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LA RESILIENCE

Ou comment renaître de sa souffrance


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En introduction, je voudrais vous citer un extrait de la préface du livre « Tagueurs d’espérance » de Tim GUENARD,
un enfant martyr qui a su surmonter une enfance brisée : je cite « pour tous ceux qui ont des cœurs chiffonnés, des
mémoires cabossées, qu’ils puissent aller au goutte à goutte de l’espérance pour ne pas subir le destin, mais pour
rebondir et innover. » nous sommes ici au cœur même de la résilience.
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Comme Tim GUENARD, nous avons tous vécu des évènements éprouvants, traumatisants, qu’il nous a fallu
assimiler, intégrer et digérer afin de retrouver le fil de notre vie sans trop de dommages. Mais pourquoi et comment
panser nos blessures ?
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La résilience, c’est un concept qui vient de la physique et qui se réfère à la capacité d’un matériau qui a subi un choc
ou une pression, à reprendre sa forme originale : la résistance ne va pas sans souplesse, rappelez-vous la fable du
« chêne et du roseau » de Jean de La Fontaine.
L’origine latine du mot signifie « sauter en arrière », « se rétracter ».
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Avec ces premières indications, nous pouvons en déduire qu’il s’agit là d’un rebond de défense, de rétraction, de
sauvegarde, de résistance qui doit nous préserver d’un état de rupture (la souplesse).
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La résilience, c’est la capacité à se remettre de ses blessures, « c’est l’art de naviguer dans les torrents » ou « sortir
de l’eau pour éviter de se fracasser dans ce torrent dans lequel nous avons été poussés », c’est résister à la tempête,
tout en gardant la maîtrise de son embarcation et le cap sur sa destination. C’est même plus que résister, c’est aussi
apprendre ou réapprendre à vivre.
C’est un processus dynamique de défense et de guérison auquel nous sommes contraints toute notre vie, il consiste
à cheminer malgré des conditions de vie difficiles ou des évènements traumatiques.
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La résilience nous touche tout aussi bien que nos proches, nos amis, notre famille après un traumatisme, elle peut
toucher également des communautés suite à un trauma collectif, un groupe ethnique ou une nation entière suite à
une crise majeure, une catastrophe naturelle ou un conflit.
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Lorsque nous sommes confrontés à un évènement traumatique, c’est en priorité vers la famille ou les amis que nous
nous tournons. Mais les familles elles-mêmes peuvent faire face à des souffrances et si certaines ont un effet
protecteur, d’autres au contraire entravent la résilience.
Traverser son enfance, devenir parents, aimer, perdre ceux que l’on aime, la vie n’épargne personne.
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Qu’il s’agisse de l’impact traumatique d’un deuil, de la maladie grave, du handicap, d’un accident, d’une agression,
d’une catastrophe naturelle, d’un changement radical de contexte de vie comme en produisent les migrations, il est
toujours question de blessures.
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Pour prendre un exemple, l’annonce d’un cancer, c’est l’annonce de sa propre finitude, c’est la probabilité concrète de
sa propre mort, Maryse VAILLANT dans son livre « voir les lilas refleurir » est un très bel exemple de résilience face à
cette maladie, elle a écrit :
« En plus de la chimio, je ne vais pas m’empoisonner la vie avec la lassitude et le ressentiment, j’ai décidé de mettre
le maximum de chance de mon côté en luttant contre la colère, l’abattement et la déprime, en gardant le moral (ce qui
peut relever d’un véritable exploit quand tout nous tire vers le bas). Je me souviens d’avoir noté dans mon agenda :
penser à être heureuse, le bonheur s’apprivoise, il s’entretient. L’écriture donne du contenu à ma solitude, à ma
tristesse. Si je n’écrivais pas, je me sentirais vide, je serais obligée de laisser à la maladie toute sa place ».
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La résilience, c’est le refus de la résignation face à la fatalité du malheur mais ce n’est pas le déni du malheur. La
résilience, ce n’est pas non plus l’oubli : si nous comparons le traumatisme à une grave blessure physique, le fait de
mettre un pansement dessus ne guérit pas la blessure, bien au contraire si elle n’est pas désinfectée, la plaie se
gangrène, s’infecte et se nécrose, il nous faut alors ôter le pansement et la nettoyer, même si cela fait mal ! Une
cicatrice se forme, toujours sensible tout au long de notre vie, ainsi la résilience cicatrise les maux mais révèle une
fragilité consciente en nous. Il est un dicton : « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ! » C’est peut-être aller trop
vite en conclusion, car les fragilités des résiliences successives restent et resteront à jamais présentes !
