Bulletin de psychologie

Étude préliminaire sur le concept d'identification projective

Hector Scaglia

Citer ce document / Cite this document :

Scaglia Hector. Étude préliminaire sur le concept d'identification projective. In: Bulletin de psychologie, tome 29 n°320,
1975. pp. 84-120;

doi : https://doi.org/10.3406/bupsy.1975.10677;

https://www.persee.fr/doc/bupsy_0007-4403_1975_num_29_320_10677;

Fichier pdf généré le 14/09/2023

 Etude préliminaire
sur le concept d’identification projective

Hector SCAGLIA

PREMIERE PARTIE l’âme de personnes étrangères à notre moi »

(pp. 129-130).
A — CONCEPTS DE BASE
Freud ajoute en note : « Il faudrait, pour
épuiser le sujet, se livrer à une analyse psycho¬
a) La place du mécanisme dans le cadre
logique beaucoup plus profonde et compréhen¬
théorique kleinien.
sive. En partant de l'identification et en suivant
Notre point de départ sera l’utilisation psycha¬ une certaine direction, on aboutit, à travers
nalytique du mécanisme d’identification, tel l’imitation, à l'Einfühlung, c'est-à-dire à la com¬
qu’il a été élaboré par Freud. C'est-à-dire com¬ préhension du mécanisme qui permet, en géné¬
me « la première manifestation d'un attache¬ ral d’adopter une attitude déterminée à l'égard
ment affectif à une autre personne ». Et aussi : d’une autre vie psychique» (p. 132).
« ...tout ce qu'on constate, c’est que le moi Nous retiendrons ici les aspects identifica
cherche à se rendre semblable à ce qu’il s’est toires comme conduisant à l'établissement d'un
proposé comme modèle » ( 1 ) .
Nous insisterons ultérieurement sur cet aspect (*) Nous essayerons de montrer ici, à travers
du problème. la présentation de quelques travaux concernant le
sujet, la délimitation, la caractérisation et l’emploi
Une autre facette du sujet a été repérée par
du concept d’identification projective. Cette pré¬
Otto Fenichel (2) en faisant allusion au phéno¬
sentation, il va de soi, et malgré le nombre d’au¬
mène de fascination décrit par Bernfeld com¬
teurs consultés, ne prétend pas être exhaustive.
me étant une importante fonction du moi
Elle n’impliquera pas, par ailleurs notre adhésion
primitif. Cette fonction consiste à contrôler (ou
totale, ou parfois, même pas partielle vis-à-vis des
à s'efforcer de contrôler) la stimulation intense
positions générales prises par les différents auteurs.
à travers l’imitation primitive de la part du
Dans l’exposition de ce travail, notre responsabilité
moi, de ce qui est perçu. est par contre engagée en ce qui concerne le choix
L’auteur signale que tant la perception que des auteurs et quant à l’importance donnée à leurs
la modification dans le corps propre en rapport idées.
avec ce qu’on perçoit, sont des différentes (1) FREUD (S.). — Psychologie collective et ana¬
parties d’un même processus. Cette imitation lyse du moi. In Essais de psychanalyse. Paris, Payot,
primitive constitue une sorte d’identification 1927, pp. 126-7.
et le fait de l’assumer est à l'origine de la Dans le même texte, Freud dira : « Ce que nous
perception. venons d’apprendre de ces trois sources peut être
Pour sa part, Freud dans son travail Psycho¬ résumé ainsi : premièrement, l’identification consti¬
logie collective et analyse du moi, écrit : « Nous tue la forme la plus primitive d’attachement affectif
entrevoyons déjà que l’attachement réciproque à un objet ; deuxièmement, à la suite d’une trans¬
qui existe entre les individus composant une formation régressive, elle prend la place d’un atta¬
foule doit résulter d'une identification pareille, chement libidineux à un objet, et cela par une
fondée sur une communauté affective ; et nous sorte d’introduction de l’objet dans le « moi » ;
pouvons supposer que cette communauté affec¬ troisièmement, l’identification peut avoir lieu chaque
tive est constituée par la nature du lien qui fois qu’une personne se découvre un trait qui lui
rattache chaque individu au chef. Nous nous est commun avec une autre personne, sans que celle-ci
rendons, en outre, compte que nous sommes soit pour elle un objet de désirs libidineux. Plus des
loin d’avoir épuisé le problème de l'identifica¬ traits communs sont importants et nombreux, et
tion, que nous nous trouvons en présence du plus l’identification sera complète et correspondra
processus connu en psychologie sous le nom de ainsi au début d’un nouvel attachement ». Op. cit. p.
Einfühlung (assimilation des sentiments d’au¬ 129.
trui) et qui joue un très grand rôle, grâce (2) FENICHEL (O.). — Teoria psicoanalitica de las
aux possibilités qu'il nous ouvre de pénétrer neurosis. Trad. esp. Buenos-Aires, Paidos, 1966.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 85

lien entre les membres d’un groupe ou collec¬ soin de contrôler les anxiétés persécutrices
tivité, et aussi la mention dans ce contexte des contribue à la scission du sein maternel tant
processus qui sous-tendent à l’adoption d’une à l’extérieur qu’à l’intérieur du sujet. Cette
attitude particulière face aux autres personnes. scission crée un objet aimé et dont l’enfant a
Points sur lesquels se développera la concep¬ besoin, et un objet haï et redouté ». Ceci consti¬
tion kleinienne. La notion d’imitation, par con¬ tuerait le modèle de toute internalisation d’ob¬
tre, sera reléguée au deuxième plan dans les jet ultérieur (4).
recherches postérieures touchant l’identifica¬ La déviation de l’instinct de mort s’effectue
tion, bien que son emploi soit plus fréquent même lorsqu'il y a une prédominance de la
en ce qui concerne l’explication des attitudes pulsion de vie et de la capacité d’aimer. Cette
sociales et des rôles. déviation va contribuer à la création des objets
Ces considérations nous amènent maintenant persécuteurs et dangereux lesquels seront pos¬
au concept d'identification projective tel qu’il térieurement re-introjectés. « Les processus de
a été élaboré par Mélanie Klein. Nous ne nous projection et de re-introjection modifient de
limiterons pas à la théorie kleinienne, et nous façon permanente les rapports entre le moi et
essayerons de faire référence à d’autres auteurs ses objets, avec des fluctuations entre les ob¬
et aux modifications ultérieurement introduites. jets externes et internes, entre les bons et les
Dans ce sens nous voudrions repérer dès le mauvais objets (5). Ce processus est en étroite
début la place du mécanisme dans le modèle liaison avec les fantasmes et les émotions de
du fonctionnement mental proposé par M. Klein. l'enfant aussi bien qu’avec l’urgence de ses
Nous insisterons alors sur quelques concepts expériences actuelles. La complexité de ces
qui servent de cadre et délimitent l’idée d’iden¬ fluctuations produites par l’activité perpétuelle
tification projective. des deux pulsions, est à la base du développe¬
M. Klein, dans son article « On the Deve¬ ment du moi ; de son rapport avec le monde
lopment of Mental Fonctionning» (3), signale externe et aussi avec la construction de son
l'importance des formulations exposées par propre monde interne.
Freud et relatives à la structuration mentale « Freud a postulé que le moi s’enrichit de
en termes de ça, moi et surmoi. Elle indique façon permanente à partir du ça. Pour ma part,
aussi le poids de la découverte des instincts j'ai déjà dit que le moi est appelé à l'activité
de vie et de mort avec sa polarité et sa fusion et qu’il est aussi développé par la pulsion de
agissant dès la naissance. Son repérage théori¬ vie. Ceci s'obtient à partir des premières rela¬
que a grandement contribué — à son avis — tions d’objets. Le sein, dans lequel sont pro¬
à la compréhension de l’appareil mental. jetées les pulsions de vie et de mort, est alors
En continuant avec l'idée freudienne de la le premier objet internalisé par introjection. De
déviation à l'extérieur de la pulsion de mort cette façon, les deux pulsions trouvent un objet
comme une défense de l’organisme contre les dans lequel elles se lient. C'est à partir de
dangers qui découlent de cet instinct, M. Klein cela que, moyennant les projections et les intro
aboutit à son élaboration du concept de pro¬ jections successives, le moi s'enrichit et se for¬
jection. C’est justement la mise en marche du tifie ».
mécanisme de projection qui protégera l’enfant
de l’invasion des pulsions destructrices. D’un b) Les antécédents du concept d’identification
certain point de vue, le moi, incité par l’instinct projective dans l’œuvre de M. Klein.
de vie, sera appelé à l’action pour faire face
à cette menace et pour faire démarrer les fonc¬ Le concept d’identification projective fut in¬
tions projectives. troduit par M. Klein en 1946, sans que cela
Nous accédons ainsi à la délimitation des pro¬ impliquât de s’écarter, selon son opinion, de la
cessus primaires du fonctionnement mental : théorie freudienne orthodoxe. Mais, très pré¬
la projection, comme moyen de dévier à l'exté¬ cocement on trouve déjà dans ses recherches
rieur la pulsion de mort et comme forme la référence au mode de fonctionnement et à
d’investir le premier objet de libido, et l'intro l’importance des mécanismes de projection et
jection, opérant aussi dès la naissance et qui d’introjection dans les processus de formation
est également au service de l’instinct de vie. et de consolidation des instances psychiques.
A travers ces affirmations on distingue nette¬ (C’est justement en rapport avec ce processus
ment l'action des deux instincts au cours de de formation qu'apparaîtront quelques différen¬
leur fusion. Liaison qui s'accomplit dans les ces avec les idées originaires de Freud).
objets, le premier étant le sein maternel. Selon Le concept d'identification projective est alors
la prédominance des pulsions destructrices ou un élément important dans la pensée kleinienne.
des sentiments d'amour, le sein avec les expé¬ Car c’est à partir d’une première introjection
riences gratifiantes, commence à former à
l'intérieur de l'enfant « le bon objet primaire ». (3) KLEIN (M.). On the development of mental
La projection sur le sein des pulsions destruc¬ fonctionning. In The Int. J. of Psycho-Anal., 39,
trices contribue à la délimitation du « mauvais 1958, p. 84. Traduction personnelle.
objet primaire Les deux objets primaires sont
». (4) KLEIN (M.). — Op. cit. p. 84. Traduction per¬
re-introjectés et ainsi les instincts de vie et de sonnelle.
mort qui avaient été précédemment projetés se (5) KLEIN (M.). — Op. ch. p. 87. Traduction per¬
retrouveront de nouveau dans le moi. « Le be¬ sonnelle.
86 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

de base que le moi va se développer, c’est-à En outre, il faut signaler que les concepts
dire que c'est l'interrelation de projection et d'identification projective et de projection qui
d'introjection qui serait l’origine de cette ins¬ font partie de l’idée d'identification projective,
tance. (Pour la théorie freudienne les méca¬ sont utilisés dans l’œuvre de M. Klein avec tou¬
nismes d’introjection et de projection ne sont tes les acceptions qu’impliquent ces termes.
pas mis en marche que lorsque le moi com¬ Dans le Vocabulaire Technique et Critique de
mence à se différencier du monde extérieur). la Philosophie (9) cité par Laplanche et Pon
Il est possible alors de repérer très tôt dans talis (10), on trouve deux acceptions: «A)
l'œuvre de M. Klein, les concepts qui ont contri¬ Action d’identifier, c’est-à-dire de reconnaître
bué à la formation de la notion d’identification pour identique, soit en nature, par exemple
projective. quand on reconnaît un objet comme apparte¬
nant à une certaine classe..., ou encore quand
Dans son livre « La psychanalyse des en¬
on reconnaît une classe de faits pour assimila¬
fants » de 1932, l'auteur écrit : « Pendant cette
ble à une autre... ». « B) Acte pour lequel un
période du développement, les méthodes de dé¬
individu devient identique à un autre, ou par
fense sont proportionnelles à la pression de
l’anxiété en lui et elles sont extrêmement
lequel deux êtres deviennent identiques (en
pensée ou en fait, totalement ou segundum
violentes. Nous savons que pendant le précoce quid) ».
stade sadique-anal, ce que l'enfant expulse c’est
un objet qu’il perçoit comme très hostile et On peut ajouter encore l'emploi kleinien du
équivalent aux excréments. D’un certain point verbe dans sa forme réflexive dans le sens de
« trouver une identité ».
de vue, ce qu’il expulse est aussi un terrifiant
surmoi qu’il a intro jecté pendant la phase sadi¬ En ce qui concerne l'utilisation du terme de
que-orale de son développement. L’acte d'expul¬ « projection » dans l’œuvre kleinienne, on peut
ser est ainsi un moyen de défense employé trouver entre autres, les acceptions suivantes :
par le moi terrifié contre le surmoi. L'enfant
A) Dans le sens expulsif et lié à la décharge
expulse des objets internalisés et les projette pulsionnelle.
dans le monde extérieur » (6).
B) Dans le sens précis de mécanisme de
Les mécanismes de projection et d’expulsion défense, c’est-à-dire en impliquant la mécon¬
sont liés très étroitement dans l'individu au
naissance de ce qui est projeté.
processus de formation du surmoi. Le moi tente
de se défendre du surmoi soit en l'expulsant C) « Se projeter » dans le sens expressif qui
violemment à l’extérieur, soit en le détruisant. se lie parfois à la signification du mécanisme
d’identification.
Mais aussi, et à cause des menaces du surmoi,
le moi cherche à se débarrasser du ça sadique. D) Dans le sens d'intentionalité.
Dans les deux cas le moi utilise le même moyen : F) Comme forme particulière du mécanisme,
l'expulsion par la force. L'enfant harcelé par c’est-à-dire comme une projection endo-psychi
ses identifications terrifiantes, les projette dans que produite à partir de la dissociation.
ses objets. Cette façon d’agir semble contri¬ Dans « La personnification dans le jeu des
buer à renforcer le besoin de répéter plus enfants ». M. Klein arrive à la conclusion que
fréquemment encore les processus d’introjec¬ la dissociation du surmoi en ses identifications
tion et elle devient aussi un facteur décisif
primaires, introjectées pendant les différents
pour l’évolution du lien entre l’enfant et ses stades du développement « est un mécanisme
objets. M. Klein pense que l'anxiété et le sen¬ semblable à la projection, avec laquelle il est
timent de culpabilité qui surgissent des pul¬ étroitement lié ». Pour M. Klein les mécanismes
sions agressives, contribuent très précocement de dissociation et de projection sous-tendent
à intensifier la liaison libidinale primaire entre à la tendance à la personnification dans le
l’enfant et sa mère.
jeu. A travers la dissociation et la projection,
C'est dans son travail « La personnification la synthèse du surmoi peut être momentané¬
dans le jeu des enfants » (7) datant de 1929, ment abandonnée. Ils éliminent aussi la tension
que l’on peut assister déjà à une accentuation
des concepts de projection et d’introjection (6) KLEIN (M.). — El psiconalisis de ninos. Situa •
voisine de la future élaboration de l'identifica¬ clones tempranas de ansiedad y su efecto en el
tion projective. L’aire conceptuelle ainsi déli¬ desarrollo del nino. Primeros estadios del conflicto
mitée correspondra, à notre avis, à celle que de Edipo y de la formacion del superyo. Buenos
caractérisera plus tard le concept. C’est dire Aires, Paidos, 1964, p. 155.
que, pour l’instant, nous avons dégagé trois (7) KLEIN (M.). — La personnification dans le jeu
aspects : le projectif, l'expulsif et l'introjectif. des enfants. In Essais de Psychanalyse, Paris, P.U.F.,
Précisément, dans son article « On Identifica¬ 1967.
tion » (8) M. Klein signalera la liaison intrin¬ (8) KLEIN (M.). — On Identification (Sur l’iden¬
sèque entre le mécanisme d’identification pro¬ tification). In New directions in Psycho-Analysis. Lon¬
jective et l'assomption des rôles, tout en faisant don, Tavistock Public. 1955.
la différence entre l’inter jeu des processus (9) LALANDE (A.). — Vocabulaire technique et
d’introjection et de projection d’une part et critique de la philosophie. Paris, P.U.F., 1951.
le processus d'identification projective de l’au¬ (10) LAPLANCHE et PONTALIS. — Vocabulaire
tre. de la psychanalyse. Paris, P.U.F. 1968, p. 187.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 87

produite dans l’effort

de maintenir la trêve le danger : le propre sadisme et la peur que
entre le surmoi comme une totalité et le ça. l’objet soit attaqué. En relation avec la pre¬
Le conflit intra-psychique devient moins violent mière, la défense activitée implique l'expulsion ;
et peut être déplacé vers l'extérieur. en ce qui concerne la deuxième, elle implique
Outre le fait de remarquer l’importance de la destruction. Les craintes de l’application du
la fonction du mécanisme impliqué dans la Talion jouent un rôle fondamental, car le moi
personnification du jeu, M. Klein attire l’atten¬ qui n’est pas encore suffisamment développé,
tion sur son importance dans la vie mentale se trouve face à l’énorme tâche de maîtriser
des adultes, car « ce mécanisme est à la base l’angoisse la plus intense. Cette ligne d'analyse
d'un phénomène de grande et universelle signi¬ peut être mise en rapport avec les processus
fication, essentiel pour le travail analytique de symbolisation.
tant avec des enfants qu'avec des adultes, à En outre, l'auteur rappelle que Ferenczi soute¬
savoir, le transfert» (11). nait que l’identification, annonciatrice du sym¬
Nous voyons alors que l'affaiblissement
« du bolisme, surgissait de la tentative de retrouver
conflit ou son déplacement vers l’extérieur à les propres organes et ses fonctions, dans les
travers les mécanismes de dissociation et de objets. A travers l'action du principe du plaisir
projection, est l’un des principaux éléments qui il serait possible d’établir l’équation entre deux
favorisent le transfert et aussi une force de choses différentes, vu la ressemblance du plai¬
propulsion pour le travail analytique. Il y a sir obtenu. On peut ajouter que c’est sur ces
alors une plus grande production fantasmati¬ bases qu’on est arrivé à la conclusion que la
que et aussi une plus abondante et une plus symbolisation est le fondement de toute subli¬
positive capacité de transfert» (12). mation et de tout talent ou aptitude, car c'est
« A partir de la conclusion impliquant que à travers l’équation symbolique que les choses,
le transfert est basé sur le mécanisme de repré¬ les activités, et les intérêts se transforment en
thème de fantasmes libidineux.
sentation de personnages, j’ai tiré une sugges¬
tion pour la clinique... Autrement dit l’une des On peut élagir maintenant ce que j’ai dit
«
principales finalités de l'analyse — la modifica¬ auparavant... (il s’agit de « L'analyse infantile »
tion graduelle de la sévérité du surmoi — de 1922)... et affirmer qu’avec l’intérêt libidinal,
s'obtient quand l'analyste adopte le rôle qui lui c'est l'angoisse qui surgit pendant la phase
est assigné durant la situation analytique » (13). décrite (la sadique urétrale et anale)... ce qui
met en marche le mécanisme d'identification
Dans ce travail, quand M. Klein fait allusion
à l’union des mécanismes de dissociation, de projective. L'enfant désire détruire les organes
projection et celui de représentation de per¬ (pénis - vagin - sein) qui représentent les objets,
sonnages, elle fait aussi, à notre avis, un pas et c'est pour cela qu'il commence à craindre
important vers la définition du concept d’iden¬ ces derniers. L’angoisse contribue à créer l'équi¬
tification projective. Il est évident, d'ailleurs, valence entre les organes et les autres choses ;
que ce mécanisme n’est qu'une partie du trans¬ grâce à cette équivalence les choses deviendront
fert, de la même façon que le mécanisme de à leur tour des objets d’angoisse. Ainsi l'enfant
se sent constamment entraîné à faire de nou¬
représentation de personnages, n'est qu’une des
expressions de l’identification projective. Ce velles relations qui constituent la base de ses
sujet nous semble aussi avoir son rapport intérêts, des objets nouveaux et du symbolis¬
avec la compréhension des processus en jeu me » (15). L’auteur ajoute que cette précoce
dans la dynamique des groupes, thèmes que identification avec l’objet ne pourra pas encore
nous aborderons dans la deuxième partie de ce être mise en rapport avec la réalité.
travail. Le symbolisme constituerait non seulement le
Il faut prendre également en considération fondement de la sublimation, mais il serait
que dans « L'importance de la formation de aussi à la base de la relation du sujet avec
symboles dans le développement du moi » de le monde extérieur et la réalité en général.
1930 (14), l'auteur signale que l’apparition de Dans les travaux mentionnés, quoique l’idée
la défense contre les pulsions libidinales est d’identification projective n’apparaisse expli¬
ultérieure au conflit œdipien, c'est-à-dire au citement, on pourrait suivre les traces des
moment où la prédominance du sadisme anal
orientations générales qui vont contribuer à sa
arrive à sa fin. Les stades précoces du com¬
naissance. Elles sont déjà présentes :
plexe d’Œdipe étant dominés par le sadisme,
la défense se dirige alors contre les pulsions a) dans l’utilisation des termes de dissocia
destructives associées.
Et d'une façon particulière nous rappellerons (11) KLEIN (M.). — La personnification dans le
que pour M. Klein, la capacité pour tolérer jeu des enfants. In Essais de Psychanalyse. Paris,
l’angoisse aussi bien que l'empathie, sont des Payot, 1967, p. 198.
facteurs décisifs dans le processus du refoule¬ (12) KLEIN (M.). — Op. cit. p. 199.
ment des pulsions destructrices. Le sadisme (13) KLEIN (M.). — Op. cit. p. 197.
excessif éveille l'angoisse et met en marche les (14) KLEIN (M.). — L’importance de la forma¬
mécanismes de défense les plus archaïques. tion de symboles dans le développement du moi. In
La première défense imposée par le moi est Essais de Psychanalyse, Paris, Payot, 1964.
en rapport avec les deux sources d'où découle (15) KLEIN (M.). — Op. cit. p. 265.
88 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

tion et de projection inclus dans la tendance c) Caractérisation du concept d’identification

