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À propos du souvenir-écran
Auteur(s) : Bernard Brusset
Mots clés : après-coup rétrograde – compulsion (de répétition) –
implication de l’analyste – remémoration – souvenir-écran

Par-delà les questions théoriques souvent traitées de la genèse et


de la structure, de la diachronie et de la synchronie, des rapports
du fantasme et du traumatisme comme événement dans la réalité,
du passé reconstitué ou reconstruit, de l’oubli et des différentes
strates psychiques de la mémoire, le point de vue sera d’abord
celui de l’expérience clinique et de la pratique en analyse. D’où,
par exemple, les questions suivantes :

– Si, dans la cure, la remémoration que produisent le rêve et le


transfert jouent le plus grand rôle, quelle place reste-t-il à la
mémoire consciente du passé vécu telle qu’elle se manifeste
dans la pensée associative ? Construction de l’espace
analytique par l’analyste ou reconstitution du passé vécu ?
D’où les questions fondamentales des rapports entre
remémoration et construction dans la psychanalyse : vérité
historique ou sentiment partagé de réalité effective du
souvenir ? L’idée de la régrédience dans l’écoute de l’analyste,
et dans le contre-transfert comme moyen d’accès à
l’irreprésenté du patient, conduit dans les moments forts de
l’analyse à la topique de l’interpsychique et, par-là, à des
constructions au sujet des traces mnésiques en deçà de l’ordre
des représentations.

– Que le souvenir soit souvent construit et reconstruit, utilisé


comme défense, comme rationalisation, implique-t-il qu’il

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doive être négligé par l’analyste ? La surdétermination après-


coup le rend-t-il ininterprétable ? Nos souvenirs sont nos
œuvres d’Art, disait Malraux, et ils s’enrichissent d’œuvres
d’Art, notamment de scènes de films ou de TV (inexistants du
temps de Freud, mais comparables à des images de rêves
gardées en mémoire).

Les souvenirs « oubliés », retrouvés en analyse, sont toujours


suspects d’être fabriqués en fonction du transfert et des
fantasmes qui lui sont liés, mais l’expérience vécue ne saurait être
ignorée. La référence au passé peut être une défense par rapport
à ce qu’active chez le patient l’actuel du transfert, mais la
référence à l’histoire singulière conjure le risque de la position
d’omnipotence de l’analyste qui ne connaîtrait que le hic et nunc
de la séance. La relation à l’inconnu de l’histoire maintient
l’ouverture et le cap de l’investigation. Cette perspective amène à
interroger la notion de régression historique (ou temporelle), par
rapport à régression formelle et régression topique, celle des
rapports entre l’enfance remémorée et le sexuel infantile, celle,
toujours suspecte de rationalisation, de la biographie explicative
et de l’usage extensif de la notion d’après-coup qui prétendrait
ignorer la question de l’avant-coup jusqu’à dissoudre toute
historicité. Par-delà l’amnésie due au refoulement, les limites de la
remémoration sont aussi les limites de la représentance
psychique, celle dont rend compte la première topique. D’où la
nécessité des constructions en analyse à partir des compulsions,
des agir, de l’hallucinatoire, de l’actualisation transférentielle des
traces mnésiques des étapes préverbales du premier
développement.

– L’interprétation par l’analyste d’un souvenir d’enfance peut être

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ressentie par l’analysant comme une intrusion qui le dépossède de


ce qui lui appartient, de sorte que l’interprétation a des conditions
: notamment, comme pour le rêve, celle des associations directes
ou indirectes du patient. L’attention ou l’inattention sélectives de
l’analyste sont évidemment fonction du contre-transfert, de son
identification imaginaire à son patient, de son empathie affective
et réflexive, et aussi de ses propres remémorations de l’enfance.
Dans le récit du souvenir d’enfance comme dans celui d’un rêve,
l’attention de l’analyste doit-elle privilégier l’action, la mise en
scène fantasmatique, ou les mots pour la dire et les associations
d’idées auxquelles elle donne lieu ? Où se retrouvent les débats
historiques sur le rêve de l’Homme aux loups…

– Tout souvenir d’enfance peut-il ou non être considéré comme


souvenir-écran ? Sa valeur expressive de l’inconscient dépend de
son statut métapsychologique, c’est-à-dire de son évaluation du
triple point de vue dynamique, économique et topique. Si la
traduction en français du mot allemand est plutôt « couverture »
(voire « couvercle » comme le préfère Granoff), l’« écran » en
français implique opportunément la double signification de cacher
et de révéler (comme écran de projection). Souvent ainsi, le
souvenir est considéré comme une mise en scène plus ou moins
théâtrale de la fantasmatique consciente ou préconsciente. Il a
moins que le souvenir dans les rêves, ou à partir des rêves, de
rapports avec la dimension proprement hallucinatoire de
l’inconscient. Au plus près de l’exemple initial donné par Freud
(« Prairie verte aux fleurs arrachées à Pauline », 1899), il s’agit
d’un souvenir conscient, clair, banal, celui d’une action dans un
jeu d’enfant, situé historiquement dans la mémoire biographique,
mais qui s’analyse comme un rêve, comme une formation de
compromis entre refoulement et fantasme inconscient illustrant le

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jeu des mécanismes de déplacement et de condensation. Mais


l’origine quasi-traumatique de ce souvenir est un événement de
l’adolescence.

Pour Freud, en 1899, à l’époque de son auto-analyse, des


souvenirs postérieurs pénibles organisent la fiction d’un souvenir
antérieur qui peut ou non être attesté par ailleurs. Il écrit : « Nos
souvenirs d’enfance nous montrent les premières années de la vie,
non comme elles étaient, mais comme elles sont apparues à des
époques d’évocation ultérieure. À ces époques d’évocation, des
souvenirs d’enfance n’ont pas émergé, comme on a coutume de le
dire, mais ils ont été alors formés, et toute une série de motifs,
bien éloignés de viser à la fidélité historique, ont influencé cette
formation aussi bien que la sélection des souvenirs » (p. 276). Il ne
s’agit pas de la cousine Pauline des jeux d’enfance mais de Gisela
Flüss, 15 ans, qui a exercé un grand pouvoir attractif sur le jeune
Freud lors de son retour, à 17 ans, dans les lieux de son enfance à
Freiberg. Par son auto-analyse, il rattache ce souvenir à cet
épisode très significatif de la violence pulsionnelle de la sexualité
génitale à l’adolescence : fantasme de défloration, fantasme de
viol… La séquence se termine par le retour régressif des deux
garçons auprès de la nourrice et du pain délicieux qu’elle leur
donne. Dans l’évolution de Freud adolescent, la sublimation
déplace l’attirance pour la femme par la passion des livres. A
noter que l’impact visuel de la robe de la jeune fille dans le
souvenir-écran semble avoir fait de la couleur jaune un signifiant
non verbal dont on peut suivre les effets dans la suite de l’œuvre
comme Granoff l’avait noté (Cf. Brusset, 2014 et 2017).

