. Ionescu et coll. dans leur ouvrage de 1997 en retien-
nent neuf principales. La définition générale synthétique qu’ils propo-
sent est la suivante: «processus psychiques inconscients visant à

1. Le lecteur trouvera des définitions précises de certains mécanismes de


défense dans le manuel lui-même. Il existe bien évidemment d’autres défini-
tions et le lecteur intéressé pourra se référer aux ouvrages spécialisés (par
exemple, A. Freud, 1936; J. Laplanche et J.B. Pontalis, 1967; G. Vaillant,
1992; S. Ionescu et coll., 1997). Pour une synthèse des mécanismes de défense
avec leurs variantes terminologiques : consulter le tableau 1.1 et ses notes.
Historique et définitions 9

réduire ou à annuler les effets désagréables des dangers réels ou imagi-


naires, en remaniant les réalités internes et/ou externes et dont les
manifestations – comportements, idées ou affects – peuvent être
inconscientes ou conscientes.» Cette définition met l’accent sur l’ori-
gine inconsciente des défenses susceptibles de donner lieu à des déri-
vés conscients qui peuvent être évalués cliniquement.
Indispensables lors de la constitution même du Moi, les défenses
sont considérées comme faisant partie intégrante du développement
psychologique normal. Dans certaines circonstances morbides, cer-
tains mécanismes de défense sont susceptibles de devenir pathologi-
ques. Ceux-ci peuvent être pathogènes de par leur nature même ou par
le mode pathologique de leur utilisation susceptible, dans d’autres con-
textes, d’être normale. C’est le cas de défenses rigides, partiellement
ou rigoureusement inefficaces, faisant appel à un répertoire restreint,
stéréotypé de mécanisme de défense et à l’origine d’un «fonctionne-
ment psychique entravé dans sa souplesse, son harmonie, son adapta-
tion» (S. Ionescu et coll. 1997).
La définition proposée par J.C. Perry et A. Cooper en 1988 ouvre la
voie aux extensions du concept introduit dans le DSM-IV. Pour ces
auteurs, les mécanismes de défense correspondent à «un mécanisme
psychologique qui assure la médiation entre désirs, besoins, affects et
impulsions individuelles d’une part et d’autre part à la fois les interdits
internes et la réalité externe». Les mécanismes de défense ne constitue-
raient donc pas uniquement un moyen de gérer les conflits intrapsychi-
ques, mais aussi une adaptation de la personne aux demandes et
contraintes du monde externe. Par cette dimension adaptative, ils se rap-
procheraient de la définition du coping auquel ils sont assimilés par le
DSM-IV. Cette définition retenue dans le DSM-IV paraît de fait moins
spécifique que celle proposée par la plupart des psychanalystes avec une
extension du concept. Les mécanismes de défense y sont assimilés aux
styles de coping (ajustement): «les mécanismes de défense ou styles de
coping sont des processus psychologiques automatiques qui protègent
l’individu de l’anxiété ou de la perception de dangers ou de facteurs de
stress internes ou externes.» Ces processus sont «généralement incons-
cients». Dans cette conception, les mécanismes de défense sont présen-
tés comme opérant une «médiation entre la réaction de l’individu aux
conflits émotionnels et les facteurs de stress, internes ou externes».
Les relations entre les mécanismes de défense et le coping (straté-
gies d’ajustement) représentent un débat d’actualité. Historiquement,
c’est dans les années soixante que le terme d’activité de coping (straté-
gies d’ajustement à l’adversité) a été utilisé pour désigner certains
mécanismes de défense «adaptatifs.» Ainsi, pour N. Haan (1977), les
10 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

comportements de défense sont par définition rigides, involontaires,


modifiant ou déformant la réalité, tandis que les comportements de
coping sont flexibles, intentionnels, en prise sur le réel. L’étude des
stratégies d’ajustement à l’adversité s’est progressivement centrée sur
les variables situationnelles par opposition aux traits de personnalité
dans les processus de résolution de problèmes comme les processus
cognitifs de contrôle défensif.
Défenses et styles de coping ont des définitions aux frontières floues
et ces termes sont souvent utilisés l’un pour l’autre. Sur le plan théori-
que, défenses inconscientes et stratégies d’adaptation servent une
même fonction, au travers de mécanismes possiblement différents :
l’adaptation. Dès lors, c’est leur articulation au sein d’un modèle plus
général du fonctionnement psychique qui devient pertinent.

Tableau 1.1. — Les principales défenses.

Ionescu Anna Freud DSM-IV Perry


1. Affiliation (1) + + +
2. Affirmation de soi + + +
(par l’expression des sentiments) (2)
3. Agression passive (retournement contre + + +
soi-même) (3)
4. Altruisme + + +
5. Annulation + + + +
rétroactive
6. Anticipation + + +
7. Ascétisme de l’adolescent +
8. Clivage des représentations de soi (4) + + +
9. Clivage des représentations d’objet (4) + + +
10. Contre-investissement +
11. (Dé)négation +
12. Déni + + +
13. Déplacement +
14. Dépréciation +
15. Dissociation +
16. Formation réactionnelle + + + +
17. Humour + + +
18. Hypocondrie +
19. Idéalisation +
20. Identification +
21. Identification à l’agresseur +
22. Identification projective + + +
23. Intellectualisation + + +
24. Introjection + +
Historique et définitions 11

Ionescu Anna Freud DSM-IV Perry


25. Introspection +
26. Isolation + + + +
27. Omnipotence +
28. Passage à l’acte (activisme) (5) + + +
29. Projection + + + +
30. Rationalisation + + +
31. Refoulement + + + +
32. Régression + +
33. Renversement dans le contraire + +
34. Répression (mise à l’écart) (6) + + +
35. Retournement contre soi + + +
36. Retrait apathique (7) + +
37. Rêverie autistique (refuge dans la rêve- + + +
rie) (8)
38. Sublimation + + + +

1. Le terme anglais affiliation n’a pas d’équivalent en français. Nous avons préféré utiliser
une périphrase dans la traduction française du DSM-IV «capacité de recours à autrui».
2. L’affirmation de soi est parfois qualifiée d’auto-affirmation ou assertivité.
S. lonescu préfère préciser: « affirmation de soi par l’expression des sentiments».
3. Pour G.E. Vaillant le retournement contre soi-même est synonyme de l’agression
passive (DSM-IV). Anna Freud avait utilisé l’expression: «retournement contre soi».
4. On parle communément de «clivage du moi» ou de «clivage de l’objet». Tous les
outils d’évaluation des mécanismes de défense ont en réalité en commun le fait de
s’attacher aux représentations plus qu’au processus lui-même. Ceci est particulièrement
vrai pour le clivage.
5. L’acting out est généralement traduit en français par l’expression: «passage à
l’acte». S. lonescu lui préfère le terme «d’ activisme».
6. Le terme anglais suppression est traduit en français par le terme de «répression» ou
de «mise à l’écart». Ce mécanisme est différent du refoulement (repression en anglais).
7. Le mécanisme apathetic withdrawal a été traduit aussi bien dans le DSM-IV que
dans le livre de S. Ionescu par l’expression de retrait apathique.
8. À la traduction littérale de rêverie autistique (pour autistic fantasy), S. Ionescu a pré-
féré l’expression de «refuge dans la rêverie».

Vers une hiérarchisation


Pour M. Bond (1983), puis M. Bond et G. Vaillant (1986), les méca-
nismes de défense ne correspondent pas seulement à un processus intrap-
sychique, mais aussi à un comportement, qui est désigné, consciemment
ou inconsciemment, pour concilier conduites internes et demandes exter-
nes. Il estime ainsi que la mesure approximative de groupements de
mécanismes de défense, nommés styles défensifs, serait plus pertinente
que l’identification isolée de mécanismes de défense individualisés. Ces
12 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

styles défensifs permettraient d’identifier des aspects du stade de déve-


loppement de la personne et apporteraient d’autres informations concer-
nant le fonctionnement du Moi, indépendamment du diagnostic retenu.
Ce point de vue est relayé par G. Vaillant (1992) qui estime que le
dilemme posé par l’étude et l’évaluation des mécanismes de défense
réside dans le risque de pointer le mécanisme de défense singulier, aux
dépens d’un fonctionnement global qu’il ne saurait résumer. Toutefois, il
ne remet pas en cause l’intérêt de leur compréhension, même si cette
approche peut, de prime abord, sembler réductrice pour cerner la com-
plexité de tel ou tel comportement.

Dénombrement des mécanismes de défense


L’un des prérequis à la prise en compte et à la reconnaissance des
mécanismes de défense est constitué par l’établissement d’un relatif
consensus autour de leur définition et l’élaboration d’un langage com-
mun. Chaque auteur établit une liste des mécanismes de défense lui
paraissant pertinents et ne tenant pas toujours compte des descriptions
antérieures. Ainsi, dans leur ouvrage consacré aux mécanismes de
défense, S. Ionescu et coll. (1997) recensent les différents mécanismes
décrits et les listes établies par chacun des auteurs. À titre d’exemple,
dix mécanismes de défense sont décrits dans l’ouvrage de A. Freud,
publié en 1936, trente-neuf dans la liste établie par A. Valenstein et
coll. en 1961 (voir G.L. Bibring et al.), dont neuf seulement apparais-
sent également dans la liste initiale de A. Freud. Dix de ces mécanis-
mes seront repris par différents auteurs, alors que vingt autres
mécanismes sont spécifiques de cette liste. Cet exemple a comme seul
mérite d’illustrer la complexité rencontrée lors de l’établissement d’un
consensus autour des mécanismes de défense.
Ainsi, les psychanalystes réunis lors de l’élaboration de la troisième
édition du DSM ne parviendront pas à un accord, et un glossaire, ras-
semblant dix-huit mécanismes de défense, n’apparaît que dans la ver-
sion révisée soit plus de dix ans après le début de leur réflexion…
L’échelle de fonctionnement défensif du DSM-IV (1994) comporte
trente et un mécanismes de défense et stratégies de coping ; les termes
défense et coping sont assimilés. Les ajouts, par rapport à la précédente
version, concernent les mécanismes de défense du niveau adaptatif
élevé (huit mécanismes), du niveau défini par une dysrégulation défen-
sive (trois mécanismes) et de celui en rapport avec une distorsion
mineure ou majeure au niveau de l’agir (quatre mécanismes).
Cette fluctuation du nombre même de mécanismes de défense ne va
pas sans poser le problème du sens précis donné au concept. Il apparaît
Historique et définitions 13

ainsi clairement qu’il ne peut y avoir de liste conforme ou définitive


des mécanismes de défense, mais qu’il existe différentes manières de
distinguer l’ensemble des observations cliniques en fonction de théo-
ries scientifiques et cliniques plus ou moins consistantes. G. Vaillant
adopte ainsi une position ouverte concernant cette question du nombre
des mécanismes de défense et souligne que toutes nos conduites pour-
raient être considérées comme des mécanismes de défense et qu’il
existe «autant de mécanismes de défense que de couleurs de l’arc-en-
ciel, formant un tout, se mélangeant et interagissant»…

Classification des défenses


La question d’une hiérarchisation des mécanismes de défense se
situe dans la double perspective d’un regroupement en «styles défen-
sifs» des mécanismes de défense et de l’importance d’élaborer un lan-
gage commun. Or, cette idée d’une hiérarchisation s’avère
relativement consensuelle, avec des classifications différant par cer-
tains aspects, mais adoptant, le plus souvent, un schéma allant des sty-
les-mécanismes les plus matures-adaptés aux styles-mécanismes les
plus immatures-inadaptés.
La notion d’une maturation des mécanismes de défense et d’une
séquence développementale sous-tend ces tentatives de hiérarchisa-
tion. Cette perspective se retrouve dans les écrits de A. Freud où elle
aboutit à quatre constatations :
– la complexité de l’établissement d’une chronologie ;
– la nécessité de conditions préliminaires à la mise en place de ces
mécanismes de défense: «les mécanismes de défense ne peuvent
apparaître avant que certaines conditions soient remplies» ;
– la normalité de certains mécanismes de défense, à un âge donné,
alors que leur présence serait dangereuse, voire pathologique plus tard ;
– la possibilité d’une évolution des mécanismes de défense au cours
de la vie réalisant, dans certains cas, une véritable séquence développe-
mentale.
Ainsi, M. Bond (1983) réalise une tentative pour approcher de façon
empirique les relations entre mécanismes de défense, et entre mécanis-
mes de défense et diagnostic (M. Bond et G. Vaillant, 1986), sur le
plan de la maturité du Moi. Dans son instrument (Defense Style Ques-
tionnaire, DSQ), il combine les mécanismes de défense décrits par G.
Vaillant (1993) et ceux considérés par O. Kernberg (1967) comme
caractéristiques des patients ayant une personnalité limite. Le DSQ
dans sa forme à quatre-vingt-huit items appréhende vingt-quatre méca-
nismes de défense. Comme c’est souvent le cas dans ce type de ques-
14 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

tionnaire, l’analyse factorielle des réponses des sujets aux items


semble plus exploitable et plus valide que les réponses à chacune des
questions prise isolément. Lors de l’analyse factorielle, en population
clinique et non clinique (M. Bond et coll., 1985), quatre facteurs sont
mis en évidence et correspondraient chacun, selon les auteurs, à un
style défensif particulier:
– facteur 1, regroupant six défenses (retrait, inhibition, régression,
passage à l’acte, agression passive et projection). Ces mécanismes de
défense peuvent être observés même dans le cadre d’un fonctionne-
ment psychique satisfaisant. Leur trait commun, selon M. Bond, serait
l’incapacité à négocier leurs pulsions en réalisant une action construc-
tive d’eux-mêmes: «modèle d’action inapproprié» ;
– facteur 2, comportant quatre mécanismes de défense (clivage,
idéalisation primitive, omnipotence et dépréciation). Ils correspondent
à un style défensif orienté vers la représentation et non l’action, «dis-
torsion de l’image». Ces mécanismes de défense aboutissent au cli-
vage de l’image de soi et des autres en images bonnes et mauvaises. Ce
style défensif serait utilisé lors de l’adaptation constructive à des situa-
tions stressantes, mais également associé aux personnalités narcissi-
ques et aux organisations limites ;
– facteur 3, associant la formation réactionnelle et le pseudo-
altruisme: «sacrifice de soi» ;
– facteur 4, regroupant humour, répression et sublimation. Ces
mécanismes de défense contribuent à la maîtrise du conflit et consti-
tuent le «style adaptatif».
Les auteurs établissent des corrélations entre les styles de défense et
les mesures de maturité du Moi (test de Loevinger), en faveur d’une
hiérarchisation et d’une progression développementale, de l’action ina-
daptée à la distorsion de l’image, puis au sacrifice de soi, pour arriver
au style adaptatif.
Dans la forme à 40 items du DSQ, G. Andrews et coll. (1993) ont pro-
posé de distinguer trois facteurs correspondant à trois styles cognitifs:
– le style mature regroupe quatre mécanismes défensifs: la sublima-
tion, l’humour, l’anticipation et la répression;
– le style névrotique regoupe l’annulation, le pseudo-altruisme,
l’idéalisation et la formation réactionnelle;
– le style immature regroupe 12 autres défenses dont la projection, le
passage à l’acte, le couple dépréciation-omnipotence, le clivage.
Les études faites avec la traduction française publiée du DSQ-88
(C. Bonsack et coll., 1988) et du DSQ-40 (J.D. Guelfi et coll., 2000)
ont, dans l’ensemble, confirmé cette structure factorielle.
Historique et définitions 15

Chez des adolescents, dans une population non clinique, S. Callahan


et H. Chabrol (2004) ont identifié trois facteurs distincts dans le DSQ-
40 : un facteur inhibition et évitement émotionnel, un facteur « imma-
ture » et un facteur « contrôle cognitif » « regroupant principalement
humour, sublimation, anticipation, répression et rationalisation ».
G. Vaillant (1986, 1993) établit une hiérarchisation à quatre niveaux
associant les dix-huit mécanismes de défense qu’il retient. Il propose,
par ailleurs, un certain nombre d’éléments permettant de différencier
les différents mécanismes de défense tant en fonction de la source du
conflit que de l’expression de l’impulsivité:
– les défenses psychotiques englobent la projection délirante, le déni
psychotique et la projection ;
– les défenses immatures regroupent le passage à l’acte, la projec-
tion, la fantaisie schizoïde, l’hypocondrie, les réactions passives-agres-
sives et la dissociation ;
– les défenses névrotiques comprennent le refoulement, le déplace-
ment, la formation réactionnelle et l’intellectualisation ;
– les défenses matures englobent l’altruisme, la sublimation,
l’humour, l’anticipation et la répression.
Cette classification, et les mécanismes de défense retenus, sont pro-
ches de l’échelle de fonctionnement défensif, proposée dans l’annexe
du DSM-IV (1994, 1996). Celle-ci comporte sept niveaux de fonction-
nement défensif, inspirés du Defense Mechanism Rating Scale déve-
loppé par J. Christopher Perry (1995, 2004). Elle recouvre ainsi une
gamme allant d’un niveau adaptatif élevé au niveau de la dysrégulation
défensive :
– le niveau adaptatif élevé (adaptation optimale aux facteurs de
stress) est caractérisé par l’utilisation préférentielle de défenses comme
l’anticipation, la capacité de recours à autrui ou «affiliation»,
l’altruisme, l’humour, l’affirmation de soi ou l’assertivité, l’auto-
observation, la sublimation et la répression (ou «mise à l’écart») ;
– le niveau des inhibitions mentales (formations de compromis per-
mettant le maintien en dehors de la conscience des idées, sentiments,
souvenirs, désirs ou peurs susceptibles de représenter une menace
potentielle) est caractérisé par l’utilisation répétée de déplacement, dis-
sociation, intellectualisation, isolation de l’affect, formation réaction-
nelle, refoulement et annulation rétroactive ;
– le niveau de distorsion mineure de l’image (de soi, du corps ou des
autres afin de réguler l’estime de soi) est entraîné par l’emploi privilé-
gié de dépréciation, idéalisation et omnipotence ;
– le niveau du désaveu (maintien hors de la conscience des facteurs
de stress, des impulsions […] en relation ou non avec des événements
externes) est atteint lorsque déni, projection et rationalisation sont
nécessaires pour maintenir hors de la conscience des contenus déplai-
sants ou inacceptables ;
– le niveau de la distorsion majeure de l’image (distorsion ou pertur-
bation majeure de la référence à l’image de soi ou des autres) est caracté-
risé par l’emploi de défenses comme la rêverie autistique, l’identification
projective et le clivage (de l’image de soi ou des autres) ;
– le niveau de l’agir (réponse aux facteurs de stress internes ou
externes par l’agir ou le retrait) est caractérisé par l’utilisation prédo-
minante de défenses comme le passage à l’acte (ou activisme), le
retrait apathique, la plainte associant demande d’aide et rejet de cette
aide et l’agression passive ;
– le niveau de la dysrégulation défensive (échec de la régulation
défensive à contenir les réactions de l’individu aux facteurs de stress
conduisant à une rupture marquée avec la réalité objective) est atteint
lorsque projection délirante, déni psychotique et distorsion psychoti-
que entraînent une rupture du contact avec la réalité.
Cette classification inclut, en sus des mécanismes de défense et des
niveaux de fonctionnement identifiés par G. Vaillant, des défenses
liées à la relation d’objet (clivage, identification projective), définies
par M. Klein (1921, 1968) et reprises dans les travaux de O. Kernberg
(1975). On relève également la subdivision des mécanismes de défense
immatures de G. Vaillant, fondée sur le postulat d’un moindre retentis-
sement des mécanismes de fantaisie et déni névrotique, par rapport aux
mécanismes de défense d’action (acting out, agression passive, plainte
avec demande d’aide et rejet de cette aide, et retrait apathique). La
classification en sept niveaux de J.C. Perry (cf. seconde partie de cet
ouvrage) est par ailleurs enrichie par l’ajout de trois défenses psychoti-
ques dans la lignée des travaux de G. Vaillant: la projection délirante,
le déni psychotique et la distorsion psychotique.
Ces tentatives de hiérarchisation ont comme caractéristique com-
mune d’établir une gradation entre ces différents styles défensifs, en
fonction de leur degré de maturité. L’hypothèse sous-tendant cette
réflexion est celle d’une relation entre degré de maturité du Moi, des
mécanismes de défense et vulnérabilité à la psychopathologie. Ainsi,
certaines études, comme l’étude longitudinale du développement
adulte de G. Vaillant et coll. (1993) établissent des corrélations positi-
ves et significatives entre maturité des mécanismes de défense et santé
mentale, mais également avec des indices d’intégration et d’ajustement
social, de qualité de vie. Ces associations seraient, par ailleurs, indé-
Historique et définitions 17

pendantes de la classe sociale, de l’éducation et du sexe. Toutefois, il


convient de rester prudent dans l’interprétation de tels résultats, les
relations étant sans doute non univoques. Ainsi, par exemple, pour cer-
tains auteurs, dans le cas de dépressions sévères, on observerait une
régression de la maturité des mécanismes de défense. Pour d’autres cli-
niciens, les mécanismes de défense immatures prédisposeraient à la
dépression.

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2
Les instruments d’évaluation

L’évaluation des mécanismes de défense constitue une des difficul-


tés de l’application de ce concept à la pratique clinique. De fait, les
descriptions initiales s’appuient sur une approche psychodynamique de
l’individu, sur l’étude des processus inconscients dans le cadre d’entre-
tiens analytiques. La question se pose alors d’une évaluation en dehors
du cadre d’une consultation à orientation psychodynamique, par des
observateurs indépendants et sans formation analytique. Cette diffi-
culté de l’évaluation de processus inconscients est soulignée par R.
Wallerstein dès 1967. Il propose de distinguer le concept de méca-
nisme de défense, abstraction théorique pour décrire un mode de fonc-
tionnement, et les manifestations d’une défense constituées de
comportements, d’affects, d’idées spécifiques qui servent des buts
défensifs et peuvent être conscients ou inconscients. Dès lors, l’évalua-
tion de ces «observables» serait tout à fait envisageable, par un obser-
vateur externe indépendant ou par l’individu lui-même. Il est bien
entendu qu’il ne s’agirait pas là d’appréhender un mode de fonctionne-
ment, inaccessible en dehors du cadre d’une observation psychodyna-
mique, mais de repérer les indices externes de ces processus
inconscients par l’identification de leurs dérivés comportementaux. La
question de l’équivalence ou de la concordance de ces phénomènes
reste cependant entière.
Les instruments d’évaluation des mécanismes de défense regroupent
ainsi le plus souvent des dérivés conscients des mécanismes de
défense. M. Bond (1995) précise ainsi que seul l’examen psychologi-
que peut identifier les mécanismes inconscients, mais une approche
évaluative, par un questionnaire, se justifie par l’accès à la conscience
des pulsions, en cas d’échec temporaire des mécanismes de défense et
de prise de conscience de leur style habituel de défense par les indivi-
dus, mais aussi par le biais du regard et des observations des proches,
désignant au sujet ses stratégies défensives. La forme de l’auto-ques-
tionnaire constituerait une façon d’aborder les mécanismes de défense
par le repérage de caractéristiques personnelles dans la façon de traiter
22 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

les conflits. Cette démarche suppose que la personne soit capable de


commenter ses comportements. Par ailleurs, la nature même des méca-
nismes de défense peut introduire un biais supplémentaire dans leur
évaluation, le déni portant sur la conduite faussant le recueil de certains
comportements lors d’une autoévaluation.
Les instruments d’évaluation des mécanismes de défense sont nom-
breux mais peu d’entre eux reposent sur des fondements théoriques
cohérents ainsi que sur une démarche méthodologique rigoureuse per-
mettant leur validation empirique (C. Soultanian et al., 2005). Initiale-
ment ont été élaborées de simples listes comme celle de G.L. Bibring
(1961). Par la suite, trois principales méthodes ont été employées afin
d’évaluer les mécanismes de défense de manière empirique: les tests
projectifs, les auto-questionnaires et les entretiens cliniques (P. Cramer,
1991).

Principales méthodes d’évaluation

Les tests projectifs


Les premiers instruments d’évaluation découlent de la définition
psychanalytique des mécanismes de défense et de leur assimilation à
des processus inconscients. Leur évaluation au travers d’épreuves pro-
jectives offre l’avantage d’une évaluation in vivo reproduisant, en un
sens, les conditions d’un entretien de type psychanalytique et relevant
du même principe d’association libre à partir d’un matériel concret. On
pourra ainsi citer:
– l’analyse des histoires produites au TAT (Thematic Apperception
Test) de H.A. Murray ;
– la qualification de l’organisation défensive à travers les protoco-
les du Rorschach : méthodologie de R. Schafer (1954) ; échelle
d’évaluation des défenses de P. Lerner (1987) reposant sur les travaux
de O. Kernberg autour des troubles limites de la personnalité ; Rors-
chach Defense Scale de S. Cooper et coll. (1988, 1991), plus inspirée
du concept de narcissisme de H. Kohut.
Toutefois, ces protocoles sont peu applicables, tant dans le champ
clinique que dans le domaine de la recherche, du fait de nombreux
inconvénients : modalités de passation complexes, nécessité des cota-
teurs expérimentés, évaluation dépendant en partie de l’observateur.
Par ailleurs, la situation de test sollicite des aspects du fonctionnement
qui se réfèrent davantage à une situation régressive et ne seraient pas
représentatifs du mode habituel de fonctionnement défensif du patient.
Les instruments d’évaluation 23

Les auto-questionnaires
Les auto-questionnaires offrent l’avantage de modalités de passation
simples, rapides et reproductibles et d’une fidélité potentiellement
accrue, du fait de la suppression du jugement de l’observateur. Toute-
fois, des limitations d’ordre général se posent comme la fiabilité de
l’auto-observation et de la quantification d’un comportement, la cap-
ture uniquement de dérivés conscients des mécanismes de défense, la
désirabilité sociale conduisant à l’auto-attribution de qualités sociale-
ment valorisées ou désirables et la tendance à l’acquiescement.
L’absence d’instrument de référence gold-standard limite par ailleurs
les études de validation.
Deux auto-questionnaires apprécient les mécanismes de défense
dans une perspective classique et font l’objet de nombreuses publica-
tions internationales: le Defense Mechanism Inventory (DMI) de G.
Gleser et D. Ihilevich (1969) largement développé au cours des quinze
années suivantes: D. Ihilevich et G. Gleser (1986) et le Defense Style
Questionnaire (DSQ) développé par M. Bond (1983).
Le DMI est constitué de douze histoires qui décrivent des situations
potentiellement conflictuelles. Les thèmes ont trait à des conflits vis-à-
vis de figures d’autorité, de l’expression de besoins d’indépendance ou
de compétition, de la masculinité-féminité, de besoins de sécurité phy-
sique. Après présentation de l’histoire, quatre questions sont posées au
sujet concernant son comportement habituel dans une telle situation et
son comportement impulsif fantasmatique (pensées et sentiments).
Cinq réponses alternatives sont proposées pour chaque question (240
items) imposant un choix forcé. Les réponses ainsi recueillies permet-
tent de réaliser le regroupement en cinq styles défensifs: «se tourner
contre l’objet», «la projection», «se tourner contre soi», «le renverse-
ment», «jouer sur les principes». Cette échelle constitue l’un des ins-
truments souvent utilisés en recherche autour des mécanismes de
défense. Il n’en existe pas à notre connaissance de traduction française.
Des données normatives ont été publiées par les auteurs.
Le DSQ fait l’objet de nombreuses publications internationales et est
l’un des instruments les plus utilisés dans les pays francophones du fait
de sa traduction et de sa validation en langue française. La première
version du DSQ, élaborée dans les années quatre-vingt, vise à satisfaire
un objectif préalable, selon M. Bond, à l’étude expérimentale des
mécanismes de défense: obtenir une évaluation qui ne dépende pas du
jugement subjectif de l’examinateur. La première version de cet auto-
questionnaire comportait quatre-vingt-dix-sept items, évaluant vingt-
six mécanismes de défense, qui seront ramenés à quatre-vingt-huit
items en 1984. M. Bond s’inspire des travaux de A. Freud et de
24 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

G. Vaillant, ainsi que des mécanismes de défense décrits par O. Kern-


berg comme caractéristiques des organisations limites de la personna-
lité. Les énoncés des items décrivent des pensées, des affects ou
comportements pouvant manifester les mécanismes de défense.
Ces premières versions seront remaniées à plusieurs reprises par les
auteurs avec des formes à quatre-vingt-huit, soixante-douze et enfin qua-
rante items (G. Andrews, 1993). Cette forme abrégée à quarante items
présenterait des propriétés psychométriques comparables à celles de la
version originale. Cette nouvelle version correspond à deux modifica-
tions de la forme initiale: harmonisation au glossaire des mécanismes de
défense du DSM-III-R et réduction du nombre d’items, afin de ne con-
server que deux items pour évaluer chaque mécanisme de défense (éva-
luation de vingt mécanismes). Les items retenus correspondent aux
items les plus significatifs statistiquement. Le DSQ-40 présente l’avan-
tage d’une passation simple, s’adaptant facilement à la diversité des
situations cliniques. Le mode de cotation se fait sur une échelle à neuf
degrés (de pas du tout d’accord jusqu’à tout à fait d’accord).
La structure factorielle de cette version met en évidence trois fac-
teurs, avec de bonnes corrélations entre les facteurs identifiés. Les
auteurs ont proposé de distinguer trois styles défensifs correspondant
aux facteurs mis en évidence. Le style mature regroupe quatre méca-
nismes de défense (sublimation, humour, anticipation, répression), le
style névrotique comporte également quatre mécanismes de défense
(annulation, pseudo-altruisme, idéalisation et formation réactionnelle)
et le style immature est composé des douze mécanismes restant (pro-
jection, agression passive, acting-out, isolation, omnipotence/auto-
dévalorisation, rêverie autistique-fantasme schizoïde, déni, déplace-
ment, dissociation, clivage, rationalisation, somatisation). La structure
factorielle de la version à 88 items, identifiant quatre styles défensifs,
est détaillée dans le premier chapitre. Le DSQ, notamment dans sa
forme à quarante items, a bénéficié d’une large utilisation. La traduc-
tion en langue française (forme à quatre-vingt-huit items) de C. Bon-
sack a fait l’objet d’une étude de validation, publiée en 1998, et
retrouvant des propriétés psychométriques comparables à celles de la
version anglaise ainsi qu’une structure factorielle à trois niveaux.
La Response Evaluation Measure (REM-71) constitue l’un des der-
niers des auto-questionnaires élaborés afin d’évaluer les mécanismes de
défense (H. Steiner, 2001). Il dérive directement du DSQ-78. Les auteurs
ont exclu les mécanismes de défense trop proches de diagnostics du
DSM, comme la consommation de substances, ainsi que les mécanismes
de défense s’apparentant à des stratégies de coping. Certains items, jugés
ambigus, ont également été reformulés. Chaque mécanisme de défense
Les instruments d’évaluation 25

est évalué par trois ou quatre items, afin d’éviter la sur-représentation de


certains mécanismes de défense, et les soixante et onze items ont été ran-
domisés, afin d’éviter les regroupements trop évidents du DSQ.
L’échelle comporte ainsi soixante-six items, évaluant vingt et un
mécanismes de défense, quatre items neutres et un item mensonge.
L’analyse factorielle met en évidence un modèle à deux (statistique-
ment supérieur) ou trois facteurs selon les études. Cet instrument
serait, selon les auteurs, particulièrement intéressant pour l’évaluation
des mécanismes de défense dans des populations d’adolescents. Dans
une population de 633 étudiants, âgés de 13 à 20 ans, comparée à une
population de 388 adultes, recrutés dans un aéroport, les auteurs
retrouvent chez ces adolescents des scores plus élevés au niveau des
mécanismes de défense immatures, et inversement, pour les mécanis-
mes de défense matures, à l’exception de l’idéalisation et de
l’altruisme. Une version a également été élaborée pour les enfants en
classe primaire (REM-Y) et leurs parents (REM-P) qui répondent en
fonction des réactions observées chez leur enfant.
Parmi les instruments d’auto-évaluation (H. Conte, 1995), on peut
citer également:
– le Defense Mechanism Profile (DMP) élaboré par N. Johnson en
1982 à partir d’une approche psychodynamique des mécanismes de
défense. Il s’agit d’un test de complètement de phrases offrant donc un
choix ouvert et nécessitant l’utilisation d’un manuel de cotation et une
formation ad hoc ;
– le Life Index Style proposé par R. Plutchik (1995) qui comporte 97
items explorant les manifestations conscientes de huit mécanismes de
défense et pour lequel des données normatives sont disponibles.

Les entretiens cliniques


Les entretiens cliniques constituent l’une des techniques les plus
employées afin d’identifier les mécanismes de défense (A. Jacobson
et al., 1986). Ces méthodes ont en commun la cotation du matériel d’un
entretien (en direct-enregistré, transcrit ou résumé) d’une dizaine de
minutes à douze heures. Cette cotation repose sur des définitions explici-
tes, souvent associées à des grilles de cotation. Toutefois, les définitions
et les modes de cotation varient. Cette méthodologie est supposée contri-
buer à une cotation «objective» des défenses dans un but de recherche.
L’instrument développé par J.C. Perry et S. Cooper, Defense Mecha-
nisms Rating Scales (5e édition, 1990), est l’un des plus utilisés. La
cotation est réalisée à partir d’enregistrements vidéo d’entretiens psy-
chodynamiques non structurés. L’investigateur dispose d’un manuel de
26 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

cotation rassemblant les définitions de vingt-sept mécanismes de


défense, leurs fonctions et les éléments permettant de réaliser le dia-
gnostic différentiel entre les différents mécanismes de défense (cf.
paragraphe suivant).
L’échelle d’évaluation du fonctionnement défensif proposée dans
l’annexe B du DSM-IV (1994) et la fiche d’évaluation l’accompagnant
permettent d’établir une liste des mécanismes de défense spécifiques et
d’indiquer le style défensif prédominant en fonction des sept niveaux
de fonctionnement défensifs présentés. Cette évaluation constitue un
reflet des défenses et styles de coping durant l’entretien mais égale-
ment pendant la période précédant l’évaluation.

Présentation du DMRS
Le DMRS présenté dans cet ouvrage est le plus utilisé et le plus
reconnu dans le domaine de l’évaluation empirique des mécanismes de
défense. Il a été développé par John Christopher Perry, psychiatre amé-
ricain formé par George Vaillant. La cinquième version de cet instru-
ment, qui fait l’objet de la présente traduction, date des années quatre-
vingt-dix et les publications reposant sur les premières versions remon-
tent aux années quatre-vingt. Une première traduction en langue fran-
çaise a été établie par M. Bader (Fonds national suisse de la recherche
scientifique, 1992, manuscrit).
J.C. Perry, associé à S. Cooper, a étudié les mécanismes de défense
sur la base d’un échantillon d’individus présentant des troubles de la
personnalité de type borderline ou antisocial, ou des troubles bipolaires
(J.C. Perry, 1986, 1988). Le DMRS décrivait initialement vingt-deux
mécanismes de défense portés à vingt-huit lors des remaniements
apportés à la version initiale (Perry 1990). L’une des faiblesses de
l’instrument est l’évaluation insuffisante des défenses psychotiques, ne
permettant pas la discrimination de patients situés dans un registre psy-
chotique. L’inclusion des défenses psychotiques est prévue à terme.

