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Bénédicte Marini
Dans Cliniques méditerranéennes 2016/1 (n° 93), pages 237 à 250
Partons maintenant du postulat que cette scène de la séparation se rejouera dans différents
moments de la vie, cela au cours de chacune des épreuves vécues : accidents de la vie,
violence, séparation brutale ou contrainte (Pour la clarté de l’exposé, nous nommerons
séparation contrainte toute séparation qui s’impose, tant au parent qu’à son enfant soit par
l’ordonnance d’une mesure judiciaire soit par une décision administrative qui serait alors
subie par le parent ou par son enfant ; en effet, la violence de la relation intrafamiliale, ou
l’absence de relation peut séparer, de manière contrainte et prématurée, parents et enfant
par notre système de protection de l’enfance. Enfin, toute séparation par un décès ou un
abandon se dit à la fois contrainte et/ou violente.)
sous la forme de processus, ce qui peut conduire le sujet vers la psychose. Pour autant, la
séparation psychique du corps-parole ne se décrétant pas, elle ne saurait alors s’intérioriser,
se conceptualiser, se métaphoriser. L’enfant dans son devenir aura de grandes difficultés à
symboliser le réel par le biais de l’imaginaire et du symbolique.
Nous pourrions faire alors l’hypothèse que chacun se voit rester figé, tel un polaroid
instantané dans une relation mortifère ; chacun, parent et enfant, dans le refus de la
séparation, ne vivant plus que cloîtré en lui-même, attendant en vain le retour de l’autre et
de l’Autre. L’alternance du parti-revenu du fort/da est impossible. De même est impossible
ce saut, par-dessus le berceau
J. Lacan, 1963-1964, Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de
la psychanalyse, Paris, Le Seuil, 1973, 60 : « La béance introduite par l’absence
dessinée, et toujours ouverte, reste cause d’un tracé centrifuge où ce qui choit,
ce n’est pas l’autre en tant que figure où se projette le sujet, mais cette bobine
liée à lui-même par un fil qu’il retient – où s’exprime ce qui, de lui, se détache
dans cette épreuve, l’automutilation à partir de quoi l’ordre de la signifiance va
se mettre en perspective. Car le jeu de la bobine est la réponse du sujet à ce que
l’absence de la mère est venue à créer sur la frontière de son domaine, sur le
bord de son berceau, à savoir un fossé, autour de quoi il n’a plus qu’à faire le jeu
du saut. »
Dans la séparation contrainte, force est donc de constater la trace indélébile et parfois
ravageuse de cette violence faite à l’enfant et à son parent ; cette séparation prématurée,
rejetée, est synonyme de rapt ; elle devient déchirure générant de la confusion, beaucoup
de peine et trop souvent de la culpabilité. Déchirure qui vaut pour abandon et donc rejet.
Cette séparation-déchirure gifle autant le/les parents que l’enfant. Les travailleurs sociaux
garants du placement de l’enfant sont alors assignés à une place de coupables, responsables,
la plupart du temps, incompétents ; ils deviennent ceux qui « règlent leur compte sur le dos
de pauvres gens ». Difficile alors de travailler les failles du système familial avec l’idée
saugrenue de vouloir contribuer à son amélioration ; le focus étant alors centré sur la
séparation comme cause de tout le désespoir intrafamilial effaçant, comme par magie, le
motif même de cette décision.
Le jugement de Salomon rend hommage à l’enfant sujet : en effet, cet enfant considéré
comme objet-chose par sa mère peut être coupé puis partagé en deux plutôt que laissé
vivant ; non reconnu pour lui-même, il n’existe pas comme sujet, par conséquent il peut être
tué. Par contre, l’enfant reconnu par sa mère pour lui-même est sujet en devenir ; il doit
donc être sauvé de la mise à mort et remis à sa mère, celle qui peut lui reconnaître un droit
de vivre hors d’elle-même et ainsi advenir à la vie, celle qui peut le confier à une autre
qu’elle-même pourvu que la vie lui soit sauve.
Comment travailler alors la présence dans l’absence et l’absence dans la présence ? Ce que
Winnicott nomme « la capacité d’être seul à côté de l’autre ».
D.W. Winnicott, dans La capacité d’être seul (1958), montre comment le petit
enfant, « pour mûrir affectivement, fait l’expérience de la solitude bien que sa
mère soit à ses côtés ».
