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Compulsion de répétition

= D. : Wiederholungszwang. – En. : compulsion to repeat ou répétition


compulsion. – Es. : compulsión a la repetición. – I. : coazione a ripetere. – P. :
compulsào à repetiçào.

● A) Au niveau de la psychopathologie concrète, processus


incoercible et d’origine inconsciente, par lequel le sujet se place
activement dans des situations pénibles, répétant ainsi des
expériences anciennes sans se souvenir du prototype et avec au
contraire l’impression très vive qu’il s’agit de quelque chose qui est
pleinement motivé dans l’actuel.

B) Dans l’élaboration théorique que Freud en donne, la compulsion


de répétition est considérée comme un facteur autonome, irréductible
en dernière analyse à une dynamique conflictuelle où n’interviendrait
que le jeu conjugué du principe de plaisir et du principe de réalité.
Elle est rapportée fondamentalement au caractère le plus général des
pulsions : leur caractère conservateur.

◼ La notion de compulsion de répétition est au centre d’ Au-delà du principe


de plaisir (Jenseits des Lustprinzips, 1920), essai où Freud remet en question
les concepts les plus fondamentaux de sa théorie. Il est donc difficile de
délimiter non seulement son acception stricte mais sa problématique propre,
tant elle participe de la recherche spéculative qui est celle de Freud à ce
moment décisif, avec ses hésitations, ses impasses et même ses contradictions.
C’est une des raisons pour lesquelles, dans la littérature psychanalytique, la
discussion du concept est confuse et souvent reprise : elle fait nécessairement
intervenir des options sur les notions les plus cruciales de l’œuvre freudienne
comme celle de principe de plaisir *, de pulsion *, de pulsion de mort *, de
liaison *.

II est bien évident que la psychanalyse s’est trouvée confrontée dès l’origine à
des phénomènes de répétition. Si l’on envisage notamment les symptômes,
d’une part certains d’entre eux sont manifestement répétitifs (rituels
obsessionnels par exemple), d’autre part ce qui définit le symptôme en
psychanalyse, c’est précisément qu’il reproduit, de façon plus ou moins
déguisée, certains éléments d’un conflit passé (c’est en ce sens que Freud
qualifie, au début de son œuvre, le symptôme hystérique de symbole
mnésique *). D’une façon générale, le refoulé cherche à « faire retour » dans
le présent, sous forme de rêves, de symptômes, de mise en acte * : « … ce qui
est demeuré incompris fait retour ; telle une âme en peine, il n’a pas de repos
jusqu’à ce que soient trouvées résolution et délivrance »(1).

Dans la cure, les phénomènes de transfert viennent attester cette exigence


propre au conflit refoulé de s’actualiser dans la relation à l’analyste. C’est
d’ailleurs la prise en considération toujours accrue de ces phénomènes et des
problèmes techniques qu’ils posent qui conduit Freud à compléter le modèle
théorique de la cure en dégageant, à côté de la remémoration, la répétition
transférentielle et la perlaboration * comme temps majeurs du processus
thérapeutique (voir : Transfert ). En mettant au premier plan, dans Au-delà
du principe de plaisir , la notion de compulsion de répétition invoquée dès
Remémoration, répétition et perlaboration (Erinnern, Wiederholen und
Durcharbeiten, 1914), Freud regroupe un certain nombre de faits de répétition
déjà repérés, et il en isole d’autres où la répétition se présente au premier plan
du tableau clinique ( névrose de destinée *et névrose traumatique * par
exemple). Ces faits lui paraissent exiger une analyse théorique nouvelle. En
effet ce sont des expériences manifestement déplaisantes qui sont répétées, et
l’on voit mal, en première analyse, quelle instance du sujet pourrait y trouver
satisfaction ; bien qu’il s’agisse de comportements apparemment incoercibles,
marqués de cette compulsion propre à tout ce qui émane de l’inconscient, il
est difficile pour autant d’y mettre en évidence, même sous forme de
compromis, l’accomplissement d’un désir refoulé.