Remarque méthodologique
Avant de décrire les caractéristiques principales du DMRS, ainsi que
des exemples de recherches permises par cet instrument, une remarque
méthodologique préalable peut être utile pour tout lecteur, psychana-
lyste ou non.
En premier lieu, cet instrument est emblématique de l’appréhension
différente de la recherche psychanalytique que l’on peut avoir dans les
pays francophones et sur le continent nord-américain, les pays nordi-
Les instruments d’évaluation 27

ques et l’Allemagne étant à certains égards à mi-chemin entre ces deux


traditions. En caricaturant un peu, le chercheur nord-américain cons-
truit des instruments pour tenter de dégager de la réalité clinique les
phénomènes qui l’intéressent. Un instrument est essentiellement jugé
sur la qualité de la méthodologie employée et sur l’intérêt des résultats.
Dans la tradition francophone, la qualité et les options épistémologi-
ques du modèle théorique à l’origine d’une démarche de recherche
sont considérées comme plus pertinentes et d’un niveau logique supé-
rieur aux qualités de l’instrument lui-même, ainsi qu’aux résultats qu’il
est possible d’obtenir en utilisant celui-ci. Le débat scientifique portera
sur les principes théoriques ainsi que sur la compatibilité entre ces
principes et la recherche envisagée plutôt que sur la qualité des instru-
ments ou les résultats obtenus.
Nous fournirons deux exemples parmi d’autres de cette différence
de culture scientifique. Premièrement, le DMRS a nécessité de définir
de façon suffisamment claire les mécanismes en jeu de telle sorte que
deux juges indépendants puissent aboutir aux mêmes conclusions face
à des données identiques (fidélité inter-juges de l’instrument). Cet
impératif méthodologique l’emporte a priori sur les questions métap-
sychologiques évidemment sous-tendues par la nécessité de définir ce
qu’est un mécanisme de défense. On ne sera donc pas étonné de trou-
ver, par exemple, des différences notables entre une définition métap-
sychologique du refoulement et celle contenue dans le DMRS.
En second lieu, le choix des mécanismes retenus est dicté par la qualité
psychométrique des définitions que l’on peut donner, plus que par un
choix établi sur des options théoriques. Ainsi en est-il de l’absence de la
(dé)négation, qu’il n’a pas été possible de retenir selon ces considérations.

Description de l’instrument
Chaque mécanisme de défense est défini ainsi que sa fonction dans
l’économie psychique du sujet. Il est présenté avec un diagnostic diffé-
rentiel et peut faire l’objet d’une évaluation qualitative et quantitative:
– l’évaluation qualitative se fait à l’aide d’exemples sur la base des-
quels il est possible de considérer qu’un mécanisme donné est absent,
probable ou présent ;
– l’évaluation quantitative requiert l’analyse détaillée de l’entretien
sur la base de verbatim enregistrés au magnétophone ou en vidéo. Elle
permet de comptabiliser la fréquence de la mise en œuvre de chacun
des mécanismes de défense.
Ces deux méthodes permettent de décrire et de dénombrer les méca-
nismes de défense auxquels un sujet recourt lors d’un entretien ou
28 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

d’une séance de psychothérapie. Il est aussi possible d’établir un profil


défensif selon la proportion de mécanismes de défense présents dans
chacune des sept catégories que compte l’instrument. Elles permettent
enfin de calculer une moyenne pondérée établie sur la base du classe-
ment des mécanismes de défense en sept niveaux hiérarchiques. Cette
moyenne, appelée score défensif global (Overall Defensive Score),
donne un indice du niveau moyen de fonctionnement défensif au sein
de l’échantillon analysé.
Le chapitre 5 fournit deux exemples de cotation quantitative d’un
extrait d’entretien, avec des exemples de grille de saisie pour cette ana-
lyse quantitative (recensement des mécanismes de défense, profil
défensif et calcul du score global pondéré).
C’est à partir de cette grille qu’a été élaborée l’échelle de fonction-
nement défensif du DSM-IV (annexe B), trois mécanismes de défense
psychotiques ayant été ajoutés à la liste.

Formation des cotateurs au DMRS


La mise en évidence des mécanismes de défense nécessite l’enregis-
trement audio ou vidéo des entretiens ou des séances de psychothéra-
pie, ainsi que leur transcription selon une méthode suffisamment
standardisée (E. Mergenthaler et M. Stigler, 1997).
Les cotateurs doivent bénéficier d’une formation ad hoc. Leur
niveau de formation ou de connaissance préalable correspond à celui
d’un licencié en psychologie sans expérience notable dans le domaine
de la psychothérapie ou de la psychanalyse. La formation doit être dis-
pensée par un expert dans la passation du DMRS pour maintenir une
cohérence suffisante dans l’utilisation de l’instrument.
La formation en elle-même requiert au minimum trois cotations qua-
litatives qui doivent être discutées avec l’expert puis trois cotations
quantitatives au minimum qui pourront faire l’objet d’un calcul de
fidélité par rapport à une cotation faite par des juges expérimentés. Un
juge peut être considéré comme formé quand il obtient en moyenne un
coefficient de concordance de 0,70 au test utilisé (coefficient de corré-
lation intraclasse A). La formation est en général plus intéressante,
plus dynamique et rapide si plusieurs juges se forment ensemble.

Caractéristiques psychométriques du DMRS


Dans un protocole de recherche incluant le DMRS, il est nécessaire de
coter au moins 20 % des séances en double afin de s’assurer du maintien
d’une bonne fidélité. Les cotations effectuées pour la recherche sont con-
Les instruments d’évaluation 29

sidérées comme bonnes si elles dépassent une concordance de 0,75 pour


les sept catégories défensives. La fidélité pour les vingt-huit défenses est
en général un peu inférieure. Une séance de psychothérapie psychanaly-
tique de 45 minutes en face à face permet de récupérer l’utilisation de
vingt à soixante mécanismes de défense avec le DMRS. Ce nombre est
fonction des caractéristiques du patient, mais aussi du processus en cours
et de l’activité du thérapeute. Certaines séances de cure-type peuvent
être associées à un nombre plus élevé d’items défensifs (jusqu’à 100) en
raison de la régression induite par ce cadre et d’une dynamique transfé-
rentielle et contre-transférentielle plus intense.
Un sujet donné, au cours d’une séance, recourt à des mécanismes de
différentes catégories, parmi lesquelles les défenses dites de maturité,
les défenses névrotiques, quelle que soit son organisation de personna-
lité. On observe néanmoins deux, voire trois catégories, parmi les sept
possibles du DMRS qui sont sur-représentées : cette répartition nous
indique alors le profil défensif du sujet dans cette séance.
L’étude de la stabilité du fonctionnement défensif est une question
en plein développement (J.C. Perry, 2001). Les observations faites sur
des psychothérapies de longue durée, chez des sujets présentant de gra-
ves troubles de la personnalité ou des pathologies psychiatriques réci-
divantes et difficiles à traiter suggèrent que le profil défensif est
particulièrement stable : il faut en effet deux ans pour que le niveau de
fonctionnement s’améliore de manière significative (J.C. Perry, 2000).
D’autres travaux semblent montrer que le cadre temporel de la psycho-
thérapie et le type de patient jouent un rôle sur la stabilité des défenses
(P. Hoglend, 2000 ; J.N. Despland, 2002). L’étude de Lausanne per-
met d’observer des fluctuations notables et cohérentes des défenses
narcissiques et obsessionnelles sur quatre semaines en rapport avec des
situations de crise et un travail de consultation thérapeutique.
En résumé, l’étude empirique des mécanismes de défense à l’aide du
DMRS est possible: les qualités psychométriques de cet instrument
sont bonnes et permettent de tester la validité de la démarche et des
définitions retenues dans le manuel.
Plusieurs constats sont déjà possibles, abstraction faite du débat por-
tant sur la validité psychanalytique de l’instrument:
– sur la base d’entretiens cliniques ou de séances de psychothérapies
enregistrées ou écrites, il est possible de repérer des mécanismes de
défense définis dans un manuel ;
– ces mécanismes de défense peuvent être recensés et dénombrés ;
un profil de fonctionnement défensif peut être décrit ; un niveau de
fonctionnement défensif peut être calculé ;
30 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

– la très grande majorité des patients dispose de défenses matures et


de défenses névrotiques, quelle que soit leur organisation de personna-
lité par ailleurs (état limite, prépsychotique ou psychotique par exem-
ple). Corrélativement, les patients les plus névrotiques présentent aussi
des défenses narcissiques, par le désaveu, des défenses de type border-
line ou des défenses archaïques centrées sur l’agir ;
– le nombre de mécanismes de défense isolés semble être lié à la
dynamique de l’entretien ;
– le profil défensif du patient est fonction de l’organisation de sa
personnalité; l’expression de certains mécanismes de défense à un
moment donné semble aussi dépendre de facteurs contextuels en rap-
port avec le patient et le processus en cours ;
– l’étude des défenses dans une perspective psychopathologique
nécessite de contrôler le type d’entretien qui sert à la cotation ;
– l’utilisation du DMRS pour l’étude du processus psychothérapeu-
tique est possible.

Applications de l’évaluation psychométrique


des mécanismes de défense
L’intérêt d’une recherche clinique appliquée dans le domaine des
mécanismes de défense a été affirmé par G. Vaillant depuis le début
des années soixante-dix puis par G. Gabbard et N. McWilliams dans
les années quatre-vingt dix. Cette évaluation des mécanismes de
défense en population générale, comme en population clinique, sou-
lève des interrogations d’ordre général auxquelles les différentes étu-
des tentent d’apporter des éléments de réponse (M. Bond, 2004) :
– les styles défensifs ou les mécanismes de défense sont-ils spécifi-
ques de tel ou tel diagnostic ?
– l’organisation défensive constitue-t-elle un phénomène trait ou état
dépendant ?
– les styles défensifs permettent-ils d’apprécier et prédire l’évolution
d’une condition pathologique avec et sans traitement ?
– les styles défensifs sont-ils modifiés par le traitement ?
– l’évaluation des mécanismes de défense constitue-t-elle un critère
important dans le choix d’une alternative thérapeutique ?

En population générale
Les travaux de l’équipe de G. Vaillant (1985, 1992) menés sur plus
de cinquante ans, retrouvent des corrélations, statistiquement signifi-
Les instruments d’évaluation 31

catives, entre la maturité des mécanismes de défense et différents


indices de réussite du développement adulte : santé mentale, maturité
psychosociale, capacité à travailler et aimer. La maturité de ces méca-
nismes de défense, entre 20 et 45 ans, aurait par ailleurs une valeur
prédictive sur la satisfaction de vie à 65 ans (évaluée par un observa-
teur indépendant). De plus, les variables sociodémographiques
(niveau socio-économique des parents et de l’individu, niveau d’édu-
cation, sexe) ne constitueraient pas un facteur confondant dans l’ana-
lyse de la relation observée entre maturité des styles défensifs et
indices de réussite psychosociale. Les mécanismes de défense du
niveau de l’action et borderline apparaissent comme les principaux
indicateurs de dysfonctionnement global et psychosocial. Au travers
des résultats de cette étude, ils semblent par ailleurs constituer un
marqueur stable avec de fortes corrélations entre phase initiale du
suivi et évaluation à deux ans.
Toutefois, si la plupart des études retrouvent des corrélations négati-
ves et significatives entre sévérité de la psychopathologie et degré de
maturité du fonctionnement défensif (M. Bond, 1983, 1989; J.C. Perry,
1989 ; P. Sammallahti, 1995, 1997; R. Trijsburg, 2000), celles-ci
échouent le plus souvent à mettre en évidence un profil de fonctionne-
ment défensif spécifique de telle ou telle pathologie psychiatrique.
Par exemple, les troubles des conduites alimentaires sont associés
à des mécanismes de défense plus immatures que ceux retrouvés
dans une population témoin (H. Steiner, 1990 ; P. Sullivan, 1996 ;
S. Tordjman, 1997). Pourtant, ce profil défensif ne permet pas de dis-
tinguer les patientes présentant un trouble des conduites alimentaires
(TCA) d’autres pathologies psychiatriques.

Adolescents et enfants
L’évolution des mécanismes des mécanismes de défense au cours de
l’enfance et de l’adolescence demeure un champ d’investigation relati-
vement peu exploré des chercheurs. Les quelques études en population
adolescente apportent des arguments en faveur de la validité des instru-
ments d’auto-évaluation comme le DSQ en population adolescente
(T. Ruuttu, 2006) mais avec des spécificités (A. Nasserbakht, 1996)
potentiellement liées à la maturation du fonctionnement défensif au
cours du développement (D. Evans, 2000).
De la même manière qu’en population adulte, le fonctionnement
global comme le niveau de psychopathologie paraissent liés au degré
de maturité des mécanismes de défense mis en œuvre (S. Erickson,
1996 ; D. Stein, 2003).
32 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

Dans le contexte de troubles de la personnalité


Les troubles de la personnalité ont fait l’objet de nombreuses études
portant sur les modalités de fonctionnement défensif et constituent un
champ où l’analyse de la balance entre mécanismes de défense imma-
tures (ou bas niveau de fonctionnement défensif) et mécanismes de
défense matures (ou haut niveau de fonctionnement défensif) apporte
un éclairage complémentaire à une approche catégorielle classique.
Ainsi, le niveau de fonctionnement défensif discrimine population cli-
nique et non clinique. Un schéma durable de comportements inadaptés
est la marque des troubles de personnalité en général, le recours à des
défenses plus inadaptées ou la moindre utilisation de mécanismes de
défense adaptatifs est cohérent avec ce mode de fonctionnement. La
restriction du répertoire défensif et son utilisation stéréotypée, sans
prise en compte des circonstances, paraissent relativement caractéristi-
ques.
En revanche, les études apportent des données contradictoires quant
à la spécificité de ce fonctionnement et à sa valeur discriminante entre
les différents troubles de la personnalité et demandent à être confir-
mées (G. Vaillant, 1985 ; J.C. Perry, 1986 ; M. Bond, 1986, 1994 ;
M. Blais, 1996 ; H. Koenigsberg, 2001). Ainsi, par exemple, les
défenses de type « distorsion de l’image » (clivage, omnipotence-
dévalorisation, idéalisation primitive), qui sont identifiées par les psy-
chanalystes comme des éléments centraux de la définition des trou-
bles de personnalité narcissique et limite, permettraient, selon
certaines études, de différencier ces organisations des autres troubles
de la personnalité.
Par ailleurs, certains chercheurs envisagent les interrelations
éventuelles entre le modèle de la personnalité développé par C. Clo-
ninger, reposant sur des hypothèses biologiques et génétiques, et une
approche inspirée des concepts psychanalytiques, avec la compré-
hension en termes de fonctionnement défensif de la psychopatholo-
gie. Dans cette perspective, l’existence d’un trouble de la
personnalité serait liée à l’utilisation prévalente de mécanismes de
défense immatures (G. Vaillant) ainsi qu’à une détermination et une
coopération faibles (C. Cloninger, 1999). Le type spécifique de trou-
ble de la personnalité rencontré serait, lui, associé au type de profil
de fonctionnement défensif ou à un schéma caractéristique de tem-
pérament. Confirmant cette hypothèse, des corrélations significati-
ves sont mises en évidence entre troubles de la personnalité et
immaturité des mécanismes de défense d’une part, et scores bas de
détermination et de coopération d’autre part (R. Mulder, 1996,
1999; J. Carter, 2001).
Les instruments d’évaluation 33

Dans le cadre des troubles anxio-dépressifs


Ces études soulèvent la question de la stabilité de l’organisation
défensive et de la distinction entre phénomènes état-dépendants et
traits durables d’organisation. De fait, si le fonctionnement défensif est
conceptualisé, dans le cadre des travaux psychanalytiques notamment,
comme un indicateur stable de l’organisation de la personnalité, du
moins à l’âge adulte, cette stabilité ne serait en fait que relative et le
fonctionnement défensif, pour une partie du moins, sujet à des rema-
niements. La survenue d’un épisode dépressif introduit dans l’expé-
rience du patient une solution de continuité et pourrait conduire à des
modifications de l’organisation psychique sous-jacente. Certains
auteurs se sont ainsi intéressés à l’évolution du fonctionnement défen-
sif des patients lors et au décours d’épisodes dépressifs majeurs. Les
limites de ces travaux résident souvent dans l’absence de prise en
compte de troubles associés sur l’axe II du DSM ou leur insuffisante
caractérisation.
Ainsi, K. Akkerman et son équipe (1992 ; 1999), M. Bond (1989,
2004), L. Mullen (1999) ou plus récemment J. de Fife (2005) obser-
vent une évolution du fonctionnement défensif lors de la résolution de
l’épisode dépressif majeur avec une moindre utilisation des mécanis-
mes de défense immatures et une augmentation régulière de l’emploi
de mécanismes de défense matures à distance de la résolution de l’épi-
sode dépressif (au-delà de six mois de traitement). Cette évolution con-
cerne les patients ayant poursuivi la prise en charge. Les mécanismes
de défense intermédiaires seraient relativement stables suggérant des
éléments trait et non état-dépendants. Ces résultats laissent en suspens
différentes questions comme la préexistence de l’utilisation de méca-
nismes de défense immatures chez certains de ces patients ou l’exis-
tence d’une vulnérabilité à la dépression, médiée par les spécificités de
l’organisation défensive de ces patients ou encore le maintien de cette
modification du registre défensif à distance de la résolution de l’épi-
sode dépressif et l’influence éventuelle sur le degré de symptomatolo-
gie dans le cadre de troubles associés de la personnalité.
Dans l’étude de M. Bond (2004), l’amélioration du fonctionnement
défensif est prédictive de l’amélioration de la dépression mais sans que
les scores initiaux du DSQ puissent prédire ce changement et par con-
séquent le devenir des patients.
Globalement, les études dans le cadre de troubles anxieux tendent à
conclure que les patients emploient davantage de mécanismes de
défense immatures et névrotiques que les témoins (C. Pollock, 1989 ;
R. Albucher, 1998 ; X. Lin, 2002 ; L. Kipper, 2004), et que leur utili-
sation est corrélée positivement et significativement avec la sévérité
34 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

symptomatique. L’amélioration symptomatique sous traitement médi-


camenteux s’accompagnerait d’une réduction des mécanismes de
défense névrotiques et immatures (L. Kipper, 2005) dont l’intensité
avant traitement pourrait constituer un facteur prédictif de la rémission
(L. Kipper, 2007). E. Heldt (2007) obtient des résultats comparables
après une psychothérapie cognitivo-comportementale.

Comme évaluation des psychothérapies


et du processus psychothérapeutique
L’évaluation des « psychothérapies » constitue un champ d’applica-
tion particulièrement fécond du concept de mécanismes de défense
(B.E. Wampold, 2001). Divers aspects peuvent être pris en considéra-
tion lorsque l’on s’intéresse aux mécanismes de défense dans leurs
relations avec le processus psychothérapeutique. L’appréciation du
fonctionnement défensif d’un sujet à un moment donné du processus
psychothérapeutique fait partie intégrante du travail classique du théra-
peute. Cette évaluation lui permet, entre autres, de pondérer sa straté-
gie d’intervention en fonction de l’intensité et de la qualité des
défenses. Ainsi pour reprendre les termes de J.C. Perry, la recherche
sur les mécanismes de défense en psychothérapie pourrait fournir «des
fondements empiriques pour ce qui est actuellement laissé à la perspi-
cacité clinique». Les mécanismes de défense et l’étude de leur évolu-
tion pourraient constituer à la fois un marqueur du fonctionnement du
patient en psychothérapie, une modalité d’évaluation du changement
mais également des risques d’interruption et de rupture du processus
thérapeutique, notamment dans le cadre des troubles graves de la per-
sonnalité. Cette évaluation empirique du fonctionnement défensif du
sujet permet dans une certaine mesure de modéliser le processus psy-
chothérapeutique et de confronter présupposés théoriques et cliniques.
L’étude préliminaire de J.C. Perry (2001) met en évidence la stabi-
lité importante de certains mécanismes de défense au fil des séances,
tandis que d’autres paraissent plus sujets au changement comme les
mécanismes de défense matures et de distorsion mineure de l’image.
Le nombre même de mécanismes de défense employés est sujet à
d’importantes fluctuations qui pourraient relever des circonstances de
la consultation, tandis que le répertoire accessible de mécanismes de
défense spécifiques serait, lui, relativement stable. Les événements
survenus entre les séances, les facteurs de stress interne et externe,
l’activation de situations conflictuelles ou encore le contenu propre de
la séance pourraient ainsi intervenir et « conditionner » ces variations
des mécanismes de défense employés. Un individu donné disposerait
ainsi d’un répertoire limité et spécifique de mécanismes de défense
Les instruments d’évaluation 35

(part trait-dépendante des mécanismes de défense), mais leur fré-


quence et l’intensité de leur utilisation dépendraient largement de fac-
teurs conjoncturels (état-dépendant) (G. Vaillant, 1993). Par ailleurs, la
poursuite de la psychothérapie durant la première année est corrélée
significativement à un haut niveau global de fonctionnement défensif,
lui-même associé également à une plus grande fréquence des séances.
J.N. Despland et coll. (J.N. Despland, 2001 ; O. Junod, 2005 ; Y. de
Roten, 2005) ont ainsi développé un modèle de l’adéquation des inter-
ventions du thérapeute en rapport avec le fonctionnement défensif du
patient. Leurs travaux s’appuient essentiellement sur des observations
issues de consultations thérapeutiques menées sur le modèle de l’inves-
tigation psychodynamique brève en quatre séances développée par
E. Gilliéron (1996).
L’étude de la stabilité et du changement des mécanismes de défense
au décours des quatre séances d’investigation (M. Drapeau, 2003) met
en évidence :
– une amélioration globale du fonctionnement défensif des patients à
la faveur notamment d’une augmentation des mécanismes de défense
obsessionnels tels que l’intellectualisation ;
– la diminution du nombre de mécanismes de défense employés en
cours de séance et notamment des mécanismes de défense dits narcissi-
ques ;
– l’augmentation initiale des mécanismes de défense matures puis le
retour au niveau antérieur.
Cette approche correspond à une intervention de crise et soulage la
détresse associée à la demande de consultation, mais la brièveté du
processus ne permet sans doute pas de modifications durables du fonc-
tionnement défensif du patient mais davantage le retour au niveau
défensif préalable à la crise.
Par ailleurs, ils ont ainsi pu confirmer les éléments suivants:
– l’importance des interventions exploratoires et de soutien est corré-
lée au développement de l’alliance thérapeutique (concept d’ajustement
du psychothérapeute au fonctionnement défensif du patient); plus spé-
cifiquement, un excès de soutien du thérapeute – compte tenu du fonc-
tionnement défensif du patient – semble le plus délétère au processus ;
– il est possible de distinguer les interventions plutôt intellectuali-
santes et celles qui sont plus «confrontantes» face à des défenses qui
ont une fonction de résistance (confrontation). Une attitude confron-
tante est le plus souvent associée à une détérioration de l’alliance;
c’est une intervention risquée, analogue aux interprétations de
transfert;
36 L’étude empirique des mécanismes de défense est-elle possible ?

– il est possible d’évaluer et de quantifier la pertinence des interpré-


tations portant sur les défenses (concept de précision des interventions
du psychothérapeute). Clairement, la précision du psychothérapeute
est un facteur apprécié par le patient et qui est associé au développe-
ment de l’alliance. Ainsi, ni le fonctionnement défensif global ni la
nature des interventions du thérapeute envisagés séparément ne consti-
tuent un paramètre suffisant afin de différencier les différents types
d’évolution de l’alliance thérapeutique. En revanche, le degré d’ajuste-
ment des interventions au niveau du fonctionnement défensif constitue
un paramètre discriminant vis-à-vis du profil d’alliance thérapeutique.

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Synthèse 43

Synthèse
La recherche clinique sur les mécanismes de défense est encore
débutante. Ce concept s’est enrichi au fil des ans avec les développe-
ments post-freudiens de la théorie psychanalytique. Son champ s’est
encore étendu avec l’ego-psychology et la psychologie cognitive. Cette
extension fait courir le risque de glissements sémantiques et d’impréci-
sions des limites du concept. Ces dernières années ont été marquées
par divers efforts réalisés pour parvenir à un consensus dans les défini-
tions proposées avec des auteurs comme G.E. Vaillant ou J.C. Perry
aux États-Unis et S. Ionescu en langue française. Il en est de même
pour la hiérarchisation au sein de la classification des défenses.
Il faut rappeler que ce type de recherche et le développement d’ins-
truments, tel le DMRS reposant sur des concepts psychanalytiques,
suscitent des opinions très contrastées suivant que l’on est dans le
champ de la psychanalyse francophone ou anglo-saxonne. L’introduc-
tion au rapport de l’Association psychanalytique internationale (API-
IPA) sur la recherche psychanalytique (An Open Door Review of Out-
come Studies in Psychoanalysis) met en évidence ces divergences épis-
témologiques profondes au travers des prises de position de Peter
Fonagy pour la tradition anglo-saxonne et de Roger Perron pour la tra-
dition francophone. Sans vouloir trancher ce débat difficile, il nous
semble utile de préciser que l’intérêt de ce genre de recherche ne s’ins-
crit pas dans le champ de la psychanalyse pure. En d’autres termes il
ne s’agit pas de recherche psychanalytique, mais plutôt de la mise en
œuvre de méthodes issues de la psychiatrie afin de circonscrire et de
valider ce que la psychanalyse, notamment en tant que méthode de trai-
tement, peut lui apporter. En d’autres termes, il s’agit de psychiatrie
appliquée à la psychanalyse.
Dans cette perspective, il est souhaitable que dans la cinquième révi-
sion de la classification américaine des troubles mentaux initialement
prévue pour 2010, attendue actuellement pour 2012-2013, un axe sup-
plémentaire soit exclusivement consacré aux défenses du moi. Les tra-
vaux empiriques des prochaines années contribueront sans nul doute à
mieux étayer nos connaissances sur le fonctionnement psychique en
intégrant des données théoriques d’origines diverses, psychanalyti-
ques, psychobiologiques et cognitives. Ces recherches auront vraisem-
blablement des applications cliniques dans les champs des indications
thérapeutiques, de l'évaluation du résultat en psychothérapie, ainsi que
de l’extension des recherches portant sur le processus psychanalytique.
Introduction

Les échelles suivantes ont été mises au point pour évaluer de manière
fidèle la probabilité de l’utilisation, par un sujet donné, des divers
mécanismes de défense définis plus loin. Les cotateurs fonderont leurs
notes d’évaluation sur les données recueillies lors d’un entretien d’orien-
tation psychodynamique avec les sujets. Les éléments cliniques d’appré-
ciation des mécanismes de défense ne viennent donc pas de
l’interviewer, mais plutôt du sujet lui-même, par le récit qu’il fait de sa
vie récente, d’épisodes significatifs de sa vie, et l’interaction entre l’éva-
luateur et le sujet servira de base aux cotateurs pour fixer leur note d’éva-
luation du mécanisme de défense. Le fait de retirer aux interviewers leur
rôle d’évaluateur sacrifie sans doute la part d’appréciation subjective
mais néanmoins précieuse liée à l’effet que le sujet peut avoir sur
l’investigateur, mais l’objectivité se trouve ainsi renforcée, ce qui est
toujours souhaitable du point de vue de la recherche.
Les échelles sont des représentations des concepts définissant cha-
que mécanisme de défense. Toutefois, la fiabilité d’une notation
d’entretien psychodynamique avec un sujet, reposant uniquement sur
des définitions, risquerait d’être très médiocre. Cela a été tout le pro-
blème des concepts en psychodynamique et de la recherche en général.
Pour que chaque définition soit utilisée de manière fiable, on a mis au
point des échelles dont les scores : « utilisation probable » ou « utilisa-
tion certaine » se rapportent à des exemples ou répondent à des règles
de cotation définies. Pour utiliser au mieux une échelle d’évaluation, il
importe de vérifier continuellement ou régulièrement quelle est l’idée
sous-jacente ou l’arrière-pensée qui définit le mécanisme de défense,
ainsi que ses ancrages. Cela implique nécessairement une part de juge-
ment personnel, et donc une part d’erreur.

Recommandations pour l’évaluation qualitative


Il existe deux manières d’effectuer des évaluations qualitatives : par
un seul observateur ou par un groupe d’observateurs. Dans les deux
cas, il est préférable d’enregistrer l’entretien sur cassette vidéo et de la
présenter aux évaluateurs, pour en faciliter la gestion d’une part, et
pour éviter de distraire le sujet (source de variance indésirable) d’autre
48 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

part, les observateurs se trouvant hors de son champ de vision. On


annotera les transcriptions de l’entretien, si toutefois elles existent, de
commentaires codifiés sur l’éventuelle activité défensive observée
chez le sujet. Alternativement, les évaluateurs prendront des notes de
manière à dresser un aperçu sommaire des événements défensifs tels
qu’ils se dégagent de l’entretien. Cela est indispensable car il sera diffi-
cile de se remémorer tous les événements défensifs, une fois l’entretien
terminé. On sait par expérience que le nombre d’actes défensifs identi-
fiables au cours d’un seul entretien peut varier de 15 à 75 environ.
Après avoir étudié l’entretien, chaque évaluateur lit chacune des
échelles, une par une. Il ou elle note, sur cette échelle, la probabilité
selon laquelle le sujet a utilisé chaque mécanisme de défense. Les
notes, de 0 à 2, représentent l’utilisation : peu probable, probable ou
certaine de chaque mécanisme de défense. Les réponses sont enregis-
trées sur le document réservé au recueil de données, avant que l’éva-
luateur ne soit autorisé à débattre de ses notes avec les autres
évaluateurs. Cette méthode, reposant sur l’indépendance des juge-
ments, participe à la formation des évaluateurs tout en évitant que ces
derniers soient influencés par les évaluations de leurs collègues.
Si les évaluateurs sont en formation, ou si l’on recherche une notation
consensuelle, on ajoute une démarche supplémentaire. Les évaluateurs
(un seul évaluateur chevronné si le but est de former de nouveaux éva-
luateurs) débattent de leurs notations respectives pour chacun des méca-
nismes de défense. Le but est d’aboutir à une cotation consensuelle plus
valide que la moyenne des scores de tous les évaluateurs.
Pour optimiser l’efficacité, le processus de mise au point du consen-
sus doit être le suivant : la personne ayant donné la plus forte note
défend, sur la base de l’entretien, la note qu’elle a donnée. Le groupe
d’évaluateurs reste l’ultime arbitre de ce qu’il a observé ou pas au
cours de l’entretien. Les définitions et les échelles de défense servent
de guide pour établir une cotation, après accord sur les données conte-
nues dans l’entretien. Ce procédé en deux temps (accord sur la nature
des données, puis accord sur les notes) est destiné à maximaliser la
variabilité intrinsèque due au sujet, à minimiser la variabilité entre les
évaluateurs ou les notes consensuelles, et à prévenir la tendance à la
cotation centrale de tous les évaluateurs ou notes consensuelles sur
l’ensemble des échelles.
Introduction 49

Limitations dans l’interprétation des données


pertinentes de l’entretien
Les structures psychodynamiques ne sont pas statiques mais elles
évoluent dans le temps, alors que le vécu d’un individu s’enrichit
d’accrétions qui laissent le passé intact. Par exemple, il serait faux de
noter un sujet pour l’utilisation qu’il fait d’un mécanisme de défense
en rapport avec un événement survenu vingt ans plus tôt. Cela rendrait
les échelles insensibles au changement. Certaines restrictions sont
donc nécessaires, pour délimiter quelles données sont utiles à l’évalua-
teur pour déterminer ses cotations :
– pour attribuer une note de 2 (utilisation certaine) sur une échelle
donnée de mécanismes de défense, il faut disposer d’une preuve tangi-
ble d’utilisation de cette défense au cours des deux années précédant
l’entretien ;
– un exemple significatif d’utilisation d’un mécanisme de défense,
mais dont la preuve date de plus de deux ans, ne pourra pas servir à
attribuer une note de 2. Cependant, il peut influencer l’interprétation
des données, par ailleurs ambiguës, se rapportant aux deux dernières
années. Ainsi, l’exemple passé peut servir à resituer les données pré-
sentes, mais sans remplacer celles-ci ;
– en règle générale, plus le sujet donne d’exemples et plus ceux-ci
sont récents, plus ils participeront à l’élévation de son score pour le
mécanisme de défense considéré. À ce sujet, la preuve d’une interac-
tion au cours de l’entretien lui-même est particulièrement intéressante ;
– les mêmes données peuvent témoigner de l’utilisation d’un ou
deux mécanismes de défense, mais pas plus. Cela est particulièrement
vrai pour des mécanismes de défense voisins (comme l’hypocondrie et
l’agression passive) où un exemple peut paraître correspondre aux
définitions de deux mécanismes distincts. En fait, les deux mécanismes
de défense peuvent avoir été utilisés. Toutefois, des règles claires ont
été définies, visant à réduire le risque de confusion entre plusieurs
mécanismes de défense ;
– les échelles sont destinées à noter les mécanismes de défense qui
caractérisent un sujet donné. Pour évaluer l’utilisation d’un mécanisme
de défense chez un sujet souffrant d’un trouble épisodique, comme une
manie bipolaire ou une schizophrénie, on attribuera moins d’impor-
tance aux exemples d’utilisation probable ou certaine, notés pendant
l’un de ces épisodes, qu’à ceux notés entre des épisodes symptomati-
ques. Cette distinction est parfois difficile à faire ;
– l’interviewer induit un degré de variabilité dans l’entretien, par des
actes qui peuvent déclencher certains mécanismes de défense. Par
50 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

exemple, le clivage de sa propre image ou de celle des autres, le déni


de contradictions avec des émotions passées, ou le déni tout court, sont
évidents lorsque l’interrogateur met le sujet face aux contradictions
contenues dans sa présentation. Le sujet fournit les données contradic-
toires initiales et l’interviewer lui fait prendre conscience de ces con-
tradictions. La réaction du sujet qui en découle développe encore le
mécanisme de défense et souligne son utilisation. Si l’évaluateur
n’exploite pas les contradictions du sujet, il est évident qu’il n’y aura
plus de développement ni de soulignement des mécanismes de défense,
par conséquent le sujet ne sera pas noté selon son véritable fonctionne-
ment défensif. C’est pour éviter cela que les évaluateurs sont encoura-
gés à noter les contradictions contenues dans la présentation du sujet et
à les exploiter au cours de l’entretien.

