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Chapitre 10 

: Didier Anzieu
07/12/22

I. Biographie
Il est né en 1923 et meurt en 1999. Il a étudié à l’ENS, il a passé une agrégation de
philosophie, puis s’oriente vers la psychologie et la psychopathologie. Il entreprend une
première analyse avec J. Lacan, puis une seconde avec G. Favez. Anzieu est nommé
professeur de psychologie à Strasbourg, puis à Paris. Il participe à la mise en place de
l’Association Psychanalytique de France.

Il est dans la perspective de Freud, et s’intéresse à la création littéraire ; et


particulièrement aux écrits de Blaise Pascal ou encore Samuel Becket. Il s’intéresse aussi
à la création artistique, et aux groupes, en tant que psychologie collective.

Son œuvre psychanalytique reste profondément marquée par « la folie de sa mère » :

« Soignez ma mère en moi et chez les autres, soignez en eux cette mère menaçante et menacée »

II. Le concept de Moi-peau


Anzieu va définir le Moi, comme la peau : « le Moi-peau est une partie de la mère, particulièrement ses
mains » - 1974.

 Le Moi-peau désigne une représentation qu’utilise le Moi de l’enfant durant les phases précoces
de son développement pour se représenter lui-même à partir de ses propres expériences de la
surface du corps.

Anzieu accorde une grande importance au « handling » mais aussi à toutes les expériences sensorielles,
telles que les soins, le jeu, etc. Cette enveloppe laisse des traces à partir de ces expériences.

 Le Moi-peau est une barrière protectrice contre l’excitation, externe, mais aussi interne.

Ainsi, la peau vient marquer une limite. Comme la peau, le Moi-peau est un sac qui contient et qui retient.

 Il contient au départ des éprouvés, puis des représentations, des pensées, des affects.
 Il retient les soins et les paroles maternelles, les expériences rassurantes (cf. bon objet chez MK)

En ce sens, il joue un rôle de contenant pour la pensée, et les pensées seront le contenu.

III. Les fonctions du Moi-peau

1. La maintenance du psychisme : il donne un contenant qui lie et maintient ensemble les parties
éparses du psychisme naissant du nourrisson. Ainsi, il va contribuer à ce travail de liaisons des
différentes sensations.
2. La contenance : il enveloppe tout l’appareil psychique. Il contient les pulsions, en leur donnant des
limites.
3. Pare-excitation : il est constitué d’une structure en double feuillet (comme la peau) ; avec une couche
externe, qui protège la couche interne.
4. L’individuation de soi : il apporte le sentiment d’être unique, et la possibilité de se reconnaître et de
s’affirmer comme individu différencié et différent. Elle va rencontrer une étape importante, soit la
position dépressive, qui est ce sentiment d’être séparé et donc différent du corps de la mère.
5. L’inter-sensorialité : il évite le fonctionnement indépendant et anarchique des divers organes
d’essence. La carence de cette fonction entraîne des angoisses de morcèlement du corps.
6. Surface de soutien de l’excitation des zones érogènes : la peau est le lieu où sont localisées les
zones érogènes.
7. L’inscription des traces sensorielles tactiles : Le Moi-peau « est un parchemin originaire qui
conserve, à la manière d’un palimpseste, les brouillons raturés, surchargés, d’une écriture
originaire préverbale faites de traces cutanées ». – 1985.

IV. Le concept de groupe


Pour Anzieu, le groupe est une menace pour l’individu. La situation de groupe, est vécue comme une
menace pour l’unité corporelle, comme une mise en question du Moi. Dans les groupes assez vastes, les
autres sont ressentis comme étant identiques à Moi, ou comme n’ayant pas d’existence individualisée où
chacun court le risque dans cette situation d’avoir un Moi qui s’éparpille, comme si la personne était diluée
par le groupe.

 Cela peut aussi procurer du plaisir, car à ce moment-là l’individu partage quelque chose avec les
autres.

L’image commune aux membres du groupe est celle d’un corps morcelé : « le groupe n’a d’existence
comme groupe que lorsqu’il a réussi à supprimer cette image en la dépassant. C’est là le premier travail au
sens dialectique du groupe sur lui-même. »

 Il faut un temps d’adaptation aux membres d’un groupe afin d’en constituer véritablement un.

Ce travail psychique de chaque membre du groupe permet à chacun d’avoir une image unifiée du groupe,
une image du corps, dont chaque membre constitue une partie. Chacune de ces parties étant reliée à celle
des autres.

Pour Anzieu, le groupe, comme le rêve, permet la réalisation des désirs inconscients infantiles de ses
membres. Le groupe est un lieu où l’on peut régresser. Il possède aussi des frontières matérielles et
intellectuelles qui sont des lieux d’échanges et de conflits.

 « Un groupe est une enveloppe qui fait tenir ensemble des individus. Tant que l’enveloppe n’est pas
formée, il y a un agrégat humain, pas un groupe. »

L’enveloppe groupale contient une trame faites de points, de règlements implicites ou explicites, mais
également d’un réseau de paroles, de pensées, et d’actions permettant au groupe de se constituer un espace
interne et une temporalité spécifique.

 Temporalité spécifique : moment de naissance d’un groupe.