André Green, qui avait d’abord admis que tout souvenir d’enfance
pouvait être considéré comme souvenir-écran, a souligné ensuite

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(2000, p. 53) la singularité du souvenir-écran au sens restreint du


texte de Freud de 1899, fruit de son auto-analyse. Ni
réminiscence, ni reviviscence, ce souvenir conscient, coupé de ses
sources inconscientes, mélange en un ensemble « qui se donne
comme une unité temporelle apparemment cohérente des “pans”
de mémoire appartenant à des époques différentes […] en
manteau d’Arlequin, exemple même du temps éclaté ». L’analyse
devra le démembrer comme un rêve en rattachant ses éléments
hétérogènes à leurs sources respectives. Mais ces éléments
transformés ainsi réunis prennent sens dans leurs rapports : le
sens latent justifie leur regroupement. Green y voit « un des
exemples les plus frappants de la pensée structurale à l’œuvre
dans le texte freudien. Les relations entre les fragments
mnésiques valent plus que les fragments eux-mêmes. » Selon
Freud, le souvenir-écran contient l’essentiel de ce qui a marqué
l’enfance et même la référence aux fantasmes originaires. Suivant
son idée dans l’Abrégé (Freud OCF XX p. 254), on pourrait
supposer, là comme ailleurs, « un surinvestissement mnésique
susceptible de produire une sorte de synthèse de divers processus
au cours de laquelle l’énergie libre est transposée en énergie
liée. »

Mais, plus souvent, le souvenir en analyse paraît plus simple.


Peut-être faut-il admettre que les souvenirs, comme les rêves,
peuvent être plutôt du moi ou plutôt du ça : tout un gradient du
remémorable à l’inaccessible, de l’inconscient refoulé à
l’inconscient du ça, dénié et clivé et comme mises en acte
potentielles. Le souvenir peut avoir la fonction de souvenir-écran
sans avoir la richesse de celui de Freud ou encore n’être qu’un
fragment, qu’un souvenir-limite, une représentation-barrière dans
une grande proximité avec le traumatisme, avec l’irreprésentable.

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Un souvenir de Freud, situé à la fin de sa troisième année, donne


une excellente illustration de l’interprétation partielle défensive
du souvenir d’enfance : il se voit hurlant devant un coffre ouvert,
rassuré ensuite par la survenue de sa mère. Une première
interprétation fondée sur la vraisemblance est celle d’une menace
de son demi-frère plus âgé de l’enfermer dans le coffre. Il
comprend dans son auto-analyse qu’il avait imaginé sa mère
coffrée ; « coffrée » comme avait dit son frère de la gouvernante
accusée de vols et brusquement disparue : d’où la réassurance et
le plaisir de l’arrivée de la mère dont il note la sveltesse. Dans un
complément de l’interprétation, publié en 1924, il précise : svelte
c’est-à-dire non enceinte après la naissance de sa sœur, donc
n’ayant pas à craindre la répétition de cette vive contrariété. (Sur
la psychopathologie de la vie quotidienne : des souvenirs
d’enfance et des souvenirs-écrans, p. 133). On peut considérer que
le souvenir conscient, centré par l’angoisse, est en quelque sorte
couvert par l’interprétation banale du jeu cruel du frère le
menaçant de l’enfermer dans le coffre : une interprétation qui
occulte le sens exact beaucoup plus angoissant, celui de la
disparition de la mère après celle de la gouvernante. Et qui
privilégie la réalité perceptive externe et la réduction des enjeux
pulsionnels.

D’une manière générale, l’investissement perceptif de la réalité


comme extérieure à soi s’oppose aux fantasmes et Anna Freud a
tôt décrit la défense vis-à-vis du fantasme par la réalité (et de la
réalité par le fantasme). L’impossibilité de distinguer cliniquement
l’événement et le fantasme est une leçon souvent vérifiée en
analyse et l’actualisation transférentielle dans le processus
analytique montre souvent le passage de l’un à l’autre.
L’insistance sur la réalité du traumatisme peut témoigner du

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besoin légitime qu’il soit reconnu comme tel par l’analyste, mais
elle peut aussi chercher à agir sur l’analyste, à induire la
compassion à des fins défensives de rationalisation, de
déculpabilisation ou comme fondement du statut de victime
accusatrice, et de la demande de réparation. On connaît les
souvenirs fabriqués par adoption du récit de quelqu’un d’autre.
Chez Piaget, le souvenir assuré de son enlèvement sur les Champs
Elysées à 18 mois a été secondairement invalidé par les aveux de
l’alibi de la nourrice : il y voyait un argument contre la
remémoration en analyse.

Les souvenirs en analyse, à la faveur de la régression topique et


du transfert, confondent fantasme et réalité. On sait comment, aux
Etats-Unis, des souvenirs supposés induits par le thérapeute ont
été objets de plaintes en justice du fait de leurs conséquences
dans la vie et dans la famille du patient. Il reste que, pour Freud,
si la référence à l’histoire vécue est fondamentale en analyse,
l’accès au souvenir refoulé et aux traces mnésiques inconscientes
passe essentiellement par l’analyse du transfert et celle du rêve
(et celle des souvenirs remémorés en association sur le rêve). Le
transfert est transfert du passé à la mesure des modalités de la
répétition en analyse et des ressources de l’écoute
psychanalytique comme l’a bien montré le texte magistral d’Alain
Gibeault. Au-delà de la contrainte de répétition dans l’analyse des
névroses, les manifestations (diversement agies) de la compulsion
de répétition pose les questions les plus difficiles sur le plan de la
pratique et sur celui de la théorie. Green considérait la
compulsion de répétition comme la forme désespérée de la
remémoration. Elle requiert de l’analyste, comme les moments de
crise qu’elle produit, une implication particulière, une empathie et
une disponibilité créative. La théorisation de la pratique dans ces

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cas, a été au coeur du Colloque, comme elle est au cœur des


avancées de la psychanalyse contemporaine.

Références
Les références à l’œuvre de Freud sont données après le texte
d’Alain Gibeault.

Revue Française de Psychanalyse 1990, 4, La construction du


souvenir (rédacteurs J. Schaeffer et P. Denis)
Revue Française de Psychanalyse 1997, 4 : L’intemporel
(rédacteurs P. Chauvel et P. Denis)
Revue Française de Psychanalyse 2016, 2, La mémoire (et le
travail d’historisation) (rédactrices : K. Bournova et B. Ithier)

Livres et chapitres dans un livre :


André J., Les désordres du temps, Paris, PUF, 2010 (144 pages).
Botella C. et S., Pour une métapsychologie de la remémoration, in
Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique (le dehors
et le dedans), A. Green (Dir), Paris, PUF, 2006.
Boubli M. et Barbier A., Temporalités psychiques en psychanalyse
(le présent du passé)(dir.), Paris, In Press, 2015, 232 p.
Brusset B., L’actuel à l’adolescence. Revue Française de
Psychanalyse 5, 2014, 78, 1507-1512.
Brusset B., L’interprétation du souvenir d’enfance. Revue
Française de Psychanalyse 5, 2017 (à paraître).
Granoff V., Le souvenir couvercle, In La pensée et le féminin,
Paris, Minuit, 1976.
Green A., Le temps éclaté, Paris Minuit, 2000, p. 53.
Laplanche J., L’après-coup (Problématiques VI), Paris, PUF, 2006.
Roussillon R., Du jeu dans la mémoire. Revue Française de

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Psychanalyse 2016, 2, p. 335-360.

