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PSYCHOPATHOLOGIE DE LA VIE QUOTIDIENNE, S.

FREUD (1901B)

Jean-Michel Quinodoz
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 30/08/2022 sur www.cairn.info via Université de Bretagne occidentale (IP: 195.83.247.32)

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Presses Universitaires de France | « Hors collection »

2004 | pages 63 à 67
ISBN 9782130534235
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/lire-freud---page-63.htm
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PSYCHOPATHOLOGIE DE LA VIE QUOTIDIENNE
S. FREUD (1901b)
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PSYCHOPATHOLOGIE DE LA VIE QUOTIDIENNE

Les actes manqués : manifestations de l’inconscient


dans la vie ordinaire de l’individu normal

En rédigeant cet ouvrage, Freud vise à faire connaître au grand public l’existence de
l’inconscient, tel qu’il se laisse entrevoir à travers les « ratés » du refoulement que sont les
« actes manqués ». Qu’est-ce qu’un acte manqué ? Il s’agit d’une manifestation non
intentionnelle qui survient dans la vie de tout individu normal, et pas seulement chez un
névrosé. Freud relève que pour appartenir à cette catégorie, ce type de manifestation ne
devrait pas dépasser « ce que nous appelons les limites de l’état normal », « présenter le
caractère d’un trouble momentané » et « avoir été accompli précédemment de manière
correcte » (p. 275). En langue allemande, le concept d’acte manqué a un sens plus large
qu’en langue française ; il inclut un vaste éventail de phénomènes d’apparence anodine
comme les gestes malencontreux, les lapsus, les oublis, les négations ou les méprises et ne se
limite pas à des actes moteurs tels que la perte ou le bris d’un objet significatif, comme le
veut l’usage en langue française. De plus, en langue allemande, tous ces ratés de
l’inconscient portent le préfixe « Ver- », ce qui a pour avantage de les réunir dans un même
ensemble : « das Vergessen (oubli), das Versprechen (lapsus linguae), das Verlesen (erreur
de lecture), das Verschreiben (lapsus calami), das Vergreifen (méprise de l’action), das
Verlieren (fait d’égarer un objet) » (Laplanche et Pontalis, 1967, p. 6).
Dans Psychopathologie de la vie quotidienne Freud décrit les différentes formes d’actes
manqués et les illustre à travers de nombreux exemples. En dépit de leur diversité, tous ces
phénomènes obéissent à un mécanisme psychique commun, analogue à celui qui détermine
le rêve : ils sont l’expression manifeste d’un souhait qui avait été refoulé jusque-là dans
l’inconscient, souhait qui peut être retrouvé grâce aux associations libres. Le succès de
l’ouvrage dépassa de loin les attentes de Freud, et les idées qu’il y expose sont certainement
les conceptions psychanalytiques les plus connues encore à l’heure actuelle. Qui,
aujourd’hui, n’a jamais souri d’un lapsus ou d’un acte manqué, montrant qu’il saisit du
même coup qu’un tel « accident » trahit une intention secrète de son auteur, expression
directe de son inconscient ?

Biographies et histoire
L’ouvrage de Freud le plus populaire et le plus lu
En 1899, lorsque Freud acheva la rédaction de L’interprétation des rêves, il commença à
accumuler des documents qui aboutirent à trois ouvrages qui vont étendre ses découvertes
sur le rêve à des domaines voisins : Psychopathologie de la vie quotidienne (1901b), Le mot
64 DÉCOUVERTE DE LA PSYCHANALYSE (1895-1910)