Car, c’est bien de cela qu’il s’agit ; une séparation contrainte qui soit protectrice, provisoire,
le temps qu’il faudra, d’une rencontre, d’une opération chirurgicale, d’un deuil ; c’est à cela
que cette séparation doit servir : mettre en mots et donc métaphoriser ce qui est resté en
suspens et qui empêche la rencontre, la prise en considération de l’enfant sujet, distinct de
son parent. Soutenir donc « l’être avec en l’absence de » permettrait de favoriser la
construction psychique du sujet.
15Il serait intéressant d’ouvrir ces espaces aux professionnels qui accueillent l’enfant à
temps complet et qui deviennent, par leur fonction, substitut parentaux. Les assistants
familiaux qui accueillent en leur foyer des enfants dont l’histoire se trouverait « coupée »,
pourraient trouver dans ce dispositif, un cadre soutenant et structurant où des mots
pourraient se dire autour de cette séparation contrainte qui aura une influence sur les
séparations futures. Espace transitionnel pour une élaboration psychique et une expression
naturelle dans le jeu de la vie ordinaire.
16Pouvons-nous alors penser un dispositif tel qu’il existe pour les tout petits dans les lieux
d’accueils parent-enfant qui soit adapté aux adolescents ? Car il semble clair que dans ce
passage intermédiaire de l’adolescence, lorsque le processus de séparation est inefficace
pour mettre en jeu l’accès à l’individuation, nous faisons le constat que beaucoup restent
coincés sur un entre-deux : plus vraiment enfant, pas encore adulte. Nous faisons alors
l’hypothèse que ces jeunes dont la structure psychique présente une construction fragile
sont, pour certains, sur le fil entre normal et pathologique et qu’il importe de trouver, dans
ce temps de l’adolescence, un dispositif sur le principe du maternage, qui puisse favoriser et
accompagner ce passage, impliquant alors son /ses parents. Nous pouvons nous référer aux
travaux de L. Szondi selon lequel l’appareil psychique se définit à partir d’un système
pulsionnel composé de besoins et de tendances ; et c’est l’équilibre au sein de cette
organisation pulsionnelle qui participe à ce passage d’un état à un autre, et par extension à
la capacité du sujet à être ou n’être pas séparé, individué.
18La castration symbolique en ce qu’elle est ce par quoi l’enfant est autorisé à être, c’est-à-
dire exister hors de sa mère et en toute sécurité, nous permet de faire l’hypothèse qu’une
castration symbolique « ratée », partielle, peut provoquer, dans le moment de l’adolescence
un retour vers l’état de détresse : il se trouve à nouveau submergé par l’angoisse,
embarrassé souvent d’une instance surmoïque inefficace, un idéal du moi inabouti. Et mère
et père sont alors impuissants à l’aider dans ce passage car trop concernés par ce qui est en
train de se jouer. Impuissants tant que les processus de résistance au changement, de mise
en place de mécanisme de défense sont à l’œuvre, formant alors un barrage quasi
insurmontable.
Il y a comme une absence qui n’a pu être métaphorisée par l’enfant, une loi qui n’a pas été
intériorisée ni acceptée. L’enfant n’a pu alors faire le deuil d’une séparation de leur corps-
parole ; il lui reste des « petits bouts » accrochés tels les vestiges d’une jupe maternelle. Il
s’agit alors de favoriser ce passage pour que ces bouts soient enfin rassemblés afin de
prévenir le basculement dans un registre pathologique, lieu du morcellement, où chaque
bout resterait là, bien séparé. C’est comme favoriser le deuil de sa première enfance,
tricoter l’ensemble des mots et de leur histoire en un fil d’Ariane solide, permettre ainsi une
élaboration psychique, une mise à distance de ce qui encombre et freine, être seul en
présence de l’autre. Toute cette gymnastique psychosociale favoriserait une entrée dans la
vie adulte plus sereine. Le jeune est mis au travail, son moi devient actif, activé par les
attentes des professionnels et soutenu par leur ténacité. Il apparaît alors que pour pouvoir
l’aider à se dégager d’une toile dans laquelle il est empêtré, il est indispensable de suivre
attentivement son anamnèse : son arrivée au monde et la place qui lui a été faite. Comment
la séparation princeps s’est-elle déroulée ? Comment a-t-il été autorisé à être ? Quelle est «
la qualité de sa rencontre ou non-rencontre avec le trait unaire » ?