à la personnification (tant dans les jeux des projective d’après les formulations klei
enfants que dans le lien de l’adulte avec le niennes.
monde extérieur) ; C’est dans son travail « Sur l’identification »
b) pour l'importance que prennent ces méca¬ que M. Klein resitue le mécanisme d'identifi¬
nismes dans la formation du surmoi ; cation projective en partant de la liaison étroite
c) d'une façon particulière dans la fonction existant entre les mécanismes d’introjection et
expulsive comme mécanisme de défense avec d’identification déjà signalés par Freud dans
les craintes de l’application du Talion qu’elle son « Deuil et mélancolie ». M. Klein pour sa
part va centrer son attention sur « l'individua¬
produit. Nous pensons que cet ensemble de fac¬
teurs conflueront en ce qui sera ultérieurement lisation de certains mécanismes projectifs com¬
l’identification projective. Dans le dernier tra¬ plémentaires des introjectifs. Ces processus,
qui sous-tendent les sentiments d’identification
vail cité « L’importance de la formation de
symboles dans le développement du moi », on avec d’autres personnes comme conséquence
peut déjà remarquer ce que deviendra plus tard de la précédente projection des parties pro¬
l’empathie comme résultat de l’identification pres, ont été déjà ébauchés dans des travaux
précédents. L’auteur affirme que ce mécanisme
projective.
fût connu et employé avant que la notion
Nous avons déjà remarqué que l'école klei psychanalytique ne fusse définie et incorporée
nienne fait une utilisation particulière du con¬ au cadre conceptuel.
cept de projection. Cette particularité est due Les mécanismes d’introjection et de projec¬
au fait que ce qui est projeté n’est pas seule¬ tion, comme nous l'avons déjà signalé, contri¬
ment ce qui est ressenti comme mauvais et buent de manière fondamentale aussi bien à
inutile, mais aussi ce qui est considéré comme l’établissement des relations objectales les plus
ayant des caractéristiques « bonnes », positives précoces qu’aux relations qui font partie de
pour le Moi. la vie adulte. Les objets externes sont incorpo¬
Plus précisément P. Heiman dans son travail rés et projetés, mais jusqu'à un certain degré,
on conserve les identifications projectives pre¬
« Certaines fonctions de l'introjection et de la
mières.
projection dans la première enfance » (1) écrit :
« Ce n’est pas seulement en expulsant un sti¬ Ces concepts se trouvent
exposés dans « Notes
mulus extérieur inutile dont, par exemple, il sur quelques mécanismes schizoïdes » (20) où
reconnaît que l’introjection serait une erreur, l’auteur montre comment le lien avec le pre¬
que le moi utilise la projection. Lorsqu'il dé¬ mier objet se fit à travers l'utilisation d'un
charge des fonctions internes, il projette quel¬ mécanisme qu’implique aussi bien la projection
que chose de lui-même. Ainsi la projection porte que l’introjection.
sur ce qui était originairement une partie de Dans ce même travail, et à partir de l’étude
la personne, aussi bien que sur ce qui était des craintes persécutrices, M. Klein délimite
originairement une partie du monde extérieur. la présence de pulsions et de fantasmes libidi¬
Bien plus, alors que la projection de ce qui naux et agressifs, anaux, urétreaux, agissant mê
est mauvais et inutile est plus spectaculaire
et a été découverte très tôt dans le travail
(16) HEIMANN (P.). — Certaines fonctions de
psychanalytique, des observations plus récen¬ l’introjection et de la projection dans la première
tes ont montré que le moi projette aussi ce enfance. In Développements de la psychanalyse.
qui est bon et utile. En fait, on pourrait dire Paris, P.U.F., 1966.
que cette notion est impliquée dans l’affirma¬ (17) «La projection n’apparaît pas seulement au
tion de Freud qu’ « il expulse tout ce qui à cours de la paranoïa, mais aussi sous d’autres condi¬
l'intérieur de lui-même donne naissance à un
tions dans la vie psychique, de fait, elle participe
sentiment pénible », parce que les tensions régulièrement à notre position vis-à-vis du monde
internes ressenties comme pénibles doivent être extérieur. Quand nous recherchons les causes de
réduites en dernière analyse à la coexistence certaines impressions (...) et que nous les situons à
des pulsions qui visent l’autoconservation et le l’extérieur, ce processus normal mérite le nom de
plaisir et des pulsions dangereuses et destruc¬ projection». Freud S. (G.W. VIII, 303). Un Lou
trices » (17). ...«Dans cette conception l’intro Andreas Salomé. Correspondance avec Freud. Paris,
jection ne porte pas non plus exclusivement Gallimard, 1970, p. 434.
sur ce qui fait partie du monde extérieur, car (18) «Les relations objectales où cette sorte de
l'introjection peut se produire après la projec¬ projection». Freud S. (G.W. VIII, 303). In Lou
tion. Un objet peut devenir bon et désirable caractérisées par une idéalisation compulsionnelle
précisément par suite d'une projection anté¬ de l’objet, combiné avec une dépendance particulière
rieure de ce qui était bon, et lorsque le moi à son égard, qui, si elle n’est pas réellement un
dans son contact ultérieur avec cet objet, esclavage, s’en rapproche beaucoup ». P. HEIMANN.
introjecte quelque chose lui, il récupère ce qui Op. Cit., note page 119.
lui appartenait en partie originairement, il (19) HEIMANN (P.). — Op. Cit. pp. 118-9.
« réintrojecte » (18). L’introjection et la projec¬ (20) KLEIN (M.). — Notes sur quelques mécanis¬
tion entrent en interaction de multiples ma¬ mes schizoïdes. In Développements de la Psychana¬
nières... » (19). lyse. Paris, P.U.F., 1966.
 H. SCAGLIA
me lorsque la libido orale est prédominante.
L’auteur signalera alors deux lignes d'attaques
fantasmées contre la mère et qui nous semblent
intéressantes pour notre actuel propos. Une
ligne dérive de la pulsion orale à sucer, mordre,
détruire le corps maternel. « L'autre ligne pro¬
venant de pulsions anales et urétrales est liée
à l'expulsion de produits dangereux (des excré¬
ments) dans l'intérieur du corps maternel. En
même temps, des parties clivées du moi seront
projetées dans la mère ». Dans une note M.
Klein donne des éclaircissements supplémen¬
taires en disant que : « La description de ces
processus primitifs se heurte à un grave incon¬
vénient, car ces phantasmes surgissent à un
moment où le bébé n’a pas encore commencé
à penser avec les mots. C'est pourquoi j’emploie
par exemple, l'expression « projeter dans une
auter personne » parce qu'elle me semble l'uni¬
que moyen de transmettre le processus incons¬
cient que j'essaye de décrire» (21).
De cette façon, on commence à délimiter
ce qui va être considéré comme « identification
projective ». Parce qu'avec ces sentiments et
ces « parties mauvaises », le sujet vise non
seulement à blesser l'objet, mais aussi à l’habi¬
ter, à le contrôler et à prendre possession de
lui. La mère alors ne sera plus un individu
séparé. Elle deviendra la « mauvaise personne ».
« Une grande proportion de la haine contre
des parties de la personne propre est alors
dirigée contre la mère. Cela conduit à une
forme particulière d’identification qui établit
le prototype d’une relation d’objet agressive.
Je propose pour ce processus le nom « d’identi¬
fication projective ». Quand la projection dérive
surtout du désir de l'enfant de blesser
contrôler la mère, il vit celle-ci comme un per¬
sécuteur » (22).
A son origine même, on pourra déceler avec
M. Klein des états affectifs qui corerspondent
largement à la position « paranoïde-schizoïde » :
telles l’envie primitive, la voracité et le déni,
ces deux derniers étant les mécanismes qui
font partie des défenses maniaques contre la
dépression.
D'une façon générale on peut dire que l’omni¬
potence, la voracité et le sadisme infantiles
agissant à travers les identifications projec¬
tives sont responsables du sentiment corrélatif
aux identifications projectives vécues comme
de violentes intrusions dans les autres per¬
sonnes. Ces parties projetées conservent leur
pouvoir d’action et leur force à l’intérieur de
l'objet qu'alors elles possèdent et contrôlent.
Le concept d'identification projective struc¬
ture alors, à notre avis, toute une série de
notions de base appartenant à la théorie klei
nienne. Nous voudrions signaler pour l’instant
deux aspects en particulier. Le premier est
inclus dans la définition même. Il porte sur
l’aspect identificatoire de l’identification pro¬
jective, trait qui contribue à l’établissement
d'une relation d'objet. Le deuxième a trait
avec les aspects métaphoriques de la descrip¬
: IDENTIFICATION PROJECTIVE 89
tion, comme M. Klein elle-même l’a écrit dans
la note que nous avons citée. Ces aspects
métaphoriques sont impliqués dans la notion
de «projeter dans une autre personne» (23).
L’éclaircissement de M. Klein montrerait alors
non seulement les difficultés propres à la com¬
préhension des relations objectales précoces,
à la notion d'objet interne et aux relations
d’inclusions réciproques entre les objets, mais
aussi il traduirait en partie le poids fantas¬
matique que porte le concept.
D’un autre point de vue, du fait que les
parties « bonnes » de la personnalité sont aussi
projetées découlent quelques conclusions.
D'abord cette projection des sentiments de
bonté, des parties « bonnes » dans la mère,
consolide les relations d’objet et contribue à
l’intégration du moi. Mais il faut signaler aussi
que : « ...si un processus projectif se produit
en excès, ces parties « bonnes » du moi sont
ressenties comme perdues et la mère devient de
cette façon l'idéal du « moi ». Ce processus
contribue à l'appauvrissement du moi et il
peut s’étendre à d'autres personnes pouvant
aboutir « à une extrême dépendance à l’égard
des représentants extérieurs des parties « bon¬
nes » du sujet» (24). Cette ligne de pensée
pourra être retrouvée postérieurement dans
quelques travaux concernant les groupes hu¬
mains reliant la description freudienne de la
formation de groupes.
Finalement, les processus de clivage et de
projection de parties de la personnalité contri¬
buent à façonner les relations d’objets norma¬
les aussi bien que les anormales et sont à la
base du développement de l'individu.
ou de L'intervention du mécanisme produit quel¬
ques effets caractéristiques. Par exemple l’ir¬
ruption violente dans l'intérieur de l’objet et
cnn nrxrvfrAlo nltoric
OVll WUUVXV UU.V1 1\ WX1UUUW U COU11"
gurer l’introjection postérieure sur le mode
vindicatif, comme une irruption violente prove¬
nant, cette fois de l'extérieur du sujet.
D'autres fantasmes décrits contribuent à la
caractérisation d'une crainte typique que l’on
trouve très fréquemment : « la crainte que non
seulement le corps, mais aussi le psychisme
soient contrôlés par d'autres personnes » (25).
Une autre conséquence découle de l'affaiblis¬
sement et de l’appauvrissement du moi qui
résulte du clivage et de l'identification projec¬
tive excessive. Le moi, incapable d’assimiler
ses objets internes peut succomber au senti¬
ment d'être contrôlé par eux. En même temps
on ressent l'impossibilité de récupérer les par¬
ties projetées et perdues dans le monde exté¬
rieur. Ces divers processus qu'impliquent un
clivage excessif du moi, aussi bien que l’emploi
particulièrement intense de l’identification pro
(21) KLEIN (M.). — Op. du p. 282.
(22) KLEIN (M.). — Op. du p. 281-2.
(23) Cette description a été pleinement suivie.
(24) KLEIN (M.). — Op. du, p. 283.
(25) KLEIN (M.). — Op. cit. p. 285.
90 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

jective, semblent être à la racine
formes de schizophrénie.
M. Klein a signalé que la lutte contre une
identification projective accablante peut amener
à s'identifier à des objets qui présentent des
caractéristiques opposées. D’autre part, si la
projection dérive de l’impulsion à endommager
ou à contrôler, l’objet sera investi de carac¬
téristiques persécutrices. Par contre, si les sen¬
timents de bonté ou les parties bonnes sont
projetées, on établit les bases pour le déve¬
loppement des bonnes relations d’objet et aussi
pour l'intégration du moi.
Non seulement du point de vue de l'utilisa¬
tion normale ou pathologique de l'identification
projective, mais aussi pour la diversité de situa¬
tions anxiogènes qu'elles produisent, « Le fan¬
tasme de faire irruption violente dans l’objet
donne naissance à des angoisses portant sur
les dangers qui menacent le sujet depuis l'inté¬
rieur de l’objet. Par exemple, le désir de con¬
trôler un objet entrant en lui éveille la peur
d'être contrôlé et persécuté à l’intérieur de
lui ». Le sentiment de persécution interne
du sujet est momentanément augmenté pour
avoir intro jecté et réintrojecté l’objet volontai¬
rement envahi, « et plus encore du fait que
l'on sent que l'objet réintrojecté contient les
aspects dangereux de la personne ». M. Klein
considère comme un élément de
paranoïa, « l’accumulation des angoisses de
cette sorte où le moi pourrait-on dire, est mis
entre une multiplicité de situations de persé¬
cution interne et externe ».
Une autre angoisse qui en découle est la
peur d'être emprisonné à l’intérieur de la mère.
Cette crainte produite par les fantasmes d’atta¬
quer le corps maternel et d'entrer sadiquement
en lui, peut être retrouvée aussi dans la para¬
noïa. Et encore : « j’ai montré que la peur
d’être emprisonné (et en particulier d'avoir le
pénis attaqué) à l'intérieur de la mère est un
facteur important dans les troubles ultérieurs
de la puissance virile (impuissance) et sous
tend aussi la claustrophobie » (26).
Nous signalons encore une fois, la particu¬
lière conception des relations d’objet et ses
implications des différentes possibilités d' « in¬
clure » et d' « être indu » dans les objets. Il se
dessine alors toute une correspondance spatiale
des liens qui mérite d'être signalée ici.
C'est dans son travail « Sur l’identification
où M. Klein lie « la conviction d’un patient
d’être « réellement », Christ, Dieu, un roi, avec
la projection ». Elle remarque que les bases de
ces processus n’étaient pas encore complète¬
ment étudiées quand dans ses « Notes sur quel¬
ques mécanismes schizoïdes » elle proposa la
dénomination d’identification projective, pour
la description de phénomènes qui font partie
de la position « paranoïde-schizoïde ».
C’est ainsi que l’identification projective est
reliée à des processus évolutifs agissant pen¬
dant les premiers mois de la vie, c'est-à-dire
durant la position « paranoïde-schizoïde ». Posi¬
de certaines tion qui est caractérisée par une intense désin¬
tégration, mais aussi par la prédominance de
l’anxiété persécutrice et qui présente un large
spectre de défenses. Parmi celles-ci, nous trou¬
vons l'idéalisation, la dénégation et le contrôle
omnipotent des objets internes et externes.
Comme nous l'avons déjà avancé, c’est alors
dans l’identification projective — dans l’iden¬
tification par projection — où nous pouvons
rencontrer une image synthétisée des carac¬
téristiques propres à cette position. Ainsi, elle
implique « une combinaison de la dissociation
des parties du moi et la projection de celles-ci
sur (ou plutôt dans) une autre personne. Ces
processus ont beaucoup de ramifications et in¬
fluent de façon particulière les relations objec
taies (27).
Mais il faut remarquer aussi l’importance de
l'internalisation vis-à-vis du processus projectif.
Elle réside dans le fait qu’elle rend possible
une reprojection des contenus, et qu’elle entra¬
ve le processus de dissociation permettant une
meilleure capacité de synthèse et d’intégration
moïque.
Par ailleurs, les descriptions concernant
l’identification projective comportent aussi des
implications spatio-temporelles, lesquelles ont
parfois seulement comme trait caractéristique,
la présence d'un certain type de liaison, de
base de la parenté avec le dépositaire.
De cette façon, les impressions qu’ont par¬
fois les patients d'avoir perdu des parties de
leur propre personne ou de l'éloignement de
ces parties, constituent des fantasmes qui sous
tendent les processus dissociatifs. (Sans pour
cela impliquer une nécessaire référence spatiale
dans la dissociation) (28). Dans ces fantasmes,
les parties perdues du patient (parties que très
souvent représentent les émotions) ne sont plus
accessibles ni à lui-même, ni au thérapeute, et
deviennent ainsi une source d’anxiété.
On a signalé déjà que c’est à cause des iden¬
tifications projectives et de la perte des parties
du moi, que peuvent apparaître des situations
de nettes caractéristiques claustrophobiques.
Une partie du moi a été enterrée dans l’objet,
elle va y mourir.
Egalement, et de façon parallèle à la claus¬
trophobie, apparaît la crainte de l'intérieur du
corps et de dangers qui y siègent.
M. Klein dans son article « Sur l'identifica¬
» tion », et à partir de l’analyse du roman de
Julien Green, « Si j'étais vous », présente les
identifications projectives du personnage de
trois points de vue différents. A partir du
premier, elle fait référence à la relation des
parties dissociées et projetées du moi avec
celles qui restent écartées. Relation qui est
(26) KLEIN (M.). — Op. cit., p. 286.
(27) KLEIN (M.). — On identification. In New
Directions in Psycho-Analysis. London, Tavistock Pu¬
blications, 1955. Trad. esp. Nuevas Direcciones en Psi*
coanalisis. Bs. As., Paidos, 1965, p. 303. Traduction
personnelle.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 91

considérée par M. Klein comme impliquant une mécanismes d'identification projective, avec
certaine liaison, une sorte de chagrin face aux la fusion instinctive qui les caractérise, en un
parties scindées, parties qui représentent l'iden¬ essai de revivre, de se réalimenter à l'intérieur
tité même du sujet. De là aussi l’importance des objets. Nous avons mentionné auparavant
donnée au nom du personnage. Ce nom restera la possibilité d’aboutir à une sorte de répara¬
toujours comme un résidu à chaque transfor tion primitive à travers les identifications pro¬
matoin. jectives.
Nous croyons que c’est justement à travers
ce genre de description qu’on peut s’apercevoir d) Quelques formes d’expression des identifica¬
des aspects que M. Klein considérait dignes tions projectives.
d'être soulignés par rapport aux identifications Le mécanisme d’identification projective, l’un
projectives. On retrouve ici une référence à des plus importants piliers de la théorie klei
l'empathie et aux différentes formes d' « habi¬ nienne, découle et se visualise à partir de la
ter » l'autre.
position « paranoïde-schizoïde ». Au niveau de
Le deuxième point de vue pris par M. Klein la pratique et par conséquent au niveau de la
dans cette analyse, implique la considération recherche, la source conceptuelle se trouve dans
des motivations qui fondent le choix de l'objet les cadres schizophréniques. C'est en rapport
dans lequel on fera la projection. En ce sens, avec ce type de pathologie qu'on a pu avancer
il semble que l’auteur suggère la possibilité jusqu’à la définition finale du mécanisme.
d'un choix basé sur le transfert avec les objets A notre avis, l’identification projective pré¬
originaux. sente cinq aspects fondamentaux étroitement
En outre, comme nous l'avons déjà souligné, liés entre eux et qui sont les responsables de
les caractéristiques perçues comme étant com¬ sa caractérisation en tant que :
munes avec les objets, sont vues comme prépa¬ a) relation d’objet ; b) mécanisme de défen¬
ratoires pour les identifications projectives. se ; c) fantasme ; d) lien ; e) moyen de com¬
munication.
La lutte contre les identifications écrasantes,
tant intro jectives que projectives, amène fré¬ C'est dire que l’identification projective peut
quemment à s'identifier avec des objets qui être définie à partir de chacune de ces carac¬
présentent des traits opposés. Ces processus téristiques ou avec toutes les cinq à la fois.
peuvent conduire à une multiplicité de nou¬ Bien que cela n'implique pas nécessairement
velles identifications. une prise de position à l'égard du concept, dans
De la persistance plus ou moins intense des diverses études on pourra retrouver l'accent
premières identifications projectives découle mis de préférence sur quelques-uns des traits
mentionnés. Nous reconnaîtrons ces facettes
un profond intérêt pour les objets, l’attirance
envers eux, et aussi l'empathie, concept qui dans les analyses de divers auteurs.
est à la base de la délimitation de l'identifica¬ Selon M. Klein, la première relation objec
tion projective. tale se fonde à travers l’identification projec¬
Pendant le processus d’élection des objets tive, et elle établira la base de toutes les
dépositaires on pourrait donc repérer deux éta¬ autres relations qui suivront.
pes : dans la première surgit une certaine base Pour sa part Rosenfeld écrit : « ... dans l’ana¬
commune. Dans la seconde on aboutit à la lyse contre-transférentielle des malades schizo
concrétisation de l'identification projective. Ce préniques aigus, il est possible de suivre le
processus aurait lieu normalement de façon mécanisme d'identification projective jusqu'à
unifiée.
son origine. J’ai observé qu'à chaque fois qu'un
L' empathie », l'impression d'avoir des cho¬
« schizophrène aigu s’approche d’un objet, avec
ses en commun avec une autre personne (mé¬ amour ou haine, il semble se fusionner avec
canisme à forte base narcissique), se fait évi¬ celui-ci. Cette confusion peut être attribuée non
dente par la projection de parties de la per¬ seulement aux fantasmes d’incorporation orale
sonne dans l'autre. Ce phénomène, d'intensité qui amènent à l’identification introjective, mais,
et durée variables est en rapport avec la force en même temps, à des impulsions et à des fan¬
et l'importance des identifications. tasmes du patient de pénétrer dans l'objet avec
Le troisième point de vue remarque l'impor¬ la totalité ou une partie de son moi, ce qui
tance de la détermination de la mesure où
les parties projetées restent « enterrées » dans (28) Dans la note au bas de la page 280, appar¬
l'objet ou acquièrent un contrôle sur lui. Ces tenant à l’article « Notes sur quelques mécanismes
deux possibilités étant en liaison étroite avec schizoïdes » (In Développements de la Psychana¬
certains processus psychopathologiques notam¬ lyse), M. Klein ajoute : «Dans la discussion qui a
ment dans ceux qui sous-tendent les psychopa¬ suivi la lecture de ce travail, le Dr W.C.M. Scott a
thies. mentionné un autre aspect du clivage. Il a montré
La crainte de la mort, intensifiée par les l’importance des ruptures dans la continuité des
anxiétés de nature psychotique qui amènent à expériences qui impliquent un clivage dans le temps
vivre la mort comme une attaque provenant plutôt que dans l’espace. Il a mentionné comme
des objets hostiles tant externes qu’internes, exemple l’alternance des états de sommeil et de
aurait comme résultat l'accroissement des scis¬ veille. Je suis tout à fait d’accord sur ce point de
sions. Ces faits peuvent mettre en marche les vue ».
92 BULLETIN
conduit à 1’ « identification projective ». Cette
situation peut être considérée comme la plus
primitive des «relations objectâtes» (29). Pour
cet auteur l'état décrit comme schizophrénie
aiguë est une régression à la toute première
phase du développement, phase dont l’individu
schizophrène n’est jamais complètement sorti.
Nous soulignons les aspects d’impulsion, de
fantasme, et, fondamentalement, de relation
d'objet impliqués dans les identifications pro¬
jectives.
Dans plusieurs travaux Rosenfeld décrit de
façon très détaillée les caractéristiques des re¬
lations objectales partielles et totales. Et c’est
précisément dans « The Psychopathology of
Narcissism » (30) où l’auteur rappelle que la
confusion entre le « self » et les objets signalés
par Freud comme appartenant à un stade sans
objets, est le résultat de l’opération d’un mé¬
canisme caractéristique : l'identification projec¬
tive.
Il est évident, par ailleurs, que l'identifica¬
tion projective, comme tous les mécanismes
propres à la position « paranoïde-schizoïde »,
apparaît avec sa plus grande clarté pendant la
position dépressive comme une défense mania¬
que, c’est-à-dire comme une défense contre
la dépression. Il s'agira donc ici de l’aspect
défensif des identifications projectives.
L'action des défenses maniaques, nous dit
H. Segal (31), n’est pas forcément un phéno¬
mène psychopathologique, car elles jouent aussi
un rôle d'importance positive dans le dévelop¬
pement normal. Mais c’est justement dans cette
forme d'utilisation (comme défense maniaque)
qu'on pourra assister à un déploiement exces¬
sif, pathologique, des identifications projectives.
Résultat qui conduit à un appauvrissement du
moi, et à ce que M. Klein a délimité comme
étant l’état où les parties projetées du moi
restent « perdues, enterrées dans l’objet ». A
cause de cet emploi excessif, le moi perd sa
capacité d'action et peut sourvenir la phase
aiguë de désintégration schizophrénique. Ce mo¬
ment confusionnel se caractérise par l’inca¬
pacité d’établir la différence entre sujet et
objet. « ...Cette confusion, affirme Rosenfeld,
entre l’être propre et l’objet, et aussi entre la
réalité et le fantasme, s'accompagne d’une diffi¬
culté d'établir la différence entre l'objet
et sa représentation symbolique... « C'est la
« quantité employée dans le processus d'identi¬
fication projective qui déterminera la possibi¬
lité de différencier l'objet réel de sa représen¬
tation symbolique» (32).
Bien qu’une utilisation intensive du mécanis¬
me amène à un affaiblissement du moi, — fait
qui lui donne sa caractéristique pathologique
— , on pourrait penser à l'existence d'une « qua¬
lité » normale de ce processus qui s'inscrit
dans le fonctionnement de l'ensemble des
canismes psychiques.
L’école kleinienne place l'identification pro¬
jective à côté du clivage, de l’idéalisation,
déni, etc. comme un mécanisme typique de la
DE PSYCHOLOGIE
position paranoïde-schizoïde. Il est considéré
comme un mécanisme fondamental dans cette
phase du développement, car il a son origine
dans la projection originelle de la pulsion de
mort. « ...Ici, ...(dans l’identification projective)...
des parties du soi et des objets internes sont
détachées et projetées dans l'objet externe le¬
quel devient alors une possession des parties
projetées, qui le contrôlent et auquel elles
s’identifient» (33).
«L'identification projective est utilisée dans
des buts multiples : elle peut être dirigée vers
l’objet idéal afin d'éviter la séparation, ou vers
le mauvais objet pour acquérir un contrôle sur
cette source de danger. Plusieurs parties du soi
peuvent être projetées dans divers buts : les
parties mauvaises, pour s’en débarrasser et
aussi pour attaquer et détruire l’objet : les
parties bonnes peuvent être projetées pour évi¬
ter la séparation ou pour être tenus à l’abri
des mauvaises choses internes, ou encore pour
améliorer l’objet externe à travers une espèce
de réparation projective primitive » (34).
Bien que les mécanismes de défense agissent
pour protéger le moi du danger de mort qui
naît à l'intérieur même du sujet, et aussi des
persécuteurs tant externes qu’internes, ces mê¬
mes mécanismes sont à l’origine d'angoisses
spécifiques. Telles les angoisses hypocondria¬
ques provoquées par la réintrojection des objets
persécuteurs préalablemet projetés, et les an¬
goisses paranoïaques qui surgissent de la pro¬
jection dans le monde extérieur des parties
mauvaises et des sentiments sadiques.
Finalement et comme dernière ressource
contre l'angoisse, le moi se scinde et projette
chacune de ses parties à l'extérieur, ce qui
provoque à son tour une angoisse aiguë et
spécifique, voire l'impression d'être désintégré
et atomisé. La place de l'identification projec¬
tive en tant que mécanisme de défense est
ainsi délimitée dans le modèle kleinien.
A partir d'un autre point de vue, on pourra
aborder l'identification projective en tant que
fantasme. Mais cet aspect est implicite à la
définition même. De plus, on le trouve faisant
partie de l'idée qui englobe tout mécanisme
psychique.
« ... 1) les fantasmes inconscients constituent
le lien actif entre les « pulsions » et les « méca¬
réel
nismes ». Si on l’étudie en détail, chaque sorte
de mécanisme du moi peut être comprise com
(29) ROSENFELD (H.). — Notes on the Superego
Conflict in an acute Schyzophrenic Patient. In Int
J. of Psycho-Anal., 33, 1952, traduction personnelle.
(30) ROSENFELD (H.). — On the Psychopatho¬
logy of Narcissism : a clinical approach. In Int.
J. Psycho-Anal., 45, 1964.
(31) SEGAL (H.). — Introduction à l’œuvre de
Melanie Klein, Paris, P.U.F. 1969.
mé¬ (32) ROSENFELD (H.). — Notes on the Superego
Conflict in an acute Schizophrenic Patient. In Int. J.
of Psycho-Anal., 33, 1952.
du (33) SEGAL (H.). — Op. cit. p. 17.
(34) SEGAL (H.). — Idem.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 93

me dérivant de sortes spécifiques de fantas¬ Alors, dans la pensée de Bion, l’identification

