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LECTURE COMMENTEE DE : 
SUBVERSION DU SUJET ET DIALECTIQUE DU 
DESIR 
DANS L’INCONSCIENT FREUDIEN 
SEMINAIRE  1 
Dans ce titre, nous retrouvons quatre termes qui
appartiennent à la philosophie et un terme qui
concerne la psychanalyse ; le propos philosophique
se trouve à l’intérieur de la psychanalyse ; à charge
de celle-ci d’avoir un cadre théorique suffisant pour
accueillir ce programme qui comprend la
subversion, le sujet, la dialectique et le désir.
Expliquons ces termes :
La subversion vise une action qui saperait les
valeurs et les institutions établies ; est-ce le sujet qui
va saper les institutions établies ou est-ce la notion
même de sujet (en tant qu’institution établie) qui va
être ébranlée ? Le terme de subversion apparaît
dans Kant avec Sade ; jusque Kant, toutes les morales
sont des morales du bonheur qui prônent
l’harmonie de l’individu dans le monde ; dans Kant
avec Sade, la subversion est la remise en question de
cette harmonie.
Le sujet : le sujet psychologique serait le sujet
d’Aristote, bien stable « qui reste en dessous »
toujours le même, celui qui supporte les
changements et les événements d’une vie. Avec
Descartes, le sujet est ce qui est affecté par les
changements : cogito, les pensées
circulent…supportées par le sum, le sujet cogitans.
La subversion du sujet est déjà présente chez
Hegel : le sujet est affecté en étant sans cesse mis en
question par ce qui lui arrive, il se transforme et
n’est jamais le même.
La dialectique : ne consiste pas en thèse,
antithèse, synthèse. En partant de ce qui se donne
immédiatement dans le semblant, dans l’apparence

1
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(que ce soit vrai ou faux), la dialectique consiste en


l’art d’essayer de mettre un semblant d’ordre en
fonction duquel des renversements vont se produire
vers une nouvelle apparence.
Le transfert en terme de renversements
dialectiques1 : en écoutant le réquisitoire de Dora, ce
qu’elle dit de l’apparence de son malheur, Freud
pose la question : ces faits tiennent-ils à la réalité ou
à Dora elle-même ? premier renversement. Ensuite,
le récit par Dora de ses problèmes avec Mr K révèle
une apparence d’un autre niveau : elle participe à la
cour que lui fait Mr K, il y a la circulation des
cadeaux, des identifications au père, de la jalousie :
des apparences d’un autre niveau. Deuxième
renversement : l’intérêt de Dora porte sur l’objet de
sa jalousie, sur Mme K ; lorsqu’elle parle de Mme K,
il apparaît que ce qui l’intéresse est la blancheur de
son sein, la question de ce qu’est une femme.
En psychanalyse, l’analysant n’arrive pas à dire
la vérité ; il faut qu’il parle de cette apparence et la
laisse se développer jusqu’à un renversement qui se
produit naturellement et va faire apparaître un
nouveau type de parole.
Le désir :
- pour Hegel : recherche de la pureté de la
conscience de soi, ce qu’il y a de plus pur dans le
sujet et rejet de tout objet ; celui-ci étant toujours
manquant, le désir reste toujours insatisfait.
- pour Freud : « un rêve après tout n’est qu’un rêve »
mais Freud y reconnaît le désir à la fois dans le
rêve et dans la défense contre le rêve. Le désir
tend vers quelque chose et en même temps se
retient ; « il faut s’arrêter à ces vocables de Wünsch
ou de wish, avec ces bruits de pétards mouillés où ils

1 cfr Intervention sur le transfert, Ecrits, p. 215

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fusent … évoquent la concupiscence »2 : le désir est


déjà éteint par lui-même (cf. le conte de fée des
trois vœux)3.
Il s'agira d’expliquer ce désir en tant qu’il se
présente dans son apparence et en tant qu’on
développe cette apparence pour la faire jouer
dialectiquement.
L’inconscient freudien est subversion : il n’est pas
que principe de plaisir mais aussi pulsion de mort ;
l’inconscient freudien comporte la dimension de la
dialectique ; l’association libre part de ce qui est
apparent, présent et laisse des éléments
préconscients devenir conscients. Ces éléments
manifestent des processus de renversement qui sont
les processus primaires ; on voit apparaître le désir
dans ces renversements.
Hegel et la science en tant qu’ils introduisent
l’inconscient freudien (p 793 à 799)
Une structure est un agencement relativement
stable : bâtiment, organisme, pensée. La praxis est
un concept moderne qui consiste à mettre la
philosophie dans un engagement concret, —
politique pour Marx, par exemple. Pour Aristote,
deux types de pratique s’opposent à la théorie : la
praxis — activité qui possède sa finalité en elle-
même et la poiésis — production de quelque chose
en vue d’autre chose.
La psychanalyse a sa finalité en elle-même, elle n’est
pas une activité qui aurait un but, par exemple
thérapeutique, en dehors d’elle-même.
..constituante : la praxis est la structure ; la structure
n’est pas une disposition stable d’éléments, ni
quelque chose de figé mais une activité ; la structure
(psychotique par exemple) n'implique jamais que

2 cfr La Direction de la Cure, Ecrits, p. 620


3 cfr L’interprétation du rêve, OC IV, p. 636

3
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cela ne va pas bouger. La structure est peut-être une


construction mais une construction en tant que
processus en train de se construire. On pourrait dire
le « parcours praxique » au lieu de praxis, le
parcours du travail du rêve, qui est plus important
que le résultat du rêve.
..sans le savoir : les gens ne s’y intéressent pas
directement même si le savoir intéresse tout le
monde. Savoir et non-savoir sont accouplés dans
cette position de philosophe qui intéresse tout le
monde.
..décidable : on ne peut pas décider si le propos est
vrai ou pas — si tout le monde est philosophe ou
pas ; on va rencontrer ce terme en psychanalyse ; le
Temps logique comporte des éléments objectifs qui
rendent la solution indécidable ; une décision ne
peut se prendre que parce qu’on précipite la
solution ; cet indécidable tient au désir lui-même
qui est toujours partagé ; on aime et on n’aime pas
en même temps, ce qui permet qu’il y ait une
structure dans l’ordre de l’indécidable qui va
impliquer un mouvement, une praxis qui a pour
seul but d’être cette pratique. L’amour n’est jamais
pur : il y a toujours des désirs de meurtre (on a de
temps en temps envie de mettre ses enfants à la
poubelle ; si ce n’est pas le cas, c’est suspect d’un
refoulement très solide).
la question du sujet à partir du sujet de la science
La Phénoménologie de l'esprit, c’est l’histoire du savoir à
partir de la conscience (qu’on a de n'importe quel objet)
qui va se développer en conscience de soi, en raison, en
esprit, en religion, en savoir absolu4. L’histoire peut être
« raconter des histoires » ou un ensemble d’événements

4 Lacan considère ici le savoir hégélien comme absolu, alors que


nous avons vu en lisant la "Phénoménologie de l'esprit" qu’absolu a le
sens de « délié de tout ».

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réels ; il y a aussi un ensemble de faits à un moment


donné pour une subjectivité donnée, un peuple donné
qui est suffisamment important pour qu’on appelle cela
l’Histoire ; ces choses importantes dans l’histoire de
l’individu sont des points cruciaux pour la praxis ou pour
la structure. Hegel revient sur les moments historiques
pour son propos : l’histoire du savoir.
.. une médiation aisée pour situer le sujet : cette
médiation, proposée par Hegel, est un rapport au
savoir ; le sujet est le sujet de ce qui se passe dans le
savoir.
p. 794

..ambiguïté : du rapport du sujet au savoir et à


l’ignorance ; le sujet sait et ne sait pas en même temps :
on est toujours dans l’indécidable. En analyse, le rapport
se fait au sujet supposé savoir, au sujet en tant qu’il est
dans l’ambiguïté quant au savoir. Ce sujet supposé
savoir, souvent pris pour l’analyste est autant l’analysant
que l’analyste, l’ignorance étant autant du côté de
l’analyste que de l’analysant.
Cette ambiguïté se retrouve dans la science : le savant
(un sujet) découvre sans savoir à quoi sa découverte va
servir : il y a savoir et non-savoir ; dans tout sujet, il y a
ce balancement entre savoir et non-savoir.
..épistémologie : philosophie de la science, fondation
d’une connaissance certaine. La science essaie de
délimiter son objet : définir une science se fait en même
temps qu’on la développe ; de même pour la
psychanalyse. La référence à Hegel est la question du
sujet en tant qu’il fait jouer savoir et ignorance ; la
position d’un gourou qui saurait tout est tout à fait
exclue.
Ceci tout seul mérite qu’on parle d’un sujet de la
science. (…)

5
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D’où, qu’on l’apprenne ici, la référence toute


didactique que nous avons prise dans Hegel pour faire
entendre aux fins de formation qui sont les nôtres, ce
qu’il en est de la question du sujet telle que la
psychanalyse la subvertit proprement.
..notre expérience de cette praxis : pour Lacan, la praxis,
c’est d’être dans la structure de savoir et d’ignorance. La
carence de la théorie et les abus dans sa transmission
résultent du manque de statut scientifique.
p. 795

..empirisme : la science est essentiellement empirique


croit-on ; mais
..les conditions d’une science ne peuvent pas être
réduites à la pure expérience (à ce qui est donné dans
les faits, à un ramassis d’observations) ; il y a toujours
une pensée ou une mathématique qui n’appartient pas à
la matérialité de l’empirisme ; il y faut un savoir
constitué.
critique de la psychologie
En un second temps, la science dont relèverait la
psychanalyse serait la science de la psychologie : mais
celle-ci se révèle non scientifique et non-pertinente pour
la question de la structure du sujet.
Pourquoi la psychanalyse est-elle radicalement autre
que la psychologie ? Parce que la fonction du sujet dans
l’expérience freudienne est disqualifiée dans la
psychologie au profit d’un cadre académique ; celui-ci
fait référence à l’école de Platon. La psychologie se
réduit à une pensée platonicienne que Lacan récuse à
cause de la conception de la psyché qu’a Platon : un
assemblage « cocher plus attelage » dont l’un tire vers le
haut (l’âme) et l’autre vers le bas (le corps) : une unité.
La psychologie et la pensée platonicienne visent l’unité

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du sujet alors que pour la psychanalyse, le sujet est


divisé et toujours dans l’équivoque.
..fondement : le fondement est un état statique ;
..d’état de la connaissance : connaissance, co-
naissance : on naît avec ; le sujet connaît co-naît en
même temps l’objet : une unité se forme. Les états de la
psychologie ne produisent pas de savoir.
..enthousiasme : excitation due à la présence d’une
divinité à l’intérieur de nous : il y a unité entre le sujet et
le dieu qui l’habite.
..Erlebnis : expérience vécue de l’hallucinogène,
onirothérapie.
..authentifier : comment une théorie va agir de sa propre
autorité en posant ces états à partir d’elle-même.
..connaturalité : une correspondance entre ce qu’on sait
et celui qui sait.
Il ne s'agit pas de connaturalité dans le savoir et la
science moderne. Le pouvoir de la négation conserve,
nie, élève c'est à dire divise au lieu d’unifier à tous les
stades de la pensée hégélienne. Dans Intervention sur le
transfert : chaque fois que Dora avance dans
l’apparence, quelque chose de négatif vient se
manifester à l’intérieur même de la réalité dont elle
parle : en quoi suis-je pour quelque chose dans ce dont
je me plains ? Une division apparaît.
..l’Aufhebung : est logicisante parce qu’elle se produirait
indépendamment des contenus, elle serait un schème
formel qui à la fois conserve (1), supprime (2) et sublime
(3). Pour Hegel, l’Aufhebung n’est pas logicisante, car
elle est le mouvement même de l’essentiel (où forme et
contenu ne sont qu’un).
..épistémogène : qui produit un savoir épistémologique
c'est-à-dire non pas naïf mais articulé
..noophore : qui porte le mouvement de l’esprit.

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..leur référence : à Hegel et à la science, pertinente pour


la question du sujet.
..psychologie des profondeurs : péjoratif ; aucune notion
d’un parcours qui se ferait ; la structure n’est pas un
ensemble d’états (modifiés de la conscience) mais un
parcours.
..parcours. Car c’est là le sens : l’interprétation des rêves
ne concerne pas le contenu manifeste ou latent mais le
parcours.5
..états hypnoïdes : les contenus apparaissant dans les
états hypnoïdes sont clivés de la pensée normale.
Breuer voyait dans ces états hypnoïdes une constitution
typique de l’hystérique, une organisation stable propre à
l’hystérie. Contrairement à ces hypothèses restreintes à
une pathologie spécifique, Freud s’est attaché à repérer
les mécanismes hystériques dans lesquels il se
découvrait lui-même. Les mécanismes hystériques sont
les mêmes que ceux repérés dans la Traumdeutung,
l’interprétation des rêves qui concerne la psychanalyse
de Freud lui-même. Freud se découvre hystérique avec
les hystériques. Les mécanismes hystériques sont dans
la normalité : le discours de l’hystérique est un
processus, une praxis en tant que structure, un
mouvement propre à tout humain : questionner, à partir
d’un sujet qui s’efface, le savoir que peut produire un
signifiant ; le discours hystérique est productif alors
qu’un état hypnoïde ne produit rien.
p.796

. .« moments féconds » est une référence surréaliste : la


fécondité de faire travailler la représentation d’un objet
qui renvoie à la représentation d’un autre objet, par
exemple la montre molle de Salvador Dali.

5cfr la dernière note du chap. VI de l’Interprétation


du rêve

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..milieu infatué : critique de l’immobilisme de l’IPA.


..interroger l’inconscient .. qu’« il dise pourquoi » :
l’inconscient n’a de sens que s’il se met à « parler », que
s’il est dans le processus du discours, dans les
processus primaires ; l’inconscient est nécessairement
dynamique, nous n’y avons accès que par les processus
primaires qui sont des pensées préconscientes ; c’est ce
qu’on peut dire et c’est toujours expliquer pourquoi, dans
un mouvement d’avancement.
..déchiffrement : un chiffre cache quelque chose ; ce qui
nous mène à chercher pourquoi ce chiffre, ce qu’il veut
dire et à quoi il renvoie.
..voix interrogative : on la retrouve dans la question
logique que se pose en rêve la spirituelle bouchère :
pourquoi mon mari qui n’aime que les femmes bien
enrobées se met-il à aimer cette maigrichonne qu’est
mon amie ?
..cheminement d’une argumentation : (aber-abér), une
argumentation se met en route avec un petit accent sur
le e que l’homme aux rats utilise pour se défendre d’une
compulsion.
..tradition psychanalytique : si vous ne suivez pas le
processus du travail analytique, les processus du rêve,
l’association libre, la logique qui n’arrête pas de
déchiffrer, vous n’obtenez que la fermeture de
l’inconscient.
..archétype : référence à Platon (les Idées), St Augustin,
Jung ; il s'agit de l’expérience d’un modèle originaire des
formes dont les choses sensibles seraient les copies ; il
n’y a pas d’archétype inconscient qui permettrait
d’expliquer les « copies » : ce ne serait qu’une
expérience unitaire entraînant la fermeture de
l’inconscient.

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..allégeance freudienne : l’inconscient freudien est cette


structure qu’on suit en tant qu’elle est interrogation,
mouvement, travail du rêve, processus primaires,
discours de l'hystérique qui ne cessent d’être relancés
(par exemple, le rêve est relancé par son interprétation).
..toute limite : il s'agit de la frontière absolument
fondamentale entre la vérité et le savoir.
En note : astrologie, télépathie etc.. n’ont de sens qu’à
rentrer dans la traduction c'est-à-dire dans le processus
de parole, l’association libre, le travail du rêve …
bégueule : à la fois très prude et gueule bée : elle n’a
rien à dire (à propos de la télépathie etc..)
..un pas copernicien : après Copernic (la terre tourne
autour du soleil) et Darwin (l’homme appartient au règne
animal), Freud est le troisième à avoir délogé le
narcissisme de l’homme : celui-ci n’est pas maître de sa
propre vie dont le sens est inconscient et lui échappe
totalement. Kant estimait lui aussi avoir réalisé une
« révolution copernicienne » en disant que l’objet n’est
pas la chose en-soi mais l’objet est tel que nous le
percevons dans le phénomène dans les conditions qui
sont propres au savoir dans sa finitude indépassable.
Ces révolutions coperniciennes sont (apparemment) des
destitutions d’une place centrale.
p.797

..vérité révélée : la double vérité de Galilée qui se ralliant


à la thèse de Copernic a été contraint par l’église à
renier la vérité scientifique.
..l’héliocentrisme : exalter le soleil à la place de la terre,
est-ce si intéressant ?
..l’écliptique : la terre tourne autour du soleil en étant
penchée, de même qu’on est penché, de travers, par
rapport au vrai.
..opinant du bonnet : à la vérité révélée.