Instructions pour la notation quantitative


Dans la mesure du possible, il est préférable de noter quantitative-
ment plutôt que qualitativement. Les scores quantitatifs génèrent de 0 à
15 unités de valeur par mécanisme de défense, au cours d’un entretien
de 50 min, et donnent ainsi un aperçu du saillant de chaque méca-
nisme de défense. Cela donne plus de poids aux analyses statistiques.
Les scores qualitatifs posent des problèmes d’appréciation des change-
ments lors d’entretiens répétés, car même si un mécanisme de défense
est moins utilisé lors du suivi, sa note ne changera pas s’il est toujours
effectivement présent. La notation quantitative reflète immédiatement
les variations de la fréquence d’utilisation d’un mécanisme de défense
donné et convient mieux aux études longitudinales destinées à détecter
de tels changements.
Une transcription de l’entretien est nécessaire. Un résumé écrit d’un
épisode vécu ou d’une anecdote peut aussi convenir, à condition que le
même format soit utilisé pour toutes les phases de l’étude longitudinale
(par exemple, saisie et suivi).
Chaque évaluateur lit la transcription entièrement de façon indépen-
dante, tout en écoutant l’enregistrement audio ou vidéo de l’entretien,
arrêtant l’enregistrement pour gagner du temps au besoin. L’évaluateur
annote d’un trait vertical dans la marge de la transcription l’utilisation
du mécanisme de défense, commençant si possible le trait au début et
l’interrompant à la fin de cette utilisation. Lorsqu’un mécanisme de
défense est présent durant tout un dialogue, au cours duquel l’interro-
gateur a pu poser des questions intentionnellement digressives, on ne
notera le mécanisme de défense qu’une seule fois. En effet, un seul
mécanisme de défense peut parfois recouvrir toute une page de la
Introduction 51

transcription. Mais on notera le même mécanisme de défense plusieurs


fois si de nouveaux exemples ou de nouvelles données reflétant son
utilisation sont relevées, par exemple : un sujet manifeste une colère
indirecte envers le thérapeute par des réponses laconiques aux ques-
tions, en répondant toujours un peu à côté. Cette attitude est notée
comme de l’agression passive envers l’interrogateur. Immédiatement
après cet échange, le sujet relate une discussion récente avec son con-
joint, très semblable avec contraste entre un accord apparent et un
désaccord caché. L’agression passive est alors notée une deuxième
fois.
Après avoir attribué leurs notes individuellement, les évaluateurs
parcourent la transcription, ensemble cette fois, et parviennent à un
consensus quant aux mécanismes de défense présents, ainsi qu’à leurs
début et fin. L’évaluateur qui détecte un mécanisme que ses collègues
n’ont pas décelé doit le justifier. Un bon esprit de coopération et de
compromis, devant les points difficiles, est primordial pour réduire au
minimum les sessions de cotation par trop prolongées.

Notation du niveau global d’utilisation


des mécanismes de défense
Après notation d’un entretien par l’une ou l’autre méthode, il est
possible d’attribuer au sujet une note globale pour qualifier son niveau
de recours aux mécanismes de défense dans son ensemble. Cette note,
calculée, représente le niveau global de défense du sujet, après pondé-
ration de l’utilisation faite de chaque mécanisme en fonction de son
importance sur une échelle allant de 1 à 7. La fiche de cotation des
mécanismes de défense a été adaptée selon ce mode d’utilisation.
Les directives sont les mêmes que pour les procédures de cotation
qualitative et quantitative, à une petite exception près. Les mécanismes
de défense sont répartis en 7 groupes organisés hiérarchiquement, cha-
que groupe étant numéroté selon le poids que l’on donne aux mécanis-
mes de défense qu’il contient. À l’intérieur de chaque groupe (par
exemple : Défenses actives), il faut additionner tous les scores en un
sous-total de groupe. Les notes individuelles selon la méthode qualita-
tive sont 0, 1 ou 2, alors que par la méthode quantitative les scores
individuels peuvent s’échelonner de 0 à 10 ou plus. On multiplie alors
chaque sous-total par son poids respectif. Puis on fait la somme des
sept sous-totaux en (a) et celle des sept poids (b). Le score global de
fonctionnement défensif (c) est la moyenne des poids, autrement dit b
divisé par a. Ce chiffre peut se situer entre 1,00 et 7,00.
3
Compléments aux instructions pour
le codage quantitatif

Le processus d’identification des mécanismes de défense peut être


divisé en deux étapes principales. Dans un premier temps, l’évaluateur
peut remarquer quelque chose d’inhabituel dans un passage de l’entre-
tien. Il doit décider si un mécanisme de défense est présent dans cet
extrait et détermine alors à quel endroit du texte cette défense com-
mence à se manifester, et se termine. Dans un deuxième temps, l’éva-
luateur examine toutes les défenses applicables à l’extrait. Le choix
définitif de coter une défense spécifique doit alors se fonder sur la
fonction du mécanisme défensif pour le sujet. La défense cotée doit
refléter cette fonction.

Identification d’une défense dans le verbatim


L’apparition d’un mécanisme de défense se reconnaît souvent par la
présence d’un événement inattendu ou d’une rupture dans le discours
du sujet. Cela produit un changement dans l’entretien, changement
similaire à une perturbation sur une surface par ailleurs «calme». Ces
changements peuvent inclure, mais ne se limitent pas, aux domaines
cognitifs, verbaux, affectifs ou comportementaux suivants:
– apparition/présence d’un affect inattendu;
– changement soudain dans le ton de voix;
– manifestation d’un affect différent de celui qui pourrait être asso-
cié au récit;
– absence d’un affect alors qu’il est attendu;
– manifestation d’un affect sans être en mesure d’en parler directe-
ment ou en détails;
– changements majeurs dans le discours du sujet;
54 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

– expression d’une idée qui s’avère peu plausible;


– contradiction entre deux ou plusieurs idées;
– commentaire inattendu à l’endroit de l’interviewer ou du théra-
peute;
– comportement verbal soudain, bruyant, imprévu;
– changement inattendu dans les thèmes abordés par le sujet;
– discours visant à éviter un thème;
– évocation d’un thème particulier de façon excessivement émotive;
– réaction offusquée alors qu’il y a peu de raison de l’être;
– description de soi ou des autres non-réaliste, déformée ou caricatu-
rale;
– discours confus, explications visant à camoufler ou déformer la
réalité.

Changements ou ruptures dans le discours du sujet


Lorsque l’évaluateur observe une rupture dans le discours du sujet, il
doit alors déterminer si cette rupture est défensive (c’est-à-dire ayant
une fonction défensive) ou si elle reflète plutôt une particularité du
sujet dans sa façon de s’exprimer (non-défensif). Le cotateur doit
ensuite déterminer où commence et finit la défense, mettant l’extrait
concerné entre parenthèses.

Début de la cotation
En commençant la cotation, il est parfois difficile d’identifier les
défenses dans les premières pages du verbatim. Ceci est dû au fait qu’il
est nécessaire de prendre le temps de connaître le sujet et de compren-
dre son discours. C’est aussi dû au fait que les premières minutes
d’entretien sont souvent consacrées à des détails historiques et anam-
nestiques. Lorsque l’évaluateur a de la difficulté à commencer la cota-
tion, il est préférable de lire le verbatim jusqu’au moment où la
présence de plusieurs défenses devient évidente. À ce moment, l’éva-
luateur doit reprendre le verbatim dès le début et revoir ses cotations
précédentes. Le repérage des mécanismes de défense est ainsi facilité.

Établissement d’une liste de défenses différentielles


et choix de la meilleure défense
Au cours de cette deuxième étape, le cotateur examine la fonction
des mécanismes de défense qui se manifestent dans la partie du verba-
Compléments aux instructions pour le codage quantitatif 55

tim repérée (mis entre parenthèses). Les défenses peuvent avoir plu-
sieurs fonctions:
– transformer/modifier un désir anxiogène ou conflictuel de façon à
le rendre plus facilement supportable;
– aider les autres de façon à s’aider soi-même à supporter un conflit
ou facteur anxiogène;
– faire en sorte qu’un désir est satisfait de façon aussi directe que
possible, et ce malgré certains conflits ou facteurs anxiogènes;
– remettre à un moment plus opportun la satisfaction d’un désir ou
l’expression d’un conflit;
– éviter d’affronter un conflit pour se consacrer à des conflits moins
importants;
– se défendre contre des sentiments de culpabilité suite à certains
propos;
– se défendre contre des sentiments de culpabilité portant sur un
affect ou une représentation;
– minimiser ses sentiments à l’endroit d’un objet tout en étant capa-
ble d’en discuter;
– exprimer quelque chose sans être conscient que cela nous appar-
tient;
– augmenter l’estime de soi sans faire d’effort concret;
– éviter et mettre de côté des menaces ou déceptions;
– nier un problème;
– se mentir au sujet de quelque chose qui risque autrement d’entraî-
ner des sentiments de honte ou de culpabilité;
– conserver un intérêt pour un désir (chez autrui) que l’on nie chez
soi, inciter autrui à se comporter de façon mal intentionnée afin de jus-
tifier notre colère à son égard;
– se défaire d’une pulsion ou sentiment de façon soudaine et en met-
tant de côté toute inhibition;
– faire obstacle à autrui tout en se montrant coopérant;
– punir autrui tout en demandant de l’aide ou de la compréhension.
Il est plus facile d’évaluer les défenses après avoir identifié leur
fonction et établi une liste différentielle de défenses. Le DMRS com-
prend des instructions pour aider à distinguer des défenses ayant des
fonctions similaires. L’évaluateur doit ensuite déterminer quelle fonc-
tion est la mieux applicable au sujet.
Exemple: un sujet dit avoir eu un accident de voiture grave. Il donne
plusieurs détails au sujet des dommages faits à sa voiture. Cependant,
il en parle de façon détachée et ne manifeste aucune réaction émotion-
nelle.
56 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

En examinant la fonction du mécanisme de défense, le cotateur con-


clut qu’en se consacrant uniquement aux détails de l’accident, le sujet
minimise ses sentiments qui seraient trop anxiogènes. Une liste des dif-
férentes défenses peut alors comprendre:
– isolation de l’affect: minimise la détresse sans toutefois déformer
les faits;
– intellectualisation: permet de minimiser ses sentiments en parlant
de façon généralisante;
– déplacement: permet l’expression de certains sentiments mais en
changeant l’objet de façon à minimiser ses angoisses.
Compte tenu de ces trois possibilités, il apparaît que l’isolation
décrit le mieux le sujet. En effet, le sujet ne parle pas d’un thème diffé-
rent (par exemple, l’accident d’un ami), les détails sont intacts et les
sentiments du sujet ne sont pas abordés

Particularités dans la cotation des défenses

Défenses superposées
Si la défense cotée doit traduire une grande partie de la manœuvre
défensive, il est possible que certains éléments du matériel ne soient
pas totalement en rapport avec la défense relevée. L’évaluateur doit
alors déterminer si une deuxième défense est superposée à celle cotée.
Cette situation n’est cependant pas fréquente. Dans ce cas, certains
extraits peuvent témoigner de la présence de deux défenses, alors que
d’autres extraits indiquent uniquement la présence d’une seule défense.

Défenses cotées dans une autre défense


Il est possible qu’une défense soit associée à un extrait d’entretien
qui dure plusieurs minutes. Une deuxième défense peut parfois alors
être repérée au sein de l’extrait correspondant à la première défense
cotée. Cette deuxième défense apparaît habituellement dans un bref
extrait et sert souvent à mettre de côté une menace ou une déception
(par exemple, dépréciation de l’objet).

Matériel peu explicite


Il arrive parfois que l’évaluateur n’ait pas suffisamment d’informa-
tion pour coter une défense spécifique, tout en étant convaincu qu’une
manœuvre défensive est bien présente. Il est alors possible que deux ou
Compléments aux instructions pour le codage quantitatif 57

trois défenses puissent être mises en évidence, sans pouvoir déterminer


laquelle doit être cotée. Dans ce cas, l’évaluateur ne doit relever
aucune défense. Si une défense est effectivement présente dans l’entre-
tien, il émet l’hypothèse qu’elle apparaîtra de façon plus claire à un
autre moment de l’entretien.

Aspect chronologique
Dans tout entretien, un sujet rapporte des événements associés à des
moments différents de sa vie. Il peut être tentant de traiter les défenses
différemment selon le moment où elles ont été utilisées. En revanche,
dans la pratique, ceci s’avère plutôt difficile car il arrive souvent que
les informations liées à une défense ne permettent pas de différencier:
– si la défense a été utilisée dans le passé uniquement;
– si la défense a été utilisée auparavant et est encore utilisée
aujourd’hui (en d’autres termes, si le sujet se retrouvait dans la même
situation aujourd’hui, utiliserait-il la même défense?);
– si la défense est utilisée aujourd’hui au sujet d’un événement
passé, sans l’avoir été alors.
L’évaluateur doit donc évaluer chaque défense sans chercher à dif-
férencier celles qui n’auraient été utilisées que par le passé de celles
utilisées présentement. Ce choix de méthode de cotation s’appuie sur
les résultats de recherches longitudinales. Au cours de celles-ci, les
sujets ont eu un entretien dynamique une fois par an afin d’examiner
tout changement en cours de traitement. Il est apparu que, au début du
traitement, les patients tendent à présenter leurs difficultés avec beau-
coup de détails. Plusieurs mécanismes de défense peuvent alors être
identifiés. Avec le temps, ces mêmes problèmes sont abordés sans
mentionner autant de détails, pour éventuellement n’être que résumés
en quelques mots. Il est alors plus difficile de trouver l’information
nécessaire pour coter une défense liée à des épisodes passés. En
revanche, le discours du sujet porte beaucoup plus sur des problèmes
récents, et donne alors suffisamment de détails pour coter des défen-
ses actuellement utilisées. Ces observations ne mettent certainement
pas fin au problème méthodologique suscité par cette question. Elles
invitent malgré tout à ne pas s’inquiéter du fait qu’une discussion axée
sur le passé puisse donner une fausse impression du fonctionnement
présent.
58 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Hiérarchie des défenses, score défensif global


(SDG; Overall Defensive Functioning score) et cotation
quantitative
Les mécanismes de défense sont regroupés en niveaux défensifs, les-
quels sont organisés de façon hiérarchique, allant du moins adaptatif au
plus adaptatif. Cette structuration s’appuie sur des considérations clini-
ques et empiriques.

Hiérarchie des niveaux défensifs


7. MATURE
Affiliation, altruisme, anticipation, humour, affirmation de soi,
introspection, sublimation, répression
6. OBSESSIONNEL
Isolation, intellectualisation, annulation rétroactive
5. NÉVROTIQUE
Refoulement, dissociation, formation réactionnelle, déplacement
4. NARCISSIQUE
Omnipotence, idéalisation, dépréciation
3. DÉSAVEU
Déni névrotique, projection, rationalisation
2. BORDERLINE
Clivage de représentation de soi et de l’objet, identification projec-
tive
1. ACTION
Passage à l’acte, agressivité passive, hypocondrie
L’organisation des niveaux défensifs peut être décrite de trois manières
ou sur trois niveaux. Ces trois niveaux permettent de décrire le fonc-
tionnement défensif du sujet.

Score défensif individuel


Le nombre d’occurrences d’une défense est divisé par le nombre
d’occurrences de toutes les défenses en général afin de donner un pour-
centage par mécanisme pour l’entretien (score défensif proportionnel).
Ce calcul corrige le fait qu’il y a une variation entre patients dans le
nombre d’occurrences de défenses dans une séance (habituellement de
30 à 50 mécanismes de défense pour un entretien de 45 min).
Compléments aux instructions pour le codage quantitatif 59

Profil défensif
Les scores de chaque mécanisme au sein d’un même niveau défensif
sont additionnés pour donner un score de profil défensif exprimé en
pourcent du nombre total de défenses. La puissance statistique consé-
cutive à cette manière de décompter les défenses est accrue du fait que
les différences entre groupes sont plus sensibles. De plus, cela permet
d’augmenter la fidélité des cotations.

Score défensif global (SDG)


Le fonctionnement défensif d’un sujet au cours d’un entretien peut
être résumé par un score global. Le calcul du SDG se fait en multi-
pliant chaque niveau défensif par un poids accordé en fonction de son
positionnement dans la hiérarchie des sept niveaux défensifs. La fiche
d’évaluation explique les détails de ce calcul (p. 150-151). Par exem-
ple, dans la fiche d’évaluation figurant chapitre 5, 2 défenses de niveau
obsessionnel (6) ont été relevées chacune à 3 reprises ce qui donne un
score défensif pour le niveau hiérarchique de 6 × 6 = 36. La somme des
défenses pondérées est ensuite divisée par le nombre total de défenses
pour donner un score. Bien que les limites théoriques du SDG soient
de 1 à 7, il est habituel de trouver des scores variant de 3,0 à 6,0 dans
des populations cliniques. Dans l’exemple choisi (p. 143-151) le SDG
est de 87/21 = 4,14. Dans ces mêmes échantillons, l’écart-type de la
distribution des valeurs du SDG pour un groupe de sujets est habituel-
lement de 0,4 à 0,5. L’écart type est plus important si une population
clinique est comparée à une population non-clinique.
4
Les mécanismes de défense

62 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

PASSAGE À L’ACTE11

Définition
Le sujet gère ses conflits affectifs, ou ses facteurs de stress internes
ou externes, en agissant sans réfléchir et sans considération pour les
conséquences négatives de ses actes. Le passage à l’acte comprend
l’expression de sentiments, souhaits ou pulsions par un comportement
incontrôlé et avec un dédain apparent pour les conséquences sociales
ou personnelles. Cela se produit en général en réaction à des événe-
ments interpersonnels avec des personnes qui comptent dans la vie du
sujet, telles que parents, relations d’autorité, amis ou partenaires senti-
mentaux.
Cette définition est plus large que le concept initial de passage à
l’acte provoqué par des sentiments liés au phénomène de transfert ou
des souhaits au cours d’une psychothérapie. Elle comprend une forme
de comportement se produisant tout autant dans ou hors de la relation
de transfert. Le terme n’est pas synonyme de «mauvais comporte-
ment», ni d’aucun symptôme proprement dit, même si le passage à
l’acte implique souvent un comportement autodestructeur ou sociale-
ment perturbateur. Ce que l’on appelle comportements de passage à
l’acte, comme la confrontation physique, ou l’utilisation compulsive
de drogue, doit révéler un degré de relation avec les affects ou pul-
sions2 que l’individu ne peut pas tolérer, pour pouvoir servir de preuve
du passage à l’acte défensif.

Fonction
Le passage à l’acte permet au sujet d’évacuer ou d’exprimer des sen-
timents ou pulsions au lieu de les supporter et réfléchir sur les événe-
ments pénibles qui les stimulent. Les éléments suivants y sont présents.
Tout d’abord, le sujet ressent des sentiments ou envies qu’il ne peut
exprimer, par inhibition. Le vécu de la pulsion initiale entraîne très vite
une tension nerveuse et une anxiété accrues. En deuxième lieu, le sujet
«court-circuite» la prise de conscience et suspend toute tentative

1. Anglais: Acting Out. Cette expression est consacrée par l’usage en langue
française. S. Ionescu a proposé le mot d’activisme pour traduire cette expres-
sion. Nous n’avons pas retenu cette proposition en raison de la valeur sémanti-
que de ce terme en langue française (N.d.T.).
2. Impulses: pulsions ou impulsions, selon le contexte.
Passage à l’acte 63

d’attente, de réflexion ou de planification d’une stratégie propres à


gérer l’impulsion à agir ou le sentiment. Il s’exprime immédiatement
par un comportement sans tenir compte des conséquences. À la suite
du passage à l’acte, la réflexion peut revenir et en général le sujet se
sent coupable et s’attend à une forme de punition, sauf si un autre
mécanisme de défense entre en jeu, comme le déni ou la rationalisation
(«J’en étais désolé, mais je devais en passer par là. C’est de sa faute,
on m’a provoqué»). Le passage à l’acte est un mode de défense ina-
dapté car il n’atténue pas le conflit intérieur et souvent il fait peser sur
le sujet des conséquences extérieures négatives graves.

Diagnostic différentiel

Dissociation
Dans la dissociation, le sujet ne prévoit pas les affects ou pulsions
qu’il va exprimer, soit par des symptômes (dépersonnalisation ou
maux de tête), soit par son comportement symptomatique (par exem-
ple: aventure sexuelle inhabituelle ou crise de nerfs). Il se peut que par
la suite le sujet se montre surpris de ce qu’il a dit ou fait, car il n’est pas
conscient du sentiment ou de la pulsion sous-jacente. Cette inhibition
ou interdit, normalement ressenti par le sujet sur son affect ou sa pul-
sion, est ego-syntonique et il ne ressent pas cette tension comme quel-
que chose d’important. Le comportement de dissociation est moins
dangereux, moins criminel ou fou, du point de vue de l’observateur. En
revanche, dans le passage à l’acte, la tension est primaire; l’inhibition
elle-même est en général ego-dystonique et bien souvent aussi une
cause de rancœur. À la suite de la dissociation, le sujet peut dire: «Je
ne peux pas croire que j’aie dit cela, cela ne me ressemble pas du
tout!», alors que dans le passage à l’acte, il dirait: «J’étais si perturbé
que je n’ai pas pu contrôler mes paroles et je m’en veux».

Identification projective
Dans l’identification projective, l’affect initial est la colère et la
crainte de représailles, et le comportement induit chez le sujet peut
s’avérer assez dérangeant. La tension croissante, le flot de colère et le
volume croissant de remarques accusatrices sont chargées d’agressi-
vité mais, bien que très provocatrices, elles se limitent à des mots à
forte charge affective. Si alors le sujet s’exécute par des menaces ou
des gestes agressifs envers l’autre personne (jet d’objets, coups, agres-
sion verbale et menaces, etc.), on considère qu’il s’agit d’un passage à
64 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

l’acte. Inversement, l’identification projective ne précède le passage à


l’acte que dans les cas où le comportement négatif du sujet lui-même
est le reflet de ce qu’il pense que l’autre lui a fait subir en premier, et
donc a provoqué sa réaction (par exemple: « j’ai été obligé de le
frapper; il était en train d’essayer de me tuer, ce sadique!»).

Cotation
0: Aucun exemple de passage à l’acte mis en évidence pendant
l’entretien ou décrit hors de l’entretien.
1: Utilisation probable du passage à l’acte:
a. Le sujet décrit un ou deux exemples limités de comportements
comme une hyperphagie boulimique ou accès de «binge eating»,
des frasques sexuelles, une utilisation de drogue, une conduite
imprudente, le fait de «chercher les ennuis», etc., qui ne lui ressem-
blent pas et se produisent alors qu’il rencontre des problèmes inter-
personnels isolés.
b. Le sujet décrit certains des comportements ci-dessus, auxquels
il a recours pour «noyer» certaines déceptions ou autres affects
pénibles.
c. Le sujet rapporte certains de ces comportements mais si on lui
demande pourquoi ils se produisent, il n’en sait rien et dit qu’ils se
produisent uniquement lorsqu’il se sent mal à l’aise, tendu ou irrita-
ble.
d. Le sujet se met en colère une fois au cours de l’entretien.
e. Le sujet réagit au désaccord ou à une déception interpersonnelle
par un comportement impulsif qui peut être lourd de conséquences
(par exemple: manquer des séances de psychothérapie après s’être
mis en colère envers le thérapeute), mais le lien émotif entre l’événe-
ment et le comportement peut être ambigu.
2: L’utilisation du passage à l’acte est apparente d’après la narration
par le sujet lui-même ou évidente au cours de l’entretien. Il faut la
preuve que de tels épisodes se produisent quand le sujet n’est sous
l’effet d’aucun sédatif ou d’alcool.
a. Le sujet décrit plusieurs épisodes de comportements incontrô-
lés, ou d’«accès de colère» se produisant quand le sujet est déçu, en
colère ou rejeté par quelqu’un.
b. Les épisodes de passage à l’acte ont produit un certain nombre
de conséquences qui nuisent à l’adaptation sociale, professionnelle
ou à la santé du sujet (par exemple: hospitalisations répétées, pertes
d’emploi répétées, sérieuses difficultés relationnelles).
Passage à l’acte 65

c. Le sujet a des antécédents d’au moins deux comportements


autodestructeurs impulsifs (overdose, fait de se taillader les poi-
gnets, conduite imprudente) immédiatement consécutifs à des
déceptions interpersonnelles, etc.
d. Le sujet affiche une grande détresse de ne pouvoir se contrôler
au cours de ces épisodes de passage à l’acte, jugeant qu’il n’a que
très peu de maîtrise de ses pulsions (par exemple: «J’ai horreur du
sexe. Mais je me mets toujours dans des situations telles que je ne
peux pas me contrôler à chaque fois, et toujours avec ces
raclures…»).
e. Le sujet menace et a des gestes menaçants (par exemple: lancer
un cendrier à la tête de l’interlocuteur au cours de l’entretien), ou
bien se fâche au moins deux fois au cours de l’entretien.
f. Le sujet réagit à une déception ou un désaccord interpersonnel
par un comportement impulsif aux conséquences néfastes pour ses
relations (par exemple: à la suite d’une altercation avec son théra-
peute au cours d’une séance, le patient démissionne ou quitte la ville
sur une impulsion). L’exemple ne devra laisser aucune ambiguïté.
66 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

AGRESSION PASSIVE
(RETOURNEMENT CONTRE SOI-MÊME)

Définition
L’individu réagit à des conflits affectifs, ou bien à des causes de
stress internes ou externes en exprimant indirectement et sans convic-
tion une agressivité envers les autres. Une façade de conciliation appa-
rente masque une résistance cachée aux autres.
L’agression passive se caractérise par la décharge de sentiments hos-
tiles ou vindicatifs d’une manière indirecte, voilée, sans assurance, à
l’encontre d’autrui. L’agression passive se développe souvent en réac-
tion à des exigences fortes d’action indépendante ou de performance
de la part du sujet ou lorsqu’on a déçu les désirs du sujet ou son senti-
ment d’avoir droit à une prise en charge, que le sujet ait exprimé ce
souhait ou pas. Le terme englobe la notion de «retournement contre
soi-même».

Fonction
La personne qui utilise l’agression passive s’attend à être punie,
frustrée ou éconduite si elle exprime des besoins ou des sentiments
directement envers quelqu’un en position de pouvoir ou d’autorité sur
elle. Le sujet se sent impuissant et plein de ressentiment. Cette attente
est plus particulièrement prononcée dans les relations hiérarchiques.
Le ressentiment s’exprime par une prise de position passive: le sujet a
droit précisément aux choses qu’il ne revendique pas ouvertement, ou
prétend à une exonération particulière. Il tire aussi un certain plaisir du
malaise que son comportement d’agression passive provoque chez les
autres.
L’expression passive de la colère par des attitudes de procrastination
systématique et injustifiée et des oublis devient vite un moyen d’expri-
mer les sentiments suivants:
– la conviction que le sujet a le droit de rester passif en attendant que
ses besoins soient satisfaits;
– le besoin d’apparaître bien intentionné, évitant ainsi les repré-
sailles contre l’expression directe d’affects, besoins et ressentiment;
– le besoin d’exprimer le ressentiment éprouvé envers ceux qui for-
mulent des exigences, par une attitude non conciliante cachée qui
Agression passive 67

énerve les autres, et obtenir une certaine satisfaction ou vengeance,


même si cela implique de se faire souffrir soi-même.
Dans les cas extrêmes, le ressentiment n’est pas simplement exprimé
de façon indirecte à l’encontre de l’autre, mais en fait il est retourné
contre le soi, en une manière d’atteindre l’autre.

Diagnostic différentiel

Hypocondrie
Dans l’hypocondrie, la demande d’aide est formulée ouvertement
tandis que le reproche adressé par le sujet à l’autre est masqué par le
rejet de l’aide. En revanche, dans l’agression passive, la demande
d’aide, d’attention ou le souhait d’exprimer des sentiments sont pré-
sents mais non-dits ou dits trop tard, alors que le ressentiment
s’exprime par des inepties, de l’inaction, etc. qui sont autant de
moyens d’embêter les autres.

Comportement autodestructeur ou dangereux


Il ne doit pas être assimilé à l’agression passive. Il s’agit de passage
à l’acte lorsque la fonction première est l’expression impulsive et à
courte vue de la colère, dépendance, etc., que le sujet se doit de régler
sans le moindre retard. Il s’agit d’agression passive quand le comporte-
ment dangereux du sujet (sans conséquences graves) est clairement
destiné à mettre mal à l’aise ou atteindre quelqu’un dont il attend quel-
que chose.

Déplacement
Dans le déplacement, le sujet peut exprimer de l’hostilité mais choi-
sir la mauvaise cible ou réagir à la mauvaise provocation. Le sujet ne
se crée pas d’ennuis immédiats, et n’agit pas passivement, en général.

Cotation
0: Aucun signe d’agression passive.
1: Utilisation probable d’agression passive:
a. Le sujet décrit au moins deux occasions où il a été en retard, a
dépassé les échéances ou a procrastiné.
68 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

b. Le sujet décrit une occasion où il n’a pas demandé l’aide néces-


saire aux autres; il préfère se plaindre ensuite de la défaillance des
autres pour lui apporter l’aide nécessaire.
c. Le sujet apparaît aimable et ouvert, amical même, mais semble
éviter toute coopération; dès qu’on lui demande de participer, il
refuse de faire sa part ou de rendre service.
d. Le sujet décrit au moins deux exemples de choix faits par lui,
qui lui garantissent les suites les moins souhaitables pour lui-même.
Cela peut être particulièrement sensible quand le sujet est peut-être
en colère après quelqu’un, comme peuvent l’illustrer les exemples
suivants:
– tendance à jouer le rôle de martyr;
– le sujet n’élève pas le ton quand ses intérêts sont en jeu;
– le sujet réagit aux demandes ou exigences des autres en faisant
le clown ou par des attitudes loufoques ou auto-dévalorisantes.
2: Utilisation évidente de l’agression passive. Les exemples abon-
dent et peuvent même devenir exaspérants. Le sujet est dans ce cas
perçu comme ayant un compte à régler, un contentieux personnel.
a. Le sujet fait la preuve d’une forte tendance à reporter les cho-
ses, ou d’un refus obstiné de faire ce qu’on attend de lui; la règle est
d’attendre la dernière minute pour faire les choses.
b. Le sujet énerve les autres de façon active en ne s’exprimant pas
et en ne demandant pas d’aide, les matériaux ou les moyens néces-
saires pour accomplir quelque chose, sauf quand c’est trop tard. Le
sujet rend toujours les autres responsables de ses propres échecs.
c. Le sujet retourne sa colère contre lui-même, mais pour s’en
prendre à quelqu’un à qui il en veut. Dans ces cas là, ses actions sont
contraires à ses intérêts propres et peuvent même être autodestructri-
ces. Souvent, sa colère a des suites défavorables, lorsque (par exem-
ple):
– il ou elle se martyrise inutilement;
– il ou elle met en scène innocemment un échec majeur pour mon-
trer à quel point il s’en veut de sa défaillance;
– il ou elle est insouciant(e) au point de provoquer des conséquen-
ces autodestructrices en faisant fi des recommandations d’usage,
comme par exemple ne pas prendre son insuline, ou ses hypoten-
seurs, son lithium, etc., ce qui entraîne des conséquences délétères.
Hypocondrie 69

HYPOCONDRIE

Définition
L’hypocondrie implique l’utilisation répétitive d’une plainte ou
d’une série de plaintes par lesquelles le sujet demande ostensiblement
de l’aide. Toutefois, des sentiments cachés d’hostilité ou de ressenti-
ment envers les autres sont exprimés simultanément par le rejet des
suggestions ou conseils des autres, ou de tout ce qu’ils peuvent lui
offrir. Les plaintes peuvent être des préoccupations somatiques ou des
problèmes existentiels. Chaque type de plainte est suivi par une réac-
tion de rejet de toute aide.

Fonction
L’hypocondrie est un mécanisme de défense contre la colère ressen-
tie par le sujet à chaque fois qu’il ou elle ressent le besoin d’une dépen-
dance affective envers les autres. La colère vient de la conviction, ou
plus souvent de l’expérience antérieure que personne ne pourra vrai-
ment satisfaire les besoins qu’il ressent. Le sujet exprime sa colère
comme un reproche indirect en refusant l’aide comme «insuffisante»,
tout en continuant à en réclamer toujours plus.
Au lieu de faire fuir l’autre par une expression de colère, l’utilisation
de l’hypocondrie le lie au sujet par la demande masquée d’aide.
L’expression par le sujet de sa vulnérabilité/impuissance face au pro-
blème du moment traduit en fait un sentiment d’impuissance à obtenir
de l’aide, le réconfort et l’attention désirés, tout en évacuant de la ran-
cœur par la déception anticipée que l’on ne lui apportera pas l’aide suf-
fisante.

Diagnostic différentiel

Agression passive
Par l’agression passive, les besoins du sujet (par exemple: dépen-
dance) ne sont pas clairement définis et aucune demande directe n’est
en général formulée par le sujet aux autres. Plutôt, il n’existe qu’une
expression indirecte d’hostilité envers les autres pour des demandes
réelles ou imaginaires qu’ils auraient pu formuler, ou pour leur
défaillance à satisfaire le(s) besoin(s) du sujet. L’agression passive ne
70 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

lie pas l’autre au sujet dans la mesure où elle appelle des représailles,
et elle est le plus souvent utilisée lorsqu’il existait une relation qui liait
déjà le sujet et l’objet, comme un rapport d’autorité hiérarchique ou
une relation de travail dans laquelle l’un ne peut échapper à l’autre.
Dans l’hypocondrie, en revanche, la demande est à la fois manifeste et
sous-entendue, et il existe un reproche voilé.

Dissociation
La dissociation et l’hypocondrie se retrouvent souvent quand la
plainte fait référence à un signe fonctionnel comme des maux de tête
ou de vagues douleurs. La dissociation représente l’affect ou la pulsion
qui a été détournée de la conscience et déplacée en une plainte physi-
que. On considère également qu’il y a hypocondrie si le sujet réclame
de l’aide pour un symptôme physique puis refuse toutes les tentatives
d’aide. Lors de la dissociation, le degré ou l’intensité d’expression de
la plainte est souvent au plus bas, comme dans la belle indifférence:
lors de l’hypocondrie, le degré de la plainte est au contraire toujours à
un niveau insupportablement élevé.

Annulation
Dans l’annulation, le sujet ne demande pas d’aide. Quand un sujet
répond à un interlocuteur en affirmant le contraire de ce qu’on lui dit,
ou en confirmant ses propres paroles précédentes, il y a annulation et
non hypocondrie, sauf si la remarque de l’interlocuteur procédait d’une
tentative évidente d’aider à résoudre un problème spécifique.