mes, qui, en dernier ressort, ont leur origine
dans les motions pulsionnelles (...). Le terme
« mécanisme » est un terme général et abstrait,
qui décrit certains processus psychiques qui
sont vécus par le sujet comme fantasmes in¬
conscients » (35).
On pourrait ajouter alors que le mécanisme
d’identification projective se présente comme
un « modèle » de fantasme, car il ne s'agit pas
seulement d'un processus pour débarrasser le
sujet d'une certaine tension ou angoisse, mais
elle implique aussi l'intention ou le désir de
possession ou de contrôle de l’objet. J. Rivière
a défini l'identification projective comme « le
fantasme de pénétrer soi-même, en partie ou
totalement, à l’intérieur de l'objet et obtenir
ainsi sa possession ou son contrôle à travers
l’amour ou la haine. Ce fantasme,
lier avec le phénomène de dépersonnalisation et
de claustrophobie» (36).
Bion, pour sa part, tout en s’occupant de
manière privilégiée des aspects pathologiques
du mécanisme, l'a aussi défini comme étant un
fantasme omnipotent.
« Si la mère et l'enfant sont ajustés l'un à
l’autre, l'identification projective joue un rôle
de premier plan dans la relation dirigée par la
mère. L’enfant est capable, par l'opération d’un
sens rudimentaire de la réalité de se comporter
de telle manière que l’identification projective
— qui est d'habitude un fantasme omnipotent —
devienne un phénomène réalistique. J'ai tendan¬
ce à croire que c'est celle-là la condition
normale. Quand M. Klein parle d’identification
projective « excessive », je pense que le terme
excessive devrait se comprendre comme appli¬
cable, non seulement à la fréquence de l'utili¬
sation de l'identification projective, mais à une
qu’activité réalistique, elle se révèle comme un
comportement raisonnablement calculé pour
susciter chez la mère des sentiments
fant désireêtre débarrassé. (Il nous semble
important de signaler que cette capacité est
appelée par Bion, « capacité de rêverie »). « ...Si
la mère ne peut pas tolérer ces projections,
l'enfant est poussé à continuer avec les identi¬
fications projectives, mais cette fois-ci avec une
force croissante. La force croissante
dépouiller la projection
de sa pénombre de
signification» (37).
Bion, en s'appuyant sur le fait que l'introjec
tion du bon objet, du premier objet (le sein
maternel) est une condition préalable pour le
développement normal, suppose l'existence d’un
degré normal d’identification projective. Sans
établir les limites de cette normalité, il accepte
que les bases du développement restent asso¬
ciées à l’identification projective. Cet auteur
élargi la signification du terme d’identificaton
projective d'une façon singulière. Avec l'inten¬
tion de discuter le rapport du patient avec une
fonction, plutôt qu’avec l’objet en relation avec
cette fonction, Bion emploie le terme de lien.
projective est le lien entre l’enfant et le sein
ou entre le patient et l’analyste. L'attaque fan
tasmée du sein est alors considérée comme le
prototype de toutes les attaques du lien.
L'identification projective est le mécanisme
employé par la psyché pour disposer des frag¬
ments de l'ego produits par sa destructivité,
en tant que les attaques du lien sont ressen¬
ties comme provenant d'une source externe au
sujet. C'est pour cela que le patient ressent
que les parties projetées ne sont pas contenues,
mais expulsées sans modifications, fait qui
accentue les caractéristiques terrifiantes de
l'objet. Les résultats de cette situation sont
une production excessive des identifications
projectives et une détérioration des processus
de développement. La menace toujours immi¬
semble se nente provenant d’un objet hautement destruc¬
tif amène à l'incapacité d'atteindre la position
dépressive avec toutes ses conséquences.
B — L’IDENTIFICATION PROJECTIVE
DANS LA PENSEE DE W.R. BION
Nous pensons que Bion est l'un des auteurs
qui a contribué le plus à l'étude du processus
d’identification projective. En effet, l’étude de
ce concept reste inséparable de l'étude même
de son œuvre. C'est pour cela qu'il nous faudra
caractériser le mécanisme
à la lumière des
aspects les plus généraux de sa théorie. Nous
essayerons ainsi de donner un aperçu général
du concept, auquel nous avons déjà fait réfé¬
rence, d'ailleurs, dans la partie de ce travail
consacrée aux formes d’expression de l'identifi¬
cation projective. La définition du mécanisme
reste celle qui a été proposée par Mélanie
-/AA. UCIJL1 U
Klein (38). C'est également le modèle kleinien
que nous retrouverons
dans l’œuvre de Bion,
même si l'originalité de ses idées lui assignent
dont l’en¬ une place tout à fait particulière.
Bion va délimiter l'utilisation que la person¬
nalité psychotique fait du mécanisme d’identi¬
fication projective. Cette utilisation définie par
l’auteur comme « massive », est la conséquence
de l’ensemble des facteurs qui caractérisent la
schizophrénie : conflit jamais surmonté entre
semble les pulsions de vie et de mort avec prédomi¬
nance de la dernière ; haine contre la réalité —
(35) ISAACS (S.). — Nature et fonction du fan¬
tasme. In Développements de la Psychanalyse, Paris
P.U.F., 1966, p. 109.
(36) RIVIERE (J.). — Introduction générale. In
Développement de la Psychanalyse, Paris, P.U.F.,
p. 31.
(37) BION (W.R.). — Théorie de la pensée. In
Rev. Fr. de Psychanalyse, 28, N° 1, 1964, p. 79.
(38) «La scission d’une partie de la personnalité
et l’ultérieure projection de cette partie dans un
objet dans lequel s’établit parfois comme un
persécuteur, en laissant la psyché corrélativement
appauvrie ». BION (W.R.) Seconds Thoughts, pp.
36-37. Trad, personnelle.
94 BULLETIN
tant externe qu’interne — ; présence d'une légè¬
re mais tenace relation objectale.
Cet ensemble de facteurs fait que l’évolution
du schizophrène à travers les positions para
noïde-schizoïde et dépressive, est sensiblement
différente de celle d'une personne non-psychoti¬
que. « ...mon examen de l'identification projec¬
tive — dit cet auteur — va se limiter à l’utili¬
sation que fait le schizophrène du mécanisme,
contre ses appareils de vigilance ( conscience),
lesquels ont été décrits par Freud comme étant
appelés à l'action par le principe de réalité (39).
Ces attaques contre l'appareil de perception
(présentes dès le début de la vie), sont sem¬
blables aux attaques sadiques contre le sein qui
font partie des fantasmes de l'enfant, et qui
apparaissent pendant la position paranoïde
schizoïde. « Une partie de la personnalité est
littéralement coupée, scindée en des fragments
minuscules et à travers l'identification projec¬
tive, expulsée de la personnalité» (40). C’est
ainsi que « l’identification projective associée
à la fuite par l’évacuation ne doit pas être
confondue avec l’identification projective nor¬
male» (41).
L'appareil de vigilance est étroitement lié à
la pensée verbale, c’est pourquoi son expulsion
amène le schizophrène à n’être « ni tout à fait
mort ni tout à fait vivant ». Fait qui marque
une différence fondamentale entre une person¬
nalité psychotique et une non-psychotique.
La conséquence de cette scission est un senti¬
ment de cassure de l’appareil de perception.
Les mutilations subies par les impressions sen¬
sorielles sont en rapport « avec le modèle selon
lequel le sein est attaqué par les fantasmes
sadiques de l’enfant » (42). Il se produit ainsi
le sentiment d'être emprisonné, sentiment qui
est intensifié par la présence menaçante des
fragments expulsés, à l’intérieur desquels il se
sent contenu et au « mouvement planétaire »
desquels il est mêlé.
Dans le fantasme du patient, les particules
expulsées du moi mènent une existence indé¬
pendante et incontrôlée hors de la personnalité.
Elles contiennent les objets externes de la mê¬
me façon et en même temps qu'elles sont
contenues par eux. « ...comme si la dure épreuve
à laquelle elles ont été soumises n’avait été
utile que pour augmenter leur nombre aussi
bien que pour provoquer leur hostilité envers
la psyché qui les a expulsées. Par conséquent
le patient se sent entouré d’objets bizarres.
« On ressent alors que chaque particule con¬
tient un objet réel externe lequel est encapsulé
dans la partie de la personnalité qui l'a avalé
(43). Les objets encapsulés, à travers le proces¬
sus d'identification projective, peuvent être res¬
sentis comme s'ils avaient envahi et contrôlé
la partie de la personnalité avec laquelle ils
étaient en contact. C'est justement un des
aspects des relations objectales du schizophrè¬
ne, celui de scinder une partie du « self » et
d'être toujours en train de sortir ou d'entrer
DE PSYCHOLOGIE
dans ses objets. Le dernier de ces emplois est
au service del'identification projective.
A travers ce mécanisme, le patient utilise les
mots comme s'il s’agissait des « choses » ou
des parties scindées de lui-même et il les pousse
violemment dans l’analyste.
L'invasion de la personnalité par l'objet con¬
tenu, conduit l’individu à établir une équiva¬
lence entre les mots et les choses qu'il nomme,
pour aboutir plus tard à leur confusion « car
le patient fait l’équation (44) mais il n’arrive
pas à symboliser, comme l'a déjà décrit Hanna
Segal » (Seconds Thoughts, p. 40).
a) L’identification projective inversée :
Cette modalité d’identification projective est
liée à l’incapacité de réintrojecter, caractéristi¬
que de la personnalité psychotique. C'est dire
que le retour des objets préalablement expul¬
sés (c’est le cas aussi des interprétations psy¬
chanalytiques, par exemple) ne peut pas être
accompli moyennant l'introjection, mais à tra¬
vers le même chemin de l'expulsion. Autrement
dit, par une identification projective inversée.
« C’est à cause de cet emploi de l’identifica¬
tion projective que le patient ne parvient pas
à une synthèse des objets, qu’il n’arrive qu’à les
agglutiner et à les comprimer. Plus tard, et
dans la mesure où il ressent qu’il a quelque
chose à l’intérieur de lui-même, c'est-à-dire qu’il
ressent qu’il a introjecté quelque chose, le
patient éprouve l’entrée de l'objet comme s'il
s’agissait d’un assaut vindicatif, provoqué par
sa violente... (et précédente)... intrusion en
lui (45).
Les objets deviennent alors beaucoup plus
terrifiants qu’avant de subir l’expulsion. A tra¬
vers cette entrée violente (même si elle a été
souhaitée), le patient se sent alors attaqué
et torturé... L'appareil de perception, expulsé
comme une partie du moi, finit par être doulou¬
reusement comprimé dans le chemin de retour ».
Bion trouve que c’est cela la cause des terri¬
bles hallucinations tactiles, auditives et vi¬
suelles dont très fréquemment souffre le schi¬
zophrène. « La dépression et l'anxiété, qui sont
liées au même mécanisme, sont également in¬
tensifiées. Le patient est obligé de les traiter,
encore une fois, à travers l’identification pro¬
jective, tel qu'il a été décrit par H. Segal » (46).
(39) BION W.R.). — Seconds Thoughts. Lon¬
don, W. Heinemann, 1970, p. 38.
(40) BION (W.R.). — Théorie de la pensée. In
Rev. Fr. de Psy., 28, ri° 1, 1964, pp. 75-84.
(41) BION (W.R.). — Seconds Thoughts, p. 39.
(42) BION (WR.). — Idem.
(43) BION (W.R.). — Idem.
(44) Nous aborderons le thème de l’équation
symbolique dans la troisième partie de ce travail.
(45) BION (W.R.). — Seconds Thoughts, p. 41.
(46) BION (W.R.). — Op. cit. p. 63.
 fl. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 95

b) L’identification projective normale et patho¬ lation, qu'avec une véritable expression commu¬
logique : nicative. L'auteur rappelle que Freud a suggéré
que « pendant la phase de prédominance du
Nous avons déjà souligné dans la première principe de plaisir, les actions du patient
partie de ce travail, de quelle façon Bion inter¬ n'étaient pas destinées à produire un change¬
prète l’emploi excessif des scissions et de l'iden¬ ment dans le milieu, mais qu’elles essayaient
tification projective dans des personnalités très de soulager l’appareil psychique de l’excédent
perturbées. En outre, et en partant de l'idée de stimulation» (50).
que l’introjection d'un bon objet est une condi¬ Quelques gestes, par exemple les changements
tion préalable pour le développement normal, d’expression sont considérés, plutôt que comme
Bion suppose l'existence d’un degré normal une recherche de communication, comme une
d'identification (sans définir pourtant ses limi¬ véritable décharge émotionnelle.
tes). Pour cet auteur, le lien qui s'établit entre L'intolérance à la frustration amène à l'em¬
le sujet et l'objet est constitué par l’identifica¬ ploi de l’action musculaire, action caractéristi¬
tion projective elle-même. que de la phase dominée par le principe du
Les attaques sadiques contre ce lien sont plaisir. « ...car l’expérience a déjà montré au
ressenties comme ayant leur origine dans une patient que c'est à travers une action de ce
source extérieure au sujet. Comme conséquence
genre qu’il obtiendrait son propos beaucoup
il se produirait une augmentation des proces¬ plus rapidement qu’à travers une action diri¬
sus d’identification projective et elle deviendrait gée vers la modification du monde exté¬
« excessive ». Si cette production excessive arri¬ rieur» (51).
ve pendant l’enfance, il y aura une détériora¬ Bion estime qu'un changement de la muscu¬
tion du développement, cependant, le facteur lature ne produit pas seulement un changement
constitutionnel demeure le facteur décisif.
d’expression lequel peu vouloir exprimer, par
Parmi les conclusions principales extraites de exemple, une haine assassine, mais qu’il donne
son travail « Attacks on Linking », il en a plu¬ lieu « à un réel assaut assassin ». « L’acte qui en
sieurs qui sont en rapport avec la description
résulte doit, par conséquent, être compris com¬
d’un état mental dans lequel « la psyché du me une activité idéo-motrice » (52). Cette acti¬
patient contient un objet interne qui s'oppose vité idéo-motrice est ressentie par le patient
à et qui détruit tous les liens (47). Cette atta¬
comme appartenant à la classe de phénomènes
que est dirigée non seulement contre les formes créateurs des « objets bizarres ».
les plus sophistiquées de la communication
« L'assaut n'est que l’expression externe d'une
verbale, mais aussi contre les liens les plus
identification projective explosive par laquelle
primitifs. la haine assassine, avec les morceaux de per¬
Dans cet état mental, l'émotion est rejetée
sonnalité, est éparpillée partout dans les objets
car « elle est ressentie comme faisant l'union
réels — membres de la société inclus — , dont
entre les objets et comme donnant réalité à des il est entouré » (53).
objets différents de la personne propre, et par
Ces manifestations externes du patient arri¬
conséquent elle est ressentie comme hostile vent à affecter involontairement le monde
au narcissisme primaire» (48). externe. Elles peuvent, par exemple, atteindre
U i oirrti «lrt /mi i 1 tt /"v i *i -»-i a a ta a a t <4
WJ. , JLJAVAl OlglldAt' il y Il L1 1 LA&
CK LA. CALA
l’analyste et les associations sur lesquelles sont
l'emploi de l'identification projective qui est en basées les interprétations.
relation étroite avec la différenciation entre les
Dans des cas limites, il peut arriver que ces
parties psychotiques et les parties non-psycho¬ manifestations provoquent une réaction du
tiques de la personnalité. L'auteur fait allusion
groupe auquel le patient appartient. On pourra
ici, à la forme particulière d'utilisation du refou¬ trouver alors la mise en marche des réactions
lement, caractéristique de la personnalité psy¬
psychotiques typiques et qui sont dues à la
chotique. Le patient psychotique serait incapa¬
collision inconsciente produite par le fait de
ble de le mettre en œuvre.
recevoir les identifications projectives de cha¬
A la place du refoulement il emploie le méca¬
cun des membres du groupe.
nisme d'identification projective et « ce qui de¬
vrait être son inconscient est remplacé par un d) L’identification projective et son rapport
monde habité par des objets des rêves » (of avec la pensée verbale :
dream furniture) (49).
Selon Bion, un pas très important est fait Le début de la pensée verbale est situé par
dans la thérapie de schizophrènes, lorsqu'on Bion dans la position dépressive. Elle a pour
parvient à remplacer l’identification projective (47) BION (W.R.). — Attacks on linking. In
par le refoulement et l'introjection, et lorsqu'on
Int. J. of Psycho-Anal., 40, Parts 5-6, 1959, pp. 308
fait l’élaboration des attaques destructives diri¬
315. Traduction personnelle.
gées contre les liens et contre le moi.
(48) BION (W.R.). — Op. cit., p. 309.
c) L'identification projective et l'activité mus¬ (49) BION (W.R.). — Idem.
culaire. (50) BION (WR.). — On hallucination. In
Seconds Thoughts, p. 84
Dans plusieurs cas Bion a trouvé une produc¬ (51) BION (W.R.). — Op. cit., p. 84.
tion de gestes, une activité gestuelle qui était (52) BION (W.R.). — Idem.
plus en rapport avec une décharge de la stimu¬ (53) BION (W.R.). — Idem.
96 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

fonction celle de synthétiser et d’articuler les — dans la fragmentation et l’expulsion de la

impressions sensorielles et affectives. C'est pour capacité à la pensée verbale et son ultérieure
cela qu'elle est essentielle pour la prise de localisation à l'intérieur des objets (de l’ana¬
conscience tant de la réalité interne que de lyste par exemple) ;
l’externe. — dans la crainte ultérieure d’un emprison¬
Comme nous l’avons déjà signalé, les « identi¬ nement dans l’objet et de l'agression animée
fications projectives excessives » empêchent l'in par la vengeance provenant de ce même objet ;
trojection et l’assimilation modérées des im¬ — dans l’appauvrissement du moi qui en dé¬
pressions sensorielles. Par conséquent, elles coule.
empêchent aussi l’établissement d’une base fer¬ L'ensemble de ces facteurs constitue un équi¬
me de bons objets, base à laquelle la pensée valent de la description du mécanisme d'identi¬
verbale est étroitement liée.
fication projective.
e) L’identification projective comme moyen f) L’identification projective face aux éléments
d’expulsion des fragments de la personnalité : bêta :

Dans son article intitulé « Notes on the Theo¬

ry of Schizoprenia », Bion soutient que les
attaques contre la communication verbale effec¬
tuées par les persécuteurs internes, sont provo¬
quées par l’avidité du sujet. Ce fait amène à
l’incapacité de penser.
La perte de la capacité de penser est attribuée
alors à deux facteurs :
patient croit qu'il s'est éloigné de sa
1) le
capacité parce qu’il l’a perdue, soit dans son
état antérieur, soit dans l’analyse ou dans la
psychanalyse elle-même ;
2) le deuxième facteur est lié au fait de croire
que sa capacité a été volée par l'analyste, lequel
devient ainsi une figure menaçante.
Ces deux possibilités sont à la base des anxié¬
tés de se sentir emprisonné, anxiétés évidem¬
ment liées à l’identification projective.
La première possibilité amène le sujet à se
reconnaître comme étant un fou. Alors, la seule
voie à travers laquelle il pourrait récupérer sa
capacité de penser, le ferait en même temps
retourner à son ancien état mental, le même
où il a peur de rester emprisonné.
Même si le patient pense que c'est l'analyste
qui lui a ôté sa capacité, ce fait ne le rassure
pas non plus, car il craint de voir apparaître
ce qu'il craint dans l’analyste et il devrait alors
recommencer les attaques.
Bion affirme que la pensée verbale est étroi¬
tement liée « à l’expérience catastrophique » (54)
aussi bien qu’à la pénible dépression. Le patient
scinde la dépression et la projette dans l’ana¬
lyste. Mais la perte de la capacité de penser
équivaut et renouvelle aussi, le fait d’ « être un
fou ». Les retrouvailles avec la capacité de pen¬
ser sont inséparables du vécu de la dépression
et de la prise de conscience ou plutôt de la re¬
connaissance d’être vraiment
Cette situation contribue à faire plus réels
les fantasmes du patient en ce qui concerne
« les résultats catastrophiques qui peuvent dé¬
couler de la réintrojection de la capacité perdue
pour la pensée verbale» (55).
Nous retrouvons ainsi, à travers les idées de
Bion, le schéma générateur des identifications
projectives :
— dans l’avidité qui conduit aux attaques
contre la communication, véhiculée par les per¬
sécuteurs internes ; lysis. London, W. Heinemann Edit., 1963, p. 63.
Bion propose dans l'étude de la personnalité
la délimitation de quelques facteurs, lesquels,
lorsqu’ils sont combinés constituent des entités
stables appelées : « fonctions de la personna¬
lité ».
La fonction alfa opère sur les impressions
conscientes tant sensorielles qu'émotionnelles.
Le terme de fonction alfa est intentionnellement
conçu comme étant vide de signification.
Les éléments alfa sont le produit de l'action
réussie de la fonction alfa. Ces éléments sont
susceptibles d’être emmagasinés et pourront
être utilisés dans la pensée des rêves.
Quand la fonction alfa est perturbée, les im¬
pressions sensorielles dont l’individu serait
conscient aussi bien que les émotions qu'il
éprouve, restent inchangées et par conséquent
il n’y a pas de développement des éléments alfa.
Les produits de cette situation sont appelés les
éléments bêta.
Ceux-ci, à la différence des éléments alfa, « ne
sont pas vécus comme étant des phénomènes,
mais comme étant les choses en elles-mê¬
mes » (56). Les éléments bêta ne sont pas
adéquats pour être utilisés par la pensée des
rêves, mais, par contre, ils peuvent être em¬
ployés par les processus d’identification projec¬
tive (on les trouve à l'œuvre dans les actings
out). Ils sont utilisés à des fins expulsives et
caractérisent un type de pensée concrète qui
est plus apte à manier les choses que les sym¬
boles.
Les éléments bêta se distinguent des éléments
alfa dans le sens où ils constituent plutôt des
« faits non digérés » (indigested facts) que des
souvenirs. Quand Bion utilise le mot « digéré »
il veut dire par là que les éléments alfa ont été
un fou. « élaborés » par la fonction alfa et qu’ils sont
ainsi disponibles pour la pensée.
(54) Avec le terme de « changement catastro¬
phique », Bion lie des faits divers. Tels la violence,
la non variabilité, et la subversion d’un système.
Eléments qui sont considérés, d’ailleurs, comme
étant inclus dans toute situation de développement.
(55) BION (W.R.). — Notes on the Theory of
Schizophrenia, pp. 31-32.
(56) BION (W.R.). — Elements of Psycho-Ana¬
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 97