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..Darwin : les hommes sont convaincus d’être le sommet


de l’évolution ; c’est encore flatteur pour leur
narcissisme.
De la révolution des orbes célestes : planète ou cercle
que parcourent les planètes.
Ellipse comme éclipse vient de leipsis qui signifie
manque.
Ek : rapport à un manque à l’extérieur, on s’éclipse.
El : rapport à un manque à l’intérieur (ellipse avec
deux foyers ; elle est constituée par tous les points y
dont la distance y F1 + y F2 est une constante)

Dans la révolution de la terre, on a un foyer 1, le soleil


et un foyer 2 qui est un vide : la terre tourne autour du
soleil et autour d’un manque.
Le centre plein est le savoir et le centre vide est
l’ignorance ; le centre vide est nécessaire à la
rotation.
L’ellipse est l’image d’un autre rapport au vrai : la
terre tourne penchée et elle tourne autour d’un vide.
.. révolution : que ce soit celle de la subversion du sujet
et celle de la terre, le parcours se fait avec ces deux
foyers totalement différents. Le savoir est le foyer plein
et la vérité le foyer vide, le manque grâce auquel l’ellipse
est vraiment une ellipse.
..de la fermer : de ne pas distinguer la vérité et savoir, la
vérité comme manque de savoir.

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Nous voilà donc porté sur cette frontière sensible de la


vérité et du savoir dont après tout l’on peut dire que
notre science, d’un premier abord, paraît bien avoir
repris la solution de la fermer.
..l’histoire de la Science : commence à Descartes, à
l’invention de l’algèbre, des petites lettres, du
Symbolique ; c’est la position de Koyré que Lacan a
toujours admise.
..séisme : se produira à ce même lieu de la lettre
..idéale : non réalisable
..en résorption constante : la vérité pour Hegel est ce qui
arrive à la fin de chaque figure qui fait qu’on est obligé
de passer à une autre figure de savoir plus complexe et
plus développée, ce qui fait progresser le savoir. La
vérité est le non savoir ; la vérité est en résorption
continuelle par rapport au savoir qui dévore cette vérité,
ce non-savoir ; la vérité est ce qui manque à la
résolution du savoir.
p.798

..l’antinomie : est la contradiction de deux principes


opposés, le savoir en tant qu’il est le savoir propre à
l’être humain et la vérité en tant que non savoir et en tant
qu’extérieure
..agir son ignorance : en remarquant qu’il ne sait pas, le
savoir peut apprendre cette vérité.
..crise : celle du savoir auquel quelque chose échappe
..l’imaginaire : est la vérité attribuée à Dieu, ce qu’on
imagine chez Dieu.
..une nouvelle forme symbolique : une nouvelle avancée
du savoir dans l’imaginaire, dans le processus
précisément de la parole.
..dialectique convergente .. savoir absolu : pour Hegel
selon Lacan ici, le savoir va recouvrir toute la vérité. Il
n’y aurait alors plus de réel, tout serait englobé dans le

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savoir ; le sujet deviendrait statique aussi Lacan rejette-t-


il Hegel tel qu’il le comprend6.
..l’être de soi conscient : ou la conscience de soi ; Lacan
s’inspire de Kojève qui part de la dialectique du maître et
de l’esclave (qui relève de la conscience de soi) comme
hypothèse fondamentale de Hegel alors que la
Phénoménologie de l'esprit commence à la certitude
sensible (qui relève de la conscience).
..c’est ailleurs que doit sonner l’heure de la vérité :
ailleurs que dans la conscience de soi, que dans le
schéma thèse, antithèse, synthèse, ailleurs que dans le
savoir absolu7 ; cet ailleurs est le manque en tant qu’il
oblige à conserver le savoir et la vérité sans que la vérité
ne soit résorbée par le savoir.
..un espoir théorique : la psychanalyse a un avenir non
dans la psychologie mais dans l’articulation du savoir et
de la vérité qui va être développée dans ce mouvement
de la subversion du sujet, cette structure qui est la
pratique elle-même et dont notre lecture va rendre
compte.

6 Mais il est évident que pour Hegel (cfr les


dernières pages de la Phénoménologie de l’Esprit), le
savoir est la mise en évidence, à tout moment du
procès du savoir, de la distinction fondamentale
entre le savoir et la vérité. Cette distinction est le
moteur même du devenir et du mouvement
dialectique.
7 Autant de mécompréhensions de Hegel par
Lacan.

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SUBVERSION DU SUJET ET DIALECTIQUE DU DESIR 
D A N S   L ’I N C O N S C I E N T   F R E U D I E N  
 
SEMINAIRE 2 
Le savoir n’est pas toute la vérité, le savoir n’est pas
entier ni pour l’analysant, ni pour l’analyste ; le
savoir est toujours supposé en fonction d’une
ignorance, d’une ouverture sur une vérité non-sue.
Ce n’est pas décidable : quelque chose échappe au
savoir. Tout le monde est dans ce chemin qui
s’appelle structure. Celle-ci n’est pas un chemin sur
une carte, mais est toujours un parcours neuf et
nous ne pouvons le connaître qu’en le parcourant :
faire un pas et puis un pas — on est toujours dans
une position de déséquilibre.
Lacan rejette la psychologie parce que la
psychologie, la psyché, à la suite de Platon, est
harmonie, équilibre, normalité.
Le sujet est manque à être c'est-à-dire qu’il est dans
la dimension de l’être sous la forme d’un manque, à
l’intérieur même de la figure qu’est l’ellipse8.
p. 798
..notre double référence au sujet absolu de Hegel et au
sujet aboli de la science : la référence à Hegel sert à
mettre en acte la différence entre savoir et vérité de
telle sorte qu’un parcours puisse se faire à travers
les différentes figure du savoir. Lacan a introduit
Hegel pour montrer que le savoir est disjoint de la
vérité. Cependant, Hegel, selon Kojève9, conçoit le
savoir comme convergeant vers un savoir absolu
qui aurait résorbé toute la vérité ; dès lors, pour

8 L’essentiel de la révolution copernicienne pour


Freud
9 que Lacan suit ; mais la lecture de Hegel par
Kojève est orientée par son point de vue
communiste et pas toujours fidèle à Hegel.

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contrer ce savoir absolu, Lacan fait appel à une


seconde référence : le sujet aboli de la science. Dans
un premier temps, le sujet absolu de Hegel refoule
la vérité ; dans un second temps, la science permet
un retour du refoulé dans cette dimension de la
vérité non résorbée dans le savoir.
p. 799
..dramatisme : quelque chose dans quoi il faut
rentrer…
La vérité refoulée va revenir dans le champ de la
praxis de la science. La science dans sa praxis se
pose le question : jusqu’où va son savoir.
La vérité rentrerait dans le champ de la science par
opposition au savoir : c’est une allusion au principe
d’incertitude d’Heisenberg : pour les toute petites
particules, on ne peut pas mesurer en même temps la
vitesse et la position d’une particule parce que les
moyens utilisés sont comparables à ce qu’on
mesure ; les photons qui vont éclairer les particules
vont les influencer, l’observateur interfère dans ce
qu’il observe. Le physicien doit choisir ce qu’il veut
savoir (la vitesse ou la position ?) et il va laisser dans
l’incertitude la vérité qu’il ne peut pas cerner.

Le malheur de la conscience de Hegel est opposée au


malaise dans la civilisation de Freud.
La conscience malheureuse est la dernière étape de
la conscience de soi ; la pensée a toute liberté pour
passer d’une position à l’autre (le sceptique) mais
elle reste dans le malheur parce qu’elle ne sait où est
la vérité. Son malheur va pousser la conscience à
faire appel à un tiers terme, la raison, dont le
principe est que tout le réel est raisonnable et tout le
raisonnable est réel ; on pourrait croire que le savoir
est résorbé mais ceci n’est qu’une formule puisque
la raison va être opposée à une vérité qui la pousse
à se développer davantage au-delà de la raison.

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lecture de Freud
Dans ce paragraphe, on passe de l’introduction
philosophie/science à la lecture de Freud selon
Lacan, avec pour caractéristique le rapport de travers
du sujet au sexe.
..le rapport de travers : reprend le rapport oblique de
l’écliptique qui spécifie le rapport au vrai ; on peut
lire les pulsions de conservation opposées aux
pulsions sexuelles ou encore les pulsions érotiques
opposées aux pulsions de mort.
..l’astrologie judiciaire : consiste à porter des
jugements sur la qualité d’un individu, ce qu’il est,
ses tendances, les possibilités qui devraient se
présenter dans sa vie (cfr. la psychologie). Une
certaine psychanalyse y trempe en définissant le
sujet : hystérique, borderline etc.. ; autrement dit, à
partir de ce que vous êtes, vous devez vous attendre
à cela…
Dans Freud, rien ne qualifie le sujet.
..intensif : vers quoi l’individu tend (toujours selon
l’astrologie).
..idéalisme : la Phénoménologie de l'esprit serait un
idéalisme dirigé vers le savoir absolu qui est un pur
idéal.
Rien donc, dans notre biais pour situer Freud … Rien
qui procède de la qualité, voire de l’intensif, ni
d’aucune phénoménologie dont puisse se rassurer
l’idéalisme.
L’inconscient n’est pas ce qui n’est pas conscient10 ;
ce qui n’est pas conscient et qui peut
éventuellement devenir conscient, c’est le
préconscient. Par inconscient, Freud désigne
quelque chose de très précis — qui s’exprime

10l’in-noir, tout ce qui n’est pas noir, ne définit pas


ce qui est noir : voir Positon de l’inconscient

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notamment dans les processus primaires — un


mouvement, pas une qualité.
..le sujet protopathique : avant la dimension de la
parole, le sujet qui reçoit les sensations, qui a faim,
froid, qui se sent mal, le « pathologique » de Kant,
tout ce qui nous vient par nos sens et qui nous
touche.
p. 799
..l’affect est inapte à tenir ce rôle : parce que le sujet en
tant que soumis au langage est au-delà ou en-deçà
du protopathique. L’affect11 n’est pas pure
sensibilité mais est défini en fonction du signifiant :
la joie est du côté du « gay sçavoir », dans la
richesse des associations, dans l’effervescence de la
parole — dans la dépression, la parole tombe à plat.
L’affect n’est pas institué au niveau de la pure
sensibilité mais est du côté du signifiant, de la
parole, de tout ce qui joue dans les processus
primaires.
..pas de titulaire : puisque cet affect est la résultante
d’une richesse langagière qu’elle soit exprimée ou
latente. L’inconscient n’a pas de fondement
organique : ni sensibilité ni affect
L’inconscient, à partir de Freud, est une chaîne de
signifiants qui quelque part (sur une autre scène, écrit-
il) se répète et insiste pour interférer dans les coupures
que lui offre le discours effectif et la cogitation qu’il
informe.

.. pour interférer dans les coupures : l’inconscient, c’est


ce qui interfère dans le discours effectif.

11 voir Télévision Autres Ecrits pages 521 et


suivantes.

17
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Sujet a’ discours effectif

         
        a   A  Autre Scène12,  
              Autre lieu 
       
Le discours effectif a — a’ se produit entre moi (a) et
mon semblable (a’) ; dans ce discours, il y a des
coupures ; I’inconscient, c’est le grand Autre.
A vers S est en trait discontinu parce que cela nous
échappe ; c’est une déduction.
Le discours effectif est en même temps le base de la
cogitation qui est elle-même produite à partir de la
forme de l’inconscient.
L’inconscient est une chaîne linéaire qui revient à la
même place, qui tourne, qui insiste ; c’est une
structure non statique puisque c’est une
interférence, une insistance à travers les coupures
du discours effectif.
signifiant, métaphore, métonymie
Dans cette formule, qui n’est nôtre que pour
être conforme aussi bien au texte freudien
qu’à l’expérience qu’il a ouvert, le terme
crucial est le signifiant
..le terme crucial est le signifiant : c’est au titre qu’il est
un signifiant que l’inconscient peut interférer dans
le discours.

12 cette expression est de Fechner.

18
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Le terme « signifiant » vient des stoïciens : pour la


rhétorique antique, toute proposition provient de
l’assemblage de ces trois éléments :
un son — le mot
la chose — dont on parle
le concept — ce qui est signifié
Ces éléments sont repris dans la « supposition » du
Moyen-Age.
En linguistique moderne, Saussure exclut du domaine
de la linguistique la chose dont on parle, le référent,
et utilise le son et le concept.
signifié
signifiant
La référence à Jakobson est centrée sur la métaphore
et la métonymie.
Le signifiant est arbitraire par rapport au signifié,
c'est à dire qu’il peut accrocher un autre signifié, il
peut signifier autre chose ; le signifiant a un
caractère linéaire et parce qu’il est matériel, il
s’inscrit dans le temps de la parole : il est précédé et
suivi d’un élément.
En psychanalyse, on ne parle de « signifiant » que
s’il signifie autre chose que ce qu’il signifie
habituellement. Puisque le signifiant est arbitraire et
linéaire, il pourra se déplacer ; il y a deux lignes de
déplacement propre au signifiant : la métaphore qui
est une ligne de substitution entre deux signifiants
de même valeur (couteau, canif) et la métonymie
qui est une ligne de contiguïté où se produit un
glissement : le signifiant n’est pas de même valeur
(couteau, plaie — le couteau dans la plaie).
Dans l’analyse du rêve de la spirituelle bouchère, le
saumon est la substitution, la métaphore du caviar :
deux signifiants de même valeur. Mais c’est
insuffisant pour faire le rêve, celui-ci est commandé
par un désir insatisfait : la bouchère s’arrange pour
que son mari ne la satisfasse pas en lui donnant du
caviar ; le saumon tient aussi la place de la non-
satisfaction du désir de la bouchère par son mari : il

19
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y a glissement métonymique. Une substitution ne


peut avoir de sens que s’il y a des glissements vers
de nouvelles significations.
..la Russie : allusion à Troubetskoy qui expose en
phonologie qu’un son n’existe que parce qu’il a des
caractères d’opposition à d’autres sons. Le
structuralisme construit son système à partir
d’oppositions d’éléments.
..la science pilote du structuralisme : la linguistique est
le modèle de la structure en psychanalyse ; le caviar
et le saumon ne prennent sens que par leur
opposition et leur opposition est première avant les
termes mêmes.
..le formalisme : fait référence à une certaine
mathématique qui construit des concepts
indépendamment du recours à l’intuition ou à
l’expérience : ce qui est en jeu, c’est le formalisme
avant l’intuition. Mais c’est surtout une référence au
« formalisme russe » à l’école de linguistique de
Jakobson. C’est de cette manière que nous pouvons
entrer dans l’inconscient selon Lacan, par un
système d’oppositions.
…l’instrument en a manqué à Freud. Mais ce défaut
de l'histoire ne rend que plus instructif le fait que les
mécanismes décrits par Freud comme ceux du
processus primaire, où l’inconscient trouve son
régime, recouvrent exactement les fonctions que
cette école tient pour les plus radicaux des effets de
langage, nommément la métaphore et la métonymie,
autrement dit, les effets de substitution et de
combinaison du signifiant dans les dimensions
respectivement synchronique et diachronique où ils
apparaissent dans le discours.
Les effets du langage, métaphore et métonymie,
recouvrent les processus primaires découverts par
Freud (Vienne 1900) dans les mécanismes du rêve
alors qu’il ne disposait pas de l’outil linguistique.
La métaphore (condensation) est synchronique ; la