Dépréciation
L’hypocondrie diffère de la dépréciation en ceci que le sujet est très
lié au donneur d’aide. Dans la dépréciation, le sujet exprime des com-
mentaires négatifs d’une manière qui dénie l’importance, le pouvoir, le
prestige de quelqu’un, non pas pour se lier encore plus et obtenir de
l’aide de cette personne. La dépréciation sert à nier l’objet avant que le
sujet éprouve la déception de ne pas recevoir quelque chose de la part
de l’autre. En réalité, ces mécanismes de défense interviennent de
façon concomitante.
Hypocondrie 71

Cotation
0: Aucun exemple.
1: Hypocondrie probable. Présence d’au moins un des critères sui-
vants:
a. Le sujet mentionne la même plainte ou problème plusieurs fois
en demandant ce qu’il faudrait faire.
b. Quand d’autres proposent des conseils ou remarques à propos
d’un problème spécifique posé par le sujet, celui-ci a tendance à
répondre «Oui, mais…», autrement dit, il semble chercher une rai-
son de rejeter le conseil comme inutile.
c. Le sujet parait inconsolable sur certain(s) problème(s) qui par
ailleurs ne semblent ni insurmontables ni insupportables. La raison
de l’inconsolabilité du sujet n’est pas évidente.
d. Le sujet exprime l’envie de tout laisser tomber sans avoir claire-
ment décrit ce qui lui parait si pesant.
2: Hypocondrie établie. Des exemples sont évidents et auraient ten-
dance à irriter le cotateur ou l’observateur. Au moins un des critères
suivants est présent:
a. Le sujet est un «grand malade», et se lance dans une litanie de
plaintes physiques, sautant d’un symptôme à l’autre, ignorant les
tentatives faites pour approfondir une plainte spécifique, pour la trai-
ter efficacement ou pour la comprendre, tout en continuant à se
plaindre du manque d’aide.
b. Le sujet, spontanément, se plaint de la manière dont autrui
(médecins, thérapeutes, parents, etc.) ne se soucient pas vraiment de
lui, voire aggravent les choses, alors que tout, dans ses propres pro-
pos, prouve le contraire.
c. Le sujet expose un dilemme apparemment insoluble, un grave
problème existentiel (par exemple: menace de perte d’emploi, santé,
couple) et rejette systématiquement toutes les suggestions d’autrui, à
un point tel que toute approche d’une solution est impossible.
d. Le sujet décrit des problèmes où ses propres souffrances sont
intenses, durables et sans soulagement possible. La raison pour
laquelle le sujet se sent si inconsolable n’est pas évidente.
72 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

CLIVAGE

Définition
L’individu répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en se considérant lui/elle-même et autrui comme
tout bon ou tout mauvais, ne parvenant pas à intégrer ses propres quali-
tés et défauts ni ceux d’autrui dans des images cohérentes; le même
sujet est souvent idéalisé et déprécié alternativement.
En clivant les images d’autrui (images objectales), le sujet démontre
que ses points de vue, attentes et sentiments au sujet d’autrui sont con-
tradictoires et qu’il est incapable de concilier ces différences pour for-
mer des images réalistes et cohérentes des autres. Les images
objectales sont divisées en deux pôles opposés, de sorte que le sujet ne
peut percevoir qu’un seul aspect émotionnel de l’objet à la fois. Les
objets sont perçus en noir ou en blanc. À un instant donné, un objet ne
sera perçu qu’avec des traits de caractère positifs tels que aimant, puis-
sant, digne, protecteur et bienveillant, sans attributs ayant une charge
émotionnelle contraire. À un autre moment, l’objet sera perçu comme
mauvais, détestable, en colère, destructeur, rejetant ou indigne, et le
sujet est incapable d’y voir la moindre qualité. Dans les conversations,
le sujet parle en général de certains individus en termes entièrement
positifs et d’autres en termes entièrement négatifs, comme si l’univers
était partagé en deux camps, le bon et le mauvais. Le déclic qui fait
passer la perception d’un objet de bonne à mauvaise est imprévisible.
Le clivage se manifeste de deux manières. Le sujet peut commencer
par décrire un objet entièrement d’une façon pour ensuite décrire ce
même objet en termes opposés. En second lieu, chaque objet est sim-
plement rassemblé avec d’autres en deux tas, bon ou mauvais, positif
ou négatif.
Quand le sujet a recours au clivage des images objectales, il ne peut
rien intégrer qui ne corresponde à son vécu immédiat et ses sentiments
pour un objet donné. Tous les qualificatifs de la même couleur affec-
tive sont appuyés, et les points de vue, attentes ou sentiments contra-
dictoires pour l’objet sont exclus du conscient émotionnel, mais pas
nécessairement du conscient cognitif.
Le clivage de sa propre image se produit parallèlement à celui de
l’image des autres, dans la mesure où l’apprentissage des deux clivages
s’est fait par réaction à l’imprévisibilité de ceux qui ont compté préco-
cement pour le sujet. Dans le clivage de sa propre image, le sujet
démontre qu’il a des points de vue, des attentes et des sentiments con-
Clivage 73

tradictoires sur lui-même, qu’il est incapable de concilier en un ensem-


ble cohérent. Les images du soi sont divisées en des positions
opposées: à un moment donné, la prise de conscience du sujet se
limite aux aspects du soi qui sont de la même couleur affective. Il se
voit tout en noir ou tout en blanc. À un moment donné, le sujet est per-
suadé qu’il est lui-même aimant, puissant, digne, correct et plein de
bons sentiments, et à un autre moment il sera persuadé du contraire,
qu’il est mauvais, détestable, coléreux, destructeur, faible, impuissant,
indigne ou toujours en tort, et n’éprouve que de mauvais sentiments
sur lui-même. Le sujet est incapable de se percevoir comme un
mélange plus réaliste d’attributs à la fois positifs et négatifs. De plus, le
passage d’une perception exclusive du soi, à un pôle, jusqu’à une tona-
lité affective opposée, est imprévisible.

Fonction
Le clivage des images objectales et des images du Soi est un méca-
nisme de défense utilisé par le sujet en réponse à son angoisse de ternir
la bonne image qu’il a des gens en laissant leurs mauvais côtés venir
supplanter les bons.
Le clivage des images objectales limite l’angoisse que le sujet res-
sentirait en essayant de discerner comment les autres pourraient réagir
à son vécu ou à l’expression de ses besoins, sentiments, etc. En voyant
les autres comme tout bons ou tout mauvais, il élimine la tâche anxio-
gène qui consiste à discerner comment les autres vont se comporter
envers lui, une tâche qu’il considère comme impossible. Le sujet clas-
sera plutôt les gens en bons ou mauvais sur la base d’indices initiaux
subtils (par exemple: « Il a froncé des sourcils quand j’ai pris la
parole, donc il me hait») ou sur celle de sentiments internes (par exem-
ple: «Je me sens si mal que je sais que tu dois me haïr, alors pourquoi
devrais-je m’ouvrir à toi? »). Mais ce mécanisme de défense est ina-
dapté, car le sujet agit de façon aussi imprévisible et irrationnelle
envers autrui qu’il a lui-même été traité; il renonce aux compensations
qu’il pourrait obtenir en étant plus souple dans ses interactions avec
autrui. En utilisant ce mécanisme de défense, le sujet se crée de nou-
veaux amis et de nouveaux ennemis, mais pas de la manière réaliste
qui prendrait en compte les caractéristiques propres à autrui.
Le clivage des images du soi remplit une fonction d’adaptation: il
minimise l’angoisse que le sujet ressentirait en essayant de faire coïn-
cider l’image qu’il se fait de lui-même avec le degré de significativité
que les autres lui accorderont dans leur comportement envers lui. Alors
qu’en se considérant lui-même d’une certaine façon, le sujet persiste à
74 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

se voir dans la même échelle de valeurs quelle que soit la perception


que les autres ont de lui et la manière dont ils le traitent: dans ce cas, le
vécu n’admet aucune contradiction. Cela minimise les effets anxiogè-
nes et perturbateurs qu’il y aurait à prévoir le comportement de gens
imprévisibles. L’inconvénient est que l’image que le sujet a de lui-
même devient alors inflexible par rapport à la réalité de l’environne-
ment, et le passage de la bonne à la mauvaise représentation de soi est
également imprévisible. Cela rend le sujet insensible à des relations
plus raisonnables, prévisibles et potentiellement plus gratifiantes hors
de son environnement originel. Dans un meilleur environnement, le
sujet va souffrir de ce qui paradoxalement était une source initiale de
protection, à savoir une insensibilité à l’expérience d’images contra-
dictoires du Soi.

Diagnostic différentiel

Identification projective
Le clivage des représentations objectales et l’identification projec-
tive vont souvent de pair. Dans ces deux mécanismes de défense,
autrui est faussement perçu comme entièrement négatif ou entièrement
positif. Cependant, avec l’identification projective, le sujet accepte le
sentiment précis ou la pulsion interne qu’il perçoit à tort comme provo-
qué par l’autre (par exemple: «Évidemment, je suis en colère, mais
c’est vous le premier qui étiez en colère après moi»). Avec le clivage
d’images objectales, les sentiments ou les besoins propres du sujet ne
sont pas si évidents, ni pour le sujet lui-même ni pour autrui. La seule
chose qui est évidente est le résultat final, la catégorisation mani-
chéenne d’autrui, tout noir ou tout blanc.

Dépréciation
En utilisant la dépréciation, le sujet exprime un commentaire négatif
sur un objet, et c’est un moyen de rejeter l’objet en le ternissant, le
dépréciant ou niant les caractéristiques de l’objet. Il ne lui est donc
plus nécessaire d’entretenir un intérêt ou une préoccupation active
pour l’objet et son influence potentielle. En clivant les images objecta-
les, le sujet peut également prononcer des paroles négatives sur un
objet. La différence avec la dépréciation, pourtant, réside dans la pré-
occupation active du sujet pour les aspects négatifs de l’objet: il est
malveillant, puissant, dangereux. Le sujet fournit une indication qu’il
est ou a été vulnérable aux attaques ou à la frustration de la part de
Clivage 75

l’objet, vu du côté négatif du clivage. Avec la dépréciation, le sujet


apparaît invulnérable, alors qu’avec le clivage il apparaît plus vulnéra-
ble au mauvais objet.

Annulation
Dans l’annulation, le sujet fait une affirmation à propos d’un objet
mais la reprend rapidement comme pour éviter la critique (par exem-
ple: « Ma femme est particulièrement pénible. Attention, c’est une
personne qui a de très bonnes intentions »). Le sujet est à même de
prendre conscience de la contradiction apparente ou de la dissonance
cognitive. Dans le clivage, toute déclaration et son contraire ne sont
pas conciliables pour le sujet. Les deux sont en général bien distingués
dans son vécu, et il est rare que les deux affirmations soient juxtapo-
sées dans le temps.

Cotation
0: Aucun exemple de clivage d’images du soi ou objectales ne res-
sort de l’entretien ou de l’auto-évaluation du sujet.
1: Usage probable du clivage des représentations de soi ou d’objet:
a. À une ou deux reprises au cours de l’entretien, le sujet décrit un
objet d’une manière soit positive soit négative, puis plus tard décrit
le même objet de la manière opposée.
b. Une ou deux fois au cours de l’entretien, le sujet se décrit lui-
même ou autrui comme tout bon ou tout mauvais, mais il a du mal à
décrire le bon et le mauvais ensemble; le sujet ignore l’un ou l’autre.
c. Une fois ou deux au cours de l’entretien, le sujet parle de lui-
même en paraissant y croire réellement, puis, plus tard au cours de
l’entretien il contredit ses paroles, paraissant convaincu du contraire.
d. Le sujet se déclare alarmé par certains comportements contra-
dictoires envers autrui (agissant d’une manière, puis d’une autre) et
ne sachant pas pourquoi il se comporte avec tant d’incohérence. Il ou
elle peut formuler quelques commentaires interrogatifs comme: «Je
ne sais pas pourquoi je fais ça».
2: Usage évident du clivage d’images du soi ou d’images objectales:
a. Le sujet parle de lui-même ou d’autrui comme tout bon ou tout
mauvais, sans aucune nuance ni aucun réalisme.
b. À plusieurs reprises, le sujet contredit ses propres affirmations
antérieures sur les qualités et les défauts de quelqu’un ou quelque
76 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

chose, sans gêne apparente quant aux incohérences et sans apparem-


ment en reconnaître les contradictions.
c. Quand l’interlocuteur fait ressortir les contradictions des affir-
mations du sujet à propos de quelqu’un, celui-ci nie la significativité
de la contradiction, maintient l’une ou l’autre de ses opinions, et
résiste à l’interlocuteur.
d. Le sujet est incapable de tirer des conclusions évidentes du
comportement d’autrui. En général, cela correspond à une apprécia-
tion très médiocre de la manière dont les autres vont le traiter dans
différentes situations. Par exemple: «Je n’ai pas compris s’il
essayait de me faire peur en me mettant le couteau sous la gorge.
J’étais perplexe».
e. Il est évident que le sujet a pris les caractéristiques d’une figure
du passé et en a attribué les qualités à un personnage qu’il idéalise
dans le présent et les défauts à un personnage qu’il déprécie.
f. À plusieurs reprises au cours de l’entretien, le sujet parle de lui/
elle-même en tout bon ou tout mauvais, bien que le renversement en
son contraire puisse se produire à mesure que l’entretien progresse
(par exemple: «Je me fiche de ce que l’on pourra dire, je ne vaux
absolument rien», suivi plus tard par: «Je sais que je suis le
meilleur du bureau»).
g. Le sujet nie la profondeur ou l’importance de ses actions pas-
sées (par exemple: actes significatifs, preuves de productivité, etc.),
comme si elles ne comptaient pas, en contradiction avec l’image
qu’il se fait actuellement de lui-même. Le sujet résiste à la tentative
de l’observateur de lui faire voir les deux faces de sa personnalité.
Identification projective 77

IDENTIFICATION PROJECTIVE

Définition
Dans l’identification projective, le sujet éprouve un affect ou une
pulsion qu’il trouve inacceptable et qu’il attribue à quelqu’un d’autre,
comme si cette personne en était réellement à l’origine. Toutefois, à la
différence de la projection simple, il ne désavoue pas totalement ce qui
est projeté mais reste conscient de ses affects ou pulsions, qu’il attribue
à tort à autrui comme des réactions justifiées. À partir de là, le sujet
finira par admettre son affect ou sa pulsion, mais comme une réaction
aux mêmes sentiments et pulsions chez autrui. Il oublie le fait que c’est
lui-même qui est à l’origine des intentions projetées.
Ce mécanisme de défense est plus clairement décelable au cours
d’échanges prolongés pendant lesquels le sujet commence par protéger
ses sentiments mais vit ensuite ses sentiments initiaux comme des
réactions à autrui. Paradoxalement, il n’est pas rare qu’il induise véri-
tablement chez autrui les sentiments qu’il a cru y déceler. Il est alors
difficile d’établir la chronologie exacte du «qui a fait quoi à qui». Ce
processus est plus étendu que la projection simple, qui comprend le
déni suivi de l’attribution externe d’une pulsion. L’identification pro-
jective implique l’attribution d’une image de sorte que tout l’objet est
vu sous un jour déformant et que le sujet y réagit d’une manière égale-
ment faussée.

Fonction
L’identification projective est le mécanisme de défense des person-
nes traumatisées qui se sentent irrationnellement responsables de leur
traumatisme. Ce mécanisme de défense est mis en jeu lorsque des évé-
nements interpersonnels à valeur d’indice réveillent des souvenirs de
situations ou d’échanges traumatisants et leurs suites. L’individu per-
çoit l’autre comme une menace et en retire une impression d’impuis-
sance. Le sujet répond à cette menace imaginaire (ou partiellement
vraie) en attaquant et en croyant que ses propres actes sont justifiés,
bien qu’ayant lui-même provoqué l’autre. Le sentiment de culpabilité
résultant de ses intentions agressives envers autrui ressort et est géré
par une identification à l’autre, renforcée par la croyance que la
menace/attaque sur le soi est méritée. Paradoxalement, le sujet induit
souvent chez les autres le sentiment de culpabilité et d’impuissance
qu’il ressent, ce qui peut faire reculer les autres.
78 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Diagnostic différentiel

Projection
Dans la projection, le sujet s’en tient à une image rigide de ce qui est
nié et attribué à tort au monde extérieur. Dans l’identification projective,
au contraire, le tableau est plus changeant dans la mesure où c’est toute
une image, et non une simple pulsion, qui est attribuée à tort. La réaction
du sujet à l’image qu’il vit en autrui est plus complexe, dans la mesure
où il se considère en partie comme fautif. Dans l’identification projec-
tive, le sujet se voit donc comme une victime légitime tandis que dans la
projection simple le sujet se voit plutôt comme victime d’une injustice.

Passage à l’acte
Dans l’identification projective, l’affect originel est la colère et la
peur des représailles, ce qui fait que le comportement du sujet peut être
relativement déconcertant. La tension croissante, la marée montante de
colère et le volume croissant de réflexions accusatrices sont imbues
d’agressivité, mais bien qu’ils soient hautement provocateurs, ils se
limitent à des mots lourds de charge affective. Si le sujet menace ou
s’engage dans des actes agressifs envers l’autre personne (jet d’objets,
coups, injures et menaces, etc.), cela signifie qu’il est passé à l’acte.
L’identification projective ne précède le passage à l’acte que dans les
cas où le mauvais comportement du sujet est ce que le sujet croit que
l’autre était en train de lui faire en premier, et qui l’a amené à passer à
l’acte (par exemple: «J’étais obligée de le frapper; il me tuait par ses
menaces de me quitter, le sadique!»).

Cotation
0: Aucun exemple indiquant la présence d’identification projective.
1: L’usage probable de l’identification projective est évident au
cours de l’entretien:
a. À une ou deux reprises, le sujet suggère que l’interlocuteur et
les autres sont en colère ou vindicatifs à son égard; plus tard, le sujet
déclare ressentir la même chose envers lui-même, et se sentir une
mauvaise personne.
b. Une ou deux fois, le sujet admet craindre les réactions de l’inter-
locuteur (ou d’autrui), «si seulement ils savaient ce qu’il voulait
dire!»: plus tard, il révèle ce qu’il voulait dire sur le point en ques-
Identification projective 79

tion, avec une certaine colère et du ressentiment. Il peut également y


avoir des preuves de l’existence d’un sentiment de culpabilité.
c. Comme le thème qui se présente concerne un sentiment particu-
lier, un souhait ou un désir, le sujet se rétracte légèrement, s’exprime
difficilement et devient de plus en plus silencieux. Après quoi, il
décrit sa croyance selon laquelle l’interlocuteur (ou les autres) lui en
voudrai(en)t d’exprimer cela, alors qu’en fait il se met un peu en
colère et finit par parler sur le thème.
d. Le sujet décrit une interaction dans laquelle on ne sait pas claire-
ment qui a fait quoi à qui et qui a ressenti quoi. Le sujet a authentique-
ment du mal à distinguer entre ses sentiments propres et ceux de
l’autre personne, et il n’est pas simplement en train d’utiliser cette dif-
ficulté de distinction pour essayer de justifier rationnellement son
comportement.
2: Usage évident de l’identification projective:
a. Le sujet reproche à l’investigateur d’éprouver des sentiments
négatifs comme de la colère à son égard, en raison de ses propres colè-
res ou auto-reproches. Quoiqu’il dise, l’interlocuteur ne peut parvenir
à remettre le sujet en ligne. Plus les choses s’embrouillent, plus la
colère du sujet augmente (par exemple: «Je sais que vous pensez que
je suis stupide, votre question était puérile… Bien sûr que je suis en
colère!…»). L’attitude querelleuse du sujet peut se diluer en affirma-
tions reflétant des sentiments de culpabilité par rapport à sa propre
colère, qui a embrouillé les choses (par exemple: «Mais c’est tout
moi, je suppose, tout est de ma faute, pas vrai?» dit-il ironiquement).
b. Le sujet semble très contrarié et vexé quand il proteste contre le
mauvais comportement des autres à son égard, mais l’observateur a
du mal à comprendre pourquoi, dans la mesure où le comportement
reproché semble sans importance, insignifiant, ou tout simplement
mal interprété par le sujet. Si l’interlocuteur en fait la remarque, le
sujet se fâche, se met en colère et accuse.
c. Le sujet relate ses accès de rage, pendant lesquels tout ce que
l’objet de cette rage (une personne) peut faire alimente encore plus
sa colère. Cela est paradoxalement vrai, même si l’autre personne
essaie de se rattraper, s’excuse et tente d’apaiser les sentiments heur-
tés du sujet. Le sujet pourra se considérer comme une mauvaise per-
sonne pour s’être laissé emporter, qu’il se sente justifié ou pas.
d. Le sujet décrit une relation interpersonnelle dans laquelle il attri-
bue ses propres sentiments à quelqu’un d’autre, persuadé que l’autre
ressent la même chose que lui, puis il agit en conséquence. Exemple:
«J’étais dépendant d’elle, puis elle de moi, et je m’en occupais, de
sorte que nous nous traitions l’un l’autre comme des enfants».
80 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

DÉNI NÉVROTIQUE (MINEUR)

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en refusant de reconnaître certains aspects de la
réalité de son expérience, pourtant évidentes pour autrui.
Le sujet dénie activement qu’un sentiment, une réaction comporte-
mentale ou une intention (passée ou présente) est ou n’est pas présent,
même si sa présence est considérée comme plus que probable par
l’observateur. Le sujet méconnaît les contenus idéiques et affectifs de
ce qui est nié. (Cela exclut le déni psychotique, dans lequel le sujet
refuse de reconnaître un objet physique ou un événement réel dans son
vécu présent.)

Fonction
Le déni névrotique empêche le sujet qui l’utilise et ses interlocuteurs
de reconnaître des sentiments, souhaits, intentions ou actions dont il
pourrait être tenu pour responsable. Ce déni évite d’admettre ou de
prendre conscience d’un fait mental (idée et sentiment) dont le sujet
pense qu’il peut lui valoir des suites désagréables (honte, peine ou tout
autre affect douloureux). La preuve en est établie quand il outrepasse
son propre déni et ressent de la honte ou un autre affect à ce qu’il
apprend sur lui-même, s’excusant souvent auprès de l’interrogateur,
etc.

Diagnostic différentiel

Refoulement
Celui-ci diffère du déni névrotique en ce qu’il aveugle moins com-
plètement le sujet sur son vécu réel. Le sujet usant du refoulement
oublie l’idée qui donne son sens ou sa forme à une expérience vécue,
mais garde une part de conscience du fait que cette expérience est por-
teuse d’émotion. Avec le déni, le sujet est aveugle à la représentation
ainsi qu’aux composants émotionnels de son vécu, mais il doit se
maintenir activement (donc les autres aussi) loin de la réalité patente
de manière à préserver le déni général de son propre vécu. Le sujet qui
utilise le refoulement peut parler de son vécu même si il ne sait pas ce
Déni névrotique 81

que c’est, alors que le sujet qui utilise le déni se doit d’essayer d’igno-
rer totalement le thème. Il est souvent plus facile de percer le refoule-
ment que le déni. Par exemple, le sujet se souvient d’un rendez-vous
chez le dentiste, qu’il avait refoulé, alors qu’il persiste obstinément à
nier un plagiat.

Dissociation
Elle protège le sujet contre la prise de conscience de représentation
d’affects associés en modifiant tout son vécu conscient, alors que le
déni n’affecte pas la lucidité normale mais maintient les représenta-
tions et l’affect hors du conscient.

Formation réactionnelle
Elle transforme un concept et l’affect qui lui est associé en leurs con-
traires (par exemple: colère en affection) alors que le déni ne le fait
pas. La personne qui utilise le déni fournit souvent des indices de
l’existence du concept et de l’affect originaux intacts, mais hors du
conscient.

Cotation
0: Aucun exemple de déni.
1: Usage du déni probable:
a. Le sujet décrit une situation dans laquelle des sentiments de
colère, tristesse ou crainte pourraient exister, mais il nie leur pré-
sence.
b. Le sujet nie certains sentiments ou intentions que l’observateur
croit présents, mais pas trop souvent et sans grande conviction; il
n’agit pas de façon défensive en formulant son déni.
c. Deux fois ou plus au cours de l’entretien, le sujet prétend avoir
fait quelque chose, alors que tout prouve le contraire.
2: Usage évident du déni. Le sujet évite activement les questions sur
les faits niés, adoptant parfois une attitude défensive extrême quant à
ces faits:
a. À plusieurs reprises, le sujet nie des questions ou suggestions à
propos de certains sentiments, réactions affectives ou intentions, au
point qu’il apparaît évident qu’il ne peut pas avoir raison: par exem-
ple, une personne décrit subir des insultes mais nie toute réaction
négative à ce sujet, et tente d’échapper à toute autre interrogation.
82 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

b. Le sujet est difficile à interviewer car il répond systématique-


ment «non» aux questions de l’interrogateur, dont certaines au
moins appellent des réponses plus élaborées.
c. Le sujet répond aux questions ou aux affirmations de l’interro-
gateur par un déni accompagné de colère, parfois suivi par des tenta-
tives véhémentes d’éviter le sujet. Cela peut se produire une ou deux
fois, et perturbe en général tout le déroulement de l’entretien (par
exemple: «Vous avez dû en être triste!» Sujet: «Triste? Pas du
tout, ça n’a même rien à voir! Je ne comprends pas ce qui vous fait
penser cela!»).
Projection 83

PROJECTION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en attribuant à tort à autrui ses propres sentiments,
pulsions ou pensées inacceptables. Le sujet désavoue ses propres senti-
ments, ses intentions et son vécu en les attribuant aux autres, générale-
ment à ceux par lesquels il se sent menacé et avec lesquels il ressent le
plus d’affinités.

Fonction
La projection non hallucinatoire permet au sujet de gérer des émo-
tions et des motivations qui le rendent trop vulnérable (à la honte et à
l’humiliation en particulier) pour qu’il accepte de les éprouver lui-
même. À la place, il se préoccupe de ces mêmes émotions et motiva-
tions chez autrui. L’usage de la projection par conséquent l’oblige à se
préoccuper continuellement de ceux en qui il a projeté ses sentiments
intimes, et c’est un moyen de minimiser sa propre conscience de leur
existence.

Diagnostic différentiel

Dépréciation
Dans la dépréciation, le sujet rejette toute personne qu’il déprécie et
n’entretient pas de préoccupation active à son sujet, alors que dans la
projection, il est incapable de simplement rejeter l’objet de sa préoccu-
pation car les sentiments projetés sur autrui reviennent continuelle-
ment.

Identification projective
Il y a dans l’identification projective une interaction active entre le
sujet et son objet. Le sujet vit un affect initial, qu’il attribue à tort à
l’autre personne (colère). Il ressent alors ce même affect mais ne le
désavoue pas. Cependant, l’inquiétude monte, à mesure qu’il voit ses
propres sentiments non pas provoqués en lui-même, mais en réaction
aux mêmes sentiments chez l’autre. Ce développement est générale-
84 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

ment rapide et sans processus ou étapes définis. Les tentatives d’autrui


de clarifier l’interaction ne font que compliquer encore plus les choses,
et, en fait, l’objet vit souvent le même affect que celui projeté par le
sujet (finit par se mettre en colère au bout du compte). Dans la projec-
tion, les choses sont moins embrouillées dans la mesure où le sujet
désavoue ce qu’il projette.

Rationalisation
Dans la rationalisation, le sujet se réfère parfois aux motivations
d’autrui (par exemple: «Vous feriez la même chose si vous étiez à ma
place»), mais en général il ne nie pas sa participation ou les bénéfices
potentiels qu’il pourrait en recevoir. Il essaie plutôt d’assainir son rôle
pour le rendre acceptable. Dans la projection, toutefois, le sujet désa-
voue son rôle, son bénéfice potentiel, etc., en bloc, et ainsi n’a pas à
s’expliquer; sa seule préoccupation est d’expliquer les autres.

Cotation
0: Aucun exemple de projection.
1: Usage probable de la projection:
a. Le sujet paraît trop préoccupé par les sentiments d’autrui, leurs
mauvaises actions et intentions malveillantes à son égard ou envers
les gens en général. Cela s’exprime par:
– des sarcasmes sur les autres (taquineries);
– des commentaires impliquant qu’il connaît les «vraies» motiva-
tions ou raisons des autres pour faire certaines choses;
– un air hautain pour montrer qu’il connaît tout au sujet de ceux
qu’il soupçonne ou qui le préoccupent;
– une perception constante des autres comme en colère, forts,
agressifs, manipulateurs.
b. Le sujet mentionne qu’il ne fait confiance à personne et donne
différentes raisons pour cela, qui ne convainquent pas l’observateur
car elles sont vagues et sans pertinence, ou bien il a des comptes à
régler et collectionne les injustices.
c. Le sujet répond parfois aux questions par des questions
«Pourquoi voulez-vous savoir cela?» ou bien paraît soupçonneux
mais coopératif.
d. Le sujet remarque un sentiment chez autrui quand le sentiment
induit est celui qu’il ressent lui-même. Toutefois, il n’en parle pas ou
semble ne pas le reconnaître en lui-même.
Projection 85

2: Usage de la projection évident. Ce sujet paraîtrait quelque peu


«paranoïaque» à la plupart des gens. Au moins un des éléments sui-
vants doit être présent:
a. Déni véhément, ou extrême fugacité devant les questions direc-
tes sur ses propres sentiments, comportements, intentions, etc., suivi
de près par les remarques du sujet sur des sentiments, actes, inten-
tions, etc., semblables chez autrui.
b. Le sujet donne plusieurs exemples ou projette le blâme sur
l’extérieur pour ses propres problèmes. Quelqu’un d’autre est res-
ponsable de ce qui apparaît clairement comme ses insuffisances ou
difficultés. Le sujet affiche une préoccupation certaine ou de la
colère dans ses remarques au sujet des actions «blâmables»
d’autrui.
c. Le sujet évite de répondre directement (sauf pour nier) à
l’observateur sur ses motivations, sur ce qu’il veut réellement dire,
etc. Il a un comportement véritablement soupçonneux sans raison.
d. Le sujet affiche un préjugé contre un groupe minoritaire, con-
damnant des fautes qui sont clairement les siennes.
86 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

RATIONALISATION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en dissimulant les motivations réelles de ses pro-
pres pensées, actes ou sentiments derrière des explications rassurantes
ou complaisantes, mais erronées.

Fonction
La rationalisation consiste à substituer une raison plausible à un acte
donné, une impulsion de la part du sujet, alors qu’une motivation plus
égoïste ou plus difficile à admettre est évidente à l’observateur externe.
Tandis que la motivation sous-jacente dissimulée peut être égoïste, elle
peut aussi impliquer des sentiments d’amour ou d’attention qui peu-
vent gêner le sujet. On pense que le sujet est inconscient ou à peine
conscient de sa vraie motivation sous-jacente; il ou elle ne voit que la
raison substituée, socialement plus acceptable, de l’acte. Les raisons
invoquées par le sujet n’ont en général rien à voir avec une gratifica-
tion personnelle, et déguisent ainsi sa véritable impulsion ou motiva-
tion, bien qu’un affect quelconque puisse être quand même
perceptible.

Diagnostic différentiel

Mensonge
C’est le cousin germain de la rationalisation, et il peut être difficile
de les distinguer. Il existe probablement un continuum entre les deux
dans les cas les plus prototypiques. Mentir est un acte conscient. La
rationalisation est accompagnée d’indications montrant que le sujet est
temporairement inconscient de la motivation déguisée et du conflit qui
la recouvre. En cas de mensonge, le conflit est généralement évident à
toutes les parties concernées, car il s’agit d’un conflit aux normes
socialement acceptables (règles morales qui interdisent de tricher, de
voler, de ne pas faire son devoir, etc.). Un individu utilisera la rationa-
lisation pour se cacher la motivation à lui-même, alors qu’un individu
qui ment le fait avant tout pour cacher quelque chose à autrui. Rationa-
liser, c’est se «mentir à soi-même».
Rationalisation 87

Intellectualisation
C’est un mécanisme obsessionnel de défense, cousin germain de la
rationalisation. L’intellectualisation ne déforme pas la réalité d’une
situation ni les motivations dans un vécu, mais elle en fait des abstrac-
tions et en détache la réalité ressentie par opposition. La rationalisation
fait appel à des excuses et à des explications apparemment plausibles
afin d’écarter des faits ou des motivations sources de conflit pour le
sujet. L’intellectualisation diminue la capacité de l’observateur à parta-
ger le vécu du sujet, alors que la rationalisation met l’observateur sur
une fausse piste par rapport au vécu réel du sujet.

Projection
Elle aide le sujet à éviter de prendre conscience de ses propres actes
et motivations, et va souvent de pair avec la rationalisation. Toutefois,
la projection comporte l’étape supplémentaire d’attribution à tort des
motivations en question à autrui. La rationalisation n’a pour but que de
donner des raisons correctes mais fausses et de se les désavouer en soi-
même.

Cotation
0: Aucune preuve de l’usage de la rationalisation trouvée au cours
de l’entretien.
1: Usage probable de la rationalisation:
a. À une ou deux reprises, le sujet paraît donner plus d’explica-
tions à ses actes qu’il ne semble nécessaire. Comme s’il cherchait à
se couvrir pour se prémunir contre toute critique.
b. À une ou deux reprises, confronté à quelque faute, mauvaise
action ou échec éventuels, le sujet fuit la responsabilité de ses actes
en faisant référence à des raisons extérieures plausibles. Mais les
motivations personnelles sont exclues.
c. À une ou deux reprises, le sujet se perd en explications sur les
motifs à l’origine d’un acte donné, comme s’il cherchait à dissimuler
une motivation personnelle plus ordinaire, telle que la cupidité, la ran-
cune, la luxure ou toute autre motivation qu’il trouve inacceptable.
2: Usage certain de la rationalisation:
a. En au moins trois occasions, le sujet omet de faire référence à
ses motivations personnelles en décrivant un de ses actes; il y subs-
titue des raisons d’ordre général qui sont «pures» et loin de tout
bénéfice ou compensation personnels.
88 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

b. Une qualité de manipulateur, de roublardise apparaît clairement


dans la description que fait le sujet de ses raisons pour agir, d’une
manière générale.
c. Les mauvaises actions, échecs ou fautes sont débattus sans
angoisse apparente ni honte de la part du sujet. Il parle de raisons
«impérieuses» qui, selon lui, l’ont forcé à faire ce qui est en cause,
quoi que ce soit. Dans la plupart des cas, il y a évitement de ses pro-
pres fautes.
d. En au moins trois occasions, le sujet désavoue toute responsabi-
lité pour des pulsions ou des actes antisociaux, en référence aux fau-
tes et provocations d’autrui (par exemple: «Ce ne sera pas de ma
faute si je le cogne, s’il me traite de menteur une fois de plus!»).
Rêverie autistique 89

RÊVERIE AUTISTIQUE

Définition
L’individu gère ses conflits intérieurs ou extérieurs par un excès de
fantasmes se substituant aux relations humaines, à des actes plus effi-
caces ou à la solution des problèmes.
La rêverie se substitue à la prise en compte ou à la solution de pro-
blèmes comme moyen d’exprimer ou de satisfaire ses sentiments ou
ses envies. L’individu peut être conscient de la nature substitutive de la
rêverie, mais c’est néanmoins la seule manière dont il dispose pour
exprimer son besoin de relations gratifiantes.