Dans la pensée de Bion l'attaque contre la implique l’idée d'un contenant dans lequel un
fonction alfa donne un résultat opposé à l’ani¬ contenu est projeté.
misme, puisqu’on attribue aux choses vivantes Il s’agit aussi d’une activité, partagée par
des caractéristiques qui appartiennent aux deux individus, laquelle va être intro jetée par
morts, aux objets. Ces attaques vont détruire l’enfant. L' « appareil » 9 $ devient une partie
la possibilité d'établir un contact conscient avec
de la personnalité de l’enfant grâce à la fonc¬
soi-même et avec d’autres objets vivants.
tion alfa. Bion va mettre ce modèle en rapport
La présence des éléments alfa rend possible avec l'exploration que fait un enfant d'un objet
les processus inconscients et elle ouvra la voie avec la bouche ( bouche-sein : 9 $ ).
à des processus tels que le refoulement, la sup¬ La relation mère-enfant décrite par M. Klein
pression et l’apprentissage. Les éléments bêta, comme identification projective, est intériorisée
par contre, empêchent ces types de processus. et elle donne lieu à un « appareil pour penser »,
Face à l’impossibilité de refouler on fait une c'est-à-dire à un appareil capable de réguler
utilisation excessive de l’identification projec¬ la rencontre d’une préconception avec une expé¬
tive avec l’appauvrissement conséquent du moi. rience émotionnelle ou sensorielle. C'est à tra¬
Les éléments bêta sont traités par un proces¬ vers cette expérience émotionnelle ou senso¬
sus d'évacuation qui est semblable aux mouve¬ rielle que la pré-conception originelle pourra
ments musculaires qui interviennent, par exem¬ être cristallisée en une conception.
ple dans le changement d’expression, de mine. Bion décrit l'identification projective comme
Bion écrit que dans ce cas un sourire ou une étant une relation symbiotique, réciproquement
formulation verbale doivent être compris com¬ profitable, entre deux personnes, entre un con¬
me étant un mouvement musculaire d’évacua¬ tenant et un contenu (9 S).
tion et non comme la communication d’un sen¬ Le sein ( 9 ) peut jouer un rôle modérateur sur
timent. la crainte d'être annihilé que l’enfant a projeté
« dans » lui. C'est alors que l'enfant pourrait
Bion va se référer à des éléments conscients
éventuellement réintrojecter les parties de son
et inconscients plutôt qu'à des entités telles que moi, et de cette façon stimuler aussi sa propre
la conscience ou l'inconscient. Les éléments cons¬
évolution.
cients et inconscients sont séparés par une
Cette théorie dans laquelle on utilise les ter¬
« barrière de contact », c’est-à-dire par une bar¬
mes de K et —K, peut être repérée comme
rière qui sert à la fois de point d'union et de
représentant la rencontre entre une pré-concep¬
séparation. Cette barrière est dans un état de tion et l'objet capable de la saturer et de don¬
transformation constante car elle est le produit
ner ainsi la possibilité d’une expérience émo¬
de la prolifération et de l'accumulation des élé¬
tionnelle. Expérience qui peut se concrétiser
ments alfa élaborés par la fonction alfa. Cette
en une conception.
élaboration est accomplie à travers les impres¬
En —K, par contre, le sein est vécu de façon
sions sensorielles et les expériences émotion¬
envieuse, comme s’il dérobait les parties valo¬
nelles (57). Bion met l’accent sur le terme de
risées du moi, en ne laissant que les résidus
barrière, non seulement pour souligner le con¬
inutiles. « L’enfant — écrit Bion — qui com¬
tact entre le conscient et l'inconscient, mais
mence avec une crainte de mourir finit par
aussi pour impliquer le passage sélectif de l’un
à l’autre des éléments.
contenir une peur sans nom» (58). En —K,
c'est l’envie qui a entravé l’établissement d’une
relation symbiotique entre les termes.
g) L’identification projective, la relation conte¬
nant - contenu et l’oscillation des positions Si on transpose cette même idée dans la si¬
paranoïde-schizoïde <— > dépressive :
tuation groupale en K K, le groupe, avec l’intro¬
duction de nouvelles idées ou personnes, croît
Pour Bion, ce que nous appelons la pensé et se développe. En —K, tout fait nouveau —
fût à ses origines un processus à travers lequel qu’il soit une personne ou une idée — , sera
on libérait le moi de l'accroissement des stimuli. dépouillé de sa valeur. Si en K le climat amène
Ce processus a été décrit par M. Klein sous le vers la « santé mentale », en —K le groupe aussi
nom d'identification projective. bien que les idées ne pourront pas survivre à
Un aspect de celle-ci est en rapport avec
la modification des craintes enfantines. L'en¬
(57) Une expérience émotionnelle ne peut pas
fant projette une partie de soi dans le sein être conçue comme étant isolée d’une relation inter¬
maternel. Il ressent ensuite que ce qui a été personnelle. Les relations de base que postule Bion
projeté a subi une modification qui le rend sont :
apte pour être de nouveau introjecté. Les sen¬ X aime Y - X hait Y - X connaît Y
timents préalablement projetés sont devenus
tolérables pour la psyché de l'enfant dans la Ces liens sont désignés par :
L H K
mesure où ils sont resté dans le sein maternel
(le bon objet), et où ils ont été métabolisés. Il faut prendre en considération aussi que, par
Bion pour sa part, fait sienne cette idée de exemple, — K ne représente pas la non-compré¬
base de la théorie kleinienne et il l’utilisera hension ou l’erreur. De la même façon — L n’est
comme modèle pour son concept interrelation¬ pas la même chose que H, ni — H n’est l’équiva¬
nel : «contenant-contenu» (9 S). Concept qui lent de L : (-LH;-HL).
98 BULLETIN
cause de la destruction qui est propre à l’acte
de dépouillement, acte provoqué par l’envie
primitive.
Dans son travail « Elements of Psycho-Ana¬
lysis », Bion définit justement toute une série
d'éléments, parmi lesquels on trouve la rela¬
tion dynamique 2 $ A son avis, le trait fon¬
.
damental de la conception kleinienne de l’iden¬
tification projective, pourrait être représenté
par ? $, même si cette relation implique une
perte de précision à l'égard du concept originel.
Un
deuxième élément est symbolisé par
PS < — » D. Cette relation ayant deux signi¬
fications :
a) l’interaction entre les positions paranoïde
schizoïde et dépressive, telles qu'elles étaient
définies par M. Klein.
b) La réaction précipitée par ce que Poincaré
a décrit comme « un fait sélectionné
Bion postule l'existence de trois dimensions
appartenant aux éléments porpres à la psycha¬
nalyse et à ses objets. Une première dimension
est constituée par « l'extension dans le domaine
du sens » ; la deuxième, « l'extension dans le
domaine du mythe », et la troisième « l'exten¬
sion dans le domaine de la passion»
Dans ce travail l’auteur insiste sur le rôle
fondamental de l'identification projective, car
c’est elle qui va permettre à l'enfant de faire
face à l’émotion primitive, en rendant possible
ainsi la continuation d'un développement nor¬
mal de la pensée.
Le mécanisme de 2 S est implicite dans
l’idée même d'identification projective, et il est
en rapport avec les catégories primitives. L'au¬
teur proposera alors de représenter « l’appareil
pour penser les pensées » avec les signes $ $ .
Son bon fonctionnement dépendra d’une intro
jection réussie du bon sein, qui est finalement
le responsable de l'existence de la fonction
alfa.
L'appareil pour penser » ( 2 $ ) aussi bien
« impliquant l'affirmation
que Interrelation des positions paranoïde
schizoïde et dépressive (PS < — > D) sont liées
au développement de la pensée. (Il faut rappe¬
ler aussi que la formation de symboles dérive
de la position dépressive).
Pour Bion il y a alors une relation de parenté
entre 2 $ et PS <— >
D. Cette dernière serait
chargée de donner signification et de mettre en
rapport les « pensées » produites par 2 $ . Mais
en fait, l’une et l'autre de ces fonctions
(PS <— » D et 2 S ), sont considérées comme
étant à l'origine des pensées.
Ces deux processus pourraient être exprimés
de manière très simple comme suit : PS <— > D
= fragmentation - intégration ; et 2 $ =
expulsion - incorporation.
Chaque mécanisme peut fonctionner selon sa
manière propre, ou d’une façon qui rappelle le
mode de fonctionnement de l'autre.
Quand c'est 2 $ qui entre en jeu, le produit
de sa mise en marche est la signification mê¬
DE PSYCHOLOGIE
me. C’est dire que, d’une manière générale, de
l’action de PS < — > D, va dépendre la délimi¬
tation de l’objet total, tandis que de l’action
réussie de 2 $, surgira la signification inhé¬
rente à ce même objet total. L'identification
projective, qui fait partie des mécanismes de
défense les plus primitifs acquiert une modalité
de fonctionnement différente dans le passage
à la position dépressive.
« La panique psychotique », cette expérience
émotionnelle qui constitue le point de départ,
le « O » de la transformation en une hallucina¬
tion, est une expérience qui peut être conçue
à partir de l’échec de l’activité de la fonction
alfa dans la constitution d’un contenant ( 2 )
capable de « contenir » des émotions violentes.
L'impossibilité de former un « contenu » ( $ )
que puisse tolérer l'attente d’un contenant, asso¬
ciée à l’échec dans
la cristallisation d’une con¬
».
jonction constante liée à un fait sélectionné
(opération PS <— > D), amène à la non-conso¬
lidation de la relation 2 $ et à l'établissement
d'une relation — 2 S.
Cette dernière sera pénétrée par l'envie, et
par conséquent les éléments 2 et $ seront
dépouillés de leurs propriétés essentielles :
(59). signification, vitalité, et ils seront rapprochés
des objets inanimés. — 2 $ configure un
modèle qui est l'antithèse du modèle utilisé pour
le développement, pour la croissance. Elle subi¬
ra constamment les attaques dépouillantes qui
donneront naissance aux objets bizarres.
La partie de la personnalité qui agit sous
— 2 S , vise à configurer un « Super-moi », qui
va entraver tout apprentissage à travers l’expé¬
rience. Ce « Super-moi », s’oppose à tout déve¬
loppement scientifique, et sa forme d'action est
déterminée par des normes morales. Il faut
mentionner que ces normes morales, surgies
des identifications projectives pathologiques, et
de la confusion qui en découle, ne portent même
pas en elles, pas une idée rudimentaire du bien
et du mal. Bion, par contre, les définit comme
d'une supériorité des¬
tructrice qui amène à posséder afin d'éviter la
libre existence de l’objet.
Face à — 2 $, on verra apparaître ce que
Bion appelle une « explosion projective », c’est
à-dire une expérience d'espace mental sans
limites. Cet espace mental incommensurable est
dû à une relation dévastatrice entre le conte¬
nant et le contenu.
Par
ailleurs, Bion dans son travail sur la
théorie de la pensée, met en valeur le rôle que
joue l'identification projective dans l'évolution
de l'individu. Il y définit une pensée comme
« l'union d'une préconception avec une frustra¬
tion », et il propose le modèle « d’un enfant
chez qui l'attente d'un sein s’unit à une cons¬
cience qu’il n'y a pas de sein pouvant procurer
(58) BION (W.R.). — Learning from, experience.
London, W. Heinemann, 1963, p. 99.
(59) BION (W.R.). — Elements of Psycho-Ana¬
lysis. London, W. Heinemann, 1963, p. 67.
 H. SCAGLIA
une satisfaction. Cette union est ressentie
me une absence-de-sein ou un non-sein
lui» (60).
A partir de cet état, l’évolution ultérieure va
dépendre de la capacité de l’enfant de tolérer
la frustration. « Si cette capacité est suffisante,
le non-sein en lui devient une pensée et un
appareil pour le « penser » se développe. C’est
à-dire que la fonction alfa pourra alors élaborer
les données sensorieles et les transformer
éléments alfa.
Si la capacité de tolérance à la frustration
n’est pas suffisante « ce qui devrait être une
pensée, un produit de juxtaposition d’une pré¬
conception et d'une actualisation négative de¬
vient alors un mauvais objet indiscernable d’une
chose en soi propre à être évacuée» (61).
C’est alors qu’à la place d'un appareil pour
penser, il se produit un développement hyper¬
trophié du mécanisme d’identification projec¬
tive.
« Echouer à établir entre
et la mère
une relation dans laquelle l'identification pro¬
jective normale soit possible, empêche le déve¬
loppement de la fonction alfa et par consé¬
quent d'une différenciation des éléments en
conscients et inconscients
La personnalité de l'enfant par elle-même
« être repéré dans l'apparition des objets persé¬
est incapable d’utiliser les données sensorielles,
mais doit évacuer ses éléments
la mère
en comptant sur elle pour leur donner une for¬
mule appropriée à leur utilisation comme élé¬
ments alfa pour l'enfant» (62).
Bion souligne ici le rôle que joue l'autre
dans l’identification projective. Dans ce cas
précis, la mère peut être un contenant com¬
préhensif qui permettra la réintrojection après
un séjour qui a rendu tolérable pour la psyché
de l’enfant, ce qui a été projeté préalablement.
Le modèle proposé par Bion, peut être élargi
non seulement à la relation thérapeute-patient,
mais aussi aux relations humaines en général,
car l’individu « ne peut pas trouver satisfac¬
tion en dehors du groupe, et ne peut pas non
plus satisfaire aucune tendance émotionnele
sans l'expression de sa composante sociale » (62).
DEUXIEME
A — QUELQUES
DE L’IDENTIFICATION
Après avoir donné un aperçu des idées de
Bion, lesquelles élargissent la caractérisation
faite par M. Klein de l’identification projective,
nous envisageons de décrire quelques modalités
de ce mécanisme.
Une première distinction fut
Grinberg dans son article intitulé
al estudio de las modalidades
cacion proyectiva » (1) (Une contribution à (1) GRINBERG
l'étude des modalités de l’identification projec¬
tive). L'auteur fait référence au postulat d’une
: IDENTIFICATION PROJECTIVE 99
com¬ modalité normale d'identification projective.
en Cette modalité découlerait tant de la qualité
avec laquelle ont fonctionné les premières iden¬
tifications projectives du sujet (vis-à-vis des
objets partiels et/ou totaux), que de l'impor¬
tance des identifications projectives provenant
des premiers objets familiaux et du type de
répercussion que celles-ci ont produit sur le
sujet.
en Cependant, il faut également tenir compte
d'un autre facteur. Il s'agit, selon l'auteur, de
l’utilisation — dans un niveau de développe¬
ment plus organisé — des mécanismes obses¬
sionnels qui permettent de maintenir le contrô¬
le des parties dissociées et projetées. L'échec
de ces mécanismes peut conduire à l'émergence
de troubles de diverses importances dans le
fonctionnement du moi face à l’objet.
Selon Grinberg, l'émergence des identifications
projectives va être conditionné par les tendan¬
ces et les fantasmes appartenant à chacune des
phases libidinales.
l'enfant Cet auteur reprend ainsi le concept tel qu’il
a été décrit par M. Klein, c'est-à-dire comme
caractéristique de la position paranoïde-schizoï
de, phase dans laquelle les parties projetées ne
sont pas profondément modifiées et la projec¬
». tion suit certaines lignes directrices. Ceci peut
cuteurs ou bien dans les objets fortement idéa¬
dans lisés caractéristiques de cette étape.
Dans la recherche d’une délimitation des di¬
verses modalités de l'identification projective,
l’auteur distingue cette modalité « normale »
du mécanisme de celle postulée par Bion comme
étant une identification projective pathologique
« dans laquelle les aspects dissociés et désinté¬
grés en fragments minuscules, sont projetés
dans l'objet qui devient alors morcelé en élé¬
ments minuscules (les objets bizarres) (2).
Grinberg suggère aussi l'existence d'une mo¬
dalité fœtale d’identification projective, où il
y aurait une scission d'une partie du « self »
du fœtus qui serait projetée à l'intérieur du
corps maternel.
En outre, cet auteur insistera sur le besoin
de considérer non seulement l'aspect quantita¬
tif (il fait référence à l'utilisation « excessive »
PARTIE
ou « massive ») des identifications projectives,
mais aussi son aspect qualitatif. Dans ce sens
il mentionnera différentes modalités de fonc¬
MODALITES
PROJECTIVE
tionnement : les identifications projectives schi
zoïdes, mélancoliques, maniaques, psychopa¬
thiques, perverses, etc., en ajoutant que « la
modalité fonctionnelle
de ce mécanisme — en
accord avec le point de fixation ou de régres¬
sion obtenus et avec la qualité et le montant de
(60) BION (W.R.). — Théorie de la pensée. In
établie par L. Rev. Fr. de Psychanalyse, 28, 1964, p. 76.
« Contribucion (61) BION (W.R.). — Op. cit., p. 77
de la identifi (62) BION (W.R.). — Op. cit., p. 84.
(L.). — In Rev. de Psicoanalisis
de Buenos-Aires, 22, N° 4, 1965, p. 263.
(2) GRINBERG (L.). — Op. cit., p. 265.
100 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

sa participation — s’imprègnent de certaines convient de distinguer entre une identification

caractéristiques qui lui donnent sa spécificité projectve de modalité incorporative orale qui
déterminée» (3). cherche la fusion et la disparition de l’objet
Nous voudrions rappeler ici quelques idées externe et une projection identificative où
de Bion qui ont influencé le travail de Grin¬ l’organisation anale et sa modalité expulsive est
berg, et qui pourront être retrouvées dans la la prédominante. Dans cette dernière l'accent
classification proposée par ce dernier auteur. est mis sur l'aspect projectif de séparation avec
l’objet externe.
Pour Bion, l’activité de « penser » a été à son
origine un processus utilisé pour libérer la psy¬ Il est intéressant de remarquer aussi que
ché de l'accroissement de tension. Pour former l’identification projective la plus régressive se¬
les pensées et développer un appareil qui puis¬ rait certainement celle qui se produit à travers
se « penser la pensée », il faut faire appel à le regard. M. Klein a signalé dans « On Identi¬
deux sortes de mécanismes. Le premier est fication » que l’envie est l’un des facteurs les
plus importants dans le fonctionnement du mé¬
représenté par la relation dynamique entre le
contenant et le contenu (c’est-à-dire par l’iden¬ canisme. D'autre part, dans son livre « Envie
tification projective). Le deuxième mécanisme et Gratitude », M. Klein écrit : « Le Dr Jacques
implique la relation entre les positions para a attiré mon attention sur la racine étymolo¬
noïde-schizoïde et dépressive (PS <— > D). Bion gique du mot envie, en latin « invidia », qui
établit une oscillation entre les moments de provient du verbe « invideo » : regarder avec
fragmentation typiques de la position para méfiance, regarder avec malice ou rancune,
noïde-schizoïde (PS), et les moments d'intégra¬ diriger un regard malicieux, envier ou estimer
tion propres à la position dépressive (D). Le quelque chose. Dans la phrase de Cicéron on
concept de relation dynamique contenant-con¬ a donné l'utilisation primitive qui se traduit :
tenu représente pour Bion le trait essentiel « produire le malheur par son œil malicieux ».
de l’identification projective. La différenciation établie par M. Klein entre
envie et voracité, porterait sur ce caractère pro¬
Puisque Bion signale l’utilisation de l’identi¬ jectif de l’envie (5).
fication projective par la pensée embryonnaire,
pour le développement d’un surmoi et d’un L. Grinberg pour sa part affirma que « les
psychisme normaux, Grinberg affirme que, si yeux fonctionnent non seulement avec leur
à cause de différentes raisons, cette fonction qualité réceptive introjective, mais aussi comme
un véhicule du fonctionnement des identifica¬
de penser échoue, on peut accepter que celle
«
ci soit remplacée par l’identification projec¬ tions projectives » (6).
tive comme un moyen de libérer l’appareil psy¬ Freud, dans « Psychologie collective et ana¬
chique de la tension » (4). lyse du moi » avait déjà signalé : « Comment
l'hypnotiseur, qui possède cette force, la mani
Dans la classification proposée par Grinberg feste-t-il ? En ordonnant à la personne de le
on pourra trouver, parmi d'autres, les catégo¬ regarder dans les yeux : il hynotise d'une façon
ries suivantes :
typique par le regard. Mais c'est précisément
— Selon la finalité : on peut distinguer les l’aspect du chef qui est pour le primitif plein
identifications projectives qui fonctionnent com¬ de dangers et insupportable, de même que plus
me une forme de contrôle de l'objet, les iden¬ tard le mortel ne supporte pas sans danger
tifications projectives destructives .inductrices, l’aspect de la divinité. Moïse est obligé de ser¬
réparatrices ou préservatrices. vir d'intermédiaire entre son peuple et Jéhovah,
— Selon le contenu : les aspects contenus dans parce que son peuple ne pouvait pas supporter
les identifications projectives peuvent prove¬ la vue de Dieu ; et lorsqu'il revient du Sinaï,
nir : des aspects de l’idéal du moi, du surmoi, son visage rayonne, parce que, comme chez
de l’objet, de la sexualité, des affects, de méca¬ le médiateur des primitifs, une partie du Mana
nismes, des organes de la perception (vision, s’est fixée sur lui» (7).
audition, etc.). Nous avons fait référence plus haut à la
— Selon son aspect économique : comme for¬ relation entre l’identification projective et la
me de décharger la tension ; ou bien pour se phase anale. On pourarit ajouter alors, comme
charger avec l'énergie de l'objet. une autre particularité concernant les identi¬
— Selon les conséquences pour le sujet : les fications projectives celle qui est décrite par
identifications projectives qui soulagent, qui D. Meltzer dans son article « La relation entre
produisent confusion, dépendance, claustropho¬ l’identification projective et la masturbation
bie, dépersonnalisation, omnipotence, troubles
de l'identité, sensation d’être vide. (3) GRINBERG (L.). — Op. du, p. 266.
— Selon les conséquences pour l’objet : on (4) GRINBERG (L.). — Op. du, p. 268.
distingue entre les identifications projectives (5) KLEIN (M.). — Envy and Gratitude. Lon¬
que produisent empathie, émotions diverses, don, Tavistock Publ., 1957, trad. esp. Bs. As.,
que réactivent des sentiments contretransfé 1960. Note au bas de la page 115. Trad, personnelle.
rentiels, des contre-identifications, des actings (6) GRINBERG (L). — Op. du, p. 266.
out. (7) FREUD (S). -— Psychologie collective et
A propos des différentes modalités de l'iden¬ analyse du moi. In Essais de Psychanalyse. Paris,
tification projective, E. Rodrigue signale qu’il Payot, 1927, p. 150.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 101

anale » (8). L’auteur y décrit l'influence qu'a L. Grinberg a élaboré le concept de « contre
sur la formation de la personnalité la présence identification projective ». Dans son analyse,
d’une combinaison de trois éléments : l'évalua¬ les identifications projectives peuvent contri¬
tion narcissique des excréments ; la confusion buer de façon plus ou moins active à l’émission
autour de la zone anale (en particulier la con¬ de messages extraverbaux, tout en exerçant une
fusion anus-vagin ; pénis-excréments), et les grande influence sur le récepteur. De façon
aspects des habitudes et des fantasmes anaux très spécifique dans la technique analytique,
basés sur les identifications projectives. Meltzer l’auteur a observé les troubles produits par un
fait référence à un processus inadéquat de montant excessif des identifications projectives
dissociation et d'idéalisation. Cette idéalisation du patient. Ces troubles constituent des réac¬
étant en partie la conséquence de la confusion tions spécifiques chez le thérapeute, réactions
d’identité due à l’identification projective. qui ne sont pas perçues ni enregistrées par lui.
Dans l'état d’excitation et de confusion qui L’analyste peut être entraîné à jouer de façon
découle de la masturbation anale, il pourrait passive les rôles et les fonctions que l’analysé
se produire une masturbation bi-manuelle des de façon active (quoique inconscient) a placé
organes génitaux (pénis ou clitoris) et de l’anus de force à l’intérieur de l'analyste.
fantasmé comme vagin qui donne lieu à un Ces manifestations sont considérées comme
fantasme sadomasochiste du coït dans lequel étant en rapport avec un aspect partiel et dé¬
le couple parental s'endommage de façon réci¬ terminé du contre-transfert et de là aussi son
proque. L’identification projective avec les deux nom de contre-identifications projectives.
figures internes qui accompagne cette mastur¬
L'auteur établit ainsi la différence entre deux
bation bimanuelle, endommage aussi les objets
sortes de réactions contre-transférentielles :
internes par la violence de l'intrusion et par
« celles basées sur les attitudes émotionnelles
les caractéristiques sadiques de la relation
sexuelle auxquelles on les attribue. propres à l'analyste... (de celles)... basées sur
Cette situation favorise durant l'enfance l’éta¬ les résidus névrotiques réactivés par les conflits
blissement d'une organisation pré-œdipienne ce avec le patient ». Il faut souligner que ces consi¬
dérations sont basées sur les travaux de H.
qui permet d'éviter le complexe d’Œdipe et qui,
en apparence, ouvre l’enfant à la vie sociale et Racker sur la dynamique du contre-transfert.
intellectuelle. Tout en suivant quelques idées de H. Dautsch,
Meltzer a décrit « les manifestations transfé¬ Racker a remarqué que l'analyste, par sa ten¬
rentielles d'une sorte de trouble caractérologi dance empathique à comprendre ce qui se passe
que relativement fréquent parmi les nombreu¬ chez le patient, peut arriver à identifier « cha¬
ses personnes intelligentes, douées et d'appa¬ que partie de sa personnalité avec des parties
rences satisfaites qui s'adressent au traitement psychologiques de l'analysé, c'est-à-dire son ça
psychanalytique, c’est-à-dire la pseudo-maturité. avec le ça du patient, son moi avec celui du
Le concept d’identification projective, originel¬ patient, etc. tout en acceptant consciemment
lement décrit par M. Klein, a ouvert le chemin ces identifications ». Ces identifications sont
vers une nouvelle et fructifiante recherche des appelées « identifications concordantes ou ho¬
aspects jusqu'ici inexplorés de banalité. En mologues ». Elles reposent sur « l’introjection
comprenant comment la masturbation anale et la projection, sur la résonance de l'externe
détermine l'identification projective avec les dans l’interne, sur la reconnaissance de ce qui
objets internes on achève une conception plus est étranger et sur son équivalence avec ce qui
riche des conséquences et de la signification nous appartient, et sur l’équivalence de ce qui
de l'évaluation narcissique des excréments, ce nous appartient avec ce qui ne nous appartient
qui permet de lier plus certainement la phase pas » (10).
anale, avec la pathologie symptomatique et « Les identifications concordantes seraient
caractérologique » (9). Il faut signaler aussi
une reproduction des propres processus passés
que cet emploi de l'identification projective de l'analyste, qui se réactivent comme une
dans un objet interne n’est pas très généralisé
réponse à la stimulation provenant du patient,
et présente des difficultés secondaires.
en donnant lieu aussi à un contre-transfert posi¬
tif sublimé qui détermine une plus grande
dose d’empathie chez le thérapeute» (11).
B — SUR L’IDENTIFICATION PROJECTIVE,
LE TRANSFERT Un deuxième type d’identifications, appelées
ET LA CONTRE-IDENTIFICATION identifications complémentaires, découlent des
PROJECTIVE identifications de l’analyste avec les objets
internes du patient. L’analyste se sent ainsi
Comme contrepartie des différentes modalités traité de la même façon que le patient traite ses
des identifications projectives, on pourrait envi¬
sager la description de certains phénomènes qui (8) MELTZER (D.). — La relacion entre la mas
se présentent comme une conséquence, comme turbacion anal y la identification proyectiva. Trad.
une réponse aux identifications projectives, de esp. In Rev. de Psicoanal., Buenos-Aires, 24, N° 4,
la même façon que le contre-transfert peut être p. 791.
considéré comme une réponse au transfert (ou (9) MELTZER (D.). — Op. cit., p. 808.
comme sa contrepartie). (10) - (11) GRINBERG (L.). — Op. cit., p. 216.
102 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

objets internes et il ressent ces objets comme fication projective) chez divers analystes, en
propres. utilisant de façon spécifique et intense le mé¬
Racker a décrit un « contre-transfert concor¬ canisme d’identification projective.
dant » à travers
lequel on établit une identité Il est important de souligner que cette réac¬
entre les parties du sujet et les parties de tion spécifique del'analyste est due à la façon
l’objet (expériences, pulsions et défenses), et dont l’analysé a projeté et placé de force son
aussi un « contre-transfert complémentaire » à identification projective dans son thérapeute.
travers lequel on peut fonder une véritable Grinberg ajoute qu’ « en général dans toute
« relation d’objet, un véritable « transfert » dans communication extra-verbale, le mode de fonc¬
lequel l’analyse répète des prototypes antérieurs tionnement (le degré et la qualité) de l’identi¬
de conduites où l’analysé représente des objets fication projective de la part de celui qui trans¬
internes de l'analyste» (12). met (l’analysé), ne dépasse pas le seuil critique
Grinberg pour sa part a souligné la différence du récepteur (l'analyste) et le message produit
entre ces formes du contre-transfert et son con¬ alors une résonance contre-transférentielle et il
cept de contre-identification projective. Cet au¬ rend possible une réponse qui pourra être
teur considère d'abord qu’entre le concept de captée, contrôlée et verbalisée par l’analyste.
contre-identification projective et celui de con¬ Pourtant, dans certains cas, le degré et la
tre-transfert concordant, il n’y a aucun point qualité des identifications projectives peuvent
de contact, car ce dernier est en rapport avec imprégner d'une manière spéciale sa modalité
la liaison empathique envers l’analysé et avec fonctionnelle, de sorte que la communication
le désir de lui comprendre. En outre, il s'agit extra-verbale dépasse le seuil critique et provo¬
des identifications qui sont « acceptées par la que la contre-identification projective. Ce seuil
conscience de l’analyste » selon l’expression de dépendra, dans chaque cas, de la propre per¬
Racker. C’est-à-dire qu'il y a une certaine dispo¬ sonnalité de l’analyste, de son analyse person¬
sition active de la part du thérapeute. nelle et du degré de connaissance ou de cons¬
Selon l'affirmation de Grinberg, la différence cience de ce phénomène» (15).
entre la contre-identification projective et le Finalement, on pourra ajouter que la recher¬
contre-transfert complémentaire est moins nette. che de ce problème a surgi durant l'exercice
Pourtant, dans ce dernier cas, « l'analyste est du travail de contrôle de cas, effectué par le
l'objet passif des projections de l’analysé (par Dr. Grinberg, et pendant lequel il a pu obser¬
exemple de ses objets internes) et il réagit ver la réaction émotionnelle expérimentée par
de manière contre-transférentielle à cause de quelques analystes face au même patient.
ses propres anxiétés et par la réactivation de Une autre liaison avec la théorie de Bion est
ses propres conflits avec ses objets inter¬ proposée par Grinberg lorsqu’il lie la capacité
nes » (13). des éléments bêta de Bion (éléments qui font
Par contre, dans la contre-identification pro¬ partie de l'écran bêta et qui sont prêts à
jective, il y a une réaction de l'analyste qui l'évacuation par identification projective) à pro¬
est en grande partie « indépendante de ses pro¬ duire certaines réponses émotionnelles dans
pres conflits et qui dépend de façon prédomi¬ l’objet, avec son propre concept de contre
nante ou exclusive de l'intensité et de la qua¬ identification projective.
lité des identifications projectives de l’analysé. Otto Kernberg (16) dans son article «The
Dans ce cas, l'accent est mis sur le patient treatment of patients with borderline perso¬
et non pas sur l’analyste. C'est celui-là qui, à nality organisation », écrit que l’identification
un moment régressif particulier, et à travers la projective est une forme primitive de projec¬
modalité fonctionnelle de l'identification pro¬ tion. Cette assimilation à la projection est,
jective, va provoquer d'une façon active chez comme nous l'avons déjà mentionné, une posi¬
l’analyste une réponse émotionnelle précise que tion très répandue. L'auteur continue les idées
le thérapeute subira de façon passive. Dans de Racker (1957) et de Money-Kyrle (1956) quant
les identifications complémentaires, il y aura à l’implication du mécanisme dans les proces¬
toujours un mécanisme ou une réaction propre sus contre-transférentiels, mais il propose de
à l'analyste. Dans la contre-identification pro¬ faire la distinction suivante : ce qui est projeté
jective, l'analyste prendra en charge une réac¬ ne doit pas être considéré seulement comme
tion ou un mécanisme qui n'appartient qu’au une projection de la « pure agression », mais
patient» (14). En outre, cet auteur considère comme une représentation du self ou de l’objet
que ces mécanismes n'apparaissent jamais de lié à un dérivé instinctif.
façon nette ou isolée, mais qu’en général ils Les oscillations entre les moments de pro¬
coexistent en différentes proportions. jections des représentations du self et les mo¬
A travers le contre-transfert complémentaire, ments de projections des représentations de
chaque analyste en s'identifiant avec les objets
internes de son patient, réagit selon sa propre (12) GRINBERG (L.). — Op. du, p. 216.
modalité, selon sa propre personnalité et en (13) GRINBERG (L.). — Op. du, p. 116.
rapport avec ses propres conflits. Les mêmes (14) GRINBERG (L.). — Op. du p. 117.
productions d’un patient vont provoquer diffé¬ (15) GRINBERG (L.). — Op. du, p. 118-9.
rentes réactions chez divers analystes. Par con¬ (16) KERNBERG (O.). — The treatment of pa¬
tre, le même patient peut provoquer une même tients with borderline personality organisation. In
réponse contre-transférentielle (contre-identi¬ Int. J. of Psycho-Anal., 49, 1968, p. 600.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 103

