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Transfert

= D. : Übertragung. – En. : transference. – Es. : transferencia. – I. : tras-


lazione ou transfert. – P. : transferência.

● Désigne, en psychanalyse, le processus par lequel les désirs


inconscients s’actualisent sur certains objets dans le cadre d’un
certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre
de la relation analytique.

Il s’agit là d’une répétition de prototypes infantiles vécue avec un


sentiment d’actualité marqué.

C’est le plus souvent le transfert dans la cure que les psychanalystes


nomment transfert, sans autre qualificatif.

Le transfert est classiquement reconnu comme le terrain où se joue la


problématique d’une cure psychanalytique, son installation, ses
modalités, son interprétation et sa résolution caractérisant celle-ci.

◼ Le terme français de transfert n’appartient pas en propre au vocabulaire


psychanalytique. Il a en effet un sens très général, voisin de celui de transport,
mais qui implique un déplacement de valeurs, de droits, d’entités plutôt qu’un
déplacement matériel d’objets (ex. : transfert de fonds, transfert de propriété,
etc.). En psychologie, il est utilisé dans plusieurs acceptions : transfert
sensoriel (traduction d’une perception d’un domaine sensoriel à un autre) ;
transfert de sentiments (1) ; surtout, dans la psychologie expérimentale
contemporaine, transfert d’apprentissage et d’habitudes (les progrès obtenus
dans l’apprentissage d’une certaine forme d’activité entraînent une
amélioration dans l’exercice d’une activité différente). Ce transfert
d’apprentissage est parfois appelé positif, par opposition à un transfert dit
négatif désignant l’interférence négative d’un premier apprentissage sur un
second (α).

S’il y a une difficulté particulière à proposer une définition du transfert, c’est


parce que la notion a pris pour de nombreux auteurs une extension très large,
allant jusqu’à désigner l’ensemble des phénomènes qui constituent la relation
du patient au psychanalyste et que, dans cette mesure, elle véhicule, beaucoup
plus que toute notion, l’ensemble des conceptions de chaque analyste sur la
cure, son objet, sa dynamique, sa tactique, ses visées, etc. C’est ainsi que toute
une série de problèmes qui font l’objet de débats classiques s’y trouvent
impliqués :

a) Concernant la spécificité du transfert dans la cure : la situation analytique


ne fait-elle que fournir, grâce à la rigueur et à la constance de ses
coordonnées, une occasion privilégiée de déploiement et d’observation à des
phénomènes qu’on retrouve ailleurs ?

b) Concernant le rapport du transfert et de la réalité : quel appui peut être


trouvé dans une notion aussi problématique que celle de « déréel » et d’aussi
difficile à déterminer que celle de réalité de la situation analytique pour
apprécier le caractère non adapté ou adapté à cette réalité, transférentiel ou
non, de telle manifestation apparue dans la cure ?
c) Concernant la fonction du transfert dans la cure : quelles sont les valeurs
thérapeutiques respectives de la remémoration et de la répétition vécue ?

d) Concernant la nature de ce qui est transféré : s’agit-il de patterns de


comportement, types de relation d’objet, sentiments positifs ou négatifs,
affects, charge libidinale, fantasmes, ensemble d’une imago ou trait particulier
de celle-ci, voire instance au sens de la dernière théorie de l’appareil
psychique ?

C’est la rencontre des manifestations du transfert en psychanalyse,


phénomène dont Freud n’a jamais cessé de souligner à quel point sa survenue
était étrange (2), qui a permis de reconnaître dans d’autres situations l’action
du transfert, soit que celui-ci se trouve au fondement même de la relation en
jeu (hypnose, suggestion), soit qu’il y joue, dans des limites à apprécier, un
rôle important (médecin-malade, mais aussi professeur-élève, directeur de
conscience-pénitent, etc.). De même, dans les antécédents immédiats de
l’analyse, le transfert a montré l’étendue de ses effets, dans le cas d’Anna O…
traitée par Breuer selon la « méthode cathartique », bien avant que le
thérapeute ne sache l’identifier comme tel et surtout l’utiliser (β). De même,
dans l’histoire de la notion chez Freud, il existe un décalage entre les
conceptions explicites et l’expérience effective, décalage dont il a pu faire lui-
même l’épreuve à ses dépens comme il l’a noté à propos du Cas Dora . Il en
résulte, pour celui qui voudrait retracer l’évolution du transfert dans la pensée
de Freud, qu’il devrait, allant au-delà des énoncés, retrouver le transfert à
l’œuvre dans les cures dont l’exposé nous a été transmis.


