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Les carapaces sont le symbole des personnes qui ont trop souffert.

La protection
qu’elles choisissent pour arrêter leur usure, pour éviter de se déchirer une nouvelle
fois et finir par se briser. Elles représentent leur mécanisme de sécurité, leur bouée
de sauvetage temporaire et leur façon de dire silencieusement au monde: « Ça
suffit ! ».

Vivre avec une carapace n’a rien de simple car, derrière elle, on retrouve la peur
d’être blessé. Il s’agit de l’une des peurs les plus paralysantes qu’une personne
puisse ressentir, qui la pousse à bâtir des murs, freiner son cœur et vivre
anesthésiée. Cependant, la force des circonstances ne laisse parfois pas d’autre
option à ceux qui sont plus sensibles ou vulnérables. La vie fatigue et épuise, au
point que ces personnes préfèrent se protéger et cesser de ressentir le plus de
sentiments possibles au lieu de faire l’expérience de la brûlure de leurs blessures.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille qui nous garantit le bonheur.
L’incertitude, l’instabilité et la souffrance sont des conditions de son parcours et
nous les affronterons mieux si nous sommes capables de les anticiper et de nous
y préparer. Personne n’est immunisé contre la souffrance et il est donc essentiel
d’apprendre à la gérer. Dans le cas contraire, l’obscurité finira par nous dévorer.

Vivre, c’est affronter des risques, accepter que tout ne se passera pas toujours
comme nous le voulons, apprécier les moments de bonheur mais aussi accepter
que la souffrance frappera de temps en temps à notre porte et nous mettra à
l’épreuve.

Gérer les coups et cicatriser des blessures n’est pas une tâche facile, nous ne
bénéficions pas toujours du meilleur soutien, des meilleures ressources ou des
meilleures stratégies et, parfois, même quand nous les avons, nous ne savons pas
bien les utiliser. Il y a des personnes qui affrontent mieux les déceptions et les
imprévus, celles qui les laissent s’emparer de leur esprit et d’autres qui décident
de se protéger pour limiter leur souffrance. Quelle que soit la méthode utilisée,
elle influera d’une façon ou d’une autre dans le quotidien de ces gens.

Malgré tout, indépendamment de la façon dont nous faisons face à la souffrance,


lorsque celle-ci décide de rester à nos côtés, toute une série de conséquences
physiques et émotionnelles se déclenche. D’un côté, elle nous piège dans son
apathie, dans ce manque de motivation et de plaisir absolus (anhédonie) et, si nous
n’y faisons pas suffisamment attention, elle peut nous mener jusqu’à la dépression
ou l’anxiété. D’un autre côté, elle nous use physiquement, nous épuise et met fin
à toute l’énergie que nous avions. En fait, à des niveaux plus profonds, elle
diminue la sécrétion de sérotonine et augmente la quantité de cortisol.
Chaque personne a sa propre carapace, son mécanisme de défense, son bouclier
personnel pour se protéger contre la douleur. C’est normal. D’une certaine façon,
nous devons protéger notre côté le plus délicat et devenir forts face aux possibles
menaces et contretemps.

Le problème surgit quand ces carapaces se mettent en place mais ne se détruisent


pas. En d’autres termes, quand elles prennent le contrôle de nos vies et quand nous
finissons par les transformer en filtres très conservateurs à travers lesquels nous
pouvons observer le monde. Ce sont comme des murs qui se lèvent et nous isolent,
plus seulement de la souffrance et de l’incertitude mais aussi de l’affection et de
toute expérience sociale.

Dans un essai de nous protéger, nous finissons par nous boycotter et nous bloquer
sur le plan émotionnel. Le fait de ne rien ressentir pour ne pas souffrir est une
stratégie que nous répétons car, à un moment donné, elle a assuré notre survie.
Mais il faut être prudents car quand nous l’utilisons, nous en payons le prix fort:
nous pouvons finir par être vides de l’intérieur. Voici les termes du contrat écrits
en minuscules caractères en bas de la page, ceux que nous ne lisons pas toujours
ou que nous ne prenons pas en compte avant de commencer à dresser des
barrières.

Par ailleurs, ce vide se traduit par l’absence d’émotions et de cette capacité à nous
sentir vivants. Ainsi, il n’est pas rare que, pendant un bref instant, nous finissions
par ressentir ce que nous craignions tellement, de la souffrance. Car qui a dit que
ne rien ressentir nous empêchait d’être malheureux?

Les carapaces sont des pièges inconscients qui nous attachent au mal-être et qui
se déguisent en sentiments de protection et de sécurité. Il est donc important
d’identifier et de réfléchir à nos mécanismes de défense.

« Il faut plus de courage pour affronter la souffrance que pour mourir. » Marlene
Dietrich

Souvent, ceux qui se cachent derrière des carapaces s’appuient tellement sur une
attitude défensive qu’ils finissent par se distancier des autres. Leur peur d’être
blessés est si grande que, même s’ils ne le souhaitent pas, ils s’éloignent de tous
ceux qui s’approchent dans le seul but de les connaître et, parfois, de les aimer.
Cela se produit car celui qui se protège aussi durement est aussi victime d’une
faille en amour, générée par une ou plusieurs expériences passées.

Ainsi, pour éviter de revivre la brûlure de leurs blessures, ces personnes se


montrent féroces comme certains animaux qui protègent leur territoire. L’autre,
quel qu’il soit, devient son ennemi. Le moindre contact avec l’armure de celui qui
se protège peut donc produire de la douleur.

Quel est l’antidote pour soigner autant de mal? Quel remède peut-on trouver pour
briser les carapaces de ceux qui ont enduré autant de souffrances? Comment
pouvons-nous les aider à se défaire d’un tel sort? Avant tout, il est important de
dire que les carapaces s’écroulent petit à petit. C’est un processus qui nécessite
des doses d’amour, de compréhension, de patience, d’acceptation et, surtout,
d’efforts.

Comme nous le voyons, il n’y a pas de solutions magiques. En revanche, la


profondeur de la connexion avec une autre personne et avec soi-même existe.
Ainsi, quiconque se lie à une personne protégée par une carapace doit comprendre
que, dans la majorité des cas, ce n’est pas elle qui parle directement: il s’agit de
sa peur, de ce monstre immense qui la possède et lui fait croire qu’être anesthésiée
est la meilleure façon d’affronter la vie et de mettre un terme à la souffrance.
Comprendre les peurs de cette personne est donc une partie très importante de la
relation, tout comme le fait de lui montrer de l’affection et d’abandonner toute
attitude exigeant quelque chose de sa part. En d’autres termes, il faut apprendre à
caresser son âme, à toucher sa sensibilité et à la faire se sentir en sécurité.

« L’amour n’a pas d’autre logique. Il ne vient pas en forçant mais en caressant,
comme quand on ouvre une armure. »

Le plus grand effort doit être produit par celui qui s’est construit une armure. Cette
personne est celle qui doit comprendre qu’éviter la souffrance à moyen et long
terme finit par en engendrer davantage et que, même si la vie n’est pas toujours
facile, la douleur est un chapitre que nous devons intégrer à notre histoire. Pour
cela, il faut se libérer de la culpabilité et de cette attitude dure et rigide pour laisser
libre cours à l’amour. Il n’y a pas de meilleur remède que celui qui consiste à
s’accueillir et à prendre soin de soi-même lorsque l’on est blessé.

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