l’objet peuvent être traduites par des expé¬ ceux qui sont dus à l'identification projective —
riences contre-transférentielles et transféren¬ et la problématique concernant le transfert.
tielles (identifications complémentaires de Le transfert sera ainsi considéré comme étant
Racker (1957). basé sur la projection (de Saussure), mais en
Dans le travail de R.E. Money-Kyrle « Normal faisant la remarque que la projection seule
Counter-Transference and some of its devia¬ ne donne pas lieu au transfert. La projection
tions » (17), nous pourrons trouver quelques « in vacuo » ne serait pas une réalité clinique.
aspects impliqués dans le problème du méca¬ Ce mécanisme serait conçu comme impli¬
nisme et sa relation avec le contre-transfert. quant l'expulsion de toute une série d'éléments
C'est l'opinion de l’auteur — laquelle est ba¬ psychiques dans un objet externe (et quelque¬
sée sur une conception élargie du contre-trans¬ fois interne). Elle serait constituée par le dérivé
fert — qu'il y a deux directions fondamentales instinctif inconscient, l’objet externe impliqué
pour la compréhension de ce processus, l’une et une fonction du self (page 344). Mais cette
provient de la propre tendance réparatrice de conception inclue aussi la participation de l’ob¬
l'analyste, l'autre, de l’aspect paternel qui a jet récepteur de la projection. Cette série
été déjà souligné par P. Heimann et où le constituerait alors — selon Rodrigué — l’unité
patient prendrait la place — au moins en de la projection.
partie — d’un aspect infantile du self de l'ana¬ Lorsque le but de ce mécanisme consiste à
lyste. Il y aurait donc un fort compromis du se débarrasser de la stimulation, — et il inclut
processus identificatoire (tant introjectif que le contrôle de ce qui a été projeté — , on
projectif). serait en présence du mécanisme d'identifica¬
Dans le déroulement ordinaire des séances, tion projective (Klein, 1948).
il se produirait une oscillation rapide entre les Dans son action, on pourrait distinguer au
processus d’introjection et de projection. Au moins deux formes par lesquelles l'identifica¬
fur et à mesure que le patient s’exprime l’ana¬ tion projective se heurte contre le thérapeute.
lyste devra s’identifier d’une façon intro jective Dans la première, l'analyste peut s'apercevoir
avec lui, et une fois qu’il l'a internalisé et l'a dès le début « de ce que, dans le fantasme, le
compris, il devra reprojeter sa compréhension patient essaye de faire avec lui ». Ce qui a été
dans l'interprétation. projeté produit la participation active du thé¬
Mais lorsque l'équilibre entre les processus rapeute. Emergerait alors ce que l'auteur appelle
introjectif s et projectifs est brisé, l'analyste « transference actuality », phénomène dans le¬
peut rester soit dans l'une ou dans l’autre posi¬ quel la série projective est ressentie comme
tion (introjective ou projective). Chacune de provenant de l'extérieur et qui peut être inter¬
ces positions sera prise selon l’élaboration par¬ prétée. Dans la deuxième forme il s'agirait de
ticulière que l'analyste fera de la propre culpa¬ ce que Grinberg (1963) a dénommé «contre
bilité engendrée par sa non compréhension. S'il identification projective» et que Bion (1962 —
accepte la culpabilité, le patient restera comme Learning from Experience) a décrit comme
une figure introjectée. S’il projette, le patient étant le cas où l'identification projective bute
restera comme une figure incompréhensible contre l’analyste de façon qu’il ne perçoive pas
appartenant au monde extérieur. le processus en cause, mais où il agit, au con¬
Dans l’alternative introjective, le thérapeute traire, suivant la projection. C’est-à-dire que le
peut ressentir quelques-uns de ses « vieux » thérapeute agit au lieu de percevoir. La série
problèmes, être excessivement perturbé par eux projective est alors ressentie comme provenant
et présenter aussi un compromis corporel à tra¬ de l'intérieur de l’analyste et elle partage ses
vers des perturbations somatiques. Cette ten¬ propres fantasmes. Ce type « insidieux » d'iden¬
dance de l’analyste à prolonger l'introjection tification projective constituerait un danger
du malade, — sans l'issue projective — , peut pour le processus thérapeutique, en particulier
correspondre à la tendance du patient à l’em¬ lorsque cette identification projective due à
ploi de l'identification projective comme moyen l’envie, cherche à détruire la capacité de penser
de se débarrasser de la propre destructivité. du thérapeute.
Mais si l’analyste ne peut pas tolérer cette L’auteur pense que, dans la mesure où ce
situation d'être perturbé, « chargé » par son genre d'identification projective est dominant
patient, comme une figure persécutrice et irré¬ — et dans des situations extrêmes — , il peut
parable, il pourra mettre en œuvre une parti¬ arriver que l’interaction thérapeute - patient
culière reprojection qui a pour but l'expulsion soit interrompue. Cette interruption serait sou¬
du patient sans avoir accompli une élaboration vent produite sous l'influence de l'identification
du problème (sans digérer dirait Bion). Une projective.
autre possibilité implique la reprojection des Grinberg et Bion ont fait référence au mo¬
parties du self de l'analyste, fait qui contribue ment où l'analyste s'interroge sur son état
à une impression de perte de la capacité intel¬
lectuelle. (17) MONEY - KYRLE (R.E.). — Normal Coun¬
Dans cette même ligne de pensée, E. Rodigué tertransference and some of its deviations. In The
développe dans son article « Transference and Int. J. of Psycho-Anal., 37, 1956, p. 360.
a-transference phenomena» (18) quelques con¬ (18) RODRIGUE (E.) — Transference and a
cepts impliqués dans la formulation qui lie les transference phenomena. In The Int. J. of Psycho
aspects projectifs — et plus particulièrement Anal., 47, 1966, p. 343.
104 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

mental et où il reprend îe contrôle opération¬ nalité et comme essai de contrôler le corps de

nel de son contre-transfert (Heimann, p. 1950. l’objet.
On Counter-transference). Cette exploration du Dans son travail
Identification
« On », M.
contre-transfert est aussi à la base de toute
Klein souligne la présence de troubles physi¬
une série de nouveaux indices relatifs au pa¬ ques déterminés par l'irruption de l’identifica¬
tient lui-même. Mais dans le travail qui nous tion projective. Ces manifestations sont ressen¬
occupe, l'auteur envisage d'explorer justement ties tant par le dépositaire que par le sujet
« cette période muette ». Moment où l'analyste même de l'identification projective. De toute
n’a pas encore perçu les contenus projetés par évidence ces remarques ont été à la base des
le patient. Or, l'auteur affirme que ces mo¬ développements postérieurs sur le sujet, en
ments de « non-transfert » constituent un phé¬ particulier en ce qui concerne les aspects contre
nomène transférentiel qui s'inscrit dans l’actua¬ transférentiels.
lité de l'amnésie infantile.
Finalement, nous considérerons ici les points
de vue exprimés par Paula Heimann dans son C — L’IDENTIFICATION PROJECTIVE
article intitulé « Comment on Dr. Kernberg’s DANS LES GROUPES
paper» (19) où l'auteur développe quelques L’IDENTIFICATION PROJECTIVE
points nodaux du transfert et du contre-trans¬ ET LES ROLES
fert qui sont référés à une qualité particulière
du rejet et de l’intrusion.
Nous voudrions nous référer ici à d'autres
P. Heimann affirme que, très souvent, le
mécanisme d’identification projective devrait aires d’application du concept d'identification
être défini comme étant « la réactivation chez projective. Winnicott dans son travail intitulé
« L'interrelation en termes d’identifications
le patient des expériences infantiles vécues en
rapport avec une mère rejetante et intrusive ». croissées » (23) fait référence à l’important dé¬
Dans la note elle ajoute que l’identification pro¬ veloppement qui culmine avec l’établissement
des interrelations basées sur les mécanismes
jective apparaît comme un phénomène contre
transférentiel lorsque l’analyste échoue dans de projection et d'introjection. Il affirme que
ses fonctions perceptives. Le thérapeute ne re¬ bien que ces idées aient pour origine Freud,
connaîtra pas au moment opportun le caractère c’était M. Klein qui a attiré notre attention
sur elles en faisant la distinction entre l'iden¬
du transfert, mais, inversement, il introjetra
inconsciemment son patient, lequel, en réalité, tification projective et l’introjective et en souli¬
agit à partir d’une identification avec une mère gnant en même temps l'importance de ces mé¬
canismes.
rejetante et intrusive. Le malade répéterait
alors ses propres expériences à travers l'inver¬ Dans la première partie de ce travail, nous
sion des rôles. avons présenté les différents aspects du méca¬
L'auteur a souligné que les perturbations nisme d’identification projective (en tant que
contre-transférentieles proviennent d'un décala¬ mécanisme de défense ; comme fantasme ; en¬

ge dans les processus de pensée de l'analyste. tant que relation d’objet et comme lien. Nous
C'est sur la base de ces observations que l'au¬ parlerons plus tard de l'identification projec¬
teur affirme que les mauvais objets internes tive comme moyen de communication). A tra¬
n’apparaissent pas à partir de l’introjection vers la considération de ces aspects, apparaît
active effectuée par l’enfant, mais comme un avec netteté la présence d’une autre personne
résultat des intrusions passivement endurées liée au processus en jeu. La définition même
provenant d'une mère peu affective et intrusive. d’identification projective implique une pluralité
de personnes (au moins deux). C’est pour cela
Ce processus commence durant le stade indif¬ que la situation groupale avec la distribution
férencié où l’enfant est démuni au maximum.
et l'assomption de rôles, encadre dans sa pro¬
« De telles expériences aboutissent à l’établis¬ pre spatialité un lieu privilégié pour ce type
sement d'une sub-structure (20) greffée à l’ap¬ de mécanisme.
pareil psychique ». Elles produisent des effets
fondamentaux pour la formation des trois struc¬ D. Anzieu, en faisant référence spécifiquement
tures (ça - moi - surmoi). « Cette structure pour¬
rait bien correspondre au système d’identifica¬ (19) HEINMANN (F.). — Comment on Dr Kern¬
tion de Kernberg dans le niveau le plus bas berg’s paper. In Int. J. of Psycho-Anal., 47, 1966,
de son système hiérarchique» (21). p. 254.
C’est ainsi que se dessine pour nous les aspects (20) Souligné par l’auteur.
tant de contrôle, d’intrusion dans l'objet que (21) HEIMANN (P.). — Op. cit., p. 257.
d'influence et de participation active du dépo¬ (22) ROSENFELD (H.). —
Contribution to the
sitaire, aspects impliqués dans le concept d’iden¬ Psychopathology of Psychotic States. In
Problé¬
tification projective. matique de la Psychose. Excerpta Medica Founda¬
Rosenfeld (22) a remarqué la place du méca¬ tion, I, 1969, pp. 115-128.
nisme dans le transfert où elle sert : à des fins (23) WINNICOTT (D.). — La interrelacion en
de communication des expériences préverbales ; terminos de identificaciones cruzadas. Trad. esp.
comme défi de la réalité psychique à travers In Revista de Psicoanalisis, Bs. As., 3/4, T. 25, 1968,
l'évacuation des parties mauvaises de la person¬ p. 909.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 105

à la Projection dans les groupes » (24) nous

« sont basées sur le fait que l'être humain appar¬
dit que la surface projective qu’offre la situa¬ tient essentiellement à un groupe ; le groupe
tion groupale varie selon la méthode utilisée. familial, l'école, le travail, les amis, etc. « Mais
Dans les groupes de diagnostic... l'absence de la qualité des liens créés dans le premier grou¬
direction et de programme, la suppression des pe, celui de la famille, a déterminé le surgisse¬
règles et coutumes (...) augmentent la surface ment d’un moule basique, d’un modèle de réac¬
projective au maximum... ». tions qui continue à régir et à influencer les
Il y a, selon cet auteur, certaines images qui relations humaines ultérieures » (25).
« La forme et le contenu du « donner » et du
s’interposent entre les hommes, car « ils parlent
à des images, pour des images » et pour arriver « recevoir » des autres, conditionnés par le
à la vraie signification de la communication « donner » et le « recevoir » primitifs ont été
il faut tenir compte de ces images. répétés de façon incessante dans les diverses
circonstances et dans les différents scénari.
Parmi les images énoncées par Anzieu, celles C’est pour cela que dans la distribution auto¬
qui nous intéressent le plus sont les images matique et spontanée des rôles qui se produit
« profondément enracinées » dans l’homme, dans les groupes dès le commencement, chacun
« qui alimentent ses rêveries et ses rêves et qui
a tendance à assumer le rôle que, pour des
déterminent certaines de ses conduites dans
raisons inconscientes de son équation person¬
la vie intime ou sociale », car ces images et ces nelle, il se sent obligé à accomplir » (25). D’au¬
fantasmes qui constituent « une sorte de mythe
tre part, il n’est pas rare, — continue Grinberg
personnel », sont celles qui peuvent devenir — qu’une personne qui se présente d’habitude
une chose d’une qualité différente, c’est-à-dire
inhibée, commence à agir avec désinvolture.
des identifications projectives.
C’est justement ce type de situation, si fré¬
Il est évident que le lieu par excellence pour quentes dans les groupes, celles qui ont été
ce genre d’ « images-fantasmes » est la psycha¬ appelées par Foulkes « réactions en miroir ».
nalyse et de façon plus précise, les groupes Chaque individu arrive à prendre conscience
thérapeutiques. de ses sentiments profonds, en s’apercevant du
C'est dans les groupes thérapeutiques — écrit sens de ses formes de conduite, par le fait de
Grinberg dans son travail « L'identificacion y la se voir « reflété » dans les autres. En même
contraidentificacion proyectivas en la dinamica temps, chaque membre du groupe sert de mi¬
del grupo » (25) — que se développe un climat roir aux autres, dans la mesure où il se place
spécial de régression, qu'on peut s'apercevoir ou se transforme (même de façon transitoire)
de façon nette de l’action des mécanismes d’iden¬ dans l’autre.
tification projective. Il est nécessaire de souligner que toute fonc¬
« Les rôles ou fonctions qu’assument les dif¬ tion ou rôle qui apparaît dans un groupe
férents participants d'un groupe constituent les est le produit des identifications projectives
éléments qui véhiculent les mécanismes d’iden¬ de ses membres. « Chaque participant, soit
tification projective» (25). qu’il agisse comme un leader rebelle ou sou¬
Cet auteur souligne d’abord que l’apparition mis, soit qu'il prenne le rôle de « bouc émis¬
des rôles constitue un phénomène naturel et saire » ou de « radar », outre les facteurs de
constant dans tout groupe, et que sa manifes¬ personnalité qui lui font agir en coadjonction
tation est immédiate dès la constitution même ou comme prédisposition, ses attitudes pour
du groupe. Cette apparition est due à des moti¬ l'accomplissement du rôle, vont dépendre, de
vations à prédominance inconscientes et elle façon prédominante, des autres membres du
se présente comme la conséquence d’une répon¬ groupe. Ce sont ceux-ci qui déterminent en gran¬
se à la projection des fantasmes de chacun des de partie le surgissement et aussi le mode de
membres sur les autres. Mais l’assomption d’un fonctionnement du rôle que profondément et
rôle déterminé, l'accomplissement de ce rôle, inconsciemment chaque participant considère
est lié à la coïncidence de cette fonction grou¬ comme nécessaire pour la situation actuelle que
pale avec ses propres fantasmes. « On place vit le groupe. C’est-à-dire que, finalement, le
dans les autres personnes les aspects qui ne rôle sera le produit des identifications d'une
sont pas aptes à être exprimés ou reconnus partie ou de tout le groupe. Plus concrètement
en soi-même. C’est ainsi que, ceux qui main¬ ce résultat ou conséquence peut être appelé
tiennent une attitude passive, et qui n'inter¬ contre-identification projective» (25).
viennent pas de façon directe, moyennant les Cet essai de comprendre la place du méca¬
identifications projectives sur les autres élé¬ nisme dans les groupes humains, nécessite
ments actifs du groupe, ressentent comme per¬ aussi de rappeler les hypothèses de E. Jacques
sonnelles leurs expressions » (25).
C’est comme si chaque participant s'efforce¬ (24) ANZIEU (D.). — La projection dans les
rait de façon inconsciente de situer les autres groupes. In Bull, de Psychologie, 225, XVII, 2-7,
membres dans des positions déterminées « com 1963, pp. 94-97.
s’ils étaient les différentes pièces d'un échi¬ (25) GRINBERG (L.). — «La identification y
quier » (selon l’expression d'Ezriel). la contraidentificacion proyectivas en la dinamica
Les diverses oscillations d'un groupe répon¬ del grupo ». Copie dactylographiée.
dent — selon Grinberg — aux mécanismes (25) GRINBERG (L.). — Op. cit. (copie dacty¬
d'identification projective. Ces considérations lographiée). Trad, personnelle.
106
dans lesquelles il présente les mécanismes
d'identification projective et introjective comme
étant des mécanismes de défense
anxiétés les plus primitives, et de façon plus
précise contre l'anxiété paranoïde ou dépressi¬
ve. Selon cet auteur parmi les éléments de
cohésion qui amènent l'individu à former des
associations (des institutions), on trouve cette
défense contre l’anxiété psychotique.
E. Jacques tout en s’appuyant sur les idées
de Freud et de M. Klein, et sur les concepts
d’identification projective et introjective affir¬
me qu’à partir du fait de partager les objets
externes, il est possible d’établir des relations
sociales fantasmées à travers
projective avec l’objet commun. « Ces relations
fantasmées seront élaborées plus tard par l’in
trojection ; et le caractère bidirectionnel des
relations sociales est véhiculé à travers le jeu
bidirectionnel des identifications intro jectives
et projectives » (26).
D — L’IDENTIFICATION PROJECTIVE
ET LES PROCESSUS DE SYMBOLISATION
Nous avons déjà avancé, au début
de ce
travail, la liaison étroite existant entre les
processus de symbolisation et le concept d’iden¬
tification projective, celui-ci pouvant guider
le processus total de déplacement.
Hanna Segal dans son article « Notes sur la
formation du symbole » (27) affirme que c'est
à partir de la relation symbolique aux matières
fécales et aux autres produits du corps, qu’il
peut se produire une projection de cette rela¬
tion sur des matériaux tels que la peinture,
la pâte à modeler, etc., lesquels peuvent être
alors utilisés à des fins de sublimation.
si les angoisses sont trop puissantes « la régres¬
sion à la position schizo-paranoïde peut surve¬
nir à n’importe quel stade du développement
de l’individu, et l'identification projective peut
être appelée à la rescousse comme défense con¬
tre l’angoisse. Alors, les symboles qui avaient
été développés et avaient fonctionné en tant que
symboles dans la sublimation, redeviennent des
équations symboliques concrètes. Ceci est dû
principalement au fait que, dans l'identifica¬
tion projective massive le Moi se confond de
nouveau avec l’objet, le symbole se confond
avec la chose symbolisée, et, pour cette raison,
tourne en équation symbolique» (28).
« Le symbole est utilisé, non pour nier, mais
pour surmonter la perte » (29).
Dans la définition que l’auteur propose de
l’identification projective dans ce même tra¬
vail, on trouve la liaison du mécanisme
formation de symboles. H. Segal affirme Dans
l’identification projective, le sujet projette en
fanstame d’importantes parties de lui-même
dans l'objet, et cet objet devient alors identifié
aux parties du Soi qu’il est ressenti comme
contenant en lui. De même, les objets internes
sont projetés à l’extérieur et identifiés aux par¬
ties du monde extérieur qui viennent les repré¬
BULLETIN DE PSYCHOLOGIE
senter. Ces premières projections et identifica¬
tions constituent le point de départ du proces¬
contre les sus de formation du symbole» (30).
Toutefois, ces premiers symboles ne sont pas
considérés par le moi comme étant des substi
tituts des choses représentées, mais comme
étant l’objet originel lui-même. C’est à cause
de ce fait que Hanna Segal propose une
dénomination qui leur soit propre. « Dans mon
article de 1950 (il s’agit de « Some aspects of
the Analysis of a Schizophrenic », paru in the
Int. J. of Psycho-Anal., 31)... j’ai proposé le ter¬
me « équation ». Pourtant, ce terme les diffé¬
rencie trop du mot « symbole », et je voudrais
l’identification le modifier en «équation symbolique» (31).
E. Liendo, dans son travail « Las relaciones
objetales y la simbolizacion de la angustia » (32)
(Les relations objectales et la symbolisation
de l’angoisse) aborde ce même sujet à partir
d'une position différente, mais qui garde son
rapport avec les concepts que nous venons de
présenter. Dans cet article Liendo applique la
théorie générale des signes à la théorie psycha¬
nalytique des symboles avec le dessein d’obtenir
un ordre logique plus précis applicable à cette
dernière.
Le concept de base qui permet le passage
de l’un à l’autre modèle est « la relation dyna¬
mique entre le contenant et le contenu » (c’est
à-dire l’identification projective), que Bion a
extrait de la relation concrète entre le sein
maternel et l’enfant. « Etant donné que l’enfant
fantasme sa mère comme un contenant concret,
donc physique et limité, tant le coït des pa¬
rents qu'une nouvelle grossesse maternelle par
exemple, représentent pour lui des scènes pri¬
maires concrètes d'exclusion qui donnent lieu,
encore une fois, à l’impressionnante césure de
Mais la naissance (33).
L'auteur considère qu’à la naissance, tant les
souffrances dérivées du fait de se heurter con¬
tre le monde extérieur, que la perte de l’état
intra-utérin, sont ressenties par le bébé comme
s'il s’agissait d’une attaque provenant des for¬
ces hostiles. Cette situation produirait un ac¬
croissement de la pulsion de mort, ce qui conduit
inévitablement, à une augmentation de l'an¬
goisse. Selon Liendo ce début de la vie post¬
natale classifie les relations objectiales en celles
qui ne présentent pas cet aspect (le premier
(26) JACQUES (E.). — Los sistemas sociales com
defensa contra las ansiedades persecutorias y depresi
vas ». Trad. esp. In Nuevas Direccionnes en Fsico
analisis ». Buenos-Aires, Paidos, 1965, pp. 461-2.
(27) SEGAL (H.). — «Notes sur la formation du
symbole. » In Int. J. of Psycho-Anal., 37, 1957, et
avec la dans Rev. Fr. de Psa., 34, 4, juillet 1970, p. 685.
: « (28) SEGAL (H.). — Op. cit., p. 692.
(29) SEGAL (H.). — Op. du, p. 693.
(30) SEGAL (H.). — Op. du p. 689.
(31) Ibid..
(32) LIENDO (E.C.). — Las relaciones objetales y
la simbolizacion de la angustia. In Rev. de Psicoana
lisis, Bs. As., T. 24, N° 4, 1967, pp. 839 et suivantes.
(33) LIENDO (E.C.). — Op. du, p. 844.
 fl. SCAGLIA
exemple d'une relation « non-contenante » étant,
justement la naissance). Mais ce commence¬
ment sert aussi d’unité de mesure pour toutes
les angoisses ultérieures.
Dans la recherche de relations objectales
contenantes, le moi de l'enfant accomplit toute
une série de déplacements. Ces déplacements
constituent déjà le processus de symbolisation.
La première symbolisation porte, dans la
théorie kleinienne, « sur la structure relation¬
nelle formée par le corps maternel et les conte¬
nus envahisseurs (pénis, excréments, frères) »
(34). L'enfant essaie de récupérer l’intériorité
du corps maternel — affirme Liendo — à tra¬
vers les zones érogènes orale, anale, phallique
urétale et génitale, zones à travers lesquelles
le sujet véhicule des instincts de vie et de
mort.
« Les fantasmes sadiques dirigés contre l’in¬
térieur du corps maternel — écrit M. Klein —
constituent la première et la plus fondamen¬
tale relation avec le monde extérieur» (35).
Dans le modèle kleinien — continue
— la relation du moi avec l'angoisse constitue
le moteur de la symbolisation, et la relation
du moi avec des objets constitue la base qui
permet d’aboutir à un processus de symbolisa¬
tion. Quand, dans cette perspective théorique
on fait référence à la possibilité de symbolisa¬
tion, on fait allusion spécifiquement « à la pos¬
sibilité de faire des déplacements et de diffé¬
rencier les relations objectales (avec le corps
maternel...) (les contenus envahisseurs)... les¬
quels constituent ce qui est « symbolisé », des
relations substitutives que constituent le sym¬
bole» (36).
Il faut tenir compte aussi que dans ces
déplacements on ne fait pas la substitution
d'objets isolés (pénis, sein, etc.). Puisque ce
qu’on substitue c’est la relation du moi avec
les objets, et des objets entre eux. Le moi —
affirme Liendo — ne remplace pas par exemple
le ventre maternel par une maison, mais il rem¬
place une structure relationnelle dans laquelle
le moi et le ventre maternel avec le pénis pater¬
nel constituent les termes, par une autre struc
tur dont les termes sont le moi, la maison et
quelque chose qui peut envahir la maison et
déplacer le sujet. C'est une relation semblable
à celle qui existe entre un objet originel et sa
« maquette ». Dans cette relation ce qui change
(si le moi répète sans élaborer), c’est l'échelle,
mais on continue avec le même genre d'objets
et dans la même combinaison ; par contre si
le moi élabore, ce qui se transforme c'est la
relation du moi avec les objets et la relation
des objets entre eux.
De ce travail nous retiendrons ici quelques
aspects en rapport avec l'application du con¬
cept d'identification projective à la formation
de symboles.
Selon Liendo (qui suit les idées de M. Klein),
c’est grâce à l’angoisse persécutrice, confusion
nelle ou dépressive face à l’objet originel, que
s’effectuent les déplacements symboliques des
relations objectales. Celles-ci sont classées en
: IDENTIFICATION PROJECTIVE 107
trois types de base : l’équation symbolique (que
nous venons d’exposer), le pseudo-symbole et la
représentation symbolique. Toute symbolisation
qu’elle soit équationnelle ou représentationnelle,
échoue quand le montant d’angoisse dépasse un
seuil déterminé.
«Dans l'équation symbolique, ou confusion
entre le symbole et ce qui est symbolisé, il y
a non seulement confusion entre l’objet primai¬
re et le substitut, mais aussi confusion entre
le moi qui symbolise et l'objet symbolisé et
encore entre le contenant (le corps maternel)
et les contenus envahisseurs (pénis, frères, etc.).
Dans le pseudo-symbole ou pseudo-discrimina¬
tion entre le symbole et l'objet symbolisé, il y
a moins de confusion entre le moi qui symbo¬
lise et l’objet symbolisé. D’autre part, il se
présente une apparente discrimination entre
l’objet originel et son substitut symbolique, de
même qu’entre le contenant et les contenus ;
mais pourtant, le moi agit comme s'il n'arrivait
pas à discriminer entre le soi et l’objet et entre
Liendo l’objet originel et ses substituts. Dans la repré¬
sentation symbolique ou discrimination entre
le symbole et ce qui est symbolisé, le mois se
différencie de l'objet et par conséquent il éta¬
blit une discrimination entre l'objet originel et
ses substituts d’une part et entre le contenant
et les contenus d’autre part» (37).
L’équation symbolique — dans cette ligne de
pensée — serait le résultat de l’action des iden¬
tifications projectives dans les objets partiels
détruits ou psychotiques ; dans le pseudo-sym¬
bole ce même mécanisme aurait lieu dans des
objets partiels moins détruits ou non-psychi¬
ques ; finalement dans la représentation sym¬
bolique les identifications projectives s'effec¬
tuent dans des objets totaux.
Le travail de E. Liendo dépasse largement le
sujet que nous entreprenons ici, mais au ris¬
que de le simplifier à l'excès nous avons voulu
donner un léger aperçu de ces idées.
Nous avons essayé d'exposer dans cette sec¬
tion, une partie de la portée qu'a prise le
concept kleinien d'identification projective. La
notion pluridimensionnelle et spatiale implicite
dans cette idée lui confèrent un intérêt parti¬
culier pour la compréhension des processus de
groupe. Ainsi, l’étude de l’identification projec¬
tive en rapport avec le rôle joué, projette une
lumière différente sur la dynamique des grou¬
pes non seulement artificiels mais aussi, et
surtout naturels.
L'un des traits qui à notre avis s’avère d’im¬
portance est la distinction entre le déposant,
le dépositaire (dans le sens de qui projette et
sur qui ou dans qui se fait la projection), et
le contenu des identifications projectives. Dans
ce mécanisme le dépositaire ne se réduit pas
(34) LIENDO (E.C.). — Op. du, p. 846.
(35) KLEIN (M.). — La importancia de la forma
cian de simbolos en el desarrollo del yo. In Contri
budones al Psicoanalisis. Bs. As. Hormé, 1962, p. 210.
(36) LIENDO (E.C.). — Op. du p. 848.
(37) LIENDO (E.C.). — Op. du, p. 845.
108 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