 Espace interne : tout ce qui est du registre à la fois conscient, mais aussi inconscient, de ce qui se vit
dans le groupe ; des tensions, des dépassements, etc. Il est l’équivalent d’un espace de pensée
collective.

L’enveloppe groupale comprend un feuillet à deux faces : une face externe qui permet les échanges du
groupe avec l’extérieur ; et une face interne sur laquelle se développe un état psychique trans-individuel
qu’Anzieu appelle le soi de groupe, faisant que le groupe a un soi qui lui est propre.
Le soi de groupe est : « un contenant à l’intérieur duquel une circulation fantasmatique et identificatoire
va s’activer entre les personnes, c’est lui qui rend le groupe vivant. »

 Le soi groupe est une enveloppe de la face interne, où circulent les différents fantasmes du groupe,
où on s’identifie aux uns et aux autres.

V. L’illusion groupale
Pour Anzieu en 1965, il existe une analogie entre le groupe et le rêve. Dans les deux cas, on observe un
processus de régression.

 L’illusion groupale, s’observe aussi bien dans les groupes naturels, que thérapeutiques, et
formatifs, mais pas dans les groupes aléatoires.

- Un groupe naturel peut être un groupe d’amis, un groupe professionnel, contraire à un agrégat
humain.
- Un groupe thérapeutique est un groupe utilisé dans les structures de soins (psychiatrique), aussi
bien chez les enfants, les adolescents ou les adultes. Pour certains d’entre eux, on va utiliser des
médiations, animées par des psychologues.
- Un groupe formatif permet de se former aux groupes.

L’illusion groupale est spontanément verbalisée par les membres du groupe, sous trois dimensions :

- Nous sommes bien ensemble.


- Nous constituons un bon groupe.
- Notre chef est un bon chef.

Il y a deux conditions à la mise en place de l’illusion groupale :

- Pour que les membres du groupe vivent celui-ci comme un bon groupe et devienne « le bon sein »
introjecté, il faut que se produise un processus de clivage permettant de trouver un mauvais objet :
« le mauvais sein ».

Autrement dit, le groupe doit nous amener de « la bonne nourriture », mais on introjecte ce bon sein et on
projette à l’extérieur du groupe, un mauvais sein.

- Il doit y avoir dans le groupe une idéologie égalitariste qui s’exprime par le désir de niveler les
différences entre les membres du groupe.

Ainsi, le « chef » a un statut différent, mais les autres membres du groupe doivent être au même niveau.

La situation de groupe éveille le fantasme de la destruction mutuelle des « enfants-fécès » dans le ventre
maternel. Ainsi, dans la théorie kleinienne, les autres, contenus dans le ventre maternel, sont des ennemis à
venir.

 Les autres sont des rivaux à éliminer, et des éliminateurs potentiels.

Face à ce fantasme persécutif, les participants du groupe élaborent des défenses individuelles. Par
exemple, le fait de garder le silence, il y a ceux qui essaient de prendre le leadership du groupe, la tentation de
constituer des sous-groupes. La situation groupale crée une menace de perte de l’identité du Moi, c’est-à-
dire, une menace de morcèlement.

 L’illusion groupale répond à un désir de sécurité, de préservation de l’unité du Moi, qui est
menacée. L’illusion groupale permet de remplacer l’identité de l’individu par une identité de
groupe : « à la menace visant le narcissisme individuel, elle répond en instaurant un narcissisme
groupal ».

Grâce à l’illusion groupale, le groupe trouve son identité avec des membres qui s’affirment tous
identiques. C’est un mécanisme de défense contre l’angoisse de morcèlement. Par exemple, dans les
groupes dits solidaires, on parle « d’esprit de corps », et on nomme « membre », les individus qui
composent ce corps.

L’illusion groupale illustre pour Anzieu, le fonctionnement dans les groupes du Moi-idéal. Le Moi-idéal, est
constitué par l’intériorisation de la relation duelle de l’enfant à sa mère.

Moi-Idéal : « image exaltante de la toute-puissance narcissique, image archaïque dans laquelle le sujet
cherche à entretenir une relation sur le mode fusionnel de l’identification primaire. »

 Image relative aux premiers mois de la vie, relativement archaïque et au fondement du


narcissisme. L’identification primaire correspond exactement au stade du miroir, il y a une
identification à une forme, contraire aux identifications secondaires, sexuées.

L’illusion groupale provient de la substitution au Moi-idéal de chacun, d’un Moi-idéal commun, qui se
manifeste par : le caractère chaleureux des relations entre les membres du groupe, la protection que le
groupe apporte aux siens, le repas de groupe est pour Anzieu la figuration symbolique d’une introjection
collective du sein.

Le Moi-idéal, dans la théorie de Lacan, correspond au Moi-Idéal dont nous parle Didier Anzieu, dans
l’illusion groupale. Cette dernière est la forme particulière que prend en groupe le stade du miroir. Dans
l’illusion groupale, les participants se donnent à travers le groupe un objet transitionnel commun, qui est
pour chacun, d’une part la réalité extérieure, le substitut du sein.

« A travers l’illusion individuelle et les productions culturelles qu’elle alimente et dont elle se nourrit, il
existe une illusion groupale, régression protectrice, transition vers la réalité inconsciente, intérieure, ou
vers la réalité sociale extérieure. ».

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