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Dans le domaine de la résistance psychique aux traumatismes, tout peut toujours basculer de manière imprévisible,
notamment sous l’effet d’une expérience existentielle comme le décès d’un proche, l’éloignement d’un être cher, ou
même d’un simple déménagement quand il résonne au fond de nous comme une finitude.
Le psychanalyste Bruno Bettelheim, rescapé de la Shoah, a fini par se suicider après avoir consacré sa vie à explorer
les mécanismes de défense mis en œuvre face à la souffrance et notamment après un travail exemplaire sur
l’autisme.
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Andersen, célèbre conteur, confie à la fin de sa vie, ne jamais avoir trouvé le bonheur.
Barbara traumatisée par l’inceste et la guerre a pu dire : « j’ai perdu la vie autrefois, mais je m’en suis sortie, écoutez-
même, je chante ».
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C’est pourquoi, on parle plus volontiers de processus de résilience que de personnalités résilientes.
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D’ailleurs, je m’interroge, n’est-ce pas un processus de résilience qui a permis à B. Bettelheim de repousser dans le
temps, ses actes suicidaires, tout comme Andersen de puiser sa force poétique dans son éternelle recherche vers le
bonheur ?
Car comment trouver cette dimension de sérénité, de paix et de liberté si nous ne partons pas à sa recherche ?
Même s’il n’est qu’illusoire, le chemin lui, pas à pas, devient ce qui nous bâtit.
En pratique, pas plus que nous ne pouvons savoir si une guérison apparente est stable ou non, nous ne pouvons
déterminer à quoi correspond un bien être apparent ou une réussite. Ils peuvent en effet résulter d’un dépassement
réussi du trauma mais aussi de la mise en sommeil d’un mal enfoui en profondeur.
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C’est pourquoi les différents psychanalystes qui se sont intéressés à la résistance aux traumatismes, ont renoncé à
l’idée de ranger ces phénomènes sous un même vocable (et nous parlons bien du mot résilience). Inégaux face aux
traumatismes, certaines personnes s’effondrent et vont très mal, d’autres survivent et enfin d’autres encore
deviennent plus forts.
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Les opposants à cette notion parlent aujourd’hui d’un mécanisme à la fois problématique ou trompeur, soutenu par un
lien social capable d’ensommeiller pour un temps indéterminé, un être pelotonné au creux d’une personnalité
meurtrie.
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Comment apporter notre soutien aux autres dans ces moments de grande souffrance ? Avant tout une bonne dose
d’empathie peut permettre de comprendre l’autre, la fraternité, l’entraide, apporter notre réconfort et notre appui :
ainsi devenons-nous tuteur de résilience. Devenir le témoin, écouter, rencontrer l’autre, le guider dans d’autres
expériences quotidiennes vers un demain, dans un autre projet de vie, partager et avancer ensemble.

Par exemple, un enfant peut être détruit lorsqu’il souffre de carence affective, pour rendre cet enfant résilient, il est
nécessaire de lui transmettre de la confiance en soi, de l’amour, de la tendresse et de la stabilité. Les enfants battus
ne sont pas condamnés à devenir eux-mêmes maltraitants : il nous faut leur donner des tuteurs de développement
pour les accompagner tels que l’amour, l’humour, la créativité, l’écoute, leur donner l’occasion de donner à leur tour,
de se rendre utile, d’exister pour les autres, de prendre place au sein de la société… leur permettre de réparer
l’estime de soi et d’Etre. Une parole, un geste de tendresse ou d’amour, représentent les passerelles essentielles. Ce
sont des enfants mal partis, mal aimés, souvent handicapés par les blessures qu’un début de vie leur a laissées.
Combler les manques, apaiser les cris, les rassurer, tenter de rebâtir ce qui a été cassé, démoli ! Vaste programme
pour des accompagnants éducateurs qui les aident à faire un petit pas, mais à côté d’hier.
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Une blessure s’inscrit dans notre histoire, dans la charpente de notre construction, dans la structure de notre Etre :
dépasser la déchirure, transmuter notre passé, se resituer dans le fleuve du temps, nous permettra d’avancer.
La résilience c’est la métamorphose de la blessure, dans notre chrysalide intérieure, nous prenons conscience du
traumatisme et le transformons en force pour que s’envole le papillon, léger, libéré.
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Tel le randonneur sur le chemin, nous devons nous délester de nos fardeaux qui entravent notre marche, alléger notre
sac à dos pour avancer.
Ruminer le passé enkyste la déchirure et relance ses effets destructeurs, la rumination est anti-résiliente, la
transformation libère et ouvre un avenir.
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Comme je l’ai déjà dit, la résilience n’est pas l’oubli, c’est, comme le papillon, la capacité à reprendre vie après une
période troublée.