à être un récepteur passif des contenus proje¬ Nous pensons que c’est justement le développe¬
tés, mais, par contre, il joue un rôle plus ou ment postérieur subi par le terme, — dévelop¬
moins actif. pement qui a conduit à une certaine perte de
Selon Bleger (38) la relation entre le dépo¬ signification — celui qui pourrait nous guider
sant et ce qui a été projeté (les contenus dans le sens inverse, c'est-à-dire dans le sens
projetés) a été profondément étudiée (appau¬ d'une recherche de précision.
vrissement du déposant, la dépendance vis-à C’est pour cela que nous incluons mainte¬
vis de ce qui a été projeté, etc.). Mais la rela¬ nant ce que nous considérons être les principales
tion entre les contenus projetés et le dépositaire aires d'application (et d’implication) du con¬
devrait encore être éclaircie. « Dans la projec¬ cept.
tion tout se passe dans le sujet... La relation Ainsi le mécanisme d’identification projec¬
avec le dépositaire est une simple décharge de tive est attribué à des phénomènes cliniques
la part du déposant qui n'altère pas, n’influence dans lesquels les patients ressentent que tant
pas, ni ne modifie la conduite du dépositaire ; les parties de la personne propre que ses
on peut être le dépositaire des objets internes pulsions sont projetées dans l'analyste et con¬
des autres personnes sans jamais prendre cons¬ fondues avec lui (Rosenfeld, 1952 a, 1952 b, 1954 ;
cience de ce fait ». Bion, 1954, 1955, 1956 ; Segal, 1956 ; Searles, 1963).
Mais, l'identification projective peut présen¬ Rosenfeld (1947, 1949, 1950) fait référence à
ter des conséquences différentes car « ... le dépo¬ l’importance du rôle joué par l'identification
sitaire peut jouer le rôle qui correspond à ce projective dans la dépersonnalisation schizo¬
qui a été projeté (c'est-à-dire qu'il assume le phrénique, dans les états confusionnels et dans
rôle)... Dans ce cas, la distance entre ce qui a la relation entre la paranoïa et l'homosexualité
été projeté et le dépositaire disparaît» (38). masculine. Grinberg (1966) décrit la présence
du mécanisme dans les psychopathies et dans
les pathologies voisines à ce cadre.
TROISIEME PARTIE Rosenfeld et Bion ont appliqué le concept
d'identification projective à l'interprétation cli¬
A — EXPOSITION GENERALE nique du patient psychotique.
DE QUELQUES TRAVAUX ET PROBLEMES Les deux auteurs partent de la scission de
EN RAPPORT l'objet interne et de sa projection dans le thé¬
AVEC L'IDENTIFICATION PROJECTIVE (1) rapeute. La contrepartie du processus se trouve
dans l’état d'appauvrissement intérieur condi¬
Il est évident que les travaux de M. Klein et tionné par l'emploi du mécanisme. Rosenfeld
ses collaborateurs ont assis les bases et les aussi bien que Bion signalent l’action de
lignes générales pour la captation et l’emploi l’identification projective dans ce qu’il appellent
du concept. Mais il ne découle pas pourtant de « delusional transference ».
cette situation une utilisation univoque du Searles (1963) fait une description liée à des
terme. phénomènes voisins, associés à l’identification
Les différences répondent nettement à la projective.
diversité des cadres théoriques en jeu. Mais ces Dans l’opinion de Malin et Grostein qui élar¬
différences sont dues aussi au fait qu’on essaie gissent la portée des propositions de Searles,
de définir le mécanisme selon les processus la psychose de transfert serait un autre aspect
impliqués (l'identification et la projection). On de l’identification projective. Ces aspects remar¬
se trouve alors face à l'utilisation simultanée qués sont en rapport avec l'importance qu'ac¬
des diverses acceptions des mécanismes, ce qui quiert pour les auteurs, la nécessité où se
amène non seulement à une indécision finale trouve le patient schizophrénique de projeter
mais plus encore à l’équiparation des termes une partie de soi dans le thérapeute. L’analyste
impliqués. Pour quelques auteurs les deux ter¬ — selon Searles — devrait s'efforcer de consti¬
mes deviennent interchangeables et résultent tuer un objet réceptif vis-à-vis des projections
finalement des synonymes de l'identification pro¬ du patient. Ainsi, le patient schizophrène chro¬
jective. nique a besoin d'une proximité symbiotique
Comme nous l’avons souligné plus haut, la
large signification de ces concepts est présente (38) BLEGER (J.). — Simbiosis y Ambiguedad.
dans l’œuvre même de M. Klein. Mais il faut Buenos-Aires, Paidos, 1967, p. 19. Traduction per¬
dire aussi que dans la description de ce con¬ sonnelle.
cept, reste implicite la compréhension et la (1) La présente section
est basée sur les travaux
description de phénomènes cliniques particu¬ de : JAFFE (D.S.) « The Mechanism of Projec¬
liers, d’une façon spéciale en rapport avec la tion : its dual role in object relations . (Int. J. of
schizophrénie, fait qui rend plus difficile son Psycho-Anal. ; 49, 1968, p. 662) ; MALIN (A.) et
accès par une voie non clinique. GROSTEIN (J.S.). : «Projective Identification in
Dans les sections précédentes nous nous som¬ the Therapeutic Process ». (Int. J. of Psycho-Anal.,
mes centrés sur quelques aspects de l’identifi¬ 47, 1966, p. 26) ; ZINNER et SHAPIRO R. : «Pro¬
cation projective. A travers l’exposé des travaux jective Identification as a Mode of Perception and
appartenant à différents auteurs nous avons Behavior in families of Adolescents». London, Ta¬
cherché d’établir quelques points de repère en vistock Publications, 1971 ; et dans les autres tra¬
vue à la délimitation et la précision du concept. vaux par nous consultés.
 fl. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 109

avec l’analyste dans le transfert (2). Searles Ainsi Malin et Grostein affirment de façon
affirme que l'identification projective du pa¬ concrète l’impossibilité de l'existence d'une pro¬
tient doit être préalablement acceptée par le jection dans une identification concomitante.
thérapeute. Il est nécessaire de signaler que — comme
Jaffe, pour sa part, décrit dans le travail cité : nous l'avons remarqué plus haut — une grande
« On doit noter qu’il existe un consensus géné¬ partie des difficultés que présente le concept
ral en ce qui concerne la formation des images d'identification projective (liée d'ailleurs à l'am¬
d’objet influencées par la projection, comme pleur des concepts de base), est due aussi à la
ayant une partie réflexive dans la formation différence dans l'adhésion au schéma conceptuel
d’introjections (Glover, 1945 ; Brierley, 1951). qui est à son origine. (Par exemple l'inter-rela
tion dynamique que M. Klein propose d'établir
« Pourtant il y a aussi de grands doutes sur
l'attribution au moi préformé de la première entre les deux termes et d’autre part la théorie
enfance, des capacités qui impliquent les pro¬ des relations objectales et ses différents ap¬
cessus secondaires de fonctionnement, sans la ports).
suffisante reconnaissance d'une structure moï En ce sens Malin et Grostein explicitent leur
que qui se développe progressivement avec de préférence pour le terme d'identification projec¬
tive face à celui de projection. Celle-ci est con¬
telles capacités défensives (Glover, 1945 ; Bib¬
sidérée comme étant un mécanisme lié aux
ring, 1947 ; Brierley, 1951) ». En plus, il y a des
tendances pulsionnelles et apparenté à l'incor¬
objections référées à : l’existence d'un système
poration. (Ceci correspondrait non seulement
instinctif préformé sans phases successives ;
au modèle kleinien mais aussi au modèle freu¬
l’oscurité dans la différencition entre pulsion
dien). Selon l’opinion de ces auteurs (et comme
et défense et aussi entre fantasmes, objets et
l'a soutenu Fairbain en 1954), toutes les rela¬
affects ; et encore en relation avec l’équiva¬
tions intrapsychiques et tous les rapports inter¬
lence entre les processus biologiques et les
personnels sont conçus sur la base des rela¬
mécanismes mentaux en rapport avec l’intro
tions objectales. « Nous croyons — disent Malin
jection et la projection (Glover, 1945) » (3).
et Grostein — que les parties investies du self
L'acceptation de la participation des méca¬ (ou identifications) sont projetées à l’extérieur
nismes introjectifs et projectifs dans le proces¬ et que le statut des identifications change à
sus d'identification et dans les relations d'objet, partir de la projection ; celui-ci permettant au
est pouratnt plus répandue. moi la décharge, par exemple des parties reje¬
Nous sommes d'accord avec Jaffe pour dire tées du self. L'objet externe reçoit la partie
que cette participation découle de l’utilisation projetée, et cette élaboration — l'objet externe
kleinienne et la dynamique de la projection plus les parties projetées récemment arrivées
et de l'intériorisation de l’amour et de la haine. — est réintrojectée en complétant ainsi le
Meltzer (1966) continue dans la ligne Klei¬ cycle » (4). Ces auteurs ne se centrent pas seu¬
lement sur la nature défensive de l'identifica¬
nienne, en précisant l'action de l'identifica¬
tion projective dans un objet interne. Cette tion projective, mais ils la considèrent comme
application du concept est retrouvée dans les une forme de relation avec les objets, relation
travaux de P. Heimann (1952) ; E. Rodrigué qui peut être aussi bien normale que patho¬
(1966) ; E. Liendo (1967) ; L. Grinberg (1965). logique.
L'article de Knight de 1940 « Introjection, pro¬
Segal (1956) remarque aussi la perte de la jection and identification » (5) est vue comme
partie projetée du moi. Bion (1956, p. 344) si¬ anticipant le concept d'identification projective
gnale le fait que la partie scindée et projetée même si le processus en cause n'est pas décrit
de la personnalité peut s'installer dans l'objet explicitement sous cette dénomination. Knight
et agir comme un persécuteur. écrit que l'identification n’est jamais un pro¬
Selon l'opinion de Jaffe, il serait souhaitable cessus irréductible mais qu'elle est toujours
de faire une distinction entre la projection et basée sur une subtile interaction de mécanis¬
l'identification projective, car dans cette der¬ mes aussi bien introjectifs que projectifs. Puis¬
nière il y aurait un essai d’annihiler l'objet. que nous connaissons déjà notre façon de réagir
Cette distinction étant basée sur la porfondeur face à certaines situations, — affirme l'auteur,
avec laquelle le processus d’annihilation psychi¬ — ceci nous conduit à projeter nos besoins et
que est effectivement accompli. C’est-à-dire qu'il nos désirs sur les objets placés dans des cir¬
s’agit d’une différenciation qui porte sur le de¬ constances dans lesquelles nous pourrions re¬
gré dans lequel le splitting est complet. trouver et prévoir nos réactions. Celles-ci cons¬
En ce sens, il y a un penchant manifesté par titueraient la base pour une identification tem¬
quelques auteurs, à utiliser le concept d'identi¬ poraire avec l'objet. Même si cette expérience
fication projective pour la description des pro¬ déplacée peut paraître un processus unique,
cessus schizophréniques, et celui de projection
pour celui de la paranoïa. Ce fait semble aussi (2) Ce sujet peut être retrouvé dans Bleger, 1967.
être orienté vers l’établissement de la distinc¬ (3) JAFFE (D.). — Op. cit. p. 663.
tion entre certains processus qui impliquent la (4) MALIN (A.) et GROSTEIN (J.). — Op. cit.
présence d’un certain « contact » avec ce qui p. 26.
a été projeté, et d’autres dans lesquels ce (5).
KNIGHT (R.). — Introjection, projection
contact n'est pas décelable. and identification. In Psychoanal. Quart., 9, 1940.
110 BULLETIN DE
Knight pense qu'il est possible de la réduire
à ses mécanismes constitutifs, c’est-à-dire à
la projection et peut-être à l'introjection.
En faisant référence à l’article de Knight,
Malin et Grostein trouvent que l’auteur fait
allusion à l’identification avec des objets totaux,
plutôt qu’avec des objets partiels (comme
c'était le cas dans l'œuvre de M. Klein), mais
que, toutefois, les idées de Knight sont certai¬
nement compatibles avec le concept d’identifica¬
tion projective.
Nous voudrions signaler à cet égard, une fa¬
cette de la problématique qui semble accompa¬
gner inévitablement le traitement de l’identifi¬
cation projective. L’interaction des mécanismes
d’introjection et de projection, — nous l'avons
déjà dit — , est à la base de la pensée kleinienne
et c’est sur cette base que va se délimiter le
concept. Nous avons mentionné plus haut l’em¬
ploi kleinien de l'empathie. Cet emploi corres¬
pond aussi à celui d’une défense, à l’apparition
d’une défense primaire contre la dépression.
En ce sens l’empathie couvre une gamme très
étendue de phénomènes (à l'égal de tous les
concepts auxquels nous sommes en train de
nous référer ici) : du fait de « se mettre à la
place de l’autre » en un acte de compréhension
et de « contact » avec l’autre jusqu’à l’action
de se situer
dans l’autre comme un contrôle,
comme une défense contre la dépression ou
comme un moyen de lutter contre une culpa¬
bilité très précoce. C'est dire que — selon notre
opinion — il est un peu abusif d’attribuer à
l'action du mécanisme d’identification projec¬
tive toute résonance sympathique envers un
objet. Ce qui ne délimitera, d'ailleurs même
pas l'empathie.
« ...Troisième raison qui explique pourquoi il
est si difficile de décrire la dépression chez le
schizophrène : l’identification projective, très
forte chez lui, est utilisée à projeter dépression
et culpabilité sur un objet qui est essentielle¬
ment constitué par le psychanalyste pendant
le traitement psychanalytique. Comme la réin
trojection suit l'identification projective, l'effort
vers une projection durable de la dépression
échoue » (M. Klein — Note sur la dépression
chez le schizophrène) (6).
D'autre part, H. Segal dans son travail « Dé¬
pression in the Schizophrenic » (7) soutient
l’hypothèse que durant son développement le
patient schizophrène a atteint la position dé¬
pressive. Parce que celle-ci lui est intolérable,
et comme un moyen de lutter contre la dé¬
pression, le sujet projette les anxiétés dépres¬
sives. Ceci n’est possible qu'à travers la projec¬
tion d'une grande partie de son moi par iden¬
tification projective.
H. Segal dans cet article définit l’identifica¬
tion projective comme un processus à travers
lequel une partie du moi est scindée et pro¬
jetée dans l'objet. Avec comme conséquence
la perte et l’altération de la perception de
l'objet.
PSYCHOLOGIE
C'est pour cela que nous avons souligné le
rapport existant entre le concept d’identifica¬
tion projective et la pratique clinique dans la¬
quelle il prend sa source. Ainsi il est difficile
d’arriver à une compréhension clinique à partir
de l’analyse théorique des mécanismes impli¬
qués.
Nous pensons que, (même si ça ne découle
pas forcément des auteurs cités), le concept
d'identification projective, tel qu’il est employé
dans plusieurs travaux, est particulièrement
ambigu (8).
Ambiguïté qui amène, même dans certaines
analyses, à l’annulation du concept d'identifica¬
tion projective à travers les mécanismes impli¬
qués. De telle façon — nous le répétons encore
une fois — on peut établir l'équivalence entre
l’identification projective d'une part, et la pro¬
jection et l'identification d’autre part.
(6) KLEIN (M.). — Note sur la dépression chez
le schizophrène. In Revue Française de Psycha¬
nalyse , 25, 1961, p. 937.
(7) SEGAL (H.). — Depression in the Schizo¬
phrenic. In Int. J. of Psycho-Anal., 37, 1956, p. 338.
(8) Il faut noter que le concept même de projec¬
tion est loin de recevoir un traitement univoque
de la part des différents auteurs. Rapport (1944)
affirme que les postulats psychanalytique du déter¬
minisme et de la continuité psychiques impliquent
un processus semblable à celui de la projection.
Selon Novick et Kelly («Projection and externa¬
lisation». In the Psycho-Anal. Study of the Child,
25, p. 69), dans la littérature courante ce concept est
lié aussi à des mécanismes tels que le déplacement,
la généralisation, le transfert, l’externalisation et
quelques processus du domaine adaptatif.. Une lar¬
ge variété de phénomènes tels que les tendances,
les introjections, les aspects du self, les affects et
les sensations, aussi bien que des structures telles
que le surmoi et le ça, sont décrits comme étant
en liaison étroite avec la projection. D’autre part
la projection se manifeste dans des aspects aussi
variés que le jeu, la création artistique, la religion,
les illusions perceptives et les tests projectifs.
« ... en l’utilisant sous cette forme, écrivent les
auteurs, le terme perd son pouvoir d’explication
et les distinctions cliniques s’effacent». (Rycroft
(1968) a défini la projection comme l’acte de perce¬
voir une image mentale comme s’il s’agissait d’une
réalité objective). A partir de cet emploi élargi
du concept on a essayé de différencier quelques-uns
des processus rassemblés sous le nom de projec¬
tion. C’est le terme d’externalisation celui qui a
attiré de façon particulière l’attention des auteurs.
Pourtant l’indiscrimination continue.
L’utilisation du terme de projection est sem¬
blable dans le cas de l’art, de la religion et en
général on l’étend à toute manifestation superfi¬
cielle de phénomènes internes. C’est à ce reflet
de ce qui est interne dans le monde extérieur
auquel Rappaport fait allusion en le dénommant
« Hypothèse projective ». Cela implique le sens
descriptif, pré-analytique du terme. Mais cette utili¬
sation conduit à une situation dans laquelle toutes
les manifestations superficieUes sont soumises à la
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 111

En ce sens il semble que le concept d'identi¬ dans une projection pure que dans une identifi¬
fication projective retourne à la base d’origine, cation pure.
il souffre d’une réabsorption par l'un ou l’autre L'école kleinienne décrit les processus para¬
des mécanismes ou par l'interaction entre eux. noïaques en faisant appel à l'identification pro¬
Mais l'identification projective en tant que jective. Il semblerait alors que dans le concept
fantasme et en tant que relation objectale pré¬ de projection est impliqué le détachement et
coce implique au moins un des versants du l’étrangeté face à ce qui est projeté. Par contre
concept d’identification, comme : « ...la forme dans l’identification projective on met l’accent
la plus originaire de lien affectif à un objet » sur la liaison avec les objets qui fonctionnent
(9). D’autre part: «Au tout premier début, comme contenants.
à la phase orale primitive de l'individu, l’in¬ Il faut souligner — encore une fois — jus¬
vestissement d’objet et l’identification ne sont qu’à quel point le concept d’identification pro¬
peut-être pas à distinguer l’une de l'autre » (10). jective à son tour, doit supporter les divergen¬
Nous croyons que ces deux citations de Freud ces entre les besoins de conceptualisation théo¬
expriment l’un des aspects de l’identification rique et la nécessité de décrire certains phéno¬
contenu dans l'analyse kleinienne des relations mènes cliniques. Phénomènes qui très souvent
objectales précoces et aussi de l’identification ne sont délimités qu’à un niveau fantasmati¬
projective. Nous pensons aussi que c'est cet que. Nous nous occuperons plus tard de l'iden¬
aspect de l’identification celui qui est présent tification projective en relation avec la paranoïa
dans les analyses de Malin et Grostein. Ces et la psychopathie. Les divergences et l’ampleur
auteurs affirment : « ...dans la ligne -de pensée du concept amènent inévitablement à réfléchir
de Knight, nous voulons remarquer ce qui sur la multiplicité de schémas théoriques ac¬
semble être évident dans le concept d'identifi¬ tuellement en vigueur en psychanalyse. Schémas
cation, c'est-à-dire que toute identification in¬ dont nous ne croyons pas qu’ils soient incom¬
clut une projection, et aussi que toute projec¬ patibles entre eux.
tion inclut une identification. Avant qu’on puis¬ Selon Zinner et Shapiro (1971) l'identifica¬
se internaliser (ou physiquement incorporer) tion projective « est une activité du moi laquelle,
on doit se trouver dans un certain état de
entre autres effets, modifie la perception de
réceptivité face à ce processus. C'està-dire on l'objet et de façon réciproque, modifie l’image
doit projeter une partie des contenus psychi¬ du self »... « Ces changements associés à la
ques afin d'être réceptifs pour l’introjection de perception, influencent et peuvent aussi domi¬
l'objet et pouvoir ainsi s'identifier avec lui. ner le comportement du self à l'égard de l'ob¬
Lorsqu'on commence par la projection il faut jet » (13).
qu’il se produise aussi un processus d’identifi¬
Nous ne nous attarderons pas sur cette défi¬
cation ou d’intériorisation, car autrement on
nition. Notre but est de voir maintenant com¬
n'aboutirait jamais à la projection. C'est dire
ment l'identification projective est utilisée pour
que ce qui est projeté serait perdu comme un
la description et pour la compréhension des
satellite envoyé hors du champ gravitationnel
phénomènes groupaux. Sur ce thème Zinner et
terrestre... La projection en elle-même n'aurait
mir*nn conc n mm-no nnp rmnitnnn nmccp rptA.
Shapiro soutiennent que le concept d'identifica¬
UUUUlA ovuo u uiuxuj vjwv mui v ivxu ykxioov a www
a.
tion projective apporte une idée fondamentale
nir un contact avec ce qu’il
a projeté. Le
contact est une sorte d'intériorisation ou, d'une
qui se situe entre la psychologie individuelle et
la psychologie interpersonnelle, car le manie¬
façon abusive, d'identification» (11).
ment de ce mécanisme permet de comprendre
Nous nous retrouvons ici avec les problèmes « les interactions spécifiques entre personnes en
du lien et de sa caractérisation. Nous croyons
que c'est justement cet état de réceptivité (ou projection, qui entraîne une perte des références
ce
de « chagrin ») qui est présent dans le concept spécifiques. A la place d’ « Hypothèse projective »
d’identification projective, mais cela n'implique on pourrait parler d’ «Hypothèse expressive» et
pas notre accord avec l'analyse que nous ve¬ pouvoir ainsi souligner l’existence de liens géné¬
nons d’exposer. En effet, nous ne pouvons pas tiques et causais entre les expressions superficielles
suivre ces auteurs dans les implications théo¬ de l’individu et « les structures cachées, les fonc¬
riques de leurs formulations. tions et les contenus de l’appareil psychique» (Anna
D’autre part Jaffe affirme que la nature dua Freud, 1965). Ces manifestations superficielles peu¬
listique et conflictuelle du mécanisme de pro¬ vent refléter ou exprimer tous les processus psy¬
jection implique l'actualisation de l'appareil chiques en incluant les défenses parmi lesquelles
psychique en un mode constamment ambivalent se trouve la projection.
face à ses relations d’objet. « A l’extrémité de (9)
FREUD (S.). — Psychologie collective et
cette gamme, l'annihilation de l'objet est le analyse du moi (1921). In Essais de psychanalyse ,
but prédominant, alors qu'à l’autre extrémité Paris, Payot, 1927.
l’identification avec l’objet et sa préservation (10) FREUD (S.). — Le moi et le ça (1923). In
est l'objectif principal» (12). Essais de Psychanalyse.
Aussi en ce sens il semblerait que l'identifi¬ (11) JAFFE (D.S.). — Op. cit.
cation projective se situe au milieu de cette (12) Op. cit. p. 663.
gamme. Ceci pourrait signifier que l’identifica¬ (13) - (14) ZINNER et SHAPIRO. — Op. cit ,
tion projective peut se dissoudre aussi bien p. 523. Trad, personnelle.
112 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

termes des conflits dynamiques spécifiques qui me (Brodey W.M., 1965); sur les processus de
se passent dans les individus » (2). projection familiale (Boen M., 1965) (15).
C'est justement à travers l'étude des impli¬ Tous ces processus auraient un dénominateur
cations du mécanisme dans le transfert et le commun à cause duquel ils pourraient être
considérés comme étant des variations de l'iden¬
contre-transfert durant le processus thérapeuti¬
que, que les conséquences au niveau interper¬ tification projective. Ce dénominateur commun
sonnel ont été décrites (Heimann, 1950, 1954 ;
serait constitué selon Zinner et Shapiro par :