Quand Freud, à propos du rêve, parle de « transfert », de « pensées de
transfert », il désigne par là un mode de déplacement où le désir inconscient
s’exprime et se déguise à travers le matériel fourni par les restes préconscients
de la veille (3 a). Mais ce serait une erreur de voir là un mécanisme différent
de celui invoqué pour rendre compte de ce que Freud a rencontré dans la
cure : « … la représentation inconsciente est tout à fait incapable, en tant que
telle, de pénétrer dans le préconscient et elle ne peut y exercer un effet qu’en
se mettant en connexion avec une représentation anodine qui appartient déjà
au préconscient, en transférant son intensité sur elle et en se faisant couvrir
par elle. C’est là le fait du transfert qui fournit l’explication de tant de
phénomènes frappants de la vie mentale des névrosés » (3 b). C’est de la
même façon que, dans les Études sur l’hystérie (Studien über Hysterie,
1895), Freud rendait compte des cas où telle patiente transfère sur la personne
du médecin les représentations inconscientes : « Le contenu du désir était
apparu d’abord dans la conscience de la malade sans aucun souvenir des
circonstances environnantes qui l’auraient fait replacer dans le passé. Le désir
présent était alors, en fonction de la compulsion à associer qui dominait dans
la conscience, lié à une personne qui occupait légitimement les pensées de la
malade ; et, résultant de cette mésalliance que je nomme connexion fausse,
s’éveillait le même affect qui avait entraîné en son temps la patiente à rejeter
ce désir interdit » (4 a).

A l’origine, le transfert n’est pour Freud, au moins sur le plan théorique,


qu’un cas particulier de déplacement de l’affect d’une représentation à une
autre. Si la représentation de l’analyste est choisie de façon privilégiée, c’est à
la fois parce qu’elle constitue une sorte de « reste diurne » toujours à la
disposition du sujet, et parce que ce type de transfert favorise la résistance,
l’aveu du désir refoulé étant rendu particulièrement difficile s’il doit être fait à
la personne qu’il vise (4 b, 5 a). On voit aussi qu’à cette époque le transfert
est considéré comme un phénomène très localisé. Chaque transfert doit être
traité comme tout autre symptôme (4 c), de façon à maintenir ou à restaurer
une relation thérapeutique fondée sur une coopération confiante, où Freud,
parmi d’autres facteurs, fait intervenir l’influence personnelle du médecin (4
d) sans la rapporter aucunement au transfert.

Il semble donc que le transfert ait d’abord été désigné par Freud comme ne
faisant pas partie de l’essence de la relation thérapeutique. Cette idée se
retrouve, même dans le Cas Dora où le rôle du transfert apparaît pourtant
comme majeur, au point que Freud, dans le commentaire critique qu’il ajoute
au compte rendu de l’observation, impute à un défaut d’interprétation du
transfert l’interruption prématurée de la cure. Bien des expressions montrent
que Freud n’assimile pas l’ensemble de la cure dans sa structure et sa
dynamique, à une relation de transfert : « Que sont les transferts ? Ce sont des
réimpressions, des copies des motions et des fantasmes qui doivent être
éveillés et rendus conscients à mesure des progrès de l’analyse ; ce qui est
caractéristique de leur espèce, c’est la substitution de la personne du médecin
à une personne antérieurement connue » (6). De ces transferts (on notera le
pluriel), Freud indique qu’ils ne sont pas différents par nature selon qu’ils
s’adressent à l’analyste ou à quelque autre personne, et, d’autre part, qu’ils ne
constituent des alliés pour la cure qu’à condition d’être expliqués et
« détruits » un à un.

L’intégration progressive de la découverte du complexe d’Œdipe ne pouvait


manquer de retentir sur la façon dont Freud comprend le transfert. Ferenczi,
dès 1909 (7), avait montré comment, dans l’analyse, mais déjà dans les
techniques de suggestion et d’hypnose, le patient faisait Inconsciemment
jouer au médecin le rôle des figures parentales aimées ou craintes. Freud, dans
le premier exposé d’ensemble qu’il consacre au transfert (1912), souligne que
le transfert est lié à des « prototypes », à des imagos * (principalement
l’imago du père, mais aussi imago de la mère, du frère, etc.) : « … le médecin
sera inséré dans l’une des « séries » psychiques que le patient a déjà formées »
(5 b).