La texture des souvenirs


Auteur(s) : Clarisse Baruch
Mots clés : après-coup – mémoire (de l’analyste) – remémoration
– souvenir-écran – trauma/traumatique/traumatisme

Le premier entretien avec une patiente que j’appellerai Charlotte,


qui me décrivait d’emblée une scène traumatique d’abus sexuel
dans l’enfance, a été accompagné par un curieux sentiment : Son
récit, trop précis, amené trop facilement, m’a incité à m’interroger
sur la précision de l’image, et donc sur la place de ce souvenir
dans l’économie psychique de Charlotte. Dans l’après-coup, de la
cure et de ce travail d’écriture, je peux penser que ce souvenir
traumatique a pu s’être autrement déplié, qu’il a été repris,
retravaillé secondairement pour servir de souvenir-écran à la
construction œdipienne. Dans cette lecture, les abus sexuels
masquent/montrent les désirs incestueux vis à vis du père, objet
de refoulements, qui sont plus tard réapparus de façon
fantomatique, en émergeant de la brume. La place de la mère, au
premier plan du souvenir traumatique, prend alors une autre
dimension dans la traduction œdipienne secondaire.

Il s’agit d’insister ici sur le statut des souvenirs et sur


l’articulation entre leurs différentes qualités et leur fonction dans
l’économie psychique. En parallèle, l’on peut interroger sur le

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statut des souvenirs chez l’analyste lui-même. Et si les éléments


du discours du patient, qui se figurent avec cette curieuse
précision dans la mémoire de l’analyste, avaient la même place
psychique dans la cure que les souvenirs-écran du patient lui-
même ? Le travail du contre transfert permettrait alors de
s’appuyer sur les aléas de cette mémoire pour suivre les éléments
dynamiques de la cure.

À la suite de ce premier entretien, je lui proposai rapidement une


analyse, privilégiant la qualité de la relation, les éléments
névrotiques de son discours qui témoignaient d’inhibitions, de
refoulements sans cesse en activité et surtout la qualité de
l’angoisse que je percevais, une angoisse liée à l’objet, à sa
rencontre avec moi.

Petit à petit la scène inaugurale laisse deviner bien des


épaisseurs, à la façon du bloc-notes magique : il y a ce qui est
apparent sur la feuille et ce qui s’est inscrit sur la tablette de cire,
invisible au premier abord, traces mnésiques « sans forme et sans
image » selon Freud (1914), présentes en creux, en négatif
(Green). Cela, « l’analysé […] ne le reproduit pas sous forme de
souvenir, mais sous forme d’acte (Freud, ibid.). Je continue à
attendre que d’autres feuillets apparaissent derrière la netteté du
souvenir.

Freud a décrit en 1899 les souvenirs-écran comme étant


constitués d’éléments anodins masquant d’autres éléments
refoulés marqués par la sexualité infantile. Ce n’est pas le cas du
souvenir traumatique de Charlotte. Pourquoi donc les autres
caractéristiques du souvenir-écran m’apparaissent-elles
s’accorder avec son récit ? Peut-être en raison de la nature de son
récit, à la première séance, comme une carte de visite pré-

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imprimée par le pré-transfert. Je l’ai bien entendu comme un «


souvenir isolé, très net, échappé à l’amnésie infantile mais en fait
inconsciemment reconstruits […], un oubli sous forme de
souvenir », ce qui est la description du souvenir écran. (D.
Bourdin in Le Guen, p. 1049). Il me paraît pouvoir être traité
comme un souvenir inaugural non pas de ses troubles, mais de son
analyse avec moi, tant il est vrai que tout souvenir est un souvenir
écran, comme le rappelait A. Green et que tout souvenir écran est
une construction destinée à l’analyste, dans le transfert, comme le
souligne D. Brauschweig; m’apparaissent des potentialités pour
Charlotte, de passer d’un niveau à un autre, du traumatique au
refoulé. Mais, dans ce cas, que fallait-il oublier, de plus
dangereux, de plus toxique, de plus refoulé que le souvenir de cet
événement ?

Une autre texture de souvenir


Après quelques mois d’analyse, un autre courant se met en forme,
qui concerne, lui, le père. Et là, aux antipodes de la précision du
souvenir inaugural, il y a ces lambeaux de souvenirs, cette brume
qui envahit tout, ce brouillard d’où émerge des fragments,
concernant une préhistoire paternelle à la fois non-dite et toujours
sue.

Aux antipodes du souvenir inaugural et de la précision avec


laquelle il s’est inscrit dans ma mémoire, ceux-là je les ai
entendus, puis tout de suite oubliés, refoulés, comme on oublie un
rêve ou un fantasme. Ils ne me sont revenus que bien longtemps
après, assorti d’une intense gêne contre transférentielle : me
l’avait-elle vraiment raconté ? le doute était là, la brume aussi,
angoissants, oniriques, en miroir de la brume et des doutes de

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Charlotte.

J’ai bien eu conscience, au moment de ma remémoration, de la


richesse de cet événement contre-transférentiel. Ce doute, ce
vacillement identitaire (de M’Uzan) qui ont remis en question mes
propres souvenirs, mon activité psychique même, devait
certainement avoir une portée majeure. Il s’était passé en moi
quelque chose qui lui appartenait, de l’ordre d’une perte de
limites, et d’une contagion de l’angoisse. On peut y voir un
refoulement induit par les défenses du patient, nécessaire à la
cure, à condition que des rejetons viennent titiller la mémoire de
l’analyste. Mais tout autant un phénomène de contamination des
psychismes dans un registre bien plus archaïque. Ces lambeaux
qui ré-émergent interrogent le travail psychique de l’analyste, en
contrepoint de celui du patient. Dans un effacement de l’altérité,
Charlotte me branche directement sur son fonctionnement
psychique et efface le message en même temps qu’elle l’inscrit.
Puis, dans le mouvement de la cure, nos limites respectives se
sont restaurées de sorte que me sont revenues ses traces
mnésiques à elle.

La comparaison des deux qualités de souvenirs infantiles de


Charlotte et des traces qu’ils m’avaient laissées est un fil qui m’a
semblé important de suivre. L’analyste se construit ses
représentations de l’univers du patient, s’en forge une histoire
imagée, qui va fluctuer au cours du temps avec le travail de
l’après-coup, les remaniements du passé et la perlaboration. Les
images façonnées dans la mémoire de l’analyste sont à décoder
dans l’espace transféro-contre-transférentiel, et se révèlent
souvent aussi dépendantes du travail de la cure que les souvenirs
des patients eux-mêmes. L’ensemble de nos remémorations

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peuvent être examinées à la même mesure que tout souvenir du


patient, comme autant de reconstructions, de réaménagements,
témoins des mouvements de transferts et de contre transferts.
Charlotte a déposé son histoire traumatique en moi avec la
précision d’un souvenir écran, mais m’a imposé un refoulement
massif de ce qui a pu être vécu comme un deuxième temps du
traumatisme. La réactivation de la problématique incestueuse et
l’activité du fantasme de séduction se trouvent au premier plan
dans les deux souvenirs, mais il se pourrait bien que l’un masque
l’autre, de telle manière que Freud écrit « On peut distinguer un
souvenir écran rétrograde ou un souvenir écran anticipateur selon
que c’est l’un ou l’autre rapport temporel qui s’établit entre ce qui
fait écran et ce qui est recouvert ».