La démarche de la réflexion freudienne dans les premiers chapitres d’ Au-delà


du principe de plaisir ne revient pas à récuser l’hypothèse fondamentale qui
veut que, sous la souffrance apparente, celle du symptôme par exemple, soit
cherchée la réalisation de désir. Bien plus, c’est dans ce texte que Freud
avance la thèse bien connue selon laquelle ce qui est déplaisir pour un
système de l’appareil psychique est plaisir pour un autre. Mais de telles
tentatives d’explication laissent, selon Freud, un résidu. La question posée
pourrait être résumée ainsi, en recourant à des termes introduits par D.
Lagache : faut-il, à côté de la répétition des besoins, postuler l’existence d’un
besoin de répétition radicalement distinct et plus fondamental ? Freud, même
s’il reconnaît que la compulsion de répétition n’est pas repérable à l’état pur,
mais est toujours renforcée par des motifs obéissant au principe de plaisir *,
ne fera néanmoins, jusqu’à la fin de son œuvre, que donner plus de portée à la
notion (2, 3). Dans Inhibition, symptôme et angoisse (Hemmung, Symptom
und Angst, 1926), il voit dans la compulsion de répétition le type même de
résistance * propre à l’inconscient, « … l’attraction des prototypes
inconscients sur le processus pulsionnel refoulé » (4).

Si la répétition compulsive du déplaisant, voire du douloureux, est reconnue


comme une donnée irrécusable de l’expérience analytique, en revanche les
auteurs varient sur l’explication théorique qu’il convient d’en donner.
Schématiquement, on pourrait dire que la discussion s’ordonne autour de ces
deux questions :

1° Au service de quoi opère la tendance à la répétition ? S’agit-il, comme


l’illustreraient en particulier les rêves répétitifs consécutifs à des traumatismes
psychiques, de tentatives faites par le moi pour maîtriser puis abréagir sur un
mode fractionné des tensions excessives ? Ou bien faut-il admettre que la
répétition doit être mise en dernière analyse en rapport avec ce qu’il y a de
plus « pulsionnel », de « démoniaque » dans toute pulsion, la tendance à la
décharge absolue qui s’illustre dans la notion de pulsion de mort * ?

2° La compulsion de répétition met-elle vraiment en question, comme l’a


soutenu Freud, la prédominance du principe de plaisir ? La contradiction entre
les formulations qu’on trouverait chez Freud, la variété des réponses que les
psychanalystes ont tenté d’apporter à ce problème, s’éclaireraient, à notre
avis, par une discussion préalable des ambiguïtés qui s’attachent aux termes
de principe de plaisir , principe de constance *, liaison *, etc. Pour ne
prendre qu’un exemple, il est évident que, si l’on situe le principe de plaisir
comme étant « directement au service des pulsions de mort » (5), la
compulsion de répétition, même prise au sens le plus radical où Freud
l’admet, ne saurait être située « au-delà du principe de plaisir ».

Ces deux questions sont d’ailleurs étroitement solidaires, tel type de réponse à
l’une ne permettant pas une quelconque réponse à l’autre. Les solutions
proposées comportent toute une gamme depuis la thèse qui voit dans la
compulsion de répétition un facteur absolument original jusqu’aux tentatives
pour la réduire à des mécanismes, à des fonctions déjà reconnus.
La conception d’Edward Bibring illustrerait bien une tentative de solution
médiane. Cet auteur propose de distinguer entre une tendance répétitive qui
définit le ça et une tendance restitutive qui est une fonction du moi. La
première peut bien être dite « au-delà du principe de plaisir » dans la mesure
où les expériences répétées sont aussi douloureuses qu’agréables, mais elle ne
constitue pas pour autant un principe opposé au principe de plaisir. La
tendance restitutive est une fonction qui tente par divers moyens de rétablir la
situation antérieure au traumatisme ; elle utilise les phénomènes répétitifs au
bénéfice du moi. Bibring a, dans cette perspective, proposé de distinguer les
mécanismes de défense où le moi rest.e sous l’emprise de la compulsion de
répétition sans qu’il y ait résolution de la tension interne, les processus
d’ abréaction * qui de façon immédiate ou différée déchargent l’excitation,
enfin des mécanismes dits de dégagement * dont la « … fonction est de
dissoudre progressivement la tension en changeant les conditions internes qui
lui donnent naissance » (6).

(1) Freud (S.). Analyse der Phobie eines fünfjàhrigen Knaben. 1909. G.W., VII, 355 ;
S.E., X, 122 ; Fr., 180.

(2) Cf. Freud (S.). Das Ökonomische Problem des Masochismus, 1924. Passim.

(3) Cf. Freud (S.). Die endliche und die unendliche Analyse, 1937. Passim.

(4) Freud (S.). GAV., XIV, 192 ; S.E., XX, 159 ; Fr., 88.

(5) Freud (S.). Jenseiis des Lustprinzips, 1920. G.W., XIII, 69 ; S.E., XVIII, 63 ; Fr.,
74.

(6) Bibring (E.). The conception of the répétition compulsion, 1943, in Psychoanalytic
Quarterly, XII, 486-519.

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