Fonction
La rêverie permet au sujet d’obtenir une certaine gratification tem-
poraire et secondaire en imaginant une solution à un vrai problème ou
conflit. Il se sent bien pendant sa rêverie et évite ainsi un sentiment
d’impuissance. En fait, pendant la rêverie c’est la conviction opposée
(par exemple, l’omnipotence) qui est présente, à savoir que le sujet
peut tout faire.
La rêverie est un mécanisme inadapté lorsqu’elle se substitue à la
prise en compte de la réalité, au lieu de composer avec elle. Parfois,
pour satisfaire les besoins et résoudre les conflits, il peut y avoir une
substitution globale du monde réel par la rêverie. Cela n’altère pas la
capacité de perception et d’évaluation de la réalité extérieure.

Diagnostic différentiel

Passage à l’acte
La rêverie diffère du passage à l’acte en ceci qu’elle ne s’accompa-
gne d’aucune action. Tout se passe dans l’imagination, quel que soit le
degré d’impulsivité.

Omnipotence
Le fantasme peut s’accompagner de sentiments d’omnipotence, mais
sans croire pour autant que l’on soit réellement omnipotent et sans
exprimer cette omnipotence aux autres. Cela étant, le sujet agit sur
90 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

cette croyance en ses pouvoirs ou capacités particulières et parle de lui-


même en ce sens.

Anticipation
Le fantasme est différent de l’anticipation en ce qu’il ne comporte
aucun plan d’action ni d’anticipation de l’impact sur le monde exté-
rieur. L’anticipation peut faire usage de l’imagination comme d’un
outil pour comparer ou mettre en pratique des moyens alternatifs de
gérer les vrais problèmes, mais le vrai décor reste le monde extérieur.
Le sujet est préoccupé par les conséquences réelles de ses actions ima-
ginaires, et contrairement au fantasme où les morts peuvent ressusciter,
l’anticipation s’accompagne du vécu d’affects douloureux.

Cotation
0: Aucun exemple de rêverie n’a été décrit.
1: Utilisation de la rêverie probable:
a. Le sujet fait référence à des rêveries persistantes quand il (elle)
est seul(e).
b. Interrogé sur l’utilisation de son temps libre, le sujet déclare ne
rien faire, rester assis, ne pensant à rien de précis, ou laissant son
esprit se vider.
c. Au cours de l’entretien, interrogé sur ses relations interperson-
nelles ou sur des gens importants, le sujet décrit des événements
mineurs qui paraissent revêtir une importance disproportionnée pour
lui, par rapport à ce que l’on pourrait en attendre.
d. Le sujet décrit une ou deux situations sociales dans lesquelles il
s’est imaginé de manière persistante être quelqu’un ou quelque
chose qu’il n’est pas.
e. Le sujet décrit une interaction déplaisante avec quelqu’un. Il
rapporte de plus qu’il a revécu cette interaction en imaginant ce qu’il
aurait aimé dire, faire, etc. En élaborant cette conclusion plus grati-
fiante mais imaginaire, rien ne prouve que le sujet peut l’utiliser
pour agir différemment dans des interactions réelles. Elle apparaît
plutôt comme une fin en soi.
2: L’utilisation de la rêverie est évidente, avec une part de substitu-
tion de l’activité de la vie réelle par la rêverie.
a. Lorsque l’observateur tente de l’interroger sur ses activités de
loisirs, le sujet traite de problèmes familiaux, sociaux ou profession-
nels, il dit qu’il rêve beaucoup tout éveillé.
Rêverie autistique 91

b. Le sujet se comporte comme s’il ne se sentait pas concerné par


l’absence de relations interpersonnelles gratifiantes dans sa vie. Il ou
elle défend des affirmations, telles que: «Les gens posent trop de
problèmes… plus qu’ils n’en valent la peine. J’ai essayé mais j’ai
renoncé», et affirme qu’il a substitué la lecture, la télévision ou
d’autres sources de distraction passive et secondairement gratifian-
tes, aux relations réelles, et le préfère ainsi.
c. Le sujet décrit une vie active, importante, quelque peu organi-
sée, comprenant même au besoin un scénario, un déroulement
comme un feuilleton (vie de fantasmes comme celle de Walter
Mitty3). Il y a peu ou pas d’activité réelle dans sa vie. Par exemple:
«je passe des heures à rêver que je suis un dictateur éclairé qui règne
sur le monde et a toutes les filles qu’il veut».
d. Le sujet décrit une relation de grande importance et de forte
intensité pour lui/elle, mais avec une personne dont l’observateur
sait qu’elle ne connaît le sujet que de loin (par exemple: une fixa-
tion d’adolescent).
e. Le sujet raconte une histoire en faisant part de projets apparem-
ment irréalistes. Mais il apparaît très vite qu’il tire une compensation
gratifiante de l’élaboration de tous les détails, tout en ignorant les
contraintes et les efforts potentiellement encourus. Le sujet jouit de
son fantasme, et préfère ne pas débattre des aspects réels.

3. Personnage de The Secret Life of Walter Mitty de James Thurber. Person-


nage ordinaire, souvent inefficace, qui s’adonne à des rêveries diurnes fantasti-
ques de triomphes personnels. (N.d.T.)
92 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

DÉPRÉCIATION

Définition
L’individu gère ses conflits affectifs ou ses facteurs de stress internes
ou externes en attribuant à autrui ou à lui-même des défauts exagérés.

Fonction
La dépréciation fait référence à l’utilisation d’affirmations grossiè-
res, sarcastiques ou négatives sur les autres ou sur soi-même, dans le
but de stimuler son amour propre. La dévalorisation repousse la cons-
cience des désirs ou la déception que ces souhaits ne soient pas satis-
faits. Les commentaires négatifs sur les autres cachent généralement
un sentiment de vulnérabilité, de honte ou de non-valeur que le sujet
ressent par rapport à l’expression de ses propres désirs et de la satisfac-
tion de ses propres besoins.

Diagnostic différentiel

Projection
Contrairement à ce qui se passe dans la projection, le sujet ne reste pas
fixé à son objet, fasciné qu’il serait par les souhaits ou le pouvoir qu’il
lui attribue à tort. Plus il déprécie l’objet, plus il peut s’en distancier.

Clivage
En utilisant la dépréciation, le sujet fait un commentaire négatif sur
un objet comme pour le diminuer, le ternir, le dévaluer ou nier ses
caractéristiques propres. Il n’est donc plus obligé d’entretenir son inté-
rêt ou sa préoccupation pour l’objet ni pour l’influence potentielle de
cet objet sur lui/elle. Par le clivage des représentations de soi et
d’objet, le sujet peut aussi exprimer des sentiments négatifs sur un
objet. La distinction avec la dépréciation, toutefois, réside dans la pré-
occupation active du sujet pour les aspects négatifs de l’objet: mal-
veillant, puissant, dangereux. Il a tendance à voir tous les aspects de
l’objet sous le même éclairage négatif. Le sujet peut également indi-
quer qu’il est ou a été vulnérable aux attaques ou frustrations suscitées
par l’objet vu sous l’angle négatif du clivage. Par la dépréciation, le
Dépréciation 93

sujet apparaît invulnérable, alors qu’avec le clivage, il semble plus vul-


nérable vis-à-vis d’un mauvais objet.

Cotation
0: Aucun exemple de dépréciation d’autrui.
1: Usage probable de la dépréciation de soi ou d’autrui:
a. Le sens de l’humour du sujet est quelque peu sarcastique, sec,
ou bien le sujet fait preuve d’une répartie incisive.
b. Quand le sujet parle de personnes ou d’institutions dont il
dépend en quoi que ce soit, il réduit leur importance et essaie de les
dévêtir de leur lustre de manière à nier le besoin qu’il a d’elles.
c. Tendance à appeler les gens par des noms obscènes ou gros-
siers.
d. Le sujet formule un ou deux commentaires gratuitement dépré-
ciateurs sans qu’aucune insulte ait été essuyée et sans provocation
apparente.
e. Le sujet se déprécie à plusieurs reprises, par exemple en se qua-
lifiant lui-même de stupide, sans référence précise à un exemple ou à
une raison qui justifierait le commentaire négatif. Toutefois, il ne
s’étend pas sur cette autocritique négative.
f. Le sujet minimise ses succès ou ses réalisations, par exemple:
«Je ne suis pas réellement un vrai écrivain, tout juste un
journaliste».
g. Le ton de voix du sujet exprime la grossièreté de manière inter-
mittente.
h. À une ou deux reprises, le sujet se compare à l’autre, ou bien
formule plusieurs remarques spontanées le comparant à autrui. Il est
implicite que la comparaison lui serait défavorable.
2: Usage évident de la dépréciation:
a. Trois ou plus affirmations sarcastiques sont formulées et/ou des
réparties cinglantes sont émises.
b. Le sujet déprécie fréquemment les motivations ou les bonnes
actions d’autrui, de manière à neutraliser leur valeur. Il coupe court
aux thèmes de discussion.
c. Le sujet profère des obscénités à trois reprises au moins, pour
déprécier autrui.
d. Le sujet ne semble pas dire beaucoup de bien de quiconque et
souligne d’emblée les aspects négatifs en ignorant les points positifs,
comme si ces derniers n’existaient pas réellement. Pourtant, il ne
94 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

s’étend pas sur les commentaires négatifs, car il s’en sert pour mettre
à distance l’objet dont il peut ainsi ternir la valeur.
e. Le sujet est très critique vis-à-vis de lui-même et d’autrui, sans
justification bien claire.
f. Le sujet est préoccupé par des défauts personnels réels ou ima-
ginaires, bien qu’il puisse répondre aux tentatives de l’observateur
de se voir sous un jour plus réaliste.
Idéalisation 95

IDÉALISATION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en s’attribuant – ou en attribuant à autrui – des
qualités exagérées.

Fonction
Dans l’idéalisation, le sujet évoque des relations réelles ou préten-
dues avec les autres (y compris avec les institutions, les systèmes de
croyance, etc.) quand ils sont puissants, importants, etc. Il s’agit d’une
source de gratification et de protection contre les sentiments d’impuis-
sance, d’insignifiance, de nullité, etc. Ce mécanisme de défense pro-
duit une sorte d’alchimie de valeurs. Le sujet voit certains autres trop
bons et exagérément puissants et bien qu’il soit à même de reconnaître
les aspects factuels des défauts ou travers de la personne idéalisée, il
écarte le caractère significatif de ces derniers et préservant ainsi une
image parfaite de la personne ou de l’objet.

Diagnostic différentiel

Clivage
Dans le clivage, le sujet est incapable de reconnaître la réalité d’un
objet si celle-ci contredit l’image positive qu’il s’en fait. Dans l’idéali-
sation, les faits négatifs ne sont pas niés, mais leur importance ou leur
significativité est minimisée pour ne pas interférer avec l’entretien des
bons sentiments pour l’objet.

Cotation
0: Aucun cas d’utilisation de l’idéalisation par le sujet n’est présent.
1: Usage probable de l’idéalisation:
a. À une ou deux reprises, le sujet semble tirer quelque gratifica-
tion de la description d’exploits, de déclarations et de succès de
quelqu’un avec lequel existe une relation (par exemple: ami, théra-
peute).
96 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

b. À une occasion, confronté à certains problèmes, le sujet s’asso-


cie à des personnages de pouvoir ou importants, en formulant des
affirmations comme: «Il fait ce qu’il veut… Personne ne peut l’en
empêcher».
c. Devant des difficultés, le sujet explique comment une relation
haut placée peut l’aider à s’en sortir (par exemple: «Je connais
quelqu’un au cabinet du Ministre, qui peut m’aider»).
d. Le sujet décrit au superlatif tous les gens qui sont importants
pour lui. Quiconque compte un tant soit peu pour le sujet est forcé-
ment au-dessus de la moyenne (par exemple: «Mon médecin est un
grand de la médecine… ma seconde épouse était éclatante de
beauté!»).
2: Usage certain de l’idéalisation:
a. À au moins trois reprises, le sujet se réfère souvent, et en termes
dithyrambiques, à un personnage important alors qu’il est évident
que la relation prétendue n’existe pas ou est grossièrement exagérée.
b. Devant les difficultés qu’il rencontre, le sujet nie les problèmes
et s’associe fièrement à un personnage important qui peut tout arran-
ger. Il est peu probable que le personnage important soit activement
disposé à faire quoi que ce soit pour résoudre les problèmes actuels
du sujet.
c. Le sujet parle spontanément et sans arrêt d’une personnalité
admirée de tous, et qu’il décrit comme étant un de ses amis intimes,
alors qu’il n’a aucune relation réelle avec ce personnage.
d. Le sujet nourrit des attentes totalement irréalistes de faveurs de
la part d’une personne importante ou de pouvoir, et s’accroche obsti-
nément à cette croyance si on la met en cause.
Omnipotence 97

OMNIPOTENCE

Définition
C’est un mécanisme de défense par lequel le sujet répond aux con-
flits émotionnels ou aux facteurs de stress internes ou externes en se
montrant ou en se comportant de manière supérieure aux autres comme
s’il possédait des capacités ou des pouvoirs supérieurs à ceux des
autres.

Fonction
Ce mécanisme de défense protège le sujet contre la perte d’estime de
soi inévitable lorsque des facteurs de stress provoquent des sentiments
de déception, d’impuissance, de nullité, etc. L’omnipotence minimise
subjectivement ces expériences, bien que celles-ci puissent rester
objectivement évidentes pour autrui. L’estime de soi est ainsi artificiel-
lement poussée, au prix d’une déformation positive des représentations
de soi. Ceci se produit en réponse à une expérience qui suscite des sen-
timents contraires.

Diagnostic différentiel

Formation réactionnelle
L’omnipotence diffère de la formation réactionnelle dans la mesure
où les sentiments niés sont plus évidents pour l’observateur et le senti-
ment de puissance affiché peut être irréaliste, voire puéril. De même,
l’omnipotence s’adresse plus à l’estime de soi et aux sentiments vis-à-
vis de soi, alors que la formation réactionnelle s’adresse plutôt aux sen-
timents envers autrui.

Clivage
Le clivage (des représentations de soi) peut se rapporter à des occa-
sions où le sujet décrit les bons aspects du soi, laissant de côté les traits
négatifs mais émotionnellement significatifs. Si les représentations
positives de soi sont décrites en termes réalistes (les succès sont
authentiques, les honneurs ont été effectivement reçus), alors l’omni-
potence n’est pas utilisée en même temps. On ne notera l’omnipotence
98 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

en présence du clivage que s’il existe en plus une image hypertrophiée


des représentations de soi. L’incapacité émotionnelle à prendre cons-
cience de la pertinence des côtés négatifs du soi est une preuve de cli-
vage mais pas nécessairement d’omnipotence.

Cotation
0: Aucune preuve de déclarations d’omnipotence.
1: Usage probable de l’omnipotence:
a. Le sujet fait deux ou trois affirmations laissant entendre qu’il ou
elle a le pouvoir ou la capacité d’influencer les événements, ce que
l’observateur trouve peu vraisemblable.
b. Le sujet montre une certaine tendance à exagérer sa propre
importance ou son pouvoir sur les événements qu’il décrit.
c. Au cours de discussions sur ses problèmes ou dilemmes person-
nels, au moins à deux reprises, le sujet affiche une attitude du type
«Je peux tout faire».
d. En deux ou plusieurs occasions distinctes, le sujet se vante de
relations ou de succès, apparemment pour appuyer la perception que
les autres ont de lui/elle.
e. Le sujet décrit l’usage de stupéfiants (par exemple: cocaïne) ou
une activité (par exemple: jogging) auxquels il s’adonne de manière
un peu compulsive comme un moyen de stimuler son estime de soi
et renforcer artificiellement ses sentiments de réussite ou de maîtrise
dans d’autres domaines de la vie. La relation doit être évidente, ne
nécessitant pas beaucoup d’inférence.
2: Usage certain de l’omnipotence:
a. Bravades excessives dans la discussion de problèmes ou succès
personnels, qui se voient de manière évidente et font apparaître le
sujet comme un être immature et irréaliste.
b. Le sujet se réfère au moins trois fois à son importance et sa capa-
cité d’influencer les événements ou les gens importants ou célèbres.
Cependant, il y a peu ou pas de preuves pour soutenir ses affirmations.
c. Le sujet fait des déclarations délibérément fausses sur ses pou-
voirs spéciaux et ses capacités (lesquelles peuvent être délirantes ou
non).
d. Le sujet est grandiloquent quand il décrit ses projets, ses succès et
ses aptitudes personnelles, ou bien il se compare aux gens célèbres.
e. Le sujet agit avec assurance et affiche une attitude de type «Je
suis capable de résoudre n’importe quel problème» alors qu’il paraît
évident qu’il n’est pas capable de résoudre son propre problème.
Refoulement 99

REFOULEMENT

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en se trouvant incapable de se rappeler ou d’être
cognitivement conscient de souhaits, sentiments, pensées ou expérien-
ces désagréables ou dérangeantes.

Fonction
Le refoulement protège le sujet contre la prise de conscience de ce
qu’il est en train de vivre ou a vécu dans le passé. Le sujet vit un affect,
une pulsion ou un désir particulier, alors que la conscience réelle de ce
que c’est, ou du concept qui y est associé, reste absente. Tandis que les
éléments émotifs sont clairement présents et ressentis, les composants
cognitifs restent hors du conscient.
Quand le refoulement est utilisé, le sujet ressent des sentiments et
des pulsions qu’il ne reconnaît pas, tout en ne reconnaissant pas non
plus la situation ou la personne qui a pu les évoquer. Ignorant pourquoi
ses pulsions et sentiments sont en jeu, le sujet les exprime sans les
modifier ou les change en utilisant un mécanisme de défense supplé-
mentaire. Par exemple, l’envie refoulée de frapper quelqu’un peut être
transformée encore plus par un déplacement et se traduire par une crise
de nerfs du sujet à propos d’un ennui sans gravité.

Diagnostic différentiel
Comme le refoulement joue un tel rôle en interaction avec d’autres
mécanismes de défense, il importe qu’il ne soit noté au moyen de cette
échelle que lorsqu’il est perceptible par lui-même, non quand il est uti-
lisé conjointement à d’autres mécanismes de défense précis. Le refou-
lement, quantifié au moyen de cette échelle, est donc un concept plus
restreint, plus limitatif que celui généralement défini dans la littérature
psychodynamique.

Déni
Le déni maintient la représentation et l’affect hors du conscient, tan-
dis que le refoulement préserve une part de conscience de l’affect.
100 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Dissociation
La dissociation protège l’individu de la prise de conscience d’un
affect ou d’une représentation en modifiant le vécu conscient, alors que
le refoulement laisse intact le vécu conscient en ne maintenant que la
représentation spécifique hors du conscient.

Cotation
0: Aucun exemple particulier de refoulement n’est évident dans
l’entretien.
1: Usage probable du refoulement:
a. Le sujet commet un ou deux lapsus linguae, affirmant quelque
chose qu’il réfute ou qui est le contraire de ce qu’il prétend dire. Le
sujet peut se reprendre et se corriger ou non, ou dire quelque chose
comme «Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça» ou bien «Ma femme,
pardon, ma mère, avait l’habitude de…».
b. Le sujet oublie de quoi il parle au beau milieu de la conversa-
tion, une ou deux fois.
c. Le sujet est incapable de définir une réaction émotionnelle évi-
dente qu’il a ou a eue, tout en manifestant une certaine émotion au
sujet de l’événement décrit.
d. Quand on lui pose des questions comme «Qu’est-ce que ça
vous a fait?», le sujet répond par l’équivalent de «Je n’en sais
rien».
e. Une fois, le sujet ne peut décrire ou exprimer une impulsion ou
un affect particulier de sa vie, même aiguillonné par l’investigateur
(par exemple: désirs sexuels, colère, etc.).
f. Le sujet décrit une anxiété flottante mais n’a pas d’opinion pré-
cise sur ce qui le préoccupe.
2: Usage certain du refoulement au cours de l’entretien:
a. Le sujet oublie des détails significatifs d’événements traumati-
sants qui lui sont arrivés, et dont il devrait normalement se souvenir
(ne pas inclure si un traumatisme crânien avec perte de connaissance
a contribué à l’épisode traumatisant).
b. Le sujet laisse les choses déplaisantes dans le vague: il ou elle a
du mal à se rappeler les exemples précis, alors que certains devraient
lui revenir spontanément.
c. Le sujet oublie fréquemment ce dont il parle, en particulier sur
les sujets à forte charge émotionnelle. Il peut répondre d’une
manière inhabituellement brève à des interrogations sur ces sujets,
Refoulement 101

ou bien répondre «Je n’en sais rien» de façon répétitive, alors


qu’une réponse serait logique.
d. Le sujet est toujours incapable de définir un type particulier
d’émotion, de pulsion, etc. comme colère, désir sexuel, peur, etc. Il
doit y avoir une incapacité frappante ou un manque de conscience
sans déni particulier quand l’interlocuteur suggère ce que le sujet a
pu vivre.
e. Le sujet ne semble pas reconnaître ou exprimer de réactions
émotionnelles.
f. Le sujet se vexe ou se met en colère sans raison apparente au
cours de l’entretien, mais sans savoir pourquoi (par exemple: «Je
me demande pourquoi je m’énerve en ce moment» – le sujet a l’air
de s’interroger et essuie des larmes: «il n’y a aucune raison de
pleurer»).
g. Le sujet commet deux ou trois lapsus linguae; ou bien il en fait
un dont l’importance psychodynamique est évidente, c’est-à-dire qui
en général devrait le troubler, l’embarrasser ou le distraire momenta-
nément de toute action.
102 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

DISSOCIATION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes par une altération temporaire des fonctions d’inté-
gration de la conscience, de la mémoire et de sa propre identité. Dans
la dissociation, un affect ou une pulsion dont le sujet n’est pas cons-
cient se produit dans sa vie hors de sa conscience. La représentation
ainsi que l’affect ou la pulsion associée restent hors du conscient mais
s’expriment par une altération de la conscience. Alors que le sujet peut
avoir l’impression que quelque chose d’inhabituel se passe dans de tels
moments, il n’a pas conscience que ses propres affects ou pulsions sont
en train de s’exprimer. La dissociation peut entraîner une altération
fonctionnelle ou un comportement inhabituel.

Fonction
Le matériel dissocié est en général vécu comme trop menaçant, trop
conflictuel ou trop anxiogène pour être admis dans le conscient et
reconnu par le sujet. Des exemples courants de matériel menaçant
comprennent le souvenir d’un traumatisme et la peur de la mort qui
l’accompagne, les sentiments d’impuissance, ou une pulsion soudaine
de tuer un proche. La dissociation permet l’expression de l’affect ou de
la pulsion en altérant la conscience, permettant à l’individu de se sentir
moins coupable ou moins menacé.

Diagnostic différentiel

Mensonge
Les épisodes qui semblent impliquer une dissociation et qui concer-
nent des faits criminels ou un comportement de passage à l’acte, pour
lequel le sujet se prétend amnésique, doivent être distingués du men-
songe conscient.
Dissociation 103

Autres diagnostics différentiels


La dissociation peut se différencier des autres mécanismes de
défense par la plus importante modification de personnalité qu’elle
implique.
Le déplacement modifie l’objet, mais la conscience de la pulsion ou
de l’affect reste intacte.
La formation réactionnelle modifie l’affect ou le souhait en son con-
traire, mais l’objet demeure.
L’isolation minimise la conscience de l’affect, mais le concept reste
conscient.
Le refoulement maintient le concept dans l’inconscient, mais l’affect
ou la pulsion demeure.
Le clivage de sa propre image ou de celle d’autrui maintient les ima-
ges de signification émotionnelle particulière dans le conscient tout en
minimisant la conscience de concept(s) de signification affective diffé-
rente. Quand le clivage et la dissociation se produisent ensemble, il
peut en résulter des modifications spectaculaires du fonctionnement de
la personnalité (personnalités multiples).

Cotation
0: Aucune preuve de dissociation ne ressort de l’entretien.
1: L’usage probable de la dissociation ressort clairement de l’entre-
tien:
a. Le sujet se joint occasionnellement à d’autres qui expriment leurs
impulsions ou émotions de manière désinhibée, ce qui se traduit sou-
vent par un comportement illicite. Bien que cela ne ressemble pas au
comportement habituel du sujet, celui-ci semble inconscient de cette
fascination apparente pour les pulsions ainsi exprimées.
b. Le sujet décrit un ou deux épisodes de comportement inhabituel
exprimant des pulsions à l’état brut (par exemple: «J’ai jeté un verre
d’eau à la figure de mon ami»). Le sujet réagit par des commentaires
tels que «Je ne comprends tout simplement pas ce qui m’a poussé à
faire ça, ce n’est pas moi du tout». Le comportement décrit ci-dessus
est à distinguer du comportement généralement tapageur qui se produit
quand le sujet est ivre.
c. Le sujet exprime un affect ou une pulsion en développant un
symptôme (comme une dépersonnalisation ou un mal de tête quand il
est en colère) ou par l’apparition d’un comportement symptomatique
(s’endormir devant un nouveau travail, ou s’engager dans une longue
104 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

diatribe à la suite d’une provocation minime et sans s’en souvenir par


la suite).
2: Usage évident de la dissociation:
a. Le sujet est somnambule: il décrit des états de fugue, d’amné-
sie (non pas des comas éthyliques), personnalité multiple, état de
transe spontanée ou perte temporaire de fonctions sensorielles ou
motrices qui expriment des pulsions ou des affects excitants ou con-
flictuels.
b. Le sujet décrit une blessure récente, un traumatisme, un symp-
tôme, etc., avec une indifférence totale, passant ainsi à l’observateur
le message affectif que l’événement en question semble presque ne
l’avoir pratiquement pas marqué de manière significative. Toutefois,
le sujet ne nie pas l’existence de l’événement ou du symptôme.
c. Le sujet s’associe avec d’autres qui font des choses spectaculai-
res et impulsives (y compris des activités illicites) tout en se com-
portant comme s’il ignorait lui-même de tels intérêts chez lui. Le
sujet peut de plus afficher des preuves de sa fascination pour ce que
les autres font en les imitant ou en copiant leurs manières et leur
façon de s’habiller Par exemple: La «fille bien» qui s’habille
comme la meilleure amie d’une prostituée.
d. Le sujet note au moins trois occasions de se mettre en difficulté
pour avoir dit ou fait quelque chose qu’il prétend n’avoir pas voulu
dire ou faire.
e. Au cours de l’entretien, le sujet développe un symptôme de
trouble de la conscience («Je me sens tout d’un coup perdu, et inca-
pable de penser») en réaction à l’évocation d’un sujet à forte charge
émotionnelle.
Formation réactionnelle 105

FORMATION RÉACTIONNELLE

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en substituant à un comportement, à des pensées
ou à des sentiments personnels inacceptables d’autres qui leur sont dia-
métralement opposés.

Fonction
Dans la formation réactionnelle, un affect ou une pulsion originale
est jugée inacceptable par le sujet et une substitution inconsciente
s’effectue. Des sentiments, des pulsions et des comportements d’une
couleur affective opposée sont substitués aux originaux. L’observateur
ne décèle pas l’altération en soi, mais seulement son résultat. En sup-
plantant les sentiments originaux inacceptables par leur contraire, le
sujet évite les sentiments de culpabilité. Qui plus est, la substitution
peut alimenter un souhait de se sentir moralement supérieur.
Il est raisonnable de supposer qu’il y a formation réactionnelle
quand un sujet réagit à un événement par une émotion à l’opposé des
sentiments normalement évoqués chez les autres. Le plus clair exemple
en est quand attention et préoccupation remplacent la colère ou la
crainte vis-à-vis de ceux qui agissent contre le sujet. Ou bien quand la
rudesse et le dénigrement remplacent le soin et l’intérêt jugés, eux,
inacceptables.

Diagnostic différentiel

Annulation
Diffère de la formation réactionnelle en ce que l’observateur perçoit
les affects opposés ou les pulsions, en alternance, sans formation de
compromis. Dans la formation réactionnelle, l’affect substitué est clai-
rement présent, alors que l’original doit être inféré.

Cotation
0: Aucun exemple de formation réactionnelle ne ressort de l’entre-
tien.
106 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

1: Usage probable de formation réactionnelle:


a. Une ou deux fois au cours de l’interview, le sujet décrit une
réaction personnelle à une situation, à l’opposé de celle que l’on
pourrait attendre (par exemple: «Je me suis réellement inquiété
pour lui, après qu’il ait pu me faire subir une telle chose»).
b. Une ou deux fois dans la discussion, le sujet minimise ses pro-
pres sentiments lorsqu’il y a désaccord avec l’interlocuteur sur sa
façon d’interpréter ou de voir les choses. Le sujet paraît se soumettre
à l’interlocuteur et revenir sur ses propres sentiments.
c. Une ou deux des relations intimes du sujet semblent l’amener à
donner plus qu’il ne reçoit, bien que le sujet ne reconnaisse pas cette
réalité ou pense recevoir beaucoup en donnant beaucoup.
d. Le sujet décrit avec beaucoup d’enthousiasme une activité ou
un événement qui d’habitude l’effraie. L’enthousiasme est exagéré
(contra-phobique) et il ne reconnaît pas les attitudes d’effroi qui se
manifestent habituellement.
e. Le sujet est très coopérant et agréable avec l’observateur, mon-
trant peu d’hésitation, même face à des questions intimes ou anxio-
gènes pour lesquelles un degré d’hésitation, de gêne ou de résistance
serait acceptable.
2: Usage évident de la formation réactionnelle:
a. Le sujet ne se met jamais en colère, n’est que plus agréable et
amical envers ceux qui devraient plutôt le frustrer, le mettre en
colère ou l’énerver.
b. Le sujet ne dit jamais de mal de personne, alors que l’on
s’attendrait au moins à quelques réactions négatives.
c. Le sujet paraît «coincé» sur certaines questions, par exemple
l’auto-affirmation quand il est en colère ou énervé, car il est invaria-
blement trop compréhensif, indulgent ou inquiet pour les autres.
d. Le sujet s’interdit des choses qu’il désire réellement (par exem-
ple: une relation d’amour ou d’amitié) en y substituant des senti-
ments d’aversion. Cela le maintient éloigné de quelques objets ou
actes importants et désirés (par exemple: «Je hais les filles; elles
sont trop sentimentales»). Il doit ressortir de l’entretien que le sujet
en fait désire ce qu’il rejette.
e. Le sujet s’investit trop dans une relation sans gratification ou
même pénible, voire répond à chaque demande ou insulte en s’enga-
geant encore plus, en faisant encore plus d’efforts pour plaire, etc.
f. Le sujet dit «oui» à presque tout ce que fait remarquer l’inter-
rogateur, alors que l’on pourrait s’attendre à un désaccord ou une
discussion.
Déplacement 107

DÉPLACEMENT

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en généralisant ou en déplaçant un sentiment ou
une réponse d’un objet vers un autre, habituellement moins menaçant.
La personne qui a recours au déplacement peut être ou non consciente
que l’affect ou la pulsion exprimée envers l’objet déplacé était destiné
à quelqu’un d’autre.

Fonction
Le déplacement permet d’exprimer un affect, une pulsion envers une
personne ou un autre objet semblable à celui qui a initialement suscité
l’affect ou la pulsion. L’affect et/ou la pulsion sont exprimés pleine-
ment et reconnus mais sont faussement redirigés vers une cible moins
conflictuelle. Le déplacement autorise plus d’expression de l’affect et
de gratification, même si l’objet de la pulsion est différent des autres
mécanismes de défense névrotiques.

Diagnostic différentiel

Dissociation
La dissociation implique un changement de la conscience du sujet
ou du fonctionnement caractéristique de sa personnalité, mais la cible
n’est pas nécessairement altérée. Dans le déplacement, la personnalité
caractéristique de l’individu n’est pas altérée, alors que l’objet de
l’affect ou de la pulsion est changé.

Agression passive
Elle témoigne de l’hostilité envers ceux qui provoquent de la frustra-
tion ou de la déception chez le sujet, mais implique généralement un
comportement passif et indirect. Le déplacement implique l’expression
directe et active de l’affect ou de la pulsion mais la cible a changé.
108 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Projection
La projection implique le déni et la fausse attribution de ses propres
souhaits ou affects à un autre, qui devient l’objet de la pulsion. Dans le
déplacement, l’affect ou la pulsion n’est pas nié.

Cotation
0: Aucune preuve de l’usage du déplacement.
1: Usage probable du déplacement:
a. À un moment de l’entretien, le sujet commente des sentiments
ou des actes envers un objet relativement insignifiant pour lui, les
sentiments et les actes ressemblant étrangement à ceux que le sujet a
montrés à d’autres moments de l’entretien envers quelqu’un de plus
important à ses yeux.
b. Le sujet révèle des sentiments de colère envers les mauvaises
actions d’autrui, mais pas celles qui le touchent particulièrement (par
exemple: «On devrait enfermer tous ces poivrots, ça les
dessoulerait»). À d’autres moments de l’entretien, il devient clair
que le sujet est sans doute en colère à propos de quelque mauvaise
action commise à son encontre par une personne importante à ses
yeux (par exemple: «Oui, mon mari a encore dépensé l’argent du
loyer en buvant, cette semaine»).
c. Le sujet paraît assez préoccupé, avec des sentiments positifs
envers une personne ou un objet qui n’a que peu à voir avec le sujet
mais qui a des points de ressemblance avec quelqu’un de bien connu
et bien aimé par lui. Le sujet peut se sentir quelque peu troublé par la
« cause » de l’importance de ces sentiments positifs.
d. Quelqu’un se met en colère après le sujet qui, à son tour, se
fâche après quelqu’un d’autre (par exemple: le patron crie après le
sujet, lequel se querelle avec son conjoint par la suite).
Exemple: «Ouais, mauvaise journée au boulot. J’ai engueulé ma
femme pour n’importe quelle raison quand je suis rentré.»
2: Usage évident du déplacement:
a. Le sujet «a un métro de retard» dans une réaction importante à
quelqu’un parce que tout son affect est mal dirigé vers une autre per-
sonne ou un autre problème. Par exemple: après une violente et lon-
gue diatribe contre un collègue dont il pense qu’il n’est pas assez
coopératif, malgré la preuve du contraire, le sujet passe sur le refus
récent d’un parent d’accorder un prêt pourtant très nécessaire,
Déplacement 109

disant: «Oui, dommage que Papa n’ait pas pu nous aider» sans
aucune colère à propos de cette déception.
b. Le sujet est préoccupé par le fait que de « petits » ennuis le
contrarient autant. Il est généralement très pointilleux sur des choses
relativement insignifiantes, ou bien a des phobies qui peuvent se
comprendre dynamiquement.
c. Le sujet formule au moins trois commentaires sur l’observateur,
dans lesquels le sentiment ou le concept exprimé paraît déplacé car
s’appliquant à quelqu’un dans la vie du sujet et décrit à un autre
moment de l’entretien. (Ne pas inclure si le sujet utilise le clivage
pour d’autres personnes que l’interrogateur.)
d. À trois reprises au moins, en parlant d’un événement à forte
charge affective, le sujet exprime plus de sentiments à propos de
détails sans importance que sur le point crucial ou l’effet principal
de l’événement.
110 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

ISOLATION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes et externes en étant incapable d’éprouver simultanément les
éléments cognitifs et affectifs d’une expérience en raison d’un refoule-
ment de ses affects. Dans le mécanisme de défense de l’isolation, le
sujet perd la notion des sentiments associés à une idée donnée (par
exemple: un événement traumatisant) tout en restant conscient des élé-
ments cognitifs (détails descriptifs). Seul l’affect est perdu ou écarté
alors que la représentation reste consciente. Il s’agit de l’inverse du
refoulement, où l’affect est préservé mais la représentation est écartée
et non reconnue.
Parfois, l’affect peut être momentanément détaché de la représenta-
tion associée. Il est par la suite ressenti sans association à l’expérience
et l’idée originales. Il y a plutôt un intervalle neutre d’intervention
entre la connaissance de la représentation et le vécu des affects asso-
ciés.