Comme l’écrit Evelyne Kestemberg, peu importe les évènements,


pourvu qu’on ait l’histoire (p.6). Et dans cette cure, les histoires
sont différentes selon le temps de la cure, les unes masquent les
autres, les souvenirs se précisent ou se floutent en fonction du
réglage de la longue-vue, lui-même fonction des espaces
psychiques et transférentiels. La confusion dans laquelle elle m’a
entretenue, dès que des enjeux œdipiens se profilaient,
contrastant avec la précision des souvenirs renvoyant à la cécité
maternelle m’a donné contre transférentiellement des éléments
essentiels. « Le contre transfert n’est pas seulement résistance, il
se manifeste par des séquences de représentations, d’absences
momentanées de représentations, d’affects » écrivait R Diatkine.
Les remaniements des histoires que se raconte l’analyste au sujet
de son patient sont à prendre comme autant de souvenirs
construits tout au long de la cure, témoins et acteurs des
modifications majeures de l’économie psychique des patients.

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Introduction théorique à la
question de la
remémoration
Auteur(s) : Alain Gibeault
Mots clés : agir – perlaboration – remémoration – répétition –
résistances

La question de la remémoration a toujours parcouru l’œuvre de


Freud, d’abord dès les « Etudes sur l’hystérie » (1895) avec le lien
entre le symptôme de conversion hystérique décrit comme un
symbole mnésique, nécessitant un travail psychique à rebours
pour retrouver le souvenir traumatique refoulé, puis dans cet
article princeps, « Remémoration, répétition et perlaboration »
(1914), jusque dans les derniers écrits, en particulier « L’homme
Moïse et la religion monothéiste » (1934-1938). Réfléchir en 2017
sur la « remémoration dans la cure » suppose de situer les
problèmes théorico-cliniques auxquels Freud a été confronté dans
l’évolution de son œuvre et de retrouver « l’impensé » de cette
œuvre à partir de la clinique d’aujourd’hui. Le texte charnière
qu’est « Remémoration, répétition et perlaboration » (1914) peut
nous servir de fil rouge pour effectuer cette réflexion théorico-
clinique.

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Remémoration
S’il s’agissait au départ de retrouver le lien entre le « rappel du
souvenir » et « l’abréaction », la découverte de l’association libre
impliquait de donner une place prépondérante à un travail de
remémoration consistant à « combler les lacunes de la mémoire »
et « à vaincre les résistances au refoulement ». La cure analytique
avait dorénavant pour but la levée de l’amnésie infantile et du
refoulement grâce à un travail de remémoration. Comme Freud
(1937d) l’écrira plus tard : « Ce qui est souhaité, c’est un tableau
fiable des années oubliées par le patient, tableau complet dans
toutes ses parties essentielles » (p. 62).

La compréhension actuelle du psychisme d’autrui par le


psychanalyste entraîne nécessairement une activité qui se tourne
vers le passé, que Freud (1937d) a souvent comparée au travail de
l’archéologie: «Son travail de construction ou, si l’on préfère, de
reconstruction, montre une large concordance avec celui de
l’archéologue qui exhume une demeure détruite et ensevelie, ou
un monument du passé» (p. 63).

Si Freud souligne ainsi l’analogie dans la visée reconstructrice, il


ne manque pas toutefois de souligner une différence quant aux
matériaux en cause : l’archéologie s’adresse à des objets détruits,
ce qui limite son ambition à n’atteindre selon son expression qu’ «
un certain degré de vraisemblance », alors que la psychanalyse a
affaire à des objets vivants, dont l’essentiel est entièrement
conservé, bien qu’inaccessible à l’individu. D’où, selon Freud, la
position plus favorable de la psychanalyse : « C’est une simple
question de technique analytique, que de déterminer si on
réussira à faire apparaître entièrement ce qui a été caché » (p.

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64). D’où l’idée d’une connaissance perfectible, qui devrait rendre


possible la redécouverte des traces du passé, ces temps mêlés et
juxtaposés tels que le suggère l’évocation freudienne de la ville de
Rome, et ses vingt- quatre siècles d’histoire inscrits dans ses
pierres. Mais depuis l’époque de Freud, l’archéologie a fait
également des progrès techniques, dans cette alliance avec
l’informatique, qui autorise maintenant une véritable résurrection
animée du monument, à partir d’indices infimes, comme en
témoigne la reconstitution du temple de Karnak sur l’écran et la
succession chronologique des différentes étapes de sa
construction ou plus récemment les efforts pour surmonter la
destruction des temples de Palmyre en les ressuscitant grâce à la
modélisation 3D.
La métaphore archéologique va de pair avec l’hypothèse de la
reconstruction du passé, selon une équivalence entre vérité
historique et réalité matérielle : ainsi que Freud (1929) le souligne
à propos du problème général de la conservation des impressions
psychiques : « Dans la vie psychique rien de ce qui fut une fois
formé ne peut disparaître, […] tout se trouve conservé d’une façon
ou d’une autre et peut, dans des circonstances appropriées, par
ex. par une régression allant suffisamment loin, être ramené au
jour » (p. 254). De ce point de vue le sens se trouve dans le monde
de l’objet, chez le patient, et l’analyse vise à la reconstruction
d’une vérité historique, qui a une valeur structurale et
universelle ; elle s’enracine dans une réalité matérielle retrouvée,
en l’occurrence la remémoration des souvenirs d’enfance
traumatiques, qui renvoient au-delà à l’action d’un « héritage
archaïque », l’héritage phylogénétique, qui vient fonder
l’universalité des fantasmes originaires par l’hypothèse d’une
réalité vécue dans la préhistoire de l’humanité.

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Les avantages de cette position sont certains. L’analyste échappe


ainsi à toute accusation possible de reconstruction arbitraire, et se
préserve lui-même de toute interprétation subjective qui pourrait
avoir valeur d’intrusion chez le patient : l’analyste se doit d’être
un miroir, et son travail se fonde sur un « déjà là », une « réalité
matérielle » qui a valeur de référent psychique objectif. D’où
l’idée d’un isomorphisme entre le présent et le passé : les conflits
inconscients vécus dans l’actualité de ]a cure analytique
reflèteraient exactement des conflits identiques dans le passé.
D’où l’idée également d’un déterminisme linéaire, d’une causalité
directe du passé sur le présent sur le modèle de la causalité
physique.

Des objections viennent immédiatement à l’esprit à propos de


cette conception objective de l’analyse. Malgré sa prédilection
pour l’archéologie, Freud lui-même a été amené à relativiser cette
hypothèse des retrouvailles avec la réalité matérielle. D’abord au
début de son œuvre lorsque sa neurotica fondée sur la théorie de
la séduction réelle a été mise en cause, et qu’il a ainsi découvert
l’importance du fantasme et de la réalité psychique.

Par ailleurs dès les « Etudes sur l’hystérie », Freud (1892)


découvre que la mémoire est associative et présente une véritable
« dynamique de la représentation » qu’il compare à une structure
complexe avec un noyau central pathogène, contenant les
souvenirs d’événements ou de pensées refoulés, et des strates
concentriques, contenant des thèmes qui s’éloignent de plus en
plus du centre : d’où l’idée du travail analytique, davantage axé
sur la recherche des enchaînements logiques entre les pensées et
les fantasmes, plutôt que sur la découverte d’une réalité
extérieure traumatique (p. 315). Dès lors l’idée sous-jacente qu’il

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faut compter davantage sur une vérité structurale et narrative que


sur une vérité historique.