Freud découvre comment c’est la relation du sujet aux figures parentales qui
est revécue dans le transfert avec notamment l’ ambivalence * pulsionnelle
qui la caractérise : « Il fallait que [ l’homme aux rats ] se convainquît, par la
voie douloureuse du transfert, que sa relation au père impliquait véritablement
ce complément inconscient » (8). En ce sens, Freud distingue deux transferts :
l’un positif, l’autre négatif, un transfert de sentiments tendres et un transfert
de sentiments hostiles (γ). On notera la parenté de ces termes avec ceux de
composantes positive et négative du complexe d’Œdipe.

Cette extension de la notion de transfert, qui en fait un processus structurant


l’ensemble de la cure sur le prototype des conflits infantiles, aboutit au
dégagement par Freud d’une notion nouvelle, celle de névrose de transfert * :
« … nous parvenons régulièrement à donner à tous les symptômes de la
maladie une nouvelle signification transférentielle, à remplacer sa névrose
commune par une névrose de transfert dont [le malade] peut être guéri par le
travail thérapeutique » (9).

Du point de vue de sa fonction dans la cure, le transfert est d’abord, de façon


la plus explicite, rangé par Freud parmi les « obstacles » majeurs qui
s’opposent à la remémoration du matériel refoulé (4 e). Mais, d’emblée aussi,
son apparition est signalée comme fréquente, voire générale : « nous pouvons
être assurés que nous le trouverons dans toute analyse relativement sérieuse »
(4 f). Aussi bien, à ce moment de sa pensée, Freud constate que le mécanisme
du transfert sur la personne du médecin est déclenché au moment même où
des contenus refoulés particulièrement importants risqueraient d’être dévoilés.
En ce sens, le transfert apparaît comme une forme de résistance *, en même
temps qu’il signale la proximité du conflit inconscient. Ainsi Freud rencontre
dès l’origine ce qui fait la contradiction même du transfert et ce qui motive les
formulations très divergentes qu’il a pu donner concernant sa fonction : en un
sens, il est, par rapport à la remémoration verbalisée, « résistance de
transfert » (Übertragungswidersland) ; en un autre sens, dans la mesure où il
constitue pour le sujet comme pour l’analyste une façon privilégiée de saisir
« à chaud » et in statu nascendi les éléments du conflit infantile, il est le
terrain où se joue, dans une actualité irrécusable, la problématique singulière
du patient, où celui-ci se trouve confronté à l’existence, à la permanence, à la
force de ses désirs et fantasmes inconscients : « C’est le terrain sur lequel la
victoire doit être remportée […]. Il est indéniable que la tâche de dompter les
phénomènes de transfert comporte les plus grandes difficultés pour le
psychanalyste ; mais il ne faut pas oublier que ce sont justement elles qui nous
rendent l’inestimable service d’actualiser et de manifester les motions
amoureuses, enfouies et oubliées ; car, en fin de compte, nul ne peut être mis à
mort in absentia ou in effigie » (5 c).

Incontestable, cette seconde dimension prend de plus en plus d’importance


aux yeux de Freud : « Le transfert, aussi bien dans sa forme positive que
négative, entre au service de la résistance ; mais entre les mains du médecin il
devient le plus puissant des instruments thérapeutiques et il joue un rôle qui
peut à peine être surestimé dans la dynamique du processus de guérison »
(10).

Mais on sera sensible, à l’inverse, au fait que, même lorsque Freud va le plus
loin dans la reconnaissance du caractère privilégié de la répétition dans le
transfert – « le malade ne peut pas se souvenir de tout ce qui est en lui refoulé
et peut-être précisément pas de l’essentiel […]. Il est bien plutôt obligé de
répéter le refoulé, comme expérience vécue dans le présent » (11 a) – il n’en
souligne pas moins aussitôt la nécessité pour l’analyste « … de limiter le plus
possible le domaine de cette névrose de transfert, de pousser le plus de
contenu possible dans la voie de la remémoration et d’en abandonner le moins
possible à la répétition » (11 b).