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métonymie (déplacement), qui apparaît dans le


glissement progressif, est donc diachronique.
langage = langue + parole
p. 800
..La structure du langage reconnue dans l’inconscient :
n’est pas sous-jacente à la réalité mais réside dans
un système d’oppositions et c’est dans ce système
d’oppositions que nous rentrons. « L’inconscient est
structuré comme un langage » c'est-à-dire comme le
fait d’employer une langue pour parler. Le langage
est une structure active qui suppose non seulement
la langue mais la parole, c'est-à-dire le parcours. La
langue est statique, contenue dans le dictionnaire,
dans la mémoire des gens qui la parlent. Le langage
pour les linguistes est ce qui comprend la
dimension de la langue et de ce qu’on en fait : la
parole. Pour qu’il y ait langage, il faut que je me
mette à parler, que je rentre dans le processus de
parole ; c’est bien le processus de la mise en parole,
du langage proprement dit, qui est reconnu dans
l’inconscient.
Des oppositions se créent dont est fait l’inconscient
telle l’opposition structurelle caviar/saumon ; le
langage est la pratique de l’opposition, pratique de
discours et de parole, pas simplement une langue.
le sujet de l’inconscient
Le sujet pour Aristote est celui qui est en train de
soutenir ce qui se passe : hypokeimenon. Le sujet de
l’inconscient est-il le sujet qui parle ? On
retomberait nécessairement dans le sujet
psychologique qui unifie tout en lui, qui a une
harmonie entre conscience et inconscient.
▪ Le sujet abordé par la linguistique :
..shifter : Je comme signifiant n’est que le shifter :
embrayeur, de to shift, changer de place ; le Je
renvoie non pas à un signifiant ou un signifié mais à
un référent, une chose qui est dans l’énonciation. Le

21
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shifter indique ce qui dans le sujet de l’énoncé désigne


le sujet en tant que concret ; pour embrayer sur la
réalité à laquelle on se réfère, au référent, on
emploie des shifters comme « ici, maintenant, Je »
qui renvoient respectivement au lieu où je me
trouve, à l’instant où je parle, à la personne qui
s’exprime, lieu, instant et personne qui changent
selon les circonstances.
Le Je n’est pas dans la signification, le sujet de
l’énonciation n’est pas dans le signifiant et le
signifié, il est en dehors.
..invocation plurielle : dire « écoutez ! » fait référence
à la situation dans laquelle on est. Le sujet va se dire
en dehors du signifiant et du signifié, sur le côté.
..ne explétif : ce qui désigne le sujet de l’énonciation
se retrouve dans le ne explétif qui soi disant n’aurait
pas d’importance, serait du remplissage.
..avant qu’il ne soit avéré qu’ils n’y comprennent rien
(retirez ce ne, mon énonciation perd sa valeur
d’attaque, Je m’élidant dans l’impersonnel).
Le ne en italique est explétif : qu’il soit avéré :
présenté de façon objective
qu’il ne soit avéré : dit
quelque chose du désir,
de la crainte de Lacan,
de son engagement
dans son énonciation.
..tue : montre l’implication de la pulsion de mort
dans la rencontre a → a’ avec le tu (tue).
Dans ce jeu des pronoms personnels qui sont des
shifters, sont engagés la crainte, le désir, la pulsion de
mort, l’implication des sujets en train de s’interpeller l’un
l’autre. Que veut montrer Lacan avec les shifters, le ne
explétif, le tu ? Il essaie de situer le sujet de
l’inconscient ; on voit qu’il le situe à l’extérieur ou à côté
du signifiant et du signifié, à côté de l’algorithme de
Saussure.

22
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..de biais : toujours la méthode oblique déjà évoquée.


Impossibilité de situer le sujet de l’inconscient à partir de
la clinique qui définirait le sujet.
▪ Le sujet abordé à partir du non-savoir.
Qui parle est posé à partir du « A savoir » (à partir
du savoir…) Qu’est-ce qui parle quand il s'agit de
sujet de l’inconscient ? Le sujet ne sait pas (non-
savoir…) ce qu’il dit ni même qu’il parle. La
caractéristique première de l’apparition de
l’inconscient, c’est que le sujet ne le savait pas. Il
produit un lapsus sans le savoir. La réponse de
« qui parle » ne saurait venir de lui.
..l’inter-dit : qui est, comme le ne explétif, dans un
trou entre deux dits.
..l’intra-dit : qui se dit entre le je et le tu avec le tu
qui tue l’autre et qui est en même temps interdit.
..la transparence : un sujet indique quelque chose qui
est entre le dit, entre-deux-sujets : un sujet qui n’est
pas du tout transparent parce qu’il est dédoublé,
parce qu’il n’est pas dans le dit mais entre le dit, il
s’évanouit et devient « disparaissant » : le sujet
freudien est occulté par un signifiant toujours plus
pur.
p. 801

..collusion : exemple d’un mot d’esprit qui est aussi


un lapsus dans Psychopathologie de la vie
quotidienne13, Hirsch Hyacinthe se vante de ses
bonnes relations avec le baron de Rothschild et
prétend : « il me traitait d’égal à égal de façon
toute “famillionnaire” ». Le sujet transparent se
présente comme égal à égal mais il est tout de suite
occulté par le signifiant pur — pur, parce qu’il est
en train de changer de sens, il est employé pour
autre chose que pour dire familier : il y a un
glissement de familier vers “famillionnaire” — le

13 Mot repris à Heine, Tableaux de voyage

23
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signifiant toujours plus pur qui continue sa route, et


Hirsch Hyacinthe en dit plus que ce qu’il ne
voulait ; ce sujet qui se prétendait l’égal de
Rothschild s’efface, c’est le fading du sujet
transparent égal à égal qui est divisé et fendu par
son désir de millions, son goût de l’argent et son
envie vis à vis du baron de Rothschild.
..l’élision : dans le rêve de « il ne savait pas qu’il était
mort »14 où le savoir est sous la forme négative ;
c’est le rêve d’un homme dont le père est mort
après une longue et pénible maladie, tellement
pénible que le fils était soulagé de cette mort ; il rêve
que son père est mort et que ce père ne le savait pas
(non savoir). Freud interprète en comblant l’élision :
le père est mort et il ne savait pas … que son fils
désirait qu’il meure. Le désir du rêve est que le père
ne sache pas le désir du fils.
..élision allusive : le sujet de l’inconscient est le désir
du rêveur.
..en son gîte : de gésir, gésine : l’accouchement dans
l’élision de — que c’était suivant son désir ; le sujet de
l’inconscient n’apparaît pas dans le Je, dans le
signifiant mais dans le fading, dans l’élision du
signifiant ; la présence du sujet de l'inconscient se
fait dans le ne, dans le fading et est au plus fort dans
l’élision. Elider : passer sous silence, supprimer ;
quand le s’élide en l’, le sujet est dans le e qui est
tombé.
▪ Le sujet abordé à partir de la fonction de coupure
dans le discours
..de coupure dans le discours : ne nous contentons pas
de chercher le sujet de l’inconscient dans l’élision
mais dans la coupure dont la plus forte est la barre
qui permet que le signifiant soit employé pour autre
chose : des métaphores et des métonymies.

14 Formulation sur les deux principes de l’événement


psychique, in Résultat, Idées, Problèmes I, p. 142

24
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..à se nouer dans la signification (mais qui n’est pas la


signification), le sujet est dans le préconscient, règne
du signifiant et du signifié (préconscient : ce qui
pourrait devenir conscient).
..trébuche : l’inconscient surgirait dans le
trébuchement de la parole de l’analysant mais la
séance elle-même est ce qui fait la rupture A → S
dans le discours courant de la vie a — a’,
..se vider comme parole : discours courant dans
lequel on parle pour ne rien dire.
p. 801 Le sujet qui surgit dans cette coupure n’est
pas le moi qui échange des banalités avec l’autre.
Cette coupure de la chaîne signifiante est seule à
vérifier la structure du sujet comme discontinuité
dans le réel. Si la linguistique nous promeut le
signifiant à y voir le déterminant du signifié,
l’analyse révèle la vérité de ce rapport à faire des
trous du sens les déterminants de son discours. C’est
la voie où s’accomplit l’impératif que Freud porte au
sublime de la gnomique présocratique : Wo es war,
soll Ich werden…que nous allons tout de suite faire
comprendre autrement.
..discontinuité dans le réel : S ne rejoint pas a (le moi)
sur le schéma L. Dans le discours moi –semblable a
— a’ de Hirsch Hyacinthe, égal de Rothschild,
surgit “famillionnaire” dans la coupure venant de
A : le sujet qui n’est pas l’égal mais qui est
passionné par les millions.
Cette coupure dans la chaîne signifiante surgit dans le
Réel, dans le lapsus, le mot d’esprit.
La vérité qui échappe au signifiant/signifié est dans
des trous du sens c'est-à-dire là où on ne trouve pas
le signifié, là où quelque chose d’autre se passe.
..gnomique : maxime morale ou sentence liée à
l’aoriste (peut-être allusion au « connais-toi toi-
même », γνωτι σεαυτον ?)
Où ça était, Je dois advenir.

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Là où s’était …avec un s indique la subjectivité


absolue du Ça 15.
Là où était la subjectivité absolue telle que cachée
dans le s, Je dois advenir.
Lacan cherche toujours à situer le sujet de
l’inconscient.
..Là où ce fut…l’aoriste est employé pour une action
qui finit ou qui commence ou pour un énoncé en
général, une sentence. Pour une sentence en rapport
avec la connaissance, on emploie l’aoriste
gnomique. Là où c’était, à l’aoriste, au niveau de
l’inconscient qui parle de façon générale sans qu’il y
ait de sujet de l’inconscient qui prétende dire ça,
comment le sujet de l’inconscient va-t-il habiter un
lapsus ou un rêve qui nous vient comme de
l'extérieur ?
imparfait 16
Là où c’était….avec l’imparfait pour définir le sujet
de l’inconscient au lieu de l’aoriste trop général.
L’imparfait suppose une double perspective :
quelque chose en train qui est dans le moment de
s’accomplir et quelque chose qui a fini de
s’accomplir, une éclosion en même temps qu‘un
aboutissement. Gustave Guillaume dit que, dans
tout imparfait, il y a un moment d’incidence et un
moment de décadence, un moment d’acte
d’accomplissement et un moment d’aboutissement.
D’où l’imparfait peut être employé dans des sens
contradictoires pour autant qu’on accentue soit
l’accomplissement — le côté incident de l’acte —
soit le côté décadent de l’acte : c’est terminé.
Guillaume donne l’exemple « un moment après, la
bombe éclatait » : sans contexte, on ignore si elle a
éclaté ; (1) je l’ai désamorcée à la dernière minute, « un
moment après, la bombe éclatait » mais elle n’a pas

15 Lacan, La chose freudienne Ecrits p. 416 - 417


16 Fierens, Logique de l’inconscient p. 163

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explosé : l’action était dans une incidence maximum et


une décadence pratiquement nulle ; (2) elle a réellement
éclaté, « un moment après, la bombe éclatait », il y a eu
plusieurs blessés ; l’incidence est arrivée à son
accomplissement, c’est fait.
Mais le français dit : Là où c’était….Usons de la faveur
qu’il nous offre d’un imparfait distinct. Là où c’était à
l’instant même, là où c’était pour un peu, entre cette
extinction qui luit encore et cette éclosion qui
achoppe, Je peux venir à l’être de disparaître de mon
dit.
Là où c’était….peut être employé dans deux sens
différents : c’est entre : (1) le ça était sur le point
d’arriver…mais ça n’a pas eu lieu — (l’éclosion du
mot qui achoppe - encore un petit peu et vous disiez
le mot d’esprit) et (2) là où on l’a vu arriver à
l’instant même — (extinction qui luit encore : le mot
d’esprit a fusé) que Je peux advenir à l’être…en
disparaissant de mon dit ; ce n’est pas le Je égal de
Rothschild mais celui qui est dans le battement
entre l’éclosion qui a eu lieu et celle qui a raté de
justesse. Le sujet de l’inconscient n'est pas dans le
résultat de ce qui s’est déjà passé ou qui a failli se
passer mais il est dans la coupure entre les deux,
dans l’instant de coupure.
▪ Le sujet abordé comme chu de l’être
..Enonciation qui se dénonce — avec le ne explétif
..énoncé qui se renonce : le famillionnaire
..ignorance qui se dissipe : l’élision, il (le père) ne
savait pas que son fils désirait sa mort.
..occasion qui se perd : là où c’était … presque le mot ;
le mot n’est pas venu.
Dans ces quatre exemples, il reste quelque chose de
ténu pour choir de l’être ; le sujet n’est pas de l’ordre
de l’être, il choit de l’être, c’est un sujet qui n’est
pas. On n’est pas dans l’être mais on est dans le

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processus indiqué ici comme coupure et comme


chute.
p. 802
..vacillation : ce qui vacille dans l’énoncé, c’est le
désir du rêveur, c’est « selon son vœu » ; mais
pourquoi désirait-il que son père ne sache pas son
désir ?
..vérité qu’elle ignore : le vœu qui est élidé. Le « Je »,
sujet de l’inconscient, dépend du père en tant que
lui-même ne peut subsister que s’il ignore que son
fils veut sa mort. Autrement dit, le père n’a
continué à vivre sa vie de souffrance que parce qu’il
ne savait pas que le fils aurait voulu qu’il meure.
..Il ne savait pas…Un peu plus, il savait ; c’est
l’imparfait, entre ne pas savoir et juste savoir.
..que Je meure ! Le « Je » inconscient accepte de
mourir pour que la figure du père continue de
vivre.
« Je » viens là, là où c’était : comme un sujet
disparaissant, un sujet qui meurt ; personne ne sait
que « Je » était mort.
..la double aporie : - la subsistance véritable du sujet
est au prix de l’abolition du père
qui s’abolit de son savoir : il ne
savait pas qu’il était mort selon
le vœu de son fils.
- d’un discours où c’est la mort du
sujet — qui est en train de
s’élider dans « selon son vœu »
— qui soutient l’existence.
Le sujet est situé dans une double aporie et par là, il
est à la limite, à la coupure entre deux imparfaits, ni
imparfait déjà passé, ni imparfait presque arrivé
mais qui achoppe.
On peut dire qu’il tue son « Je » ; le « Je »
inconscient est dans le mécanisme même de se faire
disparaître.

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▪ Le sujet de l’inconscient est un sujet disparaissant


Ce sujet disparaissant indiscernable sauf dans la
disparition, l’imperfection même ; le sujet de
l’inconscient ne se manifeste que dans la coupure de
cet imparfait en ce sens que c’est le mot qui est
presque en train d’apparaître, qui est déjà apparu
mais qui finalement n’est pas apparu. Un rêve est
apparu et il a déjà disparu, c’est comme si on
n’avait pas rêvé. Il n’existe que de cette manière. Si
un analysant vous raconte un rêve et qu’il vous dit
voilà ce qui s’est passé etc.. et moi, je suis là, c’est
alors l’égal à Rothschild. Ce qui importe, c’est ce qui
apparaît dans cette coupure.
Ce sujet disparaissant de son savoir est
totalement différent du « savoir absolu » compris
par Lacan comme savoir achevé et terminé17.
..vanité du discours : du discours du « savoir
absolu », du discours courant, du discours
définissant le sujet de l’inconscient
..la doctrine de la folie est basée sur ce schéma L :
basée sur la structure de la parole en tant que
l’inconscient à partir de Freud est une chaîne de
signifiants qui interfère dans le discours courant.
Hegel et Freud : deux relations du sujet au
savoir.
p. 802

..c’est au désir, à la Begierde : la dialectique du désir


chez Hegel est lue par le filtre de Kojève ; le désir
est le désir de reconnaissance du sujet (lié à l’antique
connaissance) ; pour être reconnu, le sujet va se
mettre au travail dans une optique marxiste
(toujours Kojève) pour que se réalise le « savoir
absolu ».

17Cette compréhension de Lacan n’est pas fidèle


à la pensée hégélienne.

