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Fantasme
1° Ce que Freud désigne sous le nom de Phantasien, ce sont d’abord les rêves
diurnes *, scènes, épisodes, romans, fictions que le sujet forge et se raconte à
l’état de veille. Dans les Études sur l’hystérie (Studien über Hysterie, 1895),
Breuer et Freud ont montré la fréquence et l’importance d’une telle activité
fantasmatique chez l’hystérique et l’ont décrite comme étant souvent
« inconsciente », à savoir se produisant au cours d’états d’absence ou états
hypnoïdes *.
b) Freud trouve dans le fantasme un point privilégié où pourrait être saisi, sur
le vif, le processus de passage entre les différents systèmes psychiques :
refoulement ou retour du refoulé. Les fantasmes « … s’approchent tout près
de la conscience et restent là sans être troublés aussi longtemps qu’ils n’ont
pas un investissement intense, mais ils sont renvoyés dès qu’ils dépassent un
certain niveau d’investissement » (4 a) ;
IV. – Le fantasme est dans le rapport le plus étroit avec le désir ; un terme
freudien vient l’attester : Wunschphantasie, ou fantasme de désir (6).
Comment concevoir ce rapport ? On sait que pour Freud le désir trouve son
origine et son modèle dans l’ expérience de satisfaction * : « Le premier
désirer (Wünschen) semble avoir été un investissement hallucinatoire du
souvenir de la satisfaction » (1 c). Est-ce à dire que les fantasmes les plus
primitifs soient ceux qui tendent à retrouver les objets hallucinatoires liés aux
toutes premières expériences de la montée et de la résolution de la tension
interne ? Peut-on dire que les premiers fantasmes sont des fantasmes d’objet,
des objets fantasmatiques que le désir viserait comme le besoin vise son objet
naturel ?
2° Le sujet est toujours présent dans de telles scènes ; même dans la « scène
originaire »*, d’où il peut paraître exclu, il figure en fait, non seulement
comme observateur, mais comme participant qui vient troubler par exemple le
coït parental ;
3° Ce n’est pas un objet qui est représenté, comme visé par le sujet, mais une
séquence dont le sujet fait lui-même partie et dans laquelle les permutations
de rôles, d’attribution, sont possibles (qu’on se réfère particulièrement à
l’analyse faite par Freud du fantasme On bat un enfant [Ein Kind wird
geschlagen, 1919], et aux changements syntaxiques subis par cette phrase ; cf.
aussi les transformations du fantasme homosexuel dans le Cas Schreber ) ;
4° Dans la mesure où le désir est ainsi articulé dans le fantasme, celui-ci est
aussi le lieu d’opérations défensives ; il donne prise aux processus de défense
les plus primitifs tels que le retournement sur la personne propre *, le
renversement dans le contraire *, la dénégation *, la projection * ;
▲ (α) A plusieurs reprises, Freud a décrit ce tournant de sa pensée (7) en des termes
qui accréditent cette façon de voir. Mais une étude attentive des conceptions
freudiennes et de leur évolution entre 1895 et 1900 montre que le témoignage de
Freud lui-même, dans son schématisme extrême, ne rend pas compte de la complexité
et de la richesse de ses vues concernant le statut du fantasme (pour une interprétation
de cette période, cf. Laplanche et Pontalis, Fantasme originaire, fantasmes des
origines, origine du fantasme, 1964) (8).
(β) Susan Isaacs, dans son article Nature et fonction du fantasme (The Nature and
Function of Phantasy, 1948) (9), propose d’adopter les deux graphies fantasme
(fantasy) et phantasme (phantasy) pour désigner respectivement « les rêveries diurnes
conscientes, les fictions, etc. » et « … le contenu primaire des processus mentaux
inconscients ». Cet auteur pense ainsi changer la terminologie psychanalytique tout en
restant fidèle à la pensée de Freud. Nous pensons, à l’inverse, que la distinction
proposée ne s’accorde pas avec la complexité des vues de Freud. De toute façon, dans
la traduction des textes de Freud, elle conduirait, si l’on devait choisir, dans tel ou tel
passage, entre phantasme et fantasme, aux interprétations les plus arbitraires.
(1) Freud (S.). Die Traumdeutung, 1900. – a) G.W., II-III, 625 ; S.E., V, 620 ; Fr., 504.
– b) G.W., II-III, 579 ; S.E., V, 574 ; Fr., 469. – c) G.W., II-III, 604 ; S.E., V, 598 ; Fr.,
488-9.
(2) Cf. Freud (S.). Hysterische Phantasien und ihre Beziehung zur Bisexualität, 1908.
GAV., VII, 192-3 ; S.E., IX, 160.
(3) Freud (S.). Über den Traum, 1901. G.W., II-III, 680 ; S.E., V, 667 ; Fr., 111.
(4) Freud (S.). Das Unbewusste, 1915. – a) G.W., X, 290 ; S.E., XIV, 191 ; Fr., 137-8.
– b) G.W., X, 289 ; S.E., XIV, 190-1 ; Fr., 137.
(5) Freud (S.). Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, 1905. G.W., V, 65, n. 1 ; S.E.,
VII, 165, n. 2 ; Fr., 174, n. 33.
(6) Cf. Freud (S.). Metapsychologische Ergänzung zur Traumlehre, 1917. Passim.
(7) Cf. par exemple : Freud (S.). Vorlesungen zur Einführung in die Psgchoanalyse,
1916-17.
(8) Cf. Laplanche (J.) et Pontalis (J.-B.). In Les Temps modernes, n°215, pp. 1833-68.
(9) Isaacs (S.). In I.J.P., 1948, XXIX, 73-97. Fr., in La Psychanalyse, vol. 5, P.U.F.,
Paris, 125-182.