Money-Kyrle, 1955 ; Racker, 1957 ; Grinberg, a) l’intervention d'un aspect projectif ;

1962 ; Searles, 1963 ; Rodrigué, 1966 ; Malin et b) le pouvoir de provoquer dans l'objet des
Grostein, 1966, etc.). comportements qui sont en rapport avec les
propres perceptions de soi ;
Zinner et Shapiro affirment que : « alors que c) la possibilité de ressentir certains senti¬
les contre-identifications de l'analyste produites
ments de façon substitutive à travers son objet;
par la projection du patient sont transitoires, d) la production de toute une série de ré¬
il y a d’autres événements interpersonnels dans adaptations afin de maintenir l'équilibre des
lesquels l’identification projective amène à un projections mutuelles, c'est-à-dire, afin d'appuyer
véritable et permanent changement dans le réci¬ les opérations défensives de chacun des parte¬
pient des projections. Un premier exemple de naires et de fournir ainsi des expériences subs¬
ce phénomène est l’effet de l’interaction du titutives.
groupe familial avec le développement de la En outre, selon l’opinion de ces auteurs, le
personnalité de l'enfant... Nous voudrions signa¬ concept d’identification impliqué aussi dans
ler comment l’adolescent s’identifie à ces ima¬
celui d'identification projective, fait référence
ges parentales et comment ces images peuvent à la relation entre un sujet et la partie projetée
être distorsionnées à cause des identifications
de son moi tel qu'il la ressent à l'intérieur de
projectives parentales» (14). l’objet. « La conduite du sujet dans cette rela¬
Grinberg a aussi remarqué l’influence de tion est régie par deux principes. Dans le pre¬
l’identification projective dans le surgissement mier, le sujet se met en rapport avec la partie
des rôles dans les groupes. de lui-même projetée dans l’objet, de la même
A partir
de l'élaboration accomplie par A. façon qu’il l'aurait fait si la partie de son self
était internalisée ».
Freud (1936 — The Ego and the Mechanisms
of Defence) du concept de Edward Bibring de « Freud (1921 — Psychologie collective et ana¬
« renoncement altruiste » (altrustic surrender) lyse du moi) nous a donné un exemple à tra¬
réalisé aussi en termes d’identification et de vers « le faux jugement ( falsification of jud¬
projection, plusieurs auteurs soulignent l'im¬ gement ») qui accompagne l’idéalisation des
portance de la fonction du dépositaire. Autre¬ objets aimés.
ment dit, on a besoin de trouver dans le monde Ce qui fausse ici le jugement, c'est l’idéa¬
«
externe un « mandataire — un délégué » pour lisation. Mais notre orientation se trouve de
les projections. ( a proxy in the outside world ce fait facilitée : nous croyons nettement que
to serve as a repository ») (A. Freud, Op. cit., l'objet est traité comme le propre moi du
p. 136). sujet et que dans l’état amoureux une certaine
A. Freud
considère qu’à travers cette forme partie de la libido narcissique se trouve trans¬
défensive on aboutit à une gratification substi¬ férée sur l’objet. Dans certaines formes du choix
tutive de la pulsion projetée. La disposition, amoureux il est même évident que l’objet sert
consciente ou non, du dépositaire à fournir à à remplacer un idéal que le moi incarne dans
l’autre personne cette gratification substitutive, sa propre personne, sans réussir à la réaliser.
est un élément important pour la compréhen¬ On aime l'objet pour les perfections qu’on sou¬
sion du mécanisme. C’est-à-dire que l'absence haite à son propre moi et on cherche par ce
de l’entente mutuelle conduirait à faire échouer détour à satisfaire son propre narcissisme »
la défense. D’un certain point de vue ce pro¬ (Freud S., Op. cit., p. 135) (16).
cessus correspondrait à celui d'identification pro¬ Il faut tenir compte aussi — soulignent
jective. Zinner et Shapiro — que le sujet qui projette
Zinner et Shapiro détectent le mécanisme fait des efforts pour inclure l’objet en tant
d'identification projective dans différents tra¬ que partenaire. En outre les auteurs montrent
vaux sur les relations interpersonnelles, même leur accord avec ce que Laing écrit dans son
s’ils ne font pas une allusion explicite à ce livre « Le Moi divisé ».
phénomène. Parmi ces thèmes on trouve notam¬ «Nous avons à faire ici à autre chose que ce
ment : sur le bouc émissaire (Vogel, 1960) ; sur qu’on désigne par le terme psychanalytique de
l'échange des dissociations ( trading of disso¬ « projection ». Il ne s'agit pas, pour l’un des
ciations », Wynne L., 1965) ; sur la fusion ( mer¬ partenaires de se servir de l'autre comme d’un
ging » — Borbormenyi-Magy, 1967) ; sur l’assi¬ crochet pour y suspendre des projections. Il
gnation irrationnelle des rôles ( irrational rôle s’efforce de trouver en l'autre, ou d'inciter
assignement » — Framo J.L., 1970) ; sur les états
symbiotiques (Mahler M.S., 1952) ; sur l'évoca¬ (15) Nous renvoyons à la bibliographie présentée
tion d’une délégation, d’un dépôt ( évocation dans le travail de Zinner et Shapiro.
of a proxy » — Wangh, 1962) ; sur le narcissis¬ (16) ZINNER et SHAPIRO. — Op. cit., p. 525.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 113

l'autre à devenir l’incarnation même de la pro¬ tale. Nous rappelons ici que Bion soutient que
jection ». l’identification projective « excessive ou massi¬
« La collusion de l’autre est requise pour ve » remplace le processus de refoulement. A
« compléter » l'identité que le soi se sent forcé sa place, le sujet produirait des identifications
de maintenir» (17). projectives. Et nous ne considérons pas inutile
Wangh (1962) a remarqué aussi le proces¬
« de signaler l'importance qu’attache cet auteur
sus actif d'incitation qui apparaît associé à la à l'étude des liens qui nouent le sujet avec ces
projection dans le cas du « renoncement altruis¬ objets.
te ». Mais quelle serait la place du mécanisme
Finalement les auteurs ajoutent que : « Pour d'identification projective dans la paranoïa, par
que l’identification projective puisse fonction¬ exemple ? Quel est le cadre conceptuel qui sou¬
ner efficacement comme une défense, la véri¬ tient une analyse conçue en termes d’identifi¬
table nature de la relation entre le self et la cation projective ?
partie projetée doit rester inconsciente ; même A cet égard, nous nous occuperons ici de
si l’individu peut ressentir la présence d’un lien trois types de pathologies qui ont entre elles
mal défini avec le récipient de ses projections. un certain rapport du point de vue de la des¬
Le manque de relation entre la partie projetée cription nosologique et des mécanismes en jeu.
et le moi n’est pas assez complète pour que P. Heiman dans son article « Preliminary
le sujet perde sa capicité de ressentir de façon notes on some defence mechanisms » (19) affir¬
substitutive une large gamme de sentiments me que la forme paranoïde d’introjection établit
provenant de l'objet, en y incluant les senti¬ un objet interne que le moi traite de la même
ments qu’il a lui-même provoqués. Ces expé¬ façon sadique qu'il souhaite traiter l’objet ori¬
riences substitutives présentent des traits asso¬ ginel externe. Parallèlement à l’introjection de
ciés non seulement avec l’identification mais l’objet il se produirait un processus de scission
aussi avec le châtiment et la privation» (18). du moi et la partie du moi qui reste identifiée
Nous croyons que, même si les descriptions à l’objet introjecté serait alors scindée du
kleiniennes ont été principalement centrées sur reste. C'est alors qu’une nouvelle scène se joue
les relations objectales précoces, il est possible à l’intérieur du moi, scène dans laquelle le moi
d’établir une concordance entre les concepts continue ses relations d'amour sadique.
que nous venons d'exposer et celui d’identifica¬ Les gratifications
que le moi obtient de l’ob¬
tion projective. jet interne représentent en même temps une
Nous pensons que les considérations présen¬ décharge des impulsions destructrices qui me¬
tées dans cette section de notre travail peuvent nacent le moi. Ces gratifications représentent
transmettre une idée de l’ampleur du concept alors une déviation intra-psychique de la pulsion
aussi bien que de certains problèmes qu’il a de mort.
soulevés. Selon P. Heiman les défenses typiques des
états paranoïdes sont l’introjection, la scission
et la projection intra-psychique.
B — L’IDENTIFICATION PROJECTIVE
Si la scission du moi ne peut pas etre mainte¬
DANS LA PARANOIA,
nue, le processus défensif est destiné à échouer
LA MANIE ET LA PSYCHOPATHIE
et le sujet sera envahi par l’anxiété. La projec¬
tion à l'extérieur est souvent utilisée quand
Le concept d'identification projective est
survient une menace d’intégration des parties
issue de la pratique clinique en milieu de ma¬
scindées, fait qui renouvelle le conflit. L’indivi¬
lades psychotiques, plus précisément des pa¬
du a alors besoin d’un objet adéquat, qui puisse
tients schizophrènes. Mais la portée du concept
recevoir ses projections, c’est-à-dire d'un mau¬
a été étendue à d’autres cadres psychopatholo¬
vais objet externe. « De cette façon, on peut
giques.
commencer un cercle vicieux dans lequel le su¬
Afin de différencier l’identification projective jet est à la fois attiré et persécuté par l'objet
de la projection, certains auteurs soulignent externe. Celui-ci à travers la projection devient
l’aspect du « contact ultérieur » avec ce qui a ainsi un « alter ego » du sujet (identification
été projeté (contenu dans l’identification pro¬ projective) » (20).
jective). Dans le cas de la paranoïa par contre,
on se trouverait plutôt face au mécanisme de (17) LAING (R.D.). — Le moi divisé, Paris Stock,
projection, dans la mesure où il y aurait une 1971, p. 137. « La collusion éveille à la fois la réso¬
méconnaissance fondamentale vis-à-vis des con¬
nance du jeu et celle de la tromperie» (p. 133). «La
tenus projetés. Les liens avec le projeté ont été collusion est nécessairement un jeu-à-deux ou à
brisés, sa trace même effacée et avec elle la plusieurs personnes» (p. 132).
voie de retour perdue. (18) ZINNER et SHAPIRO. — Op. cit., pp. 525-6.
En ce qui concerne l’identification projective, Traduction personnelle.
il faut considérer aussi qu’elle est basée sur (19) HEIMANN (P.). — Preliminary notes on
une scission du moi à partir de laquelle on pro¬ some Defence Mechanisms in Paranoid States. In
jette l'objet internalisé avec lequel le sujet Int. J. of Psycho-Anal., 33, 1952.
avait préalablement établi une relation objec (20) HEIMANN (P.). — Op. cit., p. 33.
114 BULLETIN DE
P. Heimann signale aussi le sentiment de
« triomphe » que manifeste le sujet paranoïde
quand il qualifie d’incapable, de cruel, de stu¬
pide, l’objet externe, et l'auteur ajoute que cette
situation est à la limite des états mixtes para¬
noïdes et maniaques. Le dénominateur commun
à ces deux pathologies étant « la défense face
à la culpabilité, l’indignité et la dépression,
c’est-à-dire les émotions délimitées par M. Klein
sous le nom d’ « anxiété dépressive ».
Nous décririons brièvement la place du mé¬
canisme dans les états maniaques. Pour cela
nous suivrons les travaux de Grinberg et Liber¬
man ; Aslan et Horne.
Dans le cas de la manie, le moi s’identifie
projectivement à un objet interne idéalisé et
omnipotent.
Ce type de personnalité est caractérisé par
trois formes de sentiments réactionnels : le
contrôle, à travers lequel on essaie de nier la
dépendance, le triomphe qui apparaît comme
une expression de la négation de la dépression
et le mépris, utilisé comme une défense face
aux sentiments d'envie, de perte et de culpa¬
bilité (Klein).
Selon Grinberg (21) : « ...le moi du maniaque
se projette dans un objet interne idéalisé et
omnipotent avec lequel le sujet s’identifie pro¬
jectivement ; de l'intérieur de cet objet interne...
(le maniaque)... traite avec mépris et avec un
sentiment de triomphe, l'objet externe ».
Cette situation est en rapport avec l’hypothèse
développée par Aslan et Home (22) sur les
idées de Angel Garma du triomphe maniaque
comme une réussite masochiste. Ce triomphe,
qui implique la destruction d’un bon objet exter¬
ne est en réalité dirigé contre un bon objet
internalisé.
Dans le cas de personnalités psychopathiques,
les identifications projectives ont pour base les
phases orales et anales sadiques. Ces person¬
nalités font un emploi particulier du mécanis¬
me d'identification projective, en produisant
dans l’objet — selon l’opinion de Grinberg —
la mise en marche de contre-identifications pro¬
jectives.
Le langage verbal est utilisé pour provoquer
des conduites dans l’objet (Liberman) (23). Le
psychopathe prend les autres pour des simples
objets et comme une expression, une extension
de son moi. La communication est alors établie
à travers un langage d'action (Ruesch) (24).
En suivant la ligne de pensée de Grinberg et
Liberman (25) il y aurait une modalité spéci¬
fique d’identification projective liée étroitement
à chaque modalité de psychopathie, et par consé¬
quent en rapport avec l’élection de l’objet dépo¬
sitaire : Bs. As., Paidos, 1964.
1) La psychopathie schizoïde est caractérisée
par le sujet froid qui prend pour dépositaire
un sujet très détérioré qu’il « utilise ».
2) La psychopathie mélancolique présente des
identifications projectives chargées de tendan¬
PSYCHOLOGIE
ces orales sadiques cannibalistiques. Ces sujets
exploitent le sentiment de culpabilité des autres
personnes. Dans ces personnalités on peut trou¬
ver aussi des composants maniaques.
3) La psychopathie obsessionnelle (anale se¬
condaire) est typique des sujets qui ont besoin
de projeter la partie obsessionnelle pour la
contrôler sans l’objet. Ils cherchent un dépo¬
sitaire à caractère névrotique.
4) La psychopathie primaire est celle des
sujets qui se lient à d’autres psychopathes
(groupes délictifs).
5) La psychopathie phallique-urétale est celle
qui nécessite un objet phobique pour pouvoir
exploiter sa contre-phobie.
6) La psychopathie génitale est celle qui pré¬
cède l'angoisse de catstration.
Les identifications projectives sont particu¬
lièrement violentes chez le psychopathe à cause
de son incapacité à faire face à la culpabilité
et par conséquent à la dépression. L'équilibre
est très précaire, car son moi est obligé d’utili¬
ser ses énergies pour monter un grand appa¬
reil défensif. L'intolérance à la frustration
l’amène « à chercher avec urgence, des objets
externes avec lesquels, à travers un fantasme
de coït anal, il fait la décharge de ses violentes
identifications projectives » (4).
Il y aurait ainsi une relation intrapsychique
à caractère tyrannique entre une partie du moi
qui soumet et une autre partie qui est dominée
et qui serait celle qui accomplirait la plupart
des actions masochistes qui surviennent pen¬
dant la période maniaque de la psychopathie
(Grinberg).
Il est alors fréquent que, lorsque le psycho¬
pathe ne trouve pas des objets capables de
recevoir des identifications projectives, il
prenne « son propre corps pour dépositaire des
identifications projectives en produisant alors
des réactions hypocondriaques ou des somati¬
sations » (26).
Nous avons essayé, dans cette « Etude préli¬
minaire », de montrer non seulement la portée
mais aussi la diversité des concepts impliqués
dans le terme d'identification projective.
(21) GRINBERG (L.). — Contribucion al estudio
de las modalidades de la identificacion proyectiva.
In Rev. de Psicoanalisis, Buenos-Aires, T. 22, N° 4,
1965, p. 276.
(22) ASLAN (C.M.). y HORNE (B.). — La des
truccion des objecto bueno en el triunfo maniaco.
In Psicoanalisis de la mania y de la psicopatia. Bs.
As. ; Paidos, 1966.
(23) LIBERMAN (D.). — La comunicacion en
terapia psicoanalitica. Bs. As., Eudeba, 1962.
(24) RUESCH (J.). — Comunicacion terapeutica.
(25) GRINBERG (L.) y LIBERMAN (D.). —
Op. cit., p. 116.
(26) GRINBERG (L.). — Contribucion al estudio
de las modalidades de la identificacion proyectiva.
In Rev. de Psicoanal., Bs. As., T. 22, N° 4, 1965, p.
272.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION
Il nous faudra remarquer ici que ses diffé¬
rents aspects (relation objectale, mécanisme de
défense, fantasme, lien et moyen de communi¬
cation), sa participation à d’autres processus
psychiques (le transfert et l'assomption de rôles
par exemple et aussi à l’évolution
même de
l’individu), font que le concept dépasse large¬
ment le cadre conceptuel kleinien pour occu¬
per une place de singulière importance dans
la théorie psychanalytique générale.
C'est peut-être à cause de la multiplicité des
facettes du concept que très fréquemment il est
utilisé sous une forme qui manifeste beaucoup
d’imprécision. On le trouve ainsi dans les textes
comme un synonyme de l’identification, parfois
de la projection ou de l'introjection.
Il est évident que ces trois aspects sont des
parties constitutives de l’identification projec¬
tive, mais qu'ils n'épuisent pas le sens de celle
ci et qu'ils ne peuvent se substituer à ce con¬
cept. Ce dernier devrait être compris « comme
le fantasme de faire irruption dans une autre
personne ». Et nous pensons qu'il n’est pas inu¬
tile de souligner le terme de fantasme, puisque
— à notre avis — c’est justement sur une moda¬
lité fantasmatique que pivote l'originalité et la
spécificité de l'identification projective.
Un autre versant de cette utilisation «peu
précise » ou abusive du terme, est due — selon
notre opinion — au fait de limiter l’identification
projective à la simple interaction entre pro¬
jection et introjection. Bien que cette interre¬
lation soit à la base du mécanisme, elle n’arrive
pas à définir, à lui donner une caractérisation
qui lui soit propre. L’interaction de l’introjec
tion et de la projection n'est pas à l’apanage
du mécanisme d’identification projective, mais
elle participe à beaucoup d'autres processus.
L’un des objectifs de cette interrelation (d ’in¬
trojection et de projection) avec les identifica¬
tions corrélatives qui en découlent, est l’expres¬
sion aussi bien de la pulsion de mort que de
la pulsion de vie. Ces trois éléments de base
(la projection, l’introjection et l'identification)
préparent le terrain pour la fusion pulsionnelle
avec une prédominance relative d'une des deux
pulsions.
A notre avis la « difficulté » du concept d'iden¬
tification projective, l’ampleur qu’on lui attri¬
bue, la non-spécificité qui en découle, la confu¬
sion même que parfois on trouve dans son em¬
ploi sont en partie basées sur une généralisation
qui fait d'elle un équivalent d’autres mécanis¬
mes plus connus.
La plus fréquente est peut-être l'équivalence
entre l'identification projective et l’addition :
projection -f introjection. Avec celle-ci, le mé¬
canisme a quelque chose en commun. L'identi¬
fication projective a aussi une base projective
et introjective. Mais c’est justement dans la fina¬
lité de l’expulsion, et aussi dans la modalité du
fantasme qui véhicule la fusion pulsionnelle,
que le concept d’identification projective ac¬
quiert les caractéristiques qui lui sont propres.
PROJECTIVE 115
Le fantasme qui agit dans l’identification
projective, comme l'a remarqué Bion, « est un
fantasme omnipotent » et il a comme objectif
la préservation du moi et la préservation et (ou)
le contrôle de l'objet. Ce qu'on expulse ce ne
sont pas seulement les mauvais aspects, mais
aussi les « bonnes » parties du moi. Ceci aboutit,
d'une façon générale, à deux expressions diffé¬
rentes : soit que l'objet devienne l’idéal du
moi, soit que l’objet soit contrôlé par le sujet
Dans les deux cas, l’identification projective
est présente.
Si dans le cadre de ce travail nous avons
donné un rôle d'importance à l'idée de $ $ et
aussi à la fonction et interrelation entre le
déposant, le dépositaire et les contenus proje¬
tés, c’est parce que nous avons voulu souligner
une autre idée inhérente à l’identification pro¬
jective et qui ne concerne pas seulement les
structures défensives. Cette idée, qui à notre
avis est la pierre angulaire de l'identification
projective est la relation d'objet.
Il faudra nous rappeler aussi que cette der¬
nière est définie plutôt que par la relation S -
Obj., par la relation entre le moi et ses objets
internalisés, par la relation des objets dans
le moi. Ainsi, l'objet externe, qui ne coïncide
pas toujours avec sa représentation interne,
donne aussi son caractère spatial au concept.
Finalement, et comme pour fermer le cercle,
nous voudrions reprendre quelques idées de base
appartenant au concept d’identification projec¬
tive.
Nous rappelons que, pour M. Klein :
A — « ...la relation avec le premier objet se
fait à travers l’utilisation d’un mécanisme qui
implique aussi bien la projection que l’intro
jection ». (M. Klein. Notes sur quelques méca¬
nismes schizoïdes, p. 275) (27). Il s’agirait donc
d’un processus conçu à partir de, au moins,
trois versants, puisque la projection implique
la scission du moi. C'est dire que le lien avec
le premier objet inclut une scission préalable,
la projection des contenus et la voie du retour
à travers l'introjection. Par ailleurs, M. Klein
fait sienne la relation intrinsèque entre intro¬
jection et identification proposée par Freud
dans « Deuil et Mélancolie ».
Nous arrivons à une définition du mécanis¬
me comme étant :
B — « ...une forme particulière d'identifica¬
tion qui établit le prototype d’une relation d’ob¬
jet agressive... » (M. Klein. Notes..., p. 282) (28).
En tant que relation objectale elle participe
d’une matrice projective et introjective. Mais
l'identification implique aussi que :
C — « ... la projection dérive du désir de
blesser ou de contrôler l’objet... » (M. Klein.
Notes..., p. 282).
(27) Souligné par nous.
(28) Souligné par nous.
116 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

D — « ... (un) ...fantasme de faire irruption relie le sujet à l'objet : elle est surtout une
violemment dans l'objet... » (M. Klein, Notes..., forme de relation établie avec la mère.
p. 286). — La voracité et l'envie restent les « forces
E — « ...une combinaison des parties du moi motrices » des identifications projectives.
dissociées et la projection de celles-ci sur (ou — La scission de la personnalité est aussi à
plutôt dans) une autre personne ». (M. Klein. l’origine du mécanisme. La scission multiple
On Identification, trad, esp., p. 303) (2). de la personalité, dans le cas du schizophrène,
va produire une scission multiple de ses objets.
On tiendra compte aussi du fait que :
Nous avons souligné à propos de la pensée
F — « ... la dissociation du surmoi en ses de Bion qu’un des aspects des relations objec¬
identifications primaires intro jetées est un mé¬ tales psychotiques, est, justement celui de scin¬
canisme semblable à la projection et avec la¬ der une partie du « self » et d’être toujours
quelle il est étroitement lié » (M. Klein « La en train de sortir ou d’entrer dans les objets.
personnification... Trad. esp. In Contribuciones... Le dernier de ces emplois est au service de
p. 198) (29). l’identification projective.
Nous nous trouverons maintenant face au — L’identification projective pathologique
même processus, mais cette fois-ci au niveau est apparentée à l’incapacité de réintrojecter.
du surmoi, avec une projection ultérieure des Comme dans le schéma kleinien, la voie de
identifications. Ce phénomène sous-tend aus¬ retour est barrée.
si le processus de personnification dans le jeu. — C'est pour cela qu'à la place du refoule¬
Nous soulignons la correspondance existant ment, il faut donc mettre en œuvre les iden¬
entre ce mécanisme et celui qui le précède (E). tifications projectives, lesquelles, d'un certain
G — En faisant référence à l'identification point de vue, contrarient la « loi de la pesan¬
projective, on parle aussi d’identification par teur » propre au système.
projection. Ce processus peut aboutir à une — Le mécanisme a comme point de départ la
identification, mais on pourrait aussi envisager position schizoparanoïde. Dans le cas du patient
la possibilité de considérer en ce qui concerne schizophrène, celui-ci scinde aussi la dépression
les relations objectales précoces, l’identification et la projette, ce qui aboutit à l’appauvrisse¬
comme : « la première manifestation d’un atta¬ ment du moi, car la dépression amène à la
chement affectif à une autre personne » (Freud constitution des symboles et elle implique l’in
S. « Psychologie collective et analyse du moi », trojection.
p. 126).
— A partir d’une autre perspective il n'y
H — Enfin, à partir de la scission primaire, aurait donc pas une élaboration (une synthèse)
la projection ultérieure est accomplie aussi des éléments alfa, mais une production (une
bien vers l’extérieur que vers l’intérieur du moi. agglutination) des éléments bêta, qui ne sont
Il s’établit alors une véritable relation d’objet pas aptes qu’à être évacués, c’est-à-dire, à être
dans le moi qui participe des mêmes caracté¬ traités par identification projective. C'est pour
ristiques que celles qui se maintiennent à cela aussi que les éléments bêta sont plutôt
l'extérieur. L’aspect de contrôle de l’objet, tel des « faits non digérés ». Ils n’ont pas subi le
que nous l’avons vu à propos de la manie, processus de métabolisation propre à la dépres¬
par ex., n’est pas absent de cette relation, ce sion. (Les éléments bêta plus les résidus du
processus a été dénommé identification projec¬ moi, du surmoi et de la réalité externe, consti¬
tive dans un objet interne. tuent les « objets bizarres »). C’est dire aussi
Nous remarquons par ailleurs qu’on fait que cette forme d’identification projective véhi¬
référence au mécanisme d’identification projec¬ cule les éléments bêta, et en même temps re-ali
tive à travers différentes dénominations. Ces mente le système évacuatif au détriment des
dernières sont en rapport avec les divers as¬ processus d'introjection et de refoulement.
pects impliqués dans le concept : comme une — L'identification projective est conçue à par¬
forme d’identification (B) ; à partir d’une tir de l’évacuation et de l’entrée dans les
projection particulière (C) ; comme une com¬ objets. Elle est alors esquissée comme l’inter
binaison de dissociation et de projection (E) ; relation contenant-contenu.
comme projection des identifications (F) ;
comme identification par projection (G) ; etc. — L’identification projective est une forme
de relation avec la mère, relation qui sera
Nous voyons alors la confluence dans l’iden¬ ultérieurement intériorisée. C’est à travers ce
tification projective des fantasmes particuliers ; lien que la mère « nomme » les angoisses de
de voracité, de vider l’objet, de possession, etc. l’enfant. Celui-ci sera capable de les maîtriser
La première relation s’établit dans la mère. si la mère est un contenant capable de les
Le premier lien noue une intériorité à une recevoir et de les rendre tolérables. C'est-à-dire
autre intériorité. L’identification projective est si la mère possède la « capacité de rêverie ».
le modèle d’un fantasme et le prototype d’une — La relation 2 $ intériorisée deviendra
relation d’objet. 1’ appareil pour penser ». Un appareil pour
«
Dans la pensée de Bion, on trouve le même donner soi-même un nom à ses propres angois
schéma, peut-être plus dynamisé encore. L’iden¬
tification projective est toujours le lien qui (29) C’est l’auteur qui souligne.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 117

ses. On voit ici à l'œuvre l’oscillation PS <— » D. va surgir cette conjonction constante dyna¬
A travers la fragmentation schizoïde et l’inté¬ misée, ce précipité cristallisé qui peut être ap¬
gration dépressive, on arrive jusqu’au symbole, pelé : objet, sujet, pensée. Faits digérés, sou¬
jusqu’au nom. venirs, désirs liés en un équilibre toujours
— De l’interrelation 5 $ <— » PS <— > D, instable.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ANDREAS SALOME (L.). — Correspondance BION (W.R.). — Learning from experience. W.