C’est pourquoi les professionnels qui sont en charge de ces jeunes doivent être au clair de
leur histoire dès le départ, afin de travailler à ne pas la répéter et d’accompagner ces jeunes
à se dégager de leur carcan. Il convient alors que ces professionnels fassent preuve d’une
mobilité psychique leur permettant une souplesse et un dégagement permanent. Cela
renvoie à leur capacité à se décaler car c’est ainsi qu’ils pourront se fabriquer un pare-
excitation, autrement dit, un filet de protection sur mesure. Cette protection vaudra tant
pour le jeune que pour la relation qu’ils auront tissée. Nous faisons l’hypothèse que nous ne
pouvons faire l’économie du travail avec le parent afin de mettre en travail la dialectique
psycho-affective et sensorielle des différentes parties. Mais cette présence peut exister dans
leur absence, l’absence étant ce qui arrive fréquemment et qui constitue malheureusement,
souvent un frein. Nous avons donc à transformer cette absence inscrite du côté du réel en
une présence du côté symbolique, ce qui ne va pas de soi.
Conclusion
Mourad et Kim, à l’image de toute une catégorie de jeunes confiés ou non au moment de
leur adolescence, nous donnent à voir une détresse déguisée en toute-puissance friable. Ils
sont sans âge, à la fois petit enfant et jeune adulte : leur vêtement n’est pas ajusté. Nous
avons un travail exigeant et fondamental à mettre en place, un travail de tailleur pour rester
dans l’image de la coupe et de l’ajustement. C’est pourquoi nous faisons le pari d’un
nécessaire maillage entre le psychologique et l’éducatif comme dualité intrinsèque à la vie
vivante : le corps-parole dans sa nécessaire ouverture à l’Autre. Il nous faut penser un
dispositif qui s’adapte aux besoins de l’adolescent et qui puisse l’accompagner dans
l’accomplissement d’une séparation réparatrice ; un dispositif qui questionne la qualité de
l’attachement et surtout celle de la séparation mère-enfant-place du père, qui implique
également sa capacité à intégrer la loi ; s’adapter aux besoins de l’adolescent c’est aller à sa
rencontre et occuper, provisoirement, la place laissée vacante : nous faisons également
l’hypothèse que ce dernier aurait tendance à simuler son désir, le rendant ainsi inaccessible.
Dispositif, enfin, qui lui permette de se découvrir un et existant. Impliquer le parent en tant
qu’il est celui à partir de qui l’enfant peut exister se révèle indispensable. Pour autant nous
avons à penser son absence comme présence afin de favoriser l’ajustement quand cette
absence est inévitable. Pour conclure, nous pouvons proposer deux citations de Pierre
Legendre, à propos de la séparation et de la loi : « Il est dit partout, dans l’humanité, que
l’homme doit se séparer : il lui est infligé comme loi de l’espèce la douleur d’apprendre la
limite, la nécessité d’une mort qui n’est ni le meurtre de soi, ni le meurtre d’un autre ( P.
Legendre, La fabrique de l’homme occidental, op. cit., 42.) » ; « La visée des lois, c’est de
prendre en charge le matériau humain, de l’humaniser de sorte que le désir se pérennise à
travers des générations d’individus voués à la mort (P. Legendre, La loi, le tabou et la raison,
entretien avec Catherine Portevin. Télérama, n° 25.55-30, 1998, p. 10.)»
Le temps de l’adolescent est bien ce temps où la création doit pouvoir exprimer la passion
qui enflamme son antre, afin qu’il puisse en faire sa connaissance et la faire connaître.
C’est aussi le temps où la loi doit pouvoir s’y rompre afin de le polir encore un peu, ce sujet
mi-enfant, mi-homme, sans l’abîmer ni le réduire. Nous pouvons penser que c’est bien la
rencontre avec le regard de l’autre et donc avec l’Autre, autrement dit, celui qui favorise la
résilience, qui entraîne le sujet sur la voie de la sublimation.
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Très tôt, Freud a ainsi distingué la satisfaction du besoin alimentaire lui-même (la faim) et
la prime de plaisir (succion) que le nourrisson en retire.