Puis les souvenirs se sont révélés être souvent des souvenirs-


écrans ou souvenirs-couverture (Deckerinnerungen), qui
remettaient en cause la réalité matérielle des souvenirs :
souvenirs-écrans, car ces souvenirs, souvent intenses sur un plan
sensoriel et au contenu indifférent, sont peut-être projetés sur
l’écran de la mémoire consciente, mais ils font aussi écran à des
fantasmes et/ou des souvenirs refoulés ou les recouvrent : des
expériences ou fantasmes postérieurs reportés rétroactivement
dans l’enfance soit-disant innocente selon un déplacement décrit
par Freud (1899, 1900-1901) comme rétrograde ou des
expériences ou fantasmes infantiles inconscients antérieurs
renvoyant à une « impression indifférente de la période la plus
précoce » selon un déplacement décrit comme anticipateur ou
« déplacé vers l’avant ». D’où la conclusion de Freud (1899) : il
faut se demander « si nous avons des souvenirs conscients
provenant de l’enfance ou pas plutôt simplement se rapportant à
l’enfance » (p. 275, souligné par moi). Il faut dès lors conclure que
le travail de remémoration est, comme il le dit lui-même, « loin de
viser à la fidélité historique », et que la mémoire n’est jamais une
garantie de la vérité historique de nos souvenirs : la démarcation
entre fantasme et souvenir est sujette au doute et le souvenir est
un montage de souvenirs et/ou de fantasmes d’époques
différentes, ce qu’André Green (2000) a décrit comme le temps
éclaté. Nos souvenirs conscients renvoient à des traces mnésiques
inconscientes dont la réalité matérielle est indécidable.

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Répétition
Par ailleurs si pour Freud (1914) le travail de remémoration des
souvenirs est favorisé par le transfert positif, il souligne l’enjeu du
« transfert hostile ou excessivement fort », qui de ce fait nécessite
le refoulement et où « la remémoration cède aussitôt la place à
l’agir » (p. 191). Le transfert est répétition et suscite une
résistance majeure au travail de remémoration. L’acte répété tient
lieu de souvenir et élargit le domaine de ce qui devrait être
remémoré ; mais il témoigne d’une résistance de transfert ou tout
aussi bien d’une résistance au transfert et s’oppose de ce fait à la
visée de la remémoration qui est l’insight.

Entre la répétition comme résistance et la répétition comme


fondement de la nouveauté s’inscrit l’expérience du transfert dans
ses aspects à la fois narcissiques et objectaux. La visée du travail
interprétatif consiste justement à dépasser cette tendance à la
répétition de l’identique, qui certes préserve des angoisses de
mort et de non-représentation, mais au risque d’engendrer les
figures de la fermeture et de l’immobilité ; il s’agit en fait de
susciter un écart dans cette intention d’omnipotence, afin de
favoriser au contraire la répétition du même et ouvrir ainsi la voie
à de nouvelles productions psychiques. Cette contradiction est au
cœur d’un malentendu fondamental dans tout travail psychique.

C’est cet enjeu de la répétition, du transfert et de l’interprétation


que Freud anticipe avec ces remarques sur l’importance du
transfert négatif et de l’acte, qui remettent en cause la fonction
mutative de la remémoration. Cette problématique renvoie à la
possibilité de sortir d’une situation traumatique sans signification
pour l’insérer dans une histoire humaine et de passer ainsi d’une

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temporalité circulaire à une temporalité en spirale (M. Baranger,


W. Baranger et J.M. Mom, 1988). Elle concerne en fait la finalité
du processus analytique et les difficultés rencontrées autant dans
l’instauration que dans l’élaboration de ce processus.

On sait que pour Freud l’interprétation des résistances créées par


le transfert devait permettre de passer de la répétition agie à la
remémoration de ce qui est oublié et refoulé ; Freud (1914) donne
une définition précise : “Le transfert n’est lui-même qu’un
fragment de répétition et…la répétition est le transfert du passé
oublié, non seulement sur le médecin, mais également sur tous les
autres domaines de la situation présente” (p.190). D’où
l’importance accordée par Freud à une “tactique” interprétative
qui doit suivre “pas à pas” toutes les manifestations
transférentielles. Mais Freud a découvert progressivement que
l’insight dépendait non de la remémoration mais de la qualité du
transfert et des possibilités de transformation de l’acte en
représentations. C’était ouvrir le domaine des recherches sur les
enjeux des mécanismes de défense psychotiques, déni et clivage
du moi, auxquels Freud s’est attaché en introduisant ses
hypothèses sur la deuxième topique et la dernière théorie des
pulsions.

D’où la conclusion critique, à la fin de son œuvre, dans «


Constructions dans l’analyse », où Freud (1937) note : « La voie
qui part de la construction de l’analyste devrait se terminer dans
le souvenir de l’analysé ; elle ne va pas toujours aussi loin. Bien
souvent on ne réussit pas à amener le patient au souvenir du
refoulé. En revanche, en conduisant correctement l’analyse on
obtient chez lui une conviction assurée de la vérité de la
construction, ce qui du point de vue thérapeutique a le même effet

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qu’un souvenir recouvré » (pp. 69-70). Et il se demande alors


comment « un substitut apparemment imparfait » peut produire
quand même un « plein effet » et laisse la question ouverte pour
une « recherche ultérieure ».

Nous pourrions considérer ce tournant comme l’équivalent de la


remise en cause de sa neurotica, par la perte du fondement de la
vérité en analyse. Cette recherche a eu lieu et plus d’un auteur a
souligné l’impossibilité d’une résurrection intégrale du passé
parce que le refoulé, ou le clivé, ne sont jamais équivalents à
l’enseveli, à un vestige maintenu à la fois intact et inerte. Il s’agit
d’un processus dynamique, où le passé, aussi éloigné, infantile ou
archaïque qu’il soit, est toujours un passé actualisé dans un
présent, qui interdit la possibilité de retrouver une réalité
matérielle brute. De ce point de vue, il faut plutôt concevoir
l’analyse comme essentiellement un travail de construction d’une
vérité narrative, visant à rétablir une « cohérence » et une
« continuité psychique » chez le patient. C’est prendre au sérieux
la découverte freudienne de la connaissance par le processus
projectif qui organise toujours la perception, ce qui conduit à la
limite à supposer que le patient est appréhendé dans sa pensée et
dans sa vérité à travers le contre-transfert de l’analyste.

Dans cette perspective est valorisée l’interprétation dans le hic et


nunc, dans le présent de l’histoire vécue entre le patient et
l’analyste : conception subjective de l’analyse, fondée sur
l’équivalence entre vérité narrative et réalité psychique, qui rend
caduc tout projet de reconstruction d’une vérité historique, mais
qui perd de ce fait un rempart contre le risque d’interprétation
arbitraire.