Aussi bien Freud a-t-il toujours maintenu comme idéal de la cure la


remémoration complète et, quand celle-ci s’avère impossible, c’est aux
« constructions »* qu’il se fie pour combler les lacunes du passé infantile. En
revanche, il ne valorise jamais pour elle-même la relation transférentielle, que
ce soit dans la perspective d’une abréaction * des expériences infantiles ou
dans celle d’une correction d’un mode déréel de relation à l’objet.

Parlant des manifestations de transfert dans les Études sur l’hystérie , Freud
écrit : « … ce nouveau symptôme qui a été produit sur l’ancien modèle [doit
être traité] de la même façon que les anciens symptômes » (4 f). De même,
plus tard, quand il décrit la névrose de transfert comme une « maladie
artificielle » qui s’est substituée à la névrose clinique, ne présuppose-t-il pas
une équivalence à la fois économique et structurale entre les réactions
transférentielles et les symptômes proprement dits ?

Effectivement, Freud rend compte parfois du surgissement du transfert


comme d’un « … compromis entre les exigences [de la résistance] et celles de
travail d’investigation » (5 d). Mais il se montre d’emblée sensible au fait que
les manifestations transférentielles sont d’autant plus impérieuses que le
« complexe pathogène » est plus proche, et quand il les rapporte à une
compulsion de répétition *, il indique que cette compulsion ne peut
s’exprimer dans le transfert « … avant que le travail de la cure ne soit venu à
sa rencontre en relächant le refoulement » (11 c). Du Cas Dora , où il
compare les transferts à de véritables « réimpressions » qui ne comportent
souvent aucune déformation par rapport aux fantasmes inconscients, à Au-
delà du principe de plaisir (Jenseits des Lustprinzips, 1920) où il dit de la
reproduction dans le transfert qu’ « … elle survient avec une fidélité non
désirée [et qu’] elle a toujours pour contenu un fragment de la vie sexuelle
infantile, donc du complexe d’Œdipe et de ses ramifications… » (11 d), ne
fera que se dégager l’idée que dans le transfert s’actualise l’essentiel du
conflit infantile.

On sait que, dans Au-delà du principe de plaisir , la répétition dans le


transfert est une des données invoquées par Freud pour justifier la mise au
premier plan de la compulsion de répétition : dans la cure sont répétées des
situations, des émotions où finalement s’exprime l’indestructibilité du
fantasme inconscient.

On peut alors s’interroger sur le sens à donner à ce que Freud nomme


résistance de transfert. Dans Inhibition, symptôme et angoisse (Hemmung,
Symptom und Angst, 1926), il la rattache aux résistances du moi, dans la
mesure où s’opposant à la remémoration, elle renouvelle dans l’actuel l’action
du refoulement. Mais il convient de noter que dans le même texte la
compulsion de répétition est désignée, en son fond, comme résistance du ça
(voir : Compulsion de répétition ).

Enfin, lorsque Freud parle de la répétition dans le transfert des expériences du


passé, des attitudes envers les parents, etc., cette répétition ne doit pas être
prise en un sens réaliste qui limiterait l’actualisation à des relations
effectivement vécues ; d’une part, ce qui est essentiellement transféré, c’est la
réalité psychique * à savoir, au plus profond, le désir inconscient et les
fantasmes connexes ; d’autre part, les manifestations transférentielles ne sont
pas des répétitions à la lettre, mais des équivalents symboliques, de ce qui est
transféré.

Une des critiques classiquement faites à l’endroit de l’ auto-analyse *, quant à


son efficacité thérapeutique, est qu’elle élimine par définition l’existence et
l’intervention d’une relation interpersonnelle.

Freud avait déjà indiqué le caractère limité de l’auto-analyse ; il a par ailleurs


souligné le fait que l’interprétation n’était souvent acceptée que dans la
mesure où le transfert, agissant comme suggestion, conférait à l’analyste une
autorité privilégiée. Mais on peut dire qu’il appartenait à ses successeurs de
dégager pleinement le rôle de l’analyste comme autre dans la cure, ceci dans
plusieurs directions :

1° Dans le prolongement de la seconde théorie freudienne de l’appareil


psychique, la cure psychanalytique peut être comprise comme venant fournir
le lieu où les conflits intrasubjectifs, eux-mêmes reliquats des relations
intersubjectives de l’enfance, réelles ou fantasmatiques, vont à nouveau se
manifester dans une relation ouverte à la communication. Comme Freud l’a
lui-même noté, l’analyste peut par exemple se trouver dans la position du
surmoi ; plus généralement, c’est tout le jeu des identifications * qui va
trouver là l’occasion de se déployer et de se « délier ».