Autour de cette « prime de plaisir » s’organisent chez le bébé les premières intériorisations
de relations humaines sur lesquelles s’étaieront ultérieurement les divers choix d’objets de
l’enfant. Toutefois, la tendance actuelle est de considérer qu’à cette « prime de plaisir » ne
participent pas uniquement la succion et la satisfaction de la faim, mais aussi l’ensemble du
maniement de l’enfant (Winnicott, 2006) : contacts corporels, paroles, regards, caresses ou
bercements maternels, etc., et son besoin d’attachement (Bowlby, 1978).
La succion est néanmoins le « temps fort » de cet échange et représentera le mode privilégié
grâce auquel le nourrisson commence à explorer le monde qui l’environne ; en témoigne
cette phase où il porte systématiquement tout à la bouche (4–5 mois à 10–12 mois).
De cet échange dont nous avons relevé jusque-là la dimension libidinale, il ne faut pas croire
que l’agressivité soit exclue. Engloutir, faire disparaître, supprimer, est déjà un mouvement
agressif, et même si nous devons accueillir avec prudence l’hypothèse de fantasme agressif
précocissime dirigé contre le sein maternel (M. Klein), il n’en reste pas moins que nourrir un
bébé, c’est aussi faire disparaître l’état de tension, l’appétence antérieurs. Si l’échange
alimentaire n’a pas été fructueux, la disparition de ce besoin risque d’être ressentie par le
bébé comme une perte, une menace.
L’attitude de la mère est fonction à la fois du comportement de son nouveau- né, de ses
propres affects face à l’oralité, mais aussi de sa capacité d’apprentissage ou d’accordage aux
situations nouvelles. Ainsi l’équipe d’Irène Lézine a montré qu’au cours des premiers
biberons, « peu de mères primipares trouvent d’emblée de façon souple et adroite, les
gestes qu’il faut faire pour tenir le bébé, le manipuler, le calmer et satisfaire ses besoins de
façon immédiatement gratifiante » (Cuckier-Memeury et coll., 1979).
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Il s’agit de comportements très fréquents dans la petite enfance, alternant parfois avec des
périodes anorectiques. Ils concernent certains genres d’aliments, soit dans le sens du
dégoût, soit dans le sens du désir. On peut citer par exemple le désir électif des aliments
lactés de couleur blanche, les désirs électifs de sucreries, de chocolat. À l’inverse, on peut
citer le dégoût électif des viandes, des aliments filandreux type haricots verts, asperges,
poireaux.
Certains aliments suscitent des réactions souvent vives chez l’enfant, soit du fait de la
couleur, de la consistance ou du caractère hautement symbolique de l’aliment : ainsi la «
peau sur le lait » laisse rarement indifférent l’enfant qui y réagit le plus souvent par le
dégoût, parfois par le désir. Selon Anna Freud, le désir régressif du sein renversé en son
contraire sous forme de dégoût en serait l’explication.
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On observe normalement une succession temporelle de ces stades mais à la manière d’un
emboîtement progressif : il n’y a pas d’hétérogénéité formelle d’un stade à l’autre, chaque
nouveau stade ne faisant qu’englober ou recouvrir le stade précédent qui reste toujours
sous-jacent et présent.
La fixation s’observe quand le lien entre la pulsion et l’objet est particulièrement étroit. La
fixation met fin à la mobilité de la pulsion en s’opposant à sa libération, c’est-à-dire au
changement d’objet ; la fixation est donc susceptible de faire obstacle aux nécessaires
changements liés au développement. D’un point de vue économique, une fixation survient
quand un événement ou une situation affective a si fortement marqué un stade évolutif que
le passage au stade suivant est rendu difficile ou même inhibé. Un point de fixation
s’observe en particulier :
- lorsque des satisfactions excessives ont été éprouvées à un stade donné (excès de
gratification libidinale),
- Lorsque les obstacles rencontrés dans l’accession au stade suivant provoquent une
frustration ou un déplaisir tel que le retour défensif au stade précédent paraît plus
immédiatement satisfaisant ;
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Freud désigne sous le nom de sexualité infantile « tout ce qui concerne les activités de la
première enfance en quête de jouissance locale que tel ou tel organe est susceptible de
procurer ». C’est donc une erreur que de limiter la sexualité infantile à la seule génitalité.