d’esprit et sa relation à l’inconscient (1905c) et Trois essais sur la théorie sexuelle (1905d).
L’auto-analyse lui avait permis de surmonter ses inhibitions personnelles et procuré un
meilleur équilibre émotionnel. Freud se mit alors à analyser systématiquement ses propres
actes manqués, c’est-à-dire ses oublis ou ses lapsus, de la même manière qu’il avait analysé
ses rêves. C’est dans une lettre à W. Fliess du 26 août 1898 que Freud mentionne pour la
première fois la question des « ratés » de l’inconscient, à propos de l’oubli du nom du poète
Julius Mosen ; dans une lettre ultérieure, datée du 22 septembre 1898, il cite l’exemple de
l’oubli du nom de Signorelli – auquel se substituent dans son souvenir les noms de Botticelli
et de Boltraffio – oubli qui tient une place importante dans le premier chapitre de Psychopa-
thologie de la vie quotidienne. Si l’ouvrage fourmille d’anecdotes personnelles tirées du
vivier familial et professionnel de Freud, sa rédaction paraît aussi intimement liée à la dété-
rioration de sa relation avec Fliess, avec qui il rompt en 1902, tout en témoignant du rôle
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que celui-ci avait joué jusqu’alors dans sa vie : « Il y a dans ce livre des tas de choses qui te
concernent, des choses manifestes pour lesquelles tu m’as fourni des matériaux et des
choses cachées dont la motivation t’est tue » (Freud à Fliess, lettre du 7 août 1901, p. 297).
L’ouvrage parut d’abord sous forme d’articles en 1901, puis ceux-ci furent rassemblés
dans un livre en 1904. Les idées qu’il y développe furent critiquées âprement par les psycho-
logues, mais cela n’empêcha pas le public d’être rapidement conquis, de telle sorte que
Psychopathologie de la vie quotidienne eut d’emblée un pouvoir de divulgation de la psycha-
nalyse bien supérieur à L’interprétation des rêves. L’ouvrage connut dix éditions du vivant
de Freud et s’enrichit progressivement des ajouts de l’auteur lui-même, ainsi que des contri-
butions en provenance de ses élèves. Tandis que l’édition de 1904 comprenait 66 exemples
d’actes manqués, dont 49 avaient été observés par Freud, l’édition actuelle datée de 1924 en
comporte 300, dont la moitié ont été fournis par d’autres observateurs que Freud, ce qui
quadrupla la taille de l’ouvrage initial. En 1909, au cours de sa traversée vers les États-Unis,
Freud eut la confirmation de la popularité de son livre lorsqu’il eut l’heureuse surprise de
découvrir l’un des stewards du bord plongé dans la lecture de Psychopathologie de la vie
quotidienne.

Découverte de l’œuvre

Les pages indiquées renvoient au texte publié dans S. Freud (1901b), Psychopathologie de la vie
quotidienne, trad. S. Jankélévitch, Paris, Payot, 1922, 1967, 298 p.

䊉 L’exemple princeps : l’oubli du nom Signorelli


Le chapitre inaugural est consacré à l’étude détaillée de l’oubli d’un nom propre, celui du
peintre Signorelli, auteur de la fresque du Jugement dernier de la cathédrale d’Orvieto, oubli qui
avait déjà fait l’objet d’une brève publication antérieure (1898b). Freud rapporte qu’au cours
d’une conversation, il ne s’était plus souvenu du nom de Signorelli, mais que les noms de deux
autres peintres s’étaient imposés à son esprit, Botticelli et Boltraffio, qu’il reconnut comme
incorrects. En remontant le cours de ses souvenirs et de ses associations à propos de ces deux
derniers noms, selon le procédé adopté dans l’analyse d’un rêve, il parvint à découvrir le motif du
refoulement de son oubli. De déduction en déduction, le nom de Botticelli finit par lui rappeler
la Bosnie, et le nom de Boltraffio lui remémora la ville de Trafoï, deux lieux géographiques inti-
mement associés à des souvenirs pénibles se rapportant à la sexualité et à la mort. Il réalisa alors
que sexualité et mort étaient les thèmes majeurs de la fresque du Jugement dernier de Signo-
relli ! L’oubli du nom Signorelli était donc le résultat d’un compromis qui avait permis que le
souvenir désagréable fût en partie oublié, mais pas vraiment, puisqu’il réapparut déguisé sous les
noms de Botticelli et Boltraffio : « Les noms de substitution, à leur tour, conclut Freud, ne me
paraissent plus aussi injustifiés qu’avant l’explication : ils m’avertissent (à la suite d’une sorte de
PSYCHOPATHOLOGIE DE LA VIE QUOTIDIENNE 65

compromis) aussi bien de ce que j’ai oublié que ce dont je voudrais me souvenir, et ils me
montrent que mon intention d’oublier quelque chose n’a ni totalement réussi, ni totalement
échoué » (p. 11).