avec Freud. Paris, Gallimard, 1970. Heinemann Edit., London, 1963.
ASLAN (C.M.), HORNE (B.). — La destruccion BION (W.R.). — Transformations. W. Heine¬
del objeto bueno en el triunfo maniaco. In Psico mann, London, 1965.
analisis de la mania y de la psicopatia. Buenos BION (W.R.). — Elements of Psychoanal. W.
Aires, Paidos, 1966. Heinemann, London, 1963.
ALYIN (F.). — Trouble de l’identification et
BION (W.R.).
— Catastrophic change (inédit).
image corporelle. In Rev. Fr. de Psa., T. 26, 1962. Transcription in The Scientific Bulletin of the
ANZIEU (D.). — Les méthodes projectives. Pa¬ British Psychoanalytical Society, 5, 1966.
ris, P.U.F., 1960.
BION (W.R.). — Note on memory and desire.
ANZIEU (D.). — La projection dans les groupes. In the Psycho-analytic Forum, II, 3, 1967.
In Bull, de Psycho., 17-2-7, 1963. BION (W.R.). — Seconds Thoughts. W. Heine¬
BACK (R.). — Problems of identifications. Panel mann, London, 1970.
Report J. Amer. Psycho-Anal. Assoc., I, 1953. BION (W.R.). — Attention and Interpretation.
B .A LINT (A.). — Identification (1931). In The London, Tavistock, 1970.
Year Book of Psychoanal., I, 1945. BLEGER (J.). — Psicohigiene y Psicologia Ins
BALINT (M.). — New beginning and the pa¬ titudonal. Buenos-Aires, Paidos, 1966.
ranoid and the depressive syndromes. In Int. J. Psy¬ BLEGER (J.). — Simbiosis y Ambiguedad. Bue¬
cho-Anal., 33, II, 1952. nos-Aires, Paidos, 1967.
BELLAK (L.). — The concept of projection. An BOLWBY (J.). — The nature of the child’s tie
Experimental Study of the Concept. In Psychiatry, to his mother. In Int. J. Psychoanal., 39, 1958.
7, 1944.
BRODEY (W.M.). — On the Dynamics of Nar¬
BERGLER (E.). — Leading and un-leading basic cissism : I. Externalization and early ego deve¬
identifications. In Psychanalytic Review, 32, 1945. lopment. In the Psychoanal. Study of the Child, 20,
BIBRING (E.). — The so-called English School 1965.
of Psycho-Analysis. In Psychoanalytic Quart., 16, BYCHOWSKY (G.). — General Aspects and Im
1947. __ _ „ t„ d„ ___ n ___ __ or
pillauuuo VI inilUJCLUUll. Ul 1 \TWIU If., ij,
BION (W.R.). — Groups Dynamics. A Review. 4, 1956.
In Int. J. of Psychoanal., 33, 1952. CASTORIADIS-AULAGNIER (F.). — Demande
BION (W.R.). — Notes on the Theory of Schizo¬ et Identification. In L’Inconscient, 7, juillet 1968.
phrenia. In Int. J. of Psychoanal., 35, 1954. CLAYREUL (J.). — Identification et complexe de
BION (W.R.). — Language and the Schizophre¬ castration. In L’inconscient, 7, juillet 1968.
nic. In New Directions in Psychoanalysis. Tavis¬ COROMINAS (J.). — A propos de réalité et
tock Publ. London, 1955. identification projective. In Rev J'r. de Psychanal.,
BION (W.R.). — Development of Schizophrenic 35, 1971.
Thought. In In. J. of Psychoanal., 37, 1956. DONNET (J.L.). — Le problème de l’identifi¬
cation chez Freud. In PINEL (J.P.). — L’Incons¬
BION (W.R.). — Differenciaion of the Psycho¬
tic from the non-psychotic personalities. In Int. J. cient, 7, 1968.
of Psychoanal., 38, 1957. FAIRBAIN (W.R.D.). — Psychanalytic Studies of
BION (W.R.). — On Arrogance. In Int. J. of the Personality. London, Tavistock, 1952.
Psychoanal., 40, 1958. FEIGEBAUM (D.). — On Projection. In Psycho
BION (W.R.). — On Hallucination. In Int. J. of anal. Quat., 5, 1936.
Psychoanal. 39, 1958. FENICHEL (O.). — The Scoptophilic Instinct and
BION (W.R.) . — Attacks on Linking. In Int. J. Identification. In Int. J. Psycho-Anal. 18, 1937.
of Psychoanal., 40, 5-6, 1959. FENICHEL (0.). — Identification. In Collected
BION (W.R..). — Experiences in Groups. Tavi¬ Papers. First Series, New York, Norton, 1953.
stock Publ. London, 1959. Trad. fr. Recherche» FENICHEL (O.). — Intro jection and Castration
sur les petits groupes. Paris, P.U.F. 1972. Complex. Col. Papers, Vol. I, 1953.
BION (W.R.). — A theory of thinking. In Int. J. FENICHEL (O.). — Respiratory Intro jection. In
of Psycho-Anal., 43, 1962. Col. Papers, Vol. I.
118 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

FERENCZI (S.). — Intro jection and transference. GRINBERG (L.). — Aspectos magicos en las
In Sex in Psycho-Analysis (1909). New York, Basic ansiedades paranoïdes y depresivas. In Rev. de
Books, 1950. psicoanal. de Bs. As., 16, 1959.
FERENCZI (S.). — On the definition of introjec GRINBERG (L.). — On specific aspect of coûter
tion (1912). In Final Contribution to the Problems transference due to the patient’s projective identi¬
and Methods of Psycho-Analysis. fication. In The Int. J. of Psycho-Anal., 43, 1952.
FERENCZI (S.). — Suggestion et psychanalyse. In
GRINBERG (L.). — Psicopatologia de la identifi¬
Psychanalyse I. Paris, Payot.
cation y contraidentificacion proyectiva y de la con
FLIESS (R.). — Countertransference and counter¬ tratransferencia. In Rev. de Psicoanal. de Bs. As.,
identification. In Journal of the Amer. Psa. Assoc., 22, N° 4, 1965.
vol. I.
GRINBERG (L.). — Relacion objetal y modalidad
FORNARI (F.). — La Psychanalyse de la Guerre. en las identificaciones proyectivas en la mania y
In Rev. Fr. de Psychanalyse, 30, 1966. psicopatia. In Psicoanalisis de la mania y de la
FOULKES (S.H.). — On Introjection. In Int. J. psicopatia, Bs. As,, Paidos, 1966.
Psychanal., 18, 1937. GRINBERG (L.). — La identificacion y contrai¬
FREUD (A.). — The Ego and the Mechanisms of dentificacion proyectiva en la dinamica de grupos ».
Defence, (1936), New York, Int. Univ. Press, 1946. Copie dactylographiée.
FREUD (S.). — 1912. Totem et Tabou, Paris, Payot, GRINBERG (L.), LIBERMAN (D.). — Identifi
1924. cacion proyectiva y comunicacion en la situacion
FREUD (S.). — (1915) Un cas de paranoïa qui transferencial. In Psicoanalisis de la mania y de la
contredit la théorie psychanalytique de cette affec¬ psicopatia. Bs. As., Paidos, 1966.
tion. In Rev. Fr. de Psy. T. 8, 1935. GRINBERG (R.). — Las significaciones del
FREUD (S.). — (1917) Deuil et mélancolie. In mirar en una claustrofobica. In Rev. de Psicoana¬
Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1952. lisis de Bs. As., 17, 1960.
FREUD (S.). — (1919) On bat un enfant. In GRINKER (R.). — On Identification. In The
Rev. Fr. de Psy., 6, 1933. Int. J. Psychoanal., 38, 1957.
FREUD (S.). — 1921). — L’identification. In Psy¬ GUNTRIP (H.). — Personality structure and
chologie collective et analyse du moi. Essais de human interaction. The developping synthesis of
Psychanalyse, Paris, Payot, 1927. Psychodynamic theory. Trad. esp. Estructura de la
FREUD (S.). — 1923) Le moi et le ça. In Essais personalidad e interaccion humana. Bs. As. Paidos,
de Psychanalyse, Paris, Payot, 1927. 1965.
FREUD (S.). — (1927) Psychologie collective et
HAMMET (van Buren). — Identifications and
analyse du moi. In Essais de Psychanalyse, Paris,
hallucinations. In Bull, of the Philadelphia Assoc.
Payot, 1927.
for Psycho-Anal., 2, 1952.
FREUD (S.). — (1932) Nouvelles conférences sur
la Psychanalyse, Paris, Gallimard, 1971. HARPER HART (H.). — Problems on Identi
fications. In Psychiatric Quarterly, 21, 1947.
GLOVER (E.). — Introduction to the study of
Psychoanalytical Theory. In Int. J. of Psychoanal., HEIMANN (P.). — Certaines fonctions de l’in
11, 1390 trojection et de la projection dans la première
GLOVER (E.). — Examination of the Klein sys¬ enfance. In M. Klein ; P. Heimann ; S. Isaacs ; J.
tem of child psychology. In Psychoanal. Study of the Rivière : Développements de la Psychanalyse, Paris,
Child 1, 1945. P.U.F. 1966.
GLOVER (E.). — Basic mental concepts and their HEIMANN (P.). — Notes sur la théorie des
clinical and theoretical value. In Psychoanal. Quart., pulsions de vie et des pulsions de mort. In Déve¬
16, 1947. loppements de la Psychanalyse. Paris, P.U.F. 1966.
HEIMANN (P.). — A contribution to the pro¬
GREEN (A.). — La projection : de l’identification
blem of sublimation and its relation to processes of
projective au projet. In Rev. Fr. de Psy., 35, 1971.
internalisation. In Int. J. of Psychoanal., 23, 1942.
GREENSON (R.R.). — The struggle against iden¬ HEIMANN (P.). — Some notes on the Psycho¬
tification. In Journal of the Am. Psychoanal. Ass., 2, analytic concept of the introjected objects. In Brit.
1954. J. Med. Psychol. 22, 1949.
GREENSON (R.R.). — L’empathie et ses phases di¬ HEIMANN (P.). — On countertransference. In
verses. In Rev. Fr. de Psy., 25, 1961. Int. J. of Psycho-Anal., 31, 1950.
GRINBERG (L.). — Si yo fuera Ud. In Rev. de HEIMANN (P.). — Preliminary notes on some
Psicoanal. de Buenos-Aires, T. XIV, N° 4, 1957. Defence mechanisms in Paranoid states. In Int. J.
GRINBERG (L.). — Aspectos magicos en la trans¬ of Psycho-Anal., 33, 1952.
ference y en la contraidentificacion proyectivas. Rev. HEIMANN (P.). — Problems of the training
de Psicoanal. de Buenos-Aires, 5, 1958. analysis. In Int. J. Psycho-Anal., 35, 1954.
GRINBERG (L.). — Sobre algunos problemas de HEIMANN (P.). — A contribution to the re
tecnica psicoanalitica determinados por la identi evaluation of the Oedipus complex — the early
ficacion proyectiva. In Rev. de Psicoanal. de Bs. stages» (1955). In New Directions in Psycho-Ana¬
As., T. 13. lysis. London, Tavistock.
GRINBERG (L.). — Perturbaciones en la inter HEIMANN (P.). —
A combination of defence
pretacion motivadas por la contraidentificacion pro¬ mechanisms in paranoid states (1955). In New Direc¬
yectiva. In Rev. de Psicoanal., de Bs. As., T. 14, 1959. tions in Psycho-Analysis.
 H. SCAGLIA : IDENTIFICATION PROJECTIVE 119

HEIMANN (P.). — Dynamics of transference inter¬ KLEIN (M.). — On Identification (1955). In

pretations. In Int. J. of Psycho Anal., 37, 1956. New Directions in Psycho-Analysis.
HEIMANN (P.). — Notes on the anal-stage. In Int. KLEIN (M.). — On the development of mental
J. of Psycho-Anal. 37, 1956. functionning (1958). In Int. J. of Psycho-Anal, 39,
1958.
HEIMANN (P.). — Discussion of Dr Katan’s paper.
In Int. J. of Psycho-Anal., 45, 1964. KLEIN (M.). — Note sur la dépression chez le
schizophrène. In Rev. Fr. de Psy., 25, 1961.
HEIMANN (P.). — Comment on Dr Kerberg’s KLEIN (M.), RIVIERE (J.). — U amour et la
paper. In Int. J. of Psycho-Anal., 46, 1965.
haine. Le besoin de réparation. Etude psychana¬
IDENTIFICATION, Rev. Fr. de Psy., 26, 1962. lytique. Paris, Payot, 1968. Trad. esp. Las emociones
Numéro spécial. basicas del hombre. Bs. As., Nova, 1960.
ISAACS (S.). — Nature et fonction du fantasme. KNIGHT (R.). — Introjection, Projection and
In Développements de la Psychanalyse. Paris, P.U.F., Identification. In Psychoanal. Quart., 9, 1940.
1966.
KRONOLD (E.). — Splitting of the Ego in the
JACQUES (E.). — Los sistemas sociales como Defensive Process. In J. of the Amer. Psa. Ass., I,
defensa contra las ansiedades persecutoria y depre 1953.
sivas. In Nuevas Direcciones en Psicoanalisis (New
LACAN (J.). — Propos sur la causalité psychique.
Directions in Psychoanalysis). Bs. As., Paidos, 1965.
In Ecrits. Paris, Ed. du Seuil, 1966.
JACOBSON (E.). — Contribution to the meta¬
LAGACHE (D.). — Les hallucinations verbales et
psychology of psychotic identifications. J. of the
la parole. Paris, Alcan, 1934.
Amer. Psychoanal. Ass. Vol. II, 1954.
LAGACHE (D.). — La jalousie amoureuse. Vol.
JACOBSON (E.). — On Psychotic Identifications.
II, Paris, P.U.F., 1947.
In Int. J. of Psycho-Anal., 35, 1954.
L.AING (R.D.). — The Self and the others.
JAFFE (D.S.). — The mechanism of projection :
Further Studies in Sanity and Madness (1961). Chica¬
its dual role in object relations. In Int. J. of Psycho
go Quadrangle Books. Trad. fr. Le soi et les autres.
Anal., 49, 1968.
Paris, Gallimard, 1971.
JELGERSMA (G.). — Projection. In Int. J. of LAING (R.D.). — Le moi divisé. Essai. Paris,
Psycho-Anal., 7, 1926. Stock, 1971.
JOSEPH (B.). — Quelques caractéristiques de la LAPLANCHE (J.), PONTALIS (J.B.). — Voca¬
personnalité psychopathique. In Rev. Fr. de Psy., 25, bulaire de Psychanalyse. Paris, P.U.F., 1968.
1961.
LEBOVICI (S.). — La relation objectale chez l’en¬
KAY (L.W.). — Variations in roles and group fant. In La Psychiatrie de l’enfant, 3, fasc. 1.
identifications. In J. Soc. Psychol., 27, 1948. LEBOVICI (S.). — «Identification et imitation.
KERNBERG (O.). — The treatment of patients Bull, de Psycho., 8, 1954.
with borderline personality organisation. In Int. J. LIBERMAN (D.). — Identificacion proyectiva y
of Psycho-Anal., 49, 1968. conflicto matrimonial. In Rev. de Psicoanal., Bs.
KLEIN (M.). — Symposium on child analysis As., 13, 1956.
nfio7i
\±7ii 4 /.
r„
XII
t.. ,
Xff'C'*
t
J • l//
d
I >3) LltU’/lHUl/.j
n irwo
JL7U) Z1US31 III
LIBERMAN (D.). — La comunicacion en terapia
Contributions to Psychonalysis. London, Hogarth, psicoanalitica. Bs. As., EUDEBA, 1964.
1950. LIBERMAN (D.). — Tedio, patologia del pensa
KLEIN (M.). — Estadios tempranos del conflicto miento e identificacion proyectiva en psicopatias.
edipico (1928). Trad. esp. Contribuciones al psico¬ In Psicoanalisis de la mania y de la psicopaticu
analisis. Bs. As., Paidos, 1964. Bs. As., Paidos, 1966.
KLEIN (M.). — La personification en el juego de LIENDO (E.C.). — Las relaciones objetales y
los ninos (1929). Trad. esp. in Contribuciones al la simbolisacion de la angustia. In Rev. de Psi¬
psicoanalisis. coanal., Bs. As., 24, 1967.
KLEIN (M.). — The importance of symbol forma¬
LUQUET (P.). — Les identifications précoces dans
tion in the development of the ego» (1930). In Int.
la structuration du moi. In Rev. Fr. de Ps., 26, 1962.
J. of Psycho-Anal. II, 1930. (Contributions to Psycho¬
analysis). MAHLER (M.S.). — Autism and Symbiosis, two
KLEIN (M.). — Les principes psychologiques de extreme disturbances of identity. In Int. J. of
l’analyse infantile (1930-1). In Rev. Fr. de Psy-, 4, Psycho-Anal., 39, 1958.
1930-1. MALIN (A.), GROSTEIN (J.S.). — Projective
KLEIN (M.). — La psychanalyse des enfants, Identification in the Therapeutic Process. In Int.
(1932). Paris, P.U.F., 1969. J. of Psycho-Anal., 47, 1966.
KLEIN (M.). — A Contribution to the Psycho¬
MELTZER (D.). — La relacion entre la mastur
genesis of Maniac-depressive states. In Int. J. of
bacion anal y la identificacion proyectiva. (Trad.
Psycho-Anal., 16, 1935. (Contributions to Psycho¬
esp.). In Rev. de Psicoanal., Bs. As., 24, 1967.
analysis).
MELTZER (D.). — Terror, persecution, dread. In
KLEIN (M.). — Essais de Psychanalyse (192145).
Int. . of Psycho-Anal., 49, 1968.
Paris, Payot, 1967.
KLEIN (M.). — Notes on some Schizoid mecha¬ MONEY-KYRLE (R.E.). — Normal Counter
nisms. In Devlopments in Psycho-Analysis, paru in transference and some of its deviations. In Int. J.
Int. J. of Psycho-Anal., 27, 1946. of Psycho-Analysis, 37, 1956.
120 BULLETIN DE PSYCHOLOGIE

MONEY-KYRLE (R.E.). — Megalomania. In SARNOFF (Ch.). — The vicissitudes of projection

American Imago, 22, 1965. during an analysis encompassing late latency to
MONEY-KYRLE (R.E.). — Cognitive develop¬ early adolescence. In Int. . of Psycho-Anal., 53, 1972.
ment. In Int. J. of Psycho-Anal., 49, 1968. SAUGY (D. de). — L’identification au groupe et
MUNRO (L.). — Clinical notes on internalisation son destin. In SCHNEIDER (P.B.) Pratique de la
and identification. In Int. J. of Psycho-Anal., 33, psychothérapie de groupe. Editrice Universitaria G.
1952. Barbera, Florence P.U.F., Paris, 1965.
SCHAFER (R.). — The
mechanisms of defence.
NOYICK (J.), KELLY (K.). — Projection and
Externalisation. In The Psa. Study of the Child, 25, In Int. J. of Psycho-Anal., 49, 1968.
1970. SEARLES (H.F.). — Transference psychosis in the
RACKER (H.). — The meanings and uses of psychotherapy of chronic schizophrenics. In Int. J.
counter-transference. In Psychoanal. Quart., 26, 1957. of Psycho-Anal., 44, 1963.
RACKER (H.). — Estudios sobre tecnica psico SEGAL (H.). — Some aspects of the Analysis of a
analitica. Bs. As. Paidos, 1960. Schizophrenic. In Int. J. of Psycho-Anal., 31, 1950.
SEGAL (H.). — A psycho-analytical approach to
RASCOYSKY (A.). — Del objeto interno al aesthetics. In Int. J. of Psycho-Anal., 33, 1952.
objeto externo. Externalizacion e internalizacion. SEGAL (H.). — A note on schizoid mechanisms
Dimensiones en la identificacion. In Rev. de Psi
underlying phobia formation. In Int. J. of Psycho
coanal. Bs. As. 13, 1956. Anal., 35, 1954.
REICH (A.). — Early identifications as archaic SEGAL (H.). — Depression in the schizophrenic.
elements in the superego. In Journal of the Amer. Int. J. of Psycho-Anal., 37, 1956.
Psa. Ass., 2, 1954. SEGAL (H.). — Notes on symbol formation. In
RITVO (S.), SOLNIT (A.J.). — Influences of Int. J. of Psycho-Anal., 38, 1957.
SEGAL (H.). — Introduction à Vœuvre de Melanie
early mother - child interaction on identification
Klein, (1964), Paris, P.U.F., 1969.
processes. In Psychoanal, study of the child, 13, 1958.
SEGAL (H.). — Contribution au symposium sur
RITVO (S.), SOLNIT (A.J.). — Rapport entre le le fantasme. In Rev. Fr. de Psy., 28, 1964.
début des identifications du moi et la formation du
SEGAL (H.) . — A propos des objets internes. In
surmoi. In Rev. Fr. de Psy., 25, 1961. Nout 7. Rev. de Psychanal., 6, automne 1972.
RIVIERE (J.) — On the genesis of psychical SHERIF (M.), CANTRIL (H.). — The psycho
conflict in earliest infancy. In Int. J. of Psycho pathology of Ego-Involvments : social attitudes and
Anal, 17. identifications. New York - John Wiley, 1947.
RIVIERE (J.). — Introduction générale. In Déve¬ SMITH (J.). — Identificatory styles in depression
loppements de la Psychanalyse. Paris, P.U.F., 1966. and grief. In Int. J. of Psycho-anal., 52, 1971.
RODRIGUE (E.). El analisis de un esquizo STEIN (C.). — L’identification primaire. In Rev.
frénico de 3 anos con mutismo (1955). In New Di¬ Fr. de Psy., 26, 1962.
rections in Psychoanalysis. STEIN (C.). — L’identification à Freud dans l’au
RODRIGUE (E.). — Notes on symbolism. In Int. toanalyse. In L’Inconscient N° 7, 1968.
J. of Psycho-Anal., 37, 1956. STRACHEY (A.).
— A note on the use of the
RODRIGUE (E.). — Transference and a trans¬ world « internal ». In Int. J. of Psycho-Anal., 22, 1941.
ference phenomena. In Int. J. of Psycho-Anal., 47,
1966. THOMPSON (C.). — Identification with the enemy
and loss of the sense of Self. In Psychoanal. Quart.,
ROJAS BERMUDEZ (J.). — L’objet intermé¬ 9, 1940.
diaire. In Bull, de Psychol., N° 285, 23, 1970.
TOROK (M.). — Maladie du deuil et fantasme
ROSENFELD (H.). — Notes on the Superego du cadavre exquis. In Rev. Fr. de Psy., 32, 1968.
Conflict in an Acute Schizophrenic Patient. In Int.
ULLOA (F.). — Psicologia de las Instituciones -
J. of Psycho-Anal., 33, 1952.
ROSENFELD (H.). — Transference-phenomena Una aproximacion psicoanalitica. UNBA - Fac. de
and transference-analysis in an acute and chronic Filosofia y Letras. Bs., As. Publ. Int. N° 280.
schizophrenic. In Int. J. of Psycho-Anal., 33, 1952. WIDLOCHER (D.). — Les processus d’identifi¬
ROSENFELD (H.). — Some observations on the cation. In Bull, de Psycho, 286, XXIII, 1969-70.
psychopathology of In Int.
hypocondriacal states. WINNICOTT (D.). — La interrelacion en terminos
J. of Psycho-Anal., 39, 1958. de identificaciones cruzadas. (Trad. esp.). In Rev.
ROSENFELD (H.). — On the Psychopathology of de Psico-analisis de Bs. As., 25, 1968.
Narcissism : a clinical approach. London : Ho¬ ZAC (J.). — Consideraciones acerca de la psico
garth ; New York : Int. Univ. Press, 1964. patologia de las psicopatias. In Psicoanalisis de la
ROSENFELD (H.). — Psychotic states : A psycho¬ mania y de la psicopatia. Bs. As., Paidos, 1966.
analytical approach. London : Hogarth ; New York : ZINNER (J.), SHAPIRO (R.). — Projective iden¬
Int. Univ. Press, 1965. tification. In Int. J. of Psycho-Anal., 53, 1972.
ROSENFELD (H.). — Contribution to the Psycho¬ ZETZEL (E.). — An approach to the relations
pathology of psychotic states. In Problématique de la between concept and content in psycho-analytical
psychose. Excerpta Medica Foundation, I, 1969. theory with spécial reference to the work of Melanie
RUESCH (J.). — Comunicacion terapeutica. Bs. Klein and her followers. In The psychoanal, study
As., Paidos, 1964. of the child, II, 1956.