( K. Abraham distingue deux sous-stades : le stade oral primitif (0 à 6 mois) marqué par la
prévalence de la succion sans différenciation du corps propre et de l’extérieur, et le stade
oral tardif ou phase sadique orale (6 à 12 mois) marqué par le désir de mordre, par le désir
cannibalique d’incorporation du sein. À ce stade, se développe l’ambivalence à l’égard de
l’objet : désir de sucer, mais aussi de mordre l’objet et donc de le détruire. )
Au stade oral l’évolution de la relation d’objet est marquée par le passage du narcissisme
primaire au stade anaclitique de relation à l’objet partiel.
Le stade narcissique correspond à l’état de non-différenciation mère– enfant ; les seuls états
reconnus sont l’état de tension opposé à l’état de quiétude (absence de tension). La mère
n’est pas perçue comme objet externe ni comme source de satisfaction. Peu à peu, avec la
répétition des expériences, en particulier avec les expériences de gratifications orales et de
frustrations orales, le premier objet partiel, le sein, commence à être perçu : la relation est
alors anaclitique au sens où l’enfant s’appuie sur les moments de satisfaction pour former
les premières traces de l’objet et qu’il perçoit à travers les moments de frustration ses
premiers affects.
Vers la fin de la première année la mère commence à être reconnue dans sa totalité, ce qui
introduit l’enfant dans le domaine de la relation d’objet total. Cette phase a été l’objet de
nombreux travaux ultérieurs : stade de l’angoisse de l’étranger de Spitz, position dépressive
de M. Klein. La notion d’étayage rend compte selon Freud de l’investissement affectif du sein
puis de la mère : en effet, l’investissement affectif s’étaie sur les expériences de satisfaction
qui elles-mêmes s’étaient sur le besoin physiologique.
Deux mécanismes mentaux particuliers opèrent dès le début grâce auxquels les préformes
de l’appareil psychique et des objets vont se constituer : il s’agit de l’introjection et de la
projection. Les toutes premières expériences instinctuelles, en particulier celle de
l’alimentation, servent à organiser ces opérations psychiques :
1) les bonnes expériences de satisfaction, de gratification sont liées à la pulsion libidinale ;
ainsi se trouve introjecté à l’intérieur du bébé un affect lié à un fragment de bon objet qui
servira de base à l’établissement du premier Moi fragmenté interne du bébé ;
2) les mauvaises expériences de frustration, de déplaisir sont liées à la pulsion de mort :
comme telles elles sont vécues comme dangereuses et sont projetées à l’extérieur. Ainsi se
constitue une première unité fragmentaire faite d’un affect agressif et d’un fragment de
mauvais objet rejeté dans l’extérieur, dans le non-Moi.
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Donald W. Winnicott
La présentation trop précoce de l’objet ôte à l’enfant la possibilité de faire l’expérience du
besoin, puis du désir, représente une irruption brutale dans l’espace de cet enfant, irruption
dont il doit se protéger
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Sans entrer dans les détails nous citerons simplement la curiosité sexuelle infantile qui
conduit à la découverte des deux sexes, puis le fantasme de scène primitive où la sexualité
parentale est souvent vécue de façon sadique, destructrice en même temps que l’enfant
éprouve un sentiment d’abandon. Viennent ensuite, autour du fantasme de la scène
primitive, les théories infantiles sur la fécondation (orale, mictionnelle, sadique par
déchirure) et sur la naissance (orale, anale ou sadique). L’objet de la pulsion est le pénis. Il ne
s’agit pas du pénis conçu comme un organe génital, mais du pénis conçu comme organe de
puissance, de complétude narcissique : d’où la différence entre l’organe–pénis et le
fantasme–phallus, objet mythique de pouvoir et de puissance. Cet objet introduit l’enfant
dans la dimension soit de l’angoisse de castration (garçon), soit du manque (fille) : le déni de
la castration a pour but dans l’un comme l’autre sexe de protéger l’enfant contre cette prise
de conscience.
(Effets de la psychothérapie)
- (le père devient l’objet de rivalité ou de menace, mais en même temps l’objet à imiter pour
s’en approprier la puissance. Cette appropriation passe par la voie de la compétition
agressive, mais aussi par le désir de plaire au père dans une position homosexuelle passive
(œdipe inversé).
Le déclin du complexe d’Œdipe est marqué par le renoncement progressif à posséder l’objet
libidinal sous la pression de l’angoisse de castration chez le garçon et de la peur de perdre la
mère chez la fille. Les déplacements identificatoires, les sublimations permettent à
l’énergie libidinale de trouver d’autres objets de satisfaction, en particulier dans la
socialisation progressive et dans l’investissement des processus intellectuels.