䊉 Une étude systématique des diverses formes d’actes manqués


Après ce chapitre consacré à l’oubli des noms propres, Freud passe en revue d’autres formes
d’oubli, tels que l’oubli de mots appartenant à des langues étrangères, l’oubli de noms et de
suites de mots, et l’oubli d’impressions et de projets. Il reprend ensuite la question des souvenirs
d’enfance et des « souvenirs-écrans » dont la formation est semblable à celle des actes manqués :
lorsque le contenu d’un souvenir d’enfance se heurte à des résistances, il est refoulé et n’apparaît
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pas comme tel, mais sous la forme substitutive d’un « souvenir-écran » dépourvu des affects
perturbateurs. Le chapitre 5 est ensuite consacré à une longue étude des lapsus, phénomène bien
connu dans lequel un mot est mis à la place d’un autre. Citons l’exemple suivant parmi beau-
coup d’autres, extrait d’un article qui avait paru dans le journal viennois Neue Freie Presse. Ce
journal rapporta un lapsus du président de la Chambre des députés autrichienne qui avait céré-
monieusement « ouvert » la séance en la déclarant « close » : « L’hilarité générale que provoqua
cette déclaration fit qu’il s’aperçut aussitôt de son erreur et qu’il la corrigea. L’explication la plus
plausible dans ce cas, ajoute Freud, serait celle-ci : dans son for intérieur, le président souhaitait
pouvoir enfin clore cette séance dont il n’attendait rien de bon » (p. 71-72).
Dans les chapitres suivants, Freud examine successivement les erreurs de lecture et
d’écriture, les méprises et maladresses, les actes symptomatiques ainsi que les associations de
plusieurs actes manqués. Le chapitre final est consacré au déterminisme, à la croyance au hasard
et à la superstition. Freud développe l’idée que les actes manqués ne sont pas le fait du hasard ou
de l’inattention, comme le sujet est tenté de le penser, mais qu’ils sont produits par
l’intervention d’une idée refoulée qui vient perturber le discours ou la conduite que la personne
en question est habituellement capable de mener à bien. Ce point de vue amène Freud à
conclure qu’il existe deux types de hasard, un « hasard externe » lié à des causes qui
n’appartiennent pas au domaine psychologique, et le « hasard interne » dans lequel le détermi-
nisme psychique joue un rôle central dans la mesure où l’acte manqué est le produit d’une inten-
tion inconsciente qui se substitue à une intention consciente.

䊉 Comment se forme un acte manqué ?


En dépit de leur variété infinie, les actes manqués sont basés sur un mécanisme commun :
tous sont l’expression d’un désir refoulé dans l’inconscient auquel on peut accéder grâce au
travail d’analyse. Selon Freud, un acte manqué résulte d’un compromis entre une intention
consciente du sujet – dans l’exemple ci-dessus « ouvrir la séance » du Parlement était l’intention
consciente du président de la Chambre des députés – et un désir inconscient qui lui est lié –
« clore la séance » qui s’est imposé malgré lui dans son discours manifeste. De ce point de vue,
tout acte manqué présente une double face, comme le relèvent Laplanche et Pontalis : « (...) il
ressort qu’un acte soi-disant manqué est, sur un autre plan, un acte réussi : le désir inconscient
s’y accomplit d’une manière souvent très manifeste » (1967, p. 6).
Les mécanismes impliqués dans la formation d’un acte manqué sont donc les mêmes que
ceux qui déterminent la formation des rêves et des symptômes, mécanismes qui ont été décrits
par Freud dans L’interprétation des rêves : condensation, déplacement, substitution ou rempla-
cement par son contraire. Par ailleurs, de même que dans l’analyse d’un rêve ou d’un symptôme,
c’est en recourant à l’association libre que l’on découvre le sens caché d’un acte manqué. Quant
au rapport entre le mot intentionnel et le mot émis par substitution, il s’établit grâce à divers
procédés, par exemple par contiguïté – « clore » à la place d’ « ouvrir » la séance – ou par conso-
nance – le nom Signorelli a une ressemblance phonétique avec les noms de Botticelli et Bosnie,
Boltraffio et Traffio. Ce rapport peut également être établi à partir des associations qui se réfèrent
à l’histoire individuelle du sujet.
66 DÉCOUVERTE DE LA PSYCHANALYSE (1895-1910)