Fonction
Les individus qui se sentent menacés ou angoissés par leur vécu
émotionnel peuvent toujours faire face confortablement aux idées et
aux événements apparentés tandis que leurs affects associés sont main-
tenus hors du conscient. Les affects isolés sont très souvent accompa-
gnés d’angoisse, de honte ou de culpabilité qui émergeraient s’ils
étaient directement ressentis. Le prix à payer pour éviter l’angoisse, la
honte ou la culpabilité associée est que le sujet se prive de sentiments
qui lui donneraient des informations importantes sur lui-même et qui
pourraient faciliter certains choix.

Diagnostic différentiel

Intellectualisation
L’intellectualisation et l’isolation servent toutes deux à minimiser la
conscience de l’affect tout en préservant la conscience des idées. Ces
deux mécanismes de défense sont souvent concomitants, ce qui com-
plique un peu plus leur différentiation. L’intellectualisation aide le
Isolation 111

sujet à se distancer de ses propres sentiments en recourant à des géné-


ralisations, à des principes généraux, à ce qui est vrai pour d’autres
individus plutôt qu’à sa propre expérience. En se polarisant sur des
généralisations, le sujet se distancie de ses sentiments réels. L’isolation
ne nécessite pas que le sujet recoure à des généralisations sur lui ou sur
les autres plutôt qu’à sa propre expérience.

Cotation
0: Aucune preuve d’isolation de l’affect.
1: Usage probable de l’isolation de l’affect:
a. À une ou deux reprises, le sujet décrit une expérience personnelle
significative mais sans aucune marque ou mention de sentiments, soit
autour de l’événement original, soit rémanents. Pour fixer les idées,
l’événement devrait être de magnitude moyenne ou supérieure, comme
la mort d’un être cher, la non-atteinte d’un objectif important, un aban-
don, une déception d’intensité moyenne, etc.
b. Parlant d’un traumatisme personnel, le sujet décrit l’événement
dans le détail, mais omet de dire à quel point il a été affecté. L’expres-
sion du visage, le ton de la voix et autres indices indirects n’expriment
pas beaucoup d’affect.
c. Le sujet décrit une expérience que l’investigateur s’attendrait à
trouver chargée d’affect, alors que le sujet n’exprime aucune émotion à
ce propos. Plus tard au cours de l’entretien, l’affect se fait jour, même
hors contexte et sans lien avec la discussion de l’événement décrit plus
tôt (par exemple: après avoir parlé d’une déception professionnelle
avec très peu de sentiments, le sujet déclarera plus tard: «Je me sens
triste tout d’un coup. Je me demande bien pourquoi»). Le sentiment
est sous-jacent.
2: Isolation de l’affect évidente:
a. Le sujet se montre doué pour décrire en détail des événements de
sa vie, mais médiocre dans la description de tout affect s’y rapportant.
C’est comme s’il fonctionnait comme un tiers, un reporter omniscient
qui décrit sa propre vie sans la moindre réaction personnelle.
b. Les traumatismes personnels sont relatés sans aucune référence à
des réactions émotionnelles personnelles. De plus, le sujet prétend
même qu’il ne les a jamais vraiment ressenties (par exemple: «Après
l’accident de voiture, je ne me suis même pas inquiété, je me suis
repris et suis reparti travailler»).
c. Le sujet décrit de nombreux événements malheureux sans montrer
le moindre sentiment. Il peut décrire ses sentiments prédominants,
112 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

mais il sont sans rapport avec les événements décrits au cours de


l’entretien. Le lien entre la description d’événements et des émotions
qui s’y rattachent n’est pas fait par le sujet (par exemple: «La vie me
semble fastidieuse et déprimante, et je ne sais pas pourquoi»).
d. Le sujet s’exprime comme s’il était complètement détaché émo-
tionnellement de ce qu’il dit de lui-même ou de son vécu.
Intellectualisation 113

INTELLECTUALISATION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes par un usage excessif de la pensée abstraite, pour
éviter de ressentir des sentiments dérangeants.

Fonction
L’intellectualisation est un mécanisme de défense contre les affects
ou pulsions dont la représentation reste consciente et s’exprime par une
généralisation, détachant ou distançant ainsi le sujet de l’affect ou de la
pulsion. La qualité émotionnelle est perdue, ainsi que le caractère
impérieux de la pulsion. Les éléments cognitifs restent conscients,
mais en termes impersonnels ou sous forme de généralisations. Le
sujet se réfère souvent à son vécu en termes très généraux ou à la
seconde ou troisième personne.
Il n’est pas nécessaire d’être intelligent pour faire appel à l’intellec-
tualisation. Il ne s’agit que d’une stratégie cognitive destinée à minimi-
ser l’importance ressentie des problèmes rencontrés au cours d’une vie
affective. Comme tous les autres mécanismes de défense, on peut par-
fois l’observer en cas de retard mental ou chez les victimes de syndro-
mes cérébraux organiques.

Diagnostic différentiel

Isolation
Elle est présente chez les individus qui utilisent l’intellectualisation
plus souvent que le voudrait le hasard, compliquant ainsi la distinction
entre ces deux mécanismes de défense. Les deux mécanismes éloi-
gnent le sujet de ses propres sentiments. L’isolation y parvient directe-
ment en détachant et en compartimentant les sentiments du sujet,
taisant leur vécu direct tout en laissant le sujet à même de décrire les
détails matériels de son vécu. L’intellectualisation y parvient indirecte-
ment, le sujet traduisant d’abord son vécu en généralités (par exemple:
généralisations abstraites, narration à la troisième personne) qui le dis-
tancient du vécu immédiat des sentiments.
114 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Rationalisation
C’est un désaveu apparenté à l’intellectualisation. Cette dernière ne
déforme pas les faits d’une situation ou les motivations d’un vécu,
mais les rend abstraits et en détache la dimension ressentie. La rationa-
lisation, au contraire, fait appel à des excuses et des raisons plausibles
pour masquer les faits et les motivations que le sujet entend cacher.
L’intellectualisation diminue la capacité de l’auditeur à s’identifier au
vécu du sujet, alors que la rationalisation le met sur une autre piste que
celle du vécu actuel du patient.

Projection
Elle s’exprime souvent par le recours à des affirmations d’ordre
général qui peuvent la faire confondre avec l’intellectualisation.
Cependant, quand la projection est démontrée par l’expression de
généralités (par exemple: « Tout le monde voudrait tout avoir pour
rien ces temps-ci»), l’objet de la projection est toujours: une motiva-
tion, une impulsion, un sentiment ou un vécu que le sujet désavoue.
Dans l’intellectualisation en revanche, le sujet ne désavoue pas sa
motivation ou son vécu, mais préserve les faits. La généralisation sert à
taire la dimension ressentie de son vécu.

Cotation
0: Aucune preuve d’intellectualisation au cours de l’entretien.
1: Utilisation probable de l’intellectualisation au cours de l’entre-
tien:
a. Le sujet répond à quelques questions – mais pas en majorité –
spécifiques sur ses sentiments ou réactions personnelles en rapport
avec des événements de sa vie par des affirmations impersonnelles;
les déclarations de sentiments personnels sont évités ou éludés (par
exemple: «Suis-je heureux? Oh, je ne crois pas que le bonheur
existe vraiment»).
b. À deux ou trois reprises, le sujet utilise la troisième personne
pour répondre aux questions de l’interrogateur (par exemple: «Oh,
ça ne rend pas vraiment heureux…» ou... «Je crois que la plupart
des gens feraient de même dans ce cas»).
c. Le sujet pose à l’interrogateur un certain nombre de questions
qui relèvent plus de questions de type scolaire que d’un entretien.
Par exemple.: «Pouvez-vous m’expliquer comment le Tofranil agit
Intellectualisation 115

sur mon système nerveux?» ou «Croyez-vous que la plupart des


gens sont angoissés aussi?»
2: Exemples évidents d’intellectualisation au cours de l’entretien:
a. Le sujet n’est pas facile à interroger car il répond à la plupart
des questions par des déclarations d’ordre général, évitant ainsi de
répondre aux questions sur les sentiments et les réactions personnels.
b. Dans de nombreux cas, les réponses du sujet prennent la forme
de preuves mathématiques mettant à rude épreuve la patience de
l’observateur.
c. Le sujet est incapable de parler de ses propres sentiments sans
recourir à la troisième personne.
d. Le sujet est difficile à interroger car il pose de nombreuses
questions «scientifiques» à l’observateur et semble préférer la dis-
cussion à l’entretien.
e. La plupart des descriptions que fait le sujet de ses sentiments
sont dévitalisées, car il les décrit de manière très générale (par exem-
ple: «Ma tristesse était le produit inévitable des attentes extrêmes
de mes parents et d’autres expériences parentales vécues pendant ma
croissance»).
f. Dans la plupart des cas où le sujet décrit une expérience vécue,
il a recours à des abstractions, des généralisations ou à la troisième
personne, au lieu de discuter directement de ses sentiments.
116 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

ANNULATION

Définition
Le sujet répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en adoptant un comportement destiné à corriger
symboliquement ou nier des pensées, des sentiments ou des actions
antérieures.

Fonction
Dans ce mécanisme de défense, le sujet exprime un affect, une pul-
sion ou commet une action qui reflète des sentiments de culpabilité ou
de l’angoisse. Puis il minimise sa détresse en exprimant un affect, une
pulsion ou une action contraires. L’acte réparateur exempte le sujet de
la souffrance du conflit. Dans la conversation, ses déclarations sont
immédiatement suivies de précisions dont la signification est à
l’opposé de l’affirmation initiale. Pour l’observateur, cette association
d’une déclaration et de son contraire rend difficile l’identification du
sentiment ou de l’intention première du sujet.
De mauvaises actions peuvent être suivies de réparations à l’égard
de l’objet de l’action. Le sujet semble obligé d’effacer ou d’annuler
son action première.

Diagnostic différentiel

Clivage
Clivage et annulation impliquent tous deux des conflits se rapportant
à des vécus contraires ou opposés. Dans le clivage, un vécu par le soi
ou par autrui ne peut pas s’accommoder d’expériences dont la charge
affective est à l’opposé (par exemple: bien et mal, puissance et fai-
blesse, etc.). Les deux sont en général séparés dans le vécu du sujet et
il est rare que des déclarations se rapportant à des expériences ou signi-
fications soient voisines dans le temps. Dans l’annulation, le sujet fait
une déclaration sur un objet puis très rapidement le qualifie comme
pour éviter les critiques sur sa déclaration initiale (par exemple: «Ma
femme est vraiment épouvantable. Attention, elle est pleine de bonnes
intentions»). Le sujet peut garder conscience de la contradiction appa-
rente ou de la dissonance cognitive.
Annulation 117

Formation réactionnelle
Elle diffère de l’annulation car seul l’affect substitué est clairement
mis en évidence, alors que l’affect original doit être inféré. Dans
l’annulation, le sujet exprime en général des affects ou des pulsions
opposés en alternance, sans formation de compromis.

Cotation
0: Aucune preuve d’annulation dans les actes ou déclarations du
sujet.
1: Usage probable de l’annulation:
a. Le sujet formule deux ou trois affirmations comme: «Parfois
mon conjoint me rend fou (folle); non, ce n’est pas vrai, pas vrai-
ment fou». Le sujet affirme quelque chose puis le contredit immé-
diatement.
b. Le sujet décrit une soi-disant mauvaise action personnelle.
Rapidement suivie par la description d’une action réparatrice effec-
tuée dans la foulée. Il n’est pas fait référence à une notion de culpa-
bilité ou de responsabilité avant cette description de l’acte
réparateur.
c. À une ou deux reprises, le sujet ne laisse pas une longue décla-
ration sur ses sentiments rester sans qualification. Toutefois, ces
qualifications tendent à ternir la pureté de ses sentiments plutôt que
de les clarifier, rendant ainsi difficile la compréhension de ce qu’il
ressent vraiment.
2: Usage certain de l’annulation:
a. À trois reprises ou plus, le sujet fait de longues déclarations sur
ses sentiments, pulsions, croyances et actes, mais se contredit immé-
diatement après.
b. Le sujet précède trois ou plus des ses propres déclarations par
« je me trompe sûrement, mais… » ou une affirmation semblable,
comme pour annuler le poids de ce qu’il est sur le point de dire. Il
désavoue ainsi ce qu’il entend formuler avant même de l’avoir
dit !
c. Si l’interrogateur essaie de clarifier une affirmation du sujet,
celui-ci répond généralement: «oh, pas vraiment» ou «pas
exactement» suivi par une qualification qui ne clarifie rien pour
l’observateur. Le sujet parait plutôt embarrassé pour s’engager par
une affirmation quelconque.
118 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

d. À deux reprises au moins, le sujet décrit spontanément des actes


réparateurs pour ses mauvaises actions telles qu’il les perçoit (par
exemple: «Après avoir perdu aux courses, j’ai acheté des fleurs
pour ma femme»).
e. Le sujet raconte avoir accompli deux ou plusieurs actes de répa-
ration à la suite d’un acte qui lui avait laissé un sentiment de culpabi-
lité.
Capacité de recours à autrui 119

CAPACITÉ DE RECOURS À AUTRUI4 4

Définition
L’individu répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en se tournant vers les autres pour rechercher de
l’aide ou un soutien. Il peut s’exprimer, confier ses problèmes et se
sentir moins seul ou moins isolé dans son problème ou son conflit.
Cela peut aussi aboutir à recevoir des conseils ou une aide concrète.
L’aptitude à se confier conduit à une augmentation de la capacité de
l’individu à faire face, l’autre apportant une reconnaissance affective et
un soutien.
La capacité de recours à autrui n’implique pas de confier à l’autre la
résolution de ses problèmes, pas plus qu’elle n’implique de forcer
quelqu’un à aider ou de paraître désarmé pour susciter l’aide d’autrui.
Cette capacité de recours ne se manifeste pas par l’appartenance à un
groupe social (église, associations, alcooliques anonymes) ou par le
fait de consulter. Elle se manifeste plutôt et elle se révèle par les échan-
ges que le sujet établit au sein du groupe social en rapport avec ses pro-
blèmes ou conflits ou par le fait de se confier aux autres.

Fonction
La capacité de recours à autrui allie le besoin d’attachement affectif
du sujet avec son souhait de faire efficacement face aux conflits ou aux
facteurs de stress internes ou externes. Cette capacité à faire face est
augmentée par la recherche du soutien d’autrui, tandis que les besoins
d’attachement sentimentaux se trouvent satisfaits par la même occa-
sion. Les autres peuvent renforcer le répertoire de compétences du
sujet par leur aide, leurs conseils, les propositions de modèles, la plani-
fication, leur capacité de discernement, des jeux de rôles, des entraîne-
ments, etc. Cela s’accompagne généralement d’une diminution de la
tension subjective, résultant de l’extériorisation de ses sentiments et du
partage de ses conflits intérieurs.

4. Angl. Affiliation. (N.d.T.)


120 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Diagnostic différentiel

Hypocondrie
Elle diffère de la capacité de recours dans la mesure où elle exprime
une part d’hostilité envers autrui, sous la forme d’une plainte associée
au rejet de l’aide. La capacité de recours, au contraire, ne s’exerce pas
au détriment d’autrui. De plus, la capacité de recours ne constitue pas
une manipulation d’autrui, pour satisfaire les besoins d’attachement et
de dépendance du sujet.

Altruisme
Il diffère de la capacité de recours à autrui en ce que le fait de com-
mettre de bonnes actions est un élément nécessaire à la relation avec
autrui. La capacité de recours à autrui vise à obtenir de l’aide pour soi-
même, mais n’exclut pas d’en partager les bienfaits dans le cadre de
problèmes ou de conflits.

Cotation
0: Aucun exemple de capacité de recours à autrui en réponse à des
conflits émotionnels.
1: Capacité de recours probable:
a. Commentant sur deux ou plusieurs exemples de conflits affec-
tifs ou de situations stressantes, le sujet raconte avoir cherché aide
auprès d’autrui. Toutefois, il n’est pas certain que le sujet ait établi
une relation de confiance qui aurait encouragé le partage affectif et
amélioré le coping5, bien que ce soit probable.
2: Capacité de recours à autrui certaine:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs exemples de conflits émotion-
nels ou de situations stressantes dans lesquels le recours à autrui
s’est révélé la meilleure ressource pour régler un problème. Il doit

5. Cf. DSM-IV. Traduction française, Masson, Paris, 1996, p. 875 et DSM-IV-


TR Traduction française, Masson, Paris, 2003, p. 930: to cope = faire face. Ce
terme n’est généralement pas traduit dans les ouvrages de langue française
traitant des thérapies comportementales et cognitives. I. Paulhan et
M. Bourgeois ont proposé l’expression: stratégies d’ajustement. In: Stress et
coping. Les stratégies d’ajustement à l’adversité. PUF, coll. Nodules, Paris,
1995. (N.d.T.)
Capacité de recours à autrui 121

être clairement établi que le sujet a créé une relation permettant un


partage affectif positif, en plus d’une plus grande capacité à faire
face ou à recevoir une aide directe. Le sujet peut également montrer
de la reconnaissance personnelle pour l’aide reçue.
b. Le sujet décrit un conflit ou un facteur de stress externe dans
lequel le recours à autrui a joué un rôle majeur dans la capacité à
faire face. L’importance du conflit et celle du soutien affectif reçu
doivent être convaincantes, quel que soit le succès du sujet à régler
le problème. Le sujet doit être à même de décrire les vraies caracté-
ristiques de l’aide reçue et des personnes ou du groupe social impli-
qués. La reconnaissance doit être évidente.
122 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

ALTRUISME

Définition
L’individu répond aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en s’attachant à répondre aux besoins des autres,
en partie comme moyen de satisfaire ses propres besoins. En faisant
preuve d’altruisme, le sujet reçoit une gratification partielle, soit sous
forme de bénéfice secondaire, soit directement de par la réponse
d’autrui. Le sujet a généralement conscience, dans une certaine
mesure, que ses propres besoins ou sentiments sous-tendent ses actes
altruistes. Il peut exister également une récompense directe ou une rai-
son d’intérêt personnel caché derrière les actes altruistes.
Pour noter la présence de l’altruisme, il est nécessaire de trouver une
relation directe, fonctionnelle démontrable entre les sentiments du
sujet et la réponse altruiste.

Fonction
L’altruisme satisfait les besoins d’attachement et de relations socia-
les tout en répondant aux conflits affectifs en aidant autrui. Dans bien
des cas, le conflit tourne autour d’une détresse liée à des exemples pas-
sés de situations stressantes, dans lesquelles le sujet n’a pas trouvé
toute l’aide nécessaire. L’altruisme canalise des affects, comme la
colère, ou des expériences vécues, comme l’impuissance, vers des
réactions socialement utiles qui renforcent aussi le sentiment de pou-
voir maîtriser le passé.

Diagnostic différentiel

Projection et passage à l’acte


La projection et le passage à l’acte d’un fanatique, par exemple, sont
différents de l’altruisme dans la mesure ou ce dernier apporte une aide
réelle à autrui, pas seulement une aide imaginaire.

Formation réactionnelle
Elle diffère de l’altruisme en ce que celui-ci procure quelque gratifi-
cation au sujet, alors que la formation réactionnelle sacrifie la gratifica-
Altruisme 123

tion au profit de la protection du sujet contre la prise de conscience de


sentiments ou pulsions conflictuels.

Sublimation
Elle diffère de l’altruisme en ce que ce dernier implique des actions
assez directes en faveur d’autrui, alors que la sublimation directe n’a
pas d’effet direct tout en faisant profiter autrui des réalisations ou des
créations artistiques du sujet.

Capacité de recours à autrui


Contrairement à l’altruisme, elle n’implique pas que le sujet donne
quoi que ce soit à autrui en échange de sa capacité à faire face à ses
conflits intérieurs.

Cotation
0: Aucun exemple d’altruisme en réponse aux conflits affectifs ou
situations stressantes.
1: Utilisation probable de l’altruisme:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs exemples où il a aidé autrui.
Toutefois, la relation avec les conflits ou les expériences vécues lors
desquels le sujet a eu besoin d’aide n’est pas évidente mais plausi-
ble. Il est clair que d’aider les autres lui donne un certain plaisir.
b. Le sujet raconte comment il a pris une décision importante
(choix de carrière, etc.), fondée sur son envie d’aider les autres et sur
sa conviction apparente qu’autrui pourrait en bénéficier. Bien que la
relation avec un conflit intérieur et des expériences passées ne soit
pas parfaitement évidente, il est clair que le sujet tire quelque satis-
faction de son choix.
2: Utilisation évidente de l’altruisme:
a. Le sujet décrit un ou plusieurs exemples d’aide à autrui dans
lesquels on peut discerner particulièrement que l’action d’aider était
motivée par une signification personnelle liée à un conflit, une diffi-
culté ou un vécu du sujet. Il est clair que le sujet retire un sentiment
de gratification personnelle ou de maîtrise au-delà de toute récom-
pense manifeste (par exemple: «Ça m’a fait du bien d’aider
quelqu’un qui se trouvait dans la position que j’avais moi-même
trouvée si difficile»).
124 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

b. Le sujet raconte avoir pris au moins trois décisions de vie fon-


dées sur son désir d’aider les autres. Aider autrui est clairement une
facette importante de nombre de ses actions.
Anticipation 125

ANTICIPATION

Définition
Le sujet atténue les conflits affectifs ou les facteurs de stress non
seulement en envisageant des alternatives réalistes et en anticipant les
conséquences émotionnelles de problèmes à venir, mais en vivant réel-
lement cette détresse par un processus de représentation des idées
stressantes et des affects. Cette «répétition» permet au sujet d’élabo-
rer une réponse plus adaptée au conflit anticipé ou au facteur de stress.

Fonction
L’anticipation permet au sujet d’atténuer les effets de conflits ou
facteurs de stress futurs. Cela suppose d’être capable de tolérer
l’angoisse liée à la capacité d’imaginer comment une situation future
pourrait être source de stress. En effectuant cette « répétition affec-
tive» (« comment vais-je réagir si ça arrive ? ») et en planifiant les
réponses futures, le sujet diminue l’impact des facteurs de stress.
L’anticipation augmente aussi la probabilité de résultats positifs et de
réponses affectives plus gratifiantes.

Diagnostic différentiel

Rêverie autistique
L’individu qui fantasme n’a aucune intention de réaliser effective-
ment les actes imaginaires, mais substitue le fantasme à l’action, à
l’expérience affective ou la gratification, ou encore à la solution d’un
problème. En revanche, l’anticipation ne remplace pas la réalité péni-
ble par la satisfaction d’un souhait, mais s’inquiète avec réalisme et
anticipe le processus du deuil.

Annulation
L’anticipation diffère de l’annulation et/ou de l’inquiétude obses-
sionnelle par le fait qu’elle évite la pensée répétitive et stéréotypée et
comprend une imagination affective plus importante.
126 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Cotation
0: Aucun exemple d’anticipation.
1: Usage probable de l’anticipation:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs vignettes significatives sur le
plan émotionnel, lors desquelles il s’est préparé à une situation con-
flictuelle ou à un facteur de stress à venir. Cependant, il aurait appa-
remment pu s’y préparer encore mieux affectivement car il n’était
pas entièrement prêt à supporter émotionnellement les événements
actuels.
2: Usage avéré de l’anticipation:
a. Le sujet décrit une vignette importante sur le plan affectif et
d’importance centrale pour sa vie, dans laquelle on peut discerner les
traits suivants: il était au courant du caractère stressant de la situa-
tion à venir et a prouvé qu’il en tenait compte par anticipation. Le
sujet s’est ainsi trouvé mieux préparé et mieux à même de surmonter
le stress associé à cette situation.
Par exemple: «Je savais que d’annoncer à mes parents ma déci-
sion de quitter l’école serait stressant, et donc avant de les affronter,
j’ai essayé d’imaginer leurs réactions et la manière de mieux les
encaisser.»
b. Le sujet décrit deux ou plusieurs exemples de vignettes de vie
affectivement chargées et remplissant les critères du paragraphe
«a» ci-dessus, mais les exemples ne revêtent pas nécessairement
une importance centrale dans sa vie.
c. Le sujet décrit des événements peu importants de sa vie, pour
lesquels il dit avoir anticipé leurs conséquences, et s’être préparé
ainsi à leur survenue. Ainsi, l’anticipation est en fait une caractéristi-
que du sujet.
Auto-affirmation ou affirmation de soi 127

AUTO-AFFIRMATION OU AFFIRMATION DE SOI

Définition
L’individu réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
en exprimant directement ses pensées et sentiments de manière à
atteindre ses objectifs. L’auto-affirmation n’est ni coercitive, ni indi-
recte, ni manipulatrice. Le but ou le rôle d’un comportement d’auto-
affirmation est généralement clair pour toutes les parties intéressées.

Fonction
L’auto-affirmation traite les conflits émotionnels par l’expression
directe de ses propres sentiments ou souhaits, soulageant ainsi
l’angoisse ou la détresse présentes à chaque fois que des forces contrai-
res internes ou externes empêchent l’expression. L’auto-affirmation ne
doit pas son efficacité en tant que mécanisme de défense ou réponse
d’adaptation au fait que le sujet obtienne satisfaction dans la réalité.
Son utilité est plus affective, car elle lui permet de fonctionner:
– sans l’angoisse ou la tension qui accompagnent généralement tous
les sentiments ou souhaits non exprimés;
– et sans qu’il y ait un sentiment de honte ou de culpabilité de ne pas
se défendre dans des situations de conflit affectif.
Les conséquences affectives sont pires quand l’auto-affirmation est
bloquée par des interdits intérieurs, plus que par les facteurs externes
seulement, par exemple une personne à l’autorité despotique.

Diagnostic différentiel

Agression passive
Elle diffère de l’auto-affirmation en ce que la première est l’expres-
sion indirecte de besoins ou de sentiments, qui souvent occulte ce que
l’individu essaye de faire passer, et peut être vécue comme coercitive,
manipulatrice et hostile.

Passage à l’acte
Il exprime un souhait très directement, mais d’une manière agressive
qui souvent heurte et blesse autrui. Comme le conflit intérieur lié aux
128 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

souhaits se trouve temporairement contourné, l’individu vit ensuite une


détresse augmentée. De plus, le passage à l’acte entraîne souvent des
séquelles en forme de sanction, alors que l’auto-affirmation sera plus
susceptible de provoquer la coopération d’autrui.

Déplacement
Il peut parfois se confondre avec l’auto-affirmation, lorsque l’indi-
vidu exprime de l’énervement ou d’autres sentiments envers autrui;
toutefois, avec le déplacement, la substitution de l’objet déplacé pour
le véritable objet de ses sentiments n’entraîne qu’une diminution par-
tielle de la tension affective, du conflit ou des facteurs de stress. Par
conséquent, le résultat du déplacement sera moins satisfaisant, car
l’individu passe à côté de ce qui est réellement désiré.

Cotation
0: Aucun exemple d’auto-affirmation dans les situations de conflit
affectif.
1: Auto-affirmation probable:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs tableaux douloureux significa-
tifs, dans lesquels l’élément important était l’expression directe et
non manipulatrice de ses souhaits ou de ses sentiments en rapport
avec la situation. Cependant, il est difficile de déterminer si les situa-
tions évoquées correspondent à des conflits émotionnels significatifs
ou à des facteurs de stress externes.
b. Le sujet décrit de nombreux exemples où il a répondu aux con-
flits ou facteurs de stress externes par l’auto-affirmation, mais ces
exemples n’ont qu’une signification mineure pour son bien-être
affectif.
c. Les exemples d’auto-affirmation donnés par le sujet s’accompa-
gnent de sentiments de honte ou de culpabilité, faisant suggérer un
conflit résiduel qui restreint le registre et la souplesse de l’auto-affir-
mation.
2. Utilisation évidente de l’auto-affirmation:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs tableaux significatifs sur le
plan affectif qui démontrent clairement un conflit affectif ou un
stress externe important. La réaction auto-affirmative du sujet
contribue pour beaucoup aux conséquences affectives des
tableaux décrits. Même si les objectifs de l’auto-affirmation ne
Auto-affirmation ou affirmation de soi 129

sont pas atteints, le sujet ne montre aucun signe de honte ou de


culpabilité par son comportement.
b. Le sujet décrit un seul tableau dont l’importance pour son bien-
être affectif est évidente (conflit central ou facteur de stress externe
de grande importance). Tous les traits d’auto-affirmation du paragra-
phe 2a ci-dessus sont présents.
130 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

HUMOUR

Définition
Le sujet réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress inter-
nes ou externes en faisant ressortir les aspects amusants ou ironiques du
conflit ou des facteurs de stress. L’humour tend à relâcher la tension pro-
voquée par le conflit d’une manière qui permet à tout le monde d’en
bénéficier, au lieu de n’y impliquer qu’une seule personne comme c’est
le cas des commentaires moqueurs ou cinglants. Il y a d’autre part sou-
vent une part d’autocritique ou de vérité dans l’humour.

Fonction
L’humour permet d’exprimer une part des affects et des souhaits liés
au conflit ou au facteur de stress. À chaque fois que le conflit ou fac-
teur de stress bloque l’expression complète des affects ou la satisfac-
tion des souhaits, l’humour permet d’en exprimer symboliquement une
partie, ainsi que l’origine du conflit. La frustration émanant du conflit
est temporairement soulagée d’une manière qui fait rire ou sourire à la
fois le sujet et autrui. Cela est particulièrement évident dans les interac-
tions propres à notre condition humaine, où certains facteurs de stress
sont inévitables.

Diagnostic différentiel

Dépréciation
Elle diffère de l’humour par le fait qu’elle porte atteinte à l’image de
l’objet en ternissant l’image de sa cible par le sarcasme, l’ironie cin-
glante ou les remarques désobligeantes. Si la dépréciation peut être
drôle, c’est aux dépens de quelqu’un, et elle suscite la rancune de la
victime désignée. C’est également vrai lorsque le sujet se déprécie lui-
même, même en faisant le pitre ou avec drôlerie ; son amour propre
s’en trouve encore plus altéré.

Agression passive
Elle diffère de l’humour en ce qu’elle peut utiliser la pitrerie ou des
tentatives de faire rire, mais d’une manière rabaissante qui bloque la
Humour 131

gestion des conflits ou facteurs de stress, ou encore distrait le sujet et


autrui de la tâche à accomplir.

Blagues
L’humour comme mécanisme de défense s’apparente à la plaisante-
rie classique ou à la relation d’histoires drôles (blagues) mais à ceci
près qu’il a pour but de soulager un stress saillant ou un conflit affectif
qui vient d’être déclenché. Les blagues dont le but est d’amuser et de
passer du bon temps ne sont liées à aucun conflit ou stress immédiats.
Cette différence est reconnaissable lorsque l’on remarque que la capa-
cité de raconter une blague ne signifie pas en soi que le conteur utilise
l’humour comme mécanisme de défense. On se gardera de noter un
sujet comme utilisant l’humour sous prétexte qu’il a fait une remarque
drôle ou dit une blague. C’est le but recherché qui fait de l’humour un
mécanisme de défense.

Cotation
0: Aucune preuve de l’utilisation de l’humour comme mécanisme
de défense.
1: Utilisation probable de l’humour comme mécanisme de défense:
a. Le sujet fait deux ou plusieurs remarques drôles pendant
l’entretien, mais sans lien évident avec le conflit affectif ou les
aspects stressants de la situation, et sans obstruction de la conduite
de l’entretien.
b. Le sujet raconte une blague pendant l’entretien, bien que le rap-
port avec un conflit ou facteur de stress particulier ne soit pas évi-
dent. Par exemple, le sujet qui dit: «Ça me rappelle une
histoire…». L’histoire drôle n’ajoute ni ne retire rien au déroule-
ment de l’entretien.
2: Il est clair que le sujet utilise l’humour comme mécanisme de
défense:
a. Le sujet décrit un conflit ou un événement émotionnellement
significatif au cours duquel les remarques drôles ont influencé sa
capacité à faire face. Le rapport entre le conflit ou les facteurs de
stress et les plaisanteries est évident. Par exemple, faire preuve
d’humour noir avant d’aller au combat ou de participer à un con-
cours difficile, ou encore faire des commentaires humoristiques sur
la possibilité de mener une vie différente après avoir souffert une
perte personnelle importante.
132 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

b. À au moins deux moments stressants de l’entretien, le sujet


détend l’atmosphère en faisant une remarque humoristique sur le
thème du moment. Les commentaires ne dévient pas l’entretien
(contrairement à l’agression passive) mais facilitent sa poursuite.
c. Le sujet formule des commentaires humoristiques sur lui-même
ou autrui tout au long de l’entretien, d’une manière qui le rend facile
à interroger car la tension qui entoure l’évocation de sujets stressants
est constamment diminuée. Les remarques ne bloquent pas le dérou-
lement de l’entretien, et ne constituent pas non plus des déprécia-
tions primaires.
Introspection 133

INTROSPECTION

Définition
Le sujet réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en s’interrogeant sur ses propres pensées, senti-
ments, motivations ou comportements. Il est capable de se voir lui-
même comme il est vu par autrui dans ses relations interpersonnelles et
se trouve donc mieux à même de comprendre les réactions d’autrui à
son égard. Ce mécanisme de défense n’est pas équivalent à faire sim-
plement des observations sur soi ou parler de soi.