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Sommeil
La fonction et la signification du sommeil évoluent elles aussi avec l’âge, expliquant en partie
certaines conduites pathologiques. Si au début l’alternance sommeil/veille dépend
étroitement de l’alternance satisfaction/besoin, rapidement la dimension du désir, la
capacité de régression, la nature de la relation à la mère modifient ce rythme binaire. Avec la
maturation psycho- affective, le sommeil et le rêve pourront traduire :
- la fusion à la mère (bonne ou mauvaise) ;
- l’anéantissement, la disparition ou la mort ;
- la séparation, la perte ou l’abandon ;
- le renoncement à l’autonomie ou à la maîtrise ;
- la menace de l’émergence pulsionnelle et du conflit œdipien.
Ainsi, pour s’endormir, l’enfant doit pouvoir se reposer, s’étayer sur une bonne image
fusionnelle mère–enfant protectrice, accepter cette régression et l’investir d’une charge
libidinale non menaçante. Le rôle de l’entourage est précisément d’aménager l’aire
transitionnelle de l’endormissement (Soulé) pour que la régression soit acceptée, voire
espérée. La fréquence des perturbations ou des difficultés d’endormissement des enfants
est l’illustration a contrario de la fragilité de cette aire intermédiaire d’endormissement.
Les insomnies sévères sont rares, mais l’étude des antécédents pathologiques des enfants
autistes ou psychotiques précoces a permis de mettre en évidence leur fréquence au cours
du premier développement de ces enfants. De telles insomnies paraissent traduire un
échec dans les capacités de régression précoce du nourrisson, en particulier la possibilité
de régression à une bonne image fusionnelle protectrice mère–enfant, sur laquelle le
sommeil du nourrisson peut normalement s’étayer (Faim).
Selon certains, l’insomnie grave précoce traduirait l’échec de la mère dans son rôle de
protectrice du sommeil de son enfant. La fréquence des états dépressifs, ou de profondes
angoisses, ou de névrose plus structurée chez les mères dont les nourrissons présentent de
graves troubles du sommeil est un argument en ce sens, de même que leur amélioration
concomitante à l’amélioration des difficultés de la mère.
Somnambulisme
Le somnambulisme prédomine chez le garçon, il apparaît entre 7 et 12 ans chez un enfant
qui a souvent des antécédents familiaux de somnambulisme ; 6 à 10 % des enfants de cet
âge font plusieurs épisodes par mois.
Au cours de la première moitié de la nuit, l’enfant se lève et déambule. Parfois il présente
une activité compliquée, toujours identique. Après quelques minutes (10 à 30 min), il se
recouche ou se laisse conduire au lit. Le lendemain, il ne se souvient de rien. Seul 1 à 6 %
d’entre eux présentent un « somnambulisme à risque » (De Villard), en raison de la
fréquence des accès (deux à trois par semaine ou plus), et du type d’activité qui peut être
gênante ou dangereuse (défenestration).
En 1907(…)[ Freud] il pense que le somnambulisme est en relation avec la satisfaction des
désirs sexuels et s’étonne qu’il y ait alors motilité sans que la vie du rêve soit interrompue.
Enfin, à cette époque, il suggère que l’essence de ce phénomène est le désir l’aller dormir là
où l’on a dormi dans son enfance.
(L’attention actuelle se porte plus sur l’interaction mère–enfant, le bégaiement étant
compris comme l’incapacité initiale d’introduire la distance que la communication langagière
permet normalement entre deux individus. Ceci serait dû, chez l’enfant, à l’angoisse
excessive devant toute distance dans sa relation à la mère, avec pour corollaire l’incapacité à
la dévaloriser ou à l’agresser, et chez la mère à l’ambivalence extrême avec laquelle elle
accueille cette prise de distance. Le père n’intervient que comme personnage idéalisé ou
terrifiant sans rapport souvent avec la personne réelle.)