䊉 De quelles sources proviennent les actes manqués ?


Selon Freud, notre esprit est sans cesse parcouru par des pensées et des associations dont
nous n’avons généralement pas connaissance, et celles-ci forment des complexes perturbateurs
destinés à être refoulés dans l’inconscient, mais ceux-ci peuvent soudain faire irruption sous la
forme d’actes manqués. Des résistances intérieures s’opposent à leur éclaircissement, et si les
idées refoulées sont parfois évidentes à interpréter, le plus souvent elles ne deviennent déchiffra-
bles qu’au terme d’une analyse détaillée. Ajoutons que si un acte manqué nous trahit souvent,
Freud donne divers exemples où il peut s’avérer utile : « Cet exemple nous met en présence d’un
de ces cas, qui ne sont d’ailleurs pas très fréquents, où l’oubli se met au service de notre
prudence, lorsque nous sommes sur le point de succomber à un désir impulsif. L’acte manqué
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prend alors valeur d’une fonction utile. Une fois dégrisés, nous approuvons ce mouvement
interne qui, pendant que nous étions sous l’empire du désir, ne pouvait se manifester que par un
lapsus, un oubli, une impuissance psychique » (p. 27).
Freud termine en montrant qu’il existe une continuité entre les phénomènes que l’on
observe dans la vie psychique normale et dans la psychopathologie : « En les mettant [les actes
manqués] sur les mêmes rangs que les manifestations des psychonévroses, que les symptômes
névrotiques, nous donnons un sens et une base à deux affirmations qu’on entend souvent
répéter, à savoir qu’entre l’état nerveux normal et le fonctionnement nerveux anormal il
n’existe pas de limite nette et tranchée et que nous sommes tous plus ou moins nerveux
[névrosés] » (p. 320).
Je pense que les idées et surtout les nombreux exemples présentés dans Psychopathologie de
la vie quotidienne ne sauraient être résumés davantage. Aussi laissé-je au lecteur le plaisir de les
découvrir.

Post-freudiens
Les actes manqués et la relation de transfert
Les oublis, lapsus et autres formes d’actes manqués sont-ils uniquement des manifestations de la
vie ordinaire de l’individu normal, ou ont-ils une place dans le traitement psychanalytique des
névrosés ? Bien que Freud ait terminé son ouvrage en effectuant un rapprochement entre les actes
manqués et les troubles d’origine névrotique, il ne parle pas explicitement de la manière dont il les
interprète dans la situation psychanalytique. Pourtant, c’est indirectement qu’il aborde la question, en
montrant les similitudes qui existent entre le mécanisme de formation des actes manqués et le méca-
nisme de la formation des rêves. Ainsi, en montrant que les actes manqués sont l’expression d’un désir
inconscient refoulé et que le travail d’analyse permettait d’en déceler la signification latente, Freud
ouvrait la voie à l’interprétation des actes manqués dans la relation de transfert, au même titre que
l’interprétation des rêves et des symptômes.
À l’heure actuelle, les psychanalystes cliniciens accordent une grande place à l’interprétation des
actes manqués qui surgissent dans la relation de transfert et de contre-transfert, que ce soit sous la
forme de « ratés » dans le comportement du patient, d’oublis, de lapsus ou d’erreurs de sa part. Ces
actes manqués révèlent parfois d’une manière spectaculaire le désir inconscient refoulé du patient – et
parfois aussi le désir du psychanalyste dont ils révèlent des aspects de son contre-transfert. On appelle
couramment acting in les actions manquées, au sens strict du terme, qui se produisent durant la séance
– comme lorsqu’un patient arrive en retard ou s’endort sur le divan –, et on appelle acting out les actes
manqués qui se produisent en dehors de la séance, qui sont à comprendre comme des déplacements en
connexion avec le transfert. Les angoisses de séparation et de perte d’objet constituent l’une des sources
les plus fréquentes d’actes manqués dans le cadre de la relation entre analysant et analyste
(J..M. Quinodoz, 1991). Par exemple, il arrive qu’un patient manque une séance, après avoir été
perturbé à son insu par une réaction affective en relation avec l’analyste : une fois mis au jour, le sens de
cet acte manqué peut révéler divers sentiments réprimés, comme une hostilité du patient envers
l’analyste à la suite d’une déception, qui peut refaire surface sous la forme d’un retard à la séance. Seules
les associations livrées par le patient sont en mesure de mettre sur la piste des véritables motifs d’un
acte manqué, si l’on souhaite éviter des interprétations arbitraires et inappropriées. Quant aux lapsus
qui surviennent en cours d’analyse, sur lesquels a insisté J. Lacan, ils mettent particulièrement en
lumière les rapports entre structure du langage et structure de l’inconscient, et constituent l’une des
voies qui permettent d’accéder à la connaissance de l’état momentané du transfert inconscient.
PSYCHOPATHOLOGIE DE LA VIE QUOTIDIENNE 67