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Perlaboration
La clinique des patients qui présentent des organisations non
névrotiques vient ici approfondir un questionnement que Freud
avait pressenti en introduisant le concept de perlaboration. Freud
(1914) évoque au-delà de cette paire contrastée
remémoration/répétition l’importance d’une « perlaboration »
(Durcharbeitung), où il s’agit de « laisser au malade le temps de
se plonger dans la résistance qui lui est inconnue, de la
perlaborer, de la surmonter, tandis que, défiant la résistance, il
poursuit le travail selon la règle fondamentale de l’analyse » (p.
195, souligné par moi). Qu’est-ce à dire, sinon que le travail
interprétatif exige de tenir compte d’une temporalité propre au
patient, où la dynamique du transfert, en tant que cœur du conflit,
si elle fait appel à une réorganisation topique (rendre conscient ce
qui est inconscient, « là où était du ça, du moi doit advenir »
(Freud, 1932, p. 163), est corrélative d’une réorganisation de
l’économie psychique. Si la perspective d’un changement topique
fait appel à une tactique interprétative, l’objectif d’un changement
économique demanderait plutôt que l’on adopte une stratégie, qui
fasse une place à la dimension d’un “temps nécessaire” à un
travail psychique chez le patient, témoignant de ses possibilités
d’identification à la fonction analysante de son analyste. Si la
tactique permet assez facilement de situer la finalité du processus
analytique en fonction de moyens à court terme, on voit que la
stratégie renvoie aux « modalités » d’exercice à long terme de
cette finalité : il s’agit de deux perspectives différentes dans
l’évaluation du « comment » faire pour que l’introjection de
l’analyste soit possible. L’objectif est de travailler sur les
conditions pour qu’un “espace psychique” s’organise chez un

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patient, qui lui permette de retrouver un contact avec ses pensées


et ses désirs, au-delà d’une intrusion possible d’autrui en raison
du pouvoir de suggestion propre au transfert.

La « perlaboration » fait ici référence à cette levée progressive


des résistances qui empêchent l’insight d’être effectif et de
produire un changement. Dans « Inhibition, symptôme et
angoisse », Freud (1925) décrit cinq types de résistance que l’on
peut ramener au poids conjugué ou conflictuel des résistances du
ça, du moi et du surmoi. Les résistances de transfert s’inscrivent
dans les résistances du ça, qui correspondent à “l’attraction des
prototypes inconscients sur le processus· pulsionnel refoulé”
(p.274) : ces résistances du ça renvoient aux représentations
psychiques précoces qui souvent persistent même après l’analyse
des résistances du moi et la suppression des contre-
investissements.

L’interprétation des résistances de transfert comporterait ainsi un


« reste » que Freud s’est essayé de comprendre après 1920 pour
expliquer les obstacles « durables » à l’achèvement du travail
analytique. On connaît ses réflexions sur le « roc biologique »
dans « L’analyse finie et l’analyse infinie », (Freud, 1937c)
correspondant au refus de la féminité dans les deux sexes ; il se
réfère aussi à une hypothèse davantage descriptive
qu’explicative : la viscosité de la libido, qui renvoie à une
« fidélité » excessive de l’investissement objectal, et participe en
fait d’une « inertie psychique », d’une absence de mobilité des
investissements. Les résistances de transfert, fondées sur les
possibilités de déplacement apparaissent ainsi susceptibles de
non-déplacement, ce qui peut justifier la nécessité de distinguer le
transfert, fondé sur la différenciation des imagos. et

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l’investissement transférentiel, plus massif et plus indifférencié,


témoignant de la prégnance du fonctionnement psychotique et de
la non-mobilité psychique (E. Kestemberg, 1981). La valeur
structurante de l’objet, dans sa fonction de liaison, serait ici en
fait déterminante pour affronter ces risques de “viscosité” et
“d’inertie”, qui peuvent transformer en fait les résistances de
transfert en résistances au transfert, et maintenir le règne de la
répétition mortifère.

Ces recherches font écho à tous les travaux sur les enjeux du
concept d’enactment dans le monde anglo-saxon. Le concept
d’enactment a été introduit il y a quelques décennies par
Theodore Jacobs (1986) et a été depuis une référence importante
dans différentes écoles psychanalytiques. Il s’agissait de montrer
comment dans l’analyse classique le transfert du patient peut
entraîner chez l’analyste une réaction contre-transférentielle
inconsciente correspondant à un agir dans le comportement ou
dans la parole ou inversement comment l’impact du contre-
transfert de l’analyste peut intervenir dans les agirs du patient. Ce
phénomène clinique peut ainsi être induit soit par le patient, soit
par l’analyste ou être réciproque.

Ces réflexions rejoignent celles de Jean-Luc Donnet (2005) qui a


introduit l’hypothèse d’un agir dans le comportement ou la parole
pouvant susciter un contre-agir chez l’analyste. Il a proposé une
théorie générale de la mise en acte, qui n’est pas sans rappeler les
enjeux de la théorie de l’enactment, comme processus de
transformation entre l’agir et la parole. Tout comme les analystes
anglo-saxons qui ont contribué à l’élaboration du concept
d’enactment, il se réfère au concept freudien paradoxal d’agieren,
à savoir l’agir comme ce qui à la fois favorise et empêche le

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processus analytique. La répétition du transfert est aussi bien un


agir qu’un processus de transformation : le concept d’enactment
renvoie à un processus entre une « mise en acte » et ce que nous
pouvons comprendre comme une « mise en scène », de l’agir à un
travail de représentation. De ce point de vue les discussions sur
les traductions possibles du terme anglais enactment, mise en
acte et/ou mise en scène, pourraient être comprises comme une
question théorique impliquant le concept lui-même. Comme le
souligne Donnet (2005), « l’insistance sur une perspective
transformationnelle conduit à ne pas tant se préoccuper de la
significativité de l’agir que de sa nécessité processuelle, c’est-à-
dire de sa place dans l’économie transféro-contre-transférentielle
de la situation analysante » (pp.42-43, souligné par moi).

Dans cette perspective, il est important de rappeler ce qu’André


Green (1990) remarquait : « La psychanalyse n’est que
relativement peu concernée par la remémoration ; son objet
véritable est la temporalité » (p. 947). C’est déjà ce que l’enjeu de
la remémoration dans la névrose et l’importance de l’après-coup
pouvaient souligner. Freud a souvent lié cette possibilité aux
souvenirs ou fantasmes de l’époque du langage verbal entre deux
et cinq ans. Mais il s’est aussi interrogé à la fin de son œuvre sur
les souvenirs qui pouvaient dater de l’époque de la naissance
jusqu’à deux, ans avant l’apparition du langage : «A partir des
psychanalyses de personnes individuelles nous avons appris que
les impressions les plus précoces, enregistrées à une époque où
l’enfant était à peine capable de parler, manifestent à un moment
quelconque des effets à caractère de contrainte, sans que ces
impressions elles-mêmes soient consciemment remémorées »
(Freud, 1934-1938, p. 209).

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Cette problématique évoque la nécessité dans ces cas de


construire la possibilité d’un après-coup et d’un accès à l’histoire
vécue et remémorée. Une remarque de Freud dans le fameux
article de 1914 en donne une indication : « S’agissant d’une sorte
particulière d’expériences vécues extrêmement importantes qui se
situent dans les tout premiers temps de l’enfance [et dont] le plus
souvent aucun souvenir ne peut être éveillé […] leur retour dans
les rêves est un sujet [qui] requiert tant de prudence critique et
apporte tant d’éléments nouveaux et déconcertants » (p. 189).
Une mémoire du rêve pourrait contribuer aussi à la mémoire
diurne du souvenir remémoré, mais alors n’y a-t-il pas un risque
de perdre le fondement de la vérité historique ? Dans un article
remarquable sur la mémoire du rêve, Sara Botella (2013) nous
permet de comprendre davantage le conflit épistémique dans la
théorie freudienne et d’approfondir les enjeux de la remémoration
dans la cure en situant la fonction topique et économique des deux
mémoires. Il faut supposer que le souvenir remémoré est issu de
la même contrainte à décharger que le rêve : « Se souvenir serait
lui aussi à comprendre en tant que travail endohallucinatoire et
non seulement comme la découverte des vestiges du passé » ; la
différence entre rêve et mémoire réside surtout dans leur degré
de régrédience. Le souvenir propre à la remémoration diurne ne
peut atteindre qu’une régrédience limitée et à l’opposé le rêve n’a
pas cette limitation : « C’est sa pleine qualité endohallucinatoire
qui lui donne accès à des zones mémorielles pour ainsi dire,
situées au-delà du souvenir représenté » (p.164). La mémoire du
rêve vient ici compléter les acquis de la mémoire diurne et permet
de comprendre ce que Freud évoquait de la conviction
hallucinatoire consécutive à la construction en analyse et des
traces mnésiques sensorielles échappant à la remémoration. C’est
aussi une approche permettant de donner une place à la mémoire