Fonction
Ce mécanisme de défense permet au sujet de s’adapter au mieux aux
exigences de la réalité extérieure, en se fondant sur une vue plus pré-
cise de ses propres affects, désirs, pulsions et comportements. Alors
que l’introspection ne change pas à proprement parler la personne, elle
annonce ou précède la recherche d’une meilleure adaptation des états
intérieurs à la réalité extérieure. Ce mécanisme de défense permet à
l’individu de progresser et de mieux s’adapter à mesure qu’il affronte
les facteurs de stress.

Diagnostic différentiel

Rêverie autistique
Elle diffère de l’introspection en ce qu’elle repose sur une base irréa-
liste qui ne comprend aucune tentative de mieux s’adapter aux problè-
mes objectifs, etc. L’introspection, en revanche, met le sujet en
meilleur accord avec lui-même et l’environnement et peut entraîner
une meilleure intégration des aspirations et caractéristiques personnel-
les aux réalités extérieures.

Rationalisation
Elle diffère de l’introspection en ce que cette dernière implique une
tentative de mise à jour et d’exploration des sentiments et des actes, et
non pas leur déguisement.
134 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Dépréciation
Elle diffère de l’introspection en ce que sa fonction première est de
rehausser certains aspects de l’amour propre (comme par exemple en
suscitant la sympathie) en ternissant certains aspects du soi, au lieu de
promouvoir une prise de conscience personnelle plus précise.

Omnipotence et déni hypomaniaque


Ils diffèrent de l’introspection par la nature optimiste ou béate qui
accompagne la très belle image de soi-même. L’individu semble inté-
ressé avant tout par le sentiment agréable qui accompagne la décou-
verte de nouveaux sujets de conversation dans sa vie psychologique. Si
l’intellectualisation est également présente, le sujet peut faire usage de
nombreux termes abstraits pour se décrire, ou broder ses auto-portraits
de «psycho-jargon» dénué de toute auto-description exacte et signifi-
cative.

Cotation
0: Pas d’introspection.
1: Introspection probable:
a. Le sujet fait deux ou plusieurs remarques sur la façon dont ses
actions pourraient être perçues par autrui. Toutefois, il ne fait pas
trop d’efforts pour en comprendre les implications affectives.
2: Introspection évidente:
a. Le sujet fait deux ou plusieurs remarques introspectives dont il
va spontanément essayer de comprendre la portée affective ou les
implications interpersonnelles. Il n’a pas besoin d’être encouragé.
b. Le sujet décrit un épisode affectivement important puis sponta-
nément s’étend sur les implications de ses propres réactions et com-
portements. Il accepte l’idée d’élaborer une vision plus complète et
plus exacte de lui-même et par là même encourage les questions de
l’investigateur qui vont dans le même sens.
c. À la suite d’un commentaire de l’interlocuteur au sujet d’un
conflit affectif important chez le sujet, celui-ci devient plus enclin à
décrire les aspects de lui-même les plus pertinents. L’introspection
devient très naturelle et conduit à une meilleure compréhension de
soi-même.
Sublimation 135

SUBLIMATION

Définition
L’individu réagit aux conflits émotionnels ou aux facteurs de stress
internes ou externes en canalisant plutôt qu’en inhibant des sentiments
ou pulsions potentiellement déplacés en un comportement socialement
acceptable. On ne notera la présence de ce mécanisme de défense que
si une relation très forte peut être démontrée entre les sentiments et le
schéma de réponse. Les exemples les plus classiques de l’utilisation de
la sublimation sont le sport et les compétitions destinés à canaliser les
pulsions de colère, ou la création artistique qui exprime les sentiments
conflictuels.

Fonction
La sublimation permet d’exprimer des souhaits, des pulsions ou
affects que le sujet inhibe volontairement à cause de leurs répercus-
sions sociales potentiellement négatives. Il les canalise plutôt vers une
expression socialement acceptable. Les buts et les objets initiaux des
désirs et des affects sont souvent considérablement modifiés, résultant
en une activité créatrice. Par exemple, une compétitivité avec agressi-
vité se trouvera canalisée en compétitions sportives ou en travail, de
même que les pulsions sexuelles peuvent s’exprimer au travers de la
chorégraphie ou de créations artistiques. La sublimation permet ainsi
aux pulsions initiales de s’exprimer et l’activité créatrice résultant de
cette sublimation peut aussi susciter la reconnaissance sociale et être
récompensée.

Diagnostic différentiel

Déplacement
Il implique le remplacement, par un objet moins conflictuel mais
semblable, de l’expression de sentiments ou pulsions initialement des-
tinés à un objet conflictuel. Tandis que le sujet éprouve quelque satis-
faction à s’exprimer, il peut y avoir des conséquences négatives. Cela
peut se produire parce que la pulsion est toujours socialement inaccep-
table, ou bien parce que l’autre trouve l’expression du sujet inadéquate.
136 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

Altruisme
Il recoupe la sublimation en canalisant les affects, pulsions et
souhaits en une activité socialement acceptable. Il en diffère en ce
que l’activité implique précisément d’aider les autres pour des pro-
blèmes ressemblant aux aspects conflictuels du passé de l’individu.
Le sujet maîtrise symboliquement sa propre expérience passée en
aidant les autres à résoudre leurs problèmes du moment.

Cotation
0: Aucun exemple évident de sublimation. Noter que la sublimation
ne sera pas cotée comme présente simplement parce quelqu’un est
artiste ou sportif, à moins d’avoir la preuve d’un lien fort entre l’acti-
vité et le conflit affectif.
1: La sublimation est probable:
a. Deux ou plusieurs exemples présents au cours des deux derniè-
res années et qui semblent relever d’activités sublimatoires classi-
ques, mais le lien entre pulsion et mécanisme de défense n’est pas
évident, bien que probable. Par exemple, le sujet peut parler du plai-
sir de gagner dans une discipline sportive dont la pratique est intrin-
sèquement agréable mais il n’y a pas de lien évident avec une
pulsion conflictuelle.
2: La sublimation est évidente:
a. À trois reprises ou plus au cours de l’entretien, le sujet fait
librement des associations en parlant de conflits ou de situations
stressantes, puis en décrivant des activités qui servent à extériori-
ser des sentiments ou des pulsions en rapport avec les thèmes ini-
tiaux.
b. Il existe un ou plusieurs épisodes importants de conflit affectif,
pour lesquels le sujet décrit une activité de création comme étant un
moyen majeur d’adaptation au conflit. L’exemple doit être sans
ambiguïté et la pulsion initiale ou l’affect doit être transformé en
cette nouvelle activité, pas seulement déplacé vers une cible moins
conflictuelle.
Par exemple, un sujet décrit un échec cuisant lors d’une tentative
d’atteindre un but, mais raconte comment il a ensuite passé beau-
coup de temps à jouer au tennis et tiré une certaine satisfaction à bat-
tre ses partenaires habituels plus souvent.
Sublimation 137

c. À mesure que le sujet décrit sa vie, il apparaît qu’il reste très


peu de zones conflictuelles et très peu ou pas de zone d’inhibition. Il
existe un certain nombre d’activités intéressantes et créatives. La
sublimation apparaît comme un trait général du style avec lequel le
sujet fait face aux situations difficiles.
138 Échelles d’évaluation clinique des mécanismes de défense

RÉPRESSION

Définition
Le sujet réagit aux conflits affectifs ou aux facteurs de stress internes
ou externes en évitant délibérément de penser aux problèmes, souhaits,
sentiments ou expériences gênants, et ce, temporairement. Il peut par
exemple chasser de son esprit certaines choses jusqu’au moment choisi
pour les régler: c’est un report, pas de l’atermoiement. La répression
peut également revenir à ne pas penser à quelque chose à un moment
donné pour ne pas être empêché de s’engager dans une activité plus
importante (par exemple: ne pas s’étendre sur les problèmes annexes
pour traiter un problème pressant particulier). Le sujet a rapidement
accès au matériel maintenu à l’écart de son attention consciente,
puisqu’il n’a pas été oublié.

Fonction
La répression maintient à la fois l’idée et l’affect associés à un fac-
teur de stress hors de la conscience pendant que l’on s’occupe d’autre
chose; toutefois, le matériel réprimé peut être volontairement rappelé
à la pleine conscience. Les sentiments stressants sont reconnus mais
leur prise en charge est retardée jusqu’à ce que le sujet se sente prêt
ou que le moment soit plus propice. L’angoisse névrotique est mini-
misée, puisque le matériel n’est pas réprimé, bien que l’angoisse
d’anticipation puisse être présente tant que le facteur de stress n’a pas
été géré.

Diagnostic différentiel

Refoulement6
Il diffère de la répression en créant une perte de conscience de la
représentation liée aux facteurs de stress, à l’affect, etc. La représenta-
tion réprimée resurgit ensuite involontairement à la conscience sous
forme de lapsus linguae, d’incapacité à décrire une expérience vécue,

6. Le terme anglais désignant le refoulement est «repression». Le terme


anglais désignant la répression est «suppression» (N.d.T.).
Répression 139

etc. En revanche, le sujet présente une plus grande aptitude à chasser


de son esprit certaines pensées et à les reprendre dans un deuxième
temps.

Cotation
0: Aucun exemple de répression pour répondre aux conflits affec-
tifs.
1: Utilisation probable de la répression:
a. Le sujet décrit deux ou plusieurs incidents l’ayant bouleversé
mais où des facteurs extérieurs ont empêché la décharge émotion-
nelle sur le moment, bien que celle-ci se soit produite peu après. Les
exemples ne doivent pas être insignifiants, mais il n’est pas néces-
saire qu’ils aient une signification essentielle pour le sujet pour être
retenus.
b. Le sujet décrit deux ou plusieurs réactions personnelles à des
événements stressants hors de son contrôle, par des déclarations
comme «Que pouvais-je faire d’autre, je ne pouvais qu’accepter la
mauvaise nouvelle et continuer», ou bien «bien sûr que j’étais bou-
leversé, mais je savais qu’en attendant ça s’arrangerait».
c. Le sujet décrit un épisode ou il a «encaissé tous les coups»
dans une situation stressante. Il n’a rien dit ni fait qui puisse aggra-
ver la situation, mais s’est plutôt rassuré.
2: Répression évidente:
a. Le sujet décrit un épisode émotionnellement stressant, au cours
duquel il a dû reporter la prise en compte des sentiments suscités
pour s’occuper d’autre chose de prioritaire. La raison donnée semble
cohérente. Plus tard, il est revenu sur le facteur de stress et a fait
l’effort conscient de le traiter. Il est clair que le sujet ne cherchait pas
seulement à éviter les sentiments, mais qu’il se préparait à les affron-
ter à un meilleur moment.
b. Le sujet décrit un épisode émotionnellement pesant au cours
duquel il n’a pas été capable d’exprimer ses sentiments forts au
moment où ils se sont manifestés, en raison d’une contrainte exté-
rieure (par exemple: critiqué par son patron en public). Il a su tolé-
rer le stress sur le moment, sachant qu’il exprimerait ses sentiments
plus tard, quand le moment viendrait.
c. Le sujet donne au moins trois exemples «d’encaissement des
coups» lors d’un conflit. Il ne se laisse pas dépasser mais reconnaît
le stress quand il arrive. Il émerge de la crise relativement indemne.
5
Extrait d’entretien
J.-N. DESPLAND

Analyse selon la méthode quantitative d’un extrait


d’entretien de Mme A (durée 15 min)

Il s’agit du premier entretien d’une femme âgée de 30 ans environ,


d’origine belge et qui travaille en Suisse depuis quelques années
comme consultante en informatique. Elle décrit spontanément des
symptômes dépressifs et anxieux, dont elle recherche les origines dans
sa petite enfance de manière assez abstraite et peu convaincante. Les
circonstances de vie actuelles sont décrites sans qu’elle puisse vérita-
blement faire le lien avec l’apparition de ses difficultés présentes.
Sur le plan émotionnel, elle est manifestement tendue, déprimée et
s’effondre en pleurs à plusieurs reprises pendant l’entretien de manière
brusque et sans transition. Un entretien diagnostique semi-structuré
effectué au terme de la consultation thérapeutique mettra en évidence
un état dépressif majeur d’intensité moyenne sans symptôme psychoti-
que, un trouble dysthymique ainsi qu’une probable anxiété généralisée.
La présence sous-jacente d’un trouble de la personnalité non spécifié,
probablement de type dépressif peut être évoquée.
Sur le plan de son fonctionnement psychique, deux registres défen-
sifs principaux peuvent être postulés : d’une part les défenses d’allure
obsessionnelle marquées par des intellectualisations et des rationalisa-
tions, qui paraissent peu aptes à exprimer et contenir ses préoccupa-
tions ; d’autre part de probables défenses par le déni, en rapport avec
des difficultés dans son assise narcissique primaire, qui témoignent
d’une difficulté à percevoir et mettre en mots sa vie fantasmatique.
144 Applications et discussions

1. T : Très bien… alors je vous écoute ! Dites-


moi ce qui vous a amené à consulter ?
2. P : Alors moi je viens vous voir parce que je
crois que j’ai des petits soucis à régler.
3. T : mmh…
4. P : Ça fait un bon moment que j’y pense et
que, je me dis « un jour j’irai » et puis, je laisse
aller quoi.
5. T : mmh…
6. P : Par peur de venir, et puis là ça fait trois ans
que j’essaie avec mon mari d’avoir un bébé.
7. T : mmh…
8. P : Et apparemment ça marche pas – alors là
je suis en train de faire des examens au niveau santé
médicale pour voir si tout fonctionne bien – mais je
pense que je dois avoir un – un blocage. Un peu, et
puis, et puis je viens aussi parce que je suis une
nature très angoissée et, et assez émotive.
9. T : mmh…
10. P : Donc ça me bouffe un peu la vie et d’autant
plus que je fais… enfin je suis depuis quelque temps
consultante dans une, dans ma propre société avec
mon mari pour faire de l’informatique
11. T : mmh…
12. P : Et que (1) je trouve que c’est intéressant (1) Rationalisation : Le sujet fait
de faire un travail sur moi pour être à l’écoute des face à ses conflits émotionnels
autres. en élaborant des explications
13. T : Donc vous travaillez avec votre mari ? rassurantes et avantageuses pour
14. P : Oui . lui de ses propres comporte-
15. T : C’est une petite entreprise, une grosse ments ou de ceux des autres1.
entreprise ?
16. P : Petite entreprise – nous sommes trois.
17. T : mmh…
18. P : Bon je me dis que pour être disponible
pour les autres, il faut être bien dans sa tête avant.
19. T : mmh…
20. P : Voilà.
21. T : Alors, est-ce que vous voulez me parler de
l’une ou l’autre de ces préoccupations ?
22. P : Alors moi je crois que j’ai, enfin, je pense
avoir été très influencée par mes parents par une
éducation assez stricte.
23. T : mmh…
24. P : Et (2) c’est (émue) pas facile c’est pas mon (2) Rationalisation : voir plus
heure non plus, du matin, et donc, j’étais déjà allée haut
voir un psychiatre pour essayer de couper un peu le
cordon ombilical que j’avais avec mes parents après
les études. Alors ça a marché. Ça allait mieux je me

1. Les commentaires associés à chaque mécanisme de défense sont des extraits des définitions du
DMRS.
Extrait d’entretien 145

Suite

sentais mieux. Je suis allée à cinq séances, (3) la (3) Passage à l’acte : l’individu
sixième quand il a commencé à vouloir un petit peu gère des conflits émotionnels en
plus creuser, j’ai tout annulé – inconsciemment je réagissant sans réflexion ou sans
pense. tenir compte apparemment des
25. T : mmh, et consciemment qu’aviez-vous en conséquences négatives.
tête quand vous avez annulé ?
26. P : (4) Envie de peut-être de creuser un peu (4) Intellectualisation : le sujet
plus mon enfance, des choses comme ça – puis gère ses conflits émotionnels en
finalement j’avais pas envie de, à ce moment-là, de utilisant excessivement la pen-
le creuser quoi. sée abstraite pour maîtriser ses
27. T : mmh, mais consciemment aviez-vous émotions et ses sentiments.
quelque chose de plus précis en tête sur vos motiva-
tions à arrêter ?
28. P : J’arrête parce que j’en ai plus besoin et
puis, plus besoin pour mon problème pour lequel
j’étais allée en fait.
29. T : mmh…
30. P : Donc ça m’a, je me sentais mieux, je me
sentais mieux avec mes parents.
31. T : mmh…
32. P : Enfin j’ai réussi à vivre un peu pour moi –
et dès que j’ai commencé à voir que c’était un peu
plus profond que ça et que j’avais, d’autres – des
choses un peu plus profondes et plus marquées de
l’enfance – je me suis dit, je laisse tomber, je verrai
ça un peu plus tard.
33. T : mmh…
34. P : Donc ça m’a juste aidée ponctuellement
pour le souci pour lequel j’allais mais je suis arrivée
en crise là-bas.
35. T : mmh…
36. P : Enfin très émotive, tout ça, (5) là c’est pas (5) Déni : le sujet fait face à ses
vraiment le cas parce que… et puis là j’ai pris un conflits émotionnels en refusant
peu cette décision pour, ça fait, enfin, on est arrivé de reconnaître certains aspects
dans cette région il y a un peu près un an. de la réalité externe ou de sa
37. T : mmh… propre réalité psychique qui
38. P : Et pendant un an j’ai pas travaillé, donc je sont évidents aux autres.
restais toute seule chez moi à X en ayant vécu à Y
avant donc ça fait une grosse différence de, d’acti-
vités.
39. T : mmh…
40. P : Et j’avais une grosse activité profession-
nelle aussi à Y, donc c’était un petit peu dur et alors
là je me suis dit : « il faut aller voir quelqu’un » (rit,
ricanement), mais depuis que je travaille ça va
beaucoup mieux donc je suis moins, même si je
suis un peu, émue aujourd’hui, je suis moins –
moins, en colère quoi.
41. T : mmh…
42. P : (6) J’suis quelqu’un qui me pose beaucoup (6) Rationalisation : voir plus
de questions sur les choses de la vie – existentielles haut.
en général.

146 Applications et discussions

43. T : mmh… en colère pourquoi en colère ?


44. P : (7) Pas en colère mais, bouillonnante à (7) Annulation rétroactive : par
l’intérieur quoi. l’expression de pensées,
45. T : Vous dites « colère » ; n’y a-t-il pas quand d’affects, de pulsions ou d’actes
même de l’agressivité dans ce bouillonnement ? de significations opposées, le
46. P : Oui. sujet essaye d’annuler les con-
47. T : C’est ça. flits liés aux composantes origi-
48. P : mmh… nelles. L’annulation rétroactive
49. T : Et cette agressivité était-elle dirigée contre correspond à un processus de
quelqu’un ou contre quelque chose de précis ? réparation d’allure « magique ».
50. P : (8) J’suis un peu émotive hein, il faut pas (8) Rationalisation : voir plus
s’inquiéter je vais pleurer souvent je crois – ouais haut.
(9) dirigée contre – contre moi, contre mon mari, (9) Déplacement : le sujet gère
contre des choses qui arrivent… enfin un peu de ses conflits émotionnels en
mal-être d’avoir déménagé quoi, je crois. déplaçant une représentation, ou
51. T : mmh… un affect lié à un objet sur un
52. P : (10) Quand même maintenant je prends le autre objet.
dessus – mais bon apparemment ça ressort. (10) Annulation rétroactive :
53. T : Oui. voir plus haut.
54. P : Donc – (11) puis j’ai vécu aussi, enfin, (11) Intellectualisation : voir
mon frère a eu une grave maladie aussi, alors j’ai un plus haut.
peu – problème avec la mort. Je vous donne un peu
tout en globalité (rit).
55. T : Oui, oui.
56. P : Ce sont des questions que je me pose
depuis toute petite ; depuis très longtemps, j’ai des
tendances suicidaires dans mes moments de
déprime. Enfin (12) j’ai lu des choses d’une psycha- (12) Intellectualisation : voir
nalyste, je ne crois pas avoir, moi qui pensait ne- ne- plus haut.
ne pas aimer du tout la vie, je crois que ce n’est pas,
ne pas, c’est ne pas comprendre pourquoi on en est là.
57. T : mmh…
58. P : Ou de ne peut-être pas vouloir avoir existé
enfin, par le fait de mourir quoi. Je me suis rendu
compte de ça la dernière fois – tout ça voilà c’est un
peu tout ça (rires) c’est un peu – (13) j’ai des gros- (13) Refoulement : le sujet
ses bouffées d’angoisse quelquefois, – alors que éprouve des sentiments et des
rien, rien ne va pas – des problèmes un petit peu pulsions sans en être conscient,
sexuels aussi … sans pouvoir y associer des
59. T : mmh… situations ou des objets qui peu-
60. P : Vis-à-vis de mon éducation – enfin j’aime- vent l’évoquer, ni être conscient
rais régler tout ça – et puis pas du tout confiance en des facteurs sous-jacents qui les
moi enfin, je suis quelqu’un d’assez – je crois que mobilisent.
je suis un bon moteur pour les autres mais je suis
pas un très bon moteur pour moi…
61. T : Vous voulez me parler de ce
déménagement ?
62. P : Euh, comment ça s’est passé pour quelles
conditions, etc. ?
63. T : Oui, puis, pour quelle raison vous avez de
la peine à le digérer ?

Extrait d’entretien 147

Suite

64. P : Je crois que j’ai de la peine à digérer – enfin


quand on était à Y, on en avait un petit peu assez
d’être à Y parce que, la vie elle nous plaisait plus.
65. T : mmh…
66. P : Ça faisait cinq ans qu’on y était. J’avais
une activité professionnelle assez intense, j’étais
secrétaire de direction là-bas donc je travaillais
dans les milieux de l’édition.
67. T : mmh…
68. P : Et puis ça nous a pris comme ça ; on s’est
dit : pourquoi pas changer de pays puisque mon mari
a une double nationalité, il n’avait jamais vécu ici.
69. T : mmh…
70. P : Puis on avait envie de changer, on nous
disait que ça pouvait nous apporter plein de choses,
et puis on avait envie d’une vie plus calme – je
pense que j’ai été un peu en colère vis-à-vis de mon
mari parce quand on a déménagé, lui avait déjà
monté une société qui n’avait pas marché en asso-
ciation avec un oncle, et quand, quand on est, enfin,
quand on a eu l’idée de venir, c’était pour justement
rester au calme, se poser, ça faisait deux-trois fois
qu’on déménageait, puis lui m’avait promis qu’il
ferait une carrière que ça marcherait ah ah ah ! et
puis au bout de deux mois, il a été embauché dans
une grande entreprise de microtechnique.
71. T : mmh…
72. P : Et au bout de deux mois d’embauche, ça
n’allait déjà plus ; il fallait déjà monter quelque
chose – et comme moi je ne travaillais pas, j’étais la
seule qui pouvait l’aider à monter quelque chose
enfin, c’est-à-dire que je démarre l’activité avec lui,
enfin, toute seule au début, et ensuite qu’on puisse,
qu’on puisse garder, deux salaires.
73. T : mmh…
74. P : (14) Et en fait, ce qu’il m’avait proposé (14) Dévalorisation objet : le sujet
c’était faire des ménages (rit), donc moi j’ai un peu gère ses conflits émotionnels en
(sifflement désapprobateur) moi j’ai dit « bon je attribuant des «qualités» exagéré-
viens pas dans ce pays pour faire des ménages ». ment négatives aux autres.
Puis il av…, mon mari a un côté très culpabilisant : (15) Identification projective : la
je pense (15) que c’est inconscient mais, c’est un représentation de l’affect ou de la
peu « non, non, mais ne t’inquiète pas si tu ne veux pulsion est projetée sur quelqu’un
pas c’est pas grave ». Il m’a fait bien comprendre d’autre, comme si c’était réelle-
que quand même, comme j’étais là à ne rien faire à ment l’autre qui était à l’origine
la maison, bon bien… de l’affect ou de la pulsion. À la
75. T : Vous vous sentiez culpabilisée quand il différence de la projection, le
vous fait de telles remarques ? sujet ne nie pas le contenu de la
76. P : Voilà, lui il dit que non ! que je pense que projection et il demeure pleine-
c’est moi qui m’imagine ou qui le ressens comme ça. ment conscient de l’affect ou de la
77. T : mmh… pulsion qu’il attribue à l’autre
78. P : Ouais, peut-être aussi, mais bon je ne suis pour justifier ses actions.
pas là pour lui jeter la pierre, enfin tout ça est un

148 Applications et discussions

peu plus rentré dans l’ordre parce que maintenant


on a une boîte de ressources humaines, donc c’est
déjà plus intéressant pour moi.
79. T : mmh…
80. P : Et… un peu en colère aussi parce qu’il a
changé enfin, lui le fait de venir dans ce pays l’a
beaucoup fait changer. Il critiquait tout le temps
notre pays d’origine, il reniait ses origines, enfin.
81. T : mmh…
82. P : Il se sentait complètement intégré et, et
bien et puis bon moi – je me sentais réduite à mon
rôle de ménagère, en train de lui refaire du repas-
sage pendant – donc ça a été un peu dur – et des
débats avec beaucoup de, d’agressivité… moi je me
sentais très agressive – je ne savais pas trop où je
voulais aller – ce que je voulais faire – bon ! main-
tenant ça va un peu mieux.
83. T : mmh…
84. P : (16) Donc je pense que c’est un déménage- (16) Rationalisation : voir plus
ment un peu brutal mais je, je, je suis de nature haut.
comme ça aussi – à plus me laisser aller que
d’essayer de remonter la pente quoi.
85. T : mmh… Vous avez évoqué ce déménage-
ment et ces négociations par rapport au travail ;
avez-vous rencontré d’autres soucis par rapport à
votre vie ? d’autres situations qui vous
préoccupent ?
86. P : Euh (soupire) c’est pas vraiment un souci
mais j’ai, j’ai l’impression de l’avoir poussé beau-
coup.
87. T : mmh…
88. P : Et…, quand j’ai rencontré mon mari, il
était très jeune – avec peu d’expérience et tout ça.
89. T : mmh…
90. P : (17) Il y avait beaucoup de gens qui le (17) Idéalisation de l’objet : le
trouvaient, sans intérêt quoi, un peu dans son coin sujet gère ses conflits émotionnels
puis moi j’ai découvert qu’il faisait beaucoup de en attribuant des qualités exagéré-
choses, il fait, enfin il a beaucoup de passions, il est ment positives aux autres.
assez passionné par plein de choses puis moi (18) (18) Rationalisation : voir plus
j’ai trouvé que c’était bête de le laisser – je me haut.
disais « mince il a plein de choses au fond de lui »
et puis, il est tout seul tranquille dans sa chambre en
train de vaquer à ses loisirs, alors je l’ai beaucoup
poussé j’ai l’impression que pendant huit ans, ça
fait huit ans qu’on se connaît maintenant ça fait (19) Omnipotence : le sujet gère
deux ans qu’on est marié – (19) j’ai l’impression ses conflits émotionnels en
d’avoir beaucoup été son, son coach. s’attribuant des capacités ou des
91. T : mmh… pouvoirs exagérés, en donnant
92. P : En lui donnant beaucoup confiance en lui, une image de soi toute-puissante
en lui, puis moi j’ai l’impression maintenant parce et supérieure aux autres.
que lui maintenant est mieux et très épanoui, c’est
un homme qui plaît beaucoup en général, à tout le

Extrait d’entretien 149

Suite

monde, – je crois qu’il est bien dans sa peau enfin,


même s’il dit que non, je pense qu’il a beaucoup
pris d’assurance, alors que moi j’ai l’impression
pendant quelques années d’avoir été mise à l’écart.
93. T : mmh…
94. P : Et après avoir soutenu mon mari quoi puis,
puis là je me retrouve et je me dis : bon ben !
qu’est-ce qui reste pour toi ? quoi…
95. T : mmh…
96. P : Pas grand chose – puis en même temps je,
je lui avais parlé de ça, mais, c’est difficile parce
qu’il a l’impression que je lui reproche ça et puis je
ne lui reproche pas parce que, je l’ai fait – vraiment
volontiers quoi ! Je ne me suis pas obligée à le
pousser, à lui redonner confiance en lui mais, j’ai
l’impression que moi j’ai perdu ma confiance en
moi, je suis devenue beaucoup plus timide.
97. T : La confiance que lui gagnait vous amenait
un peu à vous sentir mise de côté.
98. P : mmh, c’est ça.
99. T : mmh…
100. P : Et puis je n’ai pas trop compris – non plus
– pourquoi il m’a lâchée suite au déménagement
quoi ? – il me reprochait de ne pas m’adapter de –
de pas faire l’effort de…
101. T : Et comment en discutiez-vous ensemble ?
de ces questions ?
102. P : (20) Quelques fois un peu violemment (20) Annulation rétroactive :
mais, mais – il n’est pas agressif du tout donc, donc voir plus haut.
souvent c’est des monologues de ma part.
103. T : mmh…
104. P : Il m’écoute, je ne sais pas s’il emmagasine,
je ne sais pas s’il comprend, je ne sais pas, oui moi
j’aimerais des fois qu’il y ait une réaction – même,
même négative, mais une réaction quoi! Et puis
maintenant – mon boul – pendant toute l’année ça
été très dur – parce qu’on avait vraiment du mal à se
parler, du mal à se comprendre, il n’avait pas du tout
la même vie que moi ; moi je n’avais pas la même
que lui – je – enfin on avait du mal à – à s’accepter
disons. Et puis là, ça va un petit peu mieux et puis il
est beaucoup plus compréhensif. Il, j’ai l’impression
qu’il a pris conscience un peu que, que pour lui tout
allait bien puis il n’a pas trop vu que moi je n’avais
pas une vie très enrichissante quoi!
105. T : mmh…
106. P: (21) Mais en général c’est assez serein et – (21) Formation réactionnelle :
et puis compréhensif – d’ailleurs il est ravi que je un affect originel ou une pulsion
vienne vous voir. Oui (rit) très content. – faire inacceptable pour l’équilibre
beaucoup de bien. psychique du sujet est incons-
ciemment transformé en son
opposé.
150 Applications et discussions

Résultat

FICHE D’ÉVALUATION DES MÉCANISMES DE DÉFENSE

C. Perry, M.P.H., M.D.


© version française : J.-N. Despland, 2002
SOURCE D’INFORMATION : 1 = séance psychothérapie ; 2 = entretien exploratoire ;
3 = vignette relationnelle

Sujet : Mme A. No de la séance : Extrait entretien 1 Juge : Date :

Niveau défensif Intitulé des Nbre de défenses Pondérateur Total


défenses mises en évidence
7. DE MATURITÉ
Affiliation ........................
Altruisme ........................
Anticipation ........................
Humour ........................
Affirmation de soi ........................
Introspection ........................
Sublimation ........................
Répression ........................
———————
Sub total : ........................ × 7 = ...................

6. OBSESSIONNELLES
Isolation ........................
Intellectualisation .......... 3............
Annulation rétroactive .......... 3............
———————
Sub total : ............6........ ×6= 36

5. AUTRES NÉVROTIQUES
Refoulement .......... 1............
Dissociation ........................
Formation réactionnelle .......... 1............
Déplacement .......... 1............
———————
Sub total : ............3........ ×5= 15

4. NARCISSIQUES
Omnipotence .......... 1............
Idéalisation de l’objet .......... 1............
Idéalisation de soi ........................
Dévalorisation de soi ........................
Dévalorisation de l’objet .......... 1............
———————
Sub total : ............3........ ×4= 12
Extrait d’entretien 151

Niveau défensif Intitulé des Nbre de défenses Pondérateur Total


défenses mises en évidence
3. DÉSAVEU
Déni névrotique ........... 1......... .
Projection ........................
Rationalisation ........... 6...........
———————
AUTRE Sub total : ............ 7........ ×3= 21
Fantasmatisation autistique ..... ................... × 3 = ....................

2. BORDERLINE
Clivage des représentations d’objet ........................
Clivage des représentations de soi ........................
Identification projective ........... 1...........
———————
AUTRE Sub total : ............ 1........ ×2= 2

1. PAR L’AGIR
Passage à l’acte ........... 1...........
Agressivité passive ........................
Hypocondrie ........................
———————
Sub total : ............ 1........ ×1= 1

• Total des mécanismes de défense : 21(a)

• Total pondéré : 87(b)


b 87
• Score défensif global (SDG) : — = — = 4,14
a 21
(de 1 = bas à 7 = élevé)

Commentaire de la fiche d’évaluation


des mécanismes de défense
L’évaluation effectuée à l’aide des échelles d’évaluation des méca-
nismes de défense permet d’isoler 21 défenses. Ce nombre est habituel
pour ce type d’entretien. On peut relever l’absence de défenses dites de
maturité, qui correspondra à l’impression clinique que cette patiente
est assez démunie par rapport à ses difficultés.
Les deux groupes principaux de défenses sont les défenses obses-
sionnelles, avec notamment des intellectualisations et des défenses par
le déni, avec 6 rationalisations. Ce tableau correspond bien à l’impres-
sion clinique du thérapeute. Par ailleurs, on note des défenses inscrites
152 Applications et discussions

dans la catégorie des autres défenses névrotiques (refoulement, forma-


tion réactionnelle et déplacement), des défenses narcissiques (omnipo-
tence, évaluation de l’objet et dévaluation de l’objet), borderline (un
épisode d’identification projective) et par l’agir (un épisode de passage
à l’acte).
Cette répartition des défenses est aussi tout à fait caractéristique de
ce que l’on trouve dans les entretiens de psychothérapie, soit deux à
trois groupes principaux de défenses, ainsi que quelques mécanismes
moins fréquents, répartis dans les autres groupes.
Rappelons enfin qu’il s’agit de définitions opérationnelles, permet-
tant de repérer qualitativement et quantitativement des défenses dans
une perspective de recherche. On voit bien dans cet exemple que cer-
taines défenses relevées, comme le refoulement ou le passage à l’acte,
sont assez éloignées d’une définition plus métapsychologique et font
l’impasse sur une évaluation plus en profondeur des aspects dynami-
ques et économiques du fonctionnement défensif. Cependant, cette
manière d’évaluer les défenses a aussi des avantages notables. D’une
part, à travers la notion de défenses de maturité, il est possible d’éva-
luer les ressources psychiques du patient, peu présentes dans cette
vignette clinique et probablement en rapport avec l’état de crise dans
laquelle se trouve cette femme. Deuxièmement, il est possible de repé-
rer d’autres défenses que les défenses principales sur lesquelles les cli-
niciens se focalisent en général en première intention. Ici on peut noter
d’autres défenses névrotiques que les défenses obsessionnelles, des
défenses narcissiques mais aussi des défenses borderlines et par l’agir
qui mettent une perspective à l’évaluation clinique. Enfin, le score
défensif global, de 4,14 pour cet extrait d’entretien doit être considéré
comme plutôt faible et à mettre en rapport avec les faibles ressources
de cette patiente, marquées par l’absence de défenses de maturité, ainsi
que par la part importante prise par les défenses immatures.
6
Comparaison entre évaluation des
défenses à l’aide du DMRS et par
auto-questionnaire (DSQ)
Y. de ROTEN, G. AMBRESIN

La question de la mesure empirique des défenses la plus adéquate a


préoccupé les chercheurs depuis des décennies. Sachant qu’il existe des
auto-questionnaires permettant de mesurer de manière fidèle et globale-
ment valide le fonctionnement défensif (M. Bond, 2004), la tentation est
grande de privilégier ce type d’instrument sachant le gain appréciable en
temps et en argent que cela représente par rapport à une cotation par un
juge externe formé spécifiquement à l’utilisation d’une méthode de cota-
tion. Encore faut-il s’assurer d’une concordance suffisante entre les mesu-
res prises par chacune des deux méthodes. En d’autres termes, quelle est
la part de la variance de la mesure qui est attribuable à la méthode ?
Par définition, les mécanismes de défense se produisent en grande
partie hors de la conscience du sujet. Comme un auto-questionnaire ne
peut appréhender que les dérivés conscients des défenses, se posa la
question légitime de savoir ce qui est mesuré du concept de défense
originel. Pour M. Bond (1986), les patients peuvent être conscients de
leurs défenses lorsqu’ils réalisent qu’elles ont échoué ou parce que les
autres les leur ont fait remarquer. Pour J.C. Perry (2003), l’auto-ques-
tionnaire ne peut avoir la même validité que le DMRS dans la mesure
où les dérivés conscients des défenses sont susceptibles de déformer le
processus défensif réel que le patient tente de décrire. Cela peut être
particulièrement vrai pour les patients avec des troubles de personna-
lité, où l’absence d’insight est un trait caractéristique du diagnostic.
Certains résultats empiriques viennent confirmer ces difficultés. Par
exemple R. Trijsburg et coll. (2000) ont cherché à vérifier empirique-
154 Applications et discussions

ment la capacité du DSQ à discriminer différents groupes de défenses


(matures, névrotiques et immatures). Les résultats montrent que cet
auto-questionnaire correspond formellement à une échelle uni-dimen-
sionnelle qui corrèle avec le niveau symptomatique général du patient.
Les résultats de l’étude de la validation française du DSQ (C. Bonsack,
J.N. Despland et J. Spagnoli, 1998) vont dans le même sens en mon-
trant que seul le premier style défensif – le style des défenses inappro-
priées – est suffisamment robuste d’une version à l’autre (cf. p. 14).
Théoriquement la question est épineuse et rares sont les travaux
empiriques qui ont comparé directement les cotations DMRS avec les
résultats de mesures par auto-questionnaire. Ce chapitre sera l’occa-
sion d’en faire rapidement la revue. Nous nous essayerons ensuite à
une procédure plus qualitative en comparant directement le profil
défensif du DMRS avec les styles défensifs du DSQ (brièvement pré-
sentés au chapitre 2) pour quelques cas prototypiques provenant d’une
recherche où le DSQ a été rempli avant et après le traitement et où le
DMRS a été coté sur chacune des séances de thérapies.