Devons-nous réserver la psychanalyse


uniquement à ceux qui accèdent au sens symbolique ?
La prise de conscience de la signification inconsciente d’un acte manqué ou d’un lapsus n’est pas à
la portée de chacun : en effet, un acte manqué ou un lapsus ont surtout un sens pour l’entourage de la
personne, mais pas nécessairement pour la personne elle-même, ce qui correspond à la définition
même de l’inconscient : est inconscient ce qui échappe à la conscience du sujet. C’est souvent après un
long travail d’analyse qu’une personne parvient peu à peu à découvrir la signification d’un acte manqué
ou d’un lapsus qui lui a échappé, et à le mettre en rapport avec des émotions liées à la relation avec le
psychanalyste.
La possibilité de prendre conscience de la signification d’un acte manqué ou d’une quelconque
production de l’inconscient tient en partie à la force que les résistances opposent à la prise de cons-
cience, mais en partie aussi à la capacité d’un individu d’accéder au sens symbolique de son discours ou
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de ses actes symptomatiques. En effet, cette capacité d’accéder au sens symbolique varie considérable-
ment d’un individu à l’autre, ce qui pose la question de l’analysabilité d’une personne, c’est-à-dire
d’évaluer dans quelle mesure une personne sera accessible au travail d’interprétation, et qui plus est, à
l’interprétation de la relation transférentielle. De ce point de vue, les positions des psychanalystes
varient : pour un certain nombre d’entre eux, notamment en France, la cure psychanalytique serait
essentiellement réservée aux personnes qui possèdent d’emblée le sens symbolique de leur discours,
c’est-à-dire aux personne présentant une organisation de type névrotique (Gibeault, 2000). Par contre,
pour d’autres psychanalystes, appartenant par exemple au courant kleinien, il existe deux niveaux de
symbolisation : un niveau primitif dominé par la pensée concrète – niveau où le psychisme fonctionne
en « équation symbolique » – et un niveau évolué dominé par la capacité de représentation symbolique
– niveau qui correspond à l’organisation névrotique. Pour ces derniers, il existe un va-et-vient incessant
entre le niveau primitif et le niveau évolué de symbolisation, de sorte qu’il est possible d’ouvrir
l’éventail des possibilités de la cure psychanalytique non seulement aux patients névrosés, mais égale-
ment aux patients borderline et psychotiques, sans compter la part de fonctionnement primitif que l’on
rencontre chez tout individu névrosé et normal (M. Jackson et P. Williams, 1994).

Chronologie des concepts freudiens

Actes manqués – condensation – déplacement – lapsus – oublis de noms – substitution

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