2° Dans la ligne de pensée qui a conduit à la mise en valeur de la notion de


relation d’objet *, on s’attache à voir à l’œuvre dans la relation de transfert
(δ) les modalités privilégiées des relations du sujet à ses différents types
d’objet (partiels ou totaux). Comme l’a noté M. Balint, on en vient alors à
« … interpréter chaque détail du transfert du patient en termes de relation
d’objet » (12). Cette perspective peut conduire jusqu’à vouloir retrouver dans
l’évolution de la cure la succession génétique des stades.

3° Dans une autre perspective, on peut mettre l’accent sur la valeur


particulière que prend la parole dans la cure, donc dans la relation
transférentielle. Cette dimension est présente aux origines mêmes de la
psychanalyse, l’accent, dans la catharsis, étant au moins autant mis sur la
verbalisation des souvenirs refoulés (talking cure) que sur l’abréaction des
affects. Pourtant quand Freud décrit les manifestations les plus irrécusables de
transfert, on est frappé de le voir les ranger sous la rubrique de la « mise en
acte * » (Agieren), et opposer à la remémoration la répétition comme
expérience vécue. On peut se demander si une telle opposition est
véritablement éclairante pour reconnaître le transfert dans sa double
dimension d’actualisation du passé et de déplacement sur la personne de
l’analyste.

En effet, on ne voit pas pourquoi l’analyste serait moins impliqué quand le


sujet lui raconte tel événement de son passé, lui rapporte tel rêve (e), que
lorsqu’il s’en prend à l’analyste dans une conduite.

Tout comme l' « agir », le dire du patient est un mode de relation qui peut par
exemple avoir pour but de plaire à l’analyste, de le tenir à distance, etc. ; tout
comme le dire, l’agir est une façon de véhiculer une communication (acte
manqué par exemple).

4° Enfin, en réaction contre une thèse extrême qui verrait dans le transfert un
phénomène purement spontané, une projection sur l’écran constitué par
l’analyste, certains auteurs ont cherché à compléter la théorie qui ferait
dépendre le transfert essentiellement d’un élément propre au sujet, la
disposition au transfert, en mettant en lumière ce qui, dans la situation
analytique, favorisait l’émergence de celui-ci.

On a insisté soit, comme l’a fait Ida Macalpine (13), sur les facteurs réels de
l’entourage analytique (constance des conditions, frustration, position
infantile du patient), soit sur la relation de demande que l’analyse instaure
d’emblée et par l’intermédiaire de laquelle « … tout le passé s’entrouvre,
jusqu’au fin fonds de la première enfance. Demander, le sujet n’a jamais fait
que ça, il n’a pu vivre que par ça et nous prenons la suite […] La régression
ne montre rien d’autre que le retour au présent de signifiants usités dans des
demandes pour lesquelles il y a prescription » (14).

L’existence d’une corrélation entre la situation analytique comme telle et le


transfert n’avait pas échappé à Freud. Il a même indiqué que, si divers types
de transfert, maternel, fraternel, etc., pouvaient se rencontrer, « … les
relations réelles aux médecins font que c’est l’imago du père […] qui est
déterminante… » (5 e).

▲ (α) On notera que les psychologues de langue anglaise disposent de deux termes :
transfer et transference, et semblent avoir réservé le second pour désigner le transfert
au sens psychanalytique (cf. English et English, articles « Transfer » et
« transference »).
(β) Sur les conséquences de cet épisode, cf. Jones E., La vie et l’œuvre de Sigmund
Freud (Sigmund Freud, Life and work, 1953-55-57) (t. I).