Comparaison quantitative
Nous n’avons recensé que trois études ayant comparé directement les
deux instruments. La plus ancienne est due à M. Bond et coll. (1989) qui
ont comparé les styles défensifs de 156 patients avec le fonctionnement
défensif coté avec le DMRS sur la base d’un entretien psychiatrique non
standardisé. Les résultats montrent que le style 1 « modèle d’action inap-
proprié » du DSQ corrèle positivement avec la catégorie des défenses
immatures du DMRS, et en particulier avec le niveau des défenses par
l’agir et négativement avec la catégorie des défenses matures. Les styles 2
« distorsion de l’image » et 3 « sacrifice de soi » montrent le même type
de corrélation négative avec la catégorie des défenses immatures et le
niveau des défenses par l’agir. En revanche, le style 4 « style adaptatif »
n’est corrélé à aucune catégorie ou niveau défensif du DMRS. Enfin au
niveau des items du DSQ, sur les 25 items identifiés comme mesurant des
défenses mal adaptées, 23 corrèlent positivement avec les défenses imma-
tures du DMRS. Les auteurs en concluent que le DSQ permet d’identifier
de manière fiable et valide la catégorie des défenses immatures.
J.C. Perry et P. Hoglend (1998) ont étudié la convergence entre les
deux instruments à partir du calcul de l’indice de fonctionnement défen-
sif global (FDG). Le DMRS a été codé sur la base d’un entretien non
standardisé pour 106 patients présentant une grande prévalence de pro-
blématiques dépressive et dysthymique. En accord avec l’hypothèse de
départ, la corrélation entre les deux évaluations du FDG est modérée
(r = 0,26), soit environ 7 % de variance commune. Dans cette même
Comparaison entre DMRS et DSQ 155

étude, le FDG mesuré par le DMRS se montre indépendant des échelles


de fonctionnement symptomatique, Symptom Check-List (SCL-90) et
l’échelle de fonctionnement global (EGF). Le DSQ ne peut en revanche
pas être clairement discriminé de ces mesures subjectives. Dans l’ana-
lyse factorielle visant à expliquer la dysthymie et la dépression dans cet
échantillon, le DMRS apparaît seul dans un facteur, alors que le DSQ
apparaît dans un autre facteur avec l’indice de gravité globale GSI de la
SCL-90 (note totale divisée par 90).
De plus, une autre étude (P. Hoglend et J.C. Perry, 1998) montre que le
DMRS permet de prédire l’évolution de la symptomatologie à six mois
alors que le DSQ ne le permet pas. Tout ceci confirme la pertinence de la
mesure des défenses par observateur comme une dimension indépendante
des autres mesures de fonctionnement symptomatique du patient, alors
que la perception subjective des défenses ne s’en distingue pas. L’étude
confirme l’idée que les deux méthodes ne mesurent pas tout à fait le
même concept. Selon ces auteurs, la méthode par auto-questionnaire est
sans doute la moins valide et le DSQ ne devrait de ce fait pas être consi-
déré en tant que tel comme un substitut d’une mesure par observateur.
Enfin A.G. Hersoug, H.C. Sexton et P. Hoglend (2002) ont étudié 43
patients non sélectionnés (majoritairement avec un trouble anxieux, et
dont 65% présentant des troubles de la personnalité) ayant bénéficié
d’une psychothérapie psychodynamique brève (maximum 40 séances,
une année). Avant la thérapie, la corrélation entre DSQ et DMRS est
non significative (r = 0,30). Une corrélation significative (en moyenne
r = 0,41) entre le DSQ et six autres instruments diagnostiques existe
alors qu’aucune de ces corrélations n’est significative avec le DMRS.
La comparaison pré-post montre que le DMRS est sensible au change-
ment (le FDG passant de 4,40 à 4,82, p < 0,001) alors que les notes du
DSQ restent inchangées (le FDG passe de 4,04 à 4,07 ; ns).
Nos propres données sur 61 patients tout venant (majoritairement des
troubles de l’humeur et des troubles anxieux, un tiers présentant égale-
ment des troubles de personnalité) ayant bénéficié d’une intervention psy-
chodynamique ultra brève en quatre séances confirment très largement
les autres données de la littérature. La corrélation entres les deux FDG est
modérée (r = 0,41) avant la thérapie et un peu plus élevée (r = 0,47) à la
fin du traitement. Au niveau des styles défensifs propres au DSQ, les
résultats de M. Bond et coll. (1989) sont confirmés avant la thérapie : le
style 1 « modèle d’action inapproprié » du DSQ corrèle positivement
avec la catégorie des défenses immatures (r = 0,30) et négativement avec
la catégorie des défenses matures (r = - 0,31) du DMRS. Aucune corréla-
tion significative n’est observée pour les trois autres styles défensifs. En
revanche, en fin de thérapie, aucun style défensif du DSQ ne présente de
corrélation significative avec les niveaux de défense du DMRS.
156 Applications et discussions

Comme l’ont montré A.G. Hersoug, H.C. Sexton et P. Hoglend


(2002), le DSQ reste stable entre le début et la fin du traitement (le
FDG passe de 4,20 à 4,27 ; ns) alors que le DMRS est significative-
ment augmenté (le FDG passe de 4,39 à 4,66 ; p = 0,03). Enfin, le
DSQ corrèle fortement avec une échelle de gravité symptomatique (r =
0,53) et avec une échelle d’ajustement social (r = 0,52) en début de thé-
rapie ; corrélations qui sont respectivement de 0,60 et 0,49 en fin de
thérapie. Avec le DMRS, les corrélations ne concernent que l’échelle
de gravité symptomatique et sont sensiblement inférieures (entre 0,20
et 0,37 suivant les niveaux de défense).

Étude de cas
Pour compléter l’étude de la concordance entre les deux instruments,
nous avons choisi quelques cas de notre étude sur la psychothérapie
ultra brève afin de comparer directement les profils défensifs mesurés
par chaque instrument. La sélection des trois cas qui suivent s’est faite a
priori sur la base du niveau de fonctionnement défensif global. Dans
notre échantillon, le FDG (déterminé par le DMRS) varie entre 3,5 et
5,5 ; Nous avons donc choisi un cas avec un FDG au-dessus de 5, un
cas situé entre 4 et 5, et un cas au-dessous de 4. Ce choix permet, pour
différents niveaux de fonctionnement du patient, de comparer la spécifi-
cité de chaque instrument par rapport aux différents niveaux de défense
ainsi que la sensibilité au changement induite par la prise en charge psy-
chothérapeutique. Pour chaque cas, nous disposons de deux auto-éva-
luations des défenses à l’aide du DSQ (avant et après l’intervention, soit
un intervalle d’un mois environ), et du codage DMRS de chacune des
quatre séances de l’intervention psychothérapeutique réalisé sur la base
de la transcription de chaque entretien. Les codages ont été réalisés par
plusieurs cotateurs formés et expérimentés dont la fidélité inter-juges a
été estimée bonne (coefficient intra-classe moyen de 0,75).

Cas 1
Il s’agit d’un homme de 40 ans, enseignant dans le secondaire, qui pré-
sente un trouble de l’identité sexuelle avec des traits de personnalité évi-
tante, dépressive et passive-agressive selon les critères du DSM-IV mais
pas de trouble de personnalité en tant que tel. Une amélioration sympto-
matique significative est observée à la fin des quatre séances. L’alliance
thérapeutique, mesurée par le patient après chaque séance, augmente sen-
siblement mais demeure relativement basse. Enfin le patient se dit très
satisfait de l’aide et des changements symptomatiques mais peu satisfait
par rapport aux buts visés. Thérapeute et patient décident d’un commun
accord de ne pas poursuivre avec un traitement psychothérapeutique.
Comparaison entre DMRS et DSQ 157

Le tableau 6.1 indique les scores défensifs globaux et par niveaux de


défense pour les deux instruments. Globalement, le DSQ reste stable
alors que le DMRS change, avec une évolution entre la première et la
quatrième séance qui va vers un fonctionnement défensif plus mature.
Le niveau de fonctionnement du DSQ correspond au niveau le plus fai-
ble du DMRS, mesuré à la troisième séance de thérapie. Par niveaux
défensifs, le DSQ met en avant essentiellement deux catégories de
défense : les défenses matures et les autres défenses névrotiques. Pour
ces deux catégories, ce patient est parmi les 2,5 % des patients qui ont
les scores les plus hauts (c’est-à-dire un score supérieur à la moyenne
de l’échantillon plus 2 écarts-type). Pour toutes les autres catégories,
les scores sont inférieurs à la moyenne de l’échantillon. Le DMRS
donne une vision à la fois plus étendue et un peu différente. Aux défen-
ses matures et autres défenses névrotiques s’ajoutent les défenses
obsessionnelles, les défenses de désaveu et quelques défenses narcissi-
ques. Ces trois niveaux sont précisément ceux qui évoluent générale-
ment le plus au cours de l’intervention thérapeutique, avec une
diminution des défenses narcissiques et de désaveu et un renforcement
des défenses obsessionnelles (M. Drapeau et coll., 2003). Il semble que
pour ce patient, la plus grande sensibilité du DMRS au changement
passe par la mesure d’un plus large registre de défenses de différents
niveaux. Les défenses mesurées par le DSQ ne sont pas fondamentale-
ment différentes, mais ne concernent qu’une partie plus restreinte et
plus stable du fonctionnement défensif du patient.
Tableau 1.1. — Profil défensif selon le DSQ et le DMRS du cas 1.

DSQ DMRS DSQ

Pré Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Post


Fonctionnement
4,77 5,12 5,25 4,59 5,94 4,69
défensif global (FDG)
Par niveaux de défense
Matures 5,8 23 % 10 % 6% 18 % 5,0
Obsessionnelles 2,6 31 % 55 % 24 % 70 % 2,1
Autres névrotiques 5,4 12 % 10 % 29 % 6% 5,2
Narcissiques 1,6 11 % - 6% - 1,8
De désaveu 3,5 19 % 25 % 35 % 6% 2,4
Limites 1,8 - - - - 2,5
Par l’agir 2,8 4% - - - 2,4

Le FDG varie de 1 à 7 (plus le chiffre est élevé, plus le fonctionnement défensif est
mature) ; pour le DSQ, les chiffres par niveau varient de 1 à 9 (plus le chiffre est
élevé, plus la personne reconnaît agir en fonction de ce type de défenses).
158 Applications et discussions

Cas 2
Il s’agit d’un jeune homme de 25 ans, étudiant, qui consulte pour un
trouble de l’adaptation avec humeur dépressive. Le traitement
n’apporte pas d’amélioration symptomatique significative (mais le
niveau de gravité de départ est modéré). L’alliance thérapeutique aug-
mente sensiblement au cours des séances mais demeure relativement
basse et le patient se dit très satisfait de la prise en charge sauf concer-
nant les changements symptomatiques attendus. La prise en charge
psychothérapeutique s’arrête après cette intervention ultra brève.
Comme pour le cas précédent, le FDG mesuré par le DSQ est remar-
quablement stable d’une évaluation à l’autre et correspond au FDG
moyen du DMRS sur les quatre séances (tableau 6.2). Le DMRS se
montre plus sensible au changement, avec une augmentation impor-
tante et linéaire du FDG qui passe de 4,00 à 5,11.

Tableau 1.2. — Profil défensif selon le DSQ et le DMRS du cas 2.

DSQ DMRS DSQ

Pré Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Post


Fonctionnement
4,46 4,00 4,43 4,48 5,11 4,53
défensif global (FDG)
Par niveaux de défense
Matures 5,5 7% - - - 6,1
Obsessionnelles 5,3 13 % 29 % 48 % 67 % 5,6
Autres névrotiques 4,4 13 % 28 % 5% - 4,0
Narcissiques 1,6 7% 7% 9% 11 % 1,4
De désaveu 3,6 60 % 29 % 28 % 22 % 4,1
Limites 1,8 - 7% 5% - 0,0
Par l’agir 5,0 - - 5% - 5,8

Le FDG varie de 1 à 7 (plus le chiffre est élevé, plus le fonctionnement défensif est
mature) ; pour le DSQ, les chiffres par niveau varient de 1 à 9 (plus le chiffre est
élevé, plus la personne reconnaît agir en fonction de ce type de défenses).

Les niveaux de défense mis en avant par le DSQ sont très contras-
tés: les défenses les plus hautes (de maturité, obsessionnelles et névro-
tiques) d’une part, les défenses par l’agir d’autre part. Ceci contraste
avec le profil révélé par le DMRS, où l’absence des défenses extrêmes
(de maturité et par l’agir) frappe. Deux autres niveaux sont particuliè-
rement importants dans ce cas : les défenses de désaveu (déni et ratio-
nalisation en particulier) sont très fortement représentées à la première
Comparaison entre DMRS et DSQ 159

séance, et elles diminuent largement au cours des séances suivantes,


remplacées progressivement par des défenses obsessionnelles (intel-
lectualisation), ce qui explique également l’augmentation du score de
fonctionnement défensif.
Comme dans le premier cas, le DMRS se montre sensible à un chan-
gement cliniquement significatif, qui passe ici par une diminution de
l’anxiété liée aux affects difficiles, au conflit et/ou à la crise (moins de
défenses de désaveu) et par l’engagement du patient dans un travail
d’examen et de compréhension des causes de ses difficultés en adop-
tant un regard intellectualisant sur celles-ci (plus de défenses obses-
sionnelles).

Cas 3
Il s’agit d’une jeune femme de 20 ans, étudiante, qui présente un
trouble de l’humeur (dépression majeure), un trouble alimentaire (bou-
limie) et un trouble de personnalité (personnalité dépendante).
L’alliance est élevée dès la première séance et se maintient au cours
des trois entretiens suivants. L’amélioration symptomatique est signifi-
cative bien que le niveau de gravité demeure sévère. La patiente se dit
très satisfaite de l’aide apportée, mais peu satisfaite des changements
symptomatiques observés et des buts atteints. Une prise en charge de
plus longue durée a été indiquée.

Tableau 1.3. — Profil défensif selon le DSQ et le DMRS du cas 3.

DSQ DMRS DSQ

Pré Séance 1 Séance 2 Séance 3 Séance 4 Post


Fonctionnement
4,26 3,44 3,41 3,59 4,00 3,84
défensif global (FDG)
Par niveaux de défense
Matures 4,8 2,6 % - 2,9 % 5,9 % 3,4
Obsessionnelles 3,9 2,6 % 10,3 % 5,9 % 5,9 % 4,4
Autres névrotiques 6,6 25,6 % 15,4 % 32,4 % 23,5 % 5,2
Narcissiques 1,9 30,8 % 25,6 % 14,7 % 29,4 % 1,5
De désaveu 3,3 10,3 % 25,6 % 17,6 % 23,5 % 4,1
Limites 3,0 - - 2,9 % 5,9 % 5,9
Par l’agir 3,9 28,2 % 23,2 % 23,5 % 5,9 % 5,4

Le FDG varie de 1 à 7 (plus le chiffre est élevé, plus le fonctionnement défensif est
mature) ; pour le DSQ, les chiffres par niveau varient de 1 à 9 (plus le chiffre est
élevé, plus la personne reconnaît agir en fonction de ce type de défenses).
160 Applications et discussions

Le tableau 6.3 montre que pour ce patient, et contrairement aux deux


autres cas, le niveau de fonctionnement défensif mesuré en début de
traitement par le DSQ est plus élevé que le niveau mesuré par le
DMRS. En revanche, la mesure est plus comparable à la fin du traite-
ment. Si comme M. Drapeau et coll. (2003) l’on fait l’hypothèse que le
FDG mesuré à la quatrième séance correspond plus ou moins au
niveau de fonctionnement défensif d’avant la crise qui a amené le
patient à consulter, on peut penser que le DSQ n’est pas suffisamment
sensible aux éléments dus à la crise, en particulier l’importance des
défenses par l’agir. En revanche, une fois celle-ci résolue, le patient est
plus capable d’en prendre conscience et les défenses par l’agir sont
alors présentes dans le DSQ. Concernant les autres niveaux défensifs,
DSQ et DMRS concordent à reconnaître l’apparition ou l’augmenta-
tion de l’utilisation des défenses limites et par le désaveu.

Discussion
On le voit, la méthode influence passablement les résultats et les
cotations DMRS et DSQ ne concordent au mieux que modérément.
Dans la mesure où le DMRS se montre plus valide sur le plan con-
ceptuel et plus sensible sur le plan empirique, il nous semble que
c’est la mesure qui doit être privilégiée pour l’étude des défenses. Le
DSQ se révèle moins spécifique pour la mesure de l’ensemble de la
palette des opérations défensives (il correspond davantage à une
échelle unidimensionnelle mesurant un niveau de fonctionnement
défensif général) et très peu sensible au changement dû à une inter-
vention de crise très brève. Concernant le changement à plus long
terme, des évolutions ont été mises en évidence à l’aide des deux ins-
truments. Cependant, certaines inconsistances intriguent. Ainsi dans
l’étude de J.C. Perry (1988), réalisée à l’aide du DMRS, ce sont les
défenses immatures de patients dépressifs qui diminuent après six
mois de traitement, alors que dans l’étude de K. Akkerman, R. Lewin
et V. Carr (1999), réalisée à l’aide du DSQ, le changement de fonc-
tionnement défensif du même type de patients dépressifs est lié à
l’augmentation des défenses de maturité.
Les données manquent sur la part défensive qui est mesurable par
auto-questionnaire. Et la question est loin d’être triviale lorsque l’on
sait qu’entre différents questionnaires, les intercorrélations sont quasi
inexistantes (K. Davidson et M.V. McGregor, 1998). Dès lors, tant que
les paramètres défensifs mesurés par le DSQ ne sont pas plus claire-
ment explicités, il apparaît judicieux, d’une part, d’interpréter ces don-
nées avec la plus grande prudence, en particulier en termes de
Comparaison entre DMRS et DSQ 161

mécanismes de défense distincts ou de niveaux défensifs, et d’autre


part, de multiplier les sources de mesures pour garantir une évaluation
valide des mécanismes de défense. Cependant, la distinction entre
mesure de trait (pour le DMRS) et mesure d’état (pour le DSQ) ne
semble pas très pertinente au vu des données disponibles. Par défini-
tion, les défenses sont un processus dynamique et sont influencées à la
fois par l’état du patient et par ses traits plus permanents, à plus forte
raison lorsque l’on utilise comme matériel de cotation des séances de
thérapies (O. Junod et al., 2005). Les résultats globaux sur l’évolution
des défenses au cours des quatre séances de l’intervention psychodyna-
mique ultra brève le démontrent (cf. M. Drapeau et coll., 2003). Une
évolution positive du fonctionnement défensif des patients relative-
ment comparable à des processus thérapeutiques beaucoup plus longs
(A.G. Hersoug, H.C. Sexton, P. Hoglend, 2002) a pu être mis en évi-
dence, en relation avec l’évolution de la crise vécue par le patient. On
retrouve ce type d’évolution avec le style « mode d’action inappro-
prié» mesuré par le DSQ entre le début et la fin de notre intervention
psychodynamique ultra brève (G. Ambresin et coll., 2007). Le même
style diminue de manière importante au cours d’une psychothérapie
psychodynamique de trois à cinq ans (M. Bond et J.C. Perry, 2004).
Ces études illustrent que le DSQ est aussi sensible au changement,
mais de manière moins spécifique puisqu’il ne concerne que les défen-
ses inappropriées.
Signalons enfin qu’une nouvelle version du DSQ, plus directement
compatible avec le DMRS, et dont les items ont bénéficié d’un important
travail sur la validité de contenu et de construction, a été développée
simultanément à Amsterdam, Montréal et Lausanne (R.W. Trijsburg et
coll., 2005; K.L. Thygesen et al., in press). L’instrument, en cours de
validation, comprend 60 items et mesure les 30 défenses (deux items par
mécanisme de défense) du DMRS. Du fait de sa construction plus direc-
tement en rapport avec le fonctionnement défensif tel que mesuré par le
DMRS, la comparaison entre ces deux instruments devrait permettre de
mieux comprendre les relations entre mesures des défenses par codeur
externe et questionnaire auto-administré.
162 Applications et discussions

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Index des notions
A B

Acquiescement, 23 Blagues, 131


Acting out, 11, 16, 24, 62 Borderline, 30-31
Activisme, 6, 11, 16, 62 Boulimie, 159
Adolescents, 10, 15, 25, 31
C
Affect, 6, 9, 21, 159
Affiliation, 10-11, 15, 119 Ça, 4
Affirmation de soi, 10-11, 127-129 Capacité de recours à autrui, 11, 15,
Agir, 12, 16, 158-160 119-121
Agression passive, 10-11, 14, 16, 24, Clivage, 5, 10-11, 14, 16, 24, 32, 72-76,
66-68, 69, 107, 127, 130 92, 95, 97, 103, 116
Ajustement, 9 – de l’objet, 11
Alliance, 159 – des représentations d’objet, 10
– thérapeutique, 35, 156, 158 – des représentations de soi, 10
Altruisme, 10, 15, 25, 120, 122-124, – du moi, 11
136 Comportement auto-destructeur, 67
American Psychiatric Association, 17 Concordance, 29
Angoisse, 4 Contre-investissement, 10
Annulation, 24 Contrôle cognitif, 15
– (rétro-active), 10, 15, 70, 75, 105, Conversion, 4
116-118, 125, 146, 149 Coping, 7, 9-10, 12, 24, 26
Anticipation, 6, 10, 15, 24, 125-126 Cure analytique, 4
Anxiété, 159 Cure-type, 29
Apathetic withdrawal, 11
D
Assertivité, 11
© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.

Association psychanalytique interna- Défense


tionale, 43
– archaïque, 30
Autistic fantasy, 11 – immature, 15, 25, 154-155
Auto-affirmation (voir affirmation de – limite, 158-160
soi)
– mature, 15, 25, 30, 34, 155, 157-159
Auto-dévalorisation, 24 – narcissique, 30, 157, 159
Auto-évaluation, 31, 156 – névrotique, 15, 30, 157-159
Auto-observation, 15 – obsessionnelle, 158-159
Auto-questionnaire, 21-24, 153, 155, – psychotique, 15
160 Defense Mechanism Inventory (DMI),
Axe II (DSM), 7, 33 23
Axe III (DSM), 7-8 Defense Mechanism Profile (DMP), 25
Axe IV (DSM), 7-8 Defense Mechanism Rating Scale (Voir
Axe V (DSM), 8 DMRS), 15, 25, 45
166 Échelles d’évaluation des mécanismes de défense

Defense Style Questionnaire (DSQ), F


23, 153-163
Dénégation, 10 Fantaisie schizoïde, 15
Déni, 5-6, 10, 15-16, 22, 24, 99, 134, Fantasme schizoïde, 24
145, 158 FDG, 155-156, 158
– névrotique, 80-82 Fiabilité, 23
– psychotique, 15-16 Fidélité, 23, 27, 29
Déplacement, 4, 10, 15, 24, 67, 103, – inter-juges, 156
107-109, 128, 135, 146 Fonctionnement défensif, 28, 31-35,
Dépréciation, 6, 10, 14-15, 70, 74, 83, 159
92-94, 130, 134 – général, 160
Dépression, 155 – global (FDG), 154, 156-159
– majeure, 159 Formation
Désaveu, 16, 30, 157, 159-160 – des cotateurs, 28
Désirabilité sociale, 23 – réactionnelle, 6, 10, 14-15, 24, 81,
Dévalorisation, 32, 147 97, 103, 105-106, 117, 122, 149
Dissociation, 10, 15, 24, 63, 70, 81,
100, 102-104, 107 H
Distorsion, 12
Humour, 10, 14-15, 24, 130-132
– de l’image, 14, 32, 154 Hypocondrie, 10, 15, 69-71, 120
– majeure de l’image, 16 Hystérie, 4
– mineure de l’image, 15, 34
– psychotique, 16 I
DMRS, 8, 43, 153-161
DSM-III, 7 Idéalisation, 5, 10, 15, 24-25, 95-96,
DSM-III-R, 7, 24 148
DSM-IV, 3, 9-12, 15, 26, 28 – primitive, 5, 14, 32
DSQ, 13, 23, 25, 33, 153-158, 160-161, Identification, 10
163 – à l’agresseur, 10
DSQ-40, 15, 24 – projective, 5-6, 10, 16, 63, 74, 77-79,
DSQ-78, 24 83, 147
DSQ-88, 24 Immature, 15
Dysrégulation défensive, 12, 16 Inconscient, 4
Dysthymie, 155 Inhibition, IX, 4, 14-15
Insight, 153
E Intellectualisation, 10, 15, 35, 87, 110,
113-115, 145-146
Échelle de fonctionnement global Introjection, 10
(EGF), 155 Introspection, 11, 133-134
Egopsychology, 5, 43 Isolation, 11, 15, 24, 103, 110-113
Enregistrements vidéo, 25, 28
Entretiens, 25, 29, 154 L
– cliniques, 22
Life Index Style, 25
Estime de soi, 15
État limite, 30 M
Évaluation des psychothérapies, 34
Évitement émotionnel, 15 Maturité du Moi, 14
Index des notions 167

Mécanismes R
– de défense immatures, 32
– de défense matures, 32, 35 Rationalisation, 5, 11, 15-16, 24, 84,
86-88, 114, 133, 144-145, 148, 158
– de défense narcissiques, 35
Réactions passives-agressives, 15
Mensonge, 25, 86, 102
Refoulement, 4, 11, 15, 80, 99-101,
Mise à l’écart, 11, 15 103, 138, 146
Mode d’action inapproprié, 161 Refuge dans la rêverie, 11
Modèle d’action inapproprié, 14, 154 Régression, 11, 14
Moi, 3-5 Relation d’objet, 16
REM-P, 25
N
REM-Y, 25
Névrose obsessionnelle, 4 Renversement dans le contraire, 11
Niveau Repression, 11
– adaptatif, 12 Répression, 6, 11, 14-15, 24, 138-139
– de fonctionnement défensif, 29 – (mise à l’écart), 11
– défensif, 58, 150 Response Evaluation Measure (REM-
Normalité, 6, 13 71), 24
Retournement
O – contre soi-même, 10-11, 66-68
– sur soi, 5
Omnipotence, 11, 14-15, 24, 32, 89, Retrait, 16
97-98, 134, 148 – apathique, 11, 16
Organisations limites, 14 Rêverie autistique, 11, 16, 24, 89-91,
Overall Defensive Score, 28 125, 133
– (refuge dans la rêverie), 11
P Rorschach Defense Scale, 22
Passage à l’acte, 6, 11, 14-16, 62-65, S
78, 89, 122, 127, 145
– (activisme), 11 Sacrifice de soi, 14, 154
Personnalité
© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.

SCL-90, 155
– dépendante, 159 Score défensif global, 28, 58-59, 151
– multiple, 103 Somatisation, 24
– narcissique, 14, 32 Stratégies d’ajustement, 9
Plainte associant demande d’aide et re- Style
jet de cette aide, 16 – adaptatif, 14, 154
Processus psychothérapeutique, 34 – immature, 14, 24
Profil défensif, 28, 30, 156-159 – mature, 14, 24
Projection, 11, 14-16, 24, 78, 83-85, 87, – névrotique, 14, 24
92, 108, 114, 122 Styles défensifs, 12-13, 23-24, 30-31,
– délirante, 15-16 154-155
Pseudo-altruisme, 14, 24 Sublimation, 11, 14-15, 24, 123,
Psychanalyse, 4 135-136
Psychonévrose de défense, 3 Symptom Check-List, 155
Psychothérapie psychodynamique, 155 Symptôme, 4
168 Échelles d’évaluation des mécanismes de défense

T – anxieux, 155
– anxio-dépressif, 33
TAT (Thematic Apperception Test), 22 – de personnalité, 32, 155-156, 159
Test – des conduites alimentaires, 31
– de complètement de phrases, 25 – limite de la personnalité, 5, 22
– projectif, 22
Toute puissance, 5 V
Trouble
– alimentaire, 159 Verbatim, 27
Index des auteurs 1 1

A DRAKE R.E., 41
DRAPEAU M., 35, 38, 160, 161, 162
AKKERMAN K., 33, 36, 160, 162
ALBUCHER R.C., 33, 36 E
AMBRESIN G., 153, 161, 162
ANDREWS G., 14, 17, 24, 36 ERICKSON S., 31
EVANS D.W., 31, 38
B
F
BADER M., 26, 36
BIBRING G.L., 22, 36 FONAGY P., 43
BION W., 5, 17 FREUD A., 4, 5, 8, 10, 11, 12, 13, 18,
BLAIS M., 32, 36 23
BOND M., 11, 13, 14, 17, 21, 23, 30, FREUD S., 3, 4, 6, 18
31, 32, 33, 36, 37, 153, 154, 155, 161,
162 G
BONSACK C., 14, 17, 24, 37, 154, 162
GABBARD G., 7, 18, 30, 38
GILLIÉRON E., 35
C
GLESER G., 7, 23, 38
CALLAHAN S., 15, 17 GUELFI J.D., 14, 18
CARR V., 160
CARTER J., 32 H
CHABROL H., 15
HAAN N., 9, 18
CLONINGER C., 32, 37
HELDT E., 34, 38
CONTE H.R., 19, 25, 37
HERSOUG A.G., 155, 161, 162
COOPER A., 9
HØGLEND P., 29, 38, 154, 155, 161,
COOPER S., 22, 25, 26, 37, 40
162
CRAMER P., 37
I
D
IHILEVICH D., 7, 18, 23, 38
DAVIDSON K., 160, 162
IONESCU S., 8, 9, 10, 11, 12, 18, 43
DE FIFE J., 33
DE ROTEN Y., 35, 38, 153 J
DESPLAND J.N., 8, 18, 29, 35, 37, 38,
154 JACOBSEN A., 25, 38

1. Ne figurent que les premiers auteurs des articles ou livres cités dans les références bibliographi-
ques.
170 Échelles d’évaluation des mécanismes de défense

JACQUET M.-M., 8 PLUMPIAN-MIDLIN E., 6, 19


JOHNSON N., 25 PLUTCHIK R., 6, 17, 19, 25, 40
JUNOD O., 35, 39, 161, 162 POLLOCK C., 33
PONTALIS J.B., 4, 5, 8, 19
K
R
KERNBERG O., 5, 13, 18, 22, 24, 39
KIPPER L., 33, 34 RUUTTU T., 31, 40
KLEIN M., 5, 16, 18
KOENIGSBERG H., 32, 39 S
KOHUT H., 22 SAMMALLAHTI P., 31, 40
SANDLER J., 4, 19
L
SCHAFER R., 40
LACAN J., 6, 19 SEXTON H.C., 155, 161
LAPLANCHE J., 4, 5, 8, 19 SKODOL A., 7
LERNER P., 22 SOULTANIAN C., 22, 41
LEWIN R., 160 SPAGNOLI J., 154
LHOTE C., 8 STEIN D., 31, 41
LIN X., 33, 39 STEINER H., 24, 31, 41
STIGLER M., 28
M SULLIVAN P.F., 31, 41
MCGREGOR M.V., 160
T
MCWILLIAMS N., 7, 19, 30, 39
MERGENTHALER E., 28, 39 THYGESEN K.L., 161, 162
MULDER R., 32, 39 TORDJMAN S., 31, 41
MULLEN L., 33, 39 TRIJSBURG R.W., 31, 41, 153, 161,
MURRAY H.A., 22, 39 163

N V

NASSERBAKHT A., 31 VAILLANT G., 6, 7, 8, 11, 12, 13, 15,


16, 19, 24, 30, 32, 35, 40, 41, 43
P VALENSTEIN A., 12

PERRON R., 43 W
PERRY J.C., 8, 9, 10, 11, 16, 19, 25,
26, 29, 31, 32, 34, 40, 43, 153, 154, WALLERSTEIN R.S., 6, 7, 19, 21, 41
155, 160, 161, 162 WAMPOLD B.E., 34, 41

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