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A LIRE
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p. 317 - 352
Autisme infantile, troubles envahissants du développement et schizophrénie
à début précoce
P. 355 - 391
Troubles anxieux, symptômes et organisation d’apparence névrotique
Angoisse de castration, séparation
Phobies
P. 433 - 456
Aux frontières de la nosographie
Tests projectifs
Les tests projectifs, en particulier le Rorschach, montrent l’intense besoin d’expression
fantasmatique qui se fait sans grand souci d’utiliser les facteurs dits intellectuels. La
kinesthésie, l’animation priment la reconnaissance formelle. La productivité est grande, les
associations abondantes et infantiles, la référence au monde animal est privilégiée. Sur le
plan des mécanismes mentaux, on peut noter l’importance de la projection, du clivage, de
l’identification projective. La nature de la fantasmatique exprimée met en relief l’importance
de l’agressivité dont le niveau d’élaboration est d’ailleurs très variable d’une réponse à
l’autre chez le même enfant : dévoration orale, fantasmatique sadique-anale, menace
d’annihilation enfin. Les images parentales mobilisées se situent soit à un niveau très
infantile avec fréquemment une dimension abandonnique, soit franchement prégénital en
particulier l’image maternelle. Par rapport aux enfants psychotiques, la labilité du niveau des
réponses, les capacités de récupération remarquables d’une planche à l’autre, la capacité
préservée d’une perception formelle adéquate, surtout si l’investigateur tente de cadrer
l’enfant, représentent des contrastes évidents.
Étude psychodynamique
Ce que nous venons de décrire à propos des tests projectifs laisse déjà largement entrevoir
les grandes lignes autour desquelles s’organise le fonctionnement mental. Au niveau des
mécanismes de défense, le clivage est, de l’avis des divers auteurs, le facteur essentiel.
Cependant, à la différence des psychoses, le clivage porte avant tout sur les aspects
qualitatifs des objets (Marcelli, 1981) le bon et le mauvais étant activement maintenus
séparés. Ainsi ces enfants paraissent typiquement bloqués au niveau de la phase
schizoparanoïde et ne peuvent accéder à la position dépressive pour établir des relations
d’objet pleines et entières. Ce clivage s’accompagne d’autres types de mécanismes
défensifs : identification projective, idéalisation, déni, omnipotence, qui tous aboutissent à
créer une sorte de cercle vicieux renforçant le clivage. Diatkine (1969) insiste sur
l’importance relative des processus primaires de pensée qui ne peuvent être ni tempérés
ni organisés par une secondarisation efficiente. Au sein de ces processus primaires,
l’agressivité – qu’elle réponde à des expériences de frustrations trop sévères dépassant les
capacités adaptatives du moi de l’enfant ou qu’elle trouve sa source dans l’équipement inné
de l’enfant – est envahissante (Widlöcher, 1973), entravant toute organisation cohérente de
la vie libidinale. Sur le plan structurel, si le moi et le non-moi semblent distincts, en revanche
l’organisa- tion surmoïque est le plus souvent déficiente, remplacée d’ailleurs par la
problématique narcissique. Les images parentales ne s’organisent pas dans le registre
œdipien, mais restent saturées de traits préœdipiens : mère envahissante, toute-puissante
et dangereuse, image paternelle mal distinguée de l’image maternelle, toutes les deux
investies d’un pouvoir phallique redouté.
Évolution
L’un des autres points de validité de ces deux tableaux réside dans leur évolutivité
relativement positive qui se distingue nettement de celle des enfants présentant un trouble
envahissant du développement. Les études de devenir disponibles tant en France
(Fombonne et Achard, 1991 ; Mises et Perron, 1993) qu’outre-Atlantique (Sparrow et coll.,
1986 ; Rescorla, 1986) montrent une évolution assez variable, plutôt de bonne qualité et
schéma- tiquement de quatre types.
Quelques-uns développeront en fin de période de latence une organisation psychotique
évidente avec une évolution de type schizophrénique possible. D’autres présenteront une
évolution dominée par un déficit dans un ou plusieurs secteurs particuliers (dyspraxie
importante, retard persistant de langage, échec scolaire, inhibition sociale, etc.). Un grand
nombre d’enfants enfin s’organisent autour d’une pathologie qu’on pourrait qualifier de
cicatricielle : sous une adaptation en surface à la réalité domine la fragilité de cette
adaptation, une rigidité évidente du fonctionnement mental marqué par une anxiété
importante, des défenses projectives et un recours à l’agir. Ces dernières formes présentent
une continuité certaine avec les tableaux cliniques décrits par les psychiatres d’adultes sous
le nom d’état limite. Dans ces formes, l’apparition d’un trouble de l’humeur à l’âge adulte
est fréquente. Enfin, certains enfants ont une évolution excellente avec une insertion
normale au bout du compte et un fonctionnement mental de type névrotique.