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du rêve dans sa fonction, non d’accomplissement de souhait


(réalisation de désir) infantile, mais de « tentative d’un
accomplissement de souhait » (S. Freud, 1932, p.111), de liaison
et de maîtrise des traumatismes infantiles précoces et des
expériences d’effroi sans images et sans langage. De ce point de
vue cette idée conforte l’hypothèse d’Haydée Faimberg (1987) de
la validation de nos constructions par la résolution d’une énigme
transféro-contre-transférentielle.

La dimension de la transitionnalité est un processus inhérent à la


cure qui peut permettre de résoudre les apories à propos de la
construction/reconstruction et de la vérité en psychanalyse :
l’opposition entre vérité narrative et vérité historique n’est pas
directement superposable à l’opposition réalité psychique et
réalité matérielle. La réalité matérielle est en fait une construction
du sujet selon l’hypothèse de la primauté de l’hallucination de la
satisfaction et contient dès lors une dimension de vérité narrative.
Inversement la réalité psychique est également fondée sur des
faits historiques et leur possible reconstruction, tout comme
l’hallucination de la satisfaction se figure à partir d’éléments
provenant de la perception et de la réalité matérielle. Malgré la
falsification des souvenirs, Freud a maintenu l’importance d’une
référence à la réalité événementielle.

D’où l’impossibilité en fait de distinguer réalité psychique et


réalité matérielle, bien qu’il soit fondamental de maintenir leur
différenciation, tout comme de conserver l’articulation entre
vérité narrative et vérité historique. Or n’est-ce pas la dimension
de la transitionnalité qui détermine justement le lieu où une telle
dialectique est possible sans qu’il soit nécessaire de se poser la
question de l’origine : intérieur ou extérieur, passé ou présent,

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construction ou reconstruction. Le travail analytique ne peut


mieux se définir que par la proposition d’un jeu qui permet de
sortir de la répétition du fait même d’une dialectique possible
entre le champ de l’illusion et celui de la désillusion. A cette seule
condition peut se constituer le sens qui est ici corrélatif de la
découverte d’un objet trouvé/créé. La remémoration dans la cure
suppose de ce fait de dépasser le clivage freudien entre la
mémoire diurne et la mémoire du rêve et de maintenir
l’articulation entre remémoration du souvenir, répétition de l’agir
et perlaboration des résistances, conditions essentielles pour une
ouverture à la dimension de la temporalité et de l’historicité.

Références
Baranger M., Baranger W., Mom J. M. ( 1988), The infantile
psychic trauma from us to Freud: pure trauma retroactivity and
reconstruction, in Int. J. Psychoanal., 69, 1, pp. 113-128.
Botella S. (2013), La mémoire du rêve. Un conflit épistémique
dans la théorie freudienne, in Revue Française de Psychanalyse, t.
77, n° 1, pp. 160-169.
Donnet J.-L. (2005), La situation analysante. Paris, Presses
Universitaires de France, 216p.
Jacobs T. (1986), On Countertransference Enactments, in Journal
of the American Psychoanalytic Association, 34, 289-307.
Faimberg H. (1987), Le télescopage des générations. A propos de
la généalogie de certaines identifications, in Psychanalyse à
l’Université, 12, 46, pp. 181-200.
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et S. Freud, in Œuvres complètes. Psychanalyse, II, 1893-1895.
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complètes, Psychanalyse, III, 1894-1899. Paris, PUF, 1989,


pp.253-276.
Freud S. (1900-1901 [1901b)], Sur la psychopathologie de la vie
quotidienne, in Œuvres complètes. Psychanalyse, V, 1901. Paris,
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Freud S. (1914 [1914g]), Remémoration, répétition et
perlaboration, in Œuvres complètes. Psychanalyse, XII,
1913-1914. Paris, PUF, 2005, pp. 185-196.
Freud S. (1925 [1926d]), Inhibition, symptôme et angoisse, in
Œuvres complètes. Psychanalyse, XVII, 1923-1925. Paris, PUF,
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à la psychanalyse, in Œuvres complètes. Psychanalyse, XIX,
1931-1936., Paris, PUF, 1995, pp. 83-268.
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2010, pp.13-55.
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Freud S. (1934-1938 [1939a]), L’homme Moïse et la religion
monothéiste, in Œuvres complètes. Psychanalyse, XX, 1937-1939.
Paris, PUF, 2010, pp. 75-218.
Green A. (1990), La remémoration : effet de mémoire ou
temporalité à l’œuvre, in Revue Française de Psychanalyse, t. 54,
n° 4, pp. 947-972.

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2017 : La remémoration
dans la cure
Auteur(s) : Bernard Brusset – Évelyne Chauvet – Pierre Decourt
Mots clés : cure – remémoration

Accueil

À propos du souvenir-écran

Organisation : B. Brusset, E. Chauvet,


P. Decourt
Il n’est pas possible de publier les cas cliniques rapportés ni leur
discussion lors du colloque, de sorte que sont présentés ici rois
textes : celui d’Alain Gibeault qui servit d’introduction théorique
et qui est aussi une mise au point au sujet de la remémoration ;
celui de Clarisse Baruch de réflexion après sa présentation
clinique et le débat qui a suivi ; celui de Bernard Brusset qui
reprend et développe l’argument initialement proposé aux
intervenants.

La première présentation clinique a été faite par Françoise Seulin


et commentée par Ellen Sparer ; la seconde a été faite par

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Clarisse Baruch et commentée par Bernard Bensidoun. Six


ateliers ont été animés, à parité Paris-Régions, par un membre
titulaire et un membre adhérent (ou par deux membres adhérents)
: Béatrice Braun-Guedel et Roland Havas, Jérome Glas et Béatrice
Ithier, Valérie Gloagen et Daniel Irago, Marie-Christine Jeannetot
et Benoit Servant, Sylvie Sabatier et Vincent Rebière, Arlette
Rizzo et Françoise Moggio.

Introduction théorique à la question de


la remémoration

Alain Gibeault
2017
La question de la remémoration a toujours parcouru l’œuvre de
Freud, d’abord dès les « Etudes sur l’hystérie » (1895) avec le lien
entre le symptôme de conversion hystérique décrit comme un
symbole mnésique, nécessitant un travail psychique à rebours
pour retrouver le souvenir traumatique refoulé, puis dans cet
article princeps, « Remémoration, répétition et perlaboration »
(1914), jusque dans les derniers écrits, en…

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La texture des souvenirs

Clarisse Baruch

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2017
Le premier entretien avec une patiente que j’appellerai Charlotte,
qui me décrivait d’emblée une scène traumatique d’abus sexuel
dans l’enfance, a été accompagné par un curieux sentiment : Son
récit, trop précis, amené trop facilement, m’a incité à m’interroger
sur la précision de l’image, et donc sur la place de ce souvenir
dans l’économie psychique de Charlotte. Dans l’après-coup, de
la…

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À propos du souvenir-écran

Bernard Brusset
2017
Par-delà les questions théoriques souvent traitées de la genèse et
de la structure, de la diachronie et de la synchronie, des rapports
du fantasme et du traumatisme comme événement dans la réalité,
du passé reconstitué ou reconstruit, de l’oubli et des différentes
strates psychiques de la mémoire, le point de vue sera d’abord
celui de l’expérience clinique et de la…

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Les déliaisons dangereuses


Auteur(s) :
Mots clés : destructivité – pulsion de mort

Dans cet ouvrage, Denys Ribas nous fait partager son expérience
de 25 ans de travail et de recherche psychanalytiques, en
particulier sur l’autisme infantile. Il a été directeur d’un hopital de
jour pour enfants pendant de nombreuses années.

Non seulement à partir de sa clinique, mais aussi d’oeuvres


cinématographiques ou littéraires il nous aide à comprendre les
rapports entre la pulsion de mort, le temps et l’originaire chez
l’adolescent et l’enfant psychotiques. Dans ces pathologies la
désintrication des pulsions peut ètre particulièrement poussée
libérant une libido adhésive et une pulsion de mort qui fige et
démantèle.

Denys Ribas nous présente sa conception de la pulsion de mort


étayant la définition de Freud (tendance au retour à l’inorganique,
diminution des tensions), qui en fait une pulsion sans énergie .Il
préfère la voir dans l’intrication avec la pulsion de vie pouvant
aboutir à des déliaisons qui ne sont pas toutes dangereuses(par
exemple dans le deuil et la sublimation).

Il rejoint par là les conceptions de Benno Rosenberg, avec qui il a


travaillé, sur le masochisme gardien de la vie (pulsion de mort
intriquée à la pulsion de vie), et sur la prise en compte du devenir
de la part libidinale désintriquée en cas de déliaison des pulsions.

Il est proche de la fonction désobjectalisante de Green: l’analysant

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s’isole et désinvestit aussi son fonctionnement interne, ce qui peut


s’appliquer à une autre échelle au fonctionnement des enfants
autistes.

Pour travailler avec les pathologies actuelles (addictions, états-


limites, troubles alimentaires, maladies psychosomatiques,
pathologies narcissiques, autisme infantile), avec leur
destructivité, Denys Ribas utilise le modèle théorique de la
deuxième théorie des pulsions.

Il souligne l’importance de cet appui théorique pour le


psychanalyste qui doit”survivre” lorsqu’il est confronté à ces
patients en puisant dans un masochisme et un narcissisme bien
tempérés.

À la suite de plusieurs auteurs (Freud, Bion, Winnicott), Denys


Ribas s’interroge sur les effets traumatiques du déchainement de
la destructivité lors de la guerre comme la guerre d’Algérie par
exemple, chez les acteurs et leurs descendants.

Enfin il insiste sur la fonction intriquante du psychanalyste tout au


long de la cure: à la fois par l’investissement positif du
fonctionnement psychique de son patient, contenu par la
neutralité analytique, et par le soutien de ses repères théoriques
qui permettent une mise en sens.

M.Combes-Lepastier.

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Psychanalyse et terrorisme
– L’effroi peut-il s’élaborer ?
Auteur(s) :
Mots clés :

Accueil » Débats en psychanalyse


Les volumes des Débats en psychnalyse sont disponibles sur le
site des PUF : www.puf.com/Collections/Débats_en_psychanalyse

Psychanalyse et terrorisme
– L’effroi peut-il s’élaborer ?

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Sous la direction
d’Évelyne Chauvet
Auteurs
René Roussillon, Thierry Bokanowski, Jacques André, Catherine
Chabert, Denys Ribas, Julia Kristeva, Jean-Claude Stoloff,
Françoise Coblence, Jean-Louis Baldacci, Robert Asséo, Gilbert
Diatkine, Évelyne Chauvet, Laurent Danon-Boileau, Isabelle
Martin-Kamieniak, Michel Granek, Rachel Rosenblum
Accéder à la page de la publication sur le site des PUF
Résumé

Que peuvent les psychanalystes en des temps de terreur


collective, de sidération et d’effroi ? Comment peuvent-il favoriser

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la sortie du trauma, le retour à une dynamique de vie intérieure


qui puisse s’inscrire à nouveau dans le temps partagé et la
relation à l’autre ? Depuis 2015, les attentats nous rappellent
constamment la nécessité d’une telle réflexion. Pour un
psychanalyste, il y a urgence à favoriser la vie psychique, avant
tout, malgré tout, à tout prix. Il y a également urgence à saisir le
chemin qu’emprunte la perversion des idéaux dans ses
déchaînements mortifères.

Sommaire

Évelyne Chauvet La vie psychique, à tout prix


Rachel Rosenblum Si la mort vous effleure
La vie psychique, malgré tout
L’effroi et la question du traumatisme
Thierry Bokanowski
dans la théorie freudienne
Denys Ribas Survivre, revivre, vivre
Robert Asséo Le temps du trauma
René Roussillon Survivre à l’effroi
Jean-Claude Stoloff Continuer à investir
Redéploiements
Françoise Coblence Le traumatisme, le collectif et l’individuel
Jacques André Les visages
Michel Granek Effroi, sidération, fantasme
Isabelle Martin- Du traitement de l’urgence à la relance de
Kamieniak la vie psychique
Amour de la vérité et perversion des idéaux

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Jean-Louis Baldacci Le goût de la vie


Catherine Chabert L’imposture
Gilbert Dialtkine La perversion des idéaux et le surmoi
Quelle liberté ?
Julia Kristeva La vie psychique en temps de détresse
Laurent Danon-
Post-scriptum
Boileau
Caractéristiques

Lien BSF : Lien vers la notice

Nombre de pages: 300Code ISBN: 978-2-13-078696-2 Numéro


d’édition: 1Format : 12.5 x 19 cm

Prix : 25€

L’évolution de la psychiatrie
de l’enfant et la
psychanalyse
Auteur(s) : Gilbert Diatkine
Mots clés :

Conférence du 19 décembre 2017 par Gilbert Diatkine

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Conférence Benno
Rosenberg
Auteur(s) : Denys Ribas – Évelyne Chauvet – Marilia Aisenstein
Mots clés : angoisse – masochisme – pulsion de mort

PULSIONS, ANGOISSE , MASOCHISMES dans l’œuvre de Benno


Rosenberg
SAMEDI16DÉCEMBRE2017

Ouverture avec Hélène ROSENBERG


Denys RIBAS : Pulsion de mort, angoisse et naissance psychique
15h30 – 16h30
Evelyne CHAUVET : Rappel des bases théoriques sur le
problème économique du masochisme (Freud) et prolongements
de Benno Rosenberg.
Marilia AISENSTEIN : Le masochisme secondaire, rattrapage du
noyau masochique primaire manquant dans la clinique
psychosomatique et les pathologies actuelles.

Conférence Hommage Benno Rosenberg – 2ème Partie

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Corps malade et surmoi


Auteur(s) : Claude Smadja
Mots clés : corps – surmoi

Conférence de Claude Smadja le 14 octobre 2017 discutée par


Jean-Louis Baldacci.

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