(γ) On notera que positif et négatif qualifient ici la nature des affects transférés et non
le retentissement, favorable ou défavorable, du transfert sur la cure. Selon Daniel
Lagache : « … les termes d’efîets positifs et négatifs du transfert seraient plus
compréhensifs et plus exacts. On sait que le transfert de sentiments positifs peut avoir
des effets négatifs ; inversement, l’expression de sentiments négatifs peut constituer
un progrès décisif… » (15).

(δ) On notera la présence de ce terme chez Freud (16).

(ε) Cf. ce qu’on nomme « rêves de complaisance », entendant par là des rêves dont
l’analyse montre qu’en eux s’accomplit le désir de satisfaire l’analyste, de confirmer
ses interprétations, etc.

(1) Cf. Ribot (Th.-A.). La psychologie des sentiments, Alcan, Paris, 1896, 1™ partie,
XII, § 1.

(2) Cf. Freud (S.). Abriss der Psychoanalyse, 1938. G.W., XVII, 100 ; S.E., XXIII,
174-5 ; Fr., 42.

(3) Freud (S.). Die Traumdeutung, 1900. – a) Cf. G.W., II-III, 568 ; S.E., V, 562 ; Fr.,
461. – b) G.W., II-III, 568 ; S.E., V, 562 ; Fr., 461.

(4) Freud (S.). Zur Psychotherapie der Hysterie, 1895. – a) G.W., I, 309 ; S.E., II,
303 ; Fr., 245-6. – b) Cf. G.W., I, 308-9 ; S.E., II, 303 ; Fr., 245. – c) Cf. G.W., I, 308-
9 ; S.E., II, 303 ; Fr., 245. – d) Cf. G.W., I, 285-6 ; S.E., II, 282-3 ; Fr., 228-9. – e) Cf.
G.W., I, 308-9 ; S.E., II, 303 ; Fr., 245. – f) G.W., I, 307 ; S.E., II, 301 ; Fr., 244. – g)
G.W., I, 309 ; S.E., II, 303 ; Fr., 246.

(5) Freud (S.). Zur Dynamik der Übertragung, 1912. – a) Cf. G.W., VIII, 370 ; S.E.,
XII, 104 ; Fr., 56. – b) G.W., VIII, 365 ; S.E., XII, 100 ; Fr., 51. – c) G.W., VIII, 374 ;
S.E., XII, 108 ; Fr., 60. – d) G.W., VIII, 369 ; S.E., XII, 103 ; Fr., 55. —*) G.W., VIII,
365-6 ; S.E., XII, 100 ; Fr., 51-2.
(6) Freud (S.). Bruchstilck einer Hysterie-Analyse, 1905. G.W., V, 279 ; S.E., VII,
116 ; Fr., 86-7.

(7) Cf. Ferenczi (S.). Introjection and transference, 1909, in First Conir., 35-93.

(8) Freud (S.). Bemerkungen über einen Fall von Zwangsneurose, 1909. G.W., VII,
429 ; S.E., X, 209 ; Fr., 235.

(9) Freud (S.). Erinnern, Wiederholen und Durcharbeiten, 1914. G.W., X, 134-5 ;
S.E., XII, 154 ; Fr., 113.

(10) Freud (S.). « Psychoanalyse » und « Libidotheorie », 1923. G.W., XIII, 223 ;
8.E., XVIII, 247.

(11) Freud (S.). Jenseits des Lustprinzips, 1920. – a) G.W., XIII, 16 ; S.E., XVIII, 18 ;
Fr., 18. – b) G.W., XIII, 17 ; S.E., XVIII, 19 ; Fr., 19. – c) G.W., XIII, 18 ; S.E., XVIII,
20 ; Fr., 20. – d) G.W., XIII, 16-7 ; S.E., XVIII, 18 ; Fr., 19.

(12) Balint (M.). Primary love and Psycho-Analytic Technique, Hogarth Press,
Londres, 1952, 225.

(13) Cf. Macalpine (I.). The Development of the Transference, Psa. Quarterly, XIX, 4,
1950.

(14) Lacan (J.). La direction de la cure et les principes de son pouvoir, 1958, in La
Psychanalyse, P.U.F., Paris, 1961, 6, 180.

(15) Lagache (D.). Le problème du transfert, 1952, in B.F.P., XVI, 102.

(16) Cf. par exemple : Freud (S.). Konstruktionen in der Analyse, 1937. G.W., XVI, 44
S.E., XXIII, 258.

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