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..La ruse de la raison : le sujet sait ce qu’il veut, dès


l’origine et jusqu’à la fin de l'histoire. Mais,
contrairement à ce que dit Lacan, nous savons que
le désir n’est pas le premier chapitre de Hegel18.
Lacan après Freud ; la révolution n’est pas dans
l’action du sujet voulant être reconnu mais dans le
joint entre vérité et savoir, bouché par Kojève dans sa
lecture de Hegel.
Ce joint est ouvert ou ré-ouvert pour que le sujet
de l’inconscient y apparaisse : là où il ne savait pas,
c’est là qu’est la vérité.
..le désir s’y noue au désir de l’Autre en tant qu’il est
du côté du non-savoir, de la vérité de l’inconscient.
Désir19…de reconnaissance et reconnaissance du
désir ça fait long feu parce qu’il y a cette
impossibilité, ce joint réouvert entre la vérité et le
savoir, cette lacune dans le discours courant qui fait
que le désir ne parvient pas à se reconnaître comme
désir de reconnaissance et que la reconnaissance ne
parvient pas à se reconnaître comme désir.
Le désir de l’Autre : c’est ce qu’on ne sait pas ;
..en cette boucle gît le désir de savoir : qui ne peut
s’accoucher (tomber en gésine) que dans cette
boucle, ce rapport avec le désir de l’Autre, altérité
qui se joue dans les failles du signifiant.
p. 803
..abjection prêcheuse : pour La psychanalyse
d’aujourd'hui, le moi doit déloger le ça : il faut
assumer ses pulsions.
..l’instinct de mort qu’on y abomine : l’instinct de
mort fait partie intégrante de l’œuvre de Freud et il

18 Le premier chapitre de la Phénoménologie de


l’Esprit est « La conscience (de quelque chose) » ;
c’est seulement dans le deuxième chapitre « La
conscience de soi » que le désir apparaît.
19 Direction de la cure Ecrits p. 623 - 624

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apparaît dans le rêve du père mort, avec


l’apparition du sujet en tant que « que Je meure ».
..cette marge au-delà de la vie : est assurée par le
langage que l’être est en train de parler.
..de son corps est échangeable : les marques de
tendresse, l’érotisme etc..
l’objet partiel : sein, fèces, regard, voix puisque cet
objet de la pulsion est le prototype de la signifiance
du corps : on met en jeu l’être pour que l’on puisse
passer à un processus à parcourir pour aller au-delà
de l’être.
Le corps est mis en jeu, en gage pour remettre en
question l’être. Comment? Grâce au Trieb, c'est-à-
dire quelque chose qui excite et qui pousse —
traduit par instinct avant Lacan.
..la bâtardise : terme construit par soustraction de
impulsion, la pulsion n’est pas in-hérente à l’être
mais c’est une dérive, un parcours à partir de l’être.
Mais autre chose est ce dont il s'agit chez Freud, qui
est bien un savoir mais un savoir qui ne comporte pas
la moindre connaissance, en ce qu’il est inscrit en un
discours, dont, tel l’esclave –messager de l’usage
antique, le sujet qui en porte sous la chevelure le
codicille qui le condamne à mort, ne sait ni le sens ni
le texte, ni en quelle langue il est écrit, ni même qu’on
l’a tatoué sur son cuir rasé pendant qu’il dormait.
..la moindre connaissance : impliquerait une
connaturalité dans le sens de naissance ensemble, une
correspondance entre le biotope et l’animal qui est
différente du savoir.
Le savoir dont il s'agit chez Freud est un savoir
sous la forme « il ne savait pas que », un savoir sans
connaissance parce que inscrit dans un discours
particulier.
..esclave messager : esclave de Pausanias, général
spartiate, qui envoyait des messages aux Perses et
pour qu’on ne connaisse pas son intelligence avec

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l’ennemi, s’arrangeait pour que le messager


emporte, chiffré dans le message lui-même, sa
propre condamnation à mort et son exécution par le
destinataire perse.
..codicille : rajout à un testament ; la figure du
père mort qui condamne dans son testament le sujet
de l’inconscient à mort sans qu’il le sache ; cette
pulsion de mort est inhérente à l’inconscient qui
surgit dans le battement, dans la lacune qui existe
dans le langage courant.
L’instinct de mort n’est pas de la physiologie
mais est une affaire de langage, introduite par la
coupure.
..physiologie : on ne sait rien de plus sur le
fonctionnement de la sexualité à partir de la
psychanalyse.
ce bilan : le sujet de l'inconscient et la pulsion de
mort sont affaire de langage en tant qu’il y a de la
coupure où apparaît cette pulsion de mort, ce désir
de s’effacer.
La pulsion de vie est toujours vue comme une
harmonie, or le phénomène de l’inconscient n’est
pas de l’harmonie mais quelque chose qui fait
irruption. Hirsch Hyacinthe prétend être en
harmonie avec Rothschild, il n’y a là aucun
phénomène inconscient ; le phénomène inconscient
apparaît au moment où il y a une rupture dans
l’harmonie. La coupure est un surgissement, une
transformation, un étonnement ; ce n’est donc pas
de la continuité, de l’harmonie.
Intervenant : Quel est le rapport du surmoi et de la
pulsion de mort ?
Le surmoi et le sujet sont en rapport avec la
pulsion de mort : le surmoi arrive à l’avant scène
tandis le sujet disparaît.

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SUBVERSION DU SUJET ET DIALECTIQUE DU DESIR


D A N S L ’I N C O N S C I E N T F R E U D I E N
 
SEMINAIRE 3 
La lecture kojévienne et lacanienne de Hegel
mène à penser que le savoir résorbera la vérité au
bout du compte. Selon la lecture lacanienne, Hegel
partait de la conscience de soi — d’une recherche de
reconnaissance d’emblée — qui veillerait à maîtriser
tout c'est-à-dire qui veillerait à arriver au « savoir
absolu » tel qu’il est (mal) compris par Kojève et
Lacan. Maîtrisant tout le savoir, il n’y aurait plus de
vérité ; ou plutôt celle-ci serait résorbée par le
savoir. Nous avons vu en lisant la "Phénoménologie
de l'esprit" que Hegel ne part pas de la conscience
de soi, ni de la maîtrise et de la servitude, mais de la
conscience de l’objet. La mécompréhension de
Hegel par Lacan est contrebalancée dans le texte de
Lacan par la science pour autant que la science ré-
ouvre continuellement la vérité et donc la position
d’ignorance qui doit être tout à fait présente dans la
psychanalyse. Il est évident que l’analysant est
supposé ignorer quelque chose, il ne ferait pas
d’analyse s’il avait le savoir. Par contre, il est
intéressant d’insister sur le fait que l’analyste doit
faire jouer son ignorance. Au plus il aura un savoir
poussé, au plus l’ignorance qu’il fera jouer aura de
sens. Il y a savoir et vérité (tel est d’ailleurs le sens
de « savoir absolu » chez Hegel) et la faille entre les
deux.
Tout ceci pour introduire Freud. Je reprends le rêve « il
ne savait pas qu’il était mort ». C’est le rêve d’un homme
dont le père est mort après une longue et pénible
maladie, tellement pénible que le fils était soulagé de
cette mort ; il rêve que son père est mort et que ce père
ne le savait pas (non savoir). L’interprétation de Freud
en comble l’élision : le père est mort et il ne savait pas …

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que son fils désirait qu’il meure. Le désir du rêve est que
le père ne sache pas le désir du fils.
Lacan commente ce rêve pour situer la place du sujet de
l’inconscient ; il situe cette place précisément entre le
savoir et la vérité ; il ne faut supprimer ni le savoir ni la
vérité : on ne pourrait plus situer le sujet de l'inconscient.
Dans ce rêve, on a le thème du savoir (il ne savait
pas), la pulsion de mort (qu’il était mort) et
le désir qui est là sous-entendu (selon son vœu).
Lacan insiste sur l’imparfait de « il ne savait pas », dans
le double sens déjà exposé : le sujet est entre « un peu
plus il savait, il a failli savoir » et « il a su ». Le sujet est
entre les deux20.
« Je l’ai sur le bout de la langue », on va le trouver…..ou
pas : le sujet de l’inconscient va apparaître ou pas. Ceci
indique que le sujet est dans une structure en
mouvement. Ce qui est en mouvement, c’est un savoir
qui change de sens. En ajoutant « selon son vœu » à la
place des petits points dans « Il ne savait pas qu’il était
mort …», le sens a un petit peu bougé et dans ce
« bougé du sens », dans ce savoir qui bouge, se situe le
sujet de l’inconscient.
Le signifiant le plus important pour l’inconscient est ici
« selon son vœu » c'est-à-dire selon le désir du fils…
c’est un signifiant parce qu’il vient à la place de quelques
petits points ; ceux-ci prennent un nouveau sens grâce à
cette explication.
Intervenante : Ce n’est pas le rêveur qui a dit : « selon
son vœu »
C’est une interprétation de Freud qui convient au rêveur,
le rêveur aurait pu le dire lui-même.
Les points de suspension — un silence dans l’exemple
donné — ont une valeur signifiante : remplacés par une

20 Fierens, Logique de l’inconscient, chapitre 6

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explication, ils confèrent un sens nouveau à l’entièreté


du rêve.
En même temps, tout signifiant inconscient suppose ce
battement juste à la limite entre «encore un peu plus, je
le savais » et « je le sais mais c’est à la limite entre je le
sais et je ne le sais pas ».

L’inconscient fait hernie dans le discours courant

On peut l’exemplifier par le schéma L : il y a un trou dans


la conversation ordinaire (a-a’), trou perceptible dans
l’élision de cette phrase : « il ne savait pas qu’il était
mort… », quelque chose manque. Dans ce trou va
apparaître un élément de la chaîne signifiante de
l’inconscient qui viendrait faire hernie là. Le résultat en
est le sujet (avec un trait en pointillé) un peu plus, il sera
là, il est déjà un petit peu là.
Le sujet de l’inconscient, s’il est toujours dépendant de
« un peu plus et la bombe éclatait » est toujours
condamné à mort, toujours appelé à disparaître dès qu’il
apparaît.
Intervenante : Comment sait-on qu’un élément
signifiant fait irruption dans l’histoire qu’on raconte?
On ne peut pas dire en écoutant quelqu'un ceci est
intéressant et pas cela ; il faut essayer de prendre la
parole comme irruption dans un discours courant c'est-à-

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dire comme étonnement, la parole en ce qu’elle est


étonnante dans ce qu’elle énonce à tel ou tel moment. Il
n’est pas possible de classifier et de dire : ici, on est
dans le grand Autre, là dans l’imaginaire etc.. C’est une
structure où tout est imbriqué : on ne peut pas dire c’est
uniquement symbolique ou purement imaginaire.
Reprenons le texte p. 804
Lacan vient de parler du signifiant, de cet axe
symbolique qui fait que l’inconscient fait hernie dans les
trous du langage imaginaire et réel, dans le discours
courant.
La psychanalyse n’apporte quelque chose que dans
l’ordre du signifiant ; il ne faut pas en attendre grand
chose dans l’étude de la physiologie des organes
sexuels.
Car la psychanalyse implique bien entendu le réel du
corps
..le réel du corps : tous ceux qui font une psychanalyse
savent combien le corps y est impliqué. ..portée : dans
l’histoire du sujet
..intégrations parcellaires : agencement progressif du
schéma mental
..héraldique : l’histoire des armoiries est une écriture en
ce sens qu’il y a des éléments imaginaires et
pictographiques, mais qui ont une signification
symbolique ; notamment les armoiries sont en forme de
bouclier, et avaient pour but, aux temps des chevaliers
en armure, de reconnaître l’ennemi : ne pas combattre
quelqu'un du même blason que soi : il s'agissait
précisément de situer le sujet par cet ensemble
d’éléments qui sont réels et imaginaires mais qui sont
surtout symboliques.

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..la théorie produite de l’objet partiel : le phallique n’est


pas le petit sexe du garçon qui pourrait être coupé et
recollé ; ce n’est justement pas ça. Le phallus est le
signifiant du désir dans les deux sexes. Dans le chapitre
« Il faut prendre le désir à la lettre »21 dans le cas de la
spirituelle bouchère comme dans celui de l’obsessionnel
(et de sa maîtresse), c’est le phallus qui est central dans
l’interprétation, central comme signifiant c'est-à-dire
dans ce qui désigne quelque chose de la structure du
signifiant. Si le phallus est cela — à distancier du sexe
masculin auquel on l’égale trop souvent — toute
signification va renvoyer à la question du phallus alors
que le phallus est à l’opposé de devoir être interprété.
Cela n’a pas de sens de dire ceci est le phallus puisque
le phallus est le signifiant qui désigne l’effet du signifiant
ou le jeu du signifiant — tel qu’on est en train de le lire
dans tout ce texte. Dans ce cas, pourquoi parler du
phallus ? Parce qu'il est toujours dans « un peu plus
j’apparais, un peu plus je disparais», dans ce processus
de l’imparfait.
Intervenante : La castration est là ?
On reviendra sur la castration. Il ne s'agit pas de la
castration imaginaire. Mais on peut comprendre la
castration symbolique dans cet intervalle du « j’apparais,
je disparais » puisque c’est dans ce battement qu’arrive
le signifiant, la chose nouvelle.
..appui dans Hegel : la fente entre savoir et vérité, ce
battement indiqué dans l’imparfait qui fait qu’il y a
chaque fois une Aufhebung, un rebondissement du
signifiant.
..exhaustion : avancée vers l’exhaustif ; le savoir avance
de plus en plus loin, et selon la mauvaise lecture de

21 Direction de la cure Ecrits p. 620

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Kojève, le savoir arriverait à résorber entièrement la


vérité.
..purement dialectique de l’être : une fois qu’on est dans
le « savoir absolu » (compris à la Kojève), on est dans
l’être, dans l’être absolu. Lacan récuse ce système
d’exhaustion qui empêcherait l’effet du signifiant.
Car, loin de céder à une réduction logicisante, là où il
s’agit du désir, nous trouvons dans son irréductibilité
à la demande le ressort même de ce qui empêche
de le ramener au besoin.

Toutes les
demandes

Le désir est articulé comme manque :


le désir apparaît dans la faille de la demande ;
autour du manque, on retombe dans les demandes.
p. 804 ..réduction logicisante : Lacan ne veut pas rentrer
dans une espèce de logique qui réduirait la part insue de
la vérité ; il ne s'agit pas de rendre conscient
l’inconscient.
..du désir : le désir apparaît dans le battement de ce qui
n’est pas dit (voir dans l’exemple donné plus haut : …
« selon son vœu » est le désir qui n’est pas dit). Le désir
n’est pas dans la demande de l'amie de la bouchère, il
est dans la demande qui rate, le fait que l’invitation ne se
fait pas ; le saumon est le signifiant — du phallus si on

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veut, mais d’une question insoluble qui n’est pas une


demande : comment mon mari peut-il aimer une femme
aussi maigre alors qu’il ne peut aimer que les femmes
bien en chair ?
Pour le dire elliptiquement : que le désir soit articulé,
c’est justement par là qu’il n’est pas articulable..
..elliptiquement : ellipse, avec le manque qui est au cœur
du désir.
..articulé : dans la faille entre le savoir et la vérité, le
désir est déjà articulé comme le manque, ou comme
l’omission de « selon son vœu » dans le rêve du père
mort ; le désir est déjà structuré dans le rêve.
..pas articulable : le désir, on ne pourra jamais l’analyser,
l’expliciter ; on ne pourra jamais dire voilà ce qu’est mon
désir, le désir est précisément ce qui échappe.
Intervenante : Ne peut-on pas l’articuler autour du
manque ?
Le désir est articulé comme manque donc on ne peut
pas l’articuler autour du manque : on retombe alors dans
la demande. Le désir n’est pas l’envie de faire un
voyage, d’avoir un enfant, de réussir des examens… ce
sont des demandes, ce n’est pas de ce dont il est
question dans le désir. Toujours au singulier, le désir est
dans le battement ; toujours fuyant, il est le mouvement
par lequel il échappe chaque fois; il n’est pas
définissable parce qu’il est déjà défini ; il reste
mystérieux : vous n’arrivez jamais à le cerner.
(Il est articulé) dans le discours qui lui convient,
éthique et non psychologique.
..éthique : il ne s'agit ni de l’éthique de Platon, ni de celle
d’Aristote ou des scolastiques du moyen-âge ; il s'agit du
discours éthique de la pratique de l’analyse qui suppose
que soient mis en évidence les ratés de la parole
courante, les ruptures de sens, la dysharmonie.

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..non psychologique : la psychologie est critiquée


comme unificatrice et cherchant l’harmonie de l’individu.
le graphe
..plus loin : pour dépasser l’explication psychologique
habituelle
..l’emploi que nous allons en faire : c'est-à-dire subvertir
le sujet et dialectiser le désir (le titre de l’article)
..mis au point à ciel ouvert : au cours des
Séminaires V et VI
..étagement : il y a au moins deux étages
principaux dans le graphe complet (p 817)
p. 805

..les données de notre expérience : il ne s'agit pas


d’une structure théorique ; la topologie indique une
structure pratique.
Il (le graphe) nous servira ici à présenter où se
situe le désir par rapport à un sujet défini de son
articulation au signifiant.