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Le processus de la résilience peut se faire en deux temps : tout d’abord l’intervention d’urgence, se défendre contre la
source du stress, encaisser, agir ou réagir - ensuite à plus long terme, digérer les faits, leur donner un sens, les
intégrer dans son histoire et se servir de cette nouvelle conscience pour rebondir, c’est cette deuxième phase de
reconstruction qui, quand elle est réussie, est appelée résilience, elle consiste à surmonter activement les épreuves
et à leur donner sens dans son histoire.
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Quelles défenses internes peuvent intervenir dans l’urgence :
- L’isolation,
- L’humour qui apaise l’angoisse par ex : « la vie est belle » film de Roberto BENIGNI
- Le déni (ou banalisation)
- La rêverie (quand la réalité est difficile « les contes d’Andersen » ou de nos jours, les jeux virtuels)
- La fuite en avant. Distancer c’est rendre supportable.
- L’intellectualisation,
- La créativité, l’art…
Faire preuve de résilience, ce n’est pas être invulnérable, évitant, mais établir un équilibre après avoir vacillé, sortir
libéré et en tirer un enseignement.
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Quels processus nous amènent à la résilience et comment la mettre en place :
Comprendre et agir, sont deux actions indissociables pour réparer le trouble :
- Comprendre c’est admettre les faits, les incorporer dans son histoire, comprendre son histoire, c’est le
« connais-toi toi-même » puis le pardon, du vrai pardon qui transmute les sentiments de haine en amour, le
pardon de l’autre mais aussi le pardon de Soi-même car dans beaucoup de traumatisme naît un sentiment de
culpabilité. Ne pas pardonner c’est rester enchaîné à sa blessure comme un chien à sa chaîne, c’est
s’interdire d’être heureux et d’être libre, c’est générer la haine et rater son rendez-vous avec la vie. Se
reconstruire passe par la prise de conscience, formuler et reformuler, exprimer son histoire oralement ou par
écrit, afin de restructurer son Etre.
! - Agir c’est produire, accomplir, construire ou reconstruire, mais ce n’est pas de l’agitation, c’est recréer pour
aller de l’avant « du travail à la recréation et de la recréation au travail ». Oser croire en la vie, cultiver le beau
sans redouter les peurs, les angoisses, les pleurs, les douleurs.
! - La créativité : c’est inventer et créer un nouveau monde pour substituer le manque ou conscientiser la
souffrance. L’art : le théâtre, le dessin, la peinture, l’écriture, la poésie, le chant, etc… œuvrent à la
connaissance de soi, à la conscientisation et à la construction de la confiance en soi. Ce peut être un
tremplin pour renaître et avancer, l’art permet de rêver, de transformer, de modifier et de se créer un nouveau
monde.
! - La parole permet de tout remettre en perspective et de conscientiser, d’y voir plus clair…
! - Apporter notre soutien aux autres, écouter, observer, tendre la main, jeter une corde ou une perche, aider les
autres offrent de nouvelles perspectives,

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Un projet à bâtir pour l’humanité, occupe notre esprit et notre cœur pour construire notre avenir. L’oisiveté
empoisonne, il faut partir à la découverte, chercher d’autres horizons, créer, rencontrer, partager,
s’émerveiller.
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Tendre vers le « connais-toi-toi-même » pour comprendre, la maîtrise de soi pour réagir et la créativité pour essayer
d’être heureux. Voici les objectifs à atteindre pour se reconstruire.
Sur ce chemin de la résilience, plus de ténèbres pour peu que l’on accepte d’y faire entrer la Lumière.
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Il peut s’agir là du premier travail, des premiers éclats sur notre pierre brute, les premiers coups de maillet grossiers
pour dégrossir notre pierre : commencer par là pour nous libérer de ces entraves que sont ces chaînes de la
souffrance. Nous devons également tendre la main à celui qui traverse les ténèbres pour l’aider à devenir et laisser ce
qu’il était hier, l’aider à chercher en lui les ressources pour « savoir qui il est, devenir et oser être ! » lui redonner la foi
et l’espérance en la vie.
Je souhaite en conclusion laisser la parole à « Grand Corps Malade », ce jeune sportif de haut niveau qui suite à un
accident est devenu, je le cite « l’homme à la béquille » :
Voici un court extrait de sa chanson « Course contre la honte » :
« A force de ne plus croire en rien, c’est la vie qui désespère.
Viens vers la lumière p’tit frère, ta vie c’est comme du gruyère
Ma p’tite gueule d’amour, mon polo, mon ami…
On n’va rien lâcher, on va aimer et regarder derrière pour n’rien oublier. »
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