Le graphe comporte
d’abord deux vecteurs :

SS’ est le vecteur du signifiant,


de la chaîne signifiante (comme
son nom l’indique)

Le second part de ∆ et arrive


à $, le sujet.
∆ est l’intention de celui qui
parle.

..cellule : petite chambre ou petit organisme


vivant qui va se compléter d’un autre qui est

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semblable — le deuxième étage sera semblable au


premier.
..le point de capiton par quoi le signifiant arrête
le glissement autrement indéfini de la
signification.
Eaux du signifié
Saussure avait illustré les eaux du signifié et les eaux du
signifiant qui flottent dans un sens ou dans l’autre.
Eaux du signifiant
Des points de capiton ou de matelas attachent les
surfaces l’une par rapport à l’autre tout en permettant
un certain flottement.

Le sens du point de capiton répond à la question


du rapport entre le signifiant et le signifié.
p. 805 ..que : j’espère que
..en dernier : le sujet arrive en dernier
..poisson qu’il croche : on est à la pêche au sujet
..se dérobe à la saisie : le sujet qui n’est juste pas là
..l’intention : du côté du ∆
..pré-texte : déjà un texte qui réduit le désir au
(retour éthologique du) besoin ; l’intention de
Hirsch Hyacinthe est de dire qu’il traite d’égal à
égal avec le baron de Rothschild ; l’intention
pourrait être exprimée comme celle d’être d’égal à
égal avec le baron.
Ce point de capiton, trouvez-en la fonction
diachronique dans la phrase…
Il faut attendre la fin de la phrase pour en
connaître le sens : dans les langues germaniques,
avec le report du verbe en fin de phrase ; en
français, Hirsch Hyacinthe aurait pu dire : il me
traitait … d’imbécile ou il me traitait d’égal à …
inégal. Chaque terme ne trouve vraiment sa
signification que par l‘effet rétroactif de la phrase
terminée. C’est l’effet du point de capiton dans sa

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fonction diachronique : il faut attendre la fin de la


phrase pour avoir son sens.
Le message est formé par l’intention de Hirsch
Hyacinthe qui emploie des mots du code et le
message est formé par cet assemblage de mots qui
une fois terminé explique chacun des mots.
Mais la structure synchronique est plus cachée, et
c’est elle qui nous porte à l’origine.
L’origine est ∆. Mais ∆ et $ sont situés l’un près de
l’autre. Ce n’est plus une fonction diachronique
d’analyse grammaticale de la phrase en français avec un
bon dictionnaire mais quelque chose qui part de
l’intention et du sujet et qui va transformer la langue.
Si dans la fonction diachronique il s'agit de termes qui
peuvent s’analyser grammaticalement, dans la structure
synchronique il ne s'agit plus de termes mais de
signifiants parce que le point de capiton n’est plus fait
selon le code figé de la langue mais il est fait par la
métaphore qui part de l’origine et qui constitue
l’attribution première, celle qui promulgue « le chien faire
miaou ». Dans la structure synchronique, la métaphore
est en jeu, ce qui diffère totalement de la fonction
diachronique.
..élève le signe à la fonction de signifiant et la réalité
à la sophistique de la signification..
Le signe devient un signifiant parce qu’il est employé
pour autre chose que ce qu’il signifierait naturellement.
Intervenante : Pourquoi la métaphore est-elle
synchronique ?
Parce que cela se fait en un coup tandis que dans la
diachronie, on est obligé d’attendre la fin de la phrase.
Le père de l’enfant pourrait s’inquiéter : l’enfant a-t-il
compris que c’est le chat qui fait miaou ? Il faut rentrer
dans l’exercice du savoir en sachant qu’on ne saisit ni
toute la réalité ni toute la vérité. Votre enfant est capable

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d’inventer des choses qui pourraient vous troubler. Vous


êtes engagé avec lui non pas dans la réalité mais dans
une sophistique c'est-à-dire dans un exercice de savoir
concernant la signification.
..et par le mépris de la vraisemblance, il ouvre la
diversité des objectivations..
Le chat peut être objectivé comme celui qui fait miaou
mais il peut être objectivé autrement, comme celui qui
fait oua-oua par exemple ; il faut voir quelle est la vérité
qui se donne dans ce jeu de l’enfant qui crée cette
métaphore sur cette même chose, ce chat.
p. 806

..possibilité : la possibilité de la métaphore, la possibilité


de l’invention du langage : vous prenez n'importe quel
mot et vous en faites ce que vous voulez.
..jeu à quatre coins : le langage courant où tout le monde
s’entend : « le chien fait oua-oua » et « le chat fait
miaou » (axe a-a’ du schéma L) avec l’interruption de cet
axe par cette invention synchronique, en un coup, de la
métaphore (axe $-A du schéma L ). On pourrait
retrouver un jeu à quatre coins dans les quatre lettres du
graphe 1.

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trésor du signifiant A

s(A) = le message, A est le trésor du


signifié de A. signifiant,
davantage que le
Le message se code
situe dans le
temps ; C’est un lieu, une
C’est un moment place
une scansion
une ponctuation

∆ et $ sont l’origine

Dans la phrase « le baron de Rothschild me traite d’égal


à égal », chacun des termes provient du code de la
langue française, code qu’on peut analyser. Mais A est
davantage que le code : le trésor du signifiant est ce qui
a été présenté dans la structure synchronique, dans la
métaphore : « le chien faire miaou » fait partie du trésor
du signifiant pour l’enfant qui l’a inventé : le cri miaou,
c’est son trésor pour autant qu’il soit rapporté au chien ;
s’il est rapporté au chat, c’est du code. Le trésor du
signifiant, c’est forcément la création, l’apparition d’un
nouveau sens étonnant ; il n’y a plus de correspondance
univoque, il y a au moins une ambiguïté, une équivocité.
.. d’un rassemblement synchronique et dénombrable
où aucun ne se soutient que du principe de son
opposition ..

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Si on crée une langue en disant « le chien faire miaou » ,


il faut une langue qui s’organise, si « le chien faire miaou
» alors « le chat faire oua-oua » : il faut un système
d’opposition où chaque signifiant ne prend son sens
qu’en opposition avec chacun des autres : ici, c’est
simple, il y a le chien, le chat, miaou et oua-oua.
Le grand Autre est le lieu du trésor du signifiant en tant
que c’est le trésor que chacun a créé avec ce qu’il a fait
de la langue.
signifié de A
..s(A) est ce qu’on peut appeler la ponctuation où la
signification se constitue comme produit fini.
A partir de ce trésor du signifiant, un message est
produit fini : le signifié de A.
« Le baron de Rothschild me traite d’égal à égal de
façon toute “familionnaire” » est créé par Heine et fait
partie de son trésor du signifiant. De ce message, on tire
un signifié c'est-à-dire qu’une fois “familionnaire”
prononcé, la signification tombe : tout le monde a
compris, tout le monde a ri, cela a eu son sens : c’est
cela s(A).
Observons la dissymétrie de l’un qui est un lieu
(place plutôt qu’espace) à l’autre qui est un moment
(scansion plutôt que durée).
.. place plutôt qu’espace : un endroit peuplé par quelque
chose ou par rien.
.. scansion plutôt que durée : la scansion est le moment
où la signification tombe, ce n’est pas une durée.
Cette signification ne tombe que si un trajet est effectué
par A, c'est-à-dire qu’il y a un élément de code qui est
employé en un nouveau sens qui est signifiant ;
l’intention emploie quelque chose du grand Autre pour

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aboutir à représenter le sujet en passant par le message


s(A).
p. 806 Les deux vecteurs sont de sens inverse : l’intention
croise quelque chose qui se passe déjà autrement.
Le propos n’est pas de dire « j’ai une pensée : je vais
l’exprimer dans une intention et puis je vais la formuler
en signifiants ; mon intention va progresser de même
que mes signifiants » ; les vecteurs iraient alors dans le
même sens formant un décalque de la réalité.
Or c’est précisément le contraire qu’on rencontre en
pratique : les vecteurs sont de sens différents. Il y a un
effet d’anticipation propre à la langue ; on a l’intention de
dire quelque chose et on dit autre chose, cela fait
collision, les mots s’enchaînent nécessairement, la
chaîne signifiante continue d’elle-même.

On pourrait expliquer la fonction synchronique comme


ceci : « égal à égal » rentre en collision avec « les
millions du baron » pour Hyacinthe : ces croisements de
signifiés — cette condensation entre une idée qui va
dans un sens et une autre qui s’y heurte — n’existent
que grâce au circuit entre scansion du s(A) et lieu du A.

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D’un côté il y a un lieu et de l’autre un moment ; vous


vous souvenez du « moment de conclure » dans le
Temps logique : les prisonniers, soudain, au même
moment et dans la hâte, décident de la signification (ils
ont chacun un disque blanc). Ce qui arrive à ce moment-
là est un mécanisme propre au signifiant.
..le trou dans le réel : c’est l’omission, l’élision dans le
rêve du père mort, le blanc dans le discours.
..creux de recel : miaou a été volé au chat pour l’attribuer
au chien ; le grand Autre est celui qui retient ce signifiant
en tant qu’il est volé à sa signification habituelle22.
..forage pour l’issue : celui qui dans les trous (les
forages) de la signification, du discours courant va
indiquer par un trou, une signification nouvelle ; « le
baron de Rothschild me traite de façon toute
“familionnaire” » : une issue nouvelle s’est présentée
dans ce trou, cette faute.
..un cercle : le va et vient continu de A à s(A) ; les mots
du le trésor du signifiant sont nécessairement employés
pour forer une signification et la signification va retourner
au lieu du trésor du signifiant, le grand Autre :
“familionnaire” (en A) qui retourne à “égal à égal ” à s(A).

22 Fierens, Logique de l’inconscient, chapitre 1

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..assertion : même terme que l’assertion anticipée du


sujet dans le Temps logique, assertion qui est propre à
la métaphore : « le chat faire oua-oua ».
..sa propre scansion : en déconnectant la chose de son
cri — le signifiant est employé pour autre chose que la
chose qui lui serait adéquate — l’assertion n’a plus que
son circuit de création, celui de l’enfant inventif.
..l’assertion.. ne renvoie qu’à sa propre anticipation
..l’anticipation : ce que l’enfant, ou le « sujet » a décidé
de faire avec le mot du langage ; c’est par anticipation
que le sujet peut affirmer que « le chat faire oua-oua ».
On a un cercle : on emploie le trésor du signifiant pour
inventer de nouvelles significations et les nouvelles
significations relancent le trésor du signifiant et ainsi de
suite, on a un cercle qui permet de situer le sujet : le
sujet est précisément dans ce battement hors du
discours courant, le sujet est tout entier dans ce jeu du
signifiant qui tourne en rond.

passer du schéma L au graphe du désir


La quadrature de ce cercle, pour être possible…

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p. 806 ..quadrature du cercle : lorsqu’on a quatre coins et


un cercle, peut-on réduire le cercle à ces quatre coins ?
C’est le problème de la quadrature du cercle. Il est
impossible de transformer mathématiquement un cercle
en carré à cause de la valeur de π qui est un nombre
transcendant (impossible à déterminer par une fraction,
par un rapport : « il n’y a pas de rapport sexuel »).
Comment réduire ce jeu du signifiant (en cercle) au
schéma L qui n’a que quatre coins ? Autrement dit, peut-
on se contenter du schéma L ?
..la complétude de la batterie signifiante installée en A :
le grand Autre, lieu du trésor du signifiant est-il complet ?
A-t-on le matériel, les axiomes suffisants qui permettent
de déduire le sujet ? Si on savait tout ce qu’il y a dans
l’inconscient et si ce dernier était bien clos c'est-à-dire si
on pouvait cerner tout le signifiant, alors on aurait le
sujet. C’est la position de « Hegel » lu par Lacan c'est-à-
dire le savoir pourrait être absolu au sens de complet.
..cet autre : en tant qu'il serait complet
..de la moderne stratégie des jeux : si on joue aux
échecs, le grand Autre serait celui qui connaîtrait toutes
les règles et les finesses du jeu et qui les aurait
élaborées, l’ordinateur parfait.
..pour y régler le sien : le sujet réel va se régler sur le
joueur parfait
..aberration subjective : dans un jeu pur, que l’autre ait
mal à la tête n’a rien à voir avec le jeu proprement dit ;
ce sujet psychologique serait non seulement le joueur
d’échec parfait et qui serait en même temps le sujet qui
aurait d’autres facultés et qui serait unis dans le même
hâte.
..exhaustion : possibilité d’un « savoir absolu » au sens
de la mécompréhension de Hegel par Lacan.
Cette quadrature est impossible mais seulement du
fait que le sujet ne s’y constitue qu’à s’y soustraire

49
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..se soustraire : de la complétude du grand A : le sujet


ne se constitue que parce qu’il fait des trous dans le
grand Autre, parce qu'il y a des oublis, des failles entre
le sujet et la vérité.
et à la décompléter essentiellement pour à la fois
devoir s’y compter et n’y faire fonction que de
manque.
p. 807

.. de la décompléter : le sujet va se compter dans le


grand Autre — l’enfant qui dit j’ai trois frères : Paul,
Ernest et moi très vite va dire : j’ai deux frères, Paul et
Ernest — il ne se compte plus, le sujet est dans le
manque. C’est la position du sujet « encore un peu il y
était », à la fois s’y compter et ne pas s’y compter.
..position maîtresse : ce lieu du signifiant est là avant le
sujet puisque le sujet n’existe que s’il y a ce grand Autre
qui permet qu’il y ait une faille, une décomplétude.
..en Maître absolu : pour Hegel, c’est la mort ; le
signifiant est la mort de la chose puisqu’il est employé
pour une autre chose, donc on a perdu la chose. C’est là
l’essentiel de la pulsion de mort.
..théorie de l’information : par laquelle on est censé
communiquer la réalité.
..le code de l’Autre : pas mon code personnel, on
rentrerait alors dans le trésor du signifiant ; le code de
l’Autre est quelque chose qui nous dépasse.
..le message : ce n’est pas de l’information sur la réalité.
Pour reprendre le schéma, le message ne vient pas de
la réalité mais il vient du code ; il sera ensuite à analyser
en termes de code.
..c’est de lui que le sujet se constitue : (en bas à gauche
du schéma) à partir du message, par l’intermédiaire de
l’Autre puisque le message vient toujours de l’Autre.
.. le sujet reçoit même le message qu’il émet : son
propre message passe par le code, lui revient par le

50
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grand Autre ; le message d’Hirsch Hyacinthe, égal à


égal, lui revient “familionnaire”, avec cette transformation
par les millions. Le message est toujours le signifié du
grand Autre, s(A).
Messages de code et codes de message se
distingueront en formes pures dans le sujet de la
psychose, celui qui se suffit de cet Autre préalable.
C’est la théorie de Lacan de l’hallucination dans la
psychose : Lacan a déduit des hallucinations du
président Schreber23 que toutes les hallucinations
avaient une structure verbale et se présentaient sous
deux formes différentes, les définitions et les shifters.

..messages de code : le nerf est une âme


ce sont les définitions : le président Schreber avait
inventé une langue fondamentale, un trésor du
signifiant qui lui était propre, une langue
délirante dans laquelle le terme « nerf » par exemple
avait un sens particulier, était un signifiant du code de

voir D’une question préliminaire à tout traitement


23
possible de la psychose

51
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sa langue ; un message dit « le nerf est une âme »,


ce qui est une définition du code.
..codes de message : ce qui est codé comme renvoyant
au message
ce sont les shifters ou embrayeurs : c'est à dire des
mots qui dans le code renvoient nécessairement au
message ; des voix disent « maintenant, je vais
me… » : c’est moi (je) qui suis en train de faire ce
message en ce moment-ci (le maintenant du
message).

Ceci est assez réducteur comme interprétation de la


psychose et sert à soutenir la théorie de Lacan à ce
moment : toute la structure psychique dépend de la
structure signifiante — il aurait pu développer cette petite
phrase comme je l’expose ici, mais il ne l’a jamais fait.
La psychose se suffirait de ce cercle, comme s’il n’y
avait rien dans le grand Autre que deux flèches qui
tournent en rond.
Ce qu’il n’y a pas, ce sont une flèche partant de A vers le
haut, vers le désir et la pulsion et une flèche partant de
s(A) vers le $.

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Le schéma R de la réalité et le schéma I de la


psychose de Schreber 24

Schéma R
En 1958, la psychose en tant que centrée sur la
réalité se base sur le stade du miroir et exclut le
symbolique.
Pour construire le schéma R, support œdipien
(imaginaire) du schéma L, Lacan réintroduit le
symbolique et accorde une importance particulière au
Nom-du-père comme support de l’Autre.
Le champ miMI de la réalité supporte le filtre
imaginaire a a’ du schéma L.
Miphi: imaginaire
MIP : symbolique
MI mi : champ de la réalité dont les bornes sont
mi : le moi et l’image spéculaire et MI : Mère ou
signifiant de l’objet primordial et I, l’idéal du moi,
signifiant de l’enfant en tant que désiré.
On peut imaginariser le stade du miroir par le désir
de la mère qui redouble le désir de l’infans : la Mère
(M) dans son désir de l’enfant idéal (I) valide la
tension du moi (m) vers son idéal, son image
spéculaire (i).

24 Fierens, Logique de l’inconscient, 1999

53
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Schéma I
Dans le schéma I, le grand Autre s’échappe en même
temps que le $.
Lacan schématisait la psychose de Schreber par un
double gouffre : le champ de l’Autre n’a pas le
support du Nom-du-père en conséquence de quoi le
champ du sujet perd le support phallique.
« L’analyse de la psychose correspond strictement à
l’analyse du stade du miroir : la relation spéculaire (mi) doit
d’emblée être interprétée par le couple signifiant (MI), - de
la même façon, la perte de la réalité dans la psychose doit
d’emblée être interprétée par le processus symbolique de la
création. »25
Le schéma L, articulation du signifiant, est toujours
présent et la place du grand Autre préservée, même si

Fierens, Logique de l’inconscient, 1999, chapitre 4


25
Forclusion psychotique et topologie p 115

54
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le Nom-du-père comme support nominal a vidé les


lieux.
L’articulation signifiante permet la suppléance du
trou de phi0 par l’image spéculaire et le moi (par
exemple, pour Schreber, être la femme de Dieu) et la
suppléance du trou de P0 par l, l’idéal du moi et par
M (par exemple, l’ordre de l’univers).
L’absence de l’Autre de l’Autre est identiquement
la division du sujet.
En 1972, dans L’étourdit, la carence du Nom-du-
père va s’écrire dans une nouvelle logique par les
troisième et quatrième formules de la sexuation, les
formules qui nient la position d’exception (celle du
père) et l’universalité de la fonction phallique (« elles »
sont pas toutes) 26.
p. 807 Il faut distinguer la vérité et la tromperie de la
Parole — qui sont dans la dimension du grand Autre —
de la lutte combative ou de la parade sexuelle qui sont
dans l’ordre du discours courant a - a’ (imaginaire)
..cet Autre distingué comme lieu de la Parole, ne
s’impose pas moins comme témoin de la Vérité
C’est une caricature de la distinction
imaginaire/symbolique alors que les deux sont
nécessairement intriqués.
.. la dansité : de la danse imaginaire
.. feindre de feindre : introduit un creux dans la feinte, un
vide
.. pas plus qu’il n’efface ses traces : il serait sujet du
signifiant puisque d’une simple trace il ferait autre chose,
ce qui est la définition du signifiant.

Fierens, Lecture de l’étourdit, chapitre 4 Les


26
formules de la sexuation et la fonction phallique

55
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..la Parole ne commence qu’avec le passage de la


feinte à l’ordre du signifiant, et que le signifiant exige
un autre lieu, — le lieu de l’Autre, l’Autre témoin, le
témoin Autre qu’aucun des deux partenaires, — pour
que la Parole qu’il supporte puisse mentir, c'est-à-
dire se poser en Vérité.
.. autre : l’altérité qui fait que le signifiant est employé
pour autre chose, qu’il est déplacé.
.. témoin Autre : les partenaires sont d’accord sur
quelque chose d’établi et il y a un autre lieu que ces
partenaires, un lieu tiers.
.. mentir : c’est toujours prétendre qu’en mentant, on dit
vrai ; c’est une affirmation qui suppose la dimension de
l’Autre : quand on ment, on prend toujours à témoin la
vérité supposée de l’Autre. Supposant cette dimension
de l’Autre, mentir n’est pas une feinte tandis que la feinte
est un jeu imaginaire avec le petit autre, le semblable,
c’est la danse où l’un et l’autre correspondent — (on
pourrait discuter de ces différences puisque l’imaginaire
est toujours imprégné de symbolique).
p. 808
Ainsi c’est d’ailleurs que de la Réalité qu’elle
concerne que la Vérité tire sa garantie : c’est de la
Parole. Comme c’est de la Parole que la Vérité reçoit
cette marque qui l’institue dans une structure de
fiction.
La vérité concerne bien la réalité mais elle tire sa
garantie de la parole : si vous reprenez « le chien faire
miaou » , cela semble être faux mais à partir du moment
où vous rentrez dans la dimension de l’Autre dans
laquelle cet enfant vous a introduit, alors, « le chien faire
miaou » est tout à fait vrai (c’est une structure de fiction)
; si vous essayez de corriger l’enfant vous cassez sa
création ; la vérité tire sa garantie de la parole de l’enfant
même si elle concerne la réalité. Bien sûr, on va pouvoir

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vérifier si le chien fait toujours miaou, on peut répondre


dans ses termes et jouer avec lui.
Le dit premier décrète, légifère, aphorise, est oracle,
il confère à l’autre réel son obscure autorité.
Tous ces verbes se réfèrent à l’autorité.
.. oracle : parole de Dieu
Ce qui est pris dans le réel gagne de l’autorité : le chien
acquiert une autorité du fait que vous l’avez fait parler et
lui avez fait dire miaou.
Prenez seulement un signifiant pour insigne de cette
toute puissance..
.. un signifiant : ici (miaou)
.. insigne : n’est pas tout à fait un signe, c’est le contraire
du signe, c’est le signe en tant qu'il est remarquable et
qu’il est changé
.. toute puissance : de création poétique c'est-à-dire de
ce pouvoir tout en puissance quand vous percevez que
l’enfant est capable de jouer comme cela
..et vous avez le trait unaire qui, de combler la
marque invisible que le sujet tient du signifiant,
aliène ce sujet dans l’identification première qui
forme l’idéal du moi.
.. trait unaire : on peut dire que c’est le miaou auquel
l’enfant va pouvoir s’identifier, ce sera ce qui caractérise
ce petit sujet parlant
.. la marque invisible : le sujet qui ne parvient justement
pas à être marqué par le signifiant, il est pris dans : « il
n’est pas là, encore un peu il sera là… »
Dans le trait unaire du miaou, cette marque est
comblée : le sujet, c’est celui qui dit « le chien faire
miaou »
.. aliéné : puisqu'il a dit que « le chien faire miaou » , il
doit continuer à le dire. Ce trait unaire forme son

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identification première, celle qui forme son Idéal du moi.


Polarisant tout ce que le sujet sera comme moi, l’Idéal
du moi est l’identification à un signifiant qui est imprimé
par les parents ; miaou est un mot des parents mais
repris et détourné par l’enfant.
Intervenante : L’Idéal du moi, c’est la place d’où
l’enfant se sent aimé par les parents…
L’amour n’y est pas pour rien mais dans ce texte on voit
que l’Idéal du moi est formé par le mécanisme du
signifiant. L’enfant va devenir celui qui a dit ça, et à
mesure qu’on le lui dira, il la trouvera de plus en plus
mauvaise…parce qu’il sait bien qu’il n’est pas ça.
Ce dont on est sûr, c’est que le sujet n’est pas cet Idéal
du moi ; il est aliéné dans cet Idéal du moi.
Il faut distinguer l’Idéal du moi et le moi idéal qui n’est
que spéculaire.
Dans ce nouveau graphe, l’intention ∆ est supprimée, à
sa place vient le $ et à la place du $ vient l’Idéal du moi I
(A).

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Dans le premier graphe, on avait supposé qu’il y avait


une intention de parler et nous avions espéré qu’avec
cette intention de parler, nous allions trouver le sujet. Or,
le sujet, on ne le trouve pas. On ne trouve à la place
qu’un sujet aliéné, une identification première.
A la place de l'intention vient la question du sujet qui est
la première intention de l’exercice du langage. Dans
l’exercice du langage, on ne recherche pas d’abord la
communication mais la création du langage. Que fait le
sujet dans la création du langage ? Il essaie de s’y
retrouver ! Si l’enfant dit « le chien faire miaou », ce n’est
pas spécialement pour contredire ses parents mais pour
se trouver lui-même, pour poser la question de ce qu’il
est comme sujet barré, $. L’enfant est entre « encore un
peu il était » et « il n’est pas du tout ». Au moment où il
n’a pas encore fait son jeu de mots, il est en train de se
chercher dans cette position où il n’est rien.
Le delta ∆ doit faire place à ce sujet barré, $, et ce qu’on
trouve à cette place n’est pas le $ mais une aliénation du
sujet c'est-à-dire l’Idéal du moi.
..le sujet, à chaque étape devient ce qu’il était
comme d’avant et ne s’annonce qu’au futur
antérieur : il aura été.
p. 808 .. rétroversion : le sujet retourne en arrière se
mettre à la place du delta ∆.
le sujet (à droite dans le schéma) ne peut pas dire ce
qu’il est quand il est en train de faire cette métaphore :
« le chien faire miaou »
A partir du moment où il a réussi à faire sa métaphore, il
peut dire au futur antérieur : j’aurai été celui qui fait telle
métaphore. Vous ne pouvez pas parler du sujet
inconscient sinon en vous reportant dans le futur pour
dire « j’aurai été ceci » ; c’est demain que vous saurez
ce que vous aurez été maintenant ; il n’est pas possible
de dire quel est votre inconscient maintenant. Ce n’est

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qu’à partir de cette aliénation dans ce que vous pouvez


produire que vous pourrez découvrir que vous vous êtes
trompé de route ou que vous restez figé parce que
jadis…...
..l’ambiguïté d’un méconnaître essentiel au me
connaître.
.. me connaître : c’est toujours me connaître dans
l’aliénation de l’Idéal du moi
.. méconnaître : en plus de cette formation signifiante
qu’est l’Idéal du moi, vient interférer le moi idéal qui est
une image.
.. rétrovisée : Le sujet pour s’assurer de ce qu’il est, ne
peut le faire que dans cette rétrovisée — où il sera
toujours en retard pour se percevoir — prise dans son
image.

Pour soutenir son moi, le


sujet est obligé de
profiter d’une double
flèche qui donne
consistance à son
image : il se supporte de
ces deux flèches

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L’enfant dans le miroir ne se voit pas seul dans le miroir,


il est porté par la mère qui le regarde ; il y a l’image qui
est à la fois l’image pour la question du sujet de savoir
ce qu’il est et pour la mère. C’est là que se forme l’image
du moi, le moi idéal. Le moi idéal suppose aussi la
fonction symbolique : le sujet trouve son image grâce à
l’amour de la mère (A) qui le regarde dans le miroir en
même temps que lui, l’image est composée par l’intérêt
de la mère et par l’intérêt de l’enfant.
..notre « stade du miroir », point stratégique premier,
dressé par nous en objection à la faveur accordée
dans la théorie au prétendu moi autonome,..
Le moi qui va se produire par l’intermédiaire de cette
image du stade du miroir n’est pas un moi autonome, il
ne vient pas d’une conscience préalable qui essaierait
de trouver son image, il vient de la conjonction de la
question du sujet et du grand Autre représenté par la
mère qui produit aussi cette image.
.. restauration académique : par les psychanalystes
émigrés aux USA (Kriss, Harpman, Loewenstein) qui ont
restauré le moi autonome comme première fonction
alors que Lacan démontre qu’il y a toujours cette dualité
dans le moi : ce sont l’enfant et la mère qui constituent
l’image.
.. académique : allusion à l’académie de Platon :
restauration de la psyché unitaire alors que Lacan insiste
sur la division de ce moi
.. succès adaptatif : pour l’ego psychology il faut
renforcer ce moi autonome en vue de son adaptation, ce
qui réaliserait une harmonie entre la réalité et le
psychisme.
C’est une psychologie qui est centrée sur un moi
unitaire, ce qui tout à fait contraire à la division qui est
toujours présente dans le texte de Lacan, y compris
dans l’image du moi, y compris dans le moi lui-même.

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SUBVERSION DU SUJET ET DIALECTIQUE DU DESIR


DANS L’INCONSCIENT FREUDIEN
 
SEMINAIRE 4 
Je parle : j’ai l’intention de dire quelque chose et
je m’adresse à cet effet au trésor du signifiant ou
code ou à la langue française ; je choisis certains
mots et je forme un message qu’on note s(A) c'est-à-
dire ce qui est signifié à partir du grand Autre ;
pour parler, j’emploie le code pour former mon
message.
J’écoute : j’écoute le message et je le décompose
en éléments du code ; seulement, je ne retrouve pas
l’intention primordiale de celui qui a parlé ; je suis
alors renvoyé du code au message et j’analyse le
message en fonction de ce que j’ai trouvé dans le
code (c’est ce que nous faisons quand nous lisons
Lacan : nous le décomposons puis nous revenons au
message pour voir si nous avons mieux compris).

Au lieu de retrouver l’intention, on trouve


quelque chose qui chute du message : le « ne »
explétif qui vient remplir les trous, ce qui allait
arriver dans la parole, qu’on a sur le bout de la

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langue et qui ne vient pas, le $ qui chute du cercle


qui va du message au code et du code au message
(premier graphe)
Quelle est l’intention qui nous fait parler ? Pas ce
que nous croyons : si nous pensons au fait de
l’imparfait, (encore un peu et c’était là, ce qu’on a
sur le bout de la langue) c’est toujours de l’ordre du
$ ; le sujet vient à la place du ∆, de l’intention ; c’est
le second graphe.

Comme la parole dépasse toujours l’intention du


locuteur, il n’y a pas de communication entre soi et
l’interlocuteur ; on croit communiquer, mais ce n’est
pas le cas puisqu’on ne retrouve pas l’intention
première. Dès lors, on prend comme point de
départ la question du sujet, du $ qui n’existe pas
encore, qui est sur le point d’être dit mais qui ne se
dit pas.

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L’adresse au code ou au trésor du signifiant


forme dès lors un message nouveau, métaphorique :
le code est employé pour quelque chose d’inédit ; la
conséquence en est la formation de l’Idéal du moi,
l’aliénation du sujet. Dans ce parcours, un court-
circuit est possible, représenté par cette double ligne
qui va de l'image de l’autre au moi : l’image de
l'autre est nourrie d’une part du lieu du grand
Autre et d’autre part, de la question du $.
l’Idéal du moi.
Pour savoir qui il est, l’enfant prend un terme
dans le grand Autre (n'importe lequel : un trait
unaire) et dit : « le chien faire miaou»
Prenons les Ecrits de Lacan : vous écrivez un
article (un message) sur [S(A barré)] et vous
devenez un spécialiste du [S(A barré)]; l’Idéal du
moi est formé par le fait que vous avez exercé votre
pouvoir d’autorité d’expliquer une notion comme
bon vous semble (juste ou non) et vous serez le
spécialiste de [S(A barré)]. L’enfant dont le message
est : « le chien faire miaou » sera le poète qui fait
parler les chiens.
C’est toujours un moment d’aliénation ; toute
position d’identification première — c’est ceci
l’identification première — est dans I de A : I(A) ;
toute identification est une aliénation ; qu’on
devienne n'importe quoi au niveau de l’Idéal du
moi, c’est une aliénation.
Le « m » est encore plus aliénant. Dans le schéma
de l’aliénation, l’enfant fait un travail symbolique, il
fait une métaphore, il crée quelque chose. Mais s’il
se dispense de faire cette métaphore, ce parcours ne
se fait pas, tout se fait par l’image de l’autre.
Image de l’autre qui vient rendre compte de ce
qui se passe dans le stade du miroir ; le sujet qui se
pose la question de ce qu’il est, $, porté dans les
bras de sa mère, regarde l’image dans le miroir. La
mère, qui est dans la richesse de la langue, qui
possède tout le trésor du signifiant, regarde aussi

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dans le miroir ; ils voient tous les deux l’image, qui


est là comme un autre ; avec ces deux courants–là —
la mère qui regarde i(a) et l’enfant qui regarde i(a)
— se forme le moi. Le moi (idéal) est constitué par
un double mouvement du regard de la mère et du
regard de l’enfant ; la mère en tant qu’elle est déjà
riche de tout le symbolique, de tout le trésor du
signifiant ; seulement, à ce niveau, elle n’en fait rien
et l’enfant non plus.
C’est différent de l’Idéal du moi : l’enfant qui
s’adresse au trésor du signifiant, qui décrète
d’autorité et qui produit quelque chose comme « le
chien faire miaou ».
Reprenons la lecture p. 809
.. image altérée de son corps : il ne s'agit pas d’un
miroir déformant mais d’une image qui est vue
aussi par l’autre, l’Autre qu’est la mère.
.. la ressemblance : entre l’image et l’enfant.
.. avatar de l’image narcissique : Narcisse qui se
contemple dans l’eau de la source et qui finit par s’y
noyer. Dans le narcissisme, il y a de l’hostilité
puisque c’est l’exclusion de tout ce qui serait autre
jusque et y compris le moi lui-même. Dans cette
relation avec le semblable, il y a nécessairement une
teinte d’hostilité qui va se marquer sur les petites
différences qui existent entre moi et le semblable.
.. intime agressivité : l’agressivité du sujet contre
lui-même, contre sa propre image pour autant qu’il
y ait une petite différence dans le narcissisme.
.. moi idéal qui se fixe du point où le sujet s’arrête
comme idéal du moi.
.. moi idéal qui se fixe : quand on a court circuité la
création poétique, la création de la parole, le moi
n’est plus que dans cette maîtrise de son image tout
à fait imaginaire.
.. nature imaginaire : qui part de l’image et qui
court circuite le côté symbolique qui est pourtant là

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latent ; il ne faut pas concevoir l’imaginaire comme


existant indépendamment du symbolique.
.. la duplicité : que j’ai dessinée en deux traits
venant respectivement de A et de $.
.. une existence incontestable : fournie par la
conscience soi-disant unifiée dans le stade du
miroir
.. Fénelon27 trouvant la langue française
insuffisante exhortait l’Académie à inventer des
néologismes à partir de mots empruntés à d’autres
langues. Sa naïveté réside dans la croyance en la
conscience unifiée de la nature de l’homme qui est
d’être bon (à l’instar de Rousseau).
La conscience n’est pas immanente à l’intérieur de
l’homme mais transcendante c'est-à-dire qu’elle
suppose un trait de l’autre, quelque chose qui
transcende la question du sujet.
Le schéma dans lequel le moi est conscience ne se
supporte que s’il y a le grand Autre et ce circuit qui
fonctionne.
le cogito sur le graphe
.. la conscience … se supporte du trait unaire de
l’idéal du moi, ce que le cogito cartésien ne
méconnaît pas.
Au départ, il y a la question du $, le doute : est-ce
que j’existe ? Le mot que j’ai sur le bout de la langue
va-t-il sortir ? La question s’adresse aux pensées,
aux cogitations, c'est-à-dire à la chaîne signifiante
qui emploie ces pensées pour les traverser et pour
revenir sur le cogito ; une chaîne signifiante passe
dans ma tête : j’en déduis (ergo) sum cogitans. C’est
la démarche de Descartes : je remarque qu’il y a des
pensées dans ma tête, je ne peux pas en déduire que
je suis un homme, mais que je suis un pensant, sum
cogitans, qui est bien sûr un Idéal du moi.

27« Lettres sur les occupations de l’Académie


française » (1714)

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Intervenante : cogito ergo sum est sous-tendu


par le doute ?
C’est bien clair pour Descartes ; y a-t-il quelque
chose ou bien est-ce de la fumisterie ? Ce que je
constate, c’est qu’il y a des pensées ; c’est sûr qu’il y
a des pensées, il y a cette chaîne signifiante du
cogito.

sum cogitans est une identification aliénante


Descartes en déduit : ergo sum (cogitans).
Fénelon méconnaîtrait cette cogitation et resterait
dans l’imaginaire : contentons-nous de cette nature
qui est bonne…. Une certaine psychothérapie est
sous-tendue par cette idée que l’homme est bon.
.. ego transcendantal : de Descartes, le moi, le « je
pense » présent dans toute expérience.
.. relativé : par rapport à cette chaîne signifiante ;
on ne sait pas qui pense ; il existe un pensant relatif
aux pensées. Les identifications du moi se situent
toutes dans cette méconnaissance-là, en fonction de
cette chaîne signifiante.
Le vecteur i(a) → m : à sens unique mais articulé
doublement :

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Le « m » n’est pas articulé comme « je » du


discours ; je, c’est celui qui, dans le code, désigne
celui qui fait le message (définition du « je »).
p. 809 .. métonymie de sa signification : la
signification du discours s(A) se poursuit plus loin,
glisse vers le grand A puis repart vers s(A) ; le moi
doit être articulé avec l’ensemble du schéma, en tant
que personne étoffée.
.. Damourette et Pichon : ce dernier psychiatre et
psychanalyste contemporain de Lacan ; avec son
oncle Damourette, il a élaboré pendant plusieurs
années une grammaire monumentale par
l’observation des usages de la langue française ; ils
ont mis en évidence certains termes comme, par
exemple, deux stades de la négation : ne (il y a une
certaine discordance entre une crainte et un fait : je
crains qu’il ne vienne : négation discordancielle) et
pas : (deux choses sont vues comme
contradictoires : si l’on accepte l’une, il faut
absolument exclure l’autre : négation forclusive).
.. personne étoffée : la personne qui est nourrie de
toute la signification qu’elle a produite, qui se situe
dans la métonymie des signification qu’elle a pu
produire.
.. shifter : (la personne subtile) ce qui, dans le code,
renvoie simplement au message, le « je ».
.. promotion de la conscience dans la séquelle
historique du cogito cartésien : le cogito n’aurait dû
être compris que ego sum cogitans, comme Idéal du
moi, mais pas comme conscience.

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.. la conscience serait l’accentuation trompeuse de la


transparence du Je (en première approximation : qui
indique dans le code celui qui parle)
.. l’opacité du signifiant : le signifiant reste opaque
parce qu’on ne sait jamais ce qu’on dit et on en
dit toujours plus qu’on ne croit et quelque chose
reste opaque, quoi qu’on dise.
On a mis la conscience entre [m – i(a)] et le Selbst
(de soi) [venant de A et de $]. Le « soi » est le même
pour la mère et pour l’enfant ; quand on dit « le
même », c’est qu’il y a deux choses différentes :
dans le « Selbst », il y a ce qui est vu par la mère et
ce qui est vu par l’enfant dans les bras de la mère,
ces deux aspects étant unifiés dans la conscience.
.. la rigueur : appelée infra la réduction
logicisante : le fait que Hegel prétendrait qu’il y a
un savoir absolu qui ne laisse aucun reste d’une
vérité qui serait irréductible au savoir.
Lacan situe la "Phénoménologie de l'esprit" dans la
Selbstbewusstsein, dans le stade du miroir de i(a) à
m) qu’il venait d’élaborer (à la suite de Wallon !)
donc dans la
p. 810

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.. relation imaginaire : le petit a court circuite le


grand A et la relation au semblable devient une
relation imaginaire basée sur l’agressivité. Dès lors,
la dialectique du maître et de l’esclave par laquelle
Hegel entame la conscience de soi est lue par Lacan,
à la suite de Kojève, comme la lutte maître
esclave qui est lutte de pur prestige, lutte à mort
entre deux semblables. Tout au long de la
"Phénoménologie de l'esprit", les tours et détours de la
ruse de la raison ne seraient que la suite de ce
combat purement imaginaire.
Intervenante : Personne n’a essayé de le
raisonner ?
Hyppolite n’a sans doute pas cette lecture
kojévienne ; il a disparu du Séminaire de Lacan
après son intervention sur la Verneinung,
intervention dont Lacan n’a pas tenu compte. La
plupart des intellectuels28 français suivaient les
séminaires de Kojève qui était clairement marxiste
et qui a orienté la lecture de Hegel dans ce sens.
Or, nous avons lu nous-mêmes29 qu’en fait il
s'agit de deux positions internes d’une même
subjectivité et qu’il n’y a pas lutte.
.. mythe : il s'agit d’une liberté de pensée, pas
d’une liberté effective.
.. avoir révélé ce qu’elle cache : le stade du miroir.
.. la lutte qui l’instaure : la lutte imaginaire,
l’agressivité entre semblables.
.. prématuration générique : c’est parce qu’il est
prématuré que le petit enfant sent son corps divisé
par le pulsions et a besoin de se voir unifié dans le
miroir ; c’est parce qu’il est prématuré qu’il dépend
de la mère, qu’il doit passer par les signifiants de

28 Levy-Strauss, Sartre, Merleau-Ponty, Queneau,



cf Séminaire de Psychanalyse et Philosophie
29
consacré à la Phénoménologie de l'esprit (2000 – 2003)

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celle qui possède la langue « maternelle », de celle


qui parle, qui détient le trésor de la langue.
La lutte .. et l’enjeu.. la vie…dont nous avons fait
le ressort dynamique de la capture spéculaire.
La mort est introduite dans la lutte par Kojève comme
pur enjeu de prestige dans la conscience de soi mais
c’est réducteur par rapport au texte de Hegel.
.. honnête : au sens latin, dans l’ordre de
l’honneur. Honorable, de prestige.
.. pari de Pascal : si la vie éternelle devait exister, le
gain serait cent fois, à vrai dire infiniment, plus
important que tous les plaisirs qu’on pourrait
acquérir sur terre, par conséquent il vaut la peine de
vivre vertueusement.
Autrement dit, le pacte est partout préalable à la
violence avant de la perpétuer, et ce que nous
appelons le symbolique domine l’imaginaire, en quoi
on peut se demander si le meurtre est bien le Maître
absolu.
.. règle préalable : il y a quelque chose de préalable
à la lutte de pur prestige (imaginaire), c’est la chaîne
signifiante, le registre symbolique, le grand Autre ;
pour que l’esclave reste vivant, il faut un pacte
préalable à la violence, le pacte de ne pas tuer.
.. le symbolique domine l’imaginaire : Lacan réduit la
conscience de soi à une lutte entre deux semblables,
à une lutte de pur prestige ; mais en posant la mort
comme enjeu, le registre de l’imaginaire est
dépassé : on sous entend un pacte. Hegel ignorerait
que cet imaginaire de la lutte n’existe que parce
qu’il y a du symbolique.
les deux morts
.. quelle mort : ces deux morts à distinguer aident
à comprendre la pulsion de mort : la mort que porte
la vie (on va tous mourir) et la mort qui porte la vie

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(pour qu’il y ait la vie de l’homme, il faut qu’on


accepte la mort qui permet le devenir).
Dans une authentique interprétation hégélienne,
le maître est lié à la mort parce qu’il accepte de ne
pas tenir à tel objet, de perdre les objets pour
trouver ce qu’est son désir. Dans l’Ethique30, la mort
de Polynice porte la vie du désir d’Antigone
puisque c’est à partir du moment où Polynice meurt
qu’Antigone trouve son désir : assurer une
sépulture à son frère ; elle abandonne tout pour s’en
tenir à son désir propre. La mort qui porte la vie est la
disparition de tout ce qui nous distrait de la vie
essentielle ; et c’est dans ce sens-là que Lacan parle
de l’entre-deux-morts : à partir du moment où vous
avez délaissé tous les caprices qui vous distraient et
qui vous empêchent de vivre vraiment, la vie peut
commencer jusqu’à la mort réelle, celle que porte la
vie.
.. constat de carence : allusion essentiellement
marxiste visant la carence de Hegel qui ne
montrerait pas bien la structure de la société des
maîtres, de la société capitaliste.
.. installation dans le refoulement : c’est la
considération de ce registre imaginaire dans lequel
Lacan voudrait installer Hegel en lui imputant
d’ignorer la notion du pacte symbolique, la notion
du grand Autre.
p. 811

.. la Ruse de la raison : la Raison serait, selon la


lecture de Lacan, toute entière dans le registre
imaginaire de la lutte pour la reconnaissance et de
ses avatars.
L’esclave par son travail, par la transformation
qu’il opère a la jouissance et procure aussi la
jouissance au maître mais il renonce au désir : il sait

30 Séminaire VII

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qu’il ne sait pas se séparer de l’objet dont le maître


croit pouvoir se libérer totalement.
.. par crainte de la mort : c’est une interprétation
réductrice de Kojève, qui explique la servitude par
la crainte (psychologique).
.. réaliser la liberté : pour Hegel, le stoïcien dépasse
maîtrise et servitude par la pensée libre ou la liberté
(en) pensée, mais pas réalisée.
.. le travail serf : on retrouve la critique marxiste
du capitalisme du même tonneau que la critique
marxiste de la religion : « la religion est l’opium du
peuple » ; ici : « travaillez, travaillez, vous aurez le
paradis demain ».
Cette lecture kojévienne, en confinant le maître et
l’esclave dans la relation imaginaire, va nous
montrer comment Lacan perçoit l’obsessionnel.
l’obsessionnel attend la mort
.. la ruse de la raison : ce sont toutes les figures
(hégéliennes) initiées par ce conflit imaginaire entre
le maître et l’esclave qui vont développer la
conscience de soi jusqu’à ce que celle-ci se retrouve
« Selbst », unifiée dans le « savoir absolu ».
.. séduire : ce terme est bien dans l’imaginaire.
.. la mauvaise foi du professeur : Hegel qui aurait dit
à l’esclave « Travaillez, travaillez et vous aurez le
paradis demain »
.. se leurre : l’obsessionnel sait que son travail ne
lui donnera pas accès à la jouissance mais il laisse
travailler ses obsessions dans ce sens-là et irait plus
loin que le professeur Hegel.

73
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.. hommage inconscient : le maître absolu qu’est la


mort.
L’obsessionnel, avec Hegel, se situerait dans le
domaine imaginaire qui va de l’image de soi i(a)
au moi ; l’obsessionnel investit énormément pour
construire son moi dans la compétition avec
d’autres. Cet espace imaginaire prend toute son
ampleur par l’alibi de la mort, il trouve un alibi
dans la mort dans son double sens : 1°) il attend la
mort …de son maître, de son patron, de son père en
se disant : après, je pourrai enfin commencer à
vivre ; au moment où son père meurt, un autre
« maître » survient ; finalement, il attend sa propre
mort.
2°) En fait, c’est du lieu de l’Autre où il
s’installe, qu’il suit le jeu, rendant tout risque
inopérant, spécialement celui d’aucune joute,
dans une « conscience de soi » pour qui il n’est de
mort que pour rire.
.. du lieu de l’Autre : l’obsessionnel y met du sien
pour construire avec le Hegel kojévien cette bonne
conscience ; il est à la fois dans le jeu imaginaire qui
va de i(a) à m mais aussi au lieu de l’Autre, d’où il

74
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observe le jeu de l’extérieur : c’est la double position


de l’obsessionnel.
.. rendant tout risque inopérant : il peut tout
engager dans ce registre imaginaire en vue de son
propre prestige mais parce qu’il se situe au niveau
de l’Autre, il ne s’engage que sur un mode où il
n’engage rien du tout. On pourrait dire qu’il est tout
à fait généreux mais c’est une générosité de
présentation pour se construire un moi généreux,
une belle image. En fait, sa position est sans risque
puisqu’il est en train de regarder son image en se
situant au niveau du grand Autre.
le désir est une structure
.. ne croient pas pouvoir faire bon marché de
l’irruption que fut la parole de Freud, concernant
le désir.
p. 811…le désir : ce terme apparaît ici alors que
pour Hegel, il est le ressort même du moteur du
maître. La place du désir est passée sous silence
dans les paragraphes précédents parce que Lacan a
situé la maîtrise dans la pure dimension imaginaire.
Le désir est écarté par philosophes et psychologues.
.. la demande : on explique tout par la demande —
par une parole — mais une parole qui est dans le
registre imaginaire ; la demande risque de n’être
qu’imaginaire ; il faut préciser ce qu’il en est du
signifiant et ce qu’il en est du langage pour
qu’apparaisse la chose essentielle qu’est le désir.
.. comptes-rendus : une certaine psychanalyse qui
catalogue les traumatismes.
.. infantilisme : on ne peut pas critiquer Mélanie
Klein en son entier ; elle accentue la pulsion de mort
dans un sens qui laisse des portes ouvertes.
.. humour : « l’humour est le transfuge dans le
comique de la fonction même du Surmoi »31. Il y a

31 Kant avec Sade. Ecrits p. 769

75
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quelque chose de comique dans ces observations à


partir de la demande, cette psychologisation
psychanalytique, mais ce comique reste dans le
registre imaginaire et n’est pas repris au niveau de
la pulsion de mort et du surmoi qui nous touchent
au plus profond et qui nous mettent en question.
.. d’honorables : honneur, honnête.
.. saugrenu : l’inconscient apparaît avec un côté
bizarre comme interruption à partir de ses racines
linguistiques. Il ne suffit pas de rester dans une
demande langagière bien plate, il faut tenir compte
de ce côté saugrenu.
.. les défilés du signifiant : la demande peut
indiquer que les besoins ne sont jamais tout à fait
satisfaits mais surtout la demande passe par les
défilés du signifiant, entendez-les comme la mise en
place même du graphe avec ce qu’il suppose de
transformations même de la langue, avec le côté
saugrenu qui apparaît comme dans l’exemple « le
chien faire miaou ».
.. anankè : la nécessité
p. 812 .

. psychologie de la dépendance : le terme psychologie


est tout à fait négatif.
.. ces besoins soient passés au registre du désir : c’est
parce que il y a l’univers du langage que les besoins
ne sont plus simples mais se sont multipliés à
l’infini.
.. ses paradoxes pour le moraliste : le désir perçu au
niveau du moraliste (le désir du devoir, de la
justesse de l’action) est incompatible avec les
penchants naturels.
.. infini : du désir parce qu’il est toujours
insatisfait, voire impossible. Les théologiens
utilisent cet infini pour leur propos.

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.. la précarité de son statut : vient de prex, prechis,


la demande ; il faut qu’il y ait de la demande pour
que le désir existe.
.. le désir, dans sa fonction …exige le concours
d’éléments structuraux qui, pour intervenir, se
passent fort bien des accidents de l’histoire du
sujet ..
.. on peut dire naturelle : le désir n’est pas naturel
puisqu’il suppose précisément cette dimension
autre que la nature qu’est le symbolique, la chaîne
signifiante, le grand Autre.
.. les éléments structuraux …se passent fort bien des
accidents : où va-t-on retrouver le désir? Pas dans
l’anamnèse du sujet parce que la notion de
traumatisme est contingente — des accidents qui
tombent sur le sujet, il a eu telle maladie, tel viol,
telle catastrophe, telle parole mensongère, tel
secret : toutes ces occurrences sont contingentes et
exigent le concours d’éléments structuraux. C’est la
structure qui rendra tels événements mémorables,
chargés de sens.
Pour repérer le désir, il est important de mettre à
jour cette structure et c’est le but de ce texte et c’est
ce qu’essaie de faire Lacan dans la construction de
son graphe. Les éléments structuraux, loin d’être
une carcasse morte, sont des éléments d’histoire, un
parcours.
.. inharmonique : il y a rupture, faille.
.. résidu : est inassimilable : on n’est pas dans le
savoir absolu.
.. fêlure : la sexualité humaine rejette toute
harmonie et est toujours de travers par rapport au
sujet.32 Rejet de toute harmonie et donc de toute
psychologie.

32 Ecrits p. 799

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.. le mythe freudien de l’Œdipe…la théologie : Dieu


serait le substitut du père qui serait le guignol de la
rivalité sexuelle.
La question d’où Freud est parti concerne le
concept de père. De nombreux rêves analysés dans
la Traumdeutung concernent le père de Freud après
sa mort. Ce père était une figure patriarcale,
ambiguë et culpabilisante.
.. qu’est-ce qu’un Père : en tant que le père
porterait la question du désir ; c’est une question
qui est posée, ce n’est pas une définition :
.. c’est le Père mort, répond Freud : Lacan a toujours
refusé de s’expliquer sur le Nom-du-Père face aux
contestations qu’il subissait de la part de l’IPA en
1964. Lorsqu’il a annoncé un Séminaire sur le Nom-
du-Père, il y a eu rupture définitive et Lacan a arrêté
son enseignement. Quelques mois plus tard, il a
repris son enseignement par le Séminaire XI (Les
quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse).
Ne nous arrêtons pas à cette aporie et remettons
au travail ces questions : qu’est-ce qu’un Père et
qu’est le Nom-du-Père ?
p. 813
.. fonction du géniteur : pour Fraser33, certains
primitifs semblaient ignorer la fonction du père-
géniteur. On aurait tort de réduire la fonction du
père au géniteur malgré une tendance actuelle.
.. le culturalisme : tendance de la psychanalyse
représentée par Erich Fromm34 qui lie psychanalyse
et sociologie, Freud et Marx. Pour Freud, c’est la
notion d’autorité qui pose la question du père.
.. les secteurs de l’anthropologie ont tous été
confrontés à cette question de père au moins sous la
forme de l’autorité.

33 prédécesseur de Lévy-Strauss
34 Harry Stack Sullivan.

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Intervenante : Est-ce la question de


l’universalité de l’Œdipe ?
Mais envisagée d’un façon plus large que Freud
parce que Lacan considère l’autorité comme la
notion essentielle pour ce qu’est un Père. Déjà au
moment où il présente l’Idéal du moi, il écrit :
Le dit premier décrète, légifère, aphorise, est
oracle, il confère à l’autre réel son obscure autorité 35
L’autorité est introduite par l’exercice de la
parole ; on reprend l’exemple de la métaphore du
jeune enfant qui dit « le chien faire miaou » ; là, il
fait preuve d’autorité, il n’a pas besoin de son père
pour s’autoriser à dire cela.
.. inséminer : et autres pratiques dans lesquelles
l’autorité et la place du sujet sont contestées36 ;
.. un verdict : dire ce qu’est la fonction paternelle.
.. tirer de nous : qui va répondre à la question de la
fonction paternelle ? Lacan ou nous-mêmes qui
étudions le texte et sommes confrontés à la
structure ? Ce n’est pas Lacan ! Ce serait un
paradoxe : se mettre en père au-dessus du lot pour
dire ce qu’est un père. On pourrait dire : tirer de
nous un verdict en tant que nous sommes dans la
structure.
.. tragédie : il n’y a plus de tragédie parce que tout
est banalisé. On ne peut pas s’appuyer sur l’Œdipe
(tragédie de Sophocle) pour dire ce qu’est un père.
Partons de la conception de l’Autre comme du
lieu du signifiant.

35 Ecrits p. 808
36 voir les livres de J.P. Lebrun, notamment Un monde sans
limite.

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.. du grand Autre comme structure du signifiant :


partons de la structure mise en route dans le
graphe.
.. énoncé d’autorité : par exemple « le chien faire
miaou » qui n’a pas de garantie excepté le fait que
l’enfant l’énonce.
.. autre signifiant : inutile d’aller voir au
dictionnaire si c’est vrai. Son énonciation fait que
c’est vrai de la même façon que l’énoncé d’autorité
d’un analysant n’a d’autre garantie que le fait qu’il
le dise.
.. pas de métalangage qui puisse être parlé : c’est
l’énonciation en acte de l’enfant qui compte. Il n’y a
personne de l’extérieur qui ait à dire si c’est une
bonne métaphore ou pas, ni à expliquer ce que
l’enfant a voulu dire. C’est l’acte même de
l’énonciation qui est en jeu.
Il n’y a pas d’Autre de l’Autre. C’est en imposteur
que se présente pour y suppléer, le Législateur (celui
qui prétend ériger la Loi).
.. il n’y a pas d’Autre de l’Autre : quand l’enfant dit,
en interrogeant son petit trésor du signifiant encore
restreint, « le chien faire miaou », il s’adresse à
l’Autre, à ce trésor du signifiant et il n’y a pas un
père qui lui donnerait sa bénédiction.
Intervenante : Dans ce texte, jusque Œdipe et
la tragédie, Lacan parle de Freud et du Père
mort ; ensuite, il parle du Nom-du-Père
La question du Père mort est reprise par Lacan sous le
chef du Nom-du-Père
Intervenante : Quand il dit « Partons de la
conception de l’Autre », à ce moment-ci, il va
parler du Nom-du-Père ?
Lacan ne va pas faire tourner le graphe autour du
Père ni du Nom-du-Père : ces termes ne sont pas
repris dans le graphe. Il y a un déplacement de la
problématique dans sa pensée. En rester ici au

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Nom-du-Père serait une manière statique et unifiée


de penser Lacan et ne tiendrait pas compte du
changement de perspective mis en évidence dans ce
texte, même si le Nom-du-Père intervient dans des
textes plus tardifs.
Intervenant : Mais un père peut soutenir son
fils et lui dire « tu es génial » !
Le père parle alors comme un copain … mais ce
n’est pas cette confirmation qui va donner à l’acte
du fils une valeur supplémentaire
Intervenante : En plus, dès qu’il l’a dit, il est
déjà ailleurs.
Et ce n’est pas la fonction du père, ce n’est pas un
Autre qui serait au-dessus de l’autre.
.. en imposteur : le père qui croirait pouvoir faire
preuve de son autorité comme Autre de l'autre,
celui qui sait tout et qui dit à l’enfant « c’est bien ou
ce n’est pas bien », c’est de l'imposture.
La loi morale : Le père n’est pas le fondateur
de la Loi. Quand un père donne des limites ce
sont des limites qui lui sont propres ; présenter
ces limites comme une Loi universelle est une
imposture. Dire à l’enfant : « ne mange pas avec
tes doigts », c’est une limite pour faciliter la vie,
pas une loi. Il n’y a pas de législateur, sinon la loi
du langage et la loi du langage est la loi
précisément que l’enfant met en acte en disant
« le chien faire miaou »; l’autorité est l’autorité de
celui qui énonce en son propre nom.
Si cette notion de limites est bien assimilée,
l’enfant saura que tel comportement ne rentre
pas dans les limites de ses parents ; il sait qu’il
aura avantage à les respecter ; il pourra les
transgresser aussi ; il se situera nécessairement
dans le registre de sa parole et ce sera sa propre
loi ; la loi s’érige à partir du sujet lui-même.

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Pensons à l’impératif de Kant : on ne trouve


pas de loi universelle valable sinon à partir de la
raison de celui qui se donne la loi. Il y a un
impératif catégorique : une loi qui s’impose
catégoriquement à chacun pour autant qu’elle ne
soit pas conditionnée par les choses sensibles et
qu’elle trouve sa valeur dans la forme de la loi.
La forme de la loi est la loi universelle et cette loi
universelle ne vient pas de quelqu'un d’extérieur
(Dieu, pape, père) mais du sujet lui-même. C’est
seulement comme cela que la raison peut se
donner une loi universelle et générale ; chaque
sujet se donne la loi en fonction de lui-même,
c’est pourquoi la loi, pour Kant, est autonome.

Le sujet autonome est un point d’interrogation. Le


législateur laisse une place vide : ce n’est qu’en
l’absence du roi qu’il peut y avoir un représentant du roi.
C’est parce qu’il n’y a pas de législateur valable que le
père vient comme représentant originel de l’autorité de la
Loi ; ce qui veut dire qu’il n’est pas l’autorité de la loi.
Les parents donnent des limites ; les limites ne
sont pas la Loi. La Loi est la loi du signifiant c'est-à-
dire la loi de l’enfant qui promulgue « le chien faire
miaou », le pouvoir de parole de celui qui parle ; le
reste, ce sont des règlements ou des limites. La Loi
sera reprise par l’enfant lui-même, ce qu’il en fera
est imprévisible et il vaut mieux qu’il la transforme
plutôt que de l’appliquer.
Reprenons le schéma L pour bien suivre la
progression de la pensée de Lacan : la relation
imaginaire du moi et de son semblable, a-a’ croisé
par l’axe symbolique qui va du grand Autre au
sujet.
Le grand Autre est d’abord représenté par la
Mère, le premier semblable ou le premier objet pour
l’enfant. En tant qu’il est au-delà de la Mère, le Père
va faire prendre distance par rapport à ce premier
grand Autre : la Mère ne peut pas être le

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législateur ; ce n’est pas le désir de la Mère qui va


faire la loi.
Dans les années précédentes, Lacan expose ce qui
suit : la Mère ne fait pas la loi, elle ne peut pas faire
un couple avec l‘enfant qui est son Idéal. Le Père en
venant en tiers dans ce triangle Mère, Père, enfant
Idéal va étayer le schéma L : comme si le père
soutenait le grand Autre, Mère en a’ et enfant idéal
en a.
Dans ce texte Subversion du sujet et dialectique du
désir, les conceptions de Lacan ont évolué : « Il n’y a
pas d’Autre de l’Autre ». Quand je dis que le Père
soutient l’Autre de l'Autre, c’est en tant que simple
représentant. Dans le stade du miroir, la Mère est le

grand Autre, elle a la parole, elle exprime son désir.


Le Père vient creuser ce grand Autre, empêchant le
collage Mère – enfant. Mais la question n’est que
décalée : si on considère que le Père vient distancier
l’enfant par rapport à la Mère, qui alors va faire
prendre recul par rapport au Père qui est là comme
un imposteur ? Ce schéma recule la question de
l’Autre et ne permet pas de la résoudre. L’idée de la
Mère, premier grand Autre, devant être distanciée
par le Père n’est pas une solution ; c’est un schéma

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qui exprime qu’il y a là un problème : le législateur


est toujours un imposteur.
.. espace démesuré de toute demande : qui est requête
de l'amour de la mère qui va passer à l’amour du
père qui va passer à l’amour du super-père….. puis
à l’amour de Dieu…
Le schéma L — S a’ a A — soutenu par ce
triangle œdipien Père, Mère, Idéal du moi donne le
schéma R de la réalité.
Au moment où Lacan pose la question du Nom-
du-Père qui soutiendrait le lieu du grand Autre, on
s’attendrait à ce qu’il dise : on va s’y mettre à ce
schéma R — auquel cas Subversion du sujet et
dialectique du désir et le graphe n’apporteraient rien
de nouveau par rapport aux schémas L et R. La
question qui est posée est celle d’un Autre de
l'Autre, celle du Père qui soutiendrait le grand
Autre, la question du Nom-du-Père.
La question est reculée. Il paraîtra étrange que,
s’ouvrant là l’espace démesuré qu’implique toute
demande : d’être requête de l'amour, nous ne
laissons pas plus d’ébats à ladite question
Lacan ne va pas continuer dans cette voie du
schéma R et va désormais parler du graphe.
Il ne s’engage pas dans cette requête de l’amour
qui va dans l’infini et dans l’inconditionnel. Il
concentre la question
sur ce qui se ferme en deçà du même effet de la
demande, pour faire proprement la place du désir.
A la place de considérer que le père viendrait
légiférer sur les liens entre l’enfant et la mère,
soutenir le lieu du trésor du signifiant, Lacan pose
la question : le Nom-du-Père ? vous pouvez
toujours en parler, du Nom-du-Père ! Plus tard,
Lacan en parlera comme du nom du nom du nom,
un processus infini.

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.. désir de l’Autre, : pour que la question de l’Autre


se pose, il faut qu’il y ait une opacité subjective au
niveau du besoin, qui se dit dans la chaîne
signifiante et qui n’a pas une signification
unilatérale.
Intervenante : Comme une loi aurait une signification
unilatérale ?
Comme l’aurait un règlement, laissons la loi pour
la loi du signifiant.
Intervenante : Opacité subjective signifie que le
sujet est caché derrière le besoin ?
C’est cela, pour autant précisément que cette
opacité est maintenue par la loi du signifiant.
Intervenante : Désir de l’Autre, je ne vois pas
bien
Au lieu d’avoir un grand Autre justifié par un
Législateur, il y a quelque chose qui se veut à cet
endroit-là et qu’on ne sait pas. Quand l’enfant dit
« le chien faire miaou », il y a quelque chose de son
désir dans le choix de ces mots-là, quelque chose du
désir qui est au niveau du trésor du signifiant ; ce
n’est pas un désir de l’enfant, c’est un désir au
niveau de la langue elle-même.
Cette question va être reprise dans la suite.

85
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ISBN : 978-2-8752-5445-0
Dépot légal : 2010/9202/426
Prix : 4,00 €
9 7 8 2 8 7 5 2 5 4 4 5 0 